Skip to main content

Full text of "Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers"

See other formats


t>". 


3te 


*% 


y* 


&*- 


/Qf 


m  %> 


■ 


# 


m 


'SçrrV 


■ 


■ 


V- 


w 


a* 


1&  "* 


a«* 


*      * 


w 


<? 


m. 


»' 


» 


*£*  «^ 


H 


%£* 


>^# 


i%f 


*v« 


m 


\ 


4 


< 


ENCYCLOPEDIE, 

ou 

DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES  ARTS  ET  DES  MÉTIERS. 

T  RO  IS  IEME   È  DITION 

m 

TOME    DOUZIEME. 


I 


' 


ENCYCLOPÉDIE, 

O  U 

DICTIONNAIRE  RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES  ARTS  ET  DES  MÉTIERS, 

PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES. 

Mis    en   ordre  &   publié    par    M.  DIDEROT  ;   &    quant   à  la    Partie 
Mathématique,   par  M.  D'ALEMB ERT. 

Tantùm  ferles  junSuracjue  polie  t, 
Tantùm  de  medlo  fumptls  accedlt  honoris  J  Ho  RAT, 

TROISIEME      ÉDITION. 


=âSS£- 


TOME    DOUZIEME. 

1    *  &%$&• 


•> 


A     GENE   V  E, 

Chez  Jean-Léonard   Pellet  ,   Imprimeur  de  la  République, 
A     NEUFCHATEL, 

Chez    la   Société    Typographique. 


•.'        r 


M.     D  C  C.     L  XX  VI IL 


AUAMS 


ENCYCLOPEDIE, 


o  u 


DICTIONNAIRE    RAISONNÉ 

DES    SCIENCES, 

DES     ARTS     ET     DES     MÉTIERS. 


E  L  G 

LCANA,  {Hift.facr.)  de 
la  tribu  de  Levi  ,  père  de 
Samuel  &  mari  d'Anne  ,  étoit 
de  Ramatha  ,  du  canton  de  So- 
phim.  En  allant  à  Silo  où  étoit 
l'arche ,  il  confoloit  fa  femme  qui  gémifïbit 
defaflérilité.  Les  larmes  &  les  vœux  d'Anne 
méritèrent  que  Dieu  leur  donnât  un  fils  , 
qu'ils  offrirent  au  Seigneur.  Il  y  a  encore 
du  même  nom  un  petit- fils  de  Coré  ,  un  pre- 
mier miniflre  du  roi  Achaz  ,  deux  lévites  & 
quelques  autres. 

ELCATIF  ,  (  Géograph.  mod.  )  ville  de 
PArabie  heureufe  fur  la  côte  occidentale  du 
Golfe  Perlique.  Long.  70  ,  40  ;  lat.  16. 

ELCESAITES,  ou  HELCESAITES , 
nu  ELCESAIENS  ,  comme   les    appelle 


E  L  C 

Théodoret ,  hérétiques  qui  parurent  au  com- 
mencement du  fécond  fiecle  ,  &  qui  prirent 
leur  nom  d'Elcéfaï  ou  d'Elxaï ,  leur  chef. 
Elxaï  étoit  Juif  d'origine  &  de  fentiment , 
mais  il  n'obfervoit  pas  la  loi.  Il  fe  préten- 
dit inipiré  ,  compofa  un  livre  où  il  or— 
donnoit  à  ùs  fe&ateurs  une  forme  de  fer- 
ment myflérieux  par  le  fel  ,  l'eau  ,  la  terre , 
le  pain  ,  le  ciel ,  l'air  &  le  vent.  D'autres 
fois  il  leur  ordonnoit  de  prendre  fept  au- 
tres témoins  de  la  vérité ,  le  ciel ,  l'eau  ,  les 
elprits ,  les  SS.  anges  de  la  prière  ,  l'huile  , 
le  fel  &  la  terre.  Des  livres  de  l'ancien 
&  du  nouveau  Teftament  ,  il  n'admettoit 
que  quelques  parfàges  détachés.  Ce  pré- 
tendu prophète  contraignoit  {es  feâateurs. 
au  mariage.  Il  difok   qu'on  pouvoit  làfts 


6  E  L  C 

pécher  ,  céder  à  la  perfécution  ,  adorer  les 
idoles ,  &  diflimuler  fa.  foi  au  dehors  , 
pourvu  que  le  cccur  n'y  eût  point  de  part: 
il  reconnoiffbitle  Chriftpour  le  grand  roi  ; 
mais  il  ne  paroifîoit  pas  clairement,  par  Ton 
livre ,  fi  Tous  ce  nom  il  défignoit  Jefus- 
Chrifl  ou  s'il  en  entendoit  un  autre.  Il  dé- 
fendoit de  prier  vers  l'orient ,  &  vouloit 
qu'on  tournât  le  vifâge  vers  Jérufalem  en 
quelque  pays  que  l'on  fût.  Il  condamnoit 
les  facrifices  comme  indignes  de  Dieu ,  & 
ne  lui  ayant  ,  difoit-il ,  été  offerts  ni  par 
les  pères  ,  c'efl-à-dire  les  patriarches  ,  ni 
en  vertu  de  la  loi.  Il  défendoit  de  manger 
de  la  chair  comme  faifoient  les  Juifs  ,  & 
rejetoit  l'autel  &  le  feu  ;  mais  il  croyoit  que 
l'eau  étoit  bonne  ,  ce  qui  pourroit  faire 
conjecturer  qu'il  admettoit  une  forte  de 
baptême. 

Elxaï  décrivoit  le  Chrifl  comme  une 
vertu  célefîe  qui,  née  dès  le  «commence- 
ment du  monde  ,  avoit  paru  de  temps  en 
temps  feus  divers  corps ,  &  il  en  décrivoit 
ïiinfi  les  dimenfions  :  vingt-quatre  fchœnes 
en  longueur ,  c'eft-à-dire  quatre-vingt-feize 
mille  pas  ;  fix  fchœnes  en  largeur  ,  ou  vingt- 
quatre  mille  pas  ,  &  l'épaifTeur  à  -propor- 
tion. Ces  mefures  femblent  avoir  été  for- 
gées fur  une  interprétation  grofîîere  de  ces 
paroles  de  S.  Paul  aux  Ephéfiens,  ch.  iij  y 
ir  ?  8  y  utpojjitis  comprehendere  cum  om- 
nibus fanctis  ,  quee  fit  latitudo  y  &  longi- 
tudo  y  &  fublimitas  y  &  profundum.  Par 
une  erreur  femblable  ,  il  donnoit  au  faint 
Efprit  le  fexe  féminin  ,  parce  qu'en  Hébreu 
rouats  ou  rouach  y  qui  lignifie  efprit  y  eu 
de  ce  genre.  Il  le  faifbit  femblable  au 
Chrifl  &  polé  devant  lui  ,  droit  comme 
une  ftatue  ,  fur  un  nuage  entre  deux  mon- 
tagnes ,  &  toutefois  invifible.  Il  donnoit 
à  l'un  &  à  l'autre  la  même  mefure ,  & 
prétendoit  l'avoir  connue  par  la  hauteur 
des  montagnes  ,  parce  -que  leurs  têtes  y 
atteignoient.  Enfin ,  il  enfeignoit  dans  fon 
livre  une  prière  en  termes  barbares ,  dont 
il  défendoit  de  chercher  l'explication ,  & 
que  faint  Epiphane  traduit  ainfi  :  la  baf- 
fejfe  y  la  condamnation  y  Voppreffwn  y  la 
peine  de  mes  pères  efl  pajfée  par  la  mijjîon 
parfaite  qui  efl  venue.  Ce  père  ,  Ongene 
&  Eufebe  ont  parlé  des  Elcéfaïtes.  Le 
premier   les  nomme  auûî  Samfe'ens  y   du 


E  L  E 

mot  hébreu  famés  9  qui  lignifie  le  foie  il. 
Scaliger  s'efl  trompé  en  prétendant  qu'Elxaï 
étoit  le  même  qu'EJ/aïou  E^en  ;  &  par 
une  fuite  de  fa  première  erreur,  il  a  con- 
fondu les  Elcéfaïtes  avec  la  fèàe  des  Ef- 
féens.  Les  difciples  d'Elxaï  fe  joignirent  à 
ceux  d'Ebion  ,  &  gardoient  comme  eux  la 
circoncifion  ;  ils  fu  brillèrent  plufieurs  fie- 
cles ,  quoiqu'Eufebe ,  liv.  VI y  ch.  xxxviij  y 
allure  le  contraire.  Fleury ,  hift.  eccle'f  liv. 
I y  tome  II y  page  zgz  &gz.  (G) 

ELCHE  ,  (  Géograph.  mod.  )  ville  du 
royaume  de  Valence  en  Efpagne.  Elle  eQ. 
fituée  fur  la  Segre.  J^ong.  17  ,  25  ;  lat. 
38,   .10. 

ELDAGSEN  ou  ELDAGSHAUSEN , 
(  Géogr.  )  petite  ville  d'Allemagne  ,  dans 
le  cercle  de  bafTe  Saxe ,  dans  l'éle&orat 
d'Hanovre  ,  &  dans  la  principauté  de  Ca- 
lenberg.  Elle  efl  ancienne  &  faifoit  jadis 
partie  du  comté  de  Hallermunde  :  elle 
avoit  des  murs  &  des  foffés  ;  elle  avoit 
jurifdiclion  criminelle  &  civile  ,  &  elle 
donnoit  fon  nom  à  un  certain  diftricT:.  Ces 
avantages  font  à -peu -près  tous  perdus 
pour  elle  aujourd'hui  ;  il  ne  lui  relie  que 
fa  jurifdiclion  civile,  un  long  procès  avec 
le  bailliage  de  Calenberg  au  fujet  de  la 
criminelle  ,  &  200  &  quelques  maifons. 
(D.G.) 

*  ELEATIQUE  (  Secte  ) ,  Hift.  de 
la  Philofophie.  La  fecle  ele'atique  fut  ainfî 
appellée  d'Elée  ,  ville  de  la  grande  Grèce  , 
où  naquirent  Parménide,  Zenon  &  Leu- 
cippe  ,  trois  célèbres  défenfeurs  de  la  philo- 
fophie dont  nous  allons  parler. 

Xénophane  de  Colophon  pafîe  pour  le 
fondateur  de  YEléatiJme.  On  dit  qu'il  fuc- 
céda  à  Telauge  fils  de  Pythagore ,  qui 
enfeignoit  en  Italie  la  doctrine  de  fon  père. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'efl  que  les 
Eléatiques  furent  quelquefois  appelles  Py- 
thagoriciens. 

Il  fe  fit  un  grand  fchifine  dans  l'école 
ele'atique  y  qui  la  divifà  en  deux  fortes  de 
philofophes  qui  conferverent  le  même  nom  , 
mais  dont  les  principes  furent  auffi  oppofés 
qu'il  étoit  poflible  qu'ils  le  fufïênt  ;  les  uns 
fè  perdant  dans  des  abflra&ions  ,  &  éle- 
vant la  certitude  des  connoiflances  méra- 
phyfiques  aux  dépens  de  la  feience  des 
faits ,  regardèrent  la  phyfique  expérimentale 


E  L  E 

&  l'étude  de  la  nature  comme  l'occu- 
pation vaine  &  trompeufe  d'un  homme 
qui ,  portant  la  vérité  en  lui-même  ,  la 
cherchoit  au  dehors ,  &  devenoit  de  pro- 
pos délibéré  le  jouet  perpétuel  de  l'appa- 
rence &  des  fantômes  :  de  ce  nombre 
furent  Xénophane  ,  Parménide  ,  Mélifîe 
&  Zenon  ;  les  autres  ,  au  contraire  ,  per- 
fuadés  qu'il  n'y  a  de  vérité  que  dans  les 
propolîtions  fondées  fur  le  témoignage  de 
nos  fens ,  &  que  la  connoiffance  des  phé- 
nomènes de  la  nature  eft  la  feule  vraie 
philofophie  ,  fe  livrèrent  tout  entiers  à 
l'étude  de  la  phyfimie  :  &  l'on  trouve  à  la 
tête  de  ceux-ci  les  noms  célèbres  de  Leu- 
cippe  ,  de  Démocrite  ,  de  Protagoras  ,  de 
Diagoras  &  d'Anaxarque.  Ce  fchifme  nous 
donne  la  divifion  de  l'hiftoire  de  la  philo- 
fophie éléatique  y  en  hiftoire  de  VEléatifme 
métaphyfique ,  &  en  hiftoire  de  VEléatifme 
phyfique. 

Hiftoire  des  éléatiques  métaphyjiciens. 
Xénophane  vécut  fi  long-temps ,  qu'on  ne 
fait  à  quelle  année  rapporter  fa  nahTance. 
La  différence  entre  les  hiftoriens  eft  de 
vingt  olympiades  :  mais  il  eft  difficile  d'en 
trouver  une  autre  que  la  cinquante-fixie- 
me  ,  qui  fatisfafîè  à  tous  les  faits  donnés. 
Xénophane  ,  né  dans  la  cinquante-fixieme 
olympiade ,  put  apprendre  les  élémens  de 
la  grammaire  ,  tandis  qu'Anaximandre  flo- 
riffoit  ;  entrer  dans  l'école  pythagoricienne 
à  l'âge  de  vingt  -  cinq  ans  ;  profefîer  la 
philofophie  jufqu'à  l'âge  de  quatre-vingt- 
douze  :  être  témoin  de  la  défaite  des  Per- 
fes  à  Platée  &  à  Marathon  ;  voir  le  règne 
d'Hiéron  ;  avoir  Empedocle  pour  difciple  ; 
atteindre  le  commencement  de  la  quatre- 
tingt  &  unième  olympiade ,  &  mourir  âgé 
de  cent  ans. 

Xénophane  n'eut  point  de  maître.  Per- 
fécuté  dans  fa  patrie  ,  il  fe  retira  à  Zancle 
ou  à  Catane  dans  la  Sicile.  Il  étoit  poëte 
&  philofophe.  Réduit  à  la  dernière  indi- 
gence ,  il  alla  demander  du  pain  à  Hiéron. 
Demander  du  pain  à  un  tyran!  il  valoit 
encore  mieux  chanter  Ces  vers  dans  les 
rues;  cela  eût  été  plus  honnête  &  plus 
conforme  aux  mœurs  du  temps.  Indigné 
des  fables  qu'Homère  &  Héfiode  avoient 
débitées  fur  le  compte  des  dieux ,  il  écrivit 
contre  ces  deux  poètes  j  .mais  les   vers 


E  L  E  7 

d'Héfiode  &  d'Homère  font  parvenus  jus- 
qu'à nous ,  &  ceux  de  Xénophane  font 
tombés  dans  l'oubli.  Il  combattit  les  princi- 
pes de  Thaïes  &  de  Pythagore  ,  il  harcela 
un  peu  le  philofophe  Epiménide;  il  écrivit 
l'hiftoire  de  fon  pays  ;  il  jeta-les  rondemens 
d'une  nouvelle  philofophie  dans  un  ouvrage 
intitulé  :  de  la  nature.  Ses  difputes  avec  les 
philofophes  de  fon  temps  fervirent  au  fi! 
d'aliment  à  la  mauvaife  humeur  de  Timon  ; 
je  veux  dire  que  le  mifanthrope  s'en  réjouie 
(bit  intérieurement ,  quoiqu'il  en  parût  fâché 
à  l'extérieur. 

Nous  n'avons  point  les  ouvrages  des  Eléa- 
tiques ;  &  l'on  accufe  ceux  d'entre  les  an- 
ciens qui  ont  fait  mention  de  leurs  princi- 
pes ,  d'avoir  mis  peu  d'exaclitude  &  de 
fidélité  dans  Pexpofition  qu'ils  nous  en  ont 
laiffée.  Il  y  a  toute  apparence  que  les  Eléa- 
tiques avoient  la  double  doctrine.  Voici  tout 
ce  qu'on  a  pu  recueillir  de  leur  métaphyfi- 
que &  de  leur  phyfique. 

Métaphyfique  de  Xénophane.  Rien  ne 
fe  fait  de  rien.  Ce  qui  eft ,  a  donc  toujours 
été  :  mais  ce  qui  eft  éternel ,  eft  infini ,  ce 
quLeft  infini  eft  un  :  car  où  il  y  a  difîi" 
miîitude  ,  il  y  a  pluralité.  Ce  qui  eft  éter- 
nel ,  infini ,  un  ,  par-tout  le  même ,  eft 
aufli  immuable  &  immobile  :  car  s'il  pou- 
voit  changer  de  lieu  ,  il  ne  feroit  pas 
infini  ;  &  s'il  pouvoit  devenir  autre  ,  il 
y  auroit  en  lui  des  chofes  qui  commen- 
ceroient ,  &  des  chofes  qui  finiroient  fans 
caufe  ,  il  fe  feroit  quelque  chofe  de  rien , 
&  rien  de  quelque  chofe  ;  ce  qui  eft  ab- 
furde.  Il  n'y  a  qu'un  être  qui  foit  éternel  , 
infini ,  un  ,  immuable  ,  immobile  ,  tout  ; 
&  cet  être  eft  Dieu.  Dieu  n'eft  point 
corps  ;  cependant  fa  fubftance  s'étendant 
également  en  tout  fens ,  remplit  un  efpace 
immenfè  fphérique.  Il  n'a  rien  de  commun 
avec  l'homme.  Dieu  voit  tout  ,  entend 
tout ,  eft  préfent  à  tout  ;  il  eft  en  même 
temps  l'intelligence  ,  la  durée  ,  la  nature  ; 
il  n'a  point  notre  forme  ;  il  n'a  point  nos 
panions  ;  fes  fens  ne  font  point  tels  que  les 
nôtres. 

Ce  fyftême  n'eft  pas  éloigné  du  Spino- 
fifme.  Si  Xénophane  femble  reconnoître 
deux  fubftances  dont  l'union  intime  conf- 
titue  un  tout ,  qu'il  appelle  l'univers;  d'un 
autre  côté  l'une  de  ces  fubftances  eft  figurée, 


8  E   L  E 

&  ne  peut  ,  félon  ce  philofophe  ,  fe 
concevoir  diftinguée  &  féparée  de  l'autre 
que  par  abftraction.  Leur  nature  n'eft  pas 
eflentiellement  différente  ;  d'ailleurs  cette 
ame  de  l'univers  que  Xénophane  paroît 
avoir  imaginée  ,  &  que.  tous  les  philofo- 
phes  qui  font  fùivi  ont  adraife ,  n'étoit 
rien  de  ce  que  nous  entendons  par  un 
efprit. 

Phyfique  de  Xénophane.  Il  n'y  a  qu'un 
univers  :  mais  il  y  a  une  infinité  de  mondes. 
Comme  il  n'y  a  point  de  mouvemeni  vrai , 
il  n'y  a  en  effet  ni  génération  ,  ni  dépériffe- 
rnent ,  ni  altération.  Il  n'y  a  ni  commen- 
cement ,  ni  fin  de  rien ,  que  des  apparen- 
ces. Les  apparences  font  les  feules  procef- 
fions  réelles  de  l'état  de  poffibilité  à  l'état 
ci'exiftence ,  &  de  l'état  d'exiftence  a  celui 
d'annihilation.  Les  fens  ne  peuvent  nous 
élever  à  la  connoiflancede  la  raifon  première 
de  l'univers.  Ils  nous  trompent  néceflaire- 
mcnt  fur  [es  loix.  Il  ne  nous  vient  de  fcience 
fonde  que  de  la  raifon  ;  tout  ce  qui  n'eft 
fondé  que  fur  le  témoignage  des  fens  ,  eft 
opinion.  La  métaphyfique  eft  la  fcience  des 
chofes  ;  la  phyfique  eft  l'étude  des  appa- 
rences. Ce  que  nous  appercevons  en  nous  , 
eft  ;  ce  que  nous  appercevons  hors  de  nous , 
nous  paroît.  Mais  la  feule  vraie  philofophie 
eu  des  chofes  qui  font ,  &  non  de  celles  ' 
qui  paroiflent. 

Malgré  ce  mépris  que  les  EUatiques 
faifoient  de  la  fcience  des  faits  &  de  la 
connoiffance  de  la  nature,  ils  s'en  occu- 
paient férieufement  ;  ils  en  jugeoient  feu- 
lement moins  favorablement  que  les  phi— 
lofophes  de  leur  temps.  Ils  auroient  été 
d'accord  avec  les  Pyrrhoniens  fur  l'incer- 
titude du  rapport  des  fens  ;  mais  ils  au- 
roient défendu  contre  eux  l'infaillibilité  de 
la  raifon. 

Il  y  a,  difoient  les  EUatiques 9  quatre 
clemens  ;  ils  fe  combinent  pour  former  la 
terre.  La  terre  eft  la  matière  de  tous  les 
êtres.  Les  aftres  font  des  nuages  enflam- 
mes" :  ces  gros  charbons  s'éteignent  le  jour 
&  s'allument  la  nuit.  Le  foleil  eft  un  amas 
de  particules  ignées  ,  oui  ie  détruit  &  fe 
réforme  en  24  heures  ;  il  fe  levé  le  matin 
comme  un  grr.nd  brafier  allumé  de  vapeurs 
récentes  ;  ces  vapeurs  fe  confument  à  me- 
inre  que  fon  cours   s'avance  ;  le    foir  il 


E  L  E 

tombe  épuifé  fur  la  terre  ;  fon  mouvement 
fe  fait  en  ligne  droite  :  c'eft  la  diitance 
qui  donne  à  l'efpace  qu'il  parcourt ,  une 
courbure  apparente.  Il  y  a  plufieurs  foleiîs  ; 
chaque  climat,  chaque  zone  a  le  fien.  La 
lune  eft  un  nuage  condenfé  ;  elle  eft  ha- 
bitée ;  il  y  a  des  régions  ,  des  villes.  Les 
nuées  ne  font  que  des  exhalaifons  que 
le  foleil  attire  de  la  furface  de  la  terre  ; 
eft-ce  l'afHuence  des  mixtes  qui  fe  préci- 
pitent dans  les  mers  qui  les  fale  ?  Les  mers 
ont  couvert  toute  la  terre  ;  ce  phénomène 
eft  démontré  par  la  préfence  des  corps 
marins  fur  fa  furface  Sk.  dans  fes  entrailles. 
Le  genre  humain  finira  lorfque  la  terre 
étant  entraînée  au  fond  des  mers ,  cet 
amas  d'eau  fe  répandra  également  par-tout  , 
détrempera  le  globe ,  &  n'en  formera  qu'un 
bourbier;  les  fiecles  s'écouleront,  l'immenie 
bourbier  fe  féchera  ,  &  les  hommes  renaî- 
tront. Voilà  la  grande  révolution  de  tous  les 
êtres. 

Ne  perdons  point  de  vue  au  milieu  de  ces 
puérilités ,  plufieurs  idées  qui  ne  font  point 
au  defTous  de  la  philofophie  de  nos  temps  ; 
la  diftinction  des  élémens ,  leur  combinai- 
fon  ,  d'où  réfulte  la  terre  ;  la  terre  ,  prin- 
cipe général  des  corps  ;  l'apparence  circu- 
laire ,  effet  de  la  grande  diftance  ;  la  plu- 
ralité des  mondes  &  des  foleiîs  ;  la  lune  ha- 
bitée ,  les  nuages  formés  des  exhalaifons 
terreftres  ;  le  féjour  de  la  mer  fur  tous  les 
points  de  la  furface  de  la  terre.  Il  étoit  diffi- 
cile qu'une  fcience  qui  en  étoit  à  fon  al- 
phabet ,  rencontrât  un  plus  grand  nombre 
de  vérités  ou  d'idées  heureufes. 

Tel  étoit  l'état  de  la  philofophie  éléx- 
tique  y  lorfque  Parménide  naquît.  Il  éroit 
d'Elée.  Il  eut  Zenon  pour  dilciple.  Il 
s'entretint  avec  Socrate.  Il  écrivit  fa  phi- 
lofophie en  vers  ;  il  ne  nous  en  refte  que 
des  lambeaux  fi  découfus  ,  qu'on  n'en  peut 
former  aucun  enfemble  fyftématique.  Il  y 
a  de  l'apparence  qu'il  donna  auffi  la  pré- 
férence à  la  raifon  fur  les  fens  ;  qu'il  re- 
garda la  phyfique  comme  la  fcience  des 
opinions  ,  &  la  métaphyfique  comme  la 
fcience  des  chofes  ,  &  qu'il  laifîà  YEle'a- 
tifme  {péculatif  où  il  en  étoit,  à  moins 
qu'on  ne  veuille  s'en  rapporter  à  Platon, 
&  attribuer  à  Parménide  tout  ce  que  le 
Pîatonifme  a  débité  depuis  fur  les   idées. 

Parménide 


ELE 

Parménide  fe  fît  un  fyftême  de  phyfique 
particulier.  Il  regarda  le  froid  &  le  chaud  , 
ou  la  terre  &  le  feu,  comme  les  principes 
des  êtres  ;  il  découvrit  que  le  foïeil  &  la 
lune  brilloient  de  la  même  lumière  ,  mais 
que  l'éclat  de  la  lune  étoit  emprunté  ;  il 
plaça  la  terre  au  centre  du  monde ,  il  attri- 
bua fon  immobilité  à  ià  diftance  égale  en 
tout  fens  ,  de  chacun  des  autres  points  de 
l'univers.  Pour  expliquer  la  génération  des 
fubfîances  qui  nous  environnent ,  il  difoit  : 
le  feu  a  éré.  appliqué  à  la  terre  ,  le  limon 
s'efl  échauffé  ,  l'homme  &  tout  ce  qui  a 
vie  a  été  engendré  ;  le  monde  finira  ;  la 
portion  principale  de  l'ame  humaine  efl 
placée  dans  le  cœur. 

Parménide  naquit  dans  la  fbixante-neu- 
vieme  olympiade.  On  ignore  le  temps  de  fa 
mort.  Les  Eléens  l'appellerent  au  gouverne- 
ment ;  mais  des  troubles  populaires  le  dé- 
goûtèrent bientôt  des  affaires  publiques  ,  & 
il  fe  retira  pour  fc  livrer  tout  entier  à  la 
philofophie. 

Méliffe  de  Samos  fleurit  dans  la  84e 
olympiade.  Il  fut  homme  d'état,  avant  que 
d'être  philofophe.  Il  eût  peut-être  été  plus 
avantageux  pour  les  peuples  qu'il  eût  com- 
mencé par  être  philofophe. ,  avant  que 
d'être  homme  d'étar.  Il  écrivit  dans  fa 
retraite  de  Vitre  &  de  la  nature.  Il  ne 
changea  rien  à  la  philofophie  de  Tes  prédé- 
ceffeurs  :  il  croyoit  fetilement  que  la  nature 
des  dieux  étant  incompréhenfible ,  il  falloit 
s'en  taire  ,  &  que  ce  qui  n'efl  pas  eft 
impoflible  ;  deux  principes  ,  dont  le  pre- 
mier marque  beaucoup  de  retenue,  &  le 
fécond  beaucoup  de  hardiefïê.  On  croit  que 
ce  fut  notre  philofophe  qui  commandoit  les 
Samiens  ,  lorfque  leur  flotte  battit  celle  des 
Athéniens. 

Zenon  Yéléatîque  fut  un  beau  garçon  , 

que  Parménide  ne  reçut  pas  dans  fon  école 

fans  qu'on  en  médît.  Il  fe  mêla  auffi  des 

affaires  publiques ,  avant  que  de  s'appliquer 

à  l'étude  de  la  philofophie.    On    dit   qu'il 

fe  trouva  dans    Agrigente  ,    lorfque  cette 

ville  gémiflbit  fous  la  tyrannie  de  Phalaris  ; 

qu'ayant  employé    fans   fuccès    toutes  les 

■    reffources  de  la  philofophie  pour  adoucir 

cette  bête   féroce ,  il  inîpira  à  la  jeuneffe 

l'honnête   &    dangereux    deffein    de    s'en 

<■     délivrer  ;   que    Phalaris    inftruit  de  cette 

Tome  XII, 


ELE  $ 

confpiration.,  fît  faiflr  Zenon  &  Pexpofa 
aux  plus  cruels  tourmens  ,  dans  l' efpéranc 
que  la  violence  de  la  douleur  lui  arra- 
cheroit  les  noms  de  fes  complices  ;  que 
le  philofophe  ne  nomma  que  le  favori  du 
tyran  ;  qu'au  milieu  des  fupplices  ,  fon 
éloquence  réveilla  les  lâches  Agrigentins; 
qu'ils  rougirent  de  s'abandonner  eux-mê- 
mes ,  tandis  qu'un  étranger  expiroit  à  leurs 
yeux  ,  pour  avoir  entrepris  de  les  tirer 
de  l'efclavage  ;  qu'ils  fe  fouleverent  brus- 
quement, &  que  le  tyran  fut  aflommé  à 
coups  de  pierre.  Les  uns  ajoutent  qu'ayant 
invité.  Phalaris  à  s'approcher  ,  fous  pré- 
texte de  lui  révéler  tout  ce  qu'il  defiroit 
(avoir  ,  il  le  mordit  par  l'oreille ,  &  ne 
lâcha  priie  qu'en  mourant  fous  les  coups 
que  les  bourreaux  lui  donnèrent.  D'autres 
que  ,  pour  ôter  à  Phalaris  toute  efpérance 
de  connoître  le  fond  de  la  conjuration ,  il 
fe  coupa  la  langue  avec  les  dents  ,  &  la 
cracha  au  vifage  d a  tyran.  Mais  quelque 
honneur  que  la  philofophie  puifîe  recueillir 
de  ces  faits  ,  nous  ne  pouvons  nous  en 
diffimuler  l'incertitude.  Zenon  ne  vécut  ni 
fous  Phalaris ,  ni  fous  Denis  ;  &  l'on  ra- 
conte les  mêmes. chofes  d'Anaxarque. 

Zenon  étoit  grand  dialecticien.  Il  avoit 
divifé  fa  logique  en  trois  parties.  Il  traitoit 
dans  la  première  de  l'art  de  raifonner  ; 
dans  la  féconde ,  de  l'art  de  dialoguer  ; 
&  dans  la  troifieme  ,  de  l'art  de  difputer. 
Il  n'eut  point  d'autre  métaphyfique  que  celle 
de  Xénophane.  Il  combattit  la  réalité  du 
mouvement.  Tout  le  monde  connoît  ibn 
fbphifme  de  la  tortue  &  d'Achille.  "  Il 
»  difoit  :  fi  je  fouffre  fans  indignation  l'in- 
»  jure  du  méchant ,  je  ferai  infenfïble  à  la 
a  louange  de  l'honnête  homme.  »  Sa  phy- 
fique fut  la  même  que  celle  de  Parmémae. 
Il  nia  le  vuide.  S'il  ajouta  au  froid  &  au 
chaud  l'humide  &  le  fec ,  ce  ne  fut  pas 
proprement  comme  quatre  difïerens  princi- 
pes ,  mais  comme  quatre  effets  de  deux 
caufès ,  la  terre  &  le  feu. 

Hiftoire  des  Eléatiques  Phyjiclens.  Leu- 
cippe  d'Abdere ,  difciple  de  MélifTe  &  de 
Zenon  ,  &  maître  de  Démocrite  ,  s'ap- 
perçur  bientôt  que  la  méfiance  outrée  du 
témoignage  des  fens  détruifoit  toute  philo- 
fophie ,  &  qu'il  valoit  mieux  rechercher  en 
quelles  circoçftances  ils  nous  trompoient't 

B 


io  E  L  E 

que  de  fe  perfuader  à  foi-même  &  aux 
autres  par  des  fubtilités  de  Logique  qu'ils 
nous  trompent  toujours.  Il  fe  dégoûta  de 
la  .métaphyfique  de  Xénophane  ,  des  idées 
de  Platon  ,  des  nombres  de  Pythagore  ,  des 
fophifmes  de  Zenon  ,  &  s'abandonna  tout 
entier  à  l'étude  de  la  nature  ,  à  la  connoif- 
iance  de  l'univers ,  &  à  la  recherche  des 
propriétés  &  des  attributs  des  êtres.  Le  feul 
moyen  ,  difoit-il  ,  de  réconcilier  les  fens 
avec  la  raifon ,  qui  femblent  s'être  brouillés 
depuis  l'origine  de  la  fecte  éléatique  ,  c'eft 
de  recueillir  des  faits  &  d'en  faire  la  bafe  de 
le  fpéculation.  Sans  les  faits  ,  toutes  les  ir^ées 
iyftématiques  ne  portent  fur  rien  :  ce  font 
des  ombres  inconfiantes  qui  ne  le  refïèm- 
bient  qu'un  inftant. 

On  peut  regarder  Leucippe  comme  le 
fondateur  de  la  philofophie  corpufculaire. 
Ce  n'eu1  pas  qu'avant  lui  on  n'eût  confidéré 
les  corps  comme  des  amas  de  particules  ; 
mais  il  eu  le  premier  qui  ait  fait  de  la 
combinaifon  de  ces  particules  >  la  caufe 
univerfelle  de  toutes  chofes.  Il  avoit  pris 
la  métaphyfique  en  une  telle  averfion  ,  que 
pour  ne  rien  laiiîer ,  difoit-il ,  d'arbitraire 
dans  fa  philofophie  ,.  il  en  avoit  banni  le 
nom  de  Dieu.  Les  philofophes  qui  l'avoient 
précédé  ,  voyoient  tout  dans  les.  idées  ; 
Leucippe  ne  voulut  rien  admettre  que  ce 
qu'il  obfervoit  dans  les  corps.  Il  fit  tout 
émaner  de  l'atome  ,  de  fa  figure  &  de  fon 
mouvement.  Il  imagina  l'atomilme  ;  Démo- 
crite  perfectionna  ce  fyftême  ;  Epicure  le 
porta  jufqu'où.  il  pouvoit  s'élever:  Voye^ 
Atomisme. 

Leucippe  &  Démocrite  avoient  dit  que 
les  atomes  difFéroienr  par  le  mouvement , 
la  figure  &  la  maffe  ,  &  que  c'éroit  de 
leur  coordination  que  naifloient  tous  les 
êtres.  Epicure  ajouta  qu'il  y  avoit  des 
atomes  d'une  nature  fi  hétérogène ,  qu'ils 
ne  pou  voient  ni  fe  rencontrer ,  ni  s'unir. 
Leucippe  &  Démocrite  avoient  prétendu 
que  toutes  les  molécules  élémentaires 
avoient  commencé  par  fe  mouvoir  en  ligne 
droite.  Epicure  remarqua  que  fi  elles 
avoient  commencé  à-  fe  mouvoir  toutes  en 
ligne  droite ,  elles  n'auroient  jamais  changé 
de  direâion  ,  ne  fe  feroient  point  choquées  ,, 
ce  fe  feroient  point  combinées  ,  &  n'au- 
rokot  produit  aucune  fubûacce  :  d'où  il 


E  L  E 

|  conclut  qu'elles  s'étoient  mues  dans  des 
directions  un  peu  inclinées  les  unes  aux 
autres  ,  &  convergentes  vers  quelque  point 
commun  ,  à-peu-près  comme  nous  voyons 
les  graves  tomber  vers  le  centre  de  la  terre. 
Leucippe  &  Démocrite  avoient  animé  leurs 
atomes  d'une  même  force  de  gravitation. 
Epicure  fit  gn.viter  les  fiens  diverfement. 
Voilà  les  principales  différences  de  la  phi- 
lofophie de  Leucippe  &  d'Epicure ,  qui  nous 
foient  connues. 

Leucippe  difoit  encore  :  l'univers  eu.  in- 
fini. Il  y  a  un  vuide  abfolu ,  &  un  plein 
abfolu  :  ce  font  les  deux  portions  de  l'es- 
pace en  général.  Les  atomes  fe  meuvent 
dans  le  vuide.  Tout  naît  de  leurs  combi- 
naifons.  Ils  forment  des  mondes  ,  qui  fe 
réfolvent  en  atomes.  Entraînés  autour  d'un 
centre  commun  ,  ils  fe  rencontrent  ,  fe 
choquent ,  fè  féparent ,  s'unifient  ;  les  plus- 
légers  font  jetés  dans  les  efpaces  vuides  > 
qui  embrarfent  extérieurement  le  tourbillon: 
général.  Les  autres  tendent  fortement  vers 
le  centre  ;  ils  s'y  hâtent ,  s'y  preffent ,  s'y 
accrochent ,  &  y  forment  une  mafîe  qui 
augmente  fans  ceffe  en  denfité.  Cette  mafîe- 
attire  à  elle  tout  ce  qui  l'approche  ;  delà 
naiffent  l'humide ,  le  limoneux  ,  le  {ec  ,  le 
chaud  y  le  brûlant ,  l'enflammé  ,  les  eaux  , 
la  terre,  les  pierres  ,  les' hommes  ,  le  feu,, 
la  flamme ,  les  aflres.  Le  foleil  eft  envi- 
ronné d'une  grande  atmofphere  ,  qui  lui 
efl  extérieure.  C'eft  le  mouvement  qui  en- 
tretient fans  ceffe  le  feu  des  aflres ,  en  por- 
tant au  lieu  qu'ils  occupent  des  particules 
qui  réparent  les  pertes  qu'ils  font.  La  Lune 
ne  brille  que  d'une  lumière  empruntée  du 
Soleil.  Le  Soleil  &  la  Lune  fouffrent  des 
éclipfes ,  parce  que  la  terre  penche  vers  le 
midi..  Si  les  éclipfes  de  Lune  font  plus 
fréquentes  que  celles  de  Soleil,  il  en  faut 
chercher  la  raifon. dans  la  différence  de  leurs 
orbes.  Les  générations  ,.  les  dépériffemens  , 
les  altérations  ,  font  les  fuites  d'une  loi  gé- 
nérale &  néceflaire  ,  qui  agit  dans  toutes  \e& 
molécules  de  la  matière- 

Quoique  nous  ayions  perdu  les  ouvrages 
de  Leucippe  ,  il  nous  efl  refté  ,  comme  on 
voit  y  afîez  de  connoifîànce  des  principes 
de  fa  philofophie  ,  pour  juger  du  rnérite  de 
quelques-uns  de  nos  fyflématiques  moder- 
nes i  &:  nous    pourrions   demander  aux 


E  L  E 

Cartéfiens ,  s'il  y  a  bien  loin  des  idées  de 
Leucippe  à  celles  de  Defcartes.  Voy.  CAR- 
TÉSIANISME. 

Leucippe  eut  pourfuccefîèur  Démocrite  , 
un  des  premiers  génies  de  l'antiquité.  Dé- 
mocrite naquit  a  Abdere  ,  où  fa  famille  étoit 
riche  &  puifïânte.  Il  floriflbit  au  commen- 
cement de  la  guerre  du  Péloponefe.  Dans 
le  defîèin  qu'il  avoit  formé  de  voyager, 
il  laifîà  à  (es  frères  les  biens-fonds ,  &  il 
♦  prit  en  argent  ce  qui  lui  revenoit  de  la 
fùcceffion  de  fonpere.  Il  parcourut  l'Egypte, 
où  il  apprit  la  Géométrie  dans  les  féminai- 
res  ;  la  Chaldée  ;  l'Ethiopie ,  où  il  converfa 
avec  les  Gymnofophiftes  ;  la  Perlé  ,  où  il 
interrogea  les  mages  ;  les  Indjs  ,  &c.  Je 
n'ai  rien  épargné  pour  m'iûfiruire  ,  difoit 
Démocrite  ;  fhi  vu  tous  les  hommes  célè- 
bres de  mon  temps  ,*  ;  'ai  parcouru  toutes 
les  centrées  où  j'ai  efpéré  rencontrer  la 
vérité  :  la  difiance  des  lieux  ne  m'a  point 
effrayé  ;  j'ai  obfen'é  les  différences  de 
plujieurs  climats  ;  j'ai  recueilli  les  phéno- 
mènes de  Vair y  de  la  terre  &  des  eaux: 
la  fatigue  des  voyages  ne  m'a  point  em- 
pêché de  méditer  ;  j'ai  cultivé  les  Mathé- 
matiques fur  les  grandes  routes ,  comme 
dans  lejilence  de  mon  cabinet  ;  je  ne  crois 
pas  que  perfonne  me  furpaffe  aujourd'hui 
dans  l'art  de  démontrer  par  les  nombres  & 
par  les  lignes  _,  je  n  'en  excepte  pas  même 
les  prêtres  de  l'Egypte. 

Démocrite  revint  dans  fà  patrie  ,  rempli 
de  la  fageffe  de  toutes  les  nations ,  mais  il 
y  fut  réduit  à  la  vie  la  plus  étroite  &  la 
plus  obfcure  ;  {es  longs  voyages  avoient 
entièrement  épuifé  fa  fortune  ;  heureu- 
femei-it  il  trouva  dans  l'amitié  de  Damafis 
fon  frère  ,  les  fecours  dont  il  avoit  befoin. 
Les  loix  du  pays  refufoient  la  fépulture  à 
celui  qui  avoit  diflipé  le  bien  de  (es  pères. 
Démocrite  ne  crut  pas  devoir  expofer  fa 
mémoire  à  cette  injure  :  il  obtint  de  la 
république  une  fomme  confidérable  en 
argent,  avec  une  ftatue  d'airain  ,  fur  la 
feule  ledure  d'un  de  fes  ouvrages.  Dans  la 
fuite  ,  ayant  conjecturé  par  des  obfervations 
météorologiques  ,  qu'il  y  auroit  une  grande 
difette  d'huile  ,  il  acheta  à  bon  marché 
toute  celle  qui  étoit  dans  le  commerce , 
la  revendit  fort  cher  ,  &  prouva  aux  dé- 
tracteurs de  la  philofophie ,  que  le  philo- 


E  L  E  .  ii 

fophe  favoit  acquérir  des  richefles  quand 
il  le  vouloit.  Ses  concitoyens  l'appellerent 
à  l'adminiftration  des  affaires  publiques  :  il 
fe  conduifir  à  la  tete  du  gouvernement  , 
comme  on  l'attendoit  d'un  homme  de  fon 
caractère.  Mais  Ion  goût  dominant  ne  tarda 
pas  à  le  rappeller  à  la  contemplation  &  à 
la  philofophie.  Il  s'e  fonça  dans  les  lieux 
fàuvages  &  folitaires  ;  il  erra  parmi  les  tom- 
beaux ;  il  fe  livra  à  l'étude  de  la  morale ,  de 
la  nature ,  de  Panatomie  &  des  mathéma- 
tiques ;  il  confuma  fa  vie  en  expériences; 
il  fit  difTbudre  des  pierres  ;  il  exprima  le 
flic  des  plantes  ;  il  diflëqua  les  animaux.  Ses 
imbécilles  concitoyens  le  prirent  alternati- 
vement pour  magicien  &  pour  irîfenfe.  Son 
entrevue  avec  Hippocrate  ,  qu'on  avoit  ap- 
pelle pour  le  guérir ,  eft  trop  connue  & 
trop  incertaine  ,  pour  que  j'enfaflè  mention 
ici.  Ses  travaux  &  fon  extrême  fobriété 
n'abrégèrent  point  {es  jours.  Il  vécut  près 
d'un  iiecle.  Voici  les  principes  généraux  de 
fa  philofophie. 

Logique  de  Démocrite.  Démocrite  difoit: 
il  n'exifte  que  les  atomes  &  le  vuide  ;  il 
faut  traiter  le  refte  comme  des  fimulacres 
trompeurs.  L'homme  eft  loin  de  la  vérité. 
Chacun  de  nous  a  fon  opinion  ;  aucun  n'a  la 
feience.  Il  y  a  deux  philofophies  ;  l'une  feniï- 
ble  ,  l'autre  rationelle  ;  il  faut  s'en  tenir  à  la 
première  ,  tant  qu'on  voit ,  qu'on  fent,  qu'on 
entend  ,  qu'on  goûte  &  qu'on  touche  ;  il 
ne  faut  pourfuivre  le  phénpmene  à  la  pointe 
de  l'efprit ,  que  quand  il  échappe  à  la  portée 
des  fens.  La  voie  expérimentale  efl  longue  , 
mais  elle  eft  sûre  ;  la  voie  du  raifonnement 
a  le  même  défaut ,  &  n'a  pas  la  même 
certitude. 

D'où  l'on  voit  que  Démocrite  s'étoit  un 
peu  rapproché  des  idées  de  Xénophane  en 
métaphyfique  ,  &  qu'il  s'étoit  livré  fins  ré- 
ferve  à  la  méthode  de  phiiofopher  de  Leucip- 
pe en  phyfique. 

Phyfiologie  de  Démocrite.  Démocrite 
difoit  :  rien  ne  fe  fait  de  rien  ;  le  vuide 
&  les  atomes  font  les  caufes  efficientes  de 
tout.  La  matière  eft  un  amas  d'atomes ,  ou 
n'eft  qu'une  vaine  apparence.  L'atome  ne 
naît  point  du  vuide  ,  ni  le  vuide  de  l'atome  ; 
les  corps  exiftent  dans  le  vuide.  Ils  ne 
aillèrent  que  par  la  combinaifon  de  leurs 
élémens.    Il    faut  rapporter    l'efpaçe   aux 


ii  E  L  E 

atomes  &  au  vuide.  Tout  ce  qui  eft  plein 
eft  atome  ;  tout  ce  qui  n'eft  pas  atome  eft 
vuide.  Le  vuide  &  les  atomes  font  deux 
infinis  ;  l'un  en  nombre ,  l'autre  en  étendue. 
Les  atomes  ont  deux  propriétés  primitives  , 
la  figure  &  la  mafle.  La  figure  varie  à 
l'infini  ;  la  maffe  eft  la  plus  petite  poffible. 
Tout  ce  que  nous  attribuons  d'ailleurs  aux 
atomes  comme  des  propriétés  ,  eft  en  nous. 
Ils  fe  meuvent  dans  le  vuide  immenfe ,  où 
il  n'y  a  ni  haut  ni  bas  ,  ni  commencement , 
ni  milieu  ,  ni  fin  :  ce  mouvement  a  toujours 
été  &  ne  ceffera  jamais.  Il  fe  fait  félon  une 
direction  oblique  ,  telle  que  celle  des  graves. 
Le  choc  &  la  cohéfion  font  des  fuites  de 
cette  obliquité  &  de  la  diverfité  des  figures. 
La  juftice  ,  le  deftin,  la  providence,  font 
des  termes  vuides  de  fens.  Les  actions  réci- 
proques des  atomes ,  font  les  feules  raifons 
éternelles  de  tout.  Le  mouvement  circu- 
laire en  efl  un  effet  immédiat.  La  matière 
eft  une  :  toutes  les  différences  émanent  de 
l'ordre  ,  de  la  figure  &  de  la  combinaifon 
des  atomes.  La  génération  n'eft  que  la  co- 
héfion des  atomes  homogènes  :  l'altération 
n'eft  qu'un  accident  de  leur  combinaifon  ; 
la  corruption  n'eft  que  leur  féparation  ; 
l'augmentation  ,  qu'une  addition  d'atomes  ; 
la  diminution  ,  qu'une  fouftradion  d'atomes- 
Ce  qui  s'apperçoit  par  les  fens  ,  eft  toujours 
vrai  'y  la  doétrine  des  atomes  rend  raifon 
de  toute  la  diverfité  de  nos  fènfations.  Les 
mondes  font  infinis  en  nombre  :  il  y  en  a 
de  parfaits  ,  d'imparfaits  ,  de  femblablcs  > 
ce  dilîérens.  Les  efpaces  qu'ils  occupent , 
les  limites  qui  les  circonfcrivent ,  les  inter- 
valles qui  les  féparent  ,  varient  à  l'infini. 
Les  uns  fe  forment ,  d'autres  font  formés  ; 
d'autres  fe  réfolvent  &  fe  détruifent.  Le 
monde  n'a  point  d'ame  ,  ou  l'ame  du  monde 
e]t  le  mouvement  ignée.  Le  feu  eft  un  amas 
d'atomes  fphériques.  Il  n'y  a  d'autres  diffé- 
rences entre  les  atomes  constitutifs  de  l'air , 
de  l'eau  &  de  la  terre  ,  que  celle  des  mafles. 
Les  affres  font  des  amas  de  corpufcules 
ignées  &  légers  ,  mus  fur  eux-mêmes.  La 
lune  a  fes  montagnes  ,  fes  vallées  &  Ces 
plaines.  Le  foieil  eft  un  globe  immenfe  de 
feu.  Les  corps  céleftes  font  emportés  d'un 
mouvement  général  d'orient  en  occident. 
Plus  leur  orbe  eft  voifin  de  la  terre  ,  plus 
u  fe  meut  lenteraenu  Les  comètes  font  des 


E  L  E 

amas  de  planètes  fi  voifines,  qu'elles  n'ex- 
citent que  la  fenfation  d'un  tout.  Si  l'on 
refferre  dans  un  efpace  trop  étroit  une 
grande  quantité  d'atomes ,  il  s'y  formera  un 
courant  ;  fi  l'on  difperfe  au  contraire  les 
atomes  dans  un  vuide  trop  grand  pour  leur 
quantité  ,  ils  demeureront  en  repos.  Dans 
le  commencement ,  la  terre  fut  emportée 
à  travers  l'immenfité  de  l'efpace  d'un  mou- 
vement irrégulier.  Elle  acquit  dans  le  temps 
de  la  confiilance  &c  du  poids  ;  fon  mou- 
vement fe  ralentit  peu  à  peu  ,  puis  il  ceilà. 
Elle  doit  fon  repos  à  fon  étendue  &  à 
fa  gravité.  C'eft  un  vafte  difque  qui  divife 
l'eipace  infini  en  deux  hémifpheres  ,  l'un 
fupérieur  ,  &  l'autre  inférieur.  Elle  reflé 
immobile  par  l'égalité  de  force  de  ces  deux 
hémifpheres.  Si  l'on  confidere  la  fection  de 
l'eipace  univerfel  relativement  à  deux  points 
déterminés  de  cet  efpace  ,  elle  fera  droite 
ou  oblique.  C'eft  en  ce  fens  que  l'axe  de  la 
terre  eft  incliné.  La  terre  eft  pleine  d'eau  : 
c'eft  la  diftributioa  inégale  de  ce  fluide 
dans  Ces  immenies  &  profondes  concavi- 
tés ,  qui  caufe&  entretient  fes  mouvtmens. 
Les  mers  décroiffent  fans  cefîè  r  &  tariront. 
Les  hommes  font  fortis  du  limon  &  de 
l'eau.  L'ame  humaine  n'eit  que  la  chaleur 
des  élémens  du  corps  ;  c'eft  par  cette  cha- 
leur que  l'homme  fe  meut  &  qu'il  vit.  L'ame 
eft  mortelle  ;  elle  fe  diffipe  avec  le  corps. 
La  partie  qui  réfide  dans  le  cœur  ,  réfléchit , 
penfe  &  veut  ;  celle  qui  eft  répandue 
uniformément  par-tout  ailleurs ,  fent  ieu- 
lement.  Le  mouvement  qui  a  engendré  les 
êtres  détruits ,  les  réformera.  Les  animaux  , 
les  hommes  &  les  dieux  ,  ont  chacun  leurs 
fens  propres.  Les  nôtres  font  des  miroirs 
qui  reçoivent  les  images  des  chofes.  Toute 
fenfation  n'eft  qu'un  toucher.  La  diftinction 
du  jour  &  de  la  nuit  eft  une  expreflion 
naturelle  du  temps. 

Théologie  de  Dermocrite.  II  y  a  des 
natures  compofées  d'atomes  très  -  fubtils  r 
qui  ne  fe  montrent  à  nous  que  dans  les 
ténèbres.  Ce  font  des  fimulacres  gigantes- 
ques :  la  diffoîution  en  eft  plus  difficile  & 
plus  rare  que  des  autres  natures.  Ces  êtres 
ont  des  voix  :  ils  font  plus  inftruits  que 
nous.  Il  y  a  dans  l'avenir  des  événemens 
qu'ils  peuvent  prévoir,  &  nous  annoncer;  les 
,uns  font  bienfaifans,  les  autres  malfaifans* 


E  L  E 

Ils  habitant  le  vague  des  airs  ;  ils  ont  la  figure  \ 
humaine.  Leur  dimenfion  peut  s'étendre  jus- 
qu'à remplir  des  cfpaces  immenfes.  D'où 
l'on  voit  que  Démocrite  avoit  pris  pour  des 
êtres  réels  les  fantômes  de  Ton  imagina- 
'  tion  ;  &  qu'il  avoit  compofé  fa  théologie  de 
{es  propres  viiions  ;  ce  qui  étoit  arrivé  de  Ton 
temps  à  beaucoup  d'autres  ,  qui  ne  s'en  dou- 
tolem  pas. 

Morale  de  Démocrite.  La  fanté  du  corps 
&  le  repos  de  l'ame  font  le  fouverain  bien 
de  l'homme.  L'homme  fage  ne  s'attache 
fortement  à  rien  de  ce  qui  peut  lui  être 
enlevé.  Il  faut  le  confoler  de  ce  qui  efl , 
par  la  contemplation  du  poflible.  Le  phi— 
îofophe  ne  demandera  rien,  &  méritera 
tout;  ne  s'étonnera  guère,  &  fe  fera  fou- 
vent  admirer.  C'eft  la  loi  qui  fait  le  bien 
&  le  mal ,  le  jufte  &  l'injufte  ,  le  décent  & 
le  déshonnête.  La  connoifïance  du  nécefîàire 
efr.  plus  à  délirer  que  la  jouiffance  du 
fuperrlu.  L'éducation  fait  plus  d'honnêtes 
gens  que  la  nature.  Il  ne  faut  courir  après 
la  fortune  ,  que  jufqu'au  point  marqué  par 
les  befoins  de  la  nature.  L'on  s'épargnera 
bien  des' peines  &  des  entreprifes ,  fi  l'on 
connoît  fes  forces  ,  &  fi  l'on  ne  fe  propofè 
rien  au  delà  ,  ni  dans  fon  domeftiquc  ,  ni 
dans  la  fociété.  Celui  qui  s'eff.  fait  un 
cara&ere  ,  fait  tout  ce  qui  lui  arrivera.  Les 
loix  notent  la  liberté  qu'à  ceux  qui  en  abu- 
feroient.  On  neû  point  fous  le  malheur, 
tant  qu'on  eft  loin  de  l'injufiice  :  le  méchant 
qui  ignore  la  difTolution  finale  ,  &  qui  a 
la  confcience  de  fa  méchanceté ,  vit  en 
crainte ,  meurt  en  tranfe  ,  &  ne  peut 
s'empêcher  d'attendre  d'une  juftice  ulté- 
rieure qui  n'efl  pas  ,  ce  qu'il  a  mérité  de 
celle  qui  eft  &  à  laquelle  il  n'ignore  pas  qu'il 
échappe  en  mourant.  La  bonne  fanté  eu 
dans  la  main  de  l'homme.  L'intempérance 
donne  de  courtes  joies  &  de  longs  dé- 
plaifirs  ,   &c. 

Démocrite  prit  pour  difcipïe  Protagoras , 
un  de  (hs  concitoyens  ;  il  le  tira  de  la 
condition  de  portefaix  ,  pour  l'élever  à 
celle  de  philofophe.  Démocrite  ayant  con- 
.  fidéré  avec  .  des  yeux  méchaniciens  l'ar- 
tifice fingulier  que  Protagoras  avoit  ima- 
giné pour  porter  commodément  un  grand 
,  fardeau  ,  l'interrogea  ,  conçut  fur  {es 
réponfes  bonne  opinion  de  fon  elprit  ;  & 


E  L  E  13 

fe  l'attacha.  Protagoras  profefTa  l'éloquence 
&  la  philofophie.  Il  fit  payer  chèrement  Ces 
leçons  :  il  écrivit  un  livre  de  la  nature  des 
dieux ,  qui  lui  mérita  le  nom  d'impie ,  & 
qui  l'expofa  à  des  perfécutions.  Son  ouvrage 
commençoit  par  ces  mots  :  Je  ne  fais  s'il 
y  a  des  dieux  ;  la  profondeur  de  cette 
recherche  y  jointe  à  la  brièveté  de  la  rie  y 
m'ont  condamné  à  V ignorer  toujours.  Pro- 
tagoras fut  banni ,  &  les  livres  recherchés  , 
brûlés  &  lus.  Punitis  ingeniis  glifcit  auc- 
toricas. 

Ce  qu'on  nous  a  tranfmis  de  fa  philo- 
fophie ,  n'a  rien  de  particulier  ;  c'eft  la 
métaphyfique  de  Xénophane ,  &  la  phyfi- 
que  de  Démocrite. 

Délêatique  Diagoras  de  l'île  de  Melos  , 
fut  un  autre  impie.  Il  naquit  dans  la  38e 
olympiade.  Les  défordres  qu'il  remarqua 
dans  l'ordre  phyfique  &  moral ,  le  déter- 
minèrent à  nier  l'exiftence  des  dieux.  Il  ne 
renferma  point  fa  façon  de  penfer ,  malgré 
les  dangers  auxquels  il  s'expofbit  en  la 
laifïânt  tranfpirer.  Le  gouvernement  mit 
fa  tête  à,  prix.  On  éleva  une  colonne 
d'airain  ,  par  laquelle  on  promettoit  un 
talent  à  celui  qui  le  tueroit ,  &  deux  talens 
à  celui  qui  le  prendroit  vif.  Une  de  (es 
imprudences  fut  d'avoir  pris ,  au  défaut 
d'autre  bois  ,  une  ftatue  d'Hercule  pour 
faire  cuire  des  navets.  Le  vaiiîeau  qui  le 
portoit  loin  de  fa  patrie  ,  ayant  été  accueilli 
par  une  violente  tempête  ,  les  matelots, 
gens  fuperftitieux  dans  le  danger  ,  com- 
mencèrent à  fe  reprocher  de  l'avoir  pris  fur 
leur  bord  ;  mais  le  philofophe  leur  mon- 
trant d'autres  bâtimens  ,  qui  ne  couroienc 
pas  moins  de  danger  que  le  leur  ,  leur 
demanda  avec  un  grand  fang  -  froid  ,  fi 
chacun  de  ces  vaifîèaux  portoit  auffi  un 
Diagoras.  Il  difoiî  dans  une  autre  con- 
joncture à  un  Samothrace  de  fes  amis ,  qui 
lui  faifoit  remarquer  dans  un  temple  de 
'Neptune  ,  un  grand  nombre  d'ex  vota 
offerts  au  dieu  par  des  voyageurs  qu'il 
.  avoit  fauves  du  naufrage  ,  ,que  les  prêtres 
ne  feroîent  pas  fi  fiers  ,  fi  l'on  avoit  pu 
tenir  regiflre  des  prières  de  tous  les 
honnêtes  gens  que  Neptune  avoit  laiffê 
périr.  Notre  athée  donna  de  bonnes  loix 
aux  Mantinéens  3  &  mourut  tranq^uilieiucnf 
à  Corinthe, 


i4  E  L  E 

Anaxarque  d'Abdere  fut  plus  fameux 
par  la  licence  de  (es  mœurs ,  que  par  (es 
ouvrages.  Il  jouit  de  toute  la  faveur 
d'Alexandre  :  il  s'occupa  à  corrompre  ce 
jeune  prince  par  la  flatterie.  Il  parvint  à  Je 
rendre  inacceflible  à  la  vérité.  Il  eut  la 
bafTefTe  de  le  confoier  du  meurtre  de 
Clitus.  An  ignoras  9  lui  difoit-il,  jus  Ùfas 
Jovi  ajjidere  y  ut  quidquid  rex  agat  y  id 
fas  juflumque  putetur.  Il  avoit  long-temps 
follicité  auprès  d'Alexandre  la  perte  de 
Nicocreon  ,  tyran  de  l'île  de  Chypre.  Une 
tempête  le  jeta  entre  les  mains  de  ce 
dangereux  ennemi.  Alexandre  n'étoit  plus. 
Nicocreon  fit  piler  Anaxarque  dans  un 
mortier.  Ce  malheureux  mourut  avec  une 
fermeté  digne  d'un  plus  honnête  homme. 
Il  s'écrioit  fous  les  coups  de  pilon  :  Anaxar- 
çhi  culeum  y  non  Anaxarchum  tundis.  On 
dit  aufli  de  lui  ,  qu'il  fe  coupa  la  langue 
avec  les  dents .  &  qu'il  la  cracha  au  vifage 
du  tyran. 

ELEAZAR,  (-7//?./^r.)froifiemefils 
d'Aaron  ,  &  fon  fucceflèur  dans  la  dignité 
de  grand-prêtre  ,  nomb.  XX  y  z&.  Le  fou- 
verain  pontificat  demeura  dans  fà  famille 
jufqu'au  temps  du  grand-prêtre  Héli ,  qui 
étoit  de  la  famille  d'Ithamar.  (-f-) 

ElÉAZAR  ,  (  Hifl.  facr.  )  fils  d'Abina- 
dab ,  à  qui  l'on  confia  la  garde  de  l'arche 
du  Seigneur ,  lorfqu'elle  fut  renvoyée  par 
}es  Philiftihs.  L'écriture  dit  qu'on  confacra 
Eléa^ar  pour  être  le  gardien  de  l'arche 
du  Seigneur,  foit  que  cette  confécration 
fut  .une  fimple  deftination  à  cet  emploi , 
foit  qu'on  lui  donnât  l'onction  facerdotale, 
ou  qu'on  l'obligeât  à  fe  purifier  pour  re- 
cevoir chez  lui  ce  dépôt  làcré.  (4-) 

ElÉAZAR,  (  Hifl.  facr.)  fils  d'Aod  , 
frère  d'Ifaï  ,  un  des  trois  braves  qui 
traverferent  avec  impétuofité  le  camp  des 
ennemis  du  peuple  de  Dieu ,  pour  aller  quérir 
au  roi  David  de  l'eau  de  la  citerne  qui 
étoit  proche  la  porte  de  Bethléem.  Une 
autre  fois  ,  les  Ifraélites  ,  faiiis  d'une  frayeur 
fubite  ,  à  la  vue  de  l'armée  nombreufe 
des  Philifhns ,  prirent  lâchement  la  fuite , 
&  abandonnèrent  David.  Eléa\ar  feul  ar- 
rêta la  fureur  des  ennemis ,  &  en  fit  un  fi 
grand  carnage  ,  que  fon  épée  fe  trouva  collée 
à  fà  main,  (-f-) 

pLÉAZAR  ,  (  Hifl.  facr.  )  furnommé 


E  L  E 

Âuran  ou  'Abaron,  frère  des  Maccha- 
bées ,  étoit  le  dernier  des  cinq  fils  de 
Mathatias.  Dans  la  bataille  que  Judas  livra 
à  l'armée  d'Antiochus  Eupator  ,  Eléa\ar  9 
appercevant  un  éléphant  plus  grand  &  plus 
richement  enharnaché  que  les  autres,  & 
s'imaginant  que  ce  pouvoit  être  celui  du 
roi ,  réfolut  de  fauver  fon  peuple  ,  &  de 
s'acquérir  un  nom  immortel  ;  /.  Mac.  ij9 
44-  Il  fe  fif  donc  jour  à  travers  les  plus 
épais  bataillons ,  fe  coula  fous  le  ventre 
de  l'éléphant ,  &  le  tua  à  coups  d'épée  ; 
mais  ayant  été  accablé  fous  le  poids  de 
l'animal ,  il  fut  enfèveli  fous  fon  propre 
triomphe.  On  efl  partagé  fur  l'action  d'J?- 
lca\ar  ,  &  le  motif  qui  l'y  a  '  porté  :  les 
uns  1'accufent  d'avoir  été  lui-même  caufè 
de  fa  mort  par  un  motif  de  vaine  gloire  : 
les  autres  ,  avec  plus  de  raifon  ,  louent 
fon  action  comme  l'effet  d'un  courage 
héroïque.  C'efl  en  effet  un  citoyen  qui 
s'expoie  à  un  grand  péril  pour  le  falut  de 
fon  peuple ,  mais  non  à  une  mort  véri- 
table ,  puifqu'il  pouvoit  arriver  que  la  bête 
tombât  de  telle  manière ,  qu'il  eût  le  temps 
de  fe  retirer.  Il  y  auroit  plus  de  difficulté 
fur  le  fécond  motif  que  l'écriture  femble 
lui  attribuer ,  qui  étoit  d'acquérir  un  nom 
immortel,  mais  pour  juffifier  l'expreffion  , 
il  n'eft  pas  nécefTaire  qu'Eléa^ar  ait  ctté 
pouffé  formellement  par  ce  motif,  il  fùffit 
que  fon  a&ion  dût  lui  acquérir  un  grand 
nom  chez  la  pofférité.  (-f-) 

ELÉAZAR,  (  Hifl.  facr.)  l'un  des  prin- 
cipaux docteurs  de  la  loi  chez  les  Juifs, 
qui  fouffrit  la  mort  dans  la  perfécution 
d'Antiochus  Epiphanes.  Ce  prince  voulut 
l'obliger  de  violer  la  loi  ,  en  mangeant 
de  la  chair  de  porc  ;  mais  ce  vénérable 
vieillard  lui  ayant  réfiffé  courageufement , 
Antiochusle  fit  cruellement  fouetter,  Ceux 
qui  étoient  préfens  ,  touchés  d'une  corn- 
paflion  injufte  ,  propoferent  au  faint  martyr 
de  feindre  de  manger  les  viandes  immo- 
lées aux  idoles  ,  pour  s'arracher  au  fup- 
plice  ;  mais  Elt'a^ar  eut  horreur  d'un  tel 
confeil  »  &  refufa  de  conferver  fa  vie  par 
cette  lâcheté  criminelle  ;  &  les  bourreaux 
ayant  continué  de  le  tourmenter  ,  il  ex- 
pira   entre  leurs    mains.    II.    Mac.    vj  3 

ELÉAZAR  ,    (  Hifl.  facr.  )  fils  d'Oniaç 


E  L  E 

premier  ,  &  frère  de  Simon ,  furnommé 
le  Jufte  y  fuccéda  à  Ton  frère  dans  la 
ibuveraine  facrificature ,  parce  qu'Onias  , 
fon  neveu  ,  éroit  encore  trop  jeune  pour 
l'exercer.  Ptolémée  Philadeiphe ,  roi  d'E- 
gypte ,  lui  envoya  cent  mille  Juifs  qui 
étoient  captifs  dans  fon  royaume  ,  &  le 
pria  par  des  lettres  obligeantes  ,  accom- 
pagnées de  riches  préfens,  de  lui  com- 
muniquer les  loix  des  Juifs.  Ce  pontife  lui 
envoya  LXXII  favans  de  fa  nation  ,  qui 
traduifirent  la  Bible  d'hébreu  en  grec  ;  & 
c'eft  la  verfion  qu'on  nomme  ordinairement 
des  Septante. 

Il  eft  fait  mention  dans  l'écriture  de  plu- 
fteurs  autres  Eléa^ars  y  dont  on  ne  connoîr 
que  le  nom.  (-{-) 

ELECTEURS,  f.  m.  pi.  {Hifloire  & 
droit  public  d'Allemagne.  )  On  donne  ce 
nom  en  Allemagne  à  des  princes  qui  font 
en  pofleffion  du  droit  d'élire  l'empereur. 
laes  auteurs  ne  s'accordent  pas  fur  l'origine 
de  l'a  dignité  électorale  dans  l'Empire. 
Pafquier  dans  fes  recherches  }  croit  qu'après 
l'extinction  de  la  race  des  Carlovingiens , 
l'élection  des  empereurs  fut  commife  à  fix 
des  princes  les  plus  confidérables  de  l'Alle- 
magne ,  auxquels  on  ajoutoit  un  feptieme  en 
cas  que  les  voix  fufTent  partagées  également. 
Quelques-uns  prétendent  que  l'inftitution 
des  électeurs  doit  être  rapportée  au  temps 
d'Othon  III  ,  d'autres  au  temps  d'Othon 
IV  ,  d'autres  à  celui  de  Frédéric  II.  Il  s'eft 
aufiî  trouvé  des  écrivains  qui  ont  cru  que 
c'étoit  le  pape  de  qui  les  électeurs  dérivoient 
leur  droit  ;  mais  c'eft  une  erreur  ,  attendu 
que  le  fouverain  pontife  n'ayant  jamais  eu 
aucun  droit  fur  le  temporel  de  l'Empire  , 
n'a  jamais  pu  conférer  le  privilège  d'élire 
un  empereur.  Le  fentiment  le  plus  vrai- 
femblable  ,  eft  que  le  collège  électoral  prif^ 
naifTance  fous  le  règne  de  Frédéric  II ,  & 
qu'il  s'établit  du  confentement  tacite  des 
autres  princes  &  états  de  l'Empire  ,  qui 
avoient  lieu  d'être  fatigués  des  troubles  ,  de 
la  confufion  &  de  l'anarchie  qui  depuis 
long  -  temps  agitoient  l'Allemagne  ;  ces 
malheurs  étoient  des  fuites  nécefîaires  des 
longs  interrègnes  qui  arrivoient  lorfque  l'é- 
lection de  l'empereur  fe  faifoit  par  tous 
les  états  de  l'Empire.  Cependant  il  y  a  des 
jouteurs  qui  prétendent  que  les  électeurs  fe 


E  L  E  1 5 

font  arrogé  pour  toujours  un  droit  qui  ne 
leur  avoit  été  originairement  déféré  que 
par  la  néceffité  des  circonftances  &  feule- 
ment pour  un  temps  ,  &  que  toutes  choies 
étant  rentrées  dans  l'ordre ,  les  autres  états 
de  l'Empire  devroient  aufli  rentrer  dans 
le  droit  de  concourir  à  donner  un  chef  à 
l'Empire.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  y  c'eft  que 
la  bulle  d'or  eft  la  première  loi  de  l'Empire 
qui  fixe  le  nombre  des  électeurs  ,  &  aflîgne 
à  chacun  d'eux  (es  fondions  :  par  cette  loi 
le  nombre  eft  fixé  à  fept  ,  dont  trois 
eccléfiaftiques ,  &  quatre  laïques.  Mais  en 
1648  ,  par  le  traité  de  Weftphalie  on  créa 
un  cinquième  électorat  féculier  en  faveur 
du  duc  de  Bavière  ;  enfin  en  1692 ,  on 
en  créa  un  fixieme  en  faveur  du»  duc  de 
Brunswick-Lunebourg  ,  fous  le  nom  à'élec-> 
torat  de  Hannovrc  ;  mais  ce  prince  ne  fut 
admis  fans  contradiction  dans  le  collège 
électoral  qu'en  1708  ;  de  forte  qu'il  y  a 
préfentement  neuf  électeurs  }  trois  ecclé- 
fiaftiques ;  favoir ,  ceux  de  Mayence  ,  de 
Trêves  &  de  Cologne  ,  &  fix  féculiers  qui 
font ,  le  roi  de  Bohême  ,  le  duc  de  Ba- 
vière ,  le  duc  de  Saxe ,  le  Margrave  de 
Brandebourg ,  le  comte  Palatin  du  Rhin , 
&  le  duc  de  Brunswick-Hannovre.  Ces 
électeurs  font  en  pofteffion  des  grands  offi~ 
ces  de  l'Empire  qu'on  appelle  archi-ojficia 
Imptrii. 

\1  électeur  de  Mayence  eft  archi- chan- 
celier de  l'Empire  en  Germanie.  \J  électeur 
de  Trêves  a  le  titre  d'archi-chancelier  de 
l'Empire  pour  les  Gaules  &  le  royaume 
d'Arles  j  Sélecteur  de  Cologne  eft  archi- 
chancelier  de  l'Empire  pour  l'Italie.  Ces 
trois  électeurs  font  archevêques. 

Le  roi  de  Bohême  eft  archi-p'mcerna  y 
c'eft-à-dire,  grand  échanfon  de  l'Empire^ 
V électeur  de  Bavière  eft  archi-dapifer  y 
grand -maître  d'hôtel.  Sélecteur  de  Saxe' 
eft  archi  -  marefcallus  ?  grand  -  raaréchaL 
Uélecteur  de  Brandebourg  eft  archi-came- 
rarius  y  grand  -  Chambellan.-  \J  électeur 
Palatin  eft  archi  -  thefaurarius  ,  grand— 
tréforier  de  FEmpire.  Quant  à  ïeleâeur 
de  Hannovre ,  on  ne  lui  a  point  encore 
affigné  d'office.  Il  y  a  tout  lieu  de-  croire 
que  la  dignité  électorale  ou  le  droit  d'élire? 
l'empereur  n'a  été  attaché  aux  grands 
offices    de  la   couronne  ,  que  parce  qu# 


\i  E  L  E 

dans  les  commencemens  c'étoient  les  grands  I 
officiers  qui  înnonçoient  l'élection  qui  avoit  ' 
été  laite  par  tous  les  états  de  l'Empire.  Le 
jour  du  couronnement  ,  les  eleâeurs  font 
tenus  d'exercer  leurs  fondions  auprès  de 
l'empereur  par  eux-mêmes  ou  par  leurs 
fubftituts  ,  dont  les  offices  font  héréditaires 
dans  certaines  familles.  Voy.  l'art.  EMPE- 
REUR ,  où  l'on  trouvera  les  formalités  qui 
fè  pratiquent  à  l'élection  &  au  couronnement 
d'un  empereur. 

Les  électeurs  eccléfiaftiques  parviennent 
à  la  dignité  électorale  par  le  choix  d.es 
chapitres  qui  en  élifant  un  archevêque ,  le 
font  électeur;  d'où  l'on  voit  que  fouvent 
un  fimple  gentilhomme  qui  eït  chanoine 
d'une  des  trois  métropoles  de  Mayence , 
de  Trêves  ,  ou  de  Cologne  ,  peut  parvenir 
à  cette  éminente  dignité.  Pour  que  les 
électeurs  ecclénafhques  piaffent  jouir  du 
droit  d'élire  un  empereur  ,  il  fuffit  qu'ils  aient 
été  élus  ou  pofîulés  légitimement ,  fans  qu'il 
foit  befoin  d'attendre  la  confirmation  du 
pape. 

Les  électorats  feculiers  s'acquièrent  par 
le  droit  de  naiffance  :  ils  font  héréditaires ,  ne 
peuvent  fe  partager  ,  mais  appartiennent  en 
entier  aux  premiers  nés  des  maifons  électora- 
les ;  ils  font  majeurs  à  l'âge  de  18  ans ,  & 
durant  leur  minorité  ,  c'eft  le  plus  proche 
des  agnats  qui  eft  leur  tuteur. 

Les  électeurs  forment  le  corps  le  plus 
augufre  de  l'empire  ;  on  le  nomme  le  collège 
électoral.  Voyez  cet  article  9  &  l'article 
DlETE.  Ils  jouifîent  d'un  grand  nombre 
de  prérogatives  très-conlidérables  qui  les 
mettent  au  delfùs  des  autres  princes  d'Al- 
lemagne. i°.  Ils  ont  le  droit  d'élire  un 
empereur  &  un  roi  des  Romains ,  feuls 
&  fans  le  concours  des  autres  états  de 
l'Empire.  2.°.  Ils  peuvent  s'afîembler  pour 
former  une  diète  électorale ,  &  délibérer 
de  leurs  afTiires  particulières  &  de  celles 
de  tout  l'Empire,  fans  avoir  befoin  pour 
cela  du  confentement  de  l'empereur.  3°.  Us 
exercent  dans  leurs  électorats  une  jurif- 
diction  fouveraine  fans  que  leurs  vallàux  & 
fujets  puifîènt  appeller  de  leurs  dédiions 
aux  tribunaux  de  t'Empire ,  c'eft-à-dire  ,  à 
la  chambre  impériale  &  au  confeil  aulique , 
c'efl  ce  qu'on  appelle  en  Allemagne  privi- 
legium  de  non  appellando.  40.  L'empereur 


E  L  E 

ne  peut  pas  convoquer  la  diète  fans  le 
confentement  du  collège  électoral,  qui  lui 
eft  aufli  néceilaire  dans  les  affaires  prei- 
{ées  &c  qui  ne  foufrrent  point  de  délai.  50. 
Chaque  électeur  a  le  droit  de  préfenter 
deux  afTefîeurs  ou  juges  de  la  chambre  im- 
périale. 6°.  Les  électeurs  font  exempts  de 
payer  des  droits  à  la  chancellerie  impé- 
riale ,  lorfqu'ils  prennent  l'inveiiiture  de 
leurs  états. 

Les  électeurs  prétendent  marcher  de  pair 
avec  les  têtes  couronnées ,  &  même  ils  ne 
cèdent  point  le  pas  aux  rois  à  la  cour  de 
l'empereur  ;  ils  ont  le  droit  d'envoyer  des 
ambafîàdeurs.  L'empereur  ,  quand  il  leur 
écrit ,  traite  les  ^électeurs  ecclefialtiques  de 
neveux  }  &  les  feculiers  d'oncles.  Us  veulent 
être  feuls  en  droit  de  drefTer  les  articles 
de  la  capitulation  impériale  :  mais  ce  droit 
leur  eft  conteflé  par  les  autres  princes  & 
états  de  l'Empire  ;  cependant  julqu'à  pré- 
fent  ils  en  font  demeurés  en  pofTellion.  V. 
Capitulation  Impériale. 

Outre  ces  privilèges  qui  (ont  communs  à 
tous  les  électeurs,  il  y  en  a  encore  d'autres 
qui  font  particuliers  à  chacun  d'eux ,  &  que 
l'on  peut  voir  dans  les  auteurs  qui  ont  écrit 
fur  le  droit  public  d'Allemagne.  V.  Vitriarii 
Injiitut.  juris  publ. 

Les  attributs  de  la  dignité  électorale  ,  font 
le  bonnet  &  le  manteau  fourrés  d'hermine  , 
l'épée,  &  la  crofTe  pour  les  eccléiiafHques,&c. 
On  leur  donne  le  titre  d'altejje  électorale. 
Le  fils  aine  d'un  électeur  féculier  le  nomme 
prince  électoral.  (— ) 

ELECTEUR,  f.  m.  (Jurif prudence.  )  efl 
celui  qui  donne  fon  fuffrage  pour  l'élection 
qui  fe  fait  de  quelque  perfonne  ,  foit  pour 
un  bénéfice  ,  foit  pour  un  office  ,  eommif- 
fion ,  ou  autre  place.  Voye\  ci-après  ELEC- 
TION. (A) 

ELECTIF,  adj.  {Hifi.  mod.)  chofe  qui 
fe  fait  ou  qui  fe  pane  par  élection.  Voye\ 

Election. 

L'empire  d'Allemagne  étoit  héréditaire 
du  temps  de  Charlemagne  &  de  [es  fucce£- 
feurs  jufqu'à  la  mort  de  l'empereur  Louis 
IV  ,  en  912..  L'Empire  commença  dès-lors 
à  être  électif  en  la  perfonne  de  Conrad 
I ,  &  depuis  ce  temps-la  l'Empire  ,•  quoique 
quelquefois  héréditaire  ,  fut  cenfé  électif  9 
parce  que  les  fils  ne   fuccédoient  à  ïems 

pères 


E   L  E 

pères  que  du  confentement  du  corps  ger-  J 
manique.  D'ailleurs  cette  dignité  paffa  en 
différentes  imifons,  fans  égard  au  prétendu 
droit  de  fucceffion.  Jufqu'au  temps  de 
l'empereur  Frédéric  II,  en  121 2,  l'Empire 
a  toujours  été  électif ,  jufqu'à  ce  que  la 
maiibn  d'Autriche ,  en  le  laiflant  tel  en 
apparence  ,  l'ait  rendu  réellement  hérédi- 
taire, comme  on  l'a  vu  depuis  Charles- 
quint  jufqu'à  Charles  VI. 

Il  y  a  des  bénéfices  électifs.  Les  charges 
municipales  font  généralement  électives  en 
Angleterre,  6k  vénales  en  Efpagne.  La 
Pologne  eft  un  royaume  électif.  Avant  le 
concordat ,  les  évêchés  étoient  électifs  en 
France  ,  6k  font  maintenant  à  la  nomi- 
nation du  roi,  &c.  Chambers  6k  Trév.  {G) 

ELECTION  ,  (Arithm.  &Alg.)  dans 
les  nombres  6k  les  combinaifons,  eft  la 
différente  manière  de  prendre  quelques 
nombres  ou  quantités  données,  ou  féparé- 
ment ,  ou  deux  à  deux  ,  ou  trois  à  trois , 
fans  avoir  égard  à  leurs  places.  Ainfi  les. 
quantités  a>  h9  c,  peuvent  être  prifes 
de  fept  façons  différentes ,  comme  a  b  c , 
A  b;  a'C)  b  c ,  6k  a,  b ,  c.  Voye^ 
Combinaison  ,  Alternation,  Per- 
mutation. (O) 

Election,  eleclio  en  Théologie , 
fîgnifie  quelquefois  prédestination  à  la 
grâce  &  à  la  gloire ,  6k  quelquefois  à  la 
grâce  feulement,  ou  à  la  gloire  feulement. 
V.  Prédestination. 

C'eft  un  article  de  foi ,  que  Sélection  à 
la  grâce  eft  purement  gratuite  6k  abfolu- 
inent  indépendante  de  la  prévifion  des 
mé  itesdel  homme. Mais  c'eft  une  queftion 
fur  laquelle  les  Théologiens  font  partagés, 
que  de  favoir  fi  Yéleclion  à  la  gloire  eft 
antécédente  ou  conféquente  à  la  prévifion 
des  mérites  de  l'homme. 

Ceux  qui  founennent  qu'elle  eft  confé- 
quente à  cette  prévifion,  ont  pour  eux 
plufieurs  textes  de  l'Ecriture  qui  paroiiTent 
décififs.  Leurs  adverfaires  trouvent  dans  la 
tradition ,  6k  fur-tout  dans  les  écrits  de 
S.  Auguftin ,  un  grand  nombre  de  paffages 
favorables  à  ï élection  antécédente  à  la 
prévifion  de  nos  bonnes  œuvres  :  c'eft  ce 
qu'on  appelle  en  termes  d'école,  eleclio 
ou  preedeftinatio  ante  vel  pofi  prœvifa 
mtrua,  Voy.  PRÉDESTINATION.  (G) 
Tome  XII. 


E  L  E  17 

Election  impériale.  Voy,  Empe- 
reur &  Electeurs. 
Election  d'ami  ou  en  ami. (Jurifp.) 
cetermeeft  ufité  dans  quelques  provinces 
pour  exprimer  la  déclaration  que  celui  qui 
paroît  être  acquéreur  ou  adjudicataire  d'un 
immeuble,  fait  du  nom  du  véritable  acqué- 
reur pour  éviter  doubles  droirs  feigneu- 
riaux.  Le  ftyle  ufité  dans  quelques  provin- 
ces eft  que  l'acquéreur  ou  adjudicataire  dé- 
clare dans  le  contrat  ou  dans  l'adjudica- 
tion qu'il  acquiert  pour  lui ,  fon  ami  élu  ou 
à  élirez  ce  qu'il  ftipule  ainfi ,  afin  de  pou- 
voir faire  enfuite  fon  élection  en  ami  ou 
déclaration  du  nom  de  celui  au  profit 
duquel  l'acquifition  doit  demeurer.  Les 
élections  en  ami  font  ufirées  dans  toutes 
les  adjudications  de  biens  qui  f©  font  par 
juftice,  ces  fortes  d'adjudicationsTe  faifant 
toujours  à  un  procureur,  lequel  à  î'inftant 
ou  par  un  acte  féparé  déclare  que  l'adjudi- 
cation à  lui  faite  eft  pour  un  tel  :  ces 
élections  en  ami  ont  auffi  lieu  dans  les 
ventes  volontaires. 

Au  moyen  de  la  déclaration  ou  élection, 
en  ami ,  il  n'y  a  qu'une  vente ,  6k  il  n'en 
eft  point  dû  doubles  droits  ;  mais  il  faut 
pour  cela  que  Yéleclion  en  ami  ou  déclara- 
tion foit  faite  dans  le  temps  fixé  par  la 
loi ,  coutume  ou  ufage  des  lieux  ;  autre- 
ment la  déclaration  feroit  regardée  comme 
une  revente  qui  produiroit  de  nouveaux 
droits  au  profit  du  feigneur.  Suivant  le 
préfident  Faber,  l'acquéreur  ou  adjudica- 
taire ne  doit  avoir  que  quarante  jours  pour 
faire  fa  déclaration  ,  conformément  aux 
loix  du  code,  liv.  IV.  tit.  50.  Siquis  alteri 
velfibifub  alterius  nomine  vel  alidpecunid 
emerit.  Dans  quelques  endroits,  l'acqué- 
reur a  un  an  pour  faire  Yéleclion  en  ami\ 
dans  d'autres ,  deux  ans  ou  plus.  [A) 

Election  en  matière  bénéfi- 
CIALE  ,  {Jurifp.)  eft  le  choix  qui  eft  fait 
par  plufieurs  perfonnes  d'un  eccléiiaftique, 
pour  remplir  quelque  bénéfice ,  office  ou 
dignité  eccléfiaftique. 

Cette  voie  eft  la  plus  ancienne  de  tou- 
tes celles  qui  font  ufitées  pour  remplir  ces 
fortes  de  places ,  6k  elle  remonte  jufqu'à 
la  naiflance  de  l'Êglife. 

La  première  élection  qui  fut  faite  de 
cette  efpece  ,  fut  après  l'afcenfion  de  J.  C. 


i8 


E  L  E 


Les  apôtres  s'étant  retirés  dans  !e  cénacle 
avec  les  autres  difciples  ,  lafainre  Vierge, 
les  faintes  femmes  ,  6k  les  parens  du  Sei- 
gneur ,  S.  Pierre  leur  propofa  d'élire  un 
apôtre  à  la  p'ace  de  Judas.  Après  avoir 
invoqué  le  Seigneur,  ils  tirèrent  au  fort 
entre  Barnabas  6k  Matthias  ,  ck  le  fort 
tomba  fur  ce  dernier.  L'afTemblée  cù 
cette  élection  fut  faite,  eu  comptée  pour 
le  premier  concile  de  JérufaJem  :  tous  les 
fidèles ,  même  les  femmes  eurent  part  à 
Yéleciion. 

Au  fécond  concile  de  Jérufalem,  tenu 
dans  la  même  année ,  on  fit  Yéleciion  des 
premiers  diacres. 

Ce  fut  aufli  dans  le  même  temps  ck  par 
voie  (Yéleciion,  que  S.  Jacques ,  furnommé 
h  Mineur  ou  le  Jufie  ,  fut  établi  premier 
évêque  de  Jérufalem. 

A  mefure  que  l'on  établit  des  évêques 
dans  les  autres  villes,  ils  furent  élus  de  la 
même  manière ,  c'eft-à-dire  par  tous  les 
fidèles  du  dioeefe  afïemb'és  à  cet  effet, 
tant  le  clergé  que  le  peuple.  Cette  voie 
parut  d'abord  la  plus  naturelle  ck  la  plus 
canonique  pour  remplir  les  fîeges  épifeo- 
paux  ,  étant  à  préfumer  que  celui  quiréu- 
niroit  en  fa  faveur  la  plus  grande  partie 
de  ftiffrages  du  clergé  6k  du  peuple ,  feroit 
le  plus  digne  de  ce  miniftere,  6k  qu'on 
lui  obéiroit  plus  volontiers. 

Optât  dit  de  Cécilien,  qui  fut  évêque 
de  Carthage  en  311,  qu'il  avoit  été  choifi 
par  les  fufFrages  cle  tous  les  fidèles. 

Ce  fut  le  peuple  d'Alexandrie  qui  voulut 
avoir  S.  Athanafe,  lequel  fut  fait  évêque 
de  cette  ville  en  316;  6k  ce  faint  prélat 
dit,  en  parlant  de  lui-même,  que  s'il 
avoit  mérité  d'être  dépofé ,  il  auroit  fallu , 
fuivant  les  conftitutions  eccléfiaftiques , 
appeller  le  clergé  6k  le  peuple  pour  lui 
donner  un  fuccefTeur. 

S.  Léon ,  qui  fut  élevé  furie  faint  fiege 
en  440,  dit  qu'avant  de  confacrer  un 
évêque,  il  faut  qu'il  ait  l'approbation  des 
eedéfiaftiques ,  le  témoignage  des  per- 
fonnes  diftinguées ,  6k  le  confentement  du 
peuple. 

S.  Cyprien  qui  vivoit  encore  en  54^  , 
veut  que  Ton  regarde  comme  une  tradi- 
tion apoftolique ,  que  le  peuple  ailifte  à 
X élection  de  l'évêque ,  afin  qu'il  connoiffe 


E  L    E 

la  vie  ,  les  mœurs  6k  la  conduite  de  celui 
quejes  évêques  doivent  confacrer. 

Cet  ufage  fut  obfervé  tant  en  Orient 
que  dans  l'Italie ,  en  France  ck  en  Afrique  : 
le  métropolirain  6k  les  évêques  de  la  pro- 
vince afîiftoient  à  Yéleciion  de  l'évêque  ; 
6k  après  que  le  clergé  6k  le  peuple  s'éioient 
choifi  un  pafteur ,  s'il  éroit  jugé  digne  de 
Pépifcopat,  il  étoit  facré  par  le  métropo- 
litain qui  avoit  droit  de  confirmer  Yélec- 
tion.  Celle  de  métropolitain  étoit  confir- 
mée par  le  patriarche  ou  par  le  primat, 
6k  Yéleciion  cle  ceux-ci  étoit  confirmée  par 
les  évêques  afTemblés  comme  dans  un  con- 
cile ;  le  nouvel  évêque,  aulTi  tôt  après  fa 
confécration  ,  écrivoit  une  lettre  au  pape 
pour  entretenir  l'union  de  fon  églife  avec 
celle  de  Rome. 

L'élection  des  évêques  fut  ainfi  faite  par 
le  clergé  6k  le  peuple  pendant  les  douze 
premiers  fiecles  de  l'Eglife.  Cette  forme 
fut  autorifée  en  France  par  plufieurs  conci- 
les, notamment  par  le  cinquième  concile 
d'Orléans  en  549  ,  par  un  concile  tenu  à 
Paris  en  614;  6k  Yves  de  Chartres  allure 
dans  une  de  fes  lettres ,  qu'il  n'approuvera 
pas  Yéleciion  qui  avoit  été  faite  d'un  évêque 
de  Paris ,  à  moins  que  le  clergé  6k  le 
peuple  n'ait  choifi  la  même  perfonne ,  6k 
quelemétropolitaincklesévêquesnel'aient 
approuvée  d'un  confentement  unanime. 

On  trouve  néanmoins  beaucoup  d'exem- 
ples dans  les  premiers  fiecles  de  l'Eglife  , 
d'évêques  nommés  fans  élection',  le  concile 
de  Laodicée  défendit  même  que  l'évêque 
fût  élu  par  le  peuple. 

Il  y  eut  aufîi  un  temps  où  les  élections 
des  évêques  furent  moins  libres  en  Francej 
mais  elles  furent  rétablies  par  un  capitulaire 
de  Louis  le  Débonnaire  de  l'an  822  ,  que 
l'on  rapporte  au  concile  d'Aftigni  ^'igno- 
rant pas,  ditl'empereur,  lesfacrés  canons, 
6k  voulant  que  l'Eglife  jouiffe  de  fa  liberté, 
nous  avons  accordé  que  les  évêques  foient 
élus  par  le  clergé  6k  par  le  peuple ,  6k  pris 
dans  le  dioeefe ,  en  considération  de  leur 
mérite  6k  de  leur  capacité,  gratuitement 
6k  fans  acception  de  perîonnes. 

Les  religieux  avoient  part  à  Yéleciion 
de  l'évêque,  de  même  que  les  autres  eedé- 
fiaftiques, tellement  quele  vingt-huitième 
1  canon  du  concile  de  Latran  tenu  en  1 139  % 


E  L   E 

défend  aux  chanoines  (de  la  cathédrale) 
fous  peine  d'anathême,  d'exclure  de  Y  élec- 
tion de  févêque  les  hommes  religieux. 

Il  faut  néanmoins  obferver  que  dans 
les  temps  même  où  les  évêques  étoient 
élus  par  le  confentement  unanime  du 
clergé,  des  moines  ,  ck  du  peuple,  les> 
fouverainsavoient  dès-lors  beaucoup  de 
part  aux  élections,  foit  parce  qu'on  ne 
pouvoir  faire  aucune  affemb'ée  fans  leur 
permifïïon ,  foit  parce  qu'en  leur  qualité 
de  fouverains  ck  de  protecteurs  de  l'Eglife 
ils  ont  intérêt  d'empêcher  qu'on  ne  mette 
point  en  p!ace  fans  leur  agrément  ,  des 
perfonnes qui  pourraient  être  fufpev5r.es;  le 
clergé  de  France  a  toujours  donné  au 
roi  dans  ces  occafions  des  marques  du 
refpect  qu'il  lui   devoit. 

On  trouve  dès  le  temps  delà  première 
race  ,  des  preuves  que  nos  rois  avoient 
déjà  beaucoup  de  part  à  ces  élections. 
Quelques  auteurs  prétendent  que  les  rois 
de  cette  race  conféroient  les  évêchés  à 
rexclufion  du  peuple  ck  du  clergé  ,  ce  qui 
paroît  néanmoins  trop  général.  En  effet , 
les  lettres  que  Dagobert  écrivit  au  fujetde 
l'ordination  de  Saint-DizierdeCahors,  à 
S.  Sulpice  ck  aux  autres  évêques  de  la 
province  ,  font  mention  exprefle  du  con- 
fentement du  peuple;  ck  dans  les  conciles 
de  ce  temps  on  recommandoit  la  liberté 
des  élections ,  qui  étoit  fouvent  mal  obfer- 
vée  ;  ainfi  l'ufage  ne  rut  pas  toujours  uni- 
forme fur  ce  point. 

Il  eft  feulement  certain  que  depuis  Clo- 
vis  jufqifen  590  ,  aucun  évêquen'étoit  inf- 
talté,finon  pari'ordreoudu  confenxement 
du  roi. 

Grégoire  de  Tours  qui  écrivoit  dans 
le  même  fiecle  ,  fait  fouvent  mention  du 
confentement  ck  de  l'approbation  que  les 
rois  de  la  première  race  donnoient  aux 
évêques  qui  avoient  été  élus  par  le  clergé 
ck  par  le  peuple  ;  &  Clotaire  II ,  en  confir- 
mant un  concile  de  Paris  qui  déclare  nulle 
la  consécration  d'un  évêque  faite  fans  le 
confentement  du  métropolitain,  des  ecclé- 
iîaftiques  ck  du  peuple,  déclara  que  celui 
qui  avoir  été  ainfi  élu  canoniquement,  ne 
devoir  être  facré  qu'après  avoir  obtenu 
l'agrément  du  roi. 

Dans  les  formules  du  moine  Marculphe 


E  L  E  t^ 

qui  vivoit  clans  le  feptieme  fiecle ,  il  y 
en  a  trois  qui  ont  rapport  aux  élections, 
La  première  eft  l'ordre  ou  précepte  par 
lequel  le  roi  déclare  au  métropolitain , 
qu'ayant  appris  la  mort  d'un  tel  évêque, 
il  aréfolu,  de  l'avis  des  évêques  ck  des 
grands  ,  de  lui  donner  un  tel  pour  fuc- 
cefleur.  La  féconde  eft  une  lettre  pour 
un  des  évêques  de  la  province.  La  troi- 
fieme  eft  la  requête  des  citoyens  de  la 
ville  épifcopale,  qui  demandent  au  roi 
de  leur  donner  pour  évêque  un  tel  dont 
ils  connoiiîent  le  mérite;  ce  qui  fuppofe 
que  l'on  attendoit  le  confentement  du 
peuple  ,  mais  que  ce  n'étoit  pas  par  forme 
(Y  élection. 

Il  y  eut  même  fous  la  première  race 
plufieurs  évêques  nommés  par  le  roi  fans 
aucune  élection  précédente,  comme  S. 
Amant  d'Utrecht  ck  S.  Léger  d'Autun. 
La  formule  du  mandement  que  le  roi  faifoit 
expédier  fur  cette  nomination ,  eft  rap- 
portée par  Marculphe.  Il  y  eft  dit  que  le 
roi,  ayant  conféré  avec  les  évêques  ck  prin- 
cipaux officiers  de  fa  cour ,  avoir  choiii 
un  tel  pour  remplir  le  fiege  vacant. 

Cette  manière  de  pourvoir  aux  évêchés 
étoit  quelquefois  néceftaire,  pour  empê- 
cher les  brigues  ck  la  fimonie  :  c'étoit 
aufli  fouvent  la  faveur  feule  qui  détermi- 
noit  la  nomination. 

Charlemagne  ck  Louis  le  Débonnaire 
firent  tous  leurs  efforts  pour  rétablir 
l'ancienne  difcipline  fur  les  élections.  Le 
premier  difpofa  néanmoins  de  plufieurs 
évêchés,  par  le  confeil  des  prélats  ck  des 
grands  de  fa  cour,  fans  attendre  Sélec- 
tion du  clergé  ck  du  peuple.  Plufieurs 
croient  qu'il  en  ufa  ainfi  du  confentement 
de  l'Eglife ,  pour  remédier  aux  maux  dont 
elle  étoit  alors  affligée  :  il  rendit  même 
à  plufieurs  églifes  la  liberté  des  élections  , 
par  des  actes  exprès. 

Il  y  eut  fous  cetre  féconde  race  plu- 
fieurs canons  ck  capitulaires ,  faits  pour 
conferver  l'ufage  des  élections  ;  mais  ce 
futtoujours  fans  donner  atteinte  aux  droits. 
On  tenoit  alors  pour  principe  qu'en  cas 
de  trouble  ck  d'abus  le  roi  pouvoit  nom- 
mer à  l'évêché;  tellement  que  l'évêque- 
vifiteur  avertiiToit  ceux  qui  dévoient  élire, 
que  s'ils  fe  laiffoient  féduire  par  quelque 
C  z 


20  E  L  E 

moyen  injufte,  l'empereur    nommeroit ! 
fans  contrevenir   aux  canons. 

Les  choies  changèrent  bien  de  forme 
fous  ia  troïfieme  race  ;  les  chapitres  des 
cathédrales  s'attribuèrent  le  droit  d'élire 
feuls  les  évêques,  privativement  au  refte 
du  clergé  &  au  peuple.  Au  commence- 
ment du  xiij  fiecle  ils  étoient  déjaenpof- 


ELE 

déterminoient  que  par  le  mérite  du  fujefv 
L'évêquechoififfoit  ordinairement  deb  prê- 
tres &t  des  clercs  entre  les  plus  faints 
moines;  les  abbés  y  confentoient  pour  le 
bien  général  de  l'Eglife,  qu'ils  préféroient 
à  l'avantage  particulier  de  leur  monaftere. 
Il  y  avoit  dans  le  xij  fiecle  une  grande 
confufîon  dans  les  élections  pour  les  pré- 


feffion  d'élire  ainfi  feuls  l'évêque  &  les  latures;  chaque  églifè  avoit  fes  règles  Se 
métropolitains;  de  confirmer  feuls  Yélec-  i  fes  ufages,  qu'elle  changeoit  félon  les  bri- 
//o/z,  fans  appeller  leurs  furfragan^,  comme  i  gués  qui  prévaloient. 


il  paroît  par  le  concile  de  Latran  ,  tenu 
en  i2i5.Les  papes,  auxquels  ons'adref- 
foit  ordinairement  lorfqu'ii  y  avoit  contef- 
tation  fur  la  confirmation  des  évêques, 
firent  de  ce  droit  une  caufe  majeure 
réfervée  au  faint  fiege  :  les  droits  du  roi 
furent  cependant  toujours  confervés. 

Lorfque  Philippe  Augufte  partit  pour 
fon  expédition  d'outre-mer,  entre  les 
pouvoirs  qu'il  laiiTa  pour  la  régence  du 
royaume  à  fa  mère  &  à  l'archevêque  de 
Rheims ,  il  marqua  fpécialement  celui 
d'accorder  aux  chapitres  des  cathédra- 
les la  permiffion  d'être  un  évêque. 

S.  Louis  accorda  le  même  pouvoir  à 
la  reine  fa  mère ,  lorfqu'ii  l'établit  régente 
du  royaume.  Il  ordonna  cependant  parla 
pragmatique  fanclion  qu'il  fit  dans  le  même 
temps,  en  1268,  que  les  églifes  cathé- 
drales &  autres  auroient  la  liberté  des 
élections. 

\2  élection  des  abbés  étoit  réglée  fur  les 
mêmes  principes  que  celle  des  évêques. 
Les  abbés  étoient  élus  par  les  moines  du 
monaftere  qu'ils  dévoient  gouverner.  Ils 
étoient  ordinairement  choifis  entre  les 
moines  de  ce  monaftere  ;  quelquefois  néan- 
moins on  les  choififToit  dans  un  monaftere 
voifin,  ou  ailleurs.  Avant  de  procédera 
Xélection  ,  il  falloit  obtenir  le  confen- 
tement  du  roi;  ÔC  celui  qui  étoit  élu 
abbé ,  ne  pouvoit  aufli  avoir  l'agrément 
du  roi,  avant  d'être  confirmé  &  béni 
par  l'évêque. 

Les  autres  bénéfices  j  offices  &  dignités 
étoient  conférés  par  les  fupérieurs  ecclé- 
fiaftiques;  favoir  les  bénéfices  féculiers 
parl'évêque ,  ck  les  réguliers  par  les  abbés, 
chacun  dans  leur  dépendance.  Les  uns  & 
les  autres  n  agii;oient   dans    leur  choix 


Ce  fut  pour  remédier  à  ces  défordres,1 
que  le  quatrième  concile  de  Latran ,  tenu 
en  121 5,  fit  une  règle  générale,  fuivant 
laquelle  on  reconnoît  trois  formes  diffé- 
rentes d'élections ,  qui  font  rapportées 
aux  décrétales ,  liv.  I.  tit.  vj.  capit,  Quia 
pr  opter. 

La  première  eft  celle  qui  fe  fait  par 
ferutin. 

La  féconde  eft  de  nommer  des  corn- 
miffaires  ,  auxquels  tout  le  chapitre  donne 
pouvoir  d'élire  en  fon  lieu  &  place. 

La  troifieme  forme  d'élection  eft  celle: 
qui  fe  fait  par  une  efpece  d'infpiration 
divine,  lorfque  par  acclamation  tous  les 
électeurs  fe  réunifient  pour  le  choix  d'un 
même  fujet. 

Ce  même  concile  de  Latran  ,  celui  de 
Bourges  en  1276, celui d'Aufch  en  1300  y 
les  conciles  provinciaux  de  Narbonne  ÔC 
de  Touloufe,  tenus  à  Lavaur  en  1368» 
déclarent  nulle  toute  élection  faite  par  abus 
de  l'autorité  féculiere  ou  eccléfiaftique. 

La  liberté  des  élections  ayant  encore 
été  troublée  en  France  par  les  entreprifes 
des  papes,  fur-tout  depuis  que  Clément  V. 
eut  transféré  le  faint  fiege  à  Avignon  r 
le  concile  de  Confiance  en  141 8  ,  &c 
celui  de  Balle  en  143 1 ,  tentèrent  toutes 
fortes  de  voies  pour  rétablir  l'ancienne 
difeipline. 

Les  difficultés  qu'il  y  eut  par  rapport  à 
ces  conciles ,  firent  que  Charles  VII  con- 
voqua à  Bourges  en  1438  une  affemblée 
de  tous  les  ordres  du  royaume  ,  dans  la- 
quelle fut  drefiee  la  pragmatique  fanclion  , 
laquelle  entr'autres  chofes  rétablit  les  élec- 
tions dans  leur  ancienne  pureté.  L'affem- 
blée  de  Bourges  permit  aux  rois  &C  aux 
princes  de  leur    fang,  d  employer  leurs. 


qu'avec  connoifïance  de  caufe  3  ôc  ne  fe  i  recommandations  auprès  des  électeurs,  ea 


E  L  E 

faveur  des  personnes  qui  auroient  rendu 
fervice  à  l'état. 

Nos  rois  continuèrent  en  effet  d'écrire 
des  lettres  de  cette  nature,  &  de  nom- 
mer des  commiiTaires  pour  affifter  à  IV- 
leclion. 

Les  papes  cependant  firent  tous  leurs 
efforts  pour  obtenir  la  révocation  de  la 
pragmatique ,  aind  qu'on  le  dira  au  mot 
Pragmatique. 

Enfin  en  1 5 1 6  François  I ,  voulant  pré- 
venir les  fuites  fâcheufes  que  tes  difTérens 
de  la  cour  de  France  avec  celle  de  Rome 
pouvoient  occafioner  ,  fit  avec  Léon  X, 
une  efpece  de  tranfaétion ,  connue  fous  le 
nom  de  concordat. 

On  y  fait  mention  des  fraudes  èk  des 
brigues  qui  fe  pratiquoient  dans  les  élec- 
tions, &  il  eft  dit  que  les  chapitres  des 
églifes  cathédrales  de  France  ne  procéde- 
ront plus  à  l'avenir,  le  fiege  vacant,  à 
X élection  de  leurs  évêques  ;  mais  que  le 
roi  fera  tenu  de  nommer  au  pape  ,  dans 
les  fix  mois  de  la  vacance,  un  dofteur 
ou  licencié  en  théologie  ou  en  droit  cano- 
nique, âgé  de  27  ans  au  moins,  pour  en 
être  pourvu  par  le  pape  ;  que  fi  la  per- 
sonne nommée  par  le  roi  n'a  pas  les  qua- 
lités requifes ,  le  roi  aura  encore  trois  mois 
pour  en  nomme^un  autre  ,  à  compter  du 
jour  que  le  pape  aura  fait  connoitre  les 
caufes  de  réeufation;  qu'après  ces  trois 
mois  il  y  fera  pourvu  par  le  pape  ;  que 
les  élections  qui  fe  feront  au  préjudice  de 
ce  traité,  feront  nulles;  que  les  parens 
du  roi  ,  les  perfonnes  éminentes  enfavoir 
&  en  doctrine ,  ck  les  religieux  mendians, 
ne  font  point  compris  dans  la  rigueur  de 
cet  article;  que  pour  les  abbayes  &  prieu- 
rés conventuels  vraiment  électifs  ,  il  en 
fera  ufé  comme  aux  évêchés ,  à  l'exception 
de  l'âge  ,  qui  fera  fixé  à  vingt-trois  ans  ; 
que  fi  le  roi  nomme  aux  prieurés  un  iécu- 
lier  ou  un  religieux  d'un  autre  ordre ,  ou 
un  mineur  de  vingt-trois  ans ,  le  pape  fe 
réferve  le  droit  de  le  refufer  ,  &  d'en 
nommer  un  autre  après  les  neuf  mois 
pafîes,  en  deux  termes,  comme  dans  le? 
évêchés.  Il  eft  dit  que  l'on  n'entend  paf 
néanmoins  déroger  par  cer  article  ,  aux 
privilèges  dont  jouifTent  quelques  chapitres 
.&  quelques  monafteres  qui  le  font  main- 


E  L  E  îi 

tenus  en  pofîefïïon  d'élire  leurs  prélats  & 
leurs  Supérieurs,  en  gardant  la  forme  pref- 
crite  par  le  chapitre  Quia  pr opter. 

Sur  la  manière  dont  le  roi  en  ufe  pour 
les  nominations,  j'oy.EvÊCHÉS  &  NO- 
MINATION ROYALE. 

Le  clergé  de  France  a  renouvelle  en 
plufieurs  occasions  fes  vœux  pour  leréta- 
bliflement  des  élections  à  l'égard  des  évê- 
chés, abbayes  &:  autres  prélatures,  comme 
on  le  voit  dans  le  cahier  qu'il  préfenta 
aux  états  d'Orléans  en  1560;  dans  celui 
qu'il  drefTa  pour  être  préfenté  aux  états 
de  Blois ,  dans  le  concile  de  Rouen  en 
1 581 ,  celui  de  Rheims  en  1 583 ,  le  cahier 
de  l'afïemblée  générale  du  clergé  en  1 595, 
&  celui  de  i'afïémblée  de  1605. 

L' 'article  ter.  de  l'ordonnance  d'Orléans, 
en  1 560 ,  porte  que  les  archevêques  & 
évêques  feront  déformais  élus  &  nommés; 
fa  voir ,  les  archevêques  par  les  évêques  de 
la  province  &  par  le  chapitre  de  la  mé- 
tropole; les  évêques,  par  l'archevêque, 
les  évêques  de  la  province ,  <k  les  cha- 
noines de  l'égliié  cathédrale  appelles  avec 
eux,  douze  gentilshommes  qui  feront  élus 
par  la  nobleffe  du  diocefe,  &  douze 
notables  bourgeois  élus  en  l'hôtel  de  la 
ville  archiépifcopale  ou  épifcopale  :  tous 
lefquels  s'accorderont  de  trois  perfonnages 
de  qualités  requifes ,  âgés  au  moins  de 
trente  ans,  qu'ils  préfenterontàSa  Ma- 
jefté  qui  choifira  l'un  des  trois. 

L'exécution  de  cette  ordonnance  a  été 
commandée  par  Y  art.  3  G  de  celle  de 
Roufîillon;  cependant  cet  article  de  l'or- 
donnance d'Orléans  &  plufieurs  autres 
ne  s'obfervent  point. 

Ainfi  les  évêchés  ne  font  plus  électifs.' 

A  l'égard  des  abbayes,  toutes  celles 
qui  étoient  électives  ,  font  affujetties  par 
le  concordat  à  la  nomination  royale  ,  à 
i'exceptien  feulement  des  chefs  d'ordre  &C 
des  quatre  filles  de  Cîteaux.  On  fuit  en- 
core dans  ces  abbayes ,  pour  les  élections^ 
les  règles  preferites  par  la  pragmatique 
fanction. 

Pour  ce  qui  eft  des  dignités  des  cha- 
pitres qui  font  électives,  des  généraux 
d'ordres  réguliers  qui  n'ont  pas  le  titre 
tablés ,  &  des  abbayes  triennales  éîec- 
1  tives ,  les  élections  dépendent  en  partie. 


iî  E  L  E 

des-  ufages  ckftatuts  particuliers  de  chaque 
églife  ,  congrégation  ou  communauté. 

II  y  a  néanmoins  plusieurs  règles  tirées 
du  droit  canonique,  qui  font  communes 
à' toutes  les  élections. 

On  ne  peut  valablement  faire  aucun  acte 
tendant  à  Sélection  d'un  nouvel  abbé  ,  ou 
autre  bénéficier  ou  officier,  jufqu'à  ce 
que  la  place  foit  vacante ,  fait  par  mort 
ou  autrement. 

Avant  de  procéder  à  Sélection  dans  les 
abbayes  qui  font  électives ,  il  faut  que  le 
chapitre  obtienne  le  confenteinent  du  roi , 
lequel  peut  nommer  un  commiffaire  pour 
afïifter  à  Sélection,  à  l'effet  d'empêcher 
les  brigues,  ck  de  faire  obferver  ce  qui 
eft  preferit  par  les  canons  ck  les  ordon- 
nances du  royaume. 

Pour  que  Sélection  foit  canonique ,  il 
faut  y  appeller  tous  ceux  qui  ont  droit 
de  fuffrage  ;  les  abfens  doivent  être  aver- 
tis ,  pourvu  qu'ils  ne  foient  pas  hors  du 
royaume. 

Ceux  qui  font  retenus  ailleurs  par  quel- 
que empêchement  légitime,  ne  peuvent 
donner  leur  fuffrage  par  lettres;  mais  ils 
peuvent  donner  leur  procuration  à  cet 
effet  à  un  ou  plufieurs  des  capitulans , 
pourvu  néanmoins  qu'ils  donnent  a  chacun 
d'eux  folidairement  le  droit  de  fuffrage  ; 
ck  dans  ce  cas  le  chapitre  peut  choifir 
emr'eux  celui  qu'il  juge  à  propos ,  pour 
repréfenter  l'ab'ent.  Celui-ci  peut  auffi 
donner  pouvoir  à  quelqu'un  qui  n'eft  pas  de 
gremio  ,  fi  le  chapitre  veut  bien  l'agréer. 
Le  fondé  de  procuration  ne  peut  nommer 
qu'une  feule  perfonne  ,  foit  que  la  procu- 
ration marque  le  nom  de  la  perfonne  qu'il 
doit  nommer ,  ou  qu'elle  foit  laidée  à  fon 
choix. 

Si  l'on  omettoit  d'appeller  un  feu!  c?pi- 
tulant ,  ou  qu'il  n'eût  pas  été  valablement 
appelle,  X élection  feroit  nulle,  à  moins 
que  pour  le  bien  de  la  paix  il  n'approuvât 
Sélection. 

Il  fuffit  au  refte  d'avoir  appelle  à  Sélec- 
tion ceux  qui  y  ont  droit  de  fuffrage  ;  s'ils 
négligent  de  s'y  trouver,  ou  fi,  après  y 
avoir  afîifté  ,  ils  fe  retirent  avant  que 
lV/ef?/0/zfoitconfornmée,  ckmême  avant 
d'avoir  donné  leur  fuffrage,  ils  ne  peuvent, 
fousce  prétexte,  contefler  Sélection, 


E  L  E 

Les  chapitres  des  monafreres  doivent 
procéder  à  Sélection  de  l'abbé  clans  les  trois 
mois  de  la  vacance,  à  moins  qu'il  n'y  ait 
quelque  empêchement  îégiume;autrement 
le  droit  d'y  pourvoir  eft  dévolu  au  fupé- 
rieur  immédiat. 

Le  temps  fixé  par  les  canons  pour  pro- 
céder à  \  élection,  court  contre  les  élec- 
teurs, du  jour  qu'ils  négligent  de  faire 
lever  l'empêchement  qui  les  arrête. 

Le  concile  de  Bafle  veut  que  les  élec- 
teurs ,  pour  obtenir  du  ciel  les  lumières 
ck  les  grâces  dont  ils  ont  befoin,  enten- 
dent avant  Sélection  la  méfie  du  Saint- 
Efprit, qu'ils feconfeffent  &  communient; 
ck  que  ceux  qui  ne  fatisferont  pas  à  ces 
devoirs,  foient  privés  de  plein  droit  de 
la  faculté  d'élire  ,  pour  cette  fois. 

Chaque  électeur  doit  faire  ferment  entre 
les  mains  de  celui  qui  préfide ,  qu'il  choi- 
fira  celui  qu'il  croira  en  confeience  pouvoir 
être  le  plus  utile  à  lEglife  pour  le  fpiri- 
tuel  ck  le  temporel,  ck  qu'il  ne  donnera 
point  fon  fuffrage  à  ceux  qu'il  faura  avoir 
promis  ou  donné  directement  ou  indirec- 
tement quelque  chofe  de  temporel  pour 
fe  faire  élire.  L'abus  ne  feroit  pas  moins 
grand  de  donner  ou  promettre  dans  la 
même  vue  quelque  chofe  de  fpirituel. 

Ceux  qui  procèdent  £  Sélection,  doi- 
vent faire  choix  d'une  perfonne  de  bonnes 
mœurs ,  qui  ait  l'âge  ,  ck  les  autres  qua- 
lités ck  capacités  preferites  par  les  canons, 
ck  par  les  autres  loix  de  l'Eglife  ck  de 
l'état. 

Ileff  également  défendu  par  les  canons 
d'élire  ou  d'être  élu  par  fimonie  :  omre 
l'excommunication  que  les  uns  ck  les  autres 
encourent  par  le  feul  fait ,  les  électeurs 
perdent  pour  toujours  le  droit  d'élire;  ck 
ceux  qui  font  ainfi  élus  ,  font  incapables 
de  remplir  jamais  la  dignité  ,  le  bénéfice 
ou  office  auxquels  il-  ont  afpiré. 

Lor:que  les  d.ffrages  ont  été  entraînés 
par  l'impvefTon  de  quelque  puiffance  iécu- 
liere ,  Sélection  eft  nulle  :  les  é'ectturs 
doivent  même  être  fufpeus  pendant  ois 
années  de  leur  ordre  ck  béi  éfi ces  ,  même 
du  droit  d'élire;  6k  fi  celui  qiu  a  été  ainfi 
élu,  accepte  fa  nomination,  il  ne  ptut 
fans  difper.fe  êt.e  élu  pour  une  autre  di- 
gnité, office  ou  bénéfice  ecciefi^flique. 


E  L  E 

Mais  on  ne  regarde  point  comme  un  abus  jf 
les  lettres  que  le  roi  peut  écrire  aux  élec- 
teurs, pbur  leur    recommander  quelque 
perfonne  affectionnée  au  fervice  de  l'Egli- 
fe ,  du  roi  6k  de  l'état. 

Les  novices  ni  les  frères  convers  ne 
donnent  point  ordinairement  leurs  voix 
pour  V élection  d'un  abbé  ou  autre  fupé- 
rieur  :  il  y  a  néanmoins  des  monafteres 
de  filles,  tels  que  ceux  des  Cordelières, 
où  les  fceurs  converfes  font  en  pofteffion 
de  donner  leur  voix  pour  V élection  de 
l'abbeffe. 

Quant  à  la  forme  de  Yélection  ,  on  doit 
fuivre  une  des  trois  qui  font  prefcrites  par 
le  iv  concile  de  Latran  ,  fui  van  t  ce  qui  a 
coutume  de  s'obferver  dans  chaque  Eglife 
ou   monaftere. 

On  distingue  dans  les  élections  la  voix 
active  ckla  voix  paffive;  la  première  eft 
le  fuffrage  même  de  chaque  électeur ,  con- 
sidéré par  rapport  à  celui  qui  le  donne, 
ck  en  tant  qu'il  a  droit  de  le  donner;  la 
voix  paffive  eft  ce  même  fuffrage  confi- 
déré  par  rapport  à  celui  en  faveur  duquel 
il  eft  donné.  Il  y  a  des  capitulans  qui 
ont  voix  active  ck  paffive,  c'eft-à-dire  , 
qui  peuvent  élire  ck  être  élus;  d'autres 
qui  ont  voix  active  feulement,  fans  pou- 
voir être  élus ,  tels  que  ceux  qui  ont  patte 
par  certaines  places  auxquelles  ils  ne  peu- 
vent être  promus  de  nouveau,  ou  du 
moins  feulement  après  un  certain  temps  : 
enfin  ceux  qui  font  de  la  maiion,  fans 
être  capitulans,  n'ont  point  voix  active  ni 
paffive  ;  ceux  qui  font  fufpens  ne  peuvent 
pareillement  élire  ni  être  élus. 

CeuxNqui  ont  voix  active ,  doivent  tous 
donner  leurs  fuffrages  en  même  temps  ck 
dans  le  même  lieu. 

Les  fuffrages  doivent  être  purs  ck  /im- 
pies :  on  ne  reçoit  point  ceux  qui  feroient 
donnés  fous  condition,  ou  avec  quelque 
alternative  ou  autre  claufequi  les  rendroit 
incertains. 

V élection  doit  être  publiée  en  la  forme 
ordinaire,  auffi-tôt  que  tous  les  capitulans 
ont  donné  leurs  fuffrages,  afin  d'éviter 
toutes  les  brigues  ck  les  fraudes  ;  ck  ce 
feroit  une  nullité  de  différer  la  publication, 
pour  obtenir  préalablement  le  confeme- 
?nem  de  celui  qui  efi  élu, 


E  L  E  23 

V élection  étant  notifiée  à  celui  qui  a 
été  élu ,  il  doit ,  dans  un  mois ,  à  compter 
de  cette  notification ,  accepter  ou  refu- 
fer  ;  ce  délai  expiré,  il  eft  déchu  de  fon 
droit ,  ck  le  chapitre  peut  procéder  à  une 
nouvelle  élection. 

Ce  délai  d'un  mois  ne  court  à  l'égard 
des  réguliers  élus ,  que  du  jour  qu'ils  ont 
pu  obtenir  le  conientement  de  leur  fu- 
périeur. 

Quand  le  fcrutin  eft  publié  ,  les  élec- 
teurs ne  peuvent  plus  varier;  ck  ceux  qui 
ont  donné  leur  voix  à  celui  qui  eft  élu, 
ou  qui  ont  confenti  à  YélcUion ,  ne  peu- 
vent l'attaquer  fous  prétexte  de  nullité,  à 
moins  que  ce  ne  foit  en  vertu  de  moyens 
dont  ils  n'avoient  pas  connoifiance  lors- 
qu'ils ont  donné  leur  fuffrage  ou  confen- 
tement. 

Il  ne  fuffit  pas  pour  être  élu ,  d'avoir 
le  plus  grand  nombre  de  voix;  il  faut  en 
avoir  feul  plus  de  la  moitié  de  la  totalité. 
Si  les  voix  font  partagées  entre  plufieurs, 
de  manière  qu'aucun  d'eux  n'en  ait  plus 
de  la  moitié ,  il  faut  procéder  à  une  nou- 
velle élection ,  quand  même  la  plus  grande 
partie  du  chapitre  fe  réuniroit  depuis  la 
publication  du  fcrutin ,  en  faveur  de  celui 
qui  avoit  feulement  le  plus  grand  nombre 
de  voix. 

Néanmoins  dans  X élection  à  'une  abbeffe, 
quand  le  plus  grand  nombre  de  voix  don- 
nées à  une  même  perfonne ,  ne  fait  pas 
la  moitié  ,  les  autres  reîigieufes  peuvent 
s'unir  au  plus  grand  nombre ,  même  après 
le  fcrutin  ;  ck  s'il  y  en  a  aflez  pour  faire 
plus  de  la  moitié  des  voix ,  celle  qui  eft 
élue  peut  être  confirmée  par  le  fupérieur, 
fauf  à  faire  juger  l'appel ,  fi  les  oppo- 
fantes  à  l' élection  ck  confirmation  veulent 
le  foutenir. 

Si  dans  ce  même  cas  les  reîigieufes  ne 
fe  réunifient  pas  jufqu'à  concurrence  de 
plus  de  la  moitié ,  le  fupérieur ,  avant  de 
confirmer  ck  bénir  celle  qui  a  eu  le  plus 
de  voix,  doit  examiner  l'élection,  ck  les 
raifons  de  celles  qui  ne  veulent  pas  s'unir; 
ôk  néanmoins  par  provifion  la  religieufe 
nommée  par  le  plus  grand  nombre  , 
gouverne  le  temporel  ckle  fpirituel;  mais 
elle  ne  peut  faire  aucune  aliénation,  ni 
recevoir  de  reîigieufes  à  laprofelfion. 


2+  E  L  E 

La  plus  grande  partie  du  chapitre  nom- 
mant une  perfonne  indigne  ,  eft  privée 
pour  cette  fois  de  Ton  droit  d'élire,  & 
dans  ce  cas  Xélection  faite  par  la  moindre 
partie  ,    fubiifte. 

Quoiqu'un  des  capitulans  ait  nommé 
une  perfonne  indigne,  il  n'eft  point  privé 
de  fon  droit  d'élire,  û  le  fcrutin  où  il  a 
donné  fa  voix ,  n'eft  point  fuivi  d'une  élec- 
tion valable. 

Quand  les  électeurs  ont  nommé  un  ou  plu- 
fieurs  compromiiTaires,  ils  doivent  recon- 
noître  celui  que  les  compromhTaires  ont 
iiommé,pourvuqu'ilairlesqualitésrequifes. 

Les  compromiiTaires  ayant  commencé 
à  procéder  à X élection ,  le  chapitre  ne  peut 
plus  les  révoquer,  attendu  que  les  choies 
ne  font  plus  entières. 

Si  les  compromiiTaires  choifliTent  une 
perfonne  indigne,  le  droit  d'élire  retourne 
au  chapitre  :  il  en  eft  de  même  lorfque 
celui  qui  eft  nommé  refufe  d'accepter. 

Mais  iorfque  les  compromiiTaires  négli- 
gent défaire  l'élection  dans  le  temps  pref- 
crit  par  les  canons  ,  alors  le  droit  d'élire 
eft  dévolu  au  fiipérieur,  Sinon  au  cha- 
pitre qui  doit  s*imputer  de  s'en  être  rap- 
porté à  des  mandataires  négligens. 

L'élection  téant  faite  par  des  compro- 
miiTaires, un  d'entr'eux  doit  auiîi-tôr  la 
publier. 

S'il  arrive  que  Xélection  foit  cafTée  par 
un  défaut  de  forme  feulement,  &  non 
pour  incapacité  de  la  perfonne  élue  ,  la 
même  perfonne  peut  être  élue  de  nouveau. 

En  cas  d'appel  de  Sélection ,  on  ne 
peut  procéder  à  une  nouvelle ,  qu'il  n'ait 
été  ftatué  fur  la  première. 

Quand  la  première  élection  n'a  pas  lieu , 
fans  que  les  électeurs  foient  déchus  deleur 
droit ,  ils  ont  pour  procéder  à  une  nou- 
velle élection ,  le  même  délai  qu'ils  avoient 
eu  pour  la  première ,  à  compter  du  jour 
qu'il  a  été  confiant  que  celle-ci  n'auroit 
point  d'effet. 

Ceux  qui  ne  peuvent  être  élus  peuvent 
être  poftulés,  c 'eft- à- dire,  demandés  au 
fupérieur ,  quand  les  qualités  qui  leur  man- 
quent font  telles  ,que  le  fupérieur  en  peut 
difpenfer  ;  mais  le  même  électeur  ne  peut 
pas  élire  Ô*  poftuler  une  même  perfonne. 
Voyc{  Postulation, 


E  L  E 

Il  n'eft  pas  permis  à  celui  qui  eft  élu  y 
de  taire  aucune  fonction  avant  d'être  con- 
firmé,  à  peine  de  nullité.  Le  pape  eft  le 
feul  qui  n'ait  pas  befoin  de  confirmation. 
Voyej^  au  mot  PAPE. 

Avant  de  confirmer  celui  qui  eft  élu  , 
le  fupérieur  doit  d'office  examiner  s'il  eft 
de  bonnes  mœurs  &  de  bonne  doctrine  ; 
s'il  a  les  qualités**  &  capacités  requifes  , 
quand  même  perfonne  ne  critiqueroit 
Y  élection. 

Cette  information  dévie  &  mœurs  doit 
fe  faire  dans  les  lieux  où  celui  qui  eft  élu 
demeuroit  depuis  quelques  années. 

Il  y  a  des  abbés  dont  Xélection  doit  être 
confirmée  par  l  evêque  diocéfain  ,  d'autres 
par  leur  général,  d'autres  par  le  pape  dont 
ils  relèvent  immédiatement. 

Le  chapitre  ,  feit  vacante  ,  a  droit  de 
confirmer  les  élections  que  l'évêque  auroit 
confirmées. 

Les  abbés  triennaux  n'ont  pas  befoin  de 
confirmation  pour  gouverner  le  fpirituel, 
non  plus  que  pour  le  temporel. 

La  confirma'ion  doit  être  demandée  par 
celui  qui  eft  élu  ,  dans  les  trois  mois  du 
jour  du  confentement  qu'il  a  donné  à 
Xélection  ,  à  moins  qu'il  ne  foit  retenu  par 
quelque  empêchement  légitime;  autrement 
il  eft  déchu  de  fon  doit  ,  &.  l'on  peut 
procéder  à  une  nouvelle  élection. 

Telles  font  les  reg!es  générales  que  Ton 
fuit  pour  les  élections  ;  elles  reçoivent  néan- 
moins diverlès  exceptions,  fuivant  les  fta- 
tuts  particuliers ,  privilèges  ck  coutumes  de 
chaque  monaftere,  pourvu  que  ces  ufages 
foient  conftans ,  ck  qu'ils  n'aient  rien  de 
contraire  au  droit  naturel  ni  au  droit  divin. 

Il  y  a  des  bénéfices  électifs,  fur  lefquels 
il  faut  la  confirma  ion  du  fupérieur:  d'au- 
tres qui  font  purement  collatifs  ;  d'autres 
enfin  qui  font  électifs  -  collatifs  ,  c'eft-à- 
dire ,  que  le  chapitre  confère  en  élifant  , 
fans  qu'il  foit  befoin  d'autre  collation. 

Sur  !e>  élections ,  voyez  aux  décrétâtes 
le  titre  de  electione  &  electi  potejlate ;  la 
bibliothèque  can  'nique  de  Bouchel ,  &  les 
définitions  canoniques  &  la  jurijprudence 
canonique ,  au  mot  ÉLECTION  \l'hifi.  du 
droit  ecclejîaflique  ,  par  M.  Fleury  ,  tome 
I,  chapitre  x,  les  loix  ecclèfiajiiques  de 
M,  d'Héricourt,  titre  de  /'éleélion.  (A) 

Election 


E  L  E 

Election  de  Domicile  ,  [Jurifp.) 

eft  le  choix  que  l'on  fait  d'un  domicile 
momentané  ou  ad  hoc ,  c'eft-à-dire  qui 
n'eft  pas  le  vrai  &  actuel  domicile ,  mais 
■qui  a  feulement  pour  objet  d'indiquer  un 
lieu  où  on  puîflè  faire  des  offres  ou  autres 
actes.  Ces  élections  de  domicile  fe  font 
dans  les  exploits  ,  dans  les  contrats.  Voye \ 
Domicile  élu. 

Election  d'héritier,  {Jurifp.) 
eft  le  choix  de  celui  qui  doit  recueillir 
une  fuccefïïon.  Ce  choix  eft  ordinairement 
fait  par  celui  qui  dilpofe  de  fes  biens  par 
fon  teftament  :  quelquefois  il  eft  fait  par 
contrat  de  mariage  ;  ou  bien  le  père  ma- 
riant un  de  fes  enfans  ,  fe  réferve  la  liberté 
de  nommer  pour  héritier  tel  de  fes  enfans 
qu'il  jugera  à  propos. 

Quelquefois  le  teftateur  défère  par  tes- 
tament le  choix  de  fon  héritier  à  une  autre 
perfonne  ,  foit  en  lui  indiquant  plufieurs 
perfonnes  entre  lesquelles  elle  pourra  choi- 
fir, foit  en  lui  lailTant  la  liberté  entière 
de  choifir  qui  bon  lui  femblera  ;  &  quel- 
quefois cette  même  perfonne  à  laquelle  le 
teftateur  donne  pouvoir  d'élire  ,  eft  par  lui 
d'abord  instituée  héritière  ,  à  la  charge  de 
remettre  l'hoirie  à  un  de  ceux  qui  font, 
indiqués ,  ou  à  telle  perfonne  qu'elle  jugera 
à  propos. 

Le  teftateur  peut  auffi  inftituer  héritier 
celui  qui  fera  nommé  par  la  perfonne  à 
laquelle  il  donne  ce  pouvoir. 

Ces  fortes  de  diipofitions  font  fort  ufi- 
tées  dans  les  pays  de  droit  écrit ,  où  il 
cil  allez  ordinaire  que  le  mari  &  la  femme 
s'inftituent  réciproquement  héritiers  ,  à  la 
charge  de  remettre  l'hoirie  à  tel  de  leurs 
enfans  que  le  furvivant  jugera  à  propos. 

Lorfque  celui  qui  avoit  le  pouvoir  d'élire  , 
décède  fans  avoir  fait  fon  choix  ,  tous  les 
héritiers  préfomptifs  fuccedent  également. 

Le  conjoint  furvivant  qui  avoit  le  pou- 
voir d'élire  ,  ne  le  perd  point  en  fe  rema- 
riant. 

Quand  un  des  enfans  éligibles  vient  à 
décéder ,  le  père  ou  la  mère  qui  a  le  droit 
d'élire  ,  peut  choifir  l'enfant  de  celui  qui 
étoit  éligible.  Voye\  la  trente-quatriemt 
çonfultation  de  Cochin  ,  tome  II. 

U  élection  étant  une  fois  confommée  par 
un  a&e    entie-vifs  ,   celui  qui  Ta  faite  ne 
Tome  XII. 


E  L  E  ty 

peut  plus  varier  ;  mais  fi  c'eft  par  tefta- 
ment, Y  élection  eu  révocable  jufqu'au  décès 
de  celui  qui  l'a  faite  ,  de  même  que  le 
furplus  de  (on  teftament.  Voye\  Henrys , 
tom.  I.  liv.  IV*  ch.  vj.  quejl.  €y .  Ù  liv, 
V.  que/f.  iq..  z  £.  16.  ij.  î8.  19.  zo. 
6l.  6z.  &  tome  II.  liv.  V.  quefl.  zo. 
ZZ.  $1.  $z.  53.  §8.  &l.  VI.  quefl.  52. 
&  fon  quatrième  plaidoyer  ;  le  traité  des 
élections  ^héritier  contractuelles  &  tefta-* 
mentaires  ,  par  M.  Vulfon  ,  confeiller  au 
parlement  de  Grenoble.  (A) 

Election  de  Tuteur  ou  Cura- 
teur ,  eft  le  choix  qui  eft  fait  d'un  tuteur 
ou  curateur  par  les  parens  &  amis  de  celui 
auquel  on  le  donne.   Voye\  CURATEUR 

ù  Tuteur.  (A) 
Election  d'un  Officier  ,  eft  la 

nomination  qui  eft  faite  de  quelqu'un  à  un 
office  public  par  le  fufFrage  du  plufieurs 
perfonnes. 

Romulus  accorda  au  peuple  le  droit  de 
fe  choiiir  (es  magiftrats  ,  même  les  féna- 
teurs  ,  ce  qui  fè  taifoit  dans  ces  affemblées 
publiques  appelîées  comices  ;  &  lorlque 
l'état  monarchique  de  Rome  fut  changé 
en  république  ,  ie  peuple  élifoit  auffi  lui- 
même  les  confuls ,  qui  étoient  chargés  di* 
gouvernement  général  de  l'état. 

Comme  if  étoit  difficile  d'aflèmbler  fou- 
vent  le  peuple,  il  n'élifoit  que  les  grands 
officiers  ,  &  ceux-ci  commettoient  chacun 
dans  leur  département  les  moindres  offi- 
ciers qui  leur  étoient  fubordonnés. 

Les  empereurs  ayant  ôté  au  peuple  le 
droit  Sélection  9  conféroient  les  grands 
offices  par  l'avis  des  principaux  de  leur 
cour ,  afin  de  conferver  encore  quelque 
forme  d'élection  ;  c'eft  pourquoi  ils  appel- 
loient  fuffrages  les  avis  &  recommanda- 
tions des  courtifans. 

On  en  ufa  d'abord  de  même  en  France 
pour  les  offices  ,  c'eft-à-dire  que  nos  rois 
y  nommoient  par  l'avis  de  leur  confeil , 
ce  qui  étoit  une  efpece  ^ élection. 

Quand  le  parlement  eut  été  rendu  fçden- 
taire  à  Paris  ,  Philippe  de  Valois  ,  par  des 
lettres  du  mois  de  Février  I327  »  donna 
pouvoir  au  chancelier ,  en  appellant  avec 
lui  quatre  conieillers  au  parlement  &  le 
>révôt  de  Paris,  de  nommer  ,  c'eft-à-dire, 
I  d'élire  entr?euxles  confeiilers  au  châtelet. 

D 


i€  E  L  E 

Charles  V  ordonna  en  13?!»  <îue  fe  ' 
chancelier ,  les  préfidens ,  &  confèillers  du 
parlement  feroient  élus  par  ferutin  au  par- 
lement ;  Charles  VI  ordonna  encore  la 
même  choie  en  1400  ,  ce  qui  dura  jus- 
qu'au mariage  d'Henri ,  roi  d'Angleterre  , 
avec  Catherine  de  France ,  fille  de  Charles 
VI  ;  alors  le  parlement  nomma  trois  per- 
fonnes  au  roi  qui.  donnoit  des  provHions  à 
l'un  des  trois  ;  mais  comme  le  parlement 
pour  fe  conferver  V élection  nommoit  ordi- 
nairement deux  fiijets  inconnus-  &  inca- 
pables afin  de  faire  tomber  la  nomination 
fur  le  troifieme  ,  Charles  VII  lui  ôta  les 
élections  ,  &  rentra  en  pofîeflion  de  nom- 
mer aux  places  vacantes  du  parlement 
de  même  qu'aux  autres  offices  ,  &  nos  rois 
choififlôiént  les  officiers  de  l'avis  de  leur 
confeil ,  ce  qui  dura  ainfi  jufqu'à  la  vénalité 
des  charges. 

Dès  le  premier  temps  delà  monarchie, 
il  y  avoit  dans  chaque  ville  &  bourg  des 
officiers  municipaux  qui  étoient  électifs , 
appelles  en  quelques  endroits  échevins  ,  en 
d'autres  jures  ou  jurats,  en  d'autres  confuls, 
&  à  Touloufe  capitouls.  Ces  officiers  font 
encore  la  plupart  élus  par  le  peuple ,  con- 
formément aux  intentions  du  roi. 

Les  élus  qui  étoient  autrefois  choifis 
par  l'es  trois  états  pour  le  gouvernement 
des  aides  &  tailles-,  ont  depuis  été  érigés 
en  titre  d'office  ;  il  y  a  néanmoins- encore 
des  élus  dans  les  pays  d'états  qui  font 
éle&ifs.  Voye\  ÉLECTIONS-,  ÉLUS,  & 
ÉTATS.  (A) 

Election  ,  (  Jurifp.  )  ce  font  des 
jurifdidions  royales,  ainfi  nommées  à  caufe 
des  élus  qui  y  connoiffent  en  première 
inffance  des  conteftations  qui  s'élèvent  au 
fujet  des  tailles.,  de  toutes  matières,  d'ai- 
des ,  &  autres  impofitions  &ç  levées  des 
deniers  du  roi ,  tant  aux  entrées .  des  villes 
que  des  fermes  du  roi,  a  l'exception  des 
domaines  &  droits  domaniaux  ,  droits  de 
gabelle  ,  capication  ,  dixième  ,  vingtième  , 
cinquantième  ,  &  deux  fous  pour  livre  , 
Iorfque  ces  impoiitions  ont  lieu. 

Ils  connoifloient  cependant  aufïî  autre- 
fois des  gabelles  ;  mais  depuis  long-temps 
il  y  a  des  juges  particuliers  pour  cet  objet , 
excepté  dans  quelques  endroits  où  les  gre- 
niers à  fel.  font  unis  aux  élections.. 


E  L  E 

Il  y  a  auflî  en  certains  endroits  des 
juges  des  traites  foraines  ,  &  des  juges  pour 
la  marque  des  fers. 

Avant  l'infhtution  des  élus  ,  c'étoient  les 
maire  &  échevins  des  villes  qui  fe  mêloient 
de  faire  Pailiette  &  levée  des  impoiitions  , 
ils  en  étoient  même  refponfables  ;  mais 
dans  la  fuite  ne  pouvant  vaquer  à  cette 
levée,  &  étant  occupés  à  d'autres  affaires 
de  la  commune  ,  on  fit  choix  dans  le 
peuple  d'autres  perfonnes  pour  prendre  foin 
de  l'aifiette  &  levée  des  impofitions;  & 
ces  perfonnes  furent  nommées  élus  à  caufe 
qu'on  les  établnToit  par  élection. 

L'origine  des  élections  effc  la  même  que 
celle  des  élus  ou  juges  ,  dont  ces  tribu- 
naux font  compofés. 

Quelques-uns  rapportent  ce  premier  éta- 
bliffement  des  élus  à  celui  des  aides  du 
temps  du  roi  Jean  ;  il  eff  néanmoins  certain 
qu'il  y  avoit  déjà  depuis  long-temps  des 
élus  pour  veiller  fur  les  impofitions  ;  mais 
comme  il  n'y  avoit  point  encore  d'impo- 
iitions  ordinaires  ,  &  que  nos  rois  n'en 
levoient  qu'en  temps  de  guerre  ou  pour 
d'autres  dépenfes  extraordinaires ,  la  com- 
miiîion  de  ces  élus  ne  duroit.  que  pendant 
la  levée  de  l'impofition. 


de    L 


OUÏS 


IV 


Denis 
u 


Dès    le  temps 
Heflélin  étoit   élu    à  Paris ,  ainfi    que   ït 
remarque  l'auteur  du  traité  de  la  pairie  , 
pag.  2.58, 

S.  Louis  voulant  que  les  tailles  fuflent 
impofees  avec  juffice  ,  fit  en  1270  un  règle- 
ment pour  la    manière  de  les  affeoir  dans 
les  villes  royales  ;  il  ordonna  qu'on  éliroit 
trente:  hommes  ou  quarante  plus  ou  moins , 
bons  &  loyaux  par  le  confeil  des  prêtres  , 
c'elf- à-dire  des  curés  de  leurs  paroiffes , 
&  des  autres  hommes  de  religion  ,  enfem- 
ble  des  bourgeois  &  autres  prudhommes, 
félon  la  grandeur  des  villes  ;  que  ceux  qui 
feroient  ainfi  élus  jureroient  fur  les  faints 
évangiles  d'élire  y   foie  entr'eux  ou  parmi 
d'autres  prudhommes   de  la  même  ville , 
jufqu'à  douze  hommes  qui  feroient  les  plus 
propres  à  affeoir  la  taille  ;  que  les  douze 
hommes  nommés  jureroient   de  même  de 
bien  &  diligemment  affeoir  la  taille  ,  &  de 
n'épargner  ni  grever  psrfonne  par  haine  , 
amour,    prière,  crainte,    ou  en  quelque 
lr autre  manière,  que.ee fût;  qu'ils  aÛir oient 


Ê  L  E 

ladite  taille  à  leur  volonté  la  livre  égale- 
ment ;  qu'avec  les  douze  hommes  defTus 
nommés  feraient  élus  quatre  bons  hommes, 
&  feroient  écrits  les  noms  i'ecrétement  ; 
&  que  cela  feroit  fait  fi  fagement  ,  que 
leur  élection  ne  fût  connue  de  qui  que  ce 
fût  jufqu'à  ce  que  ces  douze  hommes  euf- 
fènt  aûis  la  taille.  Que  cela  fait ,  avant  de  , 
mettre  la  taille  par  écrit ,  les  quatre  hom- 
mes élus  pour  faire  loyalement  la  taille  n'en 
dévoient  rien  dire  jufqu'à  ce  que  les  douze 
hommes  leur  euffent  fait  faire  ferment 
pardevant  la  juflice  de  bien  &  loyalement 
afleoirla  taille  en  la  manière  que  les  douze 
hommes  l'auraient  ordonné. 

Il  paroît  fuivant  cette  ordonnance,  que 
les  trente  ou  quarante  hommes  qui  étoient 
d'abord  élus  ,  font  aujourd'hui  repréfentés 
par  les  officiers  des  élections  ;  les  douze 
hommes  qu'on  élifoit  enfuite  étoient  pro- 
prement les  afféeurs  des  tailles  ,  dont  la 
fonction  eft  aujourd'hui  confondue  avec 
celle  des  colledeurs  ;  enfin  les  quatre  bons 
hommes  élus  étoient  les  vérificateurs  des 
rôles. 

Les  tailles  furent  donc  la  matière  dont 
les  élus  ordonnèrent  d'abord  ;  mais  outre 
que  les  tailles  n'étoient  pas  encore  ordi- 
naires ,  la  forme  prefcrite  pour  leur  afliette 
ne  fur  pas  toujours  obfervée  ;  car  Philippe 
III ,  dans  une  ordonnance  du  29  Novem- 
bre 12.74.,  dit  ^ue  les  confuls  de  Tou- 
loufe  dévoient  s'abftenir  de  la  contribu- 
tion qu'ils  demandoient  aux  eccléfiaftiques 
pour  les  tailles ,  à  moins  que  ce  ne  fût 
une  charge  réelle  &  ancienne  :  ilfemble- 
roit  par-lA  que  c'étoïent  les  confuls  qui 
ordon noient  de  la  taille  ,  foit  ancienne  ou 
nouvelle  loriqu'elle  avoit  lieu  :  ce  qui  fait 
penfer  qu'il  y  avoit  alors  des  tailles  non 
royales  impofées  de  l'ordre  des  villes  pour 
fubvenir  à  leurs  dépenfes  particulières  , 
ce  qui  efl  aujourd'hui  repréfenté  par  les 
octrois. 

Louis  Hutin,  dans  une  ordonnance  du 
mois  de  Décembre  131$  ,  &  Philippe  V 
dans  une  autre  du  mois  de  Mars  13 16  , 
difent  que  les  clercs  non  mariés  ne  con- 
tribueront point  aux  tailles  ,  &  que  les 
officiers  du  roi ,  officielles  noflri ,  en  tant 
qu'à  eux  appartient  ,  ne  les  y  contrain- 
dront point  &  ne  permettront  pas  qu'on 


ELE  17 

les  y  contraigne.  Ces  ordonnances  ne  font 
point  mention  des  élus,  ce  qui  donne  lieu 
de  croire  qu'ils  n'avoient  point  encore  de 
jurifdiction  formée  ,  &  que  pour  les  con- 
traintes on  s'adrefîbit  aux  juges  ordinaires  : 
&  en  efîèt  on  a  vu  que  c'étoit  devant  eux 
que  les  élus  prêtoient  ferment. 

Il  y  avoit  encore  des  élus  du  temps  de 
Philippe  de  Valois  pour  la  taille  non  royale 
qui  fe  levoit  dans  certaines  villes  ,  comme 
il  paroît  par  une  ordonnance  de  ce  prince 
du  mois  de  Mars  133 1  ,  touchant  la  ville 
de  Laon  ,  où  il  efl  parlé  des  élus  de  cette 
ville  :  ces  officiers  n'étoient  pas  feulement 
chargés  du  foin  de  cette  taille  ;  l'ordon- 
nance porte  que  dorénavant ,  de  trois  en 
trois  ans  ,  le  prévôt  fera  afîèmbler  le  peuple 
de  Laon  ,  &  en  fa  préfence  fera  élire  fix 
perfonnes  convenables  de  ladite  ville  y 
dont  ils  en  feront  trois  leurs  procureurs 
pour  conduire  toutes  les  affaires  de  la  ville; 
que  les  trois  autres  élus  avec  le  prévôt 
vifiteroient  y  chaque  année  ,  autant  de  fois 
qu'il  feroit  nécefTaire  ,  les  murs,  les  portes, 
les  forterefTes  ,  les  puits  ,  fontaines,  chauf- 
fées ,  pavés  ,  &  autres  aifonces  communes 
de  la  ville  ,  &  verroienr  les  réparations 
nécefîâires  ,  &c* 

Que  toutes  les  fois  qu'il  feroit  métier 
de  faire  taille  y  le  prévôt  avec  ces  trois 
élus  expoieroi'  au  peuple  les  caufes  pour 
lefquelles  ilconviendroit/iz/re  taille;  qu'en- 
iuite  le  prévôt  &  lefdits  élus  prendroient 
de  chaque  paroifïê  deux  ou  trois  perfonnes 
de  ceux  qui  peuvent  le  mieux  lavoir  les 
facultés  de  leurs  voifins  ;  lelquelles  per- 
fonnes &  lefdits  élus  ayant  prêté  ferment 
lu r  les  laints  évangiles  de  ne  charger  ni 
décharger  perionne  à  leur  efeient ,  contre 
raifon  ,  le  prévôt  feroit  impofèr  &  afTeoir 
la  taille  fur  toutes  les  peribnnes  qui  en 
font  tenues  ;  que  l'impofition  feroit  levée 
par  les  trois  élus  ;  qui  en  paieraient  les 
rentes  &  les  dettes  de  la  ville  ;  qu'à  la  fin 
des  trois  années  fùfdites  ils  compteraient 
de  leur  recette  ,  tant  des  tailles  que  d'ail- 
leurs ,  pardevant  le  prévôt  ou  bailii  de 
Vermandois  ,  qui  viendroit  ouir  ce  compte 
à  Laon  &  y  appellerait  les  bonnes  gens 
de  la  ville  ;  enfin  que  le  compte  rendu 
&  appuré  feroit  envoyé  par  le  bailli  en 
la    chambre  des  comptes  pour  voir  s'il  n'y 

D  a 


a8  EL'E 

avoit  rien  à  corriger.  On  voit  que  ces  élus 
faifoient  eux-mêmes  la  recette  des  tailles 
pendant  trois  ans  ;  c'efl  pourquoi  ils  étoient 
comptables,,  &  en  cette  partie  ils  font 
repréfentés  paroles  receveurs  des  octrois , 
qui  comptent  encore  aujourd'hui  à  la 
chambre. 

A  l'égard  des  fubventions  qui  fe  levoient 
pour  les  befoins  de  l'état  par  le  minifîere 
des  élus  de  chaque  ville  ou  diocefe  ,  on 
établiffoit  quelquefois  au  dtffus  d'eux  une 
perfonne  qualifiée,  qui  avoit  le  titre  d'élu 
de  la  province ,  pour  avoir  la  furinten- 
dance  de  la  flibvention  ;  c'eft  ainfi  que 
lors  de  la  guerre  de  Philippe  de  Valois 
contre  les  Anglois  ,  Gaucher  de  Chatillon 
connétable  de  France  fut  élu  par  la  pro- 
vince de  Picardie  ,  pour  avoir  la  furintea- 
dance  de  la  flibvention  qu'on  y  levoit ,  ce 
qu'il  accepta  feus  certains  gages  ;  l'auteur 
du  traité  de  la  pairie  ,  pag.  $8  ,  dit  en 
avoir  vu  les  quittances  ,  où  il  efr.  qualifié 
d'élu  de  la  province. 

Il  eil  encore  parié  de  tailles  dans  des 
lettres  de  Philippe  de  Valois  ,  du  mois 
d'Avril  1333 -y  mais  il  n'y  efr  pas  parlé 
d'élus.  Ces  lettres ,  qui  ont  principalement 
pour  objet  la  répartition  d'une  impofirion 
de  cent  cinquante  mille  livres  fur  la  féné- 
chaufleç  de  Carcaficnne,  ordonnent  feu- 
lement au  fenéchal  de  faire  appeller  à.  cet 
effet  pardevant  lui  ceux  •  des  bonnes  gens 
du  pays    qu'il  vendra.. 

On  établit  aufll  des  députés  ou  élus  à 
l'occafion  des  droits  d'aides  ,  dont  la  levée 
fut  ordonnée  fur  toutes,  les  marchandifes 
&  denrées  qui  feraient  vendues  dans  le 
royaume ,  par  une  ordonnance  du  roi  Jean  , 
du  28  Décembre  1355.  Il  y  avoit  bien  eu 
déjà  quelques  aides  ou  fubventions  levées 
en  temps  de  guerre  fur  tous  les  fujets  du 
roi  à  proportion  de  leurs  biens;  mais  ces 
nouveaux  droits  d'aides  auxquels  ce  nom 
'efr  dans  la  fuite  demeuré  propre  ,  étoient 
jufqu'alors  inconnus. 

L'ordonnance  du  roi  Jean  porte  que 
pour  obvier  aux  entreprifes  de  Ces  enne- 
mis (  les  Anglois  )  >  il  avoit  fait  affembler 
tes  "  trois  états  du  royaume  r  tant  de  la 
Languedoïi  que  du  pays  coutumier^  ;  que 
la  guerre  avoir  été  réfolue  d'ans  L'afTemblée 
4$s  états  i.que  pour  faire  l'armée  &  payer 


ELE 

les  frais  &  dépens d'icelle,  les  états  avoîent 
avifé  que  par  tout  le  pays  couturriier  il 
feroit  mis  une  gabelle  fur  le  fel ,  &  aufïi 
fur  tous  les  habitans  marchands  &  repai— 
rans  en  icelui ,  il  feroit  levé  une  impo- 
firion de  h+ùt  deniers  pour  livre  fur  toutes, 
chofes  qui    feroient  vendues  audit  pays  y 

\  excepté  vente  d'héritages  feulement,  laquelle 
feroit  payée  par  le  vendeur  ;  que  ces  gabelle 
&  impofirion  feroient  levées  félon  certaines 
inftructions  qui  feroient  faites  fur  ce  ;  que 
par  les  trois  états  feroient  ordonnées  Se 
députées  certaines  perfonnes  bonnes  &c 
honnêtes  ,  folvables  ,  loyales ,  &  fans  aucun 
foupçon,  qui  par  les  pays  ordonneroient 
les  chofes  defTus  dites  ;  qui  auroient  rece- 
veurs &;  minifrres  félon  l'ordonnance  & 
inftriiction  qui  feroit  fur  ce  faite  ;  qu'outre 
les  commiifaires  *ou  députés  particuliers, 
des  pays  &  des  contrées  feroient  ordon- 
nées &  établies  par  les  trois  états  neuf 
perfonnes  bonnes'  &  honnêtes,  qui  fe- 
roient généraux  &  kiperintendans  fur    tous 

•  les  autres  ,  &  qui  auroient  deux  receveurs 
généraux.. 

Qu'aux  députés,  defïùs  dits  ,  tant  géné- 
raux que-particuliers  ,  feroient  tenus  d'obéir 
toutes  manières  de  gens  de    quelque   état 
ou  condition  qu'ils  rufTent  &  quelque    pri-' 
viiege  qu'ils  euifent  ;  qu'ils  pourraient  être- 

Contraints,  par  lefdits.  députés  par  toutes 
voies  ëc  manières,  que  bon  leur  femble- 
roit  ;  que  s'il  y  en  avoit  aucun  rebeller 
que  les  députés  particuliers  ne  pufTsnt 
contraindre  ,  ils lesajourneroient  pardevant 
les  généraux  fuperintendans,  qui  les  pour- 
raient contraindre  &  punir  félon  ce  que- 
bon  leur  fembleroit,  &  que  ce  qui  feroit 
fait  &  ordonné  par  les  généraux  députés: 
vaudrait  &  tiendrait  comme  arrêt  de  paro- 
le ment.. 

Il  eft  encore  dit  un  peu  plus  loin  ,  que 
lefdites  aides  &  ce  qui  en  proviendrait,  ne 
feroient  levées  ni  difîribuées  par  les  gens; 
(  du  roi  )  ni  par  (es  tréforiers  &  officiers  ^ 
mais  par  autres  bonnes,  gens  ,  fages  ,, 
loyaux  ,  &  folvables  ,  ordonnés  ,  commis,, 
&  députés  par  les  trois  états,  tant  es  fron- 
tières qu'ailleurs  où  conviendrait  de  les. 
diftribuer  ;  que  ces  commis  &  députes. 
jureroient  au  roi  ou  à  (es  gens  f  &  aine: 
députés  desjrois.àarsj  que  quelque  aéceflk£ 


E  L  E 

qui  advînt ,  ils  ne  donneroient  ni  ne  diiîri- 
bueroient  ledit  argent  au  roi  ni  à  autres, 
fors  feulement  aux  gens  d'armes  &  pour 
le  fait  de  la  guerre  fufdite. 

Le  roi  promet  par  cette  même  ordon- 
nance ,  &  s'engage  de  faire  auffi  promettre 
fur  les  faints  évangiles  par  la  reine  ,  par 
le  dauphin ,  &  tous  les  grands  officiers  de 
la  couronne  ,  fuperintendans  ,  receveurs 
généraux  &  particuliers  ,  &  autres  qui  fè 
mêleront  de  recevoir  cet  argent  ,  de  ne 
le  point  employer  à  d'autres  ufages  ,  &  de 
ne  point  adreffer  de  mandemens  aux  dé- 
putés ,  ni  à  leurs  commis  ,  pour  diitribuer 
l'argent  ailleurs  ni  autrement  ;  que  fi ,  par 
importunité  ou  autrement ,  quelqu'un,  obte- 
noit  des  lettres  ou  rnandemens  au  contraire, 
lefdits  députés  ,  commiflâires  ou  receveurs 
jureront  fur  les  faints.  évangiles  de  ne  point 
obéir  à  ces  lettres  ou  mandemens  ,  &  de 
ne  point  diftribuer  l'argent  ailleurs  ni 
autrement  ;  que  s'ils  le  faifoient,  quelques 
mandemens  qui  leur  vinffent  «,  ils  feroienr 
privés  de  leurs  offices  &.  mis  en  prifon 
fermée  ,  de  laquelle  ils  ne  pourroient  fbrtir 
ni-  être  élargis  par  ceffion  de  biens  ou 
autrement  jufqu'à.  ce-  qu'ils  enflent  entiè- 
rement payé  &  rendu  tout  ce  qu'ils  en 
auroient  donné  ;  que  fi  par  aventure  quel- 
qu'un des  officiers  du  roi  ou  autres ,  fous 
prétexte  de  tels  mandemens  ,  vouloient  ou 
s'efforçoient  de  prendre  ledit  argent  , 
lefdits  députés  &  receveurs  leur  pourroienr 
&  feroient  tenus  de  réiifter  de  fait ,  & 
pourroient  affembler  leurs,  voifins.  des 
bonnes  villes  &  autres  ,  félon  ce  que  bon 
leui  fanbleroit ,.  pour  leur  réfifrer  comme 
dit  eft.. 

Qn  voit  par-  cette  ordonnance  qu'il  y 
avoir  deux  fortes  de  députés  élus  parles 
états  ,  ù voir  les  députés  généraux  ,  &  les 
députés  particuliers  ;  les  uns  &  les  autres 
étoient  élus  parles  trois  états  ,  c'en1  pour- 
quoi les  députés  généraux  étoient  quel- 
quefois appelles  Us  élus  généraux  ;  mais 
en  les  appelloit  plus  communément  les 
généraux  des  aides  :  ceux-ci  ont  formé,  la 
cour  des  aides.. 

Les  députés  particuliers  furent  d'abord 
nommés  commis  ycommiJJaires  ou  députés 
particuliers  fur  lé  fait  de  s  aides  :  ils  étoient 
fiemmis.  ou  ordonnés.,.  c'eU-àrdire  dusçzr. 


E   L  E  2<y 

les  trois  états  ,  c'eff  pourquoi  dans  la  fuite 
le  nom  d'élus  leur  demeura  propre. 

On  en  établit  dès -lors  en  plufieurs 
endroits  du  royaume  ,  tant  fur  ks  fron- 
tières qu'ailleurs  où  cela  parnf'néçeiïâire. 

Ils  prêtaient  ferment  tant  au  roi  qu'aux 
états,  étant  obligés  de  conferver  égale- 
ment les  intérêts  du  roi  &  ceux  des  états 
qui  les  av oient  prépofes. 

Il  ne  paroît  pas  qu'ils  fuflent  chargés  de 
la  recette  des  deniers  ,  puifqu'ils  avoient 
fous  eux  des  receveurs  &  minières  à  cet 
effet. 

Leur  fonction  érbk  feulement  d'ordonner 
de  tout  ce  quiconcernoit  les  aides  ,  &  de 
contraindre  Jes  redevables  par  toutes  voies 
que  bon  leur  fembîeroiî  ;  ils  connohToient 
auffi  alors  de  la  gabelle  du  fef ,  &  de  toutes 
autres  impofitions. 

Ces  députés  particuliers  ou  élus,  avoient 
pour  cet  effet  tout  droit  de  jurifdi&ion 
en  première  infrance  ;  ^ordonnance  dont 
on  vient  de  parler,  fembie  d'abord  fup- 
pofer  le  contraire  en  ce-  qu'elle  dit  que 
s'il  y  avoir  quelques  rebelles  que  les  députés 
ne  pufTent  contraindre  ,  ils  les  ajourne- 
roient  devant  les  généraux  fuperintendans; 
mais  la  même  ordonnance  donnant  pouvoir 
aux  députés  d'ordonner  &  de  contraindre 
par  toutes  fortes  de  voies  3  il  cil  évident 
qu'elle  enrendoit  auffi.  leur  donner  une 
véritable  jurifdiaion  ,  6k  qu'elle  n'atribua- 
aux  généraux  fuperintendans  que  le  reiîbrt. 

Gène  fut  pas  feulement  poijr  ks  aides 
qui  fe  Jeyoient  fur  les  marchandifes  que 
les  trois  états  élurent  des  députés  ;  ils  en 
établirent  de  même,  pour  les  autres  impo- 
fitions.. 

En  efTer ,  les  états  tenus  à  Paris  au  mois; 
de    Mars-  fuivant  ,  ayant  accordé  su   roi. 
une  aide  ou  efpece  de"  capitation  qui  devoir 
être  payée  par  tous  les   fujets  du  roi  ,  à 
proportionne  leurs  revenus;  il  fut  ordonné 
que  cette  aide  feroit  levée  par  ks  députés 
des  trois  états^  en  chaque  pays  ,  la  gabelle/ 
fut  alors  abolie  :ainfî  les  élus    n'avoient: 
plus  occafion  d'en  ordonner.  Les  généraux 
:  députés  de  Paris  avoient  là  gouvernement; 
&  ordonnance  fur  tous  les  autres  députes  » 
il  devoit  y   avoir  en    chaque-   ville    trois- 
députés  particuliers  ou  élus ,   qui  auroierrts 
:  ua  receveur.   &-  un.  clerc  sfoec  e«x^  fie 


30  E  L  E 

ordonneroient  certains  collecteurs  par  les 
paroiffes  ,  qui  s'informeroient  des  facultés 
de  chacun  ;  que  fi  les  députés  en  faifoient 
quelque  doute,  les  collecteurs  afligneroient 
ceux  qui  auroient  fait  la  déclaration  ,  par- 
devant  les  trois  députés  de  la  ville ,  lelquels 
pourroient  faire  affirmer  devant  eux  la 
déclaration  ;  mais  les  collecteurs  pouvoient 
l'aire  affirmer  devant  eux  les  gens  des  villa- 
ges afin  de  ne  les  point  traduire  à  la  ville  ; 
ceci  confirme  bien  ce  qui  a  déjà  été  dit 
de  la  jurifdiction  qu'avoient  dès -lors  les 
élus.  On  doit  auili  remarquer  à  cette 
occafion  ,  que  les  collecteurs  avoient  alors 
en  tant  qu'afféeurs  des  tailles  une  por- 
tion de  jurifdiction  ,  puifqu'ils  faifoient 
prêter  ferment  devant  eux  aux  gens  de  la 
campagne  ,  par  rapport  à  la  déclaration  de 
leurs  facultés. 

Il  y  eut  en  conféquence  de  l'ordonnance 
dont  on  vient  de  parler  ,  des  députés  ou 
élus  commis  par  les  états  dans  chaque 
diocefe ,  &  notamment  en  la  ville  de  Paris, 
tant  pour  la  ville  que  pour  tout  le  diocefe. 

Ces  commiifaires  députés  des  états  pour 
la  ville  &  diocefe  de  Paris  ,  donnèrent  le 
20  Mars  1355  ,  fous  leurs  fceaux  une  ircf- 
truclion  pour  les  commis  qu'ils  envoyoient 
dans  chaque  parohTe  de  ce  diocefe  ;  elle 
eff  intitulée  ,  ordinatio  per  deputatos  trium 
jîatuum  generalium  data  :  &  à  la  manche 
il  y  a  y  declaraiio  fubfidii  ,  &  perfonarum 
quje  tenentur  ad  fubjidium.  La  pièce  com- 
mence en  ces  termes  ;  les  députés  pour 
faire  lever  &  cueillir  en  la  ville  &  diocefe 
de  Paris  le  fubfide  dernièrement  octroyé  ; 
-à  tel  ,  &c.  &  plus  loin  il  eft  dit ,  pour 
ce  efi-il  que  par  vertu  du  pouvoir  à  nous 
commis  ;  vous  mandons  &  commettons 
que  tantôt  &  fans  délai  ces  lettres  vues  , 
vous  appelliez  avec  vous  le  curé  de.  .  .  . 
&  par  fon  confeil  éliriez  ou  preniez  trois 
ou  quatre  bonnes  perfonnes  de  bon  état 
de  ladite  paroiflé  avec  lefquels  vous  alliez 
dans  toutes  les  maifons  demander  la  décla- 
ration  de  leur  état  &  vaillant;  c'eff  ainfi 
que  fe  faifoit  l'affiette  de  ces  fortes  d'im- 
pofitions. 

Le  roi  Jean  ,  par  la  même  ordonnance 
dont  on  a  déjà  parlé ,  établit  auflî  des 
élus  pour  le  fait  des  monnoies  ;  il  dit  en 
l'article  vij ,  nous  par  le  confeil  des  fuper- 


E  L  E 

intendans  élus  par  les  trois  états ,  élirons 
&  établirons  bonnes  perfonnes  &  honnêtes, 
&  fans  foupçon  pour  le  tait  de  nos  mon- 
noies ,  lefquelles  nous  feront  ferment  en 
la  préfence  defdits  fuperintendans  que  bien 
&  loyaument  ils  exerceront  l'office  à  eux 
commis.  Ces  commifîaires  ou  députés  furent 
établis    par  lettres  du     13  Janvier    135 5* 

Les  députés  particuliers  fur  le  fait  des 
aides  furent  qualifiés  d'élus  dans  une  ordon- 
nance que  Charles ,  dauphin  de  France  , 
qui  fut  depuis  le  roi  Charles  V  ,  donna  au 
mois  de  Mars  1356, en  qualité  de  lieutenant 
général  du  royaume  pendant  la  capacité 
du  roi  Jean. 

Il  ordonne  d'abord  par  le  confeil  des 
trois  états  ,  afin  que  les  deniers  prove- 
nans  de  l'aide  ne  ioient  point  détournés 
de  leur  deffination  ,  qu'ils  ne  feront  point 
reçus  par  les  officiers  du  roi  ni  par  les 
fiens  ,  mais  par  bonnes  gens  fages,  loyaux 
&  folvables  à  ce  ordonnés ,  élus  &  établis 
par  les  gens  des  trois  états  tant  es  fron- 
tières qu'ailleurs  où  befoin  fera  ;  que  ces 
commis  &  députés  généraux  lui  prêteront 
ferment  &  aux  gens  des  trois  états  ;  que 
les  députés  particuliers  feront  de  même 
ferment  devant  les  juges  royaux  des  lieux, 
&  que  l'on  y  appellera  une  perfonne  ou 
deux  de  chacun  des  trois  états.  Il  paroît 
que  ces  députés  dévoient  avoir  la  même 
autorité  que  ceux  qui  avoient  été  établis 
dans  les  provinces  par  Y  article  ij  de  l'or- 
donnance du  28  Décembre  13 5 5- 

II  devoit  y  en  avoir  trois  dans  chaque 
diocefe  ,  cependant  la  diftribution  de  leurs 
départemens  étoit  quelquefois  faite  autre- 
ment :  en  effet  on  voit  par  une  commifllon 
donnée  en  exécution  de  cette  ordonnance, 
que  le  diocefe  de  Clermont  &  celui  de 
S.  Flour  avoient  les  mêmes  élus.  Cette 
même  commiflion  les  autorifoit  à  aflembler 
à  Clermont ,  à  S.  Flour  ,  ou  ailleurs ,  dans 
ces  diocefes  ,  tous  ceux  des  trois  états 
defdits  diocefes  que  bon  leur  fembleroit 
pour  raifon  de   l'aide. 

Le  dauphin  Charles  promit  que  moyen- 
nant cette  aide,  toute  taille,  gabelle,  & 
autres  importions  cefîeroient. 

Et  comme  il  avoit  eu  connoiflance  que 
plufieurs  fujets  du  royaume  avoient  été 
fort  grevés  par  ceux  qui  avoient  été  commis 


ELE 

*  lever ,  impofer  &  exploiter  la  gabelle  , 
impofition  &  fubfides  octroyés  l'année  pré- 
cédente ;  que  de  ce  que  les  commis  levoient, 
il  n'y  en  avoit  pas  moitié  employé  pour 
la  guerre  r  mais  à  leur  profit  particulier  ; 
pour  remédier  à  ces  abus  ,  faire  punir  ceux 
qui  avoient  malverfé  ,  &  afin  que  les  autres 
en  prifTent  exemple  ,  le  dauphin  ordonna 
par  la  même  loi  que  les  élus  des  trois  états 
par  les  diocefes  fur  le  fait  de  l'aide  ,  lefquels 
il  commit  à  ce  ,  verraient  le  compte  des 
élus  ,  impofiteurs  ,  receveurs  ,  collecteurs 
de  l'année  précédente  ;  qu'ils  s'informe- 
roient  le  plus  diligemment  que  faire  fe 
pourroit ,  chacun  en  leur  diocefe  ,  de  ce 
qui  aurait  été  levé  de  ces  importions  , 
en  quelle  monnoie ,  &  par  qui  ,  &  le  rap- 
porteraient à  Paris  le  lendemain  de  quaji- 
modo  pardevers  le  roi  &  les  gens  des  trois 
états  ,.  pour  y  pourvoir  le  mieux  qu'il  ferait 
poffible. 

Il  eft  encore  dit  par  la  même  ordon- 
nance ,  que  comme  ceux  qui  étoient  venus 
à  Paris  aux  dernières,  aflemblées  d'états  , 
avoient  encouru  la  haine  de  quelques  offi- 
ciers qui  s'étoient  efforcés  de  les  navrer , 
ble lîèr  ou  mettre  à  mort  ,  &  qu'il  en 
pourroit  arriver  autant  à  ceux  qui  vien- 
draient dans  la  fuite  à  ces  fortes  d'aflêm- 
blées  ,  le  prince  déclare  qu'il  prend  ces 
perfonnes  fous  la  fauve-garde  fpéciale  du 
roi  fon  père  &  de  lui,  &  leur  accorde 
que  pour  la  sûreté  &  défenfe  de  leur  vie , 
ils  puifïènt  marcher  avec  fix  compagnons 
armés  dans  tout  le  royaume  toutes  fois, 
qu'il  leur  plaira.  Il  défend  à. toutes  perfonnes 
de  les  molefter  -,  &  veut  qu'au .  contraire 
ils  foient  gardés  &  confervés  par  tout  le 
peuple ,  &  enjoint  à  tous. juges  de  les  laiffer 
aller  eux  &  leur  compagnie  par-tout  où, 
il  leur  plaira,  fans,  aucun  empêchement 
pour  raifon- du ■  port  d'armes,  &  de  leur 
prêter  main-forte  en  cas  de  befoin  s'ils 
en  font  requis ,  pour  les  caufes  defTus  dites. 
On  voit  par-là  que.  le  port  d'armes  .étoit 
dès-lors  défendu.  Cette  ordonnance  paraît 
auffi  être  la-  première  qui-  ait  établi  la 
diltinclion  des  afleeurs  &  des  collecteurs 
d'avec  les  élus. 

L'inflruclion  qui  fut  faire- par  îes  trois 
erats  de  la  Languedoïl  fiir  le  fait  de  cette 
aide ,  porte  qu'il .  y  aurait  en.  la.  ville,  de  i 


E  L  E  3? 

Paris  dix  perfonnes ,  &  dans  chaque  eveché 
trois  perfonnes  des  états  élus  tant  par  les 
gens  de  Paris  que  des  évechés  &  diocefes 
autorifés  de  M.  le  duc  de  Normandie  , 
(c'étoit  le  dauphin.) 

Les  bonnes  villes  &  paroifles  doivent 
élire  trois ,  quatre  ,  cinq  ,  ou  fix  perfonneâ 
(  qui  font  en  cet  endroit  les  aiféeurs  ) 
comme  bon  leur  femblera  ,  qui  allieront 
par  ferment  ladite  cueillete. 

Il  eft  au  AL  ordonné  qu'il  fera  établi  par 
les  trois,  élus  un  ou  plufieurs  receveurs  es 
villes  &  évêchés  de  leur  département  (ce 
font  les  collecteurs  ) ,  qui  recevront  l'argent 
de  ce  fubfide  en  la  manière  &  au  lieu^ 
ordonné  par  les  élus.. 

Que  les  élus  feront  auffi— rot  publier  que 
les  gens  d'églife  &  les  nobles  aient  à  donner- 
la  declaration.de  leurs  biens.  Que  les  maires 
&  échevins ,.  &  autres  officiers  des  com- 
munes ,  ou  les  curés  dans  les  lieux  où  il 
n'y  a  pas  de  commune  ,  leur  donneront 
auffi  la  déclaration  du  nombre  de  feux;, 
que  les  élus  prendront  note  des  bénéfices 
&  de  leur  revenu  ,  du  nom  des  nobles  & 
dé  leurs  poifeffions  ,.  du. nombre,  de  feux 
de  chaque  lieu.. 

Enfin  que  les  élus  feront-  contraindre 
toutes  lefdites  perfonnes  par  leurs  commis 
&  députés  y.  comme  pour,  les  propres  dettes 
du  roi,,  favoir  ,  les  gens  du  clergé  vivant 
cléricalement  par  les  juges  ordinaires  de 
l'églife  ;  &  il  femble  par-là  que  les  élus 
n'euffent  pas  alors  de.  jurifdiclion  fur  les 
eccléfiaftiques. 

Comme  l'aide  établie  par  l'ordonnance 
du  Roi  Jean,  du  28  Décembre  1355, 
n'avoit  heu  que  dans  le  payscoutumier,  les 
états  de  la -Languedoïl  accordèrent  de  leur 
part  au  mois  de  Septembre  1356  5  une 
aide  au  roi  ;  &  à  cette -occafion  le  Dau- 
phin Charles  .  rendit  encore,  une  ordon- 
nance au  mois  de  Février  fuivant,  portant 
que  les  états  entretiendraient  pendant  un 
^an  içoco.  hommes  armés  ;  que  pour  l'en-* 
t retien  de-  ces  troupes  ,.  chacun  paierait 
une  certaine  fomme  qui  étoit  une  efpece 
décapitation  ;  qu'en  outre,  les  Su jets  des 
prélats  &  des  nobles  ,.  &  les  autres  habi- 
tans  qui  auraient. douze  ans,  &  quiferoient 
aifés,  paieraient  un  autre  fubfide  à  pro- 
portion de.  leurs  biens, . 


3*  E  L  E 

Que  fur  les  fommes  provenantes  de  cts 
importions  ,  la  fblde  des  gens  de  guerre 
leur  feroit  payée  par  quatre  tréforiers 
généraux  choifis  par  les  tfcois  états  ;  & 
que  ces  quatre  tréforiers  généraux  en 
nommeroient  d'autres  particuliers  dans 
chaque  fénéchauflee  ,  pour  lever  les  im- 
pofitions. 

Que  le  paiement  des  gens  de  guerre 
feroit  fait  par  les  quatre  tréforiers  géné- 
raux, fous  les  ordres  de  vingt-quatre  per- 
fonnes  élues  par  les  trois  états  ,  ou  de 
pluiieurs  d'entr'eux  ;  que  ces  vingt-quatre 
élus  feroient  appelles  au  confeil  du  lieute- 
nant du  roi  lorlqu'il  le  jugeroit  à  propos; 
qu'eux  feuls  pourroient  donner  une  décharge 
fuififante  aux  tréforiers. 

Que  les  trois  états  députeroient  douze 
perfonnes  ,  quatre  dé  chaque  ordre  pour 
recevoir  les  comptes  ,  tant  des  quatre 
tréforiers  généraux  que  des  particuliers  ,  & 
leur  feroient  prêter  ferment  à  eux  &  à 
leurs  commis:  que  les  tréforiers  généraux 
&  particuliers  ne  rendroient  compte  à 
aucun  officier  du  roi  ,  quel  qu'il  fût ,  mais 
feulement   aux   douze    députés    des    états 

3ui   feroient  auffi  pafTer  en  revue  les  gen- 
armes  &  les  autres  troupes  ,  &  leur  fe- 
roient prêter  ferment. 

Telle  fut  l'origine  des  élus  qui  font  en- 
core nommés  dans  les  pays  d'états  ;  mais 
dans  ces  pays  il  n'y  a  pas  communément 
des  tribunaux  d'élections ,  excepté  dans 
quelques-uns  comme  dans  les  généralités 
de  Pau  ,  Montauban  &  Bourgogne  ;  il  y 
a  auffi  dans  ces  mêmes  pays  d'états  des 
juges  royaux  qui  connoiffent  des  matières 
d'élection,  &  dont  l'appel  en  ces  matières 
refîbrtit  aux  cours  des  aides  chacune  en 
droit  foi. 

Les  trois  états  de  la  Languedoïl  af- 
{èmblés  à  Compiegne  ,  ayant  accordé  au 
dauphin  Charles  une  nouvelle  aide  en 
1358  ,  le  dauphin  fit  encore  une  ordon- 
nance le  14  Mai  de  ladite  année ,  par 
laquelle  il  révoque  toutes  lettres  &  com- 
miffions  par  lui  données  fur  le  fait  des  fub- 
iides  &  aides  du  temps  paffé  ,  tant  aux 
généraux  de  Paris  qu'aux  élus  particuliers 
par  les  diocefes  &  autrement  ;  que  les 
prélats  &  autres  gens  d'églife  ,  nobles  & 
gen^  des  bonnes  villes  avoient  élu  fk  éli- 


E  L  E 

roient  des  perfonnes  pour  gouverner  lYidd 
qui  venoit  d'être  octroyée. 

Il  ordonne  enfuite  que  les  élus  des  pays 
(de  la  Languedoïl)  pourroient ,  quant  aux 
gens  autres  que  de  fainte  églife ,  faire  mo- 
dération loyalement ,  de  bonne  foi  ,  fans 
fraude  ,  comme  ils  verroient  être  à  faire  ; 
&  que,- quant  aux  gens  d'églife  demeurant 
dans  lefdits  plats  pays  connus ,  &  qui  y 
auroient  leurs  bénéfices  ,  les  prélats  du  lieu 
appelles ,  avec  eux  les  élus  &  le  receveur 
pourroient  les  modérer  quant  au  dixième 
defdits  bénéfices  ,  après  avoir  oui  lefdits 
élus  &  receveur. 

Que  certaines  perfonnes  ,  c'efl  à  favoir 
une  de  chaque  état ,  feroient  élus  par  les 
gens  d'églife  ,  nobles  &  bonnes  villes ,  & 
commis  de  par  le  dauphin  pour  le  fait  def- 
dites  aides  ordonner  &  mettre  fus  &  gou- 
verner es  lieux  où  ils  feroient  des  commis 
&  receveurs  qui  recevroent  les  deniers  de 
cette  aide.  Que  ces  receveurs  feroient 
ordonnés  par  les  élus  ,  par  le  confeil  des 
bonnes  gens  du  pays.  Que  les  élus  &  rece- 
veurs feroient  ferment  au  roi  ou  à  fes 
officiers  ,  de  bien  &  loyalement  fè  com- 
porter fur  ce  fait.  Il  n'eft  plus  parlé  en  cet 
endroit  de  ferment  envers  les  états. 

Les  élus  étoient  alors  au  nombre  de  trois  ; 
car  le  même  article  dit  qu'ils  ne  pourroient 
rien  faire  de  confidérable  fur  ce  fait  l'un 
fans  l'autre,  mais'tous  les  trois  enfemble. 

Ces  élus  avoient  des  gages  &  régloient 
ceux  des  receveurs  :  en  effet  l'article  fui- 
vant  porte  que  les  autres  aides  du  temps 
paffé  avoient  été  levées  à  grands  frais ,  & 
qu'elles  avoient  produit  peu  de  chofe  à 
caufe  des  grands  &  exceffifs  gages  & 
falaires  des  élus  particuliers ,  receveurs 
généraux  à  Paris.  C'efl  pourquoi  le  dauphin 
ordonne  que  chacun  des  élus  aura  pour  fes 
gages  ou  falaires  5°  livres  tournois  pour 
l'année ,  &  les  receveurs  au  deffous  de 
ladite  fomme  ,  félon  ce  que  les  élus  régie- 
roient  par  le  confeil  des  bonnes  gens  du 
pays. 

A  l'occafion  de  cette  aide  le  Dauphin 
donna  encore  des  lettres  le  même  jour 
14  mai  1358  ,  portant  que  dans  l'afTem- 
blée  des  états  de  la  Languedoïl,  meflire 
Sohier  de  VoHïns  ,  chevalier  ,  avoit  été  élu 
de  l'état  des  nobles  pour  ladite  aide  ,  mettre 

fus 


ELE 

fus  &  gouverner  en  la  ville  &  diocefe  de 
Paris  ,  excepté  la  partie  de  ce  diocefe  qui 
tir.  de  la  prévôté  &  reilbrt  de  Meaux  ;  que 
pour  l'état  de  l'églife  ,  ni  pour  les  bonnes 
•villes  &  plats  pays  aucuns  n'avoient  été 
élus  pour  la  ville  de  Paris  ;  &  en  confé- 
quence  il  mande  au  prévôt  de  Paris  ,  ou  fon 
lieutenant  ,  qu'ils  fafïênt  alfembler  .à  Paris 
les  gens  d'églife  &  de  la  ville  de  Paris ,  & 
les  contraindre  de  par  le  roi  &  le  dauphin 
d'élire  ,  favoir  l'état  de  l'églife  ,  une  bonne 
&  furfifante  perfonne  ;  6k  pour  les  gens  de 
la  ville  de  Paris  &  du  pays  ,  un  bon  & 
lliffilant  bourgeois  ,  pour  gouverner  l'aide 
avec  le  fufdit  chevalier  ;  que  11  ces  élus 
étoient  refufans  ou  délayans  de  s'acquitter 
de  ladite  commiflîon  ,  ils  y  feroient  con- 
traints par  le  prévôt  de  Paris  ,  favoir  lefdits 
chevaliers  &  bourgeois  par  prife  de  corps 
&  biens  ,  &  celui  qui  leroit  élu  par  l'églife , 
par  prife  de  fon  temporel  ;  que  li  lefdits 
gens  d'églife  &  bourgeois  refufoient  ou  dif- 
féraient de  faire  l'élection  }  le  prévôt  de 
Paris  ,  ou  Ion  lieutenant  ,  éliroit  par  bon 
confeil-deux  bonnes  &  fuffifantes  perionnes 
à  ce  faire  ,  c'elî- -à- favoir  de  chacun  def- 
dits  états  avec  ledit  chevalier.  L'exécution 
de  ces  lettres  ne  fut  pas  adrefïee  aux  géné- 
raux des  aides  ,  attendu  que  par  d'autres 
lettres  du  même  jour  toutes  les  commiûions 
de  ces  généraux  avoient  été  révoquées  , 
comme  on  Fa  dit  ci-devant. 

Enfin  il  eft  dit  que  les  élus  feront  Tin- 
quifirion  &  compte  du  nombre  des  feux 
des  bonnes  villes  &  cités  ,  &  par  le  confeil 
des  maires  des  villes  ou  aiourne's  ,  dans  les 
lieux  où  il  y  en  a  ,  linon  des  perionnes  les 
plus  capables. 

Le  roi  Jean  ayant ,  par  fon  ordonnance 
du  5  Décembre  1360 ,  établi  une  nouvelle 
aide  fur  toutes  les  marchandifès  &  denrées 
qui  feroient  vendues  dans  le  pays  de  la 
Languedoïl  ;  le  grand  confeil  fit  une  inl- 
truâion  pour  la  manière  de  lever  cette 
«ide  ,  &  ordonna  que  pour  gouverner  l'aide 
en  chaque  cité  ,  &  pour  le  diocefe  ,  il  y 
aurait  deux  perionnes  notables  ,  bonnes  & 
fuffilàntes  :  ainli  le  nombre  des  élus  fut 
réduit  à  deux  ,  au  lieu  de  trois  qu'ils  étoient 
auparavant. 

Il  fut  aufïl  ordonné  que  l'impolîtion  de 

douze  deniers  pour  livre  fur  toutes  les  mar- 

Tome   XIL 


ELE  33 

cliandifes  &  denrées  ,  autres  que  le  fel ,  le 
vin  &  les  breuvages  ,  feroit  donnée  à  ferme  ; 
les  cautions  prifes  &  les  deniers  reçus  de 
mois  en  mois  par  les  élus  &  députés  en, 
chaque,  ville  ,  pour  toute  la  ville  &  dio- 
cefe d'icelie  ,  tant  par  eux  que  par  leurs 
députés. 

Les  députés  dont  il  eft  parlé  dans  cet 
article ,  &  qui  dans  une  autre  ordonnance 
du  premier  Décembre  1383  ,  &  autres  ordon- 
nances poftérieures  ,  font  nommés  commis 
des  élus  y  étoient  des  lieutenans  que  les  élus 
de  chaque  diocefe  envoyoient  dans  chaque 
ville  de  leur  département ,  pour  y  connokre 
des  importions.  Ces  élus  particuliers  furent 
depuis  érigés  en  titre  d'office^  par  Fran- 
çois Ier  :  ce  qui  augmenta  beaucoup  le  nom- 
bre des  élevions  _,  qui  étoit  d'abord  feuie-r 
ment  égal  à  celui  des  diocefes. 

L'inf  traction  du  grand  confeil  de  1360  , 
portoit  encore  que  les  élus  établiraient  des 
receveurs  particuliers  en  chaque  ville  ,  où 
bon  leUr  fèmbleroit  ,  pour  lever  l'aide  du. 
vin  &  des  autres  breuvages. 

Que  tous  les  deniers  provenans  de  cette 
aide  ,  tant  de  l'impolîtion  des  greniers  à 
fèl ,  que  du  treizième  des  vins  &  de  tout 
autre  breuvage  ,  feroient  apportés  &  remis 
aux  élus  &  à  leur  receveur  ,  pour  ce  qui 
en  auroit  été  levé  dans  la  ville  &  dioceie 
de  leur  département  ;  que  les  deniers  ainli 
reçus  ,  feroient  mis  par  eux  chaque  jour; 
en  certaines  huches  ,  écrins  ,  coffres  ,  04 
arches  ,  bons  &  forts  ,  &  en  lieu  sûr  ;  &; 
qu'à  ces  huches  ,  coffres ,  &c.  il  y  auroic 
trois  ferrures  fermantes  à  trois  diverfes 
clefs  ,  dont  chacun  defdits  élus  &  rece- 
veurs en  auroient  une  ;  &  qu'ils  donne- 
raient fous  leurs  fceaux  ,  lettres  &  quif^ 
tances  des  deniers  reçus  à  ceux  qui  les 
paieraient. 

Que  lefdits  élus  &  receveurs  feroient 
tenus  d'envoyer  à  Paris  tous  les  deux  mois 
pardevers  les  tréfbriers  généraux  ordonnés , 
&  le  receveur  général ,  pour  l'effet  de  l'aide 
defîus  dite ,  tous  les  deniers  qu'ils  auraient 
pardevers  eux  ;  &  qu'ils  en  prendraient, 
lettres  de  quittance  deiuits  tréforiers  &  rece- 
veur général. 

S'il  étoit  apporté  quelque  trouble  aux 
élus  en  leurs  fonctions  ,  ou  qu'ils  euflén? 
quelque  doute  ,  l'ordonnance  dit  qu'ils  eq 

E 


34  E  L  E 

écriront  aux  tréforiers  généraux  à  Paris  ,  lef- 
buels  en  feront  leur  déclaration. 

Enfin  il  eit  dit  qu'il  leur  fera  pourvu  ,  & 
à  leurs  receveurs  &  députés ,  de  gages  ou 
falaircs  fuffifans. 

L'inftrudion  qui  efl  enfuite  ,  fur  l'aide  du 
fel ,  porte  que  dans  les  villes  où  il  n'y  aura 
point  de  grenier  établi ,  l'aide  du  fel  fera 
vendue  &:  donnée  à  ferme  par  les  élus  dans 
les  cités  ,  ou  par  leurs  députés  ,  par  mem- 
bres &  par  parties  ,  le  plus  avantageufe- 
inent  que  faire  fe  pourra  ;  &  que  les  fer- 
miers feront  tenus  de  bien  applégier  leurs 
fermes ,  c'eft-à-dire  ,  de  donner  caution  , 
&  de  payer  pardevers  les  élus  &  leur  rece- 
veur ,  le  pri*  de  leurs  fermes  :  favoir  ,  poul- 
ies fermes  des  grandes  villes  ,  à  la  fin  de 
chaque  mois  ,  &  pour  celles  du  plat-pays  , 
tous  les  deux  mois. 

Il  fembleroit  «,  fuivant  cet  article  ,.  que 
les  élus  n'avoient  plus  d'infpedion  fur  la 
gabelle  ,  que  dans  les  lieux  où  il  n'y  avoit 
point  de  grenier  à.  fel  établi  i  on  verra  ce- 
pendant le  contraire  dans  l'ordonnance  de 
12.79 ,  dont  on  parlera  dans  un  moment. 

Charles  V  ,  par  une  ordonnance  du  19 
juillet  1367  ,  régla  que  les  élus  de  chaque 
diocefe  aviferoient  tel  nombre  d'entre  les 
fergens  royaux  qui  leur  feroit  néceffaire 
pour  faire  les  contraintes  ;  &  qu'ils  arbitre- 
roient  le  falaire  de  ces  fergens.  C'efî  fans 
doute  là*  l'origine  des  huiffiers  attachés  aux 
élections-,  &  peut-être  un guliérement  celle 
des  huiffiers  des  tailles. 

Ce  même  prince  ordonna  au  mois  d'Août 
1370  ,  que  les  élus  fur  le  fait  des  fubfides , 
dans  la-  ville  ,  prévôté ,  vicomte  &  diocefe 
de  Paris,  ne  feroient  point  garans  des  fer- 
mes de  ces  fubfides. qu'ils  adjugeroient ,  ni 
de  la  régie  des  collecteurs  qu'ils  nomme- 
roient  pour  faire  valoir  la  ferme-  de  ces  fub- 
ïides ,  qui  auroient  été  abandonnés  par  les 
fermiers. 

Par  deux  ordonnances  des  13  Novembre 
1372  ,  &  6  Décembre  1373.,  il  défendit  aux 
élus  de  faire  commerce  publie  ou  caché 
d'aucune  forte  de  marchandifes  ,  à,  peine 
d'encourir  l'indignation  du  roi  ,  de'  perdre 
leurs  offices  ,  &  de  reflitution  de  leurs  ga- 
ges ;  il  leur  permit  feulement  de  fe  défaire 
inceffamment  des  marchandifes  qu'ils  rjour- 
xoient  avoir  alors.. 


E  L  E 

II  ordonna  aufîi  que  les  généraux  dimî- 
nueroient  le  nombre  des  élus. 

Et  dans  Y  article  z  8  ,  il  dit  que  pour  ce 
qu'il  eft  voix  &:  commune  renommée  ,  que 
pour  l'ignorance  ,  négligence  ou  défaut  d'au- 
cuns élus  &  autres  officiers  ,  fur  le  fait  des 
aides  ,  &  pour  l'exceQif  nombre  d'iceux  ,. 
dont  plufieurs  avoient  été  mis  plutôt  par 
importimité ,  que  pour  la  fuffifance  d'iceux  , 
les  fermes  avoient  été  adjugées- moins  fiire- 
ment ,  &  fouvent  moyennant  des  dons  ;  que 
quelques-uns  de  ces  officiers  les  avoient 
fait  prendre  à  leur  profit  ,  ou  y  étoient  in- 
téreflés  ;  qu'ils  commettaient  de  femblables 
abus  dans  Paillette  des  fouagesr  le  chance- 
lier &  les  généraux  enverroient  inceffam- 
ment des  réformateurs  en  tous  les  diocefes 
de  Languedoc  ,  quant  au  fait  des  aides  ; 
que  les  élus  &  autres  officiers  (  apparem- 
ment ceux  qui  auroient  démérité  )  lèroient 
mis  hors  de  leurs  offices  ;  qu'on  leur  en 
fubrogeroit  d'autres  bons  &  fuffifans  ;  que 
ceux  qui  feroient  trouvés  prud'hommes  ,  & 
avoir  bien  &  loyalement  fervi  ,  feroient 
honorablement  &  grandement  guerdonnés  r 
c'eft-à-dire  ,  récompenfés  &  employés  L 
d'autres  plus  grands  &  plus  honorables  offi> 
ces  ,  quand  le  cas  y  écherroit- 

L'infîruction  &  ordonnance  qu'il  donna 
aumois  d'Avril  1374  , fur  la  levée  des  droits, 
d'aides  ,  porte  que  l'impofition  de  douze 
deniers  pour  livre  feroit  donnée  à  ferme 
dans  tous  les  diocefes  ,  par  les  élus  ;  qu'ils 
aflermeroient  féparément  les  droits  fur  le 
vin  ;  que  ceux  qui  prendroienr  ces  fermes ,. 
nommeroient  leurs-  cautions  aux  élus  ;  que 
ceux-ci  ne  donneroient  point  les  fermes 
j  à  leurs  parens  au  deffous  de  leur  valeur  ; 
qu'ils  feroient  publier  les  fermes  dans  les 
villes  &  lieux  accoutumés  y-  par  deux  ou 
trois  marchés  ou  dimanches  ,  &  les  don- 
neroient au  plus  offrant  ;  que  le  bail  fait ,. 
feroit  envoyé  aux  généraux  à  Paris  :, qu'au- 
cun élu  ne  pourra  être  intéreffé  dans  les 
fermes  du  roi,  à  peine  de  confifeation  de 
fes  biens  ;  que  le  receveur  montrera  cha- 
que femaine  fon.  état  aux  élus  :  enfin  ,  ce 
même  règlement  fixe  les  émolumens  que  les 
élus  peuvent  prendre  pour  chaque  ade  de 
leur  miniflere  ,  &  fait  mention  d'un  règle- 
ment fait  au  confeil  du  roi ,  au  mois  d'Août 
précédent  fur  Y  auditoire  des  dus. 


E  L  E 

Cette  pièce  eft  la  première  qui  fafïè  men- 
tion de  Yauditoire  des  élus  ;  mais  il  eft 
confiant  qu'ils  dévoient,  en  avoir  un  ,  dès 
qu'on  leur  a  attribué  une  jurifdiction. 

Celui  de  X élection  de  Paris  étoit  dans 
l'enclos  du  prieuré  de  S.  Eloy  en  la  cité  ; 
comme  il  paroît  par  les  lettres  de  Charles 
VI,  du  2.  Août  1398  ,  dont  on  parlera  ci- 
après  en  leur  lieu.  Il  eft  dit,  au  bas  de  ces 
lettres  ,  qu'elles  furent  publiées  à  S.  Cloy  ; 
mais  il  eft  évident  qu'il  y  a  en  cet  endroit 
un  vice  de  plume  ;  &  qu'au  lieu  de  S.  Çloy, 
il  faut  lire  S.  Eloy,  qui  eft  le  lieu  où  font 
préfèntement  les  Barnabites. 

Il  paroît  en  effet  que  c'étoit  en  ce  lieu 
où  les  élus  tenoient  d'abord  leurs  féances  , 
avant  qu'ils  enflent  leur  auditoire  dans  le 
palais  où  il  eft  préfèntement. 

Il  y#  avoit  anciennement  dans  l'empla- 
cement qu'occupent  les  Barnabites  &  les 
maifons  voifines  ,  une  vafte ,  belle  &  grande 
maifon  ,  que  Dagobert  donna  à  S.  Eloy , 
lequel  établit  en  ce  lieu  une  abbaye  de 
filles  ,  appellée  d'abord  S.  Martial ,  ôc  en- 
fuite  S.  Eloy.  Les  religieufes  ayant  été 
difperfées  en  1107  ,  on  donna  aux  reli- 
gieux de  S.  Maur-des-FofTés  cette  maifon  , 
qui  fut  réduite  fous  le  titre  de  prieuré  de 
S.  Eloy  :  ce  prieuré  avoit  droit  de  juftice 
dans  toute  l'étendue  de  fav  feigneurie  ,  qui 
s'étendoit  aufli  fur  une  coulture  appellée  de 
S.  Eloy  y  où  eft  préfèntement  la  paroifîe 
S.  Paul  :  elle  avoit  près  du  même  lieu  ,  fa 
prifon  qui  fubfïfte  encore  ,  appellée  la  pri- 
fon  de  S.  Eloy  ;  mais  la  juftice  du  prieuré 
qui  appartenoit  depuis  quelque  temps  à 
l'évêché  de  Paris  ,  fut  fupprimée  en  1674, 
en  même  temps  que  plufieurs  autres  juftices 
feigneuriales  qui  avoient  leur  fiege  dans  cette 
ville. 

On  ignore  en  quel  temps  précifément  les 
élus  commencèrent  à  fiéger  dans  l'enclos 
du  prieuré  de  S.  Eloy ,  mais  il  y  a  apparence 
que  ce  fut  dès  le  temps  de  S.  Louis ,  lequel 
établit  des  élus  pour  la  taille  :  ce  prince 
habitoit  ordinairement  le  palais  fitué  proche 
S.  Eloy.  Philippe-le-Bel  y  logea  le  parle- 
ment en  1302.:  mais  comme  ce  prince  & 
plufieurs  de  Cqs  fucceflèurs  continuèrent 
encore  pendant  quelque  temps  d'y  demeu- 
rer ,  il  n'eft  pas  étonnant  qu'on  n'y  eût  pas 
placé   dès -lors  ï élection  y  non   plus  que 


E  l  e  3r 

bien  d'autres  tribunaux  qui  y  ont  été  mis 
depuis. 

D'ailleurs.,  comme  la  fonction  des  élus 
n'étoit  pas  d'abord  ordinaire  ,  ils  n'avoienc 
pas  befoin  d'un  fiege  exprès  pour  eux  :  c'eft 
apparemment  la  raifon  pour  laquelle  ils  choi- 
fîrent  le  prieuré  de  S.  Eloy  ,  pour  y  tenir 
leurs  afTemblées  &  féances  ;  &  lorfque  leur 
fonction  devint  ordinaire  ,  &  que  le  droit 
de  jurifdi&ion  leur  fut  accordé  ,  ils  établi- 
rent leur  fiege  dans  le  prieuré  de  S.  Eloy, 
fans  doute  pour  être  plus  à  portée  du  palais, 
&  de  rendre  compte  de  leurs  opérations 
aux  généraux  des  aides. 

Il  y  avoit  dans  l'ancienne  églife  de  S.  Eloy,' 
une  chapelle  fondée  en  12.39  ,  par  Guillaume 
de  Vanves  &  Sanceline  fa  femme  ,  en  l'hon- 
neur de  S.  Jacques  &  de  S.  Maur ,  à  laquelle 
Guillaume  Cerveau  ,  élu  des  aides  ,  fit  du 
bien  en  1417  ;  ce  qui  donne  lieu  de  croire 
que  les  élus  de  Paris  avoient  encore  leur 
fiege  dans  ce  prieuré. 

On  ne  voir  pas  s'il  y  avoit  un  fiege  exprès 
pour  eux.  Il  eft  probable  qu'ils  tenoient 
leurs  féances  dans  Yauditoire  de  la  juftice 
du  prieuré  ;  de  même  qu'ils  fe  fervoient  de 
la  prifon  de  cette  juftice ,  pour  y  ren- 
fermer ceux  qui  étoient. détenus  en  vertu  de 
leurs  ordres  ;  en  effet  ,  cette  prifon  eft  en«- 
core  celle  où  l'on  écroue  les  collecteurs  que 
l'on  conftitue  prifonniers  pour  la  taille ,  & 
autres  perfonnes  arrêtées  à  la  requête  du 
fermier  général  du  roi  ,  &  en  vertu  des 
jugemens  de  Y  élection  :  &  la  cour  des  aides 
envoie  fes  commiflaires  faire  la  vifite  de 
cette  prifon  toutes  les  fois  qu'il  y  a  féance 
aux  prifons. 

Ce  ne  fut  probablement  qu'en  1452,* 
que  Yauditoire  de  Yélection  de  Paris  fut 
transféré  dans  le  palais  ,  &  en  conféquence 
de  l'ordonnance  du  mois  d'Août  de  ladite 
année  ,  portant  que  le  fiege  des  élections1 
■feroit  établi  au  lieu  le  plus  convenable  de 
leur  reffort. 

Comme  toutes  les  importions ,  dont  les 
élus  avoient  la  direction  ,  étoient  levées 
extraordinairement ,  pour  fubvenir  aux  dé-»- 
penfes  de  la  guerre  ;  c'eft  delà  que  dans  des 
lettres  de  Charles  V  ,  du  10  Août  1374 ,  ils 
font  nommés  élus  Ù  receveurs  fur  le  fait 
de  la  guerre  ;  ce  qui  eft  une  abréviation  du 
titre  qu'on  leur  donnoit  plus  fouvent  d'élus 

E  2. 


56  E  L  E 

fur  le  fait  de  l'aide  ordonnée  pour  la  guerre. 

On  voit  par  une  ordonnance  du  13  juillet 
1376,  que  c'étoient  les  élus  qui  donnoient 
à  ferme  l'impolition  foraine  dans  chaque 
élection  ;  mais  il  paroît  aufli  par  des  lettres 
<3u  roi  Jean  ,  du  27  novembre  1376 ,  adref- 
ïees  aux  élus  fur  l'impofition  foraine  ,  qu'il 
y  avoit  des  élus  particuliers  pour  cette  forte 
d'impofition. 

Au  mois  de  Novembre  1379  ,  Charles  V 
fit  une  autre  ordonnance  fur  le  fait  des 
aides  &  de  la  gabelle  ,  portant  qu'attendu 
les  plaintes  faites  contre  les  élus  &  autres 
officiers  ils  feraient  vifités ,  &  leurs  œuvres 
&  gouvernement  fus  ;  que  ceux  qui  ne 
ièroient  pas  trouvés  fuffifans  en  difcrétion  , 
loyauté  &  diligence,  ou  n'exerceroient  pas 
leurs  offices  en  perfonne  ,  en  feroient  mis 
dehors  ;  &  qu'en  leur  place  il  en  ferait 
mis  d'autres  ,  que  le  roi  feroit  élire  au  pays , 
ou  qui  ièroient  pris  ailleurs  ,  fi  le  cas  fe 
préfent  oit. 

Il  défendit  aux  élus  de  mettre  es  villes 
&  paroifïès  du  plat-pays  des  afTeeurs  des 
fouages  ou  collecteurs  ,  mais  que  ces  afféeurs 
&  collecteurs  Ièroient  élus  par  les  habitans 
des  villes  6c  paroifïès  ;  que  pour  être  mieux 
obéis  ,  ils  prendroient  ,  s'il  leur  plaifbit,  des 
élus  commiâlon  dé  leur  pouvoir  ,  qui  leur 
ieroit  donnée  fans  frais. 

Que  fi  l'on  ne  pouvoit  avoir  aucun  fer- 
gent  royal  pour  faire  les  contraintes  ,  les 
élus  ou  receveurs  donneroient  à  cet  effet 
commiflîon  aux  fergeras  des  hauts-jufticiers. 

Que  fi  dans  les  villes  fermées  il  y  avoit 
quelques  perfonnes  puiffantes  qui  ne  vou- 
lufïènt  pas  payer  ,  ou  que  l'on  n'osât  pas 
.exécuter  ,  elles  feroient  exécutées  par  les 
v  élus  ,  leurs  receveurs  ou  commis  de  la  ma- 
nière la  plus  convenable  ,  &  contraintes 
de  payer  le  principal  &  acceffoires  fans 
déport, 

.  Le  nombre  des  élus  s'étant  trop  mul- 
tiplié ,  Charles  V  ordonna  qu'il  n'y  en 
aurait  que  trois  à  Paris,  deux  à  Rouen, 
pour  la  ville  &  vicomte  ;  un  à  Gifors  ,  un 
à  Tefcamp ,  &  deux  en  chacun  des  autres 
diocefes. 

Qu'aucun  receveur  ne  feroit  l'office  d'élu.. 

11,  révoqua  &  ôta  tous  les  élus  receveurs 
généraux  y  excepté,  le  receveur  général  de 
Paris. 


E  L  E 

Il  ordonna  encore  qu'en  chaque  diocefe 
ou  ailleurs  où  il  y  auroit  des  élus ,  il  y 
auroit  auffi  avec  eux  un  clerc  (  ou  greffier  ) 
qui  feroit  gagé  du  roi  ,  feroit  le  contrôle 
des  livres  des  baux  des  fermes  ,  des  en- 
chères ,  tiercemens  ,  doublemens  ,  amen- 
des ,  tant  du  fait  du  fel ,  que  des  autres 
taxations  ,  défauts  &  autres  exploits  ;  qu'il 
feroit  les  commiflions  du  bail  des  fermes  , 
&  autres  écritures  à  ce  fujet ,  fans  en  pren- 
dre aucun  profit ,  autres  que  fes  gages  ;  que 
les  élus  ne  fcelleroient  ni  ne  délivreroient 
aucune  commiflîon  ou  lettre  ,  fi  le  clerc 
ne  l'avoit  d'abord  fignée  ,  &  qu'il  en  enr- 
régifrreroit  auparavant  la  fubftance  par- 
devers  lui. 

Que  les  œuvres  ,  c'eft-à-dire  les  regiftres , 
qui  feront  envoyés  en  la  chambre  des  comp- 
tes ,  quand  le  receveur  voudrait  compter , 
feroient  clos  &  fcellés  des  fceaux  des  élus, 
&  fignés  en  la  fin  du  total  de  chaque 
fubfide ,  &  aufli  à  la  fin  du  total  du  livre , 
du  fting  manuel  des  élus  &  de  leur  clerc. 

Si  le  grenetier  d'un  grenier  à  fel.  trouvoit 
quelques  marchands  ou  autres  perfonnes 
en  contravention  ,  il  devoit  requérir  les 
élus  du  lieu  qu'ils  en  fifTont  punition  ;  fi 
c'étoit  en  lieu  où  il  n'y  eût  point  d'élus, 
mais  feulement  grenetier  &  contrôleur ,  ils 
en  pouvoient  ordonner  félon  la  qualité  dû 
délit  ,  Ùc. 

Dans  chaque  diocefe,  il  devoit  être  mis 
certains  commiflaires  (  ou  gardes  des  ga- 
belles) par  les  élus  ,  grenetiers  &  contrô- 
leurs des  lieux.  Ces  gardes  dévoient  prêter, 
ferment  tous  les  ans-, aux  élus  &,  grene- 
tiers,  de  prendre  les  délinquans ,  &  de  les- 
leur  amener  ;  ou  s'ils  ne  pouvoient  les 
prendre  ,  de  révéler  leurs  -noms  aux  élus  & 
grenetiers. 

Ceux-ci  dévoient  auffi  tous  les  ans  faire 
prêter  ferment  fur  les  faint-s  évangiles  aux 
collecteurs  des  fouages  de  chaque  paroifïè  , , 
•  de  leur  donner  avis  des  fraudes-  qui  pou- 
voient fè  commettre  pour  -le  fel. 
•  Les  élus  ,  grenetiers  ,  clercs  ,  contrô- 
leurs ,  &   chacun   d'eux  ,   dévoient  aufli 
s'informer- diligemment  de  toutes  les  con- 
traventions au  fufet  du  fel  ;  &  après  infor- 
mation y  punir  les  coupables  ;  ou  s'ils  n'en' 
vouloient  pas  connoîrre  ,  les  faire  ajourner 
,  pardevant  les  généraux  à-  Paris,. 


E  LE 

Les  éfats  d'Artois  ,  du  Bqnîonnois  ,  du 
comté  de  Saint-Pol ,  ayant  accordé  une 
aide  ,  commirent  auili  des  élus  dans  leur 
pays  pour  recevoir  le  paiement  de  cette 
aide  ;  &  ces  élus  furent  autorifés  par 
Charles  VI,  comme  il  eft  dit  dans  une 
ordonnance  du  mois  de  juin  1381. 

Il  y  avoit  aufli  en  1382  des  élus  dans 
la  province  de  Normandie  :  car  les  habi- 
tans  du  Vexin-François  obtinrent  le  21 
juin  de  ladite  année  ,  des  lettres  de  Charles 
VI  ,  portant  qu'ils  paieroient  leur  part  de 
Paide  qui  avoit  été  établie  à  des  perlonnes 
prépofées  par  eux  ,  qui  ne  feroient  point 
ïoumifes  aux  élus  établis  par  les  trois  #états 
de  Normandie. 

Le  26  janvier  de  la  même  année  I3^2> 
Charles  VI  donna  des  lettres  ,  par  les- 
quelles il  autorifa  les  généraux  des  aides  , 
toytes  les  fois  que  le  cas  le  requerroit , 
de  mettre  ,  ordonner  ,  &  établir  les  élus  , 
de  les  fubftituer  ou  renouveller ,  fi  befoin 
étoit ,  en  toutes  les  villes  ,  diocefes,  & 
pays  ,  où.  les  aides  avoient  cours.  Il  y  eut 
encore  dans  la  fuite  d'autres  lettres  & 
réglemens  ,  ;  qui  leur  confirmèrent  le  même 
pouvoir. 

Dans  le  même  temps  ,  c'eft-à-dire  le  21 
janvier  1382,  Charles  VI  fit  une  inftrue- 
tion  pour  la  levée  des-  aides , .  qui  contient 
plufieurs  réglemens  par  rapport  aux  élus , 
pour  la  manière  dont  ils  dévoient  adjuger 
les  fermes  à  l'extinction  .  de.  la  chandelle  , 
&  pour  la  fixation  de  leurs  droits. .  Mais 
ce  qui  eft  plus  remarquable  ,,  c'eft  ce- qui 
touche  leur  jurifdiction.  Il  eft  dit  que  les 
élus  auront  connoiflànee  fur  les  fermiers  ; 
qu'ils  feront  droit  fommairement>  &:  de 
plain.  (de, piano)  ,  fans  figure  de  jugement 
(  ce  quis'obferve  encore.)  ;  qu'en  cas  d'ap- 
pel ,  les  parties  feront  renvoyées  devant 
les  généraux  fur  le  fait  des  aides  à  Paris, 
pour,  en  ordonner  &  déterminer  par  eux; 
que  les  élus  feront  ferment  d'exercer  leurs 
offices-  en  perfonne  ;  que  fi  aucun  appelle 
des  élus  ,  l'appellation-  viendra,  pardevant 
les  généraux,  comme  autrefois  a  été  fait; 
ce  qui  eft  dit  ainfi  ,  parce  que  l'on  avoit 
cefîë.  pendant  quelques  années  ,  à  caufe-des 
troubles ,  de  lever  des  aides  dans  le  royaume, 
'&  que  cela  avoit  aufli  interrompu  l'exercice 
de.  toute  jurifdi&on  fur  cette  matière... 


ELE  t7 

Ce  que  porte  ce  règlement  au  fujet  de  la 
jurifdiction  des  élus  &  de  l'appel  de  leurs 
jugemens  ,  eft  répété  mot  pour  mot  dans- 
une  autre  infini clion  faite  fur  la  même 
matière  au  mois  de  février  1383. 

L'ordonnance  que  Charles  VI  fit  en  la- 
même  année  ,  qualifie  les  élus  de  collège  9. 
tant  ceux  des  fjeges  généraux  ,  que  des  fie- 
ges  particuliers  ;  étant  dit  qu'en  cas  d'em- 
pêchement ,  ils  pourront  ,  collégialement 
aiîêmblés  ,  établir  un  commis  (  ou  lieute- 
nant )  ,  homme  de  bien  ,  lettré  ,  &  expéri- 
menté au  fait  de  judicature.    ' 

Le  même   prince,  par  fon  ordonnance 
du  mois  de  février  1387  ,  réduifit  encore 
le  nombre  des  élus  ,  voulant  qu'en  chaque 
diocefe  il  n'y  en  eût  que  deux,  un  clerc,, 
&  un  lai ,  excepté  en  la  ville  de  Paris  ou  - 
il  y  en  auroit  trois,  &  que  l'on  y  mettroit 
les  plus  fuffifans-  par  élection  ,  appelles  à  ■ 
ce  ,  les  gens   du  confeil  du  roi  y  Ù  les 
généraux  des  aides. 

L'inftruclion  qu'il  fit  pour  la  levée  des 
aides  le  II  mars  1388  ,  portoit  que  dans 
les-plus  grands  diocefes  il  n'y  auroit  qu'un  « 
élu  pour  le  clergé  ,  &  deux  élus,  lais  :  qua- 
dans  les  lieux  de  recette  où  il  n'y  avoit  pas 
d'évêché  ,  il  n'y.  auroit  qu'un  élu  ,  moyen- 
nant que  le  receveur  des  aides  feroit  avec 
l'élu. toutes- les  fois  qu'il  feroit  néceflaire  ; 
que  cependant  les  élus  qui  étoient  à  Paris, 
y  demeureroient  jufqu'à  ce  que  les  généraux 
eufîënt  fait  leur  rapport  au  roi  i  des  pays  où 
ils   dévoient   aller. ,  & .  qu'alors,  il  en  feroit . 
ordonné  par  le  roi. 

Que  les  clercs  (  greffiers  )  des  élus  ,  fe- 
roient mis  à  leurs  périls ,  falarres  ,  &  dépens  j  , 
fans  prendre  aucuns  frais  ni  gages  fur  le 
roi  ni  fur  le  peuple, -à  caufè  de  leurs  let- 
tres ou  autrement  , , excepté,  ce-  qui  leur 
étoit  permis  par  l'inftruâion  ancienne,  - 

Que  comme  plufieufrs  élus  &  autres  offi- 
ciers des  aides  y  avoient  été  mis  par-  faveur  ; , 
que  plufieurs  ne- favoient,  ni  lire  ni  écrire , , 
ou  n'étoienr  point  d'ailleurs  au  fait,  des  aides  - 
&  des  tailles  qui  avoient  été.mifes  en  fus  ;  - 
que  les  généraux -réformateurs  qui  avoient 
été-ordonnés  depuis  peu  -,  feroient  leurrap-  - 
port  au  confeil  de  ceux  qu'ils  auroient  appris  - 
à   ce  fujet  ,  &  que  les  élus  qui  feroient 
trouvés  capables  ,  feroient  confervés  dans: 
leurs  offices.;  les. autres. en  feroient  privés,- 


38  E  L  E 

Une  autre  inftruction  que  ce  même  prince 
fit  le  4.  Janvier  1392-  ,  veut  que  les  élus 
lais  &  commis  par  le  roi ,  connoiiTent  du 
faït  des  aides  comme  par  le  parle ,  &  pa- 
reillement l'élu  pour  le  clergé.  Il  femble 
par-là  que  le  roi  ne  commit  que  les  élus 
lais  ,  &  que  l'autre  fut  commis  par  le  clergé. 

Au  mois  de  juillet  1388  ,  Charles  VI  fit 
encore  une  nouvelle  inftruction  fur  les  aides , 
portant ,  entre  autres  chofes  ,  que  fi  quel- 
ques officiers  des  aides  étoient  maltraités 
dans  leurs  fonctions  par  quelque  perfonne 
que  ce  fût ,  noble  ,  ou  non  noble  ,  les  élus 
ou  grenetiers  en  informer  oient  ;  que  s'ils 
avoient  befoin  pour  cet  effet  de  confeil  ou 
de  force,  ils  appelleroient  les  baillis  &  juges 
du  pays,  &  le  peuple  même  s'il  étoit  né- 
cefîaire  ;  qu'ils  auroient  la  punition  ou  cor- 
rection des  cas  ainfi  advenus  ,  ou  bien  qu'ils 
pourroient  la  renvoyer  devant  les  généraux 
confeillers ,  lefquels  pourroient  auffi  les  évo- 
quer &  en  prendre  connoifïance  ,  quand 
même  les  élus  ou  grenetiers  ne  la  leur  au- 
roient pas  renvoyée. 

Il  eft  auljl  défendu  aux  élus  &  à  leurs 
commis  de  prendre  fur  aucun  fermier  ni 
autre  ,  douze  deniers  pour  livre  ,  comme 
quelques-uns  s'ingéroient  de  prendre  pour 
vinage  ou  pot  de  vin ,  ni  aucun  profit  fur 
les  fermes  ,  à  peine  d'amende  arbitraire  & 
de  privation  de  leurs  offices.  C'eft  fans  doute 
ce  qui  a  donné  occafion  de  charger  les  baux 
des  fermes  envers  les  cours  des  aides  & 
élections  y  de  faire  chaque  année  certains 
préfens  aux  officiers. 

Le  même  prince ,  par  fon  ordonnance  du 
2.8  mars  1395  ,  portant  établifTement  d'une 
aide  en  forme  de  taille  ,  ordonna  que  cette 
aide  ou  taille  feroit  mife  par  les  élus  lur  le 
fait  des  aides  ,  es  cités  ,  diocefes  &  pays  du 
royaume  ,  qu'il  avoit  commis  à  cet  effet  par 
d'autres  lettres. 

Celles  du  28  août  139^  ,  par  Icfquelles 
il  inflitua  trois  généraux  des  finances  ,  por- 
tent que  ces  généraux  pourroient  ordonner, 
commettre  &  établir  tous  élus  ;  les  deffituer 
&  démettre  de  leurs  offices  s'ils  le  jugeoient 
à  propos  ,  fans  que  les  généraux  ,  pour  le 
fait  de  la  juffice  ,  pufïent  s'en  entremettre 
en  aucune  manière. 

Le  roi  laifToit  quelquefois  aux  élus  le 
choix  d'affermer  les  aides ,  ou  de  les  met?- 


E  L  E 

tre  en  régie  ;  comme  on  voit  par  des  îef-ï 
très  du  même  prince  ,  du  2.  août  1398  , 
adreflées  A  nos  ame's  les  élus  fur  le  fait  des 
aides  ordonnées  pour  la  guerre  dans  la 
ville  &  djocefe  de  Paris.  Ces  lettres  conti- 
nuent pour  un  an  l'impofition  de  toutes 
denrées  ou  marchandées  vendues  ,  l'impo- 
fition des  vins  &  autres  breuvages  vendus 
en  gros  ,  le  quatrième  du  vin  &  autres  breu^ 
vages  vendus  en  détail  ,. l'impofition  foraine , 
&  la  gabelle  du  fel  ;  &  le  roi  mande  aux 
élus  de  Paris ,  de  les  faire  publier  &  don- 
ner à  ferme  le  plus  proficablement  que  faire 
le  pourra ,  ou  de  les  fà*ire  cueillir  &  lever 
par  la  main  du  roi ,  c'eft-à-dire  ,  par  forme 
de  régie.  Il  eft  marqué  au  bas  de  ces  lettres , 
qu'elles  ont  eu'  publiées  à  S.  Eloy  ,  devant 
les  élus  de  Paris. 

Charles  VI  fît  encore  plufieurs  régle- 
mens  concernant  les  élus  ;  par  fon  ordon- 
nance du  7  janvier  1400  ,  il  régla  qu'il 
n'y  auroit  à  Paris  ,  fur  le  fait  des  aides , 
que  trois  élus  3  &  un  fur  le  fait  du  cierge , 
c'eft-à-dire  pour  les  décimes  qui  fe  levoient 
fur  le  clergé. 

Qu'en  chacune  des  autres  bonnes  villes 
du  royaume  ,  &  autres  lieux  où  il  y  avoit 
ordinairement  Jiege  d'élus  y  il  n'y  aura 
dorénavant  que  deux  élus  au  plus  avec 
celui  du  clergé  ;  dans  les  lieux  où  il  y  en 
avoit  ordinairement  un  ,  que  le  nombre  des 
élus  feroit  encore  moindre  ,  fi  faire  fe  pou- 
voit ,  félon  l'avis  des  généraux  ;  &  afin  que 
lefdites  élections  fuffent  mieux  gouvernées  , 
que  les  élus  feroient  pris  entre  les  bons 
bourgeois ,  riches  &  prud'hommes  des  lieux 
où  ils  feroient  établis  élus.  Cette  ordon- 
nance eft  ,  à  ce  que  je  crois ,  la  première  qui 
ait-  qualifié  Sélection  le  fiege  des  élus  ;  & 
depuis  ce  temps ,  ce  titre  eft  devenu  pro- 
pre à  ces  tribunaux.  On  dit  pourtant 
encore  quelquefois  indifféremment  une  fen- 
tenee  des  élus  ,  ou  une  fentence  de  Vélec~ 
tion. 

La  même  ordonnance  porte  encore  que 
ceux"  qui  feroient  ordonnés  pour  demeurer 
dans  ces  offices  ,  ou  qui  y  feroient  mis  de 
nouveau  ,  auroient  des  lettres  du  roi  fur  ce  , 
paffées  par  les  trois  généraux ,  &  fcellées  du 
grand  fceau. 

Que  comme  on  avoit  propofé  de  donner 
à  ferme  au  profit  du  roi  les  offices  des  cler« 


E  L  E 

giés  des  élus,  &  auffi  les  offices  des  greffes 
de  leurs  auditoires,  cette  affaire  1er  oit  dé- 
battue pour  (avoir  ce  qui  feroit  le  plus  avan- 
tageux. Cette  difpofition  fait  juger  que  les 
élus  avoient  alors  deux  greffiers  ,  l'un  pour 
les  affaires  contentieufes  dont  ils  étoient 
juges  ,  l'autre  pour  les  opérations  de  finan- 
ces dont  ils  étoient  chargés. 

Les  commiffions  d'élus  furent  enfin  éri- 
gées en  titre  d'office  formel  fous  le  rogne  de 
Charles  VII ,  lequel ,  dans  une  ordonnance 
du  mois  de  juin  1445  ,  appelle  les  élus  fes 
juges  ordinaires. 

Les  élus  particuliers  dont  nous  avons 
déjà  touché  quelque  chofe  ,  furent  auffi  éri- 
gés en  titre  d'office  par  François  I.  L'appel 
de  ces  élus  fe  relevoit  d'abord  devant  les 
élus  en  chef.  Par  une  déclaration  de  Char- 
les VII,  du  23  mars  145 1  ,  il  fut  ordonné 
qu'il  fèroit  relevé  en  la  cour  dts  aides  ; 
mais  par  un  édit  du  mois  de  janvier  1685  , 
les  élus  particuliers  ont  été  fupprimés  & 
réunis  aux  élus  en  chef  ,  &  toutes  les 
commiffions  furent  érigées  en  élection  en 
chef. 

Il  y  a  préfentement  181  élections  dans  le 
royaume  ,  qui  font  difîribuées  dans  les  pro- 
vinces &  généralités  ,  qu'on  appelle  pays 
d'élections  ;  favoir  , 

Dans  la  généralité  de  Paris  y  vingt-deux 
élections* 


Paris. 

Beauvais. 

Compiegne.- 

Senîis. 

Meaûx. 

Rozoy. 

Coulommicrs.- 

Provins. 

Montereâu. 

Nogent-fur-Seine. 

Sens- 


Pontorf«.. 

Vezelay. 

Joigny. 

Saint-Floréntin.- 

Tonnerre. 

Nemours. 

Melun. 

Étampes. 

Mantes. 

Mon  tfort-Lam  aury 

Dreux. 


Amiens  y  fx. 


Amiens. 
.Abbeville.- 
Dourlens.. 


Peronne. 
Montdidier. 
Saint- Quentin*, 


E  L  E 

SoiJ/bns  y  fept. 

SohTons.  Crefpy. 

Laon.  Clermont. 

Noyon.  "  Guife. 
Château -Thierry. 

Orléans  y  dou\e. 


33 


Orléans. 

Petiviers. 

Beaugency* 

Chartres. 

Châteaudun. 

Vendôme. 


Montargis* 

Gien. 

Blois. 

Romorantkiv 

Dourdan. 

Clamecy. 


Bourges  y  fept. 


Bourges* 
IfToudun. 
Château-Roux* 
Leblanc* 


La  Châtre. 
Saint-A#nand. 
La  Charité-fur- 
Loire. 


Moulins  y  fept. 


Moulins* 
Gannat. 
Montluçon; 
Gueret. 


Evaux. 

Nevers. 

Chateau-Chinon. 


Lyon  ,  cinq. 


Lyon. 

Saint-Etienne.- 

Montbrifon. 


Roanne. 

Villefranche  en  Beau- 
joiois. 


Riom. 

Clermonts 
Iifoire. 


Grenoble. 
Vienne. 
Roman  Si 


Riom  y  frx. 

•  Brioude. 
Saint-Flour. 
Aurillac. 

Grenoble  y  Jix. 

Valence. 

Gap. 

Montelimart. 


Poitiers  y  neuf.- 


Poitiers.- 
Niort. 

S'aint-Maixant. 
Fontenay. 
,  ;  Thouar-s, 


Ghâtillon. 

Les  fables  d'Olonne. 

Châtellerault.   . 

Gonfolens. 


4«  BLE 

La.  Rochelle  ,  cinq. 

La  Rochelle.  Marenne. 

Saintes.  Coignac. 

Saint- Jean-d'Angely. 

Limoges  y  cinq. 

Bourganeuf. 
Angoulême. 


Limoges. 

Tulles. 

Brives. 


Bordeaux  ,  cinq. 

Bordeaux.  Agen* 

Périgueux.  Condom. 

Sarlat. 

Tours  y  fei^e. 

Tours.  Saumur. 

Amboife.  Château-Gontier. 

Loches.  Baugé. 

Chinon.  La  Flèche. 

Loudun.  Le  Mans. 

Richelieu.  Mayenne. 

Angers.  Laval. 
Montreuil-Bellay.       Château-du-Loir. 

Pau  &  Aufch^  Jix. 

Aufch  ou  Armagnac.  Cominge. 
Lomagne.  Aftarac. 

Rivière-Verdun.         Les  Landes. 

Montauban  y  Jix* 

Montauban.  Villefranche. 


Cahors. 

Rhodez. 

Figeac 

Milhault. 

Champagne  9  dou-^e. 

Châlons. 

Langres. 

Rhetel. 

Bar-fur-Auhe. 

Sainte-Menehould. 

Troyes. 

y^'y.- . 

Epernay. 

Joinville. 

Sezane  en  Brie, 

Chaumont. 

Rheims. 

Rouen 

y  quatorze. 

Rouen. 

Andely. 

Arques. 

Evreux. 

Eu. 

Pont-de-1'  Arche. 

Neufchatel 

Pont-1'Evêque. 

Lions. 

Ponteau~de-mer. 

Gifors. 

Caudebec. 

ELE 

Caen,  neuf. 


Çhmmonx  Ù  Magny..  Montiviiiier, 


Caen. 

Bayeux. 
Saint-Lo. 
Carentan. 
Valognes. 


Coutances. 
Avranche. 
Vire. 
Mortain. 

Alcnçon ,  neuf. 

Alençon.  Domphront. 

Bernay.  Falaifè. 

Lizieux.  Argentan. 

Conches.  Mortagne. 
VerneuiL, 

Bourgogne  y  deux. 

XI  élection  de  Breffè  féante  à  Bellay ,  qui 

ou    de    Bourg  ,  eu    tant    pour    le 

feante  à   Bourg.  Bugey  que  pour  les 

L'élection  de  Bugey  '  pays  de  Gex  &  Val- 
ez/   de    Bellay  ,  romey. 


Dans  les  autres  villes  du  duché  de 
Bourgogne  où  il  y  a  bailliage  royal  ,  le 
bailliage  connoît  des  matières  d'élection  ; 
&.  l'appel  de  leurs  jugemens  dans  ces  ma- 
tières va  aux  cour»  des  Aides  ,  chacun  félon 
leur  refïort. 

Les  jufHces  du  Cîermontois  connoifîenc 
aufli  des  matières  d'élection  y  &  l'appel  de 
leurs  jugemens  dans  ces  matières  elt  porté 
à  la  cour  des  Aides  de  Paris. 

Chaque  élection  comprend  un  certain 
nombre  de  paroifies  plus  ou  moins  confidé- 
rable  ,  félon  leur  arrondiffement.  L'ordon- 
nance faite  au  boisdeSiraine  enaoût  1452, 
portoiî  que  le  refTort  de  chaque  élection  ne 
lèroit  que  de  cinq  à  fix  lieues  au  plus  ,  afin 
que  ceux  qui  feroient  appelles  devayt  les 
élus  ,  puffent  y  comparoîrre  &  retourner 
chez  eux  en  un  même  jour. 

Dans  les  pays  d'états  il  n'y  a  point  dY/Vc- 
tion  ,  û  ce  n'eff  dans  quelques-uns  ,  comme 
on  l'a  marqué  ci-devant. 

Les  officiers  dont  chaque  élection  eu  com- 
pose ,  font  deux  préfidens ,  un  lieutenant , 
un  aiTeffeur  ,  &  pluheurs  confeillers  ;  un 
procureur  du  roi  ,  un  grenier  ?  plufieurs 
huifiiers  ,  &  des  procureurs. 

L'office  de  premier  préfi dent  fut  créé  en 
1578  ,  fupprimé  en  1583  ,  ^.  rétabli  au  mois 
de  mai  1585, 

L'office 


E  L  E 

L'office  de  fécond  préfident  fut  créé 
d'abord  en  1587  ,  enfuite  fùpprimé  ,  puis 
rétabli  par  édit  du  mois  de  mai  1702  ;  & 
depuis  ,  en  quelques  endroits  >  cet  office 
a  été  réuni  ou  fupprimé.  A  Paris  il  a  été 
acquis  par  la  compagnie  de  Sélection  ;  le 
préfident  a  néanmoins  confervé  le  titre  de 
premier  préfident  ,  quoiqu'il  foit  préfen- 
tement  feul  préfident  ;  ce  qui  fut  ainii  or- 
donné par  un  édit  du  mois  de  janvier  1703  , 
en  faveur  du  fieur  Nicolas  Auniilon  ,  en 
confidération  de  (es  fervîces  ,  &  ce  titre  fut 
en  même  temps  attaché  à  fa  charge. 

Le  lieutenant  ,  qui  efl  officier  de  robe- 
longue  ,  fut  créé  en  1587  ,  pour  fiéger  après 
les  préfidens  ,  avec  le  même  pouvoir  que 
les  élus. 

L'aflêffeur  dans  les  élections  où  cet  office 
fubfifte  ,  fiege  après  le  lieutenant. 

Le  nombre  des  confeillers  n'eft  pas  par- 
tout le  même  ;  à  Paris  il  y  en  a  vingt ,  ou- 
tre le  préfident  ,  le  lieutenant  &  l'affeffeur. 
Dans  les  autres  grandes  villes  il  devoit  y 
en  avoir  huit ,  préfentement  il  n'y  en  a 
que  quatre.  La  création  des  deux  premiers 
en  titre  d'office  ,  eft  du  temps  de  Charles 
VII ,  le  troilieme  fut  créé  par  édit  du  22 
juillet  1523. 

Les  contrôleurs  des  tailles  ,  qui  furent 
établis  par  édit  de  janvier  15^  >  &  autres 
édits  poflérieurs  ,  faifoient  aufli  dans  plu- 
fieurs  élections  la  fonction  d'élus  ,  &  en 
pouvoient  prendre  la  qualité  ,  fuivant  l'édit 
du  mois  de  mai  1 5S7  :  c'eft  ce  qui  a  formé 
le  quatrième  office  d'élus.  Ces  offices  de 
contrôleurs  ont  depuis  été  réunis  aux  élec- 
tions y  en  forte  que  tous  les  élus  peuvent 
prendre  le  titre  de  contrôleur  ;  mais  il  y  a  eu 
depuis  d'autres  contrôleurs  ,  créés  pour 
contrôler  les  quittances  des  tailles. 

Les  qualités  de  préfident  ,  lieutenant , 
&  de  confeiller  ,  furent  fupprimées  par 
édit  de  l'an  I')99,  avec  défenfes  à  eux  de 
prendre  d'autre  qualité  que  celle  d'élus  , 
&  le  nombre  de  ces  officiers  réduit  à  trois 
élus  &  un  contrôleur  ,. vacation  advenant 
par  mort  ou  forfaiture  ;  que  jufqu'à  ce  ils 
fe  partageroient  par  moitié  ,  pour  exercer 
alternativement  autant  d'officiers  en  une 
année  qu'en  l'autre  ;  mais  en  1505  >  les 
qualités  de  préfident ,  lieutenant  &  de  con- 
feiller furent  rétablies ,  &.  tous  furent  remis] 
Tome  XlL 


E  L  E  41 

en  l'exercice  de  leurs  charges  ,  comme 
auparavant  ,  pour  fervir  continuellement  & 
ordinairement ,  ainfi  qu'ils  font  encore  pré- 
fentement. 

Une  des  principales  fonctions  des  élus  efl 
d'afîèoir  la  taille  fur  les  paroiffes  de  leur 
département  ,  &  pour  cet  eflèt  ils  font 
chacun  tous  les  ans  ,  au  mois  d'août ,  leur 
chevauchée  ou  tournée  dans  un  certain 
nombre  de  paroifïès  ,  pour  s'informer  de 
l'état  de  chaque  paroifTe  ;  favoir  fi  la  récolte 
a  été  bonne ,  s'il  y  a  beaucoup  d'exempts  & 
de  privilégiés  ,  &  en  un  mot  ce  que  la 
paroifTe  peut  jufkment  porter.  Voye\  ce 
qui  en  a  été  dit  ci-devant  au  mot  CHEVAU- 
CHÉE des  Elus. 

Suivant  l'article  z  z  de  la  déclaration 
du  16  août  1683  ■>  les  ^us  vérifiant  les  rôles 
faits  par  les  collecteurs ,  n'y  peuvent  rien 
changer ,  fauf  aux  cotifés  à  s'oppofer  en 
furtaux. 

Le  même  article  leur  défend  de  retenir 
les  rôles  plus  de  deux  ou  trois  jours  pour 
les  calculer  &  vérifier  ,  à  peine  de  payer  le 
féjour  des  collecteurs ,  &  de  demeurer  ref- 
ponfables  des  deniers  de  la  taille  en  leurs 
propres  &  privés  noms. 

L'article  z  j  du  règlement  de  1673  »  & 
l'article  z  z  de  la  déclaration  de  1683  * 
leur  ordonnent  de  remettre  au  greffe  de 
l'éleclion  les  rôles  ,  trois  jours  après  la 
vérification  qu'ils  en  auront  faite  ,  à  peine 
de  radiation  de  leurs  gages  &  droits  ,  & 
d'interdiction  de  leurs  charges  pour  trois 
mois. 

Ils  connoifîeiit  entre  toutes  fortes  de 
perfonnes  ,  de  toutes  conteflations  civiles 
&  criminelles  pour  raifon  des  tailles  & 
autres  impofitions  ,  excepté  de  celle  dont 
laconnoiiîànce  eft  attribuée  fpécialement  à 
d'autres  juges  ,  comme  les  gabelles.  La 
déclaration  du  n  janvier  1736  ,  attribue 
au  préfident  la  faculté  de  donner  feul  la 
permiflion  d'informer  &  décerner  feul  les 
décrets  ,*  &  en  fon  abfence  le  plus  ancien 
officier  ,  fuivant  l'ordre  du  tableau  ,  a  le 
même  pouvoir.  L'exécution  de  cette  dé- 
claration a  été  ordonnée  par  arrêts  du  con- 
feil  des  29  mai  &  20  novembre  1736  , 
&  le  16  octobre  1743  ;  il  y  a  eu  une 
nouvelle  déclaration  qui  confirme  celle  de 
173$.  La  déclaration  du  16  octobre    1743  % 

F 


4t  ELE 

l'autorife  auffi  à  faire  les  interrogatoires  ,. 
rendre  hs  jugemens  à  l'extraordinaire  ,  & 
les  jùgem-ens  préparatoires  ;  procéder  aux 
récolemens  &  confrontations  ,  &  généra- 
lement faire  toute  l'infïrudion  &  rapport 
du  procès  ,  &:  rendre  toutes  les  ordonnances 
qui  peuvent  être  données  par  un  feul  juge 
dans  les  fieges  ordinaires  qui  connoiffent 
des  matières  criminelles.  En  cas  d'abfence 
ou  autre  empêchement  du  préfident  ,  tou- 
tes ces  fondions  font  attribuées  au  lieute- 
nant, ou  autre  plus  ancien  officier. 

L'appel  des  f?ntences  &  ordonnances  des 
élections  ,  eft  porté  aux  cours  des  aides , 
chacune  dans  leur  refTbrt. 

L'édit  du  mois  de  janvier  IÇ^S  avait 
•  uni  les  greniers  à  fel  &  [es  élections  établis 
dans  les  mêmes  villes  ,  pour  ne  faire  qu'un 
même  corps  d'élection  &  grenier  à  fèl  ; 
mais  par  édit  d'odobre  1694  ,  les  greniers  à 
fel  ont  été  défunis  des  élections. 

Les  officiers  des  élections  jouiffent  de 
plufîeurs  privilèges ,  dont  le  principal  eft 
Fexemption  de  la  taille ,  chacun  dans  l'éten- 
due de  leur  élection.  L'édit  de  juin  16 14 
n'accordoit  ce  privilège  qu'à  ceux  qui  réfi- 
doient  en  la  ville  de  leur  jurifdidion  :  ils 
furent  enfuite  exemptés  par  le  règlement 
du  mois  de  janvier  1634 ,  fans  être  affu- 
jettisà  la  réfidence. 

La  déclaration  du  mois  de  novembre 
I°34  révoqua  tous  leurs  privilèges. 

Mais  par  une  autre  déclaration  du  mois 
de  décembre  1644  >  vérifiée  en  la  cour  des 
aides  au  mois  d'août  1645  ,  le  roi  les  a 
rétablis  dans  l'exemption  de  toutes  tailles , 
crues ,  emprunts ,  fubventions ,  fubfiftances , 
contribution  d  étapes  ,  logement  de  gens 
de  guerre  ,  tant  en  leur  domicile ,  maifon 
des  champs  ,  que  métairies  ;  paiement 
d'uflenfiles  ,  &  de  toutes  levées  pour  lefclits 
logemens ,  &  autres  contributions  faites  & 
à  faire  ,pour  quelque  caufe  &  occafion  que 
ce  foit  ,  même  en  la  jouifïànce  de  toutes 
autres  impoli  fions  qui  feroient  faites  par 
les  habitans  des  lieux  où  lefdits  officiers-  fe 
trouveraient  demeurans  ,  foit  par.  la  per- 
miffion  de  Sa  Majefté  ou  autrement ,  pour 
quelque  caufe  &  occafion  ;  pour  en  jouir 
eux  &  leurs  veuves  es  lieux  de  leur  réfi- 
dence ,  pourvu  qu'ils  ne  faffent  ade  déro- 
geant auxdits  privilèges  ?  commerce ,    ou  | 


ELE 

tiennent  ferme  d'autrui  ;  leur  laifîant  k 
liberté  d'établir  leur  demeure  où  bon  leur 
femblera  ,  nonobftant  les  édits  contraires 

La  déclaration  du  22  feptembre  1627, 
leur  donnoit  auffi  droit  de  committimus  au 
petit  fceau  ;  mais  n'ayant  pas  été  enré- 
gifhrée  ,  ils  ne  jouiffent  pas  de  ce  droit, 
excepté  ceux  de  T élection  de  Paris  ,  aux- 
quels il  a  été  attribué  en  particulier  ,  tant 
par  l'ordonnance  de  1669  t  que  par  uns 
déclaration  pofiérieure  du  mois  de  décem- 
bre 1732. 

Ils  ont  rang  dans  les  alTemblées  publi- 
ques ,  après  les  juges  ordinaires  du  lieu  , 
foit  royaux  ou  ieigneuriaux  ;  ils  précèdent 
tous  autres  officiers  ,  tels  que.  ceux  des  eaux 
&  forêts  ,  les  maire  &  échevins. 

Les  offices  de  judicature,  foit  royaux  ou 
autres  ,  font  compatibles  avec  ceux  des 
élections  y  fui-vant  la  déclaration  du  mois 
de  décembre  1644.  Voye\  les  décijions 
fur  les  ordonnances  des  tailles  &  de  la 
jurif diction  des  élus  ,  par  Dagereau  ;  traité 
des  élections  >  par  Vieville  ;  Chenu  ,  des 
offices ,  th.  des  élections.  Voye\  auffi  les 
auteurs  qui  traitent  de  la  cour  des  aides  & 
des  tailles  ,  &  au  mot  TAILLES.  (A) 

ELECTION  fe  dit  aufli  d'une  partie  de 
la  Pharmacie  ,  qui  eft  celle  qui  apprend  à 
choifir  les  drogues  médicinales  &  les  fin> 
ples  ,  &  à  diffinguer  les  bonnes  &  les  mau- 
vaifès.    Voye\  PHARMACIE. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  difringuent'  une 
élection  générale ,  qui-  donne  les  règles  & 
les  caraderes  des  remèdes  en  général  ,  & 
une  particulière  pour  chaque,  remède  en  par?- 
ticuliêr.   Charniers. 

ELECTORAL,  ad  jed.  (Hifi.mod.  )  fe 
dit  d'une  chofe  qui  fe  rapporte  ou,  convient 
à  un  éledeur. 

Le  prince,  électoral  eft  le  fils  aine  d'un 
éledeur  ,-  &  l'héritier  préfomptif  de  & 
dignité.  Voye\  P  R  I N  C  E.  On  traite  les 
eledeurs  dalcejje  électorale.  Voye^  AL- 
TESSE. 

Les  princes  qui  font  revêtus  de  la  dignité 
électorale  ,  ont  dans  les  aflemblées  impé- 
riales la  preiéance  eu  deffus  de  tous-  les 
autres.  Le  roi  de  Bohême  qui  cède  à 
pluiieurs  autres  rois  ,  ne  le  cède  à  aucun 
dans  les  diètes  pour  l'eledion  d'un  empe- 
reur ou  d'un  ici  Ots  Romains  ;  les  éledeurs 


E  L  E 

•ont  par  confinent  Iapréféance  fur  les  car- 
dinaux :  l'empereur  les  traite  de  dileclion  , 
(ans  pourtant  leur  donner  la  main.  HeifT. 
hijioire  de  V Empire  ,  tome  UT. 

Le  collège  électoral ,  qui  eiïcQmpofé  de 
tous  les  électeurs  d'Allemagne,  €Û  ie  plus 
iliuftre  &  le  plus  augufle  corps  de  l'Europe. 
Bellarmin  &  Baronius  attribuent  i'infli'turion 
du  collège  électoral  au  Pape  -Grégoire  V  , 
&:  à  l'empereur  Gthon  III  ,  dans  le  X 
fïecle  :  pre'que  tou<?  les  Hiiloriens  &  les 
Canoniftes  (ont  de  ce  fentiment.  Wiqucfort 
penfe  autrement  ,  &  tâche  de  faire  voir 
par  l'élection  des  empereurs  fuivans  ,  que  le 
nombre  des  électeurs  n'étoit  point  fixé  ,  & 
que  la  dignité  électorale  n'étoit  point  annexée 
à  certaines  principautés  ,  à  l'exclufion  de 
certains  princes  d'Allemagne.  Il  ajoute  qu'il 
n'y  a  eu  rien  de  réglé  là  -  deffus  avant  Char- 
les IV.,  &  que  la  publication  de  la  bulle 
d'or  n'a  eu  pour  objet  que  de  prévenir  les 
fchifmes ,  &  aflurer  le  repos  de  l'Empire 
par  un  règlement  en  former 

Ce  fut  donc  la  bulle  d'or  publiée  en 
1356,  qui  forma  le  collège  électoral  ,  & 
réduifit  à  fept  le  nombre  des  électeurs  ;  mais 
il  a  été  depuis  augmenté  de  deux.  Voyt\ 
Collège  &  Bulle.  Vcyt\  aujjfl  Elec- 
teurs, Constitution  de  l'Empire, 
Empire  ,  Diète  ,  &c 

Couronne  électorale  y  c'efl  un  bonnet 
d'écarlate  entouré  d'hermine  ,  fermé  par  un 
demi -cercle  d'or ,  le  tout  couvert  de  perles  : 
il  eff  furmonté  d'un  globe  ,  avec  une  croix 
Bn  deffus.  Voye\  COURONNE.  Voye\  le 
diclionn.  de  Trév.  &  Chambers. 

ELECTORAT,  f.  m.  (  Hifi.  &  droit 
public  d'Allemagne.  )  c'en1  le  nom  qu'on 
donne  en  Allemagne  aux  territoires  ou 
fiefs  immédiats  qui  font  pofîédés  par  les 
électeurs  ,  comme  grands  officiers  de  l'Em- 
pire. Voye\  Electeurs. 

C'eft  l'empereur  qui  donne  l'invefliture 
dts  électorals  ,  comme  des  autres  fiefs 
immédiats  de  l'Empire.  On  ne  peut  créer 
de  nouvel  électorat  en  Allemagne  ,  fans  le 
confentement  non  feulement  des  électeurs  , 
mais  encore  de  tous  les  états.  Un  électorat 
ne  peut  être  ni  vendu  ,  ni  aliéné  ,  ni  par- 
tagé ;  mais  il  appartient  de  plein  droit  au 
premier  né  d'un  électeur  laïque.  Lorfque 
la  ligne  directe  d'un  électeur  vient  à  man- 


E  L  E  45 

quer,  {'électorat  doit  paffèr.  au  p!us  proche  des 
agnats  de  la  ligne  collatérale.  Quant  aux 
électoral  eccîénafîiqùes  ,  ils  font  déférés 
à  ceux  qui  ont  été  é]vs  par  les  chapitres. 
Voye\  V article  ELECTEURS. 

ËLECTRA;  (Ajjron.  )  nom  d'une 
des  fept  étoiles  des  pléiades  ,  fituées  fur 
le  cou  du  taureau  ;  les  anciens  les  pla— 
çoient  fur  la  queue  du  taureau  ;  leur  nom 
vient  de  tkw  ,  qui  fignifie  naviguer  ,  parce 
qu'au  printemps  &  vers  le  temps  de  leur 
lever  héliaque ,  on  commençoit  les  grandes 
navigations.  Les  poètes  difent  que  les 
Pléiades  étoient  filles  d'Hefperis  &  d'Atlas; 
c'eft.  pourquoi  on  les  appelle  aufli  Hefpéri- 
des  ou  Atlantiades.  Jupiter  les  ayant  aimées, 
&  les  voyant  attaquées  par  Orion ,  les  plaça 
dans  Je  ciel ,  pour  les  fouflraire  aux  pour- 
fuites  de  fon  rival. 

Ovide  les  renferme  fous  le  nom  de  Taïgetc, 
dans  ces  vers  ; 

Taygetemque  ,  Hyadefque  oculis  ,  Arc* 
tonque  notavi. 

Met.  III  ,   596. 

Et  il  rapporte  leurs  noms  en  détail  dans  le 
IVe.  liv.  des  Fajles  ,  v.  16  j.  Voye% 
Plétades,  {M.  de  la  Lande.  ) 

ELECTRICITE  ,  f.  f.  i  Ptyjique.  ) 
ce  mot  fignifie  en  général ,  les  effets  d'une 
matière  très- fluide  Ù  très-fubtile  ,  diffé- 
rente par  lès  propriétés  ,  de  toutes  les  autres 
matières  fliiides  que  nous  connoifîbns  ;  que 
l'on  a  reconnue  capable  de  s'unir  A  pres- 
que tous  les  corps  ,  mais  à  quelques-uns 
préférablement  à  d'autres  ;  qui  paroît  le 
mouvoir  avec  une  très-grande  vîtelîè  ,  fui- 
vantdesloix  particulières  ,  &  qui  produit  par 
fèsmouvemens  des  phénomènes  très-lingu- 
liers ,  dont  on  va  effayer  dans  cet  article  de 
donner  une  hiftaire. 

Les  fentimens  des  Physiciens  font  par- 
tagés fur  la  caufè  de  Y  électricité  :  tous  ce- 
pendant conviennent  de  l'exiftence  d'une 
matière  électrique  plus  ou  moins  ramaflee 
autour  des  corps  électrifés  ,  &  qui  produit 
par  (es  mouvemens  [qs  effets  d'électricité 
que  nous  appercevons  ;  mais  ils  expliquent 
chacun  différemment  les  caufes  &  les  direc- 
tions de  ces  différens  mouvemens.  Voye\ 
FEU  ÉLECTRIQUE  ,  où  nous  rapporterons 

F  ^ 


44  E  L  E 

leurs  opinions.  Nous  nous  contenterons? 
d'expofer  ici  les  principaux  phénomènes  de  ; 
X électricité  >  &  les  loix  que  la  nature  a  paru  j 
fuivre  en  les  produifanr. 

Comme  on   ne   connoît   point  encore  ' 
l'efïence    de  la    matière   électrique  ,  il  eft  j 
impo'fllble  de  la  définir  autrement  que  par  j 
fès  principales  propriétés.  Celle  d'attirer  &  I 
de  repouffer  les  corps  légers ,  eft  une  des 
plus  remarquables  ,  &  qui  pourroit  d'autant 
mieux  fervir  à  caractérifer  la  matière  élec- 
trique ,   qu'elle    eft  jointe    à    prefque  tous 
fes  effets  ,    8f  qu'elle   en  fait    reconnoîrre 
aifément   la   préfence    ,    même    dans    les 
corps   qui    en  contiennent  la  plus   petite 
quantité. 

On  trouve  dans  les  plus  anciens  monu- 
mens  de  la  Phyiique ,  que  les  Naturaliftes 
ont  connu  de  tout  temps  au  fuccin  la 
propriété  d'attirer  des  pailles  &  autres 
corps  légers.  On  s'eft  apperçu  par  la  fuite 
que  les  corps  bitumineux  &  réfineux  ,  tels 
que  lefoufre  ,  le  jais  ,  la  cire  ,  la  réjme  > 
avoient  aufli  cette  propriété  ;  que  le  verre  y 
les  pierres  précieufés  ,  la  Joie  ,  la  laine  , 
le  crin  ,  &  prefque  tous  les  poils  des 
animaux  ,  avoient  la  même  vertu  ;  qu'il 
fuffit  de  bien  fécher  chacun  de  ces  corps  , 
&  de  les  frotter  un  peu  ,  pour  voir  voler  ' 
vers  eux  tous  les  corps  légers  qu'on  leur  ■ 
préfente.  Sur  ces  exemples  on  a  depuis 
chauffé  un  peu  plus  vivement  ,  &  frotté  i 
avec  plus  de  patience  une  infinité  d'autres 
corps  ,  &  on  leur  a  trouvé  auffi  la  même 
propriété  ;  en  forte  qu?en  po.  fiant  plus  loin 
cet  examen  ,  on  s'eft  aiiuré  que  tous  les  \ 
corps  de  la  nature  peuvent  devenir  électri- 
ques ,  pourvu  qu'ils  foient  auparavant  par- 
faitement léchés  &  frottés. 

Néanmoins  les  métaux  fe  font  conftam- 
ment  fouftraits  à  cette  épreuve  ;  rougis  , 
frottés ,  battus  ,  jjmés ,  ils  n'ont  jamais  don- 
né le  moindre  ligne  d'attraction  électrique , 
en  forte  qu'ils  font  une  exception  à  la  règle 
générale  ,  ainfi  eue  l'eau  &  toutes  les 
liqueurs  qu'il  eft  impoffible  de  foumettre  au 
frottement. 

En  examinant  à  quel  degré  tous  les  corps 
de  la  narure  deviennent  électriques  par 
l'effet  du  frottement ,  on  voit  que  l'on  peut 
defeendre  par  une  infinité  de  nuances  de 
ceux  qui  s'électriiènt  beaucoup   &  facile- 


EL  E 

ment ,  à  ceux  dont  la  vertu  fe  rend  à  peine 
fenfible  ,  jufqu'à  ce  qu'on  arrive  aux  mé- 
taux fur  lefquels  ,  comme  on  vient  de  le 
dire  ,  le  frottement  n'a  aucun  effet  ;  c'eft 
pourquoi  on  a  partagé  en  deux  claffes  géné- 
rales tous  les  corps  de  la  nature  ,  fuivant 
qu'ils  font  plus  ou  moins  fufceptibles 
d'électricité. 

On  a  compris  dans  la  première  clafïe  , 
ceux  qui  s'électrifent  très-facilement  après 
avoir  été  un  peu  chauffés  &  frottés ,  &  on 
les  appelle  fimpiement  corps  éleclriqi  es  : 
tels  font, 

i°-  Les  diamans  blancs  &  colorés  de 
toutes  efpeces  ,  le  rubis  ,  le  faphir  ,  le 
péridore  ,  l'émeraude  ,  l'opale ,  l'amethyfte  , 
la  topafe  ,  le  beril  ,  les  grenats  ,  enfin  le 
cryftal  de  roche  ,  &  tous  ceux  qu'on  appelle 
cailloux  du  Rhin  y  de  Médoc  ,   &c. 

2°.  Le  verre  &  tous  les  corps  vitri- 
fiés ;  fàvoir  les  émaux  de  toute  couleur  ;  la 
porcelaine  ,  le  verre  d'antimoine  ,  de 
plomb ,  &c. 

3°.  Les  baumes  ,  larmes  &  réfines  de 
toutes  efpeces  ,  telles  que  la  poix  noire , 
la  poix-réfine  ,  la  térébenthine  cuite  ,  la 
colophane  ,  le  baume  du  Pérou ,  le  maftic  , 
la  gomme-copal  ,  la  gomme-lacque  ,  &  la 
cire  ,  &c. 

4°.  Les  bitumes  ,  lefoufre  ,  le  fuccin  ,  le 
jais  ,1'afphalte,  &c. 

5°.  Certains  produits  des  animaux  ,  tels 
que  la  foie  ,  les  plumes  ,  le  crin  ,  la  laine  , 
les  cheveux ,  &  tous  les  poils  des  animaux 
morts  ou  vivans. 

La  féconde  claffe  contient  les  corps  qui 
ne  s'électrifent  pas  du  tout  par  le  frotte- 
ment ,  ou  du  moins  très-peu  ,  &  que  l'on 
nomme  pour  cet  effet  non  éleclriques  ; 
favoir , 

i°.  L'eau  &  toutes  les  liqueurs  aqueufès 
&  fpiritueufes ,  qui  font  incapables  de  s'épaif» 
fir  &  d'être  frottées. 

2°.  Tous  les  méraux  parfaits  &  impar- 
faits ,  &  la.  plupart  des  minéraux  ;  favoir  l'ai- 
mant ,  l'antimoine  ,  le  zinc  ,  le  bifmuth , 
l'agate  ,  le  jafpe  ,  le  marbre  ,  le  grès  ,  l'ar- 
doife  ,  la  pierre  de  taille ,  &c. 

3°.  Tous  les  animaux  vivans  ,  à  l'excep- 
tion de  leurs  poils.  On  peut  y  joindre 
aufli  la  plupart  de  leurs  produits  ;  favoir  le 
cuir  ,  le  parchemin  ,  ks  os  3  l'ivoire ,   la 


E  L  E 

corne  ,  les  dents  ,  l'écaillé  ,  la  baleine  ,  les 
coquilles  ,  &c. 

4°.  Enfin  les  arbres  &  toutes  les  plantes 
vivantes  ,  &  la  plupart  des  choies  qui  en 
dépendent  ,  telles  que  le  fil ,  la  corde ,  la 
toile  ,  le  papier  ,  &c. 

Ce  n'eft  pas  que  ces  corps  ne  puifTent 
jamais  devenir  électriques  par  d'autres 
moyens  que  par  la  chaleur  &  le  frottement, 
mais  parce  que  ces  deux  préparations  leur 
font  ordinairement  infuffifantes.  En  ^effet  , 
quoique  les  métaux  &  les  liqueurs  ne  puif- 
fènt  pas  devenir  électriques  par  la  voie  du 
frottement  ,  ils  le  deviennent  très -bien, 
comme  nous  le  verrons  dans  la  fuite  ,  dans 
la  fimple  approche  d'un  autre  corps  élec- 
trilé.  Il  eft  vrai  que  ces  corps  ne  peuvent 
manifefter  la  vertu  qu'ils  reçoivent  ,  que 
dans  de  certaines  circonflances  ,  &  qu'ils  la 
perdent  avec  la  même  facilité  qu'ils  la 
reçoivent ,  fi  on  ne  prend  pas  quelque  pré- 
caution pour  la  leur  conferver  &  la  fixer, 
pour  ainfi  dire  ,  dans  leur  étendue.  Cette 
précaution  ,  pour  le  dire  d'avance  ,  confifte 
à  les  pofir  fur  des  corps  électriques  un  peu 
élevés  ,  &  à  les  éloigner  fuffilàmment  de 
ceux  -qui  pourroient  leur  enlever  les  cou- 
rans  de  matière  électrique ,  à  mefure  qu'on 
les  répandroit  fur  eux. 

Ainli  une  barre  de  fer  deviendra  élec- 
trique par  l'approche  d'un  tube  de  verre 
frotté  ,  fi  elle  eft  fou  tenue  horizontalement 
par  deux  autres  tuyaux  de  verre  bien  fecs  , 
ou  fufpendue  par  des  cordons  de  foie ,  ou 
enfin  pofée  fur  un  pain  de  réfine  de  quel- 
ques pouces  d'épailleur  ;  &  on  électrifera  de 
même  l'eau  &  les  autres  métaux  ,  ainfi  que 
tous  les  autres  corps  qui  ne  pouvant  être 
élecVifés  que  très-peu  par  le  frottement  , 
font  rangés  dans  la  claffe  des  non-électri- 
ques. Ceux-ci  acquerront  même  beaucoup 
plus  à  électricité'  par  le  moyen  que  nous 
venons  d'indiquer  ,  qu'on  ne  leur  en  pour- 
rait jamais  exciter  en  les  frottant. 

Le  frottement  a  paru  néceifaire  en  gé- 
néral pour  exciter  les  mouvemens  de  la 
matière  électrique ,  &  rendre  apparens  ics 
effets  d'attraction  &  de  répulfion  ,  &  il  y 
a  même  très-peu  de  corps  qui  puiffent 
devenir  électriques  fans  cette  préparation  ; 
cependant  il  fuffit  que  quelques-uns  le 
foient  devenus  fans  ce  fecours ,  m  celui  de 


E  L  E  4, 

la  communication  ,  pour  qu'on  puiffe  con- 
clure que  le  frottement  n'eft  pas  abfoîument 
effentiel  à  la  production  des  effets  de  \ élec- 
tricité. En  effet ,  un  gros  morceau  de  fuc- 
cin  ou  de  jais ,  dont  la  fiirface  eft  large  & 
bien  polie  ,  un  cône  de  foufre  fondu  dans  un 
verre  à  boire  bien  fec ,  &c.  conferve  de  la 
vertu  électrique  pendant  des  années  entières 
&  fans  le  fecours  d'aucun  frottement ,  foi- 
ble  à  la  vérité  ,  mais  qui  n'eft  pas  moins 
bien  caractérifée  par  l'attraction  &  la  ré- 
pulfion d'un  cheveu.  On  peut  joindre  à  ces 
exemples  celui  d'une  pierre  plate  &  orbi- 
culaire  que  l'on  trouve  dans  quelques-unes 
des  rivières  de  Ceylan  ,  qui  attire  &  rc- 
poufîè  fucceffivement  des  paillettes  ,  fans 
qu'il  foit  jamais  befoin  de  la  frotter  pour 
exciter  fa  vertu. 

Mais  fi  le  frottement  ne  paroît  pas  abfo- 
lument  nécefTaire  pour  produire  de  l'élec- 
tricité}  on  ne  fauroit  nier  qu'il  n'y  contribue 
infiniment  ;  car  fans  parler  du  plus  grand 
nombre  des  corps  qui  n'ont  jamais  de  vertu 
électrique  qu'à  force  de  frottement  ,  il  eft 
confiant ,  par  des  expériences  réitérées  ,  que 
ceux  même  qui  ont  cette  vertu  fans  ce 
fecours  ,  produifent  des  effets  électriques 
d'autant  plus  confidérables  qu'ils  font  plus 
vivement  frottés. 

Il  eft  également  nécefTaire  que  les  corps 
que  l'on  veut  électrifer  par  le  frottement , 
foient  exempts  de  toute  humidité  :  celle 
qu'ils  contiendroient  dans  leurs  pores  ,  & 
qui  paroît  d'ailleurs  fe  répandre  fur  eux  , 
paroît  un  obftacle  bien  décidé  à  ce  qu'ils 
deviennent  électriques.  On  a  beau  frotter 
un  corps  humide  ,  il  n'a  jamais  qu'une 
vertu  foible  &  languiffante  ;  au  lieu  que 
lorfqu'il  eft  bien  fec  ,  le  moindre  frottement 
fuffit  pour  exciter  la  matière  en  abon- 
dance ,  &  lui  faire  produire  les  effets  les 
plus  fenfibles.  De  même  la  vertu  électrique  . 
n'eft  jamais  plus  apparente  dans  un  corps 
que  lorfque  l'air  eft  bien  fèc  &  bien  ferein , 
fur-tout  s'il  fouffle  un  vent  frais  du  nord 
ou  du  nord-eft  :  au  contraire  lorlque  le 
vent  eft  du  iud  ou  de  l'oueft  ,  &  que  i'air 
fe  trouve  chargé  de  vapeurs  humides  ,  les 
effets  de  l'électricité  font  a  peine  fenfibles  ; 
en  forte  que  les  corps  qui  ne  montrent 
u'une  médiocre  électricité  par  un  temps 
èc  ,  paroiffent  n'en  point  avoir  du  tout 


l 


4<tf  E  L  E 

dans  un  temps  humide  &  pluvieux ,  &  c'eît 
fans  doute  parce  que  les  grandes  chaleurs 
font  prefque  toujours  accompagnées  d'hu- 
midité ,  que  les  expériences  fur  ^électricité 
réufliffent  moins  bien  en  été  qu'en  hiver. 

Cependant  cette  condition  n'efl  pas  pins 
efTenticIle  que  le  frottement  à  la  production 
de  X électricité  :  l'humidité  enlevé  &  détourne 
la  matière  électrique  ,  mais  elle  n'empêche 
pas  qu'elle  ne  fort  excirée  ;  elle  ne  nous 
ôte  que  l'apparence  de  les  effets  fans  les 
anéantir  véritablement  :  car  fi  on  refpire 
fur  un  morceau  d'ambre  échauffé  ,  ou  fur 
tin  tuyau  de  verre  ,  immédiatement  après 
qu'ils  aur  oient  été  frottés  ,  ils  ce  fieront 
tout-à-coup  de  paroître  électriques  ;  mais 
leur  vertu  le  rétablira  aufli-tôt  que  l'humi- 
dité fe  fera  évaporée  ,  en  forte  qu'ils  pro- 
duiront comme  auparavant  tous  leurs  effets 
d'attraction  &  de  répulfion. 

La  flamme  paroît  nuire  plus  poiîtivement 
à  Y  électricité  ;  -en  approchant  feulement 
une  bougie  allumée  d'un  tube  de  verre 
•frotté  ,  ou  d'une  barre  de  fer  éleclrifée 
par  communication  ,  on  voit  fenfiblement 
diminuer  leur  vertu  élecîrique  ,  lors  même 
que  la  bougie  en  eft  encore  éloignée  de  12. 
à  15  pouces.  Cette  vertu  difparoît  à  vue 
-d'œil  ,  à  mefure  qu'on  approche  la  bougie 
de  plus  près  ;  en  forte  que  fi  on  porte 
iubitement  la  flamme  fur  ces  corps  électri- 
ques ,  leur  vertu  cefîè  aufli-tôt ,  &  ne  fe 
rétablit  qu'avec  peine  par  un  nouveau 
frottement.  Le  charbon  &  tous  les  corps 
embraies  produifent  le  même  effet  ,  auflï- 
foien  que  les  métaux  qu'on  a  fait  rougir 
jufqu'au  blanc:  ceux-ci  n'ont  cependant  pas 
la  même  propriété  ,  quand  ils  font  feule- 
ment bien  échauffés  &  qu'ils  ne  commen- 
cent qu'à  rougir  ;  ce  qui  prouveroit  que  ce 
n'eft  pas  par  l'effet  de  la  chaleur  que  dif- 
paroît la  vertu  élecîrique  ,  mais  plutôt  par 
l'effet  des  vapeurs  &  des  émanations  parti- 
culières que  les  corps  embrafés  laifîènt 
échapper.  On  s'attend  bien  par  cet  effet  de 
la  flamme  fur  les  corps  actuellement  éleclri- 
^ques  ,  que  les  corps  enflammés  ne  fàuroient 
jguere  être  attirés  ;  aufli  l'approche  d'un  tube 
(élecîrique  n'excite-t-elle  aucun  mouvement 
flans  la  flamme  d'une  bougie  ,  ni  dans  un 
morceau  de  papier  enflammé  &  fuipendu 
ffSf  mal 


E  L  E 

•On  ignore  quel  efl  le  plus  élecîrique  de 
tous  les  corps ,  à  caufe  de  la  difficulté  qu'ii 
y  a  de  les  comparer  -exactement  volume  à 
volume  ;  cependant  on  a  reconnu  en  gé- 
néral que  le  diamant  fk  les  pierres  pré- 
cieufes  ,  le  cryfîal  de  roche  ,  &c.  devien- 
nent plus  fortement  électriques  que  les 
corps  réfineux  :  mais  il  n'y  en  a  pas  dont 
les  Phyficiens  fe  foient  plus  fervis  que  du 
verre  ,  tant  parce  qu'il  eff.  naturellement 
très-  électrique  ,  que  parce  que  l'on  a  la 
facilité  de  lui  donner  route  forte  de  formes 
commodes  ,  comme  celle  d'un  tube,  d'un 
globe  ou  d'un  cylindre.  Le  tube  a  ordi- 
nairement trois  pies  de  longueur,  un  pouce 
&  demi  de  diamètre  ,  &  une  ligne  & 
demie  d'épaiflêur  :  ces  dimenfions  ne  font 
que  commodes  ,  &  ne  font  point  effentielles 
pour  produire  de  Xéleclricité  :  il  eft.  plus 
avantageux  qu'il  foit  fermé  hermétiquement 
par  une  de  fes  extrémités  ,  &  que  l'on  puifTe 
boucher  l'autre  avec  un  bouchon  de  liège, 
pour  empêcher  la  pouffiere  &  l'humidité 
de  s'y  introduire.  On  le  frotte  fùivant  fa 
longueur  après  l'avoir  un  peu  léché  au  feu  ; 
&  de  toutes  les  matières  qu'on  peut  em- 
ployer pour  le  frotter ,  il  riy  en  a  pas  qui 
réuffhTe  mieux  que  la  main  fèche ,  ou  garnie 
d'un  morceau  de  papier  pour  en  abforber 
l'humidité.  Les  effers  de  cet  inftrument  font 
très-fenfibles  ,  il  efl:  fou  vent  le  plus  com- 
mode ,  &  c'efî  par  fon  moyen  que  les  Phy- 
ficiens  ont  fait  leurs  principales  découvertes 
fur  Yéleclricité. 

Pour  éviter  la  fatigue  du  frottement,  & 
aufîï  pour  rendre  les  phénomènes  électri- 
ques beaucoup  plus  forts  &  plus  apparens  , 
on  a  fubflirué  au  tube  un  globe  de  verre 
creux  d'environ  un  pie  de  diamètre  & 
aufîï  d'une  ligne  &  demie  d'épaifîeur  :  par 
le  moyfen  de  deux  calottes  de  bois  tournées 
&  mafliquées  extérieurement  aux  endroits 
de  fès  pôles  ,  on  peut  le  retenir  entre  deux 
pointes  comme  les  ouvrages  du  tour  ,  &  le 
faire  tourner  rapidement  fur  fon  axe  par  le 
mouvement  d'une  grande  roue  fèmblable 
à  celle  dont  fe  fervent  les  couteliers. 
(  Voye\  la  figure  j8  expliquée  dans  nos 
planches  de  phyjique.  )  En  appliquant  les 
mains  fous  l'équateur  de  ce  globe  ,  tan- 
dis qu'il  tourne  avec  rapidité  ,  on  excite  fur 
cette  partie  de  fa  fùrface  un-mouvement 


E  L  E 

beaucoup  plus  vif  qu'on  ne  peut  faire  arec 
le  tube  ,  la  matière  électrique  eft  excitée 
en  bien  plus  grande  abondance  ,  &  il  en 
réfulte  de  plus  grands  effets.  Quoiqu'il 
foit  plus  avantageux  de  frotter  ce  globe 
avec  les  mains  nues  &  bien  feches ■;  quel- 
ques Phyficiens  ont  imaginé  pour  une  plus_ 
grande  (implicite  &  uniformité  ,  de  le 
frotter  avec  un  couffinet  un  peu  concave 
&  ferré  convenablement  contre  l'équateur 
du  globe  ;  ils  ont  employé  avec  luccès 
différentes  matières  pour  recouvrir  ce  couf- 
finet ,  &  quelques-uns  ont  préféré  une 
feuille  de  papier  doré  ,  dont-  la  dorure  eft 
appliquée  contre  le  globe.  L'ufage  du  couf- 
finet a.  fait  imaginer  de  fubftitujsr  au  globe 
un  vailfeau  de  verre  cylindrique  ,  qu'on  peut 
faire  tourner  &  frotter  de  la  même  manière. 
Voye\  la  figure- 79. 

Le  verre  frotté  fous  l'une  ou  l'autre  de 
ces  formes  ,,  acquiert  en  peu  de  temps  une 
vertu  électrique  très-confidérabîe  ;  elle  fè 
fait  appercevoir  par  le  mouvement  des- 
corps légers  qu'il  attire  vivement  à  la  dis- 
tance de  deux  à  trois  pies  ;.  on  fent  alors, 
en  appro^iant  le  vifage  ou  la  main  ,.  l'im- 
preflion  delà  matière  électrique  qui  fe  ré- 
pand de  deffus  le  verre ,  &  qui  fait  l'effet 
d'un  voile  délié  qu'on  pafferoit  très-légé- 
rement  fur  la  peau  de  ces  parties.  Ces  éma- 
nations continuent  à.  fe-- répandre  tant  que 
l'on  frotte  le  verre  ;  &.  loriqu'on  ceffe  de 
frotter  ,  elles  continuent  encore  quelque 
temps  en  diminuant  graduellement  jufqu'-à- 
ce  qu'enfin  elles  s'évanouiffent^ 

L'application  des  autres  corps  électriques 
bien  iecs  ,  fur  la  fuperficie  du  tube  ou  du 
globe  frottés  ,  ne  diminue  pas  fenfiblement 
leur  vertu  :  on  a  beau  les  toucher  en  difré- 
rens  endroits  avec  un  autre  tube  de  verre-, 
un  morceau  d'ambre  ,  de  foufre  ou  de  cire 
d'Efpagne,  on  nappercevra  aucun  chan- 
gement ,  ni  dans  l'étendue  de  leurs  -émana- 
tions ,  nr  dans  leur. vivacité  à  attirer  ou  à 
repouffer  les  corps  légers  -,  non.  plus  que 
dans  Ja  durée  de  leur  vertu.  Au  contraire 
le  voifinage  des  corps  non  électriques ,  ou  leur 
application  immédiate  fur  le  tube.,  -diminue* 
très-prornptement  ^électricité  qu'on  a  pro- 
duite par  le  frottement  ,  en  forte  qu'on 
éteint  prefqu'en  un  moment  toute  fa  vertu  , 
ta  l'empoignant  daûs  l'endroit  ùà  il  a  été 


E  L  Ë  47 

frotté  ,  ou  bien  en  le  préfentant  par  cet 
endroit  à  du  métal  ou  à  quelqu'autre  corps 
auffi  peu  électrique. 

Cette   propriété  qu'ont  les  métaux  d'é-- 
teindre  prefque  en  un  inftant  la  vertu  d;un 
corps  électrique  frotté  ,   n'a  lieu  qu'autant 
qu'ils  établirent  une  communication  entre 
le  corps  électrique  &  la  terre  ,  au   moyen- 
de   laquelle  les  émanations  qu'il  répand  le 
dirigent  &   fe  tranfmettent  promptement  à 
notre  globe  ;  «.r  fi  l'on  applique  à  l'extré- 
mité d'un    tube  un    corps  non  électrique : 
quelconque ,  comme  un  morceau  de  métal  ;.. 
&  qu'on  frotte   le  tube  à  l'ordinaire  ,  en 
prenant  garde  que  ce  corps  qu'on  aura  atta- 
ché au  tube  ne  touche  point  à  aucun  autre-, 
non  feulement  ce  métal  ne  diminuera   pas ; 
la  vertu  du  tube  ,  parce  qu'il  n'établit  plus 
de    communication  avec  la  terre  ,  mais  il 
deviendra   lui-même   électrique  y    &   fera 
capable  d'attirer  &t  de  repouffer  les- petits  • 
corps  légers. 

Si  l'on  attache  à  l'extrémité  du  tube  des 
corps  naturellement  électriques  ,  tels  qu'un 
morceau    de  verre,  un  bâton  de  foufre  ou *. 
de  cire  d'Efpagne ,  ces  corps  ne  diminueront 
pas  non  plus  ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit , 
la- vertu  du  tube,,  mais    ils  ne  recevront 
jamais  de  lui,  comme  les  métaux,  la  propriété 
d'attirer,  &   de    repouffer  de  petits  corps 
légers:  d'où  l'on  voit  que  les  cour-ans  de  la 
matière  électrique  parlent  avec  une  très-gran-  ■ 
de. facilité  dans  les  corps  non  électriques  , 
puifqtie  ceux-ci  cn.deviennentélectriles  ,  & 
qu'ils  leur  lèrvent  de  moyens  pour  fe  difîiper 
&:  le  répandre  dans  la  terre  ;  au  lieu  que  les 
corps  naturellement  électriques  ne  reçoivent  - 
rien  du  tube  ,  &  ne  fauroient  traniinettre 
les  émanations-  Voici  quelques  expériences  ■ 
qui  confirmeront  cette  vérité; 

I  Expérience.   Si    on  met  une- barre  de 
fer  ou  tout  autre  corps  non  électrique  fur 
un  guéridon  de  verre   d'un  pié  &  demi  de 
hauteur.  .&.- bien   fec  ,    ou.  fur  un  pain  de 
cire  un  peu  épais  ,  fur  une  maire  de  -foufre 
ou  de  réfine ,  &c.  en  forte  que  cette  barre 
foit  abfblument  ifolée  ùi.  éloignée  de  tout  " 
autre  -corps  ;  aufli-tôt    qu'on    approchera  * 
d'elle  un  tube  de  verre  nouvellement  frotté  ,  , 
elle  pourra  attirer  de  petites  feuilles  d'or 
ba:ru  ,  ou  d'autres  corps  légers  ,  de    tous 
les  points  de  fafurfaçe,  &.  elle  confèrvera 


4»  E  L  E 

cette  vertu  pendant  quelques  minutes  ; 
même  après  qu'on  aura  éloigné  le  tube. 

Ces  effets  d'attraction  &  de  répuliion 
feront  d'autant  plus  vifs  &  plus  fenlibles  , 
que  le  tube  aura  été  plus  rapidement  frotté  , 
que  l'air,  de  l'atmofphere  fera  plus  fec  ;  ou 
dans  l'égalité  de  toutes  ces  circonfïances  , 
fuivant  que  la  barre  aura  plus  d'étendue  en 
longueur  &  en  furface  ;  en  forte  qu'un 
long  tuyau  de  fer-blanc  de  quatre  à  cinq 
pouces  de  diamètre  ,  ainfi  éledrifé  par  le 
tube ,  paraîtra  attirer  beaucoup  plus  vive- 
ment qu'une  fimple  barre  de  fer  moins  groffe 
&  beaucoup  plus  pefante. 

Mais  fi  au  lieu  d'un  corps  métallique  on 
met  fur  le  guéridon  de  verre  quelque  corps 
que  ce  foit ,  facile  à  électrifer  par  le  frot- 
tement >  car  exemple,  un  long  tuyau  de 
verre  bien  fec  ,  un  écheveau  de  foie  ,  un 
pain  de  réfine  ,  ou  un  long  canon  de 
foufre,  aucun  de  ces  corps  ne  deviendra 
électrique  par  l'approche  du  tube  ,  ou  ne 
recevra  tout  au  plus  qu'une  très-foible 
vertu. 

Nous  exceptons  cependant  un  cas  parti- 
culier ,  dans  lequel  le  verre  affocié  à  des 
corps  non  électriques  ,  reçoit  beaucoup 
d'électricité  par  communication.  Ce  cas  , 
dont  l'examen  nous  meneroit  trop  loin  ,  a 
rapport  à  la  fameufe  expérience  de  Leyde. 
Voye\  cette  expérience  au  mot  Coup 
FOUDROYANT. 

II  Expérience.  Lorfqu'on  électrife  une 
barre  de  fer  pofée  fur  un  guéridon  de  verre , 
ii  quelqu'un  y  applique  le  bout  du  doigt  , 
elle  ceffera'  aufli  -  tôt  d'être  électrique  , 
quelque  rapidement  que  l'on  continue  de 
frotter  le  tube  ;  &  la  même  chofe  arrivera  , 
fi  au  lieu  d'y  mettre  le  doigt ,  on  y  attache 
une  petite  chaîne  de  métal  qui  traîne  jufqu'à 
terre.  Cependant  fi  la  perfonne  qui  touche 
la  barre  ,  eft  montée  fur  un  pain  de  réfine  ; 
ou  fi  la  chaîne  ,  au  lieu  de  traîner  à  terre , 
eft  foutenue  par  un  cordon  de  foie  ,  non- 
fèulement  la  barre  deviendra  électrique  , 
comme  à  l'ordinaire  ,  en  approchant  le  tube, 
mais  la  perfonne  &  la  chaîne  recevront 
àuflî  de  Y  électricité  par  communication. 

III  Expérience.  Si  au  lieu  de  toucher  à 
la  barre  avec  le  doigt  ,  on  y  touche  avec 
un  morceau  de  verre  bien  fec  ,  un  bâton  de 
cire  d'Efpagne  ,    un  morceau  d'ambre  ou 


E  L  E 

de  jais  ,  elle  deviendra  tout  aufîî  électrique 
à  l'approche  du  tube  ,  que  ii  rien  ne  la 
touenoit. 

On  voit  donc  par  ces  expériences ,  que 
les  corps  non  électriques  tels  que  les 
métaux  ,  les  hommes  ,  &c.  reçoivent  de 
la  matière  électrique  par  la  fimple  approche 
du  tube  de  verre  frotté  ;  qu'ils  tranfmettent 
cette  même  matière  &  la  partagent  avec 
les  autres  non  électriques  qui  leur  font 
contigus;  au  lieu  que  les  corps  naturelle- 
ment électriques  ne  reçoivent  rien  du  tube  , 
&  ne  permettent  pas  à  fes  émanations  de 
fe  répandre  :  car  fi  le  verre ,  la  foie  ?  la 
cire  d'Efpagne  ,  le  foufre ,  Ùc.  n'avoient 
pas  la  propriété  d'arrêter  la  matière  électri- 
que ,  les  phénomènes  de  ïéleclrieité  ne 
nous  fèroient  jamais  rendus  fenfibles  ,  & 
Iescourans  de  cette  matière  fe  diiîiperoient 
dans  la  terre  fans  que  nous  nous  en  apper- 
çuflïons  ,  àmefure  qu'ils  fortiroient  du  tube. 
C'eft  pourquoi  on  emploie  ces  fortes  de 
corps  pour  fupporter  ceux  à  qui  on  veut 
communiquer  de  Y  électricité.  On  fe  fert  de 
cordons  de  foie  ,  de  crin  ou  de  laine  , 
quand  ils  ne  font  pas  trop  pefa# ,  &  qu'il 
eft  plus  commode  de  les  fufpendre.  On  pofe 
les  plus  folides  fur  des  piédeftaux  garnis  de 
glaces  étamées  pardeffous  ,  fur  des  pains 
de  cire  jaune  ,  ou  fur  des  maffes  de  poix  & 
de  réfine  feules  ou  mêlées  enfèmble  ,  & 
auxquelles  il  eft  bon  d'ajouter  du  foufre  en 
poudre ,  pour  leur  donner  plus  de  dureté 
&  de  féchereffe.  On  verfe  t  es  matières 
fondues  &  mêlées  ,  dans  des  caiffes  de  bois 
de  deux  pies  en  quarré  ,  &  de  deux  pouces 
de  profondeur  ,  ce  qui  forme  des  gâteaux 
très-commodes  pour  électrifer  des  hommes. 
On  doit  toujours  prendre  garde  que  tous  ces 
fupports  foient  bien  fecs  &  un  peu  chaufïes 
auparavant  que  de  faire  les  expériences  ;  & 
l'on  doit  choifir  ,  autant  qu'il  eft  poffible  , 
un  lieu  fec  &  vafte. 

Les  expériences  fuivantes  vont  répandre 
encore  plus  de  lumière  fur  toutes  ces  obfer- 
vations ,  en  même  temps  qu'elles  feront 
connoître  de  nouvelles  propriétés  de  la 
matière  électrique.  Nous  avons  préféré  de 
rapporter  celles  dans  lefquelles  on  éleétrife 
par  communication  une  ou  plufieurs  per- 
fonnes  ,  parce  qu'elles  nous  découvrent 
quelques  phénomènes    que    le    fentiment 

feul 


E  L  E 

feul  peut  faire  appercevoir  ;  mais  à  l'excep- 
tion de  ces  phénomènes  ,  on  doit  entendre 
que  tout  ce  qui  arrive  à  des  perfonnes 
éle&rifées ,  arrive  auffi  aux  métaux  &  aux 
autres  corps  non  électriques  ,  pourvu  qu'ils 
foient  exactement  dans  les  mêmes  cir- 
conftances. 

IV  Expérience.  Si  dans  un  lieu  fuffilam- 
ment  fpacieux  on  fait  monter  un  homme 
fur  un  pain  de  réfine  bien  fec  ,  d'environ 
quinze  pouces  de  diamètre  ,  &  de  fept  à 
huit  pouces  d'épaiffeur ,  &  que  d'une  main 
cet  homme  touche  légèrement  la  partie 
fupérieure  du  globe  tandis  qu'on  le  frotte 
&  qu'il  tourne  avec  rapidité  ,  au  bout  de 
quelques  fécondes-  il  deviendra  électrique 
depuis  les  pies  jufqu'à  la  tête  ,  ainfi  que 
dans  fes  habits  ,  &  on  pourra  obferver  les 
phénomènes  fuivans. 

i°.  Son  autre  main  &  toutes  les  parties 
de  fon  corps  attireront  &  repoufleront  de 
très-loin  les  petits  corps  légers  ;  favoir  à  la 
diftanee  de  trois  à  quatre  pies ,  &  même 
davantage ,  il  le  temps  eit  favorable. 

2°.  Tous  les  corps  non  électriques  qu'il 
tiendra  dans  fa  main  ,  s'électriferont  comme 
lui ,  pourvu  qu'ils  ne  touchent  qu'à  lui  feul , 
ou  qu'ils  foient  fupportés  par  des  corps 
électriques  bien  féchés.  Bien  -  loin  que  ces 
corps  en  s'électrifant  diminuent  la  vertu  que 
la  perfonne  aura  reçue  du  globe ,  elle  pa- 
raîtra au  contraire  un  peu  plus  forte  ,  tant 
dans  cette  perfonne  que  dans  les  corps 
qu'elle  tiendra  :  &  fi  on  augmente  prodi- 
^  gieufement  l'étendue  de  ces  corps  ,  fur-tout 
en  furface  &  en  longueur ,  par  exemple  , 
fi  on  fait  communiquer  cette  perfonne  à 
une  longue  chaîne  de  ter,  ou  encore  mieux 
à  de  gros  &  longs  tuyaux  de  fer -blanc 
fulpendus  à  des  cordons  de  foie ,  la  vertu 
électrique  paroîtra  de  beaucoup  plus  forte 
dans  la  perfonne  électrifée  ,  ainfi  que  la 
furface  de  la  chaîne  ou  des  tuyaux. 

3°.  Si  cette  perfonne  donne  la  main  à 
une  autre  femblablement  pofée  fur  un  pain 
de  réfine  ,  celle  -  ci  deviendra  aullï  élec- 
trique que  la  première  ;  &  il  en  arrivera 
de  même  à  autant  de. perfonnes  que  l'on 
voudra  ,  pourvu  qu'elles  foient  toutes  po- 
fées  fur  des  matières  électriques  ,  comme 
des  pains  de  réfine  ,  &c.  &  qu'elles  fe  com- 
muniquent uniquement  entr'elles  ,  foit  en 
Tome  XII. 


E  L  E  42 

fè  donnant  la  main  ,  foit  en  tenant  les 
extrémités  d'une  barre  ou  d'une  chaîne  de 
fer  ,  ou  de  tout  autre  corps  femblable  qui 
puiife  tranfmettre  ¥  électricité.  Mais  la  vertu 
ceffera  dans  toutes  à  la  fois  ,  fi  une  per- 
fonne qui  n'eft  point  électrique  ,  en  touche 
une  feule  de  la  bande  ,  ou  s'il  y  a  quel- 
qu'autre  communication  directe  avec  des 
corps  non  électriques.  Il  efl  cependant 
arrivé  quelquefois,  lorfque  l' électricité étoit 
bien  forte  ,  qu'une  perfonne  efl  defeendue 
de  defTus  le  pain  de  réiine  ,  &  a  marché 
quelques  pas  dans  une  chambre  ,  fans  per- 
dre entièrement  fon  électricité  :  mais  on 
a  toujours  obièrvé  que  fa  vertu  diminuoit 
très-rapidement  ;  &  que  cette  expérience  , 
qui  paroîr  contraire  aux  effets  ordinaires 
de  Y  électricité  y  n'avoit  lieu  que  dans  un 
temps  très-fec  ,  &  fur  un  plancher  naturel- 
lement un  peu  électrique. 

4°.  Si  la  première  perfonne  qui  a  fa 
main  étendue  fur  le  globe  ceiîè  de  le  tou- 
cher tandis  qu'on  le  frotte  ,  elle  confer- 
vera  pendant  quelque  temps  Vélectricité 
qu'elle  aura  reçue  ,  ainfi  que  toutes  les 
perfonnes  qui  feront  électrifées  avec  elle  ; 
cependant  les  effets  d'attraction  &  de 
répulfion  s'affoibJ iront  infenfiblement  juf- 
qu'au  point  de  difparoître  ;  mais  ils  s'éva- 
nouiroient  fur  le  champ  ,  fi  cette  per- 
fonne en  touchoit  une  autre  qui  ne  fût  pas 
électrique. 

Les  grands  tuyaux  de  fer-blanc  électri- 
fés  de  cette  manière  ,  confervent  leur 
électricité  bien  plus  long-temps  que  les 
animaux  après  qu'on  a  interrompu  leur 
communication  avec  le  globe  ;  ce  qui 
arrive  vraifemblablement  parce  que  leur 
matière  électrique  ne  fe  diflipe  pas  comme 
dans  les  animaux  avec  celle  de  la  trans- 
piration ;  mais  ils  perdent  comme  eux  dans 
un  inffant  toute  la  vertu  qui  leur  a  été 
communiquée  ,  âès  qu'une  perfonne  qui 
n'eff.  point  électrique  les  touche  du  bout 
du  doigt  en  quelque  point  que  ce  foit.  Le 
départ  de  la  matière  électrique  efl  marqué 
comme  fon  entrée  par  une  étincelle  qui 
frappe  le  doigt  de  celui  qui  .les  touche  , 
&  cette  étincelle  eft  également  vive  en 
quelque  endroit  qu'on  préfente  le  doigt. 

5°.  Si  une  perfonne  qui  n'eff  point  élec- 
trifée approche  graduellement  la  main  du. 


jo  EL  E 

vifage  de  la  première  ,  elle  fentira  Pim- 
■preiïlon  d'une  atmofphere  fluide ,  qui  en- 
vironne tout  le  corps  de  la  perfonne  élec- 
trifée ,  &  en  continuant  d'approcher  le 
doigt  de  quelque  partie  Taillante  ,  du  nez  , 
par  exemple ,  le  doigt  &  le  nez  paraîtront 
lumineux  dans  l'obfcurité  ;  enfin  quand  ces 
deux  parties  s'approcheront  encore  davan- 
tage ,  il  fortira  avec  bruit  une  étincelle 
très  -  éclatante  qui  frappera  les  deux  per- 
fonnes  en  même  temps  ,  &  leur  fera  fentir 
ine  douleur  d'autant  plus  vive  que  V élec- 
tricité fera  plus  forte.  Cette  étincelle  for- 
tira pareillement  de  toutes  les  parties  de 
Ja  perfonne  électrifée  ,  defquelles  on  ap- 
prochera le  doigt ,  &  même  au  travers  de 
ies  habits. 

C'eft  dans  Pexplolion  de  cette  étincelle  , 
que  s'élance  la  matière  électrique  dans  les 
corps  auxquels  elle  fe  communique  ;  ainfi 
des  tuyaux  de  fer-blanc  fufpendus  par  des 
cordons  de  foie  ,  feront  électrifés  tout- 
d'un-coup  par  une  feule  étincelle  qui  fort 
du  doigt  de  la  perfonne  électrifée  par  le 
globe  :  &  toutes  chofes  égales  d'ailleurs  , 
cette  étincelle  fera ,  comme  la  vertu  attrac- 
tive ,  d'autant  plus  forte  que  ces  tuyaux 
auront  plus  d'étendue  en  furface  &  en 
longueur. 

6°.  Lorfqu'on  s'approche  allez  près  d'une 
perfonne  électrifée  ,  on  fent  exhaler  de 
fon  corps  une  odeur  extraordinaire  que 
quelques-uns  rapportent  à  celle  du  phof- 
phore  d'urine  :  cette  odeur  eft  remarquable 
dans  toutes  les  parties  de  la  perfonne  élec- 
trifée ,  &  même  dans  tous  les  corps  non 
électriques  qu'elle  tient  dans  fa  main  :  elle 
fort  de  même  d'un  tuyau  de  fer  -  blanc 
électriiè  immédiatement  par  le  globe  ,  & 
elle  s'imprime  pendant  quelque  temps  dans 
les  corps  que  l'on  préfente  à  ceux  qui 
font  électrifés  pour  en  faire  fortir  de  la 
lumière. 

V  Expérience.  On  a  pofé  fur  des  cor- 
dons de  foie  tendus  horizontalement  ,  à 
quatre  ou  cinq  pies  au  defïus  de  la  furface 
de  la  terre,  un  fil -de -fer  d'un  quart  de 
ligne  de  diamètre  ,  &  long  d'environ  deux 
mille  toifes  :  une  de  fes  extrémités  étoit 
arrêtée  par  un  cordon  de  foie  au  deffus 
du  globe  ,  afin  d'en  recevoir  de  Yéleclri- 
titi)  &  l'on  a  fufpendu  à  l'autre  une  balle 


E  L  E 

de  plomb  ,  de  laquelle  on  approchoit 
de  temps  en  temps  des  feuiiles  d'or 
battu  ,  pour  recorinoître  fi'  elle  devenoit 
électrique. 

i°.  Après  cinq  ou  fix  tours  de  roue  V élec- 
tricité a  pafle  dans  le  fil  -  de  -  fer  ,  &  s'eft 
communiquée  très-promptement  jufqu'à  la 
balle  de  plomb  ,  en  forte  que  les  feuilles 
d'or  ont  été  attirées  &  repouffées  à  la  dis- 
tance de  cinq  à  fix  pouces. 

2°.  Cette  balle  eft  devenue  pareillement 
électrique  en  quelque  endroit  du  fil-de-fer 
qu'elle  ait  été  fufpendue ,  foit  à  fon  extré- 
mité proche  du  globe  ,  foit  dans  fon  mi- 
lieu ,  foit  par-tout  ailleurs  dans  toute  fon 
étendue  :  il  y  a  beaucoup  d'apparence  que 
la  matière  électrique  fe  répandroit  également 
dans  un  fil-de-fer  d'une  longueur  encore 
bien  plus  confidérable. 

3°.  Tous  les  corps  qu'on  s'eft  avifé  de 
fubftituer  à  la  balle  de  plomb  fe  font 
électrifés  pareillement  ,  &  ont  attiré  la 
feuille  d'or ,  mais  non  pas  tous  avec  une 
égale  vivacité  ;  car  les  métaux  ,  les  ani- 
maux vivans  ,  &  les  liqueurs  ,  ont  attiré 
toujours  plus  vivement  que  le  bois  ,  la 
pierre,  &  les  autres  corps  un  peu  électri- 
ques ;  en  général  ceux-ci  attiroient  d'au- 
tant plus  foiblement  qu'ils  avoient  plus 
de  difpofition  à  s'électrifer  par  la  voie  du 
frottement. 

4°.  Non  feulement  la  balle  de  plomb 
&  tous  les  corps  fufpendus  ont  attiré  & 
repouffé  les  feuilles  d'or  ,  mais  il  en  eft 
for ti ,  lorfqu'on  leur  a  préfenté  le  doigt  > 
des  étincelles  lumineufes  ,  comme  lorfqu'on 
électrifoit  une  perfonne  pofée  fur  un  gâ- 
teau de  réfine  ;  &  cette  étincelle  n'a  pas 
été  plus  vive  lorfque  la  balle  étoit  fuf- 
pendue proche  du  globe  ,  que  lorfqu'elle 
étoit  à  l'autre  extrémité  du  fil-de-fer. 

5°.  Tous  ces  effets  ont  entièrement 
ceffé  lorfqu'une  perfonne  qui  n'étoit  point 
électrique  a  pincé  le  fil-de-fer  proche  l'une 
ou  l'autre  de  fes  extrémités ,  &  ils  ont 
recommencé  à  paroître  dès  qu'on  a  cefîé 
de  le  toucher.  Cependant  fi  cette  perfonne 
étoit  montée  fur  un  gâteau  de  réfine ,  elle 
avoit  beau  toucher  le  fil-de-fer,  il  reftoit 
auffi  électrique  qu'auparavant. 

6°.  Les  mêmes  efièts  arrivoient ,  quoi- 
qu'avec  un  peu  plus  de  peine ,  quand  on 


E  L  E 

fcrbflituoit  aux  cordons  de  foie  qui  fer- 
voient  de  fupports  ,  des  cordons  de  crin  ou 
de  laine  ;  mais  il  ne  paroifïoit  rien  fi  les 
cordons  étoient  de  chanvre  ,  de  fil ,  ou  fi  ' 
les  cordons  de  foie  éroient  mouillés  ,  & 
encore  moins  fi  on  s'étoit  fervi  de  fil  d'ar- 
chal  ou  de  laiton  ,  ou  de  toute  autre  ma- 
tière qui  pût  tranfmettre  V électricité. 

7°.  Lorfqu'on  fubftituoit  au  grand  fil- 
de-fer  une  corde  de  chanvre  ,  la  balle  pen- 
due a  fon  extrémité  devenoit  électrique  , 
mais  avec  plus  de  difficulté  que  lorfqu'elle 
étoit  au  bout  du  fil -de -fer  ,  fur -tout  fi 
la  corde  étoit  feche  ;  car  lorfque  la  corde 
étoit  bien  mouillée  ,  V  électricité  pafïbit 
beaucoup  mieux. 

8°.  Si  on  fubffituoit  au  fil-de-fer  un 
cordon  de  foie  bien  iec  ,  ou  un  long  tuyau 
de  verre  ,  ils  ne  recevoient  l'un  &  l'autre 
qu'une  électricité  très-toible  ,  elle  n'étoit 
plus  fenfible  dans  le  tuyau  de  verre  ,  à 
12  pies  du  globe,  &à  25  dans  le  cordon 
de  foie. 

9°.  Lorfqu'on  électrifoit  un  long  fil-de- 
fer  comme  dans  le  premier  cas  de  cette 
expérience  ,  fi  on  le  coupoit  en  un  ou  plu- 
fîeurs  endroits  ,  en  forte  que  les  extrémités 
coupées  fufîent  arrêtées  vis-à-vis  l'une 
de  l'autre  à  une  difrance  moindre  qu'un 
pie  ,  la  matière  électrique  s'élançoit  au 
travers  de  toutes  ces  interruptions  ,  &  fe 
faifoit  appercevoir  jufques  dans  la  balle 
fufpendue  à  l'extrémité  la  plus  éloignée 
du  fil-de-fer.  Un  vent  très -violent  que 
l'on  excita  par  le  moyen  d'un  foufHet  dans 
une  de  ces  interruptions  ,  n'empêcha  pas 
la  matière  électrique  de  parler  ,  non  plus 
que  tous  les  corps  naturellement  électriques 
qu'on  s'avifa  d'interpofer ,  favoir  un  car- 
a  reau  de  verre  ,  une  plaque  de  cire  d'Es- 
pagne ,  un  mouchoir  de  foie  ,  &c.  mais 
tous  les  corps  non  électriques  ,  tels  que 
la  main  d'un  homme  ,  la  pointe  d'une 
épée  nue  ,  &  même  une  gaze  humide  , 
arrêtèrent  la  propagation  de  la  matière 
électrique    &   l'empêchèrent    de    parvenir 


E  L  E  Tr 

d'eau  ,  dans  laquelle  on  fit  plonger  un  bouc 
de  fil  mouillé  ,  qui  pendoit  de  chacune  des 
extrémités  coupées  du  fil-de-fer  ;  la  matière 
électrique  pafîa  avec  la  même  facilité  que 
fi  le  fil-de-fer  n'eût  jamais  été  coupé  ,  & 
l'eau  de  la  cuvette  fe  trouva  entièrement 
électrifée. 

io°.  Lorfqu'un  homme  pofé  fur  un  gâ- 
teau de  réfine  a  prélenté  la  pointe  d'une 
épée  dans  l'une  de  ces  interruptions  du  fil- 
de-fer  ;  il  eff  devenu  aufli-tôt  électrique , 
quoique  ni  I'épée  ni  lui  n'eufîent  point 
touché  au  fil-de-fer  ;  &  dans  ce  cas  I'épée 
interpolée  n'a  pas  empêché  la  propagation 
de  la  matière  électrique  jufqu'à  la  balle  : 
d'où  l'on  voit  que  la  matière  électrique 
parlé  librement  au  travers  d'une  médiocre 
quantité  d'air  ,  fans  fe  déranger  de  fà 
direction,  quoiqu'elle  fe  répande  latérale- 
ment dans  les  corps  qui  font  capables  de  la 
recevoir. 

ii°.  Si  l'on  fufpend  verticalement  par 
des  cordons  de  foie  un  cercle  de  fil  de 
laiton  d'environ  trois  pies  de  diamètre  , 
&  qu'on  faffe  pafTer  le  fil-de-fer  des  expé- 
riences précédentes,  à -peu -près  par  le 
centre  de  fon  plan  fans  toucher  à  fa  cir- 
conférence ,  de  manière  qu'il  demeure 
toujours  perpendiculaire  au  plan  de  ce  cer- 
cle ,  Y  électricité  communiquée  du  globe 
au  fil  -  de  -  fer  fe  fera  appercevoir  très- 
fenfiblement  dans  ce  cercle  de  laiton  ,  à 
quelque  diffance  du  globe  qu'il  foit  placé , 
&  on  éled rifera  tout  autant  de  pareils  cer- 
cles qu'on  en  placera  avec  de  femblables 
précautions  dans  toute  la  longueur  du  fil- 
de-ter  ;  d'où  l'on  voit  que  les  émanations 
électriques  fe  répandent  en  tout  fens  ,  & 
même  à  une  diftance  afTez  confidérable  du 
corps  électrifé. 

12°.  On  a  difpofé  le  même  fil-de-fer 
fur  des  cordons  de  foie  bien  fecs  ,  de 
manière  qu'après  avoir  parcouru  mille  toi- 
fes  en  ligne  droite  ,  il  fit  un  double  coude 
&  revint  parallèlement  jufqu'auprès  du 
globe  ,  en  laifïant  9  à  10  pies  d'intervalle 


jufqu'à  la   balle.  La  flamme  d'une  bougie    entre  fes    deux   branches  :  chacune  de  fes 


l'arrêta  fubitement  ,  mais  la  fumée,  ne 
l'interrompit  pas  :  un  glaçon  interpofé  & 
tous  les  corps  mouillés  l'interceptèrent  ; 
enfin  Ton  mit  fur  un  guéridon  de  verre 
afTez    élevé    une    grande    cuvette  pleine 


extrémités  étoit  éloignée  du  globe  de  7 
à  8  pies  ,  &  arrêtée  vis-à-vis  un  cordon 
de  l'oie  bien  fec  ,  &  la  balle  de  plomb 
étoit  fufpendue  à  l'une  d'elles.  Une  chaîne 
1  de  fer  fixée    au  deflîis  du  globe  avec  un 

G  2 


5*  E  L  E 

autre  cordon  de  foie  en  recevoir.  Téleclri- 
cité  par  une  de  fes  extrémités  ;  l'autre  bout 
<k  cette  chaîne  étoit  fixé  à  une  canne  de 
verre  de  cinq  pies  de  long ,  en  forte  qu'on 
pouvoit  tranimettre  quand  on  vouloit ,  au 
jil-de-fer  ,  Yélec7ricité  du  globe  ,  en  lui 
appliquant  le  bout  de  la  chaîne  fixé  à -la 
canne  de  verre.  Tout  étant  ainfi  préparé, 
on  a  frotté  le  globe ,  &  après  cinq  ou  fix 
tours  de  roue  on.  a  appliqué  la  chaîne  à 
une  àes  extrémités  du  fil-de-fer  arrêtée  à 
3a  foie  ;  on  a  obfervé  que  dans  le  même 
inftant  la  balle  fufpendue  à  fon  autre 
extr<émité  attiroit  les  feuilles  d'or.  On  a 
répété  la  même  expérience  ,  en  approchant 
le  doigt  de  la  balle  ,  au  lieu  de  lui  préfen- 
ter  les  feuilles  d'or  ,  afin  d'en  tirer  une 
étincelle  ;  &  l'on  a  obfervé  que  l'étincelle 
frappoit  le  doigt  au  même  inftant  qu'on 
appliquoit  la  chaîne  à  l'autre  extrémité  du 
fil-de-fer  :  cet  inftant  étoit  aifément  fai- 
iiffable  par  une  fèmblable  étincelle  qui 
fbrtoit  du  bas  de  la  chaîne  ,  quand  on 
l'approchoit  du  fil -de -fer  :  or  ces  deux 
étincelles  partoient  en  même  temps  ,  fans 
qu'on  pût  y  remarquer  la  moindre  fuc- 
ceflîon. 

130.  Lorfqu'on  électrifoit  ce  même  fil-de- 
fer  plié  en  deux  ,  comme  dans  l'expérience 
précédente  ,  en  le  touchant  fimplement 
une  fois  avec  la  chaîne  ,  &  en  la  retirant 
suffi  -  tôt ,  on  s'eft  apperçu  que  fa  vertu 
électrique  fe  confervoit  pendant  cinq  à  fix 
minutes  plus  ou  moins  ,  fuivant  l'état  de 
i'atmofphere.  On  a.  remarqué  auffi  que 
cette  vertu  s'évanouiffcit  dès  qu'on  avoir 
tiré  l'étincelle  en  le  touchant  du  doigt , 
quelque  part  que  ce  fût.  Comme  donc  on 
avoit  obfervé  dans  l'expérience  précédente , 
que  la  matière  électrique  s'étoit  élancée 
dans  un  inftant  d'une  des  extrémités  de  ce 
fil-de-fer  jufqu'à  l'autre  ,  en  a  cherché  à 
découvrir  fi  cette  matière  pourroit  revenir 
fur  fes  pas  avec  la  même  vîtefîè  :  c'eft 
pourquoi  on  a  encore  eîectrifé  le  fil-de-fer 
en  lui  appliquant  la  chaîne  ;  &  on  s'efl 
alîliré  par  les  feuilles  (For,  que  X  électricité 
étoit  parvenue  jufqu'à  la  balle  :  alors  on  a 
préfenté  le*doigt  à  cette  même  extrémité 
du  fil-de-fer  à  laquelle  la  chaîne  venoit 
«d'être  appliquée ,  &  il  en  eft  forti  auffl-tot 
une  étincelle  ;  au  même  inflant  on  préfenta 


E  L  E 

les  feuilles  d'or  à  la  balle  qui  ne  les  a  pas 
attirées  ;  d'où  il  a  paru  évident  que  la 
matière  électrique  répandue  dans  le  fil-de- 
fer  s'étoit  toute  portée  vers  le  doigt  en 
rétrogradant  avec  une  vîteffe  prefque 
infinie. 

On  voit  par  le  détail  de  ces  expériences  : 
i°.  Que  la  matière  de  Y 'électricité Te  com- 
munique à  tous  les  corps  non  électriques  , 
de  quslque  grandeur  &  de  quelque  étendue 
qu'ils  puiflènt  être  ;  &  que  les  effets  de  cette 
matière  nous  font  fenfibles  tant  qu'ils  ntt  tien- 
nent qu'à  àes  corps  électriques  &  qu'ils  ne 
communiquent  point  à  d'autres. 

2°.  Que  cette  matière  (è  répand  dans  ces 
corps  en  une  quantité  d'autant  plus  confi- 
dérable  qu'ils  ont  plus  de  furface  &  de  lon- 
gueur ;  qu'elle  fe  diftribue  uniformément 
dans  toute  leur  étendue  ,  en  forte  qu'elle 
n'eft  jamais  plus  abondante  dans  une  partie 
que  dans  une  autre. 

3°.  Qu'après  s'être  communiquée  de  cette 
manière  ,  elle  en  fort  avec  la  même  liberté , 
dès  qu'on  lui  établit  quelque  parc  une  com- 
munication avec  la  terre. 

4°.  Que  de  médiocres  interruptions  dans 
la  continuité  de  ces  corps  électrifés  ,  n'em- 
pêchent pas  la  propagation  du  fluide  élec- 
trique ,  &  qu'il  pafîë  avec  affez  de  facilité 
au  travers  de  l'air. 

5°.  Que  cette  matière  fe  répand  avec  une 
vîteffe  prodigieufe  ,  puifqu'eile  parcourt  un 
efpace  de  2000  toiles  dans  un  inftant  indé- 
fîniffable. 

6°.  Qu'elle  fe  meut  en  rétrogradant ,  avec 
h.  même  vîtefîê  ,  à  la  fimple  approche  d'un 
corps  non  électrique. 

7°.  Enfin  qu'on  peut  accumuler  une 
grande  quantité  de  cette  matière  en  appli- 
quant le  globe  à  des  corps  non  électriques, 
d'une  très-grande  étendue  &  parfaitement 
ifolés ,  comme  à  des  lames  de  métal  très- 
longues  ,  &  d'une  grande  fuperficie.  On  a 
trouvé  ,  depuis  quelques  années  ,  d'autres 
moyens  de  condenfer  dans  un  très  -  petit 
efpace  beaucoup  de  matière  électrique  : 
nous  examinerons  ailleurs  ces  difrérens 
moyens.   Voye^  COUP  FOUDROYANT  & 

Feu  électrique. 

Les  conféquences  que  nous  venons  de 
tirer  des  expériences  précédentes  ,  font 
connaître  en  général  les  loix  que  la  nature 


ELE 

obferve  dans  les  phénomènes  de  Xéleclri- 
cité }  &  dans  la  diftribution  qui  fe  fait  de 
la  matière  éleârique  dans  les  différens 
corps  ;  on  peut  les  regarder  comme  autant 
de  principes  ,  qui  fervent  à  expliquer  la 
plus  grande  partie  des  effets  furprenans  de 
cette  matière ,  &  à  rendre  raifon  de  toutes 
les  précautions  qu'il  faut  prendre  pour  le 
iuccès  des  expériences  :  c'eft  pourquoi  nous 
avons  jugé  à  propos  de  faire  précéder  l'exa- 
men que  nous  allons  faire  des  autres  proprié- 
tés  de  cette  matière. 

Le  premier  effet  qui  nous  manifefte  dans 
un  corps  la  préfence  de  la  matière  électri- 
que ,  eft  l'attraâion  des  petits  corps  légers 
qu'on  lui  préfente  ;  les  corps  naturellement 
éleâriques  peuvent  attirer  de  tous  les  points 
de  leur  furface  ;  mais  ils  n'attirent  guère 
que  ceux  qui  ont  été  frottés  ,  &  leur  attrac- 
tion eft  toujours  dirigée  fuivant  la  ligne  la 
plus  courte  :  c'eft  ce  qu'il  eft  aifé  de  voir , 
en  frottant  un  globe  de  verre,  &  en  le 
plaçant  au  milieu  d'un  grand  cercle  de  fer , 
garni  dans  fa  circonférence  de  plufieurs 
fcrins  de  fil  égaux ,  &  plus  courts  que  le 
rayon  du  cercle  :  tous  ces  fils  qui  devroient 
pendre  parallèlement  par  l'effet  de  leur 
.gravité ,  feront  dirigés  vers  le  centre  du 
globe  ,  s'il  a  été  frotté  fur  fan  équateur  , 
ou  bien  vers  le  centre  de  tout  autre  cercle 
parallèle  ,  que  l'on  aura  frotté  ;  comme 
s'ils  étoient  devenus  des  rayons  de  ces 
cercles.  Un  tube  de  verre  ,  un  bâton  de 
cire  d'Efpagne  ,  un  morceau  d'ambre  ,  n'at- 
tirent jamais  que  par  le  côté  par  lequel  ils 
ont  été  frottés. 

Mais  les  corps  qui  font  éleârifés  par 
communication  attirent  fenfiblement  de 
tous  les  points  de  leur  furface ,  &  il  paroît , 
autant  qu'on  en  peut  faire  Feftimation  par 
les  effets  ,  que  leur  force  attractive  eft 
«également  répandue  dans  tous  leurs  points. 
On  voit  néanmoins  que  la  matière  élec- 
trique fe  détermine  plus  facilement  vers  les 
singles  &  aux  parties  faillanres  des  barres 
qu'on  éleârife  ,  qu'au  milieu  des  furfaces 
planes:  ainfi  un 'globe  de  métal  attire  éga- 
lement de  tous  les  points  de  fa  fuperficie  , 
&  il  en  eft  de  même  d'un  parallélipipede  ; 
cependant  l'attraâion  fera  toujours  plus 
fenfible  aux  angles  de  ce  dernier  corps  , 
qu-du  milieu  d'une  de  {es  longues  furfaces  : 


maïs  cette  variété  dans  la  force  attraâive 
ne  dépend  ,  fuivant  toute  apparence  ,  que 
delà  figure  :  car  un  tuyau  de  fer -blanc 
conique  paroît  attirer  bien  plus  fortement 
par  la  circonférence  de  fon  plus  grand  cer- 
cle ,  que  par  fa  pointe. 

Le  mouvement  par  lequel  les  corps  légers 
tendent  vers  les  corps  éleâriques  ,  eft  tou- 
jours réciproque  ;  celui  qui  eft  le  plus  mo- 
bile ,  va  conftamment  vers  celui  qui  eft  fixe  , 
&  toujours  par  le  plus  court  chemin  :  s'ils 
font  mobiles  tous  les  deux  ,  ils  s'avanceront 
l'un  vers  l'autre  ;  on  va  voir  dans  les  ex- 
périences fuivantes  des  exemples  de  ces  di£- 
férens  mouvemens. 

i°.  Préfentez  un  tube  éleârique  à  de 
petites  feuilles  d'or  pofées  fur  une  plaque 
de  cuivre  polie  ,  elles  voleront  auffi-tôt 
vers  le  tube. 

2°.  Sufpendez  un  tibe  éleârique  par  deux 
cordons  de  foie  ,  de  la  longueur  d'une  aune  , 
&  préfentez  lui  une  feuille  d'or  ,  que  vous 
tiendrez  entre  vos  doigts  ,  le  tube  s'avan- 
cera vers  la  feuille. 

3°.  Si  une  perfonne  éleârifée ,  &  mon- 
tée fur  un  pain  de  réfine  ,  tient  dans  fa  main 
la  plaque  de  cuivre  poli ,  fur  laquelle  ibient 
pofées  les  feuilles  d'or  ;  &  qu'une  autre 
perfonne  ,  qui  n'eft  point  éleârifée  ,  appro- 
che le  doigt  au  delfus  de  la  plaque  ,  on 
verra  aufii-tôt  les  feuilles  d'or ,  qui  étoient 
devenues  éleâriques  par  communication, 
fe  porter  vers  le  doigt  de  la  perfonne  qui 
n'eft  point  éleârifée. 

4e.  Enfin  fi  l'on  fuipend  deux  boules 
de  papier  doré  ,  à  %  pouces  de  diftance 
l'une  de  l'autre  ,  la  première  par  un  fil  de 
foie  de  deux  à  trois  pies  ,  &  l'autre  par 
un  fil  d'argent  très-fin  &  de  même  largeur, 
&  fi  on  approche  le  tube  de  la  boule  qui 
eft  fufpendue  par  de  la  foie  pour  féleâriièr, 
ces  deux  boules  s'avanceront  l'une  vers  l'au- 
tre avec  une  égale  vîteffe ,  quoiqu'il  n'y  en 
ait  qu'une  feule  d'éleârifée. 

Tous  les  corps  légers ,  excepté  la  flamme , 
font  attirés  par  les  corps  éleâriques  ,  mais 
non  pas  tous  avec  la  même  force  :  les 
feuilles  d'or  ,  d'argent ,  de  cuivre  battu  , 
&  en  général  toutes  les  particules  métal- 
liques ,  amincies  &  rendues  légères  ,  paroifc 
Cent ,  toutes  chofes  égales  ,  être  attirées 
plus  vivement  que  les  autres  corps.   Mais 


54  E  L  E 

la  matière  ,    &  même  la  figure  des  corps 
fous  lcfquels  on  pofe  ces  parues  minces  des 
métaux  ,    apporte   une  grande    différence 
dans   les  effets  fenfibles  d'attraction  ;    ces 
fupports  doivent  être  parfaitement  non  élec- 
triques :  &  à  cet  égard  ,  rien  ne  convient 
mieux  que  des  plaques  de  métal  poli  ;  ainfi 
toutes  chofes  égales  ,  les  feuilles  d'or  feront 
attirées   bien  plus  vivement  de  deffus  une 
plaque  de  cuivre  poli  ,   que  l'on  tiendra  à 
la  main  ,  que  de  deffus  une  glace  de  même 
grandeur.  L'élévation  du  fupport  doit  être 
proportionnée  à  l'étendue   du  corps    élec- 
trique ,    &  il  eft  toujours  plus  avantageux 
que  ces  fupports  foient  élevés  de  deux  ou 
trois  pies  de  terre  ;    car  on  aura  toujours 
beaucoup  plus  de  peine    à  attirer  avec  le 
tube  ,   des  feuilles  d'or  pofées  à   terre  fur 
une  plaque  de  cuivre  ,  que  fi  cette  même 
plaque  étoit  tenue  à  la   main  ,   ou    portée 
par  un  guéridon  de  métal  ,    d'un   pié  ou 
deux  d'élévation.   Par  la  même  raifon  ,  fi 
la  tablette     du    guéridon    eft  d'une    très- 
petite  furface  y  fi  elle  eft  un  peu  convexe , 
les  feuilles  d'or  feront  encore  mieux  atti- 
rées ,  que  fi  cette  furface  étoit  large  ,    ou 
qu'elle  eût  des  rebords  un  peu  élevés.  L'ex- 
périence fuivante    va   faire  voir   combien 
il    eft    avantageux    que   les    corps    légers 
foient  ifolés  ,    pour  qu'ils  foient  attirés  de 
plus  loin.    Si  on  met  des    feuilles  d'or   au 
milieu   d'une   plaque    de    cuivre  d'un    pié 
quarré  ,    qui  forme  la   tablette  fupérieure 
d'un  guéridon  de  métal ,  &  qu'on  examine 
jufqu'à  quelle    diftance  on   eft  obligé  d'en 
approcher  le  tube  électrique  ,  pour  qu'elles 
foient  attirées  ;  on  verra  que  cette  diftance 
fera  toujours  beaucoup    plus  petite  ,    que 
lorfque   ces  feuilles    d'or  feront  pofées  fur 
un  des  angles  de  la  plaque  :  &  quand  les 
feuilles  d'or  font  au   milieu  ,   fi  l'on   pofe 
autour  d'elles  un  anneau  de  métal  de  cinq 
à  fix  pouces  de  diamètre  ,  &  d'un  pouce 
ou  deux  d'épaifleur  ;  on  aura  beau  appro- 
cher le  tube  électrique ,   on  ne  pourra  ja- 
mais les  attirer.  La  même  chofe  arrivera , 
fi  au  lieu  de  l'anneau  on  met   d'équerre  à 
droite  &  à  gauche  ,  à  quatre  ou  cinq  pouces 
de  diftance   de   ces   feuilles  ,   deux  autres 
plaques  quarrées  de  quatre  pouces  de  hau- 


E  L  E 

moins  qu'on  ne  l'approche  d'elles  à  la  dif- 
tance d'un  demi-pouce  :  mais  fi  pendant 
qu'on  le  prelente  à  la  diftance  d'un  pié  , 
quelqu'un  ôte  fubitement  l'anneau  ,  ou  les 
deux  plaques  pofées  d'équerre  ,  les  feuilles 
d'or  voleront  aufli-tôt  vers  le  tube.  Les 
conditions  les  plus  favorables  pour  qu'un 
corps  léger  foit  attiré,  font  donc,  i°.  qu'il 
foit  parfaitement  non  électrique. 

2°.  Qu'il  foit  d'un  très-petit  volume. 
3°.  Qu'il  foit  fupporté  par  un  corps  non 
électrique  ,  prefque  terminé  en  pointe  ,  & 
fuffifamment  élevé. 

4°.  Enfin  ,  qu'il  n'y  ait  point  dans  fon 
voifinage  d'autre  corps  non  électrique  plus 
près  que  lui  du  tube  ,  qui  puiffe  en  détour- 
ner les  émanations. 

A   l'attraction  fuccede  ordinairement  la 
répulfion  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,    que  lorfqu'une 
feuille  d'or  a  été  attirée  par  un  tube  ,  elle 
en  eft  aufïï-tôt  repouffée ,  &  s'en  éloigne. 
Cette  répulfion  n'eft  guère  fenfible  ,  quand 
Y  électricité  eft  foible  ;  mais  dès  qu'elle  de- 
vient un  peu  plus  forte ,  la  feuille  d'or  ne 
manque   guère   d'être   repouffée  aufli  -  tôt 
qu'elle   s'eft  affez  approchée  pour  toucher 
le  tube.  Enfin  ,  quand  1' 'électricité  eft  très- 
forte  ,    il    n'y  a   plus  de  contact,  entre  la 
feuille  &  le  tube ,  &  la  répulfion  commence 
lorfque  la  feuille  d'or  s'en  eft  approchée  à 
deux  ou  trois  pouces  :  dès  ce  moment  cette 
feuille  devient  électrique  par  communica- 
tion ;    &  lorfqu'elle  commence  à  être  re- 
pouffée ,  elle  a  acquis  une  atmofphere  aufG 
denfe  que  celle    du    tube  :  alors  elle  s'en 
éloigne  ,    &  refte   fufpendue  au  deffus  de 
lui ,   jufqu'à   ce  qu'elle  ait  perdu  la  vertu 
qu'elle  avoit  acquife  ,  foit  peu  après  en  la 
communiquant  aux  vapeurs  humides  répan- 
dues dans  l'air  ;  foit  fubitement ,  en  touchant 
à  quelque    corps    non    électrique  ;   elle  fe 
porte  même  vers  ces  fortes  de  corps  ,  lor£ 
qu'il  s'en  rencontre  dans  fon  voifinage  , 
&  il  fembleroit  qu'elle    en  feroit  attirée  ; 
mais  il  eft  aifé  de  reconnoître   qu'elle  n'a 
ce  mouvement  que  parce   qu'elle  eft  elle- 
même  devenue  électrique  ,    en  lui  préfen- 
tant  une  autre  petite  feuille    d'or    battu  , 
fufpendue  par  une  foie  ,  qu'elle  ne  manque 
pas  d'attirer  fur  le  champ  :  ou  bien  parce 


teur  environ  {voye\  la  figure  8o)\  jamais  '  qu'elle    fe   précipite  avec    impétuofité  fur 
le  tube  ne  pourra  attirer  les  feuilles  ,  à  }  le  tube  ,    fi   on  en  détruit  fubitement  la 


E  L  E 

vertu  en  l'approchant  de  la  flamme  d'une 
chandelle. 

On  peut  faire  attirer  &  repouffer  de 
la  même  manière  une  feuille  d'or ,  en  la 
préfentant  à  un  grand  tuyau  de  métal 
éleclrifé  par  communication  :  dans  ce  cas , 
lorfque  la  feuille  d'or  eft  repoufTée  &  qu'elle 
voltige  à  une  certaine  diflance  au  defîùs 
du  tuyau  ,  il  eft  facile  de  démontrer  fon 
électricité  >  en  touchant  du  doigt  le  bout 
de  ce  tuyau  ,  pour  détruire  la  vertu  ;  car 
alors  la  feuille  d'or  fufpendue  s'y  précipite  : 
il  fuffit  même  de  préfenter  le  doigt  à  quel- 
que diflance  du  tuyau  ,  pour  faire  ceffer 
la  répulfion  &  faire  retomber  la  feuille 
d'or  :  fi  au  lieu  du  doigt  on  préfente  la 
pointe  aiguë  d'un  poinçon  ,  la  répulfion  cef- 
fera  beaucoup  plus  promptement ,  favoir  , 
lorfque  le  poinçon  fera  encore  éloigné  de 
neuf  à  dix-  pouces. 

Si  on  prélente  une  feuille  d'or  quarrée 
un  peu  large  fous  une  grofïe  barre  de  fer 
horizontale,  foutenue  par  des  cordons  de 
foie  ,  &  médiocrement  éie&rifée  ,  par  le 
moyen  d'une  chaîne  arrêtée  au  defîùs  du 
globe  ;  cette  feuille  fera  attirée  &  repoufTée 
enfuite,  comme  nous  venons  de  le  dire  ; 
mais  en  tenant  le  doigt  fort  près  au  deffous 
d'elle  pour  la  toucher  à  chaque  fois  qu'elle 
fera  repoufTée ,  on  pourra  parvenir  à  la  ren- 
dre immobile  &  comme  fufpendue  entre 
la  barre  &  le  doigt ,  fans  qu'elle  touche 
ni  à  l'une  ni  à  l'autre  :  alors  elle  préfènte 
toujours  la  tranche  &  un  de  Ces  angles  à 
la  barre  ,  &  l'angle  oppofé  efl  vers  le 
doigt.  Or  il  efl  vraifemblable  qu'elle  refte 
dans  cet  état,  parce  qu'elle  communique 
au  doigt  autant  de  vertu  électrique,  qu'elle 
en  reçoit  continuellement  de  la  barre ,  moins 
la  quantité  qui  lui  efl  nécefTaire  pour  furpaf- 
fer  l'effort  de  la  gravité. 

Quand  la  feuille  d'or  repoufTée  par  un 
tube  de  verre  a  communiqué  à  l'air  ou  à 
quelque  corps  non  éle&rique  la  vertu  qui 
lui  avoit  été  communiquée  ,  la  répulfion 
ceiTe  ,  comme  nous  l'avons  dit  ;  alors  la 
feuille  recommence  à  être  attirée  ,  pour 
êrr^pareillement  repoufTée  ,  dès  qu'elle 
fera*devenue  fuffifamment  électrique.  On 
peut  de  cette  manière  promener  une  feuille 
d'or  autour  d'une  chambre  ,  en  la.  repouf- 
fant par  un  tube  bien  éleclrifé  ,  &  la  faire 


E  L  E  jj 

bondir  autant  de  fois  qu'on  voudra  fur  ce 
tube ,  en  lui  préfentant  le  doigt  chaque  fois 
qu'elle  fera  repoufTée. 

On  voit  par  ces  obfervations ,  que  l'at- 
traclion  des  feuilles  d'or  ne  précède  leur 
répulfion  ,  que  parce  qu'il  efl  nécefîaire 
qu'elles  acquièrent  une  atmofphere  d'une 
denfité  égale  à  celle  du  tube  éleclrique  , 
auparavant  que  d'en  être  repoufTées.  Car 
fi  on  met  une  feuille  d'or  defîùs  une  glace 
bien  feche  &  d'une  largeur  médiocre  , 
comme  de  cinq  à  fix  pouces  ,  qu'on  appro- 
che enfuite  pardefTous  un  tube  nouvelle- 
ment frotté  ,  la  feuille  d'or  s'enlèvera  de 
deffus  la  glace  ,  &  continuera  d'être  re- 
poufTés  par  le  tube  ,  fi  on  le  lui  préfènte , 
après  avoir  éloigné  la  glace.  Or  la  feuille 
d'or  pofée  fur  la  glace  a  été  éleclrifée  par 
communication  (  comme  il  le  paroît  en 
lui  en  préfentant  une  autre  petite  fufpen- 
due par  une  foie  )  ,  &  elle  n'a  commencé 
à  être  repoufTée  de  defTus  la  glace  ,  que 
lorfqu'elle  a  été  éleclrifée  par  le  tube 
autant  qu'il  étoit  poifible  ;  c'eft  -  à  -  dire  , 
jufqu'à  ce  qu'elle  eût  contracté  une 
atmofphere  d'une  denfité  égale  à  celle 
du   tube. 

Lorfqu'un  tube  repoufTe  une  feuille  d'or  , 
fi  on  lui  fubflitue  promptement  un  autre 
tube  à-peu-près  aufîi  éleclrifé  que  le  pre- 
mier ,  la  feuille  d'or  continuera  d'être  re- 
poufTée à  la  même  diflance  ;  laquelle  fera 
cependant  un  peu  plus  grande  ou  moindre , 
fuivant  que  le  nouveau  tube  fera  plus  ou 
moins  éleclrifé  que  le  premier  :  cependant 
fi  on  fubflituoit  un  tube  très-foiblement 
éleclrique  ,  la  feuille  d'or  ne  feroit  plus 
repoufTée  &  retomberoit  vers  ce  tube.  De 
même  fi  on  préfente  à  une  feuille  d'or 
repoufTée  un  bâton  de  cire  d'Efpagne ,  ou 
un  morceau  d'ambre  ,  qui  n'ont  jamais 
qu'une  électricité  médiocre  ,  elle  ne  con- 
tinuera pas  d'être  repoufTée  ,  &  elle  retom- 
bera ver^;  ces  corps.  Cette  différence  avoit 
fait  penfer  à  quelques  phyficiens  que  la 
matière  éleclrique  ,  qui  émane  des  corps 
réfineux  ,  étoit  d'une  nature  différente  de 
celle  qui  fort  du  verre  ;  mais  on  penfe 
afïèz  généralement  aujourd'hui  ,  que  cette 
différence  n'exifte  pas  ,  &  que  ces  effets 
auxquels  on  ne  devoit  guère  s'attendre  , 
ne    font    dus    qu'à  l'inégale   denfité    des 


56  ELE 

atmofpheres    électriques    qui  émanent  au 
verre  &  des  corps  refineux. 

Quand  on  préfente  deux  ou  plufieurs  feuil- 
les d'or  à  un  tube  bien  éleclrifé ,  elles  font 
toutes  attirées  &  également  repouffées  par  ce 
tube  ;  mais  alors  elles  fe  repoulîent  suffi  mu- 
tuellement fans  qu'il  foit  poflible  d'en  faire 
joindre  deux  enfemble  ;  en  forte  qu'elles 
s'écartent  d'autant. plus  les  unes  des  autres  , 
qu'elles  font  repouffées  chacune  à  une  plus 
grande  diftance  du  tube. 

Si  on  fait  attirer  &  repouffer  par  un  tube 
de  verre  une  feuille  d'or  circulaire  &  dé- 
coupée en  franges  fort  menues  jufqu'à  fôn 
centre  ,  toutes  ces  franges  s'écarteront  les 
unes  des  autres  dans  le  temps  de  la  répul- 
fîon ,  &  divergeront  d'autant  plus  que  le 
tube  fera  plus  fortement  éleârife  :  ia^même 
chofe  arrivera  à  un  morceau  de  duvet ,  de 
plume  ,  &  à  tout  autre  corps  fèmblable  dont 
les  parties  pourront  s'écarter. 

De  même  fi  on  attache  à  l'extrémité  d'une 
barre  de  fer  électrifée  une  aigrette  formée 
par  un  afïèmblage  de  fils  d'argent  très-fins  , 
tous  les  fils  de  cette  aigrette  s'écarteront 
les  uns  des  autres  f  à  mefure  que  l'on  com- 
muniquera de  ['électricité  à  la  barre  ,  & 
aucun  d'eux  ne  fe  touchera. 

Si  on  met  de  la  poufliere  à  l'extrémité 
de  cette  même  barre  de  fer  ,  elle  fera 
toute  chafTée  dès  que  la  barre  deviendra 
électrique  ;  fes  parties  s'écarteront  les  unes 
des  autres  dans  ce  mouvement  de  répul- 
fion  ,  &  leur  diflipation  fera  bien  plus 
prompte  fi  l'on  préfente  le  do;gt  à  quel- 
ques pouces  au  deffus  du  petit  monceau 
de  poufliere. 

Enfin  fi  on  attache  à  l'extrémité  de  la 
barre  un  petit  vahTeau  de  métal  plein  d'eau  , 
garni  d'un  fiphon  dont  la  branche  la  plus 
longue  foit  extérieure  &  capillaire ,  l'eau  qui 
ne  peut  couler  que  goutte  à  goutte  par  la 
branche  de  ce  fiphon,  coulera  d'un  feul  jet, 
lorfqu'elle  fera  devenue  électrique  avec  la 
barre  ;  &  fe  divifera  en  plufieurs  filets  très- 
fins  ,  qui  s'écarteront  les  uns  des  autres  , 
comme  les  filets  de  l'aigrette. 

Tous  ces  effets  d'attraction  &  de  répul- 
fion  ont  aufîi.lieu  dans  le  vuide  ,  avec 
quelques  circonftances  particulières. 

Il  paroît  donc  ,  par  tout  ce  que  nous 
venons    de   dire  de  l'attraction    &   de  la 


ELE 

répulfîon  ,  i°.  que  les  corps  légers  font 
attirés  par  ceux  qui  font  électriques,  jufqu'à 
ce  qu'ils  foient  autant  éleclrifés  qu'eux  par 
la  communication  ,  &  que  leurs  atmofphe- 
res foient  devenues  aufll  denfes  que  celle  du 
corps  qui  la  leur  a  communiquée. 

2°.  Que  dès  le  moment  qu'ils  ont  acquis 
cetre  atmofphere  r  l'attraction  cefTe  &  la 
répulfîon  commence. 

3°.  Quril  n'y  a  de  répulfîon  qu'entre 
les  corps  qui  font  devenus  également  élec- 
triques. 

4°.  Que  cette  répulfîon  dure  tant  que 
fubfifre  l'égale  denfité  des  atmofpheres  , 
&  qu'elle  cefïè  dès  qu'on  affoiblit  l'une 
ou  l'autre  ;  qu'alors  l'attraction  recom- 
mence jufqu'à  ce  que  l'égale  denfité  foit 
rétablie  ,  d'où  il  réfulte  une  nouvelle 
répulfîon. 

5°.  Que  la  répulfîon  peut  fubfifler  entre 
deux  corps  qui  ne  fe  font  jamais  attirés  mu- 
tuellement ,  pourvu  qu'ils  aient  des  atmof- 
pheres également  denfes  ;  comme  entre  un 
nouveau  tube  de  verre  ,  &  la  feuille  d'or  re- 
pouffée  ;  entre  deux  feuilles  d'or  repouffées 
par  un  même  ou  par  deux  difFérens  tubes  ; 
entre  deux  tubes  de  verre  frottés ,  &  fulpen- 
dus  par  des  foies  ;  entre  deux  rubans  de  foie 
frottés  &  approchés  l'un  de  l'autre  ;  enfin 
entre  tous  les  corps  éleclrifés  par  commu- 
nication ,  &  qui  confervent  leurs  atmofphe- 
res électriques. 

6e.  Que  la  répulfîon  efl  d'autant  plus 
forte  entre  deux  corps  électriques  t  c'efl- 
à-dire  ,  qu'ils  s'éloignent  davantage  l'un  de 
l'autre ,  qu'ils  font  plus  fortement  électri- 
{és  ;  en  forte  que  par  les  efpaces  dont  ils 
s'écartent  kdans  leurs  difFérens  degrés  de 
répulfion ,  on  peut  efhmer  leurs  forces  réci- 
proques électriques.  On  s'en1  fervi  avec 
avantage  de  cette  propriété  des  corps  élec- 
triques ,  pour  mefurer  leurs  difrerens  degrés 
$  électricité.    Voye\  ELECTROMETRE. 

Nous  ne  faurions  rapporter  dans  cçt 
article  toutes  les  découvertes  que  les 
Phyficiens  ont  faites  pendant  ces  dernières 
années  fur  Y  électricité  ;  nous  nous  conten- 
tons d'avoir  donné  ici  une  idée  générale 
de  la  diftribution  de  cette  matière  vdans 
les  difFérens  corps  de  la  nature  ,  &  d'avoir 
expofé  les  effets  de  fa  propriété  attractive 
&    répulfive.    Nous  examinerons  ailleurs 

fes 


E  L  E 

{es  autres  propriétés.  Voye\  Coup  fou- 
droyant, Conducteur,  Feu  élec- 
trique ,  MÉTÉORES.  Cet  article  eft  de 
M.  lu  Monnier  ,  médecin  ordinaire  de 
S.  M.  à  Saint-Germain-en-Laye  ,  O  de 
l'académie  royale  des  Sciences  ,  auteur 
d:s  articles  AlMANT,  AIGUILLE  ,  &c. 

Électricité  Médicinale.  Dès  le 
temps  qu'on  n'employoit  encore  que  le 
tube  de  verre  pour  les  expériences  de 
Xéleclricité  ,  quelques  phyiiciens  avoient 
recherché  les  effets  qu'étoit  capable  de 
produire  fur  le  corps  humain  la  matière 
électrique  actuellement  en  action.  Les 
découvertes  furent  très-bornées  ,  parce 
que  le  frottement  du  tube  ne  donnoit  pas 
des  résultats  d'expérience  affez  fènfibles:, 
mais  à  jpeine  eût  on  fubftitué  le  globe 
de  verre  au  tube  ,  que  les  merveilles  de 
Xéleclricité  fè  «  développèrent  plus  fènfîble- 
ment  dans  une  longue  fuite  d'expériences , 
&  parurent  dans  un  plus  grand  jour.  Les 
aigrettes  lumineuïes ,  les  torrens  de  lumière 
qui  fortirent  des  barres  de  fer  électrifées  ? 
répandirent  une  odeur  de  phofphore  qu'on 
n'a  pas  pu  méconnoître.  La  iàlive  lu  mi 
neufe  qui  fort  de  la  bouche  d'une  per- 
fbnne  actuellement  électrifee  ,  le  fang 
lumineux  jailli/Tant  d\ine  veine  ouverte , 
la  terrible  commotion  ,  la  fècoufiè  que 
fait  fentir  l'étincelle  foudroyante  dans  l'ex- 
périence de  Leyde }  ces  faits  principaux , 
fans  parler  des  autres  ,  firent  conclure  que 
le  corps  humain  étoit  un  des  plus  amples 
magaiius  de  matière  électrique ;  que  cette 
matière  y  étoit  ,  comme  dans  les  autres 
corps  ,  d'une  mobilité  étonnante  }  qu'elle 
y  étoit  capable  d'une  inflammation  géné- 
rale &  fubite  ,  ou  d'une  forte  d'explofîon  ^ 
qu'étant  ainfi  mife  en  action  ,  elle  par- 
courait en  un  inftant  les  plus  petits  canaux  ^ 
qu'elle  devoit  par  conféquent  produire  des 
changemens  fiir  le  fluide  nerveux  ;  &  ona 
même  foupçonné  que  la  matière  de  ce 
fluide  contenue  dans  les  nerfs  des  animaux , 
eft  de  nature  électrique.  D'ailleurs  l'idée 
que  fournit  le  fourmillement  produit  dans 
les  parties  électrifées  ,  a  donné  lieu  à  tenter 
quelque  chofe  pour  rendre  Xéleclricité  utile 
à  la  Médecine. 

On  s'eft  donc  déterminé  à  appliquer  le 
globe  électrique  à  la  Médecine,  on  a  tenté 
Tome  XII. 


E  L  È  57 

de  guérir  les  paralytiques  ;  M.  l'abbé 
Noîlet ,  avec  M.  de  lafsône  ,  de  l'académie 
des  Sciences  ,  ont  les  premiers  tenté  ces 
expériences  ;  leur  exemple  a  été  bientôt 
fuivi  par  M.  Morand  &  d'autres  habiles 
phyiiciens. 

On  fit  d'abord  fubir  la  commotion  de 
Leyde  pluiïeurs  fois  &  plusieurs  jours  de 
fuite  ,  à  diiférentes  perfonnes  de  l'un  ôc 
de  l'autre  fèxe.  Dans  quelques-unes  la 
commotion  parut  ne  fe  faire  que  peu-à- 
peu  &  par  gradation  ,  dans  les  parties 
paralyfées  \  d'autres  la  feutirent  dès  les 
premières  expériences  :  prefque  tous  eurent 
des  douleurs  feurdes  ,  &  une  e(j>ece  de 
fourmillement  dans  les  organes  paralyfés , 
plufieurs  jours  après  que  les  expériences 
furent  faites.  Mais  aucun  ne  fut  guéri  à 
Paris. 

Dans  ce  temps  M.  le  Cat,  célèbre 
chirurgien  de  Rouen,  fit  part  à  l'acadé- 
mie rGyaîe  des  Sciences  ,  dout  il  étoit  cor- 
refpondant .  de  la  guéri  fon  d'un  paralytique 
qu'il  avoit  éleètrifé.  Le  fait  parut  fur- 
prenant  ,  &  l'on  penfa  qu'il  pourroit  bien 
y  avoir  quelques  circonftances  dans  cer- 
taines paralyfies  d'où  dépendroit  le  fuccès 
de  Xéleclricité. 

M.  Louis  foutint  à-peu-pres  dans  le 
même  temps ,  que  l'on  ne  pouvait  guérir 
la  paralyfie  par  le  moyen  du  globe  élec- 
trique. 

M.  Jaîlabert  ,  habile  profeflèur  de 
Phyfîque  à  Genève,  communiqua  à  l'aca- 
démie royale  des  Sciences  dont  il  eft  cor- 
refpondant  ,  un  fait  des  plus  étônnâïis» 
C'eft  la  guérifon  prefque  totale  d'un  bras 
paralytique  &  atrophié  depuis  plus  de  dix 
ans.  M.  Jaîlabert  inftruit  des  tentatives 
peu  heureufès  qu'on  avoit.  faites  à  Paris 
<k  en  divers  autres  lieux  ,  en  communi- 
quant Amplement  aux  malades  la  commo- 
tion de  Leyde  ,  comme  on  le  fait  ordinai- 
rement ,  voulut  s'y  prendre  d'une  autre 
manière.  ÏI  éiectrjfa  fortement  fon  para- 
lytique }  &  de  toutes  les  parties  de  la 
peau  qui  répondent  aux  difTérens  mufcles 
.  moteurs  de  l'avant-bras  &  du  bras ,  il  tira 
fuccefiivement  un  grand  nombre  d'étin- 
celles. Dès  les  premiers  jours  le  malade 
commença  à  remuer  les  doigts  ^  oc  à  faire 
queîqu'autre  mouvement.  Les  expériences 

il 


58  E  L  E 

ayant  été  continuées  tous  les  jours  de  la 
même  manière  ,  la  liberté  &  l'étendue  des 
mouvemens  de  tout  le  bras  paralytique  , 
augmentèrent  par  gradation  &  allez  rapi- 
dement j  mais  ce  qui  furprit  le  plus  ,  ce 
fut  de  voir  ce  bras  qui  depuis  long-temps 
étoit  atrophié  &  en  partie  defféché  ,  re- 
prendre nourriture  ,  grofîir  &  redevenir 
prefque  femblable  au  bras  fain  :  alors  on 
obferva  qu'en  tirant  les  étincelles  fur  les 
différens  mufcles  de  ce  bras  paralytique  , 
il  y  parohToit  en  même  temps  une  agi- 
tation involontaire  dans  les  fibres  ,  une 
efpece  de  mouvement  vermiculaire  ,  ou 
comme  un  petit  mouvement  convulfif. 
Enfin  le  malade  fut  éleclrifé  jufqu'à  ce 
qu'il  pût  porter  la  main  au  chapeau ,  loter 
de  deiîus  fà  tête  &  l'y  remettre  ,  &  foulever 
encore  certains  corps  pefans. 

Le  fait  publié  par  M.  Jallabert  étoit 
trop  authentique  &  trop  intérefiant ,  pour 
ne  pas  mériter  beaucoup  d'attention  \  il 
étoit  ,  ce  fèmble  ,  confirmé  par  des  ex- 
périences faites  à  Montpellier  par  M.  de 
Sauvages  ,  qui  annonçoient  le  même  fuccès. 
Alais  comme  depuis  long-temps  on  a  pris 
le  fage  parti  de  ne  pas  tirer  des  inductions 
trop  précipitées ,  &  de  ne  point  annoncer 
de  découvertes  qu'elles  ne  foient  conflatées 
par  un  grand  nombre  de  faits,  l'académie 
royale  des  Sciences  chargea  M.  l'abbé 
Noliet  de  répéter  la  nouvelle  expérience  . 
en  fuivant  la  méthode  de  M.  Jallabert. 
M.  le  comte  d'Argenfon  ,  miniftre  de  la 
guerre ,  donna  les  ordres  néceiîaires  pour 
que  les  expériences  puflent  être  faites  à 
l'hôtel  royal  des  invalides»  Elles  y  ont  été 
fondes  long-temps  &  avec  beaucoup  d'at- 
tention ,  fur  un  grand  nombre  de  foldats 
paralytiques,  en  préfence  de  plufieurs  mé- 
decins &  chirurgiens  }  mais  le  réfuîtat  n'en 
a  pas  été  favorable  ,  nulle  guérifon ,  pas 
même  aucun  effet  qui  la  fît  efpérer.  On  a 
feulement  obfêrvé  ces  mouvemens  fpon- 
tanées  ou  convulnfs  dans  les  différens  muf- 
cles d'où  on  tirok  les  étincelles  ;  ce  qui 
eu1  toujours  un  fait  très-fingulier. 

[  Les  habiles  gens ,  tels  que  M.  l'abbé 
Nolîet  ,  ne  font  pourtant  pas  aifément 
incrédules  fur  les  reffources  de  la  nature. 
Comme  on  mandoit  d'Italie  de  très-belles 
claofes  concernant  les  bons  effets  de  Yélcc- 


E  L  E 

triché  médicinale,  ce  célèbre  académicien 
conçut  le  delfein  de  juger  par  lui-même 
de  ces  prodiges  ,  dont  il  paroifToit  qu'on 
avoit  eu  jufqu'aîors  le  privilège  èxclufîf 
au  delà  des  Alpes.  D'autres  raifons  litté- 
raires concoururent  à  faire  exécuter  ce 
projet.  M.  l'abfeé  Noliet  fe  rendit  à  Turin  , 
opéra  avec  M.  Bianchi ,  célèbre  médecin 
de  ce  .pays-là ,  répéta  fur  un  grand  nom- 
bre de  malades  les  expériences  électriques 
fans  aucun  fuccès  marqué  :  ainfî  tous  les 
phénomènes  ,  publiés  à  Turin  en  faveur  de 
ï  électricité  méd  ici  raie  ,  refterent  fans  preu- 
ves fuffifàntes ,  &  même  combattues  par  un 
témoignage  authentique. 

M.  f  abbé  Noliet  étoit  comme .  le  député 
de  tout  l'ordre  des  Phyficiens  françois , 
allemands ,  anglois ,  de  tous  ceux  en  un 
mot  qui  ne  voyoient  dans  aucune  expérience 
la  vertu  curât  ive  de  ïélectricité.  Il  fs 
tranfporta  à  Venifè ,  où  M.  Pivati  le  plus 
célèbre  orateur  des  guérifous  électriques  , 
exerce  fes  talens  j  le  même  dont  on  a  vu 
l'ouvrage  electricitas  medica  traduit  en  fran- 
çois ,  auquel  tous  les  bons  zélateurs  des 
nouvelles  découvertes  avoient  fait  accueil , 
parce  qu'on  ne  le  foupçonuoit  pas  d'infi- 
délité, ou  de  broderie  fiirabondante.  Il 
étoit  réfervé  à  M.  Noliet  de  bien  pénétrer 
le  vrai  des  chofes  :  tout  l'attelier  de  M. 
Pivati  demeura  fans  action  en  préfence 
du  voyageur  françois  ;  on  n'ofà  pas  même 
tenter  les  opérations  :,  &  quand  on  vint 
à  faire  mention  de  la  guérifon  fameufe 
de  l'évêque  de  Sebraïco ,  il  fe  trouva  que 
le  prélat  n'avoit  jamais  été  guéri  par  Yélec- 
tricité  ;  &  quand  M.  l'abbé  Mollet  inter- 
rogea les  perfounes  du  pays  fur  les  mer- 
veilles électriques  de  M.  Pivati ,  il  ne  fe 
trouva  qu'un  médecin  de  fes  amis  qui  put- 
dire  avoir  vu  quelque  chofe  de  réel  :  d'eu 
il  eft  bien  aifé  de  conclure  que  Yélectricité 
médicinale  n'a  pas  fort  brillé  à  Veniiè. 
Reftoit  encore  Bologne  ,  où  M.  l'abbé- 
Noliet  pourfuivit  ces  fantômes  de  gué- 
rifons.  M.  Veratti ,  médecin  de  cette  ville  7 
&  aufîï  prévenu  en  faveur  de  la  merveille  , 
converfà  de  bonne  foi  avec  l'académicien 
françois }  &  dans  ces  conférences  le  ton 
affirmatif  des  livres  imprimés  fur  ce  fujet  7 
baifTa  beaucoup.  Il  ne  refta  plus  que  des: 
doutes  &  4es  efpérançes.  ]  Ce  qui  vient 


E  L  E 

<îe!r2  dit ,  renfermé  entre  deux  crochets  , 
eft  tiré  dis  mémoires  de  Trévoux  ,  Avril 
IfSî.art.  43. 

De  l'hifloire  de  tous  ces  faits  connus , 
il  paroît  réiulter  que  la  Médecine  ne  doit 
pas  fe  flatter  de  tirer  un  grand  avantage 
des  nouvelles  expériences  de  Yé'eâricité. 
On  n'eft  cependant  pas  en  droit  d'en  con- 
clure l'inutilité  abfolue  j  peut-être  n'y  a- 
t-il  qu'une  eipece  allez  rare  de  paralyfie 
qui  paille  en  attendre  quelque  fècours  ,  ou 
peut-être  y  a-t-'il  dans  ces  maladies  quel- 
que circQnftance  favorable  qu'on  n'a  point 
encore  apperçue  ,  Se  fans  laquelle  point 
de  (accès.  Le  peu  que  l'on  en  a  eu  ,  fufiït 
pour  encourager  à  faire  de  nouvelles  ten- 
tatives ,  non  feulement  dans  le  cas  de 
paralyiie  ,  mais  pour  plufieurs  autres  mala- 
dies ,  où  la  raréfaction  des  liqueurs  du  corps 
humain  ,  leur  accélération  dans  les  vaif- 
feaûx  ,  ''augmentation  de  la  tranfpiration 
inienilble  ,  la  fonte  des  humeurs  ,  les  vi- 
ves fecoufîés  ,  ou  l'ébranlement  des  parties 
folides  ?  pourraient  être  utiles  :  car  un 
grand  nombre  d'expériences  fcmblent  prou- 
ver que  tous  ces  effets  fout  dus  à  Yélec- 
tricité  appliquée  au  corps  humain  }  &  d'ail- 
»  leurs  la  matière  électrique  joue  peut-être 
un  plus  grand  rôle  qu'on  ne  penfe  dans 
l'économie  animale,   (d) 

*  ELECTRIDES,  L  m.  pi.  (  Mytk.  & 
Géfigr.  anc.  )  îles  fuppofées  par  la  fable 
à  l'embouchure  du  Pô.  Ce  fut  dans  une 
de  ces  iles  que  tomba  Phaéton  foudroyé. 
Le  lac  qui  le  reçut  en  avoit  confèrvé  une 
grande  chaleur  ,  &  une  odeur  de  foufre 
funefte  aux  oifjaux  qui  s'y  expofoient.  On 
ajoute  qu'on  y  trouvoit  beaucoup  d'am- 
bre ,  en  grec  y.hîKT^v ,  d'où  vient  le  nom 
é'ElecIrides. 

ELECTRIQUE  ,  adj.  (  Phyfiq.  )  on 
appelle  ainfï  tout  ce  qui  reçoit  ou  commu- 
nique l'éleclricité.  Aiuii  on  dit  vertu  élec- 
trique ,  matier-e  é le  Brique  ,  corps  éUclrique  , 
&c.  Voye\  Electricité.  - 

ELÊCTRISER,  v.  a&.  {Phyfiq.) 
c'eft.  donner  à  un  corps  la  vertu  élec- 
trique ,  ou  leleclxicité.  Voye\  Electri- 

\  ELECTROMETRE ,  f.  m.  {Phyfiq.) 
c'eft  le  nom  d'un  mftmment  .  qui  fert  à 
meiùrer   la   force    de   l'électricité.    Il  eft 


E  L  E  55, 

\  formé  des  mots  grecs  ,  nhiKTfcv ,  ambre  ,  & 
y.i7(-cv  ,    mefure. 

Avant  que  d'en  donner  la  defeription  , 
il  eft  à  propos  de  faire  quelques  réflexions 
fur  les  avantages  qu'on  retire  dans  la 
Phyfique  des  inftrumens  de  cette  efpece  , 
c'eft-à-dire ,  qui  fervent  à  mefurer  les  di- 
vers degrés  d'une  force  ou  d'une  •  vertu 
dont  on  obfcrve  les  effets. 

L'ignorance  où  nous  fbmmes  fur  la  plu- 
part des  caufes  &  fur  la  chaîne  des  cf* 
fels  qui  en  dépendent  ,  fait  que  fouvent 
nous  croyons  que  tels  '&  tels  effets  font 
produits  par  différentes  caufes ,  lorfquils 
réfultent  uniquement  du  plus  ou  moins  de 
force  de  la  même  caufe  ,  comme  on  pour- 
rait le  prouver  par  des  exemples  fans 
nombre.  On  ne  peut  donc  trop  s'attacher 
dans  la  Phyfique  à  obferver  la  parité  des 
circonllanccs  j  afin  i°.  d'obvier  aux  varié- 
tés qui  pourraient  naître  de  la  différence 
de  ces  circonftances  ,  ou  au  moins  de  pou- 
voir reconnoître  à  quoi  l'on  peut  attri- 
buer ces  variétés  ;  i°.  de  pouvoir  répéter 
les  mêmes  expériences,  avec  quelque  cer- 
titude d'obferver  les  mêmes  phénomènes  j 
30.  enfin  pour  les  décrire  de  façon  que  les 
autres^  pui fient  avoir  un  fuccès  femblable 
en  les  répétant ,  ou  fi  cela  n'arrive  pas , 
qu'ils  piaffent  démêler  la  caufe  qui  les  en 
a  empéché.s.  AufTi  voyons-nous  fouvent  les 
plus  grands  Phyfîciens  defeendre ,  dans  la 
defeription  de  leurs  expériences  ,  dans  des 
détails  qui  peuvent  fèmbJer  minutieux  à 
des  perfonnes  qui  ont  peu  étudié  la  nature . 
mais  qui  n'en  paroilîént  pas  moins  nécef- 
faires  aux  yeux  de  ceux  qui  l'ont  fuivie 
de  plus  près.  Ils  favent  bien  que  dans 
plufieurs  occafîons  les  circonftances  quî 
nous  paroiflent  peu  importantes  ,  font 
fouvent  celles  qui  produifent  ces  irrégu- 
larités que  nous  remarquons  avec  tant 
d  etonnemenî.  On  ne  peut  donc  obferver 
trop  foigneufement  la  parité  des  circonf- 
tances. Mais  comment  le  fera-t-on,  fi  l'on, 
n'a  pas  des  moyens  de  s'affurer  que  la 
caufe  principale  qui  opère  les  phénomènes 
que  Ton  obferve  ,  eft  toujours  à-peu-près 
la  même  ,  ou  fi  elle  change  ,  quelle  eft 
la  nature  de  Tes  variations  ?  Or,  c'eft  à 
quoi  on  ne  peut  parvenir  que  par  des  inf- 
trumens  tellement  conftruits  relativement 

Hz 


6o  E  L  E 

à  la  nature  de  cette  caufè ,  qu'ils  nous 
indiquent  aufîi  sûrement  qu'il  eft  pofïible 
fès  divers  cliangcmens  :  on  voit  par  -  là 
combien  il  eft  utile  de  multiplier  les  inf- 
trumens  de  cette  efpece.  On  fait  afîèz  les 
avantages  que  l'on  a  retirés  des  baromètres 
&  des  thermomètres  ,  depuis  fur-tout  qu'on 
a  fait  ces  derniers  fur  des  échelles ,  de 
manière  à  pouvoir  comparer  leurs  divers 
degrés  de  froid  &  de  chaud  dans  différens 
climats. 

Or  s'il  y  a  une  partie  de  la  Phyfique 
où  un  infiniment  de  l'elpece  de  ceux  dont 
je  viens  de  parler ,  foit  néceffaire  ,  c'eft 
sûrement  dans  l'électricité  qui  eft  fi  chan- 
geante ,  tantôt  forte ,  tantôt  foible  j  le 
feul  changement  de  pofition  des  mains  par 
rapport  à  l'équateur  du  globe  que  l'on 
frotte  ,  l'augmente  ou  la  diminue.  Si  donc 
l'on  n'eft  pas  en  état  d'eftimer  ou  de  con- 
noître  les  variations  de  cette  force  ,  on 
fera  à  tout  moment  expofé  à  tirer  de 
fauifes  conféquences  des  expériences  les 
plus  fimples  j  &  il  n'y  a  prefque  pas  lieu 
de  douter  ,  que  fi  plufieurs  physiciens  ©ut 
embraifé  des  fèntimens  différens  fur  divers 
phénomènes  de  l'électricité  ,  c'eft  par  cette 
raifon  }  parce  que  l'un  ayant  fait  fes  ex- 
périences avec  une  électricité  plus  forte  que 
l'antre  ,  cette  feule  différence  dans  la  force 
a  fùffi  pour  en  produire  de  telles  dans 
les  effets,  qu'elles  les  ont  portés  à  en  dé- 
duire des  conféquences  très-différentes.  Un 
éleârometre  les  eût  bientôt  mis  d'accord  ? 
en  leur  faifant  voir  que  ces  différences 
qu'ils  ont  obfervées ,  ne  naiifoient  que  de 
celle  de  la  force  électrique.  Ceci  nous 
montre  clairement  combien  cet  inftrument 
eft  néceffaire  pour  faire  avec  quelque  fuccès 
des  expériences  fur  cette  matière.  Il  y 
a  plus  :  c'eft  qu'avec  des  inftrumens  de 
cette  efpece  bien  conftruits  &  uuiverfels 
comme  le  thermomètre  ,  c'eft-à-dire  ,  dont 
on  pourroit  comparer  les  degrés  d'éléva- 
tion dans  différens  pays  ,  on  pourroit  peut- 
être  parvenir  à  décider  une  queftion  im- 
portante }  fa  voir  ,  d  l'électricité  a  le  même 
degré  de  force  dans  les  différens  cli- 
mats j  fi  elle  eft  plus  forte  dans  les  fep- 
tentrionaux  que  dans  les  méridionaux  ,  & 
de  combien. 

La  ncceflité    de    cet  inftrument  étant 


E  LE 

établie  ,  il  ne  refte  plus  qu'à  choifir  parmi 
les  divers  phénomènes  de  l'électricité  , 
celui  qui  eft  le  plus  propre  à  donner  une 
mefure  exacte  &  générale  de  la  force 
électrique  }  mais  c'eft  ce  qui  n'eft  pas  dif- 
ficile à  faire  ,  la  répulficn  étant  le  feul 
dont  on  puiffe  faire  ufage  dans  cette  vue. 
Car  fi  l'on  y  emploie  l'attraction  ,  ce  fera 
celle  d'un  corps  foutenu  ou  par  des  non 
électriques  ou  par  des  électriques  par  eux- 
mêmes  :  dans  le  premier  cas  ,  à  meilire 
que  le  corps  fera  attiré  ,  il  dérobera  de 
l'électricité  à  celui  qui  l'attire ,  &  ainfi 
cette  vertu  fe  perdant  à  chaque  inftant  , 
on  n'en  pourra  eftimer  la  force  :  dans  le 
fécond  ,  le  corps  s'clectrifànt  à  mefure 
qu'il  eft  attiré  ,  &  cet  effet  diminuant 
inftantanément  la  force  avec  laquelle  il 
eft  attiré  ,  cette  manière  ne  pourra  encore 
fervir  de  mefure  j  parce  qu'on  pourra  attri- 
buer à  la  diminution  de  l'électricité  dans 
le  corps  attirant ,  ce  qui  fera  produit  uni- 
quement par  l'électrifation  du  corps  attiré  } 
fi  l'on  fe  fert  des  aigrettes ,  elles  augmen- 
teront ou  diminueront  ,  non  feulement 
félon  le  nombre  &  la  figure  des  parties 
aiguës  du  fyftême  des  corps  électrifés  , 
mais  encore  félon  que  les  corps  non  élec- 
triques circonvoifins  en  feront  plus  ou 
moins  près.  De  plus  ces  aigrettes  étant 
formées  par  le  fluide  électrique  qui  s'é- 
chappe des  corps  électrifés  ,  l'électricité 
diminuera  d'autant  plus  ,  que  ces  corps 
auront  un  plus  grand  nombre  de  points 
ou  de  parties  cipables  de  rendre  des  ai- 
grettes ,  &  que  ces  parties  feront  plus 
aiguës.  Ce  moyen  fera  donc  encore  im- 
parfait j  puifqu  outre  fon  incertitude  ,  on 
ne  pourra  eu  faire  ufage  fans  faire  perdre 
aux  corps  électriques  une  partie  de  leur 
électricité.  Enfin  les  étincelles  n'en  four- 
niffent  pas  un  plus  certain  \  car  ces  étin- 
celles font  plus  fortes  ou  plus  foibles  fé- 
lon que  la  maffe  des  corps  électrifés  eft 
augmentée  ou  diminuée  ,  félon  que  l'on 
les  tire  de  parties  plus  ou  moins  liftes  de 
la  furface  d'un  même  corps  ,  ou  que  l'on 
les  tire  avec  des  corps  qui  approchent 
plus  ou  moins  de  la  figure  fphérique.  Voy* 
Electricité.  Il  réfulte  de  tout  cela 
que  la  répulfion ,  comme  je  l'ai  dit ,  eft 
le  feul  moyen  sûr  ôç  général  dont  on  puiiîe 


E  L  E 

fe  fêrvir  pour  mefurer  la  force  électrique  : 
c'eft  auffi  celui  que  nous  avons  employé ,  M. 
le  chevalier  d'Arcy  &  moi  dans  l'inftru- 
ment  dont  je  donnerai  la  defcription  dans 
un  moment  ,  &  qui  eft  ,  fi  je  ne  me  trom- 
pe ,  le  premier  élecirometre  que  l'on  ait  exé- 
cuté. Cependant  ou  dira  peut-être  ,  comme 
je  fais  qu'on  l'a  déjà  fait ,  qiiil  eft  trop  tôt  de 
penfer  à  un  élecirometre  j  qu  il  faut  avant 
toutes  chofes  que  ce  que  ton  veut  mefurer 
foit  faififfable  de  tout  point  ,  fans  quoi 
la  mefure  ne  fait  qu  embrouiller.  Mais  je 
demanderai  ce  qu'on  entend  par  faififfa- 
ble de  tout  point  :  fi  on  entend  qu'un 
élecirometre  doit  mefurer  à  la  fois  l'attrac- 
tion ,  la  répulfion  ,  la  grandeur  des  aigret- 
tes ,  la  force  des  étincelles  ,  &c.  c'eft 
demander  un  être  chimérique.  Mais  fi 
Ton  entend  feulement  qu'en  mefurarlt  la 
force  électrique  ,  ou  en  nous  montrant 
fes  variations ,  il  doit  nous  indiquer  toutes 
celles  qui  en  doivent  réfulter  dans  les 
phénomènes  dont  je  viens  de  faire  men- 
tion ,  (  lorfque  toutes  les  circonftances 
refient  abfolument  les  mêmes  ,  )  on  a 
raifon  ;  &  c'eft ,  je  puis  l'afiurer  ,  ce  que 
fait  M  élecirometre  dont  il  fera  queftion 
dans  cet  article.  Car  fi  toutes  les  cir- 
conftances d'un  fyftême  de  corps  électri- 
ques reftent  les  mêmes  ainfi  que  celles 
des  corps  qui  les  environnent  \  quand  cet 
infiniment  marquera  que  la  force  électri- 
que eft  augmentée ,  les  aigrettes  des  corps 
éleerrifés  deviendront  plus  grandes  &  plus 
vives  ,  l'attraction  fera  plus  forte  ,  &  les 
étincelles  que  l'on  tirera  avec  le  même 
corps  &  des  mêmes  points  de  la  furface 
d'un  des  corps  éle&rifés  ,  feront  aufîi  plus 
fortes  ,  &c.  Mais  fi  l'on  fuppofe  la  figure 
de  ces  corps  changée ,  leur  mafte  augmen- 
tée ou  diminuée ,  &  les  corps  circonvoifius 
plus  près  ou  plus  éloignés  \  alors  ï éleciro- 
metre n'indiquera  ni  ne  pourra  indiquer  di- 
.  verfes  variétés  des  phénomènes  dont  je  viens 
de  parler  ,  qui  réfuîtent  uniquement  de  ces 
chaugemens  de  mafte  ,  de  figure  ,  &c.  parce 
qu'ils  fùffifent,  comme  je  l'ai  expofé  plus 
haut,  pour  produire  des  différences  dans 
ces  phénomènes  ,  quoique  la  force  élec- 
trique foit  toujours  au  même  degré  dans 
chaque  partie  qui  compofe  le  lyftême  des 
corps  éleclrifés» 


E  L  E  Ci 

Il  fuit  de  tout  ceci  ,  qu'il  h\ft  point 
trop  tôt^  pour  penfer  à  un  infiniment 
fervant  à  mefurer  la  force  de  l'électricité  \ 
que  la  répulfion  nous  fournit  un  moyen 
fur  &  général  de  le  faire  \  &  qu'un  élec- 
trometre  conftruit  en  conféquenee  ,  loin 
d'embrouiller  ,  peut  au  contraire  éclaircir 
beaucoup  de  difficultés  -7  &  c'eft  j'ofe  dire  , 
ce  qu'a  fait  ïéleclrometre  fuivant  ,  nous 
ayant  fervi  à  M.  d'Arcy  &  à  moi  à  nous 
aflurer  de  pîufieurs  faits  ,  &  entre  autres 
de  ceux-ci  :  favoir  ,  i°.  que  la  force  élec- 
trique eft  toujours  comme  les  furfaces  & 
non  comme  les  mafîes  :  20.  qu'elle  a  la 
propriété  des  fluides  qui  par  les  loix  de 
preftion  fe  répandent  toujours  également 
quels  que  foient  les  canaux  de  communica- 
tion ,  &c.  Voyei  Electricité.  Voyei les 
Mémoires  de  l'Académie  de  1749  ,  page 
63. 

Defcription  de  ?  élecirometre^  Dans  un 
grand  vafe   A  B  plein  d'eau  (  PI.  Pkyf. 

fi  g.  75.  ;  on  plonge  une  bouteille  C  D 
de  verre  ,  que  les  marchands  appellent 
œuf  pkilofophique  ;  à  l'extrémité  de  cette 
bouteille  ,  on  adapte  une  verge  V  par- 
faitement cylindrique  d'une  ligne  de  dia- 
mètre &  de  douze  pouces  de  long.  Le 
vafe  A  B  fe  recouvre  d'une  plaque  de 
laiton  H  percée  d'un  grand  trou  à  fou 
centre  (  qui  eft  aufii  celui  du  vafe  ,  )  afin 
que  la  verge  puifté  paner  à  travers  très- 
librement.  Sur  l'extrémité  fupérieure  de 
la  verge  ,  on  fait  entrer  une  petite  plaque 
circulaire  L  de  laiton  de  14  lignes  \  de 
diamètre.  L'œuf  eft  plongé  dans  le  vafe 
A '  B  (  plein  d'eau  ,  comme  je  l'ai  déjà 
dit  )  à  une  certaine  profondeur  ,  qui  doit 
être  telle ,  que  l'inftrument  étant  en  repos  7 
c'eft-à-dire ,  n'étant  pas  électrique  ,  l'ex- 
trémité inférieure  de  l'œuf  foit  fort  près 
du  fond  du  vafe ,  fans  cependant  y  toucher. 
Pour  que  l'œuf  &  la  verge  foient  toujours 
dans  une  fituation  verticale  ,  on  met  dans- 

'  le  premier  du  mercure  qui  fert  de  lefte  \ 
par  ce  moyen  le  centre  de  gravité  étant 
fort  bas ,  le  tout  fe  tient  perpendiculai- 
rement à  l'horizon ,  &  éprouve  en  hauflàht 
ou  en  baifiaut  le  moins  de  balancement 
qu'il  eft  pofiible.  Comme  cet  œuf,  s'il 
n'en  étoit  empêché  ,  iroit  vers   les  bords 

>  du  vafe*  ?  &.  «flotter oit  tantôt  d'ua  côté  y 


6i  E  L  E 

tantôt  de  l'autre  ,  on  l'oblige  de  refter 
au  centre  de  la  manière  fuivante.  Sur  la 
plaque  H  dont  j'ai  parlé  ,  on  fixe  en  croix 
des  fils  d'argent  fort  déliés ,  tels  que  ceux 
des  micromètres  j  cette  croix  eft  formée 
par  des  fils  doubles  qui  taillent  entre  eux 
au  centre  de  la  plaque  un  petit  efpace 
quarré  ,  qui  étant  plus  grand  que  le  dia- 
mètre de  la  verge  ,  lui  permet  de  monter 
&  de  defeendre  entre  ces  fils ,  fans  éprou- 
ver aucun  frottement  feufible  ,  &c  cepen- 
dant fans  s'écarter  du  centre  :,  il  arrive 
même  un  efiêt  fort  fingulier  ,  c'eft  que 
lorfqtie  toute  la  machine  eft  bien  élcdtri- 
que  ,  la  verge  eft  contenue  au  milieu  de 
ces  fils  prefque  fans  y  toucher  ,  parce  qu'é- 
tant électrique  comme  eux,  elle  les  évite 
continuellement. 

Après  cette  defeription  ,  on  imaginera 
fans  peine  comment  cet  inftrument  fait 
ion  effet ,  fur-tout  fi  l'on  réfléchit  fur  ce 
principe  d'Hydroftatique  ,  (  voyei  HY- 
DROSTATIQUE ,  )  qu'un  corps  plongé 
dans  l'eau  fumage  ou  s'y  enfonce  félon 
qu'un  volume  d'eau  femblabîe  à  celui  qu'il 
occupe  eft  plus  léger  ou  plus  pefant  que 
ce  même  corps.  Il  fuit  de  ce  principe 
qu'un  volume  d'eau  égal  à  celui  de  l'œuf 
ïk  de  la  partie  de  la  verge  qui  trempe 
dans  l'eau  ,  lorfque  le  tout  eft  en  repos , 
pefe  autant  que  l'œuf ,  la  petite  plaque  & 
toute  la  verge  j  conféquemment  il  le  tout 
s'élève  d'un  pouce  ,  la  puil'Iance  qui  le 
foutiendra  à  cette  hauteur  ,  foutiendra  un 
poids  égal  à  un  volume  d'eau  rie  la  grof- 
ièur  de  la  verge  &  d'un  pouce  de  haut , 
puiique  le  volume  d'eau  que  l'œuf  &  la 
verge  occupent  alors ,  eft  diminué  de  cette 
quantité.  Si  donc  différentes  puiiïunccs  le 
foutiennent  a  i  ,~  2  ,  3  ,  4  pouces  ,  &c. 
de  hauteur  au  deffus  du  point  de  repos  , 
ces  puiffances  feront  entre  elles  comme 
ces  nombres  ,  c'eft-à-dire  ,  doubles  ,  tri- 
ples ,  quadruples  ,  &c.  Or  l'électricité 
produit  le  même  effet  fur  cet  inftrument  , 
e'eft-à-dire  ,  qu'elle  fait  la  fonction  d'une 
puiffance  qui  le  foutiendroit  à  1,2,  3  , 
4  pouces ,  &c.  au  deffus  de  fon  point  de 
sepos  j  on  peut  donc  par  fon  moyen  me- 
furer  tous  les  différens  degrés  de  force  de 
cette  vertu.  En  effet ,  fi  l'on  fuppofè  pour 
un  moment  tonte   la  machine  compofée 


E  LE 

[  du  vafè  A  B  de  l'œuf  ,  &c.  pofée 
comme  elle  eft  en  K  ,  dans  la  fîg.  76 , 
fiir  un  récipient  de  verre ,  ou  fur  quelque 
autre  matière  qui  ne  laiïie  point  palier 
l'éleclricité ,  tk  que  le  vaiè  A  B  devienne 
électrique  ,  la  verge  V  le  deviendra  aulîi  , 
comme  la  plaque  L.  Mais  tout  le  monde 
fait  que  les  corps  électriques  le  repoufient  \ 
ainfi  la  petite  plaque  L  6c  la  verge  V 
étant  repoufices  par  la  grande  plaque  H , 
s'élèveront  nécefiairement  plus  ou  moins 
félon  que  l'éleclricité  fera  plus  forte  ou 
plus  foible.  L'éleclricité  fera  donc  alors  , 
comme  je  l'ai  dit  plus  haut  ?  la  fonction 
d'une,  puiiiaiice  qui  fout:er.droit  l'initru- 
meiit  à  une  certaine  h.auteur  j  &  comma 
ces  puiffances  font  proportionnelles  aux 
hauteurs  de  l'inftrument  au  deffus  du  point 
de  repos  ,  ces  mêmes  hauteurs  feront 
aufïi  proportionnelles  aux  différentes  forces 
électriques  ;  ce  qui  prouve  ce  que  j'ai 
avancé  ,  que  notre  infiniment  meiiire 
exactement  tous  les  différens  degrés  de  la 
force  éleclrique  \  il  cil  donc  un  véritable 
élecïrometre  :  mais  il  y  a  plus  ,  cet  élec- 
tt&meiie  peut  être employé  comme  infini- 
ment ,  fbit  pour  faire  mi  grand  nombre 
d'expériences  fur  l'électricité  ,  foit  pour 
déterminer  les  Ioix  d'attraction  ,  de  répul- 
fiou  ,  de  diffufion ,  de  trarffmifTîon  ,  &c.  de 
l'éleclricité  \  propriété  qui  n'eft  pas  moins 
importante  que  celle  de  mefurer  la  force 
électrique. 

Manière  de  fe  fervir  de  cet  infiniment* 
Les  corps  électriques  ayant  cet  inconvé- 
nient ,  qu'on  ne  peut  en  approcher  finis 
leur  dérober  l'éleclricité ,  il  eft  clair  que 
fi  l'on  étoit  allez  près  de  l' élecïrometre 
pour  juger  de  fes  meuvemeus  avec  préci- 
sion ,  on  lui  enlèverait    l'éleclricité.  Afin 

l'donc  déparer  cet  inconvénient,  on  place 
dans  une  partie  de  la  chambre  où  l'on 
fait  ùs  expériences ,  une  grande  lanterne 
dans  laquelle  on  met  une  greffe  bougie  , 
qui  projette  fà  lumière  par  un  trou ,  fur 
un  ou  deux  éleclrometres  fitués  comme 
on  le  voit  en  K  dans  la  fig.  76.  Derrière 
ces  éleclrometres  on  fixe  un  cadre  Q  très- 
foîide  ,  dont  toute  la  partie  X  eft  de  bois  j 
elle  peut  être  de  toute  autre  matière  opa- 
que. Dans  ce  cadre  011  fait  deux  ouver- 
tures rectangulaires  ou  fenêtres  F  T  9  on 


E  L  E 

inet  dans  ces  fenêtres  des  glaces  (^G  qui 
ne  font  qu'adoucies  ;  &  fur  ces  glaces  , 
©n  marque  des  divifions  très-précifos  avec 
de  l'encre  de  la  Chine  bien  noire. 

Il  faut  que  ce  cadre  foit  toujours  placé 
de  façon  que  la  projection  des  éleclr ome- 
ttes tombe  fur"  ces  glaces  ^  &  au  moyen 
de  la  figure  conique  qu'on  donne  à  l'ex- 
trémité de  la  verge  ,  elle  y  forme  une 
ombre  très-nette.  Comme  ces  glaces  font 
trau (parentes  ,  l'obfervateur  placé  derrière 
en  F ,  voit  de  la  manière  la  plus  diftiu&e 
toutes  les  différentes  élévations  de  Vélec- 
trometre ,  &  eft  par  -  là  en  état  de  juger 
avec  la  dernière  préciilon  de  toutes  ces 
variations.    Le  plan  du  cadre    étant  fop- 


pofé  perpendiculaire  à  l'horizon  ,  tk.  Vélec- 
trometre  ,  ou  plutôt  fa  verge  ,  hauffant 
&  baiffant  dans  un  plan  parallèle  ,  il  eft 
évident  que  l'élévation  &  l'abaiifement  de 
l'ombre  font  toujours  proportionnels  à  ceux 
de  V  éleclrometre.  On  font  facilement  que 
le  cadre  que  je  viens  de  décrire  pourroit 
n'avoir  qu'une  fenêtre  \  mais  Véleclrometre 
pouvant  aufTi  fervir  d'inftrument ,  comme 
je  l'ai  dit  ,  il  eft  à  propos  qu'il  y  eu  ait 
deux ,  afin  que  Véleclrometre  véritable  ,  & 
celui  qui  ne  fert  que  d'infiniment ,  étant 
plus  près ,  on  puiflè  les  obferver  plus  com- 
modément :  au  relie  ,  l'intervalle  entre 
l'un  &  l'autre  doit  être  tout  au  moins  de 
30  pouces. 

On  voit  par  la  conftru&ion  de  cet  élec- 
trometre  ,  qu'il  a  les  propriétés  eflènîielies 
inftrumeut  de   cette  efpece  }  car  , 

.  la  force  électrique  étant  très-foible  , 
il  faut  un  inftrumeut  très- mobile  &  fort 
fenlîbîe  }  au/fi  un  poids  de  8  grains  pofé 
for  la  petite  plaque  ,  le  fait-il  baiiîèr  de 
plus  de  4  pouces. 

La  force  électrique  éjtant  fort  chan- 
geante ,  il  faut  un  inftrumeut ,  lequel  n'a- 
gifiànt  pas  par  faut  ,  foit  en  état  de 
donner  à  chaque  inftant  £es  variations  j 
&  celui-ci  tendant  toujours  au  repos ,  & 
n'étant  foutenu  hors  de  cet  état  que  par 
la  répulflon  des  plaques,  il  baiffe  au  même 
inftant  que  cette  répulflon  diminue  ,  & 
haufte  de  même  aufîi-tôt  qu'elle  augmente. 
C'eft  un  fait  dont  des  expériences  fans 
nombre  nous  oitf  afforés  ,  M.  d'Arcy  & 
moi. 


a  un 
■.o 


E  L  E  65 

Enfin  il  eft  univerfel  j  car  on  voit  que 
le  véritable  éleclrometre  eft  la  verge  cylin- 
drique  V  ,  qui  détermine  par  le  nombre 
de  fes  parties  élevées  au  deffus  cKi  point 
de  repos ,  la  quantité  de  la  force  électri- 
que.   Or  il  n'eft  pas  difficile  d'avoir  une 
verge  cylindrique  d'une  ligne  de  diamètre. 
Il  eft  vrai   que   le   diamètre  de  la  petite 
plaque  Z  ,  &  fa  diftance  à  la  grande  H 
au  point  de  repos  ,  peuvent  produire  quel- 
ques différences  dans  la  répulflon  \   mais 
il  eft  facile  d'obferver  toutes  ces  propor- 
tions  :  de  forte  que  tout  le  monde  pourra 
faire  un   éleârometre   qui   s'élèvera    de   la 
même  quantité  pour  la  même  force  élec- 
trique :  propriété  qui  me  paroît  une  des 
plus  remarquables  de  cet  inftrument ,  & 
qui  eft  une  de  celles  qui  y  font  le  plus   à 
defirer ,  comme  je  l'ai  remarqué  au  com- 
mencement de  cet  article. 

On  objectera  peut-être  que  la  différente 
denfité  de  l'eau  dans  les  différeus  climats  , 
formera  un  ob.ftacîe  à  cette  univerfalité. 
Il  eft  clair  cependant,  que  toutes  les  fois 
que  Von  fera  une  verge  qui  defeendra  de 
4  pouces  pour  8  grains  ,  on  aura  un  élec- 
trometre  qui  indiquera  à  très  peu-près  les 
mêmes  degrés  de  la  force  électrique  que 
le.  nôtre  j  car  quoique ,  dans  un  pays 
chaud  ,  une  pareille  verge  fût  un  peu  plus 
repouffée  ,  puifqu'elle  foroit  plus  jrofTe  que 
la  nôtre  ,  ce  feroit  d'une  quantité  fi  peu 
coniidérable ,  que  cette  répulfion  ne  pour- 
roit entrer  en  comparaifon  avec  celle  de 
la  plaque. 

Enfin  on  pourra  alléguer  encore  ,  que 
les  différentes  pofitions  de  Y  éleclrometre  par 
rapport  au  cadre  &  à  la  lanterne  ,  chan- 
geront fes  élévations  apparentes  ,  mais  il 
eft  toujours  facile  d'avoir  le  rapport  de  ces 
élévations  par  la  méthode  foivante.  Ayant 
placé  Véleclrometre  ,  &  arrangé  le  tout  , 
comme  pour  faire  des  expériences  ,  char- 
gez la  petite  plaque  de  cet  inftrument  de 
8  grains  ,  par  exemple  ,  &  voyez  de  com- 
bien de  degrés  fon  ombre  defeend  en  con- 
fëquence  for  le  cadre  }  la  fomme  de  ces. 
degrés  comparée  à  celle  qu'un  même  poids 
aura  fait  parcourir  à 'l'ombre  d'un  autre 
éleclrometre  for  lequel  on  aura  fait  la  même 
expérience  ,  donnera  le  rapport  précis  de 
leurs  élévations. 


U  E  L  E 

D'après    cette    defcription  de   Vélè#ro- 

metre  ,  &  de  la  manière  de  s'en  ièr\  ir ,  il 
pourra  paroître  à  quelques  perfomes  d'un 
ufage  peu  commode,  par  les  divefcfes  at- 
tentions qu'il  exige ,  &:  par  la  nécefliié 
où  l'on  eft  d'obfcurcir  ie  lieu  où  l'on  fait 
ces  expériences  ,  pour  pouvoir  juger  de 
fes  élévations  &  de  (es  abaiiièmens  :  mais 
fi  l'on  fait  attention  à  la  nature  de  l'élec- 
tricité ,  &  à  l'impofiïbilité  d'obierver  de 
près  ,  comme  je.  l'ai  dit,  les  divers  mou- 
vemens  des  corps  électriques ,  on  verra  que 
fi  cet  infiniment  a  quelque  chofe  d'em- 
barraflant  dans  fon  ufage  ,  c'eft  en  quelque 
façon  une  fuite  néceiîaire  de  la  nature  de 
la  force  électrique  qu'il  doit  mefurer. 

J'ai  fait  voir  au  commencement  de  cet 
article ,  que  de  tous  les  phénomènes,  des 
corps  électriques  la  répulfion  étoit  le  feul 
qui  fournît  un  moyen  fur  &  général  de 
niefûrér  la  force  de  l'électricité.  Cependant 
comme  il  y  a  des  cas  où  l'on  eft  indif- 
penfablement  obligé  d'employer  les  étin- 
celles ,  tels  que  ceux  ,  par  exemple  ,  où 
l'on  veut  ,  par  leurs  différentes  grandeurs  , 
juger  des  denfités  refpe&ives  du  fluide 
électrique  dans  les  corps  entre  lefquels  ces 
étincelles  partent  ,  je  crois  devoir  ajouter 
ici  la  defcription  d'une  efpece  de  fph'mcîc- 
rometre  ou  mefure-étincelles  ,  dont  je  me 
fers  ,  &  au  moyen  duquel  on  peut  être  à 
très-peu  près  fur  que  les  différentes  gran- 
deurs ou  forces  de  ces  étincelles  naiflènt 
uniquement  des  différentes  forces  de  l'é- 
lectricité ,  ce  qu'on  ne  peut  faire  en  les 
tirant  à  la  manière  ordinaire  :  car  félon 
cette  manière ,  on  peut  ,  quoique  l'élec- 
tricité refte  toujours  la  même  ,  on  peut , 
dis-je  ,  faire  partir  ces  étincelles  de  plus 
près  ou  de  plus  loin  ,  comme  je  l'ai  dit  , 
non  feulement  en  les  tirant  de  corps  de 
figures  &.  de  volumes  différens  ,  mais  en- 
core en  les  tirant  de  parties  plus  ou  moins 
lifl.es  de  la  furface  d'un  même  corps.  L'inf- 
trument  dont  je  viens  de  parler,  eft  cons- 
truit de  la  manière  fuivante. 

Dans  Hti  tube  de  verre  T  T  (  fig.  77.  ; 
recouvert  par  les  deux  bouts  de  deux  pla- 
ques PS,  PI,  fè  meut  librement ,  mais 
fans  jeu  ,  une  balle  de  métal  B  ,  adap- 
tée à  l'extrémité  d'une  verge  de  fer  quar- 
rée  W  ;  cette  verge  pàlfe  à  travers  un 


E  L  E 

trou  de  la  même  forme  ,  percé  dans  la 
plaque  PS ,  dans  lequel  elle  s'ajufte  par- 
faitement. On  voit  par  cette  dnpoiition  , 
qu'on  peut  bien  faire  mouvoir  la  baîle 
dans  le  tube  d'un  bout  vers  l'autre,  mais 
qu'on  ne  peut  lui  faire  prendre  d'autre 
mouvement.  Sur  l'extrémité  de  la  verge 
W ,  qui  déborde  la  plaque  P  S  ,  font 
marqués  des  degrés ,  afin  qu'on  puiffe  ju- 
ger de  la  diftance  où  la  balle  fe  trouve 
de  la  plaque  PI  :  on  pourroit  pour  une 
plus  grande  précifiou  ,  en  place  de  ces 
degrés  ,  adapter  à  l'extrémité  de  la  xerge 
une  vis  qui  feroit  la  fonction  du  micro- 
mètre. 

D'après  la  defcription  de  cet  infini- 
ment ,  il  eft  facile  de  concevoir  comment 
011  s'en  fert ,  &:  comment  il  remédie  aux 
inconvéniens  que  j'ai  fpécifiés  plus  haut* 
On  voit  en  premier  lieu  ,  qu'en  le  prenant 
par  le  tube  ,  &  le  faifànt  toucher  par  la 
plaque  PI  fur  le  corps  électrique  dont  011 
veut  tirer  une  étincelle  ,  cette  plaque 
s'éledlrife  au  même  degré  que  ce  corps, 
&.  qu'au  moyen  de  la  verge  VV ,  on  ap- 
proche graduellement  de  la  même  plaque 
la  balle  B  (  qu'on  en  tenoit  auparavant  fort 
éloignée  )  jufqu'à  ce  que  l'étincelle  parte. 
Or  cet  effet  arrivant  dans  Titillant  précis 
où  cette  balle  fe  trouve  à  la  diftance  re- 
quife  pour  qu'il  ait  lieu  ,  on  reconuoit  cette 
diftance  par  le  nombre  de  degrés  marqués 
fur  cette  verge.  On  voit ,  20.  que  ces  dis- 
tances ne  peuvent  venir  ici  que  de  la  dif- 
férence de  la  force  électrique  ,  parce  que 
l'étincelle  part  toujours  entre  les  mêmes 
corps  ,'  la  plaque  PI,  &  la  balle  B  ,  Se 
que  c'eft  toujours  des  mêmes  points  de  la 
balle  &  de  la  plaque  ,  puifque  cette  balle 
ne  pouvant  que  s'en  éloigner  ou.  s'en  ap- 
procher ,  les  différens  points  de  fa  furface 
inférieure  doivent  toujours  regarder  les 
mêmes  points  refpe&ifs  de  cette  plaque. 
(T) 

Il  ne  fera  pas  inutile  de  dire  aufiî  quel- 
ques mots  d'un  éhclrometre  fort  fimple  ,  qui 
eft  de  l'invention  de  M.  Daniel  Bernoulli  , 
&  duquel  j'ai  vu  ce  favant  faire  un  ufage 
très-heureux. 

Cet  infiniment  eft  un  fimple  pefe-liqueur, 
dont  le  corps  fubmergé  dans  l'eau  eft  de 
laiton  &  creux  ,  de  la  groftèur  d'un  œuf  j 

de 


E  L  E 

de  ce  corps  monte  une  flèche  graduée  , 
large  en  tous  fens  d'environ  une  ligne  : 
on  a  des  plaques  rondes  &  minces  de 
métal  qu'on  peut  mettre  au  bout  de  la 
flèche  ,  dans  une  pofition  horizontale  ; 
enfin  ,  il  y  a  au  bas  du  corps  plongé  un 
petit  crochet  pour  y  fufpendre  de  petits 
poids  afin  que  l'inflrument  plonge  dans 
l'eau  ,  jufqu'à  une  certaine  marque  de  la 
flèche.  Pour  faire  ufage  de  cet  électrometre , 
on  commence  par  iulpendre  au  conducteur 
une  grofîè  plaque  de  métal ,  épaifle  d'en- 
viron deux  lignes  ,  &  de  quatre  ou  cinq 
pouces  de  diamètre  ;  on  plonge  Yélectro- 
metre  dans  un  vafe  d'eau  ,  après  avoir  mis 
au  bout  de  la  flèche  une  petite  plaque 
mince  d'environ  deux  pouces  de  diamètre  ; 
on  met  ce  vafe  fur  une  table  ,  au  defibus 
de  la  plaque  fufpendue  au  conducteur ,  & 
à  une  dilîance  plus  ou  moins  grande  de 
cette  plaque  ,  comme  de  dix-huit  à  vingt 
pouces  ;  fi  après  cela  on  électrife  la  groflè 
plaque  ,  elle  attire  la  plaque  mince  de 
Y  électrometre  y  celui-ci  monte  ,  &  c'efl 
cette  élévation  qui  mefure  la  force  de 
¥  électricité.  M.  Bernoulli  a  appris  de  cette 
manière  plufieurs  nouvelles  propriétés  ;  par 
exemple  ,  en  appliquant  au  haut  de  la 
flèche  un  autre  rond  du  même  métal  & 
du  même  diamètre  ,  mais  trois  fois  plus 
épais  ,  il  lui  fallut  diminuer  le  poids  fuf- 
pendu  par  le  crochet  plongé  dans  l'eau  , 
&  il  remarqua  que  l'électricité  élevoit  Y  élec- 
trometre également  pour  la  plaque  mince , 
&  pour  l'autre  qui  étoit  trois  fois  plus 
épaifle  ;  cela  prouve  ,  à  ce  qu'il  fèmble , 
que  l'électricité  agit  Amplement  fur  les  fur- 
faces  ,  fans  entrer  dans  les  fubflances  des 
corps:  il  efl  remarquable  que  dans  tous 
les  aimans  artificiels  aflez  connus  ,  que 
faifoit  à  Baie  un  bon  artifte  nommé  Die- 
trich  ^  &  qui  étoient  très-difFérens  en 
grandeur  ,  mais  toujours  d'une  figure  fem- 
blable  ,  les  forces  de  ces  aimans  fe  iont 
toujours  trouvées  pareillement  proportion- 
nelles à  leurs  furfaces  ou  aux  racines  cubi- 
ques des  quarres  de  leurs  poids. 

Al.  Bernoulli  a  enfuite  diminué  la  dis- 
tance entre  les  deux  plaques  rondes ,  &  il 
nous  a  paru  que  les  attractions  étoient  r.r 
peu-près  en  raifon  réciproque  des  quarrc  s 
âçs  diflances  ;  cependant  en  approchait 
T*me  XII, 


E  L  E  6$ 

peu  à  peu  les  deux  plaques,  f attraction 
augmentoit  toujours  moins  ;  enfin  ,  après 
avoir  ceflë  d'augmenter ,  elle  commençoit 
à  diminuer  :  ce  réfultat  pouvoit  paroître 
furprenant ,  mais  ce  qui  l'explique  y  c'efl 
que  l'électricité  du  conducteur  diminuoit 
elle-même  par  l'approche  du  corps  non 
électrique  ,  favoir  de  Y  électrometre. 

On  peut  varier  ces  expériences  de  plu- 
fieurs  manières  ,  &  il  feroit  bon  que  quelque 
phyficien  qui  en  auroit  le  loifir  &  la  com- 
modité ,  voulût  en  prendre  la  peine. 
Suppofons  ,  par  exemple  ,  qu'on  ifole  le 
vafe  qui  renferme  Y  électrometre  :  en  ce 
cas  ,  le  conducteur  ne  perdra  rien  de  fon 
électricité ,  fi  on  defcend  peu  à  peu  la 
plaque  fufpendue  ,  mais  V électrometre  s'é- 
lectrifera  infenfiblement  lui-même  ;  l'attrac* 
tion  diminuera  &  fe  changera  enfin  en 
répulfion ,  &  il  fera  à  propos  d'obferver 
la  relation  qu'il  y  aura  entre  les  diflances  , 
les  attractions  &  les  répulfions. 

Je  fuppofe  encore  qu'on  ôte  la  plaque 
qui  tient  au  conducteur ,  en  ifolant  le  vafe 
de  Y  électrometre  &  en  y  conduifant  le 
conducteur  ;  alors  le  vafe  &  Y  électrometre 
feront  électrifés  ,  &  il  doit  arriver  que  la 
furface  de  l'eau  repoufTera  la  petite  plaque 
appliquée  à  Y  électrometre  y  &  que  cet  ins- 
trument s'élèvera  :  il  fera  encore  bon  ici 
de  remarquer  la  relation  entre  les  éléva-: 
tions  de  Y  électrometre  &  ,les  diflances  ini- 
tielles  de  la  petite  plaque  depuis  la  furface 
de  l'eau.  (/.  B.) 

*  Vélectrometre  de  MM.  d'Arcy  &  le 
Roy  ,  dont  nous  avons  parlé ,  a  été  adopté 
par  quelques  phyficiens  ,  mais  plufieurs 
l'ont  rejeté ,  l'ayant  trouvé  défectueux  Se 
peu  exact;  parmi  ces  derniers  fe  trouve 
l'abbé  Nollet ,  qui  afïùre  même  qu'il  n'efl 
pas  poffible  d'en  faire  un  bon.  Mais  ,  fi 
celui  de  MM.  d'Arcy  &  le  Roy  ne  fe 
rouve  pas  jufle  (  parce  qu'il  efl  trop  com- 
pofé  &  fujet  à  trop  de  frottement),  il 
oaroît  qu'il  n'efl  pas  impoffîble ,  en  fe 
èrvant  du  même  principe  qu'ils  ont  em- 
ployé pour  faire  le  leur  ,  d'en  trouver' 
n  d'abord  beaucoup  plus  Ample  &  par 
conlequent  beaucoup  plus  exact.  Celui 
iont  nous  allons  donner  la  defeription  , 
.1  ces  deux  qualités  :  il  efl  très-fimple  , 
X  M.  de  Saufiure  qui  en  cft  l'inventeur , 

I 


é6  E  L  E 

nous  affure  qu'il  l'a  toujours  trouvé  très- 
exact. 

Elecirometre  de  M.  de  SauJJure.  On 
prend  une  petite  planche  de  fapin  ,  qui 
doit  avoir  deux  pies  de  long  ,  fix  pouces 
de  large,  &  un  demi-pouce  d'épaiifeur  , 
fur  laquelle  on  colle  une  feuille  de  papier 
blanc.  On  prendra  une  verge  de  iaitcn 
parfaitement  cylindrique  ,  qui  auravauffi 
deux  pies  de  long  comme  la  planche  & 
une  demi-ligne  d'épaiifeur;  on  la  fixera 
fur  le  milieu  de  la  planche  iùivant  ts\ 
longueur.  Toute  la  longueur  de  cette 
planche  fera  divifée  eri  pouces  &  en 
quarts  de  pouces  ,  que'  l'on  aura  foin  de 
marquer  exactement  de  chaque  côté  de' 
la  verge. 

On  prendra  après  cela  un  fil  de  lin  , 
très-délié ,  le  plus  égal  qu'on  pourra  trouver 
&  qui  n'ait  pas  été  lavé  ;  on  lui  donnera 
la  même  longueur  qu'à  la  planche  ;  un  des 
bouts  fera  attaché  au  haut  de  la  verge  de 
laiton  ,  &  on  ajuitera  à  l'autre  bout  une 
petite  boule  de  liège  qui  ne  pefera  qu'un 
quart  de  grain. 

Cet  inftrument  ainfl  ajufté,  fe  placera 
au  milieu  de  la  chambre  avec  un  cordon 
de  foie  ,  qui  ira  d'une  paroi  à  l'autre  , 
auquel  on  le  pendra.  Alors  fi  en  établit 
avec  une  chaîne  une  communication  du 
conducteur  à  la  verge  de  laiton  ,  il  s'élec- 
crifera ,  de  même  que  la  boule  de  liège , 
qui  en  s'éloignant  de  la  planche ,  indiquera 
par  la  diftance  a  laquelle  elle  en  eft  ,  la 
Force  de  l'électricité 

Mais  afin  de  pouvoir  la  mefurer  avec 
plus  d'exactitude,  il  faut  marquer  un  endroit 
vis-à-vis  de  cet  infiniment  au  bas  &  à 
quatre  pies  de  la  planche ,  où  on  placera 
l'œil  ,  &  d'où  l'on  verra  à  quel  degré  la 
boule  répond  à  mefure  qu'elle  s'eleve  quand 
la  force  de  l'électricité  augmente  ,  &  d'où 
on  la  verra  s'abaiffer  dès  que  cette  force 
diminue ,  jufqu'à  ce  qu'enfin  le  fil  foit 
vertical  lorfque  l'électricité  fera  tout-à-fait 
diflipée.  (•+•) 

ElECTROMETRE  inventé  par 
M.  Lasse  >  jinglois.  Voyez  planche  II , 
fig.  4  9  fuppl'  des  planches. 

A.  Vaifléau  de  verre  cylindrique  de  fix    choc 
pouces  de  long ,  &  de  feize  de  circonfé- 
rence qu'on  a  fubftitué  au  globe. 


EL  E 

S.  La  roue  dont  chaque  révolution  en 
fait  faire  quatre  au  cylindre. 

C.  Le  conducteur. 

D.  Phiole  bouchée. 

E.  Fil  de  cuivre  qui  aboutit  à  une  plaque 
mince  fur  laquelle  pofe  la  phiole. 

F.  Pilier  de  ïe'le  chôme  tre  y  il  eft  de  bois 
&  vuidé  en  forme  de  cylindre  environ  les ^ 
deux  tiers  de  fa  longueur  :  on  le  rend 
électrique  en  le  failant  chauffer  dans  un 
lour ,  en  le  faifant  bouillir  dans  de  l'huile 
de  lin  ,  &  l'y  remettant  enfuit  .  Ce  pilier 
étoit  d'abord  de  cuivre  ,  &  il  me  réuflit 
allez  pour  divers  uiages  de  la  Médecine  , 
mais  l'ajTant  trouve  défectueux  à  quelques 
égards  ,  je  lui  en  ai  fuMrnué  un  de  bois. 

G.  Cylindre  de  cuivre  dont  le  bas  cfî 
enchâffé  dans  le  pilier. 

H.  Vis  qui  fert  à  l'arrêter. 

/.  Rainure  dans  laquelle  on  fait  couler 
la  vis  pour  hauffer  ou  bailler  X  élect'rometrt 
félon  la  hauteur  des  phioles. 

K.  L'hcmiiphere  de  cuivre  très-poli  qui 
tient  au  conducteur.. 

L.  Vis  d'acier  qui  pallè  par  le  haut  du. 
cylindre ,  dont  les  pas  font  éloignés  d'en* 
viron  -1*  de  pouce  l'un  de  l'autre. 

M.  Globe  de  cuivre  poli  qui  tient  à  1» 
vis  L  y  en  face  de  K  :  le  poli  de  K.  & 
déifié  détruit  lorfque  les  explofions  font 
fortes  ,  &  il  faut  les  repolir  lorfque  les 
expériences  demandent  de.  l'exactitude. 

N.  Echelle  dont  les  divifions  marquent 
les  tours  de  la  vis. 

O.  Plaque  circulaire  qui  fe  meut  avec 


la  vis  ,  &  dont  chaque  tour  répond  au*: 
divifions  de  l'échelle  :  elle  eft  divifée  en 
douze  parties  pour  marquer  celles  de  chaque 
tour. 

Voici  le  principe  félon  lequel  XéleBro-- 
mètre  agir ,  il  eft  très-limple.  La  phiole 
verniffée  devient  incapable  d'amailèr  & 
de  retenir  au  delà  de  la  quantité  de  fluide: 
électrique  qu'exige  L'expérience,  lorfqu'il  fe 
fait  une  communication  électrique  ou  non 
électrique  de  la  vis  H  au  fil  d'archal  E  de 
la  machine  ;  &  cette  quantité  efl  propor- 
tionnée à  la  diftance  de  K  &  de  M  f  au 
moyen  de  quoi  on  règle  l'explofion  &  le 


Par  exemple ,  fi  une  perfonne  tient  d'une 
t  main  un  fil  d'archal  attaché  à  la  vis  H s 


E  LE 

&  de  l'autre  un  autre  fil  d'archal  attaché 
à  la  gance  E  ,  il  n'éprouvera  aucun  choc, 
fi  K  &  Mk  touchent ,  quoique  le  vaifleau 
cylindrique  A  agilL  avec  beaucoup  de 
force.  Que  s'il  tourne  la  vis  L  ,  de  manière 
que  le  globe  M  Toit  éloigné  de  K  de  t!» 
de  pouce  ;  il  fentira  un  petit  coup  ,  & 
l'explofion  fe  fera  de  K  ou  M  :  li  K  & 
M  font  éloignés  d'un  pouce  ,  la  quantité 
du  fluide  électrique  lors  de  l'explofion  , 
augmentera  au  centuple.  Par  exemple  ,  il 
paroît  par  l'expérience  qu'on  a  faite,  que 
îi  l'explofion  fe  fait  après  quatre  tours  de 
la  roue  B  ,  lorfque  M  eft  éloigné  de  K  de 
A  de  pouce  ,  ou  d'un  tour  de  la  vis  ,  la 
même  chofe  arrivera  après  que  la  roue 
aura  fait  huit  tours  ,  ou  que  M  &  K  feront 
éloignés  de  /*  de  pouce  :  fi  K  &  M  font 
éloignés  de  trois  tours  de  la  vis  ,  la  roue 
•  en  aura  fait  douze  lors  de  l'explofion.  La 
même  chofe  arrivera  tant  que  la  diftance 
de  K  &  de  M  fera  égale  au  pouvoir  con- 
denfatif  de  la  phiole  ,  fans  que  la  matière 
s'épuite  :  cet  épuifecnent  a  lieu  lorfque  la 
phiole  eft  tellement  chargée  ,  qu'une  partie 
du  fluide  électrique  s'échappe  par  fon  ori- 
fice ou  par  le  condudeur  dans  l'air  ,  & 
fe  communique  à  un  corps  non  électrique: 
le  nombre  des  tours  de  la  roue  ,  lorique 
K  &cM  font  dans  les  diftances  que  j'ai  dit 
ci-defîus  ,  eft  plus  ou  moins  nombreux  , 
félon  la  température  de  l'air  ,  l'état  du 
vaiiîèau  cylindrique ,  celui  du  couflïnet 
contre  lequel  il  frotte  ;  &  celui  de  la  phiole. 

L'explofion  de  celle-ci  eft  moins  forte 
lorfque  l'air  eft  humide  ,  que  lorfqu'il 
cil  fec.  s  '  '. 

Moins  la  roue  fait  de  tours ,  plus  la 
machine  a  de  force;  on  peut  déterminer 
par- là  la  différence  qu'il  y  a  entre  deux 
machines. 

Un  fil  d'archal  vaut  mieux  en  général 
qu'une  chaîne ,  à  moins  qu'elle  ne  foit 
extrêmement  ferrée  ,  parce  que  le  fluide 
électrique  fe  perd  en  paflant  d'un  chaînon 
à  l'autre. 

On  fait  encore  par  expérience  que  la 
quantité  du  fluide  électrique  à  chaque 
explofion  ,  eft  proportionnée  à  la  furface 
du  vernis  ,  a  la  gro fleur  de  la  phiole ,  de 
même  qu'au  nombre  de  celles  qu'on  emploie. 
Par  exemple ,  fi  l'on  découvre  la  phiole   à 


E  L  E  €7 

moitié  de  chaque  côté  ,  l'explofion  fe  fera 
après  que  la  roue  aura  fait  la  moitié  moins 
de  tours  ;&  fi  l'on  emploie  au  lieu  delà 
phiole  D  ,  une  autre  phiole  dont  le  verre 
loit  couvert  du  double ,  la  roue  fera  une 
fois  plus  de  tours  :  la  même  chofe  arrivera 
fi  l'on  emploie  deux  phioles  '-ouvertes  en 
place  de  D  ;  fi  l'on  en  emploie  trois  ,  le 
nombre  des  tours  fera  triple.  {Cet  article 
efi  tiré  des  fournaux    Anglois.) 

ELECTUAIRE  ,  f.  m.  (Pharm.  )  LV- 
lecluaire  eft  une  composition  pharmaceu- 
tique ,  deftinée  à  l'ufage  intérieur ,  formée 
en  incorporant  une  ou  plufieurs  poudres 
avec  du  miel  ou  du  firop  ,  des  extraits  , 
des  pulpes  ,  des  gelées  ,  des  robs ,  des  con- 
ferves,  &  quelquefois  des  vins  doux. 

Les  élecluaires  font  foîides  ou  mous.  Les 
premiers  font  plus  connus  fous  le  nom  de 
tablettes  ,  &  il  eft  même  commode  de  les 
diftinguer  par  ce  nom  des  éUcluaires  mous. 
Voye\  TABLETTE.  Les  féconds  doivent 
être  d'une  confiftance  moyenne  entre  le 
firop  &  le  bol ,  &  fort  approchante  de 
celle  des  marmelades  de  fruits  bien  cuites  : 
c'eft  de  ceux-ci  que  nous  allons  parler  dans 
cet  article. 

UélecTuaire  eft  une  forme  de  médicament 
très-anciennement  employé  en  médecine. 
Galien  en  a  décrit  quelques-uns  ;  les  hiera  , 
les  confections  ,  la  thériaque  d'Andro- 
maque  ,  le  fameux  antidote  attribué  à  Mi- 
thriaate  ,  tous  remèdes  très-anciens,  font 
des  élecluaires. 

Mais  le  nom  même  à'élcauaire  neft  pas 
de  la  même  antiquité  que  l'ufage  du  re- 
mède auquel  nous  le  donnons  aujourd'hui  ; 
les  Grecs  &  les  Arabes  font  toujours  ap- 
pelle antidote  ,  quelque  vertu  médicinale 
particulière  qu'il  pofledât,  &  ils  en  ont 
préparé  afîurément  de  toutes  les  diverfès 
vertus  obfervées  ou  imaginées  dans  les  re- 
mèdes ,  de  roborans  ,  de  cordiaux  ,  de 
céphaliques  >  d'alexipharmaques ,  de  chola- 
gogues  ,  d'hydragogues  ,  de  panchyma- 
gogues  ,  d'emmenagogues ,  de  narcotiques, 
&c. 

JEYius  Aurelianus  a  employé  le  mot  élec- 
tuaire  ,  elecluarium  ;  mais  c'eft  un  remède 
delà  nature  de  notre  looch  ,  qu'il  a  dé- 
figné  par  ce  nom.     Voye\  LOOCH. 

Le  nombre  des  élecliuiires  a  été  pouflô 

I  2. 


68  ELE 

îufqu'à  un  excès  dont  l'ignorance  la  plus 
profonde  &  la  charlatnnerie  la  plus  impu- 
dente font  feuls  capables.  Le  leul  Myrep- 
fùs  nous  en  a  décrit  jufqu'à  cinq  cents  onze 
dans  fon  antidotaire.  Les  difciples  des  Ara- 
bes ne  firent  qu'enchérir  fur  la  prodigieufe 
fécondité  de  leurs  maîtres  ,  &  les  élec- 
tuaires  ne  ceflerent  de  fe  multiplier  jus- 
qu'au temps  où  la  chymie  s'empara  heu- 
reufement  de  la  pharmacie  ,  c'eft-à-dire  , 
jufqu'à  ce  qu'on  fût  en  état  de  découvrir 
&  de  démontrer  que  la  plupart  des  élec- 
tuaires  étoient  des  préparations  monf- 
trueufes ,  fouvent  inutiles  ,  quelquefois  dan- 
gereufes  ,  toujours  très-dégoûtantes  pour 
les  malades. 

En  effet  ,  YélecTuaire  a  d'abord  tous  les 
inconvénient  des  comportions  comme 
telles  :  le  plus  grand  de  ces  inconvéniens 
eft  celui  qui  dépend  de  l'action  chymique 
ou  menftruelle  de  certains  ingrédiens  les 
uns  fur  les  autres  ;  action  qui  détruit  leurs 
▼ertus  refpeclives.  (  V.  COMPOSITION  , 
Mélange  ,  Formule.  )  Or  ce  défaut 
doit  d'autant  plus  décréditer  tous  les  élec- 
tuaires  anciens  ,  que  leurs  auteurs  n'a- 
voient  aucun  fecours  pour  l'éviter.  Secon- 
dement,  la  confiflance  de  quelques  -  uns 
eft  telle  que  ces  remèdes  font  expofés  à  un 
mouvement  de  fermentation  qui  dénature 
tous  leurs  ingrédiens.  Cet  inconvénient  a 
paffé  pour  un  bien  dans  quelques  têtes , 
nous  lui  devons  en  effet  la  vertu  de  la 
thériaque  vieille  :  mais  11  le  hafard  nous  a 
bien  fèrvi  à  cet  égard  ,  car  un  produit  utile 
de  la  fermentation  de  cent  drogues  cil  un 
vrai  préfent  du  hafard  ,  iL  nous  a  nui  dans 
tous  les  autres  cas.  Un  tlectuaire  qui  a  fer- 
menté ,  eft  regardé  par  les  connoiffeurs 
comme  un  élecluaire  perdu  ;  &  voilà  pour- 
quoi la  confection  hamech  ,  par  exemple  , 
telle  qu'elle  efl  décrite  dans  la  pharma- 
copée de  Paris,  qui  par  fa  conîiiiance  , 
doir  neceflairement  fermenter ,  efl  une 
préparation  défectueufe.  Troifiémement  , 
la  difficulté  de  faire  avaler  à  des  malades 
une  once  d'un  remède  auffi  dégoûtant 
qu'un  ihchiaire ,  doit  être  comptée  pour 
beaucoup,:  or  c'eft-là  la  dofè  ordinaire  de 
ee  remède  ;  &  ne  fût-elle  que  de  deux 
gros,  comme  c'eft  en  effet  celle  de  quel- 
ques-uns y  Iêl  tourment  d'ayalei;  deux  gro*. 


ELE 

8  élecluaire  doit  être  épargné  à  un  malade, 
s'il  eft  pofïîble. 

Non  feulement  les  Pharmaciens  devenus 
chymiftes  arrêtèrent  le  débordement  des 
élecluaires  ,  mais  même  ils  entreprirent 
de  réformer  ceux  qui  étoient  le  plus  en 
ufàge.  Zwelfer  chez  les  Allemands  ,  le 
Fevre  >  Charas ,  Lémery  ,  chez  les  Fran- 
çois ,  fe  font  fur-tout  diftingués  par  ce 
projet.  Je  n'appelle  le  travail  de  ces  auteurs 
que  projet,  ou  tentative  ;  parce  que,  foit 
qu'ils  n'aient  pas  affez  ofé  contre  l'auto- 
rité de  la  véritable  antiquité,  &  l'opinion 
unanime  des  médecins  de  leur  temps  ;  foit 
que  les  lumières  de  leur  fiecle  ne  fufTent 
pas  encore  fuffifantes  pour  produire  une 
réforme  complète  ;  foit  qu'il  fût  en  effet 
impoflible  de  faire  un  bon  remède  d'un 
élecluaire ,  on  peut  avancer  que  les  élec- 
maires  corrigés  de  ces  auteurs  font  en- 
core des  remèdes  allez  imparfaits. 

Il  me  femble  donc  que  tout  confidéré5, 
on  peut  propofer  de  lupprimer  tous  les 
élecîuaires ,  au  moins  de  n'en  retenir  que 
le  petit  nombre  qui  font  le  moins  impars 
faits  ,  tels  que  le  diafeordium ,  le  diaprum,, 
le  lénitif ,.  &  le  catholicon  double  ,  &c 
Voye\  Us  articles  particuliers. 

Quand  on  veut  faire  un  élecluaire  ,  on 
commence  par  préparer  la  poudre  félon  l'art: 
(  Vojei  POUDRE  );  enfuite  fi  elle  ne 
doit  être  unie  qu'à  du  miel  ou  à  un.  iirop  r 
on  n'a  qu'à  la  mêler  avec  foin  au  miel: 
écume  (  Voye\  Ml  EL.)  y  ou  au  firop  qu'on 
a  préparé  d'autre  part  (  Voye\  SlROP.  ) 
Pour  cela  ,  on  la  répand  à  diverfesreprifes 
&  peu  à  peu  avec  un  tamis ,  &  on  l'in- 
troduit dans  le  miel  ou-  dans  le  firop  ,  en< 
brajfanttwec  un  biftortier.  S'il  doir  entrer 
dans  la  compofition  de  Y  élecluaire  des 
pulpes  ,  des  extraits,  des  robs  ,  Ùc.  on- 
Relaie  ces  matières  avec  une  partie  du  firor>- 
ou  du  miel  encore  chaud  ,  on  incorpore  les 
poudres  de  la  manière  que  nous  venons  ds 
dire,  &  on  ajoute  enfin  le  refte  du  firop^ 
ou  du  miel.  Les  vins  s'emploient  à -peu.' 
près  de  la  même  façon  que  les  firops  &  le 
miel  ,  &  quelquefois  mêlés  enfemble.  Oat! 
peut  s^en  fervir  auffi  pour  diiïbudre  cer- 
taines matières  peu-propres  à  être  réduites 
en  poudre  ,  comme  les  fucres  épaifiïs  qui  en- 
trent dans  la  thériaque.  V.  TttÉRIAOUE* 


E  L  E 

Tous  ces  mélanges  fè  font  à  froid  ,  ou 
fur  un  feu  très-léger  dans  quelques  cas.  V. 
les  exemples  particuliers. 

Il  n'y  a  qu'une  feule  loi  pour  la  perfec- 
tion de  Yélecluaire  ,  c'eft  que  les  poudres 
doivent  être  répandues  très-uniformément, 
en  forte  que  Yélecluaire  ne  foit  pas  graine 
ou  grumelé  ;  on  voit  de  quelle  conféquence 
il  eft  qu'on  ne  trouve  pas  dans  une  cer- 
taine portion  d'un  élecluaire  purgatif  de 
petits  amas  de  poudre  compofée  ordinaire- 
ment des  purgatifs  les    plus  violens. 

N<jus  n'avons  parlé  jufqu'à  préfent  que 
des  élecluaires  officinaux  ;  on  en  prépare 
aufîî  de  magiftraux  ,  mais  qui  font  plus 
connus  fouslenom  à'opiate.  V.  OPIATE. 

ÉLÉGANCE,  f.  f.  (Belles-Lettres.) 
ce  mot  vient ,  félon  quelques-uns ,  iïélec- 
tus ,  choifi  ;  on  ne  voit  pas  qu'aucun 
autre  mot  latin  puiffe  êtrefon  étymologie  : 
en  effet ,  il  y  a  du  choix  dans  tout  ce 
qui  eft  élégant.  Inélégance  eft  un  réfultat 
de  la  jufteffe  &,  de  l'agrément.  On  em- 
ploie ce  mot  dans  la  fculpture  &  dans  la 
peinture.  On  oppofoit  elegans  jignum  à 
Jignum  rigens  ,*  une  figure  proportionnée  , 
dont  les  contours  arrondis  étoient  expri- 
més avec  mollefie ,  à  une  figure  trop  roide 
&  mal  terminée.  Mais  la  févérité  des  pre- 
miersRomains  donna  à  ce  mot  elegantia  , 
un  fens  odieux,  lis  regardoient  Y  élégance 
en  tout  genre  ,  comme  une  afféterie  , 
comme  une  politefTe  recherchée  ,  indigne 
de  la  gravité  des  premiers  temps  :  pitié  y 
non  laudis  fuit  9  dit  Aulu-Gelie.  Us  ap- 
pelaient un  homme  élégant ,  à  -  peu  -  près 
ce  que  nous  appelions  aujourd'hui  un 
petite-maître  ,  bellus  homuncio ,  &  ce  que 
les  Anglais  appellent  un  beau.  Mais  vers 
îe  temps  de  Cicéron ,  quand  les  mœurs 
eurent  reçu  le  dernier  degré  de  politefTe , 
élégant  étoit  toujours  une  louange.  Cicéron 
fe  fert  en  cent  endroits  de  ce  mot  pour 
exprimer  un  homme,  un  difeours  poli;  on 
dilbit  même  alors  un  repas  élégant ,.  ce  qui 
ne  fe  diroit  guère  parmi  nous.  Ce  terme 
eft  confacré  en  françois  ,  comme  chez  les 
anciens  Romains  ,  à  la  fculpture  ,  à  la 
peinture  ,  à  l'éloquence  ,  &  principalement 
à  la  poélie.  Il  ne  lignifie  pas  en  peinture 
&  en  fculpture  précifément  la'  même  choie- 


E  L  E  é$ 

que  grâce.  Ce  terme  grâce  fe  dit  particu- 
lièrement du  vifage ,  &  on  ne  dit  pas  un 
vifage  élégant ,  comme  des  contours  élé- 
gans  :  la  raifon  en  eft  que  la  grâce  a  tou- 
jours quelque  chofe  d'animé  ;  &  c'eft  dans 
le  vifage  que  paroît  l'ame  ;  ainfi  on  ne 
dit  pas  une  démarche  élégante ,  parce  que 
la  démarche  eft  animée. 

"L'élégance  d'un  difeours  n'eft  pas  l'élo- 
quence ,  c'en  eft  une  partie  ;  ce  n'eft  pas 
la  feule  harmonie  ,  le  fêul  nombre  ,  c'eft  la 
clarté ,  le  nombre  &:  le  choix  des  paroles, 
Il  y  a  des  langues  en  Europe  dans  les- 
quelles rien  n'eft  fi  rare  qu'un  difeours 
élégant.  Des  terminaifons  rudes ,  des  con- 
fbnnes  fréquentes  ,  des  verbes  auxiliaires, 
nécefïairement  redoublés  dans  une  même 
phrafe  ,  ofïènfent  l'oreille  même  des  natu- 
rels du  pays. 

Un  difeours  peut  être  élégant  fans  être 
un  bon  difeours  ,  Y  élégance  n'étant  en  effet 
que  le  mérite  des  paroles  ;  mais  un  diicours 
ne  peut  être  abfolument  bon  fans  être 
élégant. 

U  élégance  eft  encore  plus  néceftaire  à  la 
poéfie  que  l'éloquence,  parce  qu'elle  eft 
une  partie  principale  de  cette  harmonie  11 
néceffaire  aux  vers.  Un  orateur  peut  con- 
vaincre, émouvoir  même  fans  élégance ,  fans 
pureté ,  fans  nombre.  Un  poème  ne  peur 
faire  d'effet  s'il  n'eft  élégant  :  c'eft  un  des 
principaux  mérites  de  Virgile  :  Horace  eft 
bien  moins  élégant  dans  Yes  fatyres  ,  dans 
fes  épîtres  ;  aufli  eft-if  moins  poète  ,  fer-- 
moni  propior. 

Le  grand  point  dans  la  poélie  &  dans 
l'art  oratoire  ,  eft  que  Y  élégance  ne  fafïe 
jamais  rorràla  force  ;&  le  poè'teen  cela, 
comme  dans  tout  le  refte  ,  a  de  plus  gran- 
des difficultés  à  furmonter  que  l'orateur  : 
car  l'harmonie  étant  la  bafe  de  fon  art,  il 
ne  doit  pas  fe  permettre  un  concours  de 
fyilabes  rudes.  Il  faut  même  quelquefois  fa- 
crifier  un  peu  de-  la  penfée  à  Y  élégance  de 
l'expreffion"  :  c'eft  une.  gêne  que  l'orateur 
n'éprouve  jamais. 

Il  eft  à  remarquer  que  fi  Y  élégance  a* 
toujours  l'air  facile,  tout  ce  qui  a  cet  air 
facile  &  naturel ,.  n'eft  cependant  pas-  élé- 
gant. Il  n'y  a  rien  de  fi  facile  ,.  de  fi-  na- 
turel que,  la  cigale  ayant  chanté  tout  l'été  r 
&. j,  maître  corbeau  fur  un  arbre  perché. ■ 


7*  E  L  E 

Pourquoi  cts  morceaux  manquent-ils  $  élé- 
gance ?  c'efl  que  cette  naïveté  eft  dépour- 
vue de  mots  choifis  &  d'harmonie.  Amans 
heureux  ,  voulez-vous  voyager  ?  que  ce/oit 
aux  rives  prochaines  ;  &  cent  autres  traits, 
ont  avec  d'autres  mérites  celui  de  ¥  élé- 
gance. 

On  dit  rarement  d'une  comédie  qu'elle 
eft  écrite  élégamment.  La  naïveté  &  la 
rapidité  d'un  dialogue  familier  ,  excluent 
ce  mérite  ,  propre  à  toute  autre  poéfie. 
U  élégance  fembleroit  faire  tort  au  comique: 
on  ne  rit  point  d'une  chofe  élégamment 
dite;  cependant  la  plupart  des  vers  de  l'Am- 
phitrion  de  Molière  ,  excepté  ceux  de  pure 
plaifanterie  ,  font  élégans.  Le  mélange  des 
dieux  &  des  hommes  dans  cette  pièce 
unique  en  fon  genre ,  &  les  vers  irrégu- 
liers qui  forment  un  grand  nombre  de  ma- 
drigaux ,  en  font  peut-être   la  caufe. 

Un  madrigal  doit  bien  plutôt  être  élé- 
gant qu'une  épigramme  ,  parce  que  le  ma- 
drigal tient  quelque  chofe  des  fiances  ,  & 
que  l'épigramme  tient  du  comique  ;  l'un 
eft  fait  pour  exprimer  un  fentiment  délicat, 
&  l'autre   un  ridicule. 

Dans  le  fublime  ,  il  ne  faut  pas  que 
Yélégance  fe  remarque  ,  elle  l'afToibliroit. 
Si  on  avoit  loué  Yélégance  du  Jupiter- 
Olympien  de  Phidias  ,  c'eût  été  en 
faire  une  fatyre.  Inélégance  de  la  Vénus 
de  Praxitèle  pouvoit  être  remarquée.  V. 
Eloquence ,  Eloquent ,  Style  , 
GOUT  ,  &c.  Cet  article  ejï  de  M.  de 
Voltaire. 

Nous  allons  en  joindre  un  de  M.  Mar- 
montel  fur  le  même   mot. 

'L'élégance  du  ftyle  fuppofe  l'exactitude  , 
la  juftefle  &  la  pureté  ,  c'efl-à-dire  ,  la 
fidélité  la  plus  févere  aux  règles  de  la 
langue  ,  au  fens  de  la  penfée  ,  aux  loix 
de  l'ufage  &  du  goût ,  accord  d'où  réfulte 
la  correction  du  ftyle  ;  mais  tout  cela 
contribue  à  Yélégance  &  n'y  fuffit  pas. 
Elle  exige  encore  une  liberté  noble ,  un 
air  facile  &  naturel,  qui,  fans  nuire  à  la 
correction ,  en  déguife  l'étude  &  la  gêne. 
Le  ftyle  de  Defpréaux  eft  correct.  ,  celui 
de  Racine  &  de  Quinault  eft  élégant. 
«  \J  élégance  confifte  ,  dit  l'auteur  des 
*>  Synonymes  François ,  dans  un  tour  de 
v  penfée  noble   &  poli ,  rendu   par  des 


E  L  E 

»  cxpreflîons  châtiées ,  coulantes  &  gra- 
»  cieufes  à  l'oreille.  »  Difons  mieux  :  c'efl 
la  réunion  de  toutes  les  grâces  du  ftyle  , 
&  c'efl:  par-là  qu'un  ouvrage  relu  fans  ceiTe, 
eft  fans  celle  nouveau. 

La  langueur  &  la  molleiTe  du  ftyle  font 
les  écueils  voifins  de  Yélégance  ,•  &  parmi 
ceux  qui  la  recherchent  ,  il  en  eft  peu  qui 
les  évitent  :  pour  donner  de  l'ailànce  à 
l'expreffion  ,  ils  la  rendent  lâche  &  diffùfe  ; 
leur  flyle  eft  poli ,  mais  efféminé.  La  pre- 
mière caufe  de  cette  foiblefle  eft  dans  la 
manière  de  concevoir  &  de  fentir.  Tout 
ce  qu'on  peut  exiger  de  Yélégance  ,  c'efl: 
de  ne  pas  énerver  le  fentiment  ou  la  penfée  , 
mais  on  ne  doit  pas  s'attendre  qu'elle  donne 
de  la  chaleur  ou  de  la  force  à  ce  qui  n'en 
a  pas. 

Le  point  effentiel  &  difficile ,  eft:  de 
concilier  Yélégance  avec  le  naturel.  L' élé- 
gance fuppofe  le  choix  de  l'exprefllon  : 
or  ,  le  moyen  de  choifir  ,  quand  l'expref- 
fion naturelle  eft  unique  ?  Le  moyen 
d'accorder  cette  vérité  ,  ce  naturel ,  avec 
toutes  les  convenances  des  mœurs  ,  de 
l'ufage  &  du  goût  ;  avec  ces  idées  factices 
de  bienféances  &  de  nobleffe  qui  varient 
d'un  fiecle  à  l'autre  ,  &  qui  font  loi  dans 
tous  les  temps  ?  Comment  faire  parler 
naturellement  un  villageois ,  un  homme  du 
peuple ,  fans  blefler  la  délicatefTe  d'un 
homme  poli ,  cultivé  ? 

C'efl-là  fans  doute  une  des  plus  grandes 
difficultés  de  l'art  ,  &  peu  d'écrivains  ont 
fu  la  vaincre.  Toutefois  il  y  en  a  deux 
moyens  :  le  choix  des  idées  &  des  chofes , 
&  le  talent  de  placer  les  mots.  Le  flyle 
n'efl  le  plus  fouvent  bas  &  commun  que 
par  les  idées.  Dire  comme  tout  U  monde, 
ce  que  tout  le  monde  a  penfé  ,  ce  n'efl 
pas  la  peine  d'écrire  ;  vouloir  dire  des 
chofes  communes  d'une  façon  nouvelle  , 
&  qui  n'appartienne  qu'à  nous ,  c'efl  courir 
le  rifque  d'être  précieux  ,  affecté  ,  peu 
naturel  ;  dire  des  chofes  que  nous  avons 
tous  confufément  dans  l'ame  ,  mais  que 
perfonne  n'a  pris  foin  encore  de  démêler  , 
d'exprimer  ,  de  placer  à  propos  ;  les  dire 
dans  les  termes  les  plus  fimples ,  &  en 
apparence  les  moins  recherchés  ,  c'efl:  le 
moyen  d'être  à  la  fois  naturel  &  in- 
génieux. 


ELE 

Le  fage  efi  ménager  du  temps  Ù  des 

paroles. 

Qui  ne  l'eût  pas  dit  comme  la  Fontaine? 
Qui  n'eût  pas  dit  comme  lui. 

Qu'un    ami    véritable    efi   une    douce 

chofe  ; 
Qu'il  cherche  nos  befoins  au  fond  de 

notre  cceur  î 

ou  plutôt  qui  l'eût  dit  avec  cette  vérité  fi 
touchante  ? 

Le  moyen  le  plus  sûr  d'avoir  un  ftyle 
à  foi,  ce  feroit  de  s'exprimer  comme  la 
nature ,  &  le  poëte  que  je  viens  de  citer 
en  eu  la  preuve  &  l'exemple  ;  mais  fi  le 
vrai  feul  efi  aimable  ,  il  faut  avouer  qu'il 
ne  l'efl  pas  toujours.  Il  efi  donc  important 
de  choifir  dans  la  nature  des  détails  dignes 
de  plaire  ,  &  dont  l'expreiHon  naïve  & 
fimple  n'ait  rien  de  groflier  ni  de  bas  : 
par  exemple,  tout  ce  qu'on  peint  des  mœurs 
des  villageois  doit  être  vrai  fans  être  dégoû- 
tant ;  &  il  y  a  moyen  de  donner  à.  ces 
détails  de  la.  grâce  &  de-  la  noblefîè. 

Il  en  eu  du  moral  comme  du  phyfique  ; 
&  fi  la  nature  efl  choifie  avec  goût  ,  les 
mots  qui  doivent  l'exprimer  ,  feront  décens 
&  gracieux  comme  elle.  L'art  de  placer  ,. 
d'aflbrtir  les  mots ,  de  les  relever  l'un  par 
l'autre  ,  de  ménager  à  celui  qui  manque 
de  clarté,  de  couleur,,  de  noblefîè  ,  le 
tfeflet  d'un  terme  plus  noble  ,  plus  lumi- 
neux ,  plus  coloré  ,  cet  art ,  dis-je  ,  ne 
peut  fe  preferire  ;  c'eft  l'étude  de  l'exercice 
qui  le  donne  ,  fécondé  du  talent  ,  fans 
lequel  l'exemple  efl  infructueux ,  &  le  travail 
même  inutile.. 

On  demande  pourquoi  il  efl  des  auteurs 
dont  le.  ftyle  a  moins  vieilli  que  celui  de 
leurs  contemporains  ;  en  voici  la  caufe  : 
il  efl  rare  que  ï'ufage  retranche  d'une  langue 
les  termes  qui  reunifTent  l'harmonie  ,  le 
coloris  &  la  clarté  :  quoique  bizarre  dans 
tes  dédiions,  Ï'ufage  ne  lailîe  pas  de  prendre 
affez  fouvent  confeil  de  l'efprit,  &  fur- 
tout  de  l'oreille  :  on  peut  donc  compter 
afîèz  fur  le  pouvoir  du  fentiment.  &  de 
la  raifon  pour  garantir  qu'à  mérire  égal , 
celui  des  poètes  qui  dans  le.  choix   des 


ELE  71 

termes  aura  le  plus  d'égard  à  la  clarté  , 
au  coloris ,  à  l'harmonie  ,  fera  celui  qui 
vieillira  le  moins. 

Un  fort  oppofé  attend  ces  écrivains  qui 
s'empreffent  à  iaifir  les  mots  dès  qu'ils 
viennent  d'éclore  &  avant  même  qu'ils 
foient  reçus.  Ces  mots  que  la  Bruyère 
appelle  aventuriers  9  qui  font  d'abord 
quelque  fortune  dans  le  monde ,  &  qui 
s'éclipfent  au  bout  de  flxmois ,  font  dans 
le  ftyle  ,  comme  dans  les  tableaux  ces  cou- 
leurs brillantes  &  fragiles ,  qui  après  nous 
avoir  féduits  quelque  temps  ,  noircilfene 
&  font  une  tache.  Le  fecret  de  Pafcal  eft 
d'avoir  bien  choifi  Ces  couleurs. 

Le  dictionnaire  d'un  écrivain  ,  ce  font 
les  poètes  ,  les  hiftoriens  ,.  les  orateurs  qui. 
ont  excellé  dans  l'art  d'écrire.  C'efr-là. 
qu'il  doit  étudier  les  fineffes  ,  les  délica- 
tefîês  ,  les.  richeffes  de  fa  langue  ;  non 
pas  à  mefare  qu'il  en  a  befoin ,  mais  avant 
de  prendre  la  plume  ;  non  pas  pour  le 
faire  un  ftyle  des  débris  de  leurs  phrafes 
&  de  leurs  vers  mutilés  ,  mais  pour  faifir 
avec  précifion.le  fens  des  termes  &  leurs 
rapports.,  leur  oppofition  ,  leur  analogie  , 
leur  caractère  &  leurs  nuances  ,  l'étendue 
&  les  limites  des  idées  qu'on  y  attache  , 
l'art  de  les  placer  ,.  de  les  combiner  ,  de 
les  faire  valoir  l'un  par  l'autre  ,  en  un  mot 
d'en  former  un  tiffu  où  la  nature  vienne 
fe  peindre  >.  comme  fur  la  toile  ,  fans  que 
l'art  paroiffe  y  avoir  mis  la  main.  Pour 
cela  ce  n'efl  pas  affez  d'une  lecture  indo- 
lente &  fuperflcielle  ,.  il.  faut  une  étude 
ferieufe  &  profondément  réfléchie.  Cette 
étude  feroit  pénible  autant  qu'ennuyeufe 
fi  elle  é.toit  ifolée  ;  mais  en  étudiant  les 
modèles  on  étudie  tout  l'art  a  la  fois,  & 
ce  qu'il,  y  a  de  fec  &  d'abftrait  s'apprend 
fans  qu'on  s'en  apperçoive  ,  dans  le  temps 
même  qu'on  admire  ce  qu'il  a  de  plus 
raviffant. 

ÉLÉGANCE  ,  (Peinture.)  L'élégance  en 
peinture ,  coniifte  principalement  dans  la 
beauté  du  choix ,,  &  la  délicateffe  de  l'exé- 
cution :  c'efl  donc  une  manière  d'être  qui 
embellit  les  objets  ou  dans  le  deflîn  ou  dans 
la  forme  ,  ou  dans  la  couleur ,  ou  dans  tous 
les  trois  enfemble  ,  fans  en  détruire  le 
vrai.  Heureux  préfent  du  ciel,  qu'on  tient 
de  la  naifTançc  3  &  qui  ne  dépend  ni  des 


7i  ELE 

maîtres  ni  des  préceptes  !  Le  goût  naturel 
donne  Y  élégance  aux  ouvrages  de  l'artifle, 
le  goût  la  fait  fentir  à  l'amateur. 

Cette  partie  de  la  peinture  brille  admi- 
rablement dans  l'antique  &  dans  Raphaël. 
N'imaginons  pas  néanmoins  ,  par  cette 
raifon  ,  qu'elle  foit  nécefTairement  fondée 
fur  la  correction  du  deilîn ,  &  qu'elle  lui 
foit  toujours  fubordonnée  ;  elle  peut  fe 
trouver  éminemment  dans  des  ouvrages 
qui  font  d'ailleurs  négligés.  Elle  fe  trouve 
par  exemple  ,  dans  la  plupart  des  tableaux 
du  Correge  ,  où  ce  célèbre  maître  pèche 
fouvent  contre  la  jufteffe  des  proportion  > , 
tandis  que  dans  ces  mêmes  tableaux  il  fe 
montre  par  (es  contours  coulans  ,  légers 
&  fmueux  ,  un  peintre  plein  de  grâces  & 
&  élégance.  Voye\  Correge ,  au  motEcQLE 
Lombarde. 

Cependant  celui  qui  joint  Y  élégance  3  la 
correction  ,  attache  encore  davantage  par 
cette  perfection  nos  avides  regards.  Un 
peintre  de  cet  ordre  élevé  notre  elprit  , 
après  l'avoir  agréablement  étonné  ,  remplit 
notre  attente  ,  &  touche  prefqu'au  fublime 
de  l'art,  article  de  M.  le  Chevalier  de 
J AU COURT. 

ELEGIAQUE,  adj.  {Belles-Lettres.) 
fe  dit  de  ce  qui  appartient  à  l'élégie  ,  & 
s'applique  plias  particulièrement  à  l'efpece 
de  vers  qui  entroient  dans  l'élégie  des 
anciens  ,  &  qui  confritoient  dans  une  fuite 
de  çliitiques  formés  d'un  hexamètre  &  d'un 
pentamètre.  Voye\  les  mots  ÉLÉGIE  , 
Distique  ,  &c. 

Cette  forme  de  vers  a  été  en  ufage  de 
très-bonne  heure  dans  les  élégies,  &  Ho- 
race dit  qu'on  en  ignore  l'auteur. 

Quis    tamen    exiguos    elegos    emlferit 

auclor 
Grammatici  certant,  &  adhuc  fub  judice 

lis  efl. 

Il  avoit  dit  auparavant  que  la  forme  du 
diftique  avoit  d'abord  été  employée  pour 
exprimer  la  plainte ,  &  qu'elle  le  fut  enfuite 
auffi.  pour  exprimer  la  fajisfaction  &  la  joie; 

Verfibus  impariter  junclis  queerimonia 

primhm , 
pofl  etiam    inclufa  efl   voti  fententia 

çompos, 


ELE 

Sur  quoi  nous  propofons  aux  favans  les 
queftions  fuivantes  :  i°.  Pourquoi  les  an- 
ciens avoient-ils  pris  d'abord  cette  forme 
de  vers  pour  les  élégies  trilles  ?  Eil-ce  parce 
que  l'uniformité  des  diftiques ,  les  repos 
qui  fe  fuccedent  à  intervalles  égaux  ,  & 
l'efpece  de  monotonie  qui  y  règne ,  ren- 
doient  cette  forme  propre  à  exprimer  l'a- 
battement &  la  langueur  qu'infpire  la  trif- 
tefîe  ?  2°.  Pourquoi  ces  mêmes  vers  ont- 
ils  enfuite  été  employés  à  exprimer  les  fen- 
timens  d'une  ame  contente  ?  Seroit-ce 
que  cette  même  forme  ,  ou  du  moins  le 
vers  pentamètre  qui  y  entre ,  auroit  une 
lorte  de  légèreté  &  de  facilité  propres  à 
exprimer  la'  joie  ?  feroit-ce  qu'à  mefure 
que  les  hommes  le  font  corrompus  ,  l'ex- 
preffion  des  fentimens  tendres  &  vrais  efl 
devenue  moins  commune  &  moins  rou-, 
chante ,  &  qu'en  conféquence  la  forme  des 
vers  confacrés  à  la  trifteffe ,  a  été  em- 
ployée par  les  poètes  (  bien  ou  mal-à-pro- 
pos )  à  exprimer  un  fentiment  contraire  , 
par  une  bizarrerie  à-peu-près  femblable  à 
celle  qui  a  porté  nos  muficiens  modernes 
à  compofer  des  fonates  pour  la  flûte  ,  ins- 
trument dont  le  caractère  fembloit  être 
d'exprimer  la  tendreffe  &  la  trifteffe?  (O) 
M.  Marmontel  nous  a  communiqué  fur 
ce  fujet  les  réflexions  fuivantes.  L'inéga- 
lité des  vers  élégiaques  les  diftingue ,  dit- 
il  ,  des  vers  héroïques  ,  dont  la  marche 
foutenue  caractérife  la  majeflé  : 

Arma  y  gravi  numéro  y  violentaque  beïïa 

parabam 
Edere  P  materiâ  conveniente  modis. 
Par  erat  infçrior  verfus  :    rijijfc    Cu- 

pido 
Dicitur  y  atque  unum  fubripuijfe  pedem. 
Ovid.  Am.  lib,  tel.    z. 

Mais  comment  cette  mefure  pouvoit-elle 
peindre  également  deux  affections  de  l'ame 
oppofées  ?  c'efl  ce  qui  cft  encore  fenfible 
pour  nos  oreilles,  continue  M.  Marmontel, 
malgré  l'altération  de  la  profodie  latine 
dans  notre  prononciation. 

La  trilreffe  &  la  joie  ont  cela  de  com- 
mun ,  que  leurs  mouvemens  font  inégaux 
&  fréquemment  interrompus  ;  l'un  &  l'au- 
tre fufpendçnt    la  refpiration  ,  coupent  la 

voix* 


E  L  E 

voix  ,  rompent  la  mefure  :  l'une  s'afToiblit , 
expire  &  tombe  ;  l'autre  s'anime,  trefîaille 
&  s'élance.  Or  le  vers  pentamètre  a  cette 
propriété ,  que  Tes  interruptions  peuvent 
être  ou  des  chûtes  ou  des  élans,  fuivant 
l'exprefïzon  qu'on  lui  donne  :  la  mefure  en 
eft  donc  également  docile  à  peindre  les 
mouvemens  de  la  trifleffe  &  de  la  joie. 
Mais  comme  dans  la  nature  les  mouve- 
mens de  l'une  &  de  l'autre  ne  font  pas 
auffi  fréquemment  interrompus  que  ceux 
du  vers  pentamètre ,  on  y  a  joint ,  pour  les 
fùfpendre  &  les  foutenir,  la  mefure  ferme 
du  vers  héroïque  :  delà  le  mélangé  alter- 
natif de  ces  deux  vers  dans  l'élégie. 

Cependant  le  pathétique  en  général  fe 
peint  encore  mieux  dans  le  vers  ïambe , 
dont  la  mefure  fimple  &  variée  approche 
de  la  nature  ,  autant  que  l'art  du  vers  peut 
en  approcher  ;  &  il  eft  vraifemblable  que 
fi  ce  vers  n'a  pas  eu  la  préférence  dans  le 
genre  éléglaque  ,  comme  dans  le  drama- 
tique s  c'eft  que  l'élégie  étoit  mife  en  chant. 

Quintilien  regarde  Tibulle  comme  le 
premier  des  poètes  éléglaques  ;  mais  il  ne 
parle  que  du  Âyle ,  mihl  ter  fus  atque  elegans 
maxime  vldetur.  Pline  le  jeune  préfère  Ca- 
tule ,  fans  doute  pour  des  élégies  qui  ne 
font  point  parvenues  jufqu'à  nous.  Ce  que 
nous  connoifîbns  de  lui  de  plus  délicat  & 
déplus  touchant,  ne  peut  guère  être  mis 
que  dans  la  claflfe  des  madrigaux.  Voye\ 
MADRIGAL.  Nous  n'avons  d'élégies  de  Ca- 
tule,  que  quelques  vers  à  Ortalus  fur  la 
mort  de  fon  frère  ;  la  chevelure  de  Bé- 
rénice ,  élégie  foible  ,  imitée  de  Calli- 
maque  ;  une  épître  à  Mallius ,  où  fa  dou- 
leur ,  fa  reconnoifïance  &  fes  amours  font 
comme  entrelaiTés  de  l'hiftoire  de  Laoda- 
mie  ,  avec  affez  peu  d'art  &  de  goût  ; 
enfin  l'aventure  d'Ariane  &  de  Théfée , 
épifode  enchâffée  dans  fon  poè'me  fur  les 
noces  de  Thétis ,  contre  toutes  les  règles 
de  l'ordonnance ,  des  proportions  &  du 
deffin.  Tous  ces  morceaux  font  des  mo- 
dèles du  ftyie  éléglaque  ;  mais  par  le  fond 
des  chofes ,  ils  ne  méritent  pas  même ,  à 
notre  avis  ,  que  l'on  nomme  Catule  à  côté 
de  Tibulle  &  de  Properce  :  auffi  ,  M. 
l'abbé  Souchai  ne  l'a— t-iî  pas  compté  parmi 
les  élëgiaques  latins.  (  Mém.  de  Vacad.  des 
Infcriptions  Ù  Belles-Lettres ,  tome  VIL) 
Tome   XIL> 


E  L  E  y  j 

Le  même  auteur  dit  que  Tibulle  efl  le 
feul  qui  ait  connu  &  exprimé  parfaitement 
le  vrai  cara&ere  de  l'élégie ,  en  quoi  nous 
ofons  n'être  pas  de  fon  avis;  plus  éloignés 
encore  du  fentiment  de  ceux  qui  donnent 
la  préférence  à  Ovide.  Pqyq  ÉLÉGIE.  Le 
feul  avantage  qu'Ovide  ait  eu  fur  Ces  ri- 
vaux ,  eft  celui  de  l'invention  ;  car  ils  n'ont 
fait  le  plus  fouvent  qu'imiter  les  Grecs  , 
tels  que  Mimnerme  &  Callimaque.  Mail 
Ovide  ,  quoique  inventeur  ,  avoit  pour 
guides  &  pour  exemples  Tibulle  &  Pro- 
perce ,  qui  venoient  d'écrire  avant  lui  :  fe- 
cours  important,  dont  il  n'a  pas  toujours 
profite. 

Si  l'on  demande  quel  eft  l'ordre  dans 
lequel  ces  poètes  fe  font  fuccédés ,  il  efl 
marqué  dans  ces  vers  d'Ovide.  Trifl.  lib. 
IV.  el   10. 

Nec  amara    Tibullo 

Tempus  amicitice  fata  dedêre  mece  f 

Succeffor  fuit  hic    tlbl  y  Galle  y   Pro- 
perdus  illi  ; 
Quartus  ab  hisferie  temporis  Ipfeful: 

Il  ne  nous  refte  rien  de  ce  Gallus  ;  mais 
fi  c'efl  le  même  que  le  Gallus  ,  amî 
de  Properce  ,  il  a  dû  être  le  plus  véhé- 
ment de  tous  les  poètes  éléglaque  s  ,  comme 
il  a  été  le  plus  dur  ,  au  jugement  de  Quin- 
tilien. Article  de  M.  Marmontel. 

M.  l'abbé  Souchai  divife  les  élégiaques 
grecs  en  deux  clafïès  :  l'une  comprend  ceux 
qui  à  la  vérité  ont  fait  des  élégies  ,  mais  qui 
font  plus  connus  par  d'autres  genres  de 
littérature  ;  &  l'autre  renferme  ceux  qui 
s'étant  plus  particulièrement  adonnés  à  l'é- 
légie, méritent  aufîi  plus  proprement  Je 
titre  ^éléglaques.  Il  compte  dans  la  pre- 
mière claffe  Archi loque  ,  Clonas  ,  Polym- 
neflus  ,  Sapho ,  Efchyle  ,  Sophocle ,  Eu- 
ripide ,  Ion  ,  Melanthus ,  Alexandre  Eto- 
lien ,  Platon ,  Ariftote  ,  Antimaque  ,  Eu- 
phorion,  Eratofthene,  &  Parthénius  ;  & 
dans  la  féconde  clafïe  ,  Callinus  ,  Mim- 
nerme ,  Tyrtée  ,  Périandre  ,  Solon  >  Sa-» 
cadas  ,  Xénophane  ,  Simonide ,  Evenus  , 
Critias  ,  Denis  Chatius  ,  Philetas  &  Cal- 
limaque ;  Myro  de  Bizance  ,  Hermianax  , 
&c.  Mém.  de  Vacad,  des  Belles-Lettres  3 
tome  VU, 

K 


74  E  L  E 

Les  poètes  flamands  fe  font  diftiiïgués 
parmi  les  modernes  par  leurs  élégies  la- 
tines. Celles  de  Biderman ,  de  Grotius  & 
de  Vallius ,  approchent  du  goût  de  la  belle 
antiquité.  Madame  de  la  Suze  &  madame 
Deshoullieres  fe  font  auffi  exercées  dans  ce 
genre ,  dans  lequel  les  Anglois  n'ont  rien 
que  quelques   pièces  fugitives  de   Milton. 

te) 

ÉLÉGIAQUE  ,  (  Mufique  des  anc.  ) 
nome  pu  air  de  flûte  trille  &  plaintif. 

ÉLÉGIE  ,  f.  f .  (  Belles-Lettres.  )  petit 
poëme  dont  les  plaintes  &  la  douleur  font 
le   principal  caractère. 

La  plaintive  élégie  en  longs  habits  de 

deuil  , 
Sait,  les  cheveux  épars  y  gémir  fur  un 
'm  ^cercueil. 

Boil.  Artpoét. 

Nous  difons  le  principal  caractère  ,  car 
bien  que  ce  poëme  fe    fixe  ordinairement 
aux  objets  lugubres  ,  il  ne  s'y  borne  pour- 
s  tant  pas  uniquement  : 

Elle  peint  des  amans  la  joie  &  la  trif- 

teJT€  > 
Flatte,    menace,   irrite  y  appaije    une 

maitreffe. 

Ibidem. 

Les  grammairiens  font  partagés  fur  I'é- 
tymologie  de  ce  nom  :  Voffius  ,  après  Dy- 
dime  ,  le  tire  du  grec  s  s  hfytv ,  dire  hélas. 
'L'élégie  fut  ainfi  nommée  ,  parce  qu'elle 
étoit  remplie  de  l'exclamation  5  « ,  fi  fa- 
milière aux  poètes  tragiques ,  &  qui  échappe 
fi    naturellement   aux  perfonnes    affligées. 

Le  vrai  caractère  de  ¥  élégie  confifte  dans 
la  vivacité  des  penfées  ,  dans  la  délicateffe 
des  fentimens ,  dans  la  (implicite  des  ex- 
-preffions. 

La  diction  dans  F 'élégie  doit  être  nette, 
aifée  &  claire  ,  tendre  &  pathétique  ; 
peindre  les  mœurs,  n'admettre  ni  pointes 
ni  jeux  de  mots;  &  le  fens  de  chaque 
penfée  (  au  moins  dans  ïélégie  latine  )  doit 
être  renfermé  dans  chaque  diftique.  Voye\ 
Mém.  de  Vacad.  des  Belles-Lettres  y  tom. 
VIL  {G) 

\J  élégie  dans  fa  fimplicité  touchante  & 


E  L  E 

noble ,  réunit  tout  ce  que  la  poéfie  a  de 
charmes  ,  l'imagination  &  le  fentiment  ; 
c'eft  cependant,  depuis  la  renaiiiance  des 
Lettres,  l'un  des  genres  de  poéiie  qu'on  a 
le  plus  négligés  :  on  y  a  de  plus  attaché 
l'idée  d'une  trilteflë  fade ,  foit  qu'on  ne  dis- 
tingue pas  affez  la  tendrefle  de  la  fadeur  ; 
foit  que  les  poètes ,  fur  l'exemple  delquels 
cette  opinion  s'eft  établie ,  aient  pris  eux- 
mêmes  le  ftylc  doucereux  pour  le  ffyle 
tendre. 

Il  n'eft  donc  pas  inutile  de  développer 
ici  le  caractère  de  Y  élégie ,  d'après  les  mo- 
dèles de  l'antiquité. 

Comme  les  froids  légiflateurs  de  la  poé- 
fle  n'ont  pas  jugé  Vélegie  digne  de  leur 
févérité ,  elle  jouit  encore  de  la  liberté  de 
fon  premier  âge.  Grave  ou  légère  ,  tendre 
ou  badine ,  paffionnée  ou  tranquille  ,  riante 
ou  plaintive  à  fon  gré,  il  n'eft  point  de 
ton  ,  depuis  l'héroïque  jufqu'au  familier  , 
qu'il  ne  lui  foit  permis  de  prendre.  Pro- 
perce y  a  décrit  en  paflant  la  formation 
de  l'univers  ;  Tibulle  les  tourmens  du  tar- 
tare  ;  l'un  &  l'autre  en  ont  fait  des  ta- 
bleaux dignes  tour-à-tour  de  Raphaël ,  du 
Correge  &  de  l'Albane  :  Ovide  ne  cefîe 
d'y  jouer  avec   les  flèches    de  l'amour. 

Cependant  pour  en  déterminer  le  carac- 
tère par  quelques  traits  plus  marqués  ,  nous 
la  diviferons  en  trois  genres  ,  le  paffionné  , 
le  tendre  &  le  gracieux. 

Dans  tous  les  trois  elle  prend  également 
le  ton  de  la  douleur  &  de  la  joie  ;  car  « 
c'eft  fur-tout  dans  Yélégie  que  l'amour  eft 
un  enfant  qui  pour  rien  s'irrite  ,  s'appaife  y 
qui  pleure  &  rit  en  même  temps.  Par  la 
même  raifon  y  le  tendre  ,  le  paffionné  ,  le 
gracieux  ,  ne  font  pas  des  genres  incom- 
patibles dans  F 'élégie  amoureulè  ;  mais  dans 
leur  mêlaHge  il  y  a  des  nuances  ,  des  paP 
fages  ,  des  gradations  à  ménager.  Dans  la 
même  fituation  où  l'on  dit  torqueor}  in- 
felix  !  on  ne  doit  pas  comparer  la  rougeur 
de  fa  maîtreflê  convaincue  d'infidélité  ,  à 
la  couleur  du  ciel  y  au  lever  de  l'aurore  y 
à  V éclat  des  rofes  parmi  les  lis ,  &c.  (  Ovid. 
amor.  lib.  II.  el.  A.  )  Au  moment  où  l'en 
crie  à  fes  amis  :  Enchaîne \-moi ,  je  fuis 
un  furieux  y  j'ai  battu  ma  maitreffe ,  on 
ne  doit  penfer  ni  aux  fureurs  d'Orefte  y 
ni  à  celles  d'Ajax.  (  Ov.  lib,  L  cL   7» 


ELE 

Que  ces  écarts  font  bien  plus  naturels  dans 
Properce  !  On  m'enlève  ce  que  j'aime , 
dit-il    à   fon    ami ,   Ù  tu  me  défends   les 


mencé  les  guerres ,  c'eft  par-là  qu'a  péri 
Trqye  ....  Mais  pourquoi  recourir  à 
V exemple  des  Grecs  ?  c'eft  toi }  Romulus, 
qui  nous  as  donné  celui  du  crime  ;  en  en- 
levant les  Sabines  ,  tu  appris  à  tes  neveux 
à  nous  enlever  nos  amantes  y  &c.  (Lib.  II. 
el.7.)i 

En  général  ,  le  fentiment  domine  dans 
le  genre  paffionné  ,  c'eft  le  caractère  de 
Properce  ;  l'imagination  domine  dans  le 
gracieux ,  c'eft  le  caractère  d'Ovide.  Dans 
le  premier  l'imagination  modefte  &  fou- 
mife  ne  fe  joint  au  fentiment  que  pour 
l'embellir,  &  fè  cache  en  l'embelliflànt, 
fubfequiturque.  Dans  le  fécond  le  fenti- 
ment humble  &  docile  ne  fe  joint  à  l'ima- 
gination que  pour  l'animer ,  &  fe  iailîe 
couvrir  des  fleurs  qu'elle  répand  à  pleines 
mains.  Un  coloris  trop  brillant  refroidi- 
roi  t  l'un ,  comme  un  pathétique  trop  fort 
obfcurciroit  l'autre.  La  paffion  rejette  la 
parure  des  grâces ,  les  grâces  font  effrayées 
de  l'air  fombre  de  la  paillon  ;  mais  une 
émotion  douce  ne  les  rend  que  plus  tou- 
chantes &  plus  vives  :  c'eft  ainli  qu'elles 
régnent  dans  l'élégie  tendre  ,  &  c'eft  le 
genre  de  Tibulle. 

C'eft  pour  avoir  donné  à  un  fentiment 
foible  le  ton  du  fentiment  paffionné ,  que 
Y  élégie  eft  devenue  fade.  Rien  n'eft  plus 
infipide  qu'un  défefpoir  de  fang-froid.  On 
a  cru  que  le  pathétique  étoit  dans  les  mots  : 
il  eft  dans  les  tours  &  dans  les  mouve- 
mensdu  ftyle.  Ce  regret  de  Properce  après 
s'être  éloigné  de  Cinthie  , 

Nonne  fuit  meliuindominœ  pervincere 
mores  ? 

ce  regret ,  dis-je  ,  feroit  froid.  Mais  com- 
bien la  réflexion  l'anime. 

Quamvis  dura  9    tamen    rara  puella 
fuit. 

C'eft  une  étude  bien  intéreflante  que  celle 
4es  mouvemens  de  l'ame  dans  les  élégies 


ELE  7r 

de  ce  poète,  &  de  Tibulle  fon  rival  !  Je 
veux  y  dit  Ovide ,  que  quelque  jeune  homme 
bleffé  des  mêmes  traits  que  moi  ,  recon- 


larmes  l  II  n'y  a  d'injures  fenfibles  qu'en    noijfe  dans  mes  vers  tous  les  fignes  de  fa. 
amour c'eft  par-là  qu'ont  com-   flamme  ,    &    qu'il  si *  écrie  après    un  long 


étonnement  :  Qui  peut  avoir  appris  a  ce 
poète  à  fi  bien  peindre  mes  malheurs  ? 
C'eft  la  règle  générale  de  la  poéfie  pathé- 
tique. Ovide  la  donne  ;  Tibulle  &  Properce 
la  fuivent ,  &  la  fuivent  bien  mieux  que  lui. 

Quelques  poètes  modernes  fe  font  per- 
fùadés  que  l'élégie  plaintive  n'avoit  pas 
befoin  d'ornemens  :  non  fans  doute ,  lors- 
qu'elle eft  paffionnée.  Une  amante  éperdue 
-ti'a  pas  befoin  d'être  parée  pour  attendris 
en  fa  faveur  ;  fon  défordre ,  fon  égare- 
ment ,  la  pâleur  de  fon  vifage  ,  les  ruiffeaux 
de  larmes  qui  coulent  de  fes  yeux ,  font 
les  armes  de  fa  douleur  ,  &  c'eft  avec  ces 
traits  que  la  pitié  nous  pénètre.  Il  en  eft 
ainfi  de  l'élégie  paffionnée. 

Mais  une  amante  qui  n'eft  qu'affligée  , 
doit  réunir  pour  nous  émouvoir  les  charmes 
de  la  beauté  ,  la  parure  ,  ou  plutôt  le 
négligé  des  grâces.  Telle  doit  être  l'élégie 
tendre  ,  femblable  à  Corine  au  moment 
de  fon  réveil. 

Scepe  etiam  nondùm   digeftis  mane 
capillis , 
Purpureo  jacuit  femi  fupina  thoro  ; 
Tumque  fuit  neglecla  decens. 

Un  fentiment  tranquille  &  doux,  tel  qu'il 
règne  dans  l'élégie  tendre  ,  a  befoin  d'être 
nourri  fans  cefle  par  une  imagination  vive 
&  féconde.  Qu'on  fe  figure  une  perfonne 
trifte  &  rêveufe  qui  fe  promené  dans  une 
campagne  ,  où  tout  ce  qu'elle  voit  lui 
retrace  l'objet  qui  l'occupe  fous  mille  faces 
nouvelles  :  telle  eft  dans  l'élégie  tendre  la 
fituation  de  l'ame  a  l'égard  de  l'imagination. 
Quels  tableaux  ne  fe  fait-on  pas  dans  ces 
douces  rêveries  ?  Tantôt  on  croit  voya~ 
ger  fur  un  vaiffeau  avec  ce  qu'on  aime  y 
on  eft  expofé  à  la  même  tempête  ;  on  dort 
furie  même  rocher  ,  &  à  l'ombre  du  même 
arbre  ;  on  fe  déf altère  à  la  même  fource  ; 
fou  àla  pouppe  ,foit  à  la  proue  du  navire, 
une  planche  fuffit  pour  deux  ;  on  fouffre . 

le  vent 


tout  avec  plaijir\   qu'importe  que 
du  midi ,  ou  celui  du  nord  ,  enfle  ! 


la  vailt 


K  i 


76  E  L  E 

pourvu  qu'on  ait  les  yeux  attachés  fur  fon 
amante  ?  Jupiter  embraferoit  le  vaijjeau  , 
on  ne  tremblerait  que  peur  elle.  Prop.  L.  IL 
él.  2,8.  Tantôt  on  fe  peint  foi-même  expi- 
rant ;  on  tient  d'une  défaillante  main  la 
main  d'une  amante  éplorée  ;  elle  fe  préci- 
pite fur  le  lit  où  Von  expire;  elle  fuit fon 
amant  jufques  fur  le  bûcher  ;  elle  couvre 
fon  corps  de  bai  fers  mêlés  de  larmes  ;  on 
voit  les  jeunes  garçons  &  les  jeunes  filles 
revenir  de  ce  fpeclacle  les  yeux  baijfés  & 
mouillés  de  pleurs  ;  on  voit  fon  amante 
s' arrachant  les  cheveux  y  &  fe  déchirant 
les  joues  ;  on  la  conjure  d'épargner  les 
maux  de  fon  amant  )  de  modérer  fon  défef- 
poir.  Tib.  L.  I.  él>  l.  C'eft  ainfi  que  dans 
Y  élégie^  tendre  ,  le  fentiment  doit  être  fans 
cefTe  animé  par  les  tableaux  que  l'imagi- 
nation lui  préfente.  Il  n'en  eft  pas  de 
même  de  V élégie  paffionnée  ,  l'objet  préfent 
y  remplit  toute  l'ame  ;  la  paflion  ne  rêve 
point- 
On  peut  entrevoir  quel  eft  le  ton  du 
fentiment  dans  Tibulle  &  dans  Properce  , 
par  les  extraits  que  nous  en  avons  donnés , 
n'ayant  pas  ofé  les  traduire.  Mais  ce  n'eft 
qu'en  les  lifant  dans  l'original ,  qu'on  peut 
fentir  le  charme  de  leur  ftyle  :  tous  deux 
faciles  avec  précifion  ,  véhémens  avec  dou- 
ceur ,  pleins  de  naturel ,  de  délicateffe  , 
&  de  grâces.  Quintilien  regarde  Tibulle 
comme  le  plus  élégant  &  le  plus  poli  des 
poètes  élégiaques  latins  ;  cependant  il  avoue 
que  Properce  a  des  partifans  qui  le  pré- 
fèrent à  Tibulle  ,  &  nous  ne  diffimulerons 
pas  que  nous  forames  de  ce  nombre.  A 
l'égard  du  reproche  qu'il  fait  à  Ovide  d'être 
ce  qu'il  appelle  lafcivior  ;  foit  que  ce  mot- 
là  lignifie  mains  châtié  ,  ou  plus  diffus  , 
ou  trop  livré  à  fon  imagination  y  trop 
amoureux  de  fon  bel  efprit ,  nimiiim  ama- 
tor  ingenii  fui  y  ou  dune  molleffe  trop 
négligée  daiis  fon  fiyle  (  car  on  ne  fauroit 
l'entendre  comme  le  lafciva  puella  de 
Virgile  ,  dune  volupté  folâtre  )  ;  ce  repro- 
che dans  tous  ces  fens  eft  également  fondé,  j 
Aufîi  Ovide  n'a-t-il  excellé  que  dans  V élégie  ', 
gracieufè ,  où  les  négligences  font  plus 
cxcu  fables. 

Aux  traits  dont  Ovide  s'eft  peint  à  lui- 
même  Yélégie  amoureufe  ,    on   peut  juger  I 
du  ftyle  &  du  ton  qu'il  lui  a  donnés*  [ 


E  L  E 

Venit  odoratos  elegia  nexa  capillos 

Forma  decens ,  vefiis  tenuiffima,  cultus 
amantis. 

limis  fubrijit  ocellis, 

Fallor  ?  an  in  dextrâ  myrthea  virgafuit? 

Il  y  prend  quelquefois  le  ton  plaintif,  mais 
ce  ton-là  même  eft  un  badinage. 

Croye\  qu'il  efl  des  dieux  fenfibles  a 

V injure  , 
Après  mille  fermens  Corinefe parjure. 
En  a-t-elle  perdu   quelqu'un  de  fes 

attraits  , 
Ses  yeux  font-ils  moins  beaux  y  fon 

teint  efl-il  moins  frais  ? 
Ah  !  ce  Dieu  _,  s'il  en  efl ,  fans  doute 

aime  les  belles  ; 
Et  ce  qu'il  nous  défend,  n' efl  permis 

que  pour  elles  ! 

L'amour  avec  ce  front  riant  &  cet  air 
léger ,  peut  être  aufli  ingénieux  ,  auili 
brillant  que  l'on  veut.  La  parure  fied  bien 
à  la  coquetterie  ;  c'eft  elle  qui  peut  avoir 
les  cheveux  entrelacés  de  rofes.  C'eft  fur 
le  ton  galant  qu'un  amant  peut  dire  : 

Cherche  un  amant  plus  doux ,  plus 

patient  que  moi  ; 
Du  tribut  de  nies  vceux  ma  pouppe 

couronnée 
Brave  au  port  les  fureurs  de  l'onde 

mutinée. 

C'eft-là  que  feroit  placée  cette  métaphore 
fi  peu  naturelle ,  dans  une  élégie  ferieufe  ? 

Nec  procul  a  métis  quas  penè  tenere 
videbar  , 
Curriculo  gravis  efl  fada  ruina  meor 
Trift.  /.  IV.  él.  8. 

Tibulle  &  Properce  rivaux  d'Ovide  dans 
Y  élégie  gracieufe  ,  l'ont  ornée  comme  lui 
de  tous  les  tréfbrs  de  l'imagination.  Dans 
Tibulle  ,  le  portrait  d'Apollon  qu'il  voit 
en  fonge  ;  dans  Properce  ,  la  peinture  des 
champs  élyfées  ;  dans  Ovide  ,  le  triomphe 
de  l'amour  ,  le  coe£-d'œuvre  de  fes  élégies  , 


ELE 

font  des  tableaux  raviffans  :  &  c'eft  ainfi 
que  Y  élégie  doit  être  parée  de  la  main  des 
grâces  toutes  les  fois  qu'elle  n'eft  pas  animée 
par  la  paflîon  ,  ou  attendrie  par  le  fenti- 
ment.  C'eft  à  quoi  les  modernes  n'ont  pas 
aflez  réfléchi  :  chez  eux,  le  plus  fouvent 
Y  élégie  eft  froide  &  négligée  ,  &  par  confé- 
quent  plate  &  ennuyeufe  :  car  il  n'y  a 
que  deux  moyens  de  plaire;  amufer,  ou 
émouvoir. 

Nous  n'avons  encore  parlé  ni  des  héroïdes 
d'Ovide  ,  qu'on  doit  mettre  au  rang  des 
élégies  pafïionnées  ,  ni  de  fes  trifles  dont 
fon  exil  eft  le  fujet ,  &  que  l'on  doit  comp- 
ter parmi  les  élégies  tendres. 

Sans  ce  libertinage  d'efprit ,  cette  abon- 
dance d'ima  ination  qui  refroidit  prefque 
par-tout  le  °  fentiment  dans  Ovide  ,  {es 
héroïdes  fer  ient  à  côté  des  plus  belles 
élégies  de  Pooperce  &  de  Tibulle.  On  eft 
d'abord  furprrs  d'y  trouver  plus  de  pathé- 
tique &  d'intérêt,  que  dans  les  trifles.  TLn 
effet  il  femble  qu'un  poëte  doit  être  plus 
ému  &  plus  capable  d'émouvoir  en  déplo- 
rant {es  malheurs,  qu'en  peignant  les 
malheurs  d'un  perfonnage  imaginaire.  Ce- 
pendant Ovide  eft  plein  de  chaleur ,  lors- 
qu'il foupire  au  nom  de  Pénélope  après  le 
retour  d'Ulyffe  -,  il  eft  glacé  ,  lorfqu'il  fe 
plaint  lui-même  des  rigueurs  de  fon  exil 
à  {çs  amis  &  à  fa  femme.  La  première 
raiion  qui  fe  préfente  de  la  foibleûe  de.  Ces 
derniers  vers  ,  eft  celle  qu'il  en  donne  lui- 
même. 

Da  mihi  Mœoniden  ,  &  tôt  circumfpiçe 
eafus  ; 
Ingenium  tamis  excidet  omne  malis. 

9i  Qu'on  me  donne  un  Homère  en  bute 

»  au  même  fort  , 
«Son  génie  accablé  cédera  fous  PefTôrt. 

Mais  le  malheur  qu  i  emouffe  l'efpnt ,  .qui 
afïairfe  l'imagination  ,  &  qui  énerve  les 
idées  ,  femble  devoir  attendrir  l'arae  & 
remuer  le  fentiment  :  or  c'eft  le  fentiment 
qui  eft  la  partie  foibîe  de  ces  élégies ,  tandis 
qu'il  eft  la  partie  dominante  des  héroïdes. 
Pourquoi  ?  parce  que  la  chaleur  de  fon 
génie  étoit  dans  fon  imagination ,  &  qu'il 
*'eft  peint  les  malheurs  des  autres  bien  plus 


ELE  77 

vivement  qu'il  n'a  refTenti  les  Mens.  Une 
preuve  qu'il  les  refTentoit  foibleinent  ,  c'eft 
qu'il  les  a  mis  en  vers  : 

Sesfoibles  déplaijirs  s'amufent  à  parler^ 
Et  quiconque  fe  plaint ,  cherche  d  fe 
confoler. 

A  plus  forte  raifbn ,  quiconque  fe  plaint 
en  cadence.  Cependant  il  femble  ridicule 
de  prétendre  qu'Ovide  exilé  de  Rome  dans 
les  défèrts  de  la  Scythie ,  ne  fut  point 
pénétré  de  fon  malheur.  Qu'on  lifè  pour 
s'en  convaincre  cette  élégie  où  il  fe  com- 
pare à  Ulylfe  ;  que  d'eiprit ,  &  combien 
peu  d'ame  !  Ofbns  le  dire  à  i'avantage  des 
Lettres  :  le  plaifir  de  chanter  Ces  malheurs, 
en  étoit  le  charme  :  il  les  oublioit  en  les 
racontant  :  il  en  eût  été  accablé,  s'il  ne 
les  eût  pas  écrits;.  &  fij'on  demande 
pourquoi  il  les  a  peints  froidement,  c'eft 
parce  qu'il  fe  plaifoit  à  les  peindre. 

Mais  lorfqu'il  veut  exprimer  la  douleur- 
d'un  autre ,  ce  n'eft  plus  dans  fon  ame  , 
c'eft  dans  fon  imagination  qu'il  en  puife 
les  couleurs;  il  ne  prend  plus  fort  modèle 
en  lui-même,  mais  dans  les  poflibles  :  ce 
n'eft  pas  fa  manière  d'être ,  mais  fa  manière 
de  concevoir  qui  fe  reproduit  dans  fes  vers  ; 
&  la  contention  du  travail  qui  le  déroboit 
à  lui-même  ,  ne  fait  que  lui  repréfenter 
plus  vivement  un  perfonnage  fuppofé.  Ainfi 
Ovide  eft  plus  Brifeis  ou  Phèdre  dans  les 
héroïdes ,  qu'il  n'eft  Ovide  dans  les  trifles. 

Toutefois  autant  l'imagination  difïîpe  & 
afFoiblit  dans  le  poëte  le  fentiment  de  fà 
fituation  préfente,  autant  elle  approfondit 
les  traces  de  fa  fituation  pafïee.  La  mé- 
moire eft  la  nourrice  du  génie.  Pour  peindre 
lem'alheur  il  n'eft  pas  befoin  d'être  malheu- 
reux ,  mais  il  eft  bon  de  l'avoir  été. 

Une  comparaifon  va  rendre  fenfible  la 
raifon  que  nous  avons  donnée»  de  la  froi- 
deur d'Ovide  dans  les  trifles. 

Un  peintre  affligé  fe  voit  dans  un  miroir  ; 
il  lui  vient  dans  l'idée  de  fe  peindre  dans 
cette  fituation  touchante  ,*  doit-il  continuer 
à  fe  regarder  dans  la  glace ,  ou  fe  peindre 
de  mémoire  après  s'être  vu  la  première 
fois?  S'il  continue  de  fe  voir  dans  la  glace, 
l'attention  à  bien  faifir  le  caractère  de  fà 
douleur,  &  le  deftr    de  le  bien,  rendre  „ 


78  ELE 

commencent  à  en  afïbiblir  l'expreffion  dans 
le  modèle.  Ce  n'eft  rien  encore.  Il  donne 
les  premiers  traits  ;  il  voit  qu'il  prend  la 
refTemblance  y  il  s'en  applaudit ,  le  plaifir 
du  fuccès  fe  griffe  dans  fon  ame ,  fe  mêle 
à  fa  douleur  ,  en  adoucit  l'amertume  ;  les 
mêmes  changemens  s'opèrent  fur  Ton  vifage, 
&  le  miroir, les  lui  répète:  mais  le  progrès 
en  eft  infenfible ,  il  copie  fans  s'apperce- 
voir  qu'à  chaque  inftant  ce  ne  font  plus 
les  mêmes  traits.  Enfin  de  nuance  en 
nuance  ,  il  fe  trouve  avoir  fait  le  portrait 
d'un  homme  content,  au  lieu  du  portrait 
d'un  homme  affligé.  Il  veut  revenir  à  fa 
première  idée  ;  il  corrige  ,  il  retouche ,  il 
recherche  dans  la  glace  l'expreffion  de  la 
douleur  :  mais  la  glace  ne  lui  rend  plus 
qu'une  douleur  étudiée,  qu'il  peint  froide 
comme  il  la  voit.  N'eût-il  pas  mieux  réuiii 
à  la  rendre ,  s'il  l'eût  copiée  d'après  un 
autre,  ou  fi  l'imagination  &  la  mémoire 
lui  en  avoient  rappelle  les  traits?  C'eft 
'  ainfî  qu'Ovide  a  manqué  la  nature  ,  en 
voulant  l'imiter  d'après  lui-même. 

Mais  ,  dira-t-on ,  Properce  &  Tibulle 
ont  fi  bien  exprimé  leur  fituation  pré- 
fente ,  même  dans  la  douleur  ?  Oui  fans 
doute  ,  &  c'eft  le  propre  du  fentiment  qui 
les  infpiroit ,  de  redoubler  par  l'attention 
qu'on  donne  à  le  peindre.  L'imagination 
eu  le  fiege  de  l'amour  :  c'eft-ià  que  fes 
feux  s'allument ,  s'entretiennent ,  &  s'irri- 
tent ;  &  c'eft-là  que  les  poètes  élégiaques 
en  ont  puifé  les  couleurs.  Il  n'efl  donc  pas 
étonnant  qu'ils  foient  plus  tendres  ,  à  pro- 
portion qu'ils  s'échauffent  davantage  l'ima- 
gination fur  l'objet  de  leur  tendreffe  ,  & 
plus  fenfibles  à  fon  infidélité  ou  à  fa  perte  , 
à  meftire  qu'ils  s'en  exagèrent  le  prix.  Si 
Ovide  avoit  été  amoureux  de  fa  femme , 
la  fixieme  élégie  du  premier  livre  des  trifies 
ne  feroit  pas  compofée  de  froids  éloges 
&  de  vaines  comparaifons.  La  fiction  tient 
lieu  aux  amans  de  la  réalité,  &  les  plus 
paffionnés  n'adorent  fouvent  que  leur  propre 
ouvrage  ,  comme  le  fculpteur  de  la  fable. 
Il  n'en  efl  pas  ainfi  d'un  malheur  réel  , 
comme  l'exil  &  l'infortune  ;  le  fentiment 
tn  eft  fixe  dans  l'ame  :  c'eft  une- douleur 
que  chaque  infiant  ,  que  chaque  objet 
reproduit,  &  dont  l'imagination  n'eft  ni 
le  fiege  ni  la  fource.  Il  faut  donc  ,  fi  l'on 


ELE 

parle  de  foi-même ,  parler  d'amour  dans 
Vélégie  pathétique.  On  peut  bien  y  faire 
gémir  une  mère ,  une  fœur ,  un  ami  tendre  ; 
mais  fi  l'on  eft  cet  ami ,  œtte  mère  ,  ou 
cette  fœur  ,  on  ne  fera  point  d'élégie  ,  ou 
l'on  s'y  peindra  foiblement. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point  aux  élégies 
modernes.  Les  meilleures  font  connues  fous 
d'autres  titres,  comme  les  idyles  de  Madame 
Deshoulieres  aux  mourons  ,  aux  fleurs  ,  &c. 
modèle  d'élégie  dans  le  genre  gracieux  ;  les 
vers  de  M.  de  Voltaire  fur  la  mort  de  Made- 
moiièlle  Lecouvrcur  :  modèle  plus  parfait  en- 
core de  Vélégie  paffionnée ,  &  auquel  Tibulle 
&  Properce  même  n'ont  peut-être  rien  à  op- 
pofer ,  &c. 

La  Fontaine  qui  fe  croyoit  amoureux  ,  a, 
voulu  faire  des  élégies  tendres  :  elles  font  au 
deffous  de  lui.  Mais  celle  qu'il  a  faite  fur  la 
difgrace  de  fon  protecteur  ,  adreffée  aux 
nymphes  de  Vaux  ,  eft  un  chef-d'œuvre  de 
poéfie  ,  de  fentiment  ,  &  d'éloquence.  M. 
Fouquet  du  fond  de  fa  prifon  infpiroit  à  la 
Fontaine  des  vers  fublimes ,  tandis  qu'il  n'inf- 
piroitpas  même  la  pitié  à  fes  amis  ;  leçon  bien 
frappante  pour  les  grands  ,  &  bien  glorieufe 
pour  les  lettres. 

Du  refte ,  les  plus  beaux  traits  de  cette 
élégie  de  la  Fontaine  fontauffi  bien  exprimés 
dans  la  première  du  troifieme  livre  des 
tri [fie s ,  &  n'y  font  pas  aufîl  touchans. 
Pourquoi  ?  parce  qu'Ovide  parle  pour  lui  , 
&  la  Fontaine  pour  un  autre.  C'eft  encore 
un  des  privilèges  de  l'amour,  de  pouvoir 
être  humble  &  fuppliant  fans  baifeffe  :  mais 
ce  n'eft  qu'à  lui  qu'il  appartient  de  flatter 
la  main  qui  le  frappe.  On  peut  être  enfant 
aux  genoux  de  Corine;  mais  il  faut  être 
homme  devant  l'empereur.  Article  de 
M.  Marmontel. 

Réflexions  fur  la  Poéfie  élégiaque. 

A  ce  difeours  intérefTant  fur  Vélégie  , 
joignons-y  plufieurs  autres  réflexions  pour 
fatisfaire  complètement  la  curiofité  du 
lecteur. 

Le  mot  élégie  veut  dire  une  plainte.  U élé- 
gie a  commencé  vraifemblabiement  par  les 
plaintes  ou  lamentations  ,  ufitées  aux  funé- 
railles dans  tous  les  temps  &  chez  tous  les  peu- 
ples de  la  terre  ;  &  c'eft  à  fon  origine  que  fe 


E  L  E 

rapportent  les  deux  vers  de  Defpréaux ,  cités 
à  la  tête  de  cet  article  (a). 

Ces  plaintes  ou  lamentations  auxquelles 
en  ajuftoit  la  flûte ,  s'appelloient ,  ainfi 
que  Y  élégie  ,  des  airs  trifies  &  lugubres.  Il 
eft  naturel  de  préfumer  que  ces  plaintes 
furent  d'abord  fans  ordre ,  fans  liaifon  , 
fans  étude  :  fimples  exprefllons  de^  la 
douleur,  qui  ne  laiffoient  pas  de  confoîer 
les  vivans  en  même  temps  qu'elles  hono- 
roient  les  morts.  Comme  elles  étoient 
tendres   &    pathétiques ,     elles    remuoient 


E  L  E 


19 


arrive  que  toute  œuvre  poétique  écrite  en 
vers  pentamètres  &  hexamètres  ,  quel  qu'en 
fût  le  fujet ,  gai  ou  trifte  ,  s'eft  nommée 
élégie  ;  ce  mot  ayant  changé  fa  première 
acception  ,  &  '  ne  lignifiant  plus  qu'une 
pièce  écrite  en  vers  pentamètres  &  hexa- 
mètres. 

Il  ne  faut  donc  pas  confondre  élégie  avec 
le  vers  élégiaque  ,  ni  par  conféquent  les 
poètes  élégiaques  avec  les  poètes  élégio- 
graphes  :  qu'on  me  permette  cette  exprefllon 
nouvelle  ,    mais    néceffaire. 


l'ame  ;  &  par  les  mouvemens  qu'elles  lui  i  On  employa  d'abord  les  vers  élégiaques 
ïmprimoient ,  elles  la  tenoient  tellement  :  dans  les  tfecafions  lugubres  ;  enfuite 
occupée  9  qu'il  ne  lui  reftoit  plus  d'attention  Caliinus  &  Mimnerme  écrivirent  l'hiftoire 
pour  l'objet  même  dont  la  perte  l'afHfgeoit.  de  leurs  temps  en  ces  mêmes  vers.  Les 
Delà  vient  que  l'on  fit  un  art  de  ces  I  fages  s'en  fervirent  pour  publier  leurs  loix  ; 
plaintes ,  &  qu'elles  furent  bientôt  auffi  i  Tirtée  ,  pour  chanter  la  valeur  guerrière  ; 
liées  &  auflî  fuivies  que  le  permettoit  l'oc-  Butas ,  pour  expliquer  les  cérémonies  de  la 
cafion  qui  les  faifoit  naître  ,  ou  plutôt  le  !  religion  ;  Callimaque ,  pour  célébrer  les 
lujet    à    l'occafion    duquel     elles     étoient    louanges    des    dieux  ;     Eratofiene  ,    pour 


çompofées. 

Mais  qui  eft-ce  qui  a  donné  à  ces  plaintes 
l'art  &  la  forme  qu'elles  ont    dans  Mim- 


traiter  des  queftions  de  mathématique.  Mais 
tout  poëme  qui  employant  le  vers  élégia- 
que ,  ne  déplore   point  quelque  malheur  , 


nerme  ,  &  dans  ceux  qui  l'ont  fuivi  ?  C'eft  '  ou  ne  peint  ni    la   triftefle ,  ni  la  joie  des 

ce  qu'on  ignore  &  qu'on  ignoroit  même  du  amans,    n'eft  point  une    élégie,   dans    le 

temps  d'Horace  ,  &  ce  qui   nous  intérefîê  fens  qu'on  a  généralement  adopté  pour  ce 

encore  moins  aujourd'hui.  Il  nous  fuffit  de  mot  :  par    conféquent  les  vers   élégiaques 

favoir  que  les  Grecs  dont  les  Latins   ont  des  faftes  d'Ovide  &  de  (es  amours  ne  font 

fuivi  l'exemple ,  fe  déterminèrent  à  com-  point  une  élégie. 

pofer  leurs  poéfies  plaintives  ,  leurs  élégies  ,  Cependant ,  il  eft  certain  qu'en  grec  & 

en  vers    pentamètres    &    hexamètres    en-  en   latin   le  mélange  des  vers   hexamètres 

trelacés  :  delà  cette  forte  de  vers  a  pris  le  &  des  vers  pentamètres  eft  tellement  affecté 

nom  d' 'élégiaques.  à  Y  élégie  ,  &  lui  eft  tellement  propre  ,  que 

Enfuite  les  poètes  qui  avoient  employé  les  grammairiens  n'approuveroient  pas  qu'on 

cette  mefure  pour  foupirer    leurs    peines,  appellât    élégie,    la    plainte  de    Bion  fur 

l'employèrent  pour  chanter  leurs  plaifirs  :  Adonis  mort  ,  ni  celle  que  nous  avons  de 

delà    par  la    bizarrerie  de  l'ufage ,   il    eft  Mofchus  fur  la  mort  de  Bion ,  par  la  feule 

(a)  LaPoéfie  prend  un  ton  mélancolique  &affe£tueux,  lorfqu'elle-devient  l'interprète  dr  la  triftefle. 
Le  Poète,  fidèle  copifte  de  la  nature  ,  multiplie  comme  elle  les  motifs  de  fa  douleur ,  fe  repréfente  fous 
différentes  formes  l'objet  qui  la  caufe  ,  Se  exagérant  ce  qui  l'attrifte  ,  trouve  toujours  que  la  perte  qu'il 
a  faite  eft  la  plus  grande  que  l'on  puifle  faire.  Les  partions  font  un  microfeope  :  elles  groflîflent  les 
objets  de  la  triftefle  ou  de  la  joie  du  Poète. 

La  douleur  a  recours  aux  contraftes.  Tantôtil  ferappelle  les  momens  gracieux  qu'il  a  pafles  auprès 
de  celui  qu'il  pleure  :  tantôt  il  remet  fous  fes  yeux  le  ipectade  féduifant  de  la  nature  qui  ne  lui  paroîc 
plus  que  trifte  ,  fombre  &  lugubre  ;  mais  dans  ces  oppofîtions  ,  que  d'art  pour  pafler  infenfiblemenc 
des  idéesjagréables  à  des  idées  triftes  î  C'eft  alors  fur-tout  qu'il  faut  connoître  la  magie  du  clair-obfcur, 
&  empêcher  par  des  gradations  infenfibles,  les  couleurs  d'être  trop  tranchantes.  Tel  eft  l'effet  du  goût  ; 
&  le  goût  ne  s'enfeigne  pas.  C'eft  à  lui  feul  à  diriger  les  écarts  qui  doivent  être  fréquens  dans  l'élégie  , 
puifqu'ils  le  fcnt  dans  les  partions  qu'elle  peint.  Ledéfordre  eft  le  langage  de  la  douleur.  Elle  veut  &  ne, 
veut  plus  ;  elle  S'irrite  &  fe  confole  à  la  vue  du  même  objet.  Elle  menace  &  fupplie  ;   mais  cetre  irré- 

f;ularité  apparente  eft  le  chef-d'œuvre  de  la  réflexion  &  le  triomphe  du  talent. Réfultat  des  combinaifons 
es  plus  fines ,  elle  eft  la  fource  de  l'intérêt  le  plus  vif.  Cette  note  efl  tirée  de  h  Poétique  élémentaire. 


8o  E  L  E 

raifon  que  l'une  &  l'autre  font  conçues  en 
vers  hexamètres. 

Le  temps  nous  a  ravi  toutes  les  élégies 
des  Grecs  proprement  dites  ;  il  ne  nous 
refte  du  moins  en  entier ,  que  celle  qu'Eu- 
ripide a  inférée  dans  fon  Andromaque 
(Acte  I.  fcene  iij.)  ,  comme  nos  poètes 
ont  inféré  quelquefois  des  fiances  dans  leurs 
tragédies.  Ce  morceau  eûVune  véritable 
élégie  à  tous  égards  ,  en  tous  fens  >  &  l'on 
n'en  connoît  point  de  plus  belle. 

Andromaque  dans  le  temple  de  Thétis  , 
baignant  de  les  larmes  la  ftatu&de  la  déeffe 
qu'elle  tient  embrafïee ,  fait  'en  vers  élé- 
giaqucs  &  en  dialecte  dorique  ,  une  plainte 
très-touchante  fur  l'arrivée  d'Helene  à 
Troye  y  fur  le  fac  de  Troye,  fur  la  mort 
d'Hector ,  fur  fon  propre  efclavage  &  fur 
la  dureté  d'Hermione.  La  pièce  qui  ne 
contient  que  14  vers,  comprend  tout  ce 
qu'une  profonde  &  vive  douleur  peut 
raffembler  de  plus  affligeant  dans  l'efprit 
d'une  princeffe  malheureufe  ;  car  la  grande 
affliction  nous  rappelle  fous  un  feul  point 
de  vue,   tous  nos  différens  déplaifirs. 

»  Oui,  (dit  cette  malheureufe  princeffe  , 
en  baignant  de  fes  larmes  la  flatue  de 
Thétis,  qu'elle  tient  embrafïee)  "  oui  , 
»  c'efl  une  furie  &  non  une  époufe  que 
99  Paris  emmena  dans  Iiioneny  amenant 
»  Hélène  ;  c'eft  pour  elle  que  la  Grèce 
«  arma  mille  vaiffeaux  ;  c'efr,  elle  qui  a 
99  perdu  mon  malheureux  &  cher  époux , 
»  dont  un  ennemi  barbare  a  traîné  le  corps 
9>  pâle  &  défiguré  autour  de  nos  murailles. 
9»  Et  moi  arrachée  de  mon  palais ,  & 
93  conduite  au  rivage  avec  les  triftes  mar- 
9>  ques  de  la  fervitude  ;  combien  ai— je 
»  verfé  de  larmes  ,  en  abandonnant  une 
93  ville  encore  fumante,  &  mon  époux 
9)  indignement  laiHé  fur  la  pouffiere?  Mal- 
9>  heureufe ,  hélas  ,  que  je  fuis  !  d'être 
m  obligée  de  furvivre  à  tant  de  maux ,  & 
9>  d'y  furvivre  pour  être  l'efclave  d'Her- 
99  mione  ,  de  la  cruelle  Hermione  qui  me 
9>  réduit  à  me  confumer  en  pleurs,  aux 
?>  pies  de  la  déeffe  que  j'implore  &  que  je 
«   tiens  embraffée.» 

Euripide  auroit  pu  exprimer  les    mêmes 


E  L  E 

parce  que  l'élégiaque  étoit  le  plus  propre 
pour  rendre  les  fentimens    douloureux. 

Si  nous  n'y  fentons  pas  aujourd'hui  cette 
propriété  y  cela  vient  fans  doute  ,  de  ce 
que  la  langue  grecque  n'eff  plus  vivante,  &C 
de  ce  que  nous  ne  lavons  pas  la  manière 
dont  les  Grecs  prononçoient  leurs  vers  : 
cependant  pour  peu  qu'on  fafîe  de  réflexion 
fur  la  forme  de  V élégie  grecque  ,  on  recon- 
noîtra  aifément  combien  le  mélange  des 
vers ,  la  variété  des  pies  ,  la  période  com- 
mençant &  finiffant  au  gré  du  poëte,  & 
à  quelque  mefure  que  ce  foit  ,  donnent  de 
facilité  à  varier  les  vers  ,  fuivant  les  varia- 
tions qui  arrivent  dans  les  grandes  pallions 
&  fpécialement  dans  les  fentimens  dou- 
loureux ,  &  dans  les  accens  plaintifs  qui  en 
fontrexprefîîon. 

Je  dis  Yélégie  grecque  ,  à  la  différence 
de  Y  élégie  latine  y  car  les  Latins  en  prenant 
Aes  Grecs  les  différentes  formes  de  vers  , 
les  ont  réduites  à  une  forte  de  correction 
qui  approche  prefque  de  la  frérilité  &  de 
la  monotonie. 

On  ne  peut  s'empêcher,  en  faifant  ces 
réflexions  fur  le  mérite  des  élégies  grecques  , 
de  ne  pas  regretter  particulièrement  celles 
de  Sapho,  de  Platon,  de  Mimnerme  r 
de  Simonide ,  de  Philetas ,  de  Callima- 
que  ,  d'Herméfianax  &  de  quelques  autres 
dont  les  outrages  du  temps-  nous  ont 
privés. 

Il  ne  nous  refte  que  deux  feules  pièces 
&  quelques  fragmens  de  toutes  les  poéfies 
de  Sapho  ;  mais  la  délicateffe  de  ces  pré- 
cieux refies  forît  regretter  la  perte  des  autres 
ouvrages  de  cette  fille,  que  la  beauté  de  fon 
génie  fit  furnommer/a  dixième  mufe,  mais 
il  efl  aifé  de  fe  perfuader  ,  &  par  l'hymne 
qu'elle  adreffe  à  Vénus ,  &  par  cette  ode 
admirable  où  elle  exprime  d'une  manière 
fi  vive  les  fureurs  de  l'amour,  combien 
Ces  élégies  dévoient  être  tendres  ,  pathé- 
tiques &  pafïïonnées. 

Je  penfè  aufli  que  celles  de  Platon ,  fî 
bien  nommé  l'Homère  des  phîlofophes , 
font  dignes  de  nos  regrets;  j'en  juge  par 
le  goût ,  les  grâces,  les  beautés  ,  le  ffyle 
enchanteur  de  {es  autres  ouvrages  ,  & 
chofes  en  vers  ïambes  comme  il  le  fait  par-    mieux  encore  par  les  vers  pafïionnés  qu'il 


tout  ailleurs  ;  il  .auroit  pu  employer  le  vers 
ïiexametre  ;  mais  il  a  préféré  i'élégiaque  , 


fit  pour  Agathon  ,  &    que  M.  de  Fonte- 
nelle  a  traduits  dans  fes  dialogues. 

Lorfqii  Agathis 


E  L  E 

Torfqu*  Agathis   pour    un    baifer    de 
flamme 
Confent    à    me  payer  des  maux  que  j'ai 

fentis  ; 
Sur    mes    lèvres  faudain   je   vois  voler 
mon  ame  , 
Qui  veut  pajfer  fur  celles  d'Agathis. 

Mîmnerme  ,  dont  Smyrne  &  Colophon 
jfè  diiputerent  la  naiflance ,  déploya  /es 
talens  fupérieurs  dans  ce  genre  de  poéfie. 
Etant  vieux  ôc  déjà  fur  le  retour  ,  il  devint 
éperdument  amoureux  d'une  joueufe  de 
flûte  appellée  Nanno  ,  ôc  en  éprouva  les 
rigueurs.  Ce  fut  pour  fléchir  cette  maîtrefle 
inhumaine  ,  qu'il  compofa  des  élégies  fi 
-tendres  ôc  fi  belles ,  qu'au  rapport  d'Aih  'née 
tout  le  monde  fe  &iiok  un  plaiiîr  de  les 
chanter.  Sa  poéfie  a  tant  de  douceur  ôc 
d'harmonie  ,  dans  les  fràgxni  •  rai  nous 
reftent  de  lui ,  qu'il  n'eft  pis  furpi 
qu'on  lui  ait  donné  le  furnom  de  Ligyftade  , 
&  qu'Agathocle  en  fît  fes  délices.  Sa 
réputation  le  r:  pandit  dans  tout  l'univers; 
ôc  ce  qui  couronne  fon  éloge  ,  eft  qu'Ho- 
race le  préfère  à  Callimaque. 

Simonide  à  qui  Tifle  de  Céos  donna  la 
naiflance  ,  dans  la  75  Olympiade  ,  n'eut 
guère  moins  de  fuccès  que  Mimnerme  dans 
le  genre  élégiaque.  Le  caractère  de  là 
mu'e  étoit  fi  plaintif,  que  les  larmes  de 
Simonide  pailerent  en  proverbe. 

^  Philétas  ôc  Callimaque  ,  car  je  ne  les 
féparerai  point  ,  vécurent  tous  deux  à  la 
cour  de  Ptolémée  Philadelphe  ,  dont 
Philétas  fut  précepteur ,  ôc  Callimaque 
bibliothécaire.  Les  anciens  qui  font  men- 
tion de  ces  deux  poètes  ,  les  joignent 
prefque  toujours  eniemble.  Properce  invo- 
que à  la  fois  leurs  mânes  ,  ôc  quand  il  a 
commencé  par  les  louanges  de  l'un ,  il 
finit  ordinairement  par  les  louanges  de 
l'autre.  Quintilien  même  en  parlant  de 
l'élégie ,  ne  les  a  pas  féparés.  Philétas 
publia  plufieurs  élégies  qui  lui  acquirent 
une  grande  réputation  ,  ôc  dont  l'aimable 
Battis  ou  Bittis  fut  l'objet.  Elles  lui  méri- 
tèrent une  ftatue  de  bronze  ,  où  il  étoit 
repréfenté  chantant  fous  un  plane ,  cette 
Bittis  qu'il  avoit  tendrement  aimée. 

Pour  Callimaque  ,  oa  le  regardoït  >  1  au 
Tome  XXL 


E  L  Ë 

de     Quintilien 


comme    le 


témoignage 

maître  de  Yélégie.  Catulle  le  fit  un  hon- 
neur de  traduire  Ion  poëme  fur  la  chevelure 
de  Bérénice ,  ôc  de  tranfporter  quelquefois 
dans  les  propres  écrits ,  les  penlees  Ôc  les 
exprefTions  du  poète  grec  ;  ôc  Properce 
malgré  fes  talens  ,  n'ambitionnoit  que  le 
titre  de   Callimaque  romain. 

Herméfianax  contemporain  d'Epicure , 
eft  le  dernier  poète  grec  dont  le  temps 
nous  a  ravi  les  élégies.  Il  parut  dans  la  foule 
des  amans  de  la  fameufe  Léontium ,  ôc 
c'eft  à  cette  célèbre  courtifane  qu'il  les 
avoit  adreflees. 

La  poéfie  fut  ignorée  ,  ou  peut  -  être 
méprifée  des  Romains  jufqu'au  temps  que 
la  icile  parla  fous  leur  domination.  Alors 
Livius  Andronicus ,  grec  d'origine ,  fut 
leur  infpirer  avec  l'amour  du  théâtre  y 
quelque  goût  pour  un  art  fi  noble  ;  mais 
ce  goût  ne  commença  de  fe  perfectionner 
qu'après  que  la  Grèce  allujettie  leur  eut 
donné  des  modèles.  Bientôt  ils  tentèrent 
les  mêmes  routes  ;  ôc  leur  émulation  étant 
de  plus  en  plus  excitée  ,  ils  réufïirent  enfin 
à  le  difputer  prefque  en  tous  les  genres  , 
à  ceux-mêmes  qu'ils  imitoient. 

Parmi  les  hommes  de  goût  qui  contri- 
buèrent davantage  aux  progrès  de  leur 
poéfie  ,  on  vit  paroître  fuccefïivement 
Tibulle  ,  Properce  ôc  Ovide  (car  je  laifîè 
Galius  ,  Valgius ,  PafTienus  ,  dont  le  temps 
nous  a  envié  les  écrits)  ;  ôc  ces  trois  poètes  , 
malgré  la  différence  de  leur  caractère  ,  ont 
fait  admirer  leur  talent  pour  le  genre 
élégiaque  :  mais  Tibulle  ôc  Properce  ont 
finguliérement  réuni  tous  les  fulfrages  ;  on 
ne  fè  lafîè  point  de  les  louer. 

Tibulle  a  conçu  ôc  parfaitement  exprimé 
le  caractère  de  Yélégie  :  ce  délordre  ingé- 
nieux qui  eft  fi  conforme  à  la  nature  ,  il  a 
fu  le  jeter  dans  fes  élégies;  on  diroit 
qu'elles  font  uniquement  le  fruit  du  fenti- 
ment.  Rien  de  médité,  rien  de  concerté, 
nul  art ,  nulle  étude  en  apparence.  La 
nature  feule  de  la  paiïion  eft  ce  qu'il  s'eft 
propolé  d'imiter  ,  ôc  qu'il  a  imité  en  en 
peignant  les  mouvemens  ôc  les  effets ,  par 
les  images  les  plus  vives  ôc  les  plus  natu- 
relles. Il  defire  ,  il  craint  ;  il  blâme  ,  il 
approuve  ;    il    loue  ,     il    condamne;    il 


détefte  ,  il  aim,e  \    il"  s'irrite 


il  s'appaifej, 
L 


r 


Si  E  L  È 

il  paftè  en  un  moment  des  prières  aux 
menaces  ,  des  menaces  aux  fupplications. 
Rien  dans  Tes  élégies  qui  puifle  faire  voir 
de  la  fiction  ,  ni  ces  termes  ambitieux  qui 
forment  une  efpece  de  contraire  ,  8c  fuppo- 
fent  nécessairement  de  l'affectation  ,  ni 
ces  allufîons  favantes  qui  décréditent  le 
poète ,  parce  qu'elles  font  difparoitre  la 
nature  &  qu'elles  détruifent  la  vraifem- 
blance.  Dans  Tibulle  tout  reipire  la  vérité. 

Il  eft  tendre  ,  naturel,  délicat ,  pafïionné , 
noble  fans  fafte  ,  fimple  fans  bailèfle , 
élégant  fans  artifice.  Il  fent  tout  ce  qu'il 
dit  ,  8c  le  dit  toujours  de  la  manière  dont 
il  faut  le  dire  ,  pour  perfuader  qu'il  le  fent. 
Soît  qu'il  fe  repréfente  dans  un  défert 
inhabité ,  mais  que  la  préfence  de  Sulpicie 
lui  fait  trouver  aimable  ;  foit  qu'il  fe 
peigne  accablé  d'ennui ,  &  réglant ,  comme 
s'il  devoit  expirer  de  la  douleur  ,  Tordre 
8c  la  pompe  de  fes  funérailles,  il  touche, 
il  laifit,  il  pénètre;  8c  quelque  chofe  qu'il 
repréfente  K  il  tranfporce  fon  lecteur  dans 
toutes  les  fituations  qu'il  décrit. 

Properce  ,  exact  ,  ingénieux  ,  inftruit , 
peut  le  parer  avec  raifbn  du  titre  de 
Callimaque  rcmain  ;  il  le  mérite  par  le 
tour  de  fes  expreflions ,  qu'il  emprunte 
communément  des  Grecs  ,  8c  par  leur 
cadence  qu'il  s'eft  propofé  d'imiter.  Ses  élé- 
gies font  l'ouvrage  des  grâces  mêmes  ;  &n'en 
pas  fentir  les  beautés,  c'eft  fe  déclarer  ennemi 
des  mures.  Rien  n'eft  au  deflus  de  fon  art , 
de  fon  travail ,  de  fon  favoir  dans  la 
fable  ;  peut-être  quelquefois  pourrait  -  on 
lui  en  faire  un  reproche  ;  mais  fes  images 
plaifent  prcfque  toujours.  Cynthie  eft  -  elle 
légèrement  anoupie  ?.  telle  fut  ou  la  fille 
de  Mines  ,  lorfque  abandonnée  par  un 
amant  perfide  ,  elle  s'endormit  fur  le 
rivage  ;  ou  la  fille  de  Céphée  ,  quand  déli- 
vrée d'un  monftre  affreux  ,  elle  fut  con- 
trainte de  céder  au  iommeil  qui  vint  la 
furprendre.  Cynthie  verfe-t-elle  des  larmes  ? 
jamais  cette  femme  fuperbe  qui  fut  trans- 
formée en  rocher ,  Niobé  ,  n'en  répandit 
autant.  Peint  -  il  la  fimplicité  des  premiers 
âges?  ce  font  des  fleurs  ,  des  fruits  ,  des 
raifins  avec  leurs  pampres  qu'il  offre  à  fa 
maîtreffe.  Enfin  tout  ce  qu'il  exprime  eft 
conforme  à  la  vérité ,  &  l'harmonie  de  la 
>eriificati©n  y  répand  mille  charmes. 


Ovide  eft  léger 


E  L  E 

agréable  ,  abondant , 
plein  d'efprit  ;  il  lurprend  ,  il  étonne  pair 
Ion  incomparable  facilité.  Il  répand  les 
fleurs  à  pleines  mains  ;  mais  il  ne  fait  peindre 
que  les  grotefques  ;  il  préfère  les  agrémens  , 
les  traits  ,  les  faillies  ,  au  langage  de  la 
nature  ;  il  néglige  le  fentiment  pour  faire 
briller  une  penfée  ;  il  fe  montre  toujours 
plus  fpirituei  que  plein  d'une  véritable 
pafïion  ;  il  s'égaie  même  lorfqu'il  croit  ne 
tracer  que  la  peinture  de3  fujets  les  plus 
férieux.  En  vain  il  fe  repréfente  expo'ë  à 
périr  par  la  tempête ,  dans  le  vaiifeau  qui 
le  porte  au  lieu  deftiné  pour  fon  exil  ;  il 
compte  les  flots  qui  fe  fuccedent  impé- 
tueufement  les  uns  aux  autres  ,  6c  il  a  le 
fens  froid  de  nommer  le  dixième  pour  le 
plus  grand. 


Qui 


hic     fluclus     fupereminet 


venu 
omnes 
PoJIerior  nono  ejî ,  undecimoqut  prior. 

Avec  ce  ftyle  poétique  ,  il  ne  m'intérefïè 
point  en  fa  faveur  ;  je  ne  partage  point  fes 
dangers  ,  parce  que  j'en  apperçois  toute 
la  fiction.  Quand  il  tenoit  ce  difeours ,  il 
étoit  déjà  parmi  les  Sarmates  ,  ou  du  moins 
dans  le  port.  En  un  mot  ,  Ovide  eft  plus 
fardé  ,  moins  naturel  que  Tibulle  &  que 
Properce  ;  8c  quoique  leur  rival ,  il  étoit 
déjà  beaucoup  moins  goûté  ,  moins  admiré 
au  temps  de  Quintilien. 

Mais  pour  ce  qui  concerne  la  préémi- 
nence de  mérite  entre  Tibulle  8c  Properce, 
je  n'ai  garde  de  la  décider;  c'eft  peut  -  être 
une  affaire  de  tempérament.  Ainfi j  lans 
rappeller  au  lecteur  pour  y  parvenir  ,  les 
grandes  règles  de  la  poéfie  ,  ces  règles 
primitives  qui  s'étendent  à  tous  les  genres , 
8c  dont  l'obfervation  eft  toujours  indif- 
penfable ,  parce  qu'elles  ont  leur  fondement 
dans  la  nature  ;  fans  alléguer  une  autorité 
refpectable  que  les  partifans  de  Tibulle 
nomment  en  leur  faveur  ;  fans  croire  même 
qu'on  puiffe  bien  juger  aujourd  hui  de 
Tibulle  8c  de  Properce  ,  en  fe  donnant  la 
peine  de  les  comparer  fur  les  mêmes  fujets 
qu'ils  ont  traités  l'un  8c  l'autre;  j'entends 
les  vices,  le  luxe,  l'avarice  de  leur  fieclev 
8c  les  plaintes  qu'ils  font  de  leurs  maîrrenes, 
•*  (  Tibulle  ,  liv.  IL  éttg.  iv.  Properce  ,  &\ 


E  L  E 

$11  y  élég.  xij.  Sec.  )  je  dis  feulement  que 
les  gens  de  lettres  refteront  toujours  par- 
tagés dans  leurs  opinions ,  fur  La  préférence 
des  deux  poètes ,  de  qu'on  ne  réfoudra 
jamais  ce  problême  de  goût  Se  de  fèntiment. 
C'eft  pourquoi ,  loin  de  m'y  arrêter  davan- 
tage ,  je  palîe  à  la  difcufïion  un  peu 
détaillée  du  caractère  de  Y  élégie ,  Se  je 
vais  tâcher  néanmoins  de  n'ennuyer  per- 
ionne. 

Il  n'eft  point  de  genre  de  poéfie  qui  n'ait 
.fon  caractère  particulier*,  Se  cette  diverfité  , 
que  les  anciens  obferverent  fi  religieufe- 
ment ,  eft  fondée  fur  la  nature  même  des 
du  jets  imités  par  les  poètes.  Plus  leurs 
imitations  font  vraies ,  mieux  ils  ont  rendu 
les  caractères  qu'ils  avoient  à  exprimer. 
Chaque  genre  d'ouvrage  a  les  loix  ;  Se  fes 
loix  lui  font  tellement  propres ,  qu'elles 
ne  peuvent  être  appliquées  à  un  autre  genre. 
Ainfi  Féglogue  ne  quitte  pas  fes  chalu- 
meaux pour  entonner  la  trompette ,  Se 
l'élégie  n'emprunte  point  les  lublimes 
accords  de  la  lyre. 

Ne  croyons  donc  pas  que  pour  faire  des 
élégies  ,  il  fufïîfe  d'être  palîionné  ,  &  que 
l'amour  lêul  en  infpire  de  plus  belles  que 
l'étude  jointe  au  talent  fins  l'amour.  La 
pafïion  toute  feule  ne  produira  jamais  rien 
qui  foit  achevé  :  elle  doit  fins  doute  fournir 
les  fentimens  ;  mais  c'eft  à  l'art  de  les 
mettre  en  œuvre  ,  Se  d'y  ajouter  les  grâces 
de  l'exprefïion.  Le  caractère  de  l'élégie 
n'admet  point ,  à  la  vérité ,  la  méthode 
géométrique  ,  Se  la  fcrupuleufe  exactitude 
représente  mal  les  paillons  que  peint  l'élégie  ; 
mais  l'art  lui  devient  nécenaire  pour 
exprimer  le  défordre  des  pallions  ,  confor- 
mément à  la  nature  ,  que  les  grands 
maîtres  ont  fi  bien  connue. 

C'eft  par-là  que  Tibulle  eft  admirable  : 
s'il  fe  plaint  (  liv.  I,  élég.  3  )  d'une  maladie 
qui  le  retient  dans  une  terre  étrangère  ,  Se 
l'empêche  de  fuivre  Mefïala  ;  "  il  regrette 
»•  bientôt  le  fiecle  d'or,  cet  heureux liecle 
*>  où  les  maux  qui  depuis  affligèrent  les 
•>  hommes  ,  étoient  absolument  ignorés.  ••» 
Puis  revenant  à  fa  maladie  ,  "  il  en  demande 
••  à  Jupiter  la  guérifon.  »  Il  décrit  enfuite 
les  ch?mpS  élifées ,  où  "  Vénus  elle-même 
»»  doit  le  conduire  ,  fi  la  parque  tranche  le 
*>  jîl  de  fes  jours  «  :  enik-i  fentant,    reaaîtré 


E  L  E  $3 

l'efpérafice  dans  fon  eccur ,  «  il  fe  flatte 
»  que  les  dieux  ,  toujours  propices  aux 
»  amans  ,  lui  accorderont  de  revoir  Délie  , 
»  que  fon  abfence  rend  inconlolable.  »  Il 
femble  que  l'on  penferoït ,  que  l'on  par- 
lerait de  cette  manière,  fi  l'on  étoit  dans 
la  fituation  que  le  poë'te  repréfente. 

Rien  n'eft  plus  oppofé  au  caractère  de 
l'élégie  que  l'affectation ,  parce  qu'elle 
s'accorde  mal  avec  la  douleur ,  avec  la 
joie  ,  avec  la  tendrefle  ,  avec  les  grâces  ; 
elle  n'eft  propre  qu'à  tout  gâter.  L'élégie 
ne  s'accommode  point  des  penfées  recher- 
chées ,  ni  dans  le  genre  tendre  Se  pafTïonné 
de  celles  qui  feraient  feulement  ingénieufes 
Se  brillantes  ;  elles  pourraient  faire  honneur 
au  poète  dans  d'autres  occafions ,  mais 
l'efprit  n'eft  point  à  fa  place  où  il  ne  faut 
que  du  fèntiment.  De  plus  ,  les  penfées 
font  fouvent  faufles  ;  Se  bien  qu'il  fbit 
toujours  indifpeniable  de  penfer  jufte  ,  le 
vrai  du  fèntiment  doit  principalement 
régner  dans  l'élégie. 

Les  penfées  fublimes ,  Se  les  images 
pompeufes ,  n'appartiennent  pas  non  plus 
au  caractère  de  l'élégie;  elles  font  réfervées 
à  Iode  ou  à  l'épopée,  Ce  n'eft  pas  furie 
ton  pompeux  que  Marcellus ,  oui  M arcellus 
lui  -  même ,  nls  d'Augufte  par  adoption  , 
l'héritier  de  l'empire  Se  les  délices  des 
Romains ,  eft  pleuré  dans  une  des  élégies 
de  Properce ,  quoiqu'il  paroiiïe  que  les 
images  pompeufes  convenoient  bien  au 
héros  dont  il  s'agifïbit ,  ou  du  moins  auraient 
été  très-excufables  dans  cette  occafion  : 
cependant  Properce  n'a  pas  ofé  fe  les 
permettre  ;  il  fe  contente  de  dire  tout 
iimplement  :  (l  Une  mort  prématurée  nous 
>■  a  ravi  Marcellus  ;  il  ne  lui  a  de  rien 
»  fervi  d'avoir  Octavie  pour  mère  ,  Se  de 
»  réunir  dans  fa  perfonne  tant  de  vertus 
»  héroïques.  Rien  ne  garantit  de  la  com- 
»  mune  loi ,  ni  la  force  ,  ni  la  beauté ,  ni 
»  les  richeiîes ,  ni  les  triomphes.  De  quei- 
»  que  rang  que  vous  fbyez  ,  il  faudra  qu'un 
»  jour  vous  appaifiez  Cerbère  ,  &  que 
»  vous  palliez  la  £>àrque  de  l'inexorable 
»  vieillard.  »   Liv.  III,  élég.  15. 

Aulîi  quand  ce  même  poè'te  invoquoit 
les  mânes  de  Philétas  Se  de  Callimaque ,  il 
ne  leur  demandoit  pas  où  les  Mules  leur 
avoient  infpiré  des  vers  pompeux  ,  mais  er# 

L  % 


«4  ELE 

quel  antre  ils  avoient  trouvé  l'un  Se  l'autre 
la  fimplicité  propre  à  Yéiégie. 

Les  images  funèbres  conviennent  parfai- 
tement au  caractère  de  Yéiégie  trifte  ;  delà  nation 
rient  dans  les  anciens  ce  tour  ingénieux 
de  ramener  fouvent  l'idée  de  leur  propre 
mort ,  Se  d'ordonner  quelquefois  la  pompe 
de  leurs  funérailles  ;  ou  bien  encore  de 
finir  leurs  élégies  par  des  inferiptions  fur 
les  tombeaux.  Tibulle  a-r-il  déclaré  qu'il 
ne  peut  furvivre  à  la  perte  de  Néa:ra ,  qui 
lui  avoit  été  promife  ,  Se  qu'un  rival  lui 
avoir  enlevée  î  il  règle  à  l'inftant  l'ordre 
de  fes  funérailles  :  "  Il  veut ,  quand  il  ne 
»  fera  plus  ,  qu'une  ombre  légère  ,  que  cette 
»  même  Néa?ra ,  les  cheveux  épars ,  pleure 
»  devant  ion  bûcher  ;  mais  il  veut  qu'elle 
«  foit  accompagnée  de  fa  mère ,  8c  que 
»  toutes  deux  également  affligées  &:  vêtues 
y>  de  robes  noires  ,  elles  recueillent  les 
*>  cendres  j  qu'elles  les  arrofent  de  vin  &: 
-»>  de  lait  ;  qu'elles  les  renferment  dans  un 
»  tombeau  de  marbre  ,  avec  les  plus  riches 
»  parfums;  Se  que  pénétrées  de  douleur, 
»  elles  verfent  des  larmes  fur  ce  tombeau. 
5j  II  veut  enfin  que  l'infeription  faiîe  con- 
»  noître  que  c'eft  la  perte  cfe  Néscra  qui  a 
n  caufé  la  mort.  »   Liv.  III,  élég.  %. 

Il  eft  ordinaire  de  voir  la  grande  dou- 
leur s'occuper  de  raifonnemens  faux  ,  alors 
le  délire  de  cette  pafïion  eft  du  caractère 
cdentiel  de  Yél'giel  "  Plût  à  Dieu  (  dit 
«  Tibulle  )  qu'on  fut  demeuré  dans  les 
»  mœurs  qui  régnoient  au  temps  de  Saturne, 
r>  lorfqu'on  ne  connoiiloit  point  encore  l'art 
?>  de  voyager ,  'Se  que  la  terre  n'étoit  point 
i->  partagée  en  grands  chemins  !  »  Comme 
ii  delà  eût  dépendu  le  départ  de  fa  maîtrene  , 
qui  avoit  entrepris  un  grand  voyage. 

La  douleur  produit^  aufïi  des  defirs  Se 
des  efpérances  ,  qui  font  un  adoucilFemenr 
à  nos  peines  ,  Se  qui  nous  retracent  une 
iituation  plus  heureufe.  Delà  viennent  les 
«ligreilions  du  même  Tibulle  fur  des  plans 
de  vie  imaginaires ,  il  jamais  ion  état  venoit 
à  changer.  Par  ces  idées  frivoles,  entre- 
tenant une  pafïion  qui  le  remplit  tour-à-tour 
d'efpérances  Se  de  craintes ,  il  nourrit  la 
flamme  quile  dévore ,  Se  qui  ne  le  laiife  jamais 
fans  inquiétude. 

Voilà  ce  que  l'on  peut  obferyej:  furies 
4fégies  wiftes  &  paifiomiées, 


ELE 

Par  rapport  aux  élégies  gracieuies  ,    M. 

Marmontel    a    remarqué    qu'elles    doivent 

être  ornées  de  tous  les  tréfors  del'imagi- 

Se  je  n'ai  rien  de  plus  à  en  dire. 

Quant  aux  élégies  qui  doivent  repré- 
fenter  l'état  d'un  cœur  au  comble  de  fes 
vœux  ,  Se  ne  connoiflùait  rien  d'égal  au 
bonheur  dont  il  jouit,  le  ton  peut  être 
hardi  ,  Se  les  penfées  exagérées.  L'extrême 
joie  n'eft  pas  moins  hyperbolique  que 
l'extrême  douleur  ,  Se  fouvent  il  arrive  que 
les  figures  les  plus  audacieufes  font  l'expref- 
fion  naturelle  de  ces  tranfports.  C'eft  encore 
alors  que  les  images  riantes  répandent  dans 
ce  genre  d'élégie  des  grâces  particulières. 

Pour  ce  qui  regarde  les  louanges  que  les 
poètes  donnent  à  leurs  maîtreiïès  dans  les 
élégies  amoureufes ,  ou  les  éloges  qu'ils  font 
de  leur  beauté  ;  comme  c'eft  le  cœur  qui 
dicte  ces  fortes  de  louanges  ,  elles  doivent 
en  fuivre  le  langage ,  Se  par  confequent  être 
amenées  fimplement  &  naturellement. 
Voyez  avec  quelle  naïveté  ,  avec  quel 
goût ,  avec  quel  coloris  ,  Tibulle  nous  peint 
Sulpicie  :  "  Les  Grâces  (dit-il)  préiident 
»  à  toutes  fes  actions  ,  Se  font  toujours 
»  attachées  à  fes  pas  fans  qu'elle  daigne 
»  s'en  apercevoir.  Elle  plaît  fi  elle 
»  arrange  les  cheveux  avec  art  ;  il  elle  les 
»  laiffe  flotter ,  cet  air  négligé  lui  donne 
»  un  nouvel  éclat.  Soit  qu'elle  foit  vêtue 
»  de  pourpre ,  ou  qu'elle  préfère  à  la 
»  pourpre  une  autre  couleur ,  elle  enchante , 
»  elle  ravit  tous  les  cœurs.  Tel  dans 
»  l'olympe  ,  l'heureux  Vertumne  prend 
»  mijle  formes  différentes ,  Se  plaît  fous 
»  toutes  également.  »  Liv.  IV ,  élég.  z. 

En  un  mot ,  de  quelque  genre  qu'on 
fuppofe  Yéiégie  ,  elle  doit  toujours  fuivre  le 
langage  de  la  paillon  Se  de  la  nature  ;  elle 
doit  s'exprimer  avec  une  vérité  ,  une  force , 
une  douceur  ,  une  noblefle  ,  Se  un  fentiment 
proportionné  au  fujet  qu'elle  traite.  Il  y 
faut  le  choix  des  penfées  &  des  exprefïions 
propres  ;  car  ce  choix  eft  toujours  ce  qu'il 
y  a  de  plus  important  Se  de  plus  efîentiel. 
Ces  réflexions  doivent  naître  du  fond  même 
de  la  penfée,  Se  paraître  un  fentiment 
plutôt  qu'une  réflexion  :  il  faut  aufTi  que 
l'harmonie  du  vers  la  foutienne.  Enfin  ,  iî 
liaifon    fecrete    entre 


faut  qu'il  y   ait  une 
tomes   fes  parties , 


Se  que    le   plaji    foi* 


E  L  E 

.«Jiftribué  avec  tant  d'ordre  &  de  goût  , 
qu  J'es  fe  fortifient  les  unes  les  autres ,  & 
augmentent  infenfiblement  l'intérêt ,  comme 
ces  coteaux  qui  s'élèvent  peu-à-peu  ,  &  qui 
femblent  terminés  dans  un  efpace  éloigné 
par  des  montagnes  qui  touchent  aux 
aïeux. 

Ce  n'eft  pas  d'après  ces  règles  que  la 
plupart  des  modernes  ont  co'mpofe  leurs 
élégies  ;  ils  paroiilent  n'avoir  pas  connu 
fon  caractère.  lis  ont  donné  à  leurs  pro- 
ductions le  titre  à' élégie  ,  en  fe  contentant 
d 'y  donner  une  certaine  forme  ;  comme  fi 
cette  forme  fufSfbit  toute  feule  pour 
caradrérifer  un  poème  ,  fans,  la  matière  qui 
lui  eft  propre  ;  ou  que  ce  fut  la  nature 
des  vers  ,  &  non  pas  celle  de  l'imitation  , 
qui  distinguât  les  poètes. 

Les  uns  pour  briller ,  ie  font  jetés  dans 
les  écarts  de  l'imagination  ,  dans  des  orne- 
mens  frivoles  ,  dans  des  percées  recher- 
chées ,  dans  des  images  pompe ufes  ,  ou 
dans  des  traits  d'efprit  quand  il  s'agilïoit 
de  peindre  le  fentiment.  Les  autres  ont 
imaginé  de  plaire  ,  ik  d'émouvoir  par  des 
louanges  de  leurs  rnaîtreiles  ,  qui  ne  font 
que  des  flatteries  extravagantes  ;  par  des 
gémifîemens  ,  dont  la  feinte  faute  aux 
yeux  ;  par  des  douleurs  étudiées  ,  &c  par 
des  défelpoirs  de  fahg  froid.  C'eft  à  ces 
derniers  poètes  que  s'adretîènt  les  vers 
fuivans  de  Deipréaux  : 

Je  hais  ces  vains  auteurs  ,   dont  la  Mufe 

forcée 
M'entretient  de  fes  feux  y  toujours  froide 

6*  glacée  ; 
Qui  s'affligent  par   art  ;    &  faux  de  fens 

rajjis, 
S'érigent  ,    pour    rimer  ,    en    amoureux 

tranjiî  : 
Leurs  tranfports    les  plus   doux   'ne  font 

que  parafes  vaines  ; 
Ils    ne  faveni  jamais   que  fe  charger    de 

chaînes  , 
Que    lénir    leur    martyre  ,     adorer    leur 

prifen, 
JEt  faire  quereller  le  fens  ù  ta  raifon. 
Ce  n'était  pas  jadis  fur  ce  ion  ridicule 
Qu'Amour   dicloit  les    vers    que   foupiroit 

Tibulie. 

Ait  poétiq.  chant  II.  v.  45. 


E  L  Ë  Sj 

Auffî  les  Anglois  dégoûtés  des  fadenrs 
de  Y  élégie  plaintive  Se  amoureule  ,  ont  pris 
le  parti  de  confacrer  quelquefois  ce  poème 
à  l'éloge  de  l'efprit ,  de  la  valeur  ,  &  des 
talens  ;  on  en  verra  des  exemples  dans 
Waller.  Je  ne  déciderai  point  s'ils  ont  eu 
rort  ou  raifbn  \  cet  examen  me  meneroit 
trop  loin. 

Je  finis  par  une  récapitulation.  L'él'sie. 
doit  fon  origine  aux  plaintes  ufitées  de 
tout  temps  dans  les  funérailles.  Après  avoir 
long  -  temps  gémi  fur  un  cercueil ,  elle 
pleura  les  dilgraces  de  l'amour  >  ce  paflàge 
fut  naturel.  Les  plaintes  continuelles  des 
amans  font  une  efpece  de  mort  ;  &  pour 
parler  leur  langage  y  ils  vivent  uniquement 
dans  l'objet'  de  leur  paiïîon.  Soit  qu'ils 
louent  les  plaifirs  de  la  vie  champêtre  ,  foit 
qu'ils  déplorent  les  maux  que  la  guerre 
entraîne  après  elle  ,  ce  n'elî  pas  par  rapport 
à  eux  qu'ils  louent  ces  plaifirs  ÔC  qu'ils 
déplorent  ces  maux  ,  c'eft  par  rapport  à 
leurs  rnaîtreiles  :  "  Ah ,  pourvu  ieulement 
»  que  j'euile  le  bonheur  d'être  auprès  de 
»  vous  !  »...  dit  Tibulie  à  Délie. 

Ainli  l'élégie  ,  derKnée  dans  fa  première 
inftitution  aux  gémiilemens  ôc  aux  larmes , 
ne  s'occupa  que  de  fes  infortunes;  elle 
n'exprima  d'autres  fentimens',  elle  ne  parla 
d'autre  langage  que  celui  de  la  douleur  : 
négligée  comme  il  lied  aux  personnes 
affligées  ,  elle  chercha  moins  à  plaire  qu'à 
toucher  ;  elle  voulut  exciter  la  pitié  ,  ôc 
non  pas  l'admiration.  Elle  retint  ce  même 
caractère  dans  les  plaintes  des  amans  ,  Ôc 
jufquesdans  leurs  chants  de  triomphe  elle 
fe  iouvint  de  fa  première  origine 

Enfin  ,  dans  toutes  fes  viciiTitudes' ,  fes 
penfées  furent  toujours  vives  &  naturelles  , 
lès  fentimens  tendre-,  ôc  délicats- ,  fes  expreA 
fions  fimples  ôc  -faciles  ;  êc  toujours  elle 
confer va  cette  marche  inégale  dont  Ovide 
lui  fait  un  fi  grand  mérite  ,  &  qui ,  pour  le 
dire  en  paflànt ,  donne  à  la  poéiie  éiégiaque 
des  anciens  tant  d'avantage1  fur  la  notre. 

Cependant  je  m'apperçpis  qu'en  traitant 
ce  fujet  ,  qui  a  été  h  bien  approfondi 
dans  piufieurs  ouvrages  ,  ôc  en  particulier 
dans  les  mémoires  de  l'académie  des  inf- 
criptions  ,  je  me  fuis  peut-être  trop  étendu  , 
entraîné  par  la  matière  même ,  &  par  les 
charmes  de  Tibulie  ôc  de  Properce.  Mais 


M  E  L  E 

le  genre  élégiaque  a  mille  attraits  ,  parce 
qu'il  émeut  nos  pallions  ,  parce  qu'il  eft 
limitation  des  objets  qui  nous  intéreffent , 
parce  qu'il  nous  fait  entendre  des  hommes 
■touchés  ,  qui  nous  rendent  très  -  feniibles 
à  leurs  peines  comme  à  leurs  plaiiîrs ,  en 
nous  en  entretenant  eux-mêmes. 

Nous  aimons  beaucoup  à  être  émus  (  V. 
Emotion  )  ;  nous  ne  pouvons  entendre 
les  hommes  déplorer  leurs  infortunes  (ans 
•en  être  affligés  ,  fans  chercher  eniuite  à  en 
parler  aux  autres  ,  (ans  profiter  de  la  pre- 
mière occafion  qui  s'offre  de  décharger 
notre  cœur,  fi  je  puis  parler  ainii  ,  d'un 
poids  qui  l'accable. 

Voilà  pourquoi  de  tous  les  po'émes  , 
comme  l'a  dit  avant  moi  M.  l'abbé  Sou- 
<:hay,  il  n'en  eft  point  après  le  dramati- 
que qui  foie  plus  attrayant  que  Y  élégie. 
Aufïi  a-t-on  vu  dans  tous  les  temps  des 
génies  du  premier  ordre  faire  leurs  délices 
de  ce  genre  de  poéiie.  Indépendamment 
<ie  ceux  que  nous  avons  cités  ,  élégingra- 
phes  de  profeffion ,  les  Euripide  3c  les  So- 
phocle ne  crurent  point ,  en  s'y  appliquant , 
déshonorer  les  lauriers  qu'ils  avoient  cueillis 
fur  la  fetne. 

Plufîeurs  poètes  modernes  fe  font  aufTi 
cônfacrés  à  l'élégie  :  heureux  s'ils  n'avoient 
pas  fubftitué  d'ordinaire  ,  le  faux  au  vrai , 
le  pompeux  au  fîmple  ,  3c  le  langage  de 
îefprit  à  celui  de  la  nature  !  Quoi  qu'il 
en  loit  ,  ce  genre  de  poéiie  a  des  beautés 
fans  nombre  ;  3c  c'eft  ce  qui  m'a  fait  ef- 
pérer  d'obtenir  quelque  indulgence  ,  quand 
j'ai  cru  pouvoir  les  détailler  ici  d'après  les 
grands  maîtres  de  l'art.  Article  de  M.  le 
tkevalier  DE  J AU  court. 

Elégie  ,  (  Mufique  des  a  ne.  )  forte  de 
«orne  pour  les  flûtes  ,  inventé  ,  dit-on  ,  par 
Sacadas  Argien.  (S) 

*  ELÉGIR  ,  v.  a<5t.  il  fe  dit ,  dans  les  arts 
«néchaniques ,  de  toutes  pièces  en  bois  ou 
cri  fer  qu'on  rend  plus  légères ,  en  les  af- 
foibliflant  dans  les  endroits  où  il  n'eft  point 
nécefïaire  qu'elles  foient  fî  fortes.  Il  eft 
particulièrement  d'ufage  dans  la  menuiferie 
Se  la  charpenterie. 

*  ELÉLÉEN  ,  adj.  (Mythol.)  furnom  de 
Êacchus  &  de  fès  prêtrefïes  ,  qu'on  ap- 
pella  aufïi  Eléléides.  Eléléen  lignifie  bruyant; 
ce  .gui   eft    relatif  à   h   manière  tumul- 


E  L  E 

tueufè  Se  bruyante  dont  ks  fêtes  3c  fcs 
myfteres  de  Bacchus  fe  célébraient  V. 
Bacchantes. 

ELEMENS  DES  SCIENCES.  (Philof.) 
On  appelle  en  général  élémens  du  tout  , 
les  parties  primitives  3c  originaires  dont 
on  peut  fuppofer  que  ce  tout  eft  formé. 
Pour  tranfporter  cette  notion  aux  feiences 
en  général ,  3c  pour  connoitre  quelle  idée 
nous  devons  nous  former  des  élémens  d'une 
feience  quelconque  ,  fuppoions  que  cette 
feience  ioit  entièrement  traitée  dans  un 
ouvrage  ,  en  forte  que  l'on  ait  de  fuite  3c 
fous  les  yeux  les  propofitions  tant  géné- 
rales que  particulières  ,  qui  forment  l'en- 
femble  de  la  (c'ienœ  3  3c  que  ces  propofi- 
tions foient  difpofées  dans  l'ordre  le  plus 
naturel  3c  le  plus  rigoureux  qu'il  loit  pof- 
fible  :  fuppoions  eniuite  que  ces  propofi- 
tions forment  une  fuite  absolument  con- 
tinue ,  en  forte  que  chaque  proportion 
dépende  uniquement  de  immédiatement 
des  précédentes  ,  3c  qu'elle  ne  iuppoie  point 
d'autres  principes  que  ceux  que  les  pré*- 
cédentes  propofitions  renferment  ;  en  ce 
cas  ,  chaque  propoiition  ,  comme  nous 
l'avons  remarqué  dans  le  difeours  préli- 
minaire ,  ne  fera  que  la  traduction  de  la 
première,  pré fentée  fous  différentes  faces; 
tout  fe  réduirai:  par  conféquent  à  cette 
première  propofidon  ,  qu'on  pourrait  re- 
garder comme  Vêlement  de  la  feience  dont 
il  s'agit  ,  puiique  cette  feience  y  ferait 
entièrement  renfermée.  Si  chacune  des 
feiences  qui  nous  occupent  étoit  dans  le 
cas  dont  nous  parlons  ,  les  élémens  en  fe- 
raient aufïi  ficiles  à  faire  qu'à  apprendre  ; 
3e  même  fi  nous  pouvions  appercevoir  fans 
interruption  la  chaîne  invifible  qui  lie  tous 
les  objets  de  nos  connoi Minces ,  \ts  élé- 
ment de  toutes  les  feiences  le  réduiraient 
à  un  principe  unique  ,  dont  les  conféquences 
principales  feraient  les  élémens  de  chaque 
feience  particulière.  L'efprit  humain  parti- 
cipant alors  de  l'intelligence  fuprême  , 
verrait  toutes  ces  cennoiflances  comme 
réunies  fous  un  point  de  vue  indivifible  ; 
il  y  aurait  cependant  cette  différence  entre 
dieu  &  l'homme  ,  que  Dieu  placé  à  ce 
point  de  vue ,  appercevroit  d'un  coup  d'œil 
tous  les  objets ,  3c  que  l'homme  aurait  be- 
foin    de    les  parcourir  l'un  après  l'autre  p 


E  L  E  , 

pour  en  acquérir  une  connoiiîance  détaillée. 
Mais  if  s'en' faut  beaucoup  que  nous  puiiîions 
nous  placer  à  un  tel  point  de  vue.  Bien-loin 
d'appercevoir  la  chaîne  qui  unit  toutes  les 
fciences,  nous  ne  voyons  pas  même  dans 
leur  totalité  les  parties  de  cette  chaîne  qui 
constituent  chaque  fcience  en  particulier. 
Quelque  ordre  que  nous  puilîîons  mettre 
entre  les  proportions ,  quelque  exaétitude 
que  nous  ciierchions  à  obferver  dans  la 
déduction,  il  s'y  trouera  toujours  nécef- 
fairement  des  vuides  ;  toutes  les  proportions 
ne  fe  tiendront  pas  immédiatement ,  Se  for- 
meront pour  ainli  dire  des  grouppes  difFé- 
icns  Se  défunis. 

Néanmoins  quoique  dans  cette  efpece  de 
tableau  il  y   ait  bien  des  objets  qui    nous 
échappent  ,  il  eft    facile   de  distinguer  les 
proportions  ou  vérités   générales    qui   fer- 
vent de  baie  aux  autres ,  Se  dans  lefquelles 
celles-ci    font    implicitement    renfermées. 
Ces  proportions  réunies  en  un  corps  ,   for- 
meront ,  à  proprement  parler  ;   les  élémens 
de  la  fcience  ,   puiique    ces  élément   feront 
comme  un  germe  qu'il  furfiroit  de  déve- 
lopper   pour    connoitre    les    objets    de    la 
fcience  fort  en  détail.  Mais  on  peut  encore 
conrdérer    les  été  mens  d'une    fcience    fous 
un  autre  point  de  vue  :  en  effet ,  dans  la 
fuite  des  proportions  ,  on  peut  distinguer 
celles  qui ,  foit  dans  elles-mêmes  ,  foit  dans 
leurs  conféquences  ,   confîderent    cet  objet 
de  la  manière  la  plus  rmple  ;  Se  ces  pro- 
portions  étant    détachées  du    tout ,  en   y 
joignant  même  les  conféquences  détaillées 
qui  en  dérivent  immédiatement ,  on  aura 
des  élémens  pris  dans  un  fécond  fens  plus 
vulgaire  Se  plus  en  ufàge ,  mais  moins  phi- 
lofophique  que  le  premier.  Les  élémens  pris 
dans  le  premier  fens ,  confèrent  pour  ainfi 
dire  en  gros    toutes  les  parties  principales 
de  l'objet  :  les  élémens  pris  dans  le  fécond 
iens ,  çonfiderent  en   détail  les  parties    de 
l'objet  les    plus    groilïeres.   Ainfi    des  élé- 
mens de  géométrie  qui  contiendraient  non 
feulement  les  principes  de  la  mefure  Se  des 
propriétés    des  figures    planes ,    mais  ceux 
de  l'application    de  l'algèbre  à  la  géomé- 
trie,   Se    du  calcul  différentiel  &  intégral 
appliqués  aux   courbes ,    feraient    des    élé- 
mens  de  géométrie  dans  de  premier  fens , 
parce  qu'ils  renfermeraient  les  principes  de 


E   L   t  8j 

la  géométrie  tarife  dans  toute  fon  étendue  -y 
mais  ce  qu'on  appelle  des  élémens  de  géo- 
métrie ordinaire,  qui  ne  roulent  que  fur  les 
propriétés  générales  des  figures  planes  Se 
du  cercle  ,  ne  font  que  des  élémens  pris  dans 
le  fécond  fens  ,  parce  qu'ils  n'embrafient 
que  la  partie  la  plus  fimple  de  leur  objet  y 
foit  qu'ils  Pembrailènt  avec  plus  ou  moins 
de  détail.  Nous  nous  attacherons  ici  aux 
élémens  pris  dans  le  premier  fens  ;  ce  que 
nous  en  dirons  pourra  facilement  s'appli- 
quer enfuite  aux  élémens  pris  dans  le 
fécond. 

La  plupart  des  fciences  n'ont  été  inven~ 
tées  que  peu-à-peu  :  quelques  hommes  de 
génie  ,  à  différens  intervalles  de  temps , 
ont  découvert  les  uns  après  les  autres  un 
certain  nombre  de  vérités  ;  celles-ci  en  ont 
fait  découvrir  de  nouvelles ,  jufqu'à  ce 
qu'enfin  le  nombre  des  vérités  connues  eft 
devenu  allez  confidérable.  Cette  abondance 
du  moins  apparente  ,  a  produit  deux  effets. 
En  premier  lieu  ,  on  a  fenti  la  difficulté  d'y 
ajouter  ,  non  feulement  parce  que  les  génies- 
créateurs  font  rares ,  mais  encore  parce  que 
les  premiers  pas  faits  par  une  fuite  de  bons 
efprits  ,  rendent  les  fuivans  plus  difficiles  à 
faire  ;  car  les  hommes  de  génie-  parcourent 
rapidement  la  carrière  une  fois  ouverte , . 
jufqu'à  ce  qu'ils  arrivent  à  quelque  obftacle 
infurmontable  pour  eu^x  ,  qui  ne  peut  être 
franchi  qu'après  des  fiecles  de  travail.  En 
fécond  lieu ,  la  difficulté  d'ajouter  aux 
découvertes  a  dû  naturellement  produire  le. 
deflein  de  mettre  en  ordre  les  découvertes- 
déjà  faites  ;  car  le  caractère  de  l'efprit  humain 
eft  G'amafïer  d'abord  le  plus  de  connoif- 
fances  qu'il  eft  poffibie ,  Se  de  Conget 
enfuite  à  les  mettre  en  ordre ,  lorfqu'il  n'eft 
plus  fi  facile  d'en  amaffer.  Dell  font  nés 
les  premiers  traités  en  tout  genre;  traipés, 
pour  la  plupart  imparfaits  Se  informes.  Cette 
imperfection  venoit  principalement  de  ce 
que  ceux  qui  ont  drefle  ces  premiers  ouvra- 
ges ,  ont  pu  rarement  ie  mettre  à  la  place 
des  inventeurs  dont  ils  n'avoient  pas  recu- 
le génie  en  recevant  le  fruit  de  leurs 
travaux.  Les  inventeurs  feuls  pouvoient 
traiter  d'une  manière  fatisfaifante  les  fcien- 
ces qu'ils  avoient  trouvées ,  parce  qu'en 
revenant  fur  la  marche  de  leur  efprit ,  Se 
en  examinant  de  quelle  manière  une  pra* 


ss 


E  LE 


poiîtîon  les  avoir  conduits  à  une  autre ,  ils 
étoient  feuis  en  état  de  voir  h.  iiaifon  des 
vérités,  8c  d'en  former  par  coniéquent  la 
chaîne.  D'ailleurs ,  les  principes  philoiophi- 
ques  fur  lefquels  la  découverte  d'une  fcience 
eft  appuyée ,  n'ont  fouvent  une  certaine 
netteté  que  dans  l'efprit  des  inventeurs  ; 
car  foit  par  négligence ,  foit  pour  déguiier 
leurs  découvertes  ,  foit  pour  en  faciliter  aux 
autres  les  fruits ,  ils  les  couvrent  d'un  lan- 
gage particulier  ,  qui  fert  ou  à  leur  donner 
un  air  de  myftere ,  ou  à  en  amplifier  l'ufage  : 
or  ce  langage  ne  peut  être  mieux  traduit 
que  par  ceux-mêmes  qui  l'ont  inventé ,  ou 
qui  du  moins  auraient  pu  l'inventer.  Il  eft 
enfin  des  cas  où  les  inventeurs  mêmes  n'au- 
roient  pu  réduire  en  ordre  convenable  leurs 
connoillinces  \  c'eft  lorfqu'ayant  été  guidés 
moins  par  le  raifonnemént  que  par  une 
•fcfpece  d'inftincl: ,  ils  font  hors  d'état  de 
pouvoir  les  tranfmettre  aux  autres.  C'eft 
encore  lorfque  le  nombre  des  vérités  le  trouve 
afïez  grand  pour  être  recueilli ,  8c  pour 
qu'il  foit  difficile  d'y  ajouter  y  mais  non 
allez  complet  pour  former  un  corps  8c  un 
cnfemble. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  regarde  les 
traités  détaillés  8c  complets  ;  mais  il  eft 
évident  que  les  mêmes  réflexions  s'appli- 
quent aux  traités  élémentaires  :  car  puifque 
les  traités  complets  ne  différent  des  traités 
élémentaires  bien  faits ,  que  par  le  détail 
des  conféquences  de  des  proportions  par- 
ticulières omifes  dans  les  uns  Se  énoncées 
dans  les  autres  ,  il  s'enfuit  qu'un  traité  élé- 
mentaire 8c  un  traité  complet ,  fî  on  les 
fuppofe  bien  faits ,  feront  ou  explicitement 
ou  implicitement  renfermés  l'un  dans 
l'autre. 

Il  eft  donc  évident  par  tout  ce  que  nous 
venons  de  dire ,  qu'on  ne  doit  entrepren- 
dre les  èlémens  d'une  fcience  que  quand 
les  proportions  qui  la  conftituent  ne  feront 
point  chacune  ifolées  8c  indépendantes 
l'une  de  l'autre ,  mais  quand  on  pourra  y 
remarquer  des  proportions  principales  dont 
les  autres  feront  des  conféquences.  Or 
comment  diftinguera-t-on  ces  proportions 
principales  î  voici  le  moyen  d'y  parvenir. 
Si-  les  proportions  qui  forment  l'enlèmble 
d'une  fcience  ne  fe  luivent  pas  immédia- 
tement les  unes  les  autres ,  on  remarquera. 


E  L  E 

les;  endtoits  ou  la  chaîne  eft  rompue ,  Sa 
les  propolitions  qui  forment  la  tête  de 
chaque  partie  de  la  chaîne  ,  font  celles  qui 
doivent  entrer  dans  les  élémens.  A  l'égard 
des  proportions  mêmes  qui  forment  une 
feule  portion  continue  de  ta  chaîne  ,  on  y 
en  diitinguera  de  deux  efpeces;  celles  qui 
ne  font  que  de  (impies  conféquences ,  une 
rmple  traduction  en  d'autres  rermes  de  la 
propofition  précédente  ,  doivent  être  exclues 
des  élémens ,  puilqu'eiles  y  fo:it  évidem- 
ment renfermées.  Celles  qui  emprun- 
tent quelque  chofe  ,  non  feulement  de  la 
propolition  précédente ,  mais  d'une  autre 
propofition  primitive  ,  fembleroient  devoir 
être  exclues  par  la  même  raifon  ,  puifqu'elles 
font  implicitement  8c  exactement  renfer- 
mées dans  les  proposions  dont  elles  déri- 
vent. Mais  en  s'attachant  fcrupuleufement 
à  cette  règle ,  non  feulement  on  réduirait 
les  élémens  à  prelque  rien  ,  on  en  rendrait 
encore  l'ufage  8c  l'application  trop  diffi- 
ciles. Ainfî  les  conditions  néceiîaires  pour 
qu'une  propofition  entre  dans  les  élémens 
d'une  fcience  pris  dans  le  premier  fens  , 
font  que  ces  proportions  foient  allez  dil- 
tinguées  les  unes  des  autres ,  pour  qu'on 
n'en  puifïe  pas  en  former  une  chaîne  immé- 
diate ;  que  ces  proportions  foient  elles-mêmes 
la  fource  de  plufeurs  autres  ,  qui  n'en 
feront  plus  regardées  que  comme  des  confé- 
quences ;  8c  qu'enfin  fi  quelqu'une  des  pro- 
posions eft  comprife  dans  les  précédentes , 
elle  n'y  foit  comprife  qu'implicitement ,  ou 
de  manière  qu'on  ne  puille  en  apperce\1&ir 
la  dépendance  que  par  un  raiionnement 
développé.  A 

Noublions  pas  de  dire  qu'il  faut  inférer* 
dans  les  élémens  les  proportions  ifolées , 
s'il  en  eft  quelqu'une  qui  ne  tienne  ni  comme 
principe  ni  comme  conféquence  ,  à  aucune 
autre  ;  car  les  élémens  d'une  fcience  doivent 
contenir  au  moins  le  germe  de  toutes  les 
vérités  qui  font  l'objet  de  cette  fcience  : 
par  conféquent  l'omifïion  d'une  feule 
vérité  ifolée ,  rendrait  les  élémens  impar- 
faits. 

Mais  ce  qu'il  faut  fur-tout ,  s'attacher  à 
bien  développer ,  c'eft  la  métaphyrque  ejes  , 
proportions.  Cette  métaphyrque  qui  a  guidé 
ou    dû    guider  les  inventeurs ,  n'eft  aïïtfe 
chofe  que  l'exposition  claire  8c  précife  des 

yéïkés 


E 


L  £ 

«Pcîités  générales  &  philosophiques  fur  les- 
quelles les  principes  de  la  icience  font 
fondés.  Plus  cette  métaphyfique  eft  fimple  , 
facile ,  &  pour  ainfi  dire  populaire  ,  plus 
elle  eft  précieufe  ;  on  peut  même  dire 
que  la  (implicite  ôc  la  facilité  en  font  la 
pierre  de  touche.  Tout  ce  qui  eft  vrai ,  fur- 
tout  dans  les  feiences  de  pur  raifonnement , 
a  toujours  des  principes  clairs  Ôc  ienfibles , 
&  par  conféquent  peut  être  mis  à  la  portée 
de  tout  le  monde  fans  aucune  obfcurité. 
En  effet ,  comment  les  conféquences  pour- 
roient-elles  être  claires  ôc  certaines ,  fi  les 
principes  étoient  obicurs  ?  La  vanité  des 
auteurs  ôc  des  lecteuis  eft  caufe  que  Ton 
s'écarte  fouvent  de  ces  règles  :  les  premiers 
font  flattés  de  pouvoir  répandre  un  air  de 
myftere  &:  de  iublimité  fur  leurs  produc- 
tions •■>  les  autres  ne  haïfïènt  pas  l'obfcurité  3 
pourvu  qu'il  en  réfulte  une  elpece  de 
merveilleux  ;  mais  la  vérité  eft  fimple , 
ôc  veut  être  traitée  comme  elle  eft.  Nous 
aurons  occafion  dans  cet  ouvrage  d'appli- 
çuer  fouvent  les  règles  que  nous  venons 
de  donner  ,  principalement  dans  ce  qui  re- 
garde les  ioix  de  la  méchanique  ,  la  géo- 
métrie qu'on  nomme  de  l'infini  ,  ôc  plu- 
iieurs  autres  objets  ;  c'eft  pourquoi  nous 
in  liftons  pour  le  préfent  allez  légèrement 
là-deflus. 

Pour  nous  borner  ici  à  quelques  règles 
générales  ,  quels  font  dans  chaque  feience 
les  principes  d'où  l'on  doit  partir  î  des 
faits  (impies  ,  bien  vus  ôc  bien  avoués  ;  en 
phyiique  ,  Fobfervation  de  l'univers  ;  en 
géomérrie  ,  les  propriétés  principales  de 
1  étendue  ;  en  méchanique  ,  l'impénétrabilité 
des  corps  j  en  métaphyfique  ôc  en  morale  , 
l'étude  de  notre  ame  ôc  de  fes  affections , 
Se  ainfi  des  autres.  Je  prends  ici  la  méta- 
phyfique dans  le  fèns  le  plus  rigoureux 
qu'elle  puiile  avoir  ,  en  tant  qu'elle  eft  la 
feience  des  êtres  purement  fpirituels.  Ce 
que  j'en  dis  ici  fera  encore  plus  vrai ,  quand 
on  la  regardera  dans  un  fens  plus  étendu  , 
comme  la  feience  univerlelle  qui  contient 
les  principes  de  toutes  les  autres  ;  car  fi 
chaque  feience  n'a  ôc  ne  peut  avoir  que 
l'obtèrvation  pour  vrais  principes  ,  la  mé- 
taphyfique de  chique  icience  ne  peut  con- 
cilier que  dans  les  conféquences  générales 
£ui  résultent  de  l'obier vaxkni ,  ^réfentées , 
Tome  XI L 


ELÈ  iff 

fbuS  le  point  de  vue  le  plus  étendu  qu'on 
puiile  leur  donner.  Ainfi  ,  duilé-je  ,  contre 
mon  intention  ,  choquer  encore  quelques 
perfonnes ,  dont  le  zèle  pour  la  métaphy- 
iîque eft  plus  ardent  qu'éclairé ,  je  me 
garderai  bien  de  la  définir  ,  comme  elles  le 
veulent  ,  la  feience  des  idées  ;  car  que  le- 
roit-ce  qu'une  pareille  feience  ?  La  philo- 
fophie  ,  fur  quelque  objet  qu'elle  s'exerce  , 
eft  la  feience  des  faits  ou  celle  des  chi- 
mères. Ceft  en_  effet  avoir  d'elle  une  idée 
bien  informe  &  bien  peu  jufte  ,  que  de 
la  croire  deftinée  àfè  perdre  dans  les  abftfao 
tions  ,  dans  les  propriétés  générales  de 
l'être ,  ôc  dans  celles  du  mode  ôc  de  la  fubf- 
tance.  Cette  fpéculation  inutile  ne  con- 
fifte  qu'à  préfenter  fous  une  forme  ôc  un 
langage  feientifiques  ,  des  proportions  qui 
étant  mifes  en  langage  vulgaire  ,  ou  ne 
feroient  que  des  vérités  communes  qu'on 
auroit  honte  d'étaler  avec  tant  d'appareil , 
ou  feroient  pour  le  moins  douteufes  ,  ôc 
par  conféquent  indignes  d'être  érigées  en 
principes.  D'ailleurs  ,  une  telle  méthode  eft 
non  feulement  dangereufe ,  en  ce  qu'elle 
retarde  par  des  queftions  vagues  ôc  con- 
tentieufes  le  progrès  de  nos  connoiflances 
réelles  ,  elle  eft  encore  contraire  à  la  marche 
de  l'efprit ,  qui  ,  comme  nous  ne  faurions 
trop  le  redire  ,  ne  connoit  les  abftradions 
que  par  l'étude  des  êtres  particuliers.  Ainfî 
la  première  chofè  par  où  l'on  doit  com- 
mencer en  bonne  philofophie  ,  c'eft  de  faire 
main-bafïè  fur  ces  longs  ôc  ennuyeux  pro- 
légomènes ,  fur  ces  nomenclatures  éter- 
nelles ,  fur  ces  arbres  ôc  ces  divifions  fans 
fin  ;  triftes  reftes  d'une  rniicrable  fcholaf- 
tique  ÔC  de  l'ignorante  vanité  de  ces  tfecles 
ténébreux  ,  qui  dénués  d'obfervations  ôc  de 
faits  ,  fe  créoient  un  objet  imaginaire  de 
fpéculation  &  de  difputes.  J'en  dis  autant 
de  ces  queftions  aufîi  inutiles  que  mal  ré- 
solues ,  fur  la  nature  de  la  philofophie , 
fur  fon  exiftence  /fur  le  premier  principe  des 
connoiflances  humaines  ,  fur  l'union  de  la 
probabilité  avec  l'évidence  ,  &  fur  une  in- 
finité d'autres  objets  femblables,. 

Il  eft  dans  les  feiences  d'autres -queftions 
conteftées  ,  moins  frivoles  en  elles-mêmes  , 
mais  aulîi  inutiles  en  effet  ,  qu'on  doit 
abfolument  bannir  d'un  livre  à'élemeas.  On 
peut  juger  sûrement  de  l'inutilité  abfolus 

M 


qo  E   L   E 

d'une  queftîon  fur  laquelle  on  fè  divife, 
lorfqu'on  voit  que  les  philofophes  fe  réu- 
nifient d'ailleurs  fur  des  proportions  qui 
néanmoins  au  premier  coup-d'œil  femble- 
roient  tenir  nécefïairement  à  cette  queftion. 
Par  exemple  ,  les  élémens  de  Géométrie  , 
de  calcul ,  étant  les  mêmes  pour  toutes 
les  écoles  de  philofophie  ,  il  réfulte  de  cet 
accord  ,  Se  que  les  vérités  géométriques  ne 
tiennent  point  aux  principes  conteftés  fur 
la  nature  de  l'étendue  ,  Se  qu'il  eft  fur  cette 
matière  un  point  commun  où  toutes  les 
lècres  fe  réunifient  ;  un  principe  vulgaire 
Se  fimple  d'où  elles  partent  toutes  fins  s'en 
appercevoir  ;  principe  qui  s'eft  obfcurci 
par  les  difputes ,  ou  qu'elles  ont  fait  négli- 
ger ,  maïs  qui  n'en  fubfifte  pas  moins.  De 
même  ,  quoique  le  mouvement  &  fes  pro- 
priétés principales  foient  l'objet  de  la 
méchanique  ,  néanmoins  la  métaphylique 
obfcure  ôc  contentieufe  de  la  nature  du 
mouvement  ,  eft  totalement  érrangere  à 
cette  feience  >  elle  fuppofe  l'exiftence  du 
mouvement,  tire  de  cette  fuppofition  une 
foule  de  vérités  utiles ,  &  laifle  bien  loin 
derrière  elle  la  philofophie  fcholaftique  s'é- 
putfer  en  vaines  fuhtiîités  fur  le  mouve- 
ment même.  Zenon  chercheroit  encore  fi 
les  corps  fe  meuvent ,  tandis  qu' Archimede 
auroit  trouvé  les  loir  de  l'équilibre  , 
Huyghens  celles  de  la  pereuflion  ,  & 
Newton  celles  du  fyftême  du  monde. 

Concluons  delà  que  le  point  auquel  on 
doit  s'arrêter  dans  la  recherche  des  prin- 
cipes d'une  feience  ,  eft  déterminé  par  la 
r.ature  de  cette  feience  même ,  c'eft-à-dire 
par  le  point  de  vue  fous  lequel  elle  envifage 
ion  objet  ;  tout  ce  qui  eft  au  delà  doit 
être  regardé  ou  comme  appartenant  à  une 
autre  feience  ,  ou  comme  une  région  entiè- 
rement refufée  à .  nos  regards.  J'avoue  que 
les  principes  d'où  nous  partons  en  ce  cas  ne 
ibnr  peut-être  eux-mêmes  que  des  confé- 
quences  fort  éloignées  des^  vrais  principes 
qui  nous  font  inconnus  ,  Se  qu'ainfî  ils 
méritero'ent  peut-être  le  nom  de  conclu- 
fwns  plutôt  que  celui  de  principes.  Mais  il 
n'eft  pas  néceflàife  que  ces  concluions 
Ibîent  des  principes  en  elles-mêmes  3  il 
fuffic  qu'elles  en  Ibient  pour  nous. 

Nous  n'avons  parlé  jufqu'à  préfent  que 
des   principes   proprement   dits  ,    de  ces 


E  L  E 

vérités  primitives  par  lefquelles  on  peoé 
non  feulement  guider  les  autres  ,  mais 
fe  guider  foi-même  dans  l'étude  d'une  feien- 
ce. Il  eft  d'autres  principes  qu'on  peut  appel- 
les fecondaires  ;  ils  dépendent  moins  de  la 
nature  des  chofes  ,  que  du  langage  :  ils 
ont  principalement  lieu  ,  lorfqu'il  s'agit  de 
communiquer  fes  connoilTances  aux  autres. 
Je  veux  parler  des  définitions ,  qu'on  peut  , 
à  l'exemple  des  Mathématiciens  ,  regarder 
en  effet  comme  des  principes  ;  puiique 
dans  quelque  efpece  à' élémens  que  ce  puifîè 
être  ,  c'eft  en  partie  fur  elles  que  la  plupart 
des  proportions  font  appuyées.  Ce  nouvel 
objet  demande  quelques  réflexions  :  l'article 
Définition  en  préiente  plufieurs  *  nousy 
ajouterons  les  fuivantes. 

Définir  ,  fuivant  la  force  du  mot  ,  c'eft 
marquer  les  bornes  Se  les  limites  d'une 
chofe  ;  ainfî  définir  un  mot ,  c'eft  en 
déterminer  Se  en  circonferire  pour  ainfî 
dire  le  fens  ,  de  manière  qu'on  ne  puifîe, 
ni  avoir  de  doute  fur  ce  fens  donné  ,  ni 
l'étendre  ,  ni  le  reftreindre  ,  ni  enfin  l'attri- 
buer à  aucun  autre  terme. 

Pour  établir  les  règles  des  définitions , 
remarquons  d'abord  que  dans  les  Sciences 
on  fait  ufage  de  deux  fortes  de  termes , 
de  termes  vulgaires  ,  Se  de  termes  feien- 
tifîques. 

J'appelle  termes  vulgaires  ,  ceux  dont 
on  fait  ufage  ailleurs  que  dans  la  feience 
dont  il  s'agit  ,  c'eft-à-dire  dans  le  langage 
ordinaire,  ou  même  dans  d'autres  feiences; 
tels  font  par  exemple  les  mots  efpace  , 
mouvement  en  méchanique  ;  corps  en  Géo- 
métrie ;  fon  en  Mufique  ,  Se  une  infinité 
d'autres.  J'appelle  termes  feientifiques  ,  les 
mots  propres  Se  particuliers  à  la  feience, 
qu'on  a  été  obligé  de  créer  pour  déiigner 
certains  objets  ,  Se  qui  font  inconnus  à 
ceux  a  qui  la  feience  eft  tout-à-fait  étran- 
gère • 

Il  femble  d'abord  que  les  termes  vul- 
gaires n'ont  pas  befoïn  d'être  définis  ,  puif- 
qu'étant  ,  comme  on  le  fuppofe  ,  d'un 
ufage  fréquent  ,  l'idée  qu'on  attache  à  ces 
mots  doit  être  bien  déterminée  8c  familière 
à  tout  le  monde.  Mais  le  langage  des 
Sciences  ne  fauroit  être  trop  précis  ,  Se 
celui  du  vulgaire  eft  fbuvent  vague  Se  obf- 
cur  j  on  ne  fauroit  donc  trop  s'applicuie^ 


E  L  E 

\  fïxeï  la  lignification  des  mots  qu'on 
emploie  ,  ne  fût-ce  que  pour  éviter  toute 
équivoque.  Or  pour  fixer  la  lignification 
des  mots  ,  ou  ,  ce  oui  revient  au  même , 
pour  les  définir  ,  il  faut  d'abord  examiner 
quelles  font  les  idées  fimples  que  ce  mot 
renferme;  j 'appelle  idée  fimple  ,  celle  qui 
ne  peut  être  décompofée  en  d'autres ,  Ôc 
par  ce  moyen  être  rendue  plus  facile  à 
iailïr  :  telle  eft  par  exemple  l'idée  d'exif- 
tence  ,  celle  de  fenfation  ,  ôc  une  infinité 
d'autres.  Ceci  a  befoin  d'une  plus  ample 
explication. 

A  proprement  parler  ,  il  n'y  a  aucune 
de  nos  idées  qui  ne  foit  fimple  ;  car  quelque 
compofé  que  foit  un  objet ,  l'opération 
par  laquelle  nc\re  efprit  le  conçoit  comme 
compofé,  eft  une  opération  inftantanée  & 
unique  :  ainfî  c'eft  par  une  feule  opération 
iimple  que  nous  concevons  un  corps  comme 
une  fubfta'hce  tout  -  à  -  la  -  fois  étendue  , 
impénétrable ,   figurée  ,  ôc  colorée. 

Ce  n'eft  donc  point  par  la  nature  des 
opérations  de  l'efprit  qu'on  doit  juger  du 
degré  de  fimplicité  des  idées  ;  c'eft  la 
/implicite  plus  ou  moins  grande  de  l'objet 
qui  en  décide  :  de  plus  cette  fimplicité  plus 
ou  moins  grande  ,  n'eft  pas  celle  qui  eft 
déterminée  par  le  nombre  plus  ou  moins 
grand  des  parties  de  l'objet  ,  mais  par  le 
nombre  plus  ou  moins  grand  des  propriétés 
qu'on  y  confidere  à  la  fois  ;  ainfi  quoique 
l'efpace  Ôc  le  temps  foient  compofés  de 
parties  ,  &  par  conféquent  ne  foient  pas 
des  êtres  fïmples ,  cependant  l'idée  que 
nous  en  avons  eft  une  idée  fimple  ,  parce 
que  toutes  les  parties  du  temps  Ôc  de  l'ef- 
pace font  abfolument  femblables  ;  que 
l'idée  que  nous  en  avons  eft  abfolument  la 
même  ,  ôc  qu'enfin  cette  idée  ne  peut  être 
décompofée  ,  puifqu'on  ne  pourroit  fim- 
plifier  l'idée  de  l'étendue  ôc  celle  du  temps 
làns  les  anéantir  :  au  lieu  qu'en  retranchant 
de  l'idée  de  corps ,  par  exemple ,  l'idée 
d'impénétrabilité  ,  de  figure  ,  ôc  de  cou- 
ieur ,  il  refte  encore  l'idée  de  l'étendue. 

Les  idées  fimples  dans  le  fens  où  nous 
l'entendons  ,  peuvent  fe  réduire  à  deux 
cfpeces  :  les  unes  font  des  idées  abftraites  ; 
l'abftra&ion  en  effet  n'eft  autre  chofe  que 
l'opération  par  laquelle  nous  confidérons 
\Luis  un  objet  une  propriété  particulière  p 


E  L  E  ^r 

fahs  faire  attention  à  celles  qui  fe  joignent 
à  celle-là  pour  conftituer  l'eflènee  de  l'objet. 
La  féconde  e'pece  d'idées  fimples  eft 
renfermée  dans  les  idées  primitives  que 
nous  acquérons  par  nos  fènfations ,  comme 
celles  des  couleurs  particulières ,  du  froid  * 
du  chaud  ,  Ôc  plufieurs  autres  femblables  ; 
auiïi  n'y  a-t-il  point  de  circonlocution  plus 
propre  à  taire  entendre  ces  chofes  ,  que  le 
terme  unique  qui  les  exprime. 

Quand  on  a  trouvé  toutes  les  idées 
fimples  qu'un  mot  renferme  ,  on  le  définira 
en  préfentant  ces  idées  d'une  manière  aufTî 
claire  ,  aufli  courte  ,  ôc  aufïi  précife  qu'il 
fera  poflible.  Il  fuit  de  ces  principes  ,  que 
tout  mot  vulgaire  qui  ne  renfermera  qu'une 
idée  fimple  ,  ne  peut  Ôc  ne  doit  pas  être 
défini  dans  quelque  fcïence  que  ce  puiflè 
être  ,  puifqu'une  définition  ne  pourroit 
en  mieux  faire  connoître  le  fens.  A  l'égard 
des  termes  vulgaires  qui  renferment  plu- 
fieurs idées  fimples  ,  fuflent-ils  d'un  ufage 
très-commun  ,  il  eft  bon  de  les  définir  , 
pour  développer  parfaitement  les  idées 
fimples  qu'ils  renferment. 

Ainfi  dans  la  Méchanique  ou  Ccience  dut 
mouvement  des  corps ,  on  ne  doit  définir 
ni  l'efpace  ni  le  temps ,  parce  que  ces  mots 
ne  renferment  qu'une  idée  fimple;  mais 
on  peut  .ÔC  on  doit  même  définir  le  mou- 
vement ,  quoique  la  notion  en  foit  afïèiS 
familière  à  tout  le  monde  ,  parce  que 
l'idée  de  .mouvement  eft  une  idée  complexe 
qui  en  renferme  deux  fimples  ,  celle  de 
l'efpace  parcouru  ,  ôc  celle  du  temps  employé 
à  le  parcourir.  Il  fuit  encore  des  mêmes 
principes ,  que  les  idées  fimples  qui  entrent 
dans  une  définition  doivent  être  tellement 
diftinctes  l'une  de  l'autre ,  qu'on  ne  puifle 
en  retrancher  aucune.  Ainfi  dans  la  défi- 
nition ordinaire  du  triangle  recHigne  ,  on 
fait  entrer  mal  -  à  -  propos  les  trois  côtés  ÔC 
les  trois  angles  >  il  fufrit  d'y  faire  entrer 
les  trois  côtés  ,  parce  qu'une  figure  ren- 
fermée par  trois  lignes  droites  a  néceilai- 
rement  trois  angles.  C'eft  à  quoi  on  ne 
fauroit  faire  trop  d'attention ,  pour  ne  pas 
multiplier  fans  néceflité  les  mots  non  plus 
que  les  êtres  ,  ôc  pour  ne  pas  faire  regardée 
comme  deux  idées  diftincîes ,  ce  qui  n'effe 
individuellement  que  la  même. 

On  peut  donc  dire  non  feulement  qu'un» 

Ml 


S*  ILE 

définition  doit  être  courte  ,  mais  que  plus 
elle  fera  courte ,  plus  elle  fera  claire  ;  car 
la  brièveté  confifte  à  n'employer  que  les 
idées  néceilàires  ,  Se  à  les-  difpofer  dans 
Tordre  le  plus  naturel.  On  n'eft  Couvent 
obfcur  ,  que  parce  qu'on  eft  trop  long  : 
robfcurité  vient  principalement  de  ce  que 
les  idées  ne  font  pas  bien  distinguées  les 
unes  des  autres  ,  &  ne  font  pas  mifes  à 
leur  place.  Enfin  la  brièveté  étant  néceffaire 
dans  les  définitions ,  on  peut  &  on  doit 
même  y  employer  des  termes  qui  renfer- 
ment des  idées  complexes  ,  pourvu  que  ces 
termes  aient  été  définis  auparavant  ,  8c 
qu'on  ait  par  conféquent  développé  les 
idées  Simples  qu'ils  contiennent.  Ainfi  on 
peut  dire  qu'un  triangle  re&iligne  eft  une 
figure  terminée  par  trois  lignes  droites , 
■pourvu  qu'on  ait  défini  auparavant  ce  qu'on 
entend  par  figure,  c'eft  -  à  -  dire  un  elpace 
terminé  entièrement  par  des  lignes  :  ce 
<mi  renferme  trois  idées  ,  celle  d'étendue  , 
celle  de  bornes ,  &  celle  de  bornes  en 
tout  fens. 

Telles  font  les  règles  générales  d'une 
définition  ;  telle  eft  l'idée  qu'on  doit  s'en 
faire ,  8c  fuivant  laquelle  une  définition 
n'eft  autre  chofe  que  le  développement  des 
idées  Simples  qu'un  mot  renferme.  Il  eft 
fort  inutile  après  cela  d'examiner  fi  les 
définitions  font  de  nom  ou  de  chofe  ,  c'eft- 
à-dire  Si  elles  font  Amplement  l'explication 
de  ce  qu'on  entend  par  un  mot ,  ou  fi 
elles  expliquent  la  nature  de  l'objet  indiqué 
par  ce  mot.  En  effet  ,  qu'eft  -  ce  que  la 
nature  d'une  chofe  ?  En  quoi  conSïfte-t-elle 
proprement ,  8c  la  connoifîons  -  nous  ?  Si 
on  veut  répondre  clairement  à  ces  quef- 
tions ,  on  verra  combien  la  diftinétion  dont 
il  s'agit  eft  futile  8c  abfurde  :  car  étant 
îgnorans  comme  nous  le  fommes  fur  ce  que 
les  êtres  font  en  eux-mêmes ,  la  connoif 
iance  de  la  nature  d'une  chofe  (du  moins 
par  rapport  à  nous  )  ne  peut  confifter  que 
dans  la  notion  claire  &  décompofée ,  non 
des  principes  réels  8c  abfolus  de  cette  chofe  5 
mais  de  ceux  qu'elle  nous  paroît  renfermer. 
Toute  définition  ne  peut  être  envifagée  que 
fous  ce  dernier  point  de  vue  :  dans  ce  cas 
elle  fera  plus-  qu'une  (impie  définition  de 
nom  ,  puisqu'elle  ne  fe  bornera  pas  à 
expliquer  le  fens  d'un  mot ,  mais  qu'elle-  en 


EL  fe 

'  décompoïera  l'objet;  8c  elle  fera  moine 
auffi  qu'une  définition  de  choie  ,  puifque  la 
vraie  nature  de  l'objet ,  quoiqu'ainSi  décom- 
poie  ,  pourra  toujours  refter  inconnue. 

Voilà  ce  qui  concerne  la  définition  de* 
termes  vulgaires.  Mais  une  feience  ne  fe 
borne  pas  à  ces  termes  ,  elle  eft  forcée  d'en* 
avoir  de  particuliers  ;  foit  pour  abréger  le 
dilcours  8c  contribuer  ainfi  à  la  clarté  ,  en 
exprimant  par  un  feul  mot  ce  qui  auroit 
befoin  d'être  exprimé  par  une  phrafe 
entiere  ;  foit  pour  désigner  des  objets  peu 
connus  fur  lefquels  elle  s'exerce  ,  8c  que 
fouvent  elle  fe  produit  à  elle  -  même  par  des 
combinaisons  fingulieres  8c  nouvelles.  Ce» 
mots  ont  befoin  d'être  définis ,  c'eft -à-dire 
Simplement  expliqués  par  d'autres  termes 
plus  vulgaires  8c  plus  iimples;  ôc  la  feul» 
règle  de  ces  définitions  ,  c'eft  de  n'y 
employer  aucun  terme  qui  ait  befoin  lui- 
même  d'être  expliqué  ,  c'eft-à-dire  qui  ne 
foit  ou  clair  de  lui-même  a  ou  déjà  expliqué 
auparavant. 

Les  termes  feientifiques  n'étant  inventé* 
que  pour  la  néceiïité  ,  il  eft  clair  que  l'on 
ne  doit  pas  au  hafard  charger  une  feienec 
de  termes  particuliers.  Il  feroit  donc  à 
fouhaiter  qu'on  abolit  ces  termes  feientifi- 
ques &c  pour  ainfi  dire  barbares  ,  qui  ne 
Servent  qu'à  en  impofer  ;  qu'en  Géométrie  , 
par  exemple  ,  on  dît  Simplement  propojîtion 
au  lieu  de  théorème ,  conséquence  au  lieu 
de  corollaire  ,  remarque  au  lieu  de  fcholie  , 
8c  ainfi  des  autres.  La  plupart  des  mots  de 
nos  Sciences  font  tirés  des  langues  favantes , 
où  ils  étoient  intelligibles  au  peuple  même  , 
parce  qu'ils  n'étoient  fouvent  que  des  terme* 
vulgaires  ,  ou  dérivés  de  ces  termes  :  pour- 
quoi ne  pas  leur  conferver  cet  avantage  ? 

Les  mots  nouveaux  ,  inutiles ,  bizarres  , 
ou  tirés  de  trop  loin  ,  font  prefque  auSîl 
ridicules  en  matière  de  feience ,  qu'en 
matière  de  goût.  On  ne  fauroit ,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit  ailleurs ,  rendre  la 
langue  de  chaque  feience  trop  Simple  ,  & 
pour  ainfi  dire  trop  populaire  ;  non  feule- 
ment c*eft  un  moyen  d'en  faciliter  l'étude  \ 
c'eft  ôter  encore  un  prétexte  de  la  décrier 
au  peuple  ,  qui  s'imagine  ou  qui  voudroiî 
fe  perfuader  que  la  langue  particulière  d'une 
feience  en  fait  tout  le  mérite  ;  que  c'eft  une 
efpece  de  rempart  inventé  poux  en  défendra 


ELE 

tes  approches  :  les  ignorans  reffemblent  en 
«ela  à  ces  généraux  malheureux  ou  mal- 
habiles ,  qui  ne  couvant  forcer  une  place, 
fe  vengent  en  iniultant  les  dehors. 

Au  refte  ce  que  je  propofe  ici ,  a  plutôt 
pour  objet  les  mots  abfolument  nouveaux 
que  le  progrès  naturel  d'une  icience  oblige 
à  faire ,  que  les  mots  qui  y  font  déjà  con- 
facrés  ,  fur-tout  lorfque  ces  mots  ne  pour- 
roient  être  facilement  changés  en  d'autres 
plus  intelligibles.  Il  eft  dans  les  chofes 
d'ufage  ,  des  limites  où  le  philofophe  s'ar-  j 
rete  ;  il  ne  veut  ni  les  réformer  ,  ni  s'y  j 
foumettre  en  tout ,  parce  qu'il  n'eft  ni  tyran 
ni  efclave. 

Les  règles  que  nous  venons  de  donner  ,  j 
concernent  les  élémens  en  général  pris  dans 
le  premier  fens.  A  l'égard  des  élémens  pris 
dans  le  fécond  fens ,  ils  ne  différent  des 
autres  qu'en  ce  qu'ils  contiendront  nécefïài- 
rement  moins  de  proportions  primitives  , 
ôc  qu'ils  pourront  contenir  plus  de  confé- 
quences  particulières.  Les  règles  de  ces 
deux  élé'nens  font  d'ailleurs  parfaitement 
femblables;  car  les  élémens  pris  dans  le 
premier  fens  étant  une  fois  traités  ,  l'ordre 
des  proportions  élémentaires  &  primitives 
y  fera  réglé  par  le  degré  de  {implicite  ou  de 
multiplicité  ,  fous  lequel  on  envifagera 
l'objet.  Les  proportions  qui  envifagent  les 
parties  les  plus  fimples  de  l'objet ,  fe  trou- 
veront donc  placées  les  premières  j  &  ces 
proposions  en  y  joignant  ou  en  omettant 
leurs  conféquences  ,  doivent  former  les  élé- 
mens de  la  féconde  efpece.  Ainfi  le  nombre 
des  propofitions  primitives  de  cette  féconde 
efpece  d'élémens  ,  doit  être  déterminé  par 
l'étendue  plus  ou  moins  grande  de  la  feience 
que  l'on  embraffe  ,  &  le  nombre  des  con- 
séquences fera  déterminé  par  le  détail  plus 
ou  moins  grand  dans  lequel  on  embraffe 
cette  partie. 

On  peut  propofer  plusieurs  queftions  fur 
la  manière  de  traiter  les  élémens  d'une 
feience. 

En  premier  lieu ,  doit-on  fuivre ,  en 
traitant  les  élémens  ,  l'ordre  qu'ont  fuivi 
lés  inventeurs  ?.  Il  eft  d'abord  évident  qu'il 
ne  s'agit  point  ici  de  l'ordre  que  les  inven- 
teurs ont  pour  l'ordinaire  réellement  fuivi, 
&  qui  étoit  fans  règle  &  quelquefois  fans 
pbjet ,  mais  de   celui    qu'ils   auroiem    pu 


fuivre  en  procédant  avec  méthode.  On  ne 
peut  douter  que  cet  ordre  ne  foit  en  général 
le  plus  avantageux  à  fuivre  ;  parce  qu'il  eft 
le  plus  conforme  à  la  marche  de  l'efpri:  , 
qu'il  éclaire  en  inftruifant ,  qu'il  met  fur  la 
voie  pour  aller  plus  loin  ,  &  qu'il  fait  pour 
ainfi  dire  prellentir  à  chaque  pas  celui  qui  . 
doit  le  fuivre  :  c'eft  ce  qu'on  appelle  autre- 
ment la  méthode  analytique  ,  qui  procède 
des  idées  compofées  aux  idées-  abftraites , 
qui  remonte  des  conféquences  connues  aux 
principes  inconnus  ,  &c  qui  en  généralifant 
celles  -  là  ,  parvient  à  découvrir  ceux  -ci-y 
mais  il  faut  que  cette  méchode  réunifie 
encore  la  fimplicité  &  la  clarté  ,  qui  font 
les  qualités  les  plus  eflentielles  que  doivent 
avoir  les  élémens  d'une  icience.  Il  faut  bien 
fe  garder  fur-tout ,  fous  prétexte  de  fuivre 
la  méthode  '  des  inventeurs  ,  de  fuppofer 
comme  vraies  des  propofîtions  qui  onc 
befoin  d'être  prouvées  ,  fous  prétexte  que 
ks  inventeurs  ,  par  1a  force  de  leur  génie, 
ont  dû  appercevoir  d'un  coup  -  d'œil  8c 
comme  a  vue  d'oifeau  la  vérité  de  ces 
propofitions.  On  ne  fauroit  traiter  trop 
exactement  les  Sciences,  fur-tout  celiea 
qui  s'appellent  particulièrement  exactes. 

La  méthode  analytique  peut  fur-tout  être 
employée  dans  les  feiences  dont  l'objet 
n'eft  pas  hors  de  nous  ,  ôc  dont  le  progrès 
dépend  uniquement  de  la  méditation-;  parce 
que  tous  les  matériaux  de  la  feience  étant 
pour  ainfi  dire  au  dedans  de  nous ,  l'ana- 
lyfè  eft  la  vraie  manière  &.  la  plus  fîmple 
d'employer  ces  matériaux.  Mais  dans  les 
feiences  dont  les  objets  nous  font  extérieurs , 
la  méthode  fynthétique  ,  celle  qui  defeend 
des  principes  aux  conféquences  ,  des  idées- 
abftraites  aux  compofées ,  peut  fouvent  être 
employée  avec  fuccès  &  avec  plus  de  fim- 
plicité que  l'autre;  d'ailleurs,  les  faits  font 
eux-mêmes  en  ce  cas  les  vrais  principes; 
En  général  la  méthode  analytique  eft  plu5 
propre  à  trouver  les  vérités ,  ou  à  faire 
connoître  comment  on  les  a  trouvées.  La 
méthode  fynthétique  eft  plus  propre  à 
expliquer  &  à  faire  entendre  les  vérités 
trouvées  :  l'une  apprend  à  lutter  contre  les 
difficultés  ,  en  remontant  à  la  fource^  l'autre 
place  l'efprit  à  cette  fource  même ,  d'où  il 
n'a  plus  qu*à  fuivre  un  cours  facile.  Voyer 
Analyse  %  Synthèse.. 


94  E  L  E 

On  dematiclc  en  fécond  lieu  >  laquelle  r 
des  deux  qualités  doit  être  préférée  dans  des 
élémens  ,  de  la  facilité  ,  ou  de  la  rigueur 
exacte.  Je  réponds  que  cette  queftion 
fuppofe  une  choie  faullè  ;  elle  iuppofe  que 
la  rigueur  exacte  puifle  exifter  fans  la  facilité, 
Se  c'eft  le  contraire;  plus  une  déduction 
eft  rigoureufe ,  plus  elle  eft  ficile  à  entendre  : 
car  la  rigueur  confîfte  à  réduire  tout  aux 
principes  les  plus  fimples.  D'où  il  s'enfuit 
encore  que  la  rigueur  proprement  dite 
entraine  nécessairement  la  méthode  la  plus 
naturelle  Se  la  plus  directe.  Plus  les  prin- 
cipes feront  difpofés  dans  Tordre  conve- 
nable ,  plus  la  déduction  fera  rigoureufe  ; 
ce  n'eft  pas  qu'abfolument  elle  ne  put  1  être 
il  on  fuivoit  une  méthode  plus  compofée  , 
comme  a  fait  Euclide  dans  fès  élémens  : 
mais  alors  l'embarras  de  la  marche  feroit 
aifément  fèntir  que  cette  rigueur  précaire 
Se  forcée  ne  ieroit  qu'improprement  telle. 

Nous  n'en  dirons  pas  davantage  ici  fur 
les  règles  qu'on  doit  obferver  en  général , 
-pour  bien  traiter  les  èUmens  d'une  feience. 
La  meilleure  manière  de  faire  connoître 
res  règles  ,  c'eft  de  les  appliquer  aux  diffé- 
rentes feiences  ;  Se  c'eft  ce  que  nous  nous 
propofons  d'exécuter  dans  les  -  différens 
articles  de  cet  ouvrage.  A  l'égard  des 
élémens  des  Belles-Lettres  ,  ils  (ont  appuyés 
fur  les  principes  du  goût.  Voy.  Goût. 
Ces  élémens  ,  femblabîes  en  pîufîeurs 
chofes  aux  élémens  des  Sciences ,  ont  été 
faits  après  coup  fur  l'obfervation  des  diffé- 
rentes chofes  qui  ont  paru  affecter  agréa- 
blement les  hommes.  On  trouvera  de  même 
à  ['article  Histoire  ,  ce  que  nous  penfons 
des  élémens  de  l'hiftoire  en  général.  Voye^ 
aujjï  Collège. 

Nous  dirons  feulement  ici  que  toutes  nos 
connoilîances  peuvent  le  réduire  à  trois 
efpeces  ;  l'Hiftoire  ,  les  Arts  tant  libéraux 
.que  méchaniques  ,  6c  les  Sciences  propre- 
ment dites ,  qui  ont  pour  objet  les  matières 
.de  pur  raifonnement  ;  Se  que  ces  trois 
.efpeces  peuvent  être  réduites  à  une  feule , 
à  celle  des  Sciences  proprement  dites.  Car , 
ifi.  l'Hiftoire  eft  ou  de  la  nature  ,  ou  des 
jpenfées  des  hommes  ,  ou  de  leurs  actions. 
^L'hiftoire  de  la  nature  ,  objet  de  la  médi- 
tation du  philofophe  ,  rentre  dans  la  clafle 
des  feiences  j  il  en  eft  de  même  de  l'hiftoire 


E  LE 

des  penfées  des  hommes ,  fur-tout  Ci  on  né 
comprend  fous  ce  nom  que  celles  qui  ont- 
été  vraiment  lumineufes  Se  utiles  ,  Se  qui 
fbnt  aufïi  les  feules  qu'on  doive  préfenter  à 
fes  lecteurs  dans  un  livre  d'élémens.  A 
l'égard  de  l'hiftoire  des  rois  ,  des  conque- 
rans ,  Ôc  des  peuples ,  en  un  mot  des 
événemens  qui  ont  changé  ou  troublé  la 
terre  ,  elle  ne  peut  être  l'objet  du  philo- 
fophe  (ju'autant  qu'elle  ne  fe  borne  pas  aux 
faits  feuls  ;  cette  connoillànce  ftérile  , 
ouvrage  des  yeux  Se  de  la  mémoire  ,  n'efl 
qu'une  connoifîance  de  pure  convention 
quand  on  la  renferme  dans  fes  étroites 
limites  ;  mais  entre  les  mains  de  l'homme 
qui  fait  penfer  elle  peut  devenir  la  première 
de  toutes.  Le  fige  étudie  l'univers  moral 
comme  le  phyfique  ,  avec  cette  patience  , 
cette  circonfpection  ,  ce  f ilence  de  préj  ugés 
qui  augmente  les  connoiflances  en  les 
rendant  utiles  ;  il  fuit  les  hommes  dans 
leurs  paffions  comme  la  nature  dans  fes 
procédés  ;  il  obferve ,  il  rapproche ,  il 
compare,  il  joint  fes  propres  oblervations 
à  celles  des  fiecles  précédens  ,  pour  tirer 
de  ce  tout  les  principes  qui  doivent  l'éclairer 
dans  fes  recherches  ou  le  guider  dans  fes 
actions  :  d'après  cette  idée  ,  il  n'envifage 
l'Hiftoire  que  comme  un  recueil  d'expé- 
riences morales  faites  fur  le  genre  humain  , 
recueil  qui  feroit  fans  doute  beaucoup  plus 
complet  s'il  n'eût  été  fait  que  par  des 
philofbphes ,  mais  qui ,  tout  informe  qu'il 
eft  y  renferme  encore  les  plus  grandes  leçons 
de  conduite ,  comme  le  recueil  des  obler- 
vations médicinales  de  tous  les  âges ,  maigre 
tout  ce  qui  lui  manque  Se  qui  lui  manquera 
peut-être  toujours ,  forme  néanmoins  la 
partie  la  plus  importante  Se  la  plus  réelle 
de  l'art  de  guérir.  L'Hiftoire  appartient 
donc  à  la  claile  des  Sciences  ,  quant  à  la 
manière  de  l'étudier  Se  de  fe  la  rendre  utile  , 
c'eft-à-dire  quant  à  la  partie  philofophique. 
i°.  Il  en  eft  de  même  des  Arts  tant 
méchaniques  que  libéraux  :  dans  les  uns  Se 
les  autres  ce  qui  concerne  les  détails  eft 
uniquement  l'objet  de  l'artifte  ;  mais  d'un 
côté  les  principes  fondamentaux  des  Arts 
méchaniques  font  fondés  fur  les  connoif- 
fances  mathématiques  Se  phyfîques  des 
hommes ,  c'eft-à-dire  fur  les  deux  branches 
les  plus    confidérables  de   h  Phiiofophie  $ 


E  LE 

3e  l'autre ,  les  Arts  libéraux  ont  pour  baie 
l'étude  fine  &  délicate  de  nos  fenfations. 
Cette  métaphyiîque  fubtile  Se  profonde  qui 
a  pour  objet  les  matières  de  goût ,  lait  y 
diftinguer  les  principes  abfolurnent  géné- 
raux Se  communs  à  tous  les  hommes  , 
d'avec  ceux  qui  font  modifiés  par  le  carac- 
tère ,  le  génie ,  le  degré  de  fen  (milité  des 
nations  ou  des  individus  ;  elle  démêle  par 
ce  moyen  le  beau  eilentiel  Se  univerfel , 
s'il  en  eft  un  ,  d'arec  le  beau  plus  ou  moins 
arbitraire  Se  plus  ou  moins  convenu  :  égale- 
ment éloignée  ôc  d'une  décifion  trop  vague 
Se  d'une  difcuiîion  trop  fcrupuleufè  ,  elle 
ne  poulie  l'analyfe  du  fentiment  que  jufqu'où 
elle  doit  aller ,  Se  ne  la  rdferre  point  non 
plus  trop  en  deçà  du  champ  qu'elle  peut  fe 
permettre.  En  comparant  les  impreilîons 
Se  les  affections  de  notre  ame ,  comme  le 
métaphyficien  ordinaire  compare  les  idées 
purement  fpéculatives ,  elle  tire  de  cet 
examen  des  règles  pour  rappeller  ces 
împreiïions  à  une  fource  commune ,  &c 
pour  les  juger  par  l'analogie  qu'elles  ont 
entr'elles  ;  mais  elle  s'abftient  ou  de  les 
juger  en  elles-mêmes  ,  ou  de  vouloir  appré- 
cier les  impreffions  originaires  &  primitives 
par  les  principes  d'une  philofophie  auffi 
obfcure  pour  nous  que  la  itru&ure  de  nos 
organes ,  ou  de  vouloir  enfin  faire  adopter 
fes  règles  par  ceux  qui  ont  reçu  ,  foit  de  la 
nature  foit  de  l'habitude ,  une  autre  façon  de 
fentir.  Ce  que  nous  dilons  ici  du  goût  dans 
les  Arts  libéraux  ,  s'applique  de  foi  --  même 
a  cette  partie  des  Sciences  qu'on  appelle 
Belles -Lettres.  C'eft  ainfi  que  les  élémens 
de  toutes  nos  connoifïànces  font  renfermés 
dans  ceux  d'une  philofophie  bien  entendue. 
VoyeT^  Philosophie". 

Nous  n'ajouterons  plus  qu'un  mot  fur  la 
manière  d'étudier  quelques  foi  tes  à' élémens 
que  ce  puifïè  être  ,  en  fuppofant  ces  élè mens 
bien  faits.  Ce  n'eft  point  avec  le  iecours 
d'un  maître  qu'on  peut  remplir  cet  objet , 
mais  avec  beaucoup  de  méditation  8c  de 
travail.  Savoir  des  •  élémens  ,  ce  n'eft  pas 
feulement  connaître  ce  qu'ils  contiennent,, 
c'eft  en  connoître  l'ufage  ,  les  applications  . 
Se  les  conséquences  ;  c'eft  pénétrer  dans  k- 
génie  de  l'inventeur ,  c'elf  fe  mettre  en 
état  d'aller  plus  loin  que  lui ,  ôc  voilà  ce 
qu'on  ne  fait   bien  qu'à  force   d'étude  & 


d'exercice  :  voilà  pourquoi  oli  ne  fmra 
jamais  parfaitement  que  ce  qu'on  a  appris 
loi  -  même.  Peut  -être  feroit  -  on  bien  par 
cetzo.  ration  ,  d'indiquer  en  deux  mots  dans 
des  éUmens  l'ufage  Se  les  conféquences  des 
proportions  démontrées.  Ce  feroit  pour  les 
commençans  un  fujet  d'exercer  leur  efprit 
en  cherchant  la  démonftration  de  ces  confé- 
quences ,  &c  en  faifant  disparaître  les  vuides 
qu'on  leur  auroit  laides  à  remplir.  Le  propre 
d'un  bon  livre  â'elémens  eft  de  laifter  beau- 
coup à  penfef. 

On  doit  être  en  état  de  juger  maintenant 
il    des    élémens    complets    des     Sciences  5 
peuvent  être  l'ouvrage  d'un  homme  feul  : 
ôc  comment  pourroient-ils  l'être,  puifquils- 
fuppofent  une  connoiftance    univerfeile  Se 
approfondie  de  tous  les  objets  qui  occupent 
les  hommes  ?  Je  dis  une  conncijfance  appro~*  + 
fondie ,   car  il  ne    faut  pas  s'imaginer  que 
pour    avoir    effleuré    les    principes    d'une 
feience  ,  on  foit  en  état  de  les  enfèigner. 
C'eft  à  ce  préjugé  ,  fruit  de  la  vanité  &c  de 
l'ignorance ,  qu'on  doit  attribuer  l'extrême 
difette  où    nous    fommes    de    bons  livres 
élémentaires  ,   Se  ,  la  foule  de  mauvais  dont 
nous  fommes  chaque  jour  inondés.  L'élevé 
à  peine  forti  des  premiers  fentiers  ;   encore 
frappé  des  difficultés  qu'il  a  éprouvées,  Se 
que  fouvent  même  il  n'a  furmontées  qu'en 
partie ,  enrreprend   de   les   faire  connoître 
&  furmonter  aux  autres  ;  cenfeur  Se  pla- 
giaire   tout    enfemble    de    ceux  qui    l'ont' 
précédé  ,    il    copie  ,    transforme ,    étend ,-. 
renverfe  ,    refferre  ,  obfcurcit  ,    prend    fes 
idées  informes  êc  confufes  pour  de;  idées 
claires,  Se  l'envie  qu'il  a  eue  d'être  auteur' 
pour  le  defïr  d'être    utile,  On  pourroit   le 
comparer  à  un  homme  qui  ayant  parcouru- 
un  labyrinthe  à  tâtons  &  les  yeux  bandés , . 
croiroit  pouvoir   en  donner  le  plan  Se  en- 
développer  les  détours.  D'un  autre  côté,  les 
maîtres  de  l'art,  qui  par  une  étude  longue  " 
'Se  afliduc  en  ont  vaincu  les   difficultés  Se 
connu  le;  fîr.eîîê",  dédaignent   de  reveai-r 
fur  leurs  pas   pour  faciliter    aux    autre:;  1er 
'chemin  qu'ils  ont  eu  tant  depeine  à  fuivre  : 
peut-être  encore  frappés  de  la  multitude  Se. 
c  h  nature  des  obftacies  qu'ils  ont  fur-- 
>  montés,"  redoutent  -ils  le  travail  qui  ferait- 
';néceiïaïre  pour  les   rpplanir,  &  qui  feroit 
'trop  peu  fenti  pour  qu'on  pût  leur  enteiiir 


^  E  L  E 

compte.  Uniquement  occupés  de  faire  de 
nouveaux  progrès  dans  Fart ,  pour  s'élever, 
s'il  leur   eit    pofïible,   au    deilus  de   leurs 
predéceflèurs   ou   de  leurs  contemporains , 
Se  plus  jaloux  de   l'admiration  que  de  la 
reconnoillànce    publique  ,    ils   ne    penfent 
qu'à  découvrir  &  à  jouir  ,  6c  préfèrent  la 
gloire   d'augmenter   l'édifice    au  foin   d'en 
éclairer  l'entrée.  Ils  penfent  que   celui  qui 
apporsera    comme    eux    dans    l'étude    des 
Scienc  es ,  un  génie  vraiment  propre  à  les 
approfondir  ,    n'aura    pas   befoin    d'autres 
élémens  que    de    ceux   qui  les    ont   guidés 
eux-mêmes;  que  la  nature  îk  les  réflexions 
fuppléeront    infailliblement    pour    lui  à  ce 
qui  manque  aux  livres ,  &  qu'il  eft  inutile 
de    faciliter   aux    autres  des    connoiflances 
qu'ils  ne  pourront  jamais  fe  rendre  vraiment 
'   propres,  parce  qu'ils  lont  tout  au  plus  en 
éteZ  de   les  recevoir  (ans  y  rien  mettre  du 
leur.    Un    peu    plus    de  réflexion  eût  fait 
ientir  combien  cette  manière  de  penfer  efl 
nuiiible    au    progrès    &    à  la   gloire     des 
Sciences  ;    à    leur    progrès  ,    parce    qu'en 
facilitant  aux  génies  heureux  l'étude  de  ce 
qui    eft   connu ,    on  les  met  en   état    d'y 
ajouter  davantage  &c  plus^  promptement;  à 
leur  gloire  ,    parce  qu'en   les  mettant  à  la 
portée    d'un    çlus,  grand  nombre  de    per- 
ionnes  ,    on    le     procure    un    plus    grand 
nombre  de    juges  éclairés.  Tel  eft  l'avan- 
tage que  -produiroient  de  bons  élémens  des 
Sciences  ,  élémens  qui  ne  peuvent  être  l'ou- 
vrage que  d'une  main  fort  habile  &  fort 
exercée.   En  effet ,  fi  on  n'eft  pas  parfaite- 
ment inftruit  des  vérités  de   détail   qu'une 
Science  renferme-,  fi  par  un  fréquent  ufage 
on  n'a  pas  apperçu  la  dépendance  mutuelle 
de  ces    vérités,   comment  diftinguera-t-on 
parmi  elles  les   proportions  fondamentales 
dont  elles  dérivent,  l'analogie  ou   la  diffé- 
rence   de   ces   proportions   fondamentales, 
l'ordre  qu'elles  doivent  obfèrver  entr  elles  , 
Se  fur-tout  les  principes  au  delà  defquelson  - 
ne  doit  pas  remonter  î  C'eft  ainii  qu'un  chy- 
mifte  ne  parvient  à  connoître  les  mixtes  qu'a 
près  des  analyfes  &  des  combinaifons  fré 
quentes  3e  variées.  La  comparaifon  eft  d'au-  i 
tant  plus   jufte,   que    ces   analyfes  appren- 
nent au  chymifte  non  feulement  quels  font  j 
les    principes    dans    lefquels    un   corps    fe 
* éfcut ,  mais  encore  ,  ce  qui  n'eft  pas  moins 


ILE 

important ,  les  bornes  au  delà  defqueïïei 
il  ne  peut  fe  réfoudre,  &c  qu'une  expé- 
rience^ longue  &  réitérée  peut  feule  faire 
connoître.    ; 

Des  élémens  bien  faits ,  fuivant  le  plan 
que  nous  avons  expofé  _,  &  par  des  écri- 
vains capables  d'exécuter  ce  plan  ,  auraient 
une  double  utilité  :  ils  mettraient  les  bons 
elprits  fur  la  voie  des  découvertes  à  faire, 
en  leur  préfentant  les  découvertes  déjà 
faites;  de  plus  ils  méfieraient  chacun  plu« 
à  portée  de  diftinguer  les  vraies  décou- 
vertes d'avec  les  fauifes  ;  car  tout  ce- qui 
ne  pourrait  point  être  ajouté  aux  élémens 
d'une  Science  comme  par  forme  de  fup- 
plément ,  ne  ferait  point  digne  du  nom 
de  découverte.  Voyez  ce  mot.  (0) 

Après  avoir  expofé  ce  qui -concerne  les 
élémens  des  Sciences  en  général ,  nous 
allons  maintenant  dire  un  mot  des  élémens 
.de  Mathématiques  Se  de  Phyfique  ,  en  indi- 
quant ,  pour  répondre  à'  l'objet  de  cet 
ouvrage ,  les  principaux  livres  où  ils  font 
traités. 

Les  élémens  des  Mathématiques  ont  été 
expliqués  dans  des  cours  &e  des  fyftêmes 
qu'ont  donné  différens  auteurs.  Voye^ 
Cours. 

Le  premier  ouvrage  de  cette  efpece  eft 
celui  de  Hérigone ,  publié  en  latin  &  en 
françois  l'an  1664,  en  dix  volumes.  Cet 
auteur  y  a  renfermé  les  élémens  d'Euclide , 
les  données  du  même ,  &c.  avec  les  élé- 
mens d'Arithmétique,  d'Algèbre  ,  de  Tri- 
gonométrie ,  d'Architecture  ,  de  Géogra- 
phie ,  de  Navigation  ,  d'Optique  ,  des 
Sphériques  ,  d'Aftronomie  ,  de  Mufîque  , 
de  Perfpective ,  &c.  Cet  ouvrage  a  cela 
de  remarquable  ,  que  l'auteur  y  emploie 
par-tout  une  elpece  de  caractère  univerfel , 
de  manière  que ,  fans  fe  fervir  abfolument 
d'aucun  langage  ,  on  peut  en  entendre  tou- 
res  les  démonftrations ,  pourvu  que  l'on  fe 
fouvienne  feulement  des  caractères  qui  y  ibnt 
employés.  Voye^  Caractère. 

Depuis  Hérigone ,  d'autres  auteurs  ont 
expliqué  les  élémens  de  différentes  parties 
de  Mathématiques  ,  particulièrement  le 
jéluite  Schott  dans  fon  curfus  mathema- 
ticus ,  publié  en  1 674  ;  Jonas  Moore  , 
dans  fon  nouveau  Syjlême  de  Mathéma- 
tiques,   imprime    a*    anglais    en    i68ij 


E  L  E 

Dechales  dans  fbn  curfus  Mathématicus  l 
qui  parut  en  1674  ;  Ozanam  dans  fbn 
cours  des  Mathématiques  ,  publié  en  1695)  : 
mais  perfbnne  n'a  donné  de  cours  de 
Mathématiques  plus  étendu  ni  plus  appro- 
fondi que  M.  Wolf;  Ton  ouvrage  a  été 
publié  fous  le  titre  de  elementa  mathefeos 
univerfce  ,  en  deux  volumes  in-40.  dont 
le  premier  parut  en  171 3  ,  &  le  fécond 
■en  1715  :  depuis  il  y  a  eu  une  édition 
de  Genève  en  1733  ,  en  cmai  volumes 
in-40.  :  en  général  cet  ouvrage  fait  hon- 
neur à  ion  auteur ,  quoiqu'il  ne  foit  pas 
exempt  de  fautes  ,  mais  c'eft  le  meil- 
leur ou  le  moins  mauvais  que  nous  avions 
juiqu  ici. 

Les  éiémens  d'Euclide  font  le  premier  , 
•ôc  félon  plufieurs  perfonnes ,  le  meilleur 
livre  d'élémens  de  Géométrie.  On  a  fait 
un  grand  nombre  d'éditions  &c  de  com- 
mentaires fur  les  quinze  livres  des  éiémens 
de  cet  auteur.  Oronce  Fine  eft  le  premier 
quia  publié,  en  1536,  les  fix  premiers 
livres  de  ces  éiémens  avec  des  notes  pour 
expliquer  le  fens  d'Euclide.  Peletier  ht  la 
même  chofe  en  1557.  Nie.  Tartaglia  fit 
un  commentaire  vers  ce  même  temps  fur 
les  quinze  livres  entiers  ;  il  y  ajouta  même 
quelque  chofe  de  lui. 

Dechales  ,  Hérigone  ,  &  d'autres  ,  ont 
pareillement  travaillé  beaucoup  fur  les  éié- 
mens d'Euclide ,  ainfî  que  Barrow  ,  recom- 
mandable  fur-tout  par  la  précifion  8c  la 
rigueur  de  fes  démonftrations.  Mais  comme 
les  quinze  livres  entiers  ne  paroiflènt  pas 
néceflaires  ,  principalement  aux  jeunes 
Mathématiciens,  quelques  auteurs  fefont 
appliqués  feulement  à  bien  éclaircir  les  flx 
premiers  livres  ,  avec  l'onzième  &  le  dou- 
zième tout  au  plus.  On  ne  finiroit  pas  , 
il  l'on  vouloit  rapporter  les  différentes 
éditions  qu'on  en  a  faites  :  celles  qui  parlent 
pour  les  meilleures  ,  font  une  édition  fran- 
çoife  de  Dechales  8c  une  latine  d'André 
Tacquet  :  celle  de  Dechales ,  qu'on  eftime 
le  plus  ,  a  été  faite  à  Paris  en  1709  par 
Ozanam  :  &  la  meilleure  de  Tacquet  eft 
une  édition  de  Cambridge  faite  en  1703 
par  Whifton. 

Quelques  auteurs  ont  réduit  en  fyllogif- 
mes  toutes  les  démonftrations  d'Euclide, 
pour  faire  voir  comment  l'on  s'élève,  par 
Tome  XII, 


E  L  E  $7 

une  chaîne  de  raifbnnemens ,  à  une  dé- 
monftration  complète.  Pierre  Ramus  n'ap- 
prouva pas  l'ordre  d'Euclide ,  comme  il 
le  paroît  par  fon  difeours  fur  les  quinze 
livres  de  cet  auteur  y  c'eft  ce  qui  le  déter- 
mina à  compiler  vingt-trois  nouveaux  livres 
d'élémens  ,  fuivant  la  méthode  fcholafti- 
que  ,  mais  fans  fuccès.  Arnaud  ,  en  i66j,; 
Gafton  Pardiés  ,  Jéfuite  ,  en  1680;  le 
P.  Lamy  ,  en  1 685  ;  Poliniere  ,  en  1704; 
&c  depuis  2.0  ans  M.  Rivard ,  ont  public 
le  fonds  de  la  doctrine.  d'Euclide ,  fuivant 
une  nouvelle  méthode  particulière  à  chacu* 
d'eux. 

Il  y  a  quelques  années  que  M.  Clairaut # 
de  l'académie  des  Sciences  de  Paris  , 
publia  une  Géométrie  où  les  proportions 
ne  paroiflènt  qu'à  mefure  qu'elles  font 
occafionées  par  les  be  foins  des  hommes 
qui  les  ont  découvertes  :  cette  méthode  eft 
frès-lumineufe  ,  8c  n'a  point  la  féche- 
refle  des  précédentes  j  mais  ,  outre  que 
l'auteur  y  fuppofe  quelquefois  fans  démonf- 
tration  ce  qui  à  la  rigueur  pourrait  en  avoir 
beioin ,  les  proportions ,  ainfî  que  dan? 
toutes  les  autres  méthodes ,  n'y  font  point 
déduites  immédiatement  les  unes  des  au- 
tres ,  8c  forment  plutôt  un  aflèmbîage 
qu'un  édifice  de  propo  fixions  ;  cependant 
une  chaîne  non  interrompue  de  vérités  -, 
feroit  le  fyftême  le  plus  naturel  8c  le  plus 
commode  ,  en  même  temps  qu'elle  offri- 
rait à  l'efprit  l'agréable  fpectacle  de  géné- 
rations en  ligne  directe  ;  or  c'eft  ce  que 
l'on  a  exécuté  dans  les  inftitutions  de 
Géométrie  ,  imprimées  à  Paris  en  1746  , 
chez  de  Bure  l'ainé.  Toutes  les  propoiî- 
tions  de  cet  ouvrage  font  déduites  immé- 
diatement les  unes  des  autres  ;  8c  donnent 
occafion  à  la  réfblution  d'un  fort  grand 
nombre  de  problêmes  curieux  8c  utiles  , 
ainfi  quià  des  réflexions  fur  les  dévelop- 
pemens  de  l'efprit  humain  ;  ce  qui  répand 
quelque  agrément  fur  une  matière  qui  ne 
comporte  par-elle  même  que  trop  de f éche- 
reflè.  Moyennant  cet  appas  ou  cet  artifice  ,  . 
la  Géométrie  élémentaire  a  été  mifè  à  la 
portée  de  la  plus  tendre  enfance  ,  ainfî 
que  l'expérience  l'a  démontré  ,  8c  le  dér 
montre  tous  les  jours.  On  délirerait  que 
M.  Clairaut  ,  dans  les  excellens  éiémens 
d'Algèbre    qu'il  a    publiés . ,    eût    mis  les 

N 


5-S  Ë  LE 

opérations  du  calcul  plus  à  portée  clés  com- 
mençans.   Voye^  Algèbre. 

Sur  les  élémens  des  différentes  parties 
des  Mathématiques  ,  voye^  Algèbre  ,  Dif- 
férentiel ,  Intégral  ,  Méchanique  , 
Optique  ,  Astronomie  ,  ùc. 

Les  meilleurs  élémens  de  Phyfique  font 
Veflài  de'  Phyfique  de  Muffchenbroeck  ,  les 
élémens  de  s'Gravelande  ,  les  leçons  de 
Phyfique  de  "M  *  l'abbé  Nollet  ,  &  plufieurs 
autres.  Vcye^  Physique.  (  E  ) 

El  k; m  en  s  ,  (  Géomét.  tranf.  )  On  appelle 
ainfi  dans  la  Géométrie  fublime  ,  les  parties 
infiniment  petites  ou  différentielles  d'une 
.ligne  droite  ,  d'une  courbe  ,  d'une  furface  , 
4\m  fblide.  Ainh*  (  Ph  d'anal,  fig.  18.) 
le  petit  efpace  P  M-  m  p  ,  formé  par  les 
deux  ordonnées  infiniment  proches  P  M, 
m  p:  &  par  l'arc^  Mm  de  la  courbe  ,  eft 
l'élément  de  l'efpace  A  P  M;  P  p  eft 
l'élément  de  Tablcifîè  ;  Mm  ,  celui  de  la 
-courbe  ,  ùc.  Voyci^  'Différentiel  ,  Flu- 
xions ,  Indivisibles  ,  Intégral  ,  Infini  , 
■  ùc.  (  0  ) 

Elémens  ,  en  Ajlronomie.  Les  Aftro- 
îaomes.  entendent  communément  par  ce 
mot  les  principaux  réfultats  des  obfèrva- 
tions  agronomiques ,  Se  généralement  tous 
les  nombres  effentiels  qu'ils  emploient  à  la 
^onftruétion  des  tables  du  mouvement  des 
iplaneies,  Ainii  les  élémens  de .  la  théorie 
<iu  foleil  ,  ou  plutôt  de  la  terre  3  font  fon 
-mouvement  moyen  ,  fon  excentricité  ,  &  le 
^mouvement  de-  fon  aphffie.  Les  élémens 
de  la  théorie  de  la  iune  font  fon  mouve- 
ment :  rmeyen  .  celui  de  fon  accud  &  de 
4on  apogée  .  fon-  excentricité  ,  l'inclinaifon 
■fiioyenne  de  fon  orbite  à  lJécliptique.  Voye^ 
Tipoque  ,  Mouvement  moyeu.,  Excen- 
tricité, &»  (  O) 

Elémens  ,  f.  m.  pi.  On  appelle  ainfi 
<  ■'  -•  ■  <•.'•■'-'  les  parties  primitives  des  corps. 
Les  anciens,  comme  tout  le  monde  fait, 
admestoient  quatre  élémens  ou  corps  pri- 
mitifs dont  ils  fuppofoicnt  les  autres  for- 
cés ,  l'air  ,  îe  feu^  l'eau  ,  la  terre;  & 
ceite  opinion»,  quoique  abandonnée  depuis, 
jVctoit  pas  fi  déraisonnable  ,  car  il  n'y  a 
fçueie  de  mixtes  dans  lefquelslaChymie  ne 
uc ave. ces  quatre  corps  $  ou  du'  moins 
quelques-uns  /d^eux:  De&fcrtes  eft  venu  , 
çui  à  -ces  "quatre  êUm^Ss  h\w  a  -fohilitué 
1  ï 


E  L  E 

trois  autres,  uniquement  tirés  de  ion  ima- 
gination ,  la  matière-  fubtile  ou  du  premier 
élément  ,  la  matière  globuleufe  ou  du  fé- 
cond ,  &  la  matière  rameufe  ou  du  troi- 
îieme.  Vcye^  Cartésianisme  ,  Ether  , 
Matière  subtile  >  Globltles  ,  ùc. 
Aujourd'hui  les  Philosophes  (âges  recon- 
noiflent  ,  i°.  qu'on  ignore  abfolument  enr 
quoi  confident  les  élémens  des  corps.  Voye^. 
Configuration  ,  Corps  ,  Matière  , 
Corpuscule  ,  ùc.  z°.  Qu'on  ignore 
encore  ,  à  plus  forte  raifon  ,  fi  les  élémens 
des  corps  font  tous  femblables ,  &  fi  les 
corps  différent  entr'eux  par  la  différente 
nature  de  leurs  élémens  ,  ou  feulement 
par  leur  différente  difpofition.  30.  Qu'il  y 
a  apparence  que  les  élémens  ou  particules 
primitives  des  corps  font  durs  par  eux-- 
mêmes. Voye^  Dureté.  On  fera  peut- 
être  étonné  de  la  brièveté  de  cet  article  : 
mais  nos  connoiffances  fur  ce  qui  en  fait, 
l'objet  font  encore  phis  courtes.  (O) 

Elément  ou  premier  Principe,  (  CAy- 
mie. }  Voye^  Principe. 

Elément  ,  (  Médec.  Phyfiol  Pathol.  ) 
ce  terme  eft  employé  dans  la  théorie  de 
1a  Médecine  pour  défigner  les  premiers 
principes  de  la  ftructure  du  corps  humain. 
Voye^ Fibre,  Nutrition,  (d) 

ELEMENTAIRE  ,  ,  adj  (  Phibfophie.  ) 
fë  dit  de  ce  qui  fe  rapporte  aux  élémens. 
Voyeç  Elément.  Ainfi  les  élémens  d'un 
corps  fe  nomment  aulîl  les  particules  élé- 
mentaires   de  ce  corps. 

Tout  l'efpace  qui  eft  compris  dans  l'or*- 
bite  de  la  Lune  ,  étoit  appelle  par  les 
anciens  la  région  élémentaire  ,  parce  que 
c'étoit  félon  eux  le  liège  ou  la  fphere  des 
quatre  élémens  vulgaires;  C'eft  par  la  même 
raifon  que  de  prétendus  philosophes  ont 
appelle  peuple  élémentaire  une  efpece  d'êtres 
imaginaires  qu'ils  ont  cru -ou  fuppofé  habiter 
les  quatre  élémens  des-  anciens  ,  ùc.  En 
voilà  allez;  &  trop  fur  ces  fottifes.  Sur 
Y  air  êc  le  feu  élémentaire^  vvye^  Air.  ù 
Feu. 

Elémentaire  fe  dit  aufTT,  en  parlant 
dune  feience  ,  de  la  partie  de  cette  feience 
qui  en  renferme  les  élémens.  Ainfi  on  dit 
•ia  Géométrie  élémentaire  '  pour-  les  élémens 
de  Géométrie  ,  la  Méchaniaue  élémentaire 
pour  tes -eiémens  de-  Méchanique  >  &c.  (  Oj 


EL'E 

ÏLEMI,  (  Hijl.  tint,  des  Drogues.  ) 
télîne  étrangère  qui  s'enflamme  aifément, 
&  qui  fe  diifout  dans  l'huile.  On  diftingue 
deux  fortes  cY  élémi  ,  i°.  le  vrai  élémi  ou 
celui  d'Ethiopie  &  de  l'Arabie  heureufe  , 
i°.   Yélémi  d'Amérique. 

Le  vrai  élêmi  eft  une  réfine  jaunâtre  , 
ou  d'un  blanc  noirâtre  ,  lolide  extérieure- 
ment ,  quoiqu'il  ne  foit  pas  entièrement 
&c  ,  mou  &c  gluant  intérieurement  ,  formé 
«en  morceaux  cylindriques  qui  brûlent  lors- 
qu'on les  met  fur  le  feu  ;  ion  odeur  forte 
n'eft  pas  défigréable  ,  elle  approche  de 
•celle  du  fenouil.  Ces  morceaux  cylindri- 
ques font  ordinairement  enveloppés  de 
grandes  feuilles  de  roleau  ou  de  palmier. 
Nous  n'avons  encore  rien  de  certain  iur 
l'arbre  dont  cette  réfine  découle  ,  Se  même 
«on  la  trouve  aujourd'hui  très-rarement  dans 
les  boutiques  :  on  eft  trop  heureux  de 
rencontrer  Yélémi  pur  d'Amérique. 

Celui-ci  eft  une  efpece  de  réfine  quel- 
quefois blanchâtre ,  quelquefois  verdâtre  ou 
jaunâtre  ,  trartfparente  ,  approchant  de  la 
réfine  du  pin  ,  de  coniiftance  tantôt  plus 
molle  f  tantôt  plus  feche  ,  d'une  odeur 
rélïneufe  ,  défagréable.  On  l'eftime  quand 
il  eft  récent ,  tranfparent  ,  un  peu  verd  , 
gras  ,  gluant  ,  odoriférant.  Il  nous  vient 
du  Brélil  ,  de  la  nouvelle  Efpagne  &  des 
îles  d'Amérique  :  on  l'apporte'  en  pains  de 
deux  à  trois  livres  ;  Se  parce  qu'ils  font 
enveloppés  dans  des  feuilles  de  cannes  , 
on  lui  donne  communément  le  nom  de 
gomme  élémi  en  rofeaux.  L'arbre  qui  fournit 
cette  réfine  s'appelle  ici  cari  bu.  Voye-^ 
Icicariba. 

On  xcnA  pour  de  Yélémi  naturel ,  celui 
qui ,  à  caufe  de  fa  ialeté  ,  a  été  fondu  ik 
recuit  au  feu  ,  Se  c'eft  peut  -  être  là  la 
moindre  des  tromperies.  On  contrefait 
allez  communément  cette  réfine  avec  du 
gilipor  lavé  dans  de  l'huile  commune 
d'afpic.  On  fait  auiïï  paflèr  des  gommes 
communes  &c  quelques  elpeces  de  poix- 
réfines  jaunâtres  ,  blanchâtres,  grifés  ,  pour 
Yélémi  d'Amérique.  Lés  connoifieurs  les 
diftinguent  par  l'odeur  &  la  couleur;  mais 
fi  La  chofe  en  valoir  la  peine  dans  la  pra- 
tique ,  la  meilleure  connoiilànce  pour  un 
acquéreur  feroit  celle  d'un  bon  droguifte, 
tdrtJele  dt  M.  Iz  chevalier  de  jAUCGURTi 


EL  E  5)9 

Élemî  résine  ,  (  Pharm,  mai.  Mer.  ) 
La  réiinè  élémi  eft  plus  connue  dans  tes 
boutiques  fous  le  nom  de  gomme  que  fous 
celui  de  réfine  ;  cependant  comme  c'eft 
abfolument  une  réfine  ,  nous  l'appellerons 
ainfi ,  &c  en  cela  nous  fuivrôns  M.  Geoffroy  , 
qui  lui  donne  ce  nom  dans  fa  matière 
médicale. 

La  réfine  élémi  s'emploie  rarement  feule  ,: 
mais  elle  entre  dans  beaucoup  de  prépa- 
rations officinales  externes  ;  "c'eft  c«tle  qui 
fait  la  ba-fe  du  baume  d'A-rceus  ,  auquel 
on  donne  quelquefois  le  nom  d'onguent 
élémi,    Vbye^  Baume   d'Arceus. 

Si  on  diftille  par  la  retorre  la  réfine- 
elemi ,  on  en  retire  tout  ce  que  donnent 
ordinairement  les  réfines  ,  c'eft-à-dire  ,  dit 
flegme  acide ,  une  huile  allez  limpide  dans 
le  commencement  ,  &  qui  s  epaiffit  de  plus 
en  plus  vers  la  fin  de  l'opération  ;  il  ne 
refte  dans  la  cornue  qu'une  petite  quantité 
de  caput  mortuitm  ,  iur  -  tout  li  Yélémi 
étoit  pur. 

La  réfine  élémi  appliquée  extérieurement 
pafle  pour  réloudre  les  tumeurs  ,  détergec 
les  ulcères ,  Ôc  pour  être  un  très-bon  digeftif; 
mais  ,  comme  nous  l'avons  dit  ,  on  ne  l'em- 
ploie point  feule. 

On  ne  l'emploie  point  non  plus  pour 
l'intérieur ,  cependant  quelques  auteurs  la 
vantent  comme  diurétique. 

L'élémi  entre  dans  le  baume  d'Arceus 
&  dans  celui  de  Fioraventi, 'dans  les  onguens- 
de  ftyrax  &:  martiatum ,  dans  les  emplâtres 
de  bitoine  ,  oppodeltoch  ,  d'André  de  la 
Croix  ,  &c.  (b) 

'  ELÉOMELI,  G  m.  (Pharmacie.)  c'eft 
une  huile  plus  épaifte  que  le  miel  ,  ôc 
douce:  au  goàt ,  qui  coule  du  tronc  d'un 
arbre  à  Palmyre  contrée  de  la  Syrie.  Cette 
huile  prife  dans  de 'l'eau,  évacue  p.iv  les 
ielles  les  humeurs  crues  ôc  biiieu:'es  ;  les 
malades  qui  s'en  fervent  font  attaques  d'en- 
gourdillèment  ôc  perdent  leurs  forces ,  mais 
ces  iympiomes  ne  font  point  à  craindre.  • 

On  rire  au  111  cette  huile  des  bourgeons 
oléagineux  de  cet.  arbre.  Dïofccride  & 
Chamb-rs.  •  <  I 

ELEO - SACCHARtIM  ,  (.  CLymk  & 
Pharmacie.  )  on ,  appelle  ainfi  toute  huile 
e'dentielle  combinée -av-ec  du  «  fncre.  C'eft 
un  moyen  pour  rendre  ks-ihtjiles  propecs..^ 

N  i 


>qo  E  L  E 

fe  mêler  avec  l'eau  ;  ce  qu'elles  ne  fërofent 
point  à  moins  que  le  fucre  ,  qui  eft  foluble 
dans  l'eau  ,  ne  fervit  d'intermède  à  cette 
union.  Pour  faire  l'eleo-faccharum  ,  on 
n'a  qu'à  verfer  quelques  gouttes  d'une 
huile  I  eilèntielle  de  citron  ,  de  canelle  ,  de 
lavande ,  &c.  fur  du  fucre  en  poudre  ;  ou 
oien  on  n'a  qu'à  frotter  des  morceaux  de 
fucre  'fur  la  peau  d'une  orange ,  d'un  citron , 
&c.  par-là  le  fucr  fe  charge  d'une  huile 
eilèntielle  aromatique ,  ôc  lui  donne  des 
entraves  qui  l'empêchent  de  fe  diffiper 
aufïi  promptement  qu'elle  feroir  fans  cela. 
C'eft  -  là  le  moyen  qu'emploient  les  Ita- 
liens ,  ôc  fur  -  tout  les  Napolitains  ,  pour 
donner  à  leurs  fleurs  artificielles  tes  mêmes 
©ieurs  qu'ont  les  fleurs  naturelles.  Pour 
tY'la  lis  ne  font  que  cacher  un  peu  à'eleo- 
faccharum  dans  le  calice  de  la  fleur  artifi- 
cielle ;  cependant  à  la  fin  la  partie  aroma- 
tique fe  diffipe* 

Dans  .la  Pharmacie  on  connoît  l'eleo- 
faccharum  carminativum  ,  qui  le  fait  en 
yerfant  de  l'huile  eilèntielle  de  camomille 
vingt -quatre  gouttes  ,  fur  douze  onces  de 
fucre  blanc  en  poudre.  Il  y  a  aulïi  l'eleo- 
fcccharum  de  faflàfras  ,  qui  fe  fait  avec  3  ij 
d'huile  de  faflàfras ,  &  ?  vj  de  fucre  blanc  : 
on  dit,  que- c'eft  un  bon  remède  pour  les 
catarres.  Voye^  Woyt  y  Ga[o  -phylacium 
medico-phyjicum,  ( — ) 

ELEPHANT  ,  eîephas  ,  f.  m.  (  HiJÎ. 
nat.  Zoolog.  )  le  plus  grand  de  tous  les 
animaux  quadrupèdes ,  &  un  des  plus  fin- 
guliers  dans  la  conformation  de  plusieurs 
parties  du  corps.  En  confidérant  l'éléphant 
relativement  à  l'idée  que  nous  avons  de 
là  juftelîè  des  proportions,  il  femble  être 
mal  proportionné  ôc  mal  deiïîné  ,  pour 
ainfi  dire  ,  à  caufe  de  fon  corps  gros  ôc 
court  ,  de  fes  jambes  roides  Ôc  mal  for- 
mées ,  de  fes  pies  ronds  &  tortus  ,  de  la 
groflè  tê:e ,  de  fes  petits  yeux  y  ôc  de  fes 
grandes  oreilles.  On  pourroit  dire  aulïi 
crue  L'habit  dont  il  paroît  couvert  ,  eft 
encore  plus  mal  taillé  èc  plus  mal  fait.  Sa 
trompe  ,  fes  défenfes  ,  fes  pies  ,  ùc.  is 
rendent  auffi  extraordinaire  que  la  grandeur 
«Je  fa  taille.  La  defcription  de  les  parties  , 
ôc  l'hiftoire  de  leurs  ufages  ,  ne  donnera 
pas  moins  d'admiration  que  leur  aiped 
caufe  de  furprife.. 
:  i  ri 


E  L  E 

Le  roi  de  Portugal  envoya  en  1668  au 
roi  de  France  un  éléphant  du  royaume  de 
Congo  ,  âgé  de  dix-fept  ans ,  ôc  haut  de 
fix  pies  &  demi  depuis  terre  jufqu'au  dellus 
du  dos.  Il  vécut  dans  la  ménagerie  de 
Verfailles  pendant  treize  ans ,  Se  ne  grandit 
que  d'un  pié  ,  fans  doute  parce  que  le 
changement  de  climat  ôc  de  nourriture 
avoit .  retardé  fon  accroiiïement  ;  ainfi  il. 
n'avoir  que  fept  pies  ôc  demi  de  hauteur 
lorfque  MM.  de  l'académie  royale  des 
Sciences  en  firent  la  defcription. 

Le  corps  de  cet  animal  avoit  douze  piési 
ôc  demi  de  tour  >  fa  longueur  étoit  prefque 
égale  à  fa  hauteur.  Il  avok  depuis  le  front 
j  ulqu'au  commencement  de  la  queue ,  huit 
pies  ôc  demi >  ôc  trois  pies  ôc  demi  depuis 
le  ventre  jufqu'à  terre.  En  prenant  la 
mefure  des  jambes  fur  le  fquelette  ,  on  a. 
trouvé  que  celles  de  devant  avoient  quatre 
pies  ôc  demi ,  ôc  celles  de  derrière  quatre: 
pies  huit  pouces  ;  mais  lorfque  l'animal 
eft  revêtu  de  fa  chair  &  de  fa  peau  ,  les- 
jambes  de  derrière  paroiflent  plus  courtes 
que  celles  de  devant  ,  parce  qu'elles  font 
moins  dégagées  de  la  mafle  du  corj&  :  elles: 
reflèmblent  plus  à  celles  de  l'homme  qu'à 
celles  de  la  plupart  des  quadrupèdes ,  en 
ce  que  le  talon  pofe  à  terre  ,  ôc  que  le 
pié  eft  fort  court.  Les  pies  de  l'éléphant 
dont  il  s'agit  ici  étoient  fi  petits  ,  qu'on 
ne  les  diftinguoit  pas  des  jambes ,  qui 
defeendoient  tout  d'une  venue  jufqu'à  terre  v 
ôc  dont  la  peau  renfermoit  les  doigts  des 
pies.  La  plante  des  pies  de  derrière  avoit 
dix  pouces  de  longueur  ,  ôc  celle  des  pies 
de  devant  ,  quatorze  ;  elle  étoit  garnie 
d'une  corne  en  forme  de  femelle  ,  qui 
étoit  dure  ,  folide  ôc  épaifiè  d'un  pouce  y 
ôc  qui  débordoit  comme  fi  elle  avoit  été 
écachée  par  le  poids  du  corps ,  ôc  formoit 
quelques  ongles  mal  figurés  :  il  n'y  en  avoit 
que  trois  à  chaque  pié  ,  cependant  il  s'eft 
trouvé  cinq  doigts  dans  le  fquelette  ;  mais 
ils  .étoient  recouverts  par  la  peau  ,  ôc 
n'avoient  aucun  rapport  avec  les  ongles. 
La  corne  ,  que  l'on  a  comparée  à  une 
femelle ,  formoit  encore  d'autres  proîon- 
gemens  que  l'on  auroit  pu  prendre  pour 
des  ongles.  Il  y  a  lieu  de  cro're  que  cette, 
partie  varie  dans  diiférens  individus,  commç 
nous  Je  ferons  voir  dans  la  fuite»  La  queuq* 


E  L  E 

croit  menue  Se  pointue  ;  elle  avoit  deux 
pics  &  demi  de  longueur  ,  Se  étoic  termi- 
née par  une  houpe  de  gros  poils  longs  de 
trois  ou  quatre  pouces.  Cet  éléphant  étoit 
femelle;  l'orifice  extérieur  de  la  matrice 
fe  trouvoit  placé  au  milieu  du  ventre  près 
du  nombril ,  à  l'extrémité  d'un  conduit 
qui  formoit  une  éminence  qui  s'étendoit 
depuis  l'anus  jufqu'à  la  vulve,  &  qui  ren- 
fermoit  un  clitoris  de  deux  pies  Se  demi 
de  longueur ,  Se  de  deux  pouces  de  dia- 
merre  ;  de  forte  qu'on  l'auroit  pris ,  avant 
la  diffect-ion  ,  pour  une  verge  ,  parce  que 
cette  partie  eft  fîtuée  de  la  même  façon 
dans  la  plupart  des  quadrupèdes.  Il  y  avoit 
fur  la  poitrine  deux  mamelles  ,  les  mame- 
lons étoient  petits.  La  tête  étoit  grande  ; 
elle  avoit  deux  boiîes  par  derrière  >  Se 
un  creux  entre  deux.  Le  cou  étoit  court , 
le  front  large  ,  les  yeux  petits ,  la  bouche 
étroite  ,  Se  prefque  cachée  lous  le  menton  ; 
la  mâchoire  inférieure  fort  pointue ,  Se  les 
oreilles  deux  fois  plus  grandes  à  propor- 
tion que  celles  d'un  âne  >  elles  avoienr 
trois  pies  de  hauteur  ,  deux  pies  de  largeur  , 
Se  feulement  deux  lignes  d'épailïèur  :  leur 
figure  approchoit  de  l'ovale ,  Se  elles  étoient 
collées  contre  la  tête ,  comme  celles  de 
l'homme,  Se  s'étendoient  en  arrière.  On 
voit  par  leurs  dimenlions  qu'aucun  animal 
n'a  les  oreilles  à  proportion  autïi  grandes  que 
{'éléphant.  La  trompe  avoit  cinq  pies  trois 
pouces  de  longueur  après  la  mort  de  l'animal, 
neuf  pouces  de  diamètre  à  fa  racine ,  Se  trois 
vers  l'extrémité  ,  qui  s'élargifloit  comme  le 
haut  d'un  vafe  ,  Se  formoit  un  rebord  dont 
la  partie  de  delîous  étoit  plus  épaifle  que 
les  côtés.  Ce  rebord  s'alongeoit  par  le 
deilus  en  manière  d'un  bout  de  doigt  r 
tout  le  rebord  formoit  comme  une  petite 
talle ,  au  fond  de  laquelle  étoient  les  nari- 
nes ;  aulTî  la  racine  de  la  trompe  fort  de 
l'endroit  qui  correfpond  à  celui  des  narines 
dans  les  autres  quadrupèdes.  Les  défenfes 
avoient  deux  pies  de  longueur  Se  quatre 
pouces  de  diamètre  vers  leur  racine  ;  elles 
étoient  un  peu  recourbées  en  haut ,  & 
fbrtoient  de  la  mâchoire  fupérieure  ,  à 
cinq  pouces  au  defïus  du  bord  de  la  lèvre  : 
il  n'y  avoit  que  huit  dents ,  quatre  en 
chaque  mâchoire  ,  deux  de  chaque  côté; 
la  longueur  de  la  plus,  groflè  étoit  de  quatre 


épais 

en 

plu- 

couvert 

de 

par 
les 

une   îiifi- 

mémoires 

E  LE  loi 

pouces  0  la  largeur ,  d'un  pouce  Se  demi.  Il 
fè  trouvoit  fur  la  peau  des  crins  ou  des 
foies  plus  grofïès  que  celles  des  fangliers  j 
elles  étoient  noires  -  luifantes ,  d'une  grollèur 
égaie  depuis  la  racine  jufqu'au  bout ,  qui 
paroiffoit  coupé  :  il  y  en  avoit  peu,  Se 
feulement  fur  quelques  parties  ;  lavoir  la 
rrompe ,  les  paupières  ,  Se  la  queue  d'un 
bout  à  l'autre  ,  jufqu'à  la  houpe  de  l'extré- 
mité. La  longueur  des  foies  de  la  trompe - 
étoit  d'un  pouce  Se  demi.  La  peau  avoit 
des  rides  de  deux  efpeces  ;  les  unes 
étoient  des  lignes  creufées  comme  nous 
les  avons  au  dedans  des  mains;  les  autres 
étoient  élevées  comme  elles  le  font  au 
defïus  des  mains  aux  perfonnes  vieilles 
Se  maigres.  Les  rides  rendoient  la"  peau 
de  l'éléphant  fort  vilaine  ,  étant  couverte 
d'un  épiderme  gris-brun , 
fieurs  endroits ,  cailleux  , 
crade,  Se  comme  déchiré 
nité  de  gerçures.  Voye-^ 
pour  fervir  a  l'hijîoire  naturelle  des  ani- 
maux ,  drcjfés  par  M.  Perrault  ,  troifieme 
partie. 

Les  élêphans  fe  trouvent  en  Afie  Se  en- 
Afrique.  Ceux  de  l'Ane  font  les  plus  grands  > 
on  prétend  qu'ils  ont  jufqu'à  treize  ,  qua- 
torze ou  quinze  pies ,  Se  même  plus ,  de 
hauteur  depuis  terre  jufqu'au  defïus  du  dos» 
On  a  vu  des  défenfes  qui  pefoient  cent 
foixante  livres  :  fans  doute  elles  venoient 
des  élêphans  d'Afie  ,  car  on  allure  qu'il  y 
en  a  du  poids  de  deux  cents  livres.  On 
prétend  qu'il  s'en  eft  trouvé  en  Afrique 
du  poids  de  cent  vingt-cinq  livres  ;  les 
Anglois  en  ont  rapporté  de  cette  partie 
du  monde ,  qui  avoient  plus  de  huit  pies 
de  longueur  ,  Se  qui  pefoient  quatre-vingt- 
dix  livres.  On  dit  que  la  mefure  ordinaire 
des  élêphans  d'Afrique  eft  de  neuf  ou  dix 
pies  de  longueur ,  Se  de  onze  ou  douze  de 
hauteur.  Il  y  a  dans  l'île  de  Ceylan  un 
très-grand  nombre  êCéléphans  ,  au  rapport. 
du  capitaine  Ribeiro ,  Hijl.  de  Ceylan , 
ijot.  Les  plus  grands  ont  neuf  coudées 
depuis  la  pointe  du  pîé  jufqu'à  l'épaule. 
Plufieurs  auteurs  s'accordent  à  dire  que  les 
élêphans  de  cette  île  font  mieux  faits  % 
plus  courageux  ,  Se  ont  plus  d'inftintt  que 
les  autres  ,  quoiqu'ils  foient  plus  petits.  Les 
élêphans  fout  de  couleur  brune  5    il  y   en 


ioi  E  L  E 

a  quelques-uns  de  blancs  dans  les  Indes , 
mais  ils  font  très-rares. 

L'éléphant  alonge  &  raccourcit  fà 
trompe  ;  il  dirige  l'extrémité  en  haut ,  en 
bas  ,  de  côté  ou  en  arrière  :  elle  eft  flexible 
en  tout  iens ,  il  la  meut  à  (on  gré  &  félon 
les  beloins  ;  car  il  s'en  fert  comme  d'un 
bras  8c  d'une  main.  Il  embrafiè  avec  fà 
trompe  tout  ce  qu'il  veut  loulever  ou  en- 
traîner ,  par  le  moyen  d'un  rebord  qui  eft 
au  bout ,  8c  du  prolongement  de  ce  rebord , 
qui  reffemble  à  une  forte  de  doigt ,  il  faiiit 
les  chofes  les  plus  petites.  C'eft  fur- tout 
à  l'aide  de  ce  doigt  qu'il  montre  une  adrelîe 
•dont  on  ne  croiroit  pas  qu'un  animal  fî 
mafïîf  fut  capable.  Enfin  c'eft  avec  fà 
trompe  qu'il  porte  à  ia  bouche  tous  les 
-alimens ,  foit  iolides  ,  foit  liquides  ;  mais 
pour  entendre  la  méchanique  qu'il  emploie 
à  ecz  effet ,  il  faut  fe  fouvenir  que  les  deux 
ouvertures  des  narines  font  au  fond  de  la 
:cavité  qui  fe  trouve  à  l'extrémité  de  la 
trompe  :  c'eft  par  cet  organe  qu'il  refpire  : 
auflî  f  luiîeurs  voyageurs  ont  regardé  la 
trompe  comme  un  nez  fort  alongé.  L'air 
qui  pailè  par  cette  trompe  dans  l'infpira-- 
tion  8c  dans  la  refpiration  ,  la  rend  propre 
à  la  fuccion  ,  8c  lui  donne  la  force  de 
.projeter  les  chofes  qui  fe  trouvent  dans 
i'a  cavité.  Lorfque  l'animal  applique  les 
bords  de  l'extrémité  de  cette  trompe  fur 
qu.e'.que  corps  ,  8c  qu'il  retire  en  même 
temps  fon  haleine,  ce  corps  refte  collé 
contre  la  trompe  ,.  8c  en  luit  les  difFérens 
mouvemens.  C'eft  ainfi  que  l'éléphant  enlevé 
des  chsfes  fort  pefantes ,  Se  même  jufqu'au 
poids  de  deux  cents  livres.  Lorfqu'il  a 
k>if,  il  trempe  le  bout  de  ia  trompe  dans 
l'eau  ,  8c  en  infpirant  il  remplit  d'eau  toute 
la  cavité  de  la  trompe •;  enfuite  il  la  re- 
courbe en  defibus  ,  pour  en  .porter  rextrê- 
mité  dans  fi  bouche  :  alors  l'animal  pour- 
voit aiiement  faire  couler  l'eau  de  la 
trompe  dans  la  abouche ,  par  un  mouvement 
d'expiration  ;  mais  de  cette  façon  il  ne 
l'avalerait  pas  fuis  qu'il  en  entrât  dans  le 
larynx  ,  puiique  .ce  mouvement  d'expiration 
fuppofe  nécefiairement  que  Fépiglotte  eft 
levée  :  auiïi  Y  éléphant  enfonce  ia  trompe 
>ufques  dans  le  goder  au  delà  de  l'épiglotte  , 
Ce  on  entend  un  grand  bruit  que  fait  l'eau 
çn  fortant  de    h  irompe  pour  defeendre 


E  L  E 

dans  l'œfophage.  D'ailleurs  on  ne  volt 
aucun  mouvement  de  fuccion  dans  les 
lèvres  ,  ce  qui  prouve  que  l'eau  eft  pouftee 
par  l'expiration  ,  8c  non  pas  attirée  pat 
la  fuccion.  De  même  quand  l'éléphant 
prend  l'herbe  ,  il  l'arrache  avec  fa  trompe 
8c  en  foit  des  paquets  qu'il  porte  au  fond 
de  fa  bouche.  Ces  obiervations  ont  fait 
prélumer  qu'il  tette  aufîi  avec  fa  trompe, 
mais  on  n'a  jamais  vu  d'éléphant  tetter; 
on  n'a  jamais  vu  non  plus  qu'il  prît 
aucune  choie  immédiatement  avec  fa 
bouche,  ii  ce  n'eft  qu'il  reçoit  ce  qu'on 
y  jette.  Il  fait  jaillir  au  loin  8c  dirige  à  fon 
gré  l'eau  dont  il  a  rempli  fa  trompe  :  on 
dit  qu'elle  en  peut  contenir  plufieurs  féaux. 
Loriqu'on  mené  l'éléphant  au  combat,  on 
attache  à  l'extrémité  de  la  trompe  une 
chaîne  ou  un  fabre  nu ,  dont  il  fe  fert  avec 
beaucoup  d'adrellè  pour  frapper  l'ennemi. 
L'éléphant  a  beaucoup  d'inftinâ:  8c  de 
docilité  ;  on  i'apprivoife  fi  aifément ,  8c 
on  le  foumet_  à  tant  d'exercices  différens  , 
que  l'on^  eft  furpris  qu'une  bête  auiïi  lourde 
prenne  fi  facilement  les  habitudes  qu'on 
lui  donne.  Pour  le  conduire  on  fe  met 
à  cheval  fur  fon  cou  ;  orr  tient  à  la  main  une 
grolîè  verge  de  fer  très  -  pointue  par  un 
bout ,  &c  terminée  à  l'autre  par  un  crochet 
très-fort  &  auiîi  très-pointu  ;  on  iè  fert 
de  la  pointe  au  lieu  d'éperon  ,  8c  le  cro- 
chet fupplée  à  la  bride  ;  car  on  pique 
l'animal  aux  oreilles  8c  au  mufeau  pour 
diriger  fa  marche,  le  conducteur  étant 
ainiî  pofté.  On  fe  place  fur  le  dos  de  l'élé- 
phant  :  les  femmes  fe  fervent ,  comme  les 
hommes  ,  de  cette  monture  ;  mais  on  dit 
qu'elle  eft  fort  incommode  ,  3c  qu'on  aime- 
roit  mieux  faire  dix  lieues  fur  un  cheval  , 
qu'une  ieule  fur  un  éléphant.  On  leur  fait 
auflî  porter  des  tours  ,  dans  lesquelles  on 
place  pluiieurs  hommes  armés  pour  la 
guerre.  Ces  tours,  au  moins  celles  dont 
parle  Pietro  délia  Vaile  dans  les  Voyages  , 
font  longues  8c  larges  comme  un  grand 
•  lit,  8c  placées  en  travers  fur  le  dos  de 
l'éléphant  ;  elles  peuvent  contenir  fîx  ou 
iept  perionnes  ailifes  à  la  manière  des 
Leva.nraiits  :  il  y  en  a  d'autres  où  dix  ou 
douze  combatcans  peuvent  fe  placer.  Pour 
les  voyages  dès  iernmes  de  qualité  &  des 
£r:.r.di  .iV'g-.uis  /  les  éléihai.s  on;  au  lieu 


E  L  E 

clé  tours  ,  des  pavillons  richement  ornes  , 
dans  lefquels  on  peut  s'afleoir  ou  fe  cou- 
cher. Les  éléphans  portent  aufli  de  toutes 
fortes  de  fardeaux  ,.  jufqu'à  de  petites  pièces 
de  canon  fur  leurs  affûts.  Au  rapport  de 
Thevenot  (  voyage  du  Zev.  )  x  la  charge 
des  plus  forts  éléphans  eft  de  plus  de  trois 
mille  livres.  Cet  animal  a  le  pie  ii  sûr , 
qu'il  ne  bronche  prefque  jamais.  Il  fait 
beaucoup  de  chemin  en  peu  de  temps , 
à  caufe  de  la  longueur  de  fes  jambes  :  en 
allant  le  pas  ,  il  atteint  un  homme  qui 
court.  Lorfqu'on  le  prefle  ,  il  peut  faire 
en  un  jour  le  chemin  de  fix  journées  ;  il 
court  comme  le  cheval  ,  au  galop  ,  &  il 
fend  l'eau  avec  autant  de  vîtene  qu'une 
chaloupe  de  dix  rames.  Lorfqu'on  eft  pour- 
suivi par  cet  animal  ,  on  ne  peut  l'éviter 
qu'en  faifant  des  détours  ,  parce  qu'il  n'eft 
pas  auffi  prompt  à  fe  retourner  de  coté 
qu'à  marcher  en  avant.  Les  éléphans  plient 
les  jambes  de  devant ,  &  même  celles  de 
derrière.  Lorfqu'on  veut  les  charger  on 
monte  deffus,  6c  ils  aident  avec  lejr  trompe. 
Lorfqu'ils  font  en  voyage ,  ils  ne  ie  couchent 
que  rarement  ;  mais  dans  d'autres  temps 
ils  fe  couchent  toutes  les  nuits ,  8c  fe  relè- 
vent avec  beaucoup  de  facilité.  Ces  ani- 
maux font  fort  commodes  &  fort  utiles 
pour  le  fervice  qu'ils  rendent ,  mais  ils 
coûtent  beaucoup  à  nourrir.  Thevenot  dans 
ion  voyage  du  Levant  ,  dit  qu'à  Delh'y , 
outre  la  viande  qu'on  leur  fait  manger  , 
&  l'eau -de -vie  qu'on  leur  fait  boire,  on 
leur  donne  une  pâte  de  farine,  de  fucre 
&  de  beurre  ,  &  chacun  en  confoœme  au 
moins  par  jour  pour  une  demi  -  piftole. 
Fr.  Pierre  de  Laval  rapporte  dans  fes 
voyages,  qu'un  éléphant  mange  cent  livres 
de  riz  par  jour  :  ils  prennent  tout  ce  qu'on 
leur  donne  ,  principalement  du  bifeuk.  Un 
feul  de  ces  animaux  peut  manger  en  un 
jour  ce  qui  fuffiroit  pour  nourrir-  trente 
hommes  durant  une  femaine  ;  cependant 
on  en  a  vu  fe  palier  de  manger  pendant 
huit  ou  dix  jours.  Les  éléphans  fauvages 
vivent  d'herbe  ,  de  fruits ,  8c  de  branches 
d'arbres,  dont  ils  mâchent  du  bois  allez 
gros. 

Ces  animaux  font  fort  tranquilles',  St  ne 

s'irritent  que  lorsqu'on  les  oflfenfe  ;  alors  ils 

'  drelfent  les  oreilles  &  la  trompe,,    &  c'eft 


E  L  Ë  io  3 

avec  la  trompe  qu'ils  renverfent  les  hommes 
ou  les  jettent  au  loin  ,  arrachent  des 
arbres ,  8c  foulevent  tout  ce  qui  leur  fait 
obftacle.  Lorfqu'ils  ont  terraffé  un  homme 
8c  que  leur  fureur  eft  grande ,  ils  l'entraî- 
nent à  l'aide  de  leur  trompe  contre  leurs 
pies  de  devant ,  8c  marchent  de  {fus  ou  le 
maflacrent  en  le  frappant  8c  le  perçant, 
avec  leurs  défenfes.  C'eft  aulii  par  les 
coups  redoublés  de  ces  défenfes  qu'ils  abar- 
tent  des  murs  ,  8c  qu'ils  frappent  fur  les 
chofes  que  leur  trompe  ne  peut  pas  faiiir. 
Ils  craignent  le  feu  ;  on  arrête  leur  fureur 
en  leur  jerant  des  pièces  d'artifice  enflam- 
mées. Cet  animal  fi  grand  8c  il  fore  eft 
expolé  aux  infultes  des  plus  vils  infectes  : 
les  mouches  l'incommodent  en  le  piquant 
dans  les  endroits  où  fa  peau  eft  gercée  ; 
c'eft  pourquoi  il  a  foin  de  jeter  avec  fa 
trompe  de  la  pouffiere  fur  fbn  corps ,  8c 
de  fe  rouler  fur  la  terre  eh  fortant  dit 
bain  :  car  il  ne  manque  pas  de  fe  baigner 
fou  vent ,  fbit  pour  faire  tomber  la  croûte  ; 
que  la  pouffiere  a  formée  fur  fa  peau, 
(bit  pour  ramollir  fbn  épidémie  qui  eft  fujet 
à  fe  deftécher  ;  on  le  frotte  d'huile  pour 
prévenir  ce  defféchement.  En  fronçant  fa 
peau  il  éerafe  les  mouches  qui  fe  trouvent 
dans  les  gerçures.  Ses  ennemis  les  plus 
redoutables  font  le  rhinocéros,  le  lion ,  le 
tygre  8C  les  ferpens ,  mais  fur-tout  le  tygre, 
parce  qu'il  faifït  l'éléphant  par  la  trompe 
8c  la  met  en  pièces.  Les  Nègres  lui  donnent 
la  chafte ,  parce  qu'ils-  vendent  fes  défenfes 
'8c  mangent  fa  chairr 

!  Lorfque  les  éléphants  font  en  chaleur  ils 
deviennent  furieux  ;  mais  ,  au  rapport  de 
Tavernier-,  cela  n'arrive  guère  à  ceux 
qui  font  apprivoifés.  On  prétend  que  la 
femelle  amoncelé  dès  feuilles  avec  fi 
trompe  ,  en  fut  une-  forte  de  lit  ,  s'y 
couche  fur-  le-  dos  qusnd  elle  veut  rece- 
voir le  mâle,  3c  l'appelle  par  des  cris  ; 
<jue  leur  accouplement  ne  fe  fait  que*  dans 
les  lieux  les  plus  écartés  &  les  plus  folitai- 
res-,  &  que  les  femelles  portent  pendant 
dix  ans.  Quelques  auteurs  difent  qu'elles- 
ne-  conçoivent  qu'une-  fois  en  fepr  ans  , 
&  que  leur  portée  n'eft  que  d'un  an  ,  de 
'dix-huit  mois ,  de  deux  ans,  ou  de  deux1 
ans  «Se  demi  ;  -que  chaque  portée  eft  d'un 
feul  fœtus?  D'autres  foudennent  qu'il  y»  en 


204  E  L  E 

a  trois  ou  quatre ,  8c  que  la  mère  les 
allaite  pendant  fèpt  ou  huit  ans  ;  mais 
tous  ces  faits  font  très-incertains  ,  on  n'a 
pu  les  obferver  fur  les  éléphans  domefti- 
ques ,  puifqu'ils  ne  s'accouplent  pas ,  8c 
il  n'eil  guère  poffible  de  fuivre  des  éléphans 
fauvages  d'aflèz  près  &  allez  long  -  temps 
pour  faire  de  telles  obfervations.  La  durée 
de  leur  vie  n'eft  guère  mieux  connue;  on 
a  dit  que  ces  animaux  vivoient  jufqu'à 
trois ,  quatre  ou  cinq  cents  ans  ,  &  qu'ils 
grandifïent  pendant  la  moitié  de  leur  vie: 
d'autres  affurent  qu'elle  ne  dure  que  cent 
vingt  ,  cent  trente  s  ou  cent  cinquante 
ans  ,  &c. 

On  a  mis  l'éléphant  au  rang  des  animaux 
fifïipedes ,  dans  les  divifions  méthodique* 
des  quadrupèdes.  En  effet  il  a  cinq  doigts 
à  chaque  pie  ,  mais  ils  font  entièrement 
léunis  &  cachés  fous  la  peau.  Les  ongles 
ne  font  pas  vraiment  des  ongles  j  ils  ne 
tiennent  pas  aux  doigts  comme  il  a  déjà 
été  dit  ,  &  leur  nombre  varie ,  puifque 
Y  éléphant  de  Verfailles  n'en  avoit  que  trois 
à  chaque  pie*  ,  tandis  qu'on  en  montrait  un 
autre  à  Paris  qui  venoit  des  Indes ,  &  qui 
en  avoit  quatre.  Cependant  le  P.  Tachard 
a  obfervé  que  tous  les  éléphans  qu'il  a  vus 
à  Siam ,  avoient  cinq  ongles. 

Il  y  a  eu  diverfes  opinions  fur  les  dé- 
fenfes  de  l'éléphant.  On  a  cru  que  la  plu- 
part des  femelles  n'en  avoient  point ,  8c 
qu'elles  étoient  très-courtes  dans  les  autres  ; 
qu'elles  fortoient  de  la  mâchoire  inférieu- 
re ,  8c  qu'elles  tomboient  chaque  année. 
Mais  les  défenfes  de  l'éléphant  femelle  de 
Verfailles ,  tenoient  à  la  mâchoire  fupé- 
rieure  ;  elles  étoient  longues  ,  8c  n'ont 
pas  tombé  pendant  les  treize  ans  quti  a 
été  à  la  ménagerie.  Quelques  auteurs  ont 
prétendu  que  ces  défenfes  étoient  des 
dents  :  d'autres  ont  foutenu  qu'on  devoit 
les  regarder  comme  des  cornes  ;  en  effet 
leur  fubftance  qui  eft  l'ivoire  (  Voye^ 
Ivoire)  s'amolit  au  feu  ,  ce  qui  n'arrive 
pas  à  celle  des  dents  ;  8c  l'os  duquel  fbrtent 
ces  défenfes  eft  diftinct  &c  féparé  de  celui 
duquel  fortent  les  dents  :  ce  qui  prouve 
qu'elles  font  de  véritables  cornes. 

On  feroit  une  longue  hiftoire  de  l'élé- 
phant ,  h"  Ton  rapportoit  tout  ce  qu'on  a 
dit  de  fon  inftinâ  ,   8c  tous  les  détails  du 


E  L  E 

cérémonial  établi  chez  difFérens  peuples",' 
qui  ont  beaucoup  de  vénération  pour  cçt 
animal  ;  on  verrait  que  l'amour  du  merveil- 
leux a  fait  croire  que  l'éléphant  a  des  vertus 
8c  des  vices ,  qu'il  eft  charte  &  modefte  , 
orgueilleux  &  vindicatif,  qu'il  aime  les  louan- 
ges, qu'il  comprend  ce  qu'on  lui  dit ,  &c.  Des 
nations  entières  ont  fait  des  guerres  lon- 
gues 8c  cruelles ,  8c  des  milliers  d'hommes 
K  font  égorgés  pour  la  conquête  de  l'élé- 
phant blanc.  Cent  officiers  foignent  un 
éléphant  de  cette  couleur  à  Siam  ;  il  eft 
fervi  en  vaiflèlle  d'or ,  promené  fous  un 
dais ,  logé  dans  un  pavillon  magnifique 
dont  les  lambris  font  dorés.  Plufieurs  rois 
de  l'Orient  préfèrent  à  tout  autre  titre  , 
celui  de  pofjejfeur  de  V éléphant  blanc.  Mais 
c'en  eft  allez  fur  ce  fujet  ,  qui  eft  fort 
étranger  à  l'hiftoire  naturelle  de  l'éléphant. 
Les  éléphans  fauvages  vont  par  troupes. 
Il  y  a  plufieurs  manières  de  les  prendre 
8c  de  les  apprivoifer.  Au  royaume  de 
Siam  3  des  hommes  montent  fur  des  élé- 
phans femelles  ,  8c  fe  couvrent  de  feuil- 
lages pour  n'être  pas  apperçus  des  éléphans 
fauvages  qu'ils  vont  chercher  dans  les  fo- 
rêts :  dès  qu'ils  fe  croient  à  portée  de 
quelques  -  uns  de  ces  animaux  ,  ils  font 
crier  les  femelles  fur  lefquelles  ils  font 
montés  ;  les  mâles  répondent  à  ces  cris 
par  des  hurlemens  effroyables  ,  8c  s'appro- 
chent des  femelles  ,  que  les  hommes  font 
marcher  vers  une  allée  fermée  par  des 
palifîàdes  ;  les  mâles  fuivent  les  femelles , 
8c  dès  que  l'un  d'eux  eft  entré  dans  l'allée , 
on  fait  tomber  deux  couliflès  9  une  par- 
devant  l'éléphant  fauvage  ,  8c  l'autre  par 
derrière:  de  forte  qu'il  fe  trouve  enfermé 
fans  pouvoir  avancer ,  ni  reculer ,  ni  fe 
retourner.  Il  jette  des  cris  terribles ,  8c 
fait  des  efforts  étonnans  pour  fe  dégager  , 
mais  c'eft  en  vain  ;  alors  on  tâche  de  le 
calmer  8c  de  l'adoucir ,  en  lui  jetant  des 
féaux  d'eau  lur  le  corps;  on  verfe  de 
l'huile  fur  fes  oreilles  ,  &  on  fait  venir 
des  éléphans  privés  mâles  8c  femelles  qui 
les  careflènt  avec  leurs  trompes.  Pendant 
ce  temps-là ,  on  lui  pafîè  des  cordes  fous 
le  ventre  8c  aux  pies  de  derrière ,  8c  enfin 
on  fait  approcher  un  éléphant  privé.  Un 
homme  eft  monté  deflus  8c  le  fait  avancer 
&  reculer ,  pour  donner  exemple  à  X éléphant 

fauvage  \ 


E  L  E 

Auvage  ;  enfuite  on  levé  la  coulîfle  qui 
l'arrête  ,  &  auflî  -  tôt  il  avance  jufqu'au 
bout  de  l'allée  :  dès  qu'il  y  efl  arrivé  ,  on 
met  à  Tes  côtés  deux  éléphans  domefti- 
ques  ,  que  l'on  attache  avec  lui  ;  un  troi- 
lieme  marche  devant ,  &  le  tire  par  une 
corde  ;  &  un  quatrième  le  fuit ,  &  le  fait 
marcher  à  grands  coups  de  tête  qu'il  lui 
donne  par  derrière.  C'eft  ainli  qu'on  con- 
duit Y  éléphant  fauvage  jufqu'à  une  efpece 
de  remife  ,  où  on  l'attache  à  un  gros  pilier 
qui  tourne  comme  un  cabefïan  de  navire; 
on  le  laille  là  pour  lui  donner  le  temps 
d'appaifer  fa  fureur.  Dès  le  lendemain  il 
commence  à  aller  avec  les  éléphans  privés  , 
&  en  quinze  jours  il  efl  entièrement  appri- 
tfoifé. 

Le  roi  de  Siam  a  encore  une  autre  façon 
<3e  faire  la  chafle  aux  éléphans  :  mais  elle 
■demande  beaucoup  d'appareil.  On  com- 
mence par  attirer  le  plus  grand  nombre 
tféléphans  fauvages  qu'il  efl  poflible  dans 
un  parc  fpacieux  ,  environné  par  de  gros 
pieux  qui  laiflent  de  grandes  ouvertures  de 
oiftance  en  diftance  ;  on  les  y  fait  venir 
par  le  moyen  d'une  femelle  ,  ou  en  les 
épouvantant  par  le  fon  des  trompettes  , 
des  tambours  ,  des  hautbois  ,  &  fur-tout 
par  le  feu  dans  divers  endroits  de  la  forêt , 
pour  les  faire  aller  dans  le  parc.  Lorfqu'ils 
y  font  arrivés  ,  on  lait  autour  une  enceinte 
■a éléphans  de  guerre ,  pour  empêcher  que 
les  éléphans  fauvages  ne  franchiflènt  les 
paliflades  ;  enfuite  on  mené  dans  le  parc 
à-peu-près  autant  &  éléphans  privés ,  des 
plus  forts  ,  qu'il  y  a  ftéléphans  fauvages. 
Les  premiers  font  montés  chacun  par  deux 
chaflèurs ,  qui  portent  de  grofTes  cordes 
à  nœuds  coulans  ,  dont  les  bouts  font 
attachés  à  Yéléphant.  Les  conducteurs  de 
chacun  de  ces  éléplians  les  font  courir 
contre  un  éléphant  fauvage  ,  qui  fuit  aufli- 
tôt  &  fè  préfente  aux  ouvertures  du  parc 
pour  en  fortir  ;  mais  il  eft  repouflé  par 
les  éléphans  de  guerre  qui  forment  l'en- 
ceinte du  dehors  ;  &  pendant  qu'il  marche 
ainfi  dans  le  parc  ,  les  chaflèurs  jettent 
leurs  nœuds  fi  à  propos  dans  les  en- 
droits où  il  doit  mettre  le  pié  ,  qu'en 
peu  de  temps  tous  les  éléphans  fau- 
vages font  attachés.  On  les  met  entre 
des  éléphans  privés  pour  les  conduire  , 
Tome    XII. 


E  L  E  ioy 

comme  dans  la  charte  dont  il  a  déjà  été 
fait  mention. 

Au  Pégu  on  emploie  pour  cette  chafle  plus 
d'art ,  mais  moins  de  monde.  On  a  plufieurs 
femelles  dreflees  au  manège  qu'elles  doi- 
vent faire  dans  cette  occafion  ;  on  les  frotte 
aux  parties  de  la  génération  avec  une  huile 
fort  odoriférante  ,  que  les  mâles  fentent  de 
loin  ;  on  mené  ces  femelles  dans  les  forêts , 
&  bientôt  les  éléphans  fauvages  accourent 
de  toutes  parts  ,  &  les  fuivent  :  alors  elle* 
prennent  le  chemin  d'un  parc  environné 
de  gros  pieux  plantés  à  telle  diflance  l'uii 
de  l'autre  ,  qu'un  homme  peut  paflèr  entre" 
deux  ,  mais  non  pas  un  éléphant  y  excepté 
à  l'entrée  du  parc  où  il  y  a  une  grande 
ouverture  qui  fe  ferme  par  une  herfe.  Il 
fe  trouve  auflî  entre  les  pieux  plufieurs 
portes  qui  communiquent  chacune  dans 
une  écurie  ,  &  que  l'on  peut  fermer  par 
des  couliflês.  Lorfque  les  femelles  privées 
font  entrées  dans  le  parc  avec  les  éléphans 
fauvages  ,  on  fait  tomber  la  herlè  pour 
clore  la  grande  ouverture  ;  enfuite  les 
femelles  entrent  dans  leurs  écuries  ,  &  on 
baiflè  la  couliflè  des  portes.  Les  éléphans 
fè  voyant  feuls  &  enfermés  ,  entrent  en 
fureur;  ils  pourfuivent  les  hommes  qui  fè 
trouvent  dans  le  parc  pour  faire  les  ma- 
nœuvres néceffaires  :  mais  ceux-ci  s^échap- 
pent  entre  les  pieux  ,  que  les  éléphans 
frappent  avec  leurs  défenfes  ;  mais  ils  caf- 
fènt  fouvent  leurs  défenfes  ,  au  lieu  de 
brifer  les  pieux  :  ils  jettent  de  grands  cris , 
ils  pleurent  ,  ils  gémiflent ,  &  font  des 
efforts  de  toute  efpece  pendant  deux  ou 
trois  heures  ;  enfin  les  forces  leur  man- 
quent ,  ils  s'arrêtent ,  la  fueur  coule  de 
toutes  les  parties  de  leur  corps  ,  ils  laiflent 
tomber  leur  trompe  a  terre  ,  &  il  en  fort 
une  grande  quantité  d'eau.  Lorfqu'ils  font 
dans  cet  état  ,  on  fait  fortir  les  femelles 
de  leurs  écuries  ,  elles  rentrent  dans  le 
parc  ,  &  fe  mêlent  parmi  les  éléphans 
fauvages.  Bientôt  elles  vont  dans  d'autres  • 
écuries  qui  font  deflinées  à  ces  éléphans  f 
chacun  fuit  une  femelle  &  entre  après  elle 
dans  une  écurie  ;  mais  il  s'y  trouve  feul , 
car  la  femelle  fort  par  une  porte  de  der-" 
riere  ;  auill-tôt  on  enferme  Yék'phant  fau- 
vage dans  cette  écurie  où  il  fe  trouve  fore 
ferré  ;  on  l'y  tient  lié  ;   il  parte  quatre  ou 

Q 


lo£ 


E  L  E 


cinq  jours  fans  vouloir  ni  manger  ,  ni  boire  ;■ 
enfin  il  s'accoutume  à  fon  eiclavage  ,  & 
en  huit  jours  il  fe  trouve  bien  apprivoifé. 

A  Patane  ,  qui  efl  un  royaume  dépen- 
dant de  celui  de  Siam  ,  on  mené  feule- 
ment un  grand  éléphant  privé  dans  le  bois  ; 
dès  qu'un  éléphant  fauvage  l'apperçoit  ,  il 
vient  l'attaquer  :  ces  deux  éléphans  croi- 
sent leurs  trompes  en  s' efforçant  de  fe 
jrenverfer  l'un  l'autre  ;  pendant  que  la 
trompe  de  l'éléphant  fauvage  eft  embar- 
raffée  ,  on  lui  lie  les  jambes  de  devant  , 
alors  il  n'oie  plus  fe  remuer  ,  parce  qu'il 
craint  de  tomber  :  ainfi  il  efl  aile  de  l'ap- 
privoifer  par  la  faim. 

On  tend  auili  des  chauffes-trappes  pour 
faire  tomber  les  éléphans  fauvages  dans  des 
foffes  ,  &  enfùite  on  les  lie  avec  des  cordes. 
JJéléphant  s'apprivoife  en  peu  de  temps  : 
trois  jours  fuffifent ,  fi  on  les  prive  de  nour- 
riture ,  ou  fi  on  les  empêche  de  dormir. 
On  les  prend  plus  facilement  lorfqu'ils  font 
très-jeunes.  Voye\  le  premier  voyage  de 
Siam  ,  par  le  P.  Tachart  ;  les  mémoires 
pour  fervir  à  t'hiftoire  naturelle  des  ani- 
maux y  qui  a  déjà  été  citée  ;  &  plujieurs 
relations  de  voyageurs  dont  cet  article  a 
été  extrait.  Voye\  QUADRUPEDE.  (I) 

ÉLÉPHANT,  (Mat.  méd.)  de  toutes 
les  parties  de  cet  animal  ,  il  n'y  a  que  les 
dents  qui  foient  en  ufage  ;  elles  font  connues 
ibus  le  nom  d'ivoire.    Voye\  IVOIRE. 

*ÉLÉPHANS  ,  (Hifl.  anc.  )  les  anciens 
employèrent  cet  animal  dans  leurs  armées  , 
les  Orientaux  s'en  étoient  fervis  avant  eux  ; 
les  Perfans  &  les  Indiens  en  avoient  mené 
en  troupe  au  combat.  Il  étoit  difficile  de  les 
bleffer.  Ils  écrafoient  fous  leurs  pies  tout 
ce  qui  s'oppofoit  à  eux  ;  ils  portoient  des 
tours  fur  leur  dos  ,  d'où  des  foldats  armés 
faifoient  pleuvoir  des  traits  ,  des  flèches  , 
des  pierres  ,  &  des  javelots  fur  leurs  en- 
nemis. Ils  étoient  dreflés  à  faifir  les  hommes 
îtvec  leur  trompe ,  &  à  les  jeter  dans  la 
tour  qu'ils  portoient.  Ils  rompoient  les 
rangs  ;  ils  épouvantoient  les  chevaux.  Lors- 
qu'on fe  fut  accoutumé  à  cette  efpece 
de  péril ,  on  réfifla  aux  éléphans  avec  le 
feu  ,  avec  des  poutres  aiguës  plantées 
devant  les  rangs  ,  des  haches  dont  on  leur 
coupa  les  pies  ,  des  armes  en  forme  de 
iaulx   dont  va  leur  trancha  la  trompe  : 


E  LE 

de  longues  piques  qu'on  leur  enfonça  fous 
la  queue  ,  où  ils  ont  la  peau  moins  épaiffe  ; 
enfin  on  leur  oppofa  d'autres  éléphans.  On 
vit  alors  les  animaux  les  plus  terribles 
prendre  part  dans  les  querelles  des  hom- 
mes ,  &  s'entre-détruire  pour  les  défendre 
ou  les  venger. 

Les  Romains  qui  en  virent  pour  la  pre- 
mière fois  dans  l'armée  de  Pyrrhus  ,  les 
prirent  pour  des  bœufs  de  Lucanie  ,  une  dé- 
faite totale  fut  la  fuite  de  leur  ignorance. 
Dans  la  fuite  ils  firent  marcher  eux-mêmes 
ces  animaux  contre  leurs  ennemis  :  ce  fut 
une  partie  principale  du  butin  qu'ils  firent 
fur  les  Carthaginois.  Ils  en  oppofèrent 
pour  la  première  fois  à  Philippe  ;  ils  en  hono- 
rèrent leurs  triomphes  ;  ils  en  expoferent 
dans  les  jeux  du  cirque  ,  où  l'on  vit  quel- 
quefois des  éléphans  vaincus  par  des  hom- 
mes. C'étoit  un  bel  exemple  de  la  fupé- 
riorité  de  l'induftrie  fur  la  force.  On  dit 
qu'ils  en  drefferent  à  marcher  fur  des  cordes 
tendues.  Ils  en  attelèrent  à  leurs  chars. 
Céfar  fe  fit  éclairer  par  quarante  éléphans  , 
qui  portoient  devant  lui  des  flambeaux  à 
la  guerre.  On  appelloit  \oarque  celui  qui 
commandoit  un  éléphant  ;  thérarque  celui 
qui  en  commandoit  deux  ;  alpthérarque  y 
celui  qui  en  commandoit  trois  ;  hylarque  , 
celui  qui  en  commandoit  huit  ;  chératarque  9 
celui  qui  en  commandoit  vingt  ;  &  phallan- 
garque  }  celui  qui  en  commandoit  foixante-* 
quatre. 

ÉLÉPHANT,  (  Myth.  Médailles.  ) 
L' 'éléphant  fur  les  médailles  efl  un  des  fu- 
jets  qui  ont  le  plus  exercé  les  antiquaires , 
pour  en  deviner  les  diverfes  lignifications. 
Il  marque  ordinairement  les  jeux  publics 
&  les  triomphes  ,  où  l'on  prenoix  plaifir 
de  faire  voir  au  peuple  ces  fortes  d'ani- 
maux. Dans  les  médailles  de  Jules-Céfar 
fur  la  fin  de  la  république  ,  où  il  n'éroir 
pas  permis  de  mettre  fa  tête  fur  les  mon- 
noies ,  on  imagina  pour  flatter  fon  ambi- 
tion de  mettre  à  la  place  cet  animal  ;  parce 
qu'en  langue  punique ,  Céfar  fignifioit  un 
éléphant.  Aufîi  dans  la  fuite,  Y  éléphant 
fut  pris  pour  une  marque  de  la  puifïance 
fouveraine  :  il  efl  vrai  cependant  qu'il  dé- 
figne  ailleurs  le  fymbole  de  l'éternité  ,  ou 
celui  de  la  piété  envers  Dieu.  Mais  pour 
abréger  ,   ioye\  Spanjieim ,  numifmata  $ 


E  LE 

Begeri  ,  thefaurus  Brandenburgicûs  ,*  & 
fur-tout  Cuper  (Gisbert),  de  elephantis , 
&c.  Hagœ-Comit.  lj  19  >  in-folio,  fig. 
Art.  ce  M.  le  Chef.',  de  J au  court. 

ÉLÉPHANT  ,  nom  donné  à  un  ordre 
militaire  ancien  &  fort  honorable  que 
confèrent  les  rois  de  Danemarek  ,  &  qu'ils 
n'accordent  qu'aux  perfbnnes  de  la  plus 
haute  qualité ,  &  d'un  mérite  extraordi- 
naire. 

On  l'appelle  V ordre  de  V éléphant ,  parce 
qu'il  a  pour  arme  un  éléphant  d'or  émaillé 
de  blanc ,  chargé  d'une  tour  d'argent  ma- 
çonnée de  fable ,  fur  une  terrafîe  de  fynople 
émaillée  de  rieurs.  Cette  marque  de  l'ordre 
efl  ornée  de  diamans  ,  &  pend  à  un  ruban 
bleu ,  onde  comme  le  cordon  bleu  en 
France.   Charniers.   (G) 

ÉLÉPHANT  (île  de  V)  ,  ( Géogr. ) 
i\e  de  l'Indoftan  fur  la  côte  du  Malabar. 
Elle  a  été  ainfi  nommée  ,  de  la  figure  d'un 
éléphant  qu'on  voit  taillée  dans  le  roc , 
grande  comme  nature.  Il  y  a  au  même  en- 
droit un  cheval  de  pierre ,  une  pagode , 
avec  une  quarantaine  Je  figures  gigantes- 
ques ,  rangées  fymmètriquement.  Les  païens 
de  cette  île  en  .  ont  fait  l'objet  de  leur 
culte. 

Éléphant,  ( Blafon )  meuble  qui 
entre  dans  quelques  ccus ,  il  repréfente  le 
plus  grand  des  animaux  quadrupèdes. 

L'éléphant  fur  les  médailles  efl  l'hiéro- 
glyfe  de  l'éternité  ,  parce  qu'il  vit  plus 
d'un  fiecle. 

Il  efl  auffi  le  fymbole  de  la  piété ,  parce 
c^u'on  dit  qu'il  s'incline  devant  le  foleil  à 
ion  lever  &  à  fon  coucher. 

Heudé  de  Blacy  en  Champagne ,  de 
gueules  à  un  éléphant  d'argent  y  appuyé 
contre  un  palmier  d'or. 

ÉLÉPHANTIASE  ou  ÉLÉPHAN- 
TIE,  f.  f.  ou  ELEPHANTIAS,  f.  m. 
(  Méd.  )  c'efl  le  nom  que  les  Grecs  ont 
donné  à  la  maladie  de  la  peau  ,  que  les 
Arabes   appellent  lèpre. 

Celle  qui  eil  la  lèpre  des  Grecs ,  efl 
nommée  par  les  Arabes ,  albara  nigra  : 
c'efl  une  efpece  de  gale  à  un  plus  haut 
degré  de  malignité  ;  ainfi  elle  ne  diffère  de 
la  gale  que  l'on  voit  communément ,  que 
par  l'intenfité  des  fymptomes.  Voye\  Gale  , 
I-EPRE, 


E  LE  107 

La  lèpre  des  Arabes  efî  encore  plus 
violente  que  celle  des  Grecs.  De  toutes 
les  maladies  dans  lefquelles  les  tégumeris 
font  affectés  de  différens  genres  de  pullu- 
les ,  de  tubercules  ,  d'ulcères ,  il  n'en  efl 
point  qui  réunifie  autant  de  ces  divers 
maux  ,  &  qui  afie&e  fi  généralement  toutes 
les  parties  du  corps  ,  d'une  manière  fi  hor- 
rible &  fi  digne  de  compaffion  en  même 
temps  ,  que  Yéléphantiafe  ;  ce  qui  l'a  fait 
regarder  comme  un  chancre  univerfel  par 
./Eginette  (lib.  /K.)  ,  &  par  prefque  tous 
les  auteurs  qui  l'ont  décrite  après  lui.  On 
lui  a  donne  le  nom  Yéléphantiafe  y  foit  parce 
que  cette  maladie  efl  aufîi  .grande  par  la 
nature  de  fes  fymptomes ,  &  auffi  forte  par 
la  difficulté  de  la  guérir  ,  entre  toutes  les 
autres  maladies  connues ,  que  l'éléphant  fuf- 
pafîe  en  grandeur  &  en  force  tous  les  autres* 
quadrupèdes  ;  foit  parce  que  ceux  qui  font 
affectés  de  cette  efpece  de  lèpre  ont  le 
corps  &  les  extrémités  inférieures- fur-tout 
tuméfiées  &  fi  roides  ,  qu'ils  ne  peuvent 
pas  les  plier  :  ce  en  quoi  on  les  comparoit 
aux  éléphans ,  dont  les  anciens  croyoient  les 
jambes  fans  jointures  ;  foit  parce  que  cette 
maladie  rend  la  peau  gonflée ,  rude  ,  iné- 
gale ,  ridée ,  couverte  d'écaillés  ,  de  tubé- 
rofités  ,  avec  un  grand  nombre  de  fentes 
fillonnées  &  de  crevaffes  ,  comme  l'efî 
celle  des  éléphans.  Cette  dernière  raifon 
paroît  la  plus  vraifemblable.  On  lui  a  auffi 
donné  ,  félon  Galien ,  dans  fon  livre  de. 
Tumoribus  9  cap.  xiv  ,  le  nom  de  faty- 
ryafmum  y  parce  que  lorfqu'elle  commen- 
ce ,  elle  rend  les  malades  extrêmement  las- 
cifs ,  &  par-là  femblables  à  des  fàtyres  * 
ou  parce  qu'elle  défigure  le  vifage ,  &  lui 
donne  quelque  reffemblance  avec  la  figure 
fous  laquelle  on  repréfente  les  fatyres.  On 
la  défigne  aufîï  par  le  nom  de  leontiajis  ,* 
il  efl  tait  mention  de  ce  nom  dans  Aëtius  > 
tetracl.  4,  parce  que  ceux  qui  en  font 
afFe&és  ont  le  front  chargé  de  grofîes  rides  f 
Palpée!  furieux ,  effrayant ,  comme  le  lion  : 
en  forte  que  ce  mal  efl  auffi  cruel  que  cet 
animal.  On  l'appelle  encore  le  mal  de 
faint  Lazare  ,  parce  qu'on  le  croit  le 
même  que  celui  du  mendiant  nommé 
Lazare ,  tout  couvert  d'ulcères  ,  dont  il 
efl  fait  mention  dans  l'Évangile. 

Cette  cruelle  maladie  ne  paroît  pas  tout 
O  2. 


ïoS  E  L  E 

d'un  coup  dans  toute  fa  force  ,  lès  Symptô- 
mes ne  femblent  naître  que  par  degrés  :  car 
avant  que  les  parties  extérieures  {oient 
affectées  ,  les  malades  fe  fentent  une  pe- 
fanteur  de  corps  qui  les  engourdit  &  les 
rend  lents  à  fe  mouvoir ,  font  fujets  à  la 
conftipation ,  leurs  urines  font  femblables 
à  celles  des  bêtes  de  fomme  ,  leur  haleine 
devient  forte  ,  la  peau  des  joues  s'épaifîlt , 
il  s'élève  des  tumeurs  dures  fur  le  vilage 
&  principalement  fur  le  front  ;  &  lorique 
le  mai  augmente  plus  considérablement ,  il 
fè  forme  des  tubercules  &  des  pullules  fur 
toute  la  furface  du  corps.  * 

Il  y  a  fix  fymptomes  ,  félon  Gui  de 
Chauliac  ,  (  mag.  chirg.  tract.  6.  )  qui  cons- 
tituent des  lignes  caractériffiques  de  Yele- 
phantiajis  ;  lavoir ,  la  rondeur  des  yeux 
&  des  oreilles  ,  la  dépilation  ,  l'épaifïèur , 
&  l'élévation  de  la  peau  des  fourcils  ;  ta 
dilatation  &  la  diftorfion  des  narines  en 
dehors  ,  &  le  refferrement  de  leurs  cavités 
en  dedans  ;  la  mauvaife  odeur  des  lèvres  , 
&  la  voix  rauque ,  comme  lorfqu'oa  parle 
du  nez  ;  la  puanteur  de  la  bouche  &  de 
toute  la  perfonne  j  le  regard  fixe  &  qui 
fait  horreur. 

Le  même  auteur  rapporte  encore  feize 
autres  fignes  équivoques  de  cette  mala- 
die ,  dont  voici  les  principaux  :  la  peau 
fe  hérifîê  d'inégalités  en  forme  d'écaillés  ; 
il  s'en  fépare  une  grande  quantité  qui  renaît 
bientôt  après  ;  le  fentiment  qui  eft  d'abord 
beaucoup  émouffé  dans  les  extrémités  in- 
férieures ,  avec  des  crampes  continuelles  , 
fe  perd  à  la  fuite  entièrement  >  enforte 
qu'il  ne  peut  prefque  pas  être  excité  par 
la  piquure  faite  avec  des  aiguilles  quoi" 
que  enfoncées  profondément  ;r  la  peau 
en  général  devient  infenfible  par  degrés , 
au  point  de  ne  relTentir  à  la  fin  aucune 
douleur ,  même  par  l'afperfion  de  l'eau 
bouillante  qui  glifife  defllis  comme  fur  un 
corps  onctueux.  Les  cheveux  tombent  aulli 
bien  que  les  poils  des  ailfelles  ,  des  aines , 
&  il  renaît  à  la  place  une  efpece  de  duvet  : 
les  lèvres  font  enflées ,  épailîès ,  les  gen- 
cives rongées ,  la  langue  ,  le  pakis  ,  les 
oreilles  fe  garnilfent  d'une  infinité  de  petits 
grains  comme  des  durillons  ;  une  foif  ar- 
dente tourmente  jour  &  nuit  ;  &  félon 
}a  delcription   qu'Arctée   donae  ,de   cette 


E  L  E 

maladie  {lib.  IV,  cap.  xlîj)  ,  la  ?ace  > 
les  cuilfes  ,  les  jambes  s'enflent  d'une 
manière  énorme  ,  &  quelquefois  tout  le 
corps  ,  en  forte  que  les  doigts  des  pies  , 
même  ceux  des  mains  font  enveloppés  & 
cachés  fous  l'enflure  :  enfin  lorique  le  mal 
eff  au  fuprême  degré  ,  les  tubercules 
s'exulcerent  dans  toutes  les  parties  du, 
corps  -y  les  bords  des  ulcères  deviennent 
calleux  ,  &  cependant  très  -  tendres  &; 
fufceptibles  de  donner  du  fang  par  la 
moindre  irritation  ;  il  s'en  forme  fouvent 
dans  l'intérieur  de  la  bouche ,  dans  le 
gofier  ;  il  s'y  répand  un  pus  de  mauvaiie 
qualité,  une  finie,  qui  font  de  très-mau- 
vaife  odeur  ;  &  le  corps  ainfi  affecté  dans, 
toutes  fes  parties ,  ne  paroît  bientôt  plus 
que  couvert  d'un-  feul,  ulcère  comme  uru 
chancre  urtiverfel  ;  jufqu'à  ce  que  la  fièvre 
lente  qui  fe  joint  inévitablement  à  tous 
ces  fymptomes  ,  &  la  pourriture  de  toutes. 
les  parties  tant  internes  qu'externes  ,  aient; 
rongé  &  confommé  jufqu'aux  os  la  fubf»- 
tance  des.  miférables  qui  font  dans  un  fi, 
trille  état,  &  leur  aient  ôté  le  peu  de 
vie  qui  reftoit  encore  dans  leur  corps, 
changé  en  affreufe  charogne  ,.  quelquefois, 
long  -  temps  même  avant  la  mort  ;  car 
malgré  tant  de  maux  qui  font  produits 
par  cette  maladie ,  elle  ne  laine  pas  d'être* 
ordinairement  de  longue  durée  ;  elle  doit 
par  conféquent ,.  félon  Celfe  ,  lib.  IH >, 
cap.  xxv [y  être  mife  au  nombre  des  chro-- 
niques  h  quelque  violente  qu'elle  foit.. 

Telle  eu  l'hiftoire  de  cette  maladie  qui: 
porte  un  caractère   de  malignité  exceffive 
&  qui  elf  des  plus  contagieufes  ;    en  forte- 
que   ceux  qui  en  font   attaqués  fe  voient 
abandonnés  de:  tout  le  monde,   même  de 
leurs  domeltiques  &    de  leurs  parens    qui- 
craignent  d'en  approcher  :  c'elt  en    con- 
lequence   qu'on    a  pourvu  dans  plufieurs 
états  à  leur  fournir  un  afyle  où  ils  puiC- 
fent  fe  mettre  &  finir  leurs  jours  malheu- 
reux   dans    des    hôpitaux    (  dits    de   faint 
Lazare)  ,   fondés   à     cet    effet  ;    on     les 
oblige  à  fe  féparer  de  la  fociété   &  à   s'y 
renfermer  dès    qu'ils    font  déclarés  tels  ; 
d'autant  plus  que  Y éléphantias  fe  commu- 
nique aiiement  par  le  commerce  ordinaire 
de  la  vie,  lùr-tout   li  l'on   couche    avec 
ceux  qui  en  (ont  infeftés ,  &  par  ]&  coït  ; 


ÎLE 

iofflme  ïe  rapporte  Gordon  ,  Lib.  T,  cap. 
Sxijt  ce  qu'il  confirme  par  plufieurs  exem- 
ples :  il  peut  être  aufli  héréditaire. 

C'eft  mal-à-propos  qu'on  a  voulu  con- 
fondre Y éléphamiafe  ou  lèpre  des  Arabes 
avec  la  vérole  ;  attendu  que  celle  -  là 
toute  contagieufe  qu'elle  eft,  peut  _  aufli 
être  contractée  par  le  défaut  de  régime  , 
par  l'ufage  de  mauvais  alimens  félon  le 
témoignage  des  anciens  médecins  :  ce  qui 
n'arrive  jamais  par  rapport  à  celle-ci ,  qui 
ne  fe  communique  que  par  contagion. 
jLa  vérole  commence  îbuvent  par  l'affec- 
tion des  parties  génitales  ,  Yéléphantiafe 
n'attaque  jamais  particulièrement  ces  or- 
ganes :  cette  maladie-ci  rend  les  malades 
extrêmement  lafcifs  :  c'eft  tout  le  contraire 
à  l'égard  de  celle-là  :  celle-ci  eft  le  plus 
fouvent  fufceptible  de  guérifon  ^  celle-là 
ne  l'eft  jamais  loriqu'elle  eft  confirmée  ,  &c. 

Enfin  ,  la  lèpre  des  Arabes  ou  Yéléphan- 
tiafe eft  une  maladie  à  peine  connue  & 
vue  en  Europe  dans  ces  derniers  fiecles ,. 
&  dont  le  traitement  n'a  point  été  appli- 
qué à  .la  vérole  :  V  éléphantias  eft  endémi- 
que en  Syrie  &  en  Egypte  ;  il  eft  abfo- 
lument  étranger  dans  la  partie  du  monde 
que  nous  habitons  ,  il  n'y  a  été  répandu 
que  deux  fois  félon  le  témoignage  des  his- 
toriens &  des  médecins  ,  &  il  s'y  eft  éteint 
en  peu  de  temps.  Pline  dit ,  hifl.  nat.  lib. 
III  ,  qu'elle  étoit  inconnue  en  Italie  juf* 
qu'au  temps  du  grand  Pompée  :  Lucrèce 
donne  à  entendre  qu'elle  étoit  particulière 
^.l'Egypte,  lib.lV^ 

JEfl  elephas   morbUs  qui  propter  fia- 

mina   Nili  > 
Qignitur  JEgypto  in  média]  3   neque 

prœterea  ufquam. 

Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'èft  qu'elle  a 
toujours  été  plus  commune  dans  les  pays 
chauds  ,  &  que  quand  l'Europe  en  a  été 
infe&ée  ,  fcs  parties  méridionales  en  ont 
plus  fouffert  que  les  feptentrionales  :  & 
en  France  elle  s'eft  aufîi  fait  plus  fentir  en 
Provence  &  en  Languedoc  ,  que  dans  le 
refte  du  royaume  ;  il  confie  cependant 
qu'elle  s'eft  aufîi  répandue  dans  quelques 
endroits  de  l'Allemagne. 

Pomme  la  lèpre  des  Arabes  &  çejle  des 


ÎLE  109 

Grecs  ne  fêmblent  différer  qu'en  ce  que 
les  fymptomes  de  la  première  font  portés 
au  plus  haut  point  de  malignité  ;  pour  ne 
pas  tomber  dans  le  cas  de  la  répétition  , 
il  eft  à  propos  de  renvoyer  à  Yarticle 
LEPRE  ce  qui  refte  à  dire  touchant  les 
caufes ,  le  pronoftic  &  la  curation  de 
Yéléphantiafe  ,  qui  n'eft  le  plus  fouvent 
fufceptible  d'aucun  traitement,  Voye\ 
Lèpre. 

Plufieurs-  médecins  Arabes  ont  aufîi 
entendu  par  le  mot  elephantiafis  ,  une- 
maladie  bien  différente  de  la  précédente, 
qui  afFectoit  fimplement  les  pies  avec  un 
gonflement  confidérable  &  des  varices  dans 
ces  parties  ;  comme  il  paroît  par  Avicenne  ,.. 
Rhafis  y  Avenzoar  &  autres  ;  fur  quoi 
voye\  Fuchfius  ,  lib..  III,  &  Foreftus  r, 
lib..  XXIX.    (d), 

ELEPHANTIN,adj.  (Hifl:)  qui  appar- 
tient à.  l'éléphant  ,.  ou  qui  en  a  les., 
qualités.. 

Ce  mot  fe  dit  principalement  dé.  certains^ 
livres  des  anciens  Romains.. 

Dans  quelques-uns  de  ces  livres  étoient 
enrégiftrés  tous    les.acles  du   fénat  &    des 
magiftrats  de  Rome  :  en  d'autres  ,  tout  ce- 
qui  fe  pafïbit  dans  les   provinces    &    dans 
les  armées  ,  &c.  Il  y  en  avoit  outre  cela  3  > 
gros  volumes  autant  que    des   tribus  ,    où' 
étoient  marquées  la  naiffance  &   les   claffes 
des  citoyens.  On  les  renouveiloit  tous  les 
cinq  ans  à  chaque   nouvelle,  élection    des. 
cenfeurs  ;   &  on  les  gardoit  tous   dans  le ..- 
tréfor  public,  au  temple  de  Saturne. 

Il  y  en  a-  qui  croient  que  ces  livres 
avoient  été.  nommés  éléphantins  par  rap- 
port à.  leur  énorme  volume  ;  d'autres  parce 
qu'ils  étoient  faits  de.  tablettes  d'ivoire*. 
Chambers.  (G) 

\  ELEPH ANXINE  ,  flûte  inventée  par 
les  Phéniciens.  On  conjecture  qu'elle 
étoit  d'ivoire  ;  &  que  c'eft  de  là  que 
lui  vient  le  nom  à'éléphantine.  (F.D.  C.) 
j  ELEPHAS  ,  fub.  f.  (  Hifl.  nat.  bot.  ) 
genre  de  plante  à  fleurs  monopétales, 
anomales,  tubulées  &  faites  en  forme  de 
mafque  dont  la  lèvre  fupérieure  refîemble 
en  quelque  façon  à  la  trompe  d\m  élé- 
phant ,  &  l'inférieure  eft  découpée.  Il  fort, 
du  calice  un  piftil  qui  entre  comme  un 
çiou  &u*s  la  partie  joûérkvire.  de.  la  fieur  ^ 


rro  E  L  E 

&  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  divife 
en  deux  loges  qui  renferment  des  femen- 
ces  oblongues  pour  l'ordinaire.  Tournefort , 
Infi.  rei.  herb.  corol.  Voyez  PLANTE.  (I) 

ELETTE  ,  f.  f.  (  cordonnier.  )  eft  une 
bande  de  cuir  de  la  largeur  du  pouce  ,  qui 
fe  met  en  dedans  du  ibulier  autour  de  l'em- 
peigne pour  la  renforcer. 

ELEVATION,  Y.  ï.  (Aflron.)  V élé- 
vation d'une  étoile  ou  d'un  autre  point 
dans  la  fphere ,  en  Aftronomie  ,  eft  un  arc 
de  cercle  vertical  compris  entre  cette  étoile 
ou  cet  autre  point  &  l'horizon.  Voye\ 
Vertical. 

Ainii  comme  le  méridien  eft  un  cercle 
vertical ,  Y  élévation  ou  hauteur  méridienne  , 
c'eft-à-dire,  V élévation  d'un  point  fitué 
dans  le  méridien  ,  eft  un  arc  du  méridien 
intercepté  entre  ce  point  &  l'horizon.  V. 
Méridien. 

Elévation  du  pôle  marque  la  hauteur 
du  pôle  fur  l'horizon  d'un  lieu  ,  ou  un  arc 
de  méridien  intercepté  entre  le  pôle  & 
l'horizon.    Voye\  POLE. 

Ainfi  ,  (  Planch.  Aflronom.  fig.  4.  ) 
A  Q  étant  fuppofé  l'équateur  ,  H  R  l'ho- 
rizon ,  H  Z  P  N  le  méridien ,  &  P  le 
pôle,  P  R  eft  Y  élévation  du  pôle. 

Dans  ce  fens  le  mot  élévation  eft  oppofé 
abaiffement.    Voye\  ABAISSEMENT. 

\J  élévation  du  pôle  eft  toujours  égale  à 
la  latitude  du  lieu  ,  c'eft-à-dire  ,  que  l'arc 
de  méridien  intercepté  entre  le  pôle  & 
l'horizon  eft  égal  à  l'arc  du  même  méridien 
intercepté  entre  féquateur  &  le  zénith. 

Ainfi  le  p°ole  boréal  eft  élevé  fur  l'ho- 
rizon de  Paris  de  48  d.  50'  ,  &  il  y  aie 
même  nombre  de  degrés  entre  le  zénith 
de  Paris  &  l'équaceur  ;  de  forte  que  Paris 
ie  trouve  à  48  d.  50'  de  latitude  boréale. 
Voye\  LATITUDE.  Pour  trouver  Yéléva- 
lion  du  pôle  d'un  lieu  ,  voye\  POLE  & 
Latitude. 

\J élévation  de  Péquateur  eft  un  arc  du 
méridien  moindre  qu'un  quart  de  cercle  , 
intercepté  entre  l'équateur  &  l'horizon  du 
lieu.  Voye\  EQUATEUR. 

Ainfi  ,  A  Z  repréfentant  comme  ci- 
deflus  l'équateur  ,  H  R  l'horizon ,  P  le 
pôle,  &  H  Z  P  N  le  méridien;  H  A 
fera  l'élévation  de  l'équateur .  Voye\  EQUA- 
TEUR. 


ELE 

'  _  Les  élévations  de  l'équateur  te  du  poîe 
jointes  enfemble ,  forment  toujours  un 
quart  de  cercle  ,  &  par  conféquent  plus 
l'élévation  du  pôle  eft  grande  ,  moins 
celle  de  l'équateur  doit  l'être  ,  &  réci- 
proquement. 

Ainii  dans  la  figure  que  nous  avons 
déjà  indiquée  ,  P  A  eft  fuppolé  par  la 
conftruction  un  quart  de  cercle  ,  &  A  H 
-f-  A  P  -\-  P  R  ,  un  demi-cercle  ,  &  par 
conféquent  H  A  -+- P  R,  un  quart  de 
cercle. 

Trouver  /'élévation  de  Véquateur.  Trou- 
vez Y  élévation  du  pôle  ,  de  la  manière  in- 
diquée à  l'article  POLE  ;  fouftrayez  Y  élé- 
vation trouvée  d'un  quart  de  cercle  ;  ou 
de  90  d.  ce  qui  reftera  ,  fera  Y  élévation 
de  l'équateur.  Ainfi  Yélévation  du  pôle  à 
Paris  ,  fivoir  48  d.  >o'  ,  étant  fouftraite 
de  90  d.  le  refte  donne  41  d.  10'  pour 
Yélévation  de  l'équateur  au  même  lieu. 

Angle  d'élévation  en  Méchanique  ,  c'efî 
l'angle  R  A  B  ,  (  Planch.  de  Méchan. 
fig.  47')  compris  entre  la  ligne  de  di- 
rection A  R  d'un  projectile  ,  &  la  ligne 
horizontale   A  B.   Voye\    PROJECTILE 

&  Angle. 

Elévation  d'un  canon  &  d'un  mortier, 
c'eft  l'angle  que  l'axe  du  canon  ou  du 
mortier  fait  avec  le  plan  de  l'horizon.  V". 
Canon  ù  Mortier.  (  O) 

ÉLÉVATION  ,  en  Hydraulique  ,  fe  dit 
de  la  hauteur  à  laquelle  montent  les  eaux 
jailliffantes  ;  elle  dépend  de  celle  àes  réfer- 
voirs  &  de  la  jufte  proportion  de  la  fortic 
des  ajuftages  avec  le  diamètre  des  tuyaux 
de  conduite. 

Les  jets  font  afFoiblis  par  l'air  ou  l'a>th- 
moiphere  qui  les  entoure  ,  ce  qui  fait 
qu'ils  ne  s'élèvent  jamais  aufli  haut  que 
leur  réfervoir. 

Première    Formule. 

Connoitre  la  hauteur   des  réfervoirs  par 
rapport  à  celle  des  jets. 

L'expérience  a  appris  qu'un  jet  renant 
d'un  réfervoir  de  $  pies  de  haut  mon- 
toit  un  pouce  de  moins  ,  &  qu'il  falloit 
compter  Yélévation  des  jets  ,  de  5  pies  en 
5  pies  ,  &  prendre  le  quarré  du  nombre 
de  fois  que  5  eft  contenu  dans  cette  élé- 
vation ,  ce  qui  fera  connoitre  la  havttur. 


E   L   Ë 

que  doivent  avoir  les  réfervoirs  -pouf  que 
les  jets  ne  perdent  rien  de  la  hauteur 
propofée. 

Ainfi ,  comme  un  jet  de  oo  pies  de  haut 
a  12  fois  $  dans  fon  nombre ,  on  prendra 
le  quarré  de  12  qui  efl  144  ;  ce  fera  des 
pouces  que  l'on  écrira  à  la  fuite  'des  60  pies 
réduits  en  pouces  qui  font  720;  ainfi  ce 
jet ,  pour  conferver  la  hauteur  de  60  pies  , 
demande  un  réfervoir  élevé  de  864  pouces , 
ou  72  pies. 

Les  eaux  de  décharge  &  de  fuperficie , 
de  quelque  hauteur  qu'elles  viennent ,  ne 
font  que  rouler  dans  les  tuyaux  ,  &  que 
baver  dans  les  baflins  d'en  bas  ;  il  faut  de 
la  charge  à  une  conduite  pour  élever  le  jet 
d'eau  ,  &  que  le  tuyau  foit  bien  plein. 

La  hauteur  d'un  jet  efl  plus  difficile  à 
déterminer  par  rapport  à  celle  du  réfer- 
voir ;  parce  que  plus  il  eft  élevé ,  plus  il 
trouve  de  réliitance  dans  l'air.  Les  défauts 
des  jets  ou  leur  différence  de  hauteur 
avec  celle  des  réfervoirs  font  dans  la 
raifon  des  quarré  s  des  hauteurs  des  mêmes 
jets  :  il  faut  donc  connoître  la  hauteur  du 
réfervoir  ,  en  fuppofer  une  pour  le  jet 
demandé  ,  ou  en  fixer  une  générale  dans 
tous  les  calculs. 

Seconde   Formule. 

Connoître  la  hauteur  d'un  jet  par  rapport 
à  celle  du  réfervoir. 

Il  réfulte  de  la  règle  précédente  ,  de 
compter  V élévation  des  jets  de  5  pies  en 

5  pies  ,  &  prendre  le  quarré  du  nombre 
de  fois  que  5  efl  contenu  dans  cette  élé- 
vation P  que  la  hauteur  marquée  de  864 
pouces  pour  le  réfervoir  d'un  jet  de  6c  pieds 
de  hauteur ,  efl  compofé  de  deux  parties  : 
i°.  de  la  hauteur  du  jet  :  2°.  du  quarré  du 
quotient  qu'on  auroit  en  divilànt  la  hauteur 
du  jet  (  fi  on  la  connoiiïbit  )  par  60 
pouces  ,  valeur  des  5  pies  de  la  règle  , 
c'efl-à-dire  ,  que  5  eft  douze  fois  dans  60 , 

6  que  12  eft  le  quotient  :  eniuite  fi  l'on 
quarré  le  quotient  &  qu'on  ajoute  fon  pro- 
duit qui  efl  ici  de  144  pouces  à  la  hauteur 
720  qu'on  a  fuppofée  pour  le  jet ,  on  trou- 
vera fûrement  la  hauteur  du  jet  demandée  , 
en  augmentant  ou  diminuant  cette  hauteur 
fuppofée  jufqu'à  ce  qu'on  foit  arrivé  pré*- 


cifément  à  celle  du  réfervoir  ,    qui  a  été 
propofée  de  864  pouces  ou  72  pies.  (K) 
Elévation  des  puissances» 

(Arithmétique.)  Voye\  ELEVER. 

Elévation  ,  en  Phyfique  ,  c'eft  lé 
mouvement  d'un  corps  qui  va  de  bas  en 
haut  ,  ou  l'action  par  laquelle  un  corps 
s'éloigne  continuellement  de  la  terre.  V» 
Mouvement.  En  ce  feus ,  ce  mot  efl 
oppofé  à  defcente.  Voye^  DESCENTE. 

Les  Péripatéticicns  attribuent  l'élévation: 
fpontanée  des  corps  à  un  principe  de 
légèreté  qui  leur  efl  inhérent.  Voye\ 
Légèreté. 

Les  modernes  nient  qu'il  y  ait  une  légè- 
reté fpontanée ,  &  prouvent  que  tout  ce 
qui  monte  ,  le  fait  en  vertu  de  quelque 
impulfion  extérieure.  C'eft  ainfi  que  la 
fumée  &  d'autres  corps  raréfiés  montent 
dans  Pathmofphere  ;  &  que  l'huile  ,  les 
bois  légers  s'élèvent  au  deffus  de  l'eau  p 
non  pas  par  quelque  principe  extérieur  de 
légèreté  ,  mais  par  l'excès  de  pelanteur  des 
parties  du  milieu  où  ces  corps  fè  trouvent- 
V.  Pesanteur  ,  Milieu,  Athmos*. 
phere  ,  Fluide  ,  ùc 

L'élévation  des  corps  légers  dans  un  mi- 
lieu pefant ,  efl  produite  de  la  même  ma- 
nière que  I 'élévation  du  baflin  le  plus  léger 
d'une  balance  :  ce  n'efl  pas  que  ce  baflin 
ait  un  principe  intérieur  par  lequel  il  tende 
immédiatement  en  haut  ;  mais  il  y  efl  poufîe 
par  la  force  du  contre-poids  de  l'autre  bauln,' 
l'excès  du  poids  de  l'un  produifant  cet  efFec 
par  l'augmentation  de  là  tendance  en  en- 
bas.  Voye\  Ceci  plus  approfondi  ou  éclairci 
aux  articles  PESANTEUR  SPÉCIFIQUE  , 

Fluide  ,    Balance    hydrostati^ 

QUE  ,  &c. 

Elévation  des  corps  fur  des  plans  in- 
clinés. Voyez-en  les  loix  à  l'article  PLANj 
INCLINÉ. 

L'élévation  ou  Yafcenfion  des  fluides. 
s'entend  particulièrement  de  l'action  par 
laquelle  ils  montent  au  defîùs  de  leur  pro- 
pre niveau  entre  les  furfaces  des  corps  qui 
approchent  fort  d'être  contigus  ,  ou  dans 
les  tuyaux  de  verre  capillaires ,  ou  dans  les 
vaifièaux  remplis  de  fable  ,  de  cendre,  ou 
d'autres  femblablcs  fubflances  poreiifes.  V, 
Fluide. 

Cet  effet  arrive  aufii-biea  dans  le  -vuidf 


fi»  E  L  E 

qu'en  plein  air  ,  dans  les  tubes  recoures  r 
que  clans  les  droits  :  quelques  liqueurs  , 
comme  l'eiprit-de-vin  &  l'huile  de  térében- 
thine,montent  plus  vite  que  d'autres  liqueurs. 
&  quelques-unes  s'élèvent  d'une  manière  dif- 
férente des  autres.  Le  mercure  ne  s'élève 
point  du  tout  au  deffus  de  l'on  niveau  ,  au 
contraire  ,  il  defeend  au  delfous. 

On  a  parlé  plus  au  long  du  phénomène 
des  tuyaux  capillaires  &  de  Tes  cauies  ,  à 
i *  article  CAPILLAIRE. 

A  l'égard  des  plans  ;  deux  plaques  de 
verre  ,  de  métal ,  de  pierre  ou  d'autre  ma- 
tière ,  bien  unies  &  bien  polies ,  étant  dif- 
pofées  de  manière  qu'elles  ioient  prefque 
contiguës  ,  elles  produiront  l'effet  de  plu- 
fieurs  tubes  capillaires  parallèles ,  &:  les  rlui- 
des  s'élèveront  entre  ces  plans  de  la  même 
manière  que  dans  les  tubes.  On.  peut  dire 
la  même  chofe  d'un  vaifieau  rempli  de 
fable  ,  &c.  la  multitude  des  petits  interfa- 
ces dont  il  elt.  parfemé ,  forme  ,  pour  ainfi 
dire  ,  une  efpece  de  tuyau  capillaire  :  c'eft 
le  même  principe  qui  a  lieu  dans  tous  ces 
cas  ;  &  c'eft.  vrailèmblablement  à  cette 
même  caufe  que  l'on  doit  attribuer  l'al- 
cenfion  de  la  fève  dans  les  végétaux.  Voy. 
Végétation. 

Elévation  des  vapeurs.  Voye\  EvAPO- 

ration  ,  Nuage  ou  nuée  ,  Vapeur. 

(O) 

Elévation  ,  (Akhymie.)  Les  Alchy- 
miftes  nomment  ainfi  les  opérations  par  lef- 
quelles  ils  fubtilifent  ou  atténuent  certaines 
fubftances  ,  féparent  la  partie  fpiritueufe  de 
celle  qui  elt  plus  grofliere  ,  la  plus  légère  de 
la  pefante  ,  celle  qui  elt  fluide  de  celle  qui 
elt  fixe  ;  ce  qui  revient  ,  en  langage  ordi- 
naire ,  a  la  fublimation  &  à  la  diltillation. 

Voye\  Sublimation   &   Distilla- 
tion. ( — ) 

ÉLÉVATION  ,  terme  de  Chirurgie , 
mouvement  des  doigts  par  lequel  le  chi- 
rurgien incife  fuffifamment  la  veine  &  la 
.peau  dans  l'opération  de  la  faignée.  Voy. 
Phlébotomie. 

\?  élévation  le  fait  en  retirant  la  lan- 
cette qu'on  a  introduite  dans  le  vaifleau. 
Il  n'y  a  que  le  tranchant  fupérieur  de  la 
lancette  qui  coupe  ,  lorfqu'on  lait  ^éléva- 
tion ;  quand  on  ne  fait  pas  ce  mouvement , 
^'ouverture  de  La  peau  n'étant  pas  fi  grande 


E  L  E 

que  I  incifion  de  la  veine ,  il  s'amafle  (Ju 
(àng  autour  du  vaifleau  ibus  la  peau  ,  ce 
qui  forme  une  tumeur  nommée  trombe-. 
Voyez  ce  mot.  L^ne  lancette  à  grain  d'orge 
difpenfe  de  faire  une  élévation  ;  mais  cette 
lancette  ne  convient  que  pour  les  vaiffeaux 
qui  font  gros  &  fuperficiels.  Voye\  LAN- 
CETTE.  (Y) 

Elévation  ,  (Coupe  des  pierres.} 
Voye\  Orthographie. 

ÉLÉVATION  ,  à  la  mejfe  >  (  Théol.  & 
Hifi.  eccléf.  )  marque  cette  partie  de  la 
mefle  où  le  prêtre  élevé  l'holtie  &  le  calice 
plus  haut  que  la  tête ,  afin  de  faire  adorer 
au  peuple  le  corps  &  le  lang  de  N.  S.  J.  C, 
après  la  confécration  ,  &  après  qu'il  les> 
a  lui-même  adorés  par  une  profonde 
génuflexion. 

Carloitad  ôta  Y  élévation  de  la  meflê  ; 
&:  Luther  la  retint  d'abord  ,  mais  enfuito 
il  la  fupprima. 

M.  Chambers  prétend  ,  mais  fans  citer 
aucune  autorité  ,  que  faint  Louis  elt  le 
premier  qui  ait  ordonné  qu'à  Y  élévation 
on  fe  mît  à  genoux  ,  à  l'exemple  de  cer- 
tains religieux  qu'il  ne  nomme  point. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'elt  que  dans 
les  anciennes  liturgies  ,  &  en  particulier 
dans  le  lacramentaire  de  faint  Grégoire , 
on  ne  voit  point  d'autre  élévation  de 
l'holtie  ,  que  celle  qui  fe  fait  à  la  fin  du 
canon ,  en  difant  per  ipfum  &  cum  ipfo 
&  in  ipfo  ,•  ce  qui  n'empêche  pas  que 
l'adoration  aujourd'hui  en  ufage  à  Yéléva- 
tion  ne  foit  bien  fondée ,  puilqu'il  elt  de 
foi  qu'au  moment  que  le  prêtre  prononce 
les  paroles  de  la  confécration  ,  le  corps  & 
le  lang  de  Jéfus-Chrilt  fe  trouvent  réelle- 
ment prélens  fous  les  efpeces  du  pain  & 
du  vin  :  ce  qui  fuflit  pour  lui  attirer  l'ado- 
ration des  fidèles  ;  car  c'en1  principalement? 
par  le  dogme  qu'il  faut  juger  des  cérémo-« 
nies.   (  G  ) 

ÉLÉVATION,  (Mufiq.)  ar/is.  Uéléva- 
tion  de  la  main  ou  du  pie  ,  en  battant  la 
mefure ,  fert  à  marquer  le  temps  foible  & 
s'appelle  proprement  levé.  C'étoit  le  con- 
traire chez  les  anciens.  L 'élévation  de  la 
voix  en  chantant  elt  le  mouvement  par 
lequel  on  la  porte  à  l'aigu.  (S) 

ELÉVATOIRE,  f.  *m.  infiniment  de 
Chirurgie  dont   on   fe   fert  pour   relever 

le* 


E  LE 

les  os  3u  cfâne  ,  qui  déprimés  ou  enfoncis 
par  quelque  coup  ou  chute  ,  compriment  la 
dure-mere  ou  le  cerveau. 

On  trouve  dans  les  anciens  la  defcription 
&  la  figure  des  élévatoires ,  dont  on  faifoit 
ufage  de  leur  temps  ,  &  que  la  Chirurgie 
moderne  a  profcrits,  parce  qu'on  couroit 
un  rifque  évident  d'enfoncer  les  os  qui  dé- 
voient foutenir  l'effort  de  ces  inftrumens. 
Ceux  qui  font  actuellement  le  plus  en  ulage  , 
font  des  leviers  de  la  première  efpece  , 
dont  le  point  d'appui  eft  au  milieu  ,  le  far- 
deau à  une  extrémité  ,  &  la  puifîânce  à 
l'autre. 

La  longueur  d'un  élévatoire  eft  d'un  demi- 
pié  ;  fa  compofition  eft  de  fer  très  -  poli , 
relevé  de  pommettes  dans  le  milieu  ;  les 
deux  extrémités  forment  chacune  une  bran- 
che courbée  à  fens  oppofé ,  ce  qui  fait  un 
inftrument  double.  Ces  branches  font  diffé- 
remment courbées  ;  les  unes  étant  prefque 
droites ,  les  autres  un  peu  courbes  ,  &  quel- 
ques-unes fort  coudées ,  parce  que  le  coude 
fert  quelquefois  de  point  d'appui.  Le  bout 
de  chaque  branche  eft  arrondi  ou  ovale  aux 
uns ,  quarré  aux  autres.  Le  dedans  de  l'ex- 
trémité de  chaque  branche  eft  garni  de 
petites  cannelures  rranfverfales  qui  font 
faites  comme  de  petits  bifeaux  couchés 
les  uns  fur  les  autres»  Voye\  les  fig.  ify 
&  *  5  ,  PL  XVI. 

La  main  doit  être  la  force  mouvante  & 
!e  point  d'appui  des  élévatoires  dont  on 
vient  de  faire  la  defcription ,  parce  qu'en 
appuyant  le  levier  fur  la  partie  de  l'os 
oppofée  à  celle  qu'on  veut  relever  >  on 
ï'écraleroit  fi  elle  réfiftoit  beaucoup  ;  &  en 
Tenfonceroit  fur  la  dure  -  mère  ,  fi  elle 
ofrroit  peu  de  réfiftance.  Pour  fe  fèrvir 
de  cet  inftrument ,  on  l'empoigne  avec  les 
quatre  doigts  de  la  main  droite  par  le 
milieu  de  fon  corps ,  le  pouce  appuyé  à 
roppofite  ,  on  paffè  enfùite  l'extrémité 
antérieure  fous  la  pièce  d'os  qu'on  veut 
relever,  obfervant  d'appliquer  les  petits 
bifeaux  contre  fà  partie  intérieure  :  le  doigt 
index  fèrt  de  point  d'appui  dans  l'action  de 
relever  l'os  enfoncé  :  il  faut  foutenir  exté- 
rieurement avec  les  doigts  de  la  main 
gauche  la  portion  d'os  fous  laquelle  ['élé- 
vatoire agit. 

Feu  M.  Petit ,  fâchant  que  la  main  qui 
Tome  XI L 


i 


ELE  rrj 

a  àfTez  de  force  pour  l'opération  dont  on 
parle  ,  peut  n'avoir  pas  affez  de  fermeté 
&  de  précifion  pour  empêcher  que  le  bout 
de  Y  élévatoire  ne  s'échappe ,  ce  qui  pour- 
roit  occafioner  des  accidens ,  a  fait  conf* 
rruire  un  nouvel  élévatoire  9  dont  la  main 
n'eft  point  l'appui.  Il  s'agiffbit  de  trouver 
fur  le  crâne  un  appui  pour  le  levier  ,  le 
plus  près  qu'il  eft  poffible  de  l'os  qu'il  faut 
relever ,  &  il  falloit  que  cet  appui  fût  fur 
un  plan  folide  pour  foutenir  fans  fe  rom- 
pre l'effort  qu'on  fait  pour  relever  l'en- 
fonçure. 

Dans  ces  vues  ,  M.  Petit  a  fait  fabriquer1 
un  chevalet  (PL  XVII,  fig.  z.)  dont 
les  deux  jambes  appuient  fur  le  crâne  ; 
on  leur  donne  le  plus  de  furface  qu'il  eft 
poffible  pour  rendre  l'appui  plus  ftable  , 
&  afin  que  l'effort  que  l'os  doit  fbutenir 
foit  partagé  fur  une  plus  grande  étendue 
de  fa  furface.  Ces  extrémités  font  garnies 
de  chamois ,  tant  pour  les  empêcher  de 
glifler  que  pour  qu'elles  ne  faflent  aucune 
impreffion  fur  l'os.  A  la  fommité  du  che- 
valet Ce  trouve  une  entaille  (fig.  z  y  n°.  z.) 
qui  reçoit  une  petite  pièce  de  fer  terminée 
en  vis.  Cette  vis  (fig.  z  ,  n°.  3.  )  eft  des- 
tinée à  entrer  dans  des  trous  taraudé» 
ui  font  à  là  furface  de  deiTous  le  levier 
fig*  z  y  n°.  4.  )  ;  par  ce  moyen  ,  le  levier 
eft  fixé  fur  le  chevalet  par  une  charnière 
qui  permet  les  mouvemens  de  bafcule. 

Si  à  raifbn  d'un  grand  fracas  d'os  ou  du 
peu  d'étendue  de  la  plaie ,  il  étoit  impof- 
fible  de  placer  le  point  d'appui  fur  les  os 
découverts  ,  on  a  un  plus  grand  chevalet 
dont  les  branches  peuvent  s'appuyer  au 
delà  des  bords  de  la  plaie.  Voye\  la  figure 
de  ce  nouvel  élévatoire ,  Plane.  XVII 9 
fig.  z  y  n°.  1  :  on  en  trouve  la  defcription 
plus  étendue  dans  le  premier  volume  des 
mêm.  de  Vacad.  de  Chirurg.  Cet  inftru- 
ment a  paru  fufceptible  d'être  perfectionné. 
On  voit  dans  le  fécond  volume  des  mé- 
moires de  la  même  académie ,  des  remar- 
ques fur  la  conftrudion  &  Pufàge  de  Yelé- 
vatoire  de  M.  Petit,  par  un  autre  acadé- 
micien. (  Y~) 

ELEVE,  f.  m.  (Philofoph.  &  Arts.) 
celui  qui  eft  inftruit  &  élevé  par  quelqu'un  , 
qui  eft  formé  de  la  main  d'un  autre  dans 
quelque  art  ou  dans  quelque  feience.  Oti 

P 


ii4  ELI 

donna  ce  titre  à  Paris ,  lors  de  la  fondation 
des  académies  des  Sciences  &  des  Infcrip- 
tions ,  aux  fujets  qui  y  étoient  agrégés  ,  & 
qui  travailloient  de  concert  avec  les  pen- 
sionnaires. Mais  ce  mot  8 élevé  fignifioit 
feulemeat  moins  d'ancienneté ,  &  une  efpece 
de  furvivance  ;  cependant  on  lui  a  fubftitué 
depuis  celui  ^adjoint  ?  qui  eft  en  effet 
beaucoup  plus  convenable. 

On  peut  voir  au  mot  ACADÉMIE  ,  par 
quelle  raifon  ce  titre  mal  Tonnant  d'élevé 
fut  fupprimé.  On  a  mieux  fait  encore  dans 
l'académie  des  Infcriptions  que  dans  celle 
des  Sciences  ;  on  n'y  a  point  fait  de  clafïè 
d'adjoints  ,  &  en  général  l'on  a  confèrvé 
beaucoup  plus  d'égalité  dans  la  première 
de  ces  académies  ,  que  dans  la  féconde  ; 
cependant  cette  égalité  fi  précieufe  &  fi 
effentielle  dans  les  compagnies  littéraires  , 
n'eft  parfaite  que  dans  l'académie  françoifè  ; 
les  grands  feigneurs  fe  trouvent  honorés  de 
n'y  être  admis  qu'à  titre  de  gens  de  lettres  , 
&  de  s'y  voir  placés  à  coté  des  Voltaire  , 
des  Montesquieu ,  des  Fontenelle ,  &c.  Il 
n'y  a  dans  cette  compagnie  ni  élevés  y 
ni  adjoints,  ni  aflbciés ,  ni  penfionnaires , 
ni  honoraires  ;  on  y  eft  perfuadé  que  les 
vrais  honoraires  d'une  académie ,  font  ceux 
qui  lui  font  honneur  par  leurs  taiens  & 
par  leurs  ouvrages  ;  que  tout  le  monde  y 
eft  élevé  ,  ou  que  perfonne  ne  l'eft ,  parce 
qu'il  n'y  a  perfonne  ,  ou  du  moins  qu'il 
ne  doit  y  avoir  perfonne  qui  n'y  reçoive 
&  qui  n'y  mette  tout  à  la  fois;  que  les 
penfions  attachées  à  certains  grades ,  & 
que  îes^difFerens  grades  eux-mêmes  ont  de 
très-grands  inconvéniens  ,  font  nuifibles  à 
l'égalité  ,  à  la  liberté  ,  à  l'émulation ,  à  l'u- 
nion ,  &  aux  égards  réciproques. 

Le  nom  d'élevé  eft  demeuré  particuliè- 
rement conftcré  à  la  Peinture  &  à  la 
Sculpture  ;  il  lignifie  un  difciple  qui  a  été 
inftruit  &  élevé  dans  l'école  -d'un  célèbre 
artifte  :  c'eft  pourquoi  on  fe  fert  du  mot 
d'école  pour  défigner  les  élevés  d'un  grand 
peintre  ;  &  on  dit  dans  ce  Cens  ,  l'école  de 
Raphaël }  du  Titien ,  de  Rubens.  Voye\ 
ECOLE,  &  l'article  fuivant.  (O) 

ELEVE  y  f.  m.  terme  de  Peinture.  Elevé 
&  difciple  font  fvnonymes  ;  mais  le  dernier 
de  ces  termes  eft  ordinairement  d'ufage 
•gpur  les  feiences ,  &  le  premier  pour  les 


elî 

arts.  On  dit ,  Platon  fut  difciple  de  Socrate , 
&  Apelle  fut  élevé  de  Pamphile.  Il  feroit 
à  fouhaiter  que  les  philofophes  ne  fuflent 
difciples  que  de  la  fageffe  &  de  la  raifon  , 
&  que  les  peintres  ne  fufîént  élevés  que  de 
la  nature  ,  il  y  auroit  moins  d'artiftes  &  de 
philolbphes  ;  peut-être  la  philofophie  &  les 
arts  n'y  perdroient-ils  pas  :  cependant  il 
faut  avouer  qu'un  maître  habile  &  intelli- 
gent qui  abrège  la  route  épineufe  des  con- 
noifTances  qu'il  pofTede  ,  &  qui  forme  de 
bonne-foi  un  difciple  ou  un  élevé,  fans 
craindre  de  fe  créer  un  rival  ou  un  fupé- 
rieur  ,  procure  un  avantage  ineftimable. 
Le  bien  qu'il  fait  feroit  au  defïus  de  tout 
éloge ,  s'il  y  ajoutoit  celui  de  féparer  des 
lumières  qu'il  communique  ,  les  préjugés 
qui  lui  font  propres  ,  &  qui  n'appartien- 
nent pas  au  fond  de  la  feience  qu'il  enfei- 
gne  ;  mais  il  eft  rare  de  trouver  un  maître 
afîez  éclairé  &  allez  généreux  pour  cela. 

\JéUve  qui  fe  deftine  à  la  peinture  ne 
fauroit  commencer  trop  tôt  à  apprendre 
les  élémens  d'un  art  dont  l'étendue  eft 
immenfe.  Les  progrès  doivent  être  fort 
rapides  pour  échapper  au  temps  qui  les 
ralentit  &  les  arrête.  C'eft  le  feu  de  la 
jeuneffe  qui  doit  mûrir  des  fruits  pour  lef- 
quels  l'automne  eft  fouvent  trop  froide  & 
dangereufe.  Raphaël  mort  à  trente-fix  ans 
n'avoit  plus  rien  à  faire  pour  être  le  premier 
des  artiftes. 

Cette  vérité  doit  engager  les  élevés  à 
employer  avec  vivacité ,  aux  études  nécei- 
faires  à  la  pratique  de  leur  art ,  le  temps 
précieux  de  la  pr«miere  jeuneffe,  puifque 
c'efr.  alors  que  les  organes  dociles  fe  fou- 
mettent  aifément  au  joug  de  l'habitude. 
L'ordre  qu'il  faut  mettre  à  ces  études ,  ell 
l'objet  intéreflant  du  maître  :  l'élevé  9  fait 
pour  fclaiffer  conduire ,  eft  une  plante  dont 
celui  qui  la  cultive  doit  répondre.  Au  refte , 
j'ai  tracé  au  mot  DESSIN  une  partie  do 
la  route  qu'on  doit  faire  tenir  au  jeune 
éle*'e  :  l'obéifTance  &  la  docilité  font  les 
devoirs  qu'il  doit  pratiquer  ;  &  l'on  peut 
tirer  des  préfages  plus  juftes  &  plus  favo- 
rables de  ion  exactitude  à  les  remplir  ,  que 
de  ces  defirs  fuperficiels  ou  de  ces  fuccès 
prématurés  qui  font  concevoir  des  efpéran- 
ces  qu'on  voit  fi  fouvent  trompées»  C'tft 
article  eji  de  M,   IVatelei\ 


E  L  E 

ÉLEVER  ,  EXHAUSSER  ,  fynonym. 
Le  premier  s'emploie  au  propre  &  au  figu- 
ré ;  élever  une  muraille  ,  élever  foh  efprit. 
Le  fécond  ne  Ce  dit  qu'au  propre ,  exhauf- 
fer  un  plancher ,  un  bâtiment  :  mais  par 
Une  bizarrerie  de  notre  langue  ,  relever  & 
rehauffer  fe  difent  tous  deux  au  propre  & 
au  figuré  :  on  relevé  une  chofe  tombée  ,  on 
rehaujfe  une  chofe  qui  eft  trop  baffe  ;  on 
relevé  le  mérite  ,  on  rehaujjè  le  courage. 
Art.  de  M.  le  Chevalier  de  JA  uco  urt. 

ÉLEVER  ,  v.  act.  terme  d'arithmétique 
&  d'algèbre.  On  dit  qu'on  élevé  un  nombre 
au  quarré  ,  au  cube  ,  a  la  quatrième  puif- 
fance ,  &c.  lorfqu'on  en  prend  le  quarré  , 
le  cube  ,  la  quatrième  punTance  ,  &'c. 
ainfi  2  élevé  au  quarré  donne  4  >  au 
cube  donne  8  ,   &c.     Voye\  QUARRÉ  , 

Cube  ,  Puissance,   le  mot  iïélever 

s'emploie  dans  ces  occafi»ns  ,  parce  que 
les  nombres  dont  on  prend  le  quarré  ,  le 
cube  ,  Çfc.  augmentent  par  cette  opération. 
Cependant  on  fe  fert  aufîi  du  mot  élever 
lorique  la  puiffance  eft  moindre  que  l'unité  , 
&  que  par  conféquent  le  nombre  diminue 
par  l'opération.  Par  exemple  ,  on  dit  élever 
à  la  puiffance  \  ,  7  ,  pour  dire  prendre  la 
racine  quarrée  ,  la  racine  cube  }  &c.  Voy. 

Puissance  6  Exposant.  On  fe  fert 
auffi  du  mot  élever  au  qvarré ',  au  cube  ,  en 
parlant  des  fractions ,  quoique  par  cette  opé- 
ration les  fractions  diminuent ,  ainii  \  élevé 
au  quarré ,  donne  ?  ;  élevé  au  cube ,  donne  |. 
C'eft  ainfi  qu'on  fe  fert  du  mot  multipli- 
cation dans  les  cas  même  où  le  produit  eft 
moindre  que  le  multiplicande.  V.  MULTI- 
PLICATION ;  Voye\  auj/i  DIVISION. 
Des  définitions  exactes  &  préeffes  lèvent  en 
ce  cas  toute  l'équivoque.  (  O  ) 

Elever,  s'Élever,  (Marine.)  un 
vaiffeau  qui  s'élève  ,  c'eft-à-dire  qui  fait 
route  pour  s'éloigner  de  la  côte  &  prendre 
le  large.  Il  fe  ditaufli  lorfqu'on  veut  tenir  le 
vent  &  aller  au  plus  près. 

'On  dit  s'élever  en  latitude  ,  lorfque  l'on 
fait  route  au  nord  ou  au  fud ,  ou  à  tel  autre 
.air  de  vent  qui  n'eft  pas  précifément  l'eft  ou 
l'oueft.  (Z) 

ÉLEVER  ,  (Jardinage.  )  La  manière  d'é- 
lever les  jeunes  plantes  ,  confifte  dans  les 
différens  foins  qu'on  en  doit  prendre. 

Ces  foins  confiftent  en  trois  chofes ,  dans 


E  L  E  j  1  y 

'  les  labours  ,  dans  les  arrofemens  ,  &  dans 
la  manière  de  les  conduire  les  premières 
années.  Voyez  LABOURS  ,  ARROSER  & 
ÉMONDER.   (K) 

ELEUSINIES,  f.  pi.  f.  (Hifi.ane.) 
myfteres  de  la  déefïè  Cérès  ,  ou  cérémo- 
nies religieufes  qui  (è  pratiquoient  en  ion 
honneur  :  on  les  nommoit  ainfi  tiÊleufii 
ville  maritime  des  Athéniens  ,  où  étoit  le 
temple  de  cette  cléefTê ,  fameux  par  la  célo-' 
bratton  de  ces  myfteres. 

Quelques  autours  appellent  la  ville  cù  Ce. 
célébroient  les  éleufinies  ,  Éîeulme ,  &  non 
Eleufis.  Harpocration  confirme  cette  ortho- 
graphe ,  en  faifant  venir  ce  nom  d'Êleu- 
Jinas  fils  de  Mercure  ,  &  Paufanias  dans 
lès  Attiques  fè  déclare  aufii  pour  ce  fènri- 
ment.  D'autres  croient  que  cette  ville  avoit 
été  nommée  de  la  forte  ,  d'un  mot  grec 
qui  lignifie  arrivée  9  parce  que  Cérès  après 
avoir  couru  le  monde  pour  troitver  fa  fille , 
s'y  arrêta  ,  &  y  termina  Ces  recherches.  Die- 
•  dore  de  Sicile ,  li'v.  V,  prétend  que  le  nom 
&  Eleufis  lui  avoit  été  donné  pour  fervir  de 
monument  à  la  poftérité  ;  que  le  bled  &. 
l'art  de  le  cultiver  étoient  venus  dans' 
l'Afrique  des  pays  étrangers. 

Les  éleufinies  étoient  chez  les  Grecs  les 
cérémonies  les  plus  fqlemnelles  &  les  plus 
facrées  ,  d'où  vient  qu'on  leur  donna  par 
excellence  le  nom  de  myfteres.  On  pré- 
tendoit  que  Cérès  les  avoit  inftiruées  elle- 
même  à  Éleulîs  ,  en  mémoire  de  l'affection. 
&  du  zèle  avec  lefquels  les  Athéniens  la 
reçurent  :  c'eit  ainli  qu'Ifocrate  en  parle 
dans  fbn  panégyrique  ;  mais  Diodore  de 
Sicile  ,  dit ,  liv.  VI,  que  ce  furent  les  Athé- 
niens qui  inftituerent  les  éleufinies  ,  par  re- 
connoiftànce  de  ce  que  Cérès  •  leur  avoit 
appris  A  mener  une  vie  moins  ruftique  & 
moins  barbare  ;  cependant  ce  même  auteur- 
rapporte  la  chofe  d'une  autre  façon  au  pre- 
mier livre  de  fa  Bibliothèque  :  "  Une  gran- 
»  de  fécherefle  ayant  ,  dit-il  ,  caufé  une 
»  difette  afrreufe  dans  la  Grèce ,  l'Egypte 
n  qui  avoit  fait  cette  année-là  même  une 
»  récolte  très-abondante  ,  fit  part  de  Ces 
»  richefîès  aux  Athéniens.  » 

Ce  fut  Érecthée  qui  leur  amena  ce  convoi 
extraordinaire  de  bled  *  &  en  reconnoif* 
fance  de  ce  bienfait  il  fut  créé  roi  d'Athè- 
nes ,  &  11  apprit  aux  Athéniens  les  myfteres 

P  z 


ut  ELE 

de  Cérès  ,  &  la  manière  dont  l'Egypte  les 
tékbroit. 


Cette  relation  revient  afîéz  à  ce  que 
difent  Hérodote  &  Paufanias ,  que  les  Grecs 
«voient  pris  leurs  dieux  &  leur  religion  des 
Egyptiens. 

Théodoret,  liv.  I.  Grœcanic.  affection. 
écrit  que  ce  fut  Orphée,  &  non  pasEre&hée, 
qui  fit  cet  établifïement ,  &  qui  inflitua  en 
l'honneur  de  Cérès  les  folemnités  que  les 
Egyptiens  pratiquoient  pour  Iiis.  Ce  fenti- 
ment  eft  confirmé  par  le  fcholiafle  fur  l'Ai— 
celle  d'Eurypide. 

La  ville  d'Eleufis  où  fè  célébroient  ces 
myfleres  étoit  fi  jaloufe  de  cette  gloire  , 
que  réduite  aux  dernières  extrémités  par 
les  Athéniens ,  elle  fe  rendit  à  eux  à  cette 
feule  condition  ,  qu'on  ne  lui  ôteroit  point 
les  éleujihies  ;  cependant  ce  n'étoient  point 
des  cérémonies  religieufes  particulières  à 
cette  ville  ,  mais  communes  à  tous  les 
Grecs. 

Ces  cérémonies  ,  fuivant  Arnobe  & 
Lactance  ,  étoient  une  imitation  ou  repré- 
fentation  de  ce  que  les  Mythologiftes  nous 
enfeignent  de  Cérès.  Elles  duroient  pluiieurs 
jours  ,  pendant  lefquels  on  couroit  avec 
des  torches  ardentes  à  la  main  :  on  facri- 
fioit  plufieurs  victimes  ,  non  feulement  à 
Cérès  ,  mais  aufli  à  Jupiter  :  on  faifoit  des 
libations  de  deux  vafes  ,  qu'on  répandoit 
l'un  du  côté  de  l'orient ,  &  l'autre  du  coté 
de  l'occident  :  on  alloit  en  pompe  àEleulis , 
en  faifant  de  temps  en  temps  des  paufes 
où  l'on  chantoit  des  hymnes  ,  &c  l'on  im- 
moloit  des  victimes  ;  ce  qui  fe  pratiquoit 
non  feulement  en  allant  d'Athènes  àEleuils, 
mais  encore  au  retour.  Au  refle  on  étoit 
©bligé  à  un  fecret  inviolable  ,  &  la  loi  con- 
damnoit  à  mort  quiconque  auroit  ofé  publier 
ces  myfleres. 

Tertullien  dans  fon  livre  contre  les  Va- 
leminiens ,  rapporte  que  la  figure  que  l'on 
montroit  dans  les  eleufiniay  &  qu'il  étoit 
fi  expreffément  défendu  de  rendre  publi- 
que ,  étoit  celle  des  parties  naturelles  de 
l'homme.  Selon  Théodoret  ,  Arnobe  & 
Clément  Alexandrin  ,  c'étoit  la  figure  des 
parties  naturelles  d'une  femme. 

Ces  imputations  peuvent  être  mal  fon- 
dées ,  car  où  Tertullien  ,  Arnobe  &  Théo- 
doret  aYoiem-iis   lu   ces  particularités  } 


ELE 

puifqu'il  n'y  avoit  rien  d'écrit  fur  les  mys- 
tères d'Eleufine  ?  l'auroient  -  ils  appris  de 
quelques  initiés  ?  mais  il  n'y  a  pas  d'exem- 
ple de  la  plus  légère  indiferétion  fur  ce 
point.  Cicéron  qui  s'étoit  trouvé  à  Athè- 
nes dans  le  temps  que  les  myfleres  d'Eleu- 
fine s'y  célébroient  ,  &  qui  n'étoit  pas  na- 
turellement porté  à  favorifer  le  fanatifme  , 
lbupçonne  feulement  au  commencement 
des_  Tufculanes  ,  qu'on  découvroit  aux 
initiés  la  véritable  hiffoire  de  Cérès  &  de 
la  fille ,  &  qu'on  les  obligeoit  par  la  reli- 
gion du  ferment  à  ne  jamais  révéler  que 
ces  deux  prétendues  déefîès  n'avoient  été 
que  des  femmes  mortelles  ,  de  peur  de 
décréditer  par-là  leur  culte  dans  l'efprit 
du  public. 

Le  lendemain  de  la  fête  le  fénat  s'afTem- 
bloit  à  Eleufis  ,  apparemment  pour  examiner 
fi  tout  s'étoit  pafïé  dans  l'ordre. 

Il  y  avoit  deux  fortes  d'éleufinies  ,  les 
grandes  6k  les  petites  :  nous  venons  dé- 
parier des  premières  ,  les  petites  avoient 
été  inflituées  en  faveur  d'Hercule.  Ce  héros 
ayant  fouhaité  d'être  initié  aux  premières 
éleufinies ,  &  les  Athéniens  ne  pouvant  le 
fatisfaire ,  parce  que  la  loi  défendoit  d'y 
recevoir  les  étrangers ,  &  ne  voulant  cepen- 
dant rien  lui  refufer  ,  ils  inflituerent  de 
nouvelles  éleufinies  auxquelles  il  pût  affilier. 
Les  grandes  fe  célébroient  dans  le  mois 
boedromion  ,  qui  répondoit  à  notre  mois 
d'Août  ;  &  les  petites  au  mois  d'anthifte- 
rion  ,  qui  répondoit  à  notre  mois  de 
Janvier. 

On  n'éroit  admis  à  la  participation  de 
ces  myfleres  que  par  degrés  ;  d'abord  on 
fe  purifioit  ,  enfuite  on  étoit  reçu  aux 
petites  éleufinies  }  &  enfin  admis  &  initié 
aux  grandes.  Ceux  qui  n'étoient  que  des 
petites  ,  s'appeiloient  myftes  ;  &  ceux  qui 
étoient  admis  aux  grandes  ,  s'appeiloient 
e'poptes  ou  éphores  y  c'efl-à-dire  infpec~ 
teurs  y  &  il  falloir  ordinairement  fubir 
une  épreuve  de  cinq  ans  pour  pafîér  des 
petites  éleufinies  aux  grandes.  On  fe  con- 
tentoit  quelquefois  d'un  an  ,  &  on  étoit 
admis  immédiatement  après  à  tout  ce  qu'il 
y  avoit  de  plus  fecret  dans  ces  cérémonies 
religieufes.  Meurfius  a  fait  un  traité  fur 
les  éleufinies ,  dans  lequel  il  établit  la 
,  plupart  4es  faits  que  nous  venons  d'avancer. 


UE 

Quoiqu'on  ne  fâche  pas  précisément  en 
<quoi  coniiftoit  Yauptofie  ou  la  contempla- 
tion claire  d'Eleufis  ,  les  anciens  nous  ont 
pourtant  laiifé  quelques  defcriptions  des 
cérémonies  qui  la  précédoienr.  Corame_  on 
étoit  perfuadé  que  ceux  qui  participoient 
à  ces  myfteres  faifoient  profeifion  d'une 
vie  innocente  ,  &  qu'après  leur  mort  ils 
feroient  placés  dans  les  champs  élyfées  ,  on 
les  purifioit ,  foit  pour  expier  leurs  fautes 
paifées  ,  foit  pour  leur  faire  acheter  en 
quelque  forte  par  ces  premières  épreuves  , 
les  biens  dont  ils  fe  flattoient  de  jouir  un 
jour.  D'abord  un  facrificateur  ,  qui  dans 
cette  fonction  fe  nommoit  hydranos ,  immo- 
loit  à  Jupiter  une  truie  pleine  ;  &  après 
en  avoir  étendu  la  peau  à  terre ,  on  faifoit 
mettre  derfus  celui  qui  devoit  être  purifié. 
Les  prières  accompagnoient  cette  cérémo- 
nie ,  qu'un  jeûne  auffere  devoit  avoir  pré- 
cédée :  enfuite  ,  après  quelques  ablutions 
qu'on  faifoit  avec  de  l'eau  de  la  mer ,  on 
couronnoit  d'un  chapeau  de  fleurs  ,  nommé 
par  Hefychius  l^îpd ,  le  poffulant  ,  qui  après 
ces  épreuves  pouvoit  afpirer  à  la  qualité  de 
mjfie  j  0L1  d'initié  aux  myfferes. 

II  ne  fe  pafîbit  point  dans  les  myfferes 
d'Eleufine  ,  d'infamies  comme  dans  ceux  de 
Bacchus  ;  que  s'il  s'y  gliffa  quelquefois  du 
défordre ,  il  fut  accidentel ,  &  promptement 
réprimé  par  la  févérité  des  magiftrats.  Voy. 
les  Dictionnaires  de  Trévoux  y  de  Moréry 
&  de  Chambers.  (  G  ) 

ELEUTHERE  ,  f.  m.  (Hifl.  me.)  nom 
qui  lignifie  libérateur  dans  le  langage  des 
Grecs  ,  &  qu'ils  donnèrent  à  Jupiter  en 
mémoire  de  la  victoire  qu'ils  remportèrent 
près  du  fleuve  Afope  fur  Mardonius  ,  géné- 
ral des  Perles  ,  dont  trois  cents  mille  lurent 
exterminés  dans  cette  journée.  Les  vain- 
queurs attribuèrent  à  Jupiter  le  fùccès  de 
cette  bataille  ,,  qui  afTura  la  liberté  de  la 
Grèce ,  &  donnèrent  au  dieu  le  titre  d'éleu- 
theros ,  parce  qu'il  les  avoit  délivrés  de  la 
fervitude  qui  les  menaçoit.  Ils  inftituerent 
auflî  en  fon  honneur  des  fêtes  nommées 
élemhériennes ,  qu'on  célébroit  tous  les 
cinq  ans  par  des  courfes  de  chars.  C'étoit; 
à  Platée  même  ,  félon  le  fcholiaffe  de  Pin- 
dare ,  que  fe  faifoient  ces  jeux  :  circonflance 
qui  rappelloit  encore  plus  vivement  la  caufe 
de  leur  étabUflement.  (G) 


E  L  T  117 

*  ELEUTHO,  f.  f.  (Mythe!.)  déeflè 
qui  préfidoit  aux:  accouchemcns  :  c'eil  la, 
même  qu'IUythie.   Vove\  ILLYTHIE. 

ELEZER  CARREAUX  ,  terme  ^  d'an- 
cien monnayage  ;  c'étoit  la  manutention  qui 
agrandiffoit  le  carreau  en  le  frappant  for  l'en- 
clume. Voye\  Frappes,  ca-rreau. 

ELFELD ,  (  Géogr.  mod.)  ville  de  Yëkc- 
torat  du  Rhin  en  Allemagne  ;  elle  cil  à  trois 
lieues  de  Mavence. 

ELHAMMA  ,  (  Géogr.  mod.)  ville  de  la 
province  de  Tripoli  propre  en  Afrique* 
Long.  z8  y  z6  ;  lat.  34. 

*  ELIAB  ,  (Hifl.  facr.)  fils  d'Ifaï  ,  & 
frère  de  David  ,  étant  à  la  guerre  des  Fhi- 
liftins  ,  lorfque  le  géant  Goliath  infultoit 
l'armée  de  Salil ,  blâma  fbn  frère  David  en 
l'acculant  de  témérité  d'ofer  combattre  le 
géant.  L'hifloire  fainte  fait  encore  mention 
de  trois  autres  Juifs  qui  ont  porté  ce  nom  , 
favoir  : 

ElIAB  ,  père  de  Dathan  &  d'Abiron  , 
qui  furent  engloutis  tout  vivans  pour  s'être 
révoltés  contre  Dieu.  Il  offrit  le  troifieme 
Ion  offrande  au  tabernacle. 

ElIAB ,  de  la  tribu  de  Lévi ,  fils  d'EIca- 
nam  &  père  de  Jéroboam. 

ELIAB  ,  le  troifieme  des  vaillans  hommes 
qui  fe  joignirent  à  David  quand  il  fuyoit 
la  perfécution  de  Salil.  Il  rendit  de  grands 
Services  à  David  dans  toutes  les  guerres. 

*  ELIACHIM,  (Hifl.  facr.)  facrifica- 
teur  ,  celui  qui  retourna  de  Babylone  avec 
Zorobabel.  Son  office  étoit  de  jouer  de  la 
harpe  devant  l'arche. 

ELIACHIM  ,  fils  de  Chelcias  ,  intendant 
de  la  maifon  du  roi  Ezéchias.  Dans  le 
temps  du  fiege  de  Jérufalem  par  le  roî 
Sennachérib  y  il  fut  député  à  ce  prince 
'nour  parler  d'accommodement.  Mais  Rab- 
lacès  ,  général  de  l'armée  ennemie  ,  ne 
l  donna  pour  réponfe  que  des  blafphemes 
horribles  qu'il  proféroit  en  hébreu  ,  pour 
être  mieux  entendu  du  peuple.  Eliachim 
le  pria-  de  parler  fyriaque  ;  mais  celui-ci. 
n'en  voulut  rien  faire  ,  de  façon  qu'Elia- 
c/iim  le  quitta  fort  mécontent  de  fon  entre- 
vue. Dieu  ,  pour  récompenfer  la  vertu 
d' Eliachim, ,  le  fit  fouverain  facrificateur. 
On  prétend  que  ce  fut  lui  qui  commanda 
les  Juifs  au  fiege  de  Béthulie  par  Holo» 
1  ferne. 


iig  EU 

ELIACIÎIM  ,  furnommé  Joachlm  ,  fut 
roi   de  Juda.    Voye\  JOACHIM. 

ELIAQUES ,  adj.  pris  fubfl  {Hifl.  anc) 
myfteres  ;  c'étoient  les  mêmes  que  les  my- 
thriaques.  Ce  mot  vient  du  grec  &  lignifie 
le  foleil  adoré  par  les  Perfes  fous  le  nom 
de  Mitras. 

ELIE  ,  {Hifl:.  facr.)  fameux  prophète  , 
natif  de  Thisbe  dans  le  pays  de  Galaad  , 
vi  voit  fous  le  règne  d' Achab  roi  d'Ifraë'l  , 
&  de  Jofaphat  roi  de  Juda.  Il  fut  fufcité 
de  Dieu  pour  s'oppofer  à  l'idolâtrie  ,  & 
fur-tout  au  culte  de  Baal  ,  que  Jézabel  & 
Achab  avoient  introduit  dans  Ifraël.  La 
première  fois  que  l'Ecriture  parle  de  ce 
prophète  ,  elle  le  produit  tout  d'un  coup 
comme  un  autre  Melchifedech ,  fans  nous 
rien  apprendre  de  fon  père  ,  ni  de  fa 
mère  ,  ni  de  fa  tribu  ,  ni  de  la  manière 
dont  il  a  été  appelle  à  la  prophétie.  Il 
vient  à  la  cour  du  roi  impie  ,  pour  lui 
annoncer  les  jugemens  de  Dieu  ,  &  lui 
prédire  le  terrible  fléau  de  la  féchereife 
&  de  la  famine  ,  dont  il  alloit  frapper 
fon  peuple.  Aum-tôt  après,  il  fe  rerira 
dans  un  défert  proche  le  torrent  de  Carith  , 
©ù  des  corbeaux  ven©ient  lui  apporter 
tous  les  jours  à  manger.  La  fécherefle  ayant 
fait  tarir  le  torrent ,  il  vint  par  ordre  de 
Dieu  à  Sarepta  entre  Tyr  &  Sydon  ,  chez 
une  veuve.,  à  laquelle  il  fournit  le  moyen 
de  fubfifler  par  une  multiplication  mira- 
culeufe  d'huile  &  de  farine  qui  lui  reftoit. 
Le  fils  de  cette  veuve  étant  venu  à  mourir 
pendant  qu'il  demeuroit  chez  elle ,  le  pro- 


fois fur  lui ,  &  fe  mefurant  à  fon  petit  corps, 
il  le  rendit  vivant  à  fa  mère  ,  figurant  admi- 
rablement en  cela  ce  qu'a  fait  le  Verbe 
divin  pour  la  réfurre&ion  fpirituelle  de 
l'homme  ,  lorfqu'il  s'eft  chargé  de  toutes 
nos  langueurs  ,  qu'il  a  raccourci  fa  gran- 
deur pour  fe  proportionner  à  notre  peti— 
tefïè ,  &  qu'il  s'eft  étendu  fur  toute  notre 
nature  pour  la  ranimer  toute  entière.  La 
troifiemt  année  de  la  flérilité  ,  Elu  alla 
de  la  part  de  Dieu  trouver  Achab  ,  k 
qui  il  reprocha  d'avoir  abandonné  la  voie 
du  Seigneur  pour  fuivre  le  culte  de  Baal. 
Il  propofa  à  ce  prince  d'affèmbler  tout  le 
peuple  fur  le  Mont  Caraiel  ,  où  fe  ren- 


E  L  I 

&  <  les  quatre  cents  prophètes  cTAflarré  ; 
qui  facrifieroien^  à  leurs  dieux  pendant 
que  lui  facrifieroit  au  fien  ;  &  que  ceux 
dont  les  prières  attireroient  fur  la  victime 
le  feu  du  ciel ,  feroient  feuls  eftimés  véri- 
tables prophètes.  Il  choifit  ,  préférable- 
ment  à  tout  autre  prodige  ,  la  defeente 
du  feu  du  ciel  fur  la  victime  ,  parce  qu'il 
n'y  en  avoit  pas  de  moins  fufped ,  ni  de 
plus  capable  de  faire  imprellion  fur  tour 
le  peuple.  La  propofition  ayant  été  accep- 
tée ,  tous  les  cris  des  prophètes  de  Baal 
ne  purent  attirer  le  feu  du  ciel  ,  qui ,  à 
la  prière  d'Elie  ,  tomba  fur  la  vidime  , 
&  la  dévora.  Alors  tout  le  peuple  con-- 
fefla  que  le  fèigneur  étoit  le  vrai  Dieu  , 
&  extermina  tous  les  faux  prophètes.  Ce- 
pendant Jézabel ,  outrée  de  la  mort  de  Ces 
prêtres  ,  en  pourfùivit  la  vengeance  fur 
Elie  ,  &  le  prophète  s'enfuit  dans  un 
défert  de  l'Arabie  Pétrée  ,  où  s'étant  en- 
dormi de  fatigue  &  de  trifteffè  ,  il  fut 
confolé  par  un  ange  qui  lui  apporta  di* 
pain  &  de  l'eau.  Il  marcha  enfuite  pendant 
quarante  jours  jufqu'à  la  montagne  d'Oreb  , 
où  il  fit  fa  demeure ,  &  où  il  reçut  ordre 
d'aller  facrer  HazaHl  pour  roi  de  Syrie  ,  Se 
Jéhu  pour  roi  d'Ifraël.  Ce  fut  dans  le 
chemin  qu'il  rencontra  Elifee  qui  labou- 
roit  ,  &  que  lui  ayant  "mis  fon  manteau 
fur  les  épaules  ,  il  lui  déclara  la  volonté 
de  Dieu  qui  l'appelloit  au  miniffere  de  la 
prophétie.  Quelques  années  après  ,  Achab 
ayant  fait  mourir  Naboth  pour  s'emparer 
de  fa  vigne ,  Elle  vint  trouver  ce  prince 


phete  fe  coucha  fur  fon  lit ,  fe  mit  par  trois v  pour    lui    reprocher  ce    meurtre  ,   &    lui 


prédit  tous  les  maux  qui  alloient  tomber 
fur  lui-même  &  fur  fà  mailbn.  La  parole 
du  Seigneur  s'accomplit  bientôt  après  fur 
Achab  ,  qui  fut  tué  dans  un  combat  contre 
ks  Syriens.  Ochofias  fon  fucceueur  étant 
tombé  de  la  plate-forme  de  fa  maifon  , 
envoya  confulter  Béelzebub  dans  Accaron  , 
pour  {avoir  quelles  feroient  les  fuites  de 
cet  accident  ;  le  Seigneur  lui  fit  dire  par 
Elle ,  qu'il  mourroit  pour  avoir  eu  recours 
à  une  divinité  étrangère.  Le  roi  irrité 
contre  le  prophète  ,  envoya  ,  pour  le  pren- 
dre ,  un  capitaine  &  cinquante  hommes  , 
qui  furent  dévorés  par  le  feu  d\n  ciel. 
Un  fécond  fubit  le  même  fort.  Enfin  ,  un 
âfioient  les  (fuarante-cinq  prophètes  de  Baal,  [troifieme  s'étant  humilié  devant  l'homme 


E  L  î 

ele  Dieu  ,  obtint  grâce  du  prophète ,  qui 
ie  luivk  chez  Ochofias  ,  à  qui  il  renouvella 
la  prédiction  de  fa  mort.  Elie  ayant  appris 
par  révélation  ,  que  Dieu  devoit  bientôt 
le  tranfporter  hors  de  ce  monde  ,  voulut 
cacher  ce  miracle  à  Elifée  ,  pour  l'éprou- 
ver :  mais  ce  fidèle  difciple  ne  voulant 
pas  le  quitter ,  le  fuivit  jufqu'au  Jourdain  , 
qu'ils  pafferent  à  pied  fec  ,  Elie  en  ayant 
féparé  les  eaux  en  étendant  fon  manteau. 
Comme  ils  marchoient  au  delà  du  Jour- 
dain ,  un  tourbillon  de  feu  ,  en  forme  de 
char  avec  fes  chevaux ,  les  fépara  tout 
d'un  coup  ,  &  enleva  le  prophète  au  ciel , 
non  dans  le  léjour  des  bienheureux  ,  où 
perfonne  n'eft  entré  avant  Jefus-Chrifr. , 
mais  dans  quelque  lieu  au  defîiis  de  la 
terre  ,  qu'il  n'a  pas  plu  à  Dieu  de  nous 
révéler.  Dieu  avoit  aifemblé  dans  cet  en- 
droit cinquante  enfans  des  prophètes  , 
pour  les  rendre  témoins  de  ce  prodige 
extraordinaire  ,  afin  de  rendre  incontefta- 
ble  un  événement  qui  devoit  être  la  der- 
nière refiource  de  la  maiion  d'Ifraël.  Car 
le  miniflcre  de  ce  prophète  dans  le  fécond 
avènement  ,  eft  marqué  par  des  traits  fi 
lumineux  dans  l'Ecriture  ,  qu'on  ne  peut 
s'y  tromper.  Il  efl  vivant  ,  &  Dieu  le 
tient  enfermé  pour  le  faire  fervir  un  jour 
aux  defleiAs,  de  miféricorde  qu'il  a  fur  les 
Juifs.  Il  n'a  été  tiré  de  ià  retraite ,  quelle 
qu'elle  foit ,  que  pour  dlïfter  au  myftere 
de  la  transfiguration  ;  mais  quand  les  temps 
marqués  par  la  providence  leront  arrivés  , 
Elie  paroîtra  ;  6c  avec  le  même  zèle  dont 
il  fut  autreiois  animé  ,  il  confondra  les 
ennemis  de  Dieu  ,  rétablira  les  tribus  de 
Jacob  dans  les  droits  facrés  dont  leur  in- 
crédulité les  avoit  fait  décheoir  ,  renouvel- 
lera la  face  de  rEglife  ,  ranimera  la  foi 
prefque  éteinte  de  la  gentilité  ,  &  en 
arrêtant  les  progrès  du  myftere  d'iniquité  ,  il 
arrêtera  la  colère  de  Dieu  ,  prête  à  lancer 
fur  la  terre  un  anathême  &  une  malédic- 
tion éternelle.  {-+■) 

*EUEZER  ,  (ffift.fae.)  prophète 
^qui  prédit  à  Jcfaphar  ,  roi  de  Juda  ,'  le 
naufrage  de  plufieurs  vaiflfeaux  qu'il  avoit 
joints  à  ceux  de  l'impie  Ochofias  ,  roi 
d'Ifraël.  H  y  eut  encore  plufieurs  Juifs 
recommandabies  çk  ce  nom  ,  entr'autres  , 
fLlîeqer,  fervixeur  d'Abraham  ,  qui,, chargé 


ELI  î  rp 

de  joyaux  &  de  préfens  précieux ,  alla 
quérir  en  Méfopotamie  Rebecca  pour 
être  l'époufe  d'Iiaac  ;  &  un  autre  Elié\er , 
parent  de  Jefus-Chrift  félon  la  chair. 

ELIGIBILITE,  (Jurifpr.)  terme  de 
droit  canonique  qui  lignifie  le  pouvoir  d'être 
élu.  On  appelle  bulle  d: 'éligibilité ',  celle  que 
le  pape  accorde  à  quelques  perfonnes  pour 
pouvoir  être  élues  à  quelque  dignité  ,  béné- 
fice ou  office  ,  pour  lequel  elles  n'ont  pas 
toutes  les  qualités  &  capacités  requiies  9 
comme  l'âge  ,  l'ordre  ;  &  dans  quelques 
églifes  d'Allemagne  celui  qui  n'eft  pas  de 
gremio  >  ne  peut  être  élu  évêque  fans  une 
bulle  d'éligibilité.    (A) 

ELIMINER  ,  v.  ad.  (  Algèbre.  )  Quel- 
ques auteurs  commencent  a  fe  fervir  de 
ce  mot  pour  dire  chajjer ,  faire  évazouir 
ou  difparoître  d'une  ou  plufieurs  équations 
une  ou  plufieurs  inconnues.  Ce  mot  a  été 
formé  du  latin  éliminare  ,  qui  efl  beaucoup 
plus  en  ufage.  Le  mot  éliminer  eiï  forgé 
aflez  inutilement ,  puifque  les  mo:v  chajjer  > 
faire  évanouir ,  faire  difparoître  ,  rendent: 
précifément  la  même  idée.  Voye\  ÉVA- 
NOUIR, Equation  , Inconnue,  àc 

ELINE  ,  (  Mufiq.  des  anc.  )  noi«  donné 
par  les  Grecs  à  la  chanfon  des  tiflèrands. 
Voye\ Chanson.  (S) 

ELINGUE,  f.  f.  (Marine)  grotte 
corde  dont  on  lie  bien  fortement  las. 
deux  bouts  enfemble  ,  de  forte  qu'elle 
forme  le  cerceau  :  enfuite  on  la  lie  par  le 
milieu  un  coté  contre  l'autre  ,  de  forte 
qu'elle  forme  la  figure  d'un  huit  de  chiffre 
compofé  de  deux  boucles.  On  fe  fert  fur 
mer  de  cette  corde  pour  embraffer  &  faifir 
les  plus  gros  tonneaux  de  marchandifes  , 
un  bout  par  une  boucle  ,  &  l'autre  bout 
par  l'autre  boucle  ;  puis  parlant  un  crochet 
entre  les  deux  parties  au  milieu  de  la  corde , 
on  enlevé  ces  tonneaux  du  fond  de  cale 
à  la  faveur  de  la  mourie  ,  &  on  les  met 
à  port. 

Elingue  à  pattes  ,  c'eft  celle  qui  n'a 
point  de  nœuds  coulans ,  mais  deux  pattes 
de  fer  :.  on  fè  fert  de  celle-là  pour  tirer 
du  fond  de  cale^  les  futailles  pleines.  (  Z  ) 

ELINGUET  ,  LINGUET ,  f.  m. 
(Marine)  c'eff  une  pièce  de  bois  qui 
tourne  horizontalement  fur  le  poat  d'un, 


no  ELI 

vaifïêau  ;  elle  a  ordinairement  un  pie  & 
demi  ou  deux  pies  de  longueur  ,  &  fert  à 
arrêter  le  cabeftan  ,  &  empêcher  qu'il  ne 
dévire.  Voye\  Mar.  PL.  IV.  fig.  i.  n°. 
îO$.  fa  pofition. 

ELISEE ,  (  Hifl.  facr.  )  fils  de  Saphat , 
difciple  &  fucceflèur  d'Elie ,  dans  le  mi- 
Jiillere  de  la  prophétie  ,  étoit  de  la  ville 
d'Abel-Meula.  Elie  qui  avoit  reçu  l'ordre 
de  l'établir  en  fa  place  r  l'ayant  trouvé 
labourant  la  terre  avec  douze  paires  de 
bœufs  ,  jeta  fon  manteau  fur  lui  ,  &  à 
l'inftant  même  Elifée  prophétifa  ,  quitta 
iâ  charrue  ,  &  fuivit  Elie.  Celui-ci  en 
diiparoiffant ,  lui  ayant  lahTé  fon  double 
efprit  de  prophétie  &  de  miracle  ,  Elifée 
s'en  fervit  d'abord  pour  féparer  les  eaux 
du  Jourdain  ,  &  ce  prodige  le  fit  con- 
noître  pour  fucceflèur  d'Elie  par  les  enians 
des  prophètes.  Toute  la  vie  de  ce  prophète 
ne  fut  qu'une  fuite  de  miracles.  Il  rendit 
jàines  &  potables  les  eaux  falées  du  Jour- 
dain ;  il  fit  dévorer  par  des  ours ,  des 
enlans  qui  fe  moquoient  de  lui  ;  &  une 
pauvre  femme  veuve  ,  que  fes  créanciers 
pourfuivoient ,  trouva  de  quoi  les  fatis- 
iaire  dans  la  charité  du  prophète ,  qui 
multiplia  un  peu  d'huile  qui  lui  reftoit. 
Enfuite  il  obtint  à  une  femme  ftérile  de 
Suman  ,  chez  qui  il  logeoit ,  un  fils  qu'il 
r.effufcita  quelques  années  après  ,  appli- 
quant fon  Corps  fur  le  petit  corps  de  l'en- 
fant. Il  guérit  aulïi  de  la  lèpre  Naaman  , 
général  du  roi  de  Syrie  ,  en  le  faifant 
baigner  dans  le  Jourdain ,  &  Giezi ,  fer- 
viteur  du  prophète  ,  fut  affligé  du  même 
mal  ,  parce  que  ,  contre  l'ordre  de  fon 
maître ,  il  avoit  reçu  de  ce  feigneur  des 
préfens.  Bénadad  ,  roi  de  Syrie  ,  qui  était 
en  guerre  contre  le  roi  d'Ifraël ,  apprenant 
qu' Elifée  révéloit  tous  fes  defTeins  ,  en- 
voya des  troupes  pour  le  prendre ,  lorf- 
qu'il  étoit  à  Dothan  ;  mais  le  prophète 
les  frappa  d'une  efpece  d'aveuglement  ; 
&  les  mena  ,  fans  qu'ils  s'en  appsrçuf- 
lerit  ,  jufques  dans  Samarie.  Quelque 
temps  après  le  même  "Bénadad  ayant  aflîégé 
cette  ville ,  que  la  famine  réduifit  à  la  plus 
grande  extrémité  ,  Elife'e  prédit  la  levée 
du  fîege  ,  &  le  retour  de  l'abondance  , 
paffa  enfuite  à  Damas  ,  où  Hafaël  l'étant 
jrenu   eonlulter  fur   la  maladie  de  Béna- 


EL  i 

dad  fon  maître ,  il  lui  annonça  fa  future 
grandeur  ,  &  prédit  tous  les  maux  qu'il 
devoit  caufer  à  Ifraë'l.  Il  fît  auiii  facrer  , 
par  un  de  fes  difciples ,  Jehu  pour  roi 
d'Ifraël ,  en  lui  ordonnant  de  la  part  de 
Dieu  d'exterminer  toute  la  maifon  d'A- 
chab.  Le  prophète  étant  tombé  malade  , 
Joas  roi  d'Ifraël  le  vint  voir  ,  &  Elifée 
lui  prédit  autant  de  victoires  contre  les 
Syriens  ,  qu'il  frapper  oit  de  fois  la  terre  de 
fon  javelot  ;  &  comme  il  ne  frappa  que 
trois  fois  ,  il  ne  remporta  que  trois  vic- 
toires. Elifée  ajouta  que  s'il  fût  allé  jufqu'à 
cinq  ou  fix  fois  ,  il  auroit  entièrement 
ruiné  la  Syrie.  Ce  prophète  mourut  à 
Samarie  âgé  d'environ  cent  ans.  Un  homme 
que  des  voleurs  avoient  tué  ,  ayant  été  jeté 
dans  fon  tombeau  ,  &  ayant  touché  {es  os  , 
reffufeita.  (-+-) 

ELISÉES,  voye\  Elysée  s. 

ELISION,  f.  f.  {Belles-Lettres.)  dan* 
la  profodic  latine  j  figure  par  laquelle  la 
confonne  m  &  toutes  les  voyelles  & 
diphtongues  qui  fe  trouvent  à  la  fin  d'un 
mot ,  fe  retranchent  lorfque  le  mot  fui- 
vant  commence  par  une  voyelle  ou  diph- 
tongue ,  comme  dans  ce  vers  : 

Quod  niji  &  ajjiduis  terrant  infectabert 
rafiris  , 

qu'on  feande  de  la  forte  : 

Quod  ni  s'  &  |  affidu  I  is  ter\  r'infec  \ 
tabere  \  rafiris. 

Quelquefois  Yélijion  fè  fait  de  la  fin  d'un 
vers  au  commencement  de  l'autre ,  comme? 
dans  ceux-ci: 

Qiiem  non  ineufavi  amens  hominumqui 

deorumque  , 
Aut  quid  in  everfâ  vidi  crudelius  urbe  9 

qu'on  feande  ainfî  : 

Que  m   non  \  incu  \  fav'a  \  mens  homi  J 

numque  de  \  orum 
Quaut  quid  in  \  ever  \fâ>  &c. 

On  doit  éviter  les  élijions  dures ,  &  elles 
le  font  ordinairement  au  premier  &  au 
fixieme  pié> 

Quelques-uns 


6  L  I 

(Quelques-uns*  prétendent  que  Yélijtàlt  ef! 

une  licence  poétique  ;  tk  d'autres ,  qu'elle 
eft  abfolument  néceiïâire  pour  l'harmonie. 

Les  anciens  Latins  retranchoient  aufli 
Y  s  qui  précédoit  une  confonne ,  comme  dans 
ce  vers  d'Ennius  : 

Cur  volito  vivu'    (  pour  vivus  )  per    ora 
virûm. 

Us  &  Vm  leur  paroifîbient  dures  &  rudes 
dans  la  prononciation  ,  aufli  les  retranche- 
rent-ils  quand  leur  poéfie  commença  à  fe 
polir.  La  même  raiion  a  déterminé  les 
François  à  ne  pas  faire  fentir  leur  e  féminin , 
ou  ,  pour  mieux  dire  ,  muet  ,  devant  les 
mots  qui  commencent  par  une  voyelle ,  afin 
d'éviter  les  hiatus.  Kqyq  HlATUS  &  BAIL- 
LEMENT.  (  G) 

Dans  notre  poéfie  françoife  nous  n'avons 
-d'autre  élifion  que  celle  de  Ye  muet  devant 
une  voyelle  ,  tout  autre  concours  de  deux 
voyelles  y  efl  interdit  ;  règle  qui  peut  pa- 
roître  allez  bizarre  ,  pour  deux  raifons  :  la 
première  ,  parce  qu'il  y  a  une  grande  quan- 
tité de  mots  au  milieu  defquels  il  y  a  con- 
cours de  deux  voyelles ,  &  qu'il  faudroit 
donc  aufli  par  la  même  raifon  interdire  ces 
mots  à  la  poéfie ,  puifqu'on  ne  fauroit  les 
couper  en  deux  :  la  féconde  ,  c'efl  que  le 
concours  de  deux  voyelles  efl  permis  dans 
notre  poéfie  ,  quand  la  féconde  efl  précédée 
d'une  h  afpirée  ,  comme  dans  ce  héros  9 
la  hauteur  ;  c'efl-à-dire  que  Yhiatus  n'efl 
permis  que  dans  le  cas  où  il  efl  le  plus 
rude  à  l'oreille.  On  peut  remarquer  aufli 
que  Yhiatus  efl  permis  lorlque  Ye  muet  efl 
précédé  d'une  voyelle,  comme  dans  immolée 
à  mes  yeux  ;  &  que  pour  lors  la  voyelle  qui 
précède  Ye  muet  efl  plus  marquée.  Immolé 
à  mes  yeux  n'efl  pas  permis  en  poéfie,  & 
cependant  efl  moins  rude  que  l'autre  :  nou- 
velle bizarrerie. 

Nous  ignorons  fi  dans  la  profè  latine 
Y  élifion  des  voyelles  avoit  lieu  ;  il  y  a 
apparence  néanmoins  qu'on  prononçoit  la 
profe  comme  la  poéfie ,  &  il  efl  vraifem- 
blable  que  les  voyelles  qui  formoient  Y  éli- 
fion en  poéfie  ,  n'étoient  point  prononcées  , 
ou  l'étoient  très-peu  ;  autrement  la  mefure 
&  l'harmonie  du  vers  en  auroit  fouffèrt 
/ènfibiement.  Mais  pour  décider  cette 
Tome   XII* 


1  t  t  rW 

quefliofî ,  il  faudroit  être  au  fait  de  la  pro-. 
nonciation  des  anciens  ;  matière  totalement 
ignorée. 

Dans  notre  profè  les  hiatus  ne  font  point 
détendus  :  il  efl  vrai  qu'une  oreille  délicate 
feroit  choquée  ,  s'ils  étoient  en  trop  grand 
nombre  ;  mais  il  feroit  peut  -  être  encore 
plus  ridicule  .de  vouloir  les  éviter  tout-à- 
fait  :  ce  feroit  fouvent  le  moyen  d'énerver 
le  flyle  ,  de  lui  faire  perdre  fa  vivacité  ,  fa 
précifion  &  fa  facilité.  Avec  un  peu  d'o- 
reille de  la  part  de  l'écrivain  ,  les  hiatus  ne 
feront  ni  fréquens  ni  choquans  dans  fa 
profe. 

On  afllire  que  M.  Leibnitz  compofa  un' 
jour  une  longue  pièce  de  vers  latins  ,  fans 
fe  permettre  une  feule  élifion  ;  cette  pué- 
rilité étoit  indigne  d'un  fi  grand  homme  , 
&  de  fon  fiecle.  Cela  étoit  bon  du  temps 
de  Charles  -  le  -  Chauve  ou  de  Louis  -le— 
Jeune  ,  lorfqu'on  faifoit  des  vers  léonins  , 
des  vers  latins  rimes  ,  des  pièces  de  vers 
dont  tous  les  mots  commençoient  par  la 
même  lettre  ,  &  autres  fottifes  femblables. 
Faire  des  vers  latins  fans  élifion  ,  c'efl 
comme  fi  on  vouloit  faire  des  vers  françois 
fans  fe  permettre  d'e  muet  devant  une 
voyelle.  M.  Leibnitz  auroit  eu  plus  d'hon- 
neur &  de  peine  à  faire  les  vers  bons  , 
fuppofé  qu'un  moderne  puifle  faire  de  bons 
vers  latins.    Voye\  LATINITÉ.  (O) 

*  ÉLITE  ,  f.  f.  (  Commerce  )  fignifTe 
ce  qu'il  y  a  de  meilleur  ou  de  plus  par/ait 
dans  chaque  efpece  de  marchandise.  On 
dit  des  foies,  des  fils  y  des  draps  d'élite. 
Les  marchandifes  (Yélite  font  toujours  plus 
chères  que  les  autres.  H  a  été  tranfporté 
delà  à  d'autres  ufages  ,  &  l'on  dit  auffi  des 
hommes  d'élite  y  &c.  (G) 

ELITER  ,  v.  act.  (  Commerce.  )  prendre 
le  meilleur  d'une  chofè.  L'auteur  du  diction- 
naire de  Commerce  penfe  que  ce  terme  n'a 
guère  lieu  que  parmi  les  petites  marchandes 
des  halles  de  Paris ,  comme  de  grofeilles , 
cerifes  &  autres  fruits  ;  mais  il  efl  d'expé- 
rience qu'il  efl  aufli  ufité  parmi  les  autres 
marchands  ,  &  que  cette  expreflion  ,  vous 
élite\  ma  marchandife  y  leur  efl  également 
familière.  (  G  ) 

ÉLITER  ,  v.  a£L  {Jardinage.)  c'eft 
choifir  parmi  les  tulipes  celles  qu'il  faut 
laifler  graîner*  ou  celles  qui  s'étant  portée^ 


Tit  ELI 

à  bien  ,  font  dignes  d'être  placées  l'année  ! 
fuivante  parmi  les  belles.    (  K  ) 

*ELITROLDE,  adj.  prisfubft.  (Anat.) 
c'eft  la  même  choie  que  vaginale  :  ainii  on 
dit  la  membrane  élitroïde  des  teflicules  , 
au  lieu  de  la  membrane  vaginale.  Voye\ 
Testicule. 

ELIXATION  ,  f.  f.  en  Pharmacie,  &c. 
opération  par  laquelle  on  fait  bouillir  quel- 
que remède  dans  une  liqueur  convenable  , 
&  à  petit  feu  ;  c'eil  la  même  choie  que  ce 
que  ceux  qui  apprêtent  à  manger  appellent 
étuvée. 

Ce  mot  eit  formé  du  latin  lixare  _, 
bouillir  ,  ou  bouillir  dans  l'eau.  La  liqueur 
dont  on  fe  fert  ordinairement  dans  les 
élixacions ,  elf  d'eau  de  fource  ou  de  ri- 
vière ,  quoiqu'on  s'y  ferve  auflî  quelquefois 
de  lait ,  de  petit-lait ,  ou  d'autres  choies 
iembiables. 

Le  but  qu'on  fe  propoiè  ordinairement 
dans  les  élixations  ,  c'eil  d'extraire  la  vertu 
du  remède  ,  &  de  la  communiquer  à  la 
liqueur ,'  quoiqu'on  s'en  ferve  aufli  quelque- 
fois pour  dégager  les  parties  des  animaux , 
des  plantes  ,  Ùc.  de  leurs  crudités  ,  auffi- 
feien  que  pour  les  amollir ,  pour  ôter  aux 
alîmens  &  aux  remèdes  un  goût  déiagréable 
ou  quelqu'autre  mauvaife  qualité ,  pour  en 
féparer  les  parties  terreufes  &  groffieres  , 
&  dans  d'autres  vues.  Voye\  EXTRAC- 
TION. 

La  décoction  eit  auffi  une  efpece  Rélixa- 
tion.    Voye\  DÉCOCTION.  Chambers. 

ELIXIR,  f.  m.  {Pharmacie  &  matière 
médicale.  )  Le  mot  élixir  dérive  ,  félon 
quelques  auteurs,  du  grec  imu  ,  je  tire s 
parce  que  Y  élixir  fe  fait  en  tirant  la  partie 
vraiment  médicamenteufe  des  fimple's  ;  fé- 
lon d'autres  de  ccKi^a ,  je  fecours  y  à  caufe 
du  grand  fecours  qu'on  fe  promet  de  ce 
remède  ;  d'autres  enfin  le  font  venir  de 
l'arabe  al-ecjir  ou  al-ekfir  y  qui  fignifie 
Chymie  :  félon  cette  dernière  étymologie 
le  mot  élixir  fignirieroit  une  préparation 
chymique  y  un  remède  préparé  chymi- 
quement. 

On  entend  par  élixir  ,  une  liqueur  ordi- 
nairement fpiritueufè  ,  chargée  ,  {oit  par 
l'extraction  ,  foit  par  la  distillation  ,  des 
parties  médicamenteufes  de  plufieurs  dro- 
gues }   &  deftinée  à  l'uiâge  intérieur,    Ce 


ELI 

remède    n*eft    donc     proprement    qu'une 
teinture  compoiée  ou    un  cfprit   compofé 
{voye\  Teinture  &  Esprit;)  mais 
on  n'a  donné  le  nom  $  élixir  à  quelques- 
unes  de   ces  préparations  ,   que  lorfqu'on 
a  prétendu   qu'étant  prifes  par  gouttes  ou 
par  cuillerées  ,  elles  dévoient  produire  les 
effets  les  plus  merveilleux  dans  la  guérifon 
des  maladies  contre  leiquelles  les  remèdes 
ordinaires  iont  le  plus  iouvent  impuiffans  ,. 
telles  que  la  pelle  ,  les  nffeâions  foporeufes  , 
les  poifons  prétendus  froids  ,  l'épilepfie  ,  & 
les   autres    maladies   convuliives  ,    la  fyn- 
cope  ,   la  paralyfie  ,  l'impuifîance  ,  la  fup-* 
preilion  des  règles  ,  la  fièvre  quarte  ,  &c. 
iàns  compter  les    digeflions   languiffantes  y 
les  défauts  d'appétit;  en  un  mot  ,    quand 
on  a  célébré  ces  préparations  comme  pof- 
iédant  au  plus  haut  degré  la  vertu  alexitere  fc 
cordiale ,  nervine ,  tonique,  antiipaimodique,. 
emmenagogue  ,  fébrifuge  ,  &c.  c'efl-à-dire. 
lorfqu'on  l'a  à-peu-près   érigé  en   remède 
univerfel.. 

Il  ne  paroît  pas  que  les  Grecs  ni  les. 
Arabes  aient  connu  V élixir  :  on  ne  trouve 
ni  le  mot  ni  la  chofe  dans  leurs  ouvrages  , 
fi  ce  n'eil  chez  les  Alchymifles  ,  qui  don- 
noient  le  nom  $  élixir  à  la  pierre  philofo- 
phale  confidérée  comme  médecine  univerr 
ielle  ;  ce  qui  nous  porte  à  croire  que  Y  élixir 
ne  fut  inventé  qu'après  qu'Arnaud  de  Vil-» 
leneuve  eut  fait  connoître  l'efprit-de-vin  , 
ou  que  Raimond  Lulle  l'eut  employé  dans 
•  divers  travaux  fur,  les  végétaux. 

Ce  fut  fur^tout  depuis  Paracelfe  que  les: 
élixirs  fe  multiplièrent.  Il  publia  lui-même 
un  élixir  fameux  ,  à  l'imitation  duquel  les. 
pharmaciens  modernes  ont  compofé  celui 
qui  eil  aujourd'hui  en  vogue  fous  le  nom 
d: 'élixir  de  propriété  de  Paracelfe.  Tous 
les  difciples  de  ce  chymifte  en  compoferent 
comme  leur  maître  ,  &  il  n'eil'  prefque 
point  d'auteur  de  Chymie  médicinale ,  ou 
de  médecin  prétendant  au  titre  de  chymifte  > 
qui  n'ait  donné  quelque  élixir  particulier. 
Les  charlatans  ont  fur  -  tout  répandu  un 
grand  nombre  tf  élixirs  ;  &  c'eil  fous  cette 
forme  ,  ou  même  fous  ce  nom  ,  que  les 
remèdes  tenus  fecrets  ont  fait  le  plus  rapi-> 
dément  fortune ,  fur-rtout  chez  les  grands. 

Les  Médecins  inilruits    favent  a  préfent 
,,  que  ks  élixirs  les  olus  yamçs  j  bien- lois* 


EL  I 

clPétre  des  fecours  preique  furnatureïs ,  font 
à  peine  des  remèdes  ,  &  que  la  plupart  ne 
durèrent  des  liqueurs  que  l'on  fert  fur  nos 
tables  ,  qu'en  ce  que  celles-ci  font  rendues 
agréables  au  goût  par  le  choix  &   la  dofe 
des  aromates  ,  &  par  le  fucre  ;  que  d'ailleurs 
toutes  ces   liqueurs  agréables  font  ftama- 
chiques    &    cordiales   ,    feules    propriétés 
réelles  des  élixirs  ordinaires.  Secondement , 
que  preique  tous  les  élixirs  connus  ,  qui 
font  les  leuls  que  le  médecin  puiffe  ordon- 
ner ,  font  auflï  femblables  entr'eux ,  quant 
a  leurs    propriétés  réelles  ,  que  toutes  les 
liqueurs  fpirituelles  de  nos  tables  font  fem- 
blables entr'elles.   Troifiémement  ,  que  les 
élixirs  purgatifs ,  qui  feroient  les  feuls  qui 
pufïént  différer  efîentiellement  des  élixirs 
purement    aromatiques    &    des    liqueurs  , 
feroient  des  remèdes  le  plus  fouvent  per- 
nicieux ,  toujours  inutiles  ;   car   nous   ne 
manquons  pas  de  purgatifs  de   toutes   les 
efpeces.  Quatrièmement  ,   que  les   élixirs 
qu'on  deffineroit  à  réveiller  ou  a  augmenter 
l'appétit  vénérien  ,  &  l'aptitude  à  le  fatis- 
Faire  ,  feroient  des  fecours  au  moins  très- 
dangereux  ,  &  que  le  médecin  ne  pourroit 
pas  par  conféquent  conièiller. 

Pour  toutes  ces  raiibns ,  l'ufage  des  élixirs 
€it  peu  commun  dans  la  pratique  de  la 
Médecine  dirigée  par  les  Médecins  ;  &  le 
nombre  de  ces  élixirs  ufuels  efï  borné  tà 
ïîx  ou  fept  ,  que  la  pharmacopée  de  Paris 
a  retenus  ,  &  qu'on  trouve  ordinairement 
chez  tous  les  Apothicaires  de  cette  ville. 
Ces  élixirs  font  Yélixir  de  propriété  de 
Paracelfe  ,  avec  acide  &  fans  acide  ,  ce 
dernier  diftillé  fous  le  nom  (Yélixir  blanc  ,• 
Vélixir  de  Garnis  ,  Yélixir  ftomachique  ,  & 
Yélixir  de  vitriol.  Voici  la  defcription  de 
Yélixir  ftomachique  ,  &  celle  de  Yélixir  de 
vitriol  ,  tirées  de  la  pharmacopée  de  Paris  : 
nous  réfervons  celle  de  Yélixir  de  propriété 
&  celle  de  Yélixir  de  Garnis  pour  des 
articles  particuliers  qui  fuivront  immédia- 
tement celui-ci. 

Elixir  jlomachique  de  la  Pharmacopée 
de  Paris.  Prenez  trois  onces  d'efprit  car- 
minatif  de  Sylvius ,  cinq  onces  d'efprit  de 
menthe  ,  une  once  d'eau  de  canelle  ,  une 
once  d'eau  de  fleurs  d'orange  ,  quatre 
onces  de  teinture  d'abfinthe  :  mêlez  le 
tout  enfemble ,  &  Yélixir  fera  fait  :  on  le 


E  Lï  123 

garde  dans  Une  bouteille  fermée  avec  foin. 
Voye\  la  préparation  de  l'efprit  carminatif 
de  Sylvius  au  mot  Esprit  CARMINATIF 
DE  SYLVIUS  ;  celle  de  l'efprit  de  menthe 
au  mot  MENTHE  ;  celle  de  l'eau  de  canelle 
au  mot  Canelle. 

Elixir  de  Vitriol.  Prenez  une  demi-once 
de  racine  de  calamus  aromaticus  ,  une 
demi-once  de  racine  de  gentiane  ,  trois 
dragmes  de  fleurs  de  camomille  romaine, 
2.  dragmes  de  feuilles  de  petite  abfinthe  , 
3  dragmes  de  feuilles  de  menthe  frifée  ,  une 
dragme  &  demie  de  canelle ,  une  dragme 
&  demie  de  cubebes  ,  une  dragme  &  demie 
de  noix  mufc'ade  ,  une  dragme  &  demie 
de  gingembre  :  pulvérifez  le  tout  groffié- 
rement  ;  mettez  -  le  dans  un  matras  ,  & 
verfez  defîus  quatre  onces  d'huile  de  vitriol  ï 
lorfque  cette  huile  aura  pénétré  les  matiè- 
res fufdites  ,  vous  ajouterez  quatre  onces 
d'efprit  de  vin  rectifié  ,  que  vous  ferez 
digérer  pendant  deux  ou  trois  jours  ,  après 
quoi  vous  verferez  fur  le  tout  douze  autres 
onces  d'efprit-de-vin  rectifié  ,  &  vous  bif- 
ferez digérer  encore  pendant  quelques 
jours,  après  lefquels  ,  filtrez  Yélixir ,  & 
le  gardez  dans  une  bouteille  exactement 
fermée.  (  b  ) 

Elixir  de  propriété  de  Paracelfe.  Dans 
la  defcription  que  Paracelie  a  donnée  de 
fon  elixir  ,  il  n'a  point  nommé  le  menffrue 
qu'il  employoit ,  eu  du  moins  il  ne  l'a  défi— 
gné  que  fous  un  nom  vague  qui  n'efl  entendu, 
de  perfbnne  ;  c'efl  pourquoi  il  ne  faut  point 
être  furpris  fi  on  trouve  chez  les  auteurs  % 
des  deferiptions  de  cet  elixir  fi  différentes 
les  unes  des  autres  ,  chacun  ayant  inter- 
prété le  mot  de  circulé  (c'efl  ainfi  que 
Paracelfe  appelle  fon  menftrue  )  comme  il 
l'a  jugé  a  propos  ,  ou  du  moins  chacun 
ayant  voulu  fubftituer  un  menflrue  qui  pût 
remplir  les  vues  de  l'auteur. 

La  defcription  de  cet  elixir  que  Crollius  f 
célèbre  difciplc  de  Paracelfe ,  nous  a  don- 
née ,  a  long-temps  prévalu  dans  les  Phar- 
macopées :  mais  cette  loi  pharmaceutique 
a  été  enfin  abrogée  ;  &  la  préparation  des 
pharmacopéens  modernes ,  qui  porte  encore 
le  nom  d' elixir  de  propriété  de  Paracelfe  y 
eu  très-différente  de  celle  de  Paracelfe  ÔC 
de  celle  de  Crollius  :  les  voici  toutes  ie%r 
trois. 


124  ELI 

ËUxir  de  propriété  de  Paracelfe.  Archi- 
dox,  lib.  VIII,  n°.  6  y  V  de  la  myrrhe  , 
de  l'aloès  hépatique  ,  du  fafran  ,  de  chacun 
parties  égales  :  faites  circuler  le  tout  au 
bain  de  Table  ,  à  une  lente  chaleur ,  pen- 
dant deux  mois  ,  après  quoi  retirez-en  par 
la  diftillation  à  l'alembic  une  huile  ,  que 
vous  ferez  digérer  pendant  un  mois  avec 
poids  égal  de  circulé. 

Elixir  de  propriété  de  Paracelfe  9  tiré 
de  la  bafilique  chymique  de  Crollius,  Pre- 
nez myrrhe  d'Alexandrie  ,  aloès  hépatique  , 
iafran  oriental  ,  de  chaque  quatre  onces. 
Ayant  pulvérifé  toutes  ces  drogues  ,  mettez- 
les  dans  un  matras  ;  humec~tez-les  avec  de 
bon  eiprit  -  de  -  vin  alkoolifé  ,  &  verfez 
enfuite  defîus  de  l'huile  de  foufre  tirée  par 
la  cloche  ,  &  rectifiée  ;  verfez  ,  dis- je  , 
de  cette  huile  jufqu'à  ce  qu'elle  furpaffe 
la  matière  d'environ  quatre  doigts  ;  faites 
digérer  &  circuler  pendant  deux  jours  , 
après  quoi  vous  retirerez  par  décantation 
la  liqueur  teinte  &  chargée  de  l'extrait  des 
drogues.  Reverfez  fur  la  matière  reliante 
de  bon  efprit-de-vin  ,  que  vous  circule- 
rez pendant  deux  mois  ,  après  quoi  vous 
retirerez  la  liqueur ,  qui  fera  encore  colo- 
rée ,  &  vous  la  mêlerez  à  la  première.  Dif- 
tillez  à  petit  feu  les  fèces  refiantes  ,  & 
ajoutez  ce  qui  en  difhllera  d'abord  aux 
teintures  fufdites ,  &  vous  ferez  circuler 
de  nouveau  le  tout  enfemble  pendant  un 
mois.  Crollius  ajoute  qu'il  faut  avoir  foin 
de  commencer  par  arrofer  les  ingrédiens 
'avec  une  fuffifante  quantité  d'efprit-de-vin , 
pour  les  réduire  en  une  forme  de  pâte  ; 
enfuite  de  verfer  l'huile  de  foufre  ,  autre- 
ment toute  la  matière  fe  brûleroit  &  devien- 
drait noire  ;  c'eft ,  dit  notre  auteur  ,  ce  que 
Paracelfe  a  caché  avec  foin. 

"Elixir  de  propriété  de  Paracelfe  ,  félon 
la  Pharmacopée  de  Paris,  il  teintures  de 
myrrhe  ,  quatre  onces  ;  d'aloès  ,  de  fafran  , 
de  chaque  trois  onces  :  verfez  ces  teintures 
dans  un  matras  ;  faites-les  digérer  quelque 
temps  ,  &  gardez-les  pour  vous  en  fèrvir 
au  befoin. 

Si  on  diftille  le  mélange  ,  on  aura  V elixir 
de  propriété  ,  appelle  dans  les  boutiques 
£Îixir  blanc.  Voyez  Elixir  de  Garnis. 

Si  on  prend  une  once  du  premier  elixir 3 
&  qu'on  y  ajoute  douze  gouttes  d'efprit- 


E  Lî 

de  foufre  ,   on   aura  Y  elixir  de   propriété 
avec  acide. 

Paracelfe  attribuoit  de  grandes  vertus  à 
fon  elixir  ;  &  Crollius  dit  d'après  lui ,  que 
c'eft  le  parfait  elixir  qui  a  toutes  les  vertus 
du  baume  naturel  ;  qu'il  opère  des  prodiges 
dans  les  maladies  de  la  poitrine  &  du  pou- 
mon ;  que  c'eft  un  excellent  préfervatif 
contre  la  pefîe  &  contre  toutes  les  maladies 
qui  peuvent  être  occafionées  par  un  air 
corrompu  ;  qu'il  purge  Peftomac  de  toutes 
mauvaifes  humeurs  :  qu'il  fortifie  tous  les 
vifeeres  ;  qu'il  eft  fpécinque  dans  le  maraf- 
me  ,  dans  les  catarres  ,  &  dans  la  toux  ;  qu'il 
prévient  la  paralyfie  &  la  goutte  ;  qu'il  guérit 
la  fièvre  quarte  ,  la  mélancolie  ;  qu'il  retarde 
la  vieillerie  ,  enfin  que  c'efl  un  vulnéraire 
parfait.  Aujourd'hui  nous  employons  notre 
elixir  de  propriété  comme  un  très  -  bon 
fïomachique  ,  comme  un  cordial  ordinaire  , 
comme  un  afTez  bon  hyftérique ,  &  comme 
un  excellent  emmenagogue  :  on  le  fait 
quelquefois  entrer  dans  les  opiates  fébri- 
fuges ,  &  on  a  remarqué  qu'il  ne  contri- 
buoit  pas  peu  à  les  rendre  efficaces.  La 
dofe  de  V elixir  de  propriété  préparé  félon 
la  pharmacopée  de  Paris  ,  eft  depuis  10  , 
12  >  *5  gouttes  jufqu'à  un  gros.  Ii  eft  très- 
important  d'obferver  qu'il  ne  faut  pas  pouf- 
fer la  dofe  de  Y  elixir  de  propriété  au  defîus 
d'un  gros  ,  parce  qu'une  dofe  plus  forte  pur- 
geroit  le  malade  ,  ce  qu'on  ne  fe  propofe 
point  dans  le  plus  grand  nombre  de  cas  ;  il 
y  a  même  des  perfonnes  qui  font  purgées  à 
cette  dernière  dofe. 

On  vante  beaucoup  dans  les  obftructions 
&  dans  toutes  les  maladies  chroniques 
invétérées  ,  Yélixir  de  propriété  préparé 
avec  de  l'elprit-de-vin  qu'on  a  chargé  de 
terre  foliée  de  tartre  jufqu'à  faturation* 
Voye\ Terre  foliée  de  Tartre  an 
mot  Tartre. 

Elixir  de  Garnis.  Uélixir  de  Garnis 
n'eft  autre  chofe  ,  quant  aux  ingrédiens 
vraiment  utiles  ,  que  Yélixir  de  propriété 
blanc  (  voyez  Elixir  de  propriété)  ;  l'épi- 
cier de  Paris  ,  dont  ii  porte  le  nom  ,  n'a 
eu  ,  pour  s'enrichir  en  vendant  fa  liqueur 
au  public  ,  &  fon  fecret  à  l'état ,  qu'à 
mêler  du  firop  de  capillaire  à  Yélixir  de 
propriété  blanc  ,  &  qu'à  le  déguifer  par 
l'addition  de  quelques  nouveaux  aromates 


E  L  I 

?fcà  première  opération  eft  fort  connue  des 
garçons  apothicaires  ,  qui  favent  fort  bien 
iè  procurer  fur  le  champ  des  liqueurs  fort 
agréables  ,  en  mêlant  des  eaux  fpiritueuiès 
officinales  &  certains  firops  fimples ,  fur- 
tout  le  firop  de  capillaire. 

On  trouve  dans  la  pharmacopée  de 
Paris  ,  la  defcription  fuivante  de  Y  elixir  de 
Garnis ,  dont  la  compolition  eft  publique 
depuis  plufieurs  années. 

If  aloès  ,  deux  onces  &  demie  ;  myrrhe , 
demi-once  ;  fafran ,  deux  gros  ;  canelle  , 
girofle  ,  noix  mufcade  ,  de  chaque  un 
fcrupule  :  pilez  le  tout ,  &  le  mettez  dans 
un  matras  ,  dans  lequel  vous  verferez  efprit- 
de-vin  rectifié  ,  deux  livres  ;  eau  commune  , 
deux  onces  :  faites  digérer  pendant  12 
heures  ,  &  retirez  par  la  diftilation  au 
bain-marie  tout  l'efprit-de-vin. 

Prenez  Pefprit  diftillé  ,  ajoutez-y  poids 
icgal  de  firop  de  capillaire  ,  &  tant  foit  peu 
■d'eau  de  fleurs  d'orange  :  mêlez  exacte- 
ment ,  &  laifTez  repofer  pendant  quelques 
jours ,  au  bout  defquels  vous  verferez  par 
inclination  la  liqueur  de^  deffus  les  fèces , 
qui  feront  dépofées  au  tond  du  vafe  où  le 
mélange  aura  été  fait  ;  c'efl  ce  qu'on  appelle 
élixir  de  Garrus. 

Cet  elixir  ne  diffère  pas  même  des 
liqueurs  ordinaires  par  l'agrément  du  goût 
&  du  parfum  qui  diftingue  ces  dernières  ; 
ce  n'eft  ici  abfolument  qu'une  liqueur  des 
plus  agréables  ;  une  légère  odeur  de  myrrhe 
&  de  fafran  ,  &  des  autres  aromates  que 
l'eiprit-de-vin  a  emportée  dans  la  diftilîa- 
tion  ,  fait  toute  fa  vertu  particulière ,  s'il 
en  a  réellement  quelqu'une  qui  ne  lui  foit 
pas  commune  avec  toutes  les  eaux  fpiri- 
rueufes  aromatiques  ,  ce  dont  on  peut 
douter  à  très-jufte  titre  ;  les  bons  effets 
qu'il  produit ,  quand  ils  feroient  auiîi  réels 
&  aulii  multipliés  qu'on  le  prétend  ;  tout 
cela  ,  dis-je  ,  ne  pouvant  pas  fournir  même 
îa  plus  légère  préfomption  en  fa  faveur  , 
jufqu'à  ce  qu'on  ait  éprouvé  dans  les  mêmes 
cas  les  autres  préparations  de  la  même 
claffe.  La  même'  cônfidération  doit  s'é- 
tendre à  la  plupart  des  prétendus  fpécifi- 
ques  ,  mis  en  vogue  par  des  charlatans  , 
adoptés  par  k  public  ,  &  même  par  les 
médecins  ,  fur  la  foi  des  obfervations  ;  car 
î\?bièrvation    ne   peut  faire   un    titre   de 


ÈlLl  12  y 

préférence  qu'après  la  comparaifon  des 
remèdes  analogues.  En  un  mot  une  vertu 
abfolue  n'en1  pas  la  même  choie  qu'une  vertu 
fupérieure  ,  éminente  &  exclufrve. 

La  matière  reliante  dans  l'alembic  après 
h  diitillation  de  Yélixir,  étant  parlée  à 
travers  une  étamine ,  &  épaiflie  en  confif- 
tance  de  pilules  ,  peut  fort  bien  remplacer 
les  pilules  de  Rufus ,  qui  font  décrites  dans 
la  pharmacopée  dePtiris.  Voyt\  PILULES 
de  Rufus.  (  b) 

Elixir  ouïe  grand  Élixir,  {Alchy- 
mie  )  c'efi  un  des  noms  myftérieux  que  les 
Alchymiftes  ont  donnés  à  la  pierre  philofo- 
phale  ,  fur-tout  lorfqu'ils  l'ont  confidérée  du 
côté  de  les  grandes  vertus  médicinales.  Voy. 
Pierre  philosophale  ù  Philoso- 
phie hermétique.  (  b  ) 

ELIZABETH  ,  (Hijl  d'Angleterre.) 
Les  rares  qualités  de  cette  illuftre  fouve- 
raine  ont  enrichi  les  faites  de  l'hiftoire  ; 
&  les  éloges  mérités  qu'on  lit  dans  les 
écrits  de  Ces  apologiftes-,  ne  me  iaiHènt 
plus  que  le  foin  de  jultifier  par  le  récit  des 
faits  qui  l'ont  immortalifee ,  l'enthoufiaime 
&  l'orgueil  que  le  fouvenir  de  fon  règne 
infpire  encore  à  la  nation  Angloife. 

Au  jugement  des  âmes  tendres  &  fen- 
fibles  ,  des  amis  de  l'humanité  ,  la  gloire 
d'Anne  éclipiè  celle  <$  Elisabeth.  Mais 
pour  ceux  qui  préfèrent  l'éclat  de  la  vic- 
toire aux  vertus  pacifiques  ,  la  pompe 
faftueufe  des  conquérans  à  la  bienfaifance 
des  rois  fages  &  modérés  ,  l'Angleterre 
n'a  point  eu  de  fouverain  qui  puiife  entrer 
en  parallèle  avec  Eli\abeth  ,  qui  réunit 
aux  talens  des  héros  les  vaftes  connoiflan- 
ces  qui  font  les  légiflateurs  :  ce  qui  doit 
encore  ajouter  à  l'admiration  de  la  pofté- 
rité  ,  ce  font  les  circonflances  où  fe  trou* 
voit  le  royaume  lors  de  fon  avènement 
au  trône  ,  c'efl  la  iituation  violente  &c 
pénible  de  la  nation  lors  de  la  mort  de  la 
fanguinaire  Marie.  Que  l'on  fe  repréfente 
l'Angleterre  énervée  ,  épuifée  par  les  folles 
dépenfes  &  les  caprices  tyranniques  de 
Henri  VIII  ;  agitée  ,  déchirée  par  le  choc 
des  radions  tbus  le  malheureux  Edouard  ; 
opprimée  ,  défolée  ,  flétrie  par  les  pros- 
criptions &  l'inflexibilité  de  Marie.  Que 
l'on  fe  repréfente  la  gloire  du  fceptre  ternie 
jpar  la  perte  de  plufieurs  villes  qui  étoient 


ïttf  E  L  I 

rentrées  fous  la  domination  françoifê ,  & 
par  les  fuccès  éclatans  des  Ecoftois  ,  qui , 
fournis  &  rremblans  autrefois  ,  avoient 
brifé  le  joug  ,  &  à  leur  tour  étoient  de- 
venus redoutables  en  s'alliant  avec  la 
France.  Enfin  ,  que  l'on  fe  reprefente 
l'Angleterre  prelTée  dans  le  même  temps  , 
au  dehors  par  fes  ennemis  ,  au  dedans 
par  l'abus  de  la  puiffance  royale  qui  ten- 
doit  au  defpotifme  le  plus  oppreilif ,  par 
les  fureurs  &  les  excès  les  plus  moni- 
trueux  de  l'intolérance  ;  foible  ,  accablée  , 
fans  appui  ;  &  l'on  verra  qu'il  ne  pouvoit 
y  avoir  qu'un  génie  élevé-,  un  efprit  vafle 
&  fécond  en  reffources  ,  une  fermeté 
inébranlable  ,  &  fupérieure  aux  obfïacles 
en  apparence  les  plus  inlurmontables  ;  en 
un  mot  ,  qu'il  n'y  avoit  qu'une  ame  au 
<lefïùs  du  commun  ,  qui  pût  arrêter  les 
iîéaux  qui  menaçoient  la  patrie  ,  réparer  Ces 
diigraces  parlées  ,  diilïper  les  malheurs  ac- 
tuels ,  &  s'oppofer  à  ceux  qui  fembloient 
annoncer  fa  ruine  prochaine.  Ces  talens 
fupérieurs  formoient  le  caractère  à'Eli- 
\abeth  ,  qui  forcée  de  fe  contraindre  pen- 
dant la  trop  longue  durée  du  dernier 
règne,  avoit  couvert  du  voile  de  l'indif- 
férence le  fenfible  intérêt  qu'elle  prenoit 
à  Poppreffion  des  peuples  ,  dont  elle  avoit 
juré  de  faire  le  bonheur. 

Fille  de  Henri  VIII  &  de  l'infortunée 
Anne  de  Boulen  ,  Elisabeth  née  le  8 
Septembre  1533,  avoit  d'abord  reçu  ,  par 
les  foins  &  fous  les  yeux  de  Henri  VIII , 
l'éducation  la  plus  brillante  :  l'étude  des 
belles-lettres  avoit  rempli  Ces  premières 
années  ;  &  le  goût  qu'elle  prit  pour  la 
littérature  ,  la  confbla  pendant  fa  jeunefîe 
de  la  dureté  de  l'efpece  de  prifon  où  la 
jaloufè  vigilance  de  Marie  fa  fœur  la  retint 
jufqu'au  dernier  jour  de  fon  règne.  Les 
ligueurs  outrées  de  Marie  &  fon  intolé- 
rance toujours  prête  à  porter  des  arrêts 
de  mort  ,  à  proferire  ,  à  envoyer  les 
Proteftans  fur  l'échafaud  ,  avoient  depuis 
long-temps  ulcéré  l'ame  compatifTante 
ai  Elisabeth  ,  qui  attribuant  par  erreur  le 
fanatifme  de  Marie  aux  dogmes  du  catho- 
licifme  ,  avoit  abjuré  en  fecret  la  religion 
dominante  ,  &  embrafTé  les  dogmes  du 
proteftantifme  :  mais  la  crainte  d'irriter 
la  dévotion  de  fa  fœur  3  lui  avoit  fait  dif- 


firnuîer  les  véritables  fentimens'f  &  cÏÏà 
étoit  reftée  catholique  en  apparence  ,  juf- 
ques  à  ce  que  raffurée  par  la  mort  de 
Marie ,  elle  leva  le  mafque  ,  en  montant 
fur  le  trône  ,  le  17  Novembre  1558,  & 
lé  déclara  hautement  proteftante  décidée. 
Les  premiers  foins  qui  l'occupèrent ,  fu- 
rent très-embarraffans  ,  par  les  grandes 
difficultés  qu'elle  eut  à  fùrmonter.  Elle 
avoit  en  même  temps  à  prendre  des  me- 
fures  contre  Henri  II  ,  roi  de  France  , 
qui  avoit  fait  déclarer  roi  d'Angleterre  le 
dauphin  fon  fils  ,  en  vertu  du  mariage  qu'il 
avoit  contraclé  avec  Marie  Stuart ,  rein© 
d'EcolTe  ;  &  à  écarter  les  prétentions  de 
Philippe  II ,  roi  d'Efpagne  ,  qui  paroiffoie 
déterminé  à  foutenir  fes  droits  ,  en  qualité 
d'époux  de  Marie  ,  dernière  reine  de  la 
Grande-Bretagne.  Mais  l'objet  le  plus 
important  étoit  de  commencer  par  affermir 
fa  puiffance  ;  &  dans  cette  vue  elle  fe 
rendit  à  Londres  ,  où  en  fe  faifant  cou- 
ronner folemnellement  par  l'archevêque 
d'Yorck  ,  elle  promit  de  défendre  la  re- 
ligion catholique  ,  &  de  conferver  les 
privilèges  des  églifes  ;  ferment  que  les 
circonllances  la  forcèrent  de  prononcer  , 
comme  le  célèbre  Guflave-Vafa  promet- 
toit  à-peu-près  dans  le  même  temps  , 
devant  les  états  de  Suéde  ,  de  reipeéter 
les  privilèges  abufifs  des  évêques  qui  ble£ 
foient  l'autorité  royale  ,  &  qu'il  fe  pro- 
pofoit  d'anéantir  auffi-tôt  que  le  temps  , 
î'occafion  ,  &  fur-tout  (es  fujets  plus  do- 
ciles pourraient  le  lui  permettre. 

Elisabeth  penfant  comme  Vafa  ,  fè 
conduifit  arec  autant  de  diffîmulation  ,  & 
fe  promit  en  fecret  de  violer  fes  fermens 
auffi-tôt  que  les  circonflances  lui  laiffe- 
roient  la  liberté  d'opérer  les  grands  chan- 
gemens  qu'elle  fe  propofoit  de  faire  dans 
toutes  les  parties  de  l'adminiflration. 

Cependant  ,  Philippe  II  ,  ambitieux  de 
réunir  le  feeptre  Anglois  à  la  couronne 
d'Efpagne  ,  fit  demander  la  main  d'i?//- 
\dbeth  par  le  comte  de  Féria  ,  fon  am- 
baffadeur  ;\  Londres.  Cette  propofition 
étoit  odieufe  à  la  reine ,  foit  par  la  haine 
infurmontable  qu'elle  avoit  pour  Philippe  , 
foit  à  caufe  de  la  différence  de  religion 
qui  rendoit  cette  union  incompatible  : 
mais  fa  finition  ne  lui  permectoit  point 


m  l  i 

de  dévoiler  {es  fentimens  :  l'amitié  de 
Philippe  étoit  alors  pour  elle  d'autant  plus 
importante  ,  qu'elle  ne  pouvoit  attendre 
la  ref finition  de  Calais,  que  du  zèle  &  de 
la  fermeté  que  montreroient  les  plénipo- 
tentiaires Efpagnols  dans  le  congrès  de 
Cateau-Cambrefis  :  elle  diffimula ,  donna 
une  réponfe  vague ,  prétexta  des  fcrupules 
fur  les  liens  de  parenté  qu'il  y  avoit  entre 
eux;  elle  montra  des  craintes  fur  les  dif- 
ficultés que  feroit  la  cour  de  Rome  ,  qui 
ne  confentiroit  jamais  que  le  roi  d'Ef pa- 
gne époufat  fucceffivement  les  deux  fœurs. 
Les  vrais  motifs  de  ces  détours  n'échap- 
pèrent point  a  Philippe ,  qui  ,  ofFenfé  du 
refus  ,  abandonna  les  intérêts  de  l'Angle- 
terre ,  &  fit  fa  paix  avec  la  France  ,  làns 
înfifler ,  comme  il  avoit  fait  jufqu'alcrs  , 
fur  la  reflitution  de  Calais  &  de  Guines. 
Elisabeth  peu  fenfible  à  cette  marque  de 
reffentiment  ,  ne  tarda  point  aufli  à.  faire 
avec  la  France  une  paix  avantageufe.. 
Dans  le  traité  que  les  miniflres  conclurent 
avec  ceux  de  Henri  II,  il  fut  fripulé  que 

fendant  huit  années  Calais  refteroit  aux 
rançois  ,  qui  remettroient  alors  cette  place 
à  l'Angleterre  ,  à  moins  que  pour  en  con- 
ferver  la  pofTeffion  ,  la  France  n'aimât 
mieux  payer  la  fomme  de  cinq  cents  mille 
écus  :  traité  qui  violé  trois  ans  après  par 
l'entreprife  des  Anglois  fur  le  Havre-de- 
Grace ,  afîûra  pour  jamais  à  la  France,  la 
pofTeffion  de  Calais. 

RafTurée  contre  les  projets  des  puiffan- 
ces  étrangères  ,  Elisabeth  fe  livra,  toute 
entière  aux  foins  du  gouvernement  ,  & 
fur-rtout  aux  moyens  d'achever  &  de  rendre 
fiable  l'établiffement  de  la  réformation.. 
Afin  que  rien  ne  s'oppofât  à  cette  grande 
innovation ,  elle  crut  que  les  plus  fages 
mefures  qu'elle  eût  à  prendre  '  contre 
i'Ecoffe  ,  gouvernée  par  les  princes  de 
Guife  lous  le  nom  de  la  régente  leur  fœur  , 
étoient  d'allumer ,  en  accordant  fa  pro- 
tection, aux  Proteflans  Ecoffois  ,  le  feu  de 
la  difcorde ,  qui  divifant  entr'eux  les  ha- 
bitans  de  ce  royaume  ,  les  mettroit  dans 
l'impuhTance  de  s'oppofer  à  l'exécution 
du  plan  de  la  réformation.  La  nouvelle 
doctrine  fit  des  progrès  auili  rapides  en 
Angleterre  qu'en  EcofFe.  Dans  ce  dernier 
royaume  y  la  récente  s'oppofa,   au  chan- 


gement  qui  s'opéroit  :  mais  ,  malgré  le 
lecours  d'un  corps  de  troupes  françoifes 
que  les  princes  de  Guife  lui  fournirent  , 
la  réformation  s'établit  par  les  foins  d'2î7z- 
^abethy  qui  s'en  étant  déclarée  protectrice, 
foutint  par  fes  armes  la  caufe  des  Pro- 
tellans. Mais  ,  tandis  que  par  les  confeils 
d'une  adroite  &  prévoyante  politique  % 
elle  faifoit  tourner  contre  l'EcofTe  même' 
l'orage  qui  eût  pu  s'y  préparer  contre  fa 
sûreté ,  il  s'en  formoit  de  plus  confidé- 
rables  &  de  plus  dangereux  en  France  r 
en  Efpagne  ,  à  Rome  ,  en  Irlande  ,  & 
jufques  dans  le  fein  de  l'Angleterre  même*. 
Marie  Stuart ,  qui  avoit  époufé  le  dauphin 
François  II ,  avoit  arboré  les  armes  d'An- 
gleterre ,  annonçant  par  cette  démarche 
le  defîein  où  elle  étoit  de  remonter  fur 
le  trône  de  fès  pères.  Irritée  contre  fa 
rivale  ,  Elisabeth  fe  ligue  fecrétement 
avec  les  Proteflans  de  France  ,  comme 
elle  s'étoit  liguée  avec  les  Protellans 
d'Ecoffe  ;  &  par  cette  prudente  confédé-- 
ration  ,  elle  mit  Marie  &  fon  époux  hors 
d'état  de  lui  nuire..  Ce  n'étoit  point  affez 
d'avoir  pris  des  mefures  contre  "l'Ecoflè- 
&  la  France  ,  il  relloit  encore  à  fe  défen— - 
dre  contre  un  redoutable  ennemi  ,  contre- 
Philippe  II,  qui,  moins  formidable  en- - 
core  par  fes  forces  de  terre  &  de  mer, 
qu'il  n'étoit  dangereux  par  les  infidieufes 
reffources  de  fa  politique  ,  ne  pouvoit 
pardonnera  la  reine  d'Angleterre  le  refus 
qu'elle  avoit  fait  de  Ces  propofitions.  Plein 
de  l'ambitieux  projet  d'occuper  feul  un 
trône  qu'on  n'avoit  pas  voulu  partager 
avec  lui  ,  il  n'attendoit  qu'une  réponfe 
favorable  de  la  cour  de  Rome  ,  perfuadé 
qu'aufîï-tôt  qu'iU'auroit  obtenue  ,'  tous  les. 
catholiques  s'emprefîèroient  de  fe  déclarer 
en  fa  faveur  ,  &  l'Irlande  fur-tout  ,  qui-' 
violemment  agitée  par  l'efprit  de  fanatifme 
&  de  rébellion  ,  refufoit  obflinément  de 
reconnoître  la.  fouveraineté.  de  la  reine:. 
d'Angleterre. 

Au  milieu  de  tant  de  dangers  ,  Elisabeth 
inébranlable  &  fupérieure  aux  complots 
&  aux  ligues  des  puiffances  ennemies  & 
des  factions  intérieures  ,  eut  recours  à  un 
moyen  qui ,  pour  être  de  la  plus  facile 
exécution  &  du  fuccès  le  plus  infaillible , 
n'en  eil  pas  pour  çeia  glus  fauvenjt  sic  in* 


ir8  E  Lï 

par  la  plupart  des  fouverains  :  ce  mrôyen 
fur  de  fe  concilier  la  confiance  des  citoyens 
par  fa  douceur ,  fa  bienfaisance  ,  &  prin- 
cipalement par  fon  attention  à  fupprimer 
d'anciens  impots  ,  &  à  ne  pas  permettre 
qu'on  en  établît  de  nouveaux.  Afin  de 
foutenir  ce  rare  '  défintéreffement  ,  elle  fè 
retrancha  toutes  les  dépenfes  fuperflues  , 
&  porta  l'économie  tout  auffi  loin  que  îa 
décence  &  la  dignité  de  fon  rang  pou- 
voient  le  lui  permettre.  A  cette  modéra- 
tion fi  rare  &  fi  différente  de  la  pompe 
fafmeufe  &  de  la  prodigalité  de  fès  pré- 
déceffeurs  >  elle  joignit  un  zèle  adif  & 
fou  tenu  pour  la  juftice  ,  publia  d'utiles 
réglemens  ,  mit  en  vigueur  les  anciennes 
ordonnances  ,  abolit  les  abus  qui  s'étoient 
introduits  ,  &  ne  négligea  rien  de  ce  qu'elle 
crut  propre  à  afîurer  le  bien  public  ,  &  à 
lui  concilier  le  refped  ,  l'eftime  &  l'atta- 
chement de  fès  peuples. 

Cependant  la  régente  d'EcofTè  ,  fécon- 
dée par  la  France  ,  preffoit  avec  vivacité 
Içs  Protefkns  »  qui  >  pour  fe  foutenir  , 
n'avoient  eu  jufqu'alors  que  les  fècours 
très-foibles  qu'Elisabeth  leur  fourniffok 
en  fecret.  Leur  fituation  devint  fi  vio- 
lente ,  que  la  reine  d'Angleterre  penfa 
qu'il  étoit  de  fà  gloire  de  défendre  hau- 
tement la  caufe  qu'elle  avoit  embraffée  , 
&  de  foutenir  par  la  force  des  armes  les 
Proteftans  Ecoffois.  Les  grands  préparatifs 
qu'elle  fit ,  étonnèrent  la  France ,  qui  lui 
fit  propofer  la  reftitution  de  Calais  ,  fi 
elle  vouloit  abandonner  les  rebelles  d'E- 
cofle.  Trop  généreufe  &  trop  fiere  pour 
accepter  une  propofirîon  qui  bleffoit  fa 
grandeur  d'ame  ,  Elisabeth  la  rejeta  ;  & 
la  paix  ne  fut  établie  que  lorfque  la  ré- 
gente eut  ftipulé  que  les  Proteftans  joui- 
roient  en  Ecoffe  de  tous  les  droits  de 
citoyens  ,  &  que  Marie  Smart  ,  ainfi  que 
François  II ,  fon  époux  ,  renonceraient  à 
leurs  prétentions  fur  l'Angleterre.  Cette 
paix  irrita  vivement  le  roi  d'Efpagne  , 
ennemi  déclaré  du  protefrantifme  ,  &  qui 
parut  fé  préparer  à  déclarer  la  guerre  à 
l'Angleterre. 

Pendant  qu'Elisabeth  fè  difpofoit  à 
prévenir  les  delfeins  du  roi  d'Efpagne  , 
îa  mort  de  François  II  obligea  Marie 
jfJtuart    fa    veuve  ,  qu'aucun   engagement 


E   L   ï 

ne  rerenoit  plus  en  France,  de  fe  rendre' 
dans  fes  états,  où  fa  beauté,  fès  grâces  r 
&  le  defir  que  fes  fujets  avoient  ce  la 
revoir  ,  excitèrent  la  joie  publique  :  jeune  r 
ingénieufè  &  reine  ,  elle  ne  tarda  point  à 
recevoir  les  vœux  de  plufieurs  princes  de 
l'Europe  qui  aipirerent  à  fa  main.  Parmi 
fes  adorateurs  fe  diiîinguoit  fur-tout  le 
duc  d'Autriche,  appuyé  par  les  princes 
de  Guife  ,  qui  preffoient  leur  nièce  de 
lui  donner  la  préférence.  L'imprudente 
Marie  refufa  fon.  confentement  avant  que 
d'avoir  confulté  la  reine  Elisabeth.  Celle- 
ci  qui  haïffoit  Marie  ,  mais  moins  encore 
qu'elle  ne  déteftoit  la  maifon  d'Autriche  r 
diffuada  Marie  de  cette  alliance  ,  &  lui 
propofa  pour  époux  mylord  Dudlay  fon 
favori  ,  feigneur  Anglois  ,  depuis  long- 
temps dévoué  aux  intérêts  de  fa  fouve— 
raine.  Marie  n'époufa  ni  l'archiduc  ,  ni 
Dudlay;  elle  fe  décida  tout-à-coup  ,  8e 
par  une  de  ces  paillons  de  caprice  aux- 
quelles elle  n'étoit  que  trop  fujette  ,  pour 
le  comte  de  Darley  fon  parenr.  Cette 
union  qui  eut  des  fuites  fi  funeftes  ,  ne 
fit  qu'ajouter  à  la  haine  d'Elisabeth ,  qui 
ne  put  faire  alors  éclater  fon  refïèntiment  y 
trop  occupée  à  foutenir  la  guerre  contre 
la  France  ,  de  concert  avec  les  Proteftans- 
Car  ceux-ci  commençant  à  égaler  en  force 
les  Catholiques  ,  avoient  reconnu  pour 
leurs  chefs  le  prince  de  Condé  &  l'amiral 
de  Coîîgny.  Mais  Marie  elle  -  même  ne 
tarda  point  à  venger  Elisabeth  ,  par  le 
tort  irréparable  que  lui  firent  à  elle  -  même 
fon  inconduite ,  &  les  égaremens  de  fa 
honteufe  paflion  pour  Rizzo  ,  italien  de 
la  plus  obfcure  naiffance.  Cet  homme 
vil  ,  malgré  fa  baffeffe  &  fa  difformité  , 
avoit  infpiré  à  Marie  un  amour  fi  violent , 
que  le  roi  ne  pouvant  fe  diffimuler  l'éclat 
de  cette  intrigue,  vengea  l'outrage  fait  à 
la  majefté  royale  ,  en  faifant  poignarder 
l'adultère  Rizzo  dans  les  bras  même  de 
fon  amante.  Marie  auffi  violente  dans  fon 
relTentirnent  qu'elle  l'avoit  été  dans  fon 
amour  ,  fe  lia  ,  foit  par  goût  ,  foit  pour 
afïùrer  fa  vengeance  ,  avec  le  comte  de 
Bothwel ,  le  plus  lâche  &  le  plus  fcéiérat 
des  hommes  i  elle  vécut  bientôt  avec  lui 
comme  elle  avoit  vécu  avec  Rizzo  ,  & 
i  lui    promit   de   l'époufer    aufïi  -  tôt    qu'il 

l'aurait 


ELI 

Pauroit  délivrée  de  fon  époux.  Bothvel 
remplit  dans  peu  de  jours  cette  affreufe 
condition  :  il  étrangla  fon  maître  de  Tes 
propres  mains  ,  &  afin  de  cacher  fon 
crime,  il  fit  fauter  en  l'air  le  cadavre, 
au  moyen  de  quelques  barils  de  poudre 
qu'il  avoit  fait  placer  au  defîbus  de  la 
chambre  où  il  venoit  de  commettre  cet 
aiTàfïïnat.  Mais  cette  précaution  ne  trompa 
point  le  peuple  ,  qui  connoifTant  famé 
féroce  de  Bothwel  ,  fes  vues  ambitieufes 
&  fa  nouvelle  pafîion  ,  ne  chercha  point 
ailleurs  l'auteur  de  cet  horrible  parricide. 
D'ailleurs  ,  quand  les  fentimens  euffent 
pu  être  partagés,  Marie  eût  elle-même 
confirmé  les  foupçons  ,  lorfque  très- peu 
de  temps  après  on  la  vit  fe  marier  publi- 
quement avec  l'infâme  Bothwel.  Dès  ce 
moment ,  Marie  fut  généralement  abhor- 
rée ;  l'EcofTe  entière  entra  dans  la  conju- 
ration qui  fe  forma  contre  elle.  Ses  fujets 
prirent  les  armes  ,  &  la  contraignirent 
d'abdiquer  la  couronne  ,  en  faveur  d'un 
fils  unique  encore  au  berceau,  qu'elle  avoit 
eu  du  comte  de  Darley.  Elle  nomma  le 
comte  de  Murrai  _,  fon  freie  naturel  , 
régent  du  royaume  pendant  la  minorité 
du  jeune  fouveiain  ,  &  crut  ,  en  acceptant 
ces  dures  conditions  ,  fauver  du  moins  fa 
vie  &  fa  liberté  :  mais  fes  crimes  avoient 
trop  violemment  foulevé  fes  fujets ,  elle 
fut  enfermée  dans  un  fort,  d'où  s'étant 
évadée  après  un  an  de  captivité ,  elle  tenta 
de  remonter  fur  le  trône  :  mais  la  petite 
troupe  qu'elle  avoit  r?ffemblée  ,  fut  bat- 
tue ,  mife  en  fuite  par  le  régent  ;  &  Marie 
fe  vit  abandonnée  de  tout  le  monde  ,  & 
même  du  lâche  Botrnvel  qui  s'étoit  réfugié 
enDanemarck,  où  il  vécut  dans  le  me* 
pris  ,  &  mourut  dans  l'indigence.  Marie 
fon  époufe  ,  croyant  fa  vie  menacée  en 
Ecofle  ,  fe  retira  fur  les  côtes  d'Angle- 
terre ,  &  envoya  demander  à  Elisabeth 
un  afyîe  dans  fes  états.  La  reine  d'Angle- 
terre facrifiant  fa  générofité  naturelle  à 
l'atroce  plaifir  de  fe  venger  d'une  rivale 
humiliée  ,  oublia  que  Marie  étoit  reine 
comme  elle  ,  malheureufe  &  fuppliante: 
elle  la  fit  renfermer  à  Turbury  ,  d'où  , 
quelques  mois  après  ,  elle  fut  transférée  à 
Cowentry  ,  place  forte  fituée  au  centre  de 
l'Angleterre  ,  où  l'infortunée  Marie  fut  fi 
Tome  XII. 


ELI  T29 

étroitement  enfermée  ,  qu'elle  perdit  juf- 
qu'à  l'efpérance  de  s'évader. 

Paiïbns  rapidement  fur  les  procédés 
iniques  ftEli^ibeth  envers  Marie  :  ces  faits 
font  trop  connus  pour  que  je  penfe  devoir 
m'y  arrêter  :  je  dirai  feulement  que  les 
moyens  employés  par  Elisabeth,  n'étrillent 
fa  mémoire  :  je  dirai  que  Marie  plus  im- 
prudente que  coupable  ,  &  comptant  trop 
fur  le  nombre  de  fes  partifans  ,  eut  toit 
de  fe  liguer  avec  les  chefs  de  la  conjura- 
tion qui  fe  forma  contre  la  reine  d'An- 
gleterre ,  &  de  répondre  ,  du  fond  de  fa 
prifon  ,  aux  diverfes  propofitions  &  aux 
brillantes  efpérances  qu'on  lui  donnoit.  Je 
conviendrai  encore  que  Marie  étoit  cou- 
pable des  plus  honteux  débordemens  & 
du  plus  horrible  des  crimes  ,  de  l'afîaiïi- 
nat  de  fon  époux  ;  mais  enfin  ,  Marie 
étoit  l'égale  &  non  la  fujette  $Eli\ibethi 
celle-ci  en  fe  vengeant ,  méconnoiflbit 
fes  propres  intérêts  ;  elle  compromet- 
toit  les  privilèges  attachés  au  rang 
qu'elle  occupoit  ,  &  elle  aviliilolt  de  la 
plus  étrange  manière  les  droits  facrés  de 
la  royauté. 

Tandis  qu'Envahit  h  éteignoit  dans  le 
fang  de  Marie  la  haine  que  cette  fouve- 
raine  coupable  &  malheureufe  lui  avoit 
infpirée  ,  Charles  IX  &  la  France  égarés 
par  le  fanatifme  ,  ofFroient  à  l'Europe 
étonnée  le  fpecb.cledu  mafïacre  âe->  Protef- 
tans, indignement  trompés  par  Catherine  de 
Médicis  ,  égorgés  par  leur  prince  &  leurs 
concitoyens.  Afin  d'amener  plus  facile- 
ment les  Protefîans  dans  le  piège  infernal 
que  Catherine  leur  avoit  préparé  ,  Charles 
IX  affecta  de  rechercher  avec  emprefTe- 
ment  l'alliance  d'une  reine  proteftante  , 
&  il  porta  fa  noi~e  diiîimuiation  jufques 
à  faire  demander  la  main  Ck'Eli\abeth 
pour  le  dire  d'Alençon.  Moins  perfide  que 
Charles  ,  mais  plus  politique  encore  ,  EU" 
\abeth  difïimuîa  avec  art ,  parut  écouter 
volontiers  cette  propofîtion  ,  &  fournit  en 
même  temps  des  fecours  d'armes  &  d'ar- 
gent aux  Proteftans  François  proferits ,  &: 
foulevés  contre  leur  prince  par  le  maiTàcre 
de  leurs  frères.  Lorfqu'à  fon  tour  Elisabeth 
n'eut  plus  rien  à  craindre  ,  foit  du  côté 
de  la  France  ,  foit  du  côté  de  l'EcofTe  , 
ou  relativement  à  la  reine  Marie  ,   elle) 

R 


130  ELI 

termina  par  le  refus  le  plus  abfoln  ,    la 
négociation  entreprife  pour  fon  mariage 
avec  le  duc  d'Alençon  ,  &  répondit  qu'elle 
vouloit  vivre  &  mourir  célibataire.  Toute- 
fois ,  ni  la  moit  de  Marie  ,  ni  les  troubles 
qui  agitoient  la  France ,  ni  la  foumifTion  des 
EcoîTois  ne  laifToient  point  \ov\vEli\abeth 
d'une  fécurité  parfaite  :    il   lui  reftoit  à 
craindre  un   ennemi  puifTant  ,    un  rival 
d'autant  plus  formidable  ,  qu'à  des  forces 
fupérieures  ,  à  l'éclat  de  fes  vi&oires  ,  il 
unifToit  une  profonde  politique ,  une  habi- 
leté rare  ,  une  ambition  outrée  ,    &  une 
haine  perfonnelle  &  implacable  contre  la 
reine  d'Angleterre  :  cet  ennemi  fi  redou- 
table étoit  Philippe  II  ,  qui  ,  toujours  en- 
flammé du  defir  de  monter  fur  le  trône 
d'Angleterre  ,  en  vertu  des  droits  que  lui 
donnoit  fa  defcendance  de  la  maifon  de 
Lancafrre  ,    profita  avec  adrefle  du  mé- 
contentement des  Catholiques  ,  &  de  l'im- 
preflion    qu'avoit   fait    fur    eux    la  mort 
tragique  de  Marie.    Afin  de  s'afTurer  du 
fuccês   de   fes  vaftes   projets  ,    Philippe 
demanda  &  obtint  de  Sixte-Quint  ,   qui 
remplifïbit  alors  le  fiege  pontifical  ,   une 
bulle ,  par  laquelle  il  excommunioit  la  reine 
Elisabeth  ,  ordonnoit  aux  Anglois  catho- 
liques de  fecouer  le  joug  ,  de  dtfarmer  la 
colère  célefte  ,   expier  leurs  péchés  ,  & 
s'aflurer  le  paradis  ,  en  fe  baignant  dans 
le  fang  de  leurs  concitoyens  attachés  au 
proreftantifme  ,  &  donnoit  à  Philippe  l'in- 
veftiture  du  royaume  d'Angleterre.  Dans 
tout  autre  temps  ,  cette  bulle  eût  opéré 
fans  doute  les   plus  grandes  révolutions: 
mais  le  defpotiime  opprefîif  du  pouvoir 
pontifical  avoit  éclairé  les  rois  &  les  na- 
tions fur  leurs  vrais  intérêts.    Elisabeth 
méprifa  la  bulle  de  Sixte-Quint ,  fe  rit  de 
fes  menaces,  &  ne  s'attacha  qu'aux  moyens 
d'éloigner  des  côtes  britanniques  l'ambi- 
tieux Philippe  ,  qui  ne  doutant  point  du 
fuccèb  de  fes  projets  d'invafion  ,  avoit  fait 
forrir  de  fes  ports  ,  fous  les  ordres  du  duc 
de  Medina-Celi ,  la  flotte  la  plus  formi- 
dable oui  eût  encore   paru  fur  l'Océan  : 
elle  étoit  compofée  de  150  gros  vailTeaux 
de  guerre  ,  montés  de   19000  hommes  & 
de  1230  pièces  de  canon  :  à  cette  armée 
navale  devoit  fe  réunir  une  flotte  de  Flan- 
dre ,    fur  laquelle  devoit  s'embarquer  le 


EL  I 

duc  de  Parme  avec  une  armée  de  30000 
hommes. 

Ces  forces  réunies ,  loin  de  déconcertée 
Elisabeth  ,  ne  firent  au  contraire  qu'ajou- 
ter à  fa  vigilance  &  à  fon  adivité.  Pou* 
s'oppofer  à  la  defeente  des  Efpagnols , 
elle  avoit  fur  les  côtes  une  armée  deb'0000 
hommes  ,  &  la  mer  étoit  gardée  par  ur.e 
petite  flotte  qui  avoit  pour  amiral  Howard 
duc  d'Efhngam  ,  &  pour  vice-amiraux  les 
fameux  Drack  ,  Hawkin  &  Forbisher  , 
officiers  intrépides ,  &  qui  s'étoient  déjà 
fîgnalés  plufieurs  fois  contre  les  Efpagnols. 
L'amiral  de  Philippe  entra  librement  dans 
la  Manche  ;  mais  il  ne  put  y  être  joint  , 
comme  il  s'y  attendoit ,  par  la  flotte  du 
duc  de  Parme  ;  &  à  peine  il  fe  fut  engagé 
plus  avant ,  qu'il  eut  à  combattre  tout  à 
la  fois  contre  les  vents  qui  devinrent 
contraires  ,  contre  les  rochers  où  fes  vaif- 
feaux alloient  frapper ,  &  contre  les  An- 
glois qui  ,  profitant  habilement  des  cir- 
conflances  ,  triomphèrent ,  après  quelques 
momes  de  combat  y  de  cette  énorme 
flotte.  Tous  les  vailTeaux  Efpagnols  furent 
pris  ,  coulés  à  tond  ou  brifés  contre  les 
rochers  ;  en  forte  qu'il  n'en  échappa  aux 
vainqueurs  que  deux  ou  trois  ,  qui  eurent 
la  plus  grande  peine  à  arriver  ,  défemparés 
&  hors  d'état  de  fervir  davantage  ,  dans 
les  ports  d'Efpagne. 

Cette  victoire  fut  le  premier  a&e  de 
vengeance  c\w"Eli\abeta  juftement  irritée 
exerça  contre  Philippe  II ,  dans  les  états 
duquel  elle  porta  le  feu  de  la  guerre  , 
tandis  que  l'intrépide  Drack  &  le  che- 
valier de  Nowis  furprenoient  la  Corogr.e  , 
incendioient  la  ville  balle  ,  s'emparoient 
des  vailTeaux  qui  étoient  dans  le  port  , 
battoient  la  garnifon  Efpagnole  ,  &  al- 
loient fur  le  Tage  y  fignaler  leur  valeur 
par  les  mêmes  exploits.  Peu  fatislaite 
encore  ,  2  li\abeth ,  afin  d  humilier  l'en- 
nemi qui  l'avoir  forcée  de  s'armer  ,  fe 
ligua  avec  Henri  IV  ,  &  détourn a  les  coups 
que  l'Efpagne  &  Mayenne  fe  flattoient  de 
porter  à  la  liberté  françoife.  Irritcde  la 
réfiffance  que  l'Angleterre  oppofoit  à  fes 
entreprifes  ,  Phili ope  ne  pouvant  foumet- 
tre  par  la  force  la  fiere  Elisabeth  ,  eut 
recours  à  la  plus  odieufe  des  voies  ;  il 
corrompit  par  fes  ambaffadeurs  le  premier 


ELI 

médecin  de  la  reine,  que  îe  traitfe  ébloui 
par  une  promefTe  de  50000  écus,  s'engagea 
d'empoifonner.  Mais  le  complot  fut  dé- 
couvert peu  de  temps  avant  fon  exécu- 
tion ,  &  le  perfide  médecin  fut  avec  fes 
complices ,  attaché  au  gibet.  La  décou- 
verte de  cette  trame  honteufe ,  qui  eût 
dû  décourager  Philippe  II,  ne  fit  que  l'at- 
tacher encore  pins  étroitement  au  projet 
qu'il  avoit  formé  de  réduire  l'Angleterre; 
&  pendant  qu'il  faifoit  les  plus  grands  pré- 
paratifs pour  une  nouvelle  expédition  ,  il 
fomenta  en  Irlande  une  révolte  des  Ca- 
tholiques contre  les  proteftans ,  &  contre 
la  puiflance  légitime  &  Elisabeth.  Tandis 
qu'encouragés  par  le  fecours  de  l'Efpagne, 
les  Catholiques  Irlandois  portoient  de  pro- 
vince en  province  le  feu  de  la  rébellion  , 
une  énorme  flotte  Efpagnole  s'avançoit 
vers  les  côtes  Britanniques  ,  &  y  touchoit 
déjà  ,  lorfque  les  éiémens  fervant  Eliza- 
betn  plus  efficacement  que  ne  l 'enflent  fait 
fes  armées  ,  ruinèrent  totalement  cette 
flotte  ,  dont  les  vaifleaux  furent  prefque 
tous  brifés  ou  fubmergés.  Ainfi  le  roi 
d'Efpagne  ne  retira  de  cette  grande  entre- 
prife,  que  le  regret  &  la  honte  de  s'être 


£  L  î  rj* 

bontés  $Eli\abeth,  &  plus  indigne  encore 
d'occuper  un  rang  diftingué.  L'armée  qu'il 
conduifit   en  Irlande   étoit  la  plus  belle 
&  la  plus  aguerrie  qu'on  eût  encore  vue 
en  Angleterre  ;  &  pour  vaincre  ,  il  ne  lui 
manquoit  qu'un  général  courageux  &  plus 
habile  que  le  comte  d'Eflèx.  Il  n'eut  que 
de  foible  fuccès  ,  dont  il  ne  fut  pas  même 
profiter.  Cependant  il  étoit  le  favori  d'JE1- 
li\abeth.   La  nation  Angloife  fe  plaignit 
hautement  de  la  complaifance  de  la  reine, 
&  des  fautes  multipliées  du  comte  d'Eflex. 
Le   mécontentement   devint  fi    général  , 
Qx\Eli\abeth  rappella  le  comte.  Celui-ci 
ne  doutant  point  desfentimens  de  la  reine, 
fe   juftifia  aifément  devant  elle.    Mais  à 
peine   fut-il  retourné  en   Irlande ,  qu'au 
lieu  d'agir  contre  les    ennemis ,  il  entra 
en  conférence  avec  le  comte  de  Tiron,  chef 
des  mécontens  ,  fans  en  rien  communiquer 
au  confeil  de  guerre.  Cette  démarche  fut 
prife  pour  une  trahifon.  Il  fut  accufé  ;  mais 
au  lieu  de  venir  à  la  cour  rendre  compte 
de  fa  conduite  ,  il  leva    le    mafque ,    & 
tâcha  ,  autant   qu'il  fut  en  lui ,  d'exciter 
une   fédition    dans   Londres  ,   réfolu    de 
perdre  la  vie  ,  ou  de  gagner  une  couronne 


vainement  donné  en  fpe&acle  à  l'Europe,  j  par  la  plus  criminelle  ufurpation.   Il  fut 
Une  reftoit  plus  à  Theureufe  Elisabeth    arrêté  en  Irlande  ,  amené  en  Angleterre  , 

enfermé  â  la  Tour  ,   jugé  ,  condamné   à 


que  les  Catholiques  Irlandois  à  foumettre; 
la  reine  confia  le  commandement  de  l'ar- 
mée qu'elle  envoya  contre  eux,  au  comte 
d'Eflex  ,  qui  depuis  quelque  temps  avoit 
fupplanté  le  comte  de  Leicefter  dans  le 
cœur  de  la  reine.  Qui  ne  connoîtroit  le 
célèbre  comte  d'Eflèx  que  par  le  portrait 
impofant  qu'en  a  fait  Thomas  Corneille, 
le  regarderoit  fans  doute  comme  l'un  des 
plus  habiles  généraux  qtû  aient  illuftré 
l'Angleterre  ,  comme  un  homme  ambi- 
tieux ,  mais  d'ailleurs  refpectable  par  les 
plus  rares  qualités  ,  &  fur-tout  par  le 
plus  brillant  héroïfme  ;  mais  il  n'y  eut 
jamais  aucun  trait  de  reflemolance  entre 
îe  véritable  comte  d'Eflex  &  le  héros  de 
fanraihe  que  Corneille  imagina  de  montrer 
fur  la  fcene  franc oife.  Ce  trop  fameux  comte 
d'Eflex  n'étoit  qu'un  homme  ingrat ,  un 
homme  vain, préfomptueux, plein  de  projets 
extravagans ,  violent  fans  valeur ,  emporté 
fans  courage  ,  mauvais  foldat  ,  général 
fans  talens  ,  perfide  citoyen  ,  indigne  des 


perdre  la  tête  ,  &  1'  rrêt  fut  exécuté.  On 
afTure  que  l'effort  c^Eli\abeth  fit  fur  elle- 
même  pour  ligner  cette  fentence  de  mort, 
abrégea  le  cours  de  fa  vie  :  car  on  ne 
doutoit  point  qu'elle  n'eût  eu  les  plus 
tendres  fentimens  pour  cet  ingrat  ;  &  l'on 
prétend  que  ce  ne  fut  que  pour  dérober 
au  public  la  honte  d'un  tel  attachement , 
qu'elle  parut confentir  à  envoyer  fon  lâche 
amant  fur  l'échafaud.  Quoi  qu'il  en  foit  , 
victorieufe  de  Philippe  II  ,  refpectée  de 
fes  peuples ,  admirée  de  l'Europe  ,  EU- 
\j.beth  que  la  mort  du  comte  d'Eflèx  avoit 
pénétré  de  douleur  ,  fentit  fa  fin  appro- 
cher ,  &  ne  parut  point  délirer  de  reculer 
le  terme  de  fes  jours  :  un  engourdifiement 
qui  s'étoit  emparé  de  fes  membres ,  & 
qui  la  privoit  même  de  l'ufage  de  la  pa- 
role ,  la  mit  au  tombeau  ,  dans  la  ?Oe- 
année  de  fon  âge  ,  &  la  44e-  année  de  fo» 
règne.  Elle  nomma  Jacques,  roi  d'Ecofle* 
&  fils  de  Marie ,  pour  lui  fuccédex. 

R  a 


iji  ELI 

La  reine  Anne  ne  chercha  qu'à  fe  faire 
aimer  de  Tes  fujets ,  qu'à  fe  faire  eftimer 
des  puiiTances  étrangères  :  Elisabeth,  moins 
tendre  qu'ambitieufe  ,  voulut  régner  par 
elle-même  ,  &  voir  jufqu'à  quel  point  elle 
pourroit  fe  rendre  maîtiefte  de  fes  peuples 
qu'elle  tint  dans  la  fou  million  ,  tandis  que 
par  fes  peuples  mêmes  elle  tenoit  fes  voiiins 
&  fes  ennemis  dans  la  crainte.  Ses  vues 
ne  furent  point  de  conquérir ,  mais  d'em- 
pêcher qu'on  attentât  à  fes  poffeiTions  , 
çu  à  la  plénitude  de  fa  puiflince  ,  qu'elle 
fut  conferver  &:  augmenter  même  par  les 
reflburces  de  fa  politique  &  par  la  terreur 
de  fes  armes.  Ceft  à  ce  defir  feul  de  gou- 
verner &  d'occuper  le  trône  fans  partage  , 
&  non  comme  l'a  répété  Moréri  d'après 
les  ridicules  vidons  de  quelques  mauvais 
annaliftes ,  aux  confeils  de  fon  médecin  , 
qu'il  faut  attribuer  l'éloignement  $  Elisa- 
beth pour  les  nœuds  du  mariage.  Elle  ne 
refufa  aucun  des  princes  qui  afpirerent  à 
fa  main  ,  mais  elle  n'en  accepta  aucun  ;  & 
il  elle  répondit  d'une  manière  favorable  à 
Philippe  II ,  aux  ducs  d'Anjou  &  d'Alen- 
çon  ,  à  l'archiduc  d'Autriche ,  &  au  fils 
<lu  roi  de  Suéde  ,  elle  ne  leur  donna  des 
efpérances  qu'autant  qu'elles  fervoient  aux 
delTeins  de  fa  politique.  Elle  fuyuic  le  ma- 
riage ,  parce  qu'elle  ne  vouloir  ni  maître 
ni  égal  :  du  relie ,  l'on  allure  qu'elle  ne  fut 
rien  moins  qu'inaccefîible  à  la  tendreilè: 
mais  fes  foiblelles  ,  fi  elle  en  eut ,  n'écla- 
tèrent jamais  ;  &  fi  elle  donna  fon  cœur, 
elle  g.irda  fa  puiffance  pour  le- bonheur  de 
fes  fujets  &  la  gloire  de  h  nacrai.  (Z.  C.) 

ELLE  ,  (  Gran.  )  pronom  relatif 
féminin  ,  fur  lequel  il  ne  fera  pas  inutile  de 
dire  un  mot  en  faveur  des  étrangers  qui 
étudient  notre  langue. 

Il  eft  certain  ,  comme  l'a  rem  rqué  le 
P.  Bouhours  ,  que  elle  au  nominatif  ne 
convient  pas  moins  à  la  chofe  qu'à  la  per- 
fonne;  &  que  Ion  dit  également  bien  dune 
maifon  &  d'une  femme  ,  elle  eft  agréable  : 
mais  dans  les  cas  obliques,  elle  ne  convient 
pas  à  la  chofe  comme  à  h  perfonne ,  &  on 


ELL 
auffi  en  parlant  d'une  vidoire  ,  j'ai  fait  un 
d '/cours  fur  elle;  on  diroit  bien  néanmoins, 
une  aclion   de  cette  importance   traîne' de 
g:  and.  s  avantages  après  elle. 

Quoiqu'il  n  y  ait  proprement  que  l'ufage 
qui  puille  nous  inftruire  à  fond  la-deflus, 
&  qu'il  foit  difficile  de  rendre  raifon  pour- 
quoi l'un  fe  dit  plutôt  que  l'autre  ,  on  peut 
cependant  marquer  quelques  cccaiions,  eu 
elle  fe  met  fort  bien  dans  les  cas  obliquer. 
Par  exemple  : 

i°.  Quand  la  chofe  fe  prend  pour  une 
perfonne  \fil&  vertu  paroijfoit  à  nos  yeux 
avec  toutes  fes  grâces  ,  nous  ferions  tous 
charntés  d'elle.  zu.  Quand  le  mot  elle  eft 
entrelacé  dans  la  période  &  ne  finit  point 
le  ciifeours  :  ainfl  je  pourrois  dire  alors  en 
parlant  de  la  Philofophie  ,  de  toutes  les 
Sciences  c'eft  la  plus  utile  y  ceft  d'elle 
que  les  honmes  ont  appris  d  vivre  y  ceft 
à  elle  qu'ils  doivent  leurs  plus  belles  con- 
noijjances.  30.  Le  pronom  elle  peut  finir 
le  difeours ,  quand  la  phrafe  qu'on  emploie 
a  rapport  aux  perfonnes.  Il  ne  faut  pas 
s'étonner ,  dit  M.  de  la  Rochef  jucaulr,  en 
parlant  de  l'amour  propre  ,  s'il  fe  joint 
quelquefois  à  la  plus  rude  auft/rité ,  6*  s'il 
entre  Ji  nardimenc  en  fociété avec  elle.  Le 
même  écrivain  a  pu  dire,  félon  ce  principe: 
la  Philofophie  triomphe  ai fé ment  des  maux 
pajfe's  &  de  ceux  qui  ne  font  pas  prêts 
cC  arriver  y  mais  les  maux  préfens  triom- 
phent <i'elle.  Bjuhours  y  Remarques  fur  la 
languefranyoife.  Article  de  M.  le  Chevalier 

DE  JAUCOURT. 

ELLEBORE  ,  (Botaniq.)  veratrum  3 
plante  médicinale  ,  éméiique  &  cath  irti- 
que  ,  dont  les  botaniftes  ont  établi  deux 
genres  fous  le  nom  à' ellébore  blanc  ,  & 
d'ellébore  noir.  Nous  allons  pailer  de  ces 
deux  genres  &  de  leurs  efpeces.  Commen- 
çons par  X ellébore  blanc,  dont  voici  les 
caractères. 

V ellébore  blanc  eft  d'un  genre  de  plante 
à  fleur  en  rofe  ,  compose  de  pîulieurs 
pétales  difpofés  en  rond  ,  du  milieu  defquels 
il  fort  un  piftil  qui  devient  dans  la  fuite  un 


ne  diroit  pas  en  parlant  d'un  homme  à  qui    fruit  y  dans  lequel    il   y  a  ordinairement 


la  philofophie   plairoit  extrêmement  ,  il 

s'attache  fore  à  elle  ,  il  ejl  charmé d'elle  y 

il  iaut  cire  pour  bien  parler,  il  s'y  attacàe 

fort }  il  en  eft  charmé.  On  ne  diroi:  pas  | 


trois  gaines  membraneufes  raftl-mblées  en 
bouquet ,  dans  lefquelles  il  y  a  des  femences 
oblongues  qui  reftemblent  à  des  graines  de 
îrome  if  .  &  qui  font  bordées  6:  pour  ainfl 


EL  L 

dire    entourées    par  une    petite  feuille. 

Tournef.  infl.  reiherb.  Voye\ PLANTE. 
On  diftingue   en  Botanique   les   deux 

efpeces  fuivantes  hellébore  blanc. 

i°.    Veratram  flore  Jubi-iridi ,  J.  R.  H. 

Helleborus  albus  fl.re  fubviridi  ,   C.  B. 

P.  &c. 

2*.    V~erj.tr um  flore  atro  rubente ,   J.  R. 

H.  Helleborus  aLbus  flore  atr*  rubente ,  C. 

B.  P.  &c. 

La  première  efpece  poufTe  une  tige  haute 

de  plus  d'une  coudée  ,  cylindrique ,  droite , 
ferme  ,  de  laquelle  nai fient  des  feuilles 
placées  alternativement  de  la  figure  de 
celles  du  plantin  ou  de  la  gentiane  ,  de 
la  longueur  de  deux  palmes  ,  prefque 
aufii  larges  ;  toutes  ftriées  &  comme 
plifie'es  ,  un  peu  velues ,  d'un  verd  clair , 
un  peu  roides  &  entourant  la  tige  par 
leur  bafe  ,  qui  eft  en  manière  du  tuyau. 
Depuis  environ  le  milieu  de  la  tige  jufqu'à 
fon  extrémité' ,  fortent  des  grappes  de 
belles  fleurs ,  compofées  de  fix  pétales 
difpofée,  en  rofe  ,  d'un  verd  blanchâtre: 
au  milieu  font  fix  étamines  environnant  le 
piftil  ,  qui  le  change  enfuite  en  un  fruit , 
dans  lequel  font  ramalTées  en  manière  de 
tê:e  trois  graines  applaties ,  membraneufes, 
de  la  longueur  d'un  demi-pouce  ,  confé- 
rant des  femences  oblongues,  blanchâtres , 
femblables  à  des  grains  de  bled  ,  bordées 
d'une  aile  ou  feuillet  membraneux. 

La  racine  qui  eft  d'ufage  en  matière 
médicale ,  eft  oblongue  ,  tubéreufe  ,  quel- 
quefois plus  grofte  que  le  pouce,  brune  en 
dehors  }  blanche  en  dedans ,  accompagnée 
d'un  grand  nombre  de  fibres  blanches  , 
d'un  goût  acre  ,  un  peu  amer  ,  un  peu 
aftihgent ,  défagréable  ,  &  qui  caufe  des 
naafées. 

La  féconde  efpece  diffère  de  la  première 
en  ce  que  fes  fleurs  font  d'un  rouge  noir  ; 
fes  feuiîles  plus  longues,  plus  minces  ,  & 
plus  penchées  ;  fa  tige  plus  élevée  ,  & 
garnie  d'un  petit  nombre  de  feuilles  :  e\le 
paroît  aufii  plutôt  au  printemps  ,  &  fleurit 
ijn  mois  avant  l'autre.  On  la  trouve  dans 
toutes  les  montagnes  de  la  France  ,  & 
fur-tout  dans  les  Alpes  &  dans  les  Pyrénées. 
La  première  efpece  eft  beaucoup  plus 
forte  &  plus  acre  que  l'autre  ;  car  quand  on 
les  place  dans  le  même  voifmage  ,    les 


E  L  L  133 

limaçons  dévorent  entièrement  les  feuilles 
de  la  féconde  ,  tandis  qu'ils  touchent  à 
peine  à  celles  de  la  première. 

Toutes  les  deux  font  un  bel  ornement , 
quand  on  les  plante  au  milieu  des  bordures 
ouvertes  d'un  jardin.  Si  on  les  met  près  de 
haies  ou  de  murailles  ,  où  les  limaçons  fe 
tiennent  ordinairement  ,  ils  en  déparent 
finguîiérement  les  feuilles,  fur-tout  celles 
de  la  féconde  efpece  ,  en  les  ciibhnt  de 
trous  ;  &  comme  la  plus  grande  beauté  de 
ces  plantes  coniifte  dans  leurs  feuilles 
déployées  ,  dès  qu'elles  font  mangées  & 
percées ,  le  plaifir  qu'elles  donnent  à  l'œil 
eft  entièrement  perdu. 

On  peut  multiplier  les  deux  ellébores 
blancs  dont  on  vient  de  parler  ,  ou  en 
femant  les  graines ,  ou  en  plantant  leurs 
racines  dans  un  terrain  riche  ,  nouveau  ,  & 
léger.  La  première  méthode  n'eft  guère 
d'ufage  ,  parce  que  ces  plantes  fleuriftent 
rarement  en  moins  de  quatre  ans  ;  mais  la 
féconde  méthode  réufiit  à  merveille  ,  & 
fournit  promptement  de  très-belles  grappes 
ce  fleurs. 

Parlons  à  préfent  àe  Y  ellébore  noir ,  & 
caradirifons-le  diftinclement. 

\J  ellébore  noir  eft  pareillement  un  genre 
de  plante  à  fleur  en  rofe  ,  compofée  de 
pîulieurs  pétales  difpoféesen  rond  ,  du  mi- 
lieu defqueL  il  fort  un  piftil  dont  la  bafe  eft 
environnée  de  plnfieurs  petits  cornets  , 
pofés  entre  les  écamines  &  les  pétale  ;.  Il 
devient  dans  la  fuite  un  fruit  ,  dans  lequel 
il  y  a  des  graines  membraneufes  qui  font 
raflemblées  pour  l'ordinaire  en  bouquets 
qui  s'ouvrent  d'un  bout  à  l'autre  ,  &  qui 
renferment  des  femences  ordinairement 
arrondies  ,  ou  ovoïdes.  Tournefort ,  infl. 
rei  heibur.    Voye\  PLANTE.  (/) 

Les  Botaniftes  diftinguent  fix  efpeces 
principales  oY  ellébores  noir  ;  favoir. 

1°.  HelUborus  niger  ,  anguflioribus 
foliis  y  J.  R.  H.  Helleborus  nigerfivridus 
flore  rofeo  ,  C.  B.  P. 

De  fa  racine  naiftent  des  feuilles ,  dont 
la  queue  qui  a  un  empan  de  longueur  ,  eft 
cylindiique,  épaifte  ,  fucculente  ,  poin- 
rillée  de  taches  de  pourpre  comme  la  tige 
de  la  grande  ferpentaire.  Ses  feuilles  font 
divifées  jufqu'à  leur  queue ,  le  plus  fouvent 
en  neuf  portions ,  en  manière  de  digita-^ 


134  E  L  L 

tions ,  formant  comme  autant  de  petites 
feuilles  roides ,  liftes,  d'un  verd  foncé,  & 
dentelées,  fur-tout  depuis  le  milieu  jufqu'à 
l'extrémité. 

On  peut  fort  bien  comparer  chaque  partie 
des  feuilles  de  X ellébore  noir  prifes  féparé- 
ment  ,  aux  feuilles  de  laurier  ;  elle  n'a 
point  de  tige  ,  les  fleurs  font  uniques  (  ou 
il  y  en  a  deux  foutenues  fur  un  pédicule  de 
la  longueur  de  quatre  ,cinq,  ou  fix  pouces  : 
cesfleurs  font  compofées  le  plus  fouvent  de 
cinq  feuilles  difpofées  en  rofe  ,  arrondies  , 
d'abord  blanchâtres  ,  enfuite  purpurines  , 
enfin  verdâtres  ,  fans  aucun  calice.  Leur 
centre  eft  rempli  d'un  grand  nombre  d'é- 
tamines  ,  entre  lefquels  &  fes  feuilles  fe 
trouve  une  couronne  de  cinq  ,  dix  ,  ou 
quinze  petits  cornets  jaunâtres  ,  longs 
d'une  ligne  &  demie  ,  dont  la  bouche  eft 
coupée  obliquement. 

Au  milieu  des  étamines  eft  un  piftil 
compofé  de  cinq  ou  fix  gaines ,  qui  devien- 
nent autant  de  goufles  membraneufes ,  de 
ligure  de  corne  ,  ramaffées  en  manière  de 
têtes ,  renflées ,  roufsâtres ,  dont  le  dos  eft 
faillant  &  comme  bordé  d'un  feuillet  ,  & 
terminé  par  une  pointe  recourbée  :  elles 
font  garnies  de  fibres  demi-circulaires  & 
tranfverfaîes ,  qui ,  en  fe  contractant,  s'ou- 
vrent en  deux  panneaux  du  côté  de  la  face 
interne  ;  par  chaque  goufie  eft  véritable- 
ment un  mufcle  digaftrique  ,  concave  , 
dontle  tendon  fixe  eft  placé  extérieurement 
fur  le  dos  de  la  goufte  ;  &  celui  qui  eft 
mobile  eft  en  dedans ,  &  à  l'ouverture  des 
panneaux.  Les  graines  font  ovoïdes  ,  lon- 
gues de  deux  lignes  ,  luifantes,  noirâtres  , 
&  rangées  fur  deux  lignes  dans  la  cavité 
de  la  filique. 

La  racine  eft  tubéreufe  ,  noueufe  ,  du 
femmet  de  laquelle  fortent  un  grand  nombre 
de  fibres  ,  ferrées  ,  noires  en  dehors  , 
blanches  en  dedans  ,  d'un  goût  acre  mêlé 
de  quelque  amertume  &  excitant  des 
naufées  ,  d'une  odeur  forte  lorfqu'elle  eft 
récente. 

Cette  plante  naît  dans  les  Alpes  &  dans 
les  Pyrénées  ;  on  la  cultive  communément 
dans  les  jardins ,  à  càufc  de  la  beauté  de 
fes  fleurs. 

!  .'■  i9' Helleborus  niger  orientalis  amplijjlmo 
folio  7  caule  prçealto ,  flore  purpurafceiite  , 


ELE 
Cor.  T.  R.  H.  Helleborus  nîger  orientalis  l 
Bellon. 

Ses  racines  font  femblables  à  celles  de 
X ellébore  noir  que  nous  venons  de  décrire , 
excepté  qu'elles  font  plus  grofles  ,  plus 
longues  ,  fans  odeur  ni  âcreté  ,  *&  fort 
ameres.  Les  feuilles  ont  la  même  forme  : 
mais  elles  font  plus  amples ,  &  prefque  de 
la  longueur  d'un  pié.  La  tige  a  plus  d'un 
pié  :  elle  eft  branchue  ;  les  fleurs  en  font 
entièrement  femblables  à  celles  de  la  pre- 
mière efpece,  aufli-bien  que  les  graioes  & 
les  capfules. 

C'eft-Ià  Vellébore  que  M.  Tournefort 
croit  être  le  vrai  ellébore  noir  d'Hippocrate 
&  des  anciens ,  parce  qu'il  eft  trèv-commun 
dans  les  illes  d'Anticyre  qui  font  vis-à-vis 
le  mont  Oeta  ,  dans  le  golfe  de  Zéiton 
près  de  Négrepont;  mais  encore  plus  fur 
les  bords  du  Pont-Euxin ,  &  fur-tout  au 
pié  du  mont  Olympe  en  Afie  ,  proche  la 
fameufe  ville  de  Prufe.  Les  Turcs  l'ap- 
pellent Zopleme. 

3°.  helleborus  niger  9  hortenjis  ,  flore 
vindi  ,  C.  B.  P. 

Ses  feuilles  reiTemblent  à  celles  de  celui 
de  la  première  efpéce  ;  mais  elles  font  plus 
étroites ,  d'un  verd  plus  foncé ,  &  dentelées 
tout  autour.  Sa  tige  a  environ  un  pié  de 
hauteur ,  dont  le  fommet  fe  parcage  en 
plufieurs  petits  rameaux  ,  defquels  pendent 
des  fleurs  plus  petites ,  de  couleur  pâle. 
Les  racines  font  fibreufes  ,  un  peu  plus 
grêles  ,   &  moins  noires. 

4e.  Helleborus  niger  y  flore  albo  y  etiam 
interdum  valâe  rubente. 

5  °.  Helleborus  niger  }  trifolicatus  y  Hort. 
Farn. 

6e.  Helleborus  niger  }  flore  rofeo y  minor 
Belgicus  ,  H.  R.  Btef. 

Ces  trois  dernières  ne  demandent  point 
de  defeription  particulière. 

On  cultive  toutes  les  efpeces  hellébore 
noir  dans  les  jardins  >  où  elles  réuiliftènt 
parfaitement  à  l'abri  du  foleil  ;  &  comme 
elles  produifent  leurs  fleurs  au  milieu  de 
l'hiver  &  avant  la  plupart  des  autres  plantes, 
on  peut  leur  donner  place  dans  les  avenues , 
&  dans  les  bordures  qui  font  à  l'ombre. 
C'eft-là  qu'elles  profperent  davantage. 

On  les  multiplie,  ou  en  en  femant  les 
graines ,  ou  en  plantant  de  leurs  racines 


ELL 
dans  un  terrain  léger  ,  humide  ,  &  fans 
fumier.  Si  on  choifit  de  les  multiplier  par 
le  fecours  des  graines  ,  la  plante  fleurira 
déjà  au  bout  de  la  première  année:  mais 
il  faut  la  préferver  des  mauvaifes  herbes , 
qui  détruiîent  aifément  Tes  racines.  Voye\ 
Miller  fur  leur  culture.  Article  de  M.  le 
Chevalier  de  Jau COURT, 

Ellébore  ,  (  Pharm.  &  Mat.  med.  ) 
lu  ellébore  étoit  fort  ufité  chez  les  anciens 
qui  en  diftinguoient  de  deux  efpeces,  le 
blanc  &  le  noir.  Hippocrate  s'eft  fervi  de 
l'un  &  de  l'autre  ;  &  Galien  remarque  que 
toutes  les  fois  que  ce  père  de  la  Médecine 
fe  fert  du  mot  ellébore  fans  y  ajouter  d'é- 
pithete  ,  il  entend  hellébore  blanc  :  au  lieu 
qu'il  ne  parle  jamais  du  noir  fans  le  fpécifier. 
C'eft  la  racine  de  ces  plantes  qui  étoit 
feule  en  ufage. 

Le  blanc  étoit  employé  pour  faire  vomir 
&  purger  fortement ,  mais  toujours  avec 
beaucoup  de  circonfpeclion.  Pline  nous 
apprend  qu'on  ne  le  donnoit  point  aux. 
vieillards  ,  ni  aux  enfans ,  ni  à  ceux  qui 
avoient  le  tempérament  foible  ,  non  plus 
qu'à  ceux  qui  étoient  maigres  &  délicats  , 
plus  rarement  aux  femmes  qu'aux  hommes  ; 
enfin  qu'on  ne  le  faifoit  jamais  prendre  à 
ceux  qui  crachoient  le  fang ,  ni  aux  valétu- 
dinaires. 

On  préparoit  diverfement  Vellébore  , 
pour  tâcher  de  tempérer  fa  trop  grande 
activité.  Hippocrate  veut  qu'on  le  corrige 
avec  le  daucus ,  le  féfeli ,  le  cumin ,  l'anis , 
ou  quelqu'autre  plante  odoriférante,  voy. 
Correctif.  On  le  faifoit  infufer  dans 
la  même  vue  dans  du  moût ,  ou  dans  de 
l'hydromel. 

Les  maladies  principales  dans  lefquelles 
les  anciens  faifoient  prendre  Vellébore  , 
étoient  l'épilepfie  ,  le  vertige ,  la  mélan- 
colie ,  h  lèpre  ,  la  goutte  ,  l'hydropifie  : 
mais  c'étoit  fur-tout  pour  purger  les  fous 
qu'il  étoit  recommandé  ;  on  difoit  même 
en  proverbe  ,  nuvig-ire  Anticyras  ,  aller 
à  Anticyre  ,  pour  dire  aller  cherciier  un 
remède  contre  la  folie  ,  parce  que  c'étoit 
de  cette  iliaque  venoitle  meilleur  ellébore. 

L'action  de  Vellébore  pris  intérieurement, 
eftlesplusviolenres;  il  excite  fou/ent  les 
fymptomes  les  plus  fâcheux.  Mefué  dit  que 
de  Ion  temps  les  hommes  ne  pouvoient 


ELL  itf 

fupporter  le  blanc  ,  &  très-difficilement  le 
noir  qui  étoit  plus  foible  ,  &  qu'on  ne 
regardoit  que  comme  purgatif,  le  blanc 
étant  reconnu  pour  un  émétique  violent. 
Aufîi  depuis  que  la  Chymie  nous  a  fourni 
des  vomitifs  fûrs  &  moins  dangereux  ,  en 
avons-nous abfolument  abandonné  l'ufage  ; 
&  nous  n'avons  aujourd'hui  qu'une  feule 
compofition  officinale  où  il  entre  ;  favoir 
les  pilules  de  Mathams  ou  de  Starkei ,  qui 
font  décrkes  dans  la  pharmacopée  de  Paris  : 
encore  ne  le  donne-t-on  dans  cette  com- 
pofition qu'en  alTez  petite  dofe  ,  eu  égard 
à  la  petite  quantité  que  l'on  fiit  prendre 
de  ces  pilules ,  où  Vellébore  peut  même 
être  regardé  comme  puifïàmment  corrigé 
par  le  favon  ,  qui  fait  un  des  ingrédiens  & 
l'excipient  de  cette  préparation.  Vbye\ 
Pilules  de  Starkei. 

Nous  employons  auili  quelquefois  Vellé^ 
bore  blanc  comme  fternucatoire ,  &  fouvenc 
on  s'en  eft  fervi  avec  fuccès  pour  guérir  la 
gale  des  animaux  ,  comme  chevaux  y 
boeufs ,  &c.  mêlé  avec  quelque  grailTe  ou 
huile. 

L'ufage  de  Vellébore  noir  eft  un  peu  plus 
fréquent  parmi  nous.  On  tire  de  fa  racine, 
par  le  moyen  de  l'eau  ,  un  extrait  qui  entre 
dan  sles  pilules  balfamiques  de  Stahl.  On 
trouve  dans  la  pharmacopée  de  Paris  un 
firop  ft ellébore  ,  compofé  fous  le  nom  de 
Jirop  de  pomme  elléborifé. 

\J ellébore  noir  entre  dans  l'extrait  pan- 
chimagogue  de  Crollius  ,  dans  les  pilules 
de  Starkei  ,  dans  les  pilules  tartareufes  de 
Quercetan  >  dans  la  teinture  de  Mars 
eîléborifée  de  Wedelius  ,  &c.  mais  on  ne 
prefcrit  prefque  plus  ni  l'une  ni  l'autre  de 
ces  racines  dans  les  préparations  magiftrales. 

Au  refte  elles  font  l'une  &c  l'autre  du 
genre  des  remèdes  dont  l'a&ivité  eft  due  à 
une  partie  volatile  :  aufti  leur  extrait  pré- 
paré à  la  façon  ordinaire  ne  participe-t-il 
que  foiblement  de  cette  vertu  ,  en  forte 
qu'on  peut  ajouter  foi  à  ce  que  rapporte 
Oribaîius  dans  fon  huitième  livre  des 
collections  médicinales  y  favoir ,  que  l'ufage 
d'une  forte  décoction  d'ellébore  n'étoit 
jamais  fui  vie  des  accidens  fu  nèfles  qui 
accompagnent  Pa&ion  des  purgatifs  excef- 
livement  violens  :  quoique  le  même  auteur 
obferve  dans  le  même  livre ,  que  ces  accir 


ix6  ELL 

dens  n'étoient  qu'un  effet  trop  commun  de 
V  elle  bore  donné  à  la  iaçon  ordinaire ,  c'efr- 
à-dire,  apparemment  en  fubftance,  les  pré- 
cautions  qu'on  avoit  coutume  de  prendre 
d'avance  contre  ces  dangers  ,  font  présen- 
tées dans  cet  endroit  fous  un  appareil  fi 
effrayant  qu'on  ne  conçoit  guère  comment 
il  s'eft  pu  trouver  des  malades  aflez  hardis 
pour  s'expofer  à  i'aclion  de  ce  remède ,  ou , 
pour  mieux  dire,  de  ce  poifon. 

La  vertu  purgative  de  Y  elle  bore  eft  atteftée 
dans  les  plus  anciens  fafresde  la  Médecine  ; 
on  trouve  parmi  les  faits  placés  dans  ces 
temps  reculés  que  notre  chronologie  n'at- 
teint point ,  dans  les  fiecles  des  héros,  que 
Melampe  berger  ,  poète  ,  devin  ,  &  fils 
de  roi,  guérit  les  filles  de  Pratus  devenues 
folles  par  la  colère  de  Bacchus ,  ou  par 
celle  de  Junon  ,  en  leur  faifant  prendre 
du  lait  de  fes  chèvres  ,  auxquelles  il  avoit 
fait  manger  de  V  elle  bore  peu  auparavant  ;  & 
qu'il  s'avifa  de  cette  reffource ,  parce  qu'il 
avoit  obfervé  que  ces  chèvres  étoient 
purgées  après  avoir  brouté  cetre  plante. 
M.  Leclerc  remarque,  dans  fon  hifloire  de 
la  Médecine  ,  que  c'eft-là  le  plus  ancien 
exemple  que  nous  ayions  de  la  purgation  , 
&  qu'on  pourroit  croire  que  c'eft  ce  qui  fit 
donnera  Melampe  le  furnom  de  ffa&stprjK , 
celui  qui  purge ,  ou  purifie  ,  qui  femble 
marquer  qu'il  eit  le  premier  qui  ait  donné 
des  purgatifs  ;  c'eft  delà  auffi  que  Y  ellébore 
fut  appelle  mehmpodium.  Voye\  Dicfeo- 
ride  y  liv.  IV.  c  clxxxj.  Galien  parle  de 
cette  cure  de  Melampe  dans  fon  livre  de 
atrabile  ,  c  vij  ;  &  Pline  ,  /.  XXV, 
c.  v. 

Aulugelle  nous  a  tranfmis  une  anecdote 
bien  plus  finguliere  fur  l'ufagede  Y  ellébore. 
Il  rapporte  (  c.  xv.  I.  XVII.  )  que 
Carnéade  l'académicien  fe  difpofant  à 
écrire  contre  Zenon  ,  fe  fit  vomir  vigou- 
reufement  avec  de  Y  ellébore  ,  de  peur  que 
les  humeurs  corrompues  dans  fon  eftomac  , 
ne  laiffafTent  échapper  quelque  chofe  qui 
parvînt  jufqu'au  fiege  de  fon  ame  ,  &  en 
altérât  les  fondions,  (b) 

Valere  Maxime  raconte  cette  hiftoire 
d'une  manière  encore  plus  merveilleufe 
qu'Aulugelle.  Il  dit  que  Carnéade  prenoit 
de  Yellébore  toutes  les  fois  qu'il  devoit 
-difpmer  avec  Chryfippe  ,  &  il  ajoute  que 


ELL' 

le  fuccés  de  Carnéade  fît  rechercher  ce 
purgatif  par  tous  ceux  qui  aimoient  les 
louanges  folides.  Pline  rapporte  que  Drufus, 
le  plus  renommé  d'entre  les  tribuns  du 
peuple,  fut  guéri  de  Pépileplie  dans  fille 
d'Anticyre  ,  où  l'on  avoit  coutume  d'aller 
pour  le  prendre  avec  plus  de  fuccès  &  de 
fureté. 

L'Anticyrefifameufe ,  où  tant  de  poètes 
afïignent  aux  fous  un  legement  ,  étoit  une 
ville  fituée  auprès  du  golfe  Malliaque 
aujourd'hui  de  Zeiton  ,  aflèz  près  du 
mont  Oè'ta,  d'où  l'on  tiroit  le  plus  excellent 
ellébore.  On  y  préparoit  &  corrigeoit  ce 
remède  de  différentes  manières  ,  nous 
connoiffons  même  quelques-unes  de  ces 
corrections  &  de  ces  préparations.  Aduarius 
rapporte  celle  -  ci  :  on  faifoit  un  peu 
macérer  dans  l'eau  la  partie  fibreufe  de  la 
racine  d'ellébore  ,  en  rejetant  la  tête  ; 
en  fuite  on  féchoit  à  l'ombre  Pécorce  que 
l'on  avoit  féparée  de  la  petite  moelle  qu'elle 
renferme  :  on  donnoit  cette  préparation 
avec  des  raifïns  fecs  ou  de  l'oximel ,  mêlé 
quelquefois  avec  des  graines  odoriférantes, 
afin  que  ce  remède  fût  pins  agréable. 

Pline  dit  aufîi ,  qu'on  mêloit  à  Anticyre 
Yellébore  avec  une  certaine  graine  qui 
croifîbit  aux  environs  de  la  ville;  que  l'on 
mettoit  dans  du  vin  doux  une  pincée  de  la 
graine  avec  une  obole  &  demie  d'ellébore 
blanc  ,  &  que  ce  remède  purgeoit  toute 
forte  de  bile. 

Les  anciens  employoient  Yellébore ,  non 
feulement  pour  la  bile,  c'eft-à-dire  ,  la 
mélancolie  noire  &  pour  la  folie  ,  mais 
encore  ,  comme  on  l'a  remarqué  ci- 
defTus ,  pour  rhyftéïifme ,  la  goutte  ,  l'apo- 
plexie ,  l'épilepfie  ,  la  ladrerie  ,  la  îeuco- 
flegmatie  ,  fhydropifie  ,  en  un  mot  pour 
toutes  les  maladies  graves  de  l'ame  &  du 
corps. 

Ce  remède  fut  en  ufage  dès  la  naiffance 
de  la  Médecine  :  quelquefois  Hippocrate 
le  faifoit  prendre  à  jeun  ;  mais  il  l'ordon- 
noit  plus  ordinairement  après  le  fouper, 
parce  que ,  fuivant  M.  le  Clerc  ,  Yellébore 
mêlé  avec  les  alimens  dans  l'efromac  ,  y 
perdoit  une  partie  de  fa  force  flimulante  : 
dans  plufieurs  cas  Hippocrate  donnoit  le 
uslxQzkU  ihKîl6opcç  ;ce  qui ,  félon  le  même 
favant  ,    étoit    une  forte   de  préparation 

d'ellébore , 


ELC 

hellébore  ,  qui  afFoiblifToit  fou  a&îvîté  vio- 
lente. 

Herophile  ,  A&uarius  ,  Arétée  ,  Celfe  , 
étoient  fort  prévenus  en  faveur  de  ce  remède  ; 
Diofcoride  ,  qui  en  parle  fort  au  long ,  nous 
inftruit  particulièrement  des  cérémonies 
fuperftitieufes  qu'obfervoient  ceux  qui  le 
cueilloient  en  le  tirant  de  terre. 

On  appliquoit  extérieurement  l'ellébore 
noir  dans  les  maladies  cutanées  opiniâtres  ; 
&  Galien  prétend  que  quand  on  en  met- 
toit  dans  une  fiftule  calleufè  ,  il  emportoit 
le  caltofité  en  deux  ou  trois  jours. 

Cependant  malgré  l'ufage  que  les  anciens 
faifoient  de  V ellébore  ,  les  plus  fages  méde- 
cins n'  avoient  coutume  de  l'employer  qu'a- 
vec une  très  -  grande  précaution.  Avant 
que  de  le  donner  aux  adultes  mêmes ,  qui 
étoient  en  état  de  le  fupporter ,  ils  exami- 
noieiat  principalement  deux  chofes  :  Tune  , 
il  la  maladie  étoit  invétérée  ;  l'autre,  fi  les 
forces  du  malade  fe  foutenoient.  Lorfque 
l'ellébore  leur  paroillbit  convenir ,  ils  ne 
l'adminiftroient  encore  qu'après  avoir  pré- 
paré foigneufement  le  malade  8c  le  remède. 

Ils  préparaient  le  malade  pendant  lept 
jours ,  foit  par  la  diète  ,  foit  par  des  remèdes 
minoratifs;  Pline  nous  en  inftruit  fort  au 
long.  De  fon  temps ,  la  préparation  du 
remède  ,  à  Pvome  ,  confiftoit  à  introduire 
les  racines  d'ellébore  noir  dans  des  morceaux 
de  raifort ,  &  de  les  faire  cuire  enfemble 
pour  diiîîper  la  trop  grande  force  de 
l'ellébore.  Alors  les  uns  donnoient  ces  raci- 
nes adoucies  par  l'ébullition  ,  les  autres  fai- 
foient manger  les  raiforts  ,  &  rej  étoient 
les  racines  ;  d'autres  enfin  faifoient  boire 
au  malade  cette  décoction  qui  purgeoit 
lufKfamment. 

Quoique  les  anciens  aient  fait  grand 
ufàge  de  leur  ellébore  ,  pour  les  maladies 
du  corps  Se  de  l'ame  ,  &  que  les  plus  fages 
l'aient  donné  très  -  prudemment ,  ils  l'ont 
décrit  fi  obfcurément ,  que  nous  ne  recon- 
noifïbns  plus  celui  qu'ils  employoient.  La 
defeription  de  Théophrafte  eft  en  parti- 
culier trop  tronquée  &  trop  défectueufe  , 
pour  nous  fervir  à  découvrir  l'ellébore  dont 
il  parle.  Nous  ne  retrouvons  point  dans 
aucune  de  nos  efpeces  d'ellébore  noir  celui 
de  Diofcoride.  Enfin  l'oriental  noir  actuel 
tT  Anticyre  ,  ne  quadre  avec  aucune  des 
Tome  XII. 


Ë  L  £  ij7 

defcriptîons  anciennes}  c'étoi:  cependant 
le  leur ,  félon  toute  apparence  ,  du  moins 
a  -  t  -  il  la  même  violence  dans  fon  action. 
Tournefort  ,  qui  en  a  fait  l'épreuve  , 
avoue  que  tous  ceux  à  qui  il  en  a  donné 
l'extrait,  étoient  tourmentés  de  naufées, 
de  pefanteur  d'eftomac  avec  acrimonie, 
jointe  au  foupçon  de  phlogole,  qui  mena- 
çoit  la  gorge  &:  les  inteftins  :  il  ajoute 
encore  qu'ils  avoient  des  douleurs  de  tête 
pendant  piufieurs  jours,  avec  des  élance  - 
mens ,  Se  le  tremblement  de  tous  les 
membres,  de  forte  qu'il  fe  vit  obligé  dé 
s'abftenir  de  ce  remède.  La  force  de  celui 
de  notre  pays ,  eft  bien  moindre  que  dans 
l'Orient. 

Mais  quelle  qu'elle  {bit,  puifque  nous 
ponedons  des  purgatifs  &  des  émétiques 
également  efficaces ,  &  beaucoup  plus  sûrs , 
tels  que  font  les  préparations  purgatives  & 
vomitives  de  l'antimoine  ,  il  vaut  mieux 
nous  abftenir  de  l'ufage  de  tout  ellébore, 
outre  que  les  corps  des  hommes  qui  vivent 
dans  nos  climats ,  ont  de  la  peine  à  en 
fupporter  les  effets.  Qu'on  ne  dife  point 
qu'on  peut  l'adoucir,  le  corriger  avec  des 
aromates ,  ou  bien  avec  la  crème  de  tartre , 
le  fel  de  prunelle ,  les  tamarins  ,  i'oxymel , 
le  fuc  de  coing  ,  &  autres  femblables  ;  il 
eft  bien  plus  fimple  de  ne  pas  fonger  aux 
corre&ifs,  dès  qu'il  eft  aifé  de  fe  paflerde 
la  plante  même. 

Concluons  de  ce  principe ,  qu'il  faut 
également  proferire  toutes  les  préparations 
d'ellébore  qui  fe  trouvent  dans  les  phar- 
macopées ,  fans  dire  ici  que  toutes  les  pré- 
parations galéniques  &  arabefques  font  mifé- 
râbles  en  elles-mêmes. 

Comme  tout  le  monde  fait  que  l'ellébore 
blanc  eft  le  plus  fort ,  il  eft  encore  plus  digne 
de  la  profeription  que  le  noir.  Cette  plante 
a  un  fuc  cauftique  &  brûlant ,  qui ,  refpiré 
par  ^  les  narines ,  excite  un  éternuement 
forcé,  &  c'eft  un  des  plus  puiflans  fter- 
nutatoires  dans  les  maladies  fopporeufès. 
Si  l'on  met  de  cette  poudre  à  la  fource  d'une 
fontaine  ,  l'eau  qui  en  découle  purge  violem- 
ment. Les  feuilles  ,  les  tiges,  les  fleurs  ,  Se 
les  racines  de  l'ellébore  blanc  appliquées  fur 
la  peau  d'une  perfonne  vivante ,  excorient 
la  partie,  &  y  produifent  une  exulcéïar» 
tion. 


i3fc  E  L  L 

La  feule  faveur  nauféabonde  de  l'ellé- 
bore 3  eft  un  ligne  de  fa  vertu  émétique 
ou  purgative  ;  celle  de  l'ellébore  blanc  , 
qui  eft  fort  acre  Se  fort  arrière  ,  indique  un 
purgatif  très-actif ;  auiïi  Ton  place  avec  rai- 
ibn  l'un  &  l'autre  genre  parmiles  mochliques. 
J^bye^  Mochlique. 

Vous  trouverez  dans  les  mém.  de  l'acad. 
des  Sciences,  année  ijoi  ,  quelques  expé- 
riences chymiques  de  M.  Boulduc ,  fur  la 
racine  de  l'ellébore  noir.  L'extrait  de  cette 
racine  fait  avec  de  l'eau ,  donne  tout  ce 
qu'on  peut  en  tirer ,  &  le  réfîdu  ne  donne 
plus  rien  par  l'efprit-de-vin. 

Enfin ,  les  curieux  peuvent  confulter ,  s'ils 
le  jugent  à  propos  ,  Holzemii  (  Petr.  )  ejfen- 
iia  kellebori  rediviva;  Colonise  ,  1616.  8. 
Manelphi  (  Joan.  )  difeeptatio  de  helleboro  ; 
Roms,  1622.  8.  Scobingeri  (  Joh.  Cafp. ) 
dijfert.  de  helleboro  nigro  ;  Bafîl.  1721. 
in-4?.  Caftellus  (Petrus)  de  ellebcro  apud 
Hippocratem  &  alios  auctores  ;  Romae  1628. 
in- -4°.  Ce  dernier  ouvrage  eft  rare  ,  curieux 
Se  lavant.  Article  de  M.  le  Chevalier  de 
Jaucourt. 

ELLEBGRiNE  ,  HELLEBORINE ,  f,  f. 
(jHiJl.  nat.  Botaniq.  )  genre  de  plante  à 
fleur  anomale  ,  compofée  de  fix  pétales 
différens  les  uns  des  autres  :  les  cinq  du 
deiîus  font  dijpofés  en  rond  ;  celui  du 
tlefïbus  eft  fait  en  forme  de  goutiere. 
Le  calice  devient  dans  la  fuite,  un  fruit 
qui  refiemble  en  quelque  façon  à  une  lan- 
terne ouverte  de  trois  côtés,  dont  les  pan- 
neaux font  charges  de  femences  aulïi  menues 
que  de  la  fciure  de  bois.  Ajoutez  aux  carac- 
tères de  ce  genre ,  que  les  racines  font 
Êbreufès.  Tournèrent,  infi.  rei  herb.  Vcye{ 
Plante.  (/) 

ELLERENA  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  de 
rEftrumadure  de  Léon ,  en  Efpagne.  Long. 
TZ.  45.  lat.  j#.  8. 

^  ELLINGEN  ou  (ELLINGEN ,  (Géogr.) 
ville  &  château  d'Allemagne  dans  le  cercle 
de  Franconie  fur  la  rivieye  de  Rezat  ;  c'eft 
te  chef-lieu  d'une  commanderie  confîdé- 
rable  de  l'ordre  Teutonique ,  ou  rélide  ordi- 
nairement le  bailli  de  Franconie. 

ELLIPSE  ,  f.  f»  terme  de  Grammaire  ; 
c'eft  une  figure  de  conftructicn  ,  ainfi 
appeliée  du  grec  W>4k  ,  manquement  , 
vmi£ion  ;  on  parle  par  ellipfe  3  lorlque  l'on 


E  L  L 

retranche  des  mots  qui  feroient  néceflaires 
pour  rendre  la  conftrucrion  pleine.  Ce  retran- 
chement eft  en  ufage  dans  la  conftruction 
ufuelle  de  toutes  les  langues  ;  il  abrège  le  dif- 
cours ,  Se  le  rend  plus  vif  Se  plus  foutenu  : 
mais  il  doit  être  autorifé  par  l'ufage ,  ce  qui 
arrive  quand  le  retranchement  n'apporte  ni 
équivoque  ni  obfcurité  dans  le  diicours  ;  Se 
qu'il  ne  donne  pas  à  l'efprit  la  peine  de 
deviner  ce  qu'on  veut  dire ,  Se  ne  l'expofe 
pas  à  fe  méprendre.  Dans  une  phrafe 
elliptique  ,  les  mots  exprimés  doivent 
réveiller  l'idée  de  ceux  qui  font  fous-enten- 
dus ,  afin  que  l'efprit  puiiîè ,  par  analogie , 
faire  la  conftrucrâon  de  toute  la  phrafe  ,  Si 
appercevoir  les  divers  rapports  que  les  mots 
ont  entr'eux  :  par  exemple ,  lorique  nous 
liions  qu'un  Romain  demandoit  à  un  autre, 
où  allez-vous  ?  Se  que  celui-ci  répondoit  ad 
Cajloris ,  la  terminaifon  de  Cafcris  fait  voir 
que  ce  génitif  ne  fauroit  être  le  complément 
de  la  prépofïtion  ad ,  qu'ainfi  il  y  a  quelque 
mot  de  fbus-entendu  ;  les  circonftaYices  font 
connoître  que  ce  mot  eft  cedem  ,  &  que  par 
conféquent  la  conitrucrion  pleine  eft  eo 
ad  cedem  Cajloris ,  je  vais  au  temple  de 
Caftor. 

UeUipfe  fait  bien  voir  la  vérité  de  ce  que 
nous  avons  dit  de  la  penfée  au  mot  D£cli- 
.  naison  &  au  mot  Construction.  La  pen- 
fée n'a  qu'un  inftant ,  c'eft  un  point  de  vue 
de  l'efprit  ;  mais  il  faut  des  mots  pour  la 
faire  palier  dans  l'efprit  des  autres  :  or  on 
retranche  fouvent  ceux  qui  peuvent  être  aife- 
ment  fuppléés,  &  c'eft  Yellipfe.  Voye[  Ellip- 
tique. (F) 

Ellipse  ,  (  Mufiq.  )  La  mufîque  a  fes  ellip- 
fes  aufïi-bien  que  la  grammaire,  c'eft-à- 
dire ,  qu'on  omet  fouvent  des  notes  ,  Se  même 
des  accords  ,  dans  une  phrafe  harmonique  ; 
mais  pour  que  cela  fe  puifïe  fans  trop  de 
dureté ,  il  faut  que  Yellipfe  foit  telle  qu'il 
n'y- ait  aucun  doute  fur  l'accord ,  ou  la  note 
qui  la  forme.. 

Il  y  a  donc  deux  fortes  d'etlipfe  en  mufî- 
que  yellipfe  dans  ^harmonie  \  iV  lorfqu'on 
omet  un  ou  plufieurs  accords. 

2^.  L' ellipfe  dans  la  mélodie,  lorfqu'on 
omet  une  note  dans  le  chant  d'une  partie. 

\!  ellipfe  dans  l'harmonie  a  fouvent  lieu  , 
quand  elle  eft  employée  à  prepos ,  elle 
produit,  un  très-grand  effet  s  il  eit  prefque. 


EL  t 

Smpoiïîble  de  donner  des  règles  de  la  manière 
de  pratiquer  les  ellipfes ,  parce  quelles  font 
des  exceptions  aux  règles  :  en  général  lorf- 
qae  Vellipfe  n'eft  que  d'un  accord ,  ôc  que 
d'ailleurs  l'harmonie  eft  régulière ,  on  peut 
toujours  la  pratiquer.  Voye^  des  ellipfes  dans 
l'harmonie  ,  planche  IX  de  Mufiq.  fig.  6. 
n.  z.  Suppl.  des  planches. 

On  voit  dans  cet  exemple  que  l'accord  de 
la  tonique  ut  a  été  fauté  ,  &  qu'on  a  pris 
d'abord  celui  de  la  nouvelle  dominante- 
tonique  re.  Cette  ellipfe  eft  une  des  plus  frap- 
pantes ,  quoiqu'une  des  plus  uficées  ,  parce 
que  la  feptieme/a  de  l'accord  de  dominante  - 
tonique  fur  le  fol ,  au  lieu  de  fe  fauver  régu- 
lièrement ,  monte  d'un  lèmi-ton  mineur  & 
devient  note  fenfible. 

h' ellipfe  dans  la  mélodie  arrive  lorfqu'on 
omet  une  note  du  chant ,  ôc  qu'à  fa  place  on 
fait  une  paufej  ordinairement  la  note  qui 
luit  la  paufe  ou  V ellipfe  ,  eft  diflonante  ,  ik 
la  rend  plus  piquante.  Voye^  Vellipfe  dans  la 
mélodie  ,fig.  6.  n°.  %.  planche  IX  de  Mufique, 
Supplément  des  planches. 

Ellipse  ,  f.  f.  en  Géométrie ,  eft  une  des 
fe&ions  coniques  qu'on  appelle  vulgaire- 
ment ovale.  Voye^  Conique  &  Ovale. 

L 'ellipfe  s'engendre  dans  le  cône ,  en  cou- 
pant un  cône  droit  par  un  plan  qui  travene 
ce  cône  obliquement ,  c'eft-à-dire ,  non 
parallèlement  à  la  bafe  ,  qui  ne  pallè  point 
par  le  fommet ,  ôc  qui  ne  rencontre  la 
bafe  qu'étant  prolongé  hors  du  cône ,  ou 
qui  ne  fane  tout  au  plus  que  râler  cette  baie. 
La  condition  que  le  cône  foit  droit ,  eft 
nécelfaire  pour  que  la  courbe ,  formée  comme 
on  vient  de  le  dire ,  ioit  toujours  une 
ellipfe;  car  file  cône  eft  oblique,  en  cou- 
pant ce  cône  obliquement,  on  peut  quel- 
quefois y  former  un  cercle  (  voye^  la  fin 
de  l'article  Conique  ,  &  Sous-contraire 
ou  Anti-parallele  ,  au  mot  Paral- 
lèle;) or  la  nature  de  V ellipfe  eft  d'être 
ovale ,  c'eft-à-dire  ,  d'avoir  deux  axes  iné- 
gaux. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  êMé/4'*  défaut  ; 
les  anciens  géomètres  grecs  ont  donné  ce 
nom  à  cette  figure ,  parce  que  entr'autres 
propriétés  elle  a  celle-ci ,  que  les  quarrés 
des  ordonnées  font  moindres  que  les  rec- 
tangles formés  fous  les  paramètres  &:  les 
abiciiîes ,  ou  leur  font  inégaux  par  défaut. 


E  L  L  r^9 

En  effet  l'équation  de  Y  ellipfe  ,  en  pre- 
nant  les  abfciiîes  au  fommet,   eft  celle-ci 

y  y  =  (ax  —  xx)  X— ,  a  étant  l'axe» 
Ôc  b  fon  paramètre.  (  voye^  Paramètre  , 
Courbe  ,  &  Equation  ;  voye^  auffi  la. 
fuite  de  cet  article.}  ;  donc  y  y  <  b  x  ; 
donc,  &c  Voyez  enfin  Parabole  6. 
Hyperbole. 

L 'ellipfe  ,  pour  la  définir  par  fa  forme; 
eft  une  ligne  courbe  ,  rentrante  ,  contenue , 
régulière  ,  qui  renferme  un  efpace  plus 
long  que  large  ,  &  dans  laquelle  fe  trouvent 
deux  points  également  diftins  des  deux: 
extrémités  de  fa  longueur  ,  Ôc  tels  que  fi 
on  tire  de  ces  points  deux  lignes  à  un 
point  quelconque  de  Vellipfe ,  leur  fomme 
eft  égale  à  la  longueur  de  \' ellipfe.  Ces 
deux  points  font  éloignés  de  l'extrémité 
du  petit  axe  d'une  quantité  égale  à  la  moitié 
du  grand  axe. 

Ainfi  dans  Vellipfe  A  E  B  D  A  (  Plan- 
che de  fecl.  conique ,  fig.  %im  )  les  lignes 
F 'a  ôc  Fa ,  tirées  des  deux  points  F  f9 
également  diftans  des  deux  points  A  ÔC 
B  ,  forment  une  fomme  égale  à  A  B  i 
Ôc  la  diftance  des  points  F ,  /,  au  point  E  , 
^  =  CA.  :       ■ 

Souvent  les  Géomètres  prennent  Vellipfe 
pour  l'efpace  contenu  ou  renfermé  dans 
cette  courbe.  Elle  a ,  comme  on  vient  de: 
le  dire,  deux  axes  inégaux  A  B  Se  E Dm 
Le  grand  axe  A  B  s'appelle  quelquefois  axe 
ou  diamètre  tranfverfe  ,  ÔC  le  petit  axe 
D  E  s'appelle  quelquefois  Vaxe  conjugue 
ou  fécond  axe.  Mais  on  appelle  en  général 
diamètres  conjugués  ceux  dont  l'un  eft  paral- 
lèle à  la  tangente  menée  à  l'extrémité  de 
l'autre  ,  ôc  réciproquement ,  fbit  que  leurs 
angles  foient  droits  ,  ou  non.  Les  deux 
axes  fè  coupent  toujours  à  angles  droits. 
Voye^  Axe. 

Les  deux  axes  font  le  plus  grand  &  le 
moindre  des  diamètres  de  Vellipfe  ,  mais 
Vellipfe  a  une  infinité  d'autres  diamètres 
différens.    Voye^  Diamètre  ,  &c. 

Le  centre  d'une  ellipfe  eft  le  point  Cdans 
lequel  fe  coupent  les  deux  axes.  V.  Centre. 

Les  deux  points  F ,  f,  pris  dans  le  grand 
axe ,  également  diftans  de  ces  deux  exrré- 

I"  mités  A  ôc  B  3  ôc  diftans  chacun   du  point 
D    de  la  valeur  de  A  C,  font  nommée 

S  z 


140  E  L  L 

foyers  de    Yeîlipfe  ,    ou    en    latin  umbitici. 
Voye^  Foyer. 

Mais  Yeîlipfe  confédérée  comme  une 
fection  conique,  c'eft-à-dire ,  comme  une 
courbe  ,  provenant  de  la  fection  d'un  cône , 
fè  définit  encore  mieux  par  fa  génération 
dans  ce  folide  ,  que  par  la  manière  dont 
elle  peut  être  produite  fur  un  plan.  C'eft 
la  ligne  courbe  D  QE  qu'on  forme  en 
coupant  le  cône  droit  ACB  (fig.  çlî.  n.  z.) 
de  la  manière  expliquée  ci-dellus. 

Ou  ,  en  la  définifïant  par  une  de  fes  pro- 
priétés fuppofée  connue  ,  c'eft  une  ligne 
courbe  dans  kquelle  le  quarré  de  la  demi- 
ordonnée  P M  (fig.  %i.)  eft  au  rectangle 
des  fegmens  A  P  ,  &  BP  de  l'axe ,  comme 
le  paramètre  eft  à  l'axe  ;  ainfi  fuppofant 
A  B  =  a  ,  le  paramètre  =  b ,  P  M  = 
y  ,  A  P  =  x  y  on  aura  b  ;  a  :  :  y  y  :  a  x 
«— -  x  x  ,  &  par  conféquent  a  y  y=*  a  b  x 
*—  b  x  x. 

Nous  ne  donnons  point  la  démonftration 
de  cette  propriété ,  parce  qu'elle  fe  trouve 
par-tout.  Nous  avons  expofé  les  différentes 
définitions  qu'on  peut  donner  de  Yeîlipfe , 
Si  cette  dernière  propriété  peut  être  regar- 
dée ,.  fî  l'on  veut,  comme  une  des  défi- 
nitions qu'on  peut  en  donner ,  auquel  cas 
la  démonftration  en  feroit  fuperflue.  Mais 
la  meilleure  manière  de  traiter  de  Yeîlipfe 
&  de  toutes  les  fections  coniques  géomé- 
triquement ,  eft  de  les  conlîdérer  a  abord 
dans  le  cône ,  d'en  déduire  leur  équation , 
&  de  les  tranfporter  delà  fur  le  plan  , 
pour  confidérer  plus  facilement  leurs  pro- 
priétés ,  &  pour  trouver ,  fi  l'on  veut ,  la 
•  manière  de  les  décrire  par  un  mouvement 
continu  ,  ou  par  plu  heurs  points.  Ainfi 
des  propriétés  de  Yeîlipfe  tranfportée  & 
confidérée  fur  le  plan ,  réfulte  la  defcription 
de  Yeîlipfe  telle  que  nous  l'avons  donnée  au 
mot  Conique. 

J'ai  dit  que  la  meilleure  manière  de 
traiter  géométriquement  les  fections  coni- 
ques ,  &  en  particulier  Yeîlipfe,  étoit  de 
les  faire  naître  dans  le  cône  ;  car  fi  on 
veut  les  confidérer  algébriquement  par  la 
nature  &  les  différences  de  leurs  équations , 
la-  meilleure  manière  eft  celle  dont  j'ai  parlé 
au  mut  Comique.  Voye^  aujfi  les  articles 
Courbe  &  Construction» 


EL  L 

Si  on  prenoit  les  abfciflès  x  au  centre  C, 

on  trouveroit  y  y  z==  (  —  —  x  x}    x  —  . 

Quelquefois  cette  équation  eft  plus  com- 
mode que  ayy'=abx—-bxx. 

De  cette  dernière  équation  il  s'enfuit  , 

bxx 

i  °.  que  y  y  =  b  x  —  ~'  c'eft  -  à  -  dire  , 
que  le  quarré  de  la  demi-ordonnée  eft  égal 
au  rectangle  du  paramètre  par  l'abfciflè  , 
moins  un  autre  rectangle  formé  par  la  même 
abfcifie  ,  8c  une  quatrième  proportionnelle 
à  l'axe ,  au  paramètre ,  Se  à  rabfcilîe. 

2°.  Le  Paramètre  ,  l'abfcifïe,  Se  la  demi- 
ordonnée  d'une  ellipfe ,  étant  donnés  ,  on 
trouvera   l'axe    en   fàifant   ces    proportions. 

b  : y-  :y  ;  t>  T 

Voye[  Construction. 
3°.    L'abfcifTe    AP 


a. 


,   l'axe    AB  ,  & 
l'ordonnée  P  M ,  étant  donnés  ,  on  trouve 

le  paramètre   en  faifànt  b  =      ayy     *  *" 

*  a x -xx 

conftruifant  enfuite  cette  valeur  de  b  fui- 
vant  les  règles  expliquées  au  mot  Cons- 
truction. 

4°.  Si  du  grand  axe  AB  comme  dia-. 
mètre  {figure  X%) ,  on  décrit  un  cercle 
ACB ,  &  que  par  le  foyer  F  on  mené. 
FC  ordonnée  à  l'axe  y  FC  fera  la  moitié 
du  petit  axe,  &  FD  la  moitié  du  paramètre 
du  grand  axe.  Car  l'abfciffe  G  F  =  V 
(F  Ez  —  G  E1)   ~   V    (aJ.  _    ££); 

4.  4 

pa  étant  le  quarré  du  petit  axe.  Voye^ 
Paramètre    &    Foyer.    Or  ,    C  F1  == 

^  .-«■  G,  F \  par   la   propriété    du  cercle  ; 

donc  C  F  sw    '■  *  ==  la  moitié  du  petit 

axe.  Or  CF* ,  eft  à  DF1   comme  la  moitié" 
du  grand  axe  eft  au  demi-paramètre  ,  c'eft- . 
à-dire  ,  comme  le  quarré  de  la  moitié  du 
petit    axe  eft   au    quarré  de  la  moitié  du 
paramètre  ;  donc  D  F=  la  moitié  du  para-, 
mètre.  Le  cercle  qui  a  pour   diamètre   le 
grand  axe    de   Yeîlipfe ,  eft  appelle  circonf- 
crit  à  Yeîlipfe  ;  le  cercle  qui    a   pour  dia- 
mètre le  petit  axe  ,  eft  appelle  cercle  inf 
crit  :  en  effet  le  premier  de  ces  cercles  eft 
extérieur  ,  h  fécond  intérieur  à  Ydlipfe. 
\     j°.    t,e  paramètre  <%  l'axe  A  M  éxaiu 


ELL 

donnés ,  on  trouvera  facilement  l'axe  con- 
jugué, puifque  c'eft  une  moyenne  propor- 
tionnelle entre  l'axe  ôc  le  paramètre  ;  à 
quoi  il  faut  ajouter  que  le  quarré  du  demi- 
axe  conjugué  eft  égal  au  rectangle  formé  fur 
B  f  Ôc  f  A  {figure  %i  )  ,  ou  fur  A  F 
ôc  B  F. 

6°.  Dans  une  ellipfe  quelconque  ,  les 
quarrés  des  demi-ordonnées  P  M ,  p  m  , 
Ôcc.  font  entr'eux  comme  les  rectangles 
formés  fur  les  fegmens  de  l'axe  :  d'où  il 
s'enfuit  que  D  Ci  :  P  M1  :  :  CBX:AP 
X  B  P ,  ôc  par  conféquent  D  C  :  B  C  :  : 
P  M1  :  A  P  X  B  P  ;  c'eft-à-dire  que  le 
quarré  du  petit  axe  eft  au  quarré  du  grand  , 
comme  le  quarré  de  la  demi  -  ordonnée  eft 
au  rectangle  formé  fur.  les  fegmens  de 
l'axe. 

7°.  La  droite  F  D  (fig.  2.4.  )  tirée  du 
foyer  F  à  l'extrémité  du  demi-axe  conju- 
guée ,  étant  égale  à  la  moitié  de  l'axe 
tranfverfe  AC,  il  s'enfuit  que  les  axes 
conjugués  étant  donnés ,  on  peut  aifément 
déterminer  les  foyers.  Pour  cela  on  cou- 
pera le  grand  axe  A  B  ,  en  deux  parties 
égales  en  C,  on  élèvera  du  point  C ,  la 
perpendiculaire  C  D  égale  au  demi  -  axe 
conjugué  ;  enfin  du  point  D  pris  pour 
centre,  ôc  de  l'intervalle  C  A ,  on  décrira 
un  arc  de  cercle  ,  il  déterminera  les  foyers 
W  ôc  f  par  fes  injerfedions  avec  le  grand 
axe. 

8°.  Comme  la  fbmme  des  deux  droites 
FM  &  f  M. ,  tirées  des  deux  points  F  ôcf, 
au  même  point  de  la  circonférence  M , 
eft  toujours  égale  au  grand  axe  A  B  ,  il 
s'enfuit  delà  que  les  axes  conjugués  d'une 
ellipfe  étant  donnés ,  on  peut  facilement 
décrire  Y  ellipfe.   Voyz\  Conique. 

9°.  Le  rectangle  formé  fur  les  fegmens 
de  l'axe  conjugué  eft  au  quarré  de  la  demi- 
ordonnée  ,  comme  le  quarré  de  l'axe  con- 
jugué eft  au  quarré  du  grand  axe  \  d'où 
il  s'enfuit  que  les  coordonnées  à  l'axe  con- 
jugué ont  entr'elles  un  rapport  analogue 
à  celui  qui  règne  entre  les  coordonnées  au 
grand  axe. 

io°.  Pour  déterminer  la  foutangente  P  T 
{fig,  23.  ),  &  la  founorrmle  P  R  dans  une 
ellipfe  quelconque ,  on  fera  :  comme  le 
premier  axe  eft  au  paramètre ,  ainfi  la 
difcuiçe,  de.  la  demi  -  ordonnée,  au.  centre 


ELL 

founormale.     Vbyc^ 


SoUNOR- 


eft    à   la 

MALE. 

ii°.  Le  rectangle  fous  les  fegmens  de 
l'axe  eft  égal  au  rectangle  formé  de  la 
diftance  de  la  demi-ordonnée  au  centre  ôc 
de  la  foutangente.    Voye^  Sou  tangente. 

ii°.  Le  rectangle  fait  de  la  foutangente 
&  de  la  diftance  de  l'ordonnée  au  centre 
eft  égal  à  la  différence  du  quarré  de  cette 
diftance  ôc  du  quarré  du  demi-axe  tranf- 
verfe. 

130.  Dans  toute  ellipfe  le  quarré  de  la 
demi-ordonnée  à  un  diamètre  quelconque  , 
eft  au  quarré  du  demi  -  diamètre  conjugué  , 
comme  le  rectangle  fait  fous  les  fegmens 
du  diamètre  eft  au  quarré  du  diamètre  ; 
ôc  par  conféquent  le  rapport  des  demi- 
ordonnées  des  diamètres  eft  le  même  que 
celui  des  ordonnées  des  axes  ;  le  paramètre - 
d'un  diamètre  quelconque  eft  aufïi  une 
troifîeme  proportionnelle,  à  ce  diamètre  ôc 
à  fon  conjugué; 

Nous  avons  rapporté  ces  propriétés  de 
Y  ellipfe  la.  plupart  fans  démonftration ,  pour 
deux  raifons  :  la  première  ,  afin  que  le  lec- 
teur ait  fous  les  yeux  dans  un  allez  petit 
efpace  les  principales  propriétés  de  X ellipfe  y 
auxquelles  il  peut  joindre  celles  dont  on  a 
déjà  fait  mention  à  Y  article  Conique. 
La  féconde  raifon  eft  de  donner  au  lecteur 
1  occafîon  de  s'exercer  en  cherchant  la  démonf- 
tration de  ces  propriétés.  Toutes  celles 
que  nous  venons  d'énoncer  fe  déduifent  aifé- 
ment de  l'équation  y  y  '=■■■{  a  x  — x  x) 
-i,  ou  (~-  — x  x)  --  y  félon  qu'on  prendra 

les  abfcifïes  au  centre  ou  au  fbmmet ,  pour 
démontrer  plus  fimplcment  ces  propriétés. 
Pour  démontrer  les  propriétés  des  foyers, 
on  nommera  C  F  (  figure  &l..  )  fi  ôc  on 
remarquera  que  fi  e  eft  lé  fécond  axe ,  on 

aura  a—~  ~~m-ff  =^~7  ==  "X*  ^n  vo^  P^us 
qu'il  n'en  faut  pour  mettre  le  lecteur  fur  la 
voie;  On  peut  remarquer  ici  en  pafîànt  que 
le  cercle  eft  une  efpece  à' ellipfe  dans  laquelle 
les  foyers  coïncident  avec  le  centre. 

Pour  trouver  les  tangentes-  de  Y  ellipfe , 
rien  n'eft  plus  fîmple  ôc  plus  commode  que 
d'employer  la  méthode  du  calcul  difteren- 

uel,  on  a  y^  =  â  *  =  -^  >  donc  2  # 


donc  la  foutan- 


y  d  x    -— -  iy  y 

genre  -^  "  -  j^g£  ^ 


fer    articles 


SOU  TANGENTE      &     T  A  N  G  E  N  T  E. 

A    l'égard    de    la     fouperpendiculaire    ou 

r  i  11         n    yày  y  b  2b  xy 

fbunormale  ,  elle  eft  y-jf  ou  —  —  ~-i  = 

■ Lî.  En  voilà  allez  pour  démontrer  les 

propofitions  énoncées  ci  -  deilus  au  fujet  des 
;tangences  de  Yellipfe. 

Nous  avons  déjà  vu  au  mot  Conique  , 
Se  nous  prouverons  encore  au  mot  Qua- 
drature ,  que  la  quadrature  de  Ydlipfe 
.dépend  de  celle  du  cercle  ,  puifque  Yellipfe 
.eft  au  cercle  circonferit  en  raifbn  du  petit 
axe  au  grand.  A  l'égard  de  la  rectification 
-de  Yellipfe ,  c'eft  un  problème  d'un  genre  fupé- 
rieur  à  celui  de  la  quadrature  du  cercle , 
ou  du  moins  tout-à-fait  indépendant  de 
.cette  quadrature.  Voye^  Rectification  ; 
vcyei  aujfi  dans  les  mémoires  que  j'ai  donnés 
à  l'académie  de  Berlin  pour  l'année  1746, 
éc  dans  le  traité  du  calcul  intégral  de  M.  de 
Bougainville  le  jeune  ,  les  diffhennelbs 
qui  fe  rapportent  à  la  rectification  de  Yel- 
lipfe. 

Au  lieu  de  rapporter  Yellipfe  à  des  coor- 
données rectangles  ou  à  des  ordonnées 
parallèles ,  on  peut  confidérer  Ton  équation 
par  rapport  à  l'angle  que  font  avec  l'axe 
îes  lignes  menées  du  foyer.  Cette  confidé- 
•ration  eft  utile  dans  TAftronomie ,  parce 
que  les  planètes  ,  comme  l'on  fait ,  décri- 
vent des  eliipfes  dont  le  foleil  eft  le  foyer. 
Or  11  on  nomme  a  la  moitié  du  grand  axe 
jd'une  ellipfe ,  f  la  diftance  du  foyer  au 
.centre ,  q  le  connus  de  l'angle  qu'une  ligne 
menée  du  foyer  à  Yellipfe  ,  fait  avec  l'axe  , 
r  la  longueur   de  cette   ligne;    on  aura  r 

£5= -"  ~Z.i>    *î  on  apporte  1  équation  au 

foyer  le  plus  éloigné ,    &  r  =  y£™~  » 

(\  on  la  rapporte  au  foyer  le  plus  proche. 
Delà  on  peut  tirer  la  iolution  de  plusieurs 
problêmes  aftronomiques ,  comme  de  décrire 
une  ellipfe  dans  laquelle  trois  diftances  au 
foyer  font  données ,  &c.  Voyez  les  mémoi- 
res de  l'académie  de  Berlin  pour  Tannée 
*747  ?  8c  plufieurs  autres  ouvrages  d'ajîro- 
pomie, 


E  L  L 

Mais  la  manière  la  plus  générale  de  confi- 
dérer Yellipfe  en  Géométrie,  eft  de  la 
confidérer  par  l'équation  aux  ordonnées 
parallèles.  Nous  allons  entrer  dans  quelques 
confédérations  fur  ce  fujet,  qui  pourront 
être  utiles  aux  commençans  ,  peut  -  être 
même  aux  géomètres  plus  avancés. 

L'équation  d'une  ellipfe  rapportée  aux 
axes  ,  les  coordonnées  étant  prifes  au  cen- 
tre, eft  yy~k —  g  x  x,  k  exprimant 
un  quarré  ou  rectangle  connu,  8c  g  un 
nombre  confiant  8c  connu  ;  cela  réfulte 
de  ce  qu'on  a  vu  ci-deflus.  Transformons 
les  axes  de  cette  courbe  ,  de  manière  qu'ils 
ne  fbient  plus  rectangles  ,  fi  on  veut ,  mais 
qu'ils  aient  la  même  origine  ,  8c  fervons 
nous  pour  cela  des  règles  expliquées  aux 
articles  Courbe  &  Transformation  ; 
on  verra  qu'en  fuppofant  un  des  axes  dans 
une  pofition  quelconque  ,  il  fera  pofTible 
de  donner  une  telle  pofition  à  l'autre , 
que  l'équation  transformée  foit  de  cette 
forme  u  z/=  m — n^[,  m  5c  n  marquant 
aufli  des  circonftances  déterminées.  En  effet 
luppofons  que  l'angle  des  premiers  axes 
foit  droit ,  que  E  foit  l'angle  du  nouvel 
axe  avec  l'un  des  axes  primitifs ,  8c  F 
l'angle  que  l'axe  cherché  fait  avec  l'axe 
conjugué  à  l'axe  primitif  ;  foit  finus  2s  =e, 

cofinus  E  =  V  1  —  e&^  on  aura  finus  90 

+  E  =  V    1  —  ee,    cofinus  90  -f-   E 

=  —  e  ;  foit  finus  F=f,  8c  cofinus  F  = 

/ ■  _    y 

y  1  —  ff,  on  trouvera  ^ 

fin.  E 


I— // 


/ 


nus  90 


cof.  F 


F  — 


8c 

\^X  v  -j-^ryy  fin   90  _j.    £  _  F  =   j.    \ 

Or  ,  finus  90  -f-  E  —  F=  fin.  90  «+-  E  X 
/  1  — //  —   /  cofin.  90  -f-  E  (  royei 

Sinus  )  =  V  1  —  //  X  V  1  —  e  e 
■-t-fe.  Subftituant  ces  valeurs,  &  chafïànt 
x  8c  y ,  on  aura  une  équation  en  £  8c  en  u , 
qui  fera  la  transformée  de  l'équation  y  y 
=  k  —  g  x  x  ;  8c  fuppofant  dans  cette 
transfermée  que  les  termes  où  fe  trouve  u  ç 
fe  dé  triaient ,  on  aura  la  yaleur  de  f  en  e 


E  LL 

convenable  pour  cela  ,    &  l'équation  u  u 
=  m  —  n  [  £.  Cela  pofé  , 

Il  eft  vifible  que  pour  chaque  [  ,  u  a 
toujours  deux  valeurs  égales ,  Tune  pofitive  , 

l'autre  négative;  que  lorfque  {  =  VfL, 

n 

onau  =  o  dans  chacune  de  ces  deux  va- 
leurs ,  &  qu'ainfi  la  tangente  à  l'extrémité 
d'un  des  deux  axes  eft  parallèle  à  l'autre 
axe  ,  &  réciproquement  ;  car  la  tangente 
eft  une  ordonnée  qui  coupe  la  courbe  en 
deux  points  coïncidens.  V.  Tangente 
&  Courbe.  On  verra  de  plus  que/—  o 
rend  e  =  o  ;  que  /  =  i  rend  e  =  i  , 
3  repréfentant  le  finus  total;  que/= —  i 
rend  e  =  —  i  ,  &  qu'ainfi  il  n'y  a  que 
deux  axes  dans  Yellipfe  qui  Te  coupent  à 
angles  droits  ;  mais  que /  =  izrtr  étant 
moindre  que  i  ,  donne  deux  valeurs  de  e 
aufli  égales  entr'elles  ,  &  qu'ainfi  il  y  a 
toujours  deux  diamètres  diftérens  qui  font 
avec  leur  conjugué  le  même  angle  ,  fi  cet 
angle  eft  moindre  qu'un  droit.  On  peut 
auili  déduire  des  valeurs  de  /  en  e  ,  &  de 
celles  de  m  &  n  ,  que  le  rectangle  des  deux 
axes  eft  égal  au  parallélogramme  formé  fur 
deux  diamètres  conjugués  ,  Ôc  que  le  quarré 
des  deux  axes  eft  égal  au  quarré  des  deux 
diamètres.  Mais  ces  proportions  peuvent 
encore  fe  démontrer  de  la  manière  fui- 
vante  ,  qui  eft  bien  plus  iimple. 

Pour  démontrer  que  les  parallélogram- 
mes formés  autour  des  deux  diamètres 
conjugués  font  égaux  ,«  imaginez  un  dia- 
mètre infiniment  proche  d'un  des  conju- 
gués ,  &  enfuite  imaginez  le  conjugué  à 
ce  diamètre  infiniment  proche.  Achevez 
les  deux  parallélogrammes ,  ou  plutôt  le 
quart  de  ces  parallélogrammes  ,  vous  verrez 
à  l'inftant ,  &pourainfi  dire  à  l'œil,  parle 
parallélisme  des  tangentes  aux  diamètres 
conjugués ,  que  ces  deux  parallélogrammes 
infiniment  proches  font  égaux  ;  leur  diffé- 
rence ,  s'il  y  en  avoir  ,  ne  pouvant  être 
qu'infiniment  petite  du  fécond  ordre  par 
rapport  à  eux.  Donc  ,  ùc. 

Pour  démontrer  maintenant  que  la  fbmme 
des  quarrés  des  diamètres  conjugés  eft 
conftante  ,  confervez  la  même  figure , 
appeliez  a  un  des  demi  -  diamètres  ,  b  fon 
conjugué,  a.^rda3  le  demi  *  diamètre 


ELL  143 

infiniment  proche  de  a,  b  —  db  le  demi- 
diametre  conjugué  \    il  faut  donc  prouver 
que  a  a~\-  b  b  =  a  a  +  %.  ada-\-b  b  — 
%  b  d  b  (  voye^  Différentiel)  ou  que 
ad  a  =  bd  b.    Or    traçant    du  centre    de 
Yellipfe   &   des    rayons  a  ,  b  ,   deux  petits 
arcs    de  cercle  x  ,    (,  on    verra    d'abord, 
évidemment  que  les  deux    quarts  à'ellipfe- 
renfermés  entre   les  demi  -  diamètres  con- 
jugés, font  égaux,  3c  qu'ainfi  ax  =  b^,. 
Or#eftà<ftf&çeftà<f£  comme  le 
finus  de  l'angle  des  diamètres  eft  au  cofinus- 
du  même  angle  ;  donc  x  :  d  a  :  :  [  :  d  b  ;, 
donc  puifque  a  x  =  b  £ ,   on  aura  a  d  a. 
=  bdb. 

On  objectera  peut  -  être    que  ces  deux 
démonftrations  font  tirées   de  la  confidé- 
ration    des    quantités    infiniment     petites  * 
c'eft-à-dire  d'une  géométrie  tranfeendante 
lupérieure  à  celle  des  fections  coniques.  Je* 
réponds  que  les  principes  de  cette  géométrie 
font  iimples   ôc    clairs ,    de  qu'ils   doivent 
être  préférés  dès  qu'ils  fourniflent  le  moyen 
de  démontrer  plus  aifçment.  Voye[  Infini 
^Différentiel.  En  effet,  pourquoi 
ne  mettra-t-on  pas    à    la  tête  d'un  traité 
des  fections  coniques  des  principes  de  calcul 
différentiel ,    lorfque    ces    principes  fîmpli- 
fieront   &  abrégeront   les   démonftrations  ? 
J'ofe  dire    que    l'opinion  contraire   ne  fe- 
.  roit  qu'un  préjugé  mal  fondé.    Il  y  a  cent 
raifons  pour  la  détruire ,  &  pas  une  pour  la 
foutenir.  Les  principes  de  la  géométrie  de 
l'infini  étant  applicables  à  tout ,  on  ne  fiuroit 
les  donner  trop  tôt  ;    &  il  eft  bien  aifé  de  les 
expliquer  nettement.     On    doit   traiter  le 
problême  des  tangentes  d'une   courbe  par 
îe  calcul  différentiel  ,    celui  de  la  quadra- 
ture &    de    fa  rectification   par    le    calcul' 
intégral ,  &  ainli  du  refte ,  parce  que  ces 
méthodes   font  les  plus  fimples  &  les  plus 
aiféesà  retenir.  Voye^ Elemens  £' Mathé- 
matiques. 

La    manière  dont  nous  venons  de    dé- 
montrer l'égalité  des  parallélogrammes  cir— 
conferits    à  l'ellipfe ,    a  donné    occafion    à. 
M.  Euler  de  chercher  les  courbes  qui  peu- 
vent avoir  une  propriété  fembîable.    Voyei^ 
Us  mém.  de  lxccad.  de  Berlin  ,  année   Z745,. 

Au  l'ea   de|  ceniidérer   d'abord    Yellipfe- 
par  rapport  à  &s  axes ,  011  peut  la  conii* 


*44  ELL 

dérer  ,  comme  nous  avons  fait  dans  l'article 
Conique  ,  par  rapport  à  fon  équation 
envifagée  de  la  manière  la  plus  générale. 
Cette  équation  ,  comme  on  le  peut  voir 
à  l'article  cité ,  fe  réduira  toujours  à  l'équa- 
tion des  diamètres  uu  =  m —  n^>  en 
ne  faifant  même  changer  de  pofition  qu'une 
des  coordonnées.  Voye^ Courbe,  &c. 

Le  fphéroïde  formé  par  une  ellipfe  autour 
de  fon  axe ,  eft  à  la  iphere  qui  a  cet  axe 
pour  diamètre,  comme  le  quarré  de  Taxe 
eft  au  quarré  de  fon  conjugué  ;  c'eft  une 
fuite  du  rapport  des  ordonnées  correfpon- 
dantes  de  Yellipfe  8c  du  cercle  qui  a  le 
même  axe.  Voye^  Sphéroïde;  voye^ 
aujji  les  articles  Coeur  {Géométrie)  & 
Conoïde. 

Nous    avons    dit    ci-deffus  ôc  au    mot 
Conique  ,    comment    on    décrit    Yellipfe 
par  un  mouvement  continu  :  cette  manière 
de  la  décrire  eft  la  plus  fimple  qu'on  puiflè 
employer  fur  le  terrain ,  &  même  fur  le 
papier  :  mais  toutes  les  defcriptions  orga- 
niques de  couibes  iur  le   papier  font  in- 
commodes.   Voye[   Compas  elliptique. 
La  defcription  par  plufieurs  points  doit  être 
préférée.   Vbye{  Description  &  Courbe. 
On  peut  décrire  Yellipfe  par  plufieurs  points  , 
en  divifant  en  raifon  du  petit  axe  au  grand 
les  ordonnées  du  cercle  circonfcrit.    Voye^ 
à  la  fin  du  II  livre    des  feclions    coniques 
de  M.    de    l'Hôpital ,  plufieurs  autres  mé- 
thodes très  -fimples  de  décrire  /'ellipfe  par 
plufieurs  points.    Il  y    a  des  géomètres  qui 
enfeignent  à   décrire  Yellipfe  fur  le  papier 
par    un  .  mouvement    continu  ,  fuivant    la 
méthode    qui    fera    expliquée    à     l'article 
Ovale  ;  mais  cette  méthode  eft  fautive  ; 
ce  n'eft  point  une  ellipfe  qu'on  décrit ,  c'eft 
un  compofé  d'arcs  de  cercle  qui  forment 
une  ovale  à  la  vue ,  8c  qui  n'eft  pas  même 
proprement  une  courbe  géométrique.  Au- 
cune portion  d'ellipfe  n'eft  un  arc  de  cercle. 


ËLt 

(  K    Anomalie    &    Exchntîucïte'  )t 
on  a  la  diftance  r  de  la  planète  au  foyer  rm 

7~  /coTt ;  or  »  fuPPofant  /  très  -  petite 
par  rapport  à  a ,  on  peut  aifément  réduire 
en^  féne  cette  valeur  de  r.  Vbye{  Binôme  , 
Développement  ,  &  Série  ;  de  plus 
l'élément  du  fecteur  qui  repréfente  l'ano- 
malie moyenne  (  Voye^  Loi  de  Kepler 
&  Anomalie  )  eft  proportionnel  à  d  / 
(««  —  //>  t,  v    .,     I    .r,  ,  .     1 

a  —  f  cof.  x  )  »  '  d  ou  l[  elt  ^  de  conclure 


/cof,  o 
par  les  fériés  &  le  calcul  intégral ,  que  fi  <f 
eft  l'anomalie  moyenne  ,   on  aura  (  =  7 

-f-  2. /Tin.  1-+- 1~  fin.  3  ç  +  y  fin.  3  ^  Sec. 
8c  par  la  méthode  du  retour  des  fuites 
(  Voye^   Suite    &    Retour  ) ,  on    aura 

<_=  {  -  lfCm.(  +  ^  fm.iï-'^ 
fin.    3  {  — !_!i  ,  6>c.  ainfi  on  a  égale- 

4 

ment  la  valeur  de  l'anomalie  moyenne  par 
la  vraie ,  ou  celle  de  la  vraie  par  la  moyenne, 
ce  qui  donne  la  folution  du  problême  de 
Kepler  développé  au  mot  Anomalie.  J'ai 
mis  ici  ces  formules ,  afin  que  les  Aftro- 
nomes  puiflent  s'en  fervir  au  befbin.  Vcyc{ 
Equation  du  centre. 

Si  Yellipfe  eft  peu  excentrique  ,  8c  qu'une 
des  lignes  menées  au  foyer  foit  a  -+-  ?t 
l'autre  fera  a  —  ç  ,  ç  étant  une  très-petite 
quantité  ;  donc  le  produit  a  a  —  [  r_  de  ces 
deux  lignes  peut  être  regardé  comme  conl- 
tant  &  égal  à  a  a  ,  à  caufe  de  la  petiteiTè 
de  1  ç.  Or  fi  des  deux  extrémités  d'un  arc 
infiniment  petit  d'ellipfe  on  mené  des  lignes 
à  chaque  foyer,  on  trouvera,  après  avoir 
décrit  de  petits  arcs  du  foyer  comme  centre 
&  des  rayons  a  ■+•  ç ,  a  —  ç  ,  que  ces 
petits  arcs  font  égaux  :  nommant  donc  a 
chacun  de  ces  petits  arcs  ,  on  trouvera  que 
le  fecteur  qui  a  a  -+•  ç  pour  rayon    eft    «. 


La  preuve  en  eft  ,  que  le  rayon  de  la  déve-    (  L!ZU  )  ,  8c  que  l'angle  qui  a  a  —  £  pour 
loppée    de    cette  courbe  n'eft  confiant  en  j         z 
aucun    endroit. 


On    peut    le    démontrer 
d'une    infinité    d'autres    manières.      Voyci^ 

DÉVELOPPÉE    &    OSCULATEUR. 

On  a  déjà  dit  un  mot  de  l'ufage  de 
Yellipfe  dans  l'Aftronomie ,  8c  on  a  vu 
ci-deiïus  que  7_  étant  l'anomalie  vraie  ,  a 
h  diftance   moyenne  ,  8c  f  l'excentricité 


rayon 


eft  —^r  ;  donc  le  rapport  du  fec- 


teur à    l'angle   eft  ""      '   ;  donc   il  peut 


2 

être  cenfé  confiant  ,  fur  quoi  veye^  l'article 
fuivant  Ellipse  de  M.  Cafïini. 

De  ce  que  la  fomme  des  lignes  menées 

aux 


E  L  L 

aux  foyers  eft  conftante ,  il  s'enfuit,  comme 
il  eft  aifé  de  le  voir  ,  que  menant  deux 
lignes  d'un  même  point  aux  deux  foyers , 
la  différentielle  de  l'une  eft  égale  à  la 
différentielle  de  l'autre  prife  négativement. 
Or  on  conclura  delà  très-aifément,  &  par 
la  plus  fimple  géométrie  élémentaire  ,  que 
les  deux  lignes  dont  il  s'agit  font  des  angles 
égaux  avec  la  tangente  qui  pafîè  par  le 
point  d'où  elles  partent.  Donc  un  corps 
partant  du  foyer  d'une  ellipfe  &  choquant 
la  furface  ,  fera  renvoyé  à  l'autre  foyer. 
Voye\  Réflexion.  Delà  l'ufage  de  cette 
propriété  dans  PAcouftique  &  dans  l'Opti- 
que. Voye\ Miroir,  Echo,  Cabinets 
SECRETS.  Voilà  encore  une  propriété  de 
Vellipfe  que  le  calcul  différentiel ,  ou  plutôt 
le  fimple  principe  de  ce  calcul ,  démontre 
très-élégamment  &  très-fimplement.  Si  les 
deux  foyers  d'une  ellipfe  s'éloignent  jufqu'à 
arriver  aux  extrémités  du  grand  axe,  Vellipfe 
devient  alors  une  ligne  droite  ;  &  fi  un 
des  foyers  reftant  en  place  ,  l'autre  s'en 
éloigne  à  l'infini ,  elle  devient  parabole. 
Voye\  Parabole. 

Ellipfes  à  l'infini  ou  de  tous  les  genres , 
ce  font  celles  qui  font  défîgnées  par  les 
équations   générales   a  y  m -{-a  =  b  x  >» 

X  a  —  xn  ,  &  que  quelques-uns  appellent 

ellip  toi  de .  Voye\  ElliptoïDE.  Mais 
ces  mots  ou  façons  de  parler  font  peu  en 
ufage. 

Vellipfe  ordinaire  eft  nommée  ellipfe 
apollonienne  ou  ^Apollonius  ,  quand  on 
la  compare  à  celles-ci ,  ou  qu'on  veut  l'en 
diftinguer.    Voye\  Apollonien.  (O) 

Ellipse  de  M.  Cafîini ,  autrement 
nommée  caffinoïde  ,  eft  une  courbe  que 
feu  M.  Jean-Dominique  Cafîini  avoit  ima- 
ginée pour  expliquer  les  mouvemens  des 
planètes  ;  cette  courbe  a  deux  foyers  F , 
f>  {fig-  24«  )  dont  la  propriété  eft  telle 
que  le  produit  F  M  Y.  Mf  de  deux  lignes 
quelconques  menées  de  ces  foyers  à  un 
point  quelconque  M  de  la  courbe  ,  eft 
toujours  égal  à  une  quantité  conftante  ;  au 
lieu  que  dans  Vellipfe  ordinaire  ou  d'Apol- 
lonius, c'eft  la  fomme  de  ces  lignes  ,  & 
non  leur  produit ,  qui  eft  égale  à  une 
quantité  conftante.  M.  l'abbé  de  Gu  i  dans 
fes  ufages  de  Vanalyfe  de  Dejcar.es  ,  a 
Tome  XII. 


E  L  L  145 

déterminé  les  principales  propriétés  de  cette 
ourbe.  II  y  examine  les  différentes  figures 
qu'elle  peut  avoir  ,  &  dont  nous  avons 
rapporté  quelques-unes  à  V article  CONJU- 
GUÉ ,  &  il  conclut  que  cette  courbe  n'a 
pas  été  bien  connue  par  ceux  qui  en  ont 
parlé  avant  lui ,  fi  on  en  excepte  cependant 
Pilluftre  M.  Grégory.  Voye\  afiron.  p/iyf. 
&  ge'ome'tr.  élément,  pag.  331.  édit.  de 
Genève,  en  1726,  ou  les  tranf. phil.  Sept. 
1704. 

Pour  avoir  une  idée  des  propriétés  de 
cette  courbe  ,  foit  a  fon  demi-axe  ,  f  la 
diftance  d'un  des  foyers  au  centre ,  x 
l'abfcifte  prife  depuis  le  centre  ,  y  l'or- 
donnée ,  on  aura  ,  comme  il  eft  aifé  de 
le  prouver  par  le  calcul  (x  x 2  f  x 

-+-ff-+-yy  )  (  #*-+-  ifx->r:ff-Jr-yy  ) 

==(aa ff)x  y  par  la  propriété  de  cette 

courbe,  ou  {yy-\-ff-\~xxy \ff 

x  x  =  (a  a  — f  f)x  »  ou  enfin  y  =^+; 

V[ ff x  x-±V{aa //)> 

-\-^ffx  x  ]  ;  donc  ,   i°.  cette  équatioa 

ne  donnera  jamais  que  deux  valeurs  réelles 
tout  au  plus  pour  y ,  l'une  pofitive ,  l'autre 
négative  ,  &  égale  à  la  pofitive  ',  car  les 
deux  valeurs  qu'on  auroit  en  mettant  le 

figne devant  V/(  a  a  - ffl-\-%ffx  x 

feraient  imaginaires ,  puifque  y  feroit  la 
racine  d'une  quantité  négative.  2°.  En 
fuppofant  même  le  figne  -f-  devant  cette 
dernière  quantité  ,  il  eft  vifible  que  la 
valeur   de  y  ne  fera    réelle   que  quand 

(  a  a ffY  -f-  4  ffx  x  fera  >  ou  = 

(ff-\-  x  x  y  ,  c'eft-à-dire  ,  quand  a4  — 
iffaa-\-i.ffxx — x\  fera  >  ou  =  o. 

Doncfi(aa ffY  eb>(xx ffY 

ou  {ff xxY  ,  l'ordonnée  fera  réelle  , 

finon  elle  fera  imaginaire. 

Donc  fi  aa?=2//,  l'ordonnée  fera 
nulle  au  centre,  &  la  courbe  aura  la  fi- 
gure d'un  8  de  chiffre  ou  lemnifcate 
(    Voye\  Lemniscate  )  ;  car  on    aura 

alors  xx—  ou  >  iff a  a  ,  condition 

pour  que  l'ordonnée  foit  nulle  ou  réelle. 
Si  2  ff  >  a  a  ,  les  ordonnées  réelles 

T 


ia6  £  l  L 

ne  commenceront  qu'au   point  où  x  = 

+  J/2//— aa,  &  elles  finiront  au  point 
où  x  —  a;  car  (afl-//)J  doit  aufli 
être  >  ou  =  (  x  x  — //)  ».  Ainfi  dans 
ce  cas  la  courbe  fera  compofée  de  deux 
courbes  conjugues  &  ifolées  ,  difLintes 
lune  de  l'autre  de  la  quantité  2.  V  ïff—a  a  ; 
&  fi  dans  cette  fuppofition  on  a  de  plus 
a—  l/xff —  a  a  ou  f=a,  la  courbe 
fe  réduira  à  deux  points  conjugés  uniques. 
Si/>  a,  la  courbe  fera  totalement  ima- 
ginaire. Enfin  fi  2  //<  a  a  ,  la  courbe 
fera  continue  ,  &  aura  toutes  fes  ordon- 
nées-réelles ,  égales  &  de  figne  contraire, 

depuis  x  =  o  jufqu'à  x  =  a. 

Cette  courbe  que  M.  Caiïini  avoit  voulu 
introduire  dans  l'aftronomie ,  n'eft  plus 
qu'une  courbe  purement  géométrique  & 
de  (impie  curiolité  ;  car  on  fait  que  les 
planètes  décrivent  des  ellipfes  apollonien- 
nes  ou  ordinaires.  On  demandera  peut-être 
par  quelle  raifon  M.  Caifini  avoit  fubifitué 
cette  ellipfe  à  celle  de  Kepler.  Voici  ma 
conjecture  fur  ce  fujet.  On  fait  que  la 
plupart  des  planètes  décrivent  des  ellipfes 
peu  excentriques.  On  fait  aufîi  ,  &  on 
peut  le  conclure  de  l'article  ellipfe  qui 
précède  ,  que  dans  une  ellipfe  peu  excen- 
trique les  feàèurs  faits  par  les  rayons  vec- 
teurs à  un  foyer  font  proportionnels  à 
très-peu-près  aux  angles  correfpandans 
faits  à  l'autre  foyer  ;  &  c'eft  fur  cette 
propriété  que  Ward  ou  Sethus  JVurdus  a 
établi  fa  R  lut  ion  approchée  du  problême 
<jui  coniifte  à  trouver  l'anomalie  vraie  d'une 
planète ,  l'anomalie  moyenne  étant  donnée. 
Voye\  Ellipse  &  Anomalie.    Vvye\ 

auffi  les  inftit.  aflronomiq.  de  M.  le  Mon- 
nier  pag.  50e.  &  fuiv.  Le  rapport  du 
fedeur  infiniment  petit  à  l'angle  corref- 
pondant  ,  eft  comme  le  rectangle  des  deux 
lignes  menées  au  foyer,  &  dans  une  ellipfe 
peu  excentrique,  ce  re&rangle  eft  â-peu- 
près  confiant  :  voilà  le  principe  de  Ward. 
Or  M.  C-ifTïni  paroît  avoir  raifonné  ainfi  : 
puifque  le  rapport  des  fecteurs  élémentaires 
aux.  angles  correfpondans  eft  comme  ce 


E  L  L 

rectangle ,  il  fera  confiant  dans  une  courbje 
où  le  reclangle  feroit  confiant  ;  il  a  en 
conféquence  imaginé  fa  Caffinoïde. 

Mais  ,  i°.  quand  la  CafTinoïde  auroit 
cette  propriété  de  la  proporcionalité  des 
fecteurs  aux  angles ,  ce  ne  feroit  pas  une 
raifon  pour  l'introduire  dans  l'Aftronomie 
à  la  place  de  V ellipfe  conique  que  les  pla- 
nètes décrivent  en  effet  ;  que  gagne- t-on 
à  amplifier  un  problême  ,  lorfqu'on  change 
Téta:  de  la  queftion  ?  20.  Si  dans  Y  ellipfe 
conique  le  rapport  des  fecteurs  aux  angles 
eft  comme  le  rectangle  des  deux  lignes 
menées  aux  foyers,  c'eft  que  la  fomme  de 
ces  deux  lignes  eft  confiante  (  Voye\ 
ELLIPSE  )  ;  fans  cela  la  proportion  n'a  plus 
lieu.  Ainii  même  dans  X  ellipfe  caffinienne 
les  fecteurs  ne  font  pa>  comme  les  angles. 
J'ai  cru  cette  remarque  aflèz  importante? 
pour  ne  la  pas  négliger  ici.  (O) 

Ellipse,  nom  que  les  Horlogers  don- 
nent à  une  pièce  adaptée  fur  la  roue  an- 
nuelle d'une  pendule  d'équation.  C'eft  une 
grande  plaque  de  laiton  dont  la  courbure 
eft  irréguliere  ,  mais  reflemblant  à-peu-près 
à  celle  d'une  ellipfe.  Cette  pièce  fert  à 
faLe  avancer  ou  retarder  l'aiguille  des 
minutes  du  temps  vrai  félon  l'équation  du 
foleil .  Voye\  U-deJfus  V article  Pe  n  d U  LE 
d'Equation  ,  où  l'on  explique  comment 
cela  fe  fait ,  &  de  quelle  manière  on  donne 
à  cette  plaque  la  courbure  requife.  (  J) 

ELLIPSOÏDE,  f.  m.  (Geom.)  eft  le 
nom  que  quelques  géomètres  ont  donné  au 
folide  de  révolution  que  forme  1  ellipfe  en 
tournant  autour  de  l'un  ou  de  l'autre  de 
fes  axes.  Voy.  Sphéroïde  &  Conoïde. 
Uellipfoïde  eftalongé,  fi  Fellipfe  tourne 
autour  de  fon  grand  axe  ;  &  applati  3  fi 
elle  tourne  autour  de  fon  petit  axe.  lyoye\ 
Allongé,  Applati.  L'ordonnée  de 
['ellipfe  génératrice  eft  toujours  à  l'ordon- 
née correfpondante  du  cercle  qui  a  pour 
diamètre  l'axe  de  résolution ,  comme 
l'autre  axe  eft  à  l'axe  de  révolution  :  donc 
les  cercles  décrits  par  ces  ordonnées  (  les- 
quels cercles  forment  les  élémens  de  la 
fphere  &  de  Xellipfoïde  )  ,  font  entr'eux 
comme  le  quarré  de  l'axe  de  révolution 
eft  au  quarré  de  l'autre  axe  :  donc  la  fpherq1 
eft  à  Xellipfoïde  comme  le  quarré  de  l'axe 
de  révolution  eft  au  quarré  de  l'autre  axe. 


El  L 
Voyc\  Axe  ,  Con»  ugué  ,  Cercle  , 
Conoïde.  (O) 

ELLIPTICITE,  f.  f.  C^'o/77.)  Quel- 
ques géomètres  modernes  ont  donné  ce 
nom  à  la  fraction  qui  exprime  le  rapport 
de  la  différence  des  axes  d'une  ellipfe  , 
au  grand  ou  au  petit  axe  de  cette  ellipfe. 
Plus  cette  fradion  eft  grande  ,  plus  ,  pour 
ainG  dire,  l'ellipfe  eft  ellipfe,  c'eft-à-dire, 
plus  elle  s'éloigne  du  cercle  par  l'inégalité 
de  fes  axes  ;  ainli  on  peut  dire  que  le  degré 
tfellipticité  d'une  ellipfe  eft  représenté  par 
cette  fra&ion.  Il  feroit  à  fouhaiter  que 
cette  expreflion  fût  adoptée  ;  elle  eft  com- 
mode ,  claire  eft  précife.  (O) 

ELLIPTIQUE,  adjedif formé d'ellipfe. 
Cette  phrafe  eft  elliptique  ,  c'eft-à-dire  , 
qu'il  y  a  quelque  mot  de  fous-entendu  dans 
cette  phrafe.  La  Langue  latine  eft  prej que 
toute  elliptique ,  c'eft-à-dire ,  que  les  Latins 
faifoient  un  fréquent  ufage  de  l'ellipfe  ; 
car  comme  on  connoiftbit  le  rapport  des 
mots  par  les  terminaifons ,  la  terminaifon 
d'un  mot  réveilloit  aifément  dans  l'efprit 
le  mot  fous-entendu  ,  qui  étoit  la  feule 
caufe  de  la  terminaifon  du  mot  exprimé 
dans  la  phrafe  elliptique  :  au  contraire 
notre  langue  ne  fait  pas  un  ufage  auiîi 
fréquent  de  l'ellipfe  ,  parce  que  nos  mots 
ne  changent  point  de  terminaifon  ;  nous 
ne  pouvons  en  connoître  le  rapport  que 
par  leur  place  ou  pofition  ,  relativement 
au  verbe  qu'ils  précèdent  ou  qu'ils  fuivent , 
ou  bien  par  les  proportions  dont  ils  font 
le  complément.  Le  premier  de  ces  deux 
cas  exige  que  le  verbe  foit  exprimé  au 
moins  dans  la  phrafe  précédente.  Que 
demandez-vous  ?  R.  ce  que  vous  m'ave\ 
promis  :  l'efprit  fupplée  aifément ,  je  de- 
mande ce  que  vous  myave\  promis.  A 
l'égard  des  prépofitions  ,  il  faut  auïTi  qu'il 
y  ait  dans  la  phrafe  précédente  quelque 
mot  qui  en  réveille  l'idée  ,  par  exemple  : 
Quand  reviendre^-voust  R.  Vannée  pro- 
chaine y  c'eft-à-dire ,  je  reviendrai  dans 
Vannée  prochaine.  D.  Que  fere\  -  vous  ? 
R.  ce  qu'il  vous  plaira  ,  c'eft-à-dire ,  ce 
qu'il  vous  plaira  quejefajje.  (.F) 

Elliptique,  adj.  (Géom.)  fe  dit  de 
ce  qui  appartient  à  l'ellipfe.  V.  Ellipse. 

Kepler   a  avancé    le    premier  que  les 
•rbites  des  plantes   n'étoient  pas  circu- 


E  L  L  147 

laires,  mais  elliptiques  ;  hypotliefe  qui  a 
été  foutenue  enfuite  par  Bouillaud  ,  Flam'f- 
teed,  Newton,  &c.  d'autres,  aftronomes' 
mooernes  l'ont  confirme  depuis,  de  façon 
que  cette  hypothefe,  qu'on  appelloit  autre- 
fois par  mépris  V hypothefe  elliptique ,  eft 
maintenant  univerfellement  reçue.  Voye\ 
Orbite  &  Planète. 

M.  Newton  démontre  que  11  un  corps 
fe  meut  dans  un  orbite  elliptique  ,  de  ma- 
nière qu'il  dérive  autour  d'un  des  foyers 
des  aires  proportionnelles  au  temps ,  fa 
force  centrifuge  ou  fa  gravité  fera  en  raifon 
doublée  inverfe  de  fes  diftances  au  foyer, 
ou  réciproquement  comme  les  quarrés  de 
fes  diftances.  Voye\  CENTRIPETE. 

Quelques  auteurs  prétendent  que  la  meil- 
leure forme  que  l'on  puifTe  donner  aux  arcs 
de  voûte  ,  eft  la  forme  elliptique.  Voye\ 
Arc  ,  Voûte  ,  Cabinets  ,  Secrets  , 
Ellipse. 

Efpace  elliptique  ,  c'eft  l'aire  renfermée 
par  la  circonférence  de  l'ellipfe.  Voye\ 
Ellipse. 

Conoïde  ou  fphéroide  elliptique  y  c'eft 
la  même  chofe  qu'ellipfoïde.  V.  Sphé- 
roïde ,  Conoïde  ,  &  Ellipsoïde. 

Compas  elliptique  ,  voye\  COMPAS. 
Harris  &  Charniers.  (O) 

ELLIPTOIDE ,  f.  fém.  (  Géométrie.  ) 
lignifie  une  efpece  d'ellipfe  ou  plutôt  de 
courbe   délignée    par   l'équation   générale 

xa  ,   dans  la- 


a  ym-\-n  =  £   zn  X   a- 

quelle  772  ou  n  eft  plus  grand  que  1.   Voye\ 
Ellipse. 

Il  y  en  a  de  différens  genres  ou  degrés , 
comme  Yelliptoïde  cubique  dans  laquelle 

a  xl  =  b  xz  X  a  —  x. 

L'elliptoïde  quarrée  quarrée  ,  ou  furfo- 
lide  ,  ou  du  troiileme  ordre ,  dans  laquelle 

a  y4  =  b  xx  X  a  —  xz . 

Si  on  appelle  une  autre  ordonnée  u  , 
&    PabfcifTe  correfpondante  \ ,  on  aura 

a  H«B-i-/x=  b  \f"X  a — \m  ,   &  par  con- 
féquent   a  y"}  -+-n  :  a  um-\-n  :  :  b  xm 

Xa  —  z«:^»Xa —  $*' ,  c'eft-à-dire  , 

T2 


148  E  L  M  _ 

ym  -f-a  :  um  ~*~n  :   :  xm  X  & 


■  xn  :  %n 


Xa 


l«. 


Elliptoïde  ,  f.  m.  (Géom.)  fe  ditaufîi 
quelquefois  pour  ellipfoïde.  V.  ELLIPSOÏ- 
DE. (O) 

*  ELLOTIDE  ou  HELLOTIDE  , 
f.  f.  (  Mythol.  )  furnom  de  la  Minerve 
de  Corinthe.  Les  Doriens  ayant  mis  le 
feu  à  cette  ville  ,  Ellotis  prêtreffe  de  Mi- 
nerve ,  fut  brûlée  dans  le  temple  de  cette 
déefTe ,  où  elle  s'étoit  réfugiée.  Un  autre 
fléau  donna  lieu  à  la  réédification  du  tem- 
ple :  ce  fut  une  pefte  qui  défoloit  Corin- 
the ,  &  qui  ne  devoit  cefler  ,  félon  la  ré- 
ponfe  de  l'oracle  ,  qu'aprts  qu'on  auroit 
appaifé  les  mânes  de  la  prêtreffe  Ellotis  , 
&  relevé  les  autels  de  Minerve.  Les 
autels  &  le  temple  furent  relevés  ;  &  on 
les  confacra  fous  le  nom  de  Minerve-Ello- 
tide  ,  afin  d'honorer  en  même  temps  Mi- 
nerve &  fa  prêtreffe. 

*ELLOTIES,  adj.  pris  fubft.  {Myth.) 
Les  Cretois  honoroient  Europe  fous  le 
nom  d' Ellotis  ,  &  lui  a  voient  confacré 
des  fêtes  appellées  Elloties.  On  portoit 
dans  ces  fêtes  une  couronne  de  vingt  cou- 
dées de  circonférence  ,  qu'ils  avoient  ap- 
pellée  Y  Ellotis  ,  avec  une  grande  châffe, 
qui  renfermoit  quelques  os  d'Europe. 

ELMEDIN  ',  (  Géogr.  mod.)  ville  de  la 
province  d'Efcure  ou  Hafcore ,  au  royaume 
de  Maroc. 

ELMONASKAR ,  (  Géogr.  )  ville  de 
Barbarie  dans  le  royaume  d'Alger  ,  la 
troifieme  de  la  province  de  Beni-Araxid 
ou  Beni-Razid. 

ELNBOGEN  ou  LOKER  ,  (  Géogr. 
mod.  )  ville  de  Bohême  au  cercle  de  même 
nom  :  elle  eft  fur  l'Eger.  Long.  30.  26. 
lat.  jo.   20. 

ELNE  ,  EAUNE  ,  (  Géogr.  )  Elna  y 
Elena  ,  ancienne  ville  de  la  Gaule  Nar- 
bonnoife ,  que  M.  de  Marca  croit  être 
Pllliberis  ou  campa  Annibal.  Conftantin 
la  releva  de  fes  ruines,  y  bâtit  un  châ- 
teau ,  &  lui  donna  le  nom  de  fa  mère 
Hélène.  Confiant  s'étant  enfui  dans  cette 
ville ,  y  fut  tué  par  la  faction  de  Ma- 
gnence.  Les  rois  G.ctbs  lui  procurèrent 
l'honneur  d'un  fiege  épifcopal.  L'évêque 
à'Elne  aflifta  à  deux  conciles  tenus  à  Nar- 


È  L  O 

bonne  en  589  &  en 627.  Jules  II,  en  ifn, 
exempta  Elene  de  la  dépendance  de  Nar- 
bonne  &  la  fournit  au  faint  fiege  ;  mais 
le  cardinal  de  Ferrare ,  archevêque  de 
Narbonne ,  s'y  oppofa  &  obtint  de  Léon 
X  ,  en  15 17  ,  une  bulle  qui  caffoit  celle 
de  Jules  II.  L'évêché  d'Elne  fut  tranféré 
à  Perpignan  par  Clément  VIII ,  en  1604, 
la  ville  ayant  été  ruinée  fous  Louis  XI  r 
en  1474,  &  en  1641 ,  par  le  prince  de 
Condé.  Elle  eft  à  deux  lieues  de  Perpi- 
gnan.dans  leRouflilion  fur  le  Tec.  Marca , 
Hifpan.  pag.  22,  Not.  Gai.  Val.  la  Mar- 
tiniere.  Long.  20.  40.  lat.  42.  30.  (C) 

ELOCUTION  ,  f.  f.  (  Belles-Lettres.  ) 
Ce  mot  qui  vient  du  latin  eloqui ,  parler, 
fignifie  proprement  &  à  la  rigueur  le  carac- 
tère du  difours  ;  &  en  ce  fens  il  ne  s'emploie 
guère  qu'en  parlant  de  la  converfation  , 
les  motsjlyle  &  diclion  étant  confacrés  aux 
ouvrages  ou  aux  difcours  oratoires.  On  die 
d'un  homme  qui  parle  bien  ,  qu'il  a  une 
belle  élocution  ;  &  d'un  écrivain  ou  d'un 
orateur ,  que  fa  diclion  eft  correcte  ,  que 
(on  ftyle  eft  élégant,  &c.  Voye\  ECRIRE  , 
Style.  Voye\  aujfi  Affectation  ù 
Conversation. 

Elocution  ,  dans  un  fens  moins  vul- 
gaire ,  fignifie  cette  partie  de  la  Rhéto- 
rique qui  traite  de  la  diction  &  du  ftyle 
de  l'orateur  ;  les  deux  autres  font  l'/n- 
vention  &  la  difpofition.  Voye\  ces  deux 
mots.  V.  aujji ORATEUR,  DISCOURS. 

J'ai  dit  que  Y  élocution  avoit  pour  objet 
la  diclion  &  le  ftyle  de  l'orateur  ;  car  il 
ne  faut  pas  croire  que  ces  deux  mots  foient 
fynonymes  :  le  dernier  a  une  acception 
beaucoup  plus  étendue  que  le  premier. 
Diclion  ne  fe  dit  proprement  que  des 
qualités  générales  &  grammaticales  du  dif- 
cours ,  &  ces  qualités  font  au  nombre  de 
deux  ,  la  correction  &  la  clarté.  Elles  fonC 
indifpenfables  dans  quelque  ouvrage  que  ce 
puiffe  être,  foit  d'éloquence,  foit  de  tout 
autre  genre  ;  l'étude  de  la  langue  &  l'ha- 
bitude d'écrire  les  donnent  prefque  infail- 
liblement ,  quand  on  cherche  de  bonne 
foi  à  les  acquérir.  Style  au  contraire  fe 
dit  des  qualités  du  difcours  ,  plus  parti- 
culières ,  plus  difficiles  &  plus  rares  ,  qui 
marquent  le  génie  &  le  talent  de  celui  qui 
écrit  ou  qui  parle  :  telles  font  la  propriété 


E  L  O 

des  termes ,  l'élégance  ,  la  facilité  ,  la 
précifion  ,  l'élévation  ,  la  noblefle ,  l'har- 
monie ,  la  convenance  avec  le  fujet ,  Ùc. 
Nous  n'ignorons  pas  néanmoins  que  les 
mots  flyle  &  diction  fe  prennent  fouvent 
l'un  pour  l'autre  ,  fur-tout  par  les  auteurs 
qui  ne  s'expriment  pas  fur  ce  fujet  avec 
une  exactitude  rigoureufe  ;  mais  la  diftinc- 
tion  que  nous  venons  d'établir,  ne  nous 
paroit  pas  moins  réelle.  On  parlera  plus 
au  long  au  mot  Style  ,  des  différentes 
qualités  que  le  ftyle  doit  avoir  en  général , 
&  pour  toutes  fortes  de  fujets  :  nous  nous 
bornerons  ici  à  ce  qui  regarde  l'orateur. 
Pour  fixer  nos  idées  fur  cet  objet ,  il  faut 
auparavant  établir  quelques  principes. 

Qu'eft  -  ce  qu'être  éloquent  ?  Si  on  fe 
borne  à  la  force  du  terme  ,  ce  n'eft  autre 
chofe   que   bien  parler  ;    mais   l'ufage  a 
donné  à  ce  mot  dans  nos  idées  un  fens 
plus  noble  &  plus  étendu.  Etre  éloquent, 
comme  je  l'ai  dit  ailleurs ,  c'eft  faire  pafTer 
avec  rapidité  &  imprimer  avec  force  dans 
l'ame   des  autres ,   le  fentiment  profond 
dont  on  eft  pénétré.  Cette  définition  paroît 
d'autant   plus   jufte ,  qu'elle  s'applique  à 
l'éloquence  même  du  filence  &  à  celle  du 
gefte.  On  pourroit  définir  autrement  l'élo- 
quence ,    le  talent  d'émouvoir  ;  mais  la 
première  définition  eft  encore  plus  géné- 
rale ,  en  ce    qu'elle   s'applique  même    à 
l'éloquence  tranquille  qui  n'émeut  pas ,  & 
qui  fe  borne  à  convaincre.  La  perfualion 
intime  de  la  vérité  qu'on  veut  prouver, 
eft  alors  le  fentiment   profond   dont   on 
eft  rempli ,   &  qu'on  fait  pafTer  dans  l'ame 
de  l'auditeur.  Il  faut  cependant  avouer  _, 
félon  l'idée  la  plus  généralement  reçue  , 
que  celui  qui  fe  borne  à  prouver  &  qui 
laifte  l'auditeur  convaincu  ,  mais  froid  & 
tranquille  ,   n'eft  point  proprement   élo- 
quent, &  n'eft  que  difert.  J^oy^.DlSERT. 
C'eft  pour  cette  raifon  que  les  anciens  ont 
défini  l'éloquence  le  talent  de  perfuader  _, 
&  qu'ils  ont  diftingué  perfuader  de  con- 
vaincre y  le  premier  de  ces  mots  ajoutant  à 
.l'autre  l'idée  d'un  fentiment  a&if  excité 
dans  l'ame  de  l'auditeur  ,    &  joint  à  la 
convi&ion. 

Cependant,  qu'il  me  foit  permis  de  le 
dire ,  il  s'en  faut  beaucoup  que  la  défi- 
nition de  l'éloquence ,    donnée   par   les 


E  L  O  149 

anciens  ,  foit  complète  :  l'éloquence  ne  fe 
borne  pas  à  la  perfualion.  Il  y  a  dans 
toutes  les  langues  une  infinité  de  morceaux 
très-éloquens ,  qui  ne  prouvent  &  par  con- 
féquent  ne  perfuadent  rien  ,  mais  qui  font 
éloquens  par  cela  feul  qu'ils  émeuvent  puif- 
famment  celui  qui  les  entend  ou  qui  les 
lit.  Il  feroit  inutile  d'en  rapporter  des 
exemples. 

Les  modernes ,    en  adoptant  aveuglé- 
ment la  définition  des  anciens ,   ont  eu 
bien  moins  de  raifon  qu'eux.   Les  Grecs 
&  les  Romains  ,    qui   vivoient  fous  un 
gouvernement  républicain  ,  étoient  con- 
tinuellement occupés  de  grands  intérêts 
publics  :  les  orateurs  appliquoient  princi- 
palement à  ces  objets  importans  le  talent 
de  la  parole  ;  &  comme  il  s'agiftbit  tou- 
jours en  ces  occafions  de  remuer  le  peuple 
en  le  convainquant ,  ils  appellerent  élo- 
quence le  talent  de  perfuader  ,  en  prenant 
pour  le  tout  la  partie  la  plus  importante 
&  la  plus  étendue.  Cependant  ils  pouvoient 
fe  convaincre  dans  les  ouvrages  mêmes  de 
leurs  philofophes  ,  par  exemple ,  dans  ceux 
de  Platon  &  dans  pîufieurs  autres ,   que 
l'éloquence  étoit  applicable  à  des  matières 
purement   fpéculatives.   L'éloquence    des 
modernes  eft  encore  plus  fouvent  appliquée 
à  ces  fortes  de  matières  ,    parce   que  la 
plupart  n'ont   pas ,  comme  les   anciens  , 
de  grands  intérêts  publics   à  traiter  :  ils 
ont  donc  eu  encore  plus  de  tort  que  les 
anciens ,   lorfqu'ils  ont  borné  l'éloquence 
à  la  perfualion. 

J'ai  appelle  l'éloquence ,  un  talent ,  &c 
non  pas  un  art  y  comme  ont  fait  tant  de 
rhéteurs  ;  car  l'art  s'acquiert  par  l'étude 
&  l'exercice ,  &  l'éloquence  eft  un  don 
de  la  nature.  Les  règles  ne  rendront  jamais 
un  ouvrage  ou  un  difcours  éloquent  ;  elles 
fervent  feulement  à  empêcher  que  les  en- 
droits vraiment  éloquens  &  didés  par  la 
nature  y  ne  foient  défigurés  &  déparés  par 
d'autres  ,  fruits  de  la  négligence  ou  du 
mauvais  goût.  Shakefpear  a  fait ,  fans  le 
fecoursdes  règles,  le  monologue  admirable 
d'Hamlet  ;  avec  1e  fecours  des  règles ,  il 
eût  évité  la  fcene  barbare  &  dégoûtante 
des  fofTcyeurs. 

Ce  que  l'on  conçoit  bien  y  a  dit  Def- 
préaux ,  s'énonce  clairement  :  j'ajoute  ,  cz 


iço  E  L  O 

que  Von  fent  avec  c.ialeur  ,   s* énonce  de 
même  ,  &  les  mots  arrivent  aufîi  aifément 
pour   rendre  une  émotion  vive  ,   qu'une 
idée  claire.  Le  foin  froid  &  étudié  que 
l'orateur  fe  donnerait  pour  exprimer  une 
pareille  émotion ,  ne  ferviroit  qu'à  l'affoi- 
blir  en  lui ,  à  l'éteindre  même  ,  ou  peut- 
être  à  prouver  qu'il  ne  la  reffentoit  pas.  \ 
En  un  mot ,  fente\  vivement ,   &  dites  \ 
tout  ce  que  vous  voudre\>  voilà  toutes  les  i 
règles  de    l'éloquence   proprement    dite.  ! 
Qu'on  interroge  les  écrivains  de  génie  fur  i 
les  plus  beaux  endroits  de  leurs  ouvrages  ,  ! 
ils  avoueront  que  ces  endroits  font  prefque  I 
toujours  ceux  qui  leur  ont  le  moins  coûté ,  j 
parce  qu'ils  ont  été  comme  infpirés  en  les  j 
prodnifant.   Prétendre  que  des   préceptes 
froids  &  didactiques  donneront  le  moyen 
d'être  éloquent ,  c'eft  feulement  prouver 
qu'on  eft  incapable  de  l'être. 

Mais  comme  pour  être  clair  il  ne 
faut  pas  concevoir  à  demi  ,  il  ne  faut  pas 
non  plus  fentir  à  demi  pour  être  éloquent,  j 
Le  fentiment  dont  l'orateur  doit  être  j 
rempli  9  eft ,  comme  je  l'ai  dit  ,  un 
fentiment  profond ,  fruit  d'une  fenfibilité  j 
rare  &  exquife  ,  &  non  cette  émotion  j 
fuperficielle  &  paffagere  qu'il  excite  dans 
la  plupart  de  fes  auditeurs  ;  émotion  qui 
eft  plus  extérieure  qu'interne  ,  qui  a  pour 
objet  l'orateur  même ,  plutôt  que  ce  qu'il 
dit,  &  qui  dans  la  multitude  n'eftfouvent 
qu'une  impreflion  machinale  &  animale, 
produite  par  l'exemple  ou  par  le  ton  qu'on 
lui  a  donné.  L'émotion  communiquée  par 
l'orateur  ,  bien-loin  d'être  dans  l'auditeur 
une  marque  certaine  de  fon  impuifTance  à 
produire  des  chofes  femblables  à  ce  qu'il 
admire ,  eft  au  contraire  d'autant  plus  réelle 
&  d'autant  plus  vive  ,  que  l'auditeur  a  plus 
de  génie  &  de  talent  :  pénétré  au  même 
degré  que  l'orateur ,  il  auroit  dit  les  mêmes 
chofes  :  tant  il  eft  vrai  que  c'eft  dans  le 
degré  feul  du  fentiment  que  l'éloquence 
confifte.  Je  renvoie  ceux  qui  en  douteront 
encore  ,  au  payfan  du  Danube  ,  s'ils  font 
capables  de  penfer  &  de  fentir  ;  car  je  ne 
parle  point  aux  autres. 

Tout  cela  prouve  fuffifamm^nt ,  ce  me 
femble  ,  qu'un  orateur  vivement  &  pro- 
fondément pénétré  de  fon  objet ,  n'a  pas 
befoin  d'arc  pour  en  pénétrer  les  autres. 


E  L  ° 

J'ajoute  qu'il  ne  peut  les  en  pénétrer ,  fans 

en  être  vivement  pénétré  lui-même.  En 
vain  objecteroit-on  que  plufieurs  écrivains 
ont  eu  l'art  d'infpirer  par  leurs  ouvrages 
l'amour  des  vertus  qu'ils  n'avoient  pas  :  je 
réponds  que  le  fentiment  qui  fait  aimer  la 
vertu  ,  les  remplifToit  au  moment  qu'ils 
en  écrivoient  ;  c'écoit  en  eux  dans  ce  mo- 
ment un  fentiment  très-pénétrant  &  três- 
vif ,  mais  malheureufement  paffàger.  En 
vain  objecteroit-on  encore  qu'on  peut  tou- 
cher fans  être  touché  ,  comme  on  peut 
convaincre  fans  être  convaincu.  Premiè- 
rement ,  on  ne  peut  réellement  convaincre 
fans  être  convaincu  foi  -  même  :  car  la 
conviction  réelle  eft  la  fuite  de  l'évidence  ; 
&  on  ne  peut  donner  l'évidence  aux  autres, 
quand  on  ne  l'a  pas.  En  fécond  lieu ,  on 
peut  (ans  doute  faire  croire  aux  autres  qu'ils 
voient  clairement  ce  qu'ils  ne  voient  point, 
c'eft  une  efpece  de  fantôme  qu'on  leur 
préfente  à  la  place  de  la  réalité  :  mais  on 
ne  peut  les  tromper  fur  leurs  affections  & 
fur  leurs  fentimens  ,  on  ne  peut  leur  per- 
fuader  qu'ils  font  vivement  pénétrés  ,  s'ils 
ne  le  font  pas  en  effet  :  un  auditeur  qui 
fe  croit  touché  ,  l'eft  donc  véritablement  : 
on  ne  donne  point  ce  qu'on  n'a  point  ; 
on  ne  peut  donc  vivement  toucher  les 
autres  fans  être  touché  vivement  foi- 
même  ,  foit  par  le  fentiment ,  foit  au 
moins  par  l'imagination  ,  qui  produit  en 
ce  moment  le  même  effet. 

Nul  difcours  ne  fera  éloquent  s'il  n'élevé 
l'ame  :  l'éloquence  pathétique  a  fans  doute 
pour  objet  de  toucher  ;  mais  j'en  appelle 
aux  âmes  fenfibles  ,  les  mouvemens  pathé- 
tiques font  toujours  en  elles  accompagnés 
d'élévation.  On  peut  donc  dire  qu'éloquent 
Scfublimefont  proprement  la  même  chofe  ; 
mais  on  a  réfervé  le  mot  de  fublime  pour 
défîgner  particulièrement  l'éloquence  qui 
préfente  à  l'auditeur  de  grands  objets  ;  & 
cet  ufage  grammatical  ,  dont  quelques 
littérateurs  pédans  &  bornés  peuvent  êtr« 
la  dupe ,  ne  change  rien  à  la  vérité. 

Il  réfulte  de  ces  principes  que  l'on  peut 
être  éloquent  dans  quelque  langue  que  ce 
foit  ,  parce  qu'il  n'y  a  point  de  langue 
qui  fe  refufe  à  l'expreiTion  vive  d'un  fen- 
timent élevé  &  profond.  Je  ne  fais  par 
quelle  raifon  un  grand  nombre  d'écrivains 


ELO 
modernes  nous  parlent  de_  Y  éloquence  dés 
chojes  y  comme  s'il  y  avok  une  éloquence 
ces  mots.  L'éloquence  n'eft  jamais  que  dans 
le  fujet  ;  &  le  cara&ere  du  fujet  ,  ou 
plutôt  du  fentiment  qu'il  produit,  paffe 
de  lui-même  &  nécelTairement  au  difcours. 
J'ajoute  que  plus  le  difcours  fera  fimple 
dans  un  grand  fujet ,  plus  il  fera  éloquent , 
parce  qu'il  repréfentera  le  fentiment  avec 
plus  de  vérité.  L'éloquence  ne  confifte  donc 
point,  comme  tant  d'auteurs  l'ont  dit  d'après 
les  anciens ,  à  dire  les  chofes  grandes  d'un 
ftyle  fublime  ,  mais  d'un  ftyle  fimple  ;  car 
il  n'y  a  point  proprement  de  ftyle  fublime  ; 
c'eft  la  chofe  qui  doit  l'être  ;  &  comment 
le  ftyle  pourroit-il  être  fublime  fans  elle  , 
ou  plus  qu'elle  ? 

Aufli  les  morceaux  vraiment  fublimes 
font  toujours  ceux  qui  fe  traduifent  le  plus 

aifément.  Que  vous  refle-t-il  ?  moi 

Comment  voule\-vous  que  je  vous  traite  ? 

en  roi Qu'il  mourût Dieu  dit  : 

que  la  lumière  fe  faffe  ,  Ù  elle  fe  fit 

&  tant  d'autres  morceaux  fans  nombre  , 
feront  toujours  fublimes  dans  toutes  les 
langues.  L'expreiîion  pourra  être  plus  ou 
moins  vive  ,  plus  ou  moins  précife  ,  félon 
le  génie  de  la  langue  ;  mais  la  grandeur 
de  Tidée  fubfiltera  toute  entière.  En  un 
mot  on  peut  être  éloquent  en  quelque 
langue  &  en  quelque  ftyle  que  ce  foit , 
parce  que  Yélocution  n'eft  que  l'écorce  de 
l'éloquence ,  avec  laquelle  il  ne  faut  pas 
la  confondre. 

Mais,  dira-t-on ,  fi  l'éloquence  véritable 
&  proprement  dite  a  fi  peu  befoin  des 
règles  de  Yel  Kution  ,  li  elle  ne  doit  avoir 
d'autre  exprefîion  que  celle  qui  eft  didée 
par  la  nature  ,  pourquoi  donc  les  anciens 
dans  leurs  écrits  fur  l'éloquence  ont- ils 
traité  fi  à  fond  de  Yélocution  l  Cette  quef- 
tion  mérite  d'être  approfondie. 

L'éloquence  ne  coniifte  proprement  que 
dans  des  traits  vils  &  rapides  ;  fon  effet 
eft  d'émouvoir  vivement  ,  &  toute  émo- 
tion s'aftbiblit  par  la  durée.  L'élociuence 
ne  peut  donc  régner  que  par  intervalles 
dans  un  difcours  de  quelque  étendue , 
l'éclair  part  &  la  nue  fe  referme.  Mais  fi 
les  ombres  du  tableau  font  nécefïaires  » 
elles  ne  doivent  pas  être  trop  fortes;  il 
faut  fans  doute  &  à  l'orateur  &.  à  l'auditeur 


ELO  ip 

des  endroits  de  repos ,  dans  ces  endroits- 
l'auditeur  doit  refpirer  ,  non  s'endormir  , 
&  c'eft  aux  charmes  tranquilles  de  Yélo- 
cution à  le  tenir  dans  cette  lituation  douce 
&  agréable.  Ainfi  (ce  qui  fembîera  para- 
doxe ,  fans  en  être  moins  vrai  )  les  règles 
de  Yélocution  n'ont  lieu  à  proprement 
parler  ,  &  ne  font  vraiment  nécefTaiiCs 
que  pour  les  morceaux  qui  ne  font  pas 
proprement  éloquens  ,  que  l'orateur  com- 
pofe  plus  à  froid  ,  &  où  la  nature  a  befoin 
de  l'art.  L'homme  de  génie  ne  doit  craindre 
de  tomber  dans  un  ftyle  lâche ,  bas  & 
rampant,  que  lorfqu'il  n'eft  point  foutenu 
par  le  fujet  ;  c'eft  alors  qu'il  d-jit  fonger 
à  Yélocution  ,  &  s'en  occuper.  Dans  les 
autres  cas  ,  fon  élocution  fera  telle  qu'elle 
doit  être  fans  qu'il  y  penfe.  Les  anciens, 
fi  je  ne  me  trompe,  ont  fenti  cette  vérité, 
&  c'eft  pour  cette  raifon  qu'ils  ont  traité 
principalement  de  Yélocution  dans  leurs 
ouvrages  fur  fart  oratoire.  D'ailleurs  des 
trois  parties  de  l'orateur ,  elle  eft  prefqne 
la  feule  dont  on  puiftb  donner  des  pré- 
ceptes direds ,  détaillés  &  pofitifs  :  l'in- 
vention n'a  point  de  règles ,  ou  n'en  a 
que  de  vagues  &  d'infuffifantes  ;  la  difpo- 
fition  en  a  peu ,  &  appartient  plutôt  à  la 
logique  qu'à  la  rhétorique.  Un  autre  motif 
a  porté  les  anciens  rhéteurs  à  s'étendre 
beaucoup  fur  les  règles  de  Yélocution  : 
leur  langue  étoit  une  efpece  de  mufique, 
fufceptible  d'une  mélodie  à  laquelle  le  peu- 
ple même  étoit  très- fenfible.  Des  préceptes 
fur  ce  fujet,  étoient  aufti  nécefïaires  dans 
les  traités  des  anciens  fur  l'éloquence,  que 
le  font  parmi  nous  les  règles  de  la  com- 
pofition  muGcale  dans  un  traité  complet 
de  mufique.  Il  eft  vrai  que  ces  fortes  de 
règles  ne  donnent  ni  à  l'orateur  ni  au 
muficien  du  talent  &  de  l'oreille  ;  mais 
elles  font  propres  à  l'aider.  Ouvrez  le  traité 
de  Cicéron  intitulé  Orator,  &  dans  lequel 
il  s'eft  propofé  de  former  ou  plutôt  de 
peindre  un  orateur  parfait  ;  vous  verrez 
non-feulement  que  la  partie  de  1 élocution; 
eft  celle  à  laquelle  il  s*attache  principa- 
lement ,  mais  que  de  toutes  les  qualités 
de  Yélocution  ,  l'harmonie  qui  réfuîte  du 
choix  &  de  l'arrangement  des  mots  ,  eft 
celle  dont  il  eft  le  plus  occupé.  Il  paroîe 
même  avoir  regarde    cet    objet  comme 


i^2  E  L  O 

très  -  effentiel  dans  des  morceaux  très- 
frappans  par  le  fond  des  chofes  ,   &  ou 
la  beauté  de  la  penfe'e  fembloit  difpenfer 
du  foin  d'arranger  les  mots.  Je  n'en  citerai 
que   cet  exemple.    «  J'étois  préfent ,  dit 
.  »  Cicéron ,  lorfqueC.  Carbon  s'écria  dans 
»  une  harangue   au  peuple  :    O    Marce 
»  Drufe  y  pâtre  m    appello  ;     tu    dicere 
»  foie  bas  ,  facram   effe    rtmpublicam  ; 
»  quicumque  eam  violavijfent,  ab  omnibus 
»  effe  el  pœnas  perfoluus  ;  patris  diclum 
>y  fapiensj  terne ritasfilii comprobavit y  ce 
»  dichorée  comprobavit ,  ajoute  Cicéron , 
n  excita  par  fon  harmonie  un  cri  d'ad- 
»  miration  dans  toute  l'afTemblée.  »   Le 
morceau  que  nous  venons  de  citer  renferme 
une  idée  fi  noble  &  fi  belle  ,    qu'il  eft 
afïiirément   très-éloquent  par  lui-même  , 
&  je  ne  crains  point  de  le  traduire  pour 
le  prouver.   O  Marcus  Drufus  (  c'eft  au 
père  que  je  m'adrejfe  ,  )  tu  avois  coutume 
de  dire  que  la  patrie  e'toit  un  dépôt  f acre  ; 
que  tout  citoyen  qui  Vavoit  violé  en  avoit 
porté  la  peine  ;  la  témérité  du  fils  aprouvé 
lafigejfe  des  dif cours  du  père.  Cependant 
Cicéron  paroît  ici  encore  plus  occupé  des 
mots  que  des  chofes.  «  Si  l'orateur ,  dit-il , 
«  eût  fini  fa  période  ainfï,  comprobavitfilii 
»  temeritasylh  N'Y  AUROIT  PLUS  RIEN  ; 
«  Jam  nihjl  erit.»  Voilà  pour  le 
dire  en  paffant ,  de  quoi  tie  fe  feroient 
pas  doutés  nos  prétendus   latiniftes   mo- 
dernes ,   qui  prononcent  le  latin  auiîi  mal 
qu'ils  le  parlent.  Mais  cette  preuve  fuffit 
pour  faire  voir  combien  les  oreilles  des 
anciens  étoient  délicates  fur  l'harmonie. 
La  fenfibilité  que  Cicéron  témoigne  ici  fur 
la  diction  dans  un  morceau  éloquent ,  ne 
contredit  nullement  ce   que  nous  avons 
avancé  plus  haut ,   que  l'éloquence  du  dis- 
cours eft  le  fruit  de  la  nature  &  non  pas 
de  l'art.  Il  s'agit   ici  non  de  l'expreiïion 
en  elle-même  ,   mais  de   l'harmonie  des 
mots ,   qui  eft  une  chofe  purement  arti- 
ficielle ,  &  méchanique  ;  cela  eft  fi  vrai  que 
Cicéron  en  renverfant  la  phrafe  pour  en 
dénaturer  l'harmonie  >  en   confervc  tous 
les  termes.  L'expreiïion  du  fentiment  eft 
dictée  par  la  nature  &  par  le  génie;    c'eft 
enfuite  à  l'oreille  &  à  l'art  à  difpofer  les 
mots  de  la  manière  la  plus  harmonieufe. 
Il  en  eft  de  l'orateur  comme  du  muficien , 


E  L  O 

à  qui  le  génie  feul  infpire  le  chant ,  6c 
que  l'oreille  &  l'art  guident  dans  l'enchaî- 
nement des  modulations. 

Cette  comparaifon  tirée  de  la  mufique ,' 
conduit  à  une  autre  idée  qui  ne  paroît 
pas  moins  jufte.  La  mufique  a  befoin  d'exêV 
cution  ,  elle  eft  muette  &  nulle  fur  le 
papier  ;  de  même  l'éloquence  fur  le  papier 
eft  prefque  toujours  froide  &  fans  vie, 
elle  a  befoin  de  l'action  &  du  gefte  ; 
ces  deux  qualités  lui  font  encore  plus 
néceffaires  que  ïélocution  ;  &  ce  n'eft  pas 
fans  raifon  que  Démofthene  réduifoit  à 
l'action  toutes  les  parties  de  l'orateur.  Nous 
ne  pouvons  lire  fans  être  attendris  les 
peroraifons  touchantes  de  Cicéron  ,  pro 
Fonteio  ,  pro  Sextio  y  pro  Plancioy  pro 
Flacco  ,  pro  Sylla  ;  qu'on  imagine  la  force 
qu'elles  dévoient  avoir  dans  la  bouche 
de  ce  grand  homme  :  qu'on  fe  repréfente 
Cicéron  au  milieu  du  barreau  ,  animaat 
par  [qs  pleurs  &  par  une  voix  touchante 
le  difcours  le  plus  pathétique  ,  tenant  le 
fils  de  Flaccus  entre  fes  bras,  le  préfentant 
aux  juges ,  &  implorant  pour  lui  l'huma- 
nité &  les  loix  ;  on  ne  lëra  point  furpris 
de  ce  qu'il  nous  rapporte  lui-même ,  qu'il 
remplit  en  cette  occafion  le  barreau  de 
pleurs  ,  de  gémiflemens  &  de  fanglots. 
Quel  effet  n'eût  point  produit  la  pero- 
ratfon  pro  Milone  ,  prononcée  par  ce  grand 
orateur  ! 

L'action  fait  plus  que  d'animer  le  dis- 
cours ,  elle  peut  même  infpirer  l'orateur , 
fur-tout  dans  les  occafions  où  il  s'agit  de 
traiter  fur  le  champ  &  fur  un  grand  théâtre  , 
de  grands  intérêts ,  comme  autrefois  à 
Athènes  &  à  Rome ,  &  quelquefois  au- 
jourd'hui en  Angleterre.  C'eft  alors  que 
l'éloquence ,  débarraffée  de  toute  contrainte 
&  de  toutes  règles,  produit  fes  plus  grands 
miracles.  C'eft  alors  qu'on  éprouve  la  vérité 
de  ce  pafTage  de  Quintilien  ,  lib.  VII y 
cap.  x.  Peclus  eft  quod  difertos  facit  f  6? 
vis  mentis  ;  ideoque  imperitis  quoque  ,  fi 
modo  funt  aliquo  ajfeclu  concitati  }  verba. 
non  défunt.  Ce  partage  d'un  fi  grand  maître 
ferviroit  à  confirmer  tout  ce  que  nous 
avons  dit  dans  cet  article  fur  Vélocution 
confidérée  par  rapport  à  l'éloquence ,  fi 
des  vérités  auffi  inçonteftables  avoient 
befoin  d'autorité. 

Nous 


ELO 

Nous  croyons  qu'on  nous  faura  gré  à 
cette  occafion ,  de  fixer  la  vraie  lignifi- 
cation du  mot  difertus  ;  il  ne  répond  cer- 
tainement pas  à  ce  que  nous  appelions  en 
françois  difert  ,*  M.  Diderot  Ta  très-bien 
prouvé  au  mot  Disert  ,  par  le  partage 
même  que  nous  venons  de  citer  ,  &:  par 
la  définition  exacte  de  ce  que  nous  en- 
tendons par  difert.  On  peut  y  joindre  ce 
partage  d'Horace ,  epifl.  I.  verf.  xix.  Fœ- 
cunui  calices  quem  non  Jecêre  difertum  ! 
qu'afturément  on  ne  traduira  point  aiafi  , 
quel  ejl  celui  que  le  vin  n  a  pas  rendu 
dijertl  Difertus  chez  les  latins  fignifioit 
toujours  ou  prefque  toujours  ,  ce  que  nous 
entendons  par  éloquent ,  c'eft-à-dire,  celui 
qui  poftede  dans  un  fouverain  degré  le 
talent  de  la  parole,  &  qui  par  ce  talent 
fait  frapper  ,  émouvoir  ,  attendrir  ,  inté- 
refler,  pjrfuader.  Uiferti  ejl ,  dit  Cicéron 
dans  fes  dialogues  de  orutore ,  lib.  I.  cap. 
Ixxxj.  ut  oratione perfuadtre pqfjit.  Difer- 
tus eft  donc  celui  qui  a  le  talent  de  perfuader 
par  le  difeours ,  c'eft-à-dire  ,  qui  poftede 
ce  que  les  anciens  appelloient  eloquentia. 
Ils  appelloient  eloquens  celui  qui  joignoit 
à  la  qualité  de  difertus  la  connoilïânce 
de  la  philofophie  &  des  loix  ;  ce  qui  for- 
moit,  félon  eux,  le  parfait  orateur.  Si  idem 
homo  ,  dit  à  cette  occafion  M.  Gefner 
dans  fon  Thefiurus  linguoz  latines ,  di- 
fertus ejl  &  doclus  £>'  fapiens  y  is  demhm 
eloquens.  Dans  le  i"  liv.  de  oratore  ,  Ci- 
céron fait  dire  à  Marc-Antoine  l'orateur  : 
eloquentem  vocavi ,  qui  mirabiliùs  6"  ma- 
gnifcentiùs  augere  poffet  atque  ornare  qiuv 
Te  lie  t  y   Omn  esque  omnium  re- 

RUM  QUAS  AD  DICENDU  M    PERTI- 
JN  ERE  NT  FONTES  ANS  MO  AC  ME- 

moria  contineret.  Qu'on  life  le 
commencement  du  traité  de  Cicéron  inti- 
tulé Orator ,  on  verra  qu'il  appe'loit  di- 
ferti,  les  orateurs  qui  avoient  eloquentiam 
popularem  ,  ou  comme  il  l'appelle  encore, 
eloquentiam  for enfe  m  ,  ornatam  verbis  at- 
que f  entendis  fine  docîrinâ,  c'eft-à-dire,  le 
talent  complet  de  la  parole  ,  maisdeftitué 
de  la  profondeur  du  favoir  &  de  la  philo- 
fophie :  dans  un  autre  endroit  du  même 
ouvrage  ,  Cicéron  ,  pour  relever  le  mérite 
de  l'action  ,    dit  qu'elle  a  fait  réuflir  des 
orateurs  fans  talent ,  infantes  .  &  que  des 
TomeXIL 


ELO  r?3 

orateurs  eloquens ,    diferti ,    n'ont  point 
réufli  fans  elle;  parce  que,  ajoute -t- il 
tout  de  fuite  ,    eloquentia  fine  aclione  , 
nulla  ,*  heee  autemfine  eloquentia  perma- 
gna  ejl.  Il  eft  évident  que  dans  ce  partage 
difertus  répond  à  eloquentia.  Il  faut  pour- 
tant avouer  que  dans  l'endroit  deja  cité 
des  dialogues  fur  l'orateur  ,    cù  Cicéron 
fait  parler  Marc-Antoine  ,  difertus  femble 
avoir  à -peu -près  la    même  lignification 
que  difert  en  françois  :  difertos  ,  dit  JV  arc- 
Antoine  ,  me  cogiofj'e  nonnullos  fcripfi , 
eloquentem  adnuc   neminem  ,   quod   eunt 
flatuebam  difertum  y  qui  prffet  fatis  acutè 
atque  dilucidè  apud  médiocres  iiomines  , 
ex  communi  quâdam  hominum   opinione 
dicere  y  eloquentem  vero  ,  qui  mirabiliùs  , 
&<r.    comme  ci  -  deftiis.    Cicéron  cite  au 
commencement  de  fon  Orator  ,  ce  même 
mot  de  l'orateur  Marc- Antoine  :  Marcus 
Antonius  . . .  fcripfit  y  difertos  fe  vidifje. 
multos  (  dans  le  partage  précédent  il  y  a 
nonnullos  ,    ce  qu'il  n'eft  pas  inutile  de 
remarquer ,)  eloquentem  omnino  neminem. 
Mais  il  paroît  par  tout  ce  qui   précède 
dans  l'endroit  cité  ,    &  que  nous  avons 
rapporté  ci-deiTus  ,  que  Cicéron  dans  cet 
endroit  donne  à  difertus  le  fens  marqué 
plus  haut.  Je  crois  donc  qu'on  ne  tradui- 
roit  pas  exactement  ce  dernier  pafîàge  , 
en  faifant  dire  à  Marc-Antoine  qu'il  avoit 
vu  bien  des  hommes  diferts  y   &  aucun 
d'éloquent  ;  mais  qu'on  doit  traduire ,  du 
moins  en  cet  endroit ,  qu'il  avoit  vu  beau- 
coup   d'hommes  doués   du    talent  de  la 
parole  ,  &  aucun  de  l'éloquence  parfaite  , 
Omnino-     Dans  le  partage  précédent 
au  contraire  ,  on  peut  traduire  ,  que  Marc- 
A  ntoine  avoit  vu  quelques  hommes  diferts , 
&  aucun  d'éloquent.     Au  refte  on   doit 
être  étonné  eue  Cicéron  dans   le  partage 
de  Y  Orator  iibftitue  multos  à  nonnullos 
qui  fe  trouve  dans  l'autre  partage1 ,  où  .il 
fait  dire  d'ailleurs  à  Marc-Antoine  la  même 
chofe  :  il  femble  que  multos  feroit  mieux 
dans  le  premier  partage  ,  &  nonnullos  dans 
le  fécond  ;  car  il  y  a  beaucoup  plus  d'hom- 
mes diferts  ,    c'eft-à-dire,  diferti  dans  le 
premier  fens ,   qu'il  n'y  en  a  qu'on  puifle 
appeller  diferti  dans  le  fécond  ;  or  Marc- 
Antoine  ,  fuivant  le  premier  partage  ,  ne 
connoiflbit  qu'un  petit  nombre  d'hommes 

V 


i^4  E  L  O 

diferts ,  à  plus  forte  rai  (on  n'en  connoif- 
fbit-il  qu'un  très-petit  nombre  de  la  fé- 
conde efpece.  Pourquoi  donc  cette  dif- 
parate  dans  les  deux  pacages  ?  fans  doute 
multos  dans  le  fécond  ne  fignifie  pas  un 
grand  nombre  abfolument ,  mais  feule- 
ment un  grand  nombre  par  oppofition  à 
neminem  ,  c'eft-à-dire,  quelques-uns  ,  ou 
nonnullos. 

Après  cette  difcufllon  fur  le  vrai  fens 
du  mot  difenus ,  difcullion  qui  nous  pa- 
roît  mériter  l'attention  des  lecteurs ,  &  qui 
appartient  à  l'article  que  nous  traitons  , 
donnons  en  peu  de  mots ,  d'après  les  grands 
maîtres  &  d'après  nos  propres  réflexions  , 
les  principales  règles  de  Vélocution  ora- 
toire. 

La  clarté  ,  qui  eft  la  loi  fondamentale 
du  difcours  oratoire  ,  &  en  général  de 
quelque  difcours  que  ce  foit ,  confine  non 
feulement  à  fe  faire  entendre  ,  mais  à  fe 
faire  entendre  fans  peine.  On  y  parvient 
par  deux  moyens  ;  en  mettant  les  idées 
chacune  à  fa  place  dans  l'ordre  naturel , 
&  en  exprimant  nettement  chacune  de 
ces  idées.  Les  idées  feront  exprimées  fa- 
cilement &  nettement ,  en  évitant  les 
tours  ambigus ,  les  phrafes  trop  longues  , 
trop  chargées  d'idées  incidentes  &  accef- 
foires  à  l'idée  principale  ,  les  tours  épi- 
grammatiques  ,  dont  la  multitude  ne  peut 
fentir  la  fmelîè  ;  car  l'orateur  doit  fe  fou- 
venir  qu'il  parle  pour  la  multitude.  Notre 
langue  par  le  défaut  de  déclinaifons  &  de 
conjugaisons ,  par  les  équivoques  fréquen- 
tes des  ils  ,  des  elles ,  des  qui  ,  des  que  , 
des  [on  ,  fa  ,  fe  s  >  &  de  beaucoup  d'autres 
mots ,  eu  plus  fujette  que  les  langues  an- 
ciennes à  î'ambiguité  des  phrafes  &  des  i 
tours.  On  doit  donc  y  être  fort  attentif,  , 
en  fe  permettant  néanmoins  (  quoique  ra- 
rement )  les  équivoques  légères  &  pure- 
ment grammaticales ,  lorfque  le  fens  eft: 
clair  d'ailleurs  par  lui-même  ,  &  lorfqu'on 
ne  pourroit  lever  l'équivoque  fans  affoiblir 
la  vivacité  du  difcours.  L'orateur  peut 
même  fe  permettre  quelquefois  la  finelTe 
des  penfées  &  des  tours ,  pourvu  que  ce 
foit  avec  fobriété  &  dans  les  fujets  qui  en 
font  fufceptibles  ,  ou  qui  l'autorifent  , 
c'eft-à-dire  ,  qui  ne  demandent  ni  {impli- 
cite ,  ni  élévation ,   ni  véhémence  ;  ce 


E  L  O 

tours  fins  &  délicats  échapperont  fan 
doute  au  vulgaire  ,  mais  les  gens  d'efpri. 
les  faifiront  &  en  fauront  gré  à  l'orateur 
En  effet,  pourquoi  lui  refuferoit  -  on  la 
liberté  de  réferver  certains  endroits  de 
fon  ouvrage  aux  g^is  d'efprit  ,  c'eft-à- 
dire,  aux  feules  perfonnes  dont  il  doit  réel- 
lement ambitionner  l'eftime  ? 

Je  n'ai  rien  à  dire  fur  la  correction  , 
finon  qu'elle  confifte  à  obferver  exa&e- 
ment  les  règles  de  la  langue  y  mais  non 
avec  afiez  de  fcrupule  ,  pour  ne  pas  s'en 
affranchir  lorfque  la  vivacité  du  difcours 
l'exige.  La  correction  &  la  clarté  font 
encore  plus  étroitement  néceflaires  dans 
un  difcours  fait  pour  être  lu  ,  que  dans 
un  difcours  prononcé  ;  car  dans  ce  der- 
nier cas ,  une  action  vive  ,  jufte  ,  animée , 
peut  quelquefois  aider  à  la  clarté  &  fauver 
l'incorrection. 

Nous  n'avons  parlé  jufqu'ici  que  de  la 
clarté  &  de  la  correction  grammaticales  , 
qui  appartiennent  à  la  diction  :  il  eft  aufti 
une  clarté  &  une  correction  non  moins 
enentielles  ,  qui  appartiennent  au  ftyle , 
&  qui  confiftent  dans  la  propriété  des 
termes.  C'eft  principalement  cette  qualité 
qui  diftingue  les  grands  écrivains  d'avec 
ceux  qui  ne  le  font  pas  :  ceux  -  ci  font , 
pour  ainfî  dire  ,  toujours  à  côté  de  l'idée 
qu'ils  veulent  préfenter  ;  les  autres  la  ren- 
dent &  la  font  faifir  avec  jufteiîe  par  une 
expreflion  propre.  De  la  propriété  des 
termes  naiflent  trois  différentes  qualités; 
la  précifîon  dans  les  matières  de  difcuf- 
fion  ,  l'élégance  dans  les  fujets  agréables  > 
l'énergie  dans  les  fujets  grands  ou  pathé- 
tiques.   Voye\  ces  mots. 

La  convenance  du  ftyle  avec  le  fujet , 
exige  le  choix  &  la  propriété  des  termes  ; 
elle  dépend  outre  cela  de  la  nature  des 
idées  que  l'orateur  emploie.  Car  ,  nous 
ne  faurions  trop  le  redire  ,  il  n'y  a  qu'une 
forte  de  ftyle  ,  le  ftyle  fïmple ,  c'eft-à- 
dire  celui  qui  rend  les  idées  de  la  manière 
la  moins  détournée  &  la  plus  fenfible.  Si 
les  anciens  ont  diftingue  trois  ftyles  ,  le 
fimp'e ,  le  fublime ,  &  le  tempéré  ou 
l'orné  ,  il  ne  l'ont  fait  qu'eu  égard  aux 
différens  objets  que  peut  avoir  le  difcours  : 
le  ftyle  qu'ils  appelloient  Jimple  ,  eft  celui 
qui  fe  borne  à  des  idées  fimples  &  coai- 


ELO 
munes  ;  le  ftyle  fublime  peint  les  idées 
grandes  ,  &  le  ftyle  orné  les  idées  riantes 
&  agréables.  En  quoi  confifte  donc  la 
convenance  du  ftyle  au  fujet?  i°.  à  n'em- 
ployer que  des  idées  propres  au  fujet  , 
c'eft-à-dire  ,  (impies  dans  un  fujet  (impie  , 
nobles  dans  un  fujet  élevé  ,  riantes  dans 
un  fujet  agréable  :  2°.  à  n'employer  que 
les  termes  les  plus  propres  pour  rendre 
chaque  idée.  Par  ce  moyen  l'orateur  fera 
précifément  de  niveau  à  fon  fujet ,  c'eft- 
à-dire,  ni  au  deffus  ni  au  deffous  ,  foit  par 
les  idées  ,  foit  par  les  exprefîions.  C'eft 
en  quoi  confifte  la  véritable  éloquence  ,  & 
même  en  général  le  vrai  talent  d'écrire ,  & 
non  dans  un  ftyle  qui  déguife  par  un  vain 
coloris  des  idées  communes.  Ce  ftyle 
refïemble  au  faux  bel  efprit  ,  qui  n'eft 
autre  chofe  que  l'art  puérile  &  méprifable, 
de  faire  paroi tre  les  cho fes  plus  ingénieufes 
qu'elles  ne  font. 

De  l'obfervation  de  ces  règles  réfultera 
la  noblefTe  du  ftyle  oratoire  ;  car  l'orateur 
ne  devant  jamais ,  ni  traiter  de  fujets  bas , 
ni  préfenter  des  idées  baffes ,  fon  ftyle 
fera  noble  dès  qu'il  fera  convenable  à  fon 
fujet.  La  baftèfîè  des  idées  &  des  fujets 
eft  à  la  vérité  trop  fouvent  arbitraire  ; 
les  anciens  fe  donnoient  à  cet  égard  beau- 
coup plus  de  liberté  que  nous  ,  qui ,  en 
banniftànt  de  nos  meurs  la  délicateffe, 
l'avons  portée  à  l'excès  dans  nos  écrits  & 
dans  nos  difeours.  Mais  quelque  arbitraires 
que  puiffent  être  nos  principes  fur  la  baffefle 
&  fur  la  noblefTe  des  fujets ,  il  fuffit  que  les 
idées  de  la  nation  foient  fixées  fur  ce  point , 
pour  que  l'orateur  ne  s'y  trompe  pas  &  pour 
qu'il  s'y  conforme.  En  vain  le  génie  même 
s'efForçeroit  de  braver  à  cet  égard  les  opi- 
nions reçues  ;  l'orateur  eft  l'homme  du 
peuple  ,  c'eft  à  lui  qu'il  doit  chercher  à 
plaire  ;  &  la  première  loi  qu'il  doit  obfer- 
ver  pour  réufïir  ,  eft  de  ne  pas  choquer  la 
philofophie  de  la  multitude  ,  c'eft-à-dire 
les  préjugés. 

Venons  à  l'harmonie  ,  une  des  qualités 
qui  conftituent  le  plus  eftèntiellement  le 
difeours  oratoire.  Le  plaifir  qui  réfulte 
de  cette  harmonie  eft-il  purement  arbi- 
traire &  d'habitude ,  comme  l'ont  prétendu 
quelques  écrivains  ?  ou  y  entre-t*il  tout  à 
la  fois  de  l'habitude  &  du  réel  ?  ce  dernier 


ELO  u* 

fentiment  eft  peut-être  le  mieux  fondé.  Car 
il  en  eft  de  l'harmonie  du  difeours,  comme 
de  l'harmonie  poétique  &  de  l'harmonie 
muficale.  Tous  les  peuples  ont  une  mufi- 
que  ,  le  plaifir  qui  naît  de  la  mélodie  du 
chant  a  donc  fon  fondement  dans  la  nature: 
il  y  a  d'ailleurs  des  traits  de  mélodie  & 
d'harmonie  qui  plaifent  indiftindement  & 
du  premier  coup  à  toutes  les  nations  ;  il  y  a 
donc  du  réel  dans  le  plaifir  mufical  :  mais 
il  y  a  d'autres  traits  plus  détournés  ;  &  un 
ftyle  mufical  particulier  à  chaque  peuple  f 
quidemandent  que  l'oreille  y  foit  plus  ou 
moins  acecutumée  ;  il  entre  donc  dans  ce 
plaifir  de  l'habitude.  C'eft  ainfi ,  &  d'après 
les  mêmes  principes  ,  qu'il  y  a  dans  tous 
les  arts  un  beau  abfolu  ,  &  un  beau  de 
convention  ;  un  goût  réel ,  &  un  goût 
arbitraire.  On  peut  appuyer  cette  réflexion 
par  une  autre.  Nous  (entons  dans  les  vers 
latins  en  les  prononçant  une  efpece  de  ca- 
dence &  de  mélodie  ;  cependant  nous  pro- 
nonçons très-mal  le  latin  ,  nous  eftropions 
très-fouvent  la  profodie  de  cette  langue  , 
nous  feandons  même  les  vers  à  contrefens  , 
car  nous  feandons  ainfi  : 

Arma  vi  ,  rumque  ca  ,  no  Tro  ,  jœ  qui  ,' 
primus  ab  ,  oris  , 

en  nous  arrêtant  fur  des  brèves  à  quelques* 
uns  des  endroits  marqués  par  des  virgules , 
comme  (i  ces  brèves  étoient  longues  ;  au 
lieu  qu'on  devroit  feander  : 

Ar  y  ma  virum  ,  que  cano  ,    Trojœ  ,   qui 
pri  y  mus  ab  o ,  ris  i 

car  on  doit  s'arrêter  fur  les  longues  & 
pafTer  fur  les  brèves  ,  comme  on  fait  en 
mufique  fur  des  croches  ,  en  donnant  à 
deux  brèves  le  même  temps  qu'à  une 
longue.  Cependant ,  malgré  cette  pronon- 
ciation barbare  ,  &  ce  renverfement  de 
la  mélodie  &  de  la  mefure ,  l'harmonie  àes 
vers  latins  nous  plaît ,  parce  que  d'un  côté 
nous  ne  pouvons  détruire  entièrement 
celle  que  le  poète  y  a  mife  ,  &  que  de  l'autre 
nous  nous  faifons  une  harmonie  d'habitude. 
Nouvelle  preuve  du  mélange  de  réel  Se 
d'arbitraire  qui  fe  trouve  dans  le  plaide 
produit  par  l'harmoniç. 

V  2 


%$6  E  L  O 

L'harmonie  eft  fans  doute  î'ame  de  la  1 
poéiie  ,  &  c'eft  pour  cela  que  les  traduc-  j 
tions  des   poètes  ne  doivent  être  qu'en 
vers  ;    car  traduire  un  poète  en  profe  , 
c'eft  le  dénaturer  tout- à-fait  ,  c'eft  à-peu- 
près  comme  fi  l'on  vouloit  traduire  de  la 
mulique  italienne   en  mufique  françoife. 
Mais  fi  la  poéiie  a  fon  harmonie  particu- 
lière qui   la   cara&érife  ,    la   profe    dans 
toutes   les  langues  a  aufïi  la  fienne  ;   les 
anciens  l'avoient  bien  vu  ;  ils  appelloient 
pjQ/xos  le  nombre  pour  la  profe  ,  &  fiirpst 
celui  du  vers.    Quoique  notre  poéfie  & 
notre  profe  foient  moins  fufceptibles  de 
mélodie  que  ne  l'étoient  la  profe  &  la 
poéiie  des  anciens ,   cependant  elles  ont 
chacune  une  mélodie  qui  leur  eft  propre  ; 
peut-être  même  celle  de  la  profe  a-t-elle 
un  avantage  en  ce  qu'elle  eft  moins  mo- 
notone y    &  par  conféquent  moins  fati- 
gante ;   la  difficulté  vaincue  eft  le  grand 
mérite  de  la  poéiie.  Ne  feroit-ce  point 
pour  cette  raifon  qu'il  eft  rare  de  lire  ,  fans 
être  fatigué ,  bien  des  vers  de  fuite  ,  &  que 
le  plaifir  caufé  par  cette  ledure  ,  diminue 
à  mefure  qu'on  avance  en  âge  ? 

Quoi  qu'il  en  foit ,  ce  font  les  poètes 
qui  ont  formé  les  langues  ;  c'eft  aufli  l'har- 
monie de  la  poéfie  >  qui  a  fait  naître  celle 
de  la  profe  :  Malherbe  faifoit  parmi  nous 
des  odes  harmonieufes  ,  lorfque  notre 
profe  étoit  encore  barbare  &  grofliere  ; 
c'eft  à  Balzac  que  nous  avons  l'obligation 
de  lui  avoir  le  premier  donné  de  l'harmo- 
nie. «  L'Eloquence  ,  dit  très-bien  M.  de 
73  Voltaire  ,  a  tant  de  pouvoir  fur  les 
?>  hommes  ,  qu'on  admira  Balzac  de  fon 
»  temps  ,  pour  avoir  trouvé  cette  petite 
»  partie  de  l'art  ignorée  &  néceflàire  > 
?j  qui  confifte  dans  le  choix  harmonieux 
>3  des  paroles  ,  &  même  pour  l'avoir  fou- 
93  vent  employée  hors  de  fa  place.  » 
Ifocrate  ,  félon  Cicéron  ,  eft  le  premier 
qui  ait  connu  l'harmonie  de  la  profe  parmi 
les  anciens.  On  ne  remarque  ,  dit  encore 
Cicéron  ,  aucune  harmonie  dans  Hérodote, 
ni  dans  fes  contemporains  y  ni  dans  fes 
prédéceiîeurs.  L'orateur  romain  compare 
le  ftyle  de  Thucydide  ,  à  qui  il  ne  man- 
que rien  que  l'harmonie  ,  au  bouclier  de 
Minerve  par  Phidias ,  qu'on  auroit  mis  en 
pièces. 


E  L  O 

Deux   chofes  charment    l'oreille   dans 
le  difcours  ,  le  fon  &  le  nombre  :  le  fon 
confifte  dans  la  qualité  des  mots  ;  &  le 
nombre  ,    dans  leur  arrangement.    Ainfi 
l'harmonie  du  difcours  oratoire  confifte  à 
n'employer  que  des  mots  d'un  fon  agréable 
&  doux  ;  à  éviter  le  concours  des  fylla- 
bes  rudes  ,    &  celui  des  voyelles  ,    fans; 
affectation   néanmoins    (  fur    quoi  poye\ 
Varticle  Elision  ;  )  à  ne  pas  mettre  entre 
les  membres  des  phrafes  trop  d'inégalité  , 
fur-tout  à  ne  pas  faire  les  derniers  mem- 
bres trop  courts  par  rapport  aux  premiers  ; 
à  éviter  également  des  périodes  trop  lon- 
gues &   les   phrafes  trop  courtes  ,    ou  , 
comme  les  appelle  Cicéron  ,  à  demi  éclo- 
fes  ,  le  ftyle  qui  fait  perdre  haleine ,  & 
celui  qui  force  à    chaque  inftant  de   la 
reprendre  ,  &  qui  refïèmble  à  une  forte 
de  marqueterie  ;  à  favoir  entremêler  les 
périodes  foutenues  &  arrondies ,  avec  d'au- 
tres qui    le  foient  moins  &  qui  fervent 
comme  de  repos  à  l'oreille.  Cicéron  blâme 
avec  raifon  Théopompe  ,  pour  avoir  porté 
jufqu'à  l'excès  le  foin  minutieux  d'éviter 
le  concours  des  voyelles  ;  c'eft  à  l'ufage  , 
dit  ce  grand  orateur  ,  à  procurer  feul  cet 
avantage  fans  qu'on  le  cherche  avec  fati- 
gue. L'orateur  exercé  apperçoit  d'un  coup 
d'œil  la  fucceflion  la  plus  harmonieufe  des 
mots ,  comme  un    bon  le&eur  voit  d'un 
coup  d'œil  les  fyllabes  qui  précèdent  &. 
celles  qui  fuivent. 

Les  anciens  ,  dans  leur  profe  ,  évitaient 
de  laifïer  échapper  des  vers ,  parce  que  la 
mefure  de  leurs  vers  étoit  extrêmement 
marquée  ;  le  vers  ïambe  étoit  le  feul  qu'ils 
s'y  permiflent  quelquefois  ,  parce  que  ce 
vers  avoit  plus  de  licences  qu'aucun  autre , 
&  une  mefure  moins  invariable  :  nos  vers , 
fi  on  leur  ôte  la  rime  ,  font  à  quelques 
égards  dans  le  cas  des  vers  ïambes  des  an- 
ciens ;  nous  n'y  avons  attention  qu'à  la 
multitude  des  fyllabes  ;  &  non  à  la  pro- 
fodie  ;  douze  fyllabes  longues  ou  douze 
fyllabes  brèves ,  douze  fyllabes  réelles  & 
phyfiques  ou  douze  fyllabes  de  convention 
&  d'ufage  ,  font  également  un  de  nos 
grands  vers  j  les  vers  françois  font  donc 
moins  choquans  dans  la  profe  françoife.* 
(  quoiqu'ils  ne  doivent  pas  y  être  prodi- 
gués ,  ni  même  y  être  trop  fenfibles , }.  qaç 


E  L  O 

des  vers  latins  ne  l'ëtoient  dans  la  profe 
latine.  Il  y  a  plus  :  on  a  remarqué  que  la  pro- 
fe la  plus  harmonieufe  contient  beaucoup 
de  vers ,  qui ,  étant  de  différente  mefure  , 
&  fans  rime  ,  donnent  à  la  profe  un  des 
agrémens  de  la  poéfie  ,  fans  lui  en  donner 
le  cara&ere  ,  la  monotonie,  &  l'uniformité. 
La  profe  de  Molière  eft  toute  pleine  de 
vers.  En  voici  un  exemple  tiré  de  la  pre- 
mière fcene  du  Sicilien  : 


Chut ,  n'avance^  pas  davantage  , 
Et  demeure^  en  cet  endroit 
Jufqu'à  ce  que  je  vous  appelle. 
Il  fait  noir  comme  dans  un  four , 

Le  ciel  s' efi  habillé  ce  foir  enfcaramouche , 
Et  je  ne  vois  pas  une  étoile 
Qui  montre  le  bout  defon  ne\. 

Sotte  condition  que  celle  d'un  efclave  ! 
De  ne  vivre  jamais  pour  foi  , 
Et  d'être  toujours  tout  entier 

Aux  pajfions  d'un  maître  !  &c. 

On  peut  remarquer  en  pafTant ,  que  ce 
font  les  vers  de  huit  fyllabes  qui  dominent 
dans  ce  morceau  ,  &  ce  font  en  effet  ceux 
qui  doivent  le  plus  fréquemment  fe  trouver 
dans  une  profe  harmonieufe. 

M.  de  la  Motte  ,  dans  une  des  difTerta- 
tions  qu'il  a  écrites  contre  la  poéfie  ,   a 
mis  en  profe  une  des  fcenes  de  Racine 
fans  y   faire  d'autre  changement  que  de 
renverfer  les  mots  qui  forment  les  vers: 
Arbate  ,  on  nous  faifoit  un  rapport  fidèle . 
Home  triomphe  en  effet ,  &  Mithriddte  efi 
mort.  Les  Romains  ont  attaqué  mon  père 
vers  l'Euptirate  ,  &  trompé  fa  prudence 
ordinaire  dans  la  nuit ,    &c.   Il  obferve 
que   cette    profe    nous  paroît   beaucoup 
moins  agiéable  que  les  vers  qui  expriment 
la  même  chofe  dans  les   mêmes  termes  ; 
&  il  en  conclut  que  le  plailir  qui  naît  de 
]a  mefure  des  vers ,  eft  un  plaifir  de  con- 
vention &  de  préjugé,  puifqu'à  l'exception 
de  cette   mefure  ,    rien   n'a    difparu   du 
morceau  cité.  M.  de  la  Motte  ne  faifoit 
pas  attention  ,  qu'outre  la  mefure  du  vers, 
l'harmonie   qui  réfulte   de   l'arrangement 
des  mots  avoit  auffi  difparu  ,   &:   que  fi 
Racine  eût  voulu   écrire  ce  morceau  en 
profe  ,  il  I'auroit  écrit  autrement ,  &  choifi 
des  mots  dont  l'arrangement  auroit  formé 
une  harmonie  plus  agréable  à  l'oreille» 


E  L  O  if? 

L'harmonie  fouffre  quelquefois  de  la 
juftefle  &  de^  l'arrangement  logique  des 
mots  ,  &  réciproquement  :    c'eft  alors  à 
l'orateur  à  concilier ,  s'il  eft  poffible  ,  l'une 
avec  l'autre  ,  ou  à  décider  lui-même  juf- 
qu'à quel  point  il  peut  facririer  l'harmonie 
à  la  juftefle.  La  feule  règle  générale  qu'on 
puiflè  donner  fur  ce  fujet ,  c'eft  qu'on  ne 
doit  ni  trop  fou  vent  facririer  l'une  à  l'au- 
tre ,  ni  jamais  violer  l'une  ou  l'autre  d'une 
manière  trop  choquante.  Le  mépris  de  la 
juftefle  offenfera  la  raifon  ,   &  le  mépris 
de  l'harmonie  blelîera  l'organe  ;  l'une  eft 
un  juge  févere  qui  pardonne  difficilement, 
&  l'autre  un  juge  orgueilleux  qu'il  faut 
ménager^  La  réunion  de  la  juftefle  &  de 
l'harmonie  ,   portées  l'une  &   l'autre  au 
fuprême  degré  ,  étoit  peut-être  le  talent: 
fupérieur  de  Démofthene  :  ce  font  vrai- 
femblablement  ces  deux  qualités  qui  dans 
les  ouvrages  de  ce  grand  orateur  ,    onc 
produit  tant  d'effet  fur  les  Grecs ,  &  même 
fur  les  Romains  ,  tant  que  le  grec  a  été 


une   langue   vivante  &    cultivée  ;    mais 
aujourd'hui ,  quelque  fatisfaâion  que  fés 
harangues  nous  procurent  encore  par  le 
fond  des  chofes  ,  il  faut  avouer  ,  fi  on 
eft  de  bonne  foi  ,   que  la  réputation  de 
Démofthene  eft  encore  au-deflûs  du  plaifir 
que  nous  fait  fa  le&ure.  L'intérêt  vif  que 
les  Athéniens  prenoient  à  l'objet  de  ces 
harangues  ,    la  déclamation    fublime    de 
Démofthene  ,  fur  laquelle  il  nous  eft  refte 
le  témoignage  d'Efchine  même  fon  enne- 
mi ,  enfin  l'ufage   fans  doute  inimitable 
qu'il  faifoit  de  fa  langue  pour  la  propriété 
des   termes  &  pour  le  nombre  oratoire, 
tout  ce  mérite  eft  ou  entièrement  ou  pref- 
que  entièrement   perdu   pour   nous.   Les 
Athéniens  ,    nation   délicate  &   fenfible 
avoient     raifon     d'écouter     Démofthene- 
comme  un  prodige  ;  notre  admiration  ,  fi 
elle  étoit  égale  à  la  leur  ,  ne  feroit  qu'un 
enthoufiafme  déplacé.  L'eftime  raifonnée 
d'un  philofophe    honore  plus  les  grands 
écrivains  ,    que  toute  la  prévention  des 
pédans. 

Ce  que  nous  appelions  ici  harmonie 
dans  le  difcours  ,  devroit  s'appelîer  plus 
proprement  mélodie  :  car  mélodie  en  notre 
langue  eft  une  fuite  de  ions  qui  fe  fucce— 
dent  agréablement  ;    6c  narmonie  eft  ls 


içg  E  L  O 

plaifir  qui  réfulte  du  mélange  de  plufïeurs 
fons  qu'on  entend  à  la  fois.  Les  anciens 
qui ,  félonies  apparences ,  ne  connoiffoient 
point  la  mufique  à  plufïeurs  parties ,  du 
moins  au  même  degré  que  nous ,  appel- 
aient harmonia  ce  que  nous  appelions 
mélodie.  En  tranfportant  ce  mot  au  ftyle , 
nous  avons  confervé  l'ide'e  qu'ils  y  atta- 
choient  ;  &  en  le  tranfportant  à  la  mufi- 
que ,  nous  lui  en  avons  donné  un  autre. 
C'eft  ici  une  obfervation  purement  gra.u- 
maticale  ,    mais   qui  ne  nous  paroît    pas 


inuti 


!^ 


Cicéron,  dans  fon  traité  intitulé  Orator, 
fait  confifter  une  des  principales  qualités 
du  ftyle  fimple  en  ce  que  l'orateur  s'y 
affranchit  de  la  fervitude  du  nombre ,  fa 
marche  étant  libre  &  fans  contrainte  , 
quoique  fans  écarts  trop  marqués.  En 
effet ,  le  plus  ou  le  moins  d'harmonie  eft 
peut-être  ce  qui  diftingue  le  plus  réelle- 
ment les  différentes  efpeces  de  ftyle. 

Mais  quelque  harmonie  qui  fefafle  fentir 
dans  le  difcours ,  rien  n'eft  plus  oppofé  à 
l'éloquence  qu'un  ftyle  diffus  >  traînant  , 
&  lâche.  Le  ftyle  de  l'orateur  doit  être 
ferré  ;  c'eft  par- là  fur- tout  qu'a  excellé 
Démofthene.  Or  ,  en  quoi  confifte  le 
ftyle  ferré  ?  à  mettre  ,  comme  nous  l'a- 
vons dit  ,  chaque  idée  à  fa  véritable  place , 
à  ne  point  omettre  d'idées  intermédiaires 
trop  difficiles  à  fuppléer  ,  à  rendre  enfin 
chaque  idée  nar  le  terme  propre  :  par  ce 
moyen  on  évitera  toute  répétition  & 
toute  circonlocution ,  &  le  ftyle  aura  le 
rare  avantage  d'être  concis  fans  être  fati- 
gant ,  &  développé  fans  être  lâche.  Il 
arrive  fouvent  qu'on  eft  aufti  obfcur  en 
fuyant  la  brièveté  ,  qu'en  la  cherchant  ; 
on  perd  fa  route  en  voulant-  prendre  la 
plus  longue.  La  manière  la  plus  naturelle 
&  la  plus  fûre  d'arriver  à  un  objet ,  c'eft 
d'y  aller  par  le  plus  court  chemin  ,  pourvu 
qu'on  y  aille  en  marchant ,  &  non  pas 
en  fautant  d'un  lieu  à  un  autre.  On  peut 
juger  delà  combien  eft  oppofée  à  l'élo- 
quence véritable,  cette  loquacité  fi  ordi- 
naire au  barreau  ,  qui  confifte  à  dire  fi 
peu  de  chofes  avec  tant  de  paroles.  On 
prétend ,  il  eft  vrai ,  que  les  mêmes  moyens 
doivent  être  préfentés  différemment  aux 
différens  juges ,  &  que  par  cette  raifon 


E  L  O 

on  eft  obligé  dans  un  plaidoyer  de  tour- 
ner de  différens  fens  la  même  preuve. 
Mais  ce  verbiage  prétendu  néceftaire  de- 
viendra évidemment  inutile  ,  fi  on  a  foin 
de  ranger  les  idées  dans  l'ordre  conve- 
nable ;  il  réfultera  de  leur  difpofition  na- 
turelle une  lumière  qui  frappera  infaillible- 
ment &  également  tous  les  efprits ,  parce 
que  l'art  de  raifonner  eft  un  ,  &  qu'il  n'y 
a  pas  plus  deux  logiques  que  deux  géo- 
métries.  Le  préjugé  contraire  eft  fondé 
en  grande  partie  fur  les  faufles  idées  qu'on 
acquiert  de  l'éloquence  dans  nos  collèges  ; 
on  la  fait  confifter  à  amplifier  &  à  étendre 
une  penfée  ;  on  apprend  aux  jeunes  gens 
à  délayer  leurs  idées  dans  un  déluge  de 
périodes  infipides,  au  lieu  de  leur  appren- 
dre à  les  refterrer  fans  obfcurité.  Ceux 
qui  douteront  que  la  concifion  puifte  fub- 
fifter  avec  l'éloquence ,  peuvent  lire  pour 
fe  délabufer  les  harangues  de  Tacite. 

Il  ne  fuffitpas  au  ftyle  de  l'orateur  d'être 
clair  ,  correct ,  propre  ,  précis  ,  élégant , 
noble  ,  convenable  au  fujet ,  harmonieux, 
vif .  &  ferré  ;  il  faut  encore  qu'il  foit 
facile,  c'eft-à-dire,  que  la  gêne  de  la  com- 
pofition  ne  s'y  laifte  point  appercevoir. 
Le  ftyle  naturel  ,  dit  Pafcal  ,  nous  en- 
chante avec  raifon  ;  car  on  s'attendoit  de 
trouver  un  auteur ,  &  on  trouve  un 
homme.  Le  plaifir  de  l'auditeur  ou  du 
îecleur  diminuera  à  mefure  que  le  travail 
&  la  peine  fe  feront  fentir.  Un  des  moyens 
de  fe  préferver  de  ce  défaut,  c'eft  d'évi- 
ter ce  ftyle  figuré  ,  poétique ,  chargé  d'er- 
nemens  ,  de  métaphores  ,  d'antithefes  ,  & 
d'épithetes  ,  qu'on  appelle  ,  je  ne  fais  par 
quelle  raifon  ,  flyle  académique.  Ce  n'eft 
affurément  pas  celui  de  l'académie  Fran-> 
çoife  ;  il  ne  faut ,  pour  s'en  convaincre  , 
que  lire  les  ouvrages  &  les  difcours  même 
des  principaux  membres  qui  la  compofent. 
C'eft  tout  au  plus  le  ftyle  de  quelques 
académies  de  province  ,  dont  la  multipli- 
cation excefîive  &  ridicule  eft  aufîifunefte 
aux  progrès  du  bon  goût  ,  que  préjudi- 
ciable aux  vrais  intérêts  de  l'état  ;  depuis 
Pau  jufqu'à  Dunkerque  ,  tout  fera  bientôt 
académie  en  France. 

Ce  ftyle  académique  ou  prétendu  %e\ , 
eft  encore  celui  de  la  plupart  de  nos  pré- 
dicateurs }  du  moins  de  plufïeurs  de  ceux 


E  L  O 

qui  ont  quelque  réputation  ;  n'ayanpast 
affez  de  génie  pour  préTenter  d'une  ma- 
nière frappante  ,  &  cependant  naturelle  , 
les  vérités  connues  qu'ils  doivent  annon- 
cer ;  ils  croient  les  orner  par  un  ftyle 
affedé  &  ridicule ,  qui  fait  reffembler 
leurs  fermons  ,  non  à  l'épanchement  d'un 
cœur  pénétré  de  ce  qu'il  doit  infpirer  aux 
autres ,  mais  à  une  efpece  de  repréfen- 
tation  ennuyeufe  &  montone  ,  ou  fadeur 
s'applaudit  fans  être  écouté.  Ces  fades 
harangueurs  peuvent  fe  convaincre  par  la 
iedure  réfléchie  des  fermons  du  P.  Maffil- 
Ion  ,  fur-tout  de  ceux  qu'on  appelle  le 
petit  carême  P  combien  la  véritable  élo- 
quence de  la  chair  eft  oppofée  à  l'affec- 
tation du  ftyle  :  nous  ne  citerons  ici  que 
le  fermon  qui  a  pour  titre  de  V humanité 
des  grands  ,  modèle  le  plus  parfait  que 
nous  connoifîions  en  ce  genre  ;  difcours 
plein  de  vérité ,  de  fimplicité  &  de  no- 
blefîè  ,  que  les  princes  devroient  lire  fans 
ceffe  pour  fe  former  le  cœur,  &  les  ora- 
teurs chrétiens  pour  fe  former  le  goût. 

L'affectation  du  flyle  paroît  fur- tout 
dans  la  profe  de  la  plupart  des  poètes  : 
accoutumés  au  ftyle  orné  &  figuré ,  ils 
le  tranfportent  comme  malgré  eux  dans 
leur  profe  ;  ou  s'ils  font  des  efforts  pour 
l'en  bannir  ,  leur  profe  devient  trainante 
&  fans  vie  :  aufîi  avons-nous  très-peu  de 
poètes  qui  aient  bien  écrit  en  profe.  Les 
préfaces  de  Racine  font  foiblement  écri- 
tes ;  celles  de  Corneille  font  aufîi  excel- 
lentes pour  le  fond  des  chofes ,  que  dé- 
fedueufes  du  côté  du  ftyle  ;  la  profe  de 
Rouffeau  eft  dure ,  celle  de  Defpréaux 
pefante,  celle  de  la  Fontaine  infïpide;  celle 
de  la  Motte  eft  à  la  vérité  facile  &  agréable, 
mais  aufïï  la  Motte  ne  tient  pas  le  pre- 
mier rang  parmi  les  vérificateurs.  M.  de 
Voltaire  eft  prefque  le  feul  de  nos  grands 
poètes  dont  la  profe  foit  du  moins  égale 
à  fes  vers  ;  cette  fupériorité  dans  deux 
genres  fi  différens  ,  quoique  fi  voifins  en 
apparence  ,  eft  une  des  plus  rares,  qualités 
de  ce  grand  écrivain. 

Telles  font  les  principales  loix  de  Ye'lo- 
cution  oratoire.  On  trouvera  fur  ce  fujet 
un  plus  grand  détail  dans  les  ouvrages  de 
Cicéron  ,  de  Quintilien  ,  &c.  fur-tout  dans 
l'ouvrage  du  premier  de  ces  deux  écrivains , 


E  L  O  i<$$ 

qui  a  pour  titre  orator,  &  dans  lequel 
il  traite  à  fond  du  nombre  &  de  l'har- 
monie du  difcours.  Quoique  ce  qu'il  en 
dit  foit  principalement  relatif  à  la  langue 
latine  qui  étoit  la  fienne  ,  on  peut  néan- 
moins en  tirer  des  règles  générales  d'har- 
monie pour  toutes  les  langues. 

Nous  ne  parlerons  point  ici  des  figures 
fur  lefquelles  tant  de  rhéteurs  ont  écrit 
des  volumes .-  elles  fervent  fans  doute  à 
rendre  le  difcours  plus  animé  ;  mais  fi  la 
nature  ne  les  dide  ,  elles  font  froides  & 
infipides.  Elles  font  d'ailleurs  prefque  aufTi 
communes  ,  même  dans  le  difcours  ordi- 
naire ,  que  Tufage  des  mots  ,  pris  dans 
un  fens  figuré ,  eft  commun  dans  toutes 
les  langues.  Vcye\  Langue,  Diction- 
naire, Figure, Trope  ,  Eloquence. 
Tant  pis  pour  tout  orateur  qui  fait  avec 
réflexion  &  avec  defîein  une  métonymie  , 
une  catachrefe  ,  &  d'autres  figures  fem- 
blables. 

Sur  les  qualités  du  ftyle  en  général  dans 
toutes  fortes  d'ouvrages  >voye\  ELEGAN- 
CE ,  Style  ,  Grâce  ,  Goût  ,  &c. 

Je  finis  cet  article  par  une  obfervation, 
qu'il  me  femble  que  la  plupart  des  rhé- 
teurs modernes  n'ont  point  affez  faite  ; 
leurs  ouvrages ,  calqués  pour  ainfi  dire 
fur  les  livres  de  rhétorique  des  anciens, 
font  remplis  de  définitions  ,  de  préceptes, 
&  de  détails  ,  néceffaires  peut-être  pour 
lire  les  anciens  avec  fruit ,  mais  abfolu- 
ment  inutiles ,  &  contraires  même  au 
genre  d'éloquence  que  nous  connoifîbns 
aujourd'hui.  «  Dans  cet  art ,  comme  dans 
»  tous  les  autres ,  dit  très-bien  M.  Freret 
v  (hift.  de  l'acad.  des  Belles-Lettres  y 
»  tome  XVIII ,  pag.  461  ,  )  il  faut  dif- 
»  tinguer  les  beautés  réelles ,  de  celles 
»  qui  étant  arbitraires  dépendent  des 
»  mœurs  ,  des  coutumes ,  &  du  gouver- 
»  nement  d'une  nation,  quelquefois  même 
»  du  caprice  de  la  mode  ,,dont  l'empire 
»  s'étend  à  tout ,  &  a  toujours  été  ref- 
»  pedé  jufqu'à  un  certain  point.  »  Du 
temps  de  la  république  romaine  ,  où  il 
y  avoit  peu  de  loix ,  &  où  les  juges  écoient 
fouvent  pris  au  hafard  ,  il  fuffifoit  prefque 
toujours  de  les  émouvoir,  ou  de  les  rendre 
favorables  par  quelque  autre  moyen  ;  dans 
notre   barreau  ,  il  faut  les   convaincre,. 


160  E  L  O 

Cicéron  eût  perdu  à  la  Grand-Chambre 
la  p  lupart  des  caufes  qu'il  a  gagnées  , 
parce  que  fes  cliens  étoient  coupables , 
ofons  ajourer  que  plufieurs  endroits  de  fes 
harangues  qui  plaifoient  peut-être  avec 
raifon  aux  Romains ,  &  que  nos  latiniftes 
modernes  admirent  fans  favoir  pourquoi , 
ne  feroient  aujourd'hui  que  médiocrement 
gourées.  (O) 

ELOGE  ,  f.  m.  {Belles  Let.)  louange 
que  l'on  donre  à  quelque  perfonne  ou  à 
quelque  chofe  en  confidération  de  fon  ex- 
cellence, de  fon  rang  ou  de  fes  vertus,  &c. 

La  vérité  fimple  &  exacle  devroit  être 
la  bafe  &  1'  me  de  tous  les  éloges  ;  ceux 
qui  font  outrés  &  fans  vraifemblance , 
font  tort  à  celui  qui  les  reçoit  y  &  à  celui 
qui  les  donne.  Car  tous  les  nommes  fe 
croient  en  droit  jufqu'à  un  certain  point, 
d'établir  la  réputation  des  autres ,  ou  d'en 
décider  ;  ils  ne  peuvent  fouflfar  qu'un  pa- 
négyrifte  s'en  rende  le  maître  ,  &  en  faffe 
pour  ainiî  dire  une  efpece  de  monopole; 
la  louange  les  indifpoie  ,  leur  donne  lieu 
de  difcuter  les  qualités  prétendues  de  la 
perfonne  qu'on  loue  ,  fouvent  de  les  con- 
tefter  ,   &  de  démentir  l'orateur.  (G) 

Voyei  au  mot  DICTIONNAIRE  ,  les 
réflexions  qui  ont  été  faites  fur  les  éloges 
qu'on  peut  donner  dans  les  Dictionnaires 
hiftoriques  :  ces  réflexions  s'appliquent  à 
quelque  éloge  que  ce  puilTe  être.  Bien  pé- 
nétrés de  leur  importance  &  de  leur  vérité  , 
les  Editeurs  de  l'Encyclopédie  déclarent 
qu'ils  ne  prétendent  point  adopter  tous  les 
éloges  qui  pourront  y  avoir  été  donnés  par 
leurs  collègues ,  foit  à  des  gens  de  lettres, 
foit  à  d'autres ,  comme  ils  ne  prétendent 
pas  non  plus  adopter  les  critiques  ,  ni  en 
général  les  opinions  avancées  ou  foutenues 
ailleurs  que  dans  leurs  propres  articles. 
Tout  eft  libre  dans  cet  ouvrage  ,  excepté 
la  fatyre  ;  mais  par  la  raifon  que  tout  y  eft 
libre  ,  chacun  doit  y  répondre  au  public 
de  ce  qu'il  avance  ,  de  ce  qu'il  blâme ,  & 
de  ce  qu'il  loue.  Voye\  Editeur.  C'eft 
en  partie  pour  cette  raifon  que  nous  nous 
fommes  fait  la  loi  de  nommer  dorénavant 
nos  collègues  fans  aucun  éloge  ;  la  recon- 
noiftance  eft  fans  doute  un  fentiment  que 
nous  leur  devons  ,  mais  c'eft  au  public  à 
apprécier  leur  travail, 


EL  O 

Qu'il  nous  foit  permis  à  cette  occafion 
de  déplorer  l'abus  intolérable  de  panégyri- 
ques &  de  fatyres  ,  qui  avilit  aujourd'hui 
la  république  des  Lettres.  Quels  ouvrages 
que  ceux  dont  plufieurs  de  nos  écrivains 
périodiques ,  ne  rougilTent  pas  de  faire  l'é- 
loge ?  quelle  ineptie  ,  ou  quelle  baflèiTe  ? 
Que  la  poftérité  feroit  furprife  de  voir  les 
Voltaire  &  les  Montefquieu  déchirés  dans 
la  même  page  où  l'écrivain  le  plus  médiocre 
eft  célébré  !  mais  heureufement  la  pofté- 
rité ignorera  ces  louanges  &  ces  invectives 
ophémeres  ;  &  il  femble  que  leurs  auteurs 
l'aient  prévu ,  tant  ils  ont  eu  peu  de  ref- 
pecl  pour  elle.  Il  eft  vrai  qu'un  écrivain 
fatyiique  ,  après  avoir  outragé  les  hommes 
célèbres  pendant  leur  vie ,  croit  réparer 
fes  infukes  par  les  éloges  qu'il  leur  donne 
après  leur  mort  ;  il  ne  s'apperçok  pas  que 
ces  éloges  font  un  nouvel  outrage  qu'il  tait 
au  mérite  ,  &  une  nouvelle  manier^  ce  fe 
déshonorer  lui-même.  (O) 

Eloge  ,  Louange  ,  fynon.  (Gram.) 
ces  mots  différent  à  plufieurs  égards  l'un 
de  l'autre.  Lou  ngea-j  fingulier  &  précédé 
de  l'article  la  ,  iè  prend  dans  un  iens 
abfclu  ;  (loge  au  lingulier  &  précédé  de 
l'article  ,  fe  prend  dans  un  fens  relatif. 
Ainiî  on  dir  :  la  louange  eft  quelquefois 
dangereufe  ;  Yéloge  de  telle  perfonne  eft 
jufte  j  e&  outré  y  6c.  Louange  au  fingulier 
ne  s'emploie  guère ,  ce  me  îemble  ,  quand 
il  eft  précédé  du  mot  une  ;  on  dit  un  éloge 
plutôt  qu'une  louange  :  du  moins  louange  , 
en  ce  cas  ,  ne  fe  dit  guère  que  lorfqu'on 
loue  quelqu'un  d'une  manière  détournée  & 
indirecte.  Exemple  :  2  el  auteur  a  donné 
une  louange  bien  fine  à  fon  ami.  11  femble 
auiîiquelorfqu'il  eft  queftion  des  hommes, 
éloge  dife  plus  que  louange  ,  du  moins  en 
ce  qu'il  fuppofe  plus  de  titres  &  de  droits 
pour  être  loué  ;  on  dit  de  quelqu'un  qu'il 
a  été  comblé  déloges  ,  lorfqu'il  a  été  loué 
beaucoup  &  avec  juftice  ;  &  d'un  autre 
qu'il  a  été  accablé  de  louanges  ,  lorfqu'on 
l'a  loué  à  l'excès  ou  fans  raifon.  Au  con- 
traire en  parlant  de  Dieu  ,  louange  ligni- 
fie plus  qu'éloge  j  car  on  dit  les  louanges 
de  Dieu.  Eloge  fe  dit  encore  des  harangues 
prononcées  ,  ou  des  ouvrages  imprimés  à 
la  louange  de  quelqu'un  ;  tloge  funèbre , 
éloge  hijhriaue  ,  éloge  académique.  Enfin 

ces 


E  L  O 

ces  mots  différent  aufîî  par  ceux  aux- 
quels on  les  joint  :  on  dit  faire  t  éloge  de 
quelqu'un  ,  &  chanter  les  louanges  de 
Dieu.  (0) 

Eloges  Académiques  ,  font  ceux 
qu'on  prononce  dans  les  académies  &  fb- 
ciétés  littéraires,  à  l'honneur  des  membres 
qu'elles  ont  perclus.  Il  y  en  a  de  deux  for- 
tes ,  d'oratoires  ck  d'hiftoriques.  Ceux  qu'on 
prononce  dans  l'académie  françoife,  font 
de  la  première  efpece.  Cette  compagnie  a 
impofé  à  tout  nouvel  académicien  le  devoir 
fi  nok\c  &  li  jufte  de  rendre  à  la  mémoire 
de  celui  à  qui  il  fuccede  ,  les  hommages 
qui  lui  font  dus.  Cet  objet  eft  un  de  ceux 
que  le  récipiendaire  doit  remplir  dans  fon 
d  if  cours  de  réception.  Dans  ce  difeours 
oratoire  on  fe  borne  à  louer  en  général  les 
talens  ,  l'efprit ,  &  même  ,  fi  on  le  juge 
à  propos ,  les  qualités  du  cœur  de  celui  à 
qui  l'on  fuccede  ,  fans  entrer  dans  aucun 
détail  fur  les  circonftances  de  fa  vie.  On 
ne  doit  rien  dire  de  fes  défauts  :,  du  moins  , 
fi  on  les  touche ,  ce  doit  être  fi  légèrement , 
fi  adroitement  &  avec  tant  de  finellè  , 
qu'on  les  préférée  à  l'auditeur  ou  au  lecteur 
par  un  côté  favorable.  Au  refte  ,  il  feroit 
peut-être  à  louhaiter  que  dans  les  récep- 
tions à  l'académie  françoife ,  un  feul  des 
deux  académiciens  qui  parlent ,  favoir  le 
récipiendaire  ou  le  directeur ,  lé  chargeât 
de  Xéloge  du  défunt  \  le  directeur  feroit 
moins  expo  le  à  répéter  une  partie  de  ce 
que  le  récipiendaire  a  dit ,  &:  le  champ 
feroit  par  ce  moyen  un  peu  plus  libre  dans 
ces  fortes  de  difeours ,  dont  la  matière 
n'eft  d'ailleurs  que  trop  donnée  :  fans  s'af- 
franchir entièrement  des  éloges  de  juftice 
&  de  devoir ,  on  feroit  plus  à  portée  de 
traiter  des  fujets  de  littérature  intéreffans 
pour  le  public.  Plufieurs  académiciens ,  en- 
trautres M.  de  Voltaire ,  ont  déjà  donné 
cet  exemple  ,  qui  paroît  bien  digne  d'être 
fuivi. 

Les  éloges  hiftoriques  font  en  ufage  dans 
nos  académies  des  Sciences  &  des  Belles- 
Lettres  ,  &  à  leur  exemple  dans  un  grand 
nombre  d'autres  :  c'eft  le  Secrétaire  qui  en 
eft  chargé.  Dans  ces  éloges  on  détaille 
toute  la  vie  d'un  académicien  ,  depuis  fa 
nailïance  jufqu'à  fa  mort  \  on  doit  néan- 
moins en  retrancher  les  détails  bas  ,  pué- 
Tomt  XII. 


E  L  O  %*t 

riîes  ,  indignes  enfin    de  la  majéfté  dm 
éloge  philolbphique. 

Ces  éloges  étant  hiftoriques  ,  font  pro- 
prement des  mémoires  pour  Servir  à  l'hif- 
toire  des  Lettres  :  la  vérité  doit  donc  en 
faire  le  caractère  principal.  On  doit  néan- 
moins l'adoucir  ,  ou  même  la  taire  quel- 
quefois, parce  que  c'eft  un  éloge ,  &  non: 
une  Satyre  ,  que  l'on  doit  faire  }  mais  il  ne 
faut  jamais  la  déguifèr  ni  l'altérer. 

Dans  un  éloge  académique  on  a  deux 
objets  à  peindre  ,  la  perfonne  &  l'auteur  : 
l'un  &  l'autre  iè  peindront  par  les  faits. 
Les  réflexions  philosophiques  doivent  fur- 
tout  être  l'âme  de  ces  fortes  d'écrits }  elles 
feront  tantôt  mêlées  au  récit  avec  art  & 
brièveté ,  tantôt  rafîèmblées  &  développées 
dans  des  morceaux  particuliers  ,  où  elles 
formeront  comme  des  maflès  de  lumière 
qui  Serviront  à  éclairer  le  refte.  Ces  ré- 
flexions féparées  des  faits  ,  ou  entre-mêlées 
avec  eux ,  auront  pour  objet  le  caractère 
d'eiprit  de  l'auteur  ,  l'efpece  &  le  degré  de 
fes  talens  ,  de  fes  lumières  &  de  fes  con- 
noiffances ,  le  contraire  ou  l'accord  de  fes 
écrits  &  de  les  mœurs ,  de  fon  cœur  ôî  de 
fon  efprit ,  &  fur-tout  le  caractère  de  fes 
ouvrages  ,  leur  degré  de  mérite ,  ce  qu'ils 
renferment  de  neuf  ou  de  Singulier,  le 
point  de  perfection  où  l'académicien  avoit 
trouvé  la  matière  qu'il  a  traitée ,  &  le 
point  de  perfection  où  il  l'a  laiffée  ,  en  lia 
mot ,  l'analyfe  raifonnée  des  écrits  '7  car 
c'eft  aux  ouvrages  qu'il  faut  principalement 
s'attacher  dans  un  éloge  académique  :  le 
borner  à  peindre  la  perfonne  ,  même  avec 
les  couleurs  les  plus  avautageufes ,  ce  feroit 
faire  une  fatyre  indirecte  de  fauteur  &  de 
la  compagnie  j  ce  feroit  fuppofer  que  l'a- 
cadémicien étoit  fans  talens  ,  &  qu'il  n'a 
été  reçu  qu'à  titre  d'honnête  homme  :  titre 
très-eltimable  pour  la  lociété ,  mais  infuf- 
fifant  pour  une  compagnie  littéraire.  Ce- 
pendant comme  il  n'eft  pas  fans  exemple 
de  voir  adopter  par  les  académies  des 
hommes  d'un  talent  très-foible  »  foit  par 
faveur  8c  malgré  elles ,  foit  autrement , 
c'eft  alors  le  devoir  du  Secrétaire  de  fe 
rendre,  pour  ainfi  dire, médiateur  entre  fa 
compagnie  &  le  public ,  en  palliant  eu 
excuiànt  l'indulgence  de  l'une  fans  manquer 
de  relpect  à  l'autre  ,  &  même  à  la  vérité. 

X 


161  E  L  O 

Pour  cela  il  doit  réunir  avec  choix  &  pré- 
fenter  fous  un  point  de  vue  avantageux  , 
ce  qu'il  peut  y  avoir  de  bon  &  d'utile  dans 
les  ouvrages  de  celui  qu'il  eft  obligé  de 
louer.  Mais  fi  ces  ouvrages  ne  fourniffent 
abfolument  rien  à  dire  ,  que  faire  alors  ?  Se 
tafiré.  Et  ii  par  un  malheur  très-rare ,  la 
conduite  a  déshonoré  les  ouvrages  ,  quel 
parti  prendre  ?  Louer  les  ouvrages. 

C'eft  apparemment  par  ces  raifbns  que 
les  académies  des  Sciences  &  des  Belles- 
Lettres  n'impofent  point  au  fecretaire  la 
loi  rigoureufe  de  faire  Xéloge  de  tous  les 
académiciens  :  il  fèroit  pourtant  jufte ,  & 
defirable  même  ,  que  cette  loi  fût  févére- 
meut  établie  j  il  en  réfulteroit  peut-être 
qu'on  apporteroit  dans  le  choix  des  fujets  , 
«ne  fevérité  plus  confiante  &  plus  continue  : 
le  fecretaire  ,  &  fa  compagnie  par  contre- 
coup ,  feroient  plus  intéreifés  à  ne  choifir 
que  des  hommes  louables. 

Concluons  de  ces  réflexions ,  que  le 
iècretaire  d'une  académie  doit  non  feule- 
ment avoir  une  connoiffance  étendue  des 
différentes  matières  dont  l'académie  s'oc- 
cupe ,  mais  pofféder  encore  le  talent  d'é- 
crire perfectionné  par  l'étude  des  Belles- 
Lettres  ,  la  fineffe  de  l'eiprit ,  la  facilité 
de  faifîr  les  objets  8t  de  les  préfènter ,  enfin 
l'éloquence  même.  Cette  place  eft  donc 
celle  qu'il  eft  le  plus  important  de  bien 
remplir  ,  pour  l'avantage  &  pour  l'honneur 
d'un  corps  littéraire.  L'académie  des  Scien- 
ces doit  certainement  à  M.  de  Fonte- 
nelle  .une  partie  de  la  réputation  dont 
elle  jouit  :  fans  l'art  avec  lequel  ce  célèbre 
écrivain  a  fait  valoir  la  plupart  des  ouvrages 
de  fes  confrères ,  ces  ouvrages ,  quoique 
excellens  ,  ne  feroient  connus  que  des 
favans  fèuls  ,  ils  refteroient  ignorés  de  ce 
qu'on  appelle  le  public  ;  &  la  considération 
dont  jouit  l'académie  des  Sciences  ,  feroit 
moins  générale.  Auffi  peut- on  dire  de  M. 
de  Fontenelle  ,  qu'il  a  rendu  la  place  dont 
il  s'agit  très-dangereufe  à  occuper.  Les 
difficultés  en  font  d'autant  plus  grandes  , 
que  k  genre  d'écrire  de  cet  auteur  célèbre 
eft  abfolument  à  lui ,  &  ne  peut  paffer  à  un 
autre  fans  s'altérer }  c'eft  une  liqueur  qui 
ne  doit  point  changer  de  vafè  \  il  a  eu  , 
comme  tous  les  grands  écrivains  ,  le  ftyle 
de  ià  peniee  3  ce  ftyle  original  &  fimple 


E  L   O 

ne  peut  repréfenter  agréablement  &  au 
naturel  un  autre  efprit  que  le  lien  j  en 
cherchant  à  l'imiter  (j'en  appelle  à  l'expé- 
rience )  ,  on  ne  lui  reifemblera  que  par  les 
petits  défauts  qu'on  lui  a  reprochés ,  fans 
atteindre  aux  beautés  réelles  qui  font  oublier 
ces  taches  légères.  Ainli  pour  réufïir  après 
lui,  s'il  eft  poilible .  dans  cette  carrière 
épineufe ,  il  feut  iwBÉffairement  prendre 
un  ton  qui  ne  foit  pas  le  lien  :  il  faut  de 
plus  ,  ce  qui  n'eft  pas  le  moins  difficile , 
accoutumer  le  public  à  ce  ton  ,  &  lui 
perfuader  qu'on  peut  être  digne  de  lui 
plaire  ,  en  fè  frayant  une  route  différente  de 
celle  par  laquelle  il  a  coutume  d'être 
conduit }  car  malheureufèment  le  public  , 
femblable  aux  critiques  fubalternes  ,  juge 
d'abord  un  peu  trop  par  imitation ,  il 
demande  des  chofes  nouvelles  ,  &  fe  ré- 
volte quand  on  lui  en  préfente.  Il  eft  vrai 
qu'il  y  a  cette  différence  entre  le  public 
&  les  critiques  fubalternes  ,  que  celui-là 
revient  bientôt  ,  &  que  ceux-ci  s'opiniâ- 
trent.  (O) 

Eloge  ,  (  Droit  civil  )  elogium  ,  dans 
le  droit  écrit  ,  fîgnifie  le  blâme ,  &  non 
pas  la  louange  ;  de  forte  que  ce  mot  , 
chez  les  jurifconfultes  romains  ,  déshonore 
ou  du  moins  flétrit  la  probité  &  la  répu- 
tation de  celui  qu'un  teftateur  rappelle  dans 
fon  teftament  avec  éloge.  Un  père  ,  félon 
les  loix  romaines  ,  doit  eu  inftituer  fes 
enfans  dans  une  certaine  fomme  ,  ou  les 
déshériter  nommément  ,  à  peine  de  nullité 
du  teftament.  Dans  ce  dernier  cas  ,  la 
raifbn  que  le  père  donne  pour  autorifer 
l'exhérédation  de  fon  enfant ,  eft  appellée 
elogium  dans  la  jurisprudence  romaine. 
Cicéron  plaidant  pour  Cluentius  ,  fait 
mention  du  teftament  de  Cn.  Egnatius  y 
qui  avoit  déshérité  fon  fils  avec  cet  éloge 
(  c'eft  à-dire  avec  opprobre  ) ,  que  fon  fils 
avoit  pris  de  l'argent  pour  condamner 
Oppiniacus. 

Ce  feul  pafTage  peut  fuffîre  pour  prouver 
l'ufàge  que  les  jurifconfultes  ont  fait  du  mot 
elogium  dans  un  fèns  contraire  à  fà  fîgni- 
fication  naturelle  }  mais  les  loix  qui  font 
dans  le  Dig efte  &  dans  le  Code  ,  fous  les 
titres  de  liber.  &  pofth.  &  de  Carbon», 
ediclo  ,  ainfï  que  les  déclamations  de  Quin- 
tilieB  3  en  foiunifTent  une  infinité  d'autres 


E  L  O 

exemples.  Diclionn.  de  Richelet  ,  dernière 
édition.  Article  de  M.  le  chevalier  de 
J AU  COURT. 

ELONGATION,  f.  f.  en  Aflronomie , 
eft  Ja  digrefiîon  ou  la  diftance  dont  une 
planète  s'éloigne  du  Soleil  par  rapport  à  un 
œil  placé  fur  la  Terre  ,  c'eft-à-dire ,  l'arc 
ou  angle  apparent  de  la  planète  &  du 
Soleil ,  vus  l'un  &  l'autre  de  la  Terre.  V. 
Planète. 

La  plus  grande  diftance  d'une  planète 
au  ibleil ,  s'appelle  fa  plus  grande  élon- 
gation  ,  &  elle  varie  par  deux  raifbns  \ 
favoir  ,  parce  que  la  terre  &  la  planète 
tournent  Tune  &  l'autre  ,  non  dans  des 
cercles ,  mais  dans  des  ellipfès.  Cette  varia- 
tion eft  plus  ou  moins  confidérable ,  félon 
que  les  ellipfes  que  les  planètes  décri- 
vent ,  s'éloignent  plus  ou  moins  d'être  des 
cercles  }  ainfi  elle  eft  moindre  dans  Vénus 
que  dans  Mercure  ,  dont  l'orbite  eft  fort 
elliptique. 

C'eft  fur-tout  dans  les  mouvemens  de 
Vénus  &  de  Mercure  qu'on  a  égard  aux 
élongations.  Mercure  eft  dans  fa  plus  grande 
élongation  ,  lorfque  la  ligne  menée  de  la 
Terre  à  Mercure  ,  eft  tangente  de  l'orbite 
de  cette  planète  ;  car  il  eft  facile  de  s'aflurer 
que  l'arc  compris  entre  le  lieu  de  Mercure 
&  le  lieu  du  Soleil  ,  c'eft-à-dire  l'angle 
compris  entre  les  lignes  menées  de  la  Terre 
au  Soleil  &  de  la  Terre  à  Mercure  ,  eft 
alors  le  plus  grand  qu'il  eft  pofîîble  :  il  en 
eft  de  même  de  Vénus.  Or  fuppofànt  que 
ces  planètes  ,  ainfi  que  la  Terre ,  décrivent 
des  cercles  autour  du  Soleil  ,  &  qu'on 
connoilfe  le  rapport  des  rayons  de  leurs 
orbites  ,  il  eft  facile  de  tirer  delà  l'angle 
de  leur  plus  grande  élongation  ;  car  cet 
angle  pour  Mercure  eft  l'angle  au  fommet 
d'un  triangle  rectangle  ,  dont  l'hypothénufè 
eft  la  diftance  de  la  Terre  au  Soleil  ,  & 
dont  la  bafe  eft  la  diftance  de  Mercure  au 
Soleil ,  ou  le  rayon  de  fon  orbite  :  &  pour 
Vénus ,  c'eft  l'angle  du  fommet  d'un  triangle 
rectangle ,  dont  l'hypothénufe  eft  la  même 
que  celle  du  précédent ,  &  dont  la  bafe  eft 
le  rayon  de  l'orbite  de  Vénus.  On  prend  ici 
les  triangles  pour  rectangles,  quoiqu'ils  ne  le 
foient  qu' à-peu- près  ,  &  que  même  ils  s'en 
■éloignent  allez  fenfiblement  pour  Mercure. 
#£,  les.lnjlit.  aftronom. 


E  L  O  i£5 

A  l'exception  de  Vénus  &  de  Mercure 
Xélongation  de  toutes  les  autres  planètes  - 
par  rapport  au  Soleil  ,  peut  aller  jufqu  a 
i8od}  ce  qui  eft  évident  ,  puhque  la  terre 
eft  entre  ces  planètes  &  le  Soleil. 
.  La  plus  grande  élongation  de  Vénus  eft 
de  45d ,  &  la  plus  grande  élongation  de 
Mercure  de  3od  3  c'eft-à-dire  ,  que  la  pre- 
mière de  ces  planètes  ne  s'éloigne  jamais 
du  Soleil  de  plus  de  45d ,  ou  n'en  eft  ja- 
mais vue  plus  diftanteque  de  ce  nombre  de 
degrés,  &  que  l'autre  ne  s'en  éloigne  jamais 
plus  que  de  30e1  3  c'eft  ce  qui  fait  que  Mer- 
cure eft  fi  rarement  vifible  ,  &  qu'il  Ce  perd 
d'ordinaire  dans  la  lumière  du  Soleil.  Voy, 
Mercure  &  Vénus. 

Quelques  auteurs  fe  font  fervi  aufti  du 
terme  ^élongation  ,  pour  marquer  la  diffé- 
rence du  mouvement  entre  deux  planètes, 
l'une  plus  rspide  ,  &  l'autre  plus  lente  ,  ou 
la  quantité  d'eipace  dont  l'une  devance 
l'autre. 

Le  mouvement  de  la  lune  par  rapport 
au  foleil ,  ou  l'arc  compris  entre  la  lune  & 
le  foleil ,  s'appelle  téloignement  de  la  lune 
au  foleil  ;  cependant  les  aftronomes  moder- 
nes le  fervent  prefque  toujours  en  ce  cas  du 
mot  diftance.  V.  les  art.  LUNE  &  SOLEIL. 
On  dit  aufîi  élongation  diurne  ,  élongation. 
horaire ,  &c. 

Angle  d 'élongation  ,  ou  angle  a  la  terre  • 
c'eft  la  différence  entre  le  vrai  lieu  du  foleil 
8t  le  lieu  géocentrique  d'une  planète  ;  tel 
eft  l'angle  ETR  (Planches  Jajlron.  fig. 
16.  )  compris  entre  le  lieu  E  du  foleil ,  & 
le  lieu  géocentrique  R  de  la  planète.  Voye-^ 
Géocentrique,  &c.  (O) 

ELONGATION  ,  terme  de  Chirurgie;  c'eft 
l'alongement  d'une  partie  ,  caufé  par  le 
gonflement  des  cartilages  qui  encroûtent 
les  têtes  &  les  cavités  des  os  ,  ou  par  un 
amas  d'humeurs  dans  la  cavité  articulaire 
qui  enchâiïe  la  tête  de  l'os.  "L" élongation  eft 
une  efpece  de  luxation  imparfaite.  M.  Petit 
le  chirurgien  a  parlé  dans  les  mémoires  de 
f  académie  royale  des  feiences  ,  dune  luxa- 
tion qui  fe  fait  peu-à-peu  ,  &  long-temps 
après  l'action  de  la  caufe  externe.  Cela 
arrive  principalement  lorfqu'à  l'occafion 
d'un  coup  ou  d'une  chute  ,  il  y  a  eu  une 
percufllon  dans  la  cavité  ,,  par  ia  tête  de 
l'os  même.  L'engorgement  des  caitiiajes  eft 

A.     2 


i£4  ELO 

un  effet  ordinaire  de  la  contufion  qu'ils 
ont  fouffërte.  Il  y  a  aum"  des  caufes  internes 
du  déplacement  de  l'os.  Hippocrate  (ap/ior. 
Ix.  fecl.  6.  )  dit  qu'il  arrive  par  le  relâche- 
ment des  ligamens  à  la  fuite  des  douleurs 
fciatiques }  tk  il  recommande  l'application 
du  cautère  acfuel ,  pour  confumer  l'humi- 
dité fiiperflue  qui  abreuve  les  ligamens  , 
afin  de  les  rétablir  dans  leur  reflbrt  naturel. 
Le  feu  eft  un  des  meilleurs  moyens  que 
l'art  puilfe  employer  pour  fortifier  &  cor- 
roborer les  parties  }  mais  c'eft  un  remède 
extrême  ,  auquel  on  ne  doit  avoir  recours 
qu'après  avoir  reconnu  l'inutilité  des  douches, 
des  fomentations,  de  l'application  des  fachets 
faits  avec  des  médicamens  qui  peuvent  avoir 
la  vertu  de  remettre  les  parties  dans  leur  état 
naturel.  (Y) 

ELOQUENCE  ,  f.  f.  (  Belles-Lettres.  ) 
V article  fuivant  nous  a  été  envoyé  par  M. 
de  Voltaire  ,  qui ,  en  contribuant  par  [on 
travail  à  la  perfection  de  l'Encyclopédie  , 
veut  bien  donner  a  tous  les  gens  de  Lettres 
citoyens  ,  f  exemple  du  véritable  intcrh 
quils  doivent  prendre  à  cet  ouvrage.  Dans 
la  lettr°e  quil  nous  a  fait  f  honneur  de  nous 
écrire  à  ce  fujet ,  il  a  la  mo défie  de  ne 
donner  cet  article  que  comme  une  fimple 
efquijfe  ;  mais  ce  qui  nef  regardé  que 
comme  une  efquijfe  par  un  grand  maître  , 
eft  un  tableau  précieux  pour  les  autres.  Nous 
expofons  donc  au  public  cet  excellent  morceau, 
tel  que  nous  t avons  reçu  de  fon  illuftre  au- 
teur :  y  pourrions-nous  toucher  fans  lui  faire 
tort  ? 

V Eloquence  ,  dit  M.  de  Voltaire  ,  cft 
née  avant  le*  règles  de  la  rhétorique  , 
comme  les  langues  fè  font  formées  avant  la 
grammaire.'  I#a  nature  rend  les  hommes 
cloquens  dans  les  grands  intérêts  tk  dans 
les  grandes  parlions.  Quiconque  eft  vive- 
ment ému  ,  voit  les  choies  d'un  autre  œil 
que  les  autres  hommes.  Tout  eft  pour  lui 
objet  de  comparaifon  rapide ,  &  de  méta- 
phore :  fans  qu'il  y  prenne  garde  il  anime 
tout ,  &  fait  parler  dans  ceux  qui  l'écou- 
tent ,  une  partie  de  fon  enthoufiafme.  Un 
philofophe  trèls  éclairé  a  remarqué  que  le 
peuple  même  s'exprime  par  des  figures  -,  que 
rien  n'eft  plus  commun  ,  plus  naturel  que 
les  tours  qu'on  appelle  trepes.  Ainfi.  dans 
toutes  les  langues  le  cceur  bxide  ,  le  cou- 


E  LO 

rage  s'allume  ,  les  yeux  étincellent ,  î'eiprrt 
eft  accablé;  il  le  partage,  il  s'épuife:  le 
fang  fe  glace  :  la  tête  iè  renverfe  :  on  eft 
enflé  d'orgueil  ,  enivré  de  vengeance.  La 
nature  fe  peint  par-tout  dans  ces  images 
fortes  devenues  ordinaires. 

C'eft  elle  dont  l'infiincl  entèigne  à  pren- 
dre d'abord  un  air  ,  un  ton  modefte  avec 
ceux  dont  on  a  befoin.  L'envie  naturelle 
de  captiver  fes  juges  &  ks  maîtres  ,  le  re- 
cueillement de  lame  profondément  frappée, 
qui  fe  prépare  à  déployer  les  fentimens  qui 
la  preftent ,  font  les  premiers  maîtres  de 
l'art. 

C'eft  cette  même  nature  qui  inlpire  quel- 
quefois des  débuts  vifs  &  animés  3  une  forte 
parfion  ,  un  danger  preflant ,  appellent  tout 
d'un  coup  l'imagination  :  ainfi  un  capitaine 
des  premiers  califes  voyant  fuir  les  Muful- 
mans  ,  s'écria  :  Ou  coure\-vous ,  ce  neft 
pas  la  que  font  les  ennemis.  On  vvus  a 
dit  que  le  calife  eft  tué  :  eh  !  qu  importe 
qu'il  fvit  au  nombre  des  vivans  ou  des. 
morts  y  Dieu  eft  vivent  &  vous  regarde  ,  mar- 
che %. 

La  nature  fait  donc  Y  éloquence  ,  &  fi  on 
a  dit  que  les  poètes  naillent  &  que  les  ora- 
teurs fe  forment,  on  l'a  dit  quand  Y  éloquence 
a  été  forcée  d'étudier  les  loix  ,  le  génie  des 
juges ,  &  la  méthode  du  temps. 

Les  préceptes  font  toujours  venus  aprè* 
l'art.  Tiiias  fut  le  premier  qui  recueillit  les 
ioix  de  Yéloquence  dont  la  nature  donne  les 
premières  règles. 

Platon  dit  en  fuite  dans  fon  Gorgias  r 
qu'un  orateur  doit  avoir  la  fubtilité  des  dia- 
lecticiens ,  la  feience  des  philofophes  ,  la 
diclion  prefque  des  pcëtes  ,  la  voix  &  les 
geftes  des  plus  grands  acteurs. 

Ariftote  fit  voir  enfuite  que  la  véritable 
philofophie  eft  le  guide  fecretde  l'efpritdans 
tous  les  arts.  Il  creufa  les  fources  de  lV/o- 
quence  dans  fon  livre  de  la  Rhétorique  ;  il  fit 
voir  que  la  dialectique  eft  le  fondement  de 
l'art  de  perfuader ,  &  qu'être  éloquent ,  c'eft 
favoir  prouver. 

Il  diftingua  les  trois  genres  ,  le  délibéra- 
tif ,  le  démonftratif ,  &  le  judiciaire.  Dans 
le  délibératif ,  il  s'agit  d'exhorter  ceux  qui 
délibèrent,  à  prendre  un  parti  fur  la  guerre 
&  fur  la  paix  ,  fur  l'adminiftration  publi- 
que ,  &c.  dans  le  démonftratif ,  de  faire 


E  L  G 

voir  ce  qui  eft  digne -de  louange  ou  de 
blâme  j  dans  le  judiciaire  ,  de  periuader , 
d'abfoudre  ou  de  condamner ,  &c.  On  fent 
allez  que  ces  trois  genres  rentrent  fouveiit 
l'un  dans  l'autre. 

Il  traite  enfuite  des  paillons  8c  des  mœurs 
que  tout  orateur  doit  connoître. 

Il  examine  quelles  preuves  on  doit  em- 
ployer dans  ces  trois  genres  d'éloquence. 
Enfin  il  traite  à  fond  de  l'élocutioa  fans 
laquelle  tout  languit  \  il  recommande  les 
métaphores,  pourvu  qu'elles  foient  juftes  Se 
nobles  \  il  exige  fur- tout  la  convenance  , 
la  bienféance.  Tous  fes  préceptes  refpirent 
la  'jufteile  éclairée  d'un  philofophe  ,  8c  la 
politefie  d'un  Athénien  \  Se  en  donnant  les 
règles  de  {'éloquence ,  il  eft  éloquent  avec 
/implicite. 

Il  eft  à  remarquer  que  la  Grèce  fut  la 
feule  contrée  de  la  terre  où  l'on  connût 
alors  les  loix  de  {'éloquence  ,  parce  que 
c'étoit  la  feule  où  la  véritable  éloquence 
exiftât.  L'art  grailler  étoit  chez  tous  les 
hommes  }  des  traits  fublimes  ont  échappé 
par-tout  à  la  nature  dans  tous  les  temps  : 
mais  remuer  les  efprits  de  toute  une  nation 
,  polie ,  plaire  ,  convaincre  8c  toucher  à  la 
fois  ^  cela  ne  fut  donné  qu'aux  Grecs.  Les 
Orientaux  étoieut  prefque  tous  eiclaves  : 
c'eft  un  caractère  de  la  fervitude  de  tout 
exagérer  \  ainfi  l'éloquence  afiatique  fut 
monftrueufe  ;  l'Occident  étoit  barbare  du 
temps  d'Ariftote. 

"L'éloquence  véritable  commença  à  fe 
montrer  dans  Rome  du  temps  des  Grac- 
ques  ,  8c  ne  fut  perfectionnée  que  du  temps 
de  Cicéron.  Marc  Antoine  l'orateur ,  Hor- 
îeufius ,  Curion  ,  Céfar,  8c  plufieurs  autres, 
furent  des  hommes  éloquens. 

Cette  éloquence  périt  avec  la  république, 
ainfi  que  celle  d'Athènes.  L'éloquence  fu- 
blime  n'appartient ,  dit-on  ,  qu'à  la  liberté  } 
c'eft  qu'elle  confifte  à  dire  des  vérités  har- 
dies ,  à  étaler  des  raifons  &  des  peintures 
fortes.  Souvent  un  maître  n'aime  pas  la  vé- 
rité ,  craint  les  raiibns  ,  8c  aime  mieux  un 
compliment  délicat  que  de  grands  traits. 

Cicéron  ,  après  avoir  donné  les  exemples 
dans  fes  harangues  ,  donna  les  préceptes 
dans  fou  livre  de  l'Orateur }  il  fuit  prefque 
toute  la  méthode  d'Ariftote ,  8c  l'explique 
ayee  le  ftyle  de  Platon. 


E   L   O  j6y 

Il  diftingue  le  genre  {Impie  .  le  tempéré 
&  le  fublime.  Roiim  a  fiiivi  cette  divifio» 
dans  fou  traité  des  études }  8c  ce  que  Ci- 
céron ne  dit  pas ,  il  prétend  que  le  tempéré 
eft  une  belle  rivière  ombragée  de  renés  fo- 
rêts des  deux  côtés  ;  lefsmple ,  une  table  fer  pie 
proprement  ,  dont  tous  les  irJcs  font  d'un 
goût  excellent  ,■  &  dont  on  bannit  tout  rafi- 
nement  ;  que  le  fublime  foudroie  ,  &  que 
c'efi  un  fleuve  impétueux  qui  renverfe  tout  ce 
qui  lui  réfifle. 

Sans  fè  mettre  à  cette  table  ,  8c  fans 
fuivre  ce  foudre  ,  ce  fleuve  8c  cette  ri- 
vière, tout  homme  de  bon  fens  voit  que 
l'éloquence  fîmple"  eft  celle  qui  a  des  choies 
fimples  à  expofer ,  8c  que  la  clarté  8c  l'é- 
légance font  tout  ce  qui  lui  convient.  Il 
n'eft  pas  befoin  d'avoir  lu  Ariftote,  Cicé- 
ron 8c  Quinîilien  ,  pour  fentir  qu'un  Avocat 
qui  débute  par  un  exorde  pompeux  au  fu- 
jet  d'un  mur  mitoyen  .  eft  ridicule  :  c'étoit 
pourtant  le  vice  du  barreau  jusqu'au  milieu 
du  XVII  fiecle  }  on  difoit  avec  emphafe 
des  choies  triviales  j  en  pourrait  compiler 
des  volumes  de  ces  exemples  :  mais  tous 
fe  réduifent  à  ce  mot  d'un  avocat ,  homme 
d'eiprit,  qui  voyant  que  fou  adverfaire  par- 
lait de  la  guerre  de  Troye  8c  du  Scaman- 
dre  ,  l'interrompit  en  difant ,  la  cour  ob- 
fervera  que  ma  partie  ne  s'appelle  pas  Sca- 
mandre  ,   mais   Mickaut. 

Le  genre  fublime  ne  peut  regarder  que 
de  puifTans  intérêts  traités  dans  une  grande 
aflèmblée.  On  en  voit  encore  de  vives 
traces  dans  le  parlement  d'Angleterre  j  on 
a  quelques  harangues  qui  y  furent  pro- 
noncées en  1739,  quand  il  s'agiflbit  de 
déclarer  la  guerre  à  l'Efpague.  L'efprit  de 
Démofthene  8c  de  Cicéron  ont  dicté  plu- 
fieurs traits  de  ces  difeours  j  mais  ils  ne 
parleront  pas  à  la  poftérité  comme  ceux 
des  Grecs  8c  des  Romains ,  parce  qu'ils 
manquent  de  cet  art  &  de  ce  charme  de  la 
diction  qui  mettent  le  fceau  de  l'immor- 
talité aux  bons  ouvrages. 

Le  genre  tempéré  eft  celui  de  ces  dif- 
eours d'appareil ,  de  ces  harangues  publi- 
ques ,  de  ces  complimens  étudiés  ,  dans  les- 
quels il  faut  couvrir  de  fleurs  la  futilité  de 
la  matière. 

Ces  trois  genres  rentrent  encore  fouvent 
l'un  dans  l'autre ,  ainii  que  les  trois  çbjets 


166  ELO 

de  V éloquence  qu'Ariftote  coufidere  ,  oc 
le  grand  mérite  de  l'orateur  eft  de  les 
mêler  à  propos. 

La  grande  éloquence  n'a  guère  pu  en 
France  être  connue  au  barreau  ,  parce 
qu'elle  ne  conduit  pas  aux  honneurs  comme 
dans  Athènes,  dans  Rome,  &.  comme  au- 
jourd'hui dans  Londres,  oc  n'a  point  pour 
objet  de  grands  intérêts  publics  :  elle  s'eft 
réfugiée  dans  les  craifons  funèbres  où  elle 
tient  un  peu  de  la  poéfie.  Boffuet  ,  & 
après  lui  Flechier  ,  femblent  avoir  obéi  à 
ce  précepte  de  Platon  ,  qui  veut  que  l'élo- 
cution  d'un  orateur  foit  quelquefois  celle 
même  d'un  poète. 

U éloquence  de  la  chaire  avoit  été  prefque 
barbare  jufqu'au  P.  Bourdaloue}  il  fut  un 
des  premiers  qui  firent  parler  la  raifon. 

Les  Anglois  ne  vinrent  qu'enfuite  comme 
l'avoue  Buruet ,  évêque  de  Salisburi.  Ils 
ne  connurent  point  l'orailon  funèbre,  ils 
évitèrent  dans  les  fermons  les  traits  véhé- 
mens  qui  ne  leur  parurent  point  convena- 
bles à  la  {implicite  de  l'Evangile  ,  &  ils  fe 
défirent  de  cette  méthode  des  divifions  re- 
cherchées que  l'archevêque  Fenelon  con- 
damne dans  fes  dialogues    fur  ïéloquence. 

Quoique  nos  fermons  roulent  fur  i'objet 
le  plus  important  de  l'homme ,  cependant 
il  s'y  trouve  peu  de  ces  morceaux  frappans 
qui,  comme  les  beaux  endroits  de  Ci- 
cèron  &  de  Démofthene ,  font  devenus  les 
modèles  de  toutes  les  nations  occidentales. 
Le  leâeur  fera  pourtant  bien  ailé  de  trou- 
ver ici  ce  qui  arriva  la  première  fois  que 
M.  Mafillion  ,  depuis  évêque  de  Clermont , 
prêcha  fon  fameux  fermon  du  petit  nom- 
bre des  élus  :  il  y  eut  un  endroit ,  où  un 
tranfport  de  faififlement  s'empara  de  tout 
l'auditoire  ,  prefque  tout  le  monde  fe  leva 
à  moitié  par  un  mouvement  involontaire } 
le  murmure  d'acclamation  Se.  de  furprife 
fut  fi  fort  ,  qu'il  troubla  l'orateur,  &  ce 
trouble  ne  fervit  qu'à  augmenter  le  pathé- 
tique de  ce  morceau  :  le  voici.  «.  Je  fup- 
»  pofe  que  ce  foit  ici  notre  dernière  heure 
»  à  tous  j  que  les  cieux  vont  s'ouvrir  fur 
»  nos  têtes  :  que  le  temps  eft  paffé.,  &  que 
»  .l'éternité  commence  \  que  Jcfus-Chrift 
»  va  paroître  pour  nous  juger  félon  nos  œu- 
»  vres  ,  &  que  nous  fommes  tous  ici  pour 
v  attendre  de  lui  l'arrêt  de  la  vie  ou  de  la 


ELO 

»  mort  éternelle  :  je  vous  le  demande , 
»  frappé  de  terreur  comme  vous  ,  ne  fé- 
»  ,parant  point  mon  fort  du  vôtre  ,  &  me 
»  mettant  dans  la  même  fituation  où  nous 
»  devons  tous  paroître  un  jour  devant  Dieu 
»  notre  juge  :  fi  J.  C:  ,  dis-je ,  paroiffoit 
»  clés- à  préfent  pour  faire  la  terrible  fépa- 
»  ration  des  juftes  &  des  pécheurs  :>  croyez- 
»  vous  que  le  plus  grand  nombre  fût  fauve  ? 
»  croyez-vous  que  le  nombre  des  juftes 
»  fût  au  moins  égal  à  celui  des  pécheurs? 
»  croyez-vous  que  s'il  faifoit  maintenant  la 
»  dileuffion  des  œuvres  du  grand  nombre 
»  qui  eft  dans  cette  égîif» ,  il  trouvât  fèi:- 
»  lement  dix  juftes  parmi  nous?  en  trbu- 
»  veroit-il  un  fenl?  &c.  »  (  Il  y  a  eu  plu- 
fieurs  éditions  différentes  de  ce  difeours  , 
mais  le  fond  eft  le  même  dans  toutes.  ) 

Cette  figure  la  plus  hardie  qu'on  ait  ja- 
mais employée ,  ck  en  même  temps  la  plus 
à  fa  place ,  eft  un  des  plus  beaux  traits 
d'éloquence  qu'on  puilfe  lire  chez  les  nations 
anciennes  &  modernes  j  &  le  refte  du  dif- 
eours n'eft  pas  indigne  de  cet  endroit  ii 
faillant.  De  pareils  chefs-d'œuvre  font  très- 
rares  ,  tout  eft  d'ailleurs  devenu  lieu  com- 
mun. Les  prédicateurs  qui  ne  peuvent  imiter, 
ces  grands  modèles ,  feroient  mieux  de  les 
apprendre  par  cœur  ck  de  les  débiter  à  leur 
auditoire  (  fuppofé  encore  qu'ils  euffent  ce 
talent  fi  rare  de  la  déclamation  ) ,  que  de 
prêcher  dans  un  ftyle  languiifant  des  chofes 
aufîi  rebattues  qu'utiles. 

On  demande  fi  l'éloquence  eft  permifè 
aux  hiftoriens  }  celle  qui  leur  eft  propre 
confifte  dans  l'art  de  préparer  les  événe- 
mens ,  dans  leur  expofition  toujours  nette 
ck  élégante ,  tantôt  vive  ck  prelîèe  ,  tantôt 
étendue  ck  fleurie ,  dans  la  peinture  vraie 
ck  forte  des  mœurs  générales  ck  des  prin- 
cipaux perfonnages  ,  dans  les  réflexions 
incorporées  naturellement  au  récit ,  ck  qui 
n'y  paroilfent  point  ajoutées.  L'éloquence 
de  Démofthene  ne  convient  pas  à  Thuci- 
dïde  ;  une  harangue  direéfe  qu'on  met  dans 
la  bouche  d'un  héros  qui  ne  la  prononça 
jamais ,  n'eft  guère  qu'un  beau  défaut. 

Si  pourtant  ces  licences  pouvoient  quel- 
quefois fe  permettre  \  voici  une  occafion  où 
Mezeray  dans  fa  grande  hiftoire  femble  ob- 
tenir grâce  pour  cette  hardieffe  approuvée 
chez  les  anciens  j  ii  eft  égal  à  eux  pour  le 


E  L  O 

moins  dans  cet  endroit  :  c'efr.  au  commen- 
cement du  règne  d'Henri  IV  ,  lorfque  ce 
prince  ,  avec  très-peu  de  troupes  ,  étoit 
prefle  auprès  de  Dieppe  par  une  armée 
de  trente  mille  hommes  ,  &  qu'on  lui 
confèilloit  de  fe  retirer  en  Angleterre.  IVte- 
zeray  s'élève  au  deliiis  de  lui-même  en 
faifant  parler  ainfi  le  maréchal  de  Biron  , 
qui  d'ailleurs  étoit  un  homme  de  génie  , 
&  qui  peut  fort  bien  avoir  dit  une  partie 
de  ce  que  l'hiflorien  lui  attribue. 

«  Quoi  !  fire  ,  on  vous  confèille  de 
»  monter  fur  mer  ,  comme  s'il  n'y  avoit 
»  point  d'autre  moyen  de  coviiferver  votre 
»  royaume  que  de  le  quitter  ?  f?  vous  n'étiez 
»  pas  en  France  ,  il  faudroit  '  percer  au 
»  travers  de  tous  les  hazards  &  de  tous  les 
»  obftacles  pour  y  venir  :  &  maintenant  que 
»  vous  y  êtes,  on  voudroit  que  vous  en 
»  fortifiiez  ?  &  vos  amis  feroient  d'avis 
»  que  vous  fiiîîez  de  votre  bon  gré  ce  que 
»  le  plus  grand  effort  de  vos  ennemis  ne 
»  fauroit  vous  contraindre  de  faire  ?  En 
»  l'état  où  vous  êtes  ,  fortir  de  France 
»  feulement  pour  vingt -quatre  heures  , 
»  c'efr.  s'en  bannir  pour  jamais.  Le  péril 
»  au  refte  ,  n'efï  pas  fî  grand  qu'on  vous 
»  le  dépeint  }  ceux  qui  nous  penfent  en- 
»  velopper  ,  font  ou  eeux-mêmes  que  nous 
»  avons  tenus  enfermés  fi  lâchement  dans 
»  Paris ,  ou  gens  qui  ne  valent  pas  mieux  ? 
»  &  qui  auront  plus  d'affaires  entre  eux- 
»  mêmes  que  contre  nous.  Enfin ,  Sire  , 
»  nous  fommes  en  France  ,  il  nous  y  faut 
»  enterrer  :  il  s'agit  d'un  royaume  ,  il  faut 
»  l'emporter  ou  y  perdre  la  vie  :,  &  quand 
»  même  il  n'y  auroit  point  d'autre  fureté 
»  pour  votre  facrée  perfonne  que  la  fuite  , 
»  je  fais  bien  que  vous  aimeriez  mieux 
»  mille  fois  mourir  de  pié  ferme ,  que  de 
»  vous  fauver  par  ce  moyen.  Votre  Ma- 
»  jefté  ne  fouffriroit  jamais  qu'on  dife  qu'un 
»  caclet  de  la  maifbn  de  Lorraine  lui  auroit 
»  fait  perdre  terre  \  encore  moins  qu'on  la 
»  vît  mendier  à  la  porte  d'un  prince  étran- 
»  ger.  Non ,  non ,  Sire  ,  il  n'y  a  ni  cou- 
»  ronne  ni  honneur  pour  vous  au  delà  de 
i>  la  mer  :  fî  vous  allez  au  devant  du  fè- 
»  co  irs  d'Angleterre  ,  il  reculera  '-,  fî  vous 
•»  vous  préfentez  au  port  de  la  Rochelle 
»  en  homme  qui  fè  fauve ,  vous  n'y  treu- 
»  verez  que  des  reproches  &.  du  mépris. 


E  L  O  i6> 

»  Je  ne  puis  croire  que  vous  deviez  plutôt 
»  fier  votre  perfonne  à  l'inconfrauce  des 
»  flots  &  à  la  merci  de  l'étranger  ,  qu'à 
»  tant  de  braves  gentilshommes  &  tant 
»  de  vieux  foldats  qui  font  prêîs  de  lui 
»  fervir  de  remparts  &  de  boucliers  :  &  je 
»  fiiis  trop  ferviteur  de  votre  majefté  pour 
»  lui  diflîmuler  que  fî  elle  cherchoit  fa  fû- 
»  reté  ailleurs  que  dans  leur  vertu  ,  ils 
»  feroient  obligés  de  chercher  la  leur  dans 
»  un  autre  parti  que  dans  le  fien.  » 

Ce  difeours  fait  un  effet  d'autant  plus 
beau  ,  que  Mezeray  met  ici  en  effet  dans 
la  bouche  du  maréchal  de  Biron  ce  que 
Henri  IV  avoit  dans  le  cœur. 

Il  y  auroit  encore  bien  des  chofès  à  dire 
fur  Xéloquence  ,  mais  les  livres  n'en  difènt 
que  trop  }  &  dans  un  fîecle  éclairé  ,  le 
génie  aidé  des  exemples  en  fait  plus  que 
n'en  difènt  tous  les  maîtres.  Voyei  E  LO- 
CUTION. 

M.  de  Marmontel  va  nous  prouver  que 
Xéloquence  poétique  eft  fupérieure  à  Xélo- 
quence oratoire. 

Eloquence  Poétique  ,  (  Belles  let- 
tres. )  Qui  ne  connoît  pas  le  plaifîr  que 
nous  avons  à  infpirer  nos  fèntimens  ,  à 
perfuader  nos  opinions  ,  à  répandre  nos 
lumières ,  à  multiplier  ainfî  notre  ame  ? 
C'efr.  un  attrait  qui ,  dans  le  moral ,  peut 
fè  comparer  à  celui  de  la  reproduction 
phyfîque ,  &  .peut-être  l'un  des  premiers 
befbins  de  l'homme  en  fbciété.  La  poéfîe  , 
dont  c'efr.  là  l'obiet ,  a  donc  fa  fource  dans 
la  nature. 

Quant  aux  moyens  d'inftruire  &  de  per- 
fuader ,  ils  font  les  mêmes  en  philofophie  r 
en  éloquence  ,  en  poéfîe  ^  &  ce  n'eut  pas  ici 
le  lieu  de  les  examiner. 

Il  y  a  cependant  un  procédé  que  la 
philofophie  ne  connoît  pas  }  que  Xélo- 
quence ne  devroit  pas  connoitre  ,  &  dans 
lequel  la  poéfîe  excelle  :  c'efr,  l'art  de  la 
féduftion  ,  l'art  de  frapper  l'âme  du  côté 
fènfîble  ,  de  l'intéreflèr  à  croire  ce  qu'on 
veut  lui  perfuader ,  &.  de  lui  infpirer  pour 
le  fentiment  ou  l'opinion  qu'en  lui  propole  , 
un  penchant  qui  donne  à  la  vraifèmblanee 
tout  le  poids  de  la  vérité.  On  fènt  com- 
bien cette  éloquence  infînuante  ou  pa/îîon- 
née  eft  effentielle  à  la  poéfîe  qui  n'eff.  que" 
,  feinte.  &  illufioii.  Ceft  peu  de  fe  répaudrr 


j£S  E  L  O 

dans  le  ftyle  poétique  comme  un  feu  élé- 
mentaire y  elle  s'y  raftemble  quelquefois 
en  un  foyer  lumineux  &  brûlant ,  dont  elle 
écarte ,  comme  autant  de  nuages ,  les  or- 
nemens  qui  robfcurciroient  ,  pu  Allante  de 
fa  chaleur  &  brillante  de  fa  lumière.  Alors 
la  poéfie  n'eft  que  Xéloquence  même  dans 
toute  fà  force  &:  avec  tous  £es  artifices. 
Voyez  dans  Xlliade  la  harangue  de  Priam 
aux  pies  d'Achille  j  dans  Ovide  ,  celles 
d'Ajax  &  d'Ulylfe  \  celles  des  démons  , 
dans  les  poèmes  du  Tafle  &  de  Milton  fon 
imitateur  ;  dans  Corneille  ,  les  feenes 
d'Augufle  &  de  Cimia  }  dans  Racine  , 
les  difeours  du  Burrhus  &  de  Narciiîè  au 
jeune  Néron  }  dans  la  Henriade  ,  la  ha- 
rangue de  Potier  aux  états  }  celle  de  Brutus 
au  fenat ,  dans  la  tragédie  de  ce  nom  \ 
dans  la  mort  de  Céfar  ,  celle  d'Antoine 
au  peuple ,  &c.  C'eft  tour  à-tour  le  langage 
de  Démoflhene ,  de  Cicéron  ,  de  Maflil- 
lon  ,  de  BofTuct ,  à  quelques  hardiefîés 
près  ,  que  la  poéfie  autoriie  ,  &  que  Xélo- 
quence elle-même  fe  permet  quelquefois. 

Si  l'on  m'aceufe  de  confondre  ici  les 
genres ,  que  l'on  me  dite  en  quoi  différent  < 
Xéloquence  de  Burrhus  parlant  à  Néron  , 
dans  la  tragédie  de  Racine  ,  &  celle  de 
Cicéron  parlant  à  Céfar  dans  la  péroraifon 
pour  Ligarius  ? 

Toute  la  différence  que  je  vois  entre 
Xéloquence  -poétique  &  Xéloquence  oratoire  , 
c'eft.  que  l'une  doit  être  l'élixir  de  l'autre. 
L'importance  de  la  vérité  rend  l'auditeur 
patient  \  au  lieu  que  îa  ficlion  n'attache 
qu'autant  qu'elle  intérefîè.  ^éloquence  du 
poëte  doit  donc  être  plus  animée  ,  plus 
rapide  ,  plus  foutenue  que  celle  de  l'ora- 
teur. L'un  eft  libre  dans  le  choix  ,  dans 
la  forme  de  fes  fujets  ,  il  les  foumet  à  ion 
génie  ,  l'autre  eft  commandé  par  fes  fujets 
mêmes  ,  Se  fon  génie  en  eft  dépendant  :, 
aiirfi  les  détails  épineux  &  languiiiàns  qu'on 
pardonne  à  l'orateur  ,  feroient  juftement 
reprochés  au  poëte. 

\J  éloquence  du  poëte  n'eft  donc  que 
Xéloquence  exquife  de  l'orateur ,  appliquée 
à  des  fujets  intéreffans ,  féconds  &  dociles  :, 
&  les  divers  genres  ^éloquence  que  les 
rhéteurs  ont  distingués  ,  le  délibératif  ,  le 
démonftratif ,  le  judiciaire  ,  font  du  reffort 
de  l'art  poétique  comme  de  l'art  oratoire. 


E  L  O 

Mais  les  poètes  ont  foin  de  choifir  de 
grandes  canfes  à  difeuter ,  de  grands  in- 
térêts à  débattre.  Augufte  doit-il  abdiquer 
ou  garder  l'empire  du  monde  ?  Ptolémée 
doit  -  il  accorder  ou  refufer  Un  afyle  à 
Potnpée  '5  &  s'il  le  reçoit ,  doit-il  le  dé- 
fendre ,  doit -il  le  livrer  à  Céfar  vif  ou 
mort  ?  Attila  doit  -  il  s'allier  au  roi  des 
François  ou  à  l'empereur  des  Romains  , 
foutenir  Rome  chancelante  fur  le  pen- 
chant de  fa  ruine  ,  ou  hâter  les  deftins  de 
l'empire  François  encore  au  berceau  j 
écouter  la  gloire  ou  l'ambition  ?  Voilà  de 
quoi  il  s'agit  dans  les  délibérations  de  Cor- 
neille. Si  la  feene  d'Attila  eft  foiblement 
traitée  ,  aîi  moins  eft  -  elle  grandement 
conçue  ,  &  l'idée  feule  en  auroit  dû  im- 
pofer  à  Boileau.  La  feene  délibérative  qui 
mérite  le  mieux  d'être  placée  à  côté  de 
celles  que  je  viens  de  citer ,  eft  l'expo- 
fition  de  Brutus  :  le  fénat  cloit-il  recevoir 
l'arnbafîàdeur  de  Porfenna  ,  &  en  l'écou- 
tant ?  doit-il  traiter  avec  l'envoyé  du  pro- 
tecteur des  Tarquins  :  ou  bien  doit- il  le 
reiufèr  ,  &  le  renvoyer  fans  l'entendre  ? 
Il  n'eft  point  de  fpeciateur  dont  l'ame  ne 
refte  comme  fufpendue  ,  tandis  que  de  tels 
intérêts  font  balancés  ,  Se  difeutés  avec 
chaleur.  Ce  qui  rend  encc're  plus  théâ- 
trales ces  fortes  de  délibérations ,  c'eft 
lerque  la  caufe  publique  fe  JGint  à  l'intérêt 
capital  d'un  perîbnnage  inîéreifant  ,  dont 
le  fort  dépend  de  ce  qu'on  va  refondre  j 
car  il  faut  bien  fe  fouvenir  que  l'intérêt 
individuel  d'homme  à  homme  ,  eft  le  fcul 
qui  nous  touche  vivement.  Les  termes 
collectifs  de  peuple ,  d'armée  ,  de  répu- 
blique ,  ne  nous  préfentent  que  des  idées 
vagues.  Rome  ,  Carthage  ,  la  Grèce  ,  la 
Phrygie  ,  ne  nous  intérefTent  que  par  l'en- 
îremhe  des  personnages  dont  le  deftin 
dépend  du  leur.  C'étoit  une  belle  chofe  , 
dans  Inès ,  que  la  feene  où  l'on  délibère 
ii  Alphonfe  doit  punir  ou  pardonner  la 
révolte  de  fon  fils  }  mais  il  failoit  à  ce 
jugement  terrible  un  appareil  impoiant , 
&  fùr-tout  dans  les  opinions  un  caractère 
majeftueux  &  fombre  ,  qni  infpirât  la 
crainte  des  loix  &  la  pitié  pour  l'ame  d'un 
père.  Cett&  feene  ,  j'ofè  ie  dire  ,  étoit  au 
deifus  des  forces  de  la  Motte  :  c'étoit  à 
celui  qui  a  peint  l'ame  d'Alvarez  &  l'ame 

de 


-    \ 


EL  O 


E  L  O 


e  Brutus ,  de  traiter  cette  fituatîon  qui ,  j  Achille  indigné 
uite  &  éloquence  6k  de  dignité ,  n'eft  ni  '  retire  feul  fur  1 


fe 

touchante  ni  vraifemblable. 

On  a  voulu ,  je  ne  fais  pourquoi ,  diftl li- 
guer en  poéfie  ie  difeours  préméclitéd'avec 
celui  qui  n'eft  pas  cenfé  l'être  :  l'exprelîion 
n'a  fa  vraifemblance  que  lorfqu'elle  eft  tel'e 
•que  la  nature  doit  l'infpirer  dans  le  mo- 
ment. Toute  la  théorie  de  Véloquence 
poétique  fe  réduit  donc  à  bien  favoir  quel 
eft  celui  qui  parle  ,  quels  (ont  ceux  qui 
l'écoutent,  ce  qu'on  veut  que  l'un  perfuade 
aux  autres ,  6k  de  régler  fur  ces  rapports 
le  langage  qu'on  lui  fait  tenir. 

Mais  quelquefois  aufïï  celui  qui  parle  ne 
veut  que  répandre  6k  foulager  fon  cœur. 
Par  exemple  ,  lorfqu'Andromaque  fait  à 
Céphife  !e  tableau  du  maiïacre  de  Troie, 
ou  qu'elle  lui  retrace  les  adieux  d'Hec- 
tor, fon  deffein  n'eft  pas  de  l'inftruire , 
de  la  perfuader ,  de  l'émouvoir  :  elle  n'at- 
tend ,  ne  veut  rien  d'elle.  C'eft  un  cœur 
déchiré  qui  gémit ,  6k  qui  ,  trop  plein  de 
fa  douleur,  ne  demande  qu'à  l'épancher. 
Rien  de  plus  naturel ,  rien  de  plus  favo- 
rable au  développement  des  paffions.  Il 
eft  un  degré  où  elles  font  muettes ,  mais 
avant  de  parvenir  à  cet  excès  de  fenfibilifé 
qui  touche  à  i'infenfibilité  même ,  plus 
on  eft  ému ,  moins  on  peut  fe  fuffire;  6k 
fi  l'on  n'a  pas  un  ami  fidèle  6k  fenfible  à 
qui  fe  livrer,  on  efpere  en  trouver  un  jour 
parmi  les  hommes;  on  grave  les  peines 
ou  fes  plaifirs  fur  les  arbres ,  fur  les  ro- 
chers; on  les  confie  dans  fes  écrits  aux 
fiecles  qui  font  à  naître ,  6k  qui  les  liront 
quand  on  ne  fera  plus  :  ainfi  par  une  illu- 
fion  vaine ,  mais  confolante  ,  on  fe  furvit 
à  foi- même,  6k  l'on  jouit  en  idée  de  l'in- 
térêt qu'on  infpirera  :  c'eft -là  ce  qui  fonde 
la  vraifemblance  de  tous  les  genres  de 
poéfie  où  l'ame  ,  par  un  mouvement  fpon- 
tanée,  dépofe  fes  iéntimens  les  plus  cachés, 
{qs  affections  les  plus  intimes  :  c'eft-là  fur- 
tout  que  les  mceur>  font  naïvement  expri- 
mées ;  car  dans  toutes  les  autres  feenes  la 
nature  eft  gênée  ,  6k  peut  fe  déguifer. 

Plus  la  paillon  tient  de  la  foibleffe,  plus 
elle  eft  facile  à  fe  répandre  au  dehors  : 
l'amour  a  plus  de  eonfidens  que  la  haine 
6k  que  l'ambition  ;  celles-ci  fuppofent  dans 
l'ame  une  foce  qui  fert  à  les  renfermer. 
Tome  XIL 


169 


contre  Agamemnon,  fe 


avoit  aimé  Briféis  ,  il  auroit  eu  befoin  de 
Patrocle.  Aufli  l'élégie,  qui  n'eft  autre 
chofe  que  le  développement  de  l'ame , 
préfere-t-e!le  l'amour  à  des  fentimens 
plus  férieux  6k  plus  profonds  ;  aufti  nos 
poètes  qui  ont  mis  au  théâtre  cette  paflion, 
que  les  Grecs  dédaignoient  de  peindre  , 
ont-ils  trouvé  dans  le  trouble,  les  com- 
bats, les  mouvemens  divers  qu'elle  excite, 
une  fource  intarifTabîe  de  la  plus  belle 
poéfie.  Dans  combien  de  fens  oppofés  le 
feul  Racine  n'a-t-il  pas  vu  les  plis  6k  les 
replis  du  cœur  d'une  amante  !  avec  com- 
bien de  paffions  diverfes  il  a  mêlé  celle  de 
l'amour  !  C'eft  fur-tout  dans  ces  confiden- 
ces intimes  qu'il  a  eu  l'art  de  ménager, 
c'eft-là  ,  dis-je  ,  qu'il  expofe  ou  prépare 
l'effet  touchant  des  fituations,  6k  qu'il  éta- 
blit fur  les  mœurs  la  vraifemblance  de  la 
fable.  Sans  les  trois  feenes  de  Phèdre  avec 
(Enone  ,  ce  rôle  qui  nous  attendrit  juf- 
qu'aux  larmes,  eût  été  révoltant  pour  nous. 
Qu'on  fe  rappelle  feulement  cqs  vers  : 

Je  me  connois  >  je  fais  toutes  mes  per- 
fidies , 

(Enone ,  &  ne  fuis  point  de  ces  femmes 
hardies , 

Qui  goûtant dans le  crime  une  tranquille 
paix , 

Ont  fu  fe  faire  un  front  qui  ne  rougit 
jamais. 

Je  connois  mes  fureurs ,  je  les  rappelle 
toutes  ; 

//  mefemble  déjà  que  ces  murs ,  que  ces 
voûtes 

Vont  prendre  la  parole ,  6*  prêts  à 
m'accujèr , 

Attendent  mon  époux  pour  ledéfabufer. 

C'eft-là  de  la  vraie  éloquence  ;  c'eft-là  ce 
qui  gagne  les  efprits  en  faveur  du  coupa- 
ble odieux  à  lui-même ,  6k  tourmenté  par 
fes  remords.  La  fureur  jaloufe  de  Phèdre, 
la  comparaifon  qu'elle  fait  du  bonheur 
d'Hypolite  6k  de  fon  amante  avec  les 
maux  qu'elle-même  a  foufferts  : 

Ils  fuivoient  fans  remords  ,  leur  pen- 
chant amoureux. 
Tous  les  jours  fe  levoknt  clairs  &  fe- 
reins  pour  eux  ; 


170  ELO  ELR 

Et  moi ,  tri fte  rebut  de  la  nature  entière,  'voilà  ce  qui  fe  préfente  au  premier  conri 


Je  me  cachois  au  jour ,  je  fuyois  la 

lumière. 
La  mort  efi  le  feul  dieu    que  fofois 

implorer, 

ek  delà  Ton  égarement  ck  fon  cîéfefpoir 
rendent  naturel  ck  fupportable  le  filence 
qu'elle  a  gardée  fur  l'innocence  d'Hypo- 
tite  :  mais  il  n'en  falloit  pas  moins  pour 
obtenir  grâce;  ck  la  fable  d'Euripide ,  fans 
l'art  de  Racine  ,  n'étoit  pas  digne  du  théâ- 
tre françois.  On  a  reproché  à  notre  fcene 
tragique  d'avoir  trop  de  difcours  èk  trop 
peu  d'action  :  ce  reproche  bien  entendu 
peut  être  jufte.  Nos  poètes  fe  font  enga- 
gés quelquefois  dans  des  analyfes  de  fen- 
timens  aufli  froides  que  fuperfiues  ;  mais 
fi  le  cœur  ne  s'épanche  que  parce  qu'il  eft 
trop  plein  de  fa  paffion  r  ck  lorfque  la  vio- 
lence de  (es  mouvemens  ne  lui  permet  pas 
de  les  retenir,  l'erTufion  n'en  fera  jamais 
ni  froide,  ni  languiffante. La  paffion  porte 
avec  elle  dans  (es  mouvemens  tumultueux, 
de  quoi  varier  eeuxdu  ûyle  ^  &  fi  le  poète 
eft  bien  pénétré  de  (es  (ituations,  s'il  fe 
laiffe  guider  par  la  nature,  au  lieu  de  vou- 
loir la  conduire  à  fon  gré ,.  il  placera  ces 
mouvemens  où  la  nature  les  follicite  ;  6k 
biffant  couler  le  fentiment  à  pleine  fource, 
il  en  faura  prévenir  à  propos  l'épuifement 
&  la  langueur.. 

Les  réflexions  ,  tes  affections  de  l*ame 
qui  fervent  d'alimens  à  cette  efpece  de 
pathétique  ,  peuvent  fe  combiner ,  fe  va- 
rier à  l'infini.  Cependant  comme  elles  ont 
pour  bafe  un  caractère  ck  une  fituation 
donnée,  le  poète,  en  méditant  fur  les  fen- 
timens  qu'il  veut  développer  ,.  peut  y 
obferver  quelque  méthode,.  6k  dans  les 
eirconftances  les  plus  marquées,  fe  donner 
quelques  points  d'appui.  Je  fuppofe,  par 
exemple ,  Ariane  exhalant  fa  douleur  fur 
l'infidélité  de  Théfée:  quel  eft  celui  qu'elle 
aime  ,  à  quel  excès  elle  l'a  aimé ,  ce  qu'elle 
a  fait  pour  lui ,  le  prix  qu'elle  en  reçoit , 
quels  fermens  il  trahit ,  quelle  amante  il 
abandonne  ,  en  quels  lieux ,  dans  quel 
moment  ,  en  quel  état  il  la  laiffe  ,  quel 
étoit  fon  bonheur  fans  loi ,  dans  quel  mal- 
heur il  l'a  plongée,  6k  de  quel  fupplice  il 
punit  tant  d'amour,  &  tant  de  bienfaits  i, 


d'œil.  Que  le  poète  fe  plonge  dans  l'illu- 
fion  ;  à  mefure  que  fon  ame  s'échauffera, 
tous  ces  genres  de  fentiment  vont  (e  dé- 
velopper d'eux-mêmes. 

Comme  c'eft-là  fur-tout  que  fe  mani- 
feftent  les  affeclions  de  l'ame ,  6k  que  les 
traits  les  plus  déliés ,  les  nuances  les  plus 
délicates  des  caractères  fe  font  fentir  ; 
cette  forte  de  fcene  exige  6k  fuppofe  une 
profonde  étude  des  mœurs.  Les  com- 
mençans  ne  demandent  pas  mieux  que  de 
s'épargner  cette  étude  ;  6k  l'exemple  du 
théâtre  anglois  ,  encore  barbare  auprès 
du  nôtre  ,  leur  fait  donner  tout  aux  mou- 
vemens ,  aux  tableaux  6k  aux  (ituations-  y 
c'eft-à-dire  ,  au  fquelette  de  la  tragédie. 
Aitifî ,  pour  éviter  la  langueur  ck  la  mol- 
leffe  qu'on  nous  reproche ,  on  tombe  dans 
un  excès  contraire  ,  la  féchereffe  ck  la- 
dureté.  Il  eft  plus  facile  de  fentir  que 
d'indiquer  précifément  quel  eft ,  entre  ce$= 
deux  excès  ,  le  milieu  que  l'on  devroit 
prendre  ;  mais  on  le  trouvera  fans  peine  9 
n  ,  renonçant  à  la  folle  vanité  de  briller 
par  les  détails,  l'on  fe  pénètre  au  fond  du 
iéntiment  que  l'on  exprime  ,  ck  fi  l'on  s'a- 
bandonne à  la  nature,  qui  n'en  dit  ni  trop 
ni  trop  peu.  Mais  ^éloquence  poétique  n 'eft: 
jamais  plus  animée ,  plus  véhémente ,  plus- 
rapide  que  dans  les  momens  où  les  intérêts^ 
les  fentimens  ,  les  pallions  fe  combattent. 
V.  Dialogue.  (M.  Marmontel.\ 

ELOQUENT,  adj.  (Belles-Lettres,^ 
On  appelle  ainfi  ce  qui  perfuade,  touche.,, 
émeut,  élevé  famé  :  on  dit  un  auteur 
éloquent  ,  un  difcours  éloquent ,  un  gefte 
éloquent,  Voye^  aux  mots  EloCUTION* 
6*  Eloquence,  les  qualités  que  doit 
avoir  un  difcours  éloquent.  (O) 

ELOSSITES,  {Hift.  nat.)  pierre  dont 
on  ne  nous  dit  rien ,  finon  qu'en  la  por- 
tant on  fe  guérit  des  douleurs  de  tête  ;, 
c'eft  à  Ludovico  Dolce  que  l'on  eft  rede- 
vable de  ce  détail. 

ELPH1N,  (Géog.  mod.)  ville  du  comte 
de  Rofcommon ,  en  Irlande.  Long,  19.,, 
20  ;  lat.  53,  «ç6. 

ELRICH,  (Géogr.J  ville  d'Allemagne 
dans  le  cercle  de  haute  Saxe.;  ck  dans 
le  comté  de  Hohnftein  ,  fur  la  rivière  de- 
Zorge ,  au  pié  du  Hartz  ;  c'eft  la  capitale 


E  LS 

de  la  feigneurîe  de  Klettenberg ,  appar-  T 
tenante  au  roi  de  Prude,  &  le  fiege  d'une 
fijrintendance  eccléfîaftique  :  il  y  a  des  ma- 
nufactures en  divers  genres.  (D.  G.) 

ELSEÇAITES.  Pbysi  ElcesaÏtes. 

ELSTÊR  ,  ÇGéogr.  mod.)  ville  du  cer- 
cle de  haute-Saxe,  en  Allemagne ,  elle  eft 
fituée  au  confluent  de  l'Elfter  &  de  l'Elbe. 
Long.  31  ,  20  ;  lat.  <  i  ,  28. 

ELTEMAN,  (Geogr.  mod.)  ville  de 
Franconie ,  en  Allemagne  ;  elle  eft  fituée 
fur  le  Mein.  Long.  28  ,  21  ;  lat.  49 ,  58. 

ELU  ,  adj.  eleaus,  choifî ,  en  Théolo- 
gie, &  fur-tout  dans  V Ecriture-Sainte  , 
fe  dit  des  faints  &  des  prédeftinés  :  en  ce 
fens  les  élus  font  ceux  que  Dieu  a  choifis, 
ou  antécédemment  ou  conféquemment  à 
leurs  mérites ,  pour  leur  accorder  la  gloire 
éternelle.  Voyt\  PRÉDESTINATION. 

Dieu,  qui  a  prédeftiné  les  élus  à  la 
gloire,  les  aauflî  prédeftinés  à  la  grâce  & 
à  la  perfévérance ,  qui  font  les  moyens 
pour  parvenir  à  la  gloire. 

Dans  un  fens  plus  général ,  leT'apôtres 
ont  donné  aux  premiers  chrétiens  le  nom 
d'élus ,  parce  qu'ils  avoient  reçu  la  grâce 
de  la  vocation  au  Chriftianifme.  Voye^ 
Vocation.  Chambers.  (G) 

Elu,  adj.  (Jurifpr.)  eft  celui  qui  eft 
choifî  pour  remplir  quelque  place  ,  ou 
pour  recueillir  une  fucceffion. 

Celui  qui  acheté  pour  autrui ,  déclare 
que  c'eft  pouc  fon  ami  élu  ou  à  élire. 
Voye\  Election  en  ami. 

Elus  sur  le  fait  de  l'Aide  , 
étoient  ceux  qui  étoient  choifis  par  les 
états ,  pour  afleoir  &  faire  lever  les  aides 
&  autres  fubfides  accordés  au  roi  par  les 
états.  Voye{  ci-devant  ELECTION. 

Elu  CLERC.  Voyt\  ci-après  Elu  DU 

Clergé. 

Elu  du  Clergé  ou  pour  le  Cler- 
gé ,  étoit  une  perfonne  choifîe  par  le 
clergé  de  France,  dans  fon  ordre,  pour 
afleoir  &  faire  lever  fur  tous  les  membres 
du  clergé ,  la  part  qiae  chacun  d'eux  devoit 
fupporter  des  aides  &:  autres  fubventions 
que  le  clergé  payoit  au  roi  dans  les  befoins 
extraordinaires  de  l'état ,  de  même  que  la 
noblefîe  6>c  le  peuple.  Voyt\_  ce  qui  en  eft 
dit  ci-devant  au  mot  ELECTION ,  ÔC  ce 
gui  fera  dit  au  mot  Etats, 


ELU  ,7r 

ELU ,  ou  Conf ciller  d*une  élection ,  eft 
un  des  juges  qui  font  la  fonétion  de  con- 
feiller  dans  les  tribunaux  appelles  élections. 
On  donne  auflï  quelquefois  le  nom  d'élus 
à  tous  les  officiers  de  ces  tribunaux,  c'eft- 
à-dire  au  préfident,  lieutenant  &c  aflefîeur, 
de  même  qu'aux  confeillers.  Voyet  ci- 
devant  Election. 

Elus  Conseillers  de  la  Marées 
Voyt\  Elu  de  la  Marée. 

Elus  Conseillers  de  Ville  :  ils 
font  nommés  élus  dans  des  privilèges  de 
Mâcon ,  accordés  par  Philippe  de  Valois 
en  février  1346;  ils  font  aufîi  ailleurs 
nommés  prud'hommes  &c  élus. 

Elus  des  Décimes,  étoient  les  mê- 
mes que  les  élus  du  clergé  ,  ils  faifoient 
l'afliette  &  répartition  des  décimes  &  au- 
tres fubventions  payées  par  le  clergé.  Voy. 
Décimes  &  Elections. 

Elu  Ecclésiastique  ,  étoit  celui 
qui  étoit  choifî  par  le  clergé.  Voyei  ci" 
devant  Elu  du  Clergé. 

Elus  ou  Echevins,  ces  termes  étoient 
autrefois  fynonymes  en  quelques  pro- 
vinces. 

Elus  des  Elections.  Voy.  Elec- 
tions. 

Elus  des  Etats  ,  c'eft-à-dire ,  ceux 
qui  font  élus  par  les  états  généraux  du 
royaume  ou  d'une  province  ,  pour  faire 
l'afliette  &  répartition  des  importions  que 
le  pays  doit  porter.  Voyei  ELECTIONS 
&  Etats. 

Elus  sur  le  fait  des  Finances 
des  aides  ,  étoient  les  mêmes  que  les 
élus  fur  le  fait  de  l'aide. 

Elus  sur  le  fait  des  Gabelles  : 
on  donnoit  quelquefois  ce  nom  aux  pre- 
miers prépofés  qui  furent  établis  pour  avoir 
l'intendance  de  la  gabelle  du  fel ,  parce 
qu'ils  étoient  mis  par  élection  des  trois 
états  ,  de  même  que  les  élus  dés  aides  & 
des  tailles  :  on  les  appella  depuis  grene- 
tiers-contrôleurs  de  la  gabelle ,  &c.  ou 
officiers  des  greniers  àjel. 

Elus  Généraux  ;  on  donnoit  quel- 
quefois ce  nom  à  ceux  qui  étoient  élus 
par  les  états  généraux  du  royaume  ou 
d'une  province,  ou  aux  généraux  des  aides 
qui  étoient  élus  par  les  trois  états  ;  dans 
}es  derniers  temps  on  donnoit  ce  nom  aux 

y  % 


i7i  ELU 

élus  de  chaque  diocefe ,  pour  les  diftin- 
guer  des  élus  particuliers  qu'ils  cjommet- 
toient  dans  chaque  ville.  Voye^  ELEC- 
TION. 

Elus  sur  le  fait  de  la  Guerre  ; 
dans  quelques  ordonnances  ils  font  ainfi 
appelles  par  abréviation  de  ces  termes  élus 
fur  le  fait  de  l'aide  ordonnée  pour  la  guerre. 

Elus  sur  le  fait  de  l'Imposi- 
tion FORAINE  ,  étoient  les  perionnes 
élues  par  les  états  ,  qui  faifoient  l'affiette 
ck  levée  de  l'impofition  foraine.  Il  en  eft 
parlé  dans  un  règlement  de  Charles  V,  du 
13  juillet  1376,  ck  dans  des  lettres  du  15 
novembre  1378.  Voye\  ELECTIONS. 

Elus  des  Juifs  ,  étoient  une  ou  deux 
perionnes  que  les  Juifs  demeurans  en  Fran- 
ce ,  chdîmToient  entr'eux,  fuivant  la  per- 
miiTion  que  le  roi  Jean  leur  en  avoit  don- 
née au  mois  de  Mars  1360 ,  pour  ordon- 
ner faire  afteoir  &  impoi'er  tailles  ou  cueil- 
lettes, comme  bon  leur  fembleroit,  pour 
fournir  à  leurs  dépenlés  communes. 

ELUS  Laïcs  ,  étoient  ceux  qui  étoient 
choifis  par  la  noblefte  ck  par  le  tiers  état , 
pour  ordonner  de  l'affiette  ck  levée  des 
aides  ck  autres  impositions  avec  Y  élu  du 
clergé.  Voye\  ELECTIONS. 

Elus  de  la  Marée  ou  Conseil- 
lers ;  c'eft  ainfi  que  le  confeil  des  mar- 
chands forains  de  marée  eft  qualifié  dans 
les  anciennes  ordonnances ,  notamment 
dans  des  lettres  de  Charles  V,  du  20  juin 
1369;  c'étoient  eux  qui  mettoient  par 
élection  les  vendeurs  de  marée.  Voye\  le 
tr.  de  la  Police  de  la  Mare,  tome  III , 
liv.  V,  ch.  v. 

Elus  de  Mer.  Voyt\  Elus  de  la 
Marée. 

Elus  des  Métiers,  c'étoient  les 
jurés  de  chaque  métier,  que  l'on  appelloit 
ainfi  clans  quelques  villes ,  comme  à  Tour- 
*nay  ,  où  il  'y  en  avoit  trois  dans  chaque 
métier;  il  en  eft  parlé  dans  des  lettres  de 
Charies  V  ,  du  7  février  1365. 

Elus  sur  le  fait  des  Monnoies, 
furen  t  établis  en  conféquence  d'une  ordon- 
nance du  roi  Jean  ,  du  28  décembre 
1355  -,  ils  étoient  différens  de  ceux  qui 
furent  établis  pour  les  aides  par  la  même 
ordonn  ance. 

Elus  *>ur  le  fait  des  Octrois  ou 


ELU 

Tailles  des  villes.  Voye%  ce  qui  eti 
ft  dit  ci-devant  au  mot  Election  ,  à 
loccafion  de  l'ordonnance  du  mois  de 
mars  1331,  pour  la  ville  de  Laon. 

ELUS  PARTICULIERS  ,  étoient  d'abord 
les  lieutenans  ou  commis  des  élus  de 
chaque  diocefe,  ils  furent  enfuite  érigés 
en  titre  d'ofnce  :  mais  ces  élus  particuliers 
ont  été  réunis  aux  élus  généraux.  Voye\ 
Elections. 

Elus  des  Poissonniers  de  la 
Marée  fraîche  ,  c'eft  le  titre  que  l'on 
donnoit  en  1551  aux  élus  des  marchands 
de  marée.  Voye{  Elus  DE  LA  MARÉEr 
&  la  Mare  ,  à  C  endroit  cité. 

Elu  de  la  Province  ,  étoit  une 
perfonne  choifie  par  une  province ,  pour 
ordonner  de  l'afliette  ck  levée  des  tailles. 
Voy.  ce  qui  en  eft  dit  au  mot  ELECTION. 

Elus  ou  Prud'hommes  ,  ces  termes 
étoient  autrefois  fouvent  conjoints  ck  fy- 
nonymes ,  pour  défigner  des  échevins  ou 
conseillers  de  ville ,  des  élus  ou  députés 
fur  le  fait  des  aides  ou  autres  impositions 
des  jurés  de  chaque  métier. 

Elus  sur  le  fait  des  Subsides  : 
quelques  ordonnances  donnent  ce  titre  à 
ceux  qui  étoient  élus  par  les  états  pour 
faire  afteoir  ck  lever  les  aides  ,  tailles  ck 
autres  fubfides.  Voye^  les  lettres  de  Char- 
les V,  du  2  feptembre  13 70,  ordonnan- 
ces de  la  troifieme  race. 

Elus  pour  les  Tailles  ,  étoient  les 
perfonnes  choifies  par  les  états  en  confé- 
quence de  l'ordonnance  de  S.  Louis  pour 
faire  afteoir  ck  lever  la  taille.  Voy.  ELEC- 
TIONS. 

Elus  pour  les  Tailles  des  vil- 
les ou  pour  les  Octrois.  Voyc^ 
au  mot  Elections  ce  qui  en  eft  dit  à 
l'occafion  de  l'ordonnance  du  mois  de 
mars  13  31  ,  pour  la  ville  de  Laon.  (A) 

ELVAS,  (Géogr.  modj  ville  de  l'A- 
lentejo ,  en  Portugal  :  elle  eft  fituée  fur 
une  montagne ,  proche  de  la  Guadiana. 
Long.  11  ,  16;  lat.  38,  44. 

ELUL ,  f.  m.  (Hift.  anc.)  mois  des 
Hébreux,  qui  revient  à-peu-près  à  notre 
mois  d'août.  Il  n'a  que  vingt-neuf  jours* 
C'eft  le  douzième  mois  de  l'année  civile* 
ck  le  fixieme  de  l'année  fainte. 

Le  feptieme  ou  le.  neuvième  de  ce  mois^ 


ELU 

les  Juifs  jeûnent  en  mémoire  de  ce  qui 
arriva  après  le  retour  de  ceux  qui  étoient 
allés  considérer  la  terre  promife.       < 

Le  vingt-deuxième  de  ce  mois  fe  fait 
la  fête  delà  xylophone,  dans  laquelle  on 
portoit  le  bois  au  temple.  Selden  prétend 
qu'onlacélébroit  le  dix-huitieme  du  mois 
ab.  Voyc^  Ab  &  Xylophorie. 

Le  vmgt-fixieme  du  mois  élul,  les  Juifs 
font  mémoire  de  la  dédicace  des  murs  de 
Jérufalem  par  Nehemie.  Dictionnaire  de 
la  Bible.  (G) 

ELUTRIATION  ,  (Chymie .)  opéra- 
tion méchanique,  employée  en  Chymie, 
qui  confifte  à  agiter  dans  un  grand  volume 
d'eau  ,  un  amas  de  petits  corps  folides 
non  folubles  dans  l'eau ,  afin  de  féparer 
par  ce  moyen  les  parties  les  plus  lourdes  , 
qui  gagnent  les  premières  le  fond  de  l'eau, 
des  plus  légères  qui  reftent  fufpendues 
pendant  quelque  temps  dans  ce  fluide. 
Cette  opération  eft  fur  tout  ufirée  en  Mé- 
tallurgie ,  ck  elle  eft:  plus  connue  fous  le 
nom  de  lavage.  Voye\  Lavage. 

On  emploie  quelquefois  Yélutriation  en 
pharmacie  ;  elle  fait  partie  de  la  pulvéri- 
sation à  l'eau.  Voyei  Pulvérisation 
a  l'eau  ,  fous  le  mot  Pulvérisa- 
tion, (b) 

ELWANGEN,  ÇGéogr.  mod.)  ville 
de  la  Suabe  ,  en  Allemagne  ;  elle  eft  fi  tuée 
fur  le  Jart.  Long.  28 ,  5]  ;  lat.  49  ,  2. 

ELY  ,  (Géogr.  mod.)  ville  du  comté 
de  Cambridge ,  en  Angleterre  ;  elle  eft 
fituéefurl'ouft.Za/z^.  17,  }yylat. J2,  20. 

ELYERYSUM  ou  IMMORTELLE. 
Voyei  Immortelle. 

ELYME,  ( Mufique  infl.  des  anc.) 
Athénéepenfe  que  laiiûte  appellée  élyme, 
n'étoit  autre  que  la  flûte  phrygienne.  Il 
rapporte  encore  que  Xélyme  inventée  par 
les  Phrygiens,  fuivant  Juba,  avoitété  fur- 
nommée fajtaliennek  caufe  de  fagroifeur, 
fembiable  à  Celle  de  fajtales  des  Laco- 
niens.  Voye{  Sajtale.  On  trouve  aufli 
dans  le  Traité  de  Tibiis  Veter.  par  Bar- 
tholin ,  qu'Hefychius  appelle  élyme  la  par- 
tie de  la  flûte  à  laquelle  tenoit  la  glotte. 

On  appelloit  encorejlûte  bérécynthitnne 
Yélyme  ,  en  fuppofant  que  ce  foit  la  même 
que  la  phrygienne  ,  à  caufe  de  Bérécyn- 
the2  mont  ck  ville  de  Phrygie  j  ck  comme 


ELY  173 

Tony  ajoutoit  au  bas  une  corne,  voye^ 
FLUTE  ,  (Mujiq.  infl.  des  anc.)  les  Grecs 
l'appelloient  encore  keras  ,  ck  keraults 
ceux  qui  en  jouoient.  Peut-être  pourtant 
le  keras  étoit  un  autre  infiniment.  Voye\ 
KEREU  ,  (Mîifiq.  infl.  des  Hébreux.) 

Au  refte,  Pollux  nous  apprend  que  Ton 
faifoit  Vélyme  de  buis.  (F.  D.  C.) 

ELYSËES  (XhampsJ,  Mytkol.  en 
latin  elyfium  ,  elyfii ,  elyjîi  campi  ("que 
Virgile  caradtériié  fi  bien  en  deux  mots  , 
quand  il  les  appelle  locos  loztos ,  fedefque 
beatas)  étoient  félon  la  théologie  païenne , 
un  lieu  dans  les  enfers ,  plein  de  campa- 
gnes admirables,  de  prairies  charmantes % 
6k  de  bois  délicieux ,  qui  faifoient  la  de- 
meure des  gens  de  bien  après  leur  mort. 
Orphée,  Hercule,  Enée,  eurent  le  bon- 
heur pendant  leur  vie ,  de  voir  une  fois 
ce  beau  féjour. 

A  la  droiie  du  Tartare,  difent  les  Poè- 
tes ,  fe  trouve  un  chemin  qui  conduit  aux 
champs  élyfées  ,  dans  ces  îles  fortunées  , 
où  les  âmes  de  ceux  qui  ont  bien  vécu  pen- 
dant cette  vie  ,  jouiflent  d'une  paix  pro- 
fonde ,  6k  des  plaifirs  innocens.     * 

Tout  ce  qui  peut  entrer  dans  les  des- 
criptions les  plus  brillantes  &  les  plus  fleu- 
ries, eft  peut-être  raflemblé  dans  la  pein- 
ture des  champs  élyfées  faite  par  Pin- 
dare;  du  moins  Anacréon  ckSapho,  Mo£ 
chus  ck  Bion ,  dont  les  écrits  font  pleins 
d'images  douces  6k  riantes ,  n'ont  rien  qui 
foit  au  deffus  du  tableau  du  poète  lyrique 
de  la  Grèce;  cependant  Homère  a  donné 
le  premier  modèle  de  toutes  les  deferip- 
tions  de  Yélyfée  ,  qu'ont  fait  depuis ,  fous 
différentes  peintures  ,  Virgile  ,  Ovide  , 
Tibulle,  Lucain ,  6k  Claudien. 

Refte  à  favoir  en  quel  endroit  du  monde 
étoit  cette  demeure  fortunée ,  fon  origine, 
ck  l'efpace  de  temps  que  les  âmes  habi- 
toient  ce  féjour  délicieux.  Mais  c*eft  fur 
quoi  les  fentimens  font  fort  partagés. 

Les  uns  établiffent  lV/y/&  au  milieu  des 
airs;  d'autres ,  comme  Plutarque  ,  dans  la 
lune  ou  dans  le  foleil  ;  6k  d'autres  au  cen- 
tre de  la  ferre.  Platon  le  met  fous  la 
terre,  c'eft-à-dire  ,  dans  l'hémifphere  de 
la  terre  diamétralement  oppofé  au  nôtre  , 
ou  pour  le  dire  en  d'autres  termes,  aux  an- 
tipodes. Homère  iemble  placer  les  champs 


i74  ELY 

élyfées  au  pays  des  Cymmériens  ^  que 
M.  le  Clerc  croit  être  l'Epire;  Virgile  les 
met  en  Italie  ;  quelques  modernes  enten- 
dent par  les  îles  fortunées,  celles  que  nous 
appelions  aujourd'hui  les  Canaries;  mais 
elles  n'étoient  pas  connues  des  anciens  9 
qui  n'ofoient  parler  le  détroit,  ck  qui  ne 
perdoient  point  les  côtes  de  vue. 

Si  l'on  en  croit  quelques  autres,  Vély- 
fée  étoit  le  charmant  pays  de  la  Bétique 
("aujourd'hui  la  Grenade  ck  l'Andaloufie): 
tout  y  quadre  ,  félon  Bochard  ,  à  la  des- 
cription des  Poètes. 

Le  plus  important  eft  de  découvrir 
l'origine  de  leurs  fables  touchant  le  féjour 
des  âmes  après  la  mort.  On  ne  peut  douter 
ici  que  la  première  notion  des  champs 
élyfées  ,  de  même  que  celle  de  l'enfer  , 
ne  foit  venue  d'Egypte.  Voye\  Enfer. 

Confliltez  Vofîius,  le  Clerc,  ck  autres; 
voye^  aum"  Jacques  "Windet ,  de  vïtâ 
funclorum  jlatu  ,  apud  Ethnicos. 

M.-Pluche,  dans  fon  hiftoire  du  ciel, 
"donne  à  cette  fable  une  explication  a/îez 
fimple.  Diodore  de  Sicile  dit  que  lafépul- 
ture  commune  des  Egyptiens  étoit  au  delà 
d'un  lac  nommé  Acherufîe  ;  que  le  mort 
étoit  apporté  fur  le  bord  de  ce  lac,  au 
piéd'un  tribunal  compofé  de  plufieurs  ju- 
ges ,  qui  informoient  de  fes  vie  ck  mœurs. 
S'il  n'avoit  pas  éré  fidèle  aux  loix ,  on 
jetoit  le  corps  dans  une  foiTe  ou  efpece 
de  voirie  qu'on  nommoit  le  Tan  are.  S'il 
avoit  été  vertueux,  un  batelier  conduifoit 
le  corps  au  delà  du  lac  dans  une  plaine 
embellie  de  prairies,  de  ruifleaux,  de  bof- 
quets,  ck  de  tous  les  agrémens  champê- 
tres. Ce  lieu  fe  nommoit  élifout  ou  les 
champs  élyfées  ,  c 'eft  -  à- dire  ,  pleine 
fatisfa&ion ,  féjour  de  repos  ou  de  joie. 
Hiftoire  du  ciel  ,  tome  I ,  page  1 24  & 
116.  (G) 

Au  refte ,  fi  les  Poètes  ont  varié  fur  la 
fituatipn  des  champs  élyfées ,  ils  ne  font 
pas  plus  d'accord  fur  le  temps  que  les 
âmes  y  doivent  demeurer.  Anchife  femble 
infinuer  à  Enée  fon  fils  ,  qu'après  une 
révolution  de  mille  ans ,  les  âmes  buvoient 
de  l'eau  du  fleuve  Lethé,  ck  venoient  dans 
d'autres  corps;  en  quoi  Virgile  adopte  en 
quelque  manière  la  fameufe  opinion  de  la 
pié;empfycofe  qui  a  eu  tant  de  partifans,, 


E  LY 

ck  qui  devoit  encore  fon  origine  aux 
Egyptiens.  Voye\  MÉTEMPSYCOSE. 
Add.  de  M.  le  Chev.  DE  Jav COURT. 
ELYTPcOIDE,  f.  f.  en  Anatomie , 
eft  l'une  des  trois  tuniques  propres  des 
tefticules.  Ce  mot  vient  du  grec  khvjfor ? 
pagina,  gaîne  ,  ck  JeP«*  ,  forme. 

Vélytroïde  eft  la  féconde  des  tuniques 
propres  des  tefticules  :  elle  reftemble  à 
une  gaîne,  ce  qui  l'a  fait  nommer  aufti 
vaginale  par  quelques  auteurs  :  elle  eft 
formée  par  la  dilatation  de  la  production 
du  péritoine  ;  fa  furface  interne  eft  tapif- 
fée  d'une  membrane  particulière  très-fine, 
qui  forme  une  efpece  de  diaphragme  qui 
empêche  la  communication  entre  la  gaîne 
du  cordon  fpermatique  ck  la  capfule  ou 
tunique  vaginale  du  tefticule  ;  ck  l'externe 
eft  cellu'aire  ,  ce  qui  la  rend  d'autant  plus 
adhérente  à  la  première  des  tuniques  pro- 
près,  qui  fe  nomme  érythroide. 

\J  érythroide  qui  vient  des  mots  grecs, 
ld60c(  rouge  ck  iï  foi  forme,  eft  la  première 
des  membranes  propres  qui  environnent 
les  tefticules. 

Les  anciens  qui  fe  font  fervi  de  cette 
exprefîion,  peuvent  l'avoir  appliquée  aux; 
fibres  épanouies  du  cremaftere  ,  qui  for- 
ment une  efpece  de  gaîne  rouge-pâle  , 
dont  le  tefticule  eft  enveloppé  :  peut-être 
d'autres  anciens  parloient-ils  du  dartos  : 
cela  eft  allez  indifférent  ;  il  eft  fur  que  le 
tefticule  de  l'homme  n'a  que  les  envelop- 
pes fuivaintes  :  1 .  la  peau  ,  2.  peu  de  graifîe, 
3.  le  dartos ,  cellulofité  rouge  ,  à  caufe 
du  grand  nombre  de  vaifîeaux  qui  s'y 
ramifient  ,  membrane  à  laquelle  d'autres 
auteurs  ont  attribué  des  fibres  mufculaires. 
Il  ne  nous  paroît  pas  qu'il  y  ait  dans  le 
dartos  des  fibres  dont  la  direction  foit  conf- 
tante;  ck  peut-être  ce  qui  peut  donner 
lieu  d'y  admettre  des  fibres  ,  c'eft  l'irrita- 
bilité dont  le  dartos  eft  pourvu  ,  ck  qui 
redreffe  les  tefticules  dans  la  fanté  robufte, 
au  contact  de  l'air  froid ,  ck  dans  d'autres 
occafions:4.  une  cellulofité  allez  copieufe, 
dont  nous  allons  donner  un  détail  d'au- 
tant plus  néceffaire,  que  l'on  n'a  eu  que 
depuis  peu  une  idée  complète  de  ces  tu- 
niques. 

Il  y  a  trois  enveloppes  qu'on  peut  ap- 
pelles vaginales  ;  la  commune ,  celle  du 


E  L  Y 

cordon  fpermatique  6k  celle  du  tefticule. 

La  première  enveloppe  également  6k 
le  cordon  6k  le  tefticule  :  elle  eft  cellu- 
leufe  ,  6k  forme  de  grandes  veffies  quand 
on  Ta  foufïïée  ;  elle  enveloppe  le  tefticule 
&  s'attache  fortement  à  la  tunique  vagi- 
nale propre  du  tefticule  dans  le  bord 
pofté rieur;  6k  à  fon  extrémité  inférieure , 
elle  fournit  des  lames  qui  recouvrent  celles 
de  la  vaginale  propre  6k  qui  s'y  attachent. 

On  a  cru  trouver  une  cloifon  entre  la 
vaginale  commune  6k  celle  du  tefticule  , 
parce  que  l'air  s'eft  arrêtée  l'attache  de  la 
vaginale  commune  à  la  vaginale  propre 
du  tefticule,  6k  n'a  pas  pafle  dans  la  cavité 
comprife  entre  le  tefticule  6k  la  vaginale 
propre. 

L'adhérence  dont  nous  venons  de  parler, 
arrête  l'air  qui  fait  crever  les  veflies  de  la 
vaginale  commune  quand  on  la  prefte  trop . 

La  tunique  vaginale  propre  du  cordon 
eft  contenue  dans  la  cavité  de  la  précé- 
dente ,  elle  eft  également  cellulaire ,  6k 
donne  une  gaîne  à  chaque  vaifteau  :  elle 
s'attache  fortement  6k  à  l'albuginée  6k  à 
la  vaginale  propre  des  tefticules  à  laquelle 
elle  fe  continue. 

Enfin  ,  la  tunique  vaginale  propre  des 
tefticules,  naît  de  la  commune  ck  de  celle 
du  cordon ,  auxquelles  elle  eft  fortement 
attachée  le. long  du  bord  poftérieur  du 
tefticule  ;  elle  s'attache  auflï  ck  fortement 
à  l'épididyme  qu'elle  recouvre ,  ck  à  l'al- 
buginée. Pour  parler  plus  exactement , 
elle  couvre  du  côté  interne  le  tefticule , 
&  s'attache  avec  beaucoup  de  force  à 
l'albuginée,  à  laquelle  elle  donne  une  lame 
très-fine  ,  découverte  par  Antoine  Moli- 
netti ,  6k  qu'on  peut  féparer  par  la  ma- 
cération. 

Pour  le  côté  externe  du  tefticule  ,  ù. 
vaginale  propre  pafte  pardefTus  la  furface 
du  tefticule  ck  pardefTus  celle  de  l'épi- 
didyme ,  ck  lie  cette  dernière  partie  du 
tefticule  à  l'albuginée  ck  en  haut  ck  en  bas; 
mais  dans  le  milieu  elle  retourne  fur  elle- 
même,  revêt  la  face  concave  de  l'épidi- 
dyme, remplit  un  cul-de-fac  entre  fa  partie 
Supérieure  ck  inférieure,  6k  fe  réfléchit  de 
nouveau  fur  l'albuginée  à  laquelle  elle 
donne  une  lame  extérieure. 
,    Mais  il  y  a  dans  le  foetus  Se  dans  l'a<- 


E  L  Y  i7r 

dulte  une  différence  par  rapport  à  la  vagi- 
nale ,  ck  la  fîtuation  du  tefticule  ,  qui 
mérite  d'être  connue  plus  généralement  , 
c'eft  une  découverte  de  M.  de  Haller, 
perfectionnée  par  M.  Hunter. 

Dans  le  fœtus,  le  tefticule  eft  contenu 
dans  le  bas-ventre  avec  les  inteftins  ;  l'al- 
buginée paroît  alors  continuée  avec  le 
péritoine  ;  mais  il  y  a  fous  les  tefticules 
un  efpace  où  le  péritoine  eft  mince  , 
lâche  ck  prefque  muqueux  ;  il  eft  même 
quelquefois  ouvert ,  mais  cette  ftructure 
n'eft  pas  naturelle  ,  ck  elle  caufe  une 
hernie  dès  que  le  fœtus  vient  au  monde, 
parce  que  le  tefticule  defeend  par  cette 
ouverture  dans  la  cellulofité  qui  accompa- 
gne le  cordon ,  ck  arrive  par  ce  chemin 
dans  le  ferotum  même. 

Sous  la  place  foibîe  du  péritoine  il  y  a 
une  cellulofiré  qui  forme  une  gaîne  cylin- 
drique attachée  depuis  les  reins  jusqu'au- 
ferotum ,  qui  dans  le  fœtus  eft  vuide  en- 
core :  mais  pendant  que  le  fœtus  eft  dans 
l'utérus ,  le  tefticule  s'ouvre  un  paftage  par 
cet  endroit  foible  ,  il  entre  dans  la  gaîne 
cellulaire,  ck  arrive  peu  à  peu  au  ferotum. 
Quand  il  y  eft  arrivé,  la  gaîne  fe  rompt, 
la  partie  fupérieure  refte  attachée  au  péri- 
toine ,  ck  il  y  paroît  comme  une  légère 
empreinte.  L'inférieure  fait  la  vaginale,     ' 

L'académie  parle  d'un  rat  mufqué  dans 
lequel  le  tefticule  defeend  annuellement 
depuis  les  reins,  ck  remonte  alternative- 
ment :  apparemment  que  l'ouverture  du: 
péritoine  y  refte  libre. 

Laftrudture  du  chien  eft  cette  que  M„ 
de  Haller  a  trouvée  dans  quelques  fœtus 
humains:  le  péritoine  y  eft  ouvert  >  ck  il 
y  a  une  gaîne  fous  cette  membrane  qui 
enveloppe  le  tefticule.  Dans  l'homme, 
dont  le  corps  eft  perpendiculaire,  cette' 
ftruclure  auroit  été  dangereufe  6k  la  hernie 
inévitable  :  il  ne  laide  pas  que  de  s*en 
faire ,  à  caufe  de  la  foibleffe  d'une  partie 
de  Panneau.  (H.  D.  G.) 

E  M  A 

EMAGÉ ,  f.  m.. (Comm.)  ancien  droit 
qui  fe  levé  fur  le  felen  quelques  endroits 
de  Bretagne,  6k  particulièrement  dans  les' 
bureaux  delà  prévôté  de  Nantes.  La  pan* 
carte  de  cette  prévôté  porte,. que  le- roi 


ij6  E  M  A 

ck  duc  prend  fur  les  fels  de  Poitou  le 
fixieme  denier  du  prix  que  fe  monte  l'an- 
cienne coutume  appellée  émage.  Diction- 
naire de  -Commerce  &  de  Trévoux.  Voy. 
V article  S  EL.  (G) 

*  EMAIL ,  f.  m.  [Art  Méch.J  branche 
de  Part  de  la  Verrerie.  V émail  eft  une 
préparation  particulière  du  verre  ,  auquel 
on  donne  différentes  couleurs,  tantôt  en 
lui  confervant  «ne  partie  de  fa  tranfpa- 
rence  ,  tantôt  enJa  lui  ôtant  ;  car  il  y  a 
àes  émaux  tranfparens,  6k  des  émaux  opa- 
ques. Voyf{  à  V article  VERRERIE  ,  l'art 
de  colorer  Le  verre. 

Les  auteurs  distinguent  trois  fortes  dV- 
maux:  ceux  qui  fervent  à  imiter  &  con- 
trefaire les  pierres  précieufes  ;  V.  PlERRE 
PRÉCIEUSE:  ceux  qu'on  emploie  dans  ia 
peinture  fur  Yémail  ;  ck  ceux  dont  les 
émailleurs  à  la  lampe  font  une  infinité 
de  petits  ouvrages  ,  tels  que  des  magots  , 
des  animaux,  des  rieurs  ,  des  aigrettes, 
des  poudres  brillantes,  &c.  Ils  prétendent 
qxxectsémaux  font  les  mêmes' pour  le  fond, 
ck  que  s'ils  différent ,  ce  n'eft  que  par  les 
couleurs  &  la  tranfparence. 

Le  P.  Kircher  elt  un  des  premiers  qui 
ont  parlé  de  la  peinture  en  émail.  Voye\ 
ce  qu'il  en  dit  dans  Ton  mundus  fubter- 
ranzus  ,  ouvrage  de  génie,  mais  dont  le 
mérite  eft  un  peu  rabaifTé  par  le  mélange 
du  vrai  6k  du  faux. 

On  a  cru  pendant  long-temps ,  que  la 
peinture  encauftique  des  anciens  étoit  la 
même  chofe  que  notre  peinture  en  émail. 
Ce  fait  commence  à  devenir  très-douteux. 
Voyt[  l'article  ENCAUSTIQUE. 

Il  elt  vrai  que  les  anciens  ont  connu 
l'art  de  la  verrerie,  6k  qu'ils  ont  potTédé 
le  fecret  de  porter  des  couleurs  dans  le 
verre  ;  ce  qui  condufoit  naurellement  à 
la  peinture  en  émail  :  mais  il  ne  paroît 
point  qu'ils  y  foient  arrivés.  Ils  touchoient 
à  beaucoup  d'autres  découvertes  que  nous 
avons  faites,  de  même  que  nous  touchons 
à  beaucoup  d'autres  que  nous  laiderons  à 
faire  à  nos  neveux ,  qui  ne  s'étonneront 
pas  qu'elles  nous  aient  échappé,  s'ils  ont 
un  peu  de  philofophie. 

Nous  allons  donner  en  premier  lieu 
ïa  manière  de  faire  les  émaux,  d'après 
Nen  ck  Kunckel;  nous  expliquerons  en- 


E  M  A 

flûte  la  manière  de  les  employer,  ou  le 
travail  de  Pémailleur  ,  qne  nous  divife- 
rons  en  trois  parties  :  l'art  de  peindre 
fur  V émail ,  l'art  d'employer  les  émaux 
clairs  6k  tranfparens  ,  6k  l'art  de  fouffler 
Yémail  à  la  lampe. 

I.  De  la  préparation  des  émaux.  Kunc- 
kel  ,  qui  fè  connoifloit  en  ouvrages  de 
Chymie,  faifoit  le  plus  grand  cas  de  l'art 
de  la  verrerie  de  Neri.  Il  s'eft  donné  la 
peine  d'éprouver  tous  les  p  océdés  que 
Neri  a  preicrits  dans  ce  traité,  ck  il  a  trouvé 
dans  le  livre  dft  émaux  en  particulier  tant 
d'exa&itude,  qu'il  ne  balance  point  à  dire 
que  quand  Neri  ne  nous  auroit  laifîé  que 
ce  morceau  ,  il  mérueroit  la  réputation 
qu'il  s'eft  acquife.  C'eft  à  M.  le  baron 
d'Holback  que  nous  devons  la  traduétion 
de  l'ouvrage  de  Neri,  des  notes  de  Mer- 
ret,  du  commentaire  de  Kunckel,  6k  de 
plufieurs  autres  morceaux  intérefîans ,  qui 
forment  enfemble  un  volume  in-40.  très- 
confidérable  ,  d  où  nous  allons  extraire  là 
première  partie  de  cet  article. 

Préparer  une  matière  commune  pour 
toutes  fortes  d'émaux.  Prenez  trente  livres 
de  plomb  6k  trente  livres  d'étain  bien 
purs  ;  faites  calciner  ,  partez  les  chaux  au 
tamis,  remplirez  d'eau  claire  un  vaifleau 
de  terre  verniffé  ,  faites  -  y  bouillir  les 
chaux  :  lorsqu'elles  auront  un  peu  bouilli , 
retirez  le  vaifleau  de  defTus  le  feu  ,  6c 
verfez  l'eau  par  inclination ,  elle  entraî- 
nera avec  elle  la  partie  la  plus  fi.btile  des 
chaux.  Verfez  de  nouvelle  eau  fur  les 
chaux  qui  resteront  au  fond  du  vaifleau  , 
faites  bouillir  comme  auparavant,  ck  dé- 
cantez y  réirérez  la  même  manœuvre  jus- 
qu'à ce  que  l'eau  n'entraîne  plus  aucune 
portion  des  chaux  Aiors  prenez  ce  qui 
en  reftera  au  fond  du  vaifleau ,  ck  le  recal- 
cinez; opérez  fur  ces  métaux  calcinés  de* 
rechef,  ou  fur  ces  fécondes  chaux,  com- 
me vous  avez  opéré  ,  fur  les  pemieres. 
Quant  à  i'eau  qui  s'eft  chargée  iucceflive- 
men t  de  la  partie  la  plus  fubtile  de  la  chaux, 
faites-la  évaporer  à  un  teu  ,  que  vous  ob- 
ferverez  fur-tout  de  ralentir  fur  la  fin  ; 
fans  cette  précaution  ,  vous  rilquerez  de 
tacher  la  partie  de  la  chaux  qui  touchera 
le  fond  du  vaifleau. 

Prenez  de  cette  chaux  fi  déliée ,  ck  de 

la 


E  M  A 

la  fritte  de  tarfè  ou  caillou  bîanc  ,  que  vous 
broierez  &  tamifèrez  avec  foin  ,  de  chacune 
cinquante  livres  \  de  fel  de  tartre  blanc  huit 
onces  :  mêlez  ces  matières  y-expofez-les  au 
feu  pendant  dix  heures  ,  dans  un  pot  neuf 
de  terre  cuite  j  retirez-les  enfuite  ,  •&  les 
pulvérifez  j  ferrez  cette  poudre  dans  un  lieu 
fèc  ,  &:  la  tenez  à  couvert  de  toute  ordure  \ 
ce  fera  la  bafè  commune  de  tous  les 
émaux. 

Kunckel  fubftitue  aux  huit  onces  de  fèl 
de  tartre  huit  onces  de  potalfe  purifiée  à 
plufieurs  reprifes  ,  &  dégagée  le  plus 
exactement  qu'il  eir,  poffible  de  toutes  ià- 
htés. 

'  Faire  un  émail  blanc  de  lait.  Prenez  de 
la  matière  commune  pour  tous  les  émaux  , 
iîx  livres  j  de  magnéfie  quarante  -  huit 
grains  :  mettez  le  mélange  dans  un  pot 
verniffé  blanc  :  faites-le  fondre  au  fourneau 
à  un  feu  clair ,  fans  fumée  ,  d'un  bois  de 
chêne  bien  fec  ,  la  fufion  fe  fera  prompte- 
ment.  Lorfqu'eîle  fera  parfaite  ,  verfez  le 
mélange  dans  une  eau  bien  claire  ,  qui  l'é- 
teigne  &  la  purifie  \  réitérez  toute  cette 
manoeuvre  trois  fois  de  fuite.  Lorfque  vous 
aurez  remis  le  mélange  au  feu  pour  la 
quatrième  fois,  voyez  s'il  vous  par'oît  blanc  \ 
li  vous  lui  trouvez  un  œil  verdâtré  ,  ajoutez-y 
im  peu  de  magnéfie  :  cette  addition  conve- 
nablement faite  ,  lui  donnera  la  blancheur 
de  lait. 

Libavius  &  Porta  compofent  cet  émail 
d'une  partie  de  plomb  calciné ,  de  deux 
parties  de  chaux  d'étain  ,  &  de  deux  fois 
autant  de  verre. 

Kunckel  veut  abfolument  qu'on  y  emploie 
la  magnéfie  ,  mais  qu'on  en  faiTe  l'addition 
petit  à  petit  5  obièrvant  de  n'en  pas  rendre 
la  dofè  trop  forte  ,  parce  qu'elle  ne  fe  con- 
fume  pas  ,  &  qu'elle  donne  au  verre  une 
couleur  de  pêcher  pâle. 

Autre  émail  blanc.  Prenez  d'antimoine 
&:  de  nitre  bien  mêlés  &  bien  broyés  ,  de 
chacun  douze  livres  \  de  la  matière  du 
verre  commun  ,  cent  foixante  &  feize 
livres  :  mêlez  exactement  le  tout  }  faites 
calciner  le  mélange  au  fourneau ,  &  le 
réduifez  en  fritte  ,  ou  ,  ce  qui  revient 
au  même  ,  faites  un  régule  d'antimoine 
avec  de  l'antimoine  cruel  &  du  nitre  , 
comme  la  Chymie  le  preferit.  Ce  régule 
Tome  XII. 


E  M  A  177 

mêlé  au  verre  ,  vous  donnera  un  émail 
blanc  &  propre  à  recevoir  toutes  fortes  de 
couleurs. 

Kunckel  qui  preferit  ce  procédé  ,  dit 
que  pour  employer  cet  émail  il  faut  le 
réduire  en  une  poudre  fine  ,  en  le  broyant 
pendant  vingt-quatre  heures  avec  du  vi- 
naigre diftillé  y  que  cette  attention  le  dif- 
pofe  à  entrer  facilement  en  fufion  :  mais 
que  pour  l'appliquer,  il  faut  l'humecter  d'eau  > 
de  gomme ,  &  commencer  par  tracer  tout  ce 
qu'on  voudra  colorer  avec  la  couleur  noire  , 
ou  le  rouge  brun  ,  ou  X émail  même  ,  ce  qui 
vaut  encore  mieux. 

Faire  un  émail  bleu  turquin.  Prenez  de 
la  matière  commune  pour  tous  les  émaux , 
fîx  livres  :  mettez  dans  un  pot  de  terre 
verniffé  en  blanc  ,  faites  fondre  ,  purifiez 
par  l'extinction  dans  l'eau  ,  ajoutez  trois 
onces  d'écaillés  de  cuivre  ,  calcinées  par 
trois  fois  j  prenez  quatre-vingt  feize  grains 
defafre,  &  quarante-huit  grains  de  ma- 
gnéfie ,  réduiièz  en  poudre  ces  deux  der- 
niers ingrédiens  ,  mêlez  bien  les  poudres  j 
faites-en  quatre  parties  ,  ajoutez-les  à  la 
matière  commune  des  émaux  à  quatre 
reprifes  différentes.  Remuez  bien  le  mélan- 
ge \  fi  la  couleur  vous  paroît  belle  ,  le  pro- 
cédé fera  fini  \  fi  au  contraire  vous  la  trou- 
vez trop  foible  ou  trop  forte ,  vous  l'affoibli- 
rez  par  l'addition  d'un  peu  de  la  matière 
commune  des  émaux:  pour  la  fortifier ,  vous 
vous  fervirez  du  fafre  .  &le  plus  ou  le  moins 
de  matières  colorantes  vous  donnera  diffé- 
rentes teintes. 

Faire  un  émail  bleu  a*a\ur.  Prsnez 
quatre  livres  à' émail  blanc  ,  deux  onces 
de  fafre  ,  quarante-huit  grains  à"œs  uflum 
calciné  par  trois  fois  :  mêlez  bien  ces  pou- 
dres. Expofez  le  mélange  au  fourneau  de 
verrerie  ,  clans  m\  pot  verniffé  blauc  ; 
quand  il  vous  paroîtra  bien  fondu  &  bien 
purifié,  éteignez  le  dans  l'eau  &le  procédé 
fera  fini. 

Kunckel  preferit  de  faire  fondre  à  la 
fois  ,  dix  ,  vingt  ,  trente  livres  d'émail  , 
de  les  éteindre  dans  l'eau  ,  *  de  les  faire 
fondre  derechef  ,  &  de  les  garder  pour 
l'ufàge  qu'il  preferit  de  la  manière  fuivante, 
après  avoir  averti  que  le  procédé  de  Neri 
eir.  excellent ,  &  que  fi  l'on  ne  réufîrt  pas  , 
fur-tout  dans  les  couleurs  où  il  entre  du 

Z 


i78  E  M  A 

fafre  ,  c'eft  que  la  qualité  de  cette  matière 
varie  ,  &  que  toute  la  chymie  des  émaux  de- 
mande un  grand  nombre  d'effais. 

Pour  avoir  différentes  teintes  ,  il  faut  y 
félon  Kunckel ,  prendre  d'abord  un  verre 
clair  8t  tranfparent  \  mètre  un  grain  de 
.magnéfie  fur  une  once  de  verre  ,  en  faire 
autant  avec  le  fafre  ,  &  voir  la  couleur  ré- 
sultante j  puis  deux  grains  de  magnéfie  , 
&c. 

Faire  un  émail  verd.  Prenez  quatre  livres 
de  fritte  d'émail  :  mettez  dans  un  pot  de 
terre  verniffé  bîanc ,  faites  fondre  &  puri- 
fier au  feu  pendant  dix  à  douze  heures ,  étei- 
gnez dans  l'eau,  remettez  au  feu  :,  quand  la 
matière  fera  en  fufion  ,  ajoutez  deux  onces 
cVœs  uftum ,  &  quarante-huit  grains  d'écail- 
lés de  fer  :  le  tout  bien  broyé  &  bien  mêlé  , 
ajoutez  ce  mélange  de  poudre  à  trois reprifes 
&  petit  à  petit  ,  remuez  bien  :  cela  fait  , 
vous  aurez  un  bel  émail  verd  à  pouvoir  être 
mis  fur  l'or. 

Autre  émail  verd.  Prenez  fix  livres  de  la 
matière  commune  des  émaux,  ajoutez-y  trois 
onces  de  ferret  d'Efpagne ,  &  quarante-huit 
grains  de  fafran  de  Mars  j  le  tout  bien  broyé: 
mettez  ce  mélange  dans  un  pot  vernilié  à 
l'ordinaire  ,  purifiez  le  en  l'éteignant  dans 
l'eau  :,  après  i'extincl"ion  ,  faites  fondre  de- 
rechef. 

Autre  émail  verd.  Mettez  au  feu  quatre 
livres  à" émail ,  faites  fondre  ,  ftc  purifiez  à 
l'ordinaire  \  faites  fondre  derechef  j  ajoutez 
à  trois  repriiès  la  poudre  fuivante  ,  compo- 
fce  de  deux  onces  d'a?s  uftum  &  de  quarante- 
huit  grains  de  fafran  de  Mars ,  le  tout  bien 
pulvérifé  &  bien  mélangé. 

Faire  un  émail  noir.  Prenez  quatre  livres 
de  la  matière  commune  des  émaux  ;  de 
fafre  &  de  magnéfie  de  Piémont  ,  de 
chacun  deux  onces  :  mettez  ce  mélange 
au  N fourneau  dans  un  pot  vernifle  ,  afin 
qu'il  fè  purifie.  Prenez  le  pot  plus  grand 
qu'il  ne  le  faudroit ,  eu  égard  à  la  quantité 
des  matières  ,  afin  qu'elles  puiffent  fe 
gonfler  fans  fe  répandre  :  éteignez  dans 
l'eau  ,  remettez  au  feu  ,  formez  des  gâ- 
teaux. 

Autre  émail  noir.  Prenez  de  la  fritte 
$  émail ,  fix  livres  \  du  fafre  ,  du  fafran 
de  Mars  fait  au  vinaigre  ,  &  du  ferret 
tTEipagne  ,  de  chacun  deux  onces  ;  mettez 


E  M  A 

le  mélange  dans  un  pot  vernilié  ,  &  achevez 
le  procédé  comme  les  précéderrs. 

Autre  émail  noir.  Prenez  de  la  matière 
commune  des  émaux ,  quatre  livres }  de  tar- 
tre rouge ,  quatre  onces  ;  de  magnéfie  de 
Piémont  préparée  ,  deux  onces  :  réduifez  le 
tout  en  une  poudre  fine.  Mêlez  bien  cette 
poudre  à  la  matière  commune  des  émaux  ; 
mettez  le  mélange  dans  un  pot  vernhTé ,  de 
manière  qu'il  refte  une  partie  du  pot  vuide  , 
&  achevez  le  procédé  comme  les  précé- 
dens. 

Faire  un  émail  purpurin.  Prenez  de  fritte 
d'émail  quatre  livres  ,  de  magnéfie  deux  on- 
ces \  mettez  le  mélange  au  feu  dans  un 
pot  ,  dont  il  refte  une  grande  partie 
vuide. 

Kunckel  obfèrve  que  la  dofe  de  deux 
onces  de  magnéfie  fur  quatre,  livres  de 
fritte  eft  forte  ,  &  que  la  couleur  pourra 
venir  foncée  \  mais  il  ajoute  qu'il  eft  pref- 
que  impoflible  de  rien  prefcrire  d'exact  fur 
les  dofes  ,  parce  que  la  qualité  des  ma* 
tieres  ,  la  nature  des  couleurs  ,  &  les  ac- 
cidens  du  feu  ,  occafionent  de  grandes 
variétés. 

Autre  émail  purpurin.  Prenez  de  la  ma- 
tière commune  des  émaux  ,  fix  livres  \  de 
magnéfie ,  trois  onces  \  d'écaillés  de  cuivre 
calcinées  par  trois  fois ,  fix  onces  ;  mêlez 
exactement ,  réduifez  en  poudre  ,  &  procé- 
dez comme  ci-deffus. 

Le  fuccès  de  ce  procédé  dépend  fur-tout 
de  la  qualité  de  la  magnéfie ,  &:  de  la  con- 
duite du  feu.  Trop  de  feu  efface  les  couleurs^ 
&  moins  la  magnéfie  a  de  qualité ,  plus  il 
en  faut  augmenter  la  dofè. 

Faire  un  émail  jaune.  Prenez  de  la  ma- 
tière commune  de  X émail,  fix  livres  j  de 
tartre  trois  onces  \  de  magnéfie  foixante  & 
douze  grains  :  mêlez  &;  incorporez  bien  ces, 
matières  avec  celle  de  ïémail,  &  procédant 
comme  ci-deffus ,  vous  aurez  un  émail  jaune 
bon  pour  les  métaux,  à  l'exception  de  l'or  r 
à  moins  qu'on  ne  le  foutienne  par  d'autres, 
couleurs. 

Kunckel  avertit  que  ,  fi  on  laiffe  trop 
long-temps  au  feu  ,  le  jaune  s'en  ira  ,  qu'il 
ne  faut  pas  peur  cette  couleur  un  tartre 
pur  &  blanc ,  mais  un  tartre  fale  &  grof- 
fier  ;  &  que  fa  coutume  eft  d'y  ajouter 
un  peu  de  cette  poudre  jaune  qu'on  trous» 


E  M  A 

dans  les   vieux   chênes,   &  an  défaut  de 
cette  poudre  ,  un  peu  de  charbon  pilé. 

Faire  un  émail  bleu.  Prenez  d'oripeau 
calciné  deux  onces  ,  de  fafre  quarante-huit 
grains  \  réduifez  en  poudre  ,  mêlez  les 
poudres  ,  répandez  les  dans  quatre  livres 
de  la  matière  commune  des  émaux  ,  & 
achevez  comme  ci-deifus. 

Faire  un  émail  violet.  Prenez  de  la  ma- 
tière commune  des  émaux  fix  livres  ,  de 
magnéfie  deux  onces  ,  d'écaillés  de  cuivre 
calcinées  par  trois  fois  quarante-huit  grains , 
&  achevez  comme  ci-deflus. 

Kunckel  dit  fur  les  deux  derniers  émaux  , 
qu'ils  donnent  l'aigue-marine  \  il  prefcrit  le 
fafre  feul  pour  le  bîeu  ,  &  il  veut  qu'on  y 
ajoute  un  peu  de  magnéfie  pour  le  violet  : 
mais  if  fè  rétracte  enfuite  }  il  approuve 
les  deux  procédés  de  Neri  :  il  ajoute  feu- 
lement qu'il  importe  pour  ces  deux  cou- 
leurs de  retirer  du  feu  à  propos  j  obfer- 
vation  générale  pour  toutes  les  autres  cou- 
leurs. 

Ces  émaux  viennent  de  Venifè  ou  de 
Hollande  \  ils  font  en  petits  pains  plats 
de  différentes  grandeurs.  Ils  ont  ordinai- 
rement quatre  pouces  de  diamètre  ,  & 
quatre  à  cinq  lignes  d'épaiffeur.  Chaque 
pain  porte  empreinte  la  marque  de  l'ou- 
vrier :  cette  empreinte  fè  donne  avec  un 
gros  poinçon  ;  c'eft  ou  un  nom  de  Jefus  , 
ou  un  foleil ,  ou  une  firene  ,  ou  un  fphynx, 
ou  un  finge  ,  &c. 

II.  L'art  de  peindre  fur  l'émail.  L'art 
■d'émailler  fur  la  terre  eft  ancien.  Il  y  avoit 
du  temps  de  Porfenna  roi  des  Tofcans  , 
<le$  vafes  émaiilés  de  différentes  figures. 
Cet  art,  après  avoir  été  long-temps  brut, 
fît  tout-à-coup  des  progrès  furprenans  à 
Faenza  &  à  Caftel-Durante  ,  dans  le  duché 
d'Urbin.  Michel  Ange  &  Raphaël  florif- 
fbient  alors  :  aufîî  les  figures  qu'on  remar- 
que fur  les  vafès  qu'on  émailloit  ,  font- 
elles  infiniment  plus  frappantes  par  le 
deflîn  ,  que  par  le  coloris.  Cette  efpece 
de  peinture  étoit  encore  loin  de  ce  qu'elle 
devait  devenir  un  jour  :,  on  n'y  employait 
que  le  blanc  &  le  noir  ,  avec  quelques 
teintes  légères  de  carnation  au  vifage  & 
à  d'autres  parties  :  tels  font  les  émaux 
qu'on  appelle  de  Limoges.  Les  pièces  qu'on 
faiibit  fous  François  I  font  très-peu  de  chofe , 


E  M  A  1751 

fi  on  ne  les  eftime  que  par  la  manière  dont 
elles  font  coloriées.  Tous  les  émaux  dont 
on  fe  fervoit ,  tant  fur  l'or ,  que  fur  le 
cuivre ,  étoient  clairs  &  tranfparens.  On 
couchoit  feulement  quelquefois  des  émau* 
épais ,  féparément  &  à  plat ,  comme  oa 
le  pratiqueroit  encore  aujourd'hui  â  l'on 
fè  propofoit  de  former  un  relief.  Quant 
à  cette  peinture  dont  nous  nous  propo- 
fbns  de  traiter  ,  qui  confifte  à  exécuter 
avec  des  couleurs  métalliques ,  auxquelles 
on  a  donné  leurs  fondans  ,  toutes  fortes 
de  fujets  ,  fur  une  plaque  d'or  ou  de  cui- 
vre qu'on  a  émaillée  8c  quelquefois  contre- 
émaillée  ,  elle  étoit  entièrement  .ignorée. 

On  en  attribue  l'invention  aux  François. 
L'opinion  générale  eft  qu'ils  ont  les  pre- 
miers exécuté  fur  l'or  des  portraits  aufiî 
beaux  ,  au/Ti  finis  ,  &  aufll  vivans  que  s'ils 
avoient  été  peints  ou  à  l'huile  ou  en  mi- 
gnature.  Ils  ont  même  tenté  des  fujets  d'hif 
toire  ,  qui  ont  au  moins  cet  avantage  que 
l'éclat  en  eft  inaltérable. 

L'ufage  en  fut  d'abord  confacré  au  bijou. 
Les  Bijoutiers  en  firent  des  fleurs  &  de 
la  mofaïque  où  l'on  voyoit  des  couleurs 
brillantes ,  employées  contre  toutes  les  rè- 
gles de  l'art ,  captiver  les  yeux  par  le  fèul 
charme  de  leur  éclat.  • 

La  connoiffance  de  la  manœuvre  pro- 
duifit  une  forte  d'émulation  ,  qui ,  pour 
être  afîez  ordinaire  ,  n'en  eft  pas  moins 
précieufè  ;  ce  fut  de  tirer  un  meilleur  parti 
des  difficultés  qu'on  avoit  furmontées  , 
en  produifant  des  ouvrages  plus  raifonna- 
bîes  &  plus  parfaits.  Quand  il  n'y  eut 
plus  de  mérite  à  émailler  purement  &  fim- 
plement  ,  on  fbngea  à  peindre  en  émail  ;  les 
Joailliers  fe  firent  peintres  ,  d'abord  copiftes 
des  ouvrages  des  autres ,  enfuite  imitateurs 
de  la  nature. 

Ce  fut  en  1632  qu'un  orfèvre  de  Châ- 
teaudun  ,  qui  entendoit  très-bien  l'art  d'em- 
ployer les  émaux  clairs  &  tranfparens  ,  fe 
mit  à  chercher  l'autre  peinture ,  qu'on  ap~ 
pellera  plus  exactement  peinture  fur  té- 
mail  quen  émail  ;  &c  il  parvint  à  trouver 
des  couleurs  ,  qui  s'appliqueient  fur  un 
fond  é maillé  d'une  feule  couleur  ,  &  fe 
parfondoient  au  feu.  Il  -eut  pour  difciple 
un  nommé  Gribalin  :  ces  deux  peintres 
communiquèrent    leur    fecret    à    d'autres 

X  2 


iSo  E  M  A 

artilles  qui  le  perfectionnèrent  ,  &  qui 
pouifcre*nt  la  peinture  en  émail  jufqu'au 
point  où  nous  la  poffédons  aujourd'hui. 
L'orfèvre  de  Châteaudun  s'appelloit  Jean 
Tout  in. 

*  Le  premier  qui  fe  diftingua  entre  ces 
artiftes ,  fut  l'orfèvre  Dubié  qui  logeoit 
aux  galeries  du  Jouvre.  Peu  de  temps  après 
Dubié  ,  parut  Morliere  :  il  étoit  d'Orléans. 
Il  travaillait  à  Blois.  Il  borna  fon  talent 
à  émailler  des  bagues  <k  des  boites  de 
montre.  Ce  fut  lui  qui  forma  Robert 
Vouquer  de  Blois ,  qui  l'emporta  fur  fes 
prédécefteurs  par  la  beauté  des  couleurs. 
qu'il  employa  ,  &  par  la  connoiflance  qu'il 
•eut  du  deffin.  Vouquer  mourut  en  1670. 
Pierre  Ghartier  de  Blois  lui  fuccéda,  & 
peignit  des  fleurs  avec  quelque  fuccès. 

La  durée  de  la  peinture  en  émail ,  fon 
luftre  permanent ,  la  vivacité  de  (es  cou- 
leurs ,  la  mirent  alors  en  grand  crédit  :  on 
lui  donna  fur  la  peinture  en  mignature 
une  préférence  qu'elle  eut  fans  doute  con- 
servée ,  fans  les  connoiflances  qu'elle  fup- 
pofè ,  la  patience  qu'elle  exige  ,  les  ac- 
cidens  du  feu  qu'on  ne  peut  prévoir ,  & 
la  longueur  du  travail  auquel  il  faut  s'af- 
iujettir.  Ces  raifons  font  fi  fortes  ,  qu'on 
peut  afTurer  3  fans  craindre  de  fè  trom- 
per ,  qu'il  y  aura  toujours  un  très  -  petit 
nombre  de  grands  peintres  en  émail  ;  que 
les  beaux  ouvrages  qui  fe  feront  en  ce 
genre  feront  toujou*  très  -  rares  &  très- 
précieux",  &  que  cette  peinture  fera  long- 
temps encore  fur  le  point  de  fe  perdre  :, 
parce  que  la  recherche  des  couleurs  pre- 
nant un  temps  infini  à  ceux  qui  s'en  oc- 
cupent ,  &:  les  fuccès  ne  s'obtenant  que 
par  des  expériences  coûteufes  &  réitérées  , 
en  continuera  d'en  faire  un  fecret.  C'en1 
pour  cette  raifon  que  nous  invitons  ceux 
qui  aiment  les  arts  ,  &  que  leur  état  & 
leur  fortune  ont  élevés  au  defîiis  de  toute 
confidération  d'intérêt  ,  de  publier  fur  la 
compofition  des  couleurs  propres  pour  la 
peinture  de  Yémail  &  de  la  porcelaine  ,  ce 
qu'ils  peuvent  en  connoître  j  ils  fe  feront 
beaucoup  d'honneur  ,  &  ils  rendront  un 
fervice  important  à  la  Peinture.  Les  pein- 
tres fur  Yémail  ont  une  peine  incroyable 
à  compléter  leur  palette  \  &  quand  elle 
eft  à-peu  -  près   complète  ,    ils   craignent 


E  M  A 

toujours  qu'un  accident  ne  la  dérange  , 
ou  que  quelques  couleurs  dont  ils  ignorent 
la  compofition  ,  &  qu'ils  emploient  avec 
beaucoup  de  fuccès  ,  ne  viennent  à  leur 
manquer.  Il  m'a  paru ,  par  exemple  ,  que 
des  rouges  de  mars  qui  enflent  de  l'éclat 
&  de  la  fixité  éteient  très  -  rares.  Com- 
ment un  art  fe  perfectionnera- t-il ,  lorfque 
les  expériences  d'un  artifte  ne  s'ajouteront 
point  aux  expériences  d'un  autre  artifte  , 
&  que  celui  qui  entrera  dans  la  carrière 
fera  obligé  de  tout  inventer  ,  êc  de  perdre 
à  chercher  des  couleurs ,  un  temps  précieux 
qu'il  eût  employé  à  peindre  ? 

On  vit  immédiatement  après  Pierre  Char- 
rier ,  plufieurs  artiftes  fe  livrer  à  la  pein- 
ture en  émail.  On  fit.  des  médailles  :  on 
exécuta  un  grand  nombre  de  petits  ou- 
vrages :  on  peignit  des  portraits.  Jean  Pe- 
titot  &  Jacques  Bordier  en  apportèrent 
d'Angleterre  de  fi  parfaits  &  de  fi  par- 
faitement coloriés,  que  deux  bons  peintres 
en  mignature  ,  Louis  Hance  &  Louis  de 
Guernier  ,  tournèrent  leur  talent  de  ce 
côté.  Ce  dernier  fe  livra  à  la  peinture 
en  émail  avec  tant  d'ardeur  &  d'opiniâ- 
treté ,  qu'il  l'eût  fans  doute  portée  au 
point  de  perfection  qu'elle  pouvoit  attein- 
dre ,  s'il  eût  vécu  davantage.  Il  découvrit 
cependant  plufieurs  teintes  ,  qui  rendirent 
Ces  carnations  plus  belles  que  fes  prédé- 
ceflèurs  ne  les  avoieut  eues.  Que  font  deve- 
nues ces  découvertes  ? 

Mais  s'il  eft  vrai,  dans  tous  les  arts, 
que  la  diftance  du  médiocre  au  bon  eft 
graude  ,  &  que  celle  du  bon  à  l'excellent 
eft  prelque  infinie  ,  ce  font  des  vérités 
finguliérement  frappantes  dans  la  peinture 
en  émail.  Le  degré  de  perfection  le  plus 
léger  dans  le  travail ,  quelques  lignes  de 
plus  ou  de  moins  fur  le  diamètre  d'une 
pièce  ,  conftituent  au  delà  d'une  certaine 
grandeur  des  différences  prodigieufes. 

Pour  peu  qu'une  pièce  fbit  grande  ,  il 
eft  prefque  impoflible  de  lui  conferver 
cette  égalité  de  fuperficie  ,  qui  permet 
feule  de  jouir  également  de  la  peinture  de 
quelque  côté  que  vous  la  regardiez.  Les 
dangers  du  feu  augmentent  en  raifon  des 
fùrfaces.  M.  Rouquet  ,  dont  je  ne  penfè 
pas  que  qui  que  ce  foit  réeufe  le  juge- 
ment dans  cette  manière ,  prétend  même , 


E  M  A 

dans  fon  ouvrage  de  tétat  des  Arts  en  An- 
gleterre ,  que  le  projet  d'exécuter  de  grands 
morceaux  en  émail  ,  eft  une  preuve  déci- 
five  de  l'ignorance  de  l'artifte  ;  que  ce 
genre  de  peinture  perd  de  fon  mérite  ,  à 
proportion  qu'on  s'éloigne  de  certaines 
limites }  que  l'artifte  n'a  plus  au  delà  de 
ces  limites  la  même  liberté  dans  l'exécu- 
tion ,  &  que  le  fpe&ateur  fèroit  plutôt  fa- 
tigué qn'amufé  par  les  détails  ,  quand  même 
il  arriveroit  à  l'artifte  de  réuflir. 

Jean  Petitot  né  à  Genève  en  1607  , 
mourut  à  Vevay  en  1691.  Il  fë  donna 
des  peines  incroyables  pour  perfectionner 
fon  talent.  On  dit  qu'il  dut  fes  belles 
couleurs  à  un  habile  chymifte  avec  lequel 
il'  travailla  ,  mais  on  ne  nomme  point  ce 
chymifte.  Cependant  c'eft  l'avis  de  M. 
Rouquet  :  Petitot  ,  dit-il ,  n'eût  jamais 
mis  dans  fes-  ouvrages  cette  manœuvre  fi 
fine  &  fi  féduifante ,  s'il  avoit  opéré  avec 
-les  fubftances  ordinaires.  Quelques  heu- 
reufes  découvertes  lui  fournirent  les  moyens 
d'exécuter  fans  peine  des  chofes  furpre- 
nantes  que  ,  fans  le  fecours  de  ces  décou- 
vertes ,  les  organes  les  plus  parfaits  ,  î.vec 
toute  l'adrefîé  imaginable,  n'auroient  jamais 
pu  produire.  Tels  font  les  cheveux  que 
Petitot  peignoit  avec  une  légèreté  dont  les 
inftrumens  &  les  préparations  ordinaires 
ne  font  nullement  capables.  S'il  eft  vrai 
que  Petitot  ait  eu  des  moyens  méchani- 
ques  qui  fe  foient  perdus  ,  quel  regret 
pour  ceux  qui  font  nés  avec  un  goût  vif 
pour  les  arts ,  &  qui  fèntent  tout  le  prix  de 
la  perfection  ! 

Petitot  copia  plufieurs  portraits  d'après 
les  plus  grands  maîtres  :  on  les  conferve 
précieufèment.  Vandeik  fe  plut  à  le  voir 
travailler  ,  &:  ne  dédaigna  pas  quelquefois 
de  retoucher  fes  ouvrages. 

Louis  XIV  &  fa  cour  employèrent 
long-temps  fon  pinceau.  Il  obtint  «ne  pen- 
fion  confidérable  &  un  logement  aux  ga- 
leries ,  qu'il  occupa  jufqu'à  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes.  Ce  fut  alors  qu'il  fe 
retira  dans  fa  patrie. 

Bordier  fon  beau-frere  ,  auquel  il  s'étoit 
affocié  ,  peignoit  les  cheveux  ,  les  drape- 
ries ,  &  les  fonds  }  Petitot  fe  chargeoit 
toujours  des  têtes  &  des  mains. 

Ils  traitèrent  non  feulement  le  portrait , 


EM  A 


181 


mais  encore  l'hiftoire.  Ils  vécurent  fans 
jaloufie  ,  &  amaflèrent  près  d'un  million 
qu'ils  partagèrent  fans  procès. 

On  dit  qu'il  y  a  un  très-beau  morceau 
d'hiftoire  de  ces  deux  artiftes  dans  la  bi- 
bliothèque de  Genève. 

M.  Rouquet  fait  l'éloge  d'un  peintre 
Suédois  appelle  M.  Zink.  Ce  peintre  a 
travaillé  en  Angleterre.  Il  a  fait  un  grand 
nombre  de  portraits  ,  où  l'on  voit  Yémail 
manié  avec  un  extrême  facilité  ,  l'indo- 
cilité des  matières  fubjuguée  ,  &  les  en- 
traves que  l'art  de  Yémail  met  au  génie 
entièrement  brifées.  Le  peintre  de  Genève 
dit  de  M.  Zink  ce  qu'il  a  dit  de  Petitot , 
qu'il  a  poffédé  des  manœuvres  &  des  ma  - 
tieres  qui  lui  étoient  particulières ,  &  fans 
lefquelles  fes  ouvrages  n'auroient  jamais 
eu  la  liberté  du  pinceau  ,  la  fraîcheur  , 
la  vérité  ,  l'empâtement  qui  leur  donnent 
l'effet  de  la  nature.  Les  mots  par  lefquels 
M.  Rouquet  finit  l'éloge  de  M.  Zink  font 
remarquables  :  «  Il  eft  bien  humiliant ,  dit 
»  M.  Rouquet ,  pour  la  nature  humaine , 
»  que  les  génies  aient  la  jaloufie  d'être 
»  feuls.  »  M.  Zink  n'a  point  fait  d'élevé. 

Nous  avons  aujourd'hui  quelques  hom- 
mes habiles  dans  la  peinture  en  émail  ; 
tout  le  monde  connoît  les  portraits  de 
ce  même  M.  Rouquet  que  nous  venons 
de  citer  ,  ceux  de  M.  Liotard ,  ceux  de 
M.  Paquier  ,  peintre  en  émail  du  roi ,  &  les 
compolitions  de  M.  Durand.  La  poftérité 
qui  fera  cas  des  ouvrages  en  émail  de  ce 
dernier  ,  recherchera  avec  le  plus  grand 
empreffement  les  morceaux  qu'il  a  exécu- 
tés fur  la  nacre  ,  &  qui  auront  échappé  à 
la  barbarie  de  nos  petits-maîtres.  Mais  je 
crains  bien  que  la  plupart  de  ces  bas-reliefs 
admirables,  roulés  brutalement  fur  des 
tables  de  marbre  ,  qui  égratignent  &  dé- 
figurent les  plus  belles  têtes ,  les  plus  beaux 
contours  ,  ne  foient  effacés  &  détruits , 
lorfque  les  amateurs  en  connoîtront  la 
valeur  ,  qui  n'eft  pas  ignorée  aujourd'hui , 
fur-tout  des  premiers  artiftes,  C'eft  en 
lui  voyant  travailler  un  très-beau  morceau 
de  peinture  en  émail ,  fbit  qu'on  le  confi- 
dere  par  le  fujet ,  ou  par  le  deflïn ,  ou  paf 
la  compofition  ,  ou  par  Texprcfiion  ,  ou 
même  par  le  coloris  ,  que  j'écrivois  ce  que 
je  détaiyerai    de  la  peinture    en    émail  % 


i8i  EMA 

après  que  j'aurai  fait  connoître  en  peu 
de  mots  le  morceau  de  peinture  dont  il 
syagit. 

C'eft  une  plaque  deftinée  à  former  le 
fond  d'une  tabatière  d'homme  ,  d'une 
forme  ronde  ,  &:  d'une  grandeur  qui  paiîè 
un  peu  l'ordinaire.  On  voit  fur  le  devant 
un  grand  amour  de  dix-huit  ans  j  droit  , 
l'air  triomphant  &  fàtisfait ,  appuyé  fur 
fon  arc  ,  &  montrant  du  doigt  Hercule 
qui  apprend  à  filer  d'Omphale  :  cet  amour 
femble  dire  à  celui  qui  le  regarde  ces  deux 
vers  : 

Qui  que  tu  fois  ,  tu   vois  ton  maître  ; 
//  tejl ,  le  fut  y  ou  le  doit  être, 

ou 

Quand  tu  ferois   Jupiter  même  , 

Je  te  ferai  filer  auffi. 

Hercule  eft  renverfé  nonchalamment  aux 
pies  d'Omphale  ,  fur  laquelle  il  attache  les 
regards  les  plus  tendres  &  les  plus  paflion- 
nés.  Omphale  eft  occupée  à  lui  apprendre 
à  faire  tourner  un  fufeau  dont  elle  tient 
l'extrémité  entre  Ces  doigts.  La  dignité 
de  fon  vifage  ,  la  fineflè  de  fon  fouris  ,  je 
ne  fais  quels  vertiges  d'une  paflion  mal 
celée  qui  s'échappe  imperceptiblement  de 
tous  [es  traits  ,  font  autant  de  chofes  qu'il 
faut  voir  &  qui  ne  peuvent  s'écrire.  Elle 
eft  affifè  fur  la  peau  du  lion  de  Nemée  } 
un  de  fes  pies  délicats  eft  pofé  fur  la  tête 
de  l'animal  terrible  :,  cependant  trois  petits 
amours  fe  jouent  de  la  maflue  du  héros 
qu'ils  ont  mife  en  balançoire.  Ils  ont 
chacun  leur  caractère.  Un  payfage  forme 
le  fond  du  tableau.  Ce  morceau  vu  à  l'œil 
nu  fait  un  grand  plailîr  -7  mais  regardé 
à  la  loupe  ,  c'eft  toute  autre  choie  encore } 
on  en  eft  enchanté. 

C'eft  l'orfèvre  qui  prépare  la  plaque  fur 
laquelle  on  fe  propofe  de  peindre.  Sa  gran- 
deur &  fon  épaiflêur  varient  ,  félon  l'ufage 
auquel  on  la  deftine.  Si  elle  doit  former  un 
àes  côtés  d'une  boîte,  il  faut  que  l'or  en 
foit  à  vingt-deux  carats  au  plus  :  plus  fin  , 
jl  n'auroit  pas  aflez  de  foutien  j  moins 
fin  ,  il  feroit  fujet  à  fondre.  Il  faut  que 
l'alliage  en  foit  moitié  blanc  &  moitié 
rouge  ,  c'eft -à- dire  moitié  argent  &  moitié 
cuivre  3  Xémail  dout  on   la  couvrira  ,   en 


EMA 

fera  moins  expofé  à  verdir  ,  que  fi  l'alliage 
étoit  tout  rouge. 

Il  faudra  recommander  à  l'orfèvre  de 
rendre  fon  or  bien  pur  &  bien  net  ,  &  de 
le  dégager  exactement  de  pailles  &  de  vent  \ 
fans  ces  précautions  il  fe  fera  immanqua- 
blement des  foufflures  à  Xémail  ,  &  ces 
défauts  feront  fans  remède. 

On  réiervera  autour  de  la  plaque  un  filet 
qu'on  appelle  aufli  bordement.  Ce  filet  ou 
bordement  retiendra  Xémail  ,  &  l'empê- 
chera de  tomber  ,  lorfqu'étant  appliqué  on 
le  preffera  avec  la  fpatule.  On  lui  donnera 
autant  de  hauteur  qu'on  •  veut  donner 
d'épaiffeur  à  Xémail  \  mais  1  epaifleur  de 
Xémail  variant  félon  la  nature  de  l'ouvrage  , 
il  en  eft  de  même  de  la  hauteur  du  filet  ou 
bordement.  On  obfervera  feulement  que 
quand  la  plaque  n'eft  point  contre-émaillée , 
il  faudra  qu'elle  foit  moins  chargée  &  émail  y 
parce  que  Xémail  mis  au  feu  tirant  l'or  à 
foi  ,  la  pièce  deviendroit  convexe. 

Lorfque  Xémail  ne  doit  point  couvrir 
toute  la  plaque ,  alors  il  faut  lui  pratiquer 
un  logement.  Pour  cet  effet  on  trace  fur  la 
plaque  les  contours  du  defiln  \  on  fe  fert 
de  la  mine  de  plomb  ,  enfùite  du  burin. 
On  champleve  tout  l'efpace  renfermé  dans 
les  contours  du  defîîn  ,  d'une  profondeur 
égale  à  la  hauteur  qu'on  eût  donnée  au 
filet ,  fi  la  plaque  avoit  dû  être  entièrement 
émaillée. 

On  champleve  à  l'échope  ,  &  cela  le 
plus  également  qu'on  peut  :  c'eft  une  atten- 
tion qu'il  ne  faut  pas  négliger.  S'il  y  avoit 
une  éminence  ,  Xémail  fe  trouvant  plus 
foible  en  cet  endroit  ,  le  verd  pourroit  y 
pouffer.  Les  uns  pratiquent  au  fond  du 
champlever  des  hachures  légères  &  ferrées  , 
qui  fe  croifènt  en  tous  fens  \  les  autres  y 
font  des  traits  ou  éraflures  ,  avec  un  bout 
de  lime  caffé  quarrément. 

L'ufage  de  ces  éraflures  on  hachures  , 
c'eft  de  donner  prife  à  Xémail  ,  qui  ,  fans 
cette  précaution  ,  pourroit  fe  féparer  de  la 
plaque.  Si  l'on  obfervoit  de  tremper  la 
pièce  champlevée  dans  de  l'eau  régale 
affoiblie  ,  les  inégalités  que  fon  action 
formeroit  fur  le  champlever  ,  pourraient 
remplir  merveilleufement  la  vue  de  l'artifte 
dans  les  hachures  qu'il  y  pratique  :  c'eft 
une    expérience  à    faire.   Au  refte    il  eft 


E  M  A 

é/ident  qu'il  ne  faudroit  pas  manquer  de 
laver  la  pièce  dans  plufieurs  eaux ,  au  fortir 
de  l'eau  régale. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  cette  conjecture  , 
lorfque  la  pièce  eft  champlevée ,  il  faut  la 
dégraifTer.  Pour  la  dégraifTer  on  prendra  une 
poignée  de  cendres  gravelées  qu'on  fera 
bouillir  dans  une  pinte  d'eau  ou  environ  , 
avec  la  pièce  à  dégraifTer.  Au  défaut  de  cen- 
dres gravelée»  on  pourroit  fe  fervir  de  celles 
du  foyer ,  fi  elles  étoient  de  bois  neuf }  mais 
les  cendres  gravelées  leur  font  préférables. 
V.  Cendres. 

Au  fortir  de  cette  lefllve  on  lavera  la 
pièce  dans  de  l'eau  claire  où  l'on  aura  mis 
un  peu  de  vinaigre  f,  &  au  fortir  de  ce  mé- 
lange d'eau  &  de  vinaigre  ,  on  la  rélavera 
dans  l'eau  claire. 

Voilà  les  précautions  qu'il  importe  de 
prendre  fur  l'or  \  mais  on  le  détermine 
quelquefois  ,  par  économie  ,  à  émailler  fur 
le  cuivre  rouge  :  alors  on  eft  obligé  d'am- 
boutir  toutes  les  pièces  ,  quelle  que  foit  la 
figure  qu'elles  aient,  ronde ,  ovale  ,  ou  quar- 
rée.  Les  amboutir  ,  dans  cette  occafiou  , 
c'eft  les  rendre  convexes  du  côté  à  peindre , 
&  concaves  du  côté  à  contre-émailler.  Pour 
cet  effet  il  faut  avoir  un  poinçon  d'acier 
de  la  même  forme  qu'elles ,  avec  un  bloc 
de  plomb  :  on  pofe  la  pièce  fur  le  bloc  \  on 
appuie  defTus  le  poinçon  ,  &  l'on  frappe 
fur  la  tête  du  poinçon  avec  un  marteau. 
Il  faut  frapper  alfez  fort  pour  que  l'em- 
preinte du  poinçon  fe  fane  d'un  leul  coup. 
On  prend  du  cuivre  en  feuilles  ,  de  l'épaif 
ièar  d'un  parchemin.  Il  faut  que  le  morceau 
qu'on  emploie  ,  foit  bien  égal  &  bien  net- 
toyé :  on  paiTe  fur  fa  furface  le  grattoir , 
devant  &  après  qu'il  a  reçu  l'empreinte.  Ce 
qu'en  fe  propofe  en  ramboutuTant ,  c'eft  de 
lui  donner  de  la  force  ,  &  de  l'empêcher  de 
s'envoiler. 

.  Cela  fait ,  il  faut  fè  procurer  un  émail 
qui  ne  foit  ni  tendre  ni  dur  :  trop  tendre  , 
il  eft  fujet  à  fe  fendre  j  trop  dur  ,  on  rifque 
de  fondre  la  plaque.  Quant  à  la  couleur , 
il  faut  que  la  pâte  en  foit  d'un  beau  blanc 
de  lait.  Il  eft  parfait ,  s'il  réunit  à  ces  qualités 
la  fiueilè  du  grain.  Le  grain  de  Y  émail  fera 
fin  ,  fi  l'endroit  de  fa  furface  d'où  il  s'en 
fera  d: taché  un  éclat  2  paroît  égal ,  lifte  & 
pclL 


E  M  A  183 

On  prendra  le  pain  d'émail ,  on  le 'frap- 
pera à  petits  coups  de  marteau  ,  en  le 
foutenant  de  l'extrémité  du  doigt.  Oa 
recueillera  tous  les  petits  éclats  dans  une 
ferviette  qu'on  étendra  fur  foi  j  on  les 
mettra  dans  un  mortier  d'agate  ,  en  quan- 
tité proportionnée  au  befoin  qu'on  en  a. 
On  verfera  un  peu  d'eau  dans  le  mortier  : 
il  faut  que  cette  eau  foit  froide  &  pure  : 
les  artiftes  préfèrent  celle  de  fontaine  à 
celle  de  rivière.  On  aura  une  molette 
d'agate  $  on  broiera  les  morceaux  d'émail , 
qu'on  arrofera  à  mefure  qu'ils  fe  pulvéri- 
feroni  :  il  ne  faut  jamais  les  broyer  à  Cec, 
On  fe  gardera  bien  de  continuer  le  broie- 
ment trop  long-temps.  S'il  eft  à  propos  de 
ne  pas  fentir  ïémail  graveleux  ,  foit  au 
toucher ,  foit  fous  la  molette  ,  il  ne  faut 
pas  non  plus  qu'il  foit  en  boue  :  on  le 
réduira  en  molécules  égales  j  car  l'inégalité 
fuppofant  des  grains  plus  petits  les  uns  que 
les  autres ,  les  petits  ne  pourroient  s'arrau  ■ 
ger  autour  des  gros ,  fans  y  lailîer  des  vuides 
inégaux ,  &  fans  occafiqner  des  vents.  On 
peut  en  un  bon  quart-d'heure  broyer  au- 
tant d'émail  qu'il  en  faut  pour  charger  Une 
boite. 

Il  y  a  des  artiftes  qui  prétendent  qu'après 
avoir  mis  ïémail  en  petits  éclats  ,  il  faut  le 
bien  broyer  &  purger  de  fes  ordures  avec 
de  l'eau- forte  }  le  laver  dans  de  l'eau  claire  , 
&  le  broyer  enfuite  dans  le  mortier.  Mais 
cette  précaution  eft  fuperflue  quand  on  fe 
fert  d'un  mortier  d'agate  ;  la  propreté 
fuffit. 

Lorfque  Y  émail  eft  broyé  ,  on  verfe  de- 
i'eau  deiTus  j  on  le  laiife  dépofer  ,  puis  on 
décante  par  inclination  l'eau  ?  qui  emporte 
avec  elle  la  teinture  que  le  mortier  a  pu 
donner  à  ïémail  &  à  l'eau.  On  continue  ces 
lotions  jufqu'à  ce  que  leau  paroiftè  pure  r 
obfervant  à  chaque  lotion  de  lailfer  dépofer 
ïémail. 

On  ramafîèra  dans  une  foucoupe  les  diffé- 
rentes eaux  des  lotions  ,  &  on  les  y  laiiTera 
dépofer»  Ce  dépôt  pourra  fervir  3  contre- 
émailler  la  pièce ,  s'il  en  eft  befoin. 

Tandis  qu'on  prépare  ïémail  y  la  plaque 
champlevée  trempe  dans  de  l'eau  pure  &t 
froide  :  il  faut  l'y  laiifer  au  moins  du  foir  au? 
lendemain  }  plus  elle  y  reftera  de  temps  9 
mieux  cela  fera». 


\14  E  M  A 

II  faut  toujours  confsrver  Yérfiail  broyé 
couvert  d'eau  ,  jufqu'à  ce  qu'on  l'emploie  j 
&  s'il  y  en  a  plus  de  broyé  qu'on  n'en 
emploiera,  il  faut  le  tenir  couvert  d'eau 
féconde. 

Pour  l'employer  il  faut  avoir  un  chevalet 
de  cuivre  rouge  ou  jaune.  Ce  chevalet  n'eft 
autre  chofe  qu'une  plaque  repliée  par  fes 
deux  bouts.  Ces  replis  lui  fervent  de  pies  j 
&  comme  ils  font  de  hauteurs  inégales  , 
la  fm-face  du  chevalet  fera  en  plan  incliné. 
On  a  une  fpatule  avec  laquelle  on  prend 
de  Y  émail  broyé  ,  &  on  le  met  fur  le  che- 
valet ,  où  cette  portion  qu'on  en  veut 
employer  s'égoutte  d'une  partie  de  fon 
eau  ,  qui  s'étend  le  long  des  bords  du 
chevalet.  Il  y  a  des  artiftes  qui  fe  parlent 
de  chevalet.  On  reprend  peu-à-peu  avec  la 
fpatule  Yémail  de  deiîlis  le  chevalet  ,  &  on 
le  porte  dans  le  champlever  de  la  pièce  à 
émailler  ,  en  commençant  par  un  bout  & 
finiifant  par  l'autre.  On  fupplée  à  la  fpatule 
avec  un  cure-dent  :  cela  s'appelle  charger. 
Il  faut  que  cette  première  charge  rempliffe 
tout  le  champlever  ,  &  foit  au  niveau  de 
l'or  \  car  il  s'agit  ici  d'une  plaque  d'or. 
Nous  parlerons  plus  bas  de  la  manière  dont 
il  faut  charger  les  plaques  de  cuivre  \  il 
n'eft  pas  nécefTaire  que  Yémail  foit  broyé 
pour  cette  première  charge  ,  ni  aufli  fin  , 
ni  auiîl  foigneufèment  que  pour  une  fé- 
conde. 

Ceux  qui  n'ont  point  de  chevalet  ,  ont 
un  petit  godet  de  faïance  dans  lequel  ils 
tranfvafent  X émail  du  mortier  :  le  fond  en 
eft  plat  \  mais  ils  le  tiennent  un  peu  incliné , 
afin  de  déterminer  l'eau  à  tomber  d'un 
côté. 

Lorfque  la  pièce  eft  chargée  ,  on  la 
place  fur  l'extrémité  des  doigts  ,  &  on  la 
frappe  légèrement  par  les  côtés  avec  la 
ipatule  ,  afin  de  donner  lieu  par  ces  petites 
fècouffes  aux  molécules  de  Yémail  broyé  , 
de  fe  compofer  entre  elles  ,  de  fe  ferrer ,  & 
de  s'arranger. 

Cela  fait ,  pour  retirer  l'eau  que  Vérnail 
chargé  peut  encore  contenir  ,  on  place  fur 
les  bords  un  linge  fin  ,  blanc  &  fèc  ,  & 
on  l'y  laifle  tant  qu'il  afpire  de  l'eau.  Il 
faut  avoir  l'attention  de  le  changer  de 
côté.  Lorfqu'il  n'afpire  plus  rien  des  bords , 
on  y  -fait  un  pli  large  &  plat ,  qu'on  pofe. 


EM  A 

fur  le  milieu  de  Yémail  a  plufieurs  reprifes  *, 
après  quoi  on  prend  la  fpatule  ,  &  on 
l'appuie  légèrement  fur  toute  la  furface  de 
Yémail  ,  fans  toutefois  le  déranger  :  car 
s'il  arrivoit  qu'il  fe  dérangeât ,  il  faudroit 
l'hume&er  derechef,  afin  qu'il  fe  difpofât 
convenablement ,  fans  le  tirer  du  champ- 
lever. 

Quand  la  pièce  eft  fèche ,  il  faut  l'expofèr 
fur  des  cendres  chaudes  ,  afin  qu'il  n'y 
refte  plus  aucune  humidité.  Pour  cet  effet 
on  a  un  morceau  de  tôle  percé  de  plufieurs 
petits  trous  ,  fur  lequel  on  la  place.  La 
pièce  eft  fur  la  tôle  ,  la  tôle  eft  fur  la 
cendre  :  elle  refte  en  cet  état  jufqu'à  ce 
qu'elle  ne  fume  plus.  On  obfèrvera  feule- 
ment de  la  tenir  chaude  jufqu'au  moment 
de  la  paffer  au  feu  }  car  fi  on  l'avoit  laifte 
refroidir  ,  il  faudroit  la  réchauffer  peu-à-peu 
à  l'entrée  du  fourneau  ,  fans  quoi  l'on  expo- 
fèroit  Yémail  à  pétiller. 

Une  précaution  à  prendre  par  rapport  à 
la  tôle  percée  de  trous  ,  c'eft  de  la  faire 
rougir  &  de  la  battre  avant  que  de  s'en 
fervir  ,  afin  d'en  féparer  les  écailles.  Il  faut 
qu'elle  ait  les  bords  relevés ,  en  forte  que 
la  pièce  que  l'on  place  deffus  n'y  touchant 
que  par  fes  extrémités  ,  le  contre- émail  ce 
s'y  attache  point. 

On  a  des  pinces  longues  &  plates  ,  qu'on 
appelle  rtUve-mouJlache ,  dont  on  fèfèrt  pour 
enlever  la  plaque  &  la  porter  au  feu. 

On  palfe  la  pièce  au  feu  dans  un  fourneau. 
Il  faudra  fe  pourvoir  de  charbon  de  bois 
de  hêtre ,  &  à  fon  défaut ,  de  charbon  de 
bois  de  chêne.  On  commencera  par  charger 
le  fond  de  fon  fourneau  de  trois  lits  de 
branches.  Ces  branches  auront  un  bon 
doigt  de  groffeur }  on  les  coupera  chacune 
de  la  longueur  de  l'intérieur  du  fourneau , 
jufqu'à  fon  ouverture  \  on  les  rangera  les 
unes  à  côté  des  autres  ,  de  manière  qu'elles 
fe  touchent.  On  placera  celles  du  feconcî 
lit  dans  les  endroits  où  celles  du  premier 
lit  fe  touchent ,  &  celles  du  troifieme  lit , 
où  fe  touchent  celles  du  fécond  ;  en  forte 
que  chaque  branche  du  troifieme  lit  f©it 
portée  fur  deux  branches  du  fécond  ,  & 
chaque  branche  du  fécond  fu  r  deux  bran- 
ches du  premier.  On  choifira  les  branches 
fort  droites  ,  afin  qu'elles  ne  laùTent  point 
de  vuide  :•  un  de  leurs  bouts  touchera  le 

fond 


E  M  A 

fond  du  fourneau,  ck  l'autre  correfpondra 
à  l'ouverture.  On  a  choifi  cette  difpofition, 
afin  que  s'il  arrivoit  à  une  branche  de  fe 
confumer  trop  promptement ,  on  pût  lui 
en  fubftituer  facilement  une  autre. 

Cela  fait  ;  on  a  une  moufle  de  terre  ; 
on  la  place  fur  ces  lits  de  charbon  ,  l'ou- 
verture tournée  du  côté  de  la  bouche  du 
fourneau ,  ck  le  plus  à  ras  de  cette  bouche 
qu'il  eft  poffible. 

La  moufle  placée  ,  il  s'agit  de  garnir 
fes  côtés  ck  fa  partie  poftérieure  ,  de  char- 
bons de  branches.  Les  branches  des  côtés 
font  rangées  comme  celles  des  lits  :  les 
poftérieures  font  mifes  tranfverfalement. 
Les  unes  ck  les  autres  s'élèvent  jufqu'à 
la  hauteur  de  la  moufle.  Au  delà  de  cette 
hauteur  les  branches  font  rangées  longitu- 
dinalement  ck  parallèlement  à  celles  des 
lits.  Il  n'y  a  qu'un  lit  fur  la  moufle. 

Lorfque  ce  dernier  lit  eft  fait ,  on  prend 
du  petit  charbon  de  la  même  efpece,  ck 
l'on  en  répand  deflus  à  la  hauteur  de  quatre 
pouces.  C'eft  alors  qu'on  couvre  le  four- 
neau de  fon  chapiteau ,  qu'on  étend  furie 
fond  de  la  moufle  trois  ou  cinq  branches 
qui  remplirent  fon  intérieur  en  partie ,  ck 
qu'on  jette  par  la  bouche  du  fourneau ,  du 
charbon  qu'on  a  eu  le  foin  de  faire  allumer 
tandis  qu'on  chargeoit  le  fourneau. 

On  a  une  pièce  de  terre  qu'on  appelle 
Ydtrc;  on  la  place  fur  la  mentonnière  :  elle 
s'élève  à  la  hauteur  du  fond  de  la  moufle. 
On  a  de  gros  charbons  de  la  même  efpece 
que  celui  des  lits;  on  en  bouche  toute 
l'ouverture  de  la  moufle,  puis  on  laifle  le 
fourneau  s'allumer  de  lui-même  :  on  attend 
que  tout  en  paroifïe  également  rouge.  Le 
fourneau  s'allume  par  l'air  qui  fe  porte  aux 
fentes  pratiquées  tant  au  fourneau  qu'à  fon 
chapiteau.  • 

Pour  s'afTurer  fi  le  fourneau  eft  affez 
allumé,  on  retire  l'âtre  ,  afin  de  découvrir 
le  charbon  rangé  en  lits  fous  la  moufle;  ck 
lorfqu'on  voit  ces  lits  également  rouges 
par-tout ,  on  remet  l'âtre  ck  les  charbons 
qui  étoient  deflus ,  ck  l'on  avive  le  feu  en 
foufflant  dans  la  moufle  avec  un  foufflet. 

Si  en  ôtant  la  porte  du  chapiteau ,  l'on 

s'appercevoit  que  le  charbon  fe  fût  foutenu 

élevé  ,  il  faudroit  le  faire  defcendre  avec 

la  pincette ,  ck  aviver  le  feu  dans  la  moufle 

Tome  XII, 


E  M  A 


18 


avec  le  foufflet ,  après  avoir  remis  la  porte 
du  chapiteau. 

Quand  la  couleur  de.  la  moufle  paroîtra 
d'un  rouge  blanc ,  il  fera  temps  de  porter 
la  pièce  au  feu  ;  c'eft  pourquoi  l'on  net- 
toiera le  fond  de  la  moufle  du  charbon 
qui  y  eft  ck  qu'on  rejettera  dans  le  fourneau 
par  le  trou  du  chapiteau.  On  prendra  la 
pièce  avec  le  releve-tnouflache  ,  ck  on  la 
placera  fous  la  moufle  le  plus  avant  qu'on 
pourra.  Si  elle  eût  été  froide ,  il  eût  fallu, 
comme  nous  en  avons  déjà  averti  plus 
haut,  l'expofer d'abord  fur  le  devant  de  la 
moufle  ,  pour  l'échauffer  ,  ck  l'avancer 
fucceffivement  jufqu'au  fond. 

Pour  introduire  la  pièce  dans  la  moufle, 
il  a  fallu  écarter  les  charbons  qui  cou- 
vroient  fon  entrée.  Quand  la  pièce  y  eft 
introduite  ,  on  la  referme  avec  deux  char- 
bons feulement,  à  travers  defquels  on  re- 
garde ce  qui  fe  pafîe. 

Si  l'on  s'apperçoit  que  la  fufion  foit  plus 
forte  vers  le  fond  de  la  moufle  que  fur  \& 
devant  ou  fur  les  côtés ,  on  retourne  la 
pièce  ,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  rendu  la  fufion 
égale  par- tout.  11  eft  bon  de  favoir  qu'il 
n'eft  pas  néceffaire  au  premier  feu  ,  que  la 
fufion  foit  poufTée  jufqu'où  elle  peut  aller, 
ck  que  la  furface  de  V émail  foit  bien  unie. 

On  s'apperçoit  au  premier  feu  que  la 
pièce  doit  être  retirée  ,  lorfque  fa  furface , 
quoique  montagneufe  ck  ondulée  préfente 
cependant  des  parties  liées  ck  une  furface 
unie ,  quoique  non  plane. 

Cela  fait ,  on  retire  la  pièce  ;  on  prend 
la  tôle  fur  laquelle  elle  étoit  pofée  ,  ck  on 
la  bat  pour  en  détacher  les  écailles  :  cepen- 
dant la  pièce  refroidit. 

On  rebroie  de  l 'email ,  mais  on  le 
broie  le  plus  fin  qu'il  eft  poffible  ,  fans  le 
mettre  en  bouillie.  LVWi/avoitbaifTéait 
premier  feu  :  on  en  met  donc  à  la  féconde 
charge  un  tant  foit  peu  plus  que  la  hauteur 
du  filet  :  cet  excès  doit  être  de  la  quantité 
que  lefeu  ôtera  à  cette  nouvelle  charge. 
On  charge  la  pièce  cette  féconde  fois, 
comme  on  l'a  chargée  la  première  :  on 
prépare  le  fourneau  comme  on  l'avoit  pré- 
paré :  on  met  au  feu  de  la  même  manière  ; 
mais  on  y  laifle  la  pièce  en  fufion ,  jufqu'à 
ce  qu'on  lui  trouve  la  furface  unie,  lifle 
ck  plane.  Une  attention  qu'il  faut  avoit  à 

Aa 


r86  EMA 

tous  les  feux  ,  c'eft  de  balancer  fa  pièce  , 
l'inclinant  de  gauche  à  droite  ck  de  droite 
à  gauche  ,  ck  de  la  retourner.  Ces  mouve- 
mens  fervent  à  compofer  entr'elles  les 
parties  de  ¥  email ,  ck  à  diftribuer  égale- 
ment la  chaleur. 

Sifontrouvoit  à  la  pièce  quelque  creux 
au  fortir  de  ce  fécond  feu  ,  ck  que  le  point 
le  plus  bas  de  ce  creux  defcendît  au 
deiîous  du  filet,  il  faudroit  la  recharger 
légèrement  ,  ck  la  paiTer  au  feu  ,  comme 
nous  venons  de  le  prefcrire. 

Voilà  ce  qu'il  faut  obferver  aux  pièces 
d'or.  Qviant  à  celles  de  cuivre  ,  il  faut  les 
charger  jufqu'à  trois  fois ,  ck  les  paiTer 
autant  de  fois  au  feu  :  on  s'épargne  par  ce 
moyen  la  peine  de  les  ufer ,  V émail  en 
devient  même  d'un  plus  beau  poli. 

Je  ne  dis  rien  des  pièces  d'argent ,  car 
on  ne  peut  abfolument  en  émailler  des 
plaques  ;  cependant  tous  les  auteurs  en 
font  mention  ,  mais  je  doute  qu'aucun 
ci'eux  en  ait  jamais  vu.  L'argent  fe  bour- 
foufle  ,  il  fait  bourfoufler  1' f  émail  ;  il  s'y 
forme  des  œillets  ck  des  trous.  Si  Ton 
rendit,  c'eft  une  fois  fur  vingt;  encore 
eft-ce  t rès-imparfaireinent ,  quoiqu'on  ait 
pris  la  précaution  de  donner  à  la  plaque 
d'argent  plus  d'une  ligne  d'épaifteur ,  ck 
qu'on  ait  f->udé  une  feuille  d'or  pardefïus. 
Une  pareille  plaque  foutient  à  peine  un 
premier  feu  fans  accident  :  que  feroi:-ce 
donc  fi  la  peinture  exigeoit  qu'on  lui  en 
donnât  deux,  trois,  quatre,  £<  même  cinq? 
D'où  il  s'enfuit  ou  qu'on  n'a  jamais  fu  pein- 
dre fur  des  plaques  d'argent  émaillées  ,  ou 
que  c'eft  un  fecret  abfolument  perdu. 
Toutes  nos  peintures  en  émail  font  fur 
l'or  ou  fur  le  cuivre. 

Une  choie  qu'il  ne  faut  point  ignorer  , 
c'eft  que  toute  pièce  émail !ée  en  plein  du 
côté  que  l'on  doit  peindre  ,  doit  être 
contre-émailiée  de  l'autre  côté  ,  à  mokié 
moins  d'émail ,  fi  elle  eft  convexe;  fi  elle 
eu  plane  ,  il  faut  que  la  quantité  du  contre- 
émailioM  la  même  que  celle  de  X émail.  On 
commence  par  le  conixe-émail ,  ck  l'on 
opère  comme  nous  l'avons  prefcrit  ci-def- 
fus  ;  il  faut  feulement  laifier  au  contre- 
émail  un  peu  d'humidité,  fans  quoi  il  en 
pourroit  tomber  une  partie  lorfqu'on  vien- 
clroit  à  frapper  avec  la  fpatuie  les  côtés  de 


EMA 

la  plaque,  pour  faire  ranger  V émail  à  fa 
furface  ,  comme  nous  l'avons  prefcrit. 

Lorfque  les  pièces  ont  été  fufnfamment 
chargées  ckpailéesaufeu  ,  oneft  obligé  de 
les  ufer ,  fi  elles  font  plates  ;  on  fe  fert 
pour  cela  de  la  pierre  à  affiler  les  tranchets 
des  cordonniers  :  on  l'humecte  ,  on  la 
promené  fur  ïémail  avec  du  grès  tamifé. 
Lorfque  toutes  les  ondulations  auront  été 
atteintes  ck  effacées ,  on  enlèvera  le  traits 
du  fable  avec  l'eau  ckla  piere  feule.  Cela 
fait ,  en  lavera  bien  la  pièce ,  en  la  fayetant 
ck  brofifant  en  pleine  eau.  S'il  s'y  efi  formé 
quelques  petits  œillets  ,  ck  qu  ils  foient 
découverts ,  bouchez-les  avec  un  grain 
cYémail,  ck  repafTez  votre  pièce  au  feu, 
pour  la  repolir.  S'il  en  paroît  qui  ne  foient 
point  percés,  faites-y  un  trou  avec  une 
ongletteou  burin  :  remplilTez  ce  trou  ,  de 
manière  que  Ycmail  forme  au  deffus  un  peu 
d'éminence,  ek  remettez  au  feu;l'émi- 
nence  venant  à  s'affaifttr  par  le  feu,  la 
furface  de  votre  plaque  fera  plane  ck  égale. 

Lorfque  la  pièce  ou  plaque  eft  préparée, 
il  s'agit  de  la  peindre.  11  faut  d'abord  /è 
pourvoir  de  couleurs.  La  préparation  de 
ces  couleurs  eft  un  fecret  ;  cependant  nous 
avons  quelque  efperance  de  pouvoir  la 
donner  à.  {'article  PORCELAINE.  Voye^ 
cet  article.  11  faudroit  tâcher  d'avoir  les 
couleurs  broyées  au  point  qu'e  les  ne  fe 
fentent  point  inégales  fous  la  molette  ,  de 
les  avoir  en  poudre,  delà  couleur  qu'elles 
viendront  après  avoir  été  parfonduts,!  elles 
que,  quoiqu'elles  aient  été  couchées  fort 
épais ,  efes  ne  croûtent  point ,  ne  piquent 
point  Yémail ,  ou  ne  s'enfoncent  point , 
après  plufieurs  feux  ,  au  defïbus  du  niveau 
de  la  pièce.  Les  plus  dures  à  fe  parfondre 
paiTent  pour  les  meilleures  ;  mais  fi  on 
pouvoit  les  accorder  toutes  d'un  fondant 
qui  en  rendît  le  parfond  égal,  il  faut  con- 
venir que  1  artifte  en  travailleroit  avec 
beaucoup  plus  de  facili  é  :  c'e.l-là  un  des 
points  de  perfection  que 'ceux  qui  s'occu- 
pent de  la  préparation  des  couleurs  pour 
1 'émail ,  devroient  fe  propofer.  li  faut  avoir 
grand  loin  ,  fur-tout  dans  les  commence- 
mens ,  de  tenir  regsitte  de  leurs  qualités  , 
afin  de  s'en  fervir  avec  quelque  sûreté  ;  il 
y  aura  beaucoup  à  gagne!  à  taire  des  notes 
de  tous  les  mélanges  qu'on  en  aura  ellayés. 


E  M  A 

Il  faut  tenir  fes  couleurs  renfermées  clans 
de  pentes  boîtes  de  buis  qui  foient  étique- 
tées 6k  numérotées. 

Pour  s'afïiirer  des  qualités  de  (es  couleurs, 
on  aura  de  petites  plaques  d'émail  qu'on 
appelle  inventaires  :  on  y  exécutera  au 
pinceau  des  traits  larges  comme  des  len- 
tilles ;  on  numérotera  ces  traits,  6k  Ton 
mettra  l'inventaire  au  feu.  Si  l'on  a  obfervé 
de  coucher  d'abord  la  couleur  égale  ck 
légère  ,  5c  de  repafTer  enfuite  fur  cette 
première  couche  de  la  couleur  qui  fafie  des 
épaifTeurs  inégales ,  ces  inégalités  déter- 
mineront ,  au  fortir  du  feu ,  la  foiblelTe ,  la 
force  6k  les  nuances. 

C'eft  ainfi  que  le  peintre  en  émail 
formera  fa  palette  ,  ainfi  la  palette  d'un 
émailléur  eft,  pour  ainfi  dire,  une  fuite 
plus  ou  moins  confidérable  d'effais  numé- 
rotés fur  des  inventaires  ,  auxquels  il  a 
recours  félon  le  befoin.  Il  eft  évident  que 
plus  il  a  de  ces  efîais  d'une  même  couleur 
ck  de  couleurs  diverfes ,  plus  il  complète 
fa  palette  ;  ck  ces  efîais  font  ou  de  couleurs 
pures  ck  primitives ,  ou  de  couleurs  réful- 
tantes  du  mélange  de  plufieurs  autres. 
Celles-ci  fe  forment  pour  Vémail,  comme 
pour  tout  autre  genre  de  peinture  :  avec 
cette  différence  que  dans  les  autres  genres 
de  peinture  les  teintes  reftent  telles  que 
l'artifteles  aura  appliquées  ;  au  lieu  quedans 
la  peinture  en  émail ,  le  feu  les  altérant 
plus  ou  moins  d'une  infinité  de  manières 
différentes ,  il  faut  que  l'émail'eur  en 
peignant  ait  la  mémoire  préfente  de  tous 
ces  effets  ;  fans  cela  il  lui  arrivera  de  faire  i 
une  teinte  pour  une  autre,  6k  quelquefois  j 
de  ne  pouvoir  plus  recouvrer  la  teinte  qu'il  I 
aura  faite.  Le  peintre  en  émail  a ,  pour 
ainfi  dire  ,  deux  palettes  ,  l'une  fous  les 
yeux ,  6k  l'autre  dans  l'efprit  ;  6k  il  faut 
qu'il  foit  attentif  à  chaque  coup  de  pinceau 
de  les  conformer  entr'elles  ;  ce  qui  lui 
feroit  très-difficile  ,  ou  peut-être  impolli- 
ble ,  fi ,  quand  il  a  commencé  un  ouvrage  , 
il  interrompoitfon  travail pendantquelque 
temps  confidérable,  11  ne  fe  fouviendroit 
plus  de  la  manière  dont  il  auroit  compofé 
fes  teintes ,  6k  il  feroit  expofé  à  placer  à 
chaque  inftant  ou  les  unes  fur  les  autres , 
ou  les  unes  â  côté  des  autres ,  des  couleu  rs 
qui  ne  font  point  faites  pour  aller  enfemble. 


E  M  A  1S7 

Qu'on  juge  par-là  combien  il  eft  difficile 
de  mettre  d'accord  un  morceau  de  peinture 
en  émail ,  pour  peu  qu'il  foit  confidérable. 
Le  mérite  de  l'accord  dans  un  morceau  , 
peut  être  fenti  prefque  par  tout  le  monde  ; 
mais  il  n'y  a  que  ceux  qui  font  initiés  dans 
l'art,  qui  puilTent apprécier  tout  le  mérite 
de  l'artifte. 

Quand  on  a  (es  couleurs,  il  faut  fe  pro- 
curer de  l'huile  eftentielle  de  lavande ,  6k 
tâcher  de  l'avoir  non  adultérée;  quand  on 
l'a ,  on  la  fait  engraiffer  :  pour  cet  effet  y 
on  en  met  dans  un  gobelet  dont  le  fond 
foit  large ,  à  la  hauteur  de  deux  doigts  ;  on 
le  couvre  d'une  gaze  en  double  >  6k  on 
l'expofe  au  foleil,  jufqu'à  ce  qu'en  incli- 
nant le  gobelet  on  s'apperçoive  qu'elle 
coule  avec  moins  de  facilité ,  6k  qu'elle 
n'ait  plus  que  la  fluidité  naturelle  de  l'huile 
d'olive  :  le  temps  qu'il  lui  faut  pour  s'en- 
graiffer  eft  plus  ou  moins  long  félon  la 
faifon, 

On  aura  un  gros  pinceau  à  l'ordinaire 
qui  ne  ferve  qu'à  prendre  de  cette  huile. 
Pour  peindre  ,  on  en  fera  {faire  avec  du 
poil  de  queues  d'hermines  ;  ce  font  les 
meilleurs,  en  ce  qu'ils  fe  vuident  facile- 
ment de  la  couleur  6k  de  l'huile  dont  ils 
font  chargés  quand  on  a  peint. 

Il  faut  avoir  un  morceau  de  cryftal  de 
roche  ,  ou  d'agate  ,  que  ce  cryftal  foit  un 
peu  arrondi  par  les  bords  ;  c'eft  là-deiïus 
qu'on  broiera  6k  délaiera  fes  couleurs  ;  on 
les  broiera  6k  délaiera  jufqu'à  ce  qu'elles 
faflent  fous  la  molette  la  nrême  fenfation 
douce  que  l'huile  même. 
"SU  faut  avoir  pour  palette  un  verre  ou 
cryftal  qu'on  tient  pofé  fur  un  papier  blanc; 
on  portera  les  couleurs  broyées  fur  ce 
morceau  de  verre  ou  de  cryftal  ;  6k  le  papier 
blanc  fervira  à  les  faire  paroître  à  l'œil  telles 
qu'elles  font. 

Si  l'on  vouloit  faire  fervir  des  couleurs 
broyées  du  jour  au  lendemain,  on  auroit 
une  boîte  de  la  forme  de  la  palette  ;  on 
colleroitun  papier  fur  le  haut  de  la  boîte  ; 
ce  papier  foutiendroit  la  palette  qu'on  cou- 
vriroit  du  couvercle  même  de  la  boîte  ; 
caria  palette  ne  portant  que  fur  les  bords 
de  la  boîte  ,  elle  n'empêcheroit  point  que 
le  couvercle  ne  fe  pût  mettre!  Mais  il  arri- 
vera que  le  lendemain  les  couleurs  deman- 

Aa  2 


188  E  M  A 

deiont  à  être  humectées  avec  de  l'huile 
nouvelle,  celle  de  la  veille  s'étantengraif- 
fée  par  i'évaporation. 

On  commencera  par  tracer  fon  deffin  : 
pour  cela  ,  on  fe  fervira  du  rouge  de  mars  ; 
on  donne  alors  la  préférence  à  cette  cou- 
leur,  parce  qu'elle  eft  légère  ,  &c  qu'elle 
n'empêche  point  les.couleurs  qu'on  appli- 
que deflus ,  de  produire  l'effet  qu'on  en 
attend.  On  deffinera  fon  morceau  en  entier 
avec  le  rouge  de  mars  ;  il  faut  que  ce  pre- 
mier trait  foit  de  la  plus  grande  correction 
poffible  ,  parce  qu'il  n'y  a  plus  à  y  revenir. 
Lefeupeutdétruirecequel'artifteaurabien 
ou  mal  fait  ;  mais  s'il  ne  détruit  pas ,  il  fixe 
&  les  défauts  &  les  beautés.  Il  en  eft  de 
cette  peinture  à-peu-près  ainfiquede  la 
frefque  ;  il  n'y  en  a  point  qui  demande 
plus  de  fermeté  dans  le  deffinateur,  &  il 
n'y  a  point  de  peintres  qui  foient  moins 
5.ûrs  de  leur  deffin  que  les  peintres  en  émail  : 
il  ne  feroit  point  difficile  d'en  trouver  la 
raifon  dans  la  nature  même  de  la  peinture 
en  émail;  fes  inconvéniens  doivent  rebuter 
les  grands  talens. 

L'artifte  a  à  côté  de  lui  une  poêle  où 
l'on  entretient  un  feu  doux  ck  modéré  fous 
la  cendre  ;  à  mefure  qu'il  travaille,  il  met 
fon  ouvrage  fur  une  plaque  de  tôle  percée 
de  trous ,  &  le  fait  fécher  fur  cette  poêle  : 
û  on  l'interrompt  ,  il  le  garantit  de  l'im- 
preffion  de  l'air  ,  en  le  tenant  fous  un 
couvercle  de  carton. 

Lorfque  tout  fon  deffin  eft  achevé  au 
rouge  de  mars  ,  il  met  fa  plaque  fur  un 
morceau  de  tôle ,  &  la  tôle  fur  un  feu 
doux ,  enfuite  il  colorie  fon  deffin  comme 
il  le  juge  convenable.  Pour  cet  effet ,  il 
commence  par  paffer  fur  l'endroit  dont  il 
s'occupe ,  une  teinte  égale  &  légère ,  puis 
il  fait  fécher;  il  pratique  enfuite  fur  cette 
teinte  les  ombres  avec  la  même  couleur 
couchée  plus  forte  ou  plus  foible  ,  &  fait 
lécher  ;  il  accorde  ainfi  tout  fon  morceau , 
obfervant  feulement  que  cette  première 
ébauche  foit  par-tout  extrêmement  foible 
de  couleur  ;  alors  fon  morceau  eft  en  état 
de  recevoir  un  premier  feu. 

Pour  lui  donner  ce  premier  feu,  il  faudra 
d'abord  l'expofer  fur  la  tôle  percée,  à  un 
feu  doux  dont  on  augmentera  la  chaleur 
à  mefure  que  l'huile  s'évaporera.  L'huile  à 


E  M  A 

force  de  s'évaporer ,  &  la  pièce  à  force 
de  s'échauffer ,  il  arrivera  à  celle-ci  de  fe 
noircir  fur  toute  fa  furface  :  on  la  tiendra 
fur  le  feu  jufqu'à  ce  qu'elle  celle  de  fumer. 
Alors  on  pourra  l'abandonner  fur  les  char- 
bons ardens  de  la  po'ële,  &  l'y  lailTer  juf- 
qu'à ce  que  le  noir  foit  diffipé,  &  que  les 
couleurs  foient  revenues  dans  leur  premier 
état  :  c'eft  le  moment  de  la  palier  au  feu. 

Pour  la  pafTer  au  feu  ,  on  oblëi  vera  de 
l'entretenir  chaude  ;  on  chargera  le  four- 
neau ,  comme  nous  l'avons  prefcrit  plus 
haut  ;  c'eft  le  temps  même  qu'il  mettra  à 
s'allumer,  qu'on  emploiera  à  faire  fécher 
la  pièce  fur  la  poêle.  Lorfqu'on  aura  lieu  de 
préfumer ,  à  la  couleur  rouge-blanche  de  la 
moufle  ,  qu'il  fera  fuffifamment  allumé  ;  on 
placera  la  pièce  &  fa  tôle  percée  fous  la 
moufle  ,  le  plus  avancées  vers  le  fond  qu'on 
pourra.  On  obfervera  entre  les  charbons 
qui  couvriront  fon  entrée  ,  ce  qui  s'y  paf- 
fera.  Il  ne  faut  pas  manquer  l'inftant  où  la 
peinture  fe  parfond ,  on  le  connoîrra  à  un 
poli  qu'on  verra  prendre  à  la  pièce  fur  toute 
fa  furface  ;  c'eft  alors  qu'il  faudra  la  retirer. 

Cette  manœuvre  eft  très-critique  :  elle 
tient  Partifte  dans  la  plus  grande  inquié- 
tude ;  il  n'ignore  pas  en  quel  état  il  a  mis  fa 
pièce  au  feu ,  ni  le  temps  qu'il  a  employé  à 
la  peindre:  mais  il  ne  fait  point  du  tout 
comment  il  l'en  retirera,  ck  s'il  ne  perdra 
pas  en  un  moment  le  travail  affidu  de  plu- 
fieurs  femaines.  C'eft  au  feu ,  c'eft  fous  la 
moufle  que  fe  manifeftent  toutes  les  mau- 
vaises qualités  du  charbon,  du  métal ,  des 
couleurs  &:  de  ['émail;  lespiquures,  les 
fouflures  ,  les  fentes  mêmes.  Un  coup  de 
feu  efface  quelquefois  la  moitié  de  la  pein- 
ture ;  &t  de  tout  un  tableau  bien  travaillé, 
bien  accordé  ,  bien  fini ,  il  ne  refte  fur  le 
fond  que  des  pies,  des  mains,  des  têtes, 
des  membres  épars  &  ifolés  ;  le  refte  du 
travail  s'eft  évanoui  :  auffi  ai-je  oui  dire  à 
des  artiftes  que  le  temps  de  paffer  au  feu  , 
quelque  court  qu'il  (ut,  étoitprefque  un 
temps  de  fièvre  qui  les  fatiguoit  davantage 
&  nuifoit  plus  à  leur  fanté ,  que  des  jours 
entiers  d'une  occupation  continue. 

Outre  les  qualités  mauvaifes  du  charbon, 
des  couleurs,  de  l'émail,  du  métal,  aux- 
quelles j'ai  fouvent  oui  attribuer  les  acci- 
dens  du  feu  j  on  en  accufe  quelquefois 


E   M   A 

encore  la  mauvaife  température  de  l'air  \ 
ck  même  l'haleine  des  personnes  qui  ont 
approché  de  la  plaque  pendant  qu'on  la 
peignoit. 

Les  artiftes  vigilans  éloigneront  d'eux 
ceux  qui  auront  mangé  de  l'ail,  ck  ceux 
qu'ils  foupç onneront  être  dans  les  remèdes 
mercuriels. 

Il  faut  obferver  dans  l'opération  de  paflfer 
au  feu  ,  deux  chofes  importantes  ;  la  pre- 
mière détourner  ck  de  retourner  fa  pièce 
afin  qu'elle  foit  par-tout  également  échauf- 
fée :  la  féconde  ,  de  ne  pas  attendre  à  ce 
premier  feu  que  la  peinture  ait  pris  un  poli 
vif;  parce  qu'on  éteint  d'autant  plus  faci- 
lement les  couleurs  que  la  couche  en  eft 
plus  légère,  ck  que  les  couleurs  une  fois 
dégradées ,  Te  mal  eft  fans  remède  ;  car 
comme  elles  font  tranfparentes  ,  celles 
qu'on  coucheroit  defïus  dans  la  fuite  ,  tien- 
cîroient  toujours  de  la  foibleiTe  ck  des 
autres  défauts  de  celles  qui  feroient  delTous. 

Après  ce  premier  feu  ,  il  faut  difpofer 
la  pièce  à  en  recevoir  un  fécond.  Pour 
cet  effet ,  il  faut  la  repeindre  toute  en- 
tière; colorier  chaque  partie  comme  il  eft 
naturel  qu'elle  le  foit  ,  ck  la  mettre  d'ac- 
cord aufli  rigoureufement  que  fi  le  fécond 
feu  devoit  être  le  dernier  qu'elle  eût  à 
recevoir  ;  il  eft  à  propos  que  la  couche 
des  couleurs  foit  pour  le  fécond  feu  un 
peu  plus  forte  ,  ck  plus  caraftéri  fée  qu'elle 
ne  l'étoit  pour  le  premier.  C'eft  avant 
le  fécond  feu  qu'il  faut  rompre  (es  cou- 
leurs dans  les  ombres ,  pour  les  accorder 
avec  les  parties  environnantes  :  mais  cela 
fait ,  la  pièce  eft  difpofée  à  recevoir  un 
fécond  feu.  On  la  fera  fécher  fur  la  poêle 
comme  nous  l'avons  preicrit  pour  le  pre- 
mier ,  ck  l'on  fe  conduira  exactement  de 
la  même  manière  ,  excepté  qu'on  ne  la 
retirera  que  quand  elle  paroîtra  avoir  pris 
fur  toute  fa  furface  un  poli  un  peu  plus 
vif  que  celui  qu'on  lui  vouloit  au  premier 
feu. 

Après  ce  fécond  feu ,  on  la  mettra  en 
état  d'en  recevoir  un  troifieme ,  en  la 
repeignant  comme  on  l'avoit  repeinte 
avant  que  de  lui  donner  le  fécond  ;  une 
attention  qu'il  ne  faudra  pas  négliger,  c'eft 
de  tonifier  encore  les  couches  des  cou- 
leurs ,  ck  ainfi  de  fuite  de  feu  en  feu. 


E  M    A 


1S9 


On  pourra  porter  une  pièce  jufqu'à 
cinq  feux  ;  mais  un  plus  grand  nombre 
feroit  fouffrir  les  couleurs  ,  encore  faut-il 
en  avoir  d'excellentes  pour  qu'elles  puif- 
fent  fupporter  cinq  fois  le  fourneau. 

Le  dernier  feu  eft  le  moins  long;  on 
réferve  pour  ce  feu  les  couleurs  tendres  , 
c'eft  par  cette  raifon  qu'il  importe  à  lar- 
tifte  de  les  bien  connoître.  L'artifte  qui 
connoîtra  bien  fa  palette  ,  ménagera  plus 
ou  moins  de  feux  à  fes  couleurs  félon 
leurs  qualités.  S'il  a,  par  exemple,  un  bleu 
tenace ,  il  pourra  l'employer  dès  le  pre- 
mier feu  ;  fi  au  contraire  fon  rouge  eft 
tendre,  il  en  différera  l'application  juf- 
qu'aux  derniers  feux  ,  ck  ainfi  des  autres 
couleurs.  Quel  genre  de  peinture  ?  com- 
bien de  difficultés  à  vaincre?  combien 
d'accidens  à  eiïiryer  ?  voilà  ce  qui  faifoit 
dire  à  un  des  premiers  peintres  en  émail 
à  qui  l'on  montroit  un  endroit  foible  à 
retoucher ,  ce  fera  pour  un  autre  morceau. 
On  voit  par  cette  réponfe  combien  fes 
couleurs  lui  étoient  connues  :  l'endroit 
qu'on  reprenoit  dans  fon  ouvrage  étoit 
foible  à  la  vérité,  mais  il  y  avoit  plus  à 
perdre  qu'à  gagner  à  le  corriger. 

S'il  arrive  à  une  couleur  de  difparoître 
entièrement ,  on  en  fera  quitte  pour  re- 
peindre, pourvu  que  cet  accident  n'arrive 
pas  dans  les  derniers  feux. 

Si  une  couleur  dure  a  été  couchée  avec 
trop  d'huile  ck  en  trop  grande  quantité  , 
elle  pourra  former  une  croûte  fous  laquelle 
il  y  aura  infailliblement  des  trous  :  dans 
ce  cas  ,  il  faut  prendre  le  diamant  ck 
gratter  la  croûte  ,  reparler  au  feu  afin 
d'unir  ck  de  repolir  l'endroit ,  repeindre 
toute  la  pièce ,  ck  fur-tout  fe  modérer 
dans  l'ufage  de  la  couleur  fufpecte. 

Lorfqu'un  verd  fe  trouvera  trop  brun  , 
on  pourra  le  rehauffer  avec  un  jaune  pâle 
ck  tendre  ;  les  autres  couleurs  ne  fe  re- 
haufleront  qu'avec  le  blanc  ,  &c. 

Voilà  les  principales  manœuvres  de  la 
peinture  en  émail  ;  c'eft  à-peu-près  tout 
ce  qu'on  peut  en  écrire;  le  refte  eft  une 
affaire  d'expérience  ck  de  génie.  Je  ne 
fuis  plus  étonné  que  les  artiftes  d'un  certain 
ordre  fe  déterminent  fi  rarement  à  écrire. 
Comme  ils  s'apperçoivent  que  dans  quel- 
ques détails  qu'ils  puiftent  entrer ,  ils  n'en 


190  E  M  A 

diroient  jamais  allez  pour  ceux  que  la 
nature  n'a  point  préparés,  ils  négligent 
de  prefcrire  des  règles  générales,  com- 
munes ,  grofîieres  ck  matérielles  qui  pour- 
roient  à  la  vérité  fervir  à  la  confervation 
de  l'art ,  mais  dont  l'obfervation  la  plus 
fcrupuleufe  feroit  à  peine  un  artifte  mé- 
diocre. 

Voici  des  obfervations  qui  pourront 
fervir  à  ceux  qui  auront  le.  courage  de 
s'occuper  de  la  peinture  fur  l'émail  ou 
plutôt  fur  la  porcelaine.  Ce  font  des 
notions  élémentaires  qui  auroient  leur  uti- 
lité, fi  nous  avions  pu  les  multiplier,  èk 
en  former  un  tout  ;  mais  il  faut  efpérer 
que  quelque  homme  ennemi  du  myftere  , 
ck  bien  inftruit  de  tous  ceux  de  la  pein- 
ture fur  Y  émail  ck  fur  la  porcelaine ,  achè- 
vera ,  rectifiera  même  dans  un  traité 
complet  ce  que  nous  ne  faifons  qu'ébau- 
cher ici.  Ceux  qui  connoifîent  l'état  où. 
font  les  chofes  aujourd  hui  ,  apprécieront 
les  peines  que  nous  nous  fouîmes  données  ; 
en  profiteront ,  nous  finiront  gré  du  peu 
que  nous  révélons  de  l'art,  ck  trouveront 
notre  ignorance ,  6k  même  nos  erreurs 
très-pardonnables* 

1.  Toutes  les  quinreftences  peuvent 
fervir  avec  fuccès  dans  l'emploi  des  cou- 
leurs en  émail.  On  fait  de  grands  éloges 
de  celle  d'ambre  ;  mais  elle  eft  fort  chère. 

2.  Toutes  les  couleurs  font  tirées  des 
métaux  ,  ou  des  bols  dont  la  teinture  tient 
au  feu.  Ce  font  des  argiles  colorées  par 
les  métaux-couleurs. 

3.  On  tire  du  fafre  un  très-beau  bleu. 
Le  cobolt  donne  la  même  couleur,  mais 
plus  belle  ;  auffi  celui-ci  eft-il  plus  rare 
ek  plus  cher  ;  car  le  fafre  n'eft  autre  chofe 
que  du  cobolt  adultéré. 

4.  Tous  les  verds  viennent  du  cuivre, 
foit  par  la  diflblution  ,  foit  par  la  calci- 
nation. 

5.  On  tire  les  mars  du  fer.  Ces  cou- 
leurs font  volatiles  ;  à  un  certain  degré 
de  feu  elles  s'évaporent  ou  fe  noirciffent. 

6.  Les  mars  font  de  différentes  cou- 
leurs ,  félon  les  difFérens  fondans.  Ils  va- 
rient aufli  félon  la  moindre  variété  qu'il 
y  ait  dans  la  réduction  du  métal  en  fafran. 
?  7.  La  plus  belle  couleur  que  l'on  puiffe 
fe  propofer  d'obtenir  du  fer ,  c'eft  le  rouge. 


E  M  A 

Les  autres  couleurs  qu'on  en  tire  ne  font 
que  des  combinaifons  de  difFérens  diiïol- 
vans  de  ce  métal. 

8.  L'or  donnera  les  pourpres  ,  les  car- 
mins ,  ck  les  violets.  La  teinture  en  eft 
fi  forte  ,  qu'un  grain  d'or  peut  colorer 
jufqu'à  400  fois  fa  pefanteur  de  fondant. 

9.  Les  bruns  qui  viennent  de  l'or  ne 
font  que  des  pourpres  manques  ;  ils  n'en 
font  pas  moins  efîentiels  à  l'artifte. 

10.  En  général  les  couleurs  qui  viennent 
de  l'or  font  permanentes.  Elles  fouffrent 
un  degré  de  feu  confidérable.  Cet  agent 
les  altérera  pourtant ,  fi  l'on  porte  fon 
action  à  un  degré  exeeflïf.  Il  n'y  a  guère 
d'exception  à  cette  règle  ,  que  le  violet 
qui  s'embellit  à  la  violence  du  feu. 

1 1 .  On  peut  tirer  un  violet  de  la  man- 
ganefe  ;  mais  il  eft  plus  communique  celui 
qui  vient  de  l'or. 

12.  Le  jaune  n'eft  pour  l'ordinaire  qu'un 
émail  opaque  qu'on  acheté  en  pain  ,  ck 
que  l'on  broie  très-fin.  On  tire  encore 
cette  couleur  belle ,  mais  foncée  ,  du  jaune 
de  Naples. 

13.  Les  pains  de  verre  opaque  donnent 
auffi  des  verds  :  ils  peuvent  être  trop  durs  ; 
mais  on  les  attendrira  par  le  fondant. 
Alors  leur  couleur  en  deviendra  moins 
foncée. 

14.  L'étain  donnera  du  blanc. 

15.  On  tirera  un  noir  du  fer. 

16.  Le  plomb  ou  le  minium  donnera 
un  fondant  ;  mais  ce  fondant  n'eft  pas 
fans  déraut.  Cependant  on  s'opiniâtre  à 
s'en  fervir  ,  parce  qu'il  eft  le  plus  facile 
à  préparer. 

17.  La  glace  de  Venife ,  les  ftras  ,  la 
rocaille  de  Hollande ,  les  pierres-à-fufil 
bien  mûres  ,  c'eft-à-dire  bien  noires  ;  le 
verre  deNevers,  les  cryftauxde  Bohême, 
le  fablon  d'Etampes ,  en  un  mot  toutes 
les  matières  vitririabîes  non  colorées ,  four- 
niront des  fondans  ,  entre  lefquels  un  des 
meilleurs  fera  la  pierre-à-fufil  calcinée. 

18.  Entre  ces  fondans  ,  c'eft  à  l'artifte 
à  donner  à  chaque  couleur  celle  qui  lui 
convient.  Tel  fondant  eft  excellent  pour 
le  rouge ,  qui  ne  vaut  rien  pour  une  autre 
couleur.  Et  fans  aller  chercher  loin  un 
exemple  ,  le  violet  ck  le  carmin  n'ont 
pas  le  même  fondant. 


EM  A 

19.  En  général  toutes  les  matières  cal-  ! 
cinables  ck  coloriées  après  l'acTion  du  feu  , 
donneront  des  couleurs  pour  Yémail. 

20.  Ces  couleurs  primitives  produifent  I 
par  leur  nv'lange  une  variété  infinie  de 
teintes  dont  fartifte  doit  avoir  laconnoif-  j 
fance  ,  ainfi  que  de  l'affinité  ck  de  l'an-  \ 
tipaihie  qu'il    peut   y   avoir    entre   elles 
toutes. 

21.  Leverd,  le  jaune,  ck  le  bleu,  ne 
s'accordent  point  avec    les  mais  ,  quels 
qu'ils  foient.  Si  vous  mettez  des  mars  fur 
le  verd  ou  le   jaune   ou  le  bleu  ,  avant 
que  de  pafTer  au  feu;  quand  votre  pièce  ,  I 
foie  émail ,  foi:  porcelaine,  fortira  de  la  ! 
moufle  ,  les  mars  auront  difparu  ,  comme  I 
fi  l'on  n'en  avoit  point  employé.  Il  n'en  1 
fera  pas  de  même,  (i  le  verd,  le  jaune,  | 
&  !e  bleu  ont  été  cuits,  avant  que  d'avoir 
employé  les  mars. 

22.  Que  tout  artifte  qui  voudra  s'efiayer 
à  peindre  en  émail,  ait  plufieurs  inven- 
taires ,  c'eft-à-dire,  une  plaque  qui  puiffe 
contenir  autant  de  petits  quarrés  que  de 
couleurs  primitives;  qu'il  y  éprouve  fes 
couleurs  dégradées  de  teintes  ,  félon  le 
plus  ck  le  moins  d'épaifTeur.  Si  l'on  glace 
d'une  même  couleur  tous  ces  quarrés  de 
différentes  couleurs,  on  parviendra  nécef- 
fairement  à  des  découvertes.  Le  feul  in- 
convénient, c'eft  d'éviter  le  mélange  de 
deux  couleurs  qui  bouillonnent,  quand 
elles  fe  trouvent  l'une  fur  l'autre  avant  la 
cuilTon. 

23.  Au  refte,  les  meilleures  couleurs 
mal  employées  ,  pourront  bouillonner. 
Les  inégalités  feules  d'épaifTeur  peuvent 
jeter  dans  cet  inconvénient  ;  le  lijje  s'en 
altérera.  J'entends  par  le  lijje  TégaUté  d'é- 
clat ck  de  fuperficie. 

24.  On  peut  peindre,  foit  à  l'huile  , 
foit  à  l'eau.  Chacune  de  ces  manières  a 
fes  avantages.  Les  avantages  de  l'eau  font 
d'avoir  une  palette  chargée  de  toutes 
les  couleurs  pour  un  très- long  temps;  de 
les  avoir  toutes  à  la  fois  fous  les  yeux, 
ck  de  pouvoir  terminer  un  morceau  en 
moins  de  feu,  ck  par  conféquent  avec 
moins  de  danger.  D'ailleurs  on  expédie 
plub  promp  ement  avec  l'eau.  Quant  aux 
avantages  de  l'huile ,  le  poinulé  elt  plus 
facile  ;  il  en  eft  de  même  pour  les  petits 


E  M  A  191 

détails  ;  ck  cela  à  caufe  de  la  finefTe  des 
pinceaux  qu'on  emploie  ,  &  la  lente  éva- 
poration  de  l'huile  que  l'on  aura  eu  la 
précaution  d'engramer  au  foleil  ou  au 
bain-marie. 

25.  Pour  peindre  à  l'eau  ,  prenez  de  la 
couleur  en  poudre  ,  broyez  -  la  avec  de 
l'eau  filtrée  :  ajoutez -y  la  quantité  de 
gomme  néceiTaire  ;  laifTez  -  la  fécher  fur 
votre  palette  ,  en  la  garantifTanr  de  la 
pouffiere  juiqu  à  ce  qu'elle  foit  parfaite- 
ment (eche  :  alors  prenez  un  pinceau  avec 
de  l'eau  pure  ,  enlevez  pa~  le  frottement 
avec  le  pinceau  charge  d'eau  toute  la 
fuperficie  de  votre  couleur  ,  pour  en  fé- 
parer  la  gomme  q  ù  fe  porte  toujours  à 
la  furface.  Quand  vous  aurez  fait  cette 
opération  à  toutes  vos  couleurs,  peignez  , 
m  >s  a\ec  le  moins  d'eau  qu'il  vous  fera 
pofiible  ;  car  fi  votre  couleur  eft  trop 
fluide  ,  elle  fera  fujerte  à  couler  inéga- 
lement. Votre  lurface  fera  jafpée  ;  c'eft 
une  fuite  du  mouvement  que  la  couleur 
auraconfervé  après  que  l'artifle  aura  donné 
fa  touche ,  6k  de  la  pente  du  fluide  qui 
aura  entraîné  la  couleur  ;  la  richefle  de 
la  teinte  en  fouffrira  aufli.  Eile  deviendra 
livide,  plombée,  louche  ,  ce  que  les  pein- 
tres appellent  noyée.  Employez  donc  vos 
couleurs  les  pîusfeches  qu'il  vous  fera  pof- 
fible  ,  ck  le  plus  également;  vous  éviterez 
en  même  temps  les  épatfTeurs.  Lorfque 
vous  voudrez  mettre  une  teinte  fur  une 
autre ,  opérez  de  manière  que  vous  ne 
palliez  le  pinceau  qu'une  feule  fois  fur  le 
même  endroit.  Attendez  que  la  couleur 
foit  feche  pour  en  remettre  une  "autre  par- 
deffus,  fans  quoi  vous  vous  expoferez  à 
délayer  celle  de  deflbus  ;  inconvénient 
dans  lequel  on  tombe  nécelTairement, 
lorfque  appliquant  la  couleur  fupérieure  à 
plufieurs  reprifes  ,  le  pinceau  va  ck  revient 
plufieurs  fois  fur  la  couleur  inférieure.  Si 
vos  contours  ont  befoin  d'être  châtiés, 
prenez,  pour  les  diminuer  d'épaifTeur  , 
une  pointe  d'ivoire  ou  de  buis,  ck  les 
rendez  correéts  en  retranchant  le  fuperflu 
avec  cette  pointe;  évitez  fur-tout  le  trop 
de  gomme  dans  vos  couleurs.  Quand  elles 
font  trop  gommées ,  elles  fe  déchirent 
par  veines,  ck  laifTeni  au  fortir  du  feu, 
en  fe  ramaffant  fur  elles  -  mêmes ,  de 


i^i  E  M  A 

petites  traces  qui  forment  comme  un  réfeau 
très-fin  ,  6c  le  fond  paroît  à  travers  ces 
traces  ,  qui  font  comme  les  fils  du  réfeau. 
N'épargnez  pas  les  expériences  ,  afin  de 
conftater  la  jufte  valeur  de  vos  teintes. 
N'employez  que  celles  dont  vous  ferez 
parfaitement  fur  ,  tan/  pour  la  quantité  de 
gomme  que  pour  Faction  du  feu  ;  vous 
remédierez  au  trop  de  gomme ,  en  re- 
broyant les  couleurs  à  l'eau  ,  6c  y  rajou- 
tant une  quantité  fuffifante  de  couleurs  en 
poudre. 

26.  Le  blanc  eft  ami  de  toutes  les  cou- 
leurs; mêlé  avec  le  carmin,  il  donne  une 
teinte  rofe,  plus  ou  moins  foncée,  félon 
le  plus  ou  le  moins  de  carmin. 

27.  Le  blanc  6c  le  pourpre  donnent  le 
lilas  ;  ajoutez-y  du  bleu ,  &  vous  aurez 
un  violet  clair.  Sa  propriété  fera  d  eclair- 
cir  les  couleurs,  en  leur  donnant  de  l'o- 
pacité. 

28.  Le  bleu  &  le  jaune  produiront  le 
verd.  Plus  de  jaune  que  de  bleu  donnera 
un  verd  plus  foncé  ck  plus  bleu. 

29.  L'addition  du  violet  rendra  le  noir 
plus  beau  &  plus  fondant ,  &  l'empêchera 
de  fe  déchirer;  ce  qui  lui  arrive  toujours, 
quand  il  eft  employé  feul. 

30.  Le  bleu  6c  le  pourpre  formeront 
un  violet. 

3 1 .  Le  bleu  ne  perdra  jamais  fa  beauté , 
à  quelque  feu  que  ce  foit. 

32.  Les  verds,  jaunes  ,  pourpres  ,  6k 
carmins ,  ne  s'évaporent  point  ;  mais  leurs 
teintes  s'affoibliffent ,  ck  leur  fraîcheur  fe 
fane. 

33.  Les  mars  font  tous  volatils  ,  le  fer 
fe  revivifiant  par  la  moindre  fumée  ,  l'é- 
tincelle la  plus  légère ,  ils  deviennent  noirs 
&  non  brillans. 

Voilà  l'alphabet  affez  incomplet  de  celui 
qui  fe  propofe  de  peindre  ,  foit  fur  F  émail, 
foit  fur  la  porcelaine. 

Nous  avons  indiqué  feulement  les  ma- 
tières d'où  l'on  tire  les  couleurs  ;  fi  nous 
pouvons  parvenir  à  connoître  les  procédés 
qu'il  faut  fuivre  pour  les  tirer  ,  nous  les 
donnerons  à  l'are.  PORCELAINE.  Parmi 
tant  de  perfonnes  qui  s'intérefTent  au  fuc- 
cès  de  cet  ouvrage ,  ne  s'en  trouvera-t-il 
aucune  qui  lui  fafTe  ce  préfent  ? 

III.  L'a rt  d'employer  les  émaux  tranfpa- 


E  M  A 

rens  &  clairs.  Ce  travail  ne  fe  peut  faire 
que  fur  l'or;  ou  ,  fi  l'on  veut  appliquer 
des  émaux  clairs  6c  tranfparens  fur  le  cui- 
vre ,  il  faut  (  félon  quelques  auteurs  ) 
mettre  au  fond  du  champlever  une  couche 
de  verre  ou  d'émail  noir  ,  6t  couvrir  cette 
couche  d'une  feuille  d'or  qui  reçoive  en- 
fuite  les  autres  émaux.  Quand  au  travail 
fur  l'or,  on  commencera  par  tracer  fon 
deflin  fur  la  plaque ,  par  le  champlever 
ôk  par  exécuter ,  comme  en  bas-relief, 
au  fond  du  champlever,  toutes  fes  figures, 
de  manière  que  leur  point  le  plus  élevé  foit 
cependant  inférieur  au  filet  de  la  plaque. 
La  raifon  en  eft  évidente; car  ce  font  les 
différentes  diftances  du  fond  à  la  furface 
qui  font  les  ombres  ck  les  clairs  :  mais 
comme  une  peinture  en  général  n'eft  qu'un 
afTemblage  d'ombres  6c  de  clairs  con- 
venablement distribués  ,  on  parvient  à 
grouper  des  figures  dans  le  genre  même 
de  peinture  dont  il  s'agit. 

On  prétend  qu'il  faut  que  l'or  employé 
foit  très-pur;  parce  que  les  émaux  clairs 
mis  fur  un  or  bas,  plombent,  c'eft-à-dire 
qu'il  s'y  forme  un  louche  qui  en  obfcurcit 
la  couleur  6c  la  bordure. 

Lorfque  la  plaque  a  été  ébauchée  à 
lechope  ,  on  la  finit  avec  des  outils  dont 
le  tranchant  eft  moufle  ,  parce  qu'il  faut 
que  tout  l'ouvrage  foit  coupé  d'un  poli 
bruni ,  fans  quoi  on  appercevroit  au  tra- 
vers des  émaux  les  traits  grofliers  du 
deffin. 

Cela  fait  ,  il  faut  broyer  des  émaux. 
Les  broyer,  pour  cette  efpece  de  peinture  r 
c'eft  feulement  les  mettre  en  grain  ,  en 
forte  qu'on  les  fente  graveleux  fous  le 
doigt.  Plus  on  pourra  les  employer  gros  y 
plus  les  couleurs  feront  belles. 

On  charge  comme  pour  X émail  ordi- 
naire ,  obfervant  de  diftribuer  fur  chaque 
partie  du  deflin  la  couleur  qu'on  croit  lui 
convenir ,  fi  le  fujet  eft  à  plusieurs  cou- 
leurs ;  6c  de  charger  également  par-tout  , 
û  c'eft  un  camaïeu. 

On  voit  combien  il  feroit  à  fouhaiter 
pour  la  perfe&ion  de  cette  peinture ,  qu'on 
eût  quelque  matière  tranfparente  8c  molle  > 
qui  pût  recevoir  toutes  fortes  de  couleurs y 
6c  dont  on  pût  remplir  6c  vuider  facilement 
le  champlever  de'  la  pièce.  L'artifte ,.  à 

l'aide 


E  M  A 

l'aide  de  cette  matière  ,  verfoit  d'avance 
l'effet  de  (es  émaux  y  donneroit  à  fon 
charnplever ,  ou  plutôt  aux  parties  de  fon 
bas-relief,  les  profondeurs  convenables; 
diftribueroir  d'une  manière  plus  sûre  & 
mieux  entendue  (es  ombres  &  Ces  clairs  , 
&  formeroit  un  tableau  beaucoup  plus 
parfait.  Je  ne  fais  fi  le  vernis  à  l'eau  de 
cire  de  M.  Bachelier  ,  n'auroit  pas  toutes 
les  conditions  requifes  pour  cet  ufage. 
{Voye\  V article  ENCAUSTIQUE.  )  L'idée 
de  perfectionner  ainfi  l'art  d'employer  les 
émaux  tranfparens ,  eft  de  M.  de  Montami , 
qui  ,  au  milieu  d'une  infinité  de  diftrac- 
tiorrs ,  fait  trouver  àes  inftans  à  donner 
à  l'étude  des  fciences  &  des  arts ,  qu'il 
aime  &  qu'il  cultive  en  homme  que  la 
nature  avoit  évidemmenc  deftiné  à  les  per- 
fectionner. 

Lorfque  la  pièce  eft  chargée  ,  on  la  laifîe 
fécher  à  l'air  libre.  Pour  la  paffer  au  feu  , 
on  allume  le  fourneau  à  l'ordinaire  :  quand 
il  eft  affez  chaud  ,  on  préfente  la  pièce  à 
l'entrée  de  la  moufle  ;  11  elle  fume  ,  on  la 
laifîe  fécher;  fi  elle  ne  fume  pas,  on  la 
laifTe  un  peu  s'échauffer  :  on  la  pouffe  en- 
fuite  tout-à-fait  fous  la  moufle  ;  on  l'y  tient 
jufqu'à  ce  que  les  émaux  fe  foient  fondus 
comme  à  l'ordinaire. 

Après  ce  premier  feu  ,  on  la  charge  une 
féconde  fois  ,  mais  feulement  aux  endroits 
où  ¥  émail  s'eft  trop  afraiffé ,  &  qui  fe 
trouvent  trop  bas.  La  première  fois  la  pièce 
avoit  été  également  chargée  par-tout ,  & 
les  émaux  s'élevoient  un  peu  au  defïùs  du 
niveau  de  la  plaque. 

Après  que  la  pièce  a  été  rechargée  dY- 
mail  y  on  la  paffe  au  feu  comme  la  première 
fois. 

Cela  fait ,  il  s'agit  d'ufer  les  émaux  avec 
le  grès.  Cette  manœuvre  ne  s'exécute  pas- 
autrement  que  nous  l'avons  prefcrit  dans 
Y  art  de  peindre  fur  V émail  blanc.  Lorfque 
la  pièce  eft  ufée  ,  on  la  repaffe  au  feu  qui 
l'unit  &  la  polit  ;  &  l'ouvrage  eft  achevé. 
Au  lieu  d'ufer  &  de  polir  ces  émaux  y 
comme  nous  l'avonsNçlit  de  Y  émail  blanc  , 
on  peut  y  employer  le  lapidaire. 
.  Les  émailleurs  en  émaux  clairs  &  tranf- 
parens  9  ont  deux  verds  ;  le  verd  de  pré , 
&  le  verd  d'aigue-marine  ;  deux  jaunes  , 
un  pale  &  un  foncé  :  deux  bleux  ,  un 
Tome  XII. 


E  M  A  193 

foncé  &  un  noir  ;  un  violet  ;  un  couleur 
de  rofe  ,  &  un  rouge.  Les  émaux  tranfpa- 
rens ,  purpurins  &  violets,  viennent  très- 
beaux  fur  l'argent  ;   mais  ils  s'y  attachent 


mal. 


La  manœuvre  du  feu  eft  la  même  pour 
toutes  ces  couleurs ,  excepté  pour  le  rou- 
ge ;  encore  y  a-t-il  un  rouge  que  les 
artiftes  appellent  le  pont-aux-ânes  ,  parce 
qu'il  vient  rouge  fins  art ,  &  qu'il  fè 
trouve  quelquefois  aufli  beau  que  celui 
qu'on  traite  avec  beaucoup  de  peine  &  de 
foin. 

Quant  à  l'autre  rouge,  voici  comment 
il  s'emploie.  Il  faut  le  broyer  à  l'ordinaire, 
&  l'appliquer  fur  un  or  à  vingt-trois  carats, 
fi  l'on  veut  qu'il  foit  beau  ;  car  le  moin- 
dre alliage  le  gâte.  Si  l'or  eft  abfolument 
pur ,  le  rouge  viendra  le  plus  beau  qu'il  efl 
polhble. 

Quand  il  eft  broyé  ,  on  le  charge  à  l'or- 
dinaire ,  en  deux  feux  qu'il  faut  lui  donner 
les  plus  violens.  Il  fort  de  ces  feux  d'une 
belle  couleur  de  paille. 

Si  l'on  veut  que  la  pièce  foit  ufée ,  c'efl 
alors  qu'il  faut  l'ufer.  Enfuite  on  fait  revenir 
Y  émail  de  couleur  rouge ,  en  le  préfentant 
à  l'entrée  de  la  moufle  ,  &  tournant  &  re- 
tournant la  pièce ,  jufqu'à  ce  que  le  rouge 
ait  pris  une  teinte  égale. 

Il  faut  que  la  pièce  foit  refroidie , 
quand  on  la  préfente  à  l'entrée  de  la 
moufle. 

Pour  connoître  fes  couleurs ,  il  faut  que 
l'artifte  ait  de  petits  morceaux  d'or  où  il 
a  pratiqué  autant  de  logemens  chample- 
vés  ,  qu'il  a  de  couleurs.  Il  en  flinquera 
le  fond  avec  un  infiniment  poli  :  il  les 
chargera  enfuite  ,  &  les  parlera  au  feu  ; 
voilà  ce  qui  lui  tiendra  lieu  de  palette ,  & 
ce  qui  le  dirigera  dans  l'application  de  fes 
émaux. 

Parmi  les  émaux  clairs  &  tranfparens , 
il  y  en  a  beaucoup  de  défectueux.  Leur 
défaut  eft  de  laiffer  trop  peu  de  temps  k 
l'artifte  pour  charger  fa  pièce.  Pour  peu 
qu'il  foit  lent  à  cette  opération  ,  leurs  cou- 
leurs deviennent  louches  &  bourbeufes ,  et 
dont  on  ne  s'apperçoit  malheureufement 
qu'au  fortir  du  feu. 

Il  eft  donc  important  de  charger  vue, 
&  plus   encore  de  n'avoir  point  de  ces 

Bb 


j94  E  M  A 

émaux  dont  les  couleurs  font  incons- 
tantes. 

On  préfume  que  c'eft  l'eau  qui  les  al- 
tère ;  cependant  il  y  en  a  de  fi  bonnes, 
qu'on  les  garderoit  huit  jours  entiers  dans 
l'eau  ,  fans  qu'elles  perdiflent  rien  de  leur 
éclat. 

IV.  L'art  d'cmploycrVémailà  la  lampe. 
C'eft  de  tous  les  arts  que  je  connoHTe  un 
des  plus  agréables  &  des  plus  amufans  :  il 
n'y  a  aucun  objet  qu'on  ne  puifTe  exécu- 
ter en  émail  par  le  moyen  du  feu  de  la 
lampe ,  &  cela  en  très-peu  de  temps  ,  & 
plus  ou  moins  parfaitement  félon  qu'on  a 
une  moindre  ou  une  plus  grande  habitude 
de  manier  les  émaux  y  &  une  connoif- 
faace  plus  ou  moins  étendue  de  l'art  de 
modeler.  Pour  exceller  dans  ce  genre  ,  il 
ieroit  donc  à  propos  de  commencer  par 
apprendre  le  deiïln  pendant  quelque  temps , 
&  de  s'occuper  enfuite  avec  quelque  affi- 
duité  à  modeler  toutes  fortes  d'objets  & 
de  figures. 

Pour  travailler  à  la  lampe  ,  il  faut  com- 
mencer par  fe  procurer  des  tubes  de  verre 
de  toutes  fortes  de  groffeurs  &  de  toutes 
fortes  de  couleurs  ;  des  tubes  d'émail  de 
toutes  fortes  de  grondeurs  &  de  toutes  fortes 
de  couleurs  ,  &  des  baguettes  d'émail  de 
verre  folides  de  toutes  fortes  de  groffeurs  & 
de  toutes  fortes  de  couleurs. 

Il  faut  avoir  une  table  large  &  haute 
à  difcrétion  ,,  autour  de  laquelle  on  puifïe 
placer  commodément  pîufieurs  lampes  & 
pluiieurs  ouvriers  ,  &  fous  laquelle  on  ait 
adapté  un  grand  foufflet  à  double  vent, 
que  l'un  des  ouvriers  met  en  mouvement 
avec  le  pié ,  pour  aviver  &  exciter  la 
flamme  des  lampes ,  qui  étendue  en  lon- 
gueur par  ce  moyen ,  &  refîèrrée  dans 
un  efpace  infiniment  étroit ,  relativement 
à  celui  qu'elle  occupoit  auparavant ,  en 
devient  d'une  ardeur  &  d'une  vivacité  in- 
croyable. 

Il  faut  que  des  rainures  pratiquées  dans 
l'épai fleur  du  deflbus  de  la  table ,  &  re- 
couvertes de  parchemin  ,  fervent  à  con- 
duire le  vent  à  des  tuyaux  placés  devant 
chaque  lampe.  Ces  tuyaux  font  de  verre  't 
ils  font  recourbés  par  le  bout  qui  dirige 
le- vent  dins  le  corps  de  la  flamme  de  la 
iamxe»  Le  trou  dont  ils  font  gercés  à  ce 


E  M  A 

bout  eft  afTez  petit.  Il  s'agrandit  à  l'ufer , 
mais  on  le  rétrécit  au  feu  de  la  lampe  même , 
en  le  tournant  quelque  temps  à  ce  feu.  II 
faut  avoir  pluiieurs  de  ces  tuyaux  qui  font 
la  fonction  de  chalumeaux ,  afin  d'en  re- 
changer quand  il  en  eft  befoin  :  on  les  appelle 
porte-vents. 

Afin  que  l'ouvrier  ne  foit  point  incom- 
modé de  l'ardeur  de  la  lampe  ,  il  y  a  entre 
la  lampe  &  lui  un  morceau  de  bois  quarré  , 
ou  une  platine  de  fer-blanc  ,  qu'on  appelle 
un  éventail.  L'éventail  eft  fixé  dans  l'établi 
par  une  queue  de  bois  ,  &  l'ombre  en  eft 
jetée  fur  le  vifage  de  l'ouvrier. 

La  lampe  eft  de  cuivre  ou  de  fer-blanc. 
Elle  eft  compofée  de  deux  pièces  ;  l'une  , 
qu'on  nomme  la  boîte  y  &  l'autre  qui 
retient  le  nom  de  lampe  recette  dernière 
eft  contournée  en  ovale  ;  fa  furfacc  eft 
plate  ,  fa  hauteur  eft  d'environ  2.  pouces , 
&  fà  largeur  d'environ  6  pouces.  C'eft 
dans  fa  capacité  qu'on  verfe  l'huile  &  qu'on 
met  la  mèche.  La  mèche  eft  un  gros  faifeeau 
de  coton  ;  c'eft  de  l'huile  de  navette  qu'on 
brûle.  La  boîte  dans  laquelle  la  lampe  eft 
contenue  ,  ne  fert  qu'à  recevoir  l'huile  que 
l'ébullition  caufée  par  la  chaleur  du  feu 
pourroit  faire  répandre.  Une  pièce  quarrée 
d'un  pouce  de  hauteur ,  foutient  &  la  boîte 
&  la  lampe. 

Il  eft  très-à-propos  qu'il  y  ait  au  deflus 
des  lampes  un  grand  entonnoir  renverfé  r 
qui  reçoive  la  fumée  &  qui  la  porte  hors 
de  l'attelier. 

On  conçoit  aifément  qu'il  faut  que  l'at- 
telier de  l'émailleur  à  la  lampe  foit  obfcur  r 
&  ne  reçoive  point  de  jour  naturel ,  fans 
quoi  la  lumière  naturelle  éclipferoit  en  partie 
la  lumière  de  la  lampe  ,  &  l'ouvrier  n'ap- 
percevant  plus  celle-ci  affez  diftin&ement  ^ 
ne  travailleroit  pas  avec  afTez  de  fureté. 

L'attelier  étant  ainfi  difpofé  &  garni  de 
pîufieurs  autres  inftrumens  dont  nous  ferons 
mention  ci -après,  il  s'agit  de  travailler. 
Nous  n'entrerons  point  dans  le  détail  de 
tous  les  ouvrages  qu'on  peut  former  à  la 
lampe  :  nous  avons  averti  plus  haut ,  qu'il 
n'y  avoit  aucun  objet  qu'on  ne  pût  imiter.. 
Il  fufHra  d'expofer  la  manœuvre  générale 
des  plus  importans. 

Les  lampes  garnies  &  allumées  ,  &  le 
foufflet  mis   en  a&ion,   fi  l'émailleur  fe 


E  M  A 

propofe  de  faire  une  figure  d'homme  ou 
d'animal ,  qui  foit  folide ,  &  de  quelque 
grandeur  ,  il  commence  par  former  un 
périt  bâti  de  fil  d'archai  ;  il  donne  à  ce 
petit  bâti  la  difpofition  générale  des  mem- 
bres de  la  figure  à  laquelle  il  fervira  de 
foutien.  Il  prend  le  bâti  d'une  main  ,  & 
une  baguette  d'email  folide  de  l'autre  :  il 
expofe  cet  émail  à  la  lampe  ;  &  lorfqu'il 
eft  fuffifamment  en  fufion  ,  il  l'attache  à 
fon  fil  d'archai  ,  fur  lequel  il  le  contourne 
par  le  moyen  du  feu  ,  de  (es  pinces  rondes 
&  pointues ,  de  (es  fers  pointus  &  de  (es 
lames  de  canif,  tout  comme  il  le  juge  à 
propos  ;  car  les  émaux  qu'il  emploie  font 
extrêmement  tendres ,  &  fe  modèlent  au 
feu  comme  de  la  pâte  :  il  continue  fon  ou- 
vrage comme  il  l'a  commencé  ;  employant 
&  les  émaux  y  &  les  verres ,  &  les  cou- 
leurs ,  comme  il  convient  à  l'ouvrage  qu'il 
a  entrepris. 

Si  la  figure  n'eft  pas  folide  ,  mais  qu'elle 
foit  creufe  ,  le  bâti  de  fil  d'archai  eft 
fuperflu  :  l'émailleur  fe  fert  d'un  tube 
d "émail  ou  de  verre  creux ,  de  la  cou- 
leur dont  il  veut  le  corps  de  fa  figure  ; 
quand  il  a  fuffifamment  chauffé  ce  tube 
à  la  lampe  ,  il  le  fouffle  ;  l'haleine  portée 
le  long  de  la  cavité  du  tube  jufqu'à  fon 
extrémité  qui  s'eft  bouchée  en  tondant , 
y  eft  arrêtée  ,  diftend  X émail  par  l'effort 
qu'elle  fait  en  tout  fens ,  &  le  met  en 
bouteille  :  l'émailieur ,  à  l'aide  du  feu  & 
de  (es  inftrumens ,  fait  prendre  à  cette 
bouteille  la  forme  qu'il  juge  à  propos  ;  ce 
fera  ,  fi  l'on  veut  ,  le  corps  d'un  cygne  : 
lorfque  le  corps  de  l'oifeau  eft  formé,  il 
en  alonge  &  contourne  le  cou;  il  forme 
le  bec  &  la  queue  ;  il  prend  enfuite  des 
émaux  folides  de  la  couleur  convenable  , 
avec  lefquels  il  fait  les  yeux ,  il  ourle  le  bec  , 
il  forme  les  ailes  &  les  pattes  ,  &  l'animal 
eft  achevé. 

Une  petite  entaille  pratiquée  avec  le  cou- 

λeret  à  l'endroit  où  le  tube  commence  & 
a  pièce  finit  ,  en  détermine  la  féparation  ; 
ou  cette  féparation  fe  fait  à  la  lampe  ,  ou 
d'un  petit  coup. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  eft  appli- 
cable à  unit  infinité  d'ouvrages  diftèrens. 
Il  eft  incroyable  avec  quelle  facilité  les 
fleurs    s'expédient^   On   fe   fert    d'un  fii 


E  M  A  19  j 

d'archai ,  dont  l'extrémiré  fert  de  foutien  ; 
le  corps  de  la  fleur  &  (es  feuilles  s'exé- 
cutent avec  des  émaux  &  des  verres  creux 
ou  folides  ,  &  de  la  couleur  dont  il  eft 
à  propos  de  fe  fervir  félon  l'efpece  de 
fleur. 

Si  l'on  jette  les  yeux  fur  un  attelier 
d'émailleur  compofé  d'un  grand  nombre 
de  lampes  &  d'ouvriers ,  on  en  verra ,  ou 
qui  foufflent  des  bouteilles  de  baromètre 
&  de  thermomètre ,  ou  dont  la  lampe  eft 
placée  fur  le  bout  de  l'établi ,  &  qui  te- 
nant la  grande  pince  coupante  ,  lutent  au 
feu  &  féparent  à  la  pince  des  vanTeaux 
lûtes  hermétiquement  ;  ou  qui  expofant 
au  feu  une  bande  de  glace  de  miroir ,  filent 
l'aigrette  ;  l'un  tient  la  bande  de  glace  au 
feu ,  l'autre  tire  le  fil  &  le  porte  fur  le 
dévidoir  ,  qu'il  fait  tourner  de  la  plus 
grande  vîteflè ,  &  qui  fe  charge  fuccefli- 
vement  d'un  écheveau  de  fil  de  verre  d'une 
fmefîe  incroyable ,  lâns  qu'il  y  ait  rien  de 
plus  compofé  dans  cette  opération  que  ce 
que  nous  venons  d'en  dire  (  voye \  V article 
DUCTILITÉ.  )  Lorfque  l'écheveau  eft  for- 
mé ,  on  l'arrête  &  on  le  coupe  à  froid  de 
la  longueur  qu'on  veut  :  on  lui  donne  com- 
munément depuis  dix  pouces  jufqu'à  douze. 
On  fe  fert  pour  le  couper  de  la  lime  ou 
du  couperet ,  qui  fait  fur  X  émail  l'effet  du 
diamant  ;  il  l'entaille  légèrement  ,  &  cette 
entaille  légère  dirige  sûrement  la  caflure, 
de  quelque  grofleur  que  foit  le  filet.  Voy. 
Verre. 

Tous  les  émaux  tirés  à  la  lampe  font, 
ronds  ;  fi  l'on  veut  qu'ils  (oient  plats,  on 
fe  fert  pour  les  applatir  d'une  pince  de 
fer  dont  le  mords  eft  quarré  :  il  faut  fe 
j  fervir  de  cette  pince ,  tandis  qu'ils  font 
encore  chauds. 

On  verra  d'autres  ouvriers  qui  foufHe- 
ront  de  la  poudre  brillante.  Le  fecret  de 
cette  poudre  confifte  à  prendre  un  tuyau 
capillaire  de  verre  ;  à  en  expofer  l'extré- 
mité au  feu  de  la  lampe  ,  en  forte  qu'elle 
fe  fonde  &  fe  ferme,  &  à  foufHer  dans 
le  tube  :  l'extrémité  qui  eft  en  fufion  forme 
une  bouteille  d'un  fi  grand  volume  ,  qu'elle 
n'a  prefque  plus  d'épaiffeur.  On  laifîè 
refroidir  cette  bouteille  ,  &  on  la  brife  en. 
une  infinité  de  petits  éclats  :  ce  font  ce» 
petits  éclats  qui  forment  la  poudre  brillante-, 

Bb  2 


\€j6  E  M  À 

On  donne  à  cette  poudre  des  couleurs  dif- 
férentes ,  en  la  composant  des  petits  éclats 
de  bulles  formées  de  verres  de  différentes 
couleurs. 

Les  jayets  factices  dont  on  fe  fert  dans 
les  broderies ,  l'ont  aufii  faits  d' 'émail.  L'ar- 
tifice en  eft  tel ,  que  chaque  petite  partie 
a  lbn  trou  par  où  la  foie  peut  palier.  Ces 
trous  fe  ménagent  en  tirant  le  tube  creux 
en  long.  Quand  il  n'a  plus  que  le  dia- 
mètre qu'on  lui'  veut ,  on  le  coupe  avec 
la  lime  ou  le  couperet.  Les  maillons  dont 
on  fe  fert  dans  le  montage  des  métiers  de 
plufieurs  ouvriers  en  foie  ,  ne  fe  font  pas 
autrement. 

On  fait  avec  Xémail  des  plumes  avec 
lefquelles  on  peut  écrire  &  peindre.  On 
en  fait  aufii  des  boutons  :  on  a  des  moules 
pour  les  former,  &  des  cifeaux  pour  les 
couper. 

On  en  travaille  des  yeux  artificiels  ,  àcs 
cadrans  de  montre ,  des  perles  fauflfes.  Dans 
un  attelier  de  perles  foufflées  ,  les  uns 
foufflent  ou  des  perles  à  olive  ,  ou  des 
perles  rondes ,  d'autres  des  boucles  d'o- 
reilles ,  ou  des  perles  baroques.  Ces  perles 
paflènt  des  mains  de  Pémailleur ,  entre 
les  mains  de  différentes  ouvrières  ;  leur 
travail  eft  de  fouffler  la  couleur  d'écaillé  de 
poifibn  dans  la  perle  ;  de  faffer  les  perles 
dans  je  carton  ,  afin  d'étendre  la  couleur 
au  dedans  de  la  perle  ;  de  remplir  la  perle 
de  cire  ;  d'y  paffer  un  petit  papier  roulé  ; 
de  mettre  les  perles  en  collier  ,  Ùc.  Voyez 
Perle. 

Lorfque  l'émailleur  travaille  ,  il  eft  affis 
devant  la  table ,  le  pie  fur  la  marche  qui 
fait  haufler  &  baiffer  le  foufflet ,  tenant  de  la 
main  gauche  l'ouvrage  qu'il  veut  émailler , 
ou  les  fils  de  fer  ou  de  laiton  qui  ferviront 
de  foutien  à  la  figure ,  conduifant  de  la 
main  droite  le  fil  d'émail  amolli  par  le  feu 
de  la  lampe  ,  &  en  formant  des  ouvrages 
avec  une  adreiïè  &  une  patience  également 
admirables. 

Il  eft  très-difficile  de  faire  à  la  lampe  de 
grandes  pièces  ;  on  n'en  voit  guère  qui  paf- 
l'ent  quatre ,  cinq  ,  fix  pouces. 

Nous  ne  finirons  pas  cet  article  fans 
indiquer  un  ufage  affez  important  de  la 
lampe  de  l'émailleur  ;  c'efl:  de  pouvoir  fa- 
cilement y  réduire  une    petite  quantité 


E  M  A 
de  chaux  métallique  ,  ou  y  effayef  une 
pareille  quantité  de  minéral.  Pour  cet  effet 
il  faut  pratiquer  un  creux  dans  un  charbon 
de  bois  ,  y  mettre  la  chaux  à  réduire, 
ou  la  matière  à  fondre  ,  &  faire  tomber 
defîus  la  flamme  de  la  lampe.  On  voit  que 
c'efl  encore  un  moyen  très-expéditif  pour 
fouder. 

Emall  (Cadrans  d'),  (Horlog.) 
plaque  de  cuivre  émaillée ,  lur  laquelle  on 
peint  les  heures.  Voy.  Cadran,  Hor- 
logerie, &  Plaque  (  Horlog.  ) 

*  EMAIL  ,  (  Anat.  )  V émail  de  la  dent 
eft  une  matière  tout-à-fait  différente  de 
l'os  ;  il  eft  compofé  d'une  infinité  de 
petits  filets  qui  font  attachés  fur  l'os 
par  leurs  racines ,  à-peu-près  comme  les 
ongles  &  les  cornes.  On  diftingue  très- 
facilement  Y  émail  dans  une  dent  calîée  ; 
on  y  voit  tous  ces  filets  prendre  leur 
origine  vers  la  partie  de  l'os  qui  touche 
la  gencive  ,  s'incliner  vers  l'os  ,  &  fe  cou-» 
cher  les  uns  fur  les  autres ,  de  manière 
qu'ils  font  prefque  perpendiculaires  fur  la 
bafe  de  la  dent  ;  par  ce  moyen  ,  ils  reflè- 
tent davantage  à  l'effort.  M.  de  la  Hire 
le  fils  a  obfervé  que  dans  les  adultes  l'os 
de  la  dent  ne  croît  point ,  mais  feulement 
¥  émail  ;  il  eft  perfuadé  que  les  filets  de  cet 
émail  s'étendent  comme  ceux  des  ongles.. 
Si  l'émail  d'une  dent  fe  détruit ,  l'os  fèt 
carie,  &  la  dent  périt.  Voye\  DENT» 
Voye\  les  mémoires  de  V Académie  }  ann* 
1699. 

EMAILLER  ,  travadler  en  émail  :  ce. 
mot  fe  dit  aufii  pour  fignifier  peindre  en 
émail. 

EMAILLEUR  ,  f.  m.  {Artméch.)  C'efl 
l'ouvrier  qui  travaille  en  émail  ,  qui  en 
couvre  &  orne  les  métaux  ,  qui  en  fait 
à  la  lampe  des  ouvrages  curieux. 

Ce  nom ,  qui  ne  devroit  être  propre 
qu'à  ceux  qui  font  l'émail  ,  eft  devenu, 
commun  aux  orfèvres  &  joailliers  qui  mon- 
tent les  piçrres  précieufes  ,  aux  lapidaires  ti 
qui  les  contrefont ,  aux  peintres  qui  pei- 
gnent eo  mignature  fur  l'émail ,  aux  pa- 
tenôtriers  &  boutonniers  en  émail  &  en 
verre  ,  aux  marchands  verriers ,  aux  cou- 
vreurs de  flacons  &  bouteilles  d'ofier  y 
aux  financiers  ,  &c. 
Mais  les  Emailkurs  proprement  dits^ 


E  M  A 

font  ceux  qu'on    appelle  Patenôtriers  & 
Boutonniers  en  émail. 

Ces  derniers  ont  compofé  pendant  fort 
long-temps  une  communauté  particulière  ; 
mais  ils  font  à  préfent  corps  avec  les 
maîtres  Verriers-Faïanciers ,  à  qui  ils  ont 
été  unis. 

L'édit  de  leur  érection  en  corps  de  ju- 
rande a  été  donné  en  1566'  par  Charles 
IX  ,  &  enrégiffré  la  même  année.  En  1 Çco , 
Henri  IV  confirma  leurs  ftatuts  ,  &  y 
ajouta  quelques  articles.  Enfin  Louis  XIV 
réunit  les  deux  communautés  des  Email- 
leurs  &  clés  Verriers ,  pour  ne  faire  à  l'ave- 
nir qu'un  feul  &  même  corps  ,  fans  cepen- 
dant déroger  à  leurs  flatuts. 

Les  ftatuts  de  l'édit  de  Charles  IX  con- 
tiennent vingt  articles  ,  &  l'augmentation 
accordée  par  les  lettres  patentes  d'Henri 
IV  trois  autres. 

Par  l'édit ,  les  maîtres  n'avoient  que  la 
qualité  de  Patenôtriers  &  Boutonniers  en 
émail  ;  les  lettres  y  ajoutèrent  le  verre  &:  le 
cryfkllin. 

La  communauté  efl  régie  par  quatre 
jurés  ,  dont  deux  s'élifent  par  année. 

Pour  être  reçu  maître ,  il  faut  avoir  fait 
cinq  ans  &  huit  jours  d'apprentiffage  ;  & 
après  une  information  préalable  de  vie 
&  mœurs  ,  un  apprentif  eft  admis  au  chef- 
d'œuvre. 

Chaque  maître  ne  peut  avoir  qu'un  fèul 
apprentif  à  la  fois. 

Les  veuves  reftant  en  viduité,  jouifîênt 
du  privilège  de  leur  défunt  mari  ;  à  l'ex- 
ception des  apprentifs  qu'elles  ne  peuvent 
pas  engager ,  mais  bien  les  continuer. 

Les  veuves  &  les  filles  de  maîtres  don- 
nent la  franchife  aux  apprentifs  qu'elles 
époufent. 

Les  maîtres  de  la  communauté  peuvent 
faire  toutes  fortes  de  patenôtres  ,  boutons 
d'émail ,  dorures  fur  verre  &  émail ,  pen- 
dans  d'oreilles  jolivetés  ,  &  autres  ouvrages 
femblables  ,  avec  émail  ,  canon  ,  &  cryf- 
tallin  parlant  par  le  feu  &  fourneau. 

Ils  peuvent  auffi  enfiler  toutes  ceintures , 
carcans  ,  chaînes  ,  colliers ,  bracelets ,  pa- 
tenôtres &  chapelets  ,  de  mêmes  matières 
&  de  pareille  fabrique ,  &  même  les  en- 
richir &  qrner  d'or  &  d'argent  battu  & 
«aouJu» 


E  M  A  \<)j 

En  1706 ,  ies  Emailleurs  furent  unis 
avec  les  Verriers  ;  &  il  lut  réglé  que  pen- 
dant les  dix.  premières  années  les  quatre 
jurés  feroient  élus  avec  égalité  ,  c'eft-à- 
dire  ,  de  façon  qu'il  y  auroit  deux  Email- 
leurs  &  deux  Verriers  ;  &  qu'après  les 
dix  ans  expirés  ,  l'élection  feroit  entière- 
ment libre ,  &  fe  feroit  à  la  pluralité  des 
voix. 

Au  moyen  de  cette  union  ,  ils  ont  tous 
également  la  qualité  de  maîtres  Emailleurs 9 
Patenôtriers ,  Boutonniers  en  émail ,  verre  , 
&  cryftalliri ,  marchands  Verriers  ,  Cou- 
vreurs de  flacons  &  bouteilles  en  ofier  , 
faïance  ,  &  autres  efpeces  de  verres  de  la 
ville  &  fauxbourgs  -de  Paris.  Voye\  les 
réglemens  de  Communautés  ,  &  le  diction, 
de  Commerce. 

EMAILLURE ,  f.  f.  (Art  méch.)  terme 
qui  lignifie  l'application  de  V émail  fur 
quelque  autre  matière.  Il  fe  dit  fort  bien 
aufli  de  l'ouvrage  même  qu'on  a  émailié. 
V.  les  articles  EMAIL  DEMAILLER. 

EMAILLURES  ,  (  Vénerie.  )  fe  dit  des 
taches  roufTes  qu'on  voit  fur  les  pennes  de 
l'oifeau  de  proie. 

EMANATIONS  ,  f.  f.  pi.  (  Phyf.  )  on 
appelle  ainfi  des  écoulemens  ou  exhalai- 
fons  de  particules  ou  de  corpufcules  fub- 
tils  ,  qui  fortent  d'un  corps  mixte  par  une 
efpece  de  tranfpiration.  Vqy.  TRANSPI- 
RATION. Ce  mot  vient  du  latin  manare 
ou  emanare  ,  émaner  ,  iortir. 

Il  efr  certain  qu'il  fort  de  pareilles  éma- 
nations des  corps  qui  nous  environnent; 
par  exemple  ,  que  les  plantes  &  les  animaux 
tranfpirent ,  que  les  fluides  s'évaporent , 
&c.  Perfonne  ne  doute  non  plus  que  les 
corps  odoriférans  n'envoient  continuelle- 
ment des  émanations  y  &  que  ce  ne  foit 
par  le  moyen  de  ces  émanations  y  qu'ils 
excitent  en  nous  la  fenfation  de  l'odeur. 
Voye\  Odeur. 

Il  y  a  des  corps  qui  envoient  des  éma- 
nations continuelles,  fans  perdre  fènfi— 
blement  ni  de  leur  volume  ,  ni  de  leur 
poids ,  comme  la  plupart  des  corps  odo- 
riférans :  la  perte  qu'ils  foufïrent  par  Pé- 
miffion  continuelle  de  ces  émanations  y 
eft  peut-être  réparée  par  la  réception 
d'autres  émanations  femblables  de  corps  4$ 
même  efpece  ^  répandus  dans  l'air. 


1^8  E  M  A 

Quant  à  la  loi  de  l'émifïïon  de  ces  éma- 
nations y  voyez  ^article  QUALITÉ.  Voy. 

aujjl  Emission. 

Ces  émanations  opèrent  avec  beaucoup 
d'efficacité  fur  les  corps  qui  font  dans  la 
jfphere  de  leur  activité  ;  c'eft  ce  que  prouve 
M.  Boyle  dans  un  traité  qu'il  a  fait  exprès  fur 
la  fubtilité  des  émanations.  Il  y  fait  voir 
i°.  que  le  nombre  des  corpufcules  qui 
forment  ces  émanations  y  eft  prodigieu- 
fement  grand  ;  z°.  qu'ils  font  d'une  nature 
fort  pénétrante  ;  30.  qu'ils  fe  meuvent 
avec  une  grande  vîteffe  ,  &  dans  toutes 
fortes  de  directions  ;  40.  qu'il  y  a  fouvent 
une  reflemblance  ,  &  d'autres  fois  au  con- 
traire une  différence  furprenante  du  volu- 
me &  de  la  forme  de  ces  émanations  aux 
pores  des  corps  dans  lefquels  ils  pénètrent , 
&  fur  lefquels  ils  agifïént  ;  $°.  qu'en  par- 
ticulier dans  les  corps  des  animaux ,  ces 
émanations  peuvent  exciter  de  grands 
mouvemens  dans  la  machine ,  &  produire 
par-là  de  grands  changemens  dans  l'éco- 
eomie  animale  ;  enfin  qu'elles  ont  quelque- 
fois ,  pour  ainfi  dire  ,  la  faculté  de  tirer  du 
fecours  dans  leurs  opérations ,  des  agens 
les  plus  univerfels  que  nous  connoiffons 
dans  la  nature  ,  comme  de  la  gravité,  de 
la  lumière  ,  du  magnétifme  ,  de  la  prefllon 
de  l'atmofphere ,  &c. 

Les  émanations  peuvent  s'étendre  à  de 
grandes  diftances.  En  voici  une  preuve 
qui ,  félon  quelques  auteurs ,  eft  d'un  grand 
poids.  Nos  vins  deviennent  troubles  dans 
les  tonneaux,  précifément  au  même  temps 
où  les  raifins  le  trouvent  à  leur  degré  de 
maturité  dans  les  pays  éloignés  d'où  le  vin 
nous  a  été  apporté  ;  mais  cette  preuve 
ne  paroît  pas  fort  convaincante  :  car  ne 
pourroit-on  pas  dire  que  c'eft  l'air  qui 
caufe  cette  fermentation  ,  fans  avoir  re- 
cours à  des  particules  qui  s'échappent  des 
corps  qui  fermentent  ?  Une  des  meilleures 
preuves  qu'on  puifîè  apporter  de  la  diftance 
à  laquelle  s'étendent  les  émanations  9  c'eft 
qu'on  reçoit  en  pluiieurs  cas  les  émanations 
odoriférantes  à  la  diftance  de  plufieurs 
lieues.  De  plus  ,  on  prouve  encore  par 
plufieurs  obfervations ,  que  la  plupart  des 
émanations  retiennent  la  couleur  ,  l'odeur  , 
&:  les  autres  propriétés  &  effets  des  corps 
d'où  elles  proviennent  ;  &  cela  après  même 


E  M  A 

qu  elles  ont  pafle  par  les  pores  d'autres 
corps  folides.  C'eft  ainfi  que  les  émana* 
dons  magnétiques  pénetrem  même  le? 
corps  les  plus  folides,  fans  fouffrir  aucune 
altération  dans  leur  nature ,  ni  rien  perdre 
de  leur  force. 

Plufieurs  auteurs ,  à  la  tête  defquels  eft 
M.  Newton  ,  veulent  que  la  lumière  foit 
produite  par  une  émanation  de  corpufcules 
qui  s'élancent  du  corps  lumineux.  Si  ce 
fyftême,  qui  eft  appuyé  fur  des  preuves 
très-fortes ,  étoit  vrai ,  il  ferviroit  à  prou- 
ver combien  les  émanations  peuvent  être 
fubtiles,  &  à  quelles  diftances  énormes 
elles  peuvent  s'étendre.  V.  LUMIERE  & 
EMISSION.  Voye\  aujjî ,  fur  les  émana- 
tions en  général  ,   tes  articles  ODEUR  , 

Vapeur  ,  Transpiration  ,  Exha- 
laison ,  Atmosphère  ,  &c  (O) 

*  §  EMANCHE  ,  f.  f.  (  BLafon.  )  pièce 
héraldique  honorable,  qui  fignifie  :  ennemis 
vaincus  &  dépouillés.  C'eft  une  manche 
antique ,  fort  large  par  un  côté  &  étroite 
par  l'autre  ,  laquelle  étant  découfùe  &  dé- 
ployée ,  préfente  plus  ou  moins  de  pièces 
triangulaires  ,  comme  enclavées  dans  l'écii 
où  elle  eft  pofée.  En  cet  état ,  elle  n'eft  plus 
manche ,  mais  émanche  (  manica  hojïdis 
dij/lita.)  Plus  cette  pièce  honorable  a  de 
parties  ,  plus  elles  font  aiguës. 

L' 'émanche  fe  place  diverfement  :  en  faf- 
ces  à  dextre  ou  feneftre  ,  en  pal ,  en  bande , 
en  barre  ^  en  chef,  en  pointe.  A  ces  deux 
dernières  pofitions  ,  elle  occupe  le  tiers  du 
champ. 

Les  partitions  alternées  du  champ  6c 
d'une  émanche  quelconque  font  toujours 
en  nombre  impair  ;  mais  on  ne  compte  pas 
les  partitions  du  champ  pour  des  pièces  t 
parce  qu'elles  font  le  champ  lui-même. 

L* émanche  mal  déployée. 

Comme  il  y  a  dans  le  Blafon  la  manche 
mal  taillée  ,  il  y  a  auflï  Vémanche  mal 
déployée.  Cette  émanche  eft  fi  rare  ,  qu'A 
peine  en  trouve-t-on  deux  ou  trois  exem- 
ples dans  les  auteurs  qui  fe  font  le  plus 
étendus.  Ils  l'appellent  pointes  &  piles 
au  pluriel  :  mais  la  pointe  ,  foit  droite  , 
foit  renverfée ,  n'eft  une  pièce  fur  un 
champ   que  lorfqu'elle  y  eft  feule.  Ainit 


E  M  A 

îc  champ  qui  porte  deux  ou  trois  de  ces 
prétendues  pointes  ou  piles  ,  porte  en  effet 
«ne  émanche  mal  déployée  de  deux  ou  trois 
pièces. 

Outre  que  cette  forte  démanche  prend 
toutes  les  poiitions  de  démanche  déployée , 
de  plus  elle  monte  du  bas  de  l'écu  en 
haut  ;  defcend  du  chef  contre  bas  ;  ou  eft 
mouvante  enfemble  du  chef,  du  flanc  & 
de  la  pointe  ,  pour  aboutir  au  milieu  de 
l'autre  flanc. 

Au  lieu  que  la  pointe  ou  la  pile  (  plus 
étroite  en  fa  largeur  que  le  chappé  )  ne  tou- 
che pas  l'extrémité  du  champ. 

Le  champ  émanché. 

Le  champ  émanché  diffère  du  champ 
qui  porte  une  émanche  y  comme  le  fafcé , 
de  la  fafce  ou  des  fafces  :  le  pallé  ,  du 
pal  ou  des  pals  :  le  bandé,  de  la  bande 
ou  des  bandes  :  le  barré  ,  de  la  barre  ou 
des  barres  :  le  coticé  ,  des  cotices  :  le  bu- 
relé  ,  des  burelles  :  le  fufelé  ,  le  chevro- 
né  ,  le  lozangé  ,  des  fufées ,  chevrons  & 
Jezanges 

Seulement,  dans  le  champ  émanché, 
la  pièce  qui  borde  l'un  des  côtés  du  champ 
ne  montre  que  la  moitié  d'elle-même ,  à 
caufe  de  fa  forme  triangulaire  ;  l'autre 
moitié  fe  fuppofe  repliée  au  travers  de  l'écu. 
Comme  auffi,  la  partition  oppofitedu  champ 
n'a  que  la  moitié  des  autres  partitions  de 
fon  efpece. 

Mais ,  pour  abréger  la  manière  de  bla- 
fonner ,  l'on  compte  ces  deux  demi-parti- 
tions comme  fi  elles  étoient  entières.  Ainfi 
le  métal  &  la  couleur  fe  trouvant  égaux  en 
nombre  &  en  proportions ,  ou  étant  fuppo- 
fès  tels ,  leur  enfemble  efl  néceffairement 
pair ,  en  quoi  il  eft  femblable  aux  fafcé , 
pallé  ,  bandé  ,  barré  -,  coticé  ,  burelé  ,  fu- 
felé ,  chevronné ,  lozangé.  K.  MEUBLES, 
(  Blafon.  ) 

ÉMANCHÉ  ,  ad),  {terme  de  Blafon.) 
fe  dit  de  l'écu  divifé  par  émanches  des 
deux  émaux  alternés  :  il  diffère  de  l'éman- 
che  ,  en  ce  qu'il  y  a  toujours  des  demi- 
parties  triangulaires  mouvantes  des  bords. 

il  y  a  des  chefs  émanches. 

Emanche  &  émanché  y  ont  pris  leurs 
noms  des  manches  des  anciens  qui  étoient 


E  M  A  199 

fort  larges  en  haut  ,  fe  rétréciffoient  & 
terminoient  en  pointe. 

Hotman  à  Paris,  originaire  du  pays  deClé- 
ves;  parti  émanché  d'argent  &  de  gueules. 

De  la  Teifîbniere  en  Bourgogne  &  en 
Breffe  ;  parti  émanché  de  cinq  pièces  & 
demie  d'or  fur  gueules. 

Choifi  de  Tieblemont  en  Champagne; 
d'azur  au  chef  d'or  9  émanché  d'une  demi- 
pièce  &  de  quatre  pièces.  (  G  .D.  L.  T.  ) 

EMANCIPATION  ,  f.  f.  (  Jurifpr.  ) 
efl  un  acte  qui  met  certaines  perfonnes  hors 
la  puiffance  d' autrui.  Elle  n'a  lieu  commu- 
nément qu'à  l'égard  de  deux  fortes  de  per- 
fonnes ,  qui  font  les  mineurs ,  les  fils  de 
famille  ;  quelques-uns  y  comprennent  la 
femme  &  les  gens  de  main-morte.  Il  y  a 
encore  d'autres  perfonnes  qui  peuvent  être 
affranchies  de  la  puifîance  d'autrui  ;  mais  les 
actes  qui  leur  procurent  cet  affranchiflê- 
ment ,  ne  font  pas  qualifiés  d'émancipation. 

Chez  les  Romains  ^émancipation  avoit 
lieu  feulement  pour  deux  fortes  de  per- 
fonnes ,  les  mineurs  &  les  fils  de  famille. 
La  première  fe  faifoit  en  vertu  de  lettres 
du  prince,  de  même  qu'elle  fe  pratique 
encore  parmi  nous.  V.  EMANCIPATION 
de  Mineur.  L'autre,  c'eft-à-dire,  celle 
des  fils  de  famille,  fe  faifoit  en  diverfes 
manières.  V.  EMANCIPATION  ANASTA- 
SIENNE  ,    ANCIENNE  ,  contracta  fidu- 

ciâ y  de  la  Femme,  d'un  Fils  de 
Famille  ,  légale  ,  Légitime  ,  jus- 
tinienne  ,  tacite.  (a) 

Emancipation  anastasienne  , 
étoit  celle  qui  fe  faifoit  en  faveur  des  fils 
de  famille  ,  en  vertu  d'un  referit  du  prince. 
On  l'appelloit  anaftajienne  ,  parce  que 
cette  forme  nouvelle  fut  introduite  par  une 
conftitution  de  l'empereur  Anaffafe  ,  au 
lieu  de  l'émancipation  ancienne  ou  légi- 
time ,  dont  il  fera  parlé  ci-après.  U anaf- 
tajienne étoit  beausoup  plus  fimple  &  plus 
commode  que  l'autre  ,  n'y  ayant  à  celle-ci 
d'autre  formalité  que  de  faire  infirmer  juri- 
diquement un  referit ,  par  lequel  l'empereur 
émancipok  le  fils  de  famille.  Notre  éman- 
cipation des  mineurs  par  lettres  de  bénéfice 
cTâge,  revient  afïez  à  cette  émancipation 
anaftafienne.  (A) 

ÉMANCIPATION  ANCIENNE  ou  LÉ- 
GITIME ,   étoit  la  première  forme  dont 


200  E  M  A 

on  ufoit  d'abord  chez  les  Romains  pour 
Y  émancipation  des  fils  de  famille.  On 
Tappelloit  ancienne  &:  légitime }  parce 
qu'elle  dérivoit  de  l'interprétation  de  la 
loi  des  douze  tables.  Cette  loi  portoit  , 
que  quand  un  père  avoit  vendu  Ton  fils 
jufqu'à  trois  fois  ,  le  fils  ceflbit  d'être  lous 
fa  puiffance. 

Denis  d'HalicarnafTe  a  prétendu  que 
cette  loi  devoit  être  prife  à  la  lettre , 
c'efl-à-dire  qu'il  falloir  trois  ventes  réelles 
du  fils  de  famille  pour  opérer  l'émanci- 
pation ,  en  quoi  la  condition  du  fils  de 
famille  auroit  été  plus  rude  que  celle  d'un 
efclave  ,  lequel,  après  avoir  été  une  fois 
affranchi ,  jouifloit  pour  toujours  de  la 
liberté.  Il  eft  vrai  que  la  vente  du  fils 
n'étoit  pas  un  véritable  affranchiffement 
de  toute  puifîànce  ;  il  pafToit  de  celle  du 
père  en  celle  de  l'acheteur.  Mais  tous  les 
auteurs  anciens  &  modernes  conviennent 
que  ces  trois  ventes  du  fils  de  famille  étoient 
fimulé'-s,  &  faites  feulement  pour  opérer 
Y  émancipation. 

Au  commencement  le  fils  de  famille , 
par  le  moyen  de  ces  ventes ,  pafToit  en  la 
puifîànce  de  l'acheteur  comme  s'il  fût  de- 
venu de  condition  fervile.  Dans  la  fuite 
les  jurifconfultes  ajoutèrent  aux  trois  ventes 
autant  de  manumiflions  de  la  part  de  l'ache- 
teur ;  &  il  fut  d'ufage  ,  qu'à  l'exception 
des  fils ,  les  filles  &  les  petits-enfans  mâles 
&  femelles  feroient  émancipés  par  une 
feule  vente  &  une  feule  manumiflion.  On 
s'imaginoit  qu'il  en  falloit  davantage  pour 
le  fils  ,  comme  étant  lie  plus  étroitement 
avec  le  père. 

Ces  ventes  &  manumiflions  fe  faifoient 
d'abord  devant  le  préfident  ou  gouverneur 
de  la  province  ;  enfuite  on  les  fit  devant 
le  préfident  de  la  curie. 

La  forme  de  ces  émancipations  étoit, 
que  le  père  naturel,  en  préicnce  de  cinq 
témoins  &  de  l'officier  appelle  libripens 
tenant  fa  balance  ,  faifoit  une  vente  fictive 
de  fon  fils  à  un  étranger  ,  en  lui  difant  : 
mancupo  tibi  hune  filium  qui  meus  efi  ,* 
Caïus  ,  Uv.  I ,  fit.  viij  de  fes  infiitutes  > 
dit  même  qu'il  falloit  fept  témoins  citoyens 
romains. 

L'acheteur  donnoit  au  père  par  forme  de 
prix ,  une  pièce  de  monnoie  ,  en  difant  ; 


E  M  A 

hune  hommem  ex  jure  quiritum  meum  ejje 
aio  y  if  que  mihi  emptus  eft  hoc  œre  ccneâque 
librd  :  au  moyen  de  quoi  le  fils  de  fa- 
mille paffoit  fbus  la  puiifance  de  l'ache- 
teur comme  ion  elckve  ;  enfuite  ce  même 
acheteur  affranchiffoit  le  fils  de  famille  , 
lequel  par  un  droit  tacite ,  retournoit  en 
la  puifîànce  de  fon  père  naturel  :  celui-ci 
vendoit  encore  de  même  fon  fils  une  fé- 
conde &  une  troifieme  fois ,  &  l'acheteur 
faifoit  autant  de  manumiflions  ;  &  après  la 
troifieme  manumiflion  ,  le  fils  de  famille 
ne  retournoit  plus  en  la  puifîànce  de  fon 
père  naturel ,  mais  iléroit  confidéré  comme 
l'affranchi  de  l'acheteur ,  lequel  en  qualité 
de  patron  fuccédoit  au  fils  de  famille  ainfî 
émancipé  ,  &  avoit  fur  lui  tous  les  autres 
droits  légitimes. 

Mais  pour  empêcher  que  Y  émancipation 
ne  iix  ce  préjudice  au  père  naturel ,  l'ufage 
introduifit  que  ce  père  ,  en  faifant  la  vente 
imaginaire  de  fon  fils  ,  pourroit  fi ipuler  que 
l'acheteur  feroit  tenu  de  le  lui  revendre  ;  & 
à  cet  effet ,  en  faifant  la  troifieme  vente , 
le  père  naturel  difoit  à  l'acheteur  :  ego 
verb  hune  filium  meum  tibi  mancupo  _,  eâ 
conditione  ut  mihi  remancupes  ut  inter 
bonos  bene  agiet ,  (  id  eft  âge re  )  ;  oportet- 
ne  propter  te  tuamquefidem  frauder  ?  L'ob- 
jet de  cette  revente  étoit  afin  que  le  père 
naturel  pût  lui-même  affranchir  fon  fils  ,  & 
par  ce  moyen  devenir  fon  patron  &  fon 
légitime  fuccefîèur.  C'eft  delà  que  ce  pade 
de  revente  s'appellôit  paclum  fiducix  ;  IV- 
mancipation  faite  en  cette  forme,  emaji- 
cipatio  contracta  fi  duc  iâ  j  &  l'acheteur  qui 
promettoit  de  revendre  le  fils  de  famille , 
pater  fiduciarius.  Si  ce  paclum  fiducies  étoit 
omis  dans  la  vente  ,  tous  les  droits  fur  la 
perfonne  du  fils  vendu  demeuroient  par- 
devers  l'acheteur. 

Caïus  dit  cependant  que  fi  les  enfans , 
après  avoir  été  vendus  par  leur  père  natu- 
rel ,  mouroient  en  la  puiffance  de  leur  père 
fiduciaire,  le  père  naturel  ne  pouvoitpas 
leur  fuccéder  ;  que  c'étoit  le  père  fiduciaire 
qui  recueilloit  leur  iucceflion  quand  il  les 
avoit  affranchis  ;  mais  il  eff  évident  que 
Caïus  n'a  entendu  parler  que  du  cas  où  les 
fils  de  famille  mourroient  dans  l'intervalle 
de  la  première  à  la  troifieme  vente  :  alors 
c'étoit  le  père  fiduciaire  qui  fuccédoit , 

parce 


E  M  A 

parce  que  la  première  &c  la  féconde  vente 
tranfporroient  véritablement  au  père  fidu- 
ciaire la  propriété  du  fils  vendu  ,  lequel  ne 
rentroit  dans  la  famille  de  (on  père  natu- 
rel que  lors  de  la  troifieme  revente  ,  par 
un  acte  appelle  émane ipatio ,  ainiî  que  l'ob- 
ferve  M.  Terraflbn  en  fbn  hijioire  de  la  ju- 
rifpr.  rom. 

Il  eût  été  facile  cependant  d'appofer  le 
pacte  de  revente  dès  la  première  vente , 
comme  dans  la  troifieme ,  &  il  ne  falloir 
pas  tant  de  détours  &  de  fictions  pour  dire 
que  le  père  fe  défiftoit  volontairement  en 
faveur  de  fon  fils  du  droit  de  puiflance  qu'il 
avoit  fur  lui  ;  c'eft  pourquoi  cette  ancienne 
forme  à! émancipation  tomba  en  non-ufage  , 
lorfque  l'empereur  Anaftafe  en  eut  intro- 
duit une  plus  fimple  ,  quoiqu'il  n'eût  pas 
abrogé  l'autre.  Voye-i^  ci-dev.  Emancipa- 
tion anastasienne  ,  &  ci-après  Eman- 
cipation JUSTINIENNE.  {A) 

Emancipation  contracta  fiducid  ,  étoit 
chez  les  Romains  une  des  formes  de  l'e- 
mancipation  ancienne ,  qui  fe  faiioit  pir  le 
moyen  des  trois  ventes  imaginaires  avec  le 
paclum  fiducies  ,  c'eft-à-dire  la  condition  de 
revendre  le  fils  de  famille  à  fon  père  natu- 
rel. Voyei  ci-dev.  Emancipation  An- 
cienne. (A) 

Emancipation  coutumiere  ,  Voye-^ 
ci-aprh  Emancipation  légale. 

Emancipation  par  le  décès  de  la 
Mère  ,  étoit  une  efpece  à' émancipation  lé- 
gale qui  avoit  lieu  dans  certaines  coutu- 
mes en  faveur  des  enfans  par  le  décès  de 
la  mère ,  quoique  le  père  fût  encore  vivant. 
Dans  ces  provinces  ,  les  enfans  étoient 
comme  folidairement  en  la  puiflance  de 
leurs  pères  Se  mères  conjointement.  Telles 
font  les  difpofitions  des  coutumes  de  Mon- 
targis  ,  ch.vij.  art.  q  ,  Vitry  ,  art.  100  tk 
24J.  Château-Neuf,  art.  134.  Chartres, 
art.  103  ,  &c  Dreux  ,  art.  93. 

Emancipation  expresse  ,  eft  celle 
qui  fe  fait  par  un  ade  exprès  ,  à  la  diffé- 
rence des  émancipations  tacites  ,  qui  ont 
lieu  fans  qu'il  y  ait  aucun  acte  à  cet  effet 
de  la  part  du  perc  ,  mais  feulement  en 
vertu  d'un  confentement  tacite  de  fa  part. 
(A) 

Emancipation  de  la  Femme  ,  c'eft 
ainfi  que  la  féparation  de  la  femme  d'avec 
Tome  XI I. 


E  M  A  '  201 

fbn  mari  eft  appellée  dans  la  coutume  de 
la  Rue-Indre  locale  de  Blois ,  ch.  x.  art, 
3U(J) 

Emancipation  d'un  Fils  de  famille  ,' 
s'entend  de  l'acte  par  lequel  un  fils  ,  ou 
fille  ,  ou  quelqu'un  des  petits-enfans  étant 
à  la  puiflance  du  père  de  famille  eft  mis 
hors  de  fa  puiflance. 

Cette  émancipation  qui  dérive  du  droit 
romain  ,  a  lieu  dans  tous  les  pays  de  droit 
écrit ,  &c  dans  quelques  coutumes  où  la 
puiflance  paternelle  a  lieu. 

Le  père  de  famille  peut  émanciper  les 
enfans  à  tout  âge  ,  foit  majeurs  ou  mi- 
neurs ,  parce  que  la  majorité  ne  fait  pas 
ceflèr  la  puiflance  paternelle.  L'émancipa^ 
tion  ne  met  pis  non  plus  les  enfans  hors 
de  tutele  ,  s'ils  font  encore  impubères  ; 
en  ce  cas  le  père  devient  leur  tuteur  lé- 
gitime. 

En  pays  de  droit  écrit ,  V émancipation 
doit  fe  faire  en  j  ugement  par  une  déclara- 
tion que  fait  le  père  ,  qu'il  met  l'enfant 
hors  de  fa  puiflance  ;  néanmoins  dans  le 
rcflbrt  du  parlement  de  Touloufe  ,  l'e- 
mancipation  fe  peut  faire  devant  notaires. 

Dans  les  coutumes  où  la  puiflance  pater- 
nelle a  lieu  ,  le  père  peut  émanciper  en 
jugement  ou  devant  notaires. 

L'émancipation  des  enfans  de  famille  fait 
ceflèr  la  puiflance  paternelle;  elle  ne  rend 
cependant  pas  les  enfans  étrangers  à  la  fa- 
mille du  père ,  en  forte  qu'ils  lui  fuccedent 
conjointement  avec  leurs  frères  5c  fœurs 
qu'il  a  retenus  en  fa  puiflance. 

Elle  n'a  d'autre  effet  à  l'égard  du  pere  , 
que  de  délivrer  l'enfant  de  la  puiflance  pa- 
ternelle ,  d'ôter  au  pere  l'ufufruit  qu'il  au- 
rait pu  avoir  fur  les  biens  de  fon  enfant , 
&  de  rendre  l'enfant  capable  de  s'obliger. 
Voye^  Fils  de  famille  ,  Puissance 
paternelle.  {A.) 

Emancipation  de  Gens  de  main- 
morte ,  c'eft  l'affranchiflèment  que  le  Cei- 
gneur  accorde  à  des  gens  qui  font  fes  ferfs. 
V.  Affranchissement  ,  Gens  de  main- 
morte y  Serfs.  (A) 

Emancipation  justinienne  ,  étoit 
celle  dont  la  forme  fut  réglée  par  l'empe- 
reur Juftinien ,  lequel  ayant  rejeté  toutes 
les  ventes  êc  manumiflîons  imaginaires  dont 
on  ufoit  par  le  pafle  dans  les  émancipations  , 

Ce 


201  E  M  A 

permit  aux  pères  de  famille  d'émanciper 
leurs  enfans  ,  loir  en  obtenant  à  cet  effet 
un  referit  du  Prince  ,  ou  même  fans  ref- 
crit ,  en  faifant  leur  déclaration  à  cet  effet 
devant  on  magiftrat  compétent ,  auquel  la 
loi  ou  la  coutume  attribuoit  le  pouvoir 
d'émanciper.  On  donnoit  au  père  après 
cette  émancipation  ,  en  vertu  de  Inédit  du 
préteur  ,  le  même  droit  fur  les  biens  de 
fes  enfans  émancipés  décédés  fans  enfans  , 
que  le  patron  auroit  eu  en  pareil  cas  fur  les 
biens  de  fes  affranchis  ;  mais  par  la  dernière 
jurifprudence  ,  le  père  hérite  de  fes  enfans 
par  droit  de  fuccefïion  des  afeendans  ,  & 
non  pas  feulement  en  qualité  de  patron. 

U) 

Emancipation  légale  ,  eft  celle  qui 
a  lieu  de  plein  droit ,  en  vertu  de  la  loi 
ou  de  la  coutume.  On  l'appelle  aulïi  éman- 
cipation tacite  ,  parce  qu'elle  a  lieu  fans 
que  le  père  faflè  aucun  acte  à  ce  fujet. 
Telles  font  à  l'égard  des  mineurs ,  les 
émancipations  qui   ont  Heu    par    l'âge  de 

fmberté ,  par  la  majorité  coutumiere  ,  par 
a  pleine  majorité  ,  par  le  mariage;  telles 
font  pour  les  fils  de  famille  les  émancipa- 
tions qui  ont  lieu  en  certains  pays  par  le 
mariage  ,  par  l'acquifition  de  quelque  di- 
giaité,  par  Pordrede  prêtrife,  par  l'habitation 
féparée ,  &  par  le  négoce  féparé.  (  A  ) 

Emancipation  légitime  ou  ancienne, 
étoit  celle  qui  fe  faifoit  en  vertu  de  la  loi 
des  douze  tables.  Voye^ci-dev.  Emancipa- 
tion ancienne.  {A) 

Emancipation  par  lettres 
duPrince,  a  lieu  ,  tant  en  faveur  des 
mineurs  que  des  fils  de  famille.  L'ufage  de 
ces  émancipations  vient  des  Romains.  V. 
ce  qui  en  tît  dit  à  l'artick  Emancipation 
de  mineur  &  Emancipation  Justi- 
nienne.  Ces  lettres  qu'on  appelle  commu- 
nément lettres  de  bénéfice  d'âge ,  s'obtien- 
nent en  la  petite  chancellerie  ;  elles  font 
adrefïées  au  j  uge  royal  qui  a  fait  la  tutele 
ou  curatelle  ■■>  ou  fi  c'eft  un  juge  de  fei- 
gaeur  ,  on  lesadrefîè  à  un  fèrgent  royal  , 
qui  fait  commandement  au  juge  de  procé- 
der à  l'entérinement  :  ce  qui  ne  fe  fait  qu'a- 
près avoir  pris  l'avis  des  parens  &  amis  du 
mineur.  (  A  ) 

Emancipation  de  majorité  cou- 
TUmierç.  ,  eft  celle  que    quelques  cou- 


E  M  A 

tûmes  '  accordent  au  mineur  à  [l'âge  de 
pleine  puberté  ,  lequel  eft  réglé  différem- 
ment par  les  coutumes.  V.  Emancipation 
de  mineur.  {A) 

Emancipation  par  mariage  ,  eft  une 
émancipation  tacite  que  dans  certains  pays  le 
mariage  opère  de  plein  droit  &  fans  lettres 
du  Prince  ,  en  faveur  des  mineurs  &  des; 
fils  de  famille.  Cette  émancipation  tacite  n'a. 
pas  lieu  dans  les  pays  de  droit  écrit ,  excepté 
dans  ceux  qui  font  du  reiïbrt  du  parlement 
de  Paris. 

Pour  ce  qui  eft  des  pays  coutumiers ,  le 
mariage  n'y  a  pas  toujours  opéré  Y  éman- 
cipation j  car  Gaucher  de  Chatillon  conné- 
table j  mariant  fa  fille  en  1 3  00  ,  promit  de 
l'émanciper  &  de  la  fortir  hors  de  fa  puifïance. 

Préfentement  toutes  les  coutumes  don- 
nent au  mariage  l'effet  d'émanciper  ,  ex- 
cepté celle  de  Poitou  qui  requiert  à  l'égard 
des  nobles  une  émancipation  exprefle  outre- 
le  mariage.  Celle  de  Saintonge  veut  qu'il 
y  ait  habitation  féparée  de  celle  du  père  ; 
celle  de  Bretagne  requiert  que  le  mariage; 
foit  fait  du  confentement  du  père  ,  con- 
dition qui  doit  être  fous-entendue  dans 
toutes  les  coutumes  ;  celle  de  Bourbonnois 
dit  que  le  mariage  émancipe ,  mais  elle  met 
une  reftricr.ion  ,  fi  ce  n'eft  qu'il  fût  autre- 
ment convenu  en  faifant  le  mariage.  Voye^ 
le  recueil  des  que/lions  de  M.  Bretonnier ,  au» 
mot  purjfance  paternelle., 

U émancipation  par  mariage  n'bpere  pas. 
plus  d'effet  que  celle  qui  fe  fait  en  vertu 
de  lettres  du  Prince  ,  fi  ce  n'eft  que  la 
première  emporte  la  liberté  de  fe  remarier 
fans  le  confentement  du  père  ,  quoique, 
celui  ou  celle  qui  veut  fe.  remarier  n'ait  pas, 
%$-  ans.  (  A) 

Emancipation  de  Mineur,  eft :  l'acte.- 
qui  met  un  mineur  hors  de  la  puiflance  de. 
fon  tuteur ,  &  lui  donne  le  droit  de  jouir- 
de  fes  revenus ,  même  de  difpofer.  de  fes. 
meubles. 

L'émancipation  dès  mineurs  avoit  lieui 
chez  les  Romains  ;  elle  fe  faifoit  en  vertu, 
de  lettres  du  Prince  :  cela  fait  la  matière, 
du  titre  du  code  de  his  qui  eetatis  veniam: 
impetraverunt.  La  loi  2  qui  eft  dé  l'empe- 
reur Conftantin  ,  dit  que  tous  les  je.unes, 
gens  ,  lefquels  étant  de  bonne  conduite.* 
.fdefixcnt  de   gouverner,  leut  patrimoine.* 


E  M  A 

ayant  befbin  pour  cela  de  lettres  du  Prince  , 
pourront  impétrer  cette  grâce  quand  ils 
auront  vingt  ans  accomplis  ;  de  manière 
qu'ils  préfenteront  eux-mêmes  leurs  lettres 
au  juge  ,  &  prouveront  leur  âge  par  écrit , 
6c  justifieront  de.  leur  bonne  conduite  & 
mœurs  par  des  témoins  dignes  de  foi  :  la 
loi  permet  néanmoins  aux  filles  de  pré- 
fenter  leurs  lettres  par  procureur ,  Ôc  de 
les  obtenir  à  Page  de  dix-huit  ans  ,  pour 
pouvoir  jouir  de  leurs  biens  fans  pouvoir 
aliéner  les  fonds ,  en  forte  qu'elles  aient  en 
toutes  affaires  autant  de  droit  ôc  de  pou- 
voir que  les  hommes.  La  raifbn  pour  la- 
quelle la  loi  fait  mention  nommément  des 
filles  ,  eft  que  dans  l'ancien  droit  romain  , 
les  femmes  étoient  perpétuellement  en  cu- 
ratelle. 

Il  paroît  fingulier  que  cette  loi  oblige 
les  mineurs  qui  veulent  jouir  de  leur  re- 
venu ,  de  prendre  des  lettres  ,  vu  que  , 
fuivant  le  droit  romain  ,  la  tutele  finit  à 
l'âge  de  puberté ,  qui  eft  de  quatorze  ans 
pour  les  mâles ,  &  de  douze  ans  pour  les 
filles  ;  &  que  ,  fuivant  ce  même  droit ,  il 
eft  libre  au  mineur  pubère  de  ne  pas  de- 
mander de  curateur.  Mais  il  eft  évident  que 
la  loi  a  entendu  parler  du  cas  où  le  mineur 
a  un  curateur ,  comme  on  lui  en  donne  uni 
ordinairement  en  fortant  de  la  tutele  :  ce 
qui  eft  fondé  fur  la  difpofition  de  cette 
même  loi ,  qui  fuppofe  qu'un  mineur  n'eft 
pas  capable  de  gouverner  fon  bien  au  plutôt 
qu'à  l'âge  de  vingt  ans  accomplis. 

Néanmoins  dans  notre  ufage  les  lettres 
de  bénéfice  d'âge  s'obtiennent'  fouvent 
plutôt  tant  en  pays  coutumier  ,  que  dans 
les  pays  de  droit  écrit  :  cela  dépend  de  la 
capacité  des  mineurs  ,  de  l'avis  des  parens  , 
&  de  l'ordonnance  du  juge  ;  mais  ordinai- 
rement on  n'accorde  point  de  lettres  de 
bénéfice  d'âge  au  deffous  de  la  puberté. 

Les  mineurs  peuvent  auiïî  être  émanci- 
pés par  mariage  ,  ou  par  la  majorité  cou- 
tumiere  ,  que  les  coutumes  fixent  diffé- 
remment ;  mais  en  ce  cas  ils  ont  toujours 
befoin  de  lettres  du  Prince  ;  de  forte  que 
les  coutumes  qui  femblent  accorder  [V- 
mancipation  à  celui  qui  atteint  l'âge  de  ma- 
jorité coutumiere  ,  ne  font  proprement  que 
régler  l'âge  auquel  on  peut  obtenir  des  let- 
tres à' émancipation. 


E  M  A  103 

La  majorité  parfaite  opère  aufTi  une  ei- 
pece  ai  émancipation  légale. 

Le  mineur  émancipé  peut  faire  feul  tous 
acles  d'adminiftration  ;  mais  il  ne  peut 
aliéner  ni  hypothéquer  fes  immeubles  fans 
avis  de  parens  Se  décret  du  juge. 

Il  ne  peut  aulli  efter  en  jugement ,  fans 
être  aiîifté  d'un  curateur.  (  A  ) 

Emancipation  de  Moines  :  on  s'eft 
quelquefois  fervi  de  ce  terme  dans  les  mo- 
nafteres ,  en  parlant  des  moines  promus  à 
quelque  dignité  ,  ou  tirés  hors  de  l'obéif- 
fance  de  leurs  fupérieurs.  Voy.  le  glojf.  de 
Ducangè  ,  au  mot  Emancipatio.  (  A) 

Emancipation  d'un  Monastère  eft 
dite  dans  quelques  anciens  auteurs  ,  pour 
exemption  de  la  jurifdiclion  de  l'ordinaire. 
Voye-^ Ducange  ibid.  (A) 

Emancipation  per  as  &  libram ,  voye^ 
Emancipation  ancienne. 

Emancipation  tacite  ,  eft  celle  qui 
a  lieu  de  plein  droit  en  faveur  du  mineur 
ou  du  fils  de  famille  ,  fans  le  confentement 
du  père  ,  ôc  fans  lettres  du  Prince  :  telles 
font  celles  qui  ont  lieu  par  le  mariage  ,  par 
l'acquifition  de  quelque  dignité,  par  l'ordre 
de  prêtrife ,  par  une  habitation  ou  un  com- 
jjierce  féparé. 

r  Suivant  le  droit  romain  ,  il  n'y  avoit 
que  la  dignité  de  patrice  capable  d'éman- 
ciper ;  celle  de  fénateur  n'avoit  pas  cet 
effet. 

En  France  ,  les  premières  dignités  des 
parlemens ,  telles  que  celles  de  préfidens  , 
de  procureurs  &  avocats  généraux  ,  éman- 
cipent. Les  grandes  dignités  de  l'épée  ôc 
de  la  cour  émancipent  auffi. 

Pour  ce  qui  eft  des  dignités  eccléfiafti- 
ques ,  en  pays  de  droit  écrit  ,  l'épifeopat 
eft  la  feule  qui  ait  l'effet  d'émanciper.  Les 
dignités  d'abbé ,  de  prieur  Ôc  de  curé  , 
n'émancipent  point. 

En  pays  coutumier  la  prêtrife  émancipe , 
comme  le  décide  la  coutume  de  Bourbon- 
nois  ,  ôc  que  Coquille  l'obferve  fur  celle 
de  Nivemois  :  mais  Failànd  ,  fur  celle  de 
Bourgogne  ,  dit  que  la  prêtrife  n'émancipe 
que  quand  le  prêtre  poflede  un  bénéfice  qui 
requiert  réfidence. 

L'habitation  feparée  n'émancipe  que  dans 
les  pays  coutumiers  :  encore  la  coutume 
de  Châlons  eft-elle  la  feule  qui  fe  contente 

Ce: 


204  E  M  A 

de  cette  circonstance.  Celle  de  Bretagne 
5c  de  Bordeaux  veulent  en  outre  l'âge  de 
vingt-cinq  ans  -,  celle  de  Poitou  requiert  le 
mariage  avec  l'habitation  féparée  •■,  celle  de 
Saintonge  veut  tout-à-la-fois  le  mariage  , 
l'âge  de  vingt  ans  pour  les  nobles,  de  vingt- 
cinq  ans  pour  les  roturiers ,  5c  l'habitation 
féparée. 

Le  commerce  ou  négoce  féparé  éman- 
cipe auffi  en  pays  coutumier  ,  comme  le 
décident  les  coutumes  de  Berri  ,  Bour- 
bonnois ,  &  Bordeaux  :  ce  qui  eft  con- 
forme à  l'article  6  du  tit.j.  de  l'ordonnance 
du  commerce  ,  qui  répute  majeurs  tous 
négocians  5c  marchands  ,  mais  feulement 
pour  le  fait  du  commerce  dont  ils  fe  mê- 
lent. (A) 

EMANCIPE  ,  {Jurifprud.  )  eft  celui 
qui  jouit  de  fes  droits  ,  au  moyen  de  l'é- 
mancipation exprefle  ou  tacite  qu'il  a 
acquife. 

Le  mineur  émancipé  peut  toucher  fes 
revenus  5c  difpofer  de  fon  mobilier  ;  mais 
il  ne  peut  aliéner  ni  hypothéquer  fes  im- 
meubles ,  fans  avis  de  parens  homologué 
par  le  juge.  Il  ne  peut  aufïi  efter  en  juge- 
ment s  fans  être  aiîifté  de  curateur. 

Le  fils  de  famille  ,  majeur  lorfqu'il  eft 
émancipé  ,  jouit  de  tous  les  droits  des 
majeurs  qui  font  fui  juris.  Voyez  ci-devant 
Emancipation.  {A) 

*  EM  ANUEL  y  furnommé  le  Fortuné  s 
roi  de  Portugal  ,  (  Hijf.  de  Portugal.  ) 
monta  fur  le  trône  en  1495  ,  après  la  mort 
de  fon  coufin  Jean  II ,  mort  fans  enfans 
légitimes.  L'empereur  Maximilien  préten- 
doit  que  la  couronne  de  Portugal  lui  ap- 
partenoit  ;  mais  Emanuel  fut  proclamé  , 
fins  que  l'on  eût  aucun  égard  aux  pré- 
tentions de  Maximilien.  Il  fignala  fon 
avènement  par  des  traits  de  généralité  , 
tels  que  la  grâce  des  enfans  du  duc  de 
Bragance  ,  qu'il  rappella,  de  auxquels  il 
fît  rendre  leurs  biens  ,  en  dédommageant 
amplement  ceux  qui  les  poflédoient,  8c 
la  remife  du  tribut  que  fon  prédécefïeur 
avoit  impofé  aux  Juifs.  Mais  fon  amour 
pour  Ifabelle  ,  veuve  d'Alphonfe ,  fils  de 
Jean  II  ,  endurcit  fon  cœur  au  point  de 
lui  faire  commettre  plufieurs  injuftices. 
Cette  princefle  jeune  &  belle  étoit  ani- 
mée d'un  zèle  violent  contre  les  Maures 


E  M   A 

&c  les  Juifs.  Emanuel ,  épris  de  fes  char- 
mes ,  ne  put  obtenir  fa  main  qu'à  condition 
qu'il  chalferoit  les  Maures  5c  les  Juifs  de 
fes  états.  Son  confeil  condamnoit  cette  vio- 
lence ,  comme  préjudiciable  à  l'état  ÔC 
contraire  à  l'équité  naturelle.  La  pailion 
du  prince  prévalut.  Les  Maures  &  les 
Juifs  eurent  ordre  de  fortir  du  royaume  , 
fous  peine  de  demeurer  efclaves  s'ils  n'o- 
béilloient  promptement.  Les  Maures  paflè- 
rent  en  Afrique.  Les  Juifs ,  en  fuyant ,  ne 
purent  pas  emmener  avec  eux  leurs  enfans 
au  deiîous  de  quatorze  ans.  On  les  retint 
de  force  pour  les  inftruire  des  principes  du 
Chriftianifme. 

Les  découvertes  &  les  conquêtes  de 
Vafco  de  Gama  ,  d'Alvarès  Cabrai  ,  & 
d'Albuquerque ,  portèrent  la  gloire  à' Ema- 
nuel 5c  de  la  nation  Portugaife  au  plus 
haut  degré.  Jamais  le  Portugal  ne  fut  plus 
floriflant  que  fous  le  règne  de  ce  prince , 
qui  fut  appelle  Y  âge  d'or  du  Portugal. 
Heureux  dans  toutes  les  entreprifes  au 
dehors  ,  il  ne  négligeoit  point  ce  qui 
pouvoit  établir  le  bon  ordre  5c  la  pros- 
périté au  dedans  de  fon  royaume.  Il  fit 
de  fages  ordonnances  que  l'on  refpe&e 
encore.  Ami  des  lettres  ,  il  cultiva  les 
feiences  &  honora  les  favans  ,  5c  favoit 
diftinguer  les  talens  fupérieurs  des  médio- 
cres ;  il  récompenfoit  les  uns  5c  encou- 
rageoit  les  autres.  Emanuel  mourut  à  l'âge 
de  cinquante-deux  ans  :  il  en  avoit  régné 
vingt-fix.  Les  larmes  de  fes  fujets  prouvè- 
rent fenfiblement  combien  il  leur  étoit 
cher. 

EMARGEMENT  ,  f.  m.  {Fin.  )  Fac- 
tion de  tranfporter  à  la  marge.  On  a  fait 
de  ce  fubftantif  le  verbe  émarger.  Voyez 
l'article  Marge. 

EMASCULATION  ,  f.  f.  l'action  par 
laquelle  on  enlevé  à  un  mâle  les  parties  qui 
cara&érifent  fon  fexe.  V.    Castration. 

U) 

*  EM ATURIES ,  f.  f.  d'eti^troa  cruento  > 
(  Myth.  )  fêtes  qui  fe  célébraient  à  La- 
cédémone  au  tombeau  de  Pélops  ;  là  de 
jeunes  garçons  fe  fouettoient  juiqu'à  ce 
que  le  tombeau  fut  arrofé  de  leur  fang. 
Voilà  des  fêtes  qui  fe  fentent  bien  du  ca- 
ractère dur  5c  auftere  du  peuple,  Voye^ 
Fêtes. 


E  M  A 

§  EMAUX  ,  f.  m.  plur.  (  terme  de  Sla- 
foti.  )  gcntilitii  fcuti  metalla  &  colores. 

Il  y  a  neuf  émaux  ,  dont  deux  métaux , 
cinq  couleurs  8c  deux  fourrures. 

Les  métaux  font  le  jaune,  qu'on  nomme 
or  ;  le  blanc  ,  argent. 

Les  couleurs  font  le  bleu  ,  qu'on  nomme 
at^ir  ;  le  rouge  ,  gueules  \  le  verd  ,  finople  ; 
le  noir  ,  fable  ;  8c  le  violet ,  pourpre. 

Les  fourrures  font  le  vair  8c  l'hermine. 

Ces  émaux  fe  marquent  en  gravure  par 
des  points  ,  traits  ou  hachures. 

L'or  par  grand  nombre  de  petits  points. 

L'argent ,  tout  blanc  ,  c'eft-à-dire  ,  fans 
aucune  hachure. 

L'azur,  par  des  lignes  horizontales, 

Le  gueules  ,  par  des  lignes  perpendi- 
culaires. 

Le  finople ,  par  des  lignes  diagonales  à 
droite. 

Le  fable  ,  par  des  lignes  horizontales 
8c  perpendiculaires  croifées  les  unes  fur  les 
autres. 

Le  pourpre  ,  par  des  lignes  diagonales  à 
gauche. 

Le  vair  ,  par  l'azur  chargé  de  pentes 
pièces  d'argent  en  forme  de  clochettes 
renverfées. 

L'hermine,  par  l'argent  chargé  de  mou- 
chetures de  fable. 

Signification  des  émaux. 

L'or  fîgnifîe  richejfe  ,  force  3foi,  pureté 
&  confiance. 

L'argent  ,  innocence  ,  blancheur  ,  vir- 
ginité. 

L'azur  ,  royauté  ,  majefié  ,  beauté  , 
erenrte. 

Le  gueules ,  courage  >  hardiejfe  ,  intré- 
pidité. 

Le  finople  ,  liberté  ,  efpérance  ,  abon- 
dance. 

Le  fable  ,  fcience  ,  modefiie  ,  afiliclion. 

Le  pourpre  ,  dignité  ,  puijfance  ,  fouve- 
raineté. 

Le  vair  8c  l'hermine  ,  grandeur  ,  auto- 
rité ù  empire. 

A  ces  neuf  émaux  3  on  en  ajoute  deux 
autres. 

Le  couleur  de  chair ,  que  l'on  nomme 
de  carnation ,  pour    les    parties   du    corps 


E    M  B  205 

1  humain  ,  telles  que  le  vifage ,  les  mains  3 
les  pies. 

La  couleur  naturelle  ,  pour  les  arbres , 
plantes  ,  fruits  &  animaux  ,  s'ils  font  tels 
que  la  nature  les  repréfente  ,  alors  on  les 
dit  au  naturel. 

Eiymologie  des  émaux. 

Le  mot  émail  (  au  pluriel  émaux  )  vient 
de  VhsXitn  fmalto  ,  félon  Ménage. 

D'autres  le  dérivent  de  l'hébreu  hhaf- 
mal  y  traduit  par  eleârum  ,  forte  d'émail 
compofé  d'or  8c  d'argent  ;  les  Latins  de 
la  bafle  latinité  en  ont  hitfmaltufn  d'où  eft 
venu  émail. 

Et  ce  mot  émail  a  été  introduit  dans 
l'art  héraldique  ,  parce  que  anciennement 
on  repréfentoit  en  émaux  de  diverfes  cou- 
leurs (  furies  écus ,  cote-d'armes  ,  boucliers* 
8c  autres  armes  offenfives  8c  défenuves  ) , 
les  pièces  deblafonqueleschevaliers  «voient 
pri(ès  pour  fe  diftinguer  8c  reconnoitre  dans 
les  tournois. 

EMBACLE  ,  f.  f.  terme  de  rivière  ,  dont 
on  fe  fert  pour  exprimer  l'embarras  de  plu- 
sieurs cordes  de  bois  que  l'on  a  miles  à 
flot  ,  8c  qui  font  arrêtées  par  quelques 
obftacles.  Voye^  Cordes  ,  Bois.  Voye^ 
auffi  l'article  Train. 

EMBALLAGE  3  f.  m.  terme  de  douane 
&  de  commerce ,  qui  a  plufieurs  fignifi- 
cations. 

i°.  Emballage  s'entend  de  l'action  même 
d'emballer.  Voye^  Emballer. 

20.  Emballage  comprend  tout  ce  qui  fert 
à  emballer  les  marchandifes  ,  comme  le 
papier  ,  le  carton  ,  les  caiflès ,  tonneaux  , 
bannettes  ,  toiles  cirées  ,  ferpilieres ,  cor- 
dages ,  &c.  pour  lefquels  il  n'eft  fait  au- 
cune déduction  de  poids  pour  les  droits 
d'entrée  8c  de  fortie ,  félon  le  tarif  de  1664 
8c  l'ordonnance  de  1 667  ,  fî  ce  n'eft  pour 
les  marchandifes  d'or  8c  d'argent ,  8c  pour 
les  drogueries  8c  épiceries. 

30.  Emballage  ne  lignifie  fou  vent  que  les 
toiles  ou  ferpilieres  qui  fervent  à  empaque- 
ter les  marchandifes. 

Une  toile  d'emballage  eft  une  forte  de 
toile  grofïiere  ,  mais  forte  ,  qui  fert  à  em- 
baller :  elle  eft  différente  de  la  ferpiliere  , 
quoiqu'on  fe  ferve  auiïï  de  celle-ci   pour 


io6  E  M  B 

emballer.  Voye^  Serhliere.  Diction,  de 
comm.  de  Trév.  &  Chambers.  (G) 

EMBALLER,  v.  a&.  (  Comm.  )  faire 
Temballagc  d'une  cairfe  de  marchandifes , 
l'envelopper  de  toile  8c  la  garnir  de  paille  , 
pour  la  conferver  5c  la  garantir  de  la  pluie , 
au  mauvais  temps  8c  autres  accïdens ,  lorf- 
qu'on  eft  obligé  de  la  tranfporter  au  loin  , 
foit  par  des  voitures  de  terre  ou  de  rivière  , 
Toit  par  mer  ,  &  pour  les  voyages  de  long 
cours. 

Il  y  a  plufieurs  manières  d'emballer  les 
marchandises  ;  les  unes  s'emballent  feule- 
ment avec  de  la  paille  8c  de  la  groflè  toile  ; 
les  autres  dans  des  bannes  ou  bannettes 
d'ofier  ou  de  bois  de  châtaignier  ,  ou  dans 
des  caiftes  de  bois  de  lapin  qu'on  couvre 
d'une  toile  cirée  graflè  ,  toute  chaude  ; 
d'autres  dans  de  gros  cartons  qu'on  enve- 
loppe de  toiles  cirées  feches  ,  quelquefois 
fans  autre  couverture  ,  mais  le  plus  (bu- 
vent  avec  de  la  paille  8c  de  la  toile.  Dans 
tous  ces  emballages  on  coud  la  toile  avec 
de  la  ficelle  &  une  groflè  aiguille  ,  8c  on 
la  ferre  pardeffus  avec  une  forte  corde , 
qui  failant  plufieurs  tours  de  divers  fens 
autour  du  ballot ,  aboutit  à  un  des  coins , 
où  elle  eft  enfin  liée  8c  arrêtée.  C'eft  à  ce 
bout  de  la  corde  que  les  vifiteurs  ou  autres 
commis  des  douanes  mettent  leur  plomb  , 
afin  que  la  balle  ne-  puiflè  s'ouvrir  fans  le 
lever ,  Se  que  les  marchandifes  qu'ils  ont 
vifitées  ne  puifTent  être  changées  ni  aug- 
mentées au  préjudice  des  droits  du  roi. 

Dans  les  échelles  du  Levant ,  comme 
à  Alep  ,  Smyrne  ,  &c.  les  emballages  , 
particulièrement  ceux  des  foies  ,  ont  tou- 
jours deux  toiles  ;  l'une  intérieure  ,  qu'on 
appelle  la  chemife  ;  l'autre  extérieure  ,  qui 
eft  la  couverture.  Les  Levantins  remplif- 
ient  l'entre-deux  de  ces  toiles ,  de  paille  , 
ÔC  quelquefois  de  coton.  Dictionnaires 
de  Commerce ,  de  Trévoux  ,  &  Chambers. 
(G) 

EMBALLEUR  ,  f.  m.  (  Comm.  )  celui 
dont  le  métier  ou  la  fonction  eft  de  ranger 
les  marchandifes  dans  les  balles,  de  les 
empaqueter  Se  emballer. 

Autrefois  les  crocheteurs  &c  gagnes-de- 
niers faifoient  cet  office  dans  les  douanes  ; 
mais  maintenant  dans  celles  de  Lyon  &c  de 
paris  il  y  a  des  emballeurs  en  titre  d'office , 


E  M  B 

qui  paient  paulette  au  roi  ,  ont  des  droits 
réglés  par  un  tarif ,  font  bourfe  commune , 
&c  forment  un  corps  qui  a  fon  fyndic  &c 
autres  officiers.  Ils  font  à  Paris  au  nombre 
de  foixante  partagés  en  deux  bandes  ,  dont 
l'une  eft  de  fervice  à  la  douane  ,  8c  l'autre 
à  leur  bureau  rue  des  Lombards  ,  où  ils 
roulent  ainfi  alternativement  tous  les  huit 
jours. 

Ce  fbnt  les  emballeurs  qui  écrivent  fur 
les  toiles  d'emballage,  les  numéros  des  ballots 
appartenais  au  même  marchand  ,  8c  en- 
voyés au  même  correfpondant  ,  les  noms 
8c  qualités  de  ceux  à  qui  ils  font  envoyés, 
8c  les  lieux  de  leur  demeure.  Ils  ont  auffi 
foin  de  deiïiner  un  verre  ,  un  miroir  ou 
une  main  fur  les  cailles  de  marchandifes 
cafuelles  ,  pour  avertir  ceux  qui  les  remue- 
ront ,  d'ufer  de  précautions. 

Les  inftrumens  dont  fe  fervent  les  embal- 
leurs y  font  un  couteau  ,  une  bille  de  bois  , 
ordinairement  de  buis  ,  &  une  longue  8c 
forte  aiguille  à  trois  carres  :  leur  fil  eft  une 
médiocre  ficelle ,  qui  dans  le  commerce  de 
lalcorderie  eft  appellée  ficelle  d'emballage. 
Dictionnaires  de  commerce  ,  de  Trévoux ,  & 
Chambers.  {G) 

*  EMBAMMA  ,  (  Hijl.  anc.)  efpece 
de  fauce  ou  de  falade  à  laquelle  on  joignoit 
l'épithete  à'amarum  ,  amere  ,  8c  qui  fer- 
voit  d'afîàifonnement  à  l'agneau  pafchal. 
C'étoit  ou  des  endives  ,  ou  de  la  chicorée , 
ou  de  la  laitue  ,  ou  de  la  pulmonaire  ,  ou 
le  chardon  ,  le  raifort  ,  les  orties ,  &c.  on 
tenoit  du  vinaigre  dans  un  vafè  placé  à  côté 
de  ces  herbes  ;  8c  après  plufieurs  céré- 
monies religieufes  que  le  maître  de  la 
maifbn  faifoit ,  il  rompoit  un  morceau  de 
pain  azyme ,  le  couvroit  d'herbes  ameres , 
trempoit  le  tout  d'abord  dans  le  vinaigre , 
enfuite  dans  une  fauce  de  figues  ,  de  rai-" 
fins  ,  &c.  8c  difbit  :  "  Béni  foit  le  Seigneur 
»  notre  Dieu ,  le  maître  du  monde  ,  qui 
»  nous  a  fanctifiés  par  fes  commandemens , 
»  8c  nous  a  ordonné  de  manger  le  pain 
»  azyme  avec  la  fauce  amere.  »  Il  man- 
geoit  enfuite  le  pain  tremjpé  8c  les  herbes  , 
béniflbit  les  mets ,  goûtoit  à  l'agneau  paf- 
chal ,  8c  abandonnoit  le  refte  de  l'agneau  , 
des  herbes ,  du  pain  8c  des  fauces  à  la  dé- 
votion 8c  à  l'appétit  des  autres  convives , 
dont  le  repas  commençoit  alors. 


EMB 

EMBANKIS  ,  {luth.)  nom  général  des 
principaux  inftrumens  de  mufiquc  du 
royaume  de  Congo  ,  dont  le  roi  8e  les 
princes  font  feuls  ufage. 

EMBANQUÉ  ,  adj.  (  Marine.  )  Les 
navigateurs  qui  vont  à  la  pêche  de  la 
morue  ,  ou  qui  font  route  pour  Terre- 
neuve  8e  le  golfe  de  Saint  -  Laurent,  fe 
fervent  de  ce  terme  pour  dire  qu'ils  font 
arrivés  fur  le  banc   de  Terre-neuve.  (  Z  ) 

*EMBANQUER,  v.  adt.  ou  neut. 
(  Manufacl.  en  foie.)  c'eft  pafler  les  canons 
d'organfîn  à  la  cantre  ,  pour  fe  difpofer  à 
ourdir.  Voye^  Canons  ,  Organsin  & 
Cantre» 

*  EMBARBE  ,  f.  f.  (Manufacl.  en  foie.  ) 
ficelle  fervant  au  métier  d'étoffes  de  foie  ; 
elle  a  trois  quarts  d'aune  de  long  ,  8e  elle 
eft  bouclée  par  un  de  fes  bouts.  On  enfile 
les  embarbes  les  unes  après  les  autres  à 
une  corde  ,  afin  que  quand  on  veut  s'en 
fervir  ,  elles  ne  puiffent  jamais  être  prifes 
les  unes  avant  les  autres  :  leur  ufage  dans, 
le  lifage  des  deffins  ,  eft  d'arrêter  les  cordes 
de  femple  que  la  lifeufe  retient.  Voye^ 
Semple  &  Lire. 

Peigner  lès  embarbes ,  c'eft  les  débrouiller 
après  qu'on  les  a  tirées  du  femple  ,  8e 
lorfque  les  lacs  font  finis.  Voye{  Lacs. 

EMBARBER  ,  v.  n.  terme  de  rivière. 
Lorfqu'un  bateau  vient  d'amont ,  &  qu'il 
eft  près  de  palier  un  pont  ou  un  permis, 
on  dit  ;  ce  bateau  va  embarber  V arche  ava- 
lante ;  ce  bateau  efl  près  d'embarber  le  per- 
mis.  Voye^  Pertuis. 

EMBARCADERE  &  EMBARCA- 
DOUR,  f.  m.  {Mar.)  Les  Efpagnols 
donnent  ce  nom  aux  ports  8e  rades  qu'ils 
ont  le  long  des  côtes  de  l'Amérique  méri- 
dionale ,  8c  fur-tout  dans  la  mer  du  Sud  , 
où  ils  vont  charger  les  marchandifes  8e 
faire  le  commerce  pour  les  villes  qui  font 
dans  le  dedans  des  terres.  Il  y  a  des  em- 
barcadères qui  font  fort  éloignées  des  villes  : 
Car  exemple,  Arica  eft  {'embarcadère  duPoto- 
u  \  Acapulco  &c  la  Vera-Crux  peuvent  être 
regardés  comme  les  embarcadères  de  la 
ville  de    Mexico.  (Z) 

EMBARD^R  ,  v.  neut.  (  Marine.  ) 
e'eft  lorsqu'on  fait  faire  au  vaifîeau  un 
mouvement  pour  s'éloigner  de  l'endroit 
ou,  il  eft..  On  dit  y  embarde  au  large  y  lorf- 


EMB  207 

qu'étant  dans  la  chaloupe  auprès  du  vaif- 
îeau ,  ou  pouffe  d'un  côté  ou  d'autre  pour 
s'en  éloigner.  Embarder  fe  dit  encore  lorf- 
qu'un vaiflèau  eft  à  l'ancre  ,  8e  qu'on  lui 
fait  fentîr  fon  gouvernail  pour  le  jeter  d'un 
côté  ou  d'un  autre.  (  Z  ) 

EMBARGO  ,  f.  m.  (  Mar.  )  Mettre 
un  Embargo.  On  fe  fert  de  ce  terme 
pour  celui  à? arrêt ,  ou  pour  fîgnifier  l'ordre 
que  les  fouverains  donnent  pour  arrêter 
tous  les  vaiffeaux  dans  leurs  ports ,  Se 
empêcher  qu'il  n'en  forte  aucun ,  afin  de 
les  trouver  prêts  pour  leur  fervice,  en  cas 
de  befoin  ;  ce  qu'on  les  oblige  de  faire  en 
les  payant.  En  France  on  dit  fermer  les 
ports.  (  Z  ) 

EMBARILLÉ  ,  adj.  (  Comm.  )  ren- 
fermé dans  un  baril  ;  ainil  on  dit  de  la 
farine  embarillée. 

EMBARQUEMENT ,  f.  m.  (  Comm.  ) 
l'action  de  charger  des  marchandifes  ou 
des  troupes  dans  un  vaifîeau.  Ce  terme 
lignifie  aufiï  dans  le  commerce  ,  les  frais 
qu'il  en  coûte  pour  embarquer  des  marchan- 
difes. Diclionn.  de  Comm.  de  Trévoux , 
&  Chambers.  (  G  ) 

EMBARQUER  des  Marchandises  , 
(  Comm.  )  c'eft  en  charger  un  vaiiîèau  ou 
un  bateau. 

Un  maître  de  vaifïeau  doit  avoir  le  con- 
noiftèment  de  toutes  les  marchandifes  qu'il 
embarque  ;  8e  un  voiturier  par  eau ,  la 
lettre  de  voiture  de  celles  dont  fon  bateau 
eft  chargé  pour  les  repréfenter  en  cas  de 
befoin; 

Embarquer  en  grenier  ,  c'eft  embarquer 
des  marchandifes  fans  être  emballées  ni- 
empaquetées. 

On  embarque  de  cette  forte,  le  fêl  ,  le 
bled,  toutes  fortes  de  grains,  de  légumes, 
certains  fruits.,  comme  les  pommes  ,  les 
noix  ,  le  poiffon  {"ec  ,  les  métaux  ,  &c. 
c'eft-à-dire  qu'on  les  met  en  tas  dans  des 
lieux  fècs  8e  préparés  exprès  à  cet  ufage 
dans  les  navires  8e  bateaux.  Diclionn.  de 
Commerce  ,  de  Trévoux  ,  &  Chambers. 
(G) 

^EMBARRAS  ,  f.  m.  il  fe  prend  au 
phyfîque  8e  au  moral  ;  au  ph^Jîque ,  pour 
tout  ce  qui  empêche  la  facilite  d'un  mou- 
vement ou  d'une  action  ;  8c  au  moral , 
pour  toucce  qui  nuit  à  l'expédition  prompte: 


îo8  E  M  B 

d'une  affaire ,  ou  à  la  commodité  de  la 
vie.  On  dit  les  embarras  d'une  route  ÔC 
les  embarras  du  monde.  On  dit  encore  avoir 
l'efprit  embarrajfé  d'affaires ,  être  embarrajfé 
de  quelqu'un,  ôcc. 

EMBARRE  ,  (  Manège  &  maréch.  ) 
cheval  embarré.  Voye^  s'Embarrer  ,  Em- 

BARRURE. 

EMBARRER  (s')  Manège  Ù  marée. 
Un  cheval  qui  Rembarre  ,  eifc  celui  qui  le 
trouve  tellement  pris  &  arrêté  après  avoir 
pafle  l'une  de  fes  jambes  au  delà  de  la 
barre  qui  limitoit  la  place  qu'il  occupe 
dans  l'écurie ,  qu'il  ne  peut  plus  l'en  dé- 
gager.  Dans  les  efforts  qu'il  fait  pour  y 
parvenir  ,  il  peut  fe  bleflèr  plus  ou  moins 
dangereufement.  Voye^  Embarrure.  Des 
féparations  en  forme  de  cloifon  ,  la  fuf- 
penfion  des  barres  à  une  jufte  hauteur, 
préviendraient  fans  doute  un  pareil  événe- 
ment.   Voye-^  Ecurie,  (e) 

EMBARRURE,  f.  f.  terme  de  Chirurgie , 
efpece  de  fracture  du  crâne  ,  dans  laquelle 
une  efquille  paffe  fous  l'os  fain  3  ôc  com- 
prime la  dure-mere.  Il  faut  tâcher  de 
tirer  avec  adrefîe  cette  pièce  d'os  avec  des 
pincettes  convenables.  Si  l'on  croit  n'y 
pouvoir  réufïir  ,  ou  fi  en  faifant  des 
tentatives  il  y  a  du  rifque  de  caufer  quel- 
que déchirement  à  la  dure-mere,  il  faut 
appliquer  le  trépan  ,  ôc  le  multiplier ,  fi 
le  betoin  le  requiert ,  afin  de  pouvoir  en- 
lever facilement  la  pièce  d'os  qui  forme 
l'embarrure.  Voye^  Engisomme  &  Tré- 
paner. (Y) 

Embarrure  ;  f.  f.  (  Manège  &  Mar.) 
On  appelle  improprement  ainfi  tout  acci- 
dent qui  fuit  l'a<5fcion  de  s'embarrer  :  l'effet 
ou  la  maladie  eft  donc  ici  défîgné  ôc  re- 
connu par  le  nom  même  de  la  caufe  qui 
l'a  produit. 

Ces  accidens  ne  fè  bornent  pas  toujours 
à  de  fimples  écorchures  ;  ils  confident 
fouvent  dans  des  contufions  plus  ou  moins 
dangereufes,  félon  qu'elles  font  plus  ou 
moins  fortes  Se  plus  ou  moins  profondes , 
ôc  félon  aufïi  la  nature  de  la  partie  contufe 
Ôc  arfe&ée. 

L'écorchure  eft  une  légère  folution  de 
continuité ,  une  érofion  qui  n'intérefle  que 
les  poils ,  1'épiderme ,  les  fibres  ôc  les  petits 
vaiflèaux  cutanés. 


E  M  B 

Il  eft  certain  que  l'embarrure  limitée  à 
ce  feul  événement ,  ne  peut  jamais  être 
envifagée  comme  une  maladie  grave  ;  elle 
eft  cependant  quelquefois  accompagnée 
d'inflammation  ,  ce  que  l'on  reconnoît 
aifément  à  la  fenfibilité  que  témoigne  l'a- 
nimal ,  lorfque  nous  portons  la  main  fur 
cette  plaie  fuperficielle ,  à  la  chaleur  ôc  au 
gonflement  qui  fe  manifefte  dans  fes  envi- 
rons ;  ôc  alors  elle  exige  plus  d'attention  de 
la  part  du  maréchal. 

Il  ne  fuffit  pas  en  effet  de  recourir  à 
des  pommades  ou  à  des  liqueurs  defTica- 
tives  ;  il  s'agit  premièrement  de  détendre 
ôc  de  calmer.  L'application  prématurée  de 
ces  topiques  qui  ne  conviennent  que  dans 
le  cas  de  l'abfence  de  tous  les  fignes  dont 
je  viens  de  parler ,  augmenteroit  inévita- 
blement le  mal  :  on  oindra  donc  d'abord 
le  lieu  où  le  fîege  en  eft  établi  ,  avec  un 
mélange  de  miel  ôc  d'onguent  d'akruea  , 
jufqu'à  ce  que  la  douleur  s'évanouilfe  ;  à 
me(ure  qu'elle  fe  difïipera ,  on  fupprimera 
infenfiblement  Palthasa  pour  lui  fubftituer 
l'onguent  pompholix  ou  l'onguent  de  cé- 
rufe  toujours  mêlée  avec  le  miel  ;  ôc  la 
plaie  étant  enfin  deflêchée  par  ce  moyen, 
ou  procurera  la  régénération  des  poils  :  il 
n'eft  point  de  voie  plus  affurée  pour  y 
parvenir  ,  que  celle  d'oindre  la  partie  qui 
en  eft  dépourvue  avec   Ponguent  fuivant. 

"  Prenez  pampre  de  vigne  que  vous 
»  pilerez  dans  un  mortier  de  fonte  5  après 
»  en  avoir  broyé  une  petite  quantité , 
»  ajoutez-y  du  miel  ;  broyez  de  nouveau 
»  le  tout ,  reprenez  des  pampres  ,  pilez- 
»  les  ôc  ajoutez  encore  du  miel  ;  conti- 
»  nuez  juiqu'à  ce  que  vous  ayiez  préparé 
»  aflèz  de  cet  onguent  ,  que  vous  gar- 
>»  derez  foigneufement  pour  le  befoin  , 
"  ôc  que  vous  aurez  attention  de  renou- 
»  veller  chaque  année.  » 

il  peut  arriver  aufïi  que  l'inflammation 
foit  très  -  confîdérable  ,  alors  on  faignera 
l'animal  :  de  plus  ,  s'il  furvient  des  fon- 
gofités  ,  on  emploiera ,  lorfqu'il  n'y  aura 
plus  d'inflammation ,  de  foibles  confbmp- 
tifs  pour  les  détruire ,  tels  que  l'alun  brûlé  , 
mêlé  avec  le  miel  ,  ôc  même  avec  Pacgyp- 
tiac ,  fi  ces  fongofités  font  d'un  certain 
volume.  Enfin ,  dans  le  cas  de  l'écorchure 
fimple  ôc  fans  complication  de  chaleur  & 

de 


E  M    B 

de  douleur  ,  on  fe  contentera  de  laver  la 
partie  malade  avec  du  vin  chaud  ,  de  la  fàu- 
poudrer  avec  de  la  cérufe  ,  ou  de  la  frotter 
avec  les  mélanges  defScatifs  &  adoucifîans 
dont  j'ai  fait  mention ,  ùc. 

Les  contufions  occafionées  par  Yembar- 
rure ,  ne  différent  de  celles  qui  font  le 
produit  de  i'impreffion  fubite  &  du  heurt 
de  quelque  corps  dur  &  obtus  ,  qu'en 
ce  que  communément  le  frottement  de  la 
partie  fur  la  barre,  fufcitant  une  érofîon, 
elles  .s'annoncent  par  une  tumeur  avec  fo- 
lution  extérieure  de  continuité.  Il  n'efî  pas 
néanmoins  abfolument  rare  que  cette  tu- 
meur (bit  fana  déperdition  de  fubffance  ,  & 
fans  ouverture  à  la  peau. 

Lorfque  la  contufion  fe  borne  au  tégu- 
ment ou  au  corps  graiffeux  ,  elle  eft  regar- 
dée comme  une  meurtrifîlire  ,  &  n'eft  fui- 
vie  d'aucun  accident  fâcheux  :  l'eau  fraîche, 
l'eau-de-vie  &  le  fivon  font  des  remèdes 
capables  d'en  opérer  l'entière  guérifon  ;  il 
n'en  eft  pas  de  même  lorfqu'clle  s'étend 
dans  les  parties  charnues  ,  ou  qu'elle  efl 
accompagnée  de  la  foulure  des  tendons  ou 
des  ligamens  ,  de  la  dilacération  du  tiflu 
interne ,  du  froifîèment ,  de  la  ccfnpref- 
fïon  des  vaifïêaux  ,  de  la  flagnation  des 
liqueurs  dans  leurs  canaux  ,  de  leur  extra- 
vafion  ;  &c.  Ces  différentes  complications 
nous  follicitent  à  un  traitement  plus  mé- 
thodique ,  &  dans  lequel  nous  devons  tou- 
jours nous  guider  par  la  variété  des  fymp- 
tomes  &  des  circonflances.  i°.  De  fortes 
con  tu  fions  ,  flir-tout  dans  la  partie  la  plus 
élevée  de  l'extrémité  ,  s'enflamment  le 
plus  fouvent  &  fuppurent.  J'ai  ouvert 
nombre  d'abcès  provenans  de  cette  feule 
&  unique  caufè.  2°.  Les  tendons  ou  les 
ligamens  font-ils  contus  &:  foulés  ?  la  dou- 
leur vive  à  laquelle  l'animal  efl  en  proie ,  la 
difficulté  qu'il  a  de  fe  mouvoir ,  nous  l'an- 
nonceront ;  &  ces  mêmes  fïgnes  réunis  &  . 
joints  à  celui  qui  réfulte  du  volume  &  de 
l'étendue  de  la  tumeur  ,  nous  indiqueront 
encore  tous  les  autres  accidens  qui  ont  eu 
lieu  dans  l'intérieur  du  membre  embarré. 

Dans  les  uns  &  les  autres  de  ces  cas  , 
la  faignée  à  la  jugulaire  eft  indifpenfable. 
Selon  l'ardeur  de  l'inflammation  &  la  viva- 
cité de  la  douleur  ,  on  appliquera  des  cata- 
plafmes  anodins  faits  avec  de  la  mie  de 
Tome  XII. 


E  M    B  209 

pain  bouillie   dans  du  lait ,  à  laquelle  on 
ajoutera  des  jaunes-d'œufs  ,  du  iafrarf  & 
de  l'onguent  populeum  ,•   par  le   fecours 
de  ces  médicarriens  ,  on  fatisfera  aux  pre- 
mières intentions    que    l'on  doit  avoir  , 
puiiqu'on  s'oppofera  d'une  part  à  l'affluence 
des  humeurs  fur  là  partie   tuméfiée  ,    & 
de  l'autre  ,  aux  progrès  de  l'inflammation 
qu'il  faut  abfolument  s'efforcer  d'appaifèr. 
Ces  deux  objets  étant  remplis ,   on  n'ou- 
bliera rien  pour  délivrer  la  partie  des  hu- 
meurs qui  s'y  feront  accumulées.  On  dé- 
butera d'abord  par  les  remèdes  réfoiutifs  ,  ' 
tels  que  les  cataplafmes  faits  avec  racine 
d'iris ,  de  bryone ,  de  chacune  deux  onces  ; 
fommités  d'abfynthe  &  d'auronne ,  fleurs 
de  .camomille  &  de  fureau  ,   de  chacune 
une  poignée  ;  femence  d'aneth  ,   fénugrec    ■ 
&  cumin  en  poudre  ,  de  chacun  une  once  ; 
fel  ammoniac  ,  quatre  drachmes  :  on  fera 
cuire  le  tout  dans  du  gros  vin  ,  on  pilera 
enfuite  le  marc  ,  on  y  mêlera  de  l'axonge 
humaine  ,  ou  de  l'axonge  de  cheval  &  du 
fafran  ,  de  chacun  deux  drachmes  pour  le 
cataplafme  que  l'on  appliquera  chaudement 
fur  la  partie ,   ou  tel  autre  fèmbiable  qui 
aura  les   mêmes  vertus  &  la  même  effica- 
cité.  En  frottant  encore  la  tumeur  avec 
les  réfoiutifs  fpiritueux  ,  ou  avec  i'-efprit 
de  matricaire  &  le  baume,  nervin  ,  ou  en 
mettant  en  ufàge  les  bains  réfoiutifs  aro- 
matiques ,  on  pourra  opérer  la  réfblution. 
S'il  y  a  enfin  épanchement  ou  infiltration 
d'humeur ,  &  que  cette  voie  que  l'on  doit 
toujours  préférer  à  toute  autre,    fbit  im  • 
poffible  ;   on  facilitera  la  fuppuration  par 
Ponction  de  l'onguent  bajîlicum  _,  enfuite 
on  ouvrira  la  tumeur.  Voye\  TUMEUR. 
Souvent  les   épervins  ,   les  courbes  ,    les 
furos  ,  font  provoqués  par  les  embarrures. 
Voye\  ÉPARVINS,    SUROS.    J'ai  vu  de 
plus  enfuite  d'un  pareil  accident  \  un  gon- 
flement énorme  &:  une  ohflruclion  confî- 
dérable  du  tiffu  vafculaire  qui  compoie  1a 
mafTe  des  tefîicules.   VoJç\  TESTICULE. 
Pendant  l'adminiflraiion  des  .remèdes 
que  je  viens  de  preferire  ,   on  doit  tenir, 
l'animal  à  un  régime  exact  ,  à  l'eau  blan- 
che ,  au  fort  ,  lui  adminiflrer  des  îavernens 
émoiliens  $  &c.  &  félon  le  dépôt  qui  en 
fera  réfulte  ,  le  purger  po^r  terminer  la 
traitement  (e) 

Dd 


iiq  E  M  B 

EMBASE  D'ENCLUME.  On  appelle 

ainli  un  reffaut  qui  fe  trouve  ;V  quelques 
enclumes  lorfqoe  la  table  n'eft  point  de 
niveau  avec  la  bigorne ,  foit  que  celle-ci 
fort:  ronde  vou  quarrée  ,  étant  d'un  pouce 
ou  environ  plus  baffe  que  la  table  de  l'en- 
clume. Ces  fortes  d'enclumes  fervent  aux 
Taillandiers  ,  &  à  leur  défaut  ils  fè  fervent 
d'enclumes  ordinaires.  (  D  ) 

EMBASEMENT,  f.  m.  cnArchiteB. 
eft  une  efpece  de  bafe  fans  moulure  ,  ou 
focle  continu  au  pié  d'un  édifice  ;  on  l'ap- 
pelle en  grec  flereobate  y  terme  qui  com- 
prend en  général  toute  forte  de  ft.rucr.ure 
folide  deftinéeà  foutenir  une  autre  partie 
d'un  édifice  moins  maflîve.  (  P  ) 

EMBATERIE  ,  f.  f .  (  Mufiq.  desanc) 
nom  d'une  marche  des  Lacédémoniens  , 
qui  s'evécutoit  fur  des  flûtes  propres'  à 
cet  effet  ,  &  qui  probablement  etoient 
-les  flûtes  ambatériennes.  Voye^  EMBA- 
TÉIUENNE  ,  (  $iufique  infirumentale 
des  anciens.  )Uembaterie  fervoit  à  régler 
les  pas  des  foidats ,  quand  ils  marchoient 
à  l'ennemi. 

Cette  marche  «droit  certainement  à  deux 
temps  ,  &  ne  changeoit  point  de  mefure  , 
comme  tous  les  autres  airs  des  Grecs,  qui 
changeoient  de  mefure  ,  fuivant  que  Je 
rhythme  des  paroles  i'exigeoir.  Car  ce  n'eft 
qu'avec  beaucoup  de  peine  qu'on  peut  par- 
venir à  marcher  régulièrement  en  réglant 
fes  pas  fur  un  air  d'un  mouvement  à 
trois  temps  ,  &  il  eft  impoflible  que  plu- 
sieurs hommes  puiffenr  marcher  uniformé- 
ment en  changeant  de  pas ,  comme  il  le 
faut  ,  quand  la  mefure  change.  Cette 
marche  étoit  encore  d'un  mouvement 
gravé  &  pofé  ,  car  l'on  fait  que  les  La- 
cédémoniens étoient  ce  tous  les  peuples 
ceux  qui  marcheient  r vec  le  plus*  de  gravité 
•  à  l'ennemi.   (F.  D.  C.  ) 

EMBATEKIENNE  ;  {  Mufiq.  infir. 
des  anc.  )  efpece  de  flûte  des  Grecs  , 
dont,  au  rapport  de  Pollux ,  ils  fe  fer— 
voient  en  voyageant ,  apparemment  pour 
rendre  le  chemin  moins  pénible  &  moins 
ennuyeux. 

Cette  flûte  ,  furnomme'e  emb:.te'rienne  } 
propre  à  la  marche ,  pourroit  bien  être 
celle  fur  laquée  les  Lacédémoniens  exé- 
curoient  leur  marche  appellée  embateric. 


E  MB 

Veyt\  Embaïerie  ,  {Mufiq.  desanc.) 
{F.D.C.) 

EMBATONNE  ,  adj.  (Blafon.)  On 

dit  qu'une  colonne  eft  cannelée  &  embâ- 
tonnée  y  pour  dire  que  Tes  cannelures  font 
remplies  de  figures  de  bâtons  ,  jufqu'à  une 
certaine  partie  de  fon  lût. 

EMBATTOIR  ,  f.  m.  {mare'ch. grof.) 
Voye\  EMBATTRE  ;  c'eft  une  foffe  dans 
laquelle  les  maréchaux  groffiers  mettent  les 
roues  qu'ils  veulent  ferrer.  Anciennement 
dans  Paris  les  embattoirs  étoient  placés 
dans  les  rues  au  devant  des  boutiques  de 
ces  ouvriers  ,  mais  la  police  a  réformé  cet 
abus.  (/)) 

EMB  ATTRE  ,  v.  ad.  (  Mare'ch.  grof.  ) 
C'eft  ie  nom  que  l'on  donne  à  la  ma- 
nœuvre par  laquelle  on  garnit  une  roue 
de  voiture  de  les  bandes  de  fer.  Il  y  a 
deux  manières  de  ferrer  les  roues  :  l'une 
avec  aurant  de  bandes  de  fer  qu'il  y  a 
de  jantes  à  la  roue ,  c'eft  celle  que  nous 
allons  expliquer  ;  l'autre  manière  conlifte 
à  ferrer  la  roue  avec  un  cercle  de  fer 
d'une  feirle  pièce  ,  ce  qui  fe  fait  avec 
l'aide  du  diable  (  voye\  DIABLE.  )  Pour 
embattre  ou  ferrer  une  rcue  y  on  la  place 
dans  i'embattoir  qui  eft  une  fofîê  de  6  X 
7  pies  de  long  fur  un  de  large  &  environ 
3  pies  de  profondeur  :  cette  foffe  doit  erre 
bien  maçonnée  ou  garnie  d'un  corroi  de 
glaife  ,  afin  qu'elle  puifîê  tenir  l'eau  dont 
on  la  remplit  ,  &  dont  on  verra  l'ufage 
ci-après.  Çetre  tofîè  ou  embattoir  eft  bor- 
dée au  rez-de-chauiîêed'un  fort  chaflis  de 
charpente  qui  afîure  la  maçonneru  ;  on 
place  donc  la  roue  dans  cette  foife  ,  en 
'  forte  qu'elle  y  foit  plongée  à  moitié  ,  & 
que  les  deux  bouts  du  rrioyetr  portent  fur 
le  chailis  de  charpente.  Dans  cet  état  on 
applique  une  des  bandes  de  fer  qui  doivent 
erre  rougies  au  feu  ,  fur  les  jantes  de  la 
roue  ,  en  forte  que  le  milieu  de  la  bande 
réponde  jufte  fur  le  joint  de  deux  jantes 
contiguës  ;  on  frappe  de  grands  clous  par 
les  trous  des  barres  qui  par  ce  moyen  fe 
trouvent  affujetties  fur  les  jantes.  On  fait 
rougir  les  barres  afin  qu'elles  fe  plient  & 
s'appliquent  mieux  à  la  circonférence  de 
la  roue  ;  mais  comme  ordinairement  le 
feu  y  prend  après  que  la  bande  eft  em- 
battue  ou  ck>uée  ,  on  fait  tourne/  la  roue  », 


EMB 

en  forte  que  la  bande  &  la  partie  enflam- 
mée fe  trouvent  plongées  c'ans  Peau  de 
l'embattoir  où  elles  s'éteignent.  (D) 

♦EMBAUCHER  ,  v.  ad.  (Arts  mec.) 
Il  fe  dit  d'un  compagnon  qui  fe  prélente 
pour  entrer  chez  un  maître  .auquel  il  eft 
conduit  par  les  autres  compagnons.  Le 
Compagnon  eft  embauché  ,  quand  il  eft 
accepté  par  le  maître  ;  &  le  repas  que 
l'embauché  donne  aux  compagnons  ,  s  ap- 
pelle ['embauchage.  On  dit  payer  j on  em- 
bauchage. 

E  MB  A  U  C  H  O I R  ,  f.  m.  {terme  de 
Tormier.  )  C'cft  une  elpece  de  jambe  de 
bois  garnie  d'une  coulihe  comme  la  forme 
brlîëe.  On  s'en  fort  pour  élargir  les  bottes. 
f  *EMBAUMEMÉNS,  (bit.  m.  plur. 
{HiR.  anc.)  De  tous  les  peuples  anciens  , 
il  n'y  en  a  aucun  chez  lequel  l'ulage  d'em- 
baumer les  corps  ait  çté  plus  commun  que 
chez  les  Egyptiens  :  c'étoit  une  fuite  de 
leur  fuperftition.  V.  V article  EGYPTIEN. 

Nous  allons  rapporter  ce  qu'Hérodote 
nous  en  a  tranimis  ,  &  nous  y  joindrons 
les  observations  de  notre  favant  chymifte 
M.  Rouelle. 

Dans  l'Egypte  ,  dit  Hérodote  ,  il  y  a 
des  hommes  qui  font  métier  d!embaumer 
les  corps.  Quand  on  leur  apporte  un  mort , 
ils  montrent  aux  porteurs  des  modèles  de 
morts  peints  iur  du  hms.  On  prétend  que 
la  peinture  ou  figure  la  plus  recherchée  , 
repréfente  ce  dont  je  me  fais  ferupuie  de 
dire  le  nom  en  pareille  occafion  ;  ils  en 
montrent  une  féconde  qui  eft  inférieure 
à  la  première  ,  &  qui  ne  coûte  pas  fi 
cher  ,  ils  en  montrent  encore  une  troi- 
fieme  qui  eft  au  plus  bas  prix  :  ils  deman- 
dent enfuite  fuivant  laquelle  de  ces  trois 
peintures  on  veut  que  le  mort  foit  accom- 
modé. Après  qu'on  eft  convenu  du  modèle 
&  du  prix  ,  les  porteurs  fe  retirent  ,  les 
embaumeurs  travaillent,  &  voici  com- 
ment ils  exécutent  Y  embaumement  y  le  plus 
recherché. 

Premièrement  ils  tirent  avec  un  fer 
oblique  la  cervelle  par  les  narines  :  ils  la 
font  fortir  en  partie  de  cette  manière ,  & 
en  partie  par  le  moyen  des  drogues  qu'ils 
introduifent  dans  la  tête  :  enfuite  ils  font 
une  incifion  dans  le  flanc  avec  une  pierre 
d'Ethiopie   aiguifée   :  ils  tirent  par  cette 


EMB  an 

ouverture  les  v^feercs  ;  ils  les  n:ttoiear^ 
&  les  pafîenc  au  vin  de  palmier*  ils  les» 
panent  encore  dans  des  aromates  broyés.: 
eniuite  ils  rempliiîent  le  ventre  de  myrrhe 
pure ,  broyée  ,  de  cannelle  &  d'autres  par- 
fums ,  excepeé  d'encens ,  &  ils  le  recou- 
lent.  Cela  taie ,  ils  faient  le  corps ,  en  le 
couvrant  de  natrum  pendant  foixante-dix 
jours  :  il  n'eft  pas  permis  de  le  fa  1er  plus 
de  foixante-dix  jours.  Ce  terme  expiré, 
ils  lavent  le  mort ,  &  l'enveloppent  de 
bandes  de  toile  de  lin  coupées  ,  &  en- 
duites de  la  gomme  dont  on  le  fert  en 
Egypte  en  guilè  de  colle.  Les  parens  le 
reprennent  en  cet  état  ,  font  faire  un  étui 
de  bois  de  forme  humaine  ,  y  placent  ie 
mort ,  le  tranfportent  dans  un  appartemenjt 
deftiné  à  ces  fortes  de  caiffes  ,  le  dreiîent 
contre  le  mur  ,  &  l'y  laifiént.  Voilà  la 
manière  la  plus  chère  &  la  plus  magnifique 
dont  ils  embaument  les  morts. 

Ceux  qui  ne  veulent  point  de  ces  em- 
baumemens  fomptueux  ,  choifnTent  la  fé- 
conde manière  ,  &  voici  comment  leurs 
morts  font  embaumés. 

On  remplit  des  feringues  d'une  liqueur 
onemeufe  qu'on  a  tirée  du  cèdre  ;  on  in- 
jecte le  ventre  du  mort  de  cette  liqueur , 
fans  lui  faire  aucune  incifion ,  &  fans  en 
tirer  les  entrailles.  Quand  on  a  introduit 
l'extrait  du  cèdre  par  ie  fondement  ,  on 
fe  bouche  ,  pour  empêcher  l'injection  de 
(ortir.  On  laie  enfuite  le  corps  pendant 
le  temps  preferit  :  au  dernier  jour  on  tire 
du  ventre  la  liqueur  du  cèdre.  Cette  liqueur 
a  tant  de  force  ,  qu'elle  entraîne  avec  elle 
le  ventricule  &  -les  entrailles  confiimés  , 
car  le  nitre  diffout  les  chairs ,  &  il  ne 
refte  du  corps  mort  que  la  peau  &  les  os. 
Quand  cela  eft  achevé  ils  rendent  le  corps , 
fans  y  faire  autre  chofe. 

La  troifieme  manière  d'embaumer  eft 
celle-ci ,  elle  n'eft  employée  que  pour  les 
moins  riches.  Après  les  inf^ions  par  le 
fondement ,  on  met  le  corps  dans  le  nitre 
pendant  foixante-dix  jours ,  &  on  le  rend 
a  ceux  qui  l'ont  apporté. 

La  première  oblèrvation  qui  fe  préfente 
à  la  lecture  de  ce  paflàge  ,  c'eft  que  quoi- 
qu'il foit  peut-être  plus  exact  &  plus  étendu 
qu'on  n'étoit  en  droit  de  l'attendre  d'un 
fimple  'hiftorien  ,    il   n'eft   cependant  su 

Dd   z 


%\i  E  M  B 

afïéz  précis  ni  afïéz  circonftancié  pour  en 
faire  fexpofrtion  d'un  art.  Il  falloir  qu'on 
pratiquât  des  incifions  à  la  poitrine  ,  au 
bas-ventre  ,  Oc.  fans  quoi  toute  la  capa- 
cifé  intérieure  du  corps  n'auroit  point  été 
injectée,  &  les  vifceres  n'auroient  point 
été  coniumés.  Il  eft  à  préfumer  qu'on 
lavoit  avec  foin  le  corps  avant  que  de  le 
faler  :  c'étoit  encore  ainii  qu'on  le  débarr- 
raffoit  des  reftes  du  natrum  &  des  liqueurs , 
quand  il  avoit  été  falé.  On  ne  peut  douter 
qu'on  ne  finît  par  le  taire  fécher  à  l'air  ou 
dans  une  étuve. 

On  appliquoit  enfuite  fur  tout  le  corps 
'■  &  fur  les  membres  féparément ,  des  ban- 
des de  toiles  enduites  de  gomme;  mais  on 
l'emmaillottoit  de  plus  avec  un  nouveau 
bandage  également  gommé ,  les  bras  croifés 
fur  la  poitrine ,  &  les  jambes  réunies. 

Dans  Y  embaumement  véritable ,  la  tète  , 
le  ventre  èc  la  poitrine  étoient  pleines  de 
matières  réfineufes  &  bitumineufes  ,  &  le 
refte  du  corps  en  étoit  couverr .  On  rete- 
noit  ces  matières  par  un  grand  nombre  de 
tours  de  toile.  Après  une  couche  de  bandes 
on  appliquoit  apparemment  une  couche 
d'embaumement  fondu  &  chaud  ,  avec  une 
efpece  de  broffe  ;  pui-s  on  couchoit  de 
nouveaux  tours  de  bandes  ,  &  fur  ces 
nouveaux  tours  une  nouvelle  couche  de 
matière  fondue,  &  ainfi  de  fuite  jufqu'à 
ce  que  le  tout  eût  une  épaiiTeur  conve- 
nable. 

Il  eft  difficile  de  décider  fi  ï 'embaume- 
ment de  la  dernière  efpece  étoit  un  mê- 
*  lange  de  bitume  de  Judée  &  de  cédria  , 
pu  fi  c'étoit  du  bitume  de  Judée  feul.  La 
momie  de  fainte  Geneviève  eft  embaumée , 
ainfi  que  celle  des  Céleffins  ,  avec  le  pif- 
iafphalte  ;  mais  elle  a  des  bandes  de  toile 
fine  ,  &  elles  font  en  plus  grand  nombre 
qu'aux  autres  momies.  Cependant  le  plus 
grand  nombre  de  -momies  étant  apprêtées 
avec  le  mJRige  de  bitume  de  Judée  &c 
de  cédria  ,  qu'on  peut  appeller  le  pijfaf- 
phalte  y  on  peut  croire  que  cet  embaume- 
ment eft  de  l'efpece  inférieure. 

La  dépenfe  de  la  caifîê  qu'on  donnoit  à. 
•la  momie  ,  étoit  considérable  ;  elle  étoit 
de  fycomore ,  d'une  feule  pièce  ,  creufée 
à  l'outil,  &  ce  ne  pouvoit  être  que  le 
troûc  d'un  arbre  fort-  gsos.. 


-EMB 

II  y  avoit  ,  félon  toute  vraifemblance  \ 
des  fortes  àH  embaume  mens  relatifs  à  la  dif- 
férence des  bandes  qu'on  trouve  aux  mo- 
mies ,  groflês  ou.  fines.  Le  dernier  bandage 
étoit  parfemé  de  caractères  hiéroglyphiques, 
peints  ou  écrits.  Il  fe  faifoit  aufîi  des  dé- 
penfes  en  idoles ,  en  amuletes ,  en  ornc- 
mens  de  caiffe ,  6v. 

La  matière  de  X embaumement  le  plus 
précieux  étoit  une  compofition  baliâmique , 
telle  que  celle  qu'on  a  trouvée  dans  les 
chambres  des  momies,  confervée  dans  un 
vafe  ;  &  il  eft  évident  que  cet  embaume- 
ment avoit  aufll  fes  variétés.  On  a  trouvé 
des  momies  dont  les  ongles  étoient  dorés  , 
d'autres  avoient  des  cailfes  de  porphyre  : 
il  y  en  avoit  de  renfermées  dans  des  tom- 
beaux magnifiques. 

Il  femble  que  le  travail  des  embaumeurs 
pouvoit  fe  diftribuer  en  deux  parties  ;  la 
première ,  qui  confiftoit  à  enlever  aux  corps 
les  liqueurs  ,  les  graines  &  autres  caufês 
de  corruption  ,  &  à  les  deiîéchér  ;  la  fé- 
conde ,  à  défendre  ces  corps  defléchés  de 
l'humidité  &  du  contact  de  l'air. 

Les  fondemens  de  ce  travail  font  ren- 
fermés en  partie  dans  la  defcription  d'Hé- 
rodote ,  il  s'agit  de  les  y  découvrir  ,  de 
corriger  ce  qui  eft  mal  pféfenté ,  de  juftifier 
ce  qui  eft  bien- dit  ,  de  tenter  quelques 
expériences  fur  les%iatieres  balfamiques  & 
bitumineufes  des  momies  ,  d'imiter  les  em- 
baumemens  égyptiens  ,  &  voir  s'il  n'y  au- 
roit  pas  quelques  moyens  d'imitation  fon- 
dés fur  les  principes  chymiftes  qui  dirigent 
les  anatomiftes  dans  la  préparation  ddeurs 
pièces. 

On  peut  réduire  a  deux  fentimens  tout 
ce  qu'on  a  dit  fur  cet  objet.  Les  uns  ont 
prétendu  que  le  corps  entier  falé ,  avoit  été 
embaumé  de  manière  que  lesf  matières 
balfamiques  ,  réfineufes  &:  bitumineufes  s'é- 
toient  unies  avec  les  chairs  ,  les  graiffes., 
les  liqueurs  ,  &  qu'elles  avoient  formé  en- 
femble  une  mafïé  égale  ;  les  autres  ,  qu'on 
faloitle  corps ,  qu'on  le  defféchoit,  &  qu'on 
lui  appliquoit  les  .matières  balfamiques. 
Quant  au  defféchement  ,  l'humidité  étant 
caufe  de  corruption  ,  ils  ont  ajouté  qu'on 
le  fechor  à  la  fumée,  ou  qu'on  le  faifoit 
bouiil  r  dans  le  piflafphalte  ,  pour  en  cory- 
fumer  les  chairs  ,  graiffes  >  èc 


EMB 

On  peut  objecler  au  fentiment  des  pre- 
miers ,  l'expérience  qu'on  a  de  cerrains 
corps  tombant  en  pourriture  ,  dans  des 
maladies  où  il  eft  abfolument  impoffible 
d'abforber  les  fluides  par  des  matières 
réfineufes  &  balfamiques  ;  matières  qui  ne 
font  point  d'union  avec  l'eau.  D'ailleurs 
les  momies  font  parfaitement  feches  ,  & 
l'on  n'y  remarque  pas  la  moindre  trace 
d'humidité. 

Le  fentiment  des  féconds  eu  plus  con- 
forme à  la  raifon. 

Le  natrum  des  anciens  étoit  un  alkali 
fixe,  puifqu'ils  s'en  fervoient  pour  nettoyer, 
dégraiffer  ,  blanchir  les  étoffes  ,  les  toiles, 
&  faire  le  verre.  Notre  nitre  ou  falpêtre 
eft  au  contraire  un  feul  moyen  qui  ne 
dégraifîe  point  les  étoffes  ,  qui  conierve 
les  chairs  ,  qui  les  fale  comme  le  fel 
marin  ,  &  qui  conferve  leurs  fu es.  Le 
natrum  des  anciens  agifloit  fur  les  chairs 
d'une  manière  toute  oppofée  à  notre  nitre  ; 
il  s'uniflbit  aux  liqueurs  lymphatiques  , 
huileufes ,  graffes ,  les  féparoit  du  refte  , 
&  faifoit  l'effet  de  la  chaux  des  tanneurs 
&  autres  ouvriers  en  cuir ,  épargnoit  les 
mufcles  ,  les  tendons  ,  les  os. 
•  Hérodote  'dit  dans  la  première  façon 
d'embaumer  ,  qu'on  lavoit  le  corps  avant 
que  de  l'envelopper  de  bandes.  C'eft  ainfi 
qu'on  enlevoit  les  refies  des  matières  lym- 
phatiques &  du  natrum  y  fources  d'humi- 
dité. Les  embaumeurs  ne  faloient  donc 
le  corps  que  pour  le  defîecher  ;  mais  le 
natrum  y  eu  refiant ,  eût  retenu  &  même 
attiré  l'humidité ,  comme  c'eft  la  propriété 
des  fels  alkalis. 

Le  natrum  agiffant  fur  les  corps ,  comme 
la  chaux  ,  il  n'étoit  pas  permis  de  faler 
plusdefoixante-drx  jours.  En  effet,  comme 
il  arrive  aux  cuirs  trop  enchaufenés  y  fe 
natrum  auroit  attaqué  les  folides.  Un  fel  • 
neutre  n'opère  pas  en  fî  peu^  de  temps  , 
comme  il  paroît  à  nos  viandes  léchées. 

Mais  fi  le  natrum  y  dira-t-on  ,  étoit  un 
fel  alkali  ,  pourquoi  ne  détruilojt-il  pas  ? 
c'eft  qu'il  eft  foible  ,  qu'il  ne  refîemble 
point  à  la  pierre  à  cautère  ,  mais  au  fel 
de  la  fonde  &   au  fel  marin. 

Il  eil  à  préfumer  que  Bils  préparait  fes 
pkees  anatomiques  en  falanf  le  corps  avec 
un  ici  alkali  j  à  la  manière  des  Egv  ptiens  ; 


EMB  213 

méthode  qu'une  odeur  aromatique  ne  fer- 
voit  qu'à  déguifer.  Clauderus  en  étoit  per- 
fuadé  ,  mais  il  fe  trompoit  fur  les  effets  du 
fel  alkali  ;  il  croyoit  que  l'alkali  volatil  s'u- 
niffoit  aux  parties  putrides  ,  &  qu'il  étoit 
retenu  dans  les  chairs  du  cadavre. 

On  pourroit  demander  fur  le  premier- 
embaumement  dont    parle    Hérodote  ,  à 
quoi  bon  remplir  le   corps  de  myrrhe  & 
d'aromates ,  avant  que  de  le  faler  ?  En  le 
lalant  on  emporte  en  partie  ces  aromates  ;• 
car  le  natrum  agit  puiffamment  fur    les 
balfamiques  ,  en  formant  avec  leurs  huiles, 
une  matière  favoneufe  ,  foluble  ,  &  facile 
à  emporter  par  les-  lotions.  Il  femble  qu'il 
faudrait  placer  la  falaifon  &  les  lotions 
avant  l'emploi  des  aromates. 

Il  y  a  très-peu  de  momies  enveloppées 
de  toiles  gommées  ,  appliquées  fans  réfine, 
immédiatement  fur  le  corps  defféché  ;  elles 
ont  communément  deux  bandages.  Le  corps 
&  les  membres  font  chacun  feparément. 
entortillés  de  bandes  de  toile  rélineufe  ou 
bitumineuie;  c'eft-là  le  premier.  Le  fécond, 
eft  formé  d'autres  bandes  de  toile  fans  ré- 
fine ou  bitume  ,  qui  prennent  le  tout  &c 
l'emmaillottent  comme  les  enfans.  Celles- 
ci  onr  pu  être  enduites  de  gommes* 

Les  momies'  nous  parviennent  rarement 
avec  le  fécond  bandage  ;  on  l'ôte  par  curio-i 
fité  pour  les  amuletes. 

Elles 'ne  font  pas  toutes  renfermées  dans 
des  caifles  ,  c'eft  pour  les  garantir  du  con- 
tact de  l'air  qu'on  y  a  employé  la  réfine. 

Une  féconde  critique  qu'on  peut  faire 
d'Hérodote  ,  eft  relative  à  fon  fécond 
embaumement.  Sans  incilion  ,  l'injection 
par  le  fondement  ne  remplira  point  le 
ventre  ,  elle  ne  parcourra  qu'une  petite 
érehdue  d'inteftins.  D'ailleurs  la  liqueur  de 
cèdre  eft  un -baume  ou  une  réfine  fans; 
force  ,  fans  action  corrofive.  Si  l'on  em- 
pioyoit  le  cédria  ,  c'étoit  comme  aromate  , 
l'injection  étoit  de  natrum.  Le  cédria  n'a 
pu  avoir  lieu  dans  f 'embaumement  >  qu'a- 
près la  falaifon  &  les  lotions. 

La  cervelle  fè  tiroit  par  un  trou  fait 
artificiellement  aux  narines  &c  au  fond  de 
l'orbite  de  l'œil.  Hérodote  n'efl  pas  exacT: 
là-deffus. 

Il  n'efl:  pas  concevable  qu'on  embaumât! 
tous  les  Egyptiens.  Le.  peuple  cauctaoitJes 


2*4  E  M  fc 

morts  fur  des  lits  de  charbons ,  emmailiotrés 
de  linges ,  &  couverts  d'une  natte  fur  la- 
quelle il  amaifoit  une  épaifleur  de  lèpt  à  huit 
pies  de  l'ablc. 

Quelle  durée  Y  embaumement  ne  donnoit- 
il  pas  aux  corps  ?  il  y  en  a  qui  le  conièrvent 
depuis  plus  de  deux  mille  ans.  On  a  trouvé 
dans  la  poitrine  d'un  de  ces  cadavres ,  une 
branche  de  romarin  à  peine  defféchée. 

Là  matière  de  la  tête  d'une  momie  , 
encore  affez  molle  pour  que  l'ongle  y  pût 
entrer  dans  un  temps  chaud  ,  &  peu 
altérée  ,  a  donné  d'abord  un  peu  d'eau 
infipide  ,  qui  dans  la  progrefiion  de  la 
diftillation  cil  devenue  acide.  Il  a  parie  en 
même  temps  une  huile  limpide  ,  peu 
colorée  ,  de  l'odeur  de  fuccin.  Cette  huile 
s'efl  enfuite  épaifïïe  &  colorie  ;  elle  s'efr 
figée  en  fe  refroidiffant ,  lans  perdre  l'o- 
deur de  fuccin.  Sa  liqueur  acide  n'a  pu 
cryftallifer  ,  à  caufe  de  fa  trop  petite 
quantité. 

On  peut  voir  dans  M.  Rouelle  les  expé- 
riences qu'il  a  faites-  fur  les  matières  qu'il 
a  préfumées  entrer  dans  les  embaume- 
mens.  Une  réflexion  qui  réfulte  de  ces  expé- 
riences ,  c'efl  qu'en  y  employant  la  pou- 
dre de  cannelle  &  d'autres  ingrédiens  qui 
attirent  l'humidité,  on  coniùlte  pius  le  nez 
que  l'art. 

Elles  fournifïent  trois  fortes  ftembaume- 
mens  5  l'un  avec  le  bitume  de  Judée ,  un 
iècond  avec  le  mélange  de  bitume  &:  la 
liqueur  de  cèdre  ou  cédria ,  &  un  rroiiieme 
avec  le  même  mélange  &  une  addition  de 
matières  relineules  &  aromatiques. 

EMBAUMEMENT  ,  opération  de  Chirur- 
gie y  c'eft  l'action  d'embaumer  un  corps. 
Voici  comment  elle  fe  pratique. 

Le  chirurgien  commande  au  plombier  de 
faire  un  cercueil ,  dont  les  dimenfions  inté- 
rieures doivent  excéder  la  longueur  &  la 
groffeur  du  corps.  Il  commande  auffi  un 
baril  de  plomb  pour  mettre  les  entrailles  ; 
&  une  boîte  de  plomb  faite  de  deux  pièces  , 
pour  mettre  le  cœur. 

On  prépare  cinq  bandes  ,  deux  de  la  lar- 
geur de  trois  doigts  &  de  quatre  aunes  de 
long  ,  pour  bander  les  bras  ;  deux  de  quatre 
doigts  de  large  &  de  fix  aunes  de  long ,  pour 
bander  les  jambes  &  les  cuifïès  ,  &  une 
autre  plus  large  &  plus  longue  ,  pour  faire 


EMB 

les  circonvolutions  nécefîâires  autour  du 
corps.  ILfaut  en  outre  que  iejehirurgien  ait 

des  fcalpels  pour  faire  les  inciiions  convena- 
bles ,  des  aiguilles  pour  recoudre  les  parties, 
&  une  feie  pour  icier  le  crâne. 

Les  médicamens  nécefîâires  à  {'embau- 
mement y  font  de  trois  efpeces  différentes. 
Il  faut  environ  trente  livres  de  poudre  de 
plantes  aromatiques  ,  telles  que  les  feuilles 
de  laurier  ,  de  myrte  ,  de  romarin  ,  de 
lauge  ,  de  rhue,  d'abiinthe  ,  de  marjolaine  , 
d'hyflbpe  ,  de  thym ,  de  ferpolet ,  de  ba- 
filic  ;  les  racines  d'iris ,  d'angelique  ,  de 
calamus .  aromadeus  ;  les  ileurs  de  rofe  » 
de  camomille  ,  de  mélilot ,  de  lavande  ;  les 
écorces  de  citron  &  d'orange  ;  les  ièmen- 
ces  de  fenouil ,  d'anis ,  de  coriandre  ,  de 
cumin  ,  &:  autres  femblables.  On  ajoute  or- 
dinairement quelques  livres  de  fel  commun 
à  la  poudre  de  toutes  ces  plantes  ,  qui  fert  ;i 
remplir  les  grandes  cavités ,  &  à  mettre  avec 
les  entrailles. 

Il  faut  dix  livres  d'une  poudre  plus  fine, 
compofée  de  dix  ou  douze  drogues  odoran- 
tes ,  capables  de  conlervcr  les  corps  des 
fiecles  entiers  ,  qui  font  de  myrrhe ,  d'aloès, 
d'ohban  ,  de  benjoin ,  de  ifyrax  calamité  , 
de  girofle  ,  de  noix-mufeade  ,  de  cannelle  , 
de  poivre  blanc  ,  de  foufre ,  d'alun ,  de  fel , 
de  (àlpêtre  :  le  tout  bien  pulvérifé  &  paffé 
par  le  tamis. 

On  aura  en  outre  un  liniment  compofé  de 
térébenthine  ,  d'huile  de  laurier ,  de  ftyrax 
liquide  ,  de  baume  de  Copahu.  Trois  livres 
de  ce  liniment  fumront  pour  les  embroca- 
tions  nécefîâires.  Il  faut  de  plus  quatre  pintes 
d'elprit-de-vin  ,  cinq  ou  fix  gros  paquets 
d'étoupes  ,  du  coton  ,  deux  aunes  de  toile 
cirée  ,  de  la  plus  large ,  &  un  paquet  de 
grofle  ficelle.  Tout  étant  ainfi  préparé ,  le 
chirurgien  eff  en  état  de  commencer  ['em- 
baumement. 

Le  chirurgien  ,  après  avoir  ouvert  le 
bas-ventre  ,  la  poitrine  &  -la  tête  ,  & 
avoir  ôté  tout  ce  qui  y  eft  contenu  ,  mer 
quelques  poignées  de  la  plus  groffe  poudre 
au  fond  du  baril  de  plomb  ;  il  étend  par- 
defTus  une  partie  des  entrailles  ,  qu'il 
couvre  d'un  lit  de  poudre  ,  &  ainfi  alterna- 
tivement jufqu'à  ce  qu'il  ait  mis  tous  les 
vifeeres  dans  le  baril ,  à  l'exception  du 
cœur ,   qu'il  a  foin  de  mettre  dans  ud 


E  M  B 

vaifTêau  rempli  d'efprit-de-vin.  Lorfque  le 
baril  contient  toutes  "les  entrailles  ,  le 
chirurgien  met  pardeffus  un  lit  de  poudre 
grofliere  affez  épais  :  fi  le  baril  éroit  pres- 
que plein  ,  on  acheveroif  de  le  remplir 
avec  des  étoupes  ,  &  on  feroit  fouder  le 
couvercle  ;  fi  au  contraire  il  éroit  de  beau- 
coup trop  grand  ,  on  le  feroit  couper  par 
le  fondeur. 

Les  trois  ventres  vuidés  ,  on  les  lave 
avec  de  l'efprit-de-vin.  On  commence  par 
la  rete  ,  en  empliflant  le  crâne  d'étoupes 
faupoudrées  ,  &  en  y  en  faifant  entrer 
autant  qu'on  peut.  On  remet  la  calotte  du 
crâne  à  fa  place  ;  &  avant  que  de  recoudre 
le  cuir  chevelu  ,  on  met  entre  deux  de-  la 
poudre  balfamique.  On  verfe  dans  la  bou- 
che de  Telprit-de-vin  ,  pour  la  laver  ,  & 
on  l'emplit  de  cette  poudre  a\  ec  du  coton. 
On  en  fait  autant  dans  les  narines  &  dans 
les  oreilles  ,  &  enfuite  avec  un  pinceau  on 
fait  une  embrocation  fur  toute  la  tête ,  le 
-vifage  ù:  le  cou  avec  le  liniment  ;  &  met- 
tant enfuite  de  la  /poudre  fine  fur  toutes 
ces  parties  ,  il  le  forme  une  croûte  iur  la 
fuperficic.  On  met  la  tête  dans  un  fac  en 
forme  de  coëfFe  de  nuit  ,  qui  a  des  cor- 
dons qu'on  tire  pour  ferrer  autour  du  cou  , 
afin  que  toute  là  tête  foit  exactement  en- 
veloppée. 

On  emplit  de  poudres  &  d'étoupes  la 
poitrine  &  le  ventre  ,  qui  ne  font  plus 
qu'une  grande  cavité.  On  remet  leflernum 
ii  fa  place  ;  &  après  l'avoir  couvert  de  la 
poudre  fine  que  l'on  fait  entrer  entre  les 
cotes  &  les  tégumens  ,  on  recoud  les  tégu- 
mens  qui  avoient  été  ouverts  crucialement. 

On  fait  aux  bras  ,  aux  cuiffes  &  aux 
jambes  des  taillades  qui  pénètrent  jufqu'aux 
os  ;  on  les  lave  avec  de  l'efprit-de-vin  ,  on 
les  remplit  de  la  poudre  fine  ,  on  fait  l'em- 
brocation  avec  le  liniment ,  on  faupoudre 
toutes  ces  parties  avec  la  poudre  odorante  , 
&  on  les  bande  enfuite.  On  fait  des  inci- 
fions  aux  feiTes  &  au  dos ,  &  on  procède 
comme  aux  extrémités.  On  emmaillotte  le 
corps  avec  la  bande  préparée  à  cet  effet  ; 
on  le  coud  enfuite  dans  la  toile  cirée  ,  & 
on  le  ferre  avec  de  la  ficelle,  comme  un 
ballot  :  on  le  met  enfuite  dans  le  cercueil , 
qu'on   fait  fouder  par  le  plombier." 

Où  remplit  les  ventricules  &  les  oreil- 


E  M  B  sic 

Iettes  du  coeur ,  avec  la  poudre  odorante  ; 
on  l'enveloppe  dans  de  la  toile  cirée  ,  on 
le  ficelle  ,  &  on  le  mer  dans  une  double 
boîte  de  plomb  que  Ton  fait  fouder. 

A  l'armée  &  dans  les  endroits  où  l'on 
n'auroit  pas  tous  les  fecours  nécefîàircs 
pour  Y  embaumement  que  nous  venons  de 
décrire  ,  on  fè  contenteroit ,  après  avoir 
ôté  les  entrailles ,  de  faire  macérer  le  corps 
dans  du  vinaigre  chargé  de  fel  marin  ;  & 
au  défaut  de  vinaigre  &  de  fel ,  dans  une 
forte  Jefiive  de  cendre  de  bois  de  chêne  : 
on  le  retire  enfuite  ,  &  on  l'expofe  dans  un 
lieu  fec ,  avec  le  foin  de  l'effuyer  fréquem- 
ment. Ce  font  les  humeurs  qui  fe  putré- 
fient ;  car  nous  confervons  très-facilement 
les  corps  dont  on  a  injeclé  les  vaifïèaux  , 
&  dont  on  a  enlevé  la  graille  qui  étoit 
dans  l'interflice  des  muferes. 

La  con(èrvation  des  corps  par  \ embau- 
mement,  a  eu  la  vénération  pour  motif; 
c'eft  une  opération  dilpendieufe  qu'on  ne 
pratique  que  pour  les  princes  &  pour  les 
grands.  Il  feroit  à  fouhaiter  pour  l'utilité 
publique  &  l'intérêt  des  fùrvivans  ,  qu'on 
trouvât  des  moyens  d'embaumer  ,  c'eft- 
à-dire  de  préferver  de  la  pourriture  à  peu 
de  frais  ,  de  manicre  que  cela  ne  fût  point 
au  defîùs  de  la  portée  du  fimple  peuple. 
Il  s'élève  des  lieux  où  l'on  enterre  ,  des 
vapeurs  malfaiiantes  ,  capables  d'infefler. 
Kamazzini  allure  que  la  vie  des  foffôyeurs 
n'efi  pas  habituellement  de  longue  durée  ; 
que  leur  vifage  eft  ordinairement  blême  & 
pale ,  &  il  attribue  cette  difpofition  aux 
vapeurs  déliées  qu'ils  refpirent  en  creufant 
les  foiîes.  Les  vapeurs  rendent  les  églifes 
où  l'on  enterre ,  extrêmement  mal  faines. 
Non  feulement  l'inhumation  dans  les  égli- 
fes efl  dangereufe ,  mais  on  pourroit  dire 
qu'elle  efl  indécente  ,  fi  elle  n'étoit  auto- 
rifée  par  l'ufage  ,  ou  plutôt  conlacrée  par 
l'abus.  M.  Forée  chanoine  honoraire  du  S. 
Sépulcre  à  Caen  ,  dans  fes  Lettres  fur 
la  fépulture  dans  les  e'glifes  }  remonte  à 
la  fource  de  cet  ufage ,  &  il  indique  les 
moyens  de  lever  les  obfîacles  imaginaires 
qu'on  peut  oppofer  à  fon  abolition  ;  la  , 
voix  d'un  bon  citoyen  &  d'un  eccléfiaf ti- 
que refpedable ,  doit  être  comptée  pour 
beaucoup.  M.  Haguenot ,  médecin  &  con- 
cilier de  la  cour  des  aides  à  Montpellier  , 


ii£  E  MB 

a  donné  à  la  fociété  royale  des  Sciences  de 
cctre  ville  ,  dont  il  eff  membre  ,  un 
excellent  mémoire ,  dans  lequel  il  fait  la 
peinture  touchante  des  malheurs  qui  font 
la  fuite  de  la  coutume  pernicieufe  de 
mettre  les  corps  dans  des. caves  communes. 
J'ai  aufli  parlé  de  cet  abus  meurtrier  ,  dans 
mon  Traité  fur  la  certitude  des  figues  de 
la  mort.  Je  fais  qu'il  y  a  des  villes  où  il  efl 
èxprefTément  défendu  d'enterrer  dans  les 
églifes  ,  fans  prendre  la  précaution  de 
mettre  de  la  chaux  vive  dans  le  cercueil 
&  aux  environs  ,  êc  de  jeter  dans  la  fofïè 
quelques  fceaux  d'eau.  A  Paris  ,  où  le 
plâtre  efl  commun  ,  on  pourrait  mettre  à 
très-peu  de  frais  tous  les  corps  à  l'abri  de 
la  putréfaction  funefïe  aux  lùrvivans  par 
la  mauvaife  qualité  que  les  vapeurs  qui 
s'en  exhalent  donnent  à  l'air.  Il  faudroit 
gâcher  du  plâtre  dans  le  cercueil ,  qu'on 
feroit  un  peu  plus  grand  qu'à  l'ordinaire  ; 
on  y  enfonceroit  le  corps ,  &  on  ,1e  cou- 
vriroit  d'une  couche  de  plâtre  gâché  ,  afin 
de  l'enfermer  comme  dans  un  mur.  C'eft 
peut-être  par  ce  motif  de  falubrité  qu'on 
enterroit  autrefois  dans  des  cercueils  de 
pierre.  Dans  les  endroits  où  il  n'y  a  point 
de  plâtre  ,  on-  pourroit  enduire  le  corps 
de  terre  glaife  ,  &c.  Voye\  EMBAU- 
MER. (  Y) 

M.  le  Baron  de  Haller  a  cru  devoir 
faire  des  additions  à  l'article  qu'on  vient 
de  tranfcrire  ,  &  on  lit  toujours  avec  fruit 
&  empreffement  tout  ce  qui  fort  de  la 
plume  de  ce  célèbre  Médecin  ,  dont 
le  mérite  n'eft  point  au  defTous  de  la 
réputation. 

Les  corps  humains  fe  confervent  natu- 
rellement par  l'action  de  plufieurs  caufes 
différentes  ,  qui  le  réunifient  toutes  dans 
l'obftacle  qu'elles  mettent  à  la  putréfac- 
tion. Les  eaux  vitrioliques  ont  cbnfervé 
&  même  endurci  le  corps  d'un  homme 
qu'on  a  trouvé  dans  les  mines  de  Suéde  : 
des  eaux  imprégnées  de  tourbe  ont  fait 
le  même  eilct ,  &  même  des  eaux  fim- 
plement  froides  ont  confervé  des  corps 
pendant  un  temps  confidérable.  Voye\ 
Cadavre. 

Le  contraire  de  l'eau  ,  l'air  extrême- 
ment fec  &  chaud  des  déferts  de  l'Arabie 
&  de  l'Afrique ,  dcfleçhe  les  corps  avec 


E  M  B 

tant  de  promptitude,  que  la  putréfaction 
fte  fe  développe  point  ,  parce  que  toute 
l'humidité  a  été  enlevée  :  on  trouve  tous 
les  jours  de  ces  momies  dans  les  pays  les 
plus  arides  ,  &  les  plus  expofés  au  foleil. 
La  fumée  imite  l'effet  de  la  chaleur 
feche. 

Les  liqueurs  fpiritueufes  ,  &  mieux  en- 
core les  liqueurs  acides  ,  confervent  des 
corps  qui  n'ont  pas  trop  de  volume.  Le 
miel  doit  avoir  lait  le  même  effet  au  dire 
des  anciens ,  &  doit  avoir  fervi  de  baume 
au  cadavre  d'Alexandre  :  mais  des  expé- 
riences modernes  n'ont  pas  confirmé  ce 
pouvoir  confervateur  du  miel. 

Ce  qui  exclut  l'action  de  l'air  prévient 
de  même  la  pourriture  ;  la  cire  fondue  a 
coniervé  des  corps ,  l'huile  même  a  fait 
cet  effet ,  &  on  confervé  les  perdrix  dans 
du  beurre  :  le  vuide  parfait  procure  des 
fruits  dont  le  goût  n'a  point  été  changé 
par  le  temps. 

Il  fe  trouve  des  caveaux  où  lçs  cada- 
vres fe  confervent  fans  aucun  fecours  de 
l'art  ;  nous  avons  vu  cfclui  de  Brème  ; 
on  connoît  celui  de  Touloufe  ,  &  celui 
de  Warbourg.  On  a  vu  un  nombre  de 
cadavres  en  différens  endroits  ,  qui  n'ont 
jamais  éprouvé  de  pourriture  ,  &  qui  ont 
même  confervé  leur  phyfionomie  &  leur 
couleur  ,  le  fang  même  étoit  rouge  dans 
les  religieufes  de  Québec.  On  dit  la  même 
chofe  du  corps  de  Philippe  de  Neri ,  de 
celui  de  Grotius ,  de  celui  de  Charles  V , 
de  Modelich  ,  d'un  corps  de  femme  dé- 
couvert en  Efllande  ,  &  de  plufieurs  au- 
tres cadavres. 

Plufieurs  peuples  ont  embaumé  leurs 
morts ,  pour  conferver  les  refies  de  leurs 
ancêtres.  Les  Sauvages  des  îles  Canaries 
s'en  acquittent  très-bien  ;  ils  confervoient 
même  la  flexibilité  &  la  reiïèmblance. 
On  a  trouvé  en  Europe  des  cadavres 
confervés  de  même  :  les  inteflins  étaient 
refîés  entiers. 

Mais  de  tous  les  peuples  ,  celui  qui 
embaumoit  le  plus  généralement  &  le 
plus  exactement  les  corps  de  {es  parens  , 
c'étoient  fans  doute  les  Egyptiens.  On 
trouve  encore  tous  les  jours  dans  les 
environs  de  Jizé  des  caveaux  remplis  de 
momies. 

0* 


E  M  B 

On  n'eft  pas  d'accord  fur  les  moyens 
que  les  Egyptiens  employoient.  On  a  dit 
que  l'on  faifoit  fortir  la  cervelle  par  un 
trou.  Ce  fait  eft  nié  par  M.  Lech ,  qui 
a  reconnu  l'os  cribreux  dans  fon  entier 
dans  une  momie  d'Egypte  }  on  eft  affez 
d'accord  que  le  plus  grand  nombre  de 
momies  n'a  été  embaumé  qu'avec  du  bi- 
tume. M.  Rouelle  a  cru  que  l'on  faifoit 
un  fquelette  de  ces  corps  avant  que  d'y 
verfer  du  bitume  }  &  il  eft  sûr  qu'on 
trouve  des  momies  ,  dont  les  os  font 
entièrement  décharnés  \  c'eft  l'état  où  fe 
trouvoit  la  momie  décrite  par  Sryph. 
Mais  il  y  en  a  d'autres  ,  où  les  chairs 
font  confondues  avec  le  bitume  ,  fans 
être  enlevées  :  on  en  a  vu  même ,  où  le 
vifage  étoit  confervé  &  encore  recon- 
noiffable.  Il  eft  bien  probable  qu'avec  les 
perfbnnes  d'un  rang  fupérieur  on  prenoit 
plus  de  précaution. 

La  meilleure  méthode  d'embaumer  fe- 
roit  certainement  celle  qui  fè  fait  par 
l'injeérion.  Nous  avons  vu  chez  Ruyfch 
un  enfant  confervé  fans  que  {es  chairs 
fuftent  affaiftees  :  elles  étoient  rondes  & 
potelées  avec  le  coloris  le  plus  fleuri  d'une 
belle  jeuneife.  Cela  ne  paroît  pas  difficile 
à  faire,  on  n'a  qu'à  colorer  la  colle  de 
poilfon  avec  de  la  cochenille  :  cette  li- 
queur perce  dans  les  elpaces  cellulaires , 
les  arrondit  ,  &  donne  aux  joues  le  ver- 
meil le  plus  vif.  Nous  en  avons  préparé 
de  cette  manière  j  mais  la  difficulté  c'eft 
de  fixer  cette  colle  ,  d'en  empêcher  l'éva- 
poration  ,  &  de  conferver  à  l'air  l'em- 
bonpoint artificiel  :  c'eft  un  fècret  que 
Ruyfch  avoit  découvert ,  &  qui  eft  perdu. 
(H.  D.G.) 

L'art  des  embaumemens  ,  tel  qu'on  le 
pratique  aujourd'hui  ,  n'a  été  connu  en 
Europe  que  dans  les  derniers  fiecles  :  aupa- 
ravant on  faifoit  de  grandes  incifions  fur  les 
cadavres  \  on  les  faupoudroit  bien  ,  &  on 
enveloppoit  le  tout  avec  une  peau  de  bœuf 
tannée.  C'eft  ainfi  qu'on  embauma  à  Rouen 
en  1135  ,  Henri  I  roi  d'Angleterre  }  & 
encore  l'opérateur  s'y  prit  fi  tard ,  ou  fi 
mal ,  que  l'odeur  du  cadavre  lui  fut  fatale  : 
il  en  mourut  for  le  champ. 

Au  refte ,  ceux  qui  feront  curieux  d'ac- 
quérir les  connoiffances  d'érudition  fur  la 
Tome  XIL 


E  M  B  217 

matière-  des  embaumemens  ,  trouveront  à 
fe  fatisfaire  dans  la  lecture  des  ouvrages 
que  nous  allons  indiquer. 

Bellonius  (  Petrus  )  ,  de  mirabili 
operum  antiquorum  prœfiantiâ  ,  medicato 
funere  ,  feu  cadavere  condito  ,  &  médica- 
ment is  nonnullis  fervandi  cadaveris  vint 
obtinentibus.  Paris  ,  1553  ,  in-40.  rare, 
figures. 

Riyinus  (  And.  )  ,  de  balfamatione.  Lipfl 
1655  ,  in-40. 

Clauderi  (  Gabriel  )  methodus  balfa- 
mandi  corpora  humana.  Attenburgi ,  1679, 
/'/z-40.  Cet  ouvrage-ci  eft  pour  les  gens  du 
métier. 

Lauqoni  (  Jof.  )  de  balfamatione  cada~ 
verum.  Ferrar.  1693  ,  in- 12.  &  réimprimé 
avec  les  œuvres  de  l'auteur. 

Greenhill  (  Thomas  )  ,  the  art  of  embaï- 
ming.  London ,  1705  ,  in-40.  m*  c*  f- 
&  fur-tout  dans  les  mémoires  que  M. 
Rouelle  a  écrits  fur  cette  matière.  Article 
de  M.  le  Chevalier  de  Jaucovrt. 

EMBAUMER,  v.  ad},  ouvrir  un  corps 
mort ,  eu  ôrer  les  inteftins  ,  &.  mettre  en 
la  place  des  drogues  odorantes  &  deftîca- 
tives ,  pour  empêcher  qu'il  ne  fe  corrompe. 
Voye{  Embaumement  (  Chirurgie.  ) 

Ce  mot  eft  formé  de  baume  gui  étoit  le 
principal  ingrédient  des  embaumemens  des 
Egyptiens.  Voye{  Baume. 

Le  corps  de  Jacob  en  Egypte  fut  trente 
jours  à  embaumer.  Voyez  genef.  L.  v.  3. 
Marie  Magdelaiue  &  Marie  mère  de  Jac- 
ques, achetèrent  des  parfums  pour  embaumer 
Jefus.  Voye-{  S.  Matthieu ,  &c.  Jean  roi  de 
France  étant  mort  à  Londres  en  1364,  l'on 
y  embauma  fou  corps  qu'on  emporta  en 
France ,  &  qu'on  enterra  à  Saint-Denis. 

Quant  à  la  manière  dont  on  embaumoit 
les  corps  parmi  les  Egyptiens  ,  voye^  ci- 
devant  fart.  Embaumement  (Hijl.  anc.) 

Le  D.  Grew ,  auteur  du  mufœum  regalis 
focietatis  ,  croit  que  les  Egyptiens ,  pour 
embaumer  les  corps ,  les  faifoient  bouillir 
dans  une  cRaudiere  avec  une  certaine 
efpece  de  baume  liquide  $  fa  raifon  eft  que 
dans  les  momies  qu'on  confervé  dans  la 
collection  ou  cabinet  de  la  fociété  royale  , 
le  baume  a  pénétré  non  feulement  le* 
chairs  &  les  parties  molles  ,  mais  même 
les  os ,  au  point  qu'ils  en  font  tout  noirs  ? 

Ee 


ii$  E  M  B 

comme  s'ils  avoient  été  brûlés.  Voye\ 
Momie. 

Les  Péruviens  avoient  une  manière 
particulière  &  très-bonne  de  conferver  les 
corps  de  leurs  Incas  rois  ,  embaumés. 
Garcillaffo  de  la  Vega  croit  que  tout  leur 
fecret  confiftoit  à  enfevelir  ces  corps  dans 
la  neige  pour  les  y  faire  fécher,  après 
quoi  on  y  appliquoit  un  certain  bitume 
cfont  parle  Acofta ,  qui  les  confèrvoit  auiïi 
entiers  que  s'ils  euffent  toujours  été  en  vie. 
Diclionn.  de  Trévoux  ?   &  Chambers.  (G) 

EMBDEN  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  du 
cercle  de  Weftphalie  en  Allemagne ,  capi- 
tale du  comté  de  même  nom  ,  fi  tuée  fur 
l'Ems.  Long.  24.  38.  lat.  53.  20. 

EMBELLE  ,  f.  f.  (Manne.)  c'eft  la 
partie  du  vailfeau  comprife  depuis  la  herpe 
du  grand  mât  jufqu'à  celle  de  l'avant ,  ou 
depuis  le  grand  mât  jufqu'au  degré  d'a- 
mure 5  comme  c'eft  la  partie  la  plus  bafle 
du  côté  du  navire ,  &  où  l'on  eft  le  plus  à 
découvert  dans  un  jour  de  combat  ,  on  y 
met  des  fargues.  Voy.  Belle  &  Far- 
GUES.  (  Z) 

*  EMBELLIR  ,  v.  aft.  c'eft  ajouter 
avec  art  à  des  objets  qui  feroient  peut-être 
indifférens  par  eux-mêmes  ?  des  formes  ou 
des  acceffoires  qui  les  rendent  intérelTans , 
agréables  ,  précieux ,  &c. 

*  EMBENATER  ,  (  Sal.  )  c'eft  lier 
des  bâtons  de  bois  de  coudrier  avec  des 
ofiers  &  de  la  ficelle  ,  capables  de  contenir 
un  certain  nombre  de  pains  de  fèl.  Voye\ 
Benates  &  Benatiers. 

EMBISTAGE  ,  fub.  m.  terme  dont  les 
Horlogers  fe  fervent  en  parlant  de  la 
lîtuation  refpective  des  deux  platines  d'une 
montre  :  Cejî  deux  fois  la  diftance  entre 
le  centre  de  la  platine  de  dejjusj  &  le  point 
ou  l'axe  de  la  grande  platine  la  rencontre. 
Voyei  PLATINE   (terme  dthorlog.) 

EMBLAVER,  (lard.)  eft  le  même 
f^ienfemencer. 

EMBLAVES  ,  f.  f.  pi.  (Jurifpr.  )  terme 
ufité  dans  plufieurs  coutumes  pour  exprimer 
les  terres  enfemencées  en  bled.  On  diftingue 
quelquefois  les  emblaves  ou  terres  embla- 
vées des  terres  Amplement  enfemencées. 
Les  emblaves  ou  terres  emblavées  font  dans 
quelques  coutumes  les  terres  où  le  bled  eft 
déjà  levé  3   c'eft  en  ce  fais  qu'il  en  eft 


E  MB 

parlé  dans  Yarticle  59  de  la  coutume  de 
Paris.  Les  terres  enfemencées  font  celles 
où  le  bled  eft  femé  ,  mais  n'eft  pas  encore 
levé.  Dans  l'ufage  on  confond  fouvent  les 
emblaves  avec  les  terres  enfemencées.  (  A  ) 

EMBLEME  ,  f.  m.  f  Belles-Lettres.  ) 
image  ou  tableau  qui  par  la  repréfentation 
de  quelque  hiftoire  ou  fymbole  connu  , 
accompagnée  d'un  mot  ou  d'une  légende  , 
nous  conduit  à  la  connoiffance  d'une  autre 
chofe  ou  d'une  moralité.  Voye\  Devise  & 
Enigme. 

L'image  de  Scevola  tenant  fa  main  fur 
un  foyer  embrafé ,  avec  ces  mots  au  delîous  : 
A  gère  &  pati  fortia  romanum  ejt ,  il  eft  d'un 
romain  d'agir  &  de  fourrrir  conftamment , 
eft  un  emblème. 

Uemblême  eft  un  peu  plus  clair  &  plus 
facile  à  entendre  que  l'énigme.  Gale  définit 
le  premier  un  tableau  ingénieux  qui  repré- 
fente  une  chofe  à  l'œil ,  &  une  autre  à 
l'efprit. 

Les  emblèmes  du  célèbre  Alciat  font  fa- 
meux parmi  les  favans. 

Les  Grecs  donnoient  aufîî  le  nom  d'em- 
blèmes aux  ouvrages  en  mofaïque  ,  & 
même  à  tous  les  ornemens  de  vafes  ,  de 
meubles  ,  &  d'habits  \  &  les  Romains 
l'ont  aufîî  employé  dans  le  même  fens. 
Cicéron  reprochant  à  Verres  les  larcins 
des  ftatues ,  vafes  ,  &c.  &  autres  ouvrages 
précieux  qu'il  avoit  enlevés  aux  Siciliens  , 
appelle  emblemata  les  ornemens  qui  y 
étoient  attachés  ,  &  qu'on  en  pouvoit  fé- 
parer ,  auxquels  ils  ont  aufîî  comparé  les 
figures  &  les  ornemens  du  difcours.  C'eft 
ainfî  qu'un  ancien  poète  latin  difoit  d'un 
orateur  ,  que  tous  fes  mots  étoient  arrangés 
comme  des  pièces  de  mofaïque  ; 

,     ..     ......     Ut    tejjerula?    omnes  ? 

Arte   pavimenti    atque    emblemate    ver- 
miculatœ. 

Les  Jurifconfiiltes  ont  aufîî  confervé 
cette  exprefîîon  dans  le  même  fens  ,  c'eft- 
à-dire  ,  pour  tout  ornement  fura jouté ,  8t 
qu'on  peut  féparer  du  corps  d'un  ouvrage. 
Dans  notre  langue  le  mot  emblème  ne 
fîgnifie  qu'une  peinture  ,  une  image  ,  un 
bas-relief,  qui  renferme  un  fens  moraL 
ou  politique. 


E  M  B 

Ce  qui  diftingué  Xemblême  de  la  devife , 
c'eft  que  les  paroles  de  Xemblême  ont  toutes 
feules  un  feus  plein  &  achevé  ,  &  même 
tout  le  fens  &  toute  la  lignification  qu'elles 
peuvent  avoir  jointes  avec  la  figure.  On 
ajoute  encore  cette  différence ,  que  la  de- 
vife eft  un  fymbole  déterminé  à  une  per- 
fbnne  ,  ou  qui  exprime  quelque  chofe  qui 
la  concerne  en  particulier  \  au  lieu  que 
Xemblême  eft  un  fymbele  plus  général.  Ces 
différences  deviendront  plus  fenfibles ,  pour 
peu  qu'on  veuille  comparer  Xemblê/ne  que 
nous  avons  cité  avec  une  devife  :  par  exem- 
ple ,  celle  qui  repréfente  une  bougie  allu- 
mée ,  avec  ces  mots  Juvando  confumor  ,  je 
me  confume  en  fervant  }  il  eft  clair  que 
ce  dernier  fymbole  eft  beaucoup  moins  gé- 
néral que  le  premier.  Voyc{  le  diâionn. 
de  Trév.  &  Chamb.  (G) 

EMBLER  ,  v.  n.  (  Vénerie.  )  fe  dit  de 
l'allure  des  bêtes ,  lorfque  le  pié  de  der- 
rière avance  d'environ  quatre  doigts  fur  ceux 
de  devant. 

EMBLOQUER  ,  en  terme  de  Table- 
tier-Cornetier  ,  c'eft  proprement  l'action 
d'applatir  dans  le  bloc  entre  deux  plaques 
un  morceau  de  corne  chaud ,  tel  que  pour- 
roit  être  ,  par  exemple ,  un  ergot  de  bœuf. 
Voyei  Bloc  &  Plaques. 

EMBODINURE,  EMBOUDINURE, 
BOUDINURE  ,  fub.  f.  (  Marine.  )  On 
appelle  ainfi  plufieurs  bouts  de  corde  me- 
nue ,  dont  l'arganeau  de  l'ancre  eft  envi- 
ronné 

cable  ne  fè  gâte  contre  le  fer. 
■  *  EMBOITEMENT  ,  f.  m.  (  Gram.  ) 
c'eft  une  des  fituations  d'un  corps  relative- 
ment à  un  autre  ,  auquel  il  eft  uni  & 
contigu  j  &  le  terme  emboîtement  défigne 
allez  par  lui-même  quelle  eft  l'efpece  d'u- 
nion ou  de  contiguïté  dont  il  s'agit.  Elle 
eft  telle  que  le  corps  qui  emboîte  fèmble 
embrafTer  le  corps  emboîté  ,  comme  une 
boîte  contient  ce  qu'on  y  renferme.  Voy. 
Boîte. 

Emboîtement  ,  terme  nouvellement 
introduit  dans  XArt  militaire  ,  pour  expri- 
mer l'efpece  d'entrelacement  que  font  les 
foldats  d'un  bataillon  lorfqu'on  veut  le 
faire  tirer  ,  pour  que  les  finis  des  foldats 
du  quatrième  rang  dépaflènt  un  peu  le 
premier. 


on  le  fait  pour  empêcher  que  le 
(Z) 


E  M  B  îi9 

Par  le  moyen  de  cet  entrelacement ,  les 
foldats  n'occupent  guère  qu'un  pié  dms 
la  file  \  &  comme  les  fufils  ont  environ 
cinq  pies  de  longueur  ,  ceux  du  quatrième 
rang  peuvent  alors  dépafTer  de  quelque 
choie  le  premier. 

Ainfi  l'objet  de  Xemboîtement  eft  de  faire 
en  forte  que  le  feu  des  foldats  du  dernier 
rang  ne  puilTe  caufèr  aucun  accident  à  ceux 
du  premier. 

Dans  cet  état ,  les  foldats  font  dans  une 
attitude  fort  gênante.  Les  deux  premiers 
rangs  ont  un  genou  à  terre  ,  &  les  jambes 
entrelacées  les  unes  dans  les  autres  :  le 
troifieme  &  le  quatrième  rangs  font  droits  , 
mais  fort  ferrés  aufîi  for  les  premiers*,  de 
manière  que  les  foldats  du  troifieme  ont 
les  jambes  placées  dans  celles  du  fécond  , 
&  que  ceux  du  quatrième  les  ont  dans  celles 
du  troifieme. 

Les  foldats  du  premier  rang  ont  l'avan- 
tage de  pouvoir  fè  fèrvir  aifément  de 
leurs  armes  :  il  n'en  eft  pas  de  même  de 
ceux  du  fécond  ,  parce  que  l'incommodité 
de  leur  fituation  ne  leur  permet  guère 
d'ajufter  leur  fufil  pour  tirer  for  l'ennemi. 
Le  troifieme  rang  tire  auiïi  facilement  que 
le  premier  j  mais  pour  le  quatrième  ,  quel- 
que emboîtement  que  l'on  fafîè ,  fon  feu  eft 
toujours  fort  dangereux  pour  la  tête  du 
bataillon.  L'expérience  le  fait  voir  dans 
l'exercice  j  car  ce  n'eft  qu'avec  un  très- 
grand  foin  qu'on  parvient  à  faire  dépafîèr 
les  fufils  du  quatrième  rang  du  premier  : 
encore  arrive-t-il  fouvent  ,  lorfqu'on  fa  t 
tirer  les  foldats ,  que  quelque  officier  reçoit 
des  coups  de  feu  dans  les  habits ,  &:  que  les 
foldats  des  premiers  rangs  ont  les  cheveux 
brûlés.  Il  eft  vrai  que  ce  dernier  accident 
peut  s'attribuer  aux  amorces  }  mais  le 
premier  prouve  fofnfamment  le  danger 
auquel  les  officiers  fout  expofés  par  le  feu 
du  quatrième  rang.  Pour  remédier  à  cet 
inconvénient ,  il  ne  faudroit  dans  l'a&ioii 
faire  tirer  que  les  trois  premiers  rangs  \  ou 
lorfqu'il  ne  s'agit  que  de  tirer  iâns  fe  join- 
dre ,  mettre  le  bataillon  fur  trois  rangs  ? 
conformément  à  Xinjiruclion  du  14  Mat 
1754  ,  qui  porte  que  toutes  les  fois  que 
l'infanterie  prendra  les  armes  en  quelque 
occafion  que  ce  {bit ,  elle  foit  formée  fur 
trois  rangs.  Voyc^  Evolution. 
E  e   2 


no  EMB 

Quoiqu'il  paroiffe  difficile  aujourd'hui  de 
faire  tirer  quatre  rangs  à  la  fois  fans  incon- 
vénient ,  &:  qu'on  ait  imaginé  Vemboïte- 
ment  pour  y  parvenir,  on  en  a  pourtant 
fait  tirer  jufqu'à  cinq  autrefois  ,  fuivant  la 
Fontaine.  «  Pour  faire  tirer  cinq  rangs  à 
»  la  fois  ,  dit  cet  auteur  dans  fa  doctrine 
i)  militaire ,  imprimée  à  Paris  en  1667  , 
»>  on  fera  mettre  les  deux  premiers  rangs 
»  à  genoux  ,  le  troifieme  fort  courbé ,  le 
x>  quatrième  un  peu  moins  courbé  ,  &:  le 
•»  cinquième  palfe  le  bout  de  fon  mouf- 
»  quet  pardeilus  l'épaule  du  quatrième 
yy  rang  j  &  ils  tirent  ainii  fans  s'offenfer 
»  l'un  ni  l'autre  ,  comme  nous  avons  ex- 
»  périmenté  fouvent.  »  Doctrine  militaire  , 
pag.  449.  (  Q  ) 

EMBOITER  ,  v.  a£r.  (  Comm.  )  mettre 
ou  ferrer  quelque  marchandife  dans  une 
boîte  ,  pour  la  garantir  de  la  pluie ,  &c. 
Ce  terme  fignifie  fouvent  la  même  chofe 
quencaij/èr.  Voye[  ENCAISSER.  Diâion- 
naire  de  commerce  ,  de  Trévoux  ,  &  de 
Chamb.  (G) 

Emboîter  ,  (  Hydraul.  )  c'eft  enchâlTer 
un  tuyau  dans  un  autre  }  ce  qui  fe  prati- 
que en  pofant  des  tuyaux  de  bois  ou  de 
grès  pour  conduire  les  eaux.  (  K  ) 

Emboîter,  (à  la  Monnoie.)  c'eft 
prendre  l'acte  des  deniers  de  boîte  ,  tant 
avant    qu'après    l'efTai.    Voye^    Boite 

Vi     V*    C    C    A    T 

EMBOITURE  ,  (  Marine.  )  Voyei  Eno- 
CURE. 

EMBOÎTURE  ,  f.  f.  terme  de  Menuiferie  , 
eft  une  barre  de  bois  de  trois  ou  quatre 
pouces  de  large  plus  ou  moins  ,  fuivant 
l'ouvrage  d'épaifTeur  &:  longueur  convena- 
bles ,  que  l'on  met  à  tenons  &  mortaifes  , 
&:  rainures  au  bout  des  planches  ,  lorf- 
qu'elles  font  toutes  afTemblées  &:  deftinées 
pour  des  portes  ,  des  contre  -  vents ,  des 
tables  ,  &c. 

E  M  B  O  I  R  E  ,  fe  dit ,  en  Peinture , 
lorfque  les  couleurs  à  l'huile  ,  avec  lef- 
quelles  on  peint  un  tableau  ,  devien- 
nent mattes  ,  &  perdent  leur  luifànt 
au  point  qu'on  ne  difcerne  pas  bien  les 
objets. 

Lorfqu'on  peint  fur  un  fond  de  couleur 
qui  n'eft  pas  bien  fec  ,  celles  qu'on  met 
defTus  iemboivent  eu  fcchant.  On  remédie 


EMB 

à  cet  inconvénient  lorfque  ce  qu'on  a  peint 
eft  bien  fec  ,  en  pafTaut  du  vernis  ou  uh 
blanc  d'œuf  battu  deiîus.  (  R  ) 

E  M  B  O  L I  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  de 
Macédoine  dans  la  Turquie  Européenne  j 
elle  eft  fituée  fur  la  rivière  de  Stromona. 
Long.  41.  38.  lat.  40.  55. 

EMBOLISME  ,  f.  m.  (  Chronologie.  ) 
fignifie  une  intercalation.  Voye[  les  arti- 
cles Mois  &  Intercalaire. 

Les  Grecs  fe  fervoient  de  l'année  lu- 
naire ,  qui  eft  de  3  54  jours  :,  &  afin  de 
l'approcher  de  l'année  folaire ,  qui  eft  de 
365  ,  ils  ajoutoient  tous  les  deux  ou  trois 
ans  un  embolifme ,  c'eft- à- dire  ,  un  trei- 
zième mois  lunaire  :,  &  ce  mois  fiirajouté 
ils  l'appelloient  embolifmeus  ,  parce  qu'il 
étoit  inféré  ou  intercalé.  Harris  &  Cham- 
bers.   V~oye[  An. 

Ce  mot ,  ainfî  que  les  trois  fiiivans  , 
eft  grec  ,  &  vient  d'?/x£«ÂA«/f ,  mettre  & 
jeter  dedans.  Voye[  E  M  B  O  L I S  M I Q  U  E. 
(O) 

EMBOLISMIQUE  ,  adj.  intercalaire  , 
fe  dit  ,  en  Chronologie  ,  des  mois  fur- 
ajoutés  que  les  Chronologiftes  infèrent  pour 
former  le  cycle  lunaire  de  dix -neuf  ans. 
Voyei  Intercalaire. 

Comme  dix  -  neuf  années  folaires  font 
compofées  de  6939  jours  &  18  heures, 
&  que  dix-neuf  années  lunaires  ne  font 
enfemble  que  6726,  on  a  trouvé  que  pour 
égaler  le  nombre  des  dix-neuf  années  lunai- 
res aux  dix- neuf  folaires  ,  qui  font  le  cycle 
lunaire  de  dix-neuf  années ,  il  étoit  nécefiaire 
d'intercaler  ou  inférer  fept  mois  lunaires 
de  209  jours  ,  lefquels  avec  les  quatre 
jours  bifléxtiles  qui  arrivent  dans  cet  in- 
tervalle ,  font  213,  &  le  tout  enfemble 
fait  6939  jours.  Voye^  Cycle. 

Au  moyen  de  ces  fept  mois  embolifmi- 
ques  ou  furajoutés ,  les  6939  jours  &  18 
heures  des  dix  -  neuf  années  folaires  ,  fe 
trouvent  à-peu-près  employés  dans  le  ca- 
lendrier. Voye[  Mois. 

Dans  le  cours  de  dix-neuf  ans  il  y  a 
228  lunes  communes  ,  &  fept  mois  embo- 
lifmiques.  En  voici  la  diftribution. 

Chaque  3e,  6e,  9e,  nej  J4e  ?  17e,  & 
19e  années  font  embolifmiques  ,  &  par 
conséquent  de  384  jours.  C'eft  la  méthode 
que  les  Grecs  ont  fuivie  dans  le  calcul  du 


EMB 
temps  ,  quand  ils  fe  font  fervi  de  l'en- 
néadécatéride ,  ou  cycle  de  dix-neuf  ans  '■, 
mais  ils  ne  l'ont  pas  obfervé  conftam- 
ment ,  comme  il  paroît  que  les  Juifs  l'ont 
fait. 

Les  mois  emboîifmiques  font  comme  les 
autres  mois  lunaires  ,  quelquefois  de  30 
jours ,  &  quelquefois  de  29  feulement.  Voy. 
An. 

Les  épa&es  emboîifmiques  font  celles 
qui  font  depuis  XIX  jufqu'à  XXIX  ;  & 
on  les  appelle  emboîifmiques  ?  parce  qu'en 
ajoutant  lepafte  qui  eft  xi  ,  elles  excé- 
dent le  nombre  xxx  :,  ou  plutôt  parce 
que  les  années  qui  ont  ces  épa&es  font 
emboîifmiques  ,  ayant  13  lunes  dont  la 
treizième  eft  embolifmique.  Voy.  EPACTE. 
Wolf ,  élémens  de  Chronologie  ,  &  Cham- 
bers. 

Les  Turcs  ne  fe  fervent  point  du  mois 
embolifmique  ;  aufîî  le  commencement  de 
leur  année  eft  vague  :  mais  ils  ont  des 
jours  emboîifmiques.  Les  44  minutes  dont 
une  lunaifon  furpalfe  29  jours  ck  demi  , 
font  environ  11  jours  en  30  ans  :  or  les 
Turcs  répandent  ces  11  jours  fur  30  années 
lunaires  ,  en  forte  qu'il  y  a  11  années  qui 
ont  un  jour  de  plus  j  favoir  la  2e.  5  ,  7  , 
10,  13,  16,  18,  21,  24,  16  &  29, 
&  le  commencement  de  leur  année  lunaire 
lie  retombe  avec  l'année  folaire  qu'au  bout 
de  34  années  lunaires  ,  ou  environ  33  fo- 
laires. 

Au  refte ,  comme  l'année  lunaire  com- 
mune de  354  jours  &  l'année  folaire  tro- 
pique différent  de  1 1  jours  5  heures  &  4 
minutes  ,  il  s'enfuit  que  pour  accorder 
l'année  lunaire  avec  la  folaire ,  il  faudroit 
ajouter  en  100  ans  34  mois  de  30  jours 
&  4  de  31  jours  ,  &  qu'au  bout  de  fix 
fîecles  il  faudroit  encore  changer  cet  or- 
dre ,  parce  qu'il  refte  4  heures  21  minu- 
tes ,  qui  en  fix  fîecles  font  environ  un  jour. 
(0) 

-EMBOLON ,  {Art  milit.)  difpofition  des 
troupes  chez  les  anciens ,  rangées  fur  peu  de 
front  &  beaucoup  de  hauteur.  Voy.  Coin. 

(Q) 

EMBOLUS,  (Hydr.)  terme  latin  qui  ré- 
pond à  piflon.  V.  Piston. 

EMBONPOINT  ,  f.  m.  (  Méd.  )  ce 
mot  s'eft  formé  de  trois  dictions  'franc  oi- 1 


EMB  221 

fès  ;  de  la  prépofition  en  ,  dont  Yn  fè 
change  en  m  devant  b,  de  Tadjeclif  £o/z, 
&  du  fubftantif  point  ;  de  forte  qu  embon- 
point fignifie  Y  état  d'une  perfonne  qui  eft  en 
bon  point ,  c'eft-à-dire  en  bon  état ,  en  bonne 
fanté.  Quelques  -  uns  écrivent  embom- 
point. 

Hippocrate  donne  une  très-belle  def- 
cription  de  Y  embonpoint  {pnvcept.  x.  r. 
feq.  ;  )  il  le  fait  confifter  dans  une  difpo- 
fition naturelle  bien-  proportionnée  de 
toutes  les  parties  du  corps  ,  qui  font  plei- 
nes de  bons  fucs  ,  dans  un  jufte  rapport 
avec  les  forces  des  folides  qui  les  contien- 
nent ,  dans  une  vigueur  ferme  &  conf- 
tante  ,  St  clans  une  facilité  à  l'exercice  des 
fonctions  qui  ne  s'altère  pas  aifément. 
Hippocrate  établit  auiîi  que  pour  jouir  d'un 
embonpoint  complet  ,  optanda  efl  &  ejuf- 
modi  difpofitio  qucc  aliéna  fit  ab  ingenii 
tarditate.  Saint-Évremond  dit  de  même  , 
«  Que  pour  jouir  d'un  embonpoint  parfait  , 
»  une  bonne  difpofition  de  lame  veut  quel- 
»  que  chofe  de  plus  animé  que  l'état  tran- 
»   quille.  » 

^embonpoint  ,  dont  on  ne  juge  ordi- 
nairement que  par  l'apparence  ,  s'annonce 
par  un  vifage  plein  dont  la  peau  eft  affez: 
tendue  \  d'un  teint  vif  &:  frais  ,  qui  ne 
fbit  que  modérément  enluminé  \  par  les 
membres  charnus  &  peu  chargés  de  graifTe  5 
par  l'agilité  du  corps  dans  fes  mouvemens  ? 
&c.  V.  Santé. 

On  fè  fert  cependant  communément  de 
ce  terme  embonpoint  dans  un  fèns  qui  lui 
eft  moins  propre  :  on  l'emploie  pour  expri- 
mer la  conftitution  d'un  corps  gras ,  replet , 
qui  n'eft  fouvent  rien  moins  qu'en  bonne 
fanté  ;  lorfqu'il  eft  trop  abondant  en  hu- 
meurs ,  même  de  bonne  qualité ,  en  graifïe 
fur-tout ,  ce  qui  fait  un  état  peu  favorable 
à  la  fanté  ,  lorfque  cette  conftitution  eft 
fenfiblement  défe£tueufe  par  excès  }  c'eft: 
ce  qu'on  appelle  le  trop  d'embonpoint  ? 
qui  dégénère  en  maladie  par  les  altéra- 
tions qu'il  occafione  dans  l'économie  ani- 
male. Le  défaut  ^embonpoint  eft  aufîi  un 
état  contre  nature  ,  c'eft  la  maigreur. 
Voyei  Maigreur.  L'un  &  l'autre  vice 
font  produits  par  celui  de  la  fecrétion  du 
fuc  huileux  qui  conftitue  la  graiffe  ,  lequel 
eft   trop   abondant  ou  manque   dans  les 


211  E  M  B 

réfervoirs  qui  lui  font  propres.  V.  GRAISSE. 

EMBOSSURE  ,  f.  f.  (  Marine.  )  c'eft 
un  nœud  que  l'on  fait  fur  une  manœuvre  , 
&  auquel  on  ajoute  un  amarrage.  V.  CROU- 
PI A  T.   On  dit  faire   un  embojjure  au  cable. 

(Z) 

EMBOUCHE  ,  adj.  (Blafon.)\\  fe  dit  du 
bout  d'un  cornet ,  d'une  trompe  ,  &  d'une 
trompette  ,  qu'on  met  dans  la  bouche  pour 
en  fonner  ,  lorfque  ce  bout  eft  d'un  émail 
différent  du  corps.  Dicl.  de  Trév. 

EMBOUCHER  ,  v.  a£t.  (  Manège.  ) 
terme  qui  dans  fa  véritable  acception 
fignifie  &  défigne  non  feulement  ïaclion 
de  donner  un  mors  quelconque  a  un  che- 
val ,  mais  Vart  de  le  fabriquer  &  de  l'appro- 
prier parfaitement  à  (animal  auquel  on  le 
dejline. 

Il  eft  aufll  difficile  de  fixer  avec  pré- 
cision le  temps  où  les  hommes  ont  ima- 
giné de  réduire  le  cheval  &  de  le  maitrifer, 
en  profitant  adroitement  de  la  fenfîbilité 
de  fa  bouche  &  de  la  difpofition  de  cet 
organe  à  fiibir  les  diverfes  impreffions  de 
la  main  du  cavalier  ,  qu'il  le  feroit  de 
déterminer  véritablement  celui  où  nous 
avons  commencé  à  triompher  de  cet  ani- 
mal ,  &  à  le  faire  fervir  à  nos  befoins  & 
à  notre  ufage.  D'un  côté  ces  points  de 
faits  font  enfevelis  dans  une  nuit  dont  il 
ne  nous  eft  pas  permis  de  percer  l'obfcu- 
rité  j  &  de  l'autre  ,  ce  que  la  tradition 
nous  en  apprend  ,  en  la  fuppofant  même 
dépouillée  de  toute  ambiguité  ,  ne  nous 
conduiroit  point  exactement  au  vrai  nœud 
de  la  difficulté  que  nous  nous  proposions 
d'éclaircir  &  de  réfoudre.  Nous  ne  pou- 
vons douter  que  dans  la  langue  des  Grecs, 
une  grande  partie  des  termes  confacrés 
à  la  navigation  étoient  adaptés  à  l'équi 
tation.  Nous  trouvons  dans  Suidas  celui 
de  %i%.m  ou  de  coureur  ,  également  em- 
ployé pour  déligner  des  vailfeaux  légers 
&  des  chevaux  de  courfè.  Nous  voyons 
qu'Homère  appeîioit  les  vaiffeaux  ,  des 
chevaux  de  mer  ,  atù%  Ïttsi  :  il  nomme 
encore  le  pilote  ,  le  cocher  d'un  vaijfeau. 
Pindare  ,  le  premier  qui  parmi  les  poètes 
dont  les  ouvrages  font  parvenus  jufqua 
nous  ,  ait  donné  Pégafe  pour  monture  à 
Bellérophon  .   &    qui    ait  prétendu   que 


E  M  B 
Minerve  furnommée  par  cette  raifon 
Chalinitis  ,  lui  a  montré  l'art  de  le 
domter  &  de  lui  mettre  un  frein  ,  ap- 
pelle lui-même  du  nom  de  brides  les  an- 
cres qui  fervent  à  fixer  les  vaùTeaux  ; 
tandis  que  Nonnus  met  en  ufage  le  mot 
tutïml*  ,  qui  lignifie  frein  ,  pour  défi 'mer 
les  gouvernails  des  vaiffaaux  de  Cadmus. 
Or,  quand  nous  ne  ferions  pas  fondés  à 
inférer  de  ces  expreffions  avec  M.  Freret 
(  voye{  le  vol.  XIII  des  Mém.  de  tacad. 
des  Infcript.  &  Belles-Lettres  ,  )  que  le 
Pégafe  de  Pindare  étoit  conftamment  un 
vahTeau  dont  Bellérophon  s'empara,  &  la 
bride  prétendue  que  Minerve  lui  donna , 
un  gouvernail  qu'il  conftruifit  }  &  que 
nous  pourrions  croire  au  contraire  que  ce 
Pégafe  étoit  un  cheval  ,  &  cette  bride 
une  forte  de  mors ,  nous  n'en  ferions  pas 
plus  fàtisfaits  &  plus  iuftruits  ,  relative- 
ment à  l'époque  certaine  de  l'invention 
des  embouchures  ,  &  relativement  encore 
à  l'efpece  de  celle  à  laquelle  ce  même 
Bellérophon  auroit  eu  recours.  Des  re- 
cherches fur  le  genre  de  ce  frein  feroient 
d'autant  plus  infruâueufes  qu'aucun  auteur 
ne  nous  en  offre  le  plus  léger  indice ,  8c 
peut-être  aufli  que  fi  quelques-uns  d'entre 
eux  l'avoient  caraciériië  par  quelques  dé- 
nominations particulières  ,  ce  qu'ils  nous 
en  auroient  dit  ne  feroit  pas  plus  inftruc- 
tif  que  leur  filence.  Il  eft  confiant ,  par 
exemple  ,  qu'au  temps  où  vivoit  Xéno- 
phon  ,  on  embouchoit  les  chevaux  :,  non 
feulement  il  nous  donne  des  préceptes  fur 
la  manière  de  brider  l'animal,  infrtnttur  ; 
mais  il  s'exprime  en  termes  trop  clairs  & 
trop  pofitifs,  pour  que  nous  puiffions  ré- 
fifter  à  l'évidence  de  ce  fait ,  ferrum  freni 
Jive  lupos.  Sommes-nous  néanmoins  plus 
éclairés  fur  la  forme  de  ces  loups  ,  ou 
de  ces  freins  louve  tés  dont  nous  parlent 
encore  Ovide  ,  Silius ,  Horace,  &  Virgile  ? 

Tempore  paret  equus  lentis  animofus'haée- 

nis 

Et  placido  duros  accipit  ore  lupos.  Ovid. 

Quadrupedem  fleclit  non  cedens  virga  lupa~ 

tis.  Sil. 

L  upatis  temperet  o  ra  frenis.  Hor. 

Afper  equus  duris  contunditur  ora  lupatis, 

Vixg. 


EMB 

Les  commentateurs  fe  font  long-temps 
exercés  fur  ce  point.  Si  nous  nous  en  rap- 
portons à  eux  ,  &  principalement  à  Ser- 
vais ,  nous  devons  penfer  que  ces  freins 
hériffés  de  pointes  ,  ou  armés  &  garnis 
de  dents  de  loups  inégales  entre  elles  , 
étoient  deftinés  aux  chevaux  dont  la 
bouche  étoit  en  quelque  façon  dépourvue 
de  fentiment.  Mais  comment ,  avec  quel- 
que conuoiiîance  de  la  conformation  de  cet 
organe  ,  fe  perfuader  qu'une  embouchure 
de  cette  forte  n'étoit  pas  plutôt  capable 
de  défefpérer  l'animal ,  que  de  l'affujet- 
tir  ?  D'un  autre  côté  ,  nous  voyons  dans 
le  tom.  IV  du  fuppl.  au  liv.  de  tant*  du 
P.  de  Montfaucon  ,  un  mors  de  bride 
antique  ;  le  fer,  qui  traverfoit  la  bouche 
du  ciieval ,  eft  terminé  d'une  part  par  la 
tète  d'un  cheval  :  or  ne  pourroit-on  pas 
préfumer  avec  plus  de  raifon  ,  que  ces 
mots  lupata  frena  doivent  s'entendre  d'un 
frein  qui  avoit  non  une  tête  de  cheval,  mais 
une  tête  de  loup  à  l'une  de  fes  extrémités ,  ou 
à  chacune  d'elles  ?  Il  eft  vrai  que  l'on 
peut  objecter  que  ce  mors  prétendu  n'en 
eft  point  un  ,  d'autant  plus  que  fa  confi- 
guration eft  très -extraordinaire  ;  &  dès- 
lors  nous  retomberons  dans  l'incertitude 
&  dans  les  ténèbres. 

Tous  les  pas  que  nous  pourrions  faire, 
nous  menant  donc  au  doute  &  non  à  des 
découvertes  fûres  &  avantageufes  ,  je  crois 
qu'il  feroit  plus  fimple  &  plus  naturel  de 
penfer  que  les  premiers  peuples  ,  qui  inf- 
pirés  par  leurs  be foins ,  ont  cherché  dans 
le  cheval  des  refTources  favorables  aux 
commodités  de  la  vie  &  du  commerce  , 
après  l'avoir  adouci  ,  &  rendu  familier  , 
le  conduisent  d'abord  au  fon  de  la  voix  , 
&  dirigèrent  en  fuite  fa  marche  à  la  ma- 
nière des  Numides  &  des  Gétules,  appelles 
par  tous  les  auteurs ,  ainfi  qu'Appien  ap- 
pelle en  général  les  Africains  ,  gens  infeia 
freni  ,  c'eft-à-dire  qu'ils  guidèrent  leurs 
chevaux  avec  un  bâton  ,  à-peu-près  comme 
bs  Maures  le  pratiquèrent  enfuite  ,  & 
comme  quelques-uns  le  pratiquent  encore 
aujourd'hui.  La  néceflîté  où  l'on  fut  d 'at- 
tacher le  cheval  pour  le  fixer  en  un  lieu 
quelconque  ,  fuggera  l'idée  de  lui  pafîer 
une  corde  autour  de  l'encolure  j  telle  eft 
celle  que  l'on  obferve  au  bas  du  cou  du 


EMB  225 

cheval  de  chaque  Maure  dans  la  colonne 
Trajane.  Cette  corde  lèrvit  fans  doute 
infenfiblement  de  frein  j  Strabon  même 
nous  aiTure  que  plufieurs  Maures  em~ 
ployoient  des  freins  de  corde  :  or  quoique 
celle  qui  entoure  l'encolure  ne  paroifTe 
point  captiver  la  tête  de  l'animal  ,  il  eft 
vraifemblable  qu'elle  pouvoit  faciliter  les 
moyens  d'arrêter  tk  de  faire  tourner  le 
cheval ,  puifque  nous  fournies  chaque  jour 
convaincus  par  nos  propres  yeux,  que  des 
payfans  grofîiers  maîtrifeut  &.  foumettent 
par  cette  voie  leurs  chevaux.  Le  hafard 
ayant  peut-être  encore  démontré  le  plus 
grand  empire  de  l'homme  fur  cet  animal , 
lorfqu'il  eft  aifujetti  &  maintenu  par  la 
tête ,  engagea  à  tranfporter  à  cette  partie 
les  liens  placés  au  cou  j  peu- à-peu  &  à 
mefure  que  l'occafion  détermina  à  le  re- 
tenir ,  on  s'apperçut  du  pouvoir  qu'on  ac- 
quéroit  fur  lui  ,  foit  en  le  faiuftant  par  les 
nafàux  ,  foit  en  contournant  cette  corde 
en  forme  de  muferolle  ;  enfin  on  parvint 
à  reconnoître  vaguement  le  fentiment  dont 
là  bouche  eft  douée  \  delà  les  brides  & 
les  licous  dont  parle  Xénophon  ,  &  qui 
font  repréfentés  fur  les  monumens  romains. 
J'avoue  qtren  confidérant  les  mors  que 
nous  offrent  &  que  nous  peignent  la  co- 
lonne Trajane  ,  la  colonne  Antonine  ,  6c 
les  autres  marbres  qui  nous  reftent,  tious 
ne  voyons  que  des  mors  fans  rênes  j  mais 
ceux"  que  nous  remarquons  fur  la  colonne 
de  Théodofè  en  font  garnis.  Je  convien- 
drai de  plus ,  que  les  unes  &  les  autres 
de  ces  embouchures  de  métal  ou  d'une 
matière  quelconque  ,  ne  font  nullement 
affemblées  à  des  branches  ,  &  que  nous 
ne  trouvons  pas  le  plus  léger  veftige  de 
cette  chaîne  que  nous  nommons  gourmette  ; 
d'où  je  conclus  que  toutes  ces  additions 
font  poftérieures  ,  &:  que  nous  fournies 
parvenus  au  point  où  nous  fommes  à  cet 
égard  par  la  même  route,  c'eft-à-dire  par 
la  voie  toujours  lente  du  tâtonnement. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  ces  différentes  con- 
jectures ,  notre  unique  objet  dans  cet  ou- 
vrage eft  d'être  utiles  ,  &  non  de  paroître 
&  de  nous  montrer  érudits.  Je  dirai  donc- 
que  la  feience  à  emboucher  les  chevaux  y 
eit  de  toutes  le?  parties  que  renferme  ta 
!  feience  de  l'éperonnier  ,  la  plus  délicate 


n4  E  M  B 

&  la  plus  épineufe  :  les  autres  ouvrages 
auxquels  il  le  livre  ,  demandent  l'élégance 
dans  les  formes ,  la  folidité  dans  la  conf- 
tru&ion  ,  la  propreté  ,  le  fini  dans  l'exécu- 
tion \  mais ,  eu  égard  à  celui-ci ,  ces  con- 
ditions ne  font  pas  fuffifantes.  Les  princi- 
pes d'après  lefquels  l'éperonnier  doit  agir, 
doivent  être  néceffairement  fondés  fur  la 
connoiffance  parfaite  ,  Ie.  de  la  conforma- 
tion de  quelques  parties  du  cheval  :  z°.  des 
fituations  refpe&ives  que  la  nature  leur  a 
afîignées  dans  chaque  individu  :  30.  des  rap- 
ports de  force  ,  de  feufibilité ,  &  de  mou- 
vemens  qu'elle  a  mis  entre  elles  &  les  autres 
portions  du  corps  :  40.  des  effets  mécha- 
niques  de  cette  machine  fîmple  ,  deftinée 
à  entretenir  comme  milieu  ,  l'intime  réci- 
procité du  fentiment  de  la  bouche  de  l'a- 
nimal &  de  la  main  du  cavalier  }  effets  qu'il 
eft  indifpenfable  d'apprécier,  pour  fixer  avec 
précifîon  les  mefùres  des  parties  du  mors , 
mais  dont  cependant  la  théorie  générale 
des  leviers  ne  nous  donne  pas  toutes  les 
folutions  que  nous  defirerions  ,  parce  qu'il 
entre  dans  les  calculs  auxquels  nous  nous 
abandonnons  ,  en  la  confultant ,  une  mul- 
titude d'élémens  purement  phyfiques ,  dont 
il  eft  prefque  impoffible  de  fixer  la  va- 
leur. Âufli  me  fuis-je  défendu  dans  une 
telle  complication  ,  la  défunion  de  ces  dif- 
férens  objets.  J'ai  penfé  qu'en  ne  les  fépa- 
rant  pas ,  &  en  les  préfèntant  fous  un  fèul 
&  unique  point  de  vue  ,  je  deviendrois 
plus  intelligible.    Voye^  Mors. 

*  Emboucher,  v.  a&.  (Luth.),  il iè 
dit  en  général  des  inftrumens  à  vent }  les 
emboucher ,  c'eft  les  appliquer  à  fa  bouche 
de  la  manière  dont  il  convient ,  pour  en 
tirer  avec  facilité  tous  les  fons  harmoni- 
ques qu'ils  peuvent  rendre. 

EMBOUCHURE  ,  f.  f.  (Manège.) 
terme  fpécialement  adopté  pour  déligner 
la  portion  du  mors  qui  eft  reçue  dans  la 
bouche  du  cheval ,  &  dont  l'effet  ou  l'im- 
prefîîon  doit  fe  manifefter  précifément  fur 
les  barres. 

Nous  trouvons  dans  Caftella  ,  Grifone  , 
Fiafchi ,  Cadamufto  ,  Sanfeverino  ,  Carac- 
ciolo ,  Maffari ,  la  Noue  ,  la  Broue ,  &c. 
un  appareil  énorme  &  embouchures  diffé- 
rentes ,  telles  que  les  poires  fimples  ,  dou- 
bles ,  fecretes ,  à  pas  d'âne  j  les  melons 


E  M  B 

doux ,  ronds ,  à  olives  }  les  campaneïles 
'fimples ,  doubles  ,  à  cul-de-barîui ,  à  cul- 
plat  \  les  hottes  fimples ,  à  balottes  en- 
taillées }  les  canons  à  trompe  \  les  canons 
montans  \  les  canons  fimples  à  compas  ,  à 
cou  d'oie  ,  à  bafcule  \  les  demi-canons 
coudés  ouverts  à  cou  d'oie ,  ou  ouverts  à 
pié  de  chat  \  les  gorges  de  pigeon  \  les  eï- 
caches  à  bouton  ,  à  bavette  ,  à  la  pigna- 
telle  j  les  olives  tambours  ,  les  pas  d'âne , 
&c.  mais  nous  avons  renoncé  avec  raifon 
aux  frivoles  avantages  que  les  anciens  fem- 
bloient  fe  promettre  de  leurs  recherches 
fur  ce  point ,  &  nous  avons  banni  loin  de 
nous  cette  multitude  prodigieufe  d'inftru- 
mens ,  dont  la  diverfité  des  formes  &  des 
noms  a  vainement  épuifé  leur  génie ,  &  qui 
feroient  plutôt  capables  d'altérer  &  de  dé- 
truire le  fentiment  de  la  partie  fur  laquelle 
la  main  du  cavalier  exerce  fa  puifîànce , 
qu'ils  ne  nous  procureroient  les  moyens  de 
captiver  l'animal  fans  l'avilir.  Je  ne  fais 
néanmoins  fi  notre  fupériorité  à  cet  égard 
eft  telle  qu'il  ne  nous  refte  rien  à  defirer  , 
&  s'il  nous  eft  permis  de  croire  que  les 
principes  vagues  ,  qui ,  relativement  à  cet 
objet  ,  font  répandus  &  répétés  dans  tous 
les  écrits  modernes ,  puiffent  conftituer 
une  théorie  fuffifante  &  aufll  lumiueuiè 
que  s'ils  étoient  déduits  des  effets  conftans 
de  la  main  &  des  effets  certains  &  com- 
binés des  portions  principales  du  mors.  V. 
Mors.  (  e  ) 

Embouchure  d'une  Rivière  ,  (Ge'og.) 
c'eft  l'endroit  par  où  une  rivière  fe  décharge 
dans  la  mer.  (Z) 

*  Embouchure  y  f.  f.  (Commerce.) 
il  fè  dit ,  dans  le  commerce  des  grains  , 
d'une  efpece  de  friponnerie  qui  confifte  à 
faire  que  le  deffous  de  celui  qu'on  vend  , 
ne  foit  pas  aufîi  bon  que  le  deffus.  S'il  y 
a  embouchure  au  grain  ,  il  eft  confif- 
cable. 

Embouchure  ,  f.  f.  c'eft  ,  en  terme  de 
Chaudronnier  &  de  Luthier  ,  la  partie 
fur  laquelle  le  pofent  les  lèvres,  &  d'où: 
l'on  pouffe  le  vent  dans  le  tuyau  du  cor  , 
de  la  trompette ,  &  autres  inftrumens  fem- 
blables. 

Embouchure  ,  f.  f.  (  Tireur  d'or.  ) 
c'eft  l'ouverture  la  plus  large  des  pertuis 
de  leur  filière.  Voyez  Or. 

EMBOUCLÉ  j 


E  M    B 
ÉMBOUCLÉ  ,  adj.  (Blafon.)  fe  dit  des 

Î>ieces  garnies  d'une  boucle  ,   comme  font 
es  colliers  des  lévriers. 

EMBOUQUER  ,  v.  neut.  (  Marine.  ) 
on  fe  fert  de  ce  terme  dans  les  îles  de 
l'Amérique  ,  pour  dire  qu'on  commence 
d'entrer  dans  un  paffage  refïêrré  entre 
plufieurs  îles  ou  des  terres  ,  comme  on  fe 
fert  de  débouquer  lorfqu'on  en  veut  fortir. 
V.  DÉBOUQUEMENT  Ù  DÉBOUQUER. 
(Z) 

EMBOURRER  ,  v.  a<â.  terme  de  Bour- 
relier ,  c'eft  garnir  une  Telle  de  bourre.  V. 
Selle.  Une  Telle  mal  embourrée  eftfujette 
à  E>leflèr  un  cheval. 

*  EMBOURRER  ,  v.  ad.  (Potier  de 
terre.)  c'eft  réparer  ou  cacher  les. défauts 
d'une  pièce  ,  avec  un  mélange  de  terre 
&  de  chaux  :  cela  eft  défendu. 

EMBOURRER,  v.  ad.  (Sellier.)  c'eft 
garnir  ou  de  bourre  ,  ou  de  laine  ,  ou  de 
crin,  une  Telie  ,  un  bât ,  &c. 

EMBOURRER  ,  chez  les  Tapiffiers , 
c'eft  la  même  acception  (Rembourrer  chez 
les  felhers  ;  les  tapilliers  l'appliquent  feu- 
lement à  des  meubles  ,  à  des  lièges  ,  à  des 
matelas ,  Ofc. 

?  EMBOURRURE  ,  f.  f.  (  TapiJJier.  ) 
c'eft  la  groffe  toile  qui  couvre  la  matière 
dont  ils  embourrent  quelques  meubles  ,  . 
tels  que  les  tabourets  ,  les  chai  Tes  ,  les 
fauteuils  ,  &c.  l'étoffe  s'étend  enTuite  fur 
Yembourritre. 

EMBOUTÉ ,  adj.  (Blafon.)  fe  dit 
non  feulement  des  pièces  qui  ont  un  cercle 
ou  une  virole  d'argent  à  leur  extrémité  , 
mais  encore  des  manches  de  marteau  ,  dont 
les  bouts  font  garnis  d'un  émail  différent. 
D ici. on.  de  Trév. 

EMBOUTIR',  (Chaudronn.)  Voyei> 
Amboutir. 

EMBOUTIR  ,  (  Boutonnier.  )  c'eft  l'ac- 
tion de  creufer  une  calotte  de  quelque 
métal  qu'elle  foit ,  en  la  mettant  fur  un  tas 
(  voye^  TAS  )  ,  &  en  frappant  fur  une 
bouterolle  (voye\  BoUTEROLLE),  pour 
donner  aux  calottes  la  profondeur  nécef- 
faire  ,  &  y  graver  le  deflin  du  tas. 

EMBOUTIR ,  terme  de  Ferblantier  ;  c'eft 

faire   prendre  à  un  morceau  de  fer-blanc  , 

taillé  en  rond  ,  la  forme  d'une  demi-boule  , 

comme ,  par  exemple  ,  les  couvercles  des 

Tome  XII. 


'   E  M  B  i2j 

cafetières  ,  des  lampes  ,  des  poivrières  , 
&c.  ce  qui  fe  fait  en  frappant  avec  les 
marteaux  propres  aux  difïérens    ouvrages. 

EMBOUTIR,  (Orfëv.)  c'eft  enfoncer 
au  marteau  ou  à  la  bouterolle  ,  dans  des 
dés  de  bois  ,  de  fer  ou  de  cuivre  ,  les  pièces 
d'orfèvrerie  deftinées  à  la  retrainte ,  ou 
qui  doivent  avoir  une  forme  convexe  ou 
concave.  ^ 

EMBRANCHEMENT  ,  f.  m.  (Char- 
penterie.  )  c'eft  ce  qui  lie  les  empanons 
avec  le  coyer. 

^  EMBRAQUER  ,  v.  ad.  (  Marine.  ) 
c'eft  mettre  ou  tirer  une  corde  à  force  de 
bras  dans  un  vaifîêau.  (Z) 

*  EMBRASE  ,  adj.  (Gramm.)  un  corps 
eu  embrafe  lorfque  le  feu  dont  il  eft  péné- 
tré dans  toute  fa  fubftance ,  eft  fenfible 
pourries  yeux  à  fa  furface ,  mais  ne  paroît 
plus  s'étendre  au  delà.  Voici  prefque  tous 
les  degrés  par  lefquels  un  corps  combuf- 
tible  peut  pafler ,  depuis  fon  ignition  ou 
le  moment  auquel  le  feu  lui  a  été  appliqué  , 
jufqu'au  moment  où  il  eft  coniumé.  Il  étoic 
froid  ,  il  devient  chaud  ,  brûlant ,  ardent  , 
enflammé,  embrafe  }  confumé.  Tant  qu'on 
en  peut  fupporter  le  toucher ,  il  eft  chaud  : 
il  eft  brûlant  y  quand  on  ne  peut  plus  le 
toucher  fans  refléntir  de  la  douleur  ;  il  eft 
ardent  y  lorfque  le  feu  dont  il  eft  pénétré 
s'eft  rendu  fenfible  aux  yeux  ,  par  une 
couleur  rouge  qu'on  remarque  à  fa  furface  ; 
il  eft  enflamme  ,  lorfque  le  feu  dont  il  eft 
pénétré  s'élance  &  fe  rend  fenfible  aux  yeux 
au  delà  de  fa  furface  ;  il  eft  embrafe  }  lorf- 
que le  feu  a  cefté  de  s'élancer  &  de  fe. 
rendre  fenfible  aux  yeux  au  delà  de  fa  fur- 
race  ,  &  qu'il  paro.it  feulement  pénétré  dans 
toute  fa  fubftance  ,  à-peu-près  comme  dans 
le  cas  où  il  n'étoit  qu'ardent,-  il  eft  con- 
fumé y  lorfqu'il  n'en  relie  plus  que  de  la 
cendre.  L'acception  du  fubftantif  embra- 
fement  n'eft  pas  exactement  la  même  que 
celle  du  participe  embrajé:  on  dit  un  corps 
embrafe  y  quel  que  foit  ce  corps  grand  ou 
petit  ;  mais  on  ne  dit  pas  Yembrafement 
d'un  petit  corps  :  embrafement  porte  avec 
foi  une  grande  idée  ,  celle  d'une  malîe 
confidérable  de  ma'ieres  allumées. 

EMBR  ASEMENT ,  f.  m.  (Menuiferie.) 
c'eft  une  partie  de  lambris  qui  couvre  l'é- 
paiffeur  des  murs,  des  croifées  &  des  portes, 

Ff 


%%6  E  M  B 

E'M  BRAS  S  AD  E  ,  E  M  B  RAS  S  E- 
MENT,  iynon.  Je  penfcrois  que  ïem- 
brajfade  eir  l'action  vive  des  bras  ,  qu'on 
jette  au  cou  de  quelqu'un  en  démonffra- 
tion  d'amitié.  Ce  mot  va  plus  à  l'empref- 
fement  extérieur  qu'aux  fentimens  de  l'ame  , 
&  défigne  plutôt  l'action  brufque  (Us  bras 
que  la  cordialité.  Les  marquis  oiiifs  ,  dit 
Saint-Evrcmond  ,  paient  le  monde  en  em- 
brajfades  ;  c'eit  pourquoi  le  Miianthrope 
dans  Molière  ,  déclare  qu'il  ne  hait  rien 
tant  que  ces  affables  donneurs  tfembraf- 
fades  frivoles. 

EmbraJJementÇ\v\-\\§.e  l'aclion  d'embraf- 
fer  y  de  quelque  caufe  qu'elle  parte.  Aufii 
l'on  dit  également  de  faints  embrajfemens 
&  des  embrajjemens  mal-honnêtes  ^  de 
tendres  &  de  faux  embrajjemens. 

Les  embrajjemens  qu'on  le  faifoit  à 
Rome  dans  la  place  publique  ,  n'étoient  , 
ainfi  que  parmi  nous  ,  qu'un  commerce  de 
vaines  bienféances  ,  où  la  bonne  foi  ne 
régnoit  pas  davantage.  Cette  manière 
ordinaire  de  fe  laluer  ,  devint  à  la  fin  fi 
incommode  par  le  nombre  de  gens  dont 
on  n'ofoit  refufer  les  embrajjemens',  que 
Tibère  les  délendit  par  un  édit.  Cepen- 
dant cette  défenfe  plus  ridicule  que  Vem- 
brajfade  ne  iubfifïa  pas  long-temps ,  puifque 
Martial  fe  plaint  encore  de  cette  coutume 
comme  d'une  étrange  vexation.  (  de 
Jaucourt.  ) 

EMBRASSÉ,  adj.  (Blaf.)  fe  dit  d'un 
(feu  parti ,  coupé  ,  ou  tranché  d'une  feule 
émanchure,  qui  s'étend  d'un  flanc  à  l'autre. 

Domantz  ,  en  Allemagne  ,  d'argent  , 
embrajfe  de  gueules. 

Embrasser  un  cheval.  (Manège.) 
Expreffion  allez  ufuée  parmi  ceux  qui , 
fans  connoifTance  des  principes  de  notre 
art,  décident  des  difpolitionsrequiiès  pour 
y  faire  des  progrès ,  &  croient  pouvoir  en 
juger  par  i"ihrpection  feule  de  la  taille  : 
vn  homme  très-grand  embrajje  beaucoup 
mieux  un  cheval  qu'un  autre.  Tel  eu  le 
principe  fur  lequel  ils  étalent  &  fondent 
leurs  prédelions  ,  prefque  toujours  démen- 
ties par  l'événement  ;  car  il  eft  très-rare 
que  ci  lui  qui  ne  fera  que  d'une-  raille  mé- 
diocre, r.e  l'emporte  pas,  foit  du  coté  de 
la  fermeté  &  de  la  tenue  ,  fbit  du  côté  de 
la  fineffe  &  de  la  préciûon. 


E  M  B 

Quelques-uns  s'expriment  encore  ainfî , 
en  parlant  d'un  cavalier  qui  ferre  médio- 
crement les  cuijfes  ,  Ù  qui  tient  fes  jambes 
très-près  du  rentre  de  [on  cheval.  L'idée 
de  la  fignification  du  mot  embrajfcr  feroit 
peut-être  plus  nette ,  s'ils  difoient  que  le 
cavalier  ne  peut  parfaitement  bien  embrajfer 
fon  cheval  qu'autant  que  les  cuiffès  font 
exactement  tournées  ,  &  que  le  tronc  porte 
véritablement  fur  l'enfourchure.  Voye\ 
Position. 

Les  auteurs  du  dictionnaire  de  Trévoux 
femblent  n'adopter  ce  mot  que  dans  le 
cas  oîi  un  cheval  maniant  fur  les  vol 'tes  y 
Jait  de  grands  pas  &  embrajfe  bien  du  ter- 
rain ;  c'efî  le  contraire  de  battre  la  pou- 
die  ,  qui  fe  dit  lorfque  le  cheval  ne  fort 
prefque  point  de  fa  place.  , 

En  premier  lieu  ,  l'expreflion  d'embraf- 
fer  le  terrain  n'eft  point  reflreinte  aux 
feules  voltes  ,  ni  aux  fèuls  changemens  de 
main  :  nous  l'employons  pour  défigner  un 
cheval  déterminé  par  le  droit;  ce  cheval 
embrajfe  franchement  &  librement  le  ter- 
rain qu'il  découvre  devant  lui.  En  fécond 
lieu  ,  on  ne  doit  pas  croire  que  le  cheval 
foit  contraint  fur  les  voltes  pour  embrajjer 
bien  du  terrain  ,  de  faire  de  grands  pas  : 
ce  bien  du  terrain  ne  confifîe  que  dans  l'el- 
pace  néceffaire  pour  que  le  cheval  ne  fe 
rétreciilè  point  (  Voye\  RÉTRÉCIR  )  ,  & 
qu'il  avance  toujours  infenfiblement  à 
chaque  temps  ;  car  fi  ce  bien  du  terrain 
étoit  indéfini  &  n'étoit  point  limité ,  il 
s'enfuivroit  que  l'animal  faufTeroit  les  lignes 
qu'il  doit  décrire  ,  &  s'élargircit  trop. 
(  Vcye \  ELARGIR.)  Quant  aux  grands 
pas  délires  par  les  auteurs  de  ce  vocabu- 
laire ,  comme  tout  cheval  qui  manie ,  doit 
indifpenfablement  obfcrver  une  cadence 
jufte ,  il  ne  s'agit  point  de  Pimmenfe 
étendue  de  fa  marche  &  de  fon  action  qui 
doit  être  foutenue  &  mefurée  fans  être 
prefiee  ;  d'ailleurs  en  faifanr  des  pas  aufii 
grands ,  il  ne  feroit  pas  poliible  que  rani- 
ma! travaillât  avec  grâce  ,  d'autant  plus 
que  tous  ceux  dont  nous  ne  modérons  pas 
les  nu  uvemens  ,  fe  jetrent  toujours  &  fe 
précisent  fur  les  épaules.  Ajoutons  en- 
core que  fi ,  lorfqu'ils  chevalent ,  nous  les 
obligions  à  croifer  ,  pour  ainfi  dire  ,  de 
manière  à   porter  la   jambe  qui  paife   fur 


EMB 

l'autre  ,  fort  en  dedans  du  terrain  qu'ils 
doivent  embrajjer,  celle  qui  le  trouveroit 
defious  auroit  une  peine  extrême  à  le  dé- 
gager ,  la  pofition  de  l'animal  feroit  très- 
incertaine  ,  &  il  s'entableroit  incontesta- 
blement à  l'effet  d'éviter  fa  chute.  Enfin 
c'efl  le  contraire  de  battre  la  poudre  y  qui 
fe  dit  lorfque le  chevaine  fort  prefque point 
de  fa  place.  L'expreffion  de  battre  la  pou- 
dre ,  n'a  point  la  lignification  qu'on  lui 
donne  ici  ;  par  elle  nous  délignons  un 
cheval  qui  trépigne  ,  c'elf-à-dire ,  un  che- 
val qui  étant  retenu  en  une  feule  &  même 
place  ,  &  ayant  beaucoup  d'ardeur  ,  fait 
de  vains  efforts  pour  en  fortir  ,  &  fe  re- 
mue fans  celle  &  avec  plus  ou  moins  de 
vivacité  ;  mais  le  mouvement  de  (es  jam- 
bes ne  part  alors  qu'imperceptiblement  de 
fes  épaules  ,  &  paroît  ne  dériver  que  du 
genou  ;  car  s'il  étoit  tel  que  toute  l'extré- 
mité fût  dans  une  agitation  fenfible  ,  l'animal 
ne  battroit  pas  la  poudre  &  ne  trépigneroit 
pas  ,  mais  il  piafferoit.  Nombre  de  chevaux, 
foit  par  ardeur  ,  foit  par  molleffe  ,  trépi- 
gnent &  battent  la  poufliere  dans  les  piliers  , 
au  lieu  d'y  piaffer.  Voye\  PlLlERS.  C'en 
efl  affez  de  ces  définitions  pour  indiquer 
le  véritable  fens  du  mot  zmbrafjer,  &  pour 
fauver  des  efprits  trop  crédules  des  erreurs 
dans  lefquelles  ils  pourroient  tomber  ,  en 
fe  perfuadant  que  de  certains  écrivains  n'i- 
gnorent rien ,  par  la  feule  raifon  qu'ils 
parlent  de  tout.  (  e  ) 

EMBRASSER  ,  terme  d'Aiguilletier  ; 
c'elt  entourer  près  de  (on  extrémité  un 
ruban  de  fil ,  de  lame  ou  de  foie  ,  avec 
un  petit  morceau  de  laiton  ou  d'argent , 
que  l'on  ploie  fur  le  ruban  ,  au  moyen  d'une 
enclume  crenée  &  d'un  marteau  ,  en  forte 
que  le  morceau  de  laiton  forme  un  anneau 
ou  frette  qui  embraffe  le  ruban  ou  cordon  ; 
on  éfile  enfuite  la  partie  du  ruban  ou 
cordon  qui  palîe  outre  l'anneau  qu'on  ap- 
pelle  fer  a  embraj/er  :  ce  qui  fe  fait  poul- 
ies premiers ,  en  retirant  les  fils  de  trame, 
en  forte  qu'il  ne  relie  plus  que  ceux  de  la 
chaîne  pour  les  féconds  ,  en  démêlant  les 
fils  qui  compolent  le  cordon. 

EMBRASSEUR  ,  f.  m.  (Fonderie  des 
Canons.  )  Les  Fondeurs  appellent  -ainfi  un 
certain  morceau  de  fer  qui  embrafîè  en 
effet  comme  avec  deux    mains  les  touril- 


EMB  227 

Ions  de  la  pièce  de  canon  ,  Iorfqu*on  I'cleve 
dans  le  chaflis  de  l'ajéfoir  pour  agrandir 
Ion  calibre.  Voye\  ALÉSER  ,  AlÉSOIR. 
Dicl.   de    Trévoux. 

EMBRASSURE,  f.  m%  en  Architecture, 
efr  un  chaffis  de  fer  qui  fe  met  au  deffous 
eu  plinte  &  larmier  du  plus  Haut  d'une 
cheminée  pour  empêcher  qu'elle  ne  s'écarte  ; 
embrafjure  fe  dit  aulli  d'un  morceau  de  fer 
dont  on  entoure  une  poutre  pour  l'empê- 
cher d'éclater.   (  P  ) 

EMBRASSURE  ,  (Fonderie.)  Les  Fon- 
deurs appellent  ainf  plufieurs  barres  de  fer 
bandées  avec  des  moufles  &  des  clavettes  y 
avec  lelquelles  on  enferme  tous  les  mur» 
des  galeries  par  leur  pourtour.  Voye\ FON- 
DERIE. 

f  EMBRASURE  ,  f.  f.  en  Architecture, 
élargiffement  d'une  fenêtre  ou  porte  en 
dedans  du  mur.  Elle  fert  à  donner  plus  de 
jeu  pour  ouvrir  les  fenêtres ,  les  guichets  , 
volets  ,  &c.  ou  pour  fe  procurer  le  plus 
de  jour  qu'il  elf  poffible  quand  les  murs 
font  fort  épais  :  on  pratique  quelquefois  des 
embrafures  en  dehors.  (P) 

Embrasures  ,  (  Fomficat.  )  Voye^ 
Batterie. 

EMBREVEMENT  ,  f.  m.  en  terme  de 
Charpente  ,  elf  l'entaille  que  l'on  pratique 
dans  une  pièce  de  bois  pour  y  retenir  le 
bout  d'une  autre  pièce  qui  emporte  une 
troiiieme  ,  pour  donner  plus  de  force  au 
tenon. 

EMBROCATION,f.f.w^^ 
Chirurgie  y  efpece  d'on&ion  ou  d'arrofe- 
ment  qu'on  lait  fur  une  partie  avec  des, 
huiles  ,  des  baumes  ,  des  onguens  ,  &c. 
Après  l'opération  de  la  taille  ou  du  bubo- 
n ocelle  ,  on  fait  fur  le  bas-ventre  du  ma- 
lade une  embrocation.  avec  l'huile  rofat 
tiède ,  on  applique  une  grande  compreîfe 
nommée  ventrière,  qu'on  recouvre  d'une 
flanelle  trempée  dans  une  décoction  émoî- 
liente.  On  fait  des  embrocations  avec  l'on- 
guent de  flyrax  fur  les  taches  ou  échy- 
mofes  des  fcorbiuiques  ,  &c.  Embrcca- 
tion  fe  prend  aulil  pour  le  remède  def- 
tiné  à    appliquer    de  la  manière  ci-deflûs. 

m 

EMBROCHER  ,  v.  act.  (Cuifine.  ) 
c'elt  traverler  d'une  broche.  Il  faut  pour 
qu'une   pièce     foit  bien   embrochée  ,    que 

Ff  2 


n8  E    M  B.  E   M  B 

quand  la  broche    eft    placée   horizontale-  !  rudimens  du  corps  d'un  animal  renfermas 


ment,  &  qu'elle  tourne  fur  elle-même 
le  poids  qui  eft  d'un  côté  de  la  broche  , 
Toit  toujours  égal  au  poids  qui  eft  de  l'autre 
côté,  fans  quoi  la  broche  tourneroit  llir 
elle-même  inégalement  ,  &  par  des  faça- 
des qui  ébranleroient  la  pièce  &  qui  la 
feroient  tourner  fur  k  broche.  Pour  obvier 
à  ces  inconvéniens  ,  on  a  des  broches  qui 
font  percées  d'ouvertures  quarrées  ,  dans  le 
milieu  de  leur  longueur  &  fur  leur  côté 
plat  ;  on  patte  à  travers  la  pièce  embrochée 
&  par  ces  trous ,  une  autre  petite  broche 
qui  fi>e  la  pièce  fur  la  grande  broche  , 
&  qui  l'empêche  à  la  vérité  de  tourner 
fur  cette  grande  broche  ,  mais  non  de 
faire  tourner  cette  grande  broche  inéga- 
lement ;  l'accélération  du  mouvement  fe 
trouvant  toujours  du  même  coté ,  il  s'en- 
iùit  que  la  pièce  eft  prefque  toujours  mal 
cuite,  quand  elle    a    été    mal  embrochée. 

EMBROUILLER  les  voiles  , 
(  Marine.  )  terme  impropre  dont  on  fe 
fert  quelquefois  pour  dire  arguer  ou  ferler 
les  voiles.  Ce  mot  vLnt  de  celui  de  breuils 
dont  quelques  marins  fe  fervent  pour  dire 
cargues.  (Z) 

EMBRUMÉ  ,  adj.  (Marine.)  Temps 
embrumé,  c'eft-à-dire  ,  que  le  temps  eft 
chargé  d'un  brouillard  aflèz  épais  pour 
empêcher    de    voir  autour    du    vaifleau. 

Terre  embrumée  ,  c'eft-à-dire  ,  couverte 
d'un  brouillard  qui  a  empêché  de  la  bien 
reconnoître.  (Z) 

-  EMBRUN  ou  AMBRUN  ,  (  Géogr. 
mod.  )  ville  du  Dauphiné  en  France  ;  elle 
eft  fituée  proche  de  la  Durance  fur  un 
rocher  efearpé.  Long.  24e1  9'  o"  Plat.^d 
34'  o". 

EMBRYON,  f.  m.  (Phyf.)  Ce  mot 
vient  de  kv ,  dans  ,  &  de  favur,  croître  , 
pulluler  ;  c'eft  le  nom  que  les  médecins 
grecs  ont  donné  au  fœtus ,  parce  qu'il  eft 
renfermé  &  prend  accroiffement  dans  la 
matrice  :  on  n'eft  pas  cfaccord  furie  temps 
pendant  lequel  on  peut  le  défigner  de  ce 
nom.  Quelques-uns,  tels  que  Marcellus, 
iib.  de  Joeturd  hominis  ,  prétendent  qu'il 
lui  convient  pendant  tout  le  temps  qu'il 
eft  contenu  dans  ce  vifeere  :  d'autres  ,  tels 
que  Drelincourt ,  périoch.  55,  n'emploient 
le  terme  à' embryon  que  pour  exprimer  les 


dans  un'  œuf  dont  le  placenta  n'a  pas 
encore  jeté  des  racines  ,  pour  l'implanter 
dans  la  matrice  ;  &  dès  que  le  placenta, 
y  eft  attaché  ,  ils  donnent  à  l'animalcule 
le  nom  de  fœtus  :  Boerhaave  Infl.  med. 
phyfiolog.  &  M.  Fizes,  profefleur  de  Mont- 
pellier, de  hominis  generatione  exercitatio  9 . 
n'emploient  auiii  le  terme  d'embryon  ,  que 
pour  l'animalcule  dont  i'accroifiement-com- 
mence  dans  la  matrice  ;  dès  qu'il  eft  bien 
développé  ,  ils  l'appellent  conftamment 
fœtus ,  &  ne  fe  fervent  plus  du  mot  e m- 
bryon  ,  quoiqu'ils  emploient  celui  de  fœtus 
comme  iynonyme  à" embryon  ,  &  appellent 
également  fœtus  l'animalcule  dès  les  pre- 
miers temps  après  la  conception,  (d) 

Nous  avons  dépouillé  avec  beaucoup  de 
peine  les  meilleurs  auteurs  ;  &  en  y  com- 
parant ce  que  nous  avons  vu  nous-mêmes 
dans  l'homme  &  dans  l'animal ,  un  précis 
des  commencemens  du  nouvel  animal  ,  de 
(es  accroiffemens  fucceflifs ,  &  de  la  for- 
mation fucceffive  de  fes  p'arties  ,  on  fera 
peut-être  furpris  de  nous  entendre  avouer 
que  nos  peines  ont  été  inutiles,  &  que  , 
ni  les  melures  ,  ni  les  poids  ,  ni  le  degré  de 
perfection  des  parties  ne  fauroient  être 
réduits  à  des  époques  sûres. 

Dans  la  femme  ,  la  caufe  de  la  difficulté 
n'eft  point  obfcure  :  elle  ignore  ordinai- 
rement qu'elle  ait  conçu  ,  ellenelefoup- 
çonne  que  par  le  moyen  des  règles.  L>'ail- 
leurs  ,  les  occafions  d'ouvrir  des  femmes, 
qui  n'ont  conçu  que  depuis  peu,  font  très- 
rares  ;  &  quand  elles  fe  trouveroient  ,  on 
ignoreroit  également  le  jour  que  ces  fem- 
mes auroient  conçu.  Pour  les  œufs  humains, 
qu'il  eft  encore  affez  facile  de  fe  procurer 
par  le  moyen  des  fages-femmes ,  ce  font 
des  avortons ,  &  la  nature  a  manqué  de 
moyens  néceffaires  pour  les  perfectionner 
&  pour  les  çonferver  en  vie.  On  y  voit 
quelquefois  une  difproportion  extrême 
entre  la  groflêur  de  l'œuf  &  celle  du 
fœtus  ,  &  on  peut  juger  avec  quelque  cer- 
titude ,  que  ces  fœtus  ayant  perdu  la  vie 
par  quelque  accident  ,  ou  par  quelque 
maladie  ,  l'œuf  a  continué  d'être  nourri 
par  les  humeurs  que  la  mère  a  fournies 
au  chorion  &  au  placenta  naiffant  ;  mais 
que   le  fœtus  eft   relié    tel   qu'il  étoit   au 


E  MB 

•moment  de  fà  mort.  En  effet  ,  il  n'y  a 
aucune  proportion  d'un  fœrus  de  trois 
grains  au  temps  de  dix  femaines  écouté 
depuis  fa  conception  ;  ni  du  poids  de 
quatre  grains  qu'avoit  le  fœtus  ,  à  quinze 
&  à  dix-huit  drachmes  que  peloient  l'eau 
de  l'amnios  &  les  enveloppes.  On  a  vu 
encore  un  fœtus  de  trois  mois ,  qui  ne 
pefoit  pas  un  grain  d'orge ,  &  un  autre 
qui     n'en  pefoit    pas    trois. 

D'un  autre  côté  ,  ileff  arrivé  par  quelque 
raifonque  nous  neconhoiflbnspas  au  juite  , 
que  le  plus  grand  nombre  d'auteurs  ont 
donné  à  leurs  fœtus  un  accroifîement  & 
une  proportion  qui  ne  quadrent  pas  avec  l'é- 
poque de  leur  conception  :  c'eftfur-toutle 
défaut  de  Kerkring.  Mauriceau  a  fait  graver 
des  œufs  humains  d'un  jour  ,  de  deux 
jours ,  Ùc.  qui  certainement  ne  font  pas 
des  œufs  ,  &  qui  ne  peuvent  être  que  des 
hydatides  ,  ou  des  reftes  d'un  placenta 
véficulaire.  On  eff  aflez  d'accord  que  les 
véhcules  de  Graal  ne  lont  pas  de  véritables 
œufs  comparables  aux  œufs  des  oiieaux. 
Leur  diamètre  efl  proportionné  à  celui 
des  trompes  :  ils  font  trop  attachés  au 
parenchyme  des  ovaires  pour  s'en  détacher 
fans  le  rompre  :  on  a  fait  voir  ,  qu'après 
la  conception  >  la  véficule  refte  dans 
l'ovaire  des  quadrupèdes  ;  qu'elle  y  paroît 
déchirée  ;  qu'on  y  trouve  un  peu  de  fang 
répandu  par  cette  déchirure  ;  qu'elle  s'y 
remplit  d'un  parenchyme  ,  &  devient  à  la 
fin  ce  corps  jaune  ,  qu'on  a  cru  précéder  la 
conception.  Les  œufs  de  Mauriceau  font 
calqués  évidemment  fur  ces  véficules  qui  ne 
font  pas  des  œufs. 

D'ailleurs  les  quadrupèdes,  plus  .fournis 
aux  loix  exactes  de  la  nature  ,  &  qui  con- 
çoivent le  plus  fouventpar  le  premier  mâle 
■qui  a  fu  faifir  le  moment  favorable  ,  prou- 
vent évidemment  que  l'accroifîèment  &  le 
perfectionnement  de  f 'embryon  eu  beau- 
coup plus  tardif,  que  ne  l'ont  fuppofe  les 
auteurs  dont  nous  différons.  A  peine 
trouve-t-on  au  dix-feptieme  jour  dans  la 
brebis  les  premières  apparences  d'un  em- 
bryon :  lans  le  fecours  de  l'efprit-de-vin  , 
on  ne  croiroit  voir  qu'une  mucofité  ,  lors- 
qu'on y  apperçoit  le  chorion  &  l'allantoïde. 
Dans  la  femme  ces  apparences  ne  doivent 
pas  être  plus  précoces  ;  fi  l'homme  pefç 


EMB  n9 

trois  fois  autant  que  le  mouton  ,  la  groffefle 
dure  une  fois  plus  dans  la  femme,  que  l'état 
de     gravidité    dans    la  brebis. 

L'œuf  d'Hippocrate ,  ou  de  l'auteur  de. 
la  nature  de  l'enfant,  n'a  certainement  pas 
été  le  fruit  d'une  conception  qui  Ce  (croit 
faite  fix  jours  auparavant;  la  danfeufe  avoit 
joui  long-temps  auparavant  des  plaifirs 
dont  cet  œuf  étoit  le  fruit.  Martian  a  déjà 
remarqué  qu'un  avorton  de  trente  jours 
n'avoit  ni  plus  de  grandeur  ,  ni  plus  de 
perfection  que  cet  œuf  de  fix  jours  ,  & 
Harvée  nous  a  avertis  qu'il  ne  faut  pas  ef- 
pérer  de  découvrir  l'embryon  humain 
avant  la  fin  du  premier  mois  de  fou 
exiflence. 

L'homme  ,  &  fur -tout  le  phyficien 
moderne,  voudroit  trouver  les  melures 
jufles  ,  èc  les  chiffres  qui  les  expriment. 
Nous  n'efpérons  cependantpas  qu'on puiffè 
jamais  fixer  le  jour  des  premiers  accroi  ffe- 
mens  de  l'embryon  de  l'homme.  Le  feul 
moyen  d'en  approcher ,  ce  feroit  d'ouvrir 
fréquemment ,  &  de  difTéquer  exactement 
des  quadrupèdes  ,  dont  le  terme  de  la  dé- 
livrance feroit  à-peu-près  égal  à  celui  de 
la  femme  :  on  ouvriroit  des  vaches ,  par 
exemple,  quoique  leur  terme  foit  un  peu  plus 
long  ;  en  les  prenant  à  un  jour ,  à  deux  , 
à  trois ,  à  quatre  de  leur  conception ,  & 
jufqu'au  quarantième  ,  après  lequel  le  fœtus 
efl  trop  avancé  pour  qu'il  y  ait  lieu  à  des 
doutes.  On  apprendroit  par  cette  recher- 
che le  jour  auquel  l'œuf  commence  à  pa- 
raître ,  le  jour  où  le  fœtus  eft  devenu 
vifible ,  le  jour  où  le  cœur  &  les  autres 
vifeeres  fe  lai  (lent  apperce  voir  ,  le  jour  où 
le  fang ,  la  bile ,  les  yeux  ,  le  foie  ont 
acquis  leur  couleur  naturelle;  on  pourrait 
fixer  les  mefures  de  l'embryon  nouvelle- 
ment devenu  vifible  ,  les  accroifîèmens 
de  l'embryon  entier  &  de  chacun  de  (es 
membres. 

On  a  fait  un  cours  d'expériences  dans 
les  mêmes  vues  ,  mais  le  mouton  efl  plus 
petit  que  la  vache ,  &  peut-être  des  re- 
cherches multipliées  dévoilcroient-elles- 
une  plus  grande  portion  du  travail  de  la 
nature. 

Pour  ne  pas  renvoyer  cependant  le 
lecteur  à  une  époque  qui  peut  -  être 
n'arrivera   jamais  ,  nous   allons  rapporter 


*JÔ 


ce  qui  nous   paroît   mériter    de    la  con- 
fiance. 

La  première  apparence  de  Y  embryon 
des  quadrupèdes  eft  une  glu  tranfparente  , 
une  cfpece  de  gomme  dans  fa  ténuité  na- 
turelle ,  lorfqu'elle  eft  mêlée  dans  l'eau 
fans  être  en  iblution.  Le  premier  jour 
qu'on  a  pu  découvrir  ¥  embryon  d'un  qua- 
drupède ,  a  été  le  quatorzième  dans  une 
chatte  ,  &  le  dix-feptieme  dans  une  brebis. 
On  avoit  découvert  la  gelée  animale  avec 
des  enveloppes  encore  pulpeuies  dans  la 
brebis  ,    dès  le  quinzième    jour. 

Dans  la  truie  ,  dont  la  gravid'ité  eft 
moins  longue  ,  Coiter  a  vu  l'embryon  dès 
le  deuxième  jour.  Nous  avons  été  moins 
heureux. 

Le  dix-neuvieme  jour  ,  Y  embryon  de 
la  brebis  étoit  perfectionné  ,  les  mem- 
branes étoient  cylindriques  ,  l'amnios  long 
&  grêle  ,  Y  embryon  replié  fur  lui-même  , 
des  taches  marquoient  la  place  des  yeux  , 
le  foie  étoit  viable ,  mais  fans  couleur 
encore. 

Le  vingt  &  unième  la  bouche  étoit  ou- 
verte ,  des  lignes  tranfverfales  marquoient 
la  place  des  côtes  ,  les  vifeeres  étoient 
recouverts  par  des  chairs  ;  on  appercevoit 
les  commencemens  des  extrémités ,  le 
cœur  étoit  rouge  &  pointu  ,  le  foie  appa- 
rent. Le  vingt-deuxième  on  apperçut  les 
deux  artères  ombilicales  ,  la  veine  & 
l'ouraque. 

Harvée  a  donné  le  nom  de  valife  ou 
de  porte-manteau  à  l'œuf  des  quadrupèdes  y 
il  a  parlé  d'après  la  nature  ;  cet  œuf  eft  long 
&  cylindrique  :  &  tout  obfervateur  qui 
parle  d'un  œuf  quadrupède  ovale  ,  a  vu 
quelque  autre  objet. 

Dans  la  femme  ,  Ruyfch  a  vu  un  em- 
biyon  fans  forme  ,  blanc  &  muqueux ,  qui 
s'eft  évaporé  à  l'air,  fans  prefque  laifter  de 
refte. 

L'œuf  de  la  femme  eft  conftamment 
velu.  Santorini  a  vu  un  œuf  humain  de 
dix  jours  ,  Heifter  un  de  vingt-huit  jours 
qui  n'étoit  pas  plus  gros  qu'une  noiiètte. 
L'œuf  d'un  mois  ,  dont  parle  Riolan  ,  étoit 
de  la  grandeur  d'une  noix  ;  &  le  fœtus ,  de 
celle  d'une  fourmi.  Uembryon  d'un  mois 
de  Smellie  ,  ne  paflbitpas  le  volume  d'un 
grain  de  froment. 


E   M  3 

A  quarante  jours  l'œ-f  atteint  la  gran- 
deur de  celui  d'un  pigeon,  il  la  pailê  même. 
Le  poids  du  fœtus  étoit  d'environ  cent 
grains ,  mais  il  étoit  formé  ,  il  avoit  même 
la  marque  du  fexe. 

A  quarante-cinq  jours  l'œuf  a  été  de  la 
grandeur  de  celui  d'une  poule  ,  le  fœtus 
formé  &  les  doigts   féparés. 

Au  delà  de  ce  terme,  ,1e  fœtus  n'eft  plus 
appelle  embryon.  (  H.  D.    G.  ) 

Ruyfch  ,  cur,  renouv.  dit  avoir  vu  dans 
une  femme  qui  avoit  tout  récemment 
conçu  ,  un  embryon  qui  n'étoit  pas  plus 
gros  que  la  tête  d'une  épingle  ordinaire  : 
Hartman  ?  cph.  nat.  cur.  rapporte  en  avoir 
vu  un  de  la  grofTeur  d'une  graine  de  pa- 
vot. Mattmugham,  comp.  ob/i.  afiure  qu'un 
embryon  de  iix  jours  eft  du  volume  d'un 
grain  d'orge.  Dodart ,  hiftoire  de  V Aca- 
démie des  feiences  ijoi  ,  fait  mention 
d'un  embryon  de  la  longueur  de  fept  lignes  , 
dont  on  commençoit  à  diftinguer  les  mem- 
bres. Moriceau  ,  dans  les  obfervations ,  dit 
en  avoir  vu  un  dans  les  eaux  de  l'œuf,  de 
trois  ou  quatre  femaines  ,  qui  étoit  à-peu- 
près  gros  comme  une  fève.  On  trouve 
dans  les  auteurs  un  grand  nombre  d'obfer- 
vations  de  cette  efpece  qui  ne  s'accordent 
point  entr'elles  ,  &  qui  prouvent  une 
grande  variété  dans  les  dimenlions  de  Y  em- 
bryon ,  pendant  les  premiers  temps  de  Ion 
accroiffement,  puifque  Moriceau  rapporte 
une  obfervation  d'un  fœtus  qui  n'étoit  pas 
plus  gros  qu'un  grain  d'orge ,  au  bout  de 
deux  mois  de  groflefre  bien  avérée  ;  on  ne 
peut  donc  avoir  rien  de  sûr  à  cet  égard  , 
parce  que  l'accrohTement  de  Y  embryon  ne 
le  fait  pas  toujours  en  proportion  du  nom- 
bre de  jours  qui  le  font  écoulés  depuis  la 
conception  ;  ces  progrès  dépendent  plus 
vraifemblablement  de  la  nature  de  la  ma- 
tière alimentaire  qui  lui  eft  fournie  ,  &  de 
la  force  avec  laquelle  elle  parvient  jufqu'à 
lui.  Voye\  FŒTUS;  voye\  auffi  la  lavante 
note  première  d'Haller  fur  le  §  6j$.  Infiiu 
med.  Boerhaave. 

Ariftote  donne  louvent  aux  fœtus  des 
animaux  ,  &  Théophrafte  aux  femences 
des  plantes  ,  le  nom  d'embryon  :  en  quoi  ils 
ont  été  fuivis  par  la  plupart  des  auteurs 
modernes.  (  d) 

Embryon  ,  (Jardinage.)  Ceft  le  haut 


E  M  B 

du  piftil  où  eft  le  fruit  de  la  graine.  Voye\ 
EXAMINES. 

EMBRYOTOMIE,  f.  f.  Embryolo- 
mia. ,  en  terme  de  Chirurgie  }  opération  qui 
confifte  à  couper  le  cordon  ombilical  d'un 
enfant  qui  vient  de  naître,  &  à  le  lui  lier 
en  fui  te. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  ?u&pjov ,  foetus  y 
&  r«/4f«,  je  coupe.  Chambers. 

Le  mot  embryotomi  a  plufieurs  ligni- 
fications ;  il  dénote  la  diiîêction  anatomi- 
que  d'un  embryon  ;  il  peut  lignifier  auili 
l'opération  par  laquelle  on  coupe  en  pièces 
un  fœtus  mort  dans  la  matrice ,  pour  pou- 
voir le  tirer  du  ventre  de  la  mère.  Voyc\ 
Couteau  a  Crochet  ,  &  Crochet. 
Ces  deux  interprétations  paroifTent  plus  na- 
turelles que  celle  de  M.  Chambers.  (  Y) 

EMBRYULKIE,  f.  t  MmbryvUù** 
en  terme  de  Chirurgie  ,  c'eft  l'opération 
par  laquelle  on  tire  l'enfant  du  ventre 
de  fa  mère.  Voye\  OPÉRATION  CÉSA- 
RIENNE. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  'ntfip* ,  fœtus  > 
&  de  îÀJifir  ,  tirer. 

Ce  que  les  Grecs  appellent  embryulkie  , 
les  Latins  le  nomment  epération  ce'fa- 
rienne  ;  &  M.  Dionis  obferve  que  ce  der- 
nier terme  ne  s'eft  introduit  ,  &:  n'a  prévalu 
qu'à  caufe  qu'il  eft  plus  facile  à  prononcer 
que  l'autre.  L'étymologie  du  mot  embryul- 
kie ne  dénote  pas  cette  interprétation  ,  & 
il  femble  que  ce  terme  d'art  devroit  figni- 
fier  l'extraction  de  l'enfant  du  ventre  de 
la  mère ,  dans  un  accouchement  contre 
nature.  (Y) 

Embryulkie,  (Man.  Marïch.)  mot 
formé  &  dérivé  du  grec  ïp&fvw,  embryon  y 
&  de  «a -.e  v,  extrahere  }  tirer. 

Dionis  a  donné  ce  nom  à  l'hiftcroto- 
mie ,  vulgairement  appellée  opération  ce'fa- 
rienne  ;  d'autres  ont  prétendu  qu'il  fignifie 
l'extraction  d'un  enfant  dans  un  accouche- 
ment contre  nature.  Nous  l'enufagerons 
ici  dans  le  fens  que  lui  ont  prêté  Fanatomifte 
&  l'operateur  ,  fans  perdre  notre  temps  à 
examiner  le  fond  de  la  conteftation  &  lans 
prétendre  la  décider. 

Il  paroîtra  fans  doute  fmgulier  que  j'en- 
treprenne d'enrichir  l'hippiatrique  d'une 
opération  jufques  ici  uniquement  réfèrvée 
à  la  Chirurgie.    Si   l'on    compare  cepen- 


E  M  B  251 

dant  les  difficultés  qu'elle  préfénte  ,  &  les 
craintes  qu'elle  infpire  naturellement  aux 
praticiens  les  plus  hardis  ,  lorfqu'il  s'agit 
de  la  tenter  fur  une  femme  ,  dans  l'inten- 
tion de  fauver  la  mère  &  l'enfant ,  ou  l'un 
ou  l'autre  ,  avec  la  facilité  &  Faffurance 
que  le  maréchal  doit  avoir  en  la  prati- 
quant fur  la  jument  ;  je  fuis  perfuadé  qu'elle 
trouvera  parmi  nous  autant  de  partifans 
qu'elle  a  eu  de  contradicteurs  relativement 
à  l'efpece  humaine. 

Le  cas  dans  lequel  je  la  propofe,  n'eft 
pas  précifément  celui  où  le  fœtus  a  une 
peine  infinie  à  fortir  par  le  vagin  ;  je  la 
confeillerois  principalement  dans  la  cir- 
constance où  la  mère,  prête  à  mettre  bas  , 
feroit  furprife  par  une  maladie  formidable 
&  déiefpérée  ;  alors  il  me  femble  que ,  fans 
attendre  l'événement  funefte  dont  nous 
portons  un  pronoftic  jufte  &  affuré  ,  on 
pourroit  aifément  fe  difpenfer  d'abandon- 
ner le  poulain  à  fon  fort. 

Pour  en  faire  l'extraction  ,  renverfez  la 
jument  avec  toutes  les  précautions  poffi- 
bles  ;  on  la  couchera  fur  le  dos  ,  &  on 
Faffujettira  de  manière  que,  ni  le  maréchal  , 
ni  (es  aides  puiffent  en  être  bleffés.  Faites 
enfuite  une  incifion  cruciale  à  la  partie 
moyenne  &  inférieure  de  l'abdomen  ;  cette 
incifion  fera  d'environ  un  pié  &  demi ,  & 
le  terminera  aux  os  pubis.  Les  gros  intes- 
tins fe  préfenteront  inconteftablement,  & 
les  efforts  occafionés  par  les  vives  dou- 
leurs auxquelles  la  jument  fera  en  proie, 
les  poufferont  encore  hors  de  la  capacité. 
Faites-les  donc  écarter,  vous  appercevrez 
bientôt  l'utérus  ;  pratiquez-y  une  ouver- 
ture qui  réponde  à  la  première  ;  mais  ufez 
de  beaucoup  de  circonfpection  pour  ne  pas 
porter  atteinte  au  poulain  :  ouvrez  aufli-tôc 
encore  les  membranes  qui  le  renferment  * 
les  eaux  qu'elles  contiennent  s'épanche- 
ront ,  &  vous  retirerez  fur  le  champ  l'a- 
nimal. 

Cette  opération  nous  impofè  nécefîâire- 
ment  l'obligation  d'en  pratiquer  une  fé- 
conde promptement  &  fans  différer.  Il 
s'agit  découper  le  cordon  qui  le  tient  aflu- 
jetti  au  placenta,  &  d'en  faire  la  ligature. 
Dès  le  premier  inftant  de.  fa  naifîance  , 
l'homme  paie  une  forte  de  tribut  à  la  chi- 
rurgie ,  par  le  befoin  qu'il  a  de  la  main  du 


132  E  M  B 

chirurgien  ;  fans  cette  fection  &  fans  cette 
ligature ,  il  ne  fubfifteroit  en  effet  que 
quelques  momens.  La  nature ,  dans  les 
animaux  ,  a  pourvu  à  cet  inconvénient  en 
Suggérant  à  la  femelle  qui  met  bas  ,  l'ins- 
tinct de  mâcher  le  cordon  ombilical  pour 
le  couper  :  elle  ne  fauroit  y  parvenir  qu'a- 
près un  certain  temps  ,  attendu  la  confif- 
tance  membraneufe  de  ce  même  cordon  , 
&  la  force  de  fon  tifîu  ;  &  ce  n'efl  que 
parce  qu'il  a  été  extrêmement  froiffé  & 
contus ,  que  les  parois  des  artères  ombi- 
licales font  afFaiflees  &  prifes  les  unes  dans 
les  autres  ;  de  manière  que  leur  cavité 
étant ,  pour  ainfi  dire  ,  effacée ,  le  fang  ne 
peut  plus  fe  frayer  aucune  ifiùe  en  dehors 
iorfque  la  ièction  a  été  faite. 

Ici  nous  devons  agir  au  défaut  de  la  mère 
qui  n'exifte  plus  ;  on  fe  munira  d'une  quan- 
tité fuffifante  de  gros  fil  que  l'on  pliera  en 
cinq  ou  fix  doubles  de  la  longueur  d'en- 
viron un  pié  ,  &  que  l'on  aura  eu  foin 
d'arrêter  aux  deux  extrémités  par  un  nœud 
à  chacune  d'elles.  Ce  fil  ainfi  préparé  , 
on  liera  le  cordon  à  environ  quatre  ou  cinq 
pouces  du  corps  du  poulain  ,  de  façon  qu'il 
ne  foit  ni  trop  ni  trop  peu  ferré  ;  la  liga- 
ture maintenue  par  des  doubles  nœuds 
répétés  à  mefure  des  entortillemens  ,  on 
coupera  le  cordon  trois  pouces  au  defTous  , 
&  l'on  obfervera  que  cette  fection  ne  foit 
fuivie  d'aucune  effufion  de  fang  :  fi  l'on 
çn  apperçoit ,  on  refferrera  les  fils  ,  &  les 
trois  pouces  de  longueur  que  l'on  laiffe  en 
deçà  ,  ferviront  à  placer  une  féconde  liga- 
ture ,  fi  la  première  étoit  abfolument  in- 
fuffifante.  Du  refte  ce  n'eft  que  par  cette 
rnifon  que  j'ai  fixé  en  quelque  forte  les 
mefures  ;  car  à  quelque  diitance  que 
foient  faites  &  la  ligature  &  la  fection  ,  la 
nature  fur  laquelle  nous  devons  nous  repo- 
fer  du  foin  d'achever  &  de  perfectionner 
l'ouvrage  ,  opère  toujours  la  Séparation  du 
cordon  à  fa  fortie  de  l'anneau  ombilical  , 
&  au  niveau  du  tégument  ;  cette  fépara- 
tion  a  lieu  en  huit  ou  dix  jours  plus  ou 
moins  ,  &  nous  devons  graiffer  l'excédant 
du  cordon  ,  avec  du  beurre  ,  du  fain- 
doux,  &c. 

On  conçoit  au  furplus  ,  que  le  fiiccès  de 
Vembryulkie  dépend  de  notre  attention  à 
prévenir  la  mort  de  la  jument.  Plus  nous 


E  M  B 

attendons  ,  plus  le  fœtus  eft  débilite  ;  & 
fi  la  mère  eft  morte ,  il  eft  certain  que 
nous  avons  d'autant  moins  de  temps  à 
perdre  ,  que  le  poulain  ne  lui  furvivroit 
que  quelques  mftans.  Il  ne  fera  plus  ques- 
tion enfin  que  de  procurer  à  l'enfant  les 
moyens  de  s'alaiter  ,  &  d'entretenir  une 
vie  que  le  maréchal  vient  en  quelque  façon 
de  lui  rendre,    (e) 

EMBUE  ,    f.    fém.  voye\  EMBOIRE. 
{Peinture.) 

?  EMBUSCADE  ,  f.  f.  {Art  militaire.) 
c'eft  une  troupe  de  gens  armés  ,  cachés 
dans  un  bois  ,  un  ravin ,  un  foffé ,  &c.  pour 
furprendre  d'autres  troupes  qui  doivent 
parler  dans  le  même  lieu ,  &  qui  rie  fe 
doutant  point  d'être  attaquées  ,  font  fùr- 
prifes  &  défaites  aifément.  On  appelle 
aufli  embufeade  y  le  lieu  où  les  troupes 
font  cachées. 

Les  remèdes  &  les  précautions  pour  ne 
pas  tomber  dans  les  embufeades  y  font 
faciles  à  trouver.  Il  faut  ne  point  marcher 
avec  trop  de  fécurité ,  mais  s'avancer  en 
ordre  de  bataille  ,  &  en  faifant  reconnohre 
le  terrain  devant  foi  à  droite  &  à  gauche 
par  de  petits  détachemens.  Il  faut  charger 
des  officiers  intelligens  de  ces  détache- 
mens ,  afin  que  tous  les  lieux  par  où  la 
troupe  doit  paffer  ,  foient  fouillés  exacte- 
ment. Il  n'y  en  a  aucun  à  l'abri  des  xm- 
bufeades  y  parce  que  le  terrain  a  beau  être 
uni ,  il  s'y  rencontre  toujours  quelques 
inégalités ,  comme  de  petites  élévations  , 
des  chemins  creux ,  &c.  dont  l'ennemi 
peut  profiter  pour  fe  cacher.  Il  eft  d'au- 
tant plus  important  à  un  officier  qui  com- 
mande une  troupe  ,  de  bien  prendre  fes 
précautions  fur  ce  fujet  ,  que  celui  qui 
tombe  dans  une  embufeade  y  fournit ,  dit 
M.  Defolard,  un  fonds  inépuilable  de  chan- 
fons ,  de  plaifanteries  &  de  bons  mots 
qui  ne  finiffênt  point  ;  &  cela,  dit  cet 
auteur  ,  parce  qu'il  n'y  a  que  des  fots 
ou  de  francs  étourdis  qui  puiffent  y 
donner.  (Q) 

EMBUVER,  {Maréchallerie.)  Voye^ 
Abreuver. 

EMENDALS,  f.  m.  (Comm.)  c'eft 
un  vieux  mot  dont  on  fe  fert  encore  en 
Angleterre  dans  les  comptes  de  l'inner-"- 
temple  ,  où    tant   d'ine'mendals  au   bout 

d'un 


EME 

<Tun  compte ,  lignifient  tant  dans  la  banque 
ou  dans  le  fond  de  cette  foc iè 'té  y  pour  la 
réparation  des  pertes  que  l'on  a  faites ,  ou 
pour  d'autres  befoins. 

EMEND ANT ,  (Jurifp.)  voye\  ci-après 
Emender. 

EMEND  A  TIO  PANIS  E  T  CE  RE- 
VISIJE ,  (Commerce.)  c'eft  ce  que  l'on 
appelle  en  Angleterre  Yaffife  du  pain  &  de 
la  bière ,  ou  l'autorité  qui  donne  infpection 
fur  les  poids  &  les  mefures  de  ces  denrées , 
afin  de  les  régler,  ou  de  corriger  celles 
qui  font  défectueufes.  Voye\  ASSISE. 

EMENDE  ,  (Jurifp.)  ancien  terme  qui 
fe  trouve  dans  plufieurs  coutumes  ,  pour 
amende  ,  comme  émende  d'appel  ,  detofl- 
entre'e  ;  émende  coutumiere ,  émende  de  gage. 
Voye\  AMENDE  ,  &  legloffaire  de  M.  de 
Lauriere  ,   au  mot  Emende.  {A) 

EMENDER,  v.  ad.  (Jurifp)  fignifle 
corriger,  réformer.  Le  juge  d'appel  qui 
infirme  ia  fentence  d'un  juge  inférieur  ,  fè 
fert  du  terme  émendant  %  c'eft-à-dire ,  cor- 
rigeant la  fentence  dont  efl  appel  \  &  enfuite 
eft  le-  nouveau  jugement  que  fait  le  juge 
d'appel.  V.  Appel,  Infirmer,  Juge  , 
Premier  Juge,  Sentence.  (A) 

ÉMERAUDE  ,  f.  r*.  (Hifi.  nat.  Lithol) 
fmaragdus ,  pierre  précieufe  tranlparente , 
de  couleur  verte ,  fans  mélange  d'aucune 
autre  couleur ,  &  à-peu-près  de  même 
dureté  que  le  cryftal.  Par  ces  cara&eres  il 
eft  aifé  de  diftinguer  Yémeraude  de  toute 
autre  pierre  verte ,  &  même  du  diamant 
qui  auroit  une  couleur  verte  auffi  belle  que 
Yémeraude.  De  quelque  couleur  que  le  dia- 
mant puiffe  être  ,  on  le  reconnoît  aifément 
à  fon  éclat  &  à  fa  dureté.  Voye\  DIA- 
MANT. L'aiguë  marine  eft  d'une  couleur 
mêlée  de  verd  &  de  bleu.  Voye\  AlGUE 
MARINE.  Le  péridot  eft  d'une  couleur 
mêlée  de  verd  &  de  jaune.  V.  PÉRIDOT. 
\]  émeraude  efl  la  feule  de  toutes  les  pierres 
précieufes  occidentales  &  orientales  qui 
foit  verte  fans  mélange  d'autre  couleur  , 
fi  ce  n'eft  le  blanc  qui  fe  trouve  dans  les 
émeraudes  imparfaites  ;  car  il  y  a  des  cryf- 
taux  Yémeraude  qui  font  en  partie  blancs 
&  en  partie  verds  ,  ou  qui  ont  différentes 
teintes  de  verd  plus  ou  moins  foncé.  Les 
çryftaux  Yémeraude  ont ,  comme  ceux  du 
cryftal  de  roche,  la  figure  d'une  colonne  à 
Tome  XII, 


. EME  *■!» 

lix  faces  ;  mais  au  lieu  d'avoir  une  pointe 
à  chaque  bout  ,  elles  font  terminées  par 
une  face  hexagone. 

Prefque  tous  les  auteurs  diftinguent  les 
émeraudes  en  orientales  &c  en  occidentales, 
Ilsdifent  que  l'orientale  eft  d'un  verd  gai  ; 
qu'elle  a  une  grande  dureté  &  un  grand 
éclat  qui  fe  foutient  à  l'ombre  &  à  la  lu- 
mière de  la  chandelle.  Aujourd'hui  on  ne 
voit  aucune  émeraude  orientale;  s'il  y  en 
a ,  elles  font  d'une  rareté  extrême.  Les  au- 
teurs qui-  en  parlent,  ne  conviennent  point 
du  lieu  où  elles  fe  trouvent  :  les  uns  difent 
que  c'eft  en  Arabie,  les  autres  en  Perle, 
en  Egypte ,  &c.  Voye^  la  biblioth.  orien- 
tale. Tavernier  dans  fon  traité  des  pierres 
de  couleur  quife  trouvent  aux  grandes  Indes , 
prétend  qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  mines 
$  émeraudes  dans  aucun  lieu  des  grandes 
Indes  ;  &  que  toutes  celles  qu'on  y  a  vues 
ou  qui  en  font  venues ,  y  avoient  été 
apportées  du  Pérou  par  la  mer  du  Sud. 
Ce  voyageur  croyoit  que  les  Américains 
avoient  eu  commerce  ,  même  avant  la  dé- 
couverte de  l'Amérique  ,  avec  les  habitans 
des  îles  de  l'Inde  orientale  appeilée  au- 
jourd'hui Philippine ,  &  qu'ils  y  avoient 
porté  une  grande  quantité  d'émeraudes. 
Comme  on  ne  trouve  à  prêtent  aucune 
émeraude  dont  ia  dureté  foit  égale  à  celle 
des  pierres  orientales ,  on  eft  en  droit  de 
douter  de  l'exiftence  des  émeraudes  de 
cette  nature.  Il  y  a  près  de  quatre-vingts 
ans  que  de  Rofnel  difoit ,  dans  fon  Mer- 
cure Indien  ,  que  l'on  ne  rencontroit  pref. 
que  plus  d'émeraudes  orientales  ou  de  vieille 
roche ,  parce  que  la  mine  étoit  épuifée ,  ou 
cachée  dans  un  lieu  inaccefiible. 

L' 'émeraude  occidentale ,  qui  eft  la  feule 
que  nous  connoiffions  aujourd'hui,  vient 
de  l'Amérique  &  de  quelques  endroits  de 
l'Europe.  \J émeraude  d'Amérique  fe  trouve 
au  Pérou  :  elle  eft  bien  plus  belle  que  celle 
de  l'Europe  ;  fa  couleur  eft  d'un  beau 
verd-foncé.  Il  y  avoit  autrefois  une  mine 
de  cette  efpece  Yémeraude  dans  ia  valléte 
de  Manta  ,  dépendante  de  Pojto-Viéjo. 
Cette  mine  en  fournifloit  beaucoup  avant  la 
conquête  du  Pérou  ,  &  de  très-belles  ,  au 
rapport  de  Garcilaflb  de  la  Vega ,  Hifi.  des 
Incas  ,  tom.  I.  Les  Efpagnols  ne  purent 
jamais  la  retrouver  ;  mais  ils  rapporterez 


134  E   M  E 

de  ce  pays  une  fi  grande  quantité  S  éme- 
raudes ,  que  le  prix  de  cette  pierre  bailla 
beaucoup  en  Efpagne ,  &  de  là  il  s'en 
répandit  par-tout.  Les  émeraudes  d-' Améri- 
que fè  trouvent  aujourd'hui  dans  la  vallée 
de  Tunca  ou  Tomana,  afTez  près  de  la 
nouvelle  Carthage  ,  &  entre  les  montagnes 
de  Grenade  &   de  Popayan  ;    c'efl   de  là 


E  M   E 

elles  ne  dévoient  pas  fe  cafler.  V.  PlEHREk 
PRÉCIEUSES,     (2) 

ÉMERAUDE  ,  (Pharmacie?)  c'en1  une 
des  pierres  qu'on  appelle  en  Pharmacie 
fragment  précieux.  V.  FRAGMENT  PRÉ- 
CIEUX. 

ÉMERGENT  ,  adj.  année  émergente , 
(Chron.)    c'efl  l'époque  dont    nous   com- 


qu'on  en  tranfporte  à  Carthagene  une  fi  mencons  à  compter  le  temps.  Voye\  Epo- 
grande  quantité  tous  les  ans.  Les  émeraudes  QUE. 
de  l'Europe  viennent  d'Italie  ,  de  Chypre, 
d'Allemagne,  d'Angleterre,  &c.  Véme- 
raude  eft  une  pierre  fort  eftimée  ;  celles  de 
l'Amérique ,  lorf qu'elles  font  parfaites  ,  fe 
vendent  auili  cher  que  les  pierres  orien- 
tales. On  a  cru  pendant  long-temps  que 
Yémeraude  venoit  de  la  pierre  que  l'on 
appelle  prime  d'émeraude  'y  mais  cette  pierre 
en  fort  différente  de  Yémeraude.  Voye\ 
Prime   d'Emeraude. 

Théophrafte  rapporte  qu'un  roi  de  Ba- 
bylone  préfenta  au  roi  d'Egypte  une  éme- 
raude ,  dont  la  longueur  étoit  de  quatre 
coudées ,  &  la  largeur  de  trois ,'  &  qu'en 
même  temps  il  y  avoit  en  Egypte  un  obé- 
lifque  compofé  de  quatre  émeraudes ,  qui 
avoit  quarante  coudées  de  haut ,  quatre 
de  large  en  quelques  endroits ,  &  deux 
dans  d'autres.  Il  eft  impofiible  qu'il  y  ait 
jamais  eu  des  émeraudes  de  cette  grandeur  : 
on  a  pris  pour  émeraudes  des  chofes  d'une 
autre  nature.  L'hifîoire  de  la  déefTe  Eme- 
raude ,  rapportée  par  Garcilafïb  delà  Vega , 
me  paroît  plus  vraifemblable.  Cet  auteur 
dit  que  les  peuples  de  la  vallée  de  Manta 
au  Pérou ,  adoroient  une  émeraude  groffe 
comme  un  œuf  d'autruche  ;  on  la  mon- 
troit  les  jours  de  grande  fête  ,  &  les  In- 
diens accouroient  de  toutes  parts  pour  voir 
leur  déelTe  ,  &  pour  lui  offrir  des  émerau- 
des. Les  prêtres  &  les  caciques  donnoient 
à  entendre  que  la  déefïè  étoit  bien  aife 
qu'on  lui  préfentât  (es  filles  ,  &  par  ce 
moyen  ils  en  amafTerent  une  grande  quan- 
tité. Les  Efpagnols  ,  dans  le  temps  de  la 
conquête  du  Pérou  ,  trouvèrent  toutes  les 
filles  de  la  déefie  ;  mais  les  Indiens  cachè- 
rent fi  bien  la  mère ,  qu'on  n'a  jamais  pu 
favoir  où  elle  étoit.  D.  Alvarado  &  fès 
compagnons  briferent  la  plus  grande  partie 
des  émeraudes  fur  des  enclumes  ,  parce 
qu'ils  croyoient  que  fi  elles  étoient  fines, 


Notre  année  émergente  eu  quelquefois 
celle  de  la  création.  Les  Juifs  prenoient 
pour  année  émergente,  ou  celle  du  déluge  , 
ou  celle  de  l'exode,  c'eft-à-dire  de  leur 
fortie  d'Egypte. 

L'année  émergente  des  Grecs  étoit  l'année 
de  l'établiffement ,  ou  du  moins  du  réta- 
blifîèment  des  jeux  olympiques.  Les  Ro- 
mains comptoient  depuis  la  fondation  de 
Rome.  Les  Chrétiens  comptent  depuis  la 
naiffance  de  Jefus-Chrifl  ,  ou  environ  ; 
les  Mahométans ,  depuis  l'hégire  ou  fuite 
de  Mahomet  de  la  Mecque  à  Médine , 
qui  arriva  en  l'an  6iz  de  Jefus-ChrilL 
Voye\  Ere.  (O) 

EMERIL,  f.  m.fmiris  {Hifl.  nat.  MU 
néraîJ)  C'efl  une  mine  de  fer  d'une  dureté, 
extraordinaire  ,  elle  efl  pefante  ,  reflemble 
à  une  pierre  ;  fa  couleur  eu  ou  grife ,  ou 
roug^eâtre ,  ou  noirâtre  :  la  partie  ferrugi-- 
neule  y  eff  en  très-petite  quantité  ,  &  'telle-, 
ment  enveloppée,  que  l'aimant  ne  peut 
point  l'attirer.  Vémeril  réfifte  à  l'action.-- 
du  feu,  &  n'entre  en  fulion  que  très- 
difficilement;  il  faut  y  joindre  pour  cela, 
une  grande  quantité  de  fondant  :  c'efî  ce 
qui  l'a  fait  placer  au  nombre  des  mines 
de  fer  réfraclaires.  On  voit  par-là  que  l'on 
ne  trouveroit  point  fon  compte  à  traiter 
Yémeril  pour  en  tirer  le  fer.  L'ufage  prin-«- 
cipal  qu'on  en  fait ,  eft  de  polir  l'acier  ,  le 
fer  y  le  verre  &  les  pierres  les  plus  dures  ; 
mais  pour  l'employer  ainfi  ,  il  faut  com- 
mencer par  le  réduire  en  une  poudre 
extrêmement  fine,  enfuite  de  quoi  on  le 
délaie  dans  l'eau  ,  ou  dans  de  l'huile  pour 
certains  cas.  ( — ) 

ÉMERILLON,  Ç.m.(Hift.  nat.  Ornith.) 

afalon.  C'efl  le  plus  petit  de  tous  les  oifeaux 

que  l'on  drefTe  pour  la  chaffe  ,  à  l'exception. 

de  la  pie-grieche  ;  car  il  n'eff  pas  plus  gros 

j  que  le  merle.    Il  a   un  pic  un  pouce  de. 


E  ME 

longueur  depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à 
l'extrémité  de  la  queue ,  &  un  pie  jus- 
qu'au bout  des  ongles.  Dans  cette  efpece 
d'oifeau  les  mâles  font  plus  petits  que  les 
femelles.  Le  bec  efl  de  couleur  bleue,  & 
garni  de  chaque  côté  d'une  appendice  ;  & 
l'iris  des  yeux  a  une  couleur  de  noifette.  Il 
y  a  au  deflbus  de  l'occiput  une  forte  de 
collier  de  couleur  blanche-jaunâtre.  Le 
menton  eft  blanc  ;  le  dos  ,  &  en  général 
toute  la  face  fupérieure  du  corps  ,  font 
de  couleur  de  rouille ,  mêlée  de  bleu- 
noirâtre.  Les  grandes  plumes  des  ailes  font 
noires,  &  parièmées  de  taches  de  couleur 
de  rouille.  La  queue  a  cinq  pouces  de 
longueur ,  &  efl  traverfée  par  quatorze 
bandes  qui  font  alternativement  de  cou- 
leur noirâtre  &  de  couleur  blanche  mêlée 
d'une  teinte  de  roux.  La  face  inférieure  , 
c'eft-à-dire ,  la  poitrine  ,  le  ventre,  &c. , 
eft  d'un  blanc  mêlé  de  couleur  de 
rouille  ,  avec  des  taches  noires  &  teintes 
de  rouille.  Ces  taches  ,  au  lieu  d'être  tranf- 
verfales ,  font  dirigées  de  haut  en  bas  de 
la  tête  à  la  queue.  Cet  oifeau  a  les  pattes 
longues  ,  minces,  &  de  couleur  jaunâtre  , 
&  les  bngles  noirs.  On  diflingue  le  mâle 
d'avec  la  femelle  ,  par  le  moyen  d'une 
tache  bleue  qui  fe  trouve  à  la  racine  de 
la  queue  des  mâles.  La  femelle  eft ,  comme 
dans  toutes  les  autres  efpeces  d'oiléaux  de 
proie,  plus  grofîe  que  le  mâle,  mais  d'une 
couleur  roufîè  moins  foncée  ,  &  parfemée 
d'une  teinte  de  bleu.  Il  n'y  a  fur  la  queue 
du  mâle  que  cinq  larges  bandes  tranfver- 
fales  noires  ,  &  cinq  autres  moins  larges , 
d'un  roux  plus  foncé.  La  longueur  de  la 
queue  eft  de  cinq  pouces,  &  celle  de  l'oi- 
feau  entier,  d'un  pié.  Quoique  Yémeril- 
lon foit  un  des  plus  petits  oiièaux  de  proie, 
il  a  autant  de  courage  &  de  hardieffe 
qu'aucun  autre;  il  tue  les  perdrix  en  les 
frappant  de  fon  bec  fur  la  tête  ,  &  fon 
coup  eft  fait  en  un  infiant.  Willughby, 
Ornith.    Voye\  OlSEAU.  (/) 

EMERILLON  (Artill.)  c'eft  une  petite 
pièce  de  canon  qui  ne  pafïe  guère  une 
livre  de    balles.    {Q) 

EMERILLON,  en  terme  de  boutonnier , 
c'eft  un  uftenfile  de  cuivre  à  quatre  pans  , 
plus  haut  que  large  y  vuidé  dans  (es  quatre 
faces,   &    garni  à  chaque    extrémité    de 


E  M  E  *3ï 

deux  crochets  rivés  dans  fon  intérieur  , 
mais  de  façon  qu'ils  puiffent  jouer  dans 
leur  trou.  L'un  de  ces  crochets  fert  à 
attacher  l'outil  à  une  corde  ou  à  autre 
chofe  ;  &  celui  de  devant ,  à  retenir  la 
guipure-  Quand  le  fil  eft  retors  fuffifàm- 
ment  du  même  fens ,  &  de  la  groffeur 
qu'on  veut ,  on  attache  une  autre  loie  ou 
fil  de  même  ou  de  différente  couleur,  à 
Yémerillon.  On  fait  tourner  la  première 
roue  du  rouet ,  &  l'on  conduit  le  brin  de 
Yémerillon  vers  le  rouet ,  de  manière  que 
retordu  dans  un  fens  contraire  à  ceux 
qui  lui  fervent  de  bafe ,  &  à  diftances 
égales,    il  produit    ce    qu'on   appelle  du 

guipé.  Voye^  Guipé. 

EMERILLON ,  terme  de  Cordier  ,  eft  un 
crochet  de  fer  tellement  difpofé  dans  fon 
manche  ,  qu'il  y  peut  tourner  avec  beau- 
coup de  facilité. 

Cet  infiniment  ne  fert  pas  feulement 
aux  fileurs  ,  les  commetteurs  s'en  fervent 
aufîï.  Voy.  l'art.  CoRDERIE. 
^  ÊMERITAT,  f.  m.  (Hifl.  anc) 
c'eft  ainfi  qu'on  appelloit,  chez  les  Ro-*; 
mains  ,  la  récompenfe  qu'on  accordoit  à 
un  foldat  qui  avoit  bien  fervi  pendant  un 
certain  nombre  d'années.  On  difpute  fi 
elle  confiftoit  ou  en  argent ,  ou  en  terre , 
ou  dans  l'un  &  l'autre ,  &  s'il  n'y  avoit 
aucune  différence  ,  entre  Yemeritum  &  le 
preemium.  L'hifloire  nous  apprend  qu'Au- 
gufïe  donna  à  un  prétorien  5000  drach- 
mes ,  &à  un  foldat  d'un  rang  fubor- 
donné ,  300  ;  qu'il  avoit  fixé  le  terme  de 
Yéméritat,  &  les  récompenfes  des  diffé- 
rentes fortes  d'émérites  ;  que  parmi  ces 
émérites  les  uns  dévoient  avoir  fervi  feize 
ans  ,  d'autres  vingt,  &  que  Caligula  ra- 
baifTâ  à  la  moitié  la  récompenfe  de  Témé- 
rité prétorien.  L'émérite ,  de  quelque  rang 
qu'il  fût  ,  étoit  très-eftimé ,  &  il  n'en 
étoit  point  réduit ,  après  la  campagne  ,  à 
la  fonction  de  délateur  de  (es  compa- 
gnons. 

*  ÉMERITE  ,  f.  m.  {Hifl.  mod.)  On 
donne  dans  la  faculté  des  arts  ,  ce  titre  aux 
profefleurs  qui  ont  vingt  ans  d'exercice. 
Us  confervent,  en  quittant  leur  chaire  ,  une 
penfion  de  cinq  cents  livres  ;  récompenfe 
bien  modique  d'un  long  fervice  rendu  à 
la  fociété  dans   un    des   emplois  les  plus 

Gg  i 


trf  E  M  E 

importât»  &  les  plus  pénibles,  celui    d'ins- 
truire la  jeuneffe. 

?  EMERSION ,  f.  f.  en  Phyfigue  ,  efl 
l'élévation  de  quelque  folide  au  deffus  de 
Ja  furface  d'un  fluide  plus  pefant  que  lui , 
dans  lequel  il  a  été  plongé  avec  force ,  ou 
jeté.  Voy.  FLUIDE,  ce  mot  vient  $  émer- 
ger e ,  fortir  dehors,  qui  eft  oppoféà  mer- 
gel  e,  plonger. 

C'eft  une  des  lo'x  connues  de  l'hydrofla- 
tique  ,  qu'un  corps  folide  étant  enfoncé 
avec  force  dans  un  fluide  pefant ,  fait 
effort  immédiatement  après  pour  remon- 
ter ;  &  cela  avec  un  degré  de  force  égal 
à  l'excès  du  poids  d'un  pareil  volume  de 
fluide  fur  le  poids  du  folide  même.  Par 
exemple ,  un  folide  érant  plongé  dans  un 
fluide  d'une  gravité  fpécifique  double  de 
3a  fienne ,  il  remontera  en  haut  avec  une 
force  égale  à  la  moitié  de  celle  avec  la- 
quelle il  defcendroit  dans  l'air  libre  ou 
dans  le  vuide  ,  &  il  remontera  jufqu'à  ce 
que  la  moitié  de  fon  volume  foit  hors  du 
fluide  ou  au  defïîis  de  fa  furface  :  car ,  en 
cet  état,  fa  partie  fubmergée  occupera  la 
place  d'une  portion  de  fluide  d'une  pefan- 
teur  égale  à  celle  du  corps  entier  ;  &  par 
conféquent  la  colonne  dans  laquelle  jfe 
trouve  ce  corps ,  fera  un  équilibre  avec 
les  colonnes  adjacentes.  Voye\  FLUIDE  , 
Hydrostatique  ,  Aréomètre  ,  Ba- 
lance hydrostatique,Pesanteur 
spécifique. 

EMERSION  ,  en  Astronomie.  Onfefert 
de  ce  mot  pour  remarquer  que  le  foleil , 
la  lune  ou  quelqu'autre  planète  recommen* 
cent  à-  paraître,  après  avoir  été  éclipfés 
ou  cachés  par  l'interpofition  de  la  lune ,  de 
la  terre,  ou  de  quelqu'autre  corps  célefte. 
Voyei  Eclipse. 

On  trouve  quelquefois  les  difTérences 
en  longitude ,  par  l'obiervation  des  im- 
merjions  ou  des  émerfions  du  premier  fatel- 
lite  de  Jupiter.  Voy.  SATELLITE  &  LON- 
GITUDE, 

On  fe  fert  encore  du  terme  émerflony 
lorfqu'une  étoile  ou  planète  que  le  foleil 
cachoit,  parce  qu'il  en  étoit  trop  proche, 
commence  à  reparoître  ,  en  fortant ,  pour 
ainfi  dire  ,  des  rayons  de  cet  aflre.  Voye\ 
Mercure. 

Scrupules  ou  minutes  d'e'merfion  %  c'eil 


E  M  E 

Parc  que  le  centre  de  la  lune  décrit  depuis* 
le  temps  qu'elle  commence  à  fortir  de  l'om- 
bre de  la  terre ,  jufqu'à  la  fin  de  l'éclipfe. 
Wolf,  Harris  &  Chambers.  (O) 

EMERUS  ,  improprement  yféné  bâtard, 
(Botanique.)  fecuridaca  ,  des  jardiniers  ; 
en  Anglois ,  fcorpion  fena:  dans  Linnaeus, 
coronille ,  de  la  clafTe  des  diandria  deean- 
dria. 

Caractère  générique. 

Les  fleurs  papilionacées  de  Vemerus  font 
raffemblées  en  petites  grappes  :  elles  font 
compofées  d'un  calice  ou  godet  découpé 
en  quatre  parties  inégales ,  d'un  pavillon 
échancré  par  le  milieu  &  recourbé  en  ar- 
rière y  &  d'une  carène  monopétale  ;  cette 
carène  efl  prefque  cachée  par  les  ailes  qui 
font  oblongues,  un  p^u  écartées  par  le 
bas ,  &  réunies  par  leurs  bouts  qui  font 
pointus  &  qui  s'élèvent  :  du  fond  du  ca- 
lice part  un  embryon  oblong,  couvert 
d'une  graine  ,  de  i'extrémké  de  laquelLe 
fortent  dix  étamines  très-déliées ,  dont  les 
fommets  reffemblent  à  de  petites  pyrami- 
des ;  l'embryon  devient  une  filique  lon- 
gue, menue  &  articulée  à  l'endroit  des 
graines  qui  font  cylindriques.  Les  pétales 
de  la  fleur  ne  paroifTent  être  que  l'élargie- 
fement  d'un  filet  qui  prend  naifîance  dans 
le  calice  ;  excepté  la  nacelle  qui  efl  portée 
fur  deux  filets ,  il  fe  trouve  entre  le  filet 
du  pavillon  &  ceux  des  ailes,  un  éloigne— 
ment  affez  confidérable. 

Efpcces* 

i.  Emerus ,  arbrifîêau  dont  les  fleurs  ont 
de  longs  pédicules. 

Emerus  caule  fruticofo  y  pedunculis  /on- 
gioribus.  MilL 

Scorpion  fena  withashrubby  flalk  &  Ion» 
gerfootftalks  to  the  fiowers. 

2.  Emerus ,  arbrifîêau  à  folioles  échan- 
crées  en  cœur  ,  &  dont  les  fleurs  ont  de- 
petits,  pédicules. 

Emerus  foliis  obeordatis  ,  pedunculis  bre~ 
vioribus  ,  caule  fruticofo.  Mil!. 

Scorpion  fena  with  long heart-shaped  lea- 
ves  ,  shorter  foot-flalks  to  the  fiowers  &  a 
ftrubly  flalk. 

3.  Emerus  à   tige  droite,  herbacée. ^  à 


EME 

feuilles  compofées  de  plufieurs  paires  de 
folioles  à  fleurs  folitaires  ,  &  à  filiques 
longues  &  verticales. 

Emerus  caule  erecio  ,  herbaceo ,  foliis 
multijugatis ,  floribus  fingularibus  9filiquis 
longijjîmis  ereclis.  Mill. 

Scorpion  fena  with  an  erect  herbaceous 
fialk ,  the  leaves  compofed  of  many  pairs 
of  lobes  y  fingle  fiowers  proceeding  from 
thejides  of  the  fialks  ,  an  very  long  erecl 
pods. 

Aux  marques  difhn&ives  énoncées  dans 
tes  phrales  botaniques  des  emerus,  n°.  i 
&  n°.  2 ,  fe  joint  celle  prife  de  leur 
hauteur  déterminée.  Le  n°.  i  s'élève  fur 
plufieurs  tiges  grêles  jufqu'à  huit  ou  neuf 
pies  :  le  n°.  2  ne  parvient  guère  qu'a  la 
hauteur  de  quatre  ou  cinq  ;  cette  diffé- 
rence, ainfi  que  les  précédentes^  fe  fou- 
tiennent  dans  les  individus  produits  par  la 
graine  ;  ce  qui  conftate  leur  caraâere  fpé- 
cifique. 

Tous  deux  portent  des  feuilles  conju- 
guées, formées  de  trois  paires  de  folioles , 
&  terminées  par  une  foliole  unique  ;  mais  les 
folioles  du  n°.  i  font  plus  larges  &  un  peu 
plus  échancrées  que  celles  du  n*.  2  :  le  jeune 
bois  du  premier  eft  d'un  beau  verd ,  celui 
du  n°.  2  eft  violet  :  dans  l'un  &  l'autre  le 
vieux  bois  eft  grifârre  &  mêlé  de  blanc  ; 
le  bois  moyen  eft  olive  plus  ou  moins  foncé , 
&  (trié  de  blanc  ;  les  racines  font  ligneufes 
&  fibreufes ,  jaunâtres  en  dehors  &:  blan- 
ches en  dedans. 

Les  fleurs  des  emerus  font  d'un  jaune 
vif.  L'étendard  eft  fouetté  de  rouge  par 
derrière  :  ces  arbriffeaux  font  chargés  de 
fleurs  dès  le  commencement  de  mai  ,  & 
fouvent  ils  en  donnent  encore  en  feptembre 
&  oclobre  :  comme  elles  nailfent  fur  les 
jeunes  bourgeons  ,  ils  fleurhTent  chaque  fois 
qu'on  a  retranché  le  bout  de  leurs  bran- 
ches ;  ce  qui  les  rend  très-propres  à  être 
fournis  au  cifeau  :  lorfqu'on  les  tond  en  fep- 
tembre ,  ils  reproduifent  des  fleurs  à  la  fin 
d'odobre ,  qui  durent  fouvent  juiqu'en  jan- 
vier. 

Quoiqu'ils  conferv|nt  naturellement 
leurs  feuilles  fort  avant  dans  l'automne , 
la  tonte  qu'on  leur  fait  fubir  à  la  fin  de 
Vété ,  les  fait  durer  encore  bien  plus  long- 
temps >  &  même  tout  l'hiver  ,  lorfque  cette 


EME  i37 

faifon  n'eft  pas  féroce.  En  général ,  il  eîl 
à  obferver  que  les  feuilles  des  bourgeons 
qui  ont  pouffé  les  derniers ,  réfiftent  mieux 
aux  gelées  ordinaires  que  celles  des  bran- 
ches de  l'été  ,  apparemment  parce  qu'étant 
encore  dans  leur  jeuneffe  &  leur  vigueur  , 
leur  pédicule  tient  plus  fortement  au 
bourgeon  ,  peut-être  auffi  parce  que  leurs 
fibres  font  plus  élaftiques  que  celles  des 
feuilles  plus  âgées.  Voye\  V article  ARBRE, 

On  forme  des  haies  charmantes  avec 
les  emerus  ;  mais  pour  qu'elles  garniffenc 
bien ,  il  faut  les  paliffer  les  deux  premières 
années  ,  &  ne  les  tondre  que  la  troi- 
fieme  :  on  en  fait  auffi  de  belles  boules 
propres  à  orner  les  plate-bandes  &  les 
lieux  les  plus  foignés  des  jardins  ;  mais 
on  les  élevé  difficilement  fur  une  tige  uni- 
que. 

V emerus  n°.  i  peut  être  placé  comme 
un  très-joli  buiffon  en  troifieme  ou  qua- 
trième ligne  dans  le  bofquet  de  mai  ;  & 
le  /2*.  2  en  première  ou  féconde  ligne  , 
avec  des  arbriffeaux  de  même  croiffance 
qui  puifîênt  contrafler  par  la  couleur  de 
leurs  fleurs  :  comme  leur  feuillage  efl 
d'un  verd  tendre  &  riant ,  qui  fe  nuance  à 
merveille  avec  les  fleurs  jaunes  qu'ils  pro- 
duifent  fouvent  ,  comme  nous  l'avons 
dit,  à  la  fin  de  l'été  &  en  automne,  ils 
peuvent  être  employés  dans  les  bofquet* 
de  ces  faifons  ,  &  ils  y  feront  d'un  très-bel 
effet. 

Ils  fe  multiplient  par  leurs  graines  femées 
en  mars  ;  mais  ils  fructifient  rarement  :  on 
peut  aufli  les  élever  de  boutures  faites  au 
printemps  ,  quelque  temps  avant  la  poufle  , 
dans  une  bonne  terre  fraîche  à  Pexpofition 
du  levant  ,  ou  par  les  marcottes  en  juisr; 
mais  ,  pour  peu  qu'on  foit  fourni  de  vieux 
pies ,  ces  moyens  de  multiplication  de^ 
viennent  inutiles ,  par  la  quantité  d'écuyers 
&  de  furgeons  qui  pouffent  à  l'entour ,  & 
qu'on  enlevé  pour  planter  où  on  veut  les 
avoir. 

.Comme  le  bois  des  emerus  fè  chancit 
aifément  ,  nous  nous  fornmes  très-bieiï 
trouvés  de  ne  les  tranfplanter  qu'en  mars  ; 
mais  alors  il  convient  de  plaquer  autour 
,  de  leurs  pies  des  gazons  épais  d'un  pouce 
ou  d'un  pouce.  î  ,  tournés  fèns  deflùs  d*£- 
fous- 


238  E  ME 

Qu'on  joigne  à  cette  précaution  quel- 
ques arrofemens  ,  dans  le  cas  où  la  féche- 
reffe  aura  duré  afîez  long-temps  pour  pé- 
nétrer fous  cette  couverture  ;  on  affurera 
la  reprife  ,  &  l'on  favorifera  même  fin- 
guliérement  la  connoiffance  de  ces  arbuftes 
qui  fleuriront  dès  le  mois  de  feptembre 
fùivant. 

Uémerus  n°.  i  croît  de  lui-même  fur 
le  mont  Jura,  dans  les  parties  ombragées; 
nous  ignorons  fi  l'autre  s'y  trouve. 

Le  n°.  3  n'eft  qu'une  plante  herbacée 
&  annuelle  qui  croît  aux  Indes  orientales 
&  à  la  Véra-Cruz  dans  la  nouvelle  Efpa- 
gne.  Sa  graine  doit  être  femée  dans  un 
pot  fur  couche ,  &  les  jeunes  pies  de- 
mandent le  traitement  convenable  aux 
arbres  exotiques  des  pays  chauds.  C'eft 
tout  ce  que  nous  devons  dire  de  cette 
troifieme  efpece  d'émerus  ,  qui  ne  peut 
fervir  qu'au  perfectionnement  des  collec- 
tions. 

Le  nom  d'émerus  a  été  donné  à  ces 
plantes  par  Théophrafte,  &  a  été  enfuite 
adopté  par  Caefalpin.  (  M.  le  baron  de 

TSCHOUDI.   ) 

ÉMESE ,  (  Géogr.  anc.  &  mod.  )  ville  de 
la  Syrie  en  Afie;  elle  eft  maintenant  dans 
le  gouvernement  du  bâcha  de  Damas.  Il 
y  a  encore  aujourd'hui  des  ruines  qui 
annoncent  une  ville  anciennement  opu- 
lente. On  croit  que  c'eft  l'Emath  de  l'écri- 
ture-fainte. 

ÉMETIQUE ,  (  Thérapeutique.  )  voye\ 
Vomitif.  • 

ÉMETIQUE  (Tartre.)  Chymie^ Ma- 
tière me'dic.  Voyez  fous  le  mot  T  ART  RE. 

ÉMETTRE,  (  Junfprud.)  fe  dit  en  par- 
lant de  certains  ades  ;  comme  émettre  un 
appel  fimple  ou  un  appel  comme  d'abus, 
c'eft  interjeter  un  appel. 

On  dit  d'un  religieux  qu'il  a  fait  Ces 
vœux  ;  mais  en  parlant  de  fade  par  lequel 
il  les  a  proférés  ,  on  qualifie  ordinairement 
cet  a&e  d'émijfîon  de  vœux.  {A) 

ÉMEU  ou  EME.  Voye\  Casoar. 

ÉMEU  owEME  ,  f.  m.(Hift.  nat.  Ornith.) 
oifeau  des  Molucques,  qui  a  jufqu'à  cinq 
pies  de  hauteur  ;  fon  corps  depuis  ï'eftomac 
jufqu'au  croupion  a  trois  pies  de  long  ;  la 
tête  eft  petite  eu  égard  à  fa  taille ,  elle  eft 
dégarnie  de  plumes  ,    &   d'une    couleur 


EME 

bleuâtre,  (es  yeux  font  grands  &  très- 
vifs  :  au  defîùs  du  bec  font  deux  ouver- 
tures qui  fervent  de  narines  ;  fur  la  tête 
eft  une  efpece  de  couronne  d'un  jaune- 
foncé  qui  defeend  jufque  fur  le  bec  ;  il  la 
perd  tous  les  ans  avec  {es  plumes  dans  le 
temps  de  la  mue.  Le  cou  eft  garni  de 
deux  peaux  rouges  femblables  à  celles  des 
coqs-d'Inde;  fes  cuiffes  font  charnues  & 
couvertes  d'une  peau  écailleufe  ;  les  pattes 
font  grofTes  &  garnies  de  cinq  ergots  cou- 
verts d'écaillés  très-dures  :  il  refTemble  affez 
à  une  autruche ,  de  Pefpece  de  laquelle 
il  eft  peut-être  ;  Ces  plumes  font  noires  & 
rouges ,  on  les  prendroit  de  loin  pour  des. 
poils  ;  fes  ailes  font  courtes  ,  aufli  ne  lui 
fervent-elles  point  pour  voler ,  mais  feule- 
ment pour  courir  avec  plus  de  rapidité  ; 
le  croupion  eft  couvert  de  plumes  plus 
longues  &  plus  fortes  que  les  autres  ;  il  a 
plus  de  force  dans  les  pattes  que  dans  le 
bec  ;  Ces  œufs  diffèrent  de  ceux  des  autru- 
ches en  ce  qu'ils  font  plus  petits ,  la  co- 
quille en  eft  verdâtre  &  remplie  d'une 
infinité  de  boucs  ou  tubercules  :  les  habi- 
tans  du  pays  s'en  nourriffent.  Cet  oifeau 
avale  tout  ce  qui  Ce  préfente  à  lui ,  &  rend 
par  derrière  ce  qu'il  n'a  pu  digérer.  On 
prétend  que  fa  graifïe  eft  très-bonne  pour 
les  nerfs  ,  émolliente ,  maturative.  Dic7ionn. 
uniyerf.  de  Hubner. 

ÉMEU,  f.  m.  (  Fauconnerie.  )  rendre 
fon  émeu  9  c'eft  rendre  fon  excrément  ; 
l'oifeau  eft  en  parfaite  fanté  quand  il  rent 
bien  fon  émeu. 

ÉMEUTER  ou  ÉMEUTIR,  v.  neut. 
(  Fauconn.  )  Ce  dit  des  oifeaux  de  proie  ; 
quand  le  faucon  a  rendu  fon  excrément, 
on  dit  qu'il  vient  diémeuter. 

EMILIEN,  (  Hifl.  des  Empereurs.  )  né 
dans  la  Lybie  de  parens  obfcurs  &  indi- 
gensj  embrafïa  ,  par  goût  &  par  befoin , 
la  profefîion  des  armes.  Quelques  actions 
d'éclat  le  firent  remarquer  de  l'empereur 
Dece,  qui  lui  confia  le  gouvernement  de 
la  Sarmatie  >  en  proie  aux  brigandages  des 
barbares.  Il  montra  dans  cet  emploi  tant  « 
de  courage  &  4e  capacité ,  que  Gallus  , 
fucceffeur  de  Dece  y  le  continua  dans  ce 
gouvernement.  Les  derniers  empereurs 
s'étoient  fournis  à  payer  un  tribut  aux  Scy- 
thes. L'avarice  de  ces  Barbares  ,  devenant 


E  M  I 

plus    exigeante  à    mefure    qu'on    lui  four- 
niflbit  des  alimens  ,  impofoit  chaque  jour 
des    conditions    plus     humiliantes.     Emi- 
lien, fenfible  à  l'abaifTemeht  où  ils  tenoient 
l'empire  ,  fît  aflèmbler  Tes  foldats  ;  il  leur 
promit  ,  s'ils  vouloient    le    féconder  ,  de 
récompenfer   leur   valeur   en  les  gratifiant 
de  la  fomme    qu'on  payoit  aux  Barbares. 
Cette    propofition  fut  reçue  avec   un  ap- 
plaudiffement  général   :    tous    demandent 
qu'on   les  mené  à  l'ennemi ,  &  la  fortune 
féconde  leur  courage.  Les  Scythes  s'éloi- 
gnent des  frontières  où  la  fureté  fut  réta- 
blie.  Emilien    rentra    triomphant  dans  la 
Méfie ,  où  fon  armée  ,   reconnohîante  de 
l'exécution  de  fa  promerle  ,   le   proclama, 
empereur.  Gallus ,  inflruit  de  cette  rébel- 
lion ,  s'avança  dans  cette  province  pour  la 
faire  rentrer  fous  l'obéhTance.  Une  défaite 
qu'il  effuya  le  fit  tomber  dans  le  mépris 
de  Ces    foldats,    qui  le    mafîacrerent  avec 
fon  fils.  Emilien ,  victorieux  ,    écrivit    au 
fénat  pour  le  prier  de  confirmer  fon  élec- 
tion ,    promettant  de   chafTer  les  Barbares 
de  l'Arménie  &;  de  la  Méfopotamie.  Une 
promeffc  fi  éblouifïante  lui  mérita  tous  les 
fùfFrages  :    il  faifoit  de  grands  préparatifs 
pour     remplir   fon    engagement ,  lorfqu'il 
apprit  que  les  légions  de  la  Rhétie  avoient 
élevé  à  l'empire   Valérien  ,    dont  l'illufrre 
pairlance  &  les  grands  talens    avoient  fub- 
jugué  Femme  publique.  Les  foldats  d* Emi- 
lien ,  honteux  d'être  fous  les  ordres  d'un 
chef  né  pour  vieillir  dans  les  derniers  gra- 
des ,    le    mafîacrerent   pour   prévenir  les 
horreurs  d'une  guerre  civile  ,  qui  les  eût 
obligés    de    tourner    leurs    armes    contre 
leurs  parens  &  leurs  concitoyens.  Il  n'étoit 
âgé    que    de    quarante    ans    lorfqu'il  fut 
ailafliné  en  254  ,;  fon  règne  ne  fut  que  de 
trois   mois.   Perfonne    ne  lui   contefta  les 
talens    d'un  homme    de  guerre  ;    mais  il 
étoit  fans  capacité  pour  les  affaires.  (  T-n) 
ÉMINCIR,v.  ad.  (  Arts  méchaniq.) 
c'en1  en  général  ôter   à  un    corps   de   fon 
épaiiïéur.  On  dit  mieux  amincer  &  aminci , 
quY/m/zc/V  &  émincé. 

ÉMINE,f.f.  (Econom.  ruftiq.)  Voy. 
Hemine. 

ÉMINENCE,  f.  f.  (  Phyfiq.)  petite 
élévation  ow  monticule  au  defTùs  du  niveau 
de.    la    campagne.    Voyt\   MONTAGNE. 


E  MI  235? 

On  dit  :  ce  palais  efl  bâti  fur  une  émi- 
nence;  les  ennemis  fe  font  faifis  de  cette 
éminence  y  par  où  ils  nous  commandent, 
.  ÉMINENCE  ,  f.  f.  en  Anatomie  ;  ce  mot 
fe  dit  principalement  en  parlant  de  cer- 
taines éminences  des  os ,  &  on  en  peut 
diftinguer  de  trois  efpeces  ;  favoir,  i°.  cel- 
les qui  fervent  à  la  connexion  des  os  ; 
2°.  celles  qui  donnent  attache  à  des  parties 
molles;  30.  celles  qui  réfultent  de  la  con- 
formation particulière  de  l'os.  Mais  comme 
les  unes  font  continues  avec  l'os ,  &  que 
d'autres  ne  font  que  contiguës  ,  c'eft  là 
ce  qui  a  donné  lieu  à  la  diftinclion  qu'on 
en  a  faite  en  apophyfes  &  en  épiphyfes.  V% 
Apophyse  ù  Epiphyse. 

C'eft  de  la  figure,  de  la  fituation,  de 
la  connexion  ,  &  des  ufages  des  éminences  , 
qu'on  a  tiré  les  différens  noms  qu'on  leur 
a  donnés. 

De  leur  figure ,  on  les  appelle  tête  y  lors- 
qu'elles   font    convexes    &    arrondies  en 
forme    de    globe  ;  tubérojïté  y   lorfqu'elles 
font  inégales  &  raboteufes  ;  épine   &  ép'u- 
neufe  y    quand    elles    font    aiguës    &    en 
pointe ,   &c. 

De  leur  fituation ,  elles  fontappellées  obli- 
ques y  tranfi-'erfes  y  fupérieures  y  inférieu- 
res y     &C. 

De  leur  connexion  ,  elles  prennent  le 
nom  des  parties  avec  lefquelles  elles  font 
articulées  ;  telle  eft  l'apophyfe  malaire 
de  l'os  maxillaire,.  &c,  Voye\  MAXIL- 
LAIRE. 

Par  rapport  à  Pujage  ,  on  donne  le  nom 
de  trochanter  à  deux  tubérofités  de  l'os  de 
la  cuhTe  ,  qui  donnent  attache  aux  mufcles 
qui  la  font  tourner.  (  L  ) 

*  ÉMINENCE  ,  f.  f.  (  Hifi.  mod.  )  titre 
qu'on  donne  aux  cardinaux  ,  aux  trois 
électeurs  eccléfiaftiques  ,  &  au  grand-maître 
de  Malte ,  félon  une  bulle  d'Urbain  VIII , 
qui  ne  difpenfe  que  les  rois  &  les  papes 
de  le  leur  accorder ,  &  qui  défend  à  tous 
autres  de  le  prendre.  Le  pape  leur  dit  votra 
fignorio-i  le  roi  de  France  y  coufin  ;  l'em- 
pereur ,  reverenda  paternitas  ;  les  rois  de 
Pologne  &  de  Portugal ,  &  la  république 
de  Venife ,  fignoria  illuflrijjima.  Au  refte 
cette  épithete  honorifique ,  éminence ,  avoit 
été  donnée  par  Grégoire  le  Grand  à  des  évê- 
ques ,  long-temps  avant  qu'Urbain  l'attachât 


24©  E  M  I 

fpécialement  au  cardinalat.  La  bulle 
d'Urbain  VIII  qui  éminentifie  les  cardi- 
naux ,    eft  de   1630. 

EMIONITE ,  f.  f.  (  Hift.  nat.  bot.  ) 
hemionids ,  genre  de  plante  ,  dont  les  feuil- 
les ont  de  larges  oreilles  à  leur  bafe ,  foit 
qu'elles  foient  {impies ,  foit  qu'elles  foient 
compofées.    Tournefort,  Inftit.   rei  herb. 

Voye\  Plante.  (  I) 

EMIR,  f.  m.  (Hift.  mod.  )  titre  de 
dignité  ,  ou  qualité  chez  les  Turcs  ou 
Sarrafins  ,  qu'on  donne  à  ceux  qui  font 
parens  ou  defcendus  du  grand  prophète 
Mahomet. 

Ce  mot  eft  Arabe  ,  &  dans  cette  langue 
il  lignifie  prince  ;  il  eft  formé  de  amar  , 
qui  eft  originairement  Hébreu  ,  &  qui 
dans  les  deux  langues  fignifie  dire  &  com- 
mander. Voytt  Amiral. 

Les  émirs  font  en  grande  vénération , 
&  ont  feuls  le  droit  de  porter  un  turban 
verd.  Il  y  a  fur  les  côtes  de  la  Terre-fainte , 
des  émirs  qui  font  des  princes  fouverains  , 
comme  Vernir  de  Gaza ,  M  émir  de  Terabée , 
fur  lefquels  le  grand-feigneur  n'a  que  peu 
d'autorité. 

Ce  titre  ne  le  donnoit  d'abord  qu'aux 
califes.  On  les  appelloit  aufli  en  Perfe  émir 
\adeh ,  fils  du  prince  ;  &  par  abréviation 
ai  émir  on  fit  mît ,  &  d'émir  ^adeh,  mir^a. 
Voye\  CALIFE.  Dans  la  fuite ,  les  califes 
ayant  pris  le  titre  de  fulcan  ,  celui  d'émir 
demeura  à  leurs  enfans ,  comme  celui  de 
céfar  chez  les  Romains.  Ce  titre  à! émir , 
par  fucceilion  de  temps  ,  a  été  donné  à  tous 
ceux  qui  font  cenfés  defcendre  de  Mahomet 
par  fa  fille  Fatima  ,  &  qui  portent  le  turban 
verd.   Voye\  TURBAN. 

Ces  émirs  étoient  autrefois  uniquement 
deftinés  au  miniftere  de  la  religion ,  & 
l'état  l«ur  payoit  une  penlion  annuelle  ; 
aujourd'hui  on  les  voit  répandus  dans  tous 
les  emplois  de  l'empire  ;  aucun  magiftrat  , 
par  refped  pour  le  fang  de  Mahomet, 
n'oferoit  les  punir.  Ce  privilège  eft  réfervé 
à  Vémir  bachi ,  leur  chef,  qui  a  fous  lui 
des  officiers  &  dts  fergens ,  avec  pouvoir 
de  vie  &  de  mort  fur  ceux  qui  lui  font 
fournis  ;  mais  pour  l'honneur  du  corps  ,  il 
ne  fait  jamais  punir  les  coupables  ni  exé- 
cuter les  criminels  en  public.  Leur  def- 
eendance  de  la  fille  de  Mahomet  eft  une 


E  M  I 

chofe  fi  incertaine,  que  la  plupart  des 
Turcs  même  ne  font  pas  fort  crédules 
fur  cet  article ,  &  battent  fouvent  les 
vénérables  enfans  du  prophète  ,  en  pre- 
nant toutefois  la  précaution  de  leur  ôter 
le  turban  verd  ,  &  de  le  pofer  à  terre 
avant  que  de  les  frapper;  mais  un  chré- 
tien qui  les  auroit  maltraités  feroit  brûlé 
vif.. 

Emir  eft  aufli  un  titre  y  qui  ,  joint  à 
quelqu'autre  mot ,  déligne  fouvent  quel- 
que charge  ou  emploi ,  comme  émir  al 
ornera  y  le  commandant  des  commandans. 
C'étoitdu  temps  des  califes  le  chef  de  leurs 
conlèils  &  de  leurs  armées. 

Les  Turcs  donnent  aufli  ce  nom  à  tous 
les  vilirs  ou  bâchas  des  provinces  ;  (  ioye% 
BACHA  ,  &c.  )  ajoutez  à  cela  que  Vernir 
akhor ,  vulgairement  imrahor ,  eft  grand- 
écuyer  du  grand-feigneur. 

JJémir  alem  ,  vulgairement  miralem  , 
porte-enfeigne  de  l'empire ,  eft  directeur 
de  tous  les  intendans,  &  fait  porter  de- 
vant lui  une  cornette  mi-partie  de  blanc  & 
de  verd. 

Émir.  ba\ar  eft  le  prévôt  qui  a  l'inten- 
dance fur  les  marchés  ,  qui  règle  le  prix 
des  denrées. 

Ylémirhadge,  prince  ou  condu&eur  des 
pèlerins  de  la  Mecque ,  eft  ordinairement 
bâcha  de  Jérufalem. 

È 'mir  al  moftemin ,  ou  émir  al  moumenin9 
c'eft-à-dire ,  le  commandant  des  fidèles  ou 
des  croyans  ;  c'eft  un  titre  qu'ont  pris  les 
Almoravides  &  les  Almohades  qui  ont 
régné  en  Afrique  &  en  Efpagne.  Diciionn. 
de  Trév.  ,  Moréry  &  Chambers.  (G) 

ÉMISSAIRE ,  f.  m.  (  Hift.  mod.  )  per- 
fonne  de  confiance ,  adroite  &  capable  , 
qu'on  envoie  fourdement  pour  fonder  les 
fentimens  ou  les  defTeins  d'autrui ,  ou  lui 
faire  quelque  propofition  pu  ouverture , 
femer  des  bruits  ,  épier  les  actions  6c 
la  contenance  d'un  ennemi,  d'un  parti 
contraire ,  pour  tirer  avantage  de  tout 
cela. 

Ce  mot  eft  formé  du  latin  e  ,  &  mitto  y 
qui  fignifie  f  envoie  dehors. 

Les  chefs  de  partis  ont  plufieurs  émif-. 
/aires  qui  s'emploient  pour  leurs  intérêts  , 
qui  leur  rapportent  tout  ce  qui  fe  pafîc 
dans    le  monde ,   pour   prendre  là-deifus 

leursk 


E  M  I 

leurs  mefures  ;  en  conféquence  on  dît  que 
le  pape  Se  le  prérendant  ont  leurs  émijfaires 
en  Angleterre.  Voye^  le  Diclionn.  de  Trév. 
Se  Chambers.  (G) 

EMISSION  ,  f.  f.  on  appelle  ainfi  ,  en 
Phyjique  ,  l'action  par  laquelle  un  corps 
lance  ou  fait  fbrtir  hors  de  lui  des  cor- 
pufcules.  Voye^  Emanation  ,  Exhalai- 
son ,  ùc. 

C'eft  une  grande  queftion  que  de  favoir 
fî  la  lumière  fe  fait  par  prejjîon  ou  par 
émijjion  ,  c'eft-à-dire ,  fi  elle  le  communi- 
que à  nos  yeux  par  l'action  du  corps 
lumineux  fur  un  fluide  environnant  ,  ou 
par  des  corpufcules  qui  s'élancent  du  corps 
lumineux  jufqu'à  l'organe.  En  attendant 
que  nous  traitions  cette  queftion  plus  en 
détail  au  mot  Lumière  ,  nous  croyons 
devoir  faire  ici  quelques  réflexions  fur  une 
preuve  que  des  philofophes  modernes  ont 
crue  très-favorable  au  fyftême  de  Y  émijjion. 
Les  obfervations  de  Roè'mer  ,  difent-ils , 
fur  les  éclipfes  des  fatellites  (  voye^  Satel- 
lite &  Lumière)  ,  prouvent  que  la  lu- 
mière ,  foit  par  prefïion  ,  foit  par  émijfion  , 
vient  du  foleil  à  nous  en  huit  minutes  Se 
demie  ;  les  obfervations  de  l'aberration 
prouvent  que  la  vîteflè ,  foit  actuelle ,  foit 
de  tendance  ,  que  les  corpufcules  de  la 
lumière  ou  de  l'éther  ont  en  parvenant  à 
nos  yeux  ,  eft  précifément  celle  qu'il  leur 
faut  pour  parcourir  en  huit  minutes  Se 
demie  la  diftance  du  foleil  à  nos  yeux  : 
n'eft-il  donc  pas  bien  vraifemblable  qu'en 
effet  les  corpufcules  lumineux  viennent  du 
foleil  à  nous  par  un  mouvement  de  tranf- 
port  ?  Voyelles  mém.  de  Vacad.  IJ29- 

Pour  apprécier  le  degré  de  force  de  ce 
raifbnnement ,  j'ai  confidéré  une  fuite  de 
petites  boules  élaftiques  égales  ,  rangées  en 
ligne  droite  ,  Se  j'ai  comparé  le  temps 
-qu'une  de  ces  boules  mettroit  à  parcourir 
un  efpace  donné  >  avec  le  temps  qu'il  fau- 
drait pour  que  le  mouvement  de  la  pre- 
mière boule  fe  communiquât  à  la  dernière. 
Prenons  d'abord  deux  boules  égales  Se  à 
reflbrt  ,  dont  le  diamètre  foit  d ,  Se  dont 
l'une  foit  en  repos  Se  foit  choquée  par 
l'autre  avec  la  vîteflè  V.  Soit  a  l'efpace 
qui  eft  entre  l'extrémité  antérieure  de  la 
boule  choquante  Se  l'extrémité  poftérieure 
de  la  boule  choquée  5  V  étant  la  vîteflè 
Tome  XII. 


E   M  I  141 

de  la  boule  choquante  ,  il  eft  vifîble  , 
i°.  que  l'extrémité  antérieure  de  cette  boule 

parcourra  l'efpace  a  dans  le  temps^r }  5^ 

qu'alors  elle  atteindra  l'autre  boule;  i°.dans 
ce  moment  ,  comme  on  le  prouvera  à 
V  article  Percussion,  l'extrémité  anté- 
rieure de  la  boule  choquante  ,  Se  l'extré- 
mité poftérieure  de  la  boule  choquée ,  qui 
forment  le  point  de  contact,  fur  lequel  fc 
fait  la  compreflîon  ,  auront  la  vîtefle  com- 

«nune  -  ;  c'eft-a-dire ,  que  1  une  qui  avoit 
la  vîteflè  V ',  perdra  la  vîteflè  —,  Se  que 
l'autre  qui  étoit  en  repos  recevra  la  vî- 
teflè —  ;  Se  Ci  l'on  nomme  x  l'efpace  que  le 

point  de  contact  parcourt  pendant  que  le 
reflbrt  fe  bande  Se  débande  ,  le  point  de 
contact   parcourra  cet    efpace    x   avec  la. 

vîteflè  —  pendant  le  temps  -y.  Alors  la  pre- 
mière boule  refte  en  repos  ,  Se  l'extrémité 
antérieure  de  la  boule  choquée  parcourt  un 
efpace  quelconque  c  avec  la  vîteflè  F  dans 
le  temps  — •   L'efpace  qui  fe  trouve  alors 

entre  le  lieu  qu'occupoit  avant  le  choc 
l'extrémité  antérieure  de  la  boule  cho- 
quante ,  Se  le  lieu  qu'occupe  actuellement 
l'extrémité  antérieure  de  la  choquée  ,  eft: 
évidemment  égal  àa-\-  x  -f-  c  -+-  d  ;  or  , 
l'extrémité  antérieure  de  la  boule  cho- 
quante ,  fî  elle  n'eût  point  rencontré  d'obf- 
tacle  ,  auroit  parcouru  cet  efpace  dans  un 
temps  égal  à  *   *  y — .    Donc   en   fuppo- 

fant  feulement  deux  boules  ,  la  différence 
du  temps  par  émijjion  ou  tranfport  ,   Se  du 


temps    par 


prefli 


ion 


:ft  =  * 


d-x 


S'il 


a  trois  boules ,  cette  différence  fera  —21  • 

V 

Se  ainfî  de  fuite  ;  Se  fi  le  nombre  n  des 
boules  eft  très-confidérable ,  elle  fera  fèn- 
fiblement  =  —   "■*.  Donc  le  premier  tem.ps 

fera  égal ,  plus  grand ,  ou  plus  court  que 
le  fécond ,  félon  que  d  fera  égal  ,  plus 
grand  ou  plus  petit  que  x  ,  c'eft-à-dire  , 
félon  que  le  diamètre  d'une  des  boules 
fera  égal  ,  plus  grand  ou  plus  petit  que 
l'efpace  parcouru  par  le  point  de  contact 
durant  le  bandement  Se  le  débandemenc 
du  reflbrt.  Il  n'y  a  donc  qu'un  cas  pouc 

Hh 


241  ;E  M  I 

l'égalité  des  deux  temps  ,  Se  une  infinité 
pour  leur  inégalité  :  c'eft  pourquoi  la 
preuve  alléguée  ci-defïus  a  de  la  force; 
mais  elle  n'eft  pas  rigoureufement  démonf- 
trative. 

Quoique  la  lumière  ,  fi  elle  fe  propage 
par  prefiîon  ,  ne  fe  propage  peut-être  pas 
exactement  de  la  même  manière  que  le 
mouvement  ou  la  tendance  au  mouve- 
ment dans  une  fuite  de  boules  élaftiques  , 
j'ai  cru  que  la  théorie  précédente  pouvoit 
fervir  au  moins  à  nous  éclairer  jufqu'à 
un  certain  point  fur  la  queftion  pro- 
pose. 

Il  eft  bon  de  remarquer  au  refte  ,  pour 
prévenir  toute  difficulté  fur  ce  fujet,  que 
l'accord  de  la  théorie  de  l'aberration  avec 
le  fyftême  de  Vémijfîcn  de  la  lumière  3  ne 
fuppofe  pas  qu'on  connoife  la  vraie  dif- 
tance  de  la  terre  au  foleil  ;  il  fuppofe  feu- 
lement qu'un  arc  de  ic"  dans  l'orbite  ter- 
reftre  foit  parcouru  par  la  terre  en  8'  ^  , 
ce  qui  eft  vrai.  Voyc{  Aberration  ,  &  les 
injlituî.  aflron.  .  pog.^A,  £' $01 .  (O) 

Emission  (Ph^fiol.)  eft  un  terme  em- 
ployé pour  exprimer  le  ientiment  de  Pytha- 
gore  &  de  fes  fectateurs  fur  la  vifion  ;  ils 
irrflginoient  qu'il  fort  des  objets  certaines 
eipees  vifibles,  qui  font  fo  t  grandes  lorf- 
qu'elles  font  encore  proches  de  ces  objets  , 
ma  s  qui  deviennent  plus  ped  es  lorfqu'elles 
s'en  éloignent  davantage ,  jufqu'à  ce  qu'elles 
foient  enfin  réduites  à  une  telle  petitefle  , 
qu'elles  puiflènt  entrer  dans  l'œil  ,  &  fe 
fa:re  alors  appercevoir  *  l'ame.  L'action  pr?r 
laquelle  ces  e'peces  fortent  des  objets ,  eft  ce 
que  ces  phiîo'ophes appellent  émijfion.  C'eft 
dans  le  m?me  lens  que  les  Platoniciens  fe 
fervent  aulîi  de  ce  terme,  pour  exprimer 
l'action  p-ir  laquelle  ils  prétendoient  qu'il 
fort  de  l'objet  &  de  l'œil  certains  écou- 
le mens,  qui  fe  rencontrent  &  s'embraf- 
fent  les  un*  les  autres  à  mi  -  chemin  ,  d'où 
ils  retournent  enfuite  dans  l'œil ,  &  por- 
tent par-là  ,  dans  notre  ame  ,  l'idée  des 
objets. 

Si  ces  fentirnens  étoient  fondés  ,  ne  de- 
vrions-nous pas  appercevoir  dans  l'obfcu- 
rité  les  objets,  de  la  même  manière  que 
r.ous  les  voyons  lorfqu'ils  font  expofés  à  la 
lumière?  Mais  on  voudrait  bien  favoir  quelle  j 
eft  la  nature  de  ces  efpeces ,  ou  de  ces  écou-  I 


E  M  I 

terriens  prétendus;  comment  ils  fortent  de 
l'objet ,  ou  de  l'œil  ,  ou  de  tous  les  deux 
enfemble  ;  quelle  eft  la  caufe  de  VémiJJJon 
qui  s'en  fait ,  &  par  qui  ils  font  produits. 
Muflch.  ejfai  de  phyfique.  Voye^  Espè- 
ces, (d) 

Emission  de  vœux  (  Jurifpr.  )  eft  la 
profeffion  que  fait  le  novice  ,  &  l'enga- 
gement qu'il  contracte  folemnellement 
d'obferver  la  règle  de  l'ordre  régulier 
dans  lequel  il  entre.  La  mort  civile  du 
religieux  profes  fe  compte  du  jour  de  IV- 
miffwn  de  fes  vœux  ,  de  même  que  les  cinq 
ans  dans  lefquels  il  peut  réclamer  contre 
fes  vœux  ,  lorfque  fa  profeifion  n'a  pas  été 
libre.   Voye7^  Profession  ,  Religieux  , 

RÉCLAMATION   ,  V(EUX.  {A) 

EMISSOLE  ,  f.f.  (  Hijï  nat.  Ichtkiol.  ) 
galeus  lœvis  ,  poiflbn  du  genre  des  chiens 
de  mer.  Il  n'a  point  d'aiguillons  comme 
celui  qui  eft  appelle  aiguillât ,  ÔC  qui  a  été 
décrit  fous  le  nom  de  chien  de  mer.  Voye-i 
Chien  de  mer,  Uémijfole  a  le  mufeau 
plus  long  ôc  plus  large  que  l'aiguillât ,  ÔC 
l'ouverture  de  la  bouche  plus  étroite.  Ce 
poiflon  eft  de  couleur  cendrée  ;  il  n'a  point 
de  dents,  mais  les  mâchoires  font  rudes. 
Il  a  des  trous  au  devant  de  la  bouche  à 
la  place  des  narines  ,  &  d'autres  plus  petits 
derrière  les  yeux.  Il  reflemble  à  l'aiguillât 
par  les  ouies  ,  les  nageoires ,  ôc  les  parties 
intérieures  ;  mais  il  en  diffère  par  la  queue 
qui  eft  compofée  de  trois  nageoires.  Ron- 
delet, XIII liv.  des  poiffons.  Koye^PoiSSON. 

U) 

EMITES  ,  (  Hijl.  nat.  Lytholog.  )  c'eft 
une  pierre  qui  eft  de  la  couleur  de  l'ivoire, 
&  qui  reftemble  au  marbre  blanc  ,  fînoa 
qu'elle  n'eft  point  fi  dure.  Boè'ce  de  Boot 
conjecture  que  c'étoit  une  efpece  d'albâtre. 
Voye[  Boetius  de  Boot  ,  de  lapidibus  & 
gemmis. 

*  EMITHÉE  ,  f.  f.  (Myt/i.)  divinité  de 
Caftabara  ,  ville  de  Cari.  On  prétendoit 
que  les  malades  qui  s'endormoient  dans 
(on  temple  ,  s'étoient  fouvent  réveillés 
guéris  de  leurs  maux  ;  d'où  l'on  peut  con- 
jecturer que  c'étoit  un  de  ceux  de  la 
Grèce  que  l'on  fréquentoit  le  plus  ,  auquel 
on  faifoit  le  plus  de  préfens  ,  Se  où  l'on  cé- 
lébrait le  plus  de  facrifices.  Emithée 
foulageoit  auffi  les  femmes  enceintes  qui 


E  M  M 

l'invoquoient  dans  les  douleurs  de  l'enfan- 
tement ;  elle  étoit  en  fi  grande  vénération , 
que  les  richefles  dont  Tes  autels  étoient 
chargés  ne  furent  point  pillées  ,  quoi- 
qu'elles ne  Aillent  gardées  ni  par  des 
murailles  ,  ni  par  des  hommes.  Cette  demi- 
déellè  (*)  la  feule  dont  il  foit  fait  mention 
fut  refpectée  des  brigands  ôc  des  vainqueurs , 
pour  qui  les  autres  temples  de  la  Grèce 
ne  furent  pas  également  facrés.  Je  ne  fuis 
pas  trop  étom*i  de  cette  diftin&ion  ;  les 
portes  qui  ferment  un  temple  ,  les  gardes 
qui  veillent  autour  ,  Se  les  murs  qui  en 
empêchent  l'approche  ,  femblent  annoncer 
que  la  divinité  qui  y  préfîde  a  befoin  de 
la  protection  des  hommes  ;  ce  qui  ne 
porte  pas  à  redouter  fa  puilTance.  Il  n'en 
eft  pas  ainil  de  celle  dont  rien  d'humain 
ne  garantit  les  autels  des  in  fuites  de  la 
méchanceté  ;  il  femble  qu'elle  fe  foit  char- 
gée elle-même  de  les  défendre. 

EMMAILLONNÉ  ,   (  Rubann.  )  Voye{ 
Lissas  &  Maillons. 

EMMAILLOTTER  ,  terme  de  fage- 
femme  &  de  nourrice  s  c'eft  envelopper  un 
enfant  de  langes  par  plulieurs  couches  cir- 
culaires j  pour  préferver  fon  corps  délicat 
des  injures  de  l'air,  ôc  le  tenir  dans  une 
pofition  fixe  ,  qu'on  croit  nécefîaire  à  (on 
bien-être  ôc  à  la  confervation  de  fes  jours. 
Cette  méthode  eft  en  ufage  chez  la  plu- 
part des  peuples  de  l'Europe  :  nous  verrons 
bientôt  ce  qu'il  faut  en  penfer. 

A  peine  l'enfant  eft-il  forti  du  fein  de 
fa  mère ,  dit  l'auteur  de  l'hiftoire  natu- 
relle de  l'homme  (  tome  II  ,  page  457  , 
édition  in-40 .  )  à  peine  l'enfant  jouit-il 
de  la  liberté  de  mouvoir  Se  d'étendre  fes 
membres  ,  qu'on  lui  donne  de  nouveaux 
liens  ;  on  Yemmaillotte  ,  on  le  couche  la 
tête  fixe  ôc  les  jambes  alongées ,  les  bras 
pendans  à  côté  du  corps  ;  il  eft  entouré 
de  linges  ôc  de  bandages  de  toute  efpece  , 
qui  ne  fauroient  lui  permettre  de  chan- 
ger de  fituation  ;  heureux  li  on  ne  l'a 
pas  ferré  au  point  de  l'empêcher  de  ref- 
pirer  ,  ôc  il  on  a  eu  la  précaution  de  le 
coucher  fur  le  côté  ,  afin  que  les  eaux 
-qu'il  doit  rendre  par  la  bouche  puifïènt  tom- 
ber d'elles-mêmes ,   car  il  n'aurait  pas  la 


E  M  M  143 

liberté  de  tourner  la  tête  fur  le  côté  pour 
en  faciliter  l'écoulement  ! 

Les  Siamois  ,  les  Japonois  ,  les  Indiens , 
les  Nègres  ,  les  fauvages  du  Canada  , 
ceux  de  Virginie  ,  du  Brefil  ,  ôc  la  plu- 
part des  peuples  de  la  partie  méridionale 
de  l'Amérique  couchent  les  enfans  nus 
fur  des  lits  de  coton  fufpendus  ,  ou  les 
mettent  dans  des  efpeces  de  berceaux  cou- 
verts ôc  garnis  de  pelleteries  ;  ils  fe  conten- 
tent de  couvrir  ôc  de  vêtir  ainfl  leurs  en- 
fans  fans  les  emmaillotter .  Je  ne  déciderai 
point  fi  leur  ufage  conviendrait  également 
aux  nations  Européennes  ;  je  crois  feulement 
qu'il  a  moins  d'inconvéniens  que  le  nôtre , 
qu'il  eft  plus  fîmple  >  plus  judicieux,  &plus 
raisonnable  :  j'ajoute  que  les  peuples  qui  le 
fuivent  s'en  trouvent  très  bien ,  ôc  qu'en 
général  la  nature  réufîit  mieux  dans  cette 
occailon  ,  que  toutes  nos  fages-femmes  6c 
nos  nourrices. 

En  effet  ,  notre  méthode  à* emmaillotter 
a  de  grands  inconvéniens  ,  ôc  plulieurs  dé- 
favantages.  i°.  On  ne  peut  guère  éviter 
en  emmaillottant  les  enfans  ,  de  les  gêner 
au  point  de  leur  faire  relîentir  quelque 
douleur.  Les  efforts  qu'ils  font  pour  fe 
débarraflèr  ,  font  alors  plus  capables  de 
corrompre  l'aflemblage  de  leur  corps  , 
que  les  mauvaifes  fltuations  où  ils  pour- 
raient fe  mettre  eux-mêmes  s'ils  étoient 
en  liberté.  Les  bandages  du  maillot  peu- 
vent être  comparés  aux  corps  de  baleine 
que  l'on  fait  porter  aux  filles  dans  leur 
jeunefle  :  cette  efpece  de  cuiraflè  ,  ce  vête- 
ment incommode  qu'on  a  imaginé  pour 
foutenir  la  taille  ôc  l'empêcher  de  fe  défor- 
mer ,  caufe  cependant  plus  d'incommodi- 
tés ôc  de  difformités  ,  qu'il  n'en  prévient  : 
'.  orme  remarque  de  MM.  Winflou  ôc  de 
iiuffon. 

2°.  Si  le  mouvement  que  les  enfans 
veulent  fe  donner  dans  le  maillot  peut 
leur  être  funefte  ,  l'inaction  dans  laquelle 
cet  état  les  retient ,  peut  aufïî  leur  être 
nuifible.  Le  défaut  d'exercice  eft  capable 
de  retarder  l'accroifîement  des  membres  , 
ôc  de  diminuer  les  forces  du  corps.  Ainfl 
les  enfans  qui  ont  la  liberté  de  mouvoir 
leurs  membres  à  leur  gré  ,   doivent   être 


(*)  Emithée  ,  écant  un  mot  Grec  qui  fignifie  derni-déefïe  ,  deyrpit  s'écrire  Hémiïhée  ;    mais 
l'ufage.  eft  le  législateur  des  Langues  :  quem  pênes  arbitrium  ,  &c, 

Hhi 


244 


E  M   M 


plus  forts  que  ceux  qui  font  emmaiUottSs  : 
c'eft  pour  cette  raifon  que  les  Péruviens 
laiffoient  les  bras  libres  aux  enfans  dans 
un  maillot  fort  large  j  lorfqu'ils  les  en 
tiroient  ,  ils  les  mettoient  dans  un  trou 
fait  en  terre  ôc  garni  de  quelque  chofe  de 
doux  ,  dans'lequel  trou  ils  les  defcendoient 
jufqu'à  la  moitié  du  corps  :  de  cette  façon 
ils  avoient  les  bras  en  liberté  ,'  ôc  ils  pou- 
voient  mouvoir  leur  tête  ôc  fléchir  leur 
corps  à  leur  gré  ,  fans  tomber  ôc  fans  fe 
bleirer. 

3°.  La  poiition  naturelle  des  épaules , 
des  bras  ôc  des  mains  d'un  enfant  qu'on 
emmaillottt  y  celle  des  pies  ,  des  jambes 
&  des  genoux  ,  fe  dérange  très-fbuvent , 
parce  que  l'enfant  ne  celle  de  remuer  ; 
de  forte  que  quelque  attention  que  les 
nourrices  aient  de  bien  placer  ôc  de  bien 
contenir  ces  parties  ,  il  peut  arriver  ,  5c  il 
n'arrivé  que  trop  fouvent  que  les  pies  fe 
trouvent  l'un  fur  l'autre  ,  de  même  que  les 
jambes  &  les  genoux  :  alors  ces  membres 
étant  mal  pofés ,  on  les  ferre ,  on  les  bande 
dans  cette  pofîtion  ,  de  manière  que  la 
grande  compreiîion  que  l'on  fait  fur  des 
parties  encore  molles ,  tendres  ôc  délicates  , 
dérange  leur  ordre  ,  change  leur  figure  ôc 
leur  direction  ,  empêche  leur  extenfien 
naturelle,  &  par-là  donne  occafion  à  des 
difformités  qu'on  éviteroit  ,  fi  on  lailîoit  à 
la  nature  la  liberté  de  conduire  ôc  de  diri- 
ger elle-même  fbn  ouvrage  fans  peine  ôc 
fans  contrainte. 

4°.  Cette  compreflion  ,  forte  fur  des 
parties  fufceptibles  d'imprefïion  ôc  d'ac- 
croifïèment ,  telles  que  font  les  membres 
d'un  enfant  nouveau -né  ,  peut  caufer  plu- 
sieurs autres  accidens.  Des  embarras  dans 
les  vifeeres  ,  des  obftrudtions  dans  lA 
glandes  ,  des  engorgemens  dans  les  vaif- 
féaux  ,  font  fouvent  les  triftes  fuites  de 
cette  compreflion.  Combien  de  poitri- 
nes foibles  Se  d'eftomacs  débiles  ,  parce 
que  les  vaiffeaux  qui  diftribuent  les  liqueurs 
dans  ces  vifeeres ,  font  privés  de  leur  refïbrt 
pour  avoir  été  trop  comprimés  dans  le 
maillot  ! 

5°.  Les  enfans  nouveau  -nés,  comme  le 
remarque  encore  M.  de  BufFon  ,  dorment 
la  plus  grande  partie  du  jour  &  de  la 
nuit  dans  les  premiers  temps  de  leur  [\k , 


E  M  M 

ôc  fembîent  n'être  réveillés  que  par  la  dou- 
leur &c  par  la  faim  :  aufîl  les  plaintes  &C 
les  cris  fuccedent  prefque  toujours  à  leur 
fommeil.  Obligés  de  demeurer  dans  la 
même  fîtuation  ,  ôc  toujours  contraints 
par  les  entraves  du  maillot  ,  cette  fîtua- 
tion leur  devient  fatigante,  ôc  doulou- 
reufe  après  un  certain  temps  j  ils  font 
mouillés  ôc  fouvent  refroidis  par  leurs 
excrémens  ,  dont  Pâcreté  offenfe  leur  peau 
qui  eft  fine  ôc  délicate  ,  ôc  par  conséquent 
très-fenfïble.  Dans  cet  état  les  enfans  ne 
font  que  des  efforts  impuilfans  ;  ils  n'ont , 
dans  leur  foiblefle  ,  que  l'exprefïïon  des 
gémiflémens ,  pour  demander  du  foula- 
gement  j  fi  on  les  abandonne  ,  fi  on  leur 
refufe  un  prompt  fecours ,  alors  ces  petits 
infortunés  entrent  dans  une  forte  de  défef- 
poir ,  ils  font  tous  les  efforts  dont  ils  .'ont 
capables ,  ils  pouffent  des  cris  qui  durent 
autant  que  leurs  forces  ;  enfin  ,  ces  excès 
leur  cauient  des  maladies ,  ou  du  moins 
les  mettent  dans  un  état  de  fatigue  ôc  d'a- 
battement ,  qui  dérange  leur  conftitu- 
tion  ,  ôc  qui  peut  même  influer  fur  leur 
cara&ere. 

C'eft  un  bonheur  quand  la  nourrice  eft 
afïez  tendre  ôc  allez  active  pour  fecourir 
un  peu  fréquemment  l'enfant  gémiflant 
confié  à  fes  foins  ;  mais  le  nombre  ôc  la 
longueur  des  bandages  ,  la  peine  que 
trouve  cette  nourrice  à  défaire  ôc  à  re- 
mettre perpétuellement  ces  bandes  ,  l'emi 
pêche  de  vifiter ,  de  remuer  ,  de  changer 
ce  malheureux  enfant  aufîî  fouvent  que  le 
befbin  l'exige  ;  devenue  par  l'habitude 
infenfible  à  fes  cris,  elle  le  laillè  long- 
temps dans  fes  ordures  ,  ôc  fe  contente  de 
le  bercer  pour  l'endormir.  En  un  mot ,  il 
n'y  a  que  la  tendreflè  maternelle  qui  fbit 
capable  de  cette  vigilance  continuelle  ,  ôc 
de  ces  fortes  d'attentions  ,  qui  font  ici 
fi  nécefïàires  :  peut- on  l'elpérer  dans  les 
villes  ôc  dans  les  campagnes  ,  de  nourrices 
grofïieres  ôc  mercenaires  ,  qui  prennent  à 
l'enfant  un  médiocre  intérêt  ?. peut-on  même 
s'en  flatter  toujours  dans  fa  maifon  Ôc  dans 
fbn  domeftique? 

Il  faudrait  donc  prévenir  férieufement 
les  accidens  que  je  viens  de  détailler  ,  en 
tâchant  de  fuppléer  au  maillot  par  de 
meilleures  refïburces  j  ôc  ce  n'eft  pas  uue 


E  M  M 

chofe  indifférente  à  la  fociété ,  qu'une 
recherche  de  cette  efpece  :  en  attendant 
qu'un  digne  citoyen  s'y  dévoue ,  indiquons 
au  moins  quelques  figes  précautions  qu'on 
doit  fuivre  dans  la  méthode  ordinaire  de 
Yemmaillottement. 

Pour  bien  emmaillotter  un  enfant  ,  il 
convient  d'abord  de  lui  coucher  le  corps 
en  ligne  directe  ,  puis  lui  étendre  égale- 
ment les  bras  ôc  les  jambes  ,  enfuite  tour- 
ner autour  du  corps  les  langes  ôc  les  ban- 
des en  petit  nombre  fans  les  trop  tirer , 
car  il  faut  qu'elles  ne  faffent  que  conte- 
nir fimplement  ce  qu'elles  environnent  , 
fur- tout  la  poitrine  8c  l'eftomac  qui  doi- 
vent être  à  leur  aife.  Souvent  les  vomiffe- 
mens  ôc  la  difficulté  de  refpirer  des  en- 
fans  ,  viennent  de  ce  que  dans  le  maillot 
on  leur  ferre  trop  la  région  de  ces  deux 
vifceres  ;  il  eft  difficile  pour  lors  que  les 
vomiffemens  ne  fuccedent  ,  parce  que  le 
foie ,  proportionnellement  plus  grand  dans 
les  enfans  que  dans  les  adultes  ,  étant 
comprimé  ,  prefïe  le  fond  de  l'eftomac  , 
&  en  produit  le  renverfement  convulfif  ; 
il  eft  difficile  aufïi  que  les  poumons  s'é- 
tendent convenablement  pour  la  refpira- 
tion. 

Quand  on  emmaillotte  un  enfant ,  il  eft 
bon  de  tourner  chaque  jour  les  bandes 
d'une  manière  différente  de  celle  dont  on 
les  a  tournées  le  jour  précédent ,  c'eft-à- 
dire  ,  les  tourner  un  jour  de  droite  à  gau- 
che ,  ôc  l'autre  jour  de  gauche  à  droite, 
afin  d'éviter  dans  la  taille  &c  dans  les  extré- 
mités une  conformation  vicieufe. 

Je  confeille  encore  beaucoup  d'avoir 
fbin  de  placer  les  membres  d'un  enfant 
dans  une  fituation  droite  à  chaque  tour  de 
bande  ,  pour  éviter  les  inconvéniens  qui 
réfulreroient  d'une  faufle  pofition  ;  incon- 
véniens qui  peuvent  influer  fur  fa  fanté , 
ôc  qui  influent  certainement  fur  la  con- 
formation du  corps.  Plufieurs  enfans  ne 
font  fbuvent  cagneux  ,  &  n'ont  les  pies 
en  dedans  ,  que  par  la  mal-façon  de  Yem- 
maillottement.  Par  exemple  ,  les  nourrices 
en  emmaillottant  les  enfans  ,  leur  fixent 
d'ordinaire  les  pies  pointe  contre  pointe  , 
au  lieu  de  les  fixer  plutôt  talon  contre 
talon  ,  comme  elles  pourraient  faire  aifé- 
ment  par  le  moyen  d'un  petit  couffin, 


E  M  M  245 

engagé  entre  les  deux  pies  de  Penfant ,  ôc 
figuré  en  forme  de  cœur  ,  dont  la  pointe 
feroit  mife  entre  les  deux  talons  de  l'enfant , 
ôc  la  bafe  entre  les  deux  extrémités  des 
pies. 

Il  eft  auflî  très-effentiel  de  changer  fou- 
vent  les  bandes  ôc  les  langes  ,  pour  éviter 
la  mal-propreté  ,  ôc  conferver  à  l'enfant  fa 
gaieté  ôc  fa  fanté.  La  longueur  des  langes , 
ôc  la  multiplicité  de  leurs  tours  ,  eft  une 
méthode  qui  entraîne  plufieurs  inconvé- 
niens ,  ôc  ne  produit  aucun  avantage  :  on 
ne  fauroit  trop  fimplifier  une  opération 
dont  l'exécution  doit  être  répétée  perpé- 
tuellement nuit  ôc  jour ,  en  tous  lieux  ,  ôc 
par  toutes  fortes  de  mains. 

Enfin  ,  quand  l'enfant  eft  emmaillotte 
avec  le  foin  ôc  les  réferves  que  nous  venons 
d'indiquer  ,  il  y  a  deux  précautions  princi- 
pales à  avoir  ;  l'une  ,  îorfqu'on  le  pofe 
dans  le  berceau  ;  ôc  l'autre  ,  Iorfqu'on  le 
tient  entre  les  bras.  La  première  précaution 
eft  de  le  coucher  de  manière  que  fon  corps 
ne  porte  point  à  faux  ■■>  fans  cela  on  expofè 
la  taille  de  l'enfant  à  contracter  quelque 
bofle.  La  féconde  eft  de  le  porter  tantôt  fur 
un  bras  ,  tantôt  fur  l'autre  ,  de  peur  qu'é- 
tant toujours  porté  fur  un  même  bras ,  il 
ne  fe  penche  toujours  d'un  même  côté  ; 
ce  qui  peut  lui  rendre  la  taille  de  travers. 
Je  ne  dis  rien  ici  que  de  fïmple  ôc  de  fa- 
cile à  concevoir ,  mais  je  parle  de  chofes 
utiles  ôc  qui  intéreffent  tout  le  monde. 
Article  de  M.  le  chevalier  DE  J  AU- 
COURT. 

Emmanché  ,  adj.  {An.  méch.  )  il  fe 

dit  en  général  de  tout  ce  qui  a  un  manche 
ou  une  poignée  amovible.  Voye^  Manche 
&  Poignée. 

Emmanche  ,  terme  de  Blafon  ;  il  fè  dit 
des  haches ,  des  faux  ,  des  marteaux ,  ôc 
des  autres  chofes  qui  ont  un  manche. 

Faouc  en  Normandie  ,  d'azur  à  trois 
faux  d'argent  emmanchées  d'or. 

EMMANCHURE  }  C.  f.  (  terme  de 
tailleur  &  de  couturière.  )  c'eft  l'ouverture 
d'un  habit  ,  d'un  corps  ,  d'une  robe  mé- 
nagée de  chaque  côté  pour  recevoir  la 
manche.  Attacher  une  manche  à  fon  em- 
manchure. On  donne  encore  le  nom  d'em- 
manchure à  la  partie  échancrée  du  haut  du 
derrière  d'une  robe ,  d'un  corps  ôc  d  un  habit, 


14.6  E  M   M 

à   laquelle  Pépaulette   doit  être  attachée.  1 
Voye^  Tailleur  &  Couturière. 

EMMANNEQUINER  ,  v.  acl:.  (  fard.  ) 
c'e«ft  renfermer  les  racines  d'un  végétal  dans 
un  mannequin  fait  exprès  de  ramilles  de 
faule  8c  d'ofier ,  pour  en  conferver  la  motte 
de  terre  ,  &c  la  tranfporter  à  l'endroit  où 
on  a  deflèin  de  le  planter.  (  K  ) 

*  EMMANUEL  ,  (  HrJI.  fainte.  )  terme 
Hébreu  qui  flgnifie  Dieu  avec  nous.  Dans 
la  prophétie  où  Ifaïe  annonce  à  Achaz  la 
naiffance  du  Mefïie  d'une  mère  vierge  ,  il 
eft  dit  que  cet  enfant  s'appellera  &c  fera 
réellement  Emmanuel  ;  &c  faint  Matthieu 
montre  l'accompliflèment  de  cette  prophétie 
en  Jefus-Chrift ,  qui ,  par  la  réunion  de  la 
nature  divine  avec  la  nature  humaine  ,  fut , 
s'il  eft  permis  de  s'exprimer  ainfî  en 
François  ,  Dieu  avec  nous. 

EMMARINER  un  vaisseau  ,  (  Ma- 
rine. )  c'eft  le  garnir  de  monde  ,  de  le  mettre 
en  état  de  naviguer. 

Gens  emmarinés  fe  dit  de  ceux  qui  font 
faits  &  accoutumés  à  la  mer  ,  ôc  n'y  font 
plus  incommodés.  (  Z  ) 

EMMELE ,  adj.  Les  fons  emmêles  étoient, 
chez  les  Grecs  ,  ceux  de  la  voix  diftincte  , 
chantante  &  appréciable ,  qui  peuvent  don- 
ner une  mélodie.  (S) 

EMMELEY  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  du 
comté  de  Tipperari ,  Irlande. 

EMMELIE  ,  Cf.  (  Hift.  anc.)  danfe  " 
des  Grecs.  Un  des  fuivans  de  Bacchus,  dans 
fa  conquête  des  Indes  ,  l'inventa  &  Kii 
donna  Ion  nom  ;  elle  étoit  grave  &  férieufe. 
Telles  font  nos  farabandes  ,  nos  grands  airs 
de  caraclere  que  nous  appelions  danfes  no- 
bles &  terre- à-terre.  Bonnet  ,  hift.  de  la 
danfe.  L'emmelie  étoit  une  danfe  qui  s'exé- 
cutoit  dans  les  tragédies  anciennes  ,  &c  une 
forte  de  mélodie  dont  elles  étoient  accom- 
pagnées. C'étoit  la  feule  des  danfes  pacifi- 
ques à  laquelle  Platon  accordoit  fon  fuf- 
frage.  Voye^  Danse  &  Terme  de  Musi- 
que. (-B) 

EMMEN ,  (  Géog.)  deux  rivières  ou  plu- 
tôt deux  torrens  très-confidérablesen  Suiffe. 

La  grande  Emmen  fort  de  l'Entlibuch , 
canton  de  Lucerne  ,  entre  les  montagnes 
de  Rothorn ,  Schlatten  &c  Neffetftock  ; 
mais  elle  reçoit  beaucoup  de  ru  i  fléaux  dans 
le  canton   de   Berne.  Elle  parcourt   une 


E  M  M 

partie  des  bailliages  de  Signau ,  Trachfel- 
wald  ,  Brandis  ,  Berthoud  &c  Landshut , 
&c  fe  jette  enfin  dans  l'Aare  à  Biberifch  , 
dans  le  canton  de  Solcure.  Cette  rivière 
eft  très-remarquable  ,  tant  par  la  fingula- 
rité  de  fa  courfe ,  que  par  fes  productions. 
Ellecharie  de  For ,  fur-tout  dès  que  le  Gold- 
bach  s'y  jette  ;  &  on  a  beaucoup  de  mon- 
noies  frappées  de  l'or  qu'on  a  trouvé  dans 
fes  eaux.  On  "y  trouve  aufïi  des  mor- 
ceaux de  marbre  &c  de  jafpe  de  la  plus 
grande  beauté  ,  fur-tout  1  efpece  de  mar- 
bre nommé  verdello  ou  verd  antique.  On 
y  trouve  aufn*  le  variolite  ,  efpece  de  mar- 
bre verd  ,  &  des  dendrites  de  la  plus 
grande  finefle.  Ce  torrent  fait  fouvent  des 
ravages  affreux.  Voye^  le  diclionn.  univerf. 
desfojjiles. 

La  petite  Emmen  ou  la  Wald-Emmen  , 
n'arrofe  que  le  canton  de  Lucerne  feul  ; 
elle  fort  d'un  petit  iac  fur  une  montagne 
du  canton  d'Unterwalden ,  &  reçoit  dans 
celui  de  Lucerne  plufieurs  autres  ruiflèaux , 
fur-tout  la  WeiCs-Emmen  près  de  Cluftal- 
den  &c  des  ruines  du  château  de  Stollberg  ; 
elle  le  perd  dans  la  Rufs.  Elle  eft  très-poif- 
fonneufe  ,  ce  que  la  grande  Emmen  n'eft 
pas  ;  &c  elle  charie  pareillement  de  l'or ,  du- 
quel ,  ainfî  que  de  celui  qui  fe  tire  du  tor- 
rent qui  coule  à  Luthern ,  le  canton 
de  Lucerne  fait  frapper  tous  les  ans  quel- 
ques médailles.  (  H  ) 

EMMENAGOGUE  ,  adjed.  (  Médsc. 
Thérap.  mat.  méd.  )  fe  dit  d'un  remède 
de  la  claffe  des  évacuans  :  c'eft  une  épi- 
thete  employée  pour  défïgner  une  des 
trois  fortes  de  médicamens  du  genre  des 
utérins  ;  c'eft-à-dire  ,  de  ceux  qui  fervent 
à  exciter  ou  à  favorifer  les  trois  différen- 
tes exécretions  naturelles  de  la  matrice  ; 
favoir  3  celle  du  flux  menflruel ,  celle  qui 
eft  propre  à  procurer  la  fortie  -du  fétus  ,  Se 
celle  des  lochies  ou  vuidanges  après  1  accou- 
chement. 

Les  emménagogues  (ont  les  remèdes  qui 
regardent  fpécialement  la  première  de  ces 
trois  fortes  d'excrétions  :  on  appelle  ecèo- 
liques  ceux  dont  on  fe  fert  pour  la  féconde  ; 
&c  arifiolochiques  ,  ceux  qui  conviennent  à  la 
troifieme. 

Comme  ces  excrétions  s'opèrent  par  les 
mêmes  Yaifïeaux ,  &   ne  différent  entre 


E  M  M 

elles  que  par  les  circonftances  qui  les  dé- 
terminent ,  les  mêmes  médicamens  qui  peu- 
vent être  emménagogues  ,  peuvent  aufïi 
être  employés  comme  eeboliques ,  ou  comme 
ari/lolochiçues  ,  félon  les  différentes  circonf- 
tances où  ils  font  mis  en  ufage. 

Ainli  ,  pour  trouver  expliquée  la  ligni- 
fication particulière  de  ces  mots  compo- 
fés  ,  la  manière  d'agir  des  mé  licamens 
qu'ils  déiïgnent  ,  &  d'adminiftrer  ces 
médicamens;  pour  avoir  l'énumiration  de 
toutes  les  drogues  ,  tant  fimples  que  com- 
posées ,  qui  forment  ce  genre  de  remè- 
des ,  Voye[  le  mot  Utérin  ,  qui  eft  une 
qualification  commune  à  leurs  différentes 
efpeces  ,  fous  laquelle  il  piroit  conféquem- 
ment  convenable  de  renfermer  tout  ce  qu'il 
y  a  à  dire  au  fujet  de  ces  remèdes.  Voye^ 
aujfi  Flux  Menstruel  ,  Accouchement, 
Avortement ,  &  fur-tout  V article  princi- 
pal Médicament,  (d) 

EMMENALOGIE ,  f.  f.  (  Médecine.  ) 
Ce  terme  eft  Grec  ,  compofé  de  îy./xivizç  , 
menjlrua  ,  &  de  ao><k  ,  Jermo  ;  ainfi  il  eft 
employé  pour  lignifier  un  traité  des  menf- 
trues  ,  c'eft-à-dire  ,  de  l'écoulement  pério- 
dique des  femmes  :  le  plus  fameux  ouvrage 
connu  fous  ce  nom  ,  eft  celui  du  célè- 
bre Freind  ,  médecin  de  la  cour  de  Lon- 
dres, (d) 

EMMENDINGEN  ,  (  Géogr.  )  petite 
ville  d'Allemagne,  dans  le  cercle  du  Suabe  , 
&  dans  le  marquifat  de  Hocberg  ,  fur  la 
rivière  d'Elz.  Elle  eft  connue  par  le  bon 
vin  que  produit  fon  territoire  ,  Se  par  les 
conférences  que  les  catholiques  tinrent  dans 
fes  murs  .avec  les  luthériens,  Tan  1590, 
mais  qui  ne  produiiirent  aucun  fruit. 
{D.G.) 

EMMENEK,  (  Géogr.  mod.)  ville  du 
cercle  de  Weftphalie  ;  en  Allemagne  ; 
elle  eft  dans  le  duché  de  Cleves ,  à  peu 
de  diftance  du  Rhin.  Long.  2,3 ,  56*;  lat. 

V  >  59- 

EMMENTHAL  ,  (  Géogr.  )  province  du 

canton  de  Berne  ,  fur  les  frontières  de  ce- 
lui de  Lucernc.  Elle  prend  Ion  nom  de 
l'Emme  qui  la  parcourt.  Elle  eft  partagée 
en  quatre  bailliages  ,  Signau  ,  Trachrel- 
wald  ,  Sumifwald  &  Brandis ,  ôc  s'étend 
jusqu'aux  portes  de  la  ville  de  Berthoud. 
Tout  fauvage  que  paroiflè   cet    amas   de 


E  M  M  247 

valons  ,  il  eft  cependant  très-bien  cultivé. 
Le  bétail ,  le  laitage  ,  les  vergers,  les  che- 
vaux ,  les  toiles  qu'on  y  fabrique  ,  for- 
ment des  branches  de  commerce  très- 
confidérabies  pour  ce  pays.  Auili  le  payfan 
y  eft-il  généralement  dans  un  état  dai- 
fance  peu  commun.  On  trouve  fréquem- 
ment des  payfans  qui  ont  40000  livres 
de  bien,  &  il  y  en  a  qui  ont  jusqu'à  y 
à  600000  livres.  Mais  le  luxe  ,  la  molleiïè , 
le  libertinage  qui  s'y  introduifent  avec  la 
chicane  ,  paroiiTent  préparer  la  ruine  de 
ce  peuple  ,  qui  pourrait  être  fi  heureux  , 
s'il  eût  toujours  été  fage.  On  y  voit  d'un 
même  coup  dœil  les  effets  de  la  liberté  ôc 
ceux  du  libertinage.  (H) 

^  EMMEULAGE  ,  f.  m.  (  Jardinage.  ) 
c'eft  mettre  en  meules  le  foin  quand  il 
eft  fauché  &  fané  :  lorfqu'il  eft  emmeulé  , 
il  ne  craint  point  la  pluie  ,  &  on  prend 
fon  temps  pour  le  botteler.  (K) 

■  EMMIELLER  UN  ET  AI  ,    (  Marine.) 
c'eft  remplir  le  vuide    qui  eft  le  long  des 
tourons  des  cordes  dent  Yétai  eft  compofé 
(Q)  ' 

EMMIELLURE  ,  f.  f .  (  Manège.  Maré- 
challerit.  )  remède  topique  ,  diftingué  de 
ceux  que  nous  appelions  charge  ,  emplâtre 
blanc ,  &c.  ,  en  ce  que  nous  faifons  entrer 
du  miel  dans  fa  compoiition. 

Quelques-uns  l'emploient  communément 
1  dans  une  foule  de  circonftances ,  comme 
dans  celles  des  efforts ,  des  écarts  ,  des 
entorfes  ,  de  la  foulure  des  tendons  ,  de 
l'engorgement  des  jambes ,  des  coups  de 
pies  ,  embarrures  ,  ôc  d'autres  contufions 
quelconques  ,  &c. 

On  en  trouve  une  infinité  trop  grande 
de  recettes  dans  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit 
fur  les  maladies  des  chevaux  ,  pour  que 
je  me  croie  qbligé  d'en  indiquer  ici  quel- 
ques-unes. Voyez  Suleyfel  ,  Gafpard  , 
Saunier  ,  Crefcentius  .  Michel  Biondo ,  Re- 
cini ,  Caracciolo  ,  Coloubro  ,  Gibfon ,  Mar- 
teau t  ,  &:a  (  e  ) 

EMMUSELÉ  ,  adj.  en  termes  de  Ma  fon  y 
fe  dit  des  ours ,  chameaux  ,  mulets  ,  ôc 
autres  animaux  auxquels  on  lie  le  mu- 
(eau  ,  pour  les  empêcher  de  mordre  ou  de 
raanger. 

Morîot  de  Muleau  ,  d'argent  à  une  tête 
d'ours  de  fable ,  emmufelée  de  gueules* 


*4*  E  M  M 

EMMUSELER  un  cheval,  (Maréch.) 
c'eft  lui  mettre  une  mufeliere  pour  l'em- 
pêcher de  mordre  ou  de  manger.  Voye^ 
Muselière. 

EMOLLIENT  ,  (  Matière  médicale,  ) 
Quelques  médecins  ont  décoré  de  cette  pro- 
priété les  remèdes  aqueux ,  mucilagineux , 
doux  ,  farineux  ,  émulfîfs  ,  gélatineux  , 
c'eft-à-dire  ,  l'eau  chargée  de  la  partie  mu- 
cilagineufe  de  certains  végétaux  ,  comme 
mauve  ,  guimauve  ,  lin  ,  pfîllium ,  grande 
confoude  ,  &c. ,  voye[  Mucilage  ;  le  même 
liquide  chargé  du  corps  doux  végétal  pris 
dans  les  dattes  ,  les  figues  ,  les  raifins 
fecs  ,  les  jujubes  ,  la  racine  de  réglifle  , 
la  citrouille,  &c. ,  voye^  Doux,  matière 
médicale  &  diète  ;  les  décochions  des  fè- 
mences  farineufes  ,  telles  qu'orge ,  riz  ,  fei- 
gle  ,  avoine  ,  &c.  ,  voye^  Farineux  ; 
les  émuliions  ,  voye^  Emulsion  ;  les  bouil- 
lons delà  chair  des  jeunes  animaux  ,  comme 
veau  ,  poulet ,  &c.  ,  6c  ceux  de  grenouille 
&  de  tortue. 

Les  médecins  qui  croient  aux  émolliens, 
penfent  que  ces  remèdes  ramollifîènt  les 
diverfes  humeurs  arrêtées  6c  ramaflëes  dans 
certains  vaifleaux  ,  6c  fur-tout  les  arrêts 
•  inflammatoires  ,  ou  congédions  du  fàng 
proprement  dit  ;  il  en  eft  de  même  qui  ont 
imaginé  je  ne  fais  quel  vice  des  humeurs 
en  général  qu'ils  ont  appelle  dènfité  ,  6c  qui 
ont  cru  que  les  émolliens  remédioient  très- 
efficacement  à  ce  vice. 

Nous  avons  dit  à  l'article  Délayant, 
que  les  qualités  délayante  ,  émolliente  6c 
relâchante ,  étoient  attribuées  aux  mêmes 
remèdes  ,  ou  même  n'étoient  qu'une  feule 
propriété  défignée  par  différens  noms  dans 
les  diverfes  théories.  Ce  que  nous  avons 
obfervé  des  préjugés  conçus  fur  les  dé- 
layans  ,  feroit  donc  inutilement  répété 
ici.  Voye^  Délayant. 

On  parlera  à  l'article  Topique  ,  de 
Tufage  que  peuvent  avoir  ,  dans  la  cura- 
tion  des  maladies  internes,  les  remèdes 
de   cette    clalTe  appliqués   extérieurement. 

m 

EMOLLIENTES  (Plantes)  ,  Phar- 
macie. Les  plantes  qui  portent  ce  nom 
par  excellence ,  dans  le  langage  ordinaire 
des  boutiques  ,  font  la  mauve ,  la  gui- 
mauve ,  la  violette  ,  Se  l'acanthe  ou  branc- 


E  M  O 

urfîne.  Elles  ont  été  choifics  dans  la  clarTè 
des  plantes  émollientes ,  parce  qu'on  a  cru 
qu'elles  pofledoient  éminemment  cette 
qualité. 

Les  plantes  de  la  même  claflè  qui  font 
cenfées  approcher  le  plus  près  de  celles- 
ci  ,  6c  qu'on  emploie  comme  leurs  fuc- 
cédanées  ,  font  la  mercuriale ,  la  pariétaire  , 
la  poirée ,  la  roche  6c  le  feneçon. 

Les  rangs  de  ces  plantes  ont  été  déter- 
minés par  un  choix  très-gratuit  Se  très- 
arbitraire  j  les  oignons  de  lis ,  la  laitue  ,  la 
racine  de  grande  confoude  ,  &c\ ,  y  auraient 
autant  de  droit  que  la  plupart  de  celles- 
ci  ;  &  quelques-unes  d'entr'elles  au  con- 
traire ,  telles  que  la  pariétaire  6c  le  feneçon  , 
font  fort  mal  placées  à  coté  de  la  poirée , 
de  la  mauve  ,  &c.  Voye^  les  articles  parti- 
culiers. 

Au  relie  nous  avouons  de  bonne  foi  que 
l'erreur  que  nous  relevons  ici ,  n'eft  pas  une 
erreur  importante.  (3) 

EMOLUMENT  ,  f.  m.  (  Jurifprudence  ) , 
terme  de  pratique  ,  qui  lignifie  les  profits 
que  quelqu'un  tire  de  fa  charge  ou  de  fou 
emploi  :  on  dit  qu'un  officier  cherche  â 
émolumenter  ,  loriquJil  multiplie  fans  né- 
ceiîité  les  vacations  d'un  procès-verbal  ou 
autre  acte  ,  afin  de  gagner  davantage. 
J^oye^ Epices, Vacations, Honoraires  , 
Frais  &  Salaires.  (  A) 

EMONCTOIRE  ,  f.  f.  (  Médecine.  ) 
Ce  terme  ,  qui  eft  tiré  du  Latin  emungere  r 
moucher  9  nettoyer,  en  tirant  les  ordures, 
eft  employé  pour  défigner  ,  dans  l'éco- 
nomie animale  ,  tous  vaifleaux  ,  canal  , 
conduit  ou  réfervoir  deftinés  à  fervir  à  la 
féparation  de  quelque  humeur  excrémen- 
ticielle.  Les  anciens  appelloient  les  narines 
Yémoncloire  du  cerveau  :  parce  qu'ils 
croyoient  que  les  vaifleaux  de  cette  cavité 
ont  la  propriété  d'attirer  les  impuretés 
du  cerveau  ;  on  a  retenu  ce  mot ,  quoique 
dans  une  lignification  différente  de  celle- 
là.  On  dit  que  la  peau  ,  les  reins  (ont 
les  émoncloires  du  corps  ,  parce  qu'il  le 
fait  par  ces  organes  une  fecrétion  6c  une 
excrétion  abondante  des  humeurs  qui  ne 
font  plus  propres  à  aucun  ulage  utile  dans 
le  corps  humain  ,  6c  même  de  celles 
qui  font  viciées  dans  les  maladies.  On  ne 
peut  pas  dire  par  conféquent  ,  des  pa- 
rotides y 


EMO 

rotides ,  des  vélicules  féminales,  qu'elles 
font  des  émoncloires,  puifque  ces  parties 
ne  fervent  qu'à  féparer  ou  à  recevoir  du 
fang  des  humeurs  très-utiles  dans  l'écono- 
mie animale.  Voye^  SÉCRÉTION,  EX- 
CRÉTION &  EXCRÉMENTICIEL.  (d) 

EMONDER,  v.ad:.  (Jardinage.)  Lz. 
façon  d'élaguer  ou  émonder  les  arbres  qui 
ne  donnent  point  de  fruits ,  fait  fur  eux  le 
même  effet  que  la  taille  fur  les  arbres 
fruitiers;  c'eft  par  lelagage  qu'on  les  con- 
duit ,  qu'on  leur  donne  une  belle  forme  , 
une  tête  élevée  Se  gracieufe.  . 

La  règle  générale  eft  qu'un  arbre  de 
haute  tige  ou  de  haute  futaie  ne  doit 
avoir  qu'un  jet  montant  jufqu'à  une  cer- 
taine hauteur,  après  laquelle  on  lui  laiffe 
former  fa  tête.  . 

'On  ch.oifit ,  la  féconde  année  de  la 
pouffe  d'un  jeune  arbre  ,  la  branche  la  plus 
forte  &  la  plus  droite ,  &  l'on  coupe  en 
pié  de  biche  toutes  les  autres.  Lor (qu'on 
fe  trouve  embarrafTé  dans  le  choix  d'une 
branche  ,  il  en  faut  laiiTer  deux  jufqu'à 
l'année  fuivante  que  l'on  coupera  la  moin- 
dre ;  fouvent  même  on  en  laide  trois  pour 
élever  mieux  celle  du  milieu  qui  eft  la  plus 
droite  ;  &  les  deux  autres ,  dont  on  arrête 
la  fève ,  ne  fervent  qu'à  l'entretenir  par  le 
moyen  d'un  bâton  pafTé  en  travers  ,  ap- 
pelle garrot.  Ces  deux  branches  meurent 
l'année  fuivante  ;  &  quand  celle  du  mi- 
lieu fe  peut  foutenir  d'elle-même ,  on  les 
-coupe. 

La  meilleure  manière  de  bien  élever 
ck  dreffer  des  allées,  eft  de  mettre  des 
perches  à  chaque  arbre  pour  les  con- 
duire ;  il  faut  encore  faire  des  treillages 
grofliers  ,  liés  avec'de  l'ofier,  pour  fou- 
tenir les  paliflfades  un  peu  fortes  ,  &c  les 
ferrer  de  près  dès  la  féconde  année  de 
leur  pouffe,  fans  jamais  toucher  au  mon- 
tant. 

On  doit ,  en  élaguant ,  ne  pas  entamer 
un  arbre  des  deux  côtés  ,  parce  que  ces 
plaies  donnant  peu  de  paffage  à  la  fève 
par  1  ecorce  que  l'on  coupe  ,  peuvent 
l'arrêter  &  fécher  la  tête,  ou  la  faire  geler 
dans  l'hiver.  On  montera  les  arbres  d'é- 
tage en  étage  ,  &  modérément  ,  crainte 
des  vents  ,  en  choififfant  des  faifons 
peu  rigoureufes  ,  telles  que  la  fin  de 
Tome  XII. 


EMO  249 

l'automne  ou  le  commencement  du  prin- 
temps. (K) 

.  E  MOT  TER,  v  acT.  (Jardin.)  c'eft 
ôter  les  mottes  de  terre  attachées  à  la 
racine  d'un  arbre.  (KJ 

EMOUCHER  ,  v.  acV  en  terme  de 
maréchal  ,  c'eft  chaffer  les  mouches  des 
chevaux  qu'on  ferre.  Voye{  FERRER  , 
EMOU CHOIR,   &c. 

EMOUCHET,  f.  m.  c'eft  un  nom 
que  les  tanneurs  donnent  à  la  queue  des 
bœuf;,  vaches  &  veaux  qu'ils  préparent 
dans  les  tanneries. 

Avant  que  de  mettre  les  cuirs  dans  l'eau 
pour  les  faire  dégorger,  les  tanneurs  en 
coupent  les  cornes  ,  les  oreilles  ,  &  IV- 
mouchet ,  c'eft-à-dire  ,  la  queue  ,  ainfi 
nommée  parce  qu'elle  fert  à  ces  animaux 
pour  chaffer  les  mouches.  V.  Tanner. 

Emouchet,  f.  m.  V.  Epervier. 

EMOUCHOIR  ,  f.  ifl.  (Manège.)  es- 
pèce de  couverture  qui  revêt  toutes  les  par- 
ties du  corps  du  cheval  harnaché  ,  qui  ne 
font  point  occupées  par  la  felle;  elle  s'é- 
tend par  conséquent  fur  la  croupe,  fur 
l'encolure  &  fur  le  fommet  de  ta  tête , 
&  defeend  environ  jufque  fur  le  milieu 
des  faces  latérales  de  ces  mêmes  parties. 
Au  haut  de  l'extrémité  antérieure  de  la 
portion  deftinée  à  recouvrir  l'encolure , 
font  percés  deux  trous  à  l'effet  de  livrer 
un  paffage  aux  oreilles  de  l'animal  ;  &  à 
fon  extrémité  poftérieure  près  de  la  fellette, 
font  attachés  deux  contre-fanglots  que  l'on 
arrête  dans  des  boucles  près  de  la  pointe 
de  l'arçon  de  devant.  A  l'égard  de  la  por- 
tion qui  garnit  toute  la  croupe  ,  elle  eft 
fixée  d'une  part  à  la  croupière ,  par  le 
moyen  d'une  attache  qui  eft  coufue  dans 
fon  milieu,  &  de  l'autre  &  de  chaque  côté, 
par  d'autres  attaches  qui  la  lient  aux  poin- 
tes de  l'arçon  de  derrière  :  elle  fournit 
auffi  un  paffage  à  la  queue.  Cette  forte  de 
couverture  eft  bordée  de  toutes  parts ,  &c 
de  cette  bordure  qui  règne  tout  le  long 
du  corps  de  l'animal,  partent  à  l'encolure 
&  à  la  croupe  des  efpeces  de  cordes  que 
nous  nommons  des  volettes  ,  qui  dépen- 
dent de  manière  qu'elles  jouent  au  moin- 
dre mouvement ,  &  qu'étant  portées  alors 
de  côté  &  d'autre  indifféremment,  elles 
1  rtmpliffent  l'intention    que  nous   avons 

Ii 


ip  E  M  O 

àCémoucker  le  cheval ,  c'eft-à-dire  ,  de  le 
garantir  de  l'infulte  ck  de  la  piquure  des 
mouches,  ck  de  chafler  celles  qui  l'in- 
commodent. Ces  volettes  n'outre-paftent 
pas  en  defcendant  le  corps  de  l'animai , 
ck  n'empiètent  que  très-peu  fur  fes  extré- 
mités. 

•  Le  mot  émouclioir  dérive  donc  de  Tufage 
auquel  cette  couverture  eft  confacrée. 
Quelques  perfonnes  la  nomment  émou- 
chette  ,  mais  ce  terme  ne  paroît  point 
adopté;  d'autres  l'appellent  cha(Je-mouche\ 
d'autres  enfin  ne  la  connoiiTent  que  fous 
un  nom  qui  ne  lui  convient  point ,  Ôk  qui 
eft  deftiné  à  défigher  une  autre  forte  de 
Couvemire  ,  puifque  c'eft  foUs  celui  de 
caparaçon. 

Il  eft  deux  fortes  ^emouchoirs ;  les  uns 
font  à  mailles  ou  à  filets:  les  autres  font 
d'un  tiflu  fuivi.  Ces  derniers  fe  font  ordi- 
nairement de  coutil ,  ck  font  plus  capa- 
bles de  fat  is fa  ire  l'objet  que  nous  nous 
propofons  ,  puifque  les  infectes  dont  nous 
voulons  défendre  l'animal,  ne  trouvent 
point  ,  comme  dans  les  premiers  ,  des 
efpaces  au  travers  defquels  ils  puifTent 
s'infinuer  jufque  fur  les  tégumens.  Peut- 
être  que  quelqu'un  penfera  qu'ils  ne 
parent  point  un  cheval  autant  que  les 
emouchoirs  à  mailles  bordés  d'or  ou  d'ar- 
gent, ck  dont  les  volettes  font  de  foie  ; 
mais  j'imagine  que  l'utilité  doit  toujours 
être  préférée  aux  ornemens;  ck  d'ailleurs 
il  n'eft  pas  impoflible  de  conftruire  des 
emouchoirs  femblables  aux  féconds ,  d'une 
étoffe  très-riche  ,  de  les  border  en  or , 
d'y  ajufter  des  volettes  d'or ,  fi  on  le 
veut  ,  ck  de  porter  ,  en  un  mot  à  cet 
égard  ,  le  luxe  ck  la  magnificence  à  leur 
plus  haut  degré. 

On  conçoit  au  furplus  que  les  emou- 
choirs feroient  fort  inutiles  en  hiver.  Ils  ne 
conviennent  point  à  la  chatte  ,  par  la  rai- 
fon  qu'ils  réfifteroient  très -peu  dans  les 
bois  ,  dans  les  taillis  ,   &c. 

Il  eft  afifez  commun  de  voir  dans  les 
provinces  des  emouchoirs  à  mailles  placés 
Air  les  harnois  des  chevaux  de  carrode. 

Les  emouchoirs  ufités  relativement  aux 
chevaux  de  tirage  ,  font  de  fimples  vo- 
lettes de  cordes  qui  font  bordées  ;  on 


E  M  O 

attache  auffi  à  la  mufe'iere  un  filet  garni 
de  volettes  plus  courtes. 

Les  maréchaux  appellent  aufli  émou- 
choir,  une  queue  de  cheval  jouant  dans 
un  manche  de  bois  auquel  elle  eft  atta- 
chée. Ils  s'en  fervent  pour  faire  émoucher 
l'animal  lorsqu'ils  le  ferrent  ou  qu'ifs  pra- 
tiquent quelque  opération  ;  cette  précau- 
tion eft  d'autant  plus  fage ,  qu'il  ne  leur 
feroit  pas  poffible  de  maintenir  en  été  le 
cheval  dans  un  état  de  tranquillité  nécef- 
faire  ,  6k  qu'il  pourroit  même  en  erre 
bleffé  ,  s'ils  ne  prenoient  le  parti  de  le  dé- 
barraftér  de  l'importunité  de  ces  infec- 
tes, (le) 

*  EMOUDRE,  v.  aft.  (Arts  mêch.) 
terme  commun  à  tous  les  ouvriers  en 
métaux  ,  qui  en  font  des  inftrumens  tran- 
chans,  mais  fur-tout  à  ceux  qui  y  em- 
ploient le  fer  ck  l'acier;  c'eft  former  à  ces 
inftrumens  le  tranchant  à  l'aide  d'une 
meule  qui  tourne  fur  elle-même,  qu'on 
arrofe  avec  de  l'eau  ,  ck  fur  laquelle  on 
appuie  l'inftrument  à  émoudre.  Cette  opé- 
ration n'eft  pas  facile,  ck  il  y  a  peu  d'ou- 
vriers qui  fâchent  émoudre  fupérieure- 
rftènr.  La  difficulté  augmentant  à  mefure 
que  la  pièce  augmente  ,  perfonne  ne  fau- 
roit  mieux  émoudre  que  les  ouvriers  qui 
parlent  au  mouleau  l'es  lames  d'épée.  Paf- 
fer  au  mouleau,  parmi  les  ouvriers,  c'eft: 
émoudre.  Il  faut  avoir  acquis  l'habitude  de 
mouvoir,  d'un  mouvement  uniforme,  une 
longue  furface  fur  une  autre,  ck  de  ména- 
ger la  preftion  ,  de  manière  qu'il  y  ait 
uniformité  dans  les  parties  enlevées  par 
la  meule  ,  ck  que  toute  la  furface  émoulue 
foit  parfaitement  égale. 

EMOUI ,  (  Géogr.  mod.  )  port  de  la 
Chine,  fitué  dans  la  province  deFokien,. 
il  s'y  fait  un  grand  commerce.  Long.  136,, 
40;  lat.  24,  30. 

EMOUSSE,  ÉE,  adj.  (terme  de  Bla- 
fon.J  fe  dit  d'un  fer  de  lance,  d'une  flèche, 
d'une  baïonnette  qui  n'a  point  de  pointe. 

Bauvauliers  des  Malardieres,  de  Mari- 
gny  en  Touraine  ;  de  gueules  à  deux  fers 
de  lances  émouffés  P  un  fur  P  autre  en  pal ,. 
le  premier  renverfé.  (G.  D.  L.  T.) 

*  EMOUSSER ,  v.  a&.  (  Art  méch.  ) 
il  fe  dit  de  tous  les  corps  aigus  ck  tran- 
chans  ;  c'eft  l'a&ion  de  les  rendre  moins. 


E  M  P 

aigus  &:  moins  tranchans  ,  ou  de  leur 
ôter  entièrement  la  pointe  &  le  tran- 
chant ;  ce  qui  Te  fait ,  ou  en  caftant ,  ou 
en  arrondiiïant. 

EMOUSSER  ,  v.  ad.  fe  dit  dans  Yart 
militaire ,  des  angles  d'un  bataillon  dont 
on  retranche  les  pointes. 

Si  VonémouJJe  les  ang'es  d'un  bataiilon 
carré  ,  il  en  réfulte  un  bataillon  oélogone. 

On  émoujj;  les  angles  d'un  bataillon 
lorfqu'ih  font  aigus ,  afin  de  pouvoir  lui 
faire  taire  feu  plus  aifément  de  tous  côtés  , 
&  mettre  fes  angles  en  état  de  faire  une 
meilleure  défenfe. 

On  peut  émoujjerles  angles  d'un  batail- 
lon carré  ,  en  prenant  fur  chacun  un  pelo- 
ton carré  que  l'on  réduira  en  triangle ,  dont 
la  différence  du  nombre  d'hommes  de  cha- 
que rang  foit  deux,  c'eft-à-dire,  que  le 
premier  terme,  ou  le  premier  rang  foit  i , 
le  fécond  3  ,  le  quatrième  5 ,  &c.  Voyt^ 
Bataillon  triangulaire.  Mais  en 
obfervant  de  faire  ("dit  M.  Bottç'e ,  Etudes 
militaires  )  Le  coté  extérieur  ou  grand 
coté  infenfiblenunt  courbé  &  non  pas  droit, 
parce  que  le  bataillon  étant  plein,  on  ne 
peut  reculer  le  foldat  de  l'angle  du  peloton 
dans  faillie  rentrant  du  bataillon.  (Q) 

EMOUSSER  ,-  f  Jardin  J  eft  ôter, 
avec  le  couteau  ,  de  groffes  broffes ,  ou 
des  torchons  de  paille ,  la  moufle  qui  s'at- 
tache à  la  tige  des  arbres.  Il  faut  faire  cet 
ouvrage  après  la  pluie  ,  ou  le  matin  à  la 
rofée;  alors  la  moufle  ,  qui  eft  une  vraie 
gale  qui  les  empoche  de  grofîir  ,  fe  déta- 
che plus  facilement  que  dans  un  temps 
fec ,  où  en  frottant  trop  fort  il  y  auroit 
rifque  d'écorcher  l'arbre.  (KJ 
t  *  EMOUVOIR  ,  v.  acï.  (Gramm.) 
c'eft  communiquer  ou  recevoir  du  mou- 
vement; il  fe  prend  au  phyfique  &  au 
moral;  &  l'on  dit ,  la  mer  commence  à 
s  émouvoir  ;  j'en  ai  le  cœur  ému  ;  le  phi- 
lofophe  ne  ^émeut  pas  facilement. 

*  EMOTION,  f.  f.  (Gramm.)  mou- 
vement léger;  il  fe  prend  au  phyfique  & 
au  moral  ;  &T.  l'on  dit  :  cette  nouvelle  me 
caufa  de  /'^motion,;  il  avoit  de  /'émo- 
tion dans  le  pouls. 

EMPAILLER,  v.  aét.  (Jardin.)  fe 
ait  des  cloches  en  les  retirant  de  defTous 
les  couches  ,  &  les  emboitant  les  unes 


EM  P 


M* 


1  dans  les  autres  avec  de  la  paille  entre 
deux  pour  les  emporter.  On  empaille  auflî 
des  pies  d'artichaux  &  de  cardons  pour 
les  faire  blanchir. 

Souvent  pour  préferver  la  tige  d'un 
arbre  de  l'ardeur  du  foleil,  fur-tout  fur 
des  terrafTes  &  endroits  élevés,  entourés 
de  murs ,  on  Y  empaille  avec  de  longues 
gerbes.  (K) 

EMPALEMENT,  f.  m.  (Bot.)  eft  la 
partie  la  plus  extérieure  de  la  fleur  qui 
la  couvre  toute  entière ,  avant  qu'elle  foit 
éclofe ,  &  qui  lui  fert  enfuite  comme  de 
fupport  :  on  le  nomme  en  Latin  perian- 
thium,  parce  qu'il  règne  tout  autour  de 
la  fleur.  Quelques-uns  l'appellent  calice  ; 
mais  ce  n'eft  pas  là  le  calice  ,  car  le  calice 
à  la  lettre  eft  une  coupe  ou  godet  creux 
que  forme  le  perianthe  ou  empalement , 
duquel  fortent  les  autres  parties  de  la 
fleur.  Il  y  a  des  fleurs  dont  les  pétales  ont 
une  bafe  ferme  &  afîiirée  autant  qu'il  le 
faut  pour  les  fputenir,  &  qui,  par  cette 
raifon  ,  n'ont  pas  befoin  d'empalement  ou 
de  perianthe  ;  auffi  la  nature  ne  leur  en  a- 
t-elle  point  donné,  comme  on  le  voit  dans 
la  tulipe  ;  cependant  ces  fleurs  ont  un  ca- 
lice ou  godet.  V.  Fleur  &  Calice. 
Article  de  M.  le  chev.  DE  J  AU  COURT. 

Empalement,  (Hifl.  )  fupplice  af- 
freux qui  eft  d'ufage  en  Turquie.  L'em- 
palement «'exécute  en  faifant  entrer  une 
broche  de  bois  par  le  fondement,  ÔC  la 
faifant  fortir  pardeflbus  l'aifTelle. 

Pour  empaler  un  malheureux  ,  on  le 
couche  ventre  à  terre  ,  les  mains  liées 
fur  le  dos  ;  on  lui  endofle  le  bât  d'un 
âne  fur  lequel  s'afTeoit  un  valet  de  bour- 
reau afin  de  le  bien  affujetrir  ,  tandis 
qu'un  autre  lui  tient  le  vifage  contre 
terre,  avec  les  deux  mains  qu'il  lui  ap- 
puie fortement  fur  le  cou;  un  troifieme 
lui  fend  le  derrière  de  la  culotte  avec  des 
cifeaux,  &c  lui  enfonce  \.mpal,  ç'eft-à- 
dire ,  une  efpece  de  pieu  dans  le  fonde- 
ment ;  ce  pieu  eft  une  broche  de  bois 
qu'il  fait  avancer  avec  les  mains  autant 
qu'il  peut  ;  enfuite  un  quatrième  bour- 
reau chaffe  cette  broche  avec  un  maillet, 
jufqu'à  ce  qu'elle  forte  par  la  poitrine  , 
ou  fous  l'aifTelle  ;  ejifin ,  on  plante  la  bro- 
che toute,  droite. 


251  ÉMP 

C'eft  ainfi  qu'on  traite  les  Caïns  ou* 
Grecs  révoltés  qui  ont  commis  quelque 
meurtre  en  Turquie,  6k  qu'on  prend  fur 
le  fait;  après  le  ïupplice ,  fi  ces  malheu- 
reux vivent  encore  ,  la  populace  les  in- 
iulte  ,  bien  loin  de  les  exhorter  à  le  faire 
mufulmans.  Les  Turcs  font  fi  perfuadés 
qu'un  homme  qui  a  commis  un  grand 
crime  ,  eft  indigne  d'être  mufulman  ,  que 
lorfqu'un  mufulman  eft  condamné  à  mou- 
rir ,  perfonne  ne  l'aiiifte  ,  parce  qu'ih 
croient  que  fon  feul  crime  l'a  rendu 
jaour,  c'eft-à-dire  ,  infidèle  6k  chrétien. 

Voilà  des  faits  rapportés  par  M.  de 
Tournefort  ;  ils  entrâmeroient  bien  des 
réflexions  fur  un  peuple  chez  qui  règne 
un  fupplice  aufîi  cruel  que  V empalement , 
6k  chez  lequel  il  n'exuîe  aucune  pirié  : 
tandis  que  ce  même  peuple  nourrit,  ev 
faveur  d'une  faufie  religion  ,  une  idée  i, 
noble  6k  fi  grande  ,  qu'il  femble  qu'il  n'y 
auroit  qu'une  religion  divine  qui  à\i\ 
l'infpirer  à  fes  fectateurs.  Article  de  M. 
le  chevalier  DE  J  AU  COURT. 

EMPAN  ,  voye^  Ampan. 

EMPASTELLER.   V.  Ampastel- 

LER. 

EMP ANAGE,f.  m.  (Jurifpr.)  eft  dit  en 
quelques  endroits  pour  apanage  ,  comme 
en  la  coutume  de  Senlis,  art.  66,  quand  le 
duché  de  Valois  fut  baillé  au  duc  d^Or- 
léans  par  empamge ,  &c.  V.  Apanage. 

EMPANON,  f.  m.  (  Charpent.  )  eft 
un  chevron  qui  ne  va  pas  jufqu'au  haut 
du  faîte,  mais  qui  doit  être  aflemb'é  à 
tenon  6k  mortoiie  dans  l'arrêtier  du  côté 
des  croupes  6k  lonpan. 

EMPANON,  f.  m.  [Charron.)  Ce  font 
les  extrémités  poftérieures  des  côtés  du 
brancart  qui  patîent  entre  le  IhToir  de  der- 
rière ,  6k  qui  font  ordinairement  arron- 
dies ;  ces  pièces  reçoivent  les  confoles  de 
fer  qui  foutiennent  les  moutons  de  derrière. 
EMPAQUETER,v.  a.  fCW/z.  jmettre 
quelque  chofe  en  un  paquet,  y.  Paquet. 
Il  fe  dit  particulièrement  des  marchandifes 
que ,  félon  l'efpece  ,  on  empaqueté  dans 
des  toiles  ou  dans  du  papier.  Diclionn. 
de  Comm.  de  Trév.  &  Chambers.  (G) 

EMPARAGE.  adj.  (Jurifpr.)  veut 
(dire  qui  eft  uni  à  fon  pareil;  une  fille ,  L 


EMP 

emparagée  noblement  dans  les  coutumes 
d'Anjou  &  du  Maine,  6k  autres  femblables, 
eft  celle  qui  eft  mariée  fuivant  fa  condi- 
tion :  c'eft  la  même  chofe  que  ce  que  d'au- 
tres coutumes  appellent  apparagée.  {A) 

EMPARLIERS  ,  f.  m.  pi.  ÇJurifpr.) 
parlicrs  ou  amparliers ,  eft  le  nom  que 
l'on  donnoit  anciennement  aux  avocats 
plaidans ,  comme  on  le  voit  dans  les  an- 
ciennes chartes ,  coutumes ,  ftyles  ck  pra- 
tiques. Ce  nom  étoit  relatif  a  leur  pro- 
rèllion  qui  eft  de  parler  en  public  ;  ils  ont 
auiïi  été  appelés  conteurs  ou  plaideurs  , 
zlamatores.  Voy.  le  glofjaire  de  Ragueau, 
au  mot  Emparliers.   ÇA) 

EMPATEMENT ,  dans  plufieurs  arts , 
eft  fynonyme  à.  pâte  ,  à  pié ,  &c.  ainfi  on 
dit  l: 'empalement  ou  les  racinaux  ,  pour  h 
pié  d'une  grue. 

E M P ATEM ENT  ,  f.  m.  en  Architecture, 
c'eft  une  plus  épaifteur  de  maçonnerie  , 
qu'on  laifte  devant  ck  derrière  dans  la  fon- 
dation d'un  mur  de  face.  {P) 

EMPATER,  v.  aft.  Ç Marine.)  ou 
faire  des  empatûres,  c'eft  mettre  les  deux 
bouts  de  deux  pièces  de  bois  l'un  à  côté 
de  l'autre,  ck  les  faire  joindre.  (Q) 

EMPATER,  terme  de  Peinture,  qui 
■ignirie  mettre  beaucoup  de  couleurs ,  foit 
en  une  fois  ,  foit  en  plufieurs  ,fur  ce  qu7on 
feint.  On  dit  :  Ce  tableau  eft  bien  empâté  , 
bien  nourri  de  couleur. 

Empâter  fe  dit  encore  Iorfqu'on  met 
les  couleurs  fur  un  tableau ,  chacune  à  la 
place  qui  convient ,  fans  les  mêler  ou  fon- 
dre eniemble.  On  dit  :  cette  tête  n'efl 
«/«'empâtée.  Diclionn.  de  Peint.  (/?) 

EMPATER,  (Cuifine.)  c'eft  mettre  eu 
pâte.  Pour  cet  effet,  on  délaie  6k  l'on 
bat  de  la  farine  avec  des  jaunes  d'œufs 
6k  du  fel ,  ck  l'on  roule  les  viandes  dans 
cette  pâte  liquide. 

EMPATURE,  f.  f.  (Marine.)  On 
nomme  ainfi  dans  un  vaifteau ,  la  jonction 
de  deux  pièces  de  bois  mifes  à  côté  l'une 
de  l'autre.  (Z) 

*  EMPAUMER ,  v.  aft.  terme  de  Pau- 
mier  ;  c'eft  recevoir  une  balle  fur  le  milieu 
de  fa  raquette  ,  c'eft-à-dire ,  de  la  manière 
la  plus  favorable  pour  la  renvoyer  avec  le 
plus  de  vîtefte  6k  le  moins  de  force.  On  a 
tranfporté  ce  mot  de  la  paume  dans  la 


EMP 

fociété ,  ck  l'on  dit  empaumer  une  affaire , 
pour  la  faifir  &  la  pouffer  avec  chaleur. 

Empaumer  la.  voie,  (  Vénerie.  ) 
c'efl  prendre  la  voie. 

EMPAUMURE ,  f.  f.  (Vénerie.)  c'eft 
le  haut  de  la  tète  du  cerf  6k  du  chevreuil , 
qui  eft  large  6k  renversée,  où  il  y  a  trois 
ou  quatre  andouillers  auplus  pour  les  cerfs 
de  dix  cors  Scies  vieux  chevreuils ,  caries 
jeunes  n'en  ont  pas. 

EMPÊCHÉE ,  adj.  ÇMar.)  On  dit  une 
manœuvre  empêchée ,  lorsqu'elle  eft  embar- 
raffée  6k  ne  peut  jouer  comme  il  faut.  (Z) 

EMPECHEMENT,  f.m.  (Jurifpr,) 
{ignifie  Voppqfition  ou  ['obftacïe  à  quelque 
chofe  ,  provenant  du  fait  de  quelqu'un, 
comme  une  faifie  ;  ou  de  quelque  c;r- 
conftance,  telle  que  la  parenté  en  degré 
prohibé,  qui  fait  un  empêchement  de  ma- 
riage. (  A  ) 

Empêchement  de  mariage  fe  prend  or- 
dinairement pour  une  caufe  qui  empêche 
qu'un  mariage  (bit  valablement  contracté 
entre  certaines  perfonnes.  Quelquefois  on 
entend  par-là  Voppq/ztion  que  quelqu'un 
forme  à  la  célébration  du  mariage. 

Les  caufes  ou  empêchemens  de  mariage 
font  fondées  les  unes  fur  le  droit  naturel, 
d'autres  fur  le  droit  civil ,  d'autres  fur  les 
loix  ecclefiaftiques  approuvées  par  le  fou- 
verain. 

C'eft  le  droit  naturel  qui  a  fait  mettre 
au  nombre  des  empêchemens  de  mariage, 
l'erreur  de  perfonne ,  la  violence  6k  l'im- 
puiffance,  &  la  parenté  en  ligne  directe. 
C'eft.  aufîi  par  une  conféquence  du  droit 
naturel,  que  Ton  a  défendu  le  mariage 
entre  ceux  qui  font  parens  au  premier  de- 
gré en  collatérale. 

La  défenfe  de  fe  marier  dans  les  degrés 
plus  éloignés,  a  d'abord  été  faite-par  l'em- 
pereur Theodofe,  entre  les  enfans  des 
frères  6k  fœurs;  l'églife  l'a  enfuite  étendue 
jufqu'au  feptieme  degré;  6k  enfin  le  con- 
cile de  Latran ,  tenu  fous  Innocent  III , 
en  ni  5  ,  l'a  réduite  au  quatrième  degré. 

Les  empêchemens  qui  procèdent  des 
vœux  folemnels  ou  des  ordres  facrés  ,  font 
purement  eccléi'iaftiques,  de  même  que 
celui  de  parenté  au  troifieme  6k  quatrième 
degrés,  ck  celui  de  l'affinité  fpirituellc. 

L'églife  latine  a  déclaré  nuls  les  ma- 


É  M  P  253 

riages  des  prêtres  &  des  religieux  ;  loi  qui 
a  été  confirmée  par  lesfouverains. 

\J  empêchement  qui  naît  du  lien  conjugal, 
qui  empêche  de  contracter  mariage  avec 
une  autre  perfonne,  tant  que  le  premier 
mariage  fiubfifte  ,  eft  fondé  fur  la  loi  de  jure 
canon,  qui  a  rétabli  le  mariage  fuivant  fa 
première  incitation. 

Enfin  ,  V empêchement  qui  naît  de  la  di- 
verfité  de  cuire,  ce  qui,  fuivant  le  droit 
canonique,  ne  s'appîiquoit  qu'au  mariage 
contracté  entre  un  chrétien  6k  une  in  ri- 
delle ,  a  été  étendu  par  une  ordonnance  de 
Louis  XIV  à  ceux  djs  catholiques  avec  les 
calviniftes. 

On  diftingue  deux  fortes  $  empêchement 
de  mariage  ;  lavoir ,  les  empêchemens  diri- 
mans ,  6k  les  autres  appelles  empêchemens 
feulement ,  empêchans  ou  prohibitifs. 

Empêchemens  dirirnans ,  font  les  caufes 
qui  non  feulement  empêchent  un  mariage 
non  fait  d'être  contracté ,  mais  encore  qui 
le  font  déclarer  nul ,  au  cas  qu'il  fût  déjà 
contraclé. 

Ces  fortes  ^empêchemens  font  : 

i°.  L'erreur  ou  la  furpriie  par  rapport 
à  la  perfonne  que  l'on  a  épouf^e  ,  c'eft-à- 
dire,  (î  on  l'a  époufée  croyant  en  époufer 
une  autre;  mais  fi  l'erreur  ne  tombe  que  fur 
la  qualité ,  la  fortune  ou  la  vertu,  elle  ne 
détruit  pas  le  mariage. 

2°.  Suivant  le  droit  canon  ^  s'il  y  a  eu 
erreur  fur  la  condition  de  la  perfonne  , 
c'eft-à-dire ,  fi  un  homme  libre  a  époufé 
une  efclave,  il  peut  demander  la  diiïblu- 
tion  du  mariage  ;  mais  ce  principe  n'eft. 
pas  d'ufage  en  France ,  où  il  n'y  a  point 
d'efclaves. 

3U.  Les  vœux  folemnels  de  chafteté 
faits  dans  un  ordre  religieux  ,  font  en- 
core un  empêchement  dirimant  de  mariage; 
mais  le  vœu  fimple  de  chafteté,  ou  de 
faire  profeffion  dans  quelque  ordre  reli- 
gieux ,  n'eft  qu'un  empêchement  prohibi- 
tif, 6k  non  pas  dirimant. 

40.  Les  ordres  facrés  de  prêtrife ,  diaco- 
nat 6k  fous-diaconat,  font  aufîi  des  empê- 
chemens dirirnans. 

50.  Il  en  eft  de  même  de  la  parenté  en 
ligne  directe  indéfiniment,  6k  de  la  parenté 
en  ligne  collatérale  jufqu'au  quatrième  de- 
gré inclufivement. 


2^4  E  M  P 

6°.  L'alliance  ou  affinité  légitime ,  tant 
en  directe  que  collatérale  ,  forme  un 
empêchement  dirimant  au  même  degré  que 
la  parenté  ;  mais  l'affinité  qui  naît  d'un 
commerce  illégitime  ,  ne  forme  ^empê- 
chement que  ju (qu'au  fécond  degré  inclu- 
fivement. 

7°.  L'affinité  fpirituelîe  qui  fe  forme 
par  !e  baptême  entre  la  perfonne  bapîifée 
ck  Ces  parrain  6k  marraine,  de  même 
qu'entre  le  parrain  6k  la  mère,  entre  la 
marraine  ck  le  père  de  l'enfant  baptifé, 
entre  la  perfonne  qui  baptife  ck  celle  qui 
reçoit  'e  baptême ,  ck  les  père  ck  mère  de 
l'enfant  baptifé,  eft  entre  ces  perfonnes 
un  empêchement  dirimant ,  de  même  que 
l'affinité  naturelle. 

8°.  L'adoption  formait  chez  les  Ro- 
mains une  alliance  légale  qui  produifoit  un 
empêchement  dirimant  ;  mais  elle  n'a  pas 
le  même  effet  en  France. 

9°.  Il  naît  un  autre  empêchement  diri- 
mant de  l'honnêteté  publique ,  lequel  con-, 
fille  en  ce  que  l'on  ne  peut  époufer  aucune 
parente  en  ligne  directe  de  celle  que  l'on 
a  fiancée  valablement,  ni  une  parente  au 
premier  degré  de  la  ligne  collatérale  ;  & 
vice  ver/a  pour  la  fiancée  à  l'égard  des 
frères  de  fon  fiancé. 

On  met  aufîi  dans  la  même  claffe  X em- 
pêchement que  forme  un  mariage  célébré, 
mais  non  confommé,  foit  qu'une  des  par- 
ties décède  avant  la  confommation ,  ou 
qu'elle  faffe  des  vœux  de  religion  avant  la 
confommation  ,  ou  qu'il  y  aitcaufe  d'im- 
puiffance  •,  ck  V empêchement  qui  naît  d'un 
tel  mariage ,  s'étend  comme  celui  de  la 
parenté  ,  jufqu'au  quatrième  degré  inclufi- 
vemenf. 

io°.  L'adultère  6k  l'homicide  forment 
dans  trois  cas  ^empêchement  dirimant , 
appelle  impedimentum  criminis  ;  favoir  , 
lg.  quand  un  des  conjoints  commet  adul- 
tère avec  une  autre  perfonne  ,  à  laquelle 
il  promet  de  1  'époufer  après  le  décès  de 
l'autre  conjoint  ;  ou  s'il  y  a  eu  un  fécond 
mariage  confommé  avec  quelqu'un  qui 
étoit  déjà  marié  :  car  outre  que  ce  ma- 
riage eft  nul ,  il  ne  peut  être  réitéré  après 
le  décès  du  premier  conjoint.  Une  fïmple 
promette  de  mariage  ,  dans  ce  cas  ,  opère 
le  même  effet.  i°.  Quand  un  des  conjoints 


E  M  P 

qui  a  fait  mourir  l'autre  ,  époufe  une  per- 
fonne quia  eu  part  à  l'hemicide.  3 y.  Quand 
le  mari  fait  mourir  fa  femme  avec  inten- 
tion d'en  époufer  une  autre  avec  laquelle 
ifa  eu  un  commerce  illicite. 

il9.  La  diveifité  de  religion  qui  fe 
trouve  entre  les  chrétiens  ck  les  infidèles, 
eft  ,  fuivant  le  droit  commun  ,  un  empê- 
chement dirimant ,  lorfque  cette  diverfité 
de  religion  a  précédé  le  mariage. 

12°.  L'églife  a  aufîi  toujours  défendu 
les  mariages  entre  les  catholiques  ck  les 
hérétiques,  fans  néanmoins  les  déclarer 
nuls  ;  mais  en  France ,  où  l'édit  du  mois 
de  novembre  1680  déclare  ces  mariages 
non  valablement  contractés ,  on  doit  tenir 
qu'il  y  a  dans  ce  cas  un  empêchement  di- 
rimant. 

i3Q.  La  violence  6k  la  crainte,  capa- 
bles d'ébranler  une  perfonne  ferme,  for- 
ment un  femblable  empêchement ,  le  ma- 
riage étant  nul  lorfqu'il  n'y  a  point  de  con- 
fentement  libre. 

140.  Un  autre  empêchement  dirimant 
qui  eft  de  droit  divin ,  c'eft  lorfqu'il  y  a 
un  premier  mariage  fubfiftant;  ce  que  les 
canoniftes  désignent  par  le  terme  de  Uga- 
men. 

150.  L'impuiftance  perpétuelle,  foit  du 
mari  ou  de  la  femme ,  dont  la  caufe  fubfîl*- 
toit  au  temps  de  la  célébration  du  mariage  , 
forme  encore  un  empêchement  dirimant. 
160.  Le  défaut  de  puberté  de  la  part  de 
l'un  ou  l'autre  des  conjoints ,  rend  pareille- 
ment les  mariages  nuls. 

170.  Depuis  le  concile  de  Trente ,  6k  les 
ordonnances  du  royaume  qui  en  ont 
adopté  la  difpofition,  un  mariage  clan- 
deftin  eft  nul ,  c'eft-à-dire ,  lorfqu'il  n'eft 
pas  célébré  par  le  propre  curé,  enpréfence 
des  parties  6k  des  témoins. 

180.  Enfin ,  le  rapt  de  violence  ou  de 
féduction  font  des  empêchemens  dirimans , 
à  moins  que  la  perfonne  ravie  n'ait  depuis 
réhabilité  le  mariage  par  un  confentement 
volontaire  ,  donné  en  préfence  du  propre 
curé  depuis  que  la  violence  ou  la  féduction 
a  ceffé. 

Il  y  a  certains  empêchemens  dirimans 
dont  on  n'accorde  jamais  de  difpenfe ,  tels 
que  ceux  qui  font  fondés  fur  le  droit  divin 
ou  fur  le  droit  naturel  :  il  y  en  a  d'autres 


E  MP 

dont  on  ne  difpenfe  jamais  avant  le  ma- 
riage ,  mais  dont  on  difpenfe  quelquefois 
après ,  à  l'effet  de  réhabiliter  le  mariage. 
On  s'adreffe  ordinairement  au  pape  pour 
les  difpenfes  des  empêchemens  dirimans 
qui  proviennent  de  parenté,  affinité,  hon- 
nêteté publique  ,  ou  alliance  fpirituelle.  Il 
y  a  cependant  des  diocefes ,  où  les  évoques 
font  en  poffeffion  de  difpenfer  au  qua- 
trième degré  de  pa-enté  ou  affinité;  quel- 
ques-uns même  en  donnent  du  troifieme 
au  quatrième  degré  :  d'autres  ne  les  don- 
nent <\\\interpauperes\ze  qui  dépend  de 
l'ufage  de  chaque  diocefe. 

Les  fupérieurs  eccléfiaftiques  ne  peuvent 
difpenfer  des  empêchemens  établis  par  l'au- 
torité des  princes  féculiers.  Voye\  Dis- 
pense 6- Mariage. 

Empêchemens  prohibitifs  du  mariage  , 
font  les  caufes  pour  lefquelles  Péglife 
peut  refufer  de  célébrer  un  mariage ,  mais 
qui  néanmoins  ne  font  pas  affez  fortes 
pour  le  rendre  nul  lorfqu'il  eft  déjà  con- 
tracté. 

Ces  caufes  font,  i°.  les  fiançailles  con- 
tractées avec  une  autre  perfonne  ;  i^.  le 
fimple  vœu  de  chafteté ,  ainfi  qu'on  l'a 
déjà  expliqué  en  parlant  des  empêchemens 
dirimans  ;  30.  les  temps  prohibés  pour  la 
célébration  des  mariages,  qui  font  depuis 
le  premier  dimanche  del'Avent  jufqu'aux 
Rois,  ck  depuis  le  jour  des  Cendres  jus- 
qu'au lendemain  du  dimanche  de  Qua/i- 
modo;^0.  la  défenfe  du  juge  eccléfiaftique 
ou  féculier. 

Outre  ces  empêchemens ,  il  y  en  a  encore 
plufieurs  autres  marqués  dans  le  droit- 
canonique,  dont  quelques-uns  même  em- 
pêchoient  le  mariage  avec  quelque  per- 
fonne que  ce  fût  ,  comme  le  meurtre 
d'une  femme  par  fon  mari ,  &  vice  verfd; 
le  meurtre  d'un  prêtre,  une  alliance  fpi- 
rituelle affectée,  pour  ne  pas  rendre  le 
devoir  conjugal  ;  un  mariage  contracté 
avec  une  religieufe  dont  on  connoiffoit 
l'état.  Ceux  qui  étoient  dans  le  temps 
d'une  pénitence  publique  à  eux  iinpofée, 
ne  pouvoient  pas  non  plus  fe  marier  ; 
mais  l'ufage  a  abrogé  ces  divers  empêche- 
mens ,  &  Ton  n'en  demande  plus  de  dif- 
penfes. 

Sur  les  empêchemens  de  mariage  en  gé- 


E  M  P  255 

néral  ,  voye{  RebufTe  ,  Prax  ,  benef. 
part.  iiy\c.  de  difpenf.  in  grdd.  prehib. 
gl.  5  ,  Franc.  Marc ,  tom.  II , p.  673  ;  les 
loix  eccl.  de  ^'Héricourt ,  tir.  du  mariage  ; 
dictionn.  des  cas  de  confeience ,  au  mot 
Empêchemens.  (  A  ) 

EMPÊCHER,  v.  (Grammaire.  )  c'eff 
en  général  former  des  obftacles.  On  dit  , 
empêcheç-Ie  de  commettre  cette  action  :  elle 
ne  peut  s 'empêcher  de  pleurer  :  lèvent  nous 
empêchait  de  refpirer. 

EMPEIGNE  ,  f.  f.  (  Cordon. )  eft  ce 
qui  forme  le  deiïus  du  foulier  &  couvre  le 
coude-pie. 

t  *EMPELORE,  f.  m.  ÇHi(l.  anc.) 
c'étoit,  à  Lacédémone  ,  un  officier  qui 
avoit  l'infppcYion  des  marchés  ,  &  qui 
veilloit  à  ce  que  le  bon  ordre  s'y  confervât , 
&  qu'il  ne  s'y  commit  ni  trouble  ni  frip- 
ponnerie.  Il  paroit.  que  les  empelores 
étoient  à  Sparte  ce  qu'étoieflt  les  agora- 
nomes  à  Athènes. 

^  EMPELOTERfs'^v.paff.i^/ro/î. 
fe  dit  d'un  oifeau  lorfqu'il  ne  peut  digérer 
ce  qu'il  avale,  fa  nourriture  fe  mettant  en 
pelotons  :  pour  lors  on  la  lui  tire  avec  le 
défempelotoir. 

EMPENELLE,  f.  f.  (  Marine  J  c'eft 
une  petite  ancre  que  Ton  mouille  au  de- 
vant d'une  greffe;  il  y  a  un  petit  cable 
qui  la  tient,  &  ce  cable  eu  frappé  à  la 
groffe  ancre,  afin  que  le  vailfeau  foir  plus- 
en  état  de  réfilier  à  la  force  du  vent. 

EMPENNÉ,  ad),  en  terme  de  B  la  fon 
fe  dit  d'un  dard,  trait  ou  javelot  qui  a  (es 
ailerons  ou  pennes. 

Arc  d'azur  à  un  arc  dror ,  chargé  de  trois 
flèches  d'argent  empennées  d'or  ;  celle  du 
milieu  encochée  ,  &  les  deux  autres 
paffées  en  fautoir. 

EMPEREUR,  imperator,  Çffifl  anc.) 
nom  que  les  Romains  donnoient  à  tous 
les  généraux  d'armée  ,  du  mot  latin  impe- 
rare.  On  appelloit  empereur ,  dans  un 
fens  particulier  ,  vn  général  qui ,  après 
avoir  remporté  quelque  victoire  fignalée, 
étoit  falué  de  ce  nom  par  les  acclamations- 
des  foldats,  ck  enfuite  honoré  de  ce  titre 
par  un  décret  du  fénat.  Il  falloit,  pour  le 
mériter,  avoir  gagné  une  bataille  dans  la- 
quelle dix  mille  des  ennemis  fuffent  reftés 


ltf 


E  M  P 


fur  la  place  ,  ou  conquis  quelque  ville  im- 
portante. Céfar  fut  appelle  de  ce  nom  par 
le  peuple  Romain  ,  pour  marquer  la  fouve- 
raine  puifTance  qu'il  avoit  dans  la  républi- 
que, ck  dès-lors  le  nom  ti  empereur  devint 
un  titre  de  dignité.  C'eft  dans  ce  dernier 
lèns  qu'Augufte  &  fes  fuccefTeurs  ont  été 
nommés  empereurs  ;  ce  qui  toutefois  n'em- 
péchoit  pas  qu'on  ne  le  prît  quelquefois 
au  premier  fens  ,  pour  l'attribuer  à  ces 
princes  :  ainfi  Augufte  fut  appelle  empe- 
reur vingt  fois ,  parce  qu'il  avoit  remporté 
vingt  vi&oires  célèbres.  Tite  ,  après  la 
prife  de  Jérufalem ,  fut  falué  empereur  par 
ion  armée,  &c  Appien remarque  que  cette 
coutume  fublîftoit  encore  fousTrajan. 

La  dignité  d'empereur  ,  réunie  dans  une 
feule  perfonne  par  Jules-Céfar  ,  fut  héré- 
ditaire fous  fes  trois  premiers  fuccefTeurs, 
Octave- Au  gufte  ,  Tibère  &  Caligula; 
mais  après  la  mort  de  celui-ci,  elle  devint 
élective.  Ce  furent  les  foîdats  de  la  garde 
prétorienne  qui  proclamèrent  Claude  em- 
pereur. Il  eft  vrai  que  pour  l'ordinaire  les 
enfans  ou  les  parens  de  l'empereur  défunt 
lui  fuccédoient  ;  ce  n'était  point  précifé- 
ment  par  droit  héréditaire  ,  mais  parce 
que  les  empereurs,  de  leur  vivant  ,  les 
avoient  aiïbeiés  à  l'empire  ,  en  les  créant 
céfars  avec  l'agrément  des  armées ,  qui., 
ayant  la  force  en  main,  avoient  ufurpé 
fur  le  fénat  le  droit  d'élection.  Le  choix 
que  faifoient  les  armées  ,  tomboit  toujours 
fur  quelqu'un  de  leurs  chefs  dont  ils  con- 
noiiîoient  la  bravoure,  s'arrétant  plus  vo- 
lontiers à  cette  qualité  qui  frappe  davan- 
tage l'homme  de  guerre  ,  qu'à  la  naiiTance 
ck  aux  talens  politiques  :  aulîi  l'empire 
eû-il  tombé  plufieurs  fois  entre  les  mains 
de  (impies  foldats,  qui  ,  ayant  pafTé  par 
tous  les  grades  militaires,  étoient  élus  par 
leurs  compagnons,  fans  avoir  d'autre  mé- 
rite qu'une  valeur  féroce. 

Dès  que  les  empereurs  étoient  élus  ,  ils 
envoyoïent  leur  image  à  Rome  ck  aux 
armées ,  afin  qu'on  la  mît  aux  enfeignes 
militaires  :  c'étoit  la  manière  ordinaire  de 
reconnoître  les  nouveaux  princes. Enfuite 
ils  faifoient  aux  troupes  ôk  aux  peuples 
des  largeffes  nommées  congiaires.  Le  fé- 
nat donnoit  le  nom  iïAugufle  à  la  femme 
5c  aux  filles  de  V empereur  ;  ck,  quand  lui 


E  M  P 

''ou  fon  époufe  paroifToit  en  public,  on 
porroit  devant  eux  un  brafîer  plein  de  feu, 
ck  des  licteurs  ,  armés  de  faifeeaux  entou- 
rés de  lauriers ,  les  précédoienr.  Julqu'à 
Dioclétien  les  empereurs  ne  portèrent  que 
la  couronne  de  laurier  ;  ce  prince  prit  le 
premier  le  diadème  ,  ck  fut  imité  par  fes 
fuccefTeurs  jufqu'à  Jufrinien ,  qui  introduilit 
i'ufage  de  la  couronne  fermée. 

Comme  les  empereurs  réunifïbient  dans 
leur  perfonne  la  puifTance  des  dictateurs , 
des  confuls ,  des  cenfeurs ,  des  tribuns  du 
peuple  ,  ck  de  prefque  tous  les  grands  ma- 
giftrats  de  la  république ,  dont  ils  avoient , 
ou  fupprimé  les  titres ,  ou  réduit  l'auto- 
rité à  des  noms  6k  à  des  honneurs  chi- 
mériques ,  il  eft  naturel  de  penfer  que 
leur  pouvoir  étoit  defpotique  :  il  fut  plus , 
il  fut  quelquefois  tyrannique  :  mais  cela 
procédoit  du  caractère  de  ces  princes. 
A ugufte ,  Vefpafien,  Tite ,  Trajan  ,  Marc- 
Aurele ,  les  Antonins  refpecterent  les  loix , 
partagerentle  poids  du  gouvernement  avec 
le  fénat,  ck  fous  leur  empire  le  peuple 
Romain  ne  s'apperçut  prefque  point  de 
la  perte  de  fa  liberté  ;  mais  il  dut  la  re- 
gretter bien  vivement  fous  les  règnes  d'un 
Tibère ,  d'un  Caligula  ,  d'un  Néron,  d'un 
Domitien  ,  à  qui  les  plus  fanglantes  prof- 
criptions  ne  coûtoient  qu'un  clin-d'œil, 
ckquineconnoiffoientle  pouvoir fuprême 
que  pour  faire  des  malheureux.  Gou- 
vernés par  des  affranchis ,  par  des  maî- 
trefTes;entcurés  de  flatteurs  ck  de  délateurs, 
ils  pafToient  leur  vie  dans  le  luxe  ck  la 
mollefTe  :  plus  jaloux  de  leurs  plaifirs  que 
du  bonheur  de  leurs  fujets,  ils  les  facfî- 
fioient  au  moindre  foupçon  ;  auffi  périrent- 
ils  eux-mêmes  la  plupart  de  mort  violente. 

Le  fouverain  facerdoce  étoit  attaché  à 
la  dignité  d'empereur,  comme  il  paroît  par 
les  médailles  ;  ainfi  ils  étoient  tout  à  la  fois 
à  la  tête  du  civil ,  du  militaire  ck  de  la 
religion. 

On  leur  rendoit  des  honneurs  extraor- 
dinaires ,  6k  rien  n'égale  la  magnificence 
des  fêtes  par  lefquelles  la  capitale  fe  flgna- 
loit ,  lorfqu'un  empereur  revenoit  victo- 
rieux après  une  expédition  militaire  ,  ou  en 
action  de  grâces  de  fa  convalefcence.  Ter- 
tullien  ,  dans  fon  Apologétique  ,  nous  en 
décrit  quelques  particularités.  On  allumoit 

des 


E  M  P 

des  feux  dans  les  rues  ,  8c  des  lampes 
dans  les  maifons  :  on  y  dreflbit  des  tables 
toutes  fervies  ;  8c  dans  ces  feftins  on  ré- 
pandoit  le  vin  avec  profuhon  ,  pour  faire 
des  libations  en  l'honneur  du  génie  de 
l'empereur  ,  ou  aux  dieux  ,  pour  fa  pros- 
périté. Les  particuliers  ornoient  de  lauriers 
&  d'autres  feuillages  les  portes  de  leurs 
maisons.  Les  arcs  de  triomphe  ,  les  facrifi- 
ces  folemnels  8c  les  jeux  du  cirque  n'étoient 
pas  non  plus  oubliés  ;  8c  ce  qu'on  a  peine 
à  concevoir ,  c'eft  qu'il  ne  fallut  pas  un 
iiecle  pour  rendre  idolâtre  de  fes  empereurs , 
ce  même  peuple  auparavant  idolâtre  de  la 
liberté  qu'ils  lui  avoient  ravie.  On  leur 
érigeoit  des  ftatues  8c  des  monumens  fu- 
perbes  ,  des  temples  même  de  leur  vivant  ; 
8c  enfin  après  leur  mort  on  les  mettoit  au 
nombre  des  dieux.  Voye^  Apothéose  , 
Consécration.  (G) 

Empereur  ,  (  Hiji.  &  droit  public  ger- 
manique. )  c'eft  le  nom  qu'on  donne  au 
prince  qui  a  été  légitimement  choilî  par 
les  électeurs  pour  être  le  chef  de  l'empire 
Romain  Germanique  ,  8c  le  gouverner  Sui- 
vant les  loix  qui  lui  ont  été  impofées  par 
la  capitulation  impériale,  (voye^  Capitu- 
lation. )  Depuis  l'extinction  de  la  maifon 
de  Charlemagne  ,  qui  poftedoit  l'Empire 
par  droit  de  fucceffion  ,  ou  ,  félon  d'au- 
tres ,  depuis  Henri  IV  ,  la  dignité  impé- 
riale eft  devenue  élective  ,  8c  depuis  ce 
temps  ,  perfonne  n'y  eft  parvenu  que  par 
la  voie  d'élection  ;  &  même  les  électeurs , 
craignant  que  les  empereurs  de  la  maifon 
d'Autriche  ne  rendirent  la  dignité  impé- 
riale héréditaire  dans  leur  famille  ,  ont  in- 
féré dans  la  capitulation  de  Matthias  8c 
celles  des  empereurs  iuivans  ,  une  claule 
par  laquelle  leurs  mains  font  liées  à  cet 
égard.  Les  électeurs  ne  font  point  obligés 
à  s'attacher  dans  leur  choix  à  aucune  mai- 
fon  particulière  ;  il  fufïit  que  la  perfonne 
élue  foit ,  i°.  mâle  ,  parce  que  la  dignité 
impériale  ne  peut  palier  entre  les  mains 
des  femmes  ;  i°.  que  le  prince  qu'on  veut 
élire  foit  Allemand  ,  ou  du  moins  d'une 
race  originaire  d'Allemagne  ;  cependant 
cette  règle  a  quelquefois  fbuffert  des  ex- 
ceptions :  3°.  qu'il  foit  d'une  naidanee 
illuftre.  40.  La  bulle  d'or  dit  vaguement 
qu'il  faut  qu'il  foit  d'un  âge  convenable  , 
Tome  XII. 


E  M  P  2J7 

jujlœ  ectatis  ;  mais  cet  âge  ne  paroît  fixé  par 
aucune  loi  :  i°.  Il  fauc  qu'il  foit  laïque  , 
8c  non  eccléilaftique  ;  6°.  qu'il  ne  foit  point 
hérétique  ;  cependant  il  ne  paroît  point 
qu'un  proteftant  (bit  exclu  de  la  dignité 
impériale  ,  par  aucune  loi  fondamentale  de 
l'empire. 

Lorfque  le  trône  impérial  eft  vacant, 
voici  les  ufages  qui  s'obièrvent  pour  l'élec- 
tion d'un  nouvel  empereur.  L'électeur  de 
Mayence  en  qualité  d'archi -chancelier  de 
l'empire  ,  doit  convoquer  l'aflèmblëç  des 
autres  électeurs  dansl'efpace  de  trente  jours , 
depuis  que  la  mort  de  l'empereur  lui  a  été 
notifiée.  Les  électeurs  doivent  fe  rendre  à 
Francfort  fur  le  Mein  ;  ils  comparoi lient 
à  l'alïemblée  ou  en  perfonne  ,  ou  par 
leurs  députés  ,  munis  de  pleins  pouvoirs , 
8c  alors  ils  fe  mettent  à  drefter  les  articles 
de  la  capitulation  impériale.  Si  un  électeur 
duement  invité  à  l'élection  refufoit  d'y 
comparaître  ,  ou  prenoit  le  parti  de  fe 
retirer  après  y  avoir  comparu  ,  cela  n'em- 
pêcheroit  point  les  autres  d'aller  en  avant , 
8c  l'élection  n'en  feroit  pas  moins  légiti- 
me pour  cela.  Le  jour  étant  fixé  pour 
l'élection  ,  on  fait  ibrtir  de  la  ville  tous 
les  étrangers  j  les  électeurs  affilient  à  la  me  (Te 
pour  implorer  les  lumières  du  S.  Efprit , 
8c  prêtent  un  ferment  ,  dont  la  formule 
eft  marquée  par  la  bulle  d'or ,  d'être  im- 
partiaux dans  le  choix  qu'ils  vont  faire  : 
après  quoi  ils  entrent  dans  le  conclave  , 
&  procèdent  à  l'élection  qui  fe  fait  à  l'una- 
nimité ,  ou  à  la  pluralité  des  voix  ;  elles 
font  recueillies  par  l'électeur  de  Mayence. 

Quand  l'élection  eft  achevée  ,  on  fait 
entrer  dans  le  lieu  de  l'aflemblée  des  no- 
taires 8c  témoins  ;  on  pafle  un  acte  qui  eft 
(igné  8c  muni  du  fceau  de]  chacun  des 
électeurs.  Suivant  la  bulle  d'or  ,  lï  l'élec- 
tion n'étoit  point  faite  dans  l'efpace  de 
trente  jours  ,  les  électeurs  devrobnt  être 
au  pain  8c  à  l'eau.  Quand  l'élection  eft 
finie  ,  on  la  fait  annoncer  dans  la  princi- 
pale églife  de  la  ville.  Les  électeurs  font 
notifier  à  celui  qui  a  été' élu ,  s'il  eft  abfent , 
!e  choix  qu'on  a  fait  de  (a  perfonne  pour 
remplir  la  dignité  impériale ,  avec  prière  de 
l'accepter  ;  s'il  eft  préfent ,  on  lui  préfente 
la  capitulation  ,  qu'il  .jure  d'obfèrver  ,  8c  les 
électeurs  leconduifent  en  cérémonie  du  cbn- 

Kl 


258  EMP 

clave  vers  le  grand  autel  ;  il  fe  met  à  genoux 
fur  la  marche  la  plus  élevée,  Se  fait  fa  prière 
ayant  les  électeurs  à  fes  côtés  ;  ils  l'élevent 
enfuite  fur  l'autel  ;  on  chante  le  Te  Deum  ; 
après  quoi  il  Cou  du  chœur,  monte  dans  une 
tribune ,  Se  c'eft  pour  lors  qu'il  eft  procla- 
mé empereur. 

La  cérémonie  de  l'élection  eft  fuivie  de 
celle  du   couronnement  ;  fuivant    la  bulle 
d'or  elle  devroit  toujours  fe  faire  à   Aix- 
la-Chapelle  :  mais  il  y  a  déjà  long-temps 
que  l'on  a  négligé  de   fe  conformer  à  cet 
ufage  ,    Se  depuis  Charles  -  Quint  aucun 
empereur  ne  s'eft  fait  couronner   en    cette 
ville.  Cependant  ['empereur  adreflè  toujours 
à  la  ville  d'Aix-la-Chapelle  des  reversâtes , 
pour  lui  déebrer  que  le  couronnement  s'eft 
fait  ailleurs  fans  préjudice  de    fes  droits. 
Les  archevêques  de  Cologne  Se  de  Mayence 
fe    font    long-temps   difputé   le  droit    de 
couronner   Y  empereur  ,    mais  ce  différend 
eft  terminé   depuis    1658  :  c'eft   celui  de 
Mayence  qui  a  droit    de  couronner  lorf- 
que  la  cérémonie  fe  fait  dans  fon  diocefe , 
Se  celui  de  Cologne  en  cas  qu'elle  fe  fàflè 
dans  le  fîen.  Les  marques   de    la   dignité 
impériale  ,  telles  que  la  couronne  ,  l'épée  , 
le  feeptre  ,  le  globe  d'or  furmonté  d'une 
croix  ,  le  manteau  impérial ,  l'anneau  ,.  &c. 
font   confervées  à  Aix  -  la  -  Chapelle  Se  à 
Nuremberg ,  doù  on  les  porte  à  l'endroit 
où  le  couronnement  doit  fe  faire. 

Cette  cérémonie  fe  fait  avec  tout  l'éclat 
imaginable  ,  les  électeurs  y  affilient  en 
habits  de  cérémonie  ,  Se  l'empereur  y 
prête  un  ferment  conçu  à-peu-près  en  ces 
termes  :  Je  promets  dera.it  Dieu  &  fes  anges 
d'cbfcrver  les  loix  ,  de  rendre  la  jufiiee  ,  de 
conferver  les  droits  d,e  ma  couronne  ,  de 
ren  re  l'honneur  convenable  au  pontife  Ro- 
main ,  aux  autres  prélats  ,  &  à  mes  vajfaux  , 
de  conferver  à  l'eglife  les  biens  qui  lui  ont 
été  donnés  ;  ainfi  Dieu  me  fait  en  aide  3  Sec. 
L'archevêque  chargé  de  la  cérémonie  , 
avant  de  couronner  l'empereur  ,  lui  de- 
mande :  S'il  veut  conferver  6»  pratiquer  la 
religion  catholique  &  apofolique  ;  être  le 
défenfeur  &  le  protecteur  de  l'églife  &  de  fes 
miniflres  ;  gouverner  fuivant  les  loix  de  la 
jufiiee  le  royaume  que  Dieu  lui  a  confié  , 
&  le  défendre  efficacement  ;  tâcher  de  récu- 
pérer les  biens   de  l'Empire  qui  %nt  été  dé- 


E  M  P 

membres  ou  envahis  :  enfin  ,  s'il  veut  être 
le  défenfeur  &  le  juge  du  pauvre  comme  du. 
riche  ,  de  la  veuve  &  de  l'orphelin.  A  toutes- 
ces  demandes  ,  l'empereur  répond  volo  , 
je  le  veux.  Quand  le  couronnement  eft 
achevé  ,  l'empereur  fait  un  repas  folemnel 
il  eft  alîis  fèul  à  une  table  ,  ayant  à  fà 
gauche  l'impératrice  à  une  table  moins 
élevée  que  la  Henné.  Les  électeurs  eux- 
mêmes  ,  ou  par  leurs  fubftituts ,  fervent 
l'empereur  au  commencement  du  repas  3 
chacun  félon  fon  office  ;  enfuite  de  quoi 
ils  fe  mettent  chacun  à  une  table  féparée 
qui  eft  moins  élevée  que  celle  de  l'empe- 
reur Sz  de  l'impératrice.  Voye-i^  Vitriarii 
infiit.  juris  publici ,    lib.  I ,  tit.  viij. 

Autrefois  les  empereurs  après  avoir  été 
couronnés  en  Allemagne  ,  ailoient  encore 
fe  faire  couronner  à  Rome  ,  comme  rois 
des  Romains  ;  c'eft  ce  qu'on  appeliois 
l'expédition  Romaine  ;  &  à  Milan ,  à  Monza  , 
à  Pavie  ,  ou  à  Modene  ,  comme  rois  de 
Lombardie.  Mais  depuis  long-temps  ils  fe 
font  difpenfés  de  ces  deux  cérémonies ,  ait 
grand  regret  des  papes  ,  qui  prétendent 
toujours  avoir  le  droit  de  confirmer  l'élec- 
tion des  empereurs.  Il  eft  vrai  que  iouvent 
leur  foibleflè  &c  la  néceflité  des  temps  les 
ont  forcés  à  demander  aux  papes  la  con- 
firmation de  leurs  élections.  Boniface  VIII 
la  refufa  à  Albert  d'Autriche  ,  parce  que 
celle  de  ce  prince  s'étoit  faite  fans  fon  con- 
fentement  ;  mais  ces  prétentions  imaginai- 
res ne  font  plus  d'aucun  poids  aujourd'hui  ; 
Se  même  dès  l'an  1338  ,  les  états  de 
l'Empire  ,  irrités  du  refus  que  le  pape 
Jean  XXII  faifoit  de  donner  l'abfoliition 
à  Louis  de  Bavière  ,  décidèrent  qu'un 
prince  élu  empereur  à  la  pluralité  des  voix  , 
feroit  en  droit  d'exercer  les  actes  de  la 
fouveraineté  y  quand  même  le  pape  refu- 
feroit  de  le  reconnoître  ,  Se  ils  déclarèrent; 
criminel  de  lefe-majefté  quiconque  o  feroit 
foutenir  le  contraire ,  Se  attribuer  au  pape 
aucune  fupériorité  fur  l'empereur.  Voye-i^ 
l'abrégé  de  l'kijîoire  d'Allemagne  ,  par. 
M.  Pfeftei  3  page  %86  &  fuiv.  Cependant 
le  pape  ,  pour  mettre  fes  prétendus  droits 
à  couvert ,  ne  laifïè  pas  que  d'envoyer  tou- 
jours un  nonce  pour  affifter  de  fa  part  à. 
l'élection  des  empereurs  ;  mais  ce  miniftre 
n'y  eft  regardé  que  fux  le  même  pié  que 


^  E  M  P 

ceux  des  puiflances  de  l'Europe  ,  qui  ne 

font  pour  rien  dans  l'affaire  de  l'élection. 
Charles-Quint  eft  le    dernier  empereur  qui 

ait  été  couronné  en  Italie  par  le  pape.  \J em- 
pereur ,  avant  5c  après  Ton  couronnement , 
ie  qualifie  d'élu  empereur  des  Romains  ;  pour 
faire  voir  qu'il  ne  doit  point  fa  dignité  à  cette 
cérémonie  ,  mais  aux  iuffrages  des  électeurs. 
h' empereur  eft  bien  éloigné  de  pouvoir 
exercer  une  autorité  arbitraire  &  illimitée 
dans  l'Empire ,  il  n 'eft  pas  en  droit  dé- 
faire des  ioix  :  mais  le  pouvoir  légiflatif  ré- 
fide  dans  tout  l'Empire  dont  il  n'eft  que  le 
repréfentant ,  &c  au  nom  duquel  il  exerce 
les  droits  de  la  îouveraineté  ,  jura  majejîa- 
tica  ;  cependant  ,  pour  qu'une  réfolution 
de  l'Empire  ait  force  de  loi  ,  il  faut  que 
le  confèntement  de  {'empereur  y  mette  le 
fceau.  Koj'e^DiETE.  "L'empereur  ,  comme 
tel  y  n'a  aucun  domaine  ni  revenu  fixe  ;  ôc 
Je  cafuel ,  qui  coniifte  en  quelques  contri- 
butions gratuites  ,  eft  très-peû  de  chofè. 
"L'empereur  ne  peut  point  créer  de  nou- 
veaux électeurs  ,  ni  de  nouveaux  états  de 
l'Empire  :  il  n'a  point  le  droit  de  priver 
aucun  des  états  de  fes  prérogatives  ,  ni  de 
difpofer  d'aucun  des  fiefs  de  l'Empire  fans 
le  coniëntement  de  tous  les  autres  états. 
Les  états  ne  paient  aucun  tribut  à  l'empe- 
reur ;  dans  le  cas  d'une  guerre  qui  inré- 
refTe  tout  l'Empire  &  qui  a  été  entreprifè 
de  (on  aveu  ,  on  lui  accorde  les  fommes 
nécefiaircs  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  mois 
romains.  L'empereur ,  comme  tel ,  ne  peut 
faire  ni  guerre  ,  ni  paix  ,  ni  contracter  au- 
cune alliance  ,  fans  le  confèntement  de 
l'Empire  ;  d'où  l'on  voit  que  l'autorité  d'un 
empereur  eft  très-petite.  Cependant  quand 
ils  ont  eu  en  propre  de  vaftes  états  patri- 
moniaux qui  leur  mettoient  la  force  en 
main  ,  ils  ont  fouvent  méprifé  les  loix  qu'ils 
avoient  juré  d'obferver  ;  mais  ces  exem- 
ples font  de  fait  ,   ôc  non   pas  de  droit. 

Les  droits  particuliers  de  Y  empereur  Ce  nom- 
ment refervata  Ccefarea  :  c  eft ,  i  °.  le  droit  des 
premières  prières ,  jus primariarium  precum , 
qui.coniiftc  dans  la  nomination  à  un  bénéfice 
de  chaque  collégiale;  i°.  le  droit  de  donner 
l'inveftkure  des  fiefs  immédiats  de  l'Em- 
pire ;  3°.  celui  d'accorder  des  fauf- con- 
duits ,  lettres  de  légitimation  ,  de  natura- 
iàfation^  des  difpenfes  d'âge  ,  des  lettres 


E    M    P  2y_p 

de  nobîefîè ,  de  conférer  des  titres ,  &c. 
de  fonder  des  universités  :  40.  d'accorder 
des  droits  d'étapes  ,  jus  Jlapuli ,  de  péages  y 
le  droit  de  non  evoCando  ,  de  non  appellando , 
Sec.  ;  cependant  ce  pouvoir  eft  encore  limité. 

Les  empereurs  ont  prétendu  avoir  le  droit 
de  faire  des  rois  :  un  auteur  remarque  fort 
bien  ,  que  "  ce  ne  feroit  pas  le  moindre  de 
»  fes  droits ,  s'il  avoit  encore  celui  de  donner 
»  des  royaumes.» 

Les  empereurs  d'Allemagne  ,  pour  imiter 
les  anciens  empereurs  Romains  aux  droits 
defquels  ils  prétendent  avoir  fuccédé ,  pren- 
nent le  titre  de  Ce  far  ,  d'où  le  mot  Alle- 
mand Kayfer  paroît  avoir  été  dérivé.  Ils 
prennent  aufli  celui  à'Augujle  ,  fur  quoi 
Guillaume  III ,  roi  d'Angleterre ,  diioit 
que  le  titre  de  femper  Auguflus  étoit  celui 
qui  convenoit  le  mieux  à  l'empereur  Léo- 
pold  ,  attendu  que  fes  troupes  n'étoient 
jamais  prêtes  à  entrer  en  campagne  qu'au 
mois  d'août.  Il  prend  auffi  le  titre  d'/Vz- 
v incible  ,  de  chef  temporel  de  la  Chrétienté  y 
cV avoué  ou  défendeur  de  Véglife,  Sec.  En 
parlant  à  l'empereur  ,  on  l'appelle  facréc 
majejlé.  Il  porte  dans  fes  armes  un  aigle 
à  deux  têtes  ;  ce  qui  eft ,  dit-on  ,  mi 
fymbole  des  deux  empires  de  Rome  &  de 
Germanie.  ( — ) 

EMPERIERE,  f.  f.  (Hift.)  vieux  mot 
qui  répond  à  ce  que  nous  entendons  au- 
jourd'hui par  impératrice.  On  le  trouve  en 
ce  fens  dans  nos  romans  Gaulois ,  &  par 
extenfion  nos  anciens  rimeurs  l'avoient  auflî 
confacré  à  exprimer  une  forte  de  rime  , 
qu'ils  regardoient  comme  la  rime  de  toutes 
les  autres.  Voye^  Rime. 

Cette  rime  empériere  confiftoit  en  ce 
que  la  fyllabe  qui  formoit  la  rime  ,  étoit 
immédiatement  précédée  de  deux  fyllabes 
femblables  &  de  même  terminaifon  ;  ce 
qui  faifbit  une  efpece  d'écho  qu'on  appel- 
loit  triple  couronne ,  &  qu'à  la  honte  de 
notre  nation  ,  (  ainfi  que  s'expriment  quel- 
ques auteurs  modernes  )  les  plus  fameux 
de  nos  anciens  poètes  ,  fans  en  excepter 
Marots,  regsrdoient  comme  une  beauté. 

Le  P.  Mourgues ,  dans  fon  traité  de  la 
voéjie  Francoife  ,  en  rapporte  un  exemple 
irès-propre  à  nous  faire  méprifer  le  mue- 
rable  goût  qui  dominoita  lors  fur  le  Parnafle 
François  ,  oà  pour  exprimer  que  le  monÀ« 

K  k   1 


i6o  E  M  P 

eft    pervers  &  fujet   au   changement  ,  on 
croyok  avoir  fait  merveilles  ,  en  difant , 

Qu'es-tu  ?  qu'un  immonde  ,  monde  ,  onde. 

Voye^  Rime.    Vcye^  le  dicl.  de  Trévoux  Ik 
Chambers.  {G) 

EMPESER  LA  VOILE,  {Mer.)  c'eft 
la  mouiller  en  jetant  de  l'eau  deifus  \  ce 
qui  fe  fait  quand  la  toile  eft  claire  fur-tout 
dans  les  cueilles  du  milieu  :  de  façon  que 
le  vent  parte  au  travers  ;  alors  elle  fe  reilerre 
par  l'eau  qu'on  jette  deifus  ,  ôc  la  voile  prend 
mieux  le  vent.  (  Z  ) 

Empeser  ,  v.  aét.  terme  d'Ourdijfage  & 
de  blanchijfage  ,  c'eft  donner  de  la  gomme 
ou  de  l'empois  à  des  toiles  ,.  à  dts  étoffes, 
&c.  y  pour  les  rendre  plus  fermes  &  plus 
unies. 

EMPESEUR,  f.  m.  celui  qui  empoife 
ou  empefe.  Voye[  Empeser. 

EMPETRER  (  s'  )  ,.  v.  p.  Manège  ,  fe 
dit  d'un  cheval  pris  ou  mêlé  dans  les  traits  ; 
ce  qui  peut  arriver  ,  foit  qu'en  ruant,  tout 
le  train  de  derrière  foit  forti  du  milieu 
de  ces  mêmes  traits ,  foit  qu'il  ait  paflé 
une  feule  jambe  au-delà,  les  traits  n'étant 
çoint  affez  tendus ,  comme  on  le  voit 
fréquemment  ,  fur -tout  eu  égard  aux 
chevaux  conduits  par  de  mauvais  portil- 
lons ,  foit  à  raifon  de  quelques  autres 
caufes  :  il  s'agit  alors  de  replacer  le  che- 
val ainfi  qu'U  doit  Pêtre  lorfqu'il  eft  bien 
air  télé  ,  en  l'obligeant  à  reparte  r  fa  jambe  ; 
c'eft  ce  que  nous  appelions  dépêtrer  ,  démê- 
ler un  cheval.  (  e  ) 

EMPETRUM,  f.  m..{H!Jt.  nat.bot.) 
de  if  dans  8c  de  ^erp^  ,  pierre  ,  parce 
qu'il  croît  dans  des  endroits  pierreux  :  en 
François  ,  grande  bruyère  ;  en  Anglois  , 
black  ,  berried  ,  héath ;  en  Allemand  ,  heid 
nus  fchwarfçen  beeren  ;  genre  de  plante  à 
fleur  fans  pétales  ,  oompofée  de  plufieurs 
étamines  ,  &  ftérile.  Les  fruits  naiflènt 
fur  d'autres  parties  de  la  plante  ;  ils  ref- 
femWent  à  des  baies  ,,  &c  renferment 
deux  ou  trois  femences  offeufes  &  cartila- 
gineufes.  Tournefort ,  infl.  rei  herb.  Vcye^ 
Plante.  (I) 

EMPETRUM  3  (Jard.)  bruyère  à  fruit 
ou  camarigne  3   eft  un  petit  arbriflèau  qui 


E  M  P 

croît  naturellement  en  Europe ,  Se  que  l'on 
confond  pour  l'ordinaire  avec  les  autres 
bruyères  ,  dont  il  ne  diffère  que  par  l'on 
fruit.  On  ne  connoît  que  deux  elpeces  de 
cet  arbrilleau, 

I.    La  bruyère  à  fruit  noir.   Cet  arbrif- 
feau  s'étend  beaucoup  plus  qu'il  ne  s'élève. 
Il    poufle    du    pie    plufieurs    tiges    d'une 
écorce  rouflatre  ,    qui  rampent  par  terre 
&  s'étendent   au  loin.   Sa  feuille  a   beau- 
coup  de    reftèmblance    avec    celle    de   la 
bruyère  commune.  Ses  fleurs  qui  paroiflènt 
au  mois  de  juillet  &  qui  durent  jufqu'à  la 
fin  d'août  ,   n'ont  nulle   belle  apparence  y 
elles   font  d'une  couleur  herbeuie  ,  blan- 
châtre ,    &  elles  viennent  en  bouquet  au 
bout  des  branches.  Les  fruits  qui  en  pro- 
viennent font  des  baies  rondes  &  noires  v 
pleines   de  lue  ,  dont  les  coqs  de  bruyère 
le  nourriflent  par  préférence  ;  en  forte  que 
par-tout  où  il  y  a  de  cet  arbrilleau  ,  on  peut 
s'aiîurer   d'y  trouver  des  oifeaux  de  cette 
efpece.    Les    terres    moufléuies  ,    ftériles- 
&  humides  ,   font  celles  où  cet  arbriflèau- 
fe  plaie  le  mieux.  Il  eft  fi  robufte  ,  qu'om 
le    trouve     communément     fur   les   plus 
hautes    montagnes  de  Suéde  ,  où  M.  Lin- 
naeus   a    oblervé   qu'aux    environs    de    la 
mine    de   cuivre  de    Falhun  ,    prefqu'au- 
cune  autre  plante  n'y  peut  croître  que  cet 
arbriflèau  ,    à    cauie    des    vapeurs   fujfi:*- 
reuies  de  la  mine  ,    qui   font  très-nuifibles 
aux  végétaux.  Pour   multiplier  cet  arbrif- 
feau  ,  il  faut  en  femer  les  baies  peu  de  temps 
après   leur  maturité  ,    dans    une    place  à: 
l'ombre  &  dans  une  terre  humide  ;  mais 
les  plants  ne  lèveront  qu'au  printemps  de 
la  féconde  année  :  ils  leront  cependant  en: 
état  d'être  tranfplantcs  dès  l'automne  fui- 
vante. 

II.  La  bruyère  à  fruit  blanc  ,  ou  la  ca- 
marigne. Cet  arbriflèau  s'élève  au  plus  à 
deux  pies.  Il  pouflè  plufieurs  tiges  droi- 
tes ,  menues  ,  &  dont  l'écorce  eft  brune.. 
Ses  feuilles,  fort  reflèmblantes  à  celles  des 
autres  bruyères ,  font  difpofées  trois  à  trois 
le  long  des  branches.  Ses  fleurs  ,  placées 
au  bout  des  rameaux  comme  celles  du 
précédent  arbriflèau  ,  n'ont  pas  meilleure 
apparence  ;  mais  elles  produifent  de  fort 
jolis  fruits  :  ce  font  des  baies  perlées  , 
.tranfparentes,  &  d'un  goût  acide  qui  plaie 


£  M  P 

beaucoup  au  menu  peuple.  L'automne  ■ 
eft  le  temps  de  la  maturité  de  ce  fruit 
en  Portugal  où  cet  arbrifleau  eft  com- 
mun. Les  circonstances ,  pour  fa  multipli- 
cation, font  les  mêmes  que  pour  le  pré- 
cédent ,  fi  ce  n'eft  qu'il  faut  moins  d om- 
bre &  d'humidité  pour  la  camarigne  , 
^ui  fe  plaît  au  contraire  dans  un  terrain 
fablonneux.  (  c  ) 

EMPHASE,  f.  f.  {Belles-Lettres.)  éner- 
gie outrée  dans  l'expreffion ,  dans  le  ton 
de  la  voix  ,  dans  le  gefte. 

Empkàfe  fe  prend  ordinairement  en 
mauvaiic  part  ,  &c  marque  un  défaut  , 
foit  dans  les  paroles ,  foit  dans  l'action  de 
l'orateur.  On  dit  d'un  prédicateur  qu'il  pro- 
nonce avec  emphûfe ,  qu'il  règne  beaucoup 
à'emphafe  dans  fes  pièces  ;  &  ce  n'eft  fure- 
mentpas  un  éloge.  Quel  plus  grand  fupplice, 
dit  la  Bruyère  ,  que  d'entendre  prononcer 
de  médiocres  vers  avec  toute  Yemphafe  d'un 
mauvais  poè'tc  !  (  G  ) 

EMPHYSEME  ,  f.  m.  (Médecine  &  Chi- 

rurg.)  i^'j7i(ji.ct ,  rinflatio  ,  de  çvv»  ,  fîatus , 
iîgnifie  en  général  toute  tumeur  formée  par 
l'air ,  ou  toute  autre  matière  flatueuie, 
rarefcible  ,  ramaffée  dans  quelque  partie  du 
corps  que  ce   foit.. 

Lorfque  le  ferotum  eft  diftendu  par  des 
flatuoiités,  l'enflure  qui  en  réfulteeftappellée 
pneumatocele.  Lorfque  c'eft  dans  la  cavité 
de  l'abdomen  qu'il  fe  forme  un  amas  de 
fubftance  aérienne  ,  qui  en  diftend  les 
parois  ,  &  les  rend  fufceptibles  de 
retentir  comme  un  tambour  ,  lorfqu'elles 
font  frappées  ;  on  donne  à  ce  gonflement 
le  nom  de  tympanite  :  mais  ce  ne  font 
là  que  des  efpeces  d'emphyfemes  diftinguées 
par  des  dénominations  particulières  ,  à 
caufe  de  la  différence  du  liège. 

Cependant  il  eft  reçu  parmi  les  méde- 
cins, que  l'on  doit  entendre  par  emphy- 
feme  proprement  dit  ,  pris  dans  un  fens 
plus  borné ,  celui  qui  occupe  toute  ou 
prefque  toute  l'habitude  extérieure  du 
corps  ;  &  que  l'on  appelle  tumeur  emphy- 
fémateufe ,  celle  qui  n'occupe  que  quelque 
partie  de  la  furface  du  corps  :  c'eft  de  ces 
deux  efpeces  d'emphyfemes  dont  il  s'agit 
ici  '}  les  autres  font  traitées  fous  les  noms 


È  M  P  161 

quiiesdiftinguent.  Fcye^PNETjTMATocELE  , 
Tympanite. 

Le  fiege  de  Yemphyfeme  eft  dans  le  titîii 
cellulaire  qui  eft  diftribué  fous  toute  l'éten- 
due de  la  peau.  "Ce  n'eft  pas  une  mem- 
»  brane  fimple,  dit  M.  Winflow  ,  mais 
»  un  tiflu  de  plusieurs  feuillets  mem- 
»  braneux  attachés  les  uns  aux  autres  de- 
»  diftance  en  diftance  ;  de  forte  qu'ils 
»  forment  quantité  d'interftices  plus  on 
«  moins  diftendus  ,  qui  communiquent 
»  enfemble  ,  &  avec  les  membranes  qui 
»  tapi  fient  l'intérieur  de  la  poitrine  &  du 
»  bas-ventre  :  cette  ftructure  eft  évidem- 
»  ment  démontrée  tous  les  jours  par  les 
»  bouchers  ;  car  lorfqu'ils  foufflent  un 
»  animal  récemment  tué,  ils  gonflent  non- 
»»  feulement  la  membrane  adipeufe  (qui 
»  eft  la  même  que  le  tiflu  cellulaire , 
»  lorfque  celui-ci  eft  rempli  de  graifle  ) , 
»  mais  Pair  pénètre  même  dans  les  interf-- 
'>  tices  des  mufcles  &  jufqu'aux  vilceres , 
»  où  il  produit  par-tout  une  efpece  àïemphy- 
»  feme  artificiel ....  » 

Les  maquignons  &  les  marchands  de 
borufs  fe  fervent  auili  quelquefois  de  cet 
expédient  pour  faire  paroître  les  animaux 
dont  ils  font  commerce ,  plus  pleins  ,  plus 
gras,  félon  la  dilfertation  qu'a  donnée  fur 
cet  artifice  Mauchart,  eph.  nat.  cur. 

Tavernier  (  voyage  de  Perfe)  dit  que 
l'on  procure  aufli  de  ces  emphyfemes  ar- 
tificiels aux  chameaux  dans  la  même  in- 
tention. Eorelli  (cent,  cxj ,  obf.  30)  fait 
mention  d'un  fcélérat  qui ,  par  le  moyen 
d'un  emphyfeme  artificiel ,  avoit  fait  de  fon- 
fils  un  foufflet  animé ,    &c. 

Il  n'eft  pas  nécefîàire  qu'il  fe  fafte  au- 
cune rupture  dans  les  parois   des  cellules- 
pour   établir    la  communication  néceflàire  ■ 
pour  produire   Y  emphyfeme.   Cela  eft  fuf- 
fifamment   proiïvé    par    ce    qui    arrive  à 
ceux    qui    ont    eu  un    emphyfeme  général 
formé  par  l'air  ,  qui  s'eft  inlinué  dans  tout 
le  tiflu  cellulaire  fans  exciter  aucune  dou- 
leur ,   en   pénétrant  par   une  très  -  petite 
plaie  faite  à  là   poitrine.   Mery ,   mém.  de 
Vacadém.    des  Sciences  ,    IfiJ.  Moins  il  y 
a  de  fuc  adipeux  dans  ce  tiflu  ,  plus  il  eft' 
fufceptible  d'admettre  l'air  dans  fes  cellu- 
les ,    &    de  fe  diftendre  par  les  effets  de 
ce  fluide,  Ce   deyoit   être    un    fpectacla- 


t€*  £  M  P 

bien  fîngulier  qu'un  homme  tel  que  l'a 
vu  M.  Littre ,  gonflé  d'air  par  toute  l'habi- 
tude  extérieure  du  corps  ,  Se  cela  juf- 
qu'à  onze  pouces  d'épaiffeur  dans  les  en- 
droits les  plus  enflés.  Obferv.  cur.  de  Phyf. 
tome  I. 

La  caufe  de  Vemphyfeme  eft  prefque 
toujours  externe  ,  comme  il  confte  par 
les  obfervations  ;  il  eft  fouvent  une  fuite 
des  plaies  faites  à  différentes  parties  du 
corps.  Dans  le  cas  ,  par  exemple  ?  dit  le 
docteur  Wanfwieten ,  où  un  chirurgien 
infifte  trop  à  fouiller  avec  la  fonde  fous 
les  lèvres  d'une  plaie  faite  aux  tégumens 
de  la  tête,  qui  pénètre  jufqu'à  la  mem- 
brane adipeufe  ,  pour  chercher  à  s'aflurer 
fi  le  période  ou  le  crâne  même  eft  înté- 
refle  ,  l'air  s'introduit  à  la  faveur  de  la 
fonde  dans  l'intérieur  de  la  plaie  ,  dans 
le  tiflu.  cellulaire  ;  il  après  cela  on  vient 
à  rapprocher  les  bords  de  la  plaie  Se  à  la 
couvrir  avec  un  emplâtre  ,  l'air  ainil  fermé 
ne  peut  plus  fe  faire  une  ifîue  au-dehors  ; 
il  s'échauffe  cependant ,  Se  Ce  raréfie  ;  il 
fait  effort  par  conféquent  pour  s'étendre  ; 
il  fe  fait  un  paffage  ultérieurement  dans 
la  membrane  celluleufe ,  Se  forme  une 
tumeur  dans  les  environs  de  la  plaie.  Si 
le  chirurgien  ,  dans  l'ignorance  de  la  caufe 
de  cette  tumeur  ,  cherche  à  la  connoitre 
encore  par  le  moyen  de  la  fonde ,  il  intro- 
duit une  nouvelle  quantité  d'air  qui  , 
étant  enfuite  fermé  par  l'emplâtre ,  produit 
de  nouveaux  effets  dans  l'intérieur  de  la 
plaie  ,  Se  fe  répand  dans  un  plus  grand 
efpace  fou?  les  tégumens  ,  gagne  le  front , 
les  paupières  Se  la  face  ;  en  forte  qu'il 
arrive  quelquefois  que  tout  le  vifage  eft 
enflé  par  une  tumeur  tranfparente  Se  élai- 
tique  qui  s'élève  prefqu'au  deflus  du  nez  , 
Se  couvre  entièrement  les  yeux.  Qu'il 
puifle  ainf-i  provenir  des  emphyfemes  à  la 
fuite  des  plaies  de  la  tête ,  c'eft  ce  qui  eft 
conftaté  dans  les  œuvres  chirurgicales  de 
Platner,  &c. 

Les  plaies  qui  pénètrent  dans  la  poi- 
trine ,  fourniffent  encore  plus  fouvent  des 
exemples  d'emphyfemes  ,  qu'elles  procu- 
rent ,  fur-tout  lorfqu'elles  pénètrent  dans 
fa  cavité  par  une  très -petite  ouverture  , 
qui  a  d'abord  donné  entrée  à  l'air  ,  Se  a 
cré   fermée    bientôt    après  d'elle-même  , 


EMP 

par  l'art  8e  les  emplâtres  ;  Se  encore  plus 
aifément ,  lorfque  la  furface  des  poumons 
fe  trouve  bleflée  ,  Se  laiffe  échapper  l'air  , 
où  il  fè  ramafle  en  plus  grande  quantité 
qu'il  n'y  eft  dans  l'état  naturel  ;  d'où  il 
fait  effort  contre  les  bords  internes  de 
la  plaie  du  thorax  ,  déterminé  à  fe  faire 
une  iffue  quâ  data  portât  par  la  preffion 
des  poumons  Se  de  l'atmofphere  ,  qui  les 
dilate  ;  il  pénètre  dans  le  tiflu  cellulaire  à 
différentes  reprifes  ,  comme  par  l'effet 
d'une  pompe  foulante  ,  Se  s'étend  fous 
les  tégumens  de  toute  la  furface  du 
corps. 

La  même  chofe  peut  encore  vraifem- 
blablement  arriver  dans  le  cas  où  il  fe 
fait  une  folution  de  continuité  dans  la 
furface  interne  du  thorax  par  un  ulcère  , 
par  érofion  ,  ou  par  toute  autre  caufe  , 
fans  léfion  extérieure.  L'air  habituel  de  la 
cavité  du  thorax  preffé  de  la  manier.? 
qui  vient  d'être  expofée  ,  peut  s'infînuer 
dans  le  tiflu  cellulaire  3  Se  y  produire  les 
effets  mentionnés. 

Les  emphyfemes  furvenus  à  la  fuite  de 
la  fracture  d'une  côte  ,  fans  aucune  léfion 
extérieure  ,  ne  peuvent  être  produits  que  par 
l'air  thorachique  ,  qni  peut  être  dans  le 
tiflu  cellulaire  par  quelque  déchirure  de  la 
furface  intérieure  du  thorax. 

Au  refte,  j'admets  volontiers  l'exiftence 
de  l'air  thorachique  ,  d'après  les  expérien- 
ces rapportées  dans  Vhœmaftatique  de  M. 
Halles  ,  que  j'ai  vu  répéter  avec  fuccès 
par  M.  de  la  Mure ,  célèbre  profefleur  de 
Montpellier. 

Boerhaave  (  /?//?.  morb.  atroc.  )  fait  men- 
tion d'un  ewphyfeme  produit  par  Une  fuite 
de  la  rupture  de  l'œfophage. 

Il  arrive  très-rarement  que  Vemphyfeme 
fbit  produit  par  une  caufe  interne  ,  parce 
que  l'air  qui  en  fournit  la  matière  ,  étant 
naturellement  incorporé  avec  les  humeurs, 
Se  réduit  à  fes  parties  élémentaires  ,  a 
perdu  les  qualités  qui  lui  font  propres  , 
Se  n'agit  plus  comme  un  air  élaftique  t 
c'eft  ce  que  prouvent  les  expériences 
de  Boerhaave  ,  d'Halles  ,  de  Jurin.  Il  ne 
peut  recouvrer  fbn  élafticité  ,  que  par  les 
effets  de  la  diminution  du  poids  de  l'at- 
mofphere ,  de  l'augmentation  de  la  cha- 
leur à  un  tel  degré  }  que  le  corps  humain 


E  M  P 

n'eft  jamais  naturellement  dans  le  cas  d  e- 
prouver  ces  altérations  ;  ou  par  les  effets 
de  la  putréfaction ,  qui  eft  très-rarement 
portée  au  point  de  faciliter  le  développe  - 
ment  des  parties  aériennes  ,  comme  on 
le  voit  arriver  dans  les  cadavres  des  noyés  , 
qui  ,  lorfqu'ils  font  pourris  à  un  certain 
point  ,  fe  gonflent  extrêmement  dans  tou- 
tes leurs  parties  ,  6c  acquièrent  un  tel 
volume  ,  qu'ils  deviennent  plus  légers 
fpécifiquement  que  l'eau  dans  laquelle  ils 
flottent  6c  furnagent  :  c'cft  là  un  véritable 
empkyfeme  général  produit  par  la  putré- 
faction ,  qui  peut  feule  (  à  moins  que  l'on 
ne  regarde  comme  une  caufe  de  cette  na- 
ture ,  l'effet  de  la  buprefte  ou  enflebceuf , 
prife  intérieurement ,  vcye[  Bupreste  )  en 
produire  de  fèmblables  dans  l'animal  vi- 
vant ,  à  en  juger  par  analogie  ,  6c  même 
par  les  faits.  On  a  vu  des  phlyctenes 
emphyfémateufes  fur  les  parties  afFt.ftées  de 
gangrené  ,  qui  étant  crevées  ,  rendoient 
une  vapeur  élaftique  avec  impétuofité. 
De  la  Mure  ,  thcf.  iv  ,  difp.  cathcd,  Mont- 
pell.  1749.  On  trouve  ,  mém.  de  l'académ. 
des  Sciences  ,  IJ04  ,  Pobfervation  d'une 
fille  de  cinq  ans  qui  devint  emphyfcma- 
teufe  par  tout  ion  corps  trois  jours  avant 
fà  mort ,  à  la  fuite  d'une  maladie  de  lan- 
gueur qui  l'avoit  confumée  peu  -à  -peu. 
Lorfque  l'on  voulut  faire  l'ouverture  du 
cadavre  ,  la  tumeur  fe  difîipa  entièrement 
après  le  premier  coup  de  fcalpel  qui  ou- 
yrit  la  peau  du  ventre  ,  &c  donna  i-flue  à 
l'air,  qui  fortit  avec  une  puanteur  infup- 
portabîe  ;  n'y  ayant  point  eu  de  caufe  ex- 
terne de  cet  emphyfsme  ,  on  ne  peut  guère 
l'attribuer  qu'à  la  putréfaction  ,  qui  avoit 
diflous  les  humeurs ,  remis  en  liberté  Pair 
qu'elle  contenoit ,  ou  fourni  une  matière 
flatueufe  élaftique  ,  d'où  avoit  pu  réfulter  le 
même  effet  que  de  l'air  même.  Halles  , 
clans  fa  ftatique  des  végétaux ,  établit  par  des 
expériences  incontestables ,  que  l'air  ou  toute 
autre  fubftance  élaftique  analogue  ,  produit 
par  ces  fortes  de  mouvemens  inteftins  ,  a 
toutes  les  propriétés  eflentielles  de  l'air 
commun. 

On  distingue  X'emphyfeme  de  toute  au- 
tre efpece  de  tumeur  ,  en  ce  ^ue  la  par- 
tie qui  en  eft  affectée  ,  étant  preffée  avec 
le  doigt  _,  il  s'y  fait  une  efpece  de  bruit , 


E  M  P  i£j 

de  craquement  ;  elle  réfifte  quelquefois  à 
la  preflion  par  reflbrt  ,  6c  d'autres  fois 
elle  cède  aifément  ,  6c  Ce  remet  promp- 
tement  dans  fon  précédent  état.  D'ail- 
leurs ,  cette  tumeur  ,  même  univerfelle  , 
ne  rend  pas  fènfîblement  le  corps  plus 
pefant. 

\J  emphyfeme  qui  eft  produit  par  .une 
caufe  externe  ,  eft  ordinairement  fans 
danger ,  à  moins  que  l'enflure  ne  foit  û 
confidérable  ,  fur-tout  au  cou  ,  qu'elle 
preffe  la  trachée-artere  ,  6c  menace  de  fuf- 
focation  ;  6c  dans  ce  cas  même  ,  fi  on  fc 
hâte  de  donner  iflue  à  la  matière  élafti- 
que renfermée  fous  la  peau  ,  le  danger 
cefle.  L'cmphyfeme  qui  eft  caufe  par  une 
bleflure  du  poumon  ,  n'eft  pas  fufceptible 
d'un  traitement  auflï  aifé  ,  parce  que  l'on 
ne  peut  pas  aifément  faire  cefïèr  l'épan- 
chement  de  l'air  dans  la  cavité  du  tho- 
rax ,  6c  tarir  la  fburce  de  l'cmphyfeme. 
Celui  qui  peut  furvenir  par  l'introduction* 
de  l'air  thorachique  dans  le  tilTu  cellulaire  3 
à  la  faveur  d'une  folution  de  continuité  de 
la  furface  interne  de  cette  cavité  3  eft  encore 
plus  difficile  à  guérir ,  tant  que  l'air  a  cette 
iflue  j  que  Ton  ne  peut  même  connoitre 
que  par  foupçon  dans  le  cas  où  Yemphyfeme 
s'établit  fans  aucune  caufe  externe  connue  , 
6c  fans  que  la  putréfaction  des  humeurs 
ait  lieu  pour  fe  former  :  celui  qui  eft  pro* 
duit  par  cette  dernière  caufè ,  eft  prefque 
incurable  ;  les  tumeurs  emphyfémateufes  de 
caufe  externe  font  de  peu  de  confé* 
quence. 

L'indication  qui  fe  préfente  pour  le 
traitement  de  Yemphyfeme  ,  de  quelque 
nature  qu'il  foit ,  doit  tendre  à  faire  for- 
tir  du  tiffu  cellulaire  la  matière  élaftique 
qui  endiftend  les  cavités  :  ce  que  l'on  peut 
obtenir  par  des  prefîlons  ou  des  frictions 
modérées  ,  qui  fafîènt  une  dérivation  de 
cette  matière  vers  l'iffue  qui  fe  trouve 
faite  par  une  plaie  ,  s'il  y  en  a  une ,  que 
l'on  doit  dilater  ,  s'il  eft  néceflaire  ,  pour 
rendre  la  fortie  de  l'air  plus  facile  ;  s'il 
n'y  a  point  de  plaie ,  ou  qu'elle  ne  fuffife 
pas  pour  dégager  promptement  les  parties 
tuméfiées  ,  on  a  recours  aux  feariheations 
qui  pénètrent  jufque  dans  ia  fubftance  du 
tiiiu  cellulaire.  On  trouve  dans  les  oeuvres 
d'Ambroife  Paré  ,  liv.  X  >  chap.  xxx ,  une 


*6*4  E    M    P 

très -belle  obfervation  fur  le  bon  effet  des 

(tarifications. 

Dans  le  traitement  de  Yemphyfeme  , 
pendant  l'effet  de  ce  remède  ,  on  doit 
s'appliquer  à  empêcher  que  la  matière  de 
l'enflure  emphyfémateufe  ne  fe  renouvelle 
par  la  voie  qui  lui  eft  ouverte  dans  le  tiflii 
cellulaire  ,  en  la  fermant  ,  autant  qu'il 
eft  peffible  ,  félon  les  moyens  que  l'art 
fournit. 

Si  l'on  ne  peut  pas  employer  des  re- 
mèdes à  cet  égard ,  on  doit  s'occuper  du 
loin  de  rendre  l'enflure  emphyfémateufe 
aufli  peu  nuifible  qu'il  eft  poflible  ;  c'eft 
ce  que  l'on  peut  faire  avec  fuccès  par  le 
moyen  de  la  faignée ,  répétée  autant  que 
les  forces  du  malade  le  permettent  :  elle 
produit  le  bon  effet  de  diminuer  la  cha- 
leur du  corps  j  &  par  conféquent  la  caufe 
■de  la  raréfaction  de  l'air  :  d'où  s'enfuit  la 
diminution  de  fon  volume  ,  le  relâche- 
ment des  tégumens  ,  la  ceflàtion  des  dif- 
tenfïons  violentes  qui  peuvent  eau  fer  de 
la  douleur  ,  des  inflammations ,  &c.  La 
matière  élaftique  ,  qui  refte  dans  le  tiflu 
cellulaire  ,  peut  enfuite  perdre  fon  reflbrt 
par  l'effet  des  exhalaifons  du  corps  qui 
s'y  mêlent  inévitablement  ;  propriété  bien 
établie  par  les  expéiiences  de  Halles ,  fia- 
tique  d.s  végétaux.  Cette  matière  ,  ainiî 
décompofée  ,  peut  Ce  difliper  avec  celle 
de  la  tranfpiration  à  laquelle  fes  élémens 
peuvent  s'unir  ,  ou  elle  peut  être  réfor- 
mée avec  celle  -  ci  fans  qu'il  s'enfuive 
rien  de  nuifible  ;  ainfi  difparoiflènt  l'en- 
flure &  tous  les  fymptomes  qui  l'accom- 
pagnent. 

On  trouve  dans  les  obfervations  de  Le- 
dran  ,  tome  I ,  la  guérifbn  d'un  emphyfeme 
caufé  par  la  fracture  de  quelques  cotes  , 
fans  folution  de  continuité  à  l'extérieur  : 
cette  cure  fut  opérée  par  la  méthode  qui 
vient  d'être  propofée  fans  aucun  remède 
externe. 

Dans  le  cas  où  Vemphyfemt  eft  produit 
par  l'effet  de  la  putréfaction  ou  de  la 
gangrené  ,  on  ne  peut  employer  que  les 
fpiritueux  de  les  antifeptiques ,  tant  exté- 
rieurement qu'intérieurement ,  attendu  que 
l'efprit-de-vin  &  fa  vapeur  même  ont  la 
propriété  de  détruire  aufïî  le  reflbrt  de 
l'ai/  ,  quoique   moins    efficacement  que 


E  M  P 

les  vapeurs  animales.  Cotes  ,  leçons  de  phy* 
fique. 

Les  tumeurs  emphyfémateufes  particuliè- 
res ne  différent  de  Yemphyfeme  que  du 
plus  au  moins  ;  elles  demandent  le  même 
traitement  proportionné.  Cet  article  eft  tiré 
en  partie  du  commentaire  des  aphorifmcs 
de  Boerhaave  ,  par  Wanfwieten  ,  &  de 
la  thefe  citée  de  M.  de  la  Mure.  Nous 
mettons  cet  article  fous  deux  lettres  ,  parce 
que  nous  l'avons  reçu  de  deux  mains  diffé- 
rentes ,  &  traité  à  peu  près  de  la  même  ma- 
nière, (d,  Y) 

Emphysème,  (Médecine  &  Chirurgie.) 
Nous  croyons  devoir  ajouter  à  cet  article 
la  finguliere  relation  de  M.  Galandat , 
chirurgien  à  la  ecte  de  Quaqua,  qu'on  a 
appellée  par  préjugé  ,  Côte  des  Maies-Gens  t 
&  qui  s'eft  trouvée  peuplée  par  une  na- 
tion  d'un  bon  commerce.  Les  médecins 
Nègres  font  naître  un  emphyfeme  artifi- 
ciel ,  qu'ils  croient  falutaire  contre  plufieurs 
maladies  ,  comme  la  maladie  hypocon- 
driaque ,  le  rhumatifme.  L'incifion  ,  que 
recommandoit  M.  de  Sauvages  pour  la 
guérifon  de  Yemphyfeme  ,  ne  paroît  pas  né- 
ceflaire ,  puifque  cet  air  artificiel  difparoît 
au  bout  de  neuf  ou  dix  jours. 

Il  eft  aflèz  difficile  de  trouver  le  mé- 
chanifme  par  lequel  l'air  foufflé  fous  la 
peau  peut  guérir  la  maladie  hypocon- 
driaque :  on  feroit  tenté  de  croire  qu'il 
feroit  un  mauvais  effet  fur  la  tranfpiration  , 
en  éloignant  les  petits  trous  des  artères  cu- 
tanées de  leurs  branches  exhalantes.  Il  feroit 
moins  improbable  que  cet  emphyfeme  arti- 
ficiel pût  fervir  à  engraiffer  les  beftiaux  ;  il 
doit  relâcher  les  parois  des  cellules ,  &  aug- 
menter la  furface  dans  laquelle  la  graille  eft 
dépofée. 

Cet  air  ,  en  fè  mêlant  peu  à  peu  à  l'hu- 
meur dont  toutes  les  cavités  ,  grandes  ou 
petites  ,  du  corps  humain  font  abreuvées  , 
&  diflbus  dans  cette  eau  gélatineufe  ,  ren-» 
tre  dans  le  fang,  (  H.  D.  G,  ) 

Emphysème  ,  (  Maréchall.  )  c'eft  ainfî 
que  l'on  devroit  appeller ,  dans  la  maré- 
challerie  ,  toute  bouffiflure  ,  tout  gonfle- 
ment flatueux  ,  toute  tumeur  produite  par 
une  collection  ou  un  amas  d'air  retenu, 
fous  la  peau  dans  les  cellules  des  corps 
graifleux, 

l/emphyfeme 


E  M  P 

V^mphyfeme  particulier  efl  très-commun 
dans  les  chevaux. 

Il  eu  étonnant  que  ,  dans  une  énorme 
quantité  de  volumes  &  d'écrits  concernant 
le  traitement  de  ces  animaux ,  Pefprit  ne 
rencontre  pas  un  feul  point  fur  lequel  il 
puiffe  fe  fixer  ,  &  d'où  il  puifTe  partir  ; 
on  n'y  trouve  que  défordre  ,  que  trouble  , 
que  confufion.  Les  vraies  définitions  des 
maladies  ,  leurs  fymptomes  propres  & 
communs ,  leurs  caufes  ,  leurs  efpeces  , 
leurs  différences ,  leurs  temps  ,  leurs  com- 
plications ,  leurs  terminaifons  ,  tout  fem- 
ble  avoir  échappé  à  des  auteurs  dont  la 
réputation  n'a  eu  d'autre  bafè  qu'une 
crédulité  non  moins  aveugle  qu'eux  mê- 
mes. Les  plus  accrédités  ont  été  ceux  qui 
fe  font  contentés  de  faire  un  vain  ufage 
de  recettes  &  de  remèdes  ,  ou  qui  fe  font 
efforcés  d'en  impofer  d'ailleurs  par  des 
titres  fpécieux  ,  par  des  promeuves  hardies 
&  par  des  fuccès  douteux.  V'oye\  le  difcours 
préliminaire  du  fécond  volume  des  élémens 
d'hippiat. 

Dans  cet  état  il  n'efl  pas  difficile  de 
juger  du  peu  de  progrès  que  nous  avons 
dû  faire.  Il  s'agiroit  ,  pour  diffiper  les  té- 
nèbres épaiffes  qui  nous  mafquent  la  vé- 
rité ,  d'établir  fur  des  fondemens  inébran- 
lables ,  c'efr-à-dire  ,  fur  des  connoiffances 
certaines  &  évidentes ,  &  fur  des  obfer- 
vations  raifonnées  ,  la  pratique  du  maré- 
chal ;  de  faire  de  l'art  une  efpece  de 
chaîne  dont  toutes  les  parties  fe  tien- 
droient ,  &  de  rejeter  avec  une  judicieufe 
févérité  tout  ce  qu'une  ignorance  auda-r 
cieufe  nous  a  préfènté  de  faux.  Les  tu- 
meurs font ,  par  exemple  ,  innombrables 
de  la  manière  dont  nous  les  envifageons  ; 
car ,  à  mefure  qu'elles  fe  font  montrées , 
on  a  affigné  un  nom  particulier  à  chacune 
d'elles  :  de  là  cette  foule  de  mots  bizarres 
qui  rendent  l'étude  de  l'hippiatrique  d'au- 
tant plus  faftidieufe ,  qu'ils  n'expriment  & 
n'apprennent  rien.  Il  feroit  donc  ,  à  cet 
égard  ,  très-important  de  les  ranger ,  à 
l'exemple  de  la  chirurgie  ,  fous  difFérens 
genres  auxquels  on  pourroit  les  rapporter. 
Les  objets  ainfi  fimplifiés ,  nous  procéde- 
rions plus  méthodiquement  &  plus  fure- 
ment  ,  &  nous  ne  nous  perdrions  pas 
dans  un  chaos  monflrueux  qui  nous  dérobe 
Tome    XII. 


E  M  P  i6f 

jufqu'aux  moindres   lueurs.     Voye^   TU- 
MEUR. 

En  général  y  on  remédie  aux  tumeurs 
emphyfémateufes  ,  en  augmentant  la  force 
fyfraltique  des  fibres  ,  à  l'effet  de  parer  à 
une  trop  grande  dilatation  ,  &  de  les  em- 
pêcher de  céder  trop  facilement  à  l'expan- 
fion  de  l'air  ;  auffi  employons-nous  pour 
les  diflîper  les  médicamens  confortatifs  & 
fpiritueux. 

On  les  diflingue  des  tumeurs  œdéma-. 
teufes  ,  qui  ne  font  pareillement  accom- 
pagnées ni  de  chaleur  ni  de  douleur  ,  en 
ce  que  dès  qu'elles  ont  prêté  à  une  prefc 
fion  quelconque  du  doigt ,  elles  reviennent- 
fur  le  champ  à  leur  premier  état  ;  au  lieu 
que  dans  l'œdémie  ,  cette  impreffion  ne 
s'efface  pas  aufll-tôt ,  &  laifîè  un  enfonce- 
ment à  la  peau  ;  car  cette  tumeur  eft  non- 
feulement  molle  ,  mais ,  en  quelque  façon , 
pâteufe.  (  e  ) 

EMPHYTEUTAIRE  ,  f.  m.  (  Jurifp.  ) . 
eff  la  même  chofe  qu' emphytéote.  Voye^ 
EMPHYTÉOTE  &EMPHYTÉOSE.  (A) 

EMPHYTÉOSE  ,  f.  f.  (Jurifprud.  ) 
efl  un  contrat  par  lequel  le  propriétaire 
d'un  héritage  en  cède  à  quelqu'un  la 
jouiffance  pour  un  temps ,  ou  même  à 
perpétuité  ,  à  la  charge  d'une  redevance 
annuelle  que  le  bailleur  réferve  fur  cet 
héritage  ,  pour  marque  de  fon  domaine 
direct. 

Ce  contrat  n'a  lieu  que  pour  des  héritages, 
&  non  pour  des  meubles  ,  ni  même  pour 
des  immeubles  fictifs. 

Le  terme  d'emphytéofe  tire  fon  étymo- 
logie  du  Grec  'mfultu&iv  ,  qui  fignifie 
planter  y  améliorer  une  terre  9  parce  que 
ces  fortes  de  contrats  ne  fe  pratiquoient 
que  pour  des  terres  que  l'on  donnoit  à 
défricher  ;  &  c'eft  de  là  ,  félon  quelques 
auteurs  ,  que  ce  contrat  s'appelle  roture  , 
quafi  à  rumpendis  terris.  Le  complant  ÔC 
le  bordelage  ,  ufités  dans  quelques  pro- 
vinces ,  ont  beaucoup  de  rapport  avec 
Vemphytéofe.    Voye\  BORDELAGE  Ù 

Complant. 

On  peut  auffi  donner  à  titre  iïemphy-* 
téofe  une  maifon  en  ruine,  à  la  charge  de 
la  réparer. 

L'ufage  de  Vemphytéofe  nous  vient  des 
Romains  ,  chez  lefquels   elle  ne  donnoic 

Ll 


d'abord  au  preneur  qu'une  jouifîânce  à 
temps  ,  comme  pour  99  ans  au  plus  ; 
quelquefois  pour  la  vie  du  preneur  feu- 
lement ;  quelquefois  aufli  pour  pîufieurs 
générations  >  mais  toujours  pour  un  temps 
feulement ,  ainfi  que  l'a  prouvé  Dumoulin 
fur  la  rubrique  du  titre  ij  ,  &  fur  Y  art.  55, 
gl.  4.  C'eft  pourquoi ,  dans  les  loix  Ro- 
maines ,  le  droit  de  l'emphytéote  n'eft 
point  qualifié  de  feigneuric ,  linon  dans 
les  trois  derniers  livres  du  code  ,  &  depuis 
3e  temps  de  Conftantin  :  il  n'étoit  qualifié 
jufque-là  que  fervitus  ou  jus  fundi  y  l.  iij  , 
fF.  de  reb.  eor.  qui  fub  tutel.  Ù  leg.  domus 
delegat.  i°.  C'eft  aufli  par  cette  raifon  que 
Cujas  met  Yemphytéofe  entre  les  efpeces 
d'ufufruits. 

JJemphytéofe  devint  enfin  perpétuelle  , 
comme  elle  eft  encore  réputée  telle  in  dubio; 
au  moyen  de  quoi  Yemphytéote  fut  appelle 
dominus  fundi  P  L  fundi  Ù  l.  poffefj\  c.  de 
fund.  patrim. 

La  contradiction  apparente  qui  fe  trouve 
entre  quelques  loix  fur  cette  matière  ,  vient 
de  ce  que  les  unes  parlent  de  Yemphytéofe 
perpétuelle,  d'autres  parlent  de  Yemphytéofe 
temporelle. 

On  diftinguoit  chez  les  Romains  le 
contrat  emphytéotique  du  bail  à  longues 
années  ou  à  vie  ,  en  ce  que  dans  celui-ci 
la  redevance  étoit  ordinairement  à-peu- 
près  égale  à  la  valeur  des  fruits  ;  au  lieu 
que  dans  Yemphytéofe  la  redevance  étoit 
modique ,  en  confidération  de  ce  que  le 
preneur  s'obligeoit  de  défricher  &  amé- 
liorer l'héritage.  Mais  parmi  nous  on  con- 
fond fouvent  Yemphytéofe  proprement  dite 
avec  le  bail  à  longues  années  ou  à  vie , 
qu'on  appelle  auffi  bail  emphytéotique  : 
en  Poitou  on  les  appelle  vicairies ,  quajï 
vice  domini.  Il  y  a  de  ces  vicairies  qui  font 
pour  trois  ou  quatre  générations  ,  comme 
cela  fe  pratiquoit  fouvent  pour  Yemphytéofe 
chez  les  Romains.  En  Dauphiné  ,  &  dans 
quelques  autres  pays  de  droit  écrit ,  on  les 
appelle  albergemens. 

Le  contrat  Yemphytéofe  difFéroit  auffi 
chez  les  Romains  du  contrat  libellaire  , 
qui  revenoit  à  notre  bail  a  cens  ,  &  de 
certaines  concevions  à  rentes  foncières 
non  feigneuriales  qui  étoient  ufitées  parmi 
çux ,  telles  que  la  redevance  appcllée  cloar> 


tMP 

carium  :  au  lieu  qu'en  France  ,  dans  les 
pays  de  droit  écrit ,  Yemphytéofe  faite  par 
le  feigneur  de  l'héritage  ,  a  le  même  effet 
que  le  bail  à  cens  en  pays  coutumier  ;  & 
Yemphytéofe  faite  par  le  fimple  propriétaire 
de  l'héritage  ,  y  eft  ordinairement  confon- 
due avec  le  bail  à  rente  foncière  :  ces  deux 
fortes  (Yemphytéofes  y  font  perpétuelles  de 
leur  nature. 

La  redevance  que  l'on  ftipule  dans  ces 
fortes  de  contrats  en  pays  de  droit  écrit , 
y  eft  ordinairement  appellée  canon  emphy-> 
téotique. 

Les  loix  décident  que  ,  faute  par  1  em~ 
phytéote  de  payer  ce  canon  ou  redevance 
pendant  trois  ans  ,  il  peut  être  évincé  par 
le  preneur ,  qui  eft  ce  qu'on  appelle  tomber 
en  commife. 

Il  y  avoit  encore  une  autre  commife 
emphytéotique  ;  lorfque  le  preneur  ven- 
doit  l'héritage,  fans  le  contentement  du 
bailleur. 

Mais  on  a  expliqué  ci-  devant  au  mot 
Commise  emphytéotique  ,  de  quelle, 
manière  ces  loix  font  obiervées.  On  peut, 
encore  voir  à  ce  fujet  ce  que  dit  Bouta- 
ric  en  fon  traité  des  droits  feigneuriaux  _, 
chap.  xiij  y  où  ,,à  l'occafion  de  la  commife. 
qui  avoit  lieu;  en  cas  de  vente  ,  il  dir 
que  préfentement  l'emphytéote  peut  ven- 
dre quand  bon  lui  femble ,  fans  être  tenu 
de  faire  aucune  dénonciation  ;  que  le 
feigneur  a  feulement  le  droit  de  retirer 
le  fonds  vendu ,  en  rembourfànt  le  prix 
à  l'acquéreur  ;  que  s'il  ne  veut  pas  ufer 
de  ce  droit  de  prélation  ,  il  ne  peur ,  fui- 
vant  les  loix  ,  exiger  que  la  cinquantième 
partie  du  prix  de  la  vente  pour  Y inveftiture 
du  nouvel  acquéreur  ;  que  toutes  les  cou- 
tumes du  royaume  fe  font  bien  confor- 
mées à  la  difpofition  du  droit ,  en  ce  qu'elles 
permettent  toutes  au  feigneur  d'exiger  un 
droit  à  chaque  mutation  qui  fe  fait  par 
vente  ;  mais  qu'il  n'y  a  aucune  coutume 
qui  ait  fixé  ce  droit  de  mutation  à  un  fi 
bas  pié  que  celui  de  In  cinquantième  partie 
du  prix. 

M.  Guyot ,  en  fon  traité  des  fiefs  ,  traité 
du  quint)  chap.  viij y  dit  que  les  auteurs 
s'accordent  affez  pour  conclure  qu'il  n'eft 
point  dû  quint  en  fiefs  ni  lods  &  ventes  en 
roture ,  pour  bail  emphytéotique  à  99  ajas 


E  M  P 

ou  à  vie  :  il  érend  même  cela  à  Yemphy- 
tcofc  perpétuelle  ,  fi  par  le  bail  il  n'y  a  pas 
de  deniers  debourfes  ;  au  cas  qu'il  y  en  eût , 
que  les  deniers  en  feraient  dus  à  propor- 
tion ;  ce  qui  efl  conforme  aux  coutumes 
d'Anjou  &  du  Maine  ,  qui  décident  aufli 
que  le  retrait  y  a  iku  ,  quand  il  y  a  des 
deniers  debourfes. 

Le  même  auteur  explique  dans  le  chapitre 
fuivant ,  en  quoi  Yempkytéofe  diffère  du  bail 
à  locatairie  perpétuelle.  Voy.  LOCATERIE 
PERPÉTUELLE. 

En  pays  coutumier ,  Yemphyte'ofe  efl  un 
bail  à  longues  années  d'un  héritage ,  à  la 
charge  de  le  cultiver  &  améliorer  ;  ou  d'un 
fonds  ,  à  la  charge  d'y  bâtir  ;  ce  qui  a  quel- 
que rapport  au  contrat  fuperficiaire  des 
Romains  ;  ou  d'une  maiion ,  à  condition 
de  la  rebâtir  ,  moyennant  une  penfion  ou 
redevance  annuelle  modique  ,  payable  par  le 
preneur. 

On  flipule  auffi  quelquefois  que  le  preneur 
paiera  une  certaine  fomme  de  deniers  d'en- 
trée pour  ce  bail. 

Tout  bail  qui  excède  neuf  années  ,  efl 
réputé  bail  emphytéotique  ou  -à  longues 
années. 

Uemphytéofe  fe  fait  ordinairement  pour 
20  ,  30  ,  40 ,  50  ,  60  ,  ou  99  ans  ,  qui  efl 
le  terme  le  plus  long  que  l'on  puifïè  donner 
à  ces  fortes  de  baux. 

Lorfque  ce  bail  efl  fait  pour  un  temps 
fixe ,  les  héritiers  du  preneur  en  jouifTent 
pendant  tout  le  temps  quienrefle  à  expi- 
rer ,  quoique  le  bail  ne  laiTe  pas  mention, 
d'eux. 

On  peut  faire  un  bail  emphytéotique , 
tant  pour  la  vie  du  preneur  que  pour  celle 
de  (es  enfaus  &  petits-enfans.  La  coutu- 
me d'Anjou ,  art.  42  s.,  &  celle  du  Maine , 
art.  4l  3  >  appellent  ces  fortes  de  contrats  , 
i>J.ux  à  viage. 

Le  bail  à  vie  diffère  néanmoins  à  cet 
égard  des  autres  baux  emphytéotiques  , 
en  ce  que  fi  le  bail  à  vie  ne  nomme  que 
ie  preneur  &  fes  enfnns  ,  les  petits-enfans 
c'y  font  pas  compris  ;  au  lieu  que  fi  c'efl 
un  bail  emphytéotique  fimplement  pour 
le  preneur  &  fes  enfans  ,  les  petits-en- 
fans y  font  auiii  compris  lous  le  nom 
à1  enfans  y  fuivant  la  règle  ordinaire  de 
droit. 


Vemphyteofe  reffemble  au  bail  à  loyer 
ou  à  ferme  ,  en  ce  que  l'un  &  l'autre  con- 
trat efl:  fait  à  ia  charge  d'une  penfion  an- 
nuelle ;  mais  Yemphyte'ofe  diffère  auflî  du 
louage  ,  en  ce  que  ï'emphytéote  a  la  plu- 
part des  droits  &;  charges  du  propriétaire  : 
&  en  efiet  ,  le  bail  emphytéotique  til  une 
aliénation  de  la  propriété  utile  au  profit  du 
preneur  pendant  tout  le  temps  que  doit 
durer  le  bail ,  la  propriété  directe  demeurant 
réiervée  au  bailleur. 

Le  preneur  étant  propriétaire  ,  peut 
vendre  ,  aliéner  ,  échanger  ou  hypothé- 
quer l'héritage  ,  mais  il  ne  peut  pas  donner 
plus  de  droit  qu'il  en  a  ;  &  lorfque  le 
temps  de  la  conceffion  efl  expiré ,  refo- 
luto  jure  dantis  y  refolvitur  &  jus  acci- 
pientis. 

Ceux  qui  ne  peuvent  pas  aliéner ,  ne. 
peuvent  pas  non  plus  donner  à  titre  d'tf/^- 
phytéofe  perpétuelle  ,  ou  à  temps. 

L'égliie  &  les  communautés  ne  le  peu* 
vent  raire  qu'avec  les  folemnités  preferices 
pour  l'aliénation  de  (es  biens  ;  on  tient 
même  qu'elle  ne  peut  faire  aemphytéofe 
perpétuelle  ,  mais  feulement  pour  99  ans  au 
plus. 

La  penfion  ou  redevance  emphytéotique 
efl  tellement  de  l'eifence  de  ce  contrat ,  que 
s'il  n'y  en  avoit  pas  une  referve  ,  ce  ne  feroit 
point  une  emphyte'ofe. 

L'emphytéote  ne  peut  pas ,  comme  un 
fimple  locataire  ou  fermier  ,  obtenir  une 
remifè  ou  diminution  de  la  penfion  annuelle, 
pour  caufe  de  flérilité  ,  parce  que  la  penfion 
emphytéotique  efl  moins  pour  tenir  lieu  des 
fruits ,  qu'en  figne  de  reconnoifîance  de  la 
feigneurie  directe. 

Il  n'efl  pas  permis  à  l'emphytéote  de 
dégrader  le  fonds  y  ni  même  d'en  changer 
la"furface,  de  manière  que  la  valeur  en 
foit  diminuée  :  ainfi  il  ne  peut  pas  con- 
vertir en  terre  labourable  ce  qui  efl  en 
bois  ;  mais  il  peut  couper  les  bois  ,  même 
de  haute  futaie ,  qui  fe  trouvent  en  âge 
d'être  coupés  pendant  la  durée  de  fon 
bail. 

Il  ne  peut  pas  détruire  les  bâtimens  qu'il 
a  trouvés  faits ,  ni  même  ceux  qu'il  a, 
con/truits  lorfqu'il  étoit  obligé  de  le  raire; 
mais  s'il  en  a  fait  volontairement  quelques- 
uns  ,  il  peut  de  même  dans  le  courant  d& 

Ll  2. 


26S  E  M  P 

fon  bail  les  enlever  ,  pourvu  que  ce  fbit  fans 
dégrader  l'hérirage. 

On  ftipule  ordinairement  ,  quand  on 
donne  une  place  à  titre  d'emphytéofe  P  que 
le  preneur  fera  tenu  d'y  bâtir  :  cette  claufe 
n'eft  pourtant  pas  de  l'efîence  d'un  tel  con- 
trat ;  mais  fi  elle  y  eft  appofée ,  on  peut  con- 
traindre le  preneur  à  l'exécuter. 

La  léfion  ,  telle  qu'elle  (bit ,  n'eft  point 
un  moyen  de  reftitution  contre  Yemphytéofe, 
excepté  pour  celles  qui  concernent  Péglife 
&  les  mineurs ,  qui  peuvent  être  relevées 
quand  la  léfion  eft  énorme. 

La  jouiffance  d'un  bail  emphytéotique 
peut  être  faille  &  vendue  ,  comme  les  im- 
meubles ,  à  la  requête  des  créanciers. 

En  fait  d'emphytéofe ,  la  tacite  recon- 
duction n'a  point  lieu. 

Le  preneur  ne  peut  pas  non  plus  pres- 
crire le  fonds ,  attendu  qu'on  ne  peut  pas 
changer  la  caufe  de  fa  pofïèffion  ;  mais  il 
peut  prelcrire  les  arrérages  de  fà  redevance , 
qui  font  échus. 

Toutes  les  réparations  ,  tant  grofles  que 
menues,  font  à  la  charge  de  l'emphytéote 
pendant  la  durée  de  fon  bail. 

Il  eft  auffi  obligé  d'acquitter  toutes  les 
charges  réelles  &  foncières  ,  telles  que  la 
dîme  ,  le  cens  ,  champart ,  &c. 

A  l'expiration  du  terme  porté  par  le 
bail  emphytéotique  ,  le  preneur  ,  ùs  héri- 
tiers ou  ayans-caufe  doivent  rendre  les  lieux 
en  bon  état ,  à  l'exception  des  bâtimens 
qu'il  a  conftruits  volontairement  ,  lefquels 
on  ne  peut  pas  l'obliger  à  réparer  ;  mais 
il  ne  peut  pas  non  plus  les  démolir  à  la 
fin  de  fon  bail ,  en  emporter  aucuns  maté- 
riaux ,  en  répéter  les  impenfes  ,  ni  obliger , 
fous  ce  prétexte ,  le  bailleur  à  lui  continuer 
le  bail,  foit  pour  la  totalité  de  ce  qui  y 
étoit  compris ,  foit  même  pour  la  jouifîànce 
de  ces  bâtimens  ;  dans  ce  cas  ,  fuperficies 
folo  cedit. 

Si  le  fonds  donné  en  emphytéofe  vient 
à  périr  totalement  ;  par  exemple  ,  fi  c'eft 
une  maifon ,  &  qu'elle  foit  entièrement 
ruinée  par  quelque  force  majeure^- en  ce 
cas  le  preneur  eft  déchargé  de  la  penfion. 

Il  peut  aulli,  en  déguerpiffant  l'héritage, 
fe  faire  décharger  en  juftice  de  la  penfion , 
quoiqu'il  fe  fût  obligé  perfonnellement  au 
paiement  de  cette  penfion ,  &  qu'il  y  eût 


E  M  P 

hypothéqué  tous  fes  biens  ,  l'obligation  per- 
fonnelle  étant  dans  ce  cas  feulement  accef- 
foire  à  l'hypothécaire.  Voye\  DÉGUER- 
PISSEMENT.  Voye\  au  digefte  ,  Ji  ager 
vectigalis  }  id  eft  emphyteuticarius  ,  peta- 
tur;  &  au  code  de  jure  emphyteutico.  Il  y#a 
auffi  plufieurs  traités ,  de  jure  emphyteutico  , 
par  Julius  Clarus  ,  Gui  o  de  Su\aria  9 
Corbulusy  Rutherus  y  Rulandt  ;  &  un  petit 
traité  de  Vemphytéofe  ,  par  Jovet,  inféré 
dans  le  dictionnaire  de  Brillon  ,  au  mot  bail 
emphytéotique.  Voyez  aujji  Duclapier , 
quefi.  j  ,  caufe  z  $  ;  Defpeiffes  ,  tome  II îy 
page  j  z  ;  Chorier/wr  Gui-Pape  ,p.  &4-4-Î 
Franc.  Marc ,  tome  I ,  quefi.  £$3.  {A) 

EiMPHYTEOTE,  f.  m.  (Junfprud.) 
eft  celui  qui  a  pris  un  bien  à  titre  d: emphy- 
téofe ,  c'eft-à-dire  ,  à  longues  années  ou  à 
perpétuité.  Voye\  ci- devant  y  EMPHY- 
TÉOSE.   (A) 

EMPHYTÉOTIQUE  ,  adj.  (Jurifp.) 
fe  dit  de  ce  qui  appartient  à  l'emphytéofe , 
comme  un  bail  emphytéotique  ,  une  rede- 
vance emphytéotique.  Voye^  EMPHY- 
TÉOSÉ.  (A) 

EMPIÉTANT,  adj.  en  terme  de  Blafon, 
fe  dit  de  l'oifeau  de  proie  qui  eft  fur  fà  proie , 
qu'il  tient  avec  Ces  ferres. 

Tarlet  en  Bourgogne  ,  d'azur  au  faucon 
d'or ,  grilleté  d'argenr ,  empiétant  une  per- 
drix d'or ,  becquée  &  onglée  de  gueuks. 

EMPIÉTER,  v.  neut.  (Fauconnerie.) 
fe  dit  d'un  oifeau  de  proie ,  &  particuliè- 
rement de  l'autour  qui  empiète  _,  c'eft-à- 
dire  ,  qui  enlevé  &  emporte  la  proie  avec 
les  pies. 

EMFILER  ,  v.  nâ.  (  Comm.  )  mettre 
plufieurs  marchândifes  d'une  même  ou  de 
différentes  fortes,  les  unes  fur  les  autres, 
en  faire  une  pile.   Voye\  PlLE. 

On  empile  des  étofiès  dans  un  magafin, 
du  bois  fiotté  dans  un  chantier,  des  mo- 
rues dans  un  navire  ou  dans  un  bateau. 
Diciionn.  de  Comm.  de  Trév.  &  Chambers. 
(G) 

EMPIRANCE  ,  f.  f .  (  Marine.  )  On 
fe  fert  quelquefois  de  ce  terme  pour  expri- 
mer le  déchet  ,  corruption  ou  diminution 
qui  arrive  aux  marchândifes  que  la  tem- 
pête ou  quelqu'autre  accident  contraint 
de  jeter  de  côté  &  d'autre  dans  le  vaiP- 
fèau.   On  dit  au{&  em'pirance  &  empirer 


E  M  P 

par  fon  propre  vice  ,  quand  la  corruption 
ou  diminution  arrive  par  la  nature  des  chofes; 
&  que  ce  n'efl  point  un  accident  qui  le 
caule.  (Z) 

EMPIRE ,  AUTORITÉ  ,  POUVOIR , 
PUISSANCE  ,  iyn.  (  Gramm.  )  Outre  les 
différences  qu'on  a  remarquée  entre  ces 
mots  à  V article  AUTORITÉ,  voici  encore 
des  nuances  qui  les  dillinguent ,  &  que  nous 
choifirons  dans  une  même  matière,  pour  les 
rendre,  plus-frappantes.  On  dit  l' empire  que 
Dieu  exerce  fur  les  hommes  y  V autorité 
d'un  concile  ,  le  pouvoir  d'abfoudre  y  la 
puij/ance  eccléjiaftique.  (  O  ) 

EMPIRE  ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  gouver- 
nement monarchique  où  la  fouveraine  puif- 
lance  efr.  réunie  dans  une  leule  perfonne. 
On  connoît  dans  l'hiftoire  ancienne  qua- 
tre grandes  monarchies  ou  quatre  grands 
empires  ;  celui  des  Babyloniens  ,  Chal- 
déens  &  Afîyriens  ;  celui  des  Medes  ou 
des  Perfes  ;  Y  empire  des  Grecs  ,  qui  com- 
mence &  finit  à  Alexandre  ,  puifqu'à  fa 
mort  (es  conquêtes  furent  divifees  entre  (es 
capitaines  ;  &  celui  des  Romains.  Les  deux 
premiers  n'ont  fubfifté  que  dans  l'Orient  ; 
le  troifieme  en  Orient  &  partie  en  Occident  ; 
&  Yempire  Romain  dans  prelque  tout 
l'Occident  connu  pour  lors  ,  dans  une  par- 
tie de  l'Orient ,  &  dans  quelques  cantons 
de  l'Afrique. 

L'empire  des  Aflyriens  ,  félon  Ufferius  , 
commença  en  2.737  ,  &  dura  520  ans. 
Ninus  ,  Beli  filius  ,  Afjyriorum  fundavit 
imperium }qui  £ zoanmsfuperiorem  AJiam 
obtinuèrunt.  11  a  fubfifté  jufqu'à  Sardana- 
pale  leur  dernier  roi ,  en  32,57  ,  &  a  ,  par 
conféquent,  duré  plus  de  quatorze  cents  cin- 
quante ans. 

Y? empire  des  Medes  ,  commencé  par 
Arbace  l'an  du  monde  32,57 ,  eu.  réuni 
fous  Cyrus  avec  celui  des  Babyloniens  & 
des  Perfes  l'an  3468.  C'eft  à  cette  époque 
que  commence  proprement  Yempire  des 
Perfes  ,  qui  finit  deux  cents  foixante  ans 
après  la  mort  de  Darius-Codoman ,  l'an  du 
monde  3674. 

L'empire  des  Grecs ,  à  ne  le  prendre  que 
pour  la  durée  du  règne  d'Alexandre 
commença  l'an  du  monde  3674  ,  &  finit, 
à  la  mort  de  ce  conquérant  ,  arrivée  en 
3681.  Si  par  empire,  des  Grecs  on  entend 


E  M  P  i69 

non  feulement  la  monarchie  d'Alexandre  , 
mais  encore  celle  des  grands  états  que  fes 
fucceffeurs  formèrent  des  débris  de  fon 
empire  ,  tels  que  les  royaumes  d'Egypte , 
de  Syrie  ,  de  Macédoine  ,  de  Thrace  &  de 
Bithynie  ,  il  faut  dire  que  Yempire  des 
Grecs  s'eft  éteint  fuccefilvement  &  par 
parties ,  le  royaume  de  Syrie  ayant  fini  l'an 
du  monde-  3939  ;  celui  de  Bithynie  onze 
ans  plutôt  ,  en  3928  ;  celui  de  Macé- 
doine en  3836  ;  &  celui  d'Egypte  ,  qui 
fe  foutint  le  plus  long-temps  de  tous  , 
ayant  fini  fous  Cléopatre  ,  l'an  du  monde 
3974  :  ce  qui  donneroit  précifément  trois 
cents  ans  de  durée  à  Yempire  des  Grecs  , 
à  commencer  depuis  Alexandre  jufqu'à  la 
deftru&ion  du  royaume  d'Egypte  fondé  par 
fès  fucceffeurs. 

L'empire  Romain  commence  à  Jules- 
Céfar  ,  lorfque  vi&orieux  de  tous  Ces  en-; 
nemis  ,  il  efr.  reconnu  dans  Rome  ,  dic- 
tateur perpétuel ,  l'an  708  de  la  fondation 
de  cette  ville  ,  quarante  -  huit  ans  avant 
Jefus-Chrift ,  &  du  monde  l'an  3956.  Le 
liège  de  Yempire  eu  transporté  à  Byfance 
par  Conflantin  ,  l'an  334  de  Jefus-Chrifî  , 
onze  cents  quatre-vingt-dix  ans  après  la 
fondation  de  Rome.  L'Occident  &  l'O- 
rient fe  trouvent  toujours  réunis  fous  le 
titre  d'empire  Romain  ,  &  fous  un  feul 
ou  fous  deux  princes ,  Conftantin  &  Irène  , 
julqu'à  ce  que  les  Romains  proclament  Char- 
lemagne  empereur,  l'an  8co  de  Jefus-Chrift. 
Depuis  cette  époque  ,  l'Orient  &  l'Occi- 
dent ont  formé  deux  empires  féparés. 
Celui  d'Orient ,  gouverné  par  les  empe- 
reurs Grecs ,  commence  en  802  de  Jefus- 
Chrift  ;  &  après  s'être  afFoibii  par  degrés , 
il  a  fini  en  la  perfonne  de  Conftantin- 
Paléologue  ,  l'an  1453.  L'empire  d'Occi- 
dent ,  qu'on  appelle  encore  Yempire  Ro- 
main ,  &  plus  communément  Yempire  d'Al- 
lemagne y  après  avoir  été  héréditaire  fous 
quelques-uns  des  fùccefîeurs  de  Charle- 
magne  ,  devint  éleftif,  &  a  déjà  fubfifté 
neuf  cents  quarante-fept  ans.  Voye\  l'arti- 
cle fuivant.  (G) 

EMPIRE,  {Hift.  &  Droit  politique.) 
c'eft  le  nom  qu'on  donne  aux  états  qui 
font  fournis  à  un  fouverain  qui  a  le  titre 
d'empereur;  c'eft  ainfi  qu'on  dit  Yempire 
du  Mogol ,  Yempire  de  RuJJle ,  &c.  Mais 


*7®  EMP 

parmi  nous  ,  on  donne  le  nom  iïempire' 
par  excellence  au  corps  Germanique  ,  qui 
eft  une  république  compofée  de  tous  les 
princes  &  érars  qui  forment  les  trois  col- 
lèges d'Allemagne  ,  &  foumile  à  un  chef 
qui  eft  l'empereur. 

L'empire  Germanique,  dans  l'état  ou  il 
eft  aujourd'hui ,  n'eft  qu'une  portion  des 
états  qui  .étoii'ht  fournis  à  Charlem,  gne. 
Ce  prince  poffédoit  la  France  par  droit 
<de  fucceftion  ;  il  avoit  conquis ,  par  la 
force  des  armes,  tous  les  pays  fitués  de- 
puis le  Danube  jufqu'à  la  mer  Baltique  ; 
il  y  réunit  le  royaume  de  Lombardie  ,  la 
ville  de  Rome  &  fon  territoire  ,  ainfi  que 
l'exarcat  de  Kavennes  ,  qui  étoient  prel- 
que  les  feuls  domaines  qui  reftaflfent  en 
Occident  aux  empereurs  de  Conftanti- 
nople.  Ces  vaftes  états  s'appellerent  pour 
lors  X empire  d'Occident,  c'étoitune  partie 
de  celui  qu'avoient  autrefois  pofïedé  les 
empereurs  Romains.  Par  la  fuite  des 
temps  ,  &  fur-tout  après  PexrincTion  de 
la  race  de  Charlemagne  ,  la  France  fut 
détachée  de  fon  empire ,  &  les  Allemands 
élurent  pour  chef  Othon  le  grand  ,  qui 
reconquit  de  nouveau  la  ville  de  Rome 
&  l'Italie ,  &  les  réunit  à  X empire  d'Alle- 
magne. Enfin  ,  fous  les  fuccefleurs  d'O- 
thon  ,  un  grand  nombre  de  vaffaux  des 
empereurs  ,  fous  différens  prétextes ,  pro- 
fitèrent des  tt'oubles  que  caufoient  les  fan- 
glans  démêlés  du  facerdoce  &  de  X empire 
pour  envahir  la  pofTeflion  des  états  dont 
■ils  n'étoient  que  les  gouverneurs ,  &  fini- 
rent par  ne  rendre  qu'un  hommage  très- . 
précaire  aux  empereurs  ,  devenus  trop  foi- 
bles  pour  les  réprimer  ,  &  qui  même  fe 
trouvèrent  forcés  à  leur  confirmer  la  pof- 
.ieffion  des  terres  qu'ils  avoient  ufurpées. 
Non  centens  de  cela  ,  ceux  qui  s'étoient 
approprié  ces  biens  ,  les  rendirent  hérédi- 
taires dans  leurs  familles  :  pour  lors  les 
empereurs ,  pour  contre-balancer  le  pou- 
voir de  ces  vaftàux  ,  devenus  quelquefois 
£>lus  puilîàns  qu'eux  ,  donnèrent  beaucoup 
de  terres  aux  églifes,,&  accordèrent  la  liberté 
à  plufieurs  villes.  Voilà  la  vraie  origi- 
ne de  la  puiflance  des  états  qui  com- 
ipofent  l'empire  d'Allemagne.  Il  s'en  faut 
^beaucoup  que  fes  limites  foient  aujour- 
d'hui  aufll   étendues   que   du    temps   de 


E  M  P 

Charlemagne  ou  d'Othon  le  Grand  ;  il  s'en 
eft  démembré  depuis  un  très-grand  nom- 
bre de  royaumes  &  de  provinces  ;  & 
actuellement  cet  empire  ,  autrefois  fi  vafte, 
ne  comprend  plus  que  ce  qu'on  appelle 
Y  Allemagne,  qui  eft  divifée  en  dix  cercles. 
Voye\  ALLEMAGNE  &  CERCLES.  Il  eft 
vrai  que  l'empire  veut  encore  quelquefois 
faire  revivre  les  anciens  droits  fur  Rome  6c 
fur  l'Italie  ;  mais  de  tous  ces  pays  ,  il  ne 
lui  refte  guère  que  de  vains  titres ,  fans  au* 
cune  jurifdiclion  réelle.  C'eft  ainfi  que  {'em- 
pire d'Allemagne  continue  toujours  à  s'ap- 
peller  le  faint  empire  Romain  _,  l'empire 
Romain- Germanique  y  &c. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  ont  trouvé  très- 
difficile  à  déterminer  le  nom  qu'il  falloit 
donner  au  gouvernement  de  V empire.  En 
effet ,  fi  on  le  conlidere  comme  ayant  à  fa 
tête  un  prince  à  qui  les  états  de  ['empire 
font  obligés  de  rendre  hommage ,  de  jurer 
fidélité  &  obéiifance  ,  en  recevant  de  lui 
l'inveftiture  de  leurs  fiefs ,  on  fera  tenté  de 
regarder  l'empire  comme  un  état  monar- 
chique. Mais  d'un  autre  côté  ,  l'empereur 
ne  peut  être  regardé  que  comme  le  repré- 
fentant  de  l'empire  ,  puilqu'il  n'a  point  le 
droit  d'y  faire  feul  des  loix  :  il  n'a  point 
non  plus  le  domaine  direct  à^s  fiefs  ,  puis- 
qu'il n'a  que  le  droit  d'en  donner  l'invefti- 
ture ,  fans  avoir  celui  d'en  priver  ,  fous 
aucun  prétexte  ,  ceux  qui  les  poffedent , 
fans  le  confentement  de  l'empire  ;  d'ailleurs, 
en  parlant  des  états  ,  l'empereur  les  appelle 
toujours  nos  vajjaux  &  de  l'empire.  Si 
on  confidere  la  puiflance  &  les  prérogati- 
ves des  états  de  l'empire ,  la  part  qu'ils 
ont  à  la  légiflation  ,  les  droits  que  chacun 
d'eux  exerce  dans  les  territoires  qui  leur 
font  fournis,  &  que  l'on  nomme  la  fupé- 
riorité  territoriale  ,  on  aura  raifon  de  re- 
garder l'empire  comme  un  état  ariftocrati- 
que.  Enfin  ,  on  trouvera  la  démocratie  dans 
les  villes  libres  qui  ont  voix  &  féance  aux 
diètes  de  l'empire.  D'où  il  faut  conclure 
que  le  gouvernement  de  l'empiie  eft  celui 
d'une  république  mixte. 

L'illuftre  préfident  de  Thou  ,  {Annales 
de  V empire  y  tome  II ,  p.  33-Z,  au  fujet  de 
la  paix  de  Weftphalie)  en  parlant  de  F  em- 
pire Germanique ,  dit  qu'il  eft  étonnant 
que  tant  de  peuples  puifîans  ,  {ans  y  être 


EMF 

forcés  y  ni  par  la  crainte  de  leurs  voifins  , 
ri  par  la  néceflité ,  aient  pu  concourir  à 
former  un  état  fi  puilfant ,  &  qui  a-fubfifté 
pendant  tant  de  fiecles  ,  &  que  jamais 
on  n'a  vu  un  corps  plus  robufte  malgré  la 
foiblelTe  de  la  plupart  de  lés  membres. 
(  Voyei  Vhifl.  ^Préfident  de  Thou ,  /.  IL) 
Mais  on  nous  permettra  de  dire  que  cette 
obfervation  n'eft  pas  tout-à-fait  jufre  ;  car 
fi  l'on  fait  attention  à  ce  qui  a  été  dit  au 
commencement  de  cet  article  ,  on  verra 
que  ces  peuples  ne  fe  font  point  reunis 
pour  faire  un  état  y  mais  que  des  fujets 
puiflans  d'un  même  état  fe  font  rendus 
fouverains ,  fans  pour  cela  fe  féparer  de 
l'état  auquel  ils  appartenoient  ;  &  c'eft 
l'intérêt  ,  le  plus  puifîant  mobile  ,  qui  les 
y  a  tenus  attachés  les  uns  aux  autres  ; 
union  qui  leur  a  donné  les  moyens  de  fe 
maintenir. 

Il    n'eft  point  douteux  que  V Empire  } 
compofé  d'un  grand  nombre  de  membres 
très-puiflans ,  ne  dût  être  regardé  comme 
un  état  très-refpe&able  à  toute  l'Europe  , 
ii  tous  ceux  qui  le  compofent  concouroient 
au  bien  général  de  leur  pays.  Mais  cet  état 
eft    fujet  à   de  très-grands  inconvéniens  : 
l'autorité  du  chef  n'eft  point  affez  grande 
pour  fe  faire  écouter  :  la  crainte,  la  dér 
fiance   &  la    jaloufie  régnent  continuelle^ 
ment  entre  les  membres  :  perfonne  ne  veut 
céder  en  rien  à  fon  voifin  :  les  affaires  les 
plus  férieufes  &  les  plus  importantes  pour 
tout   le    corps  font   quelquefois   négligées 
pour    des    difputes  particulières    de   pré- 
séance ,  d'étiquette ,  de  droits  imaginaires 
&  d'autres  minuties.  Les  frontières  font  mal 
gardées  &  mal  fortifiées  :.  les  troupes  de 
Y  Empire   font  peu    nombreufes    &    mai 
payées;  il  n'y  a  point  de  fonds  publics, 
parce   que  perfonne   ne    veut   contribuer. 
Cette  liberté  du  corps  Germanique  ,  fi  van-» 
tée  ,  n'eft  que  l'exercice  du  pouvoir  arbi- 
traire dont  jouit  un  petit  nombre  de  fouve- 
rains ,  fans  que  l'empereur  puiflè  les  empê-- 
cher  de  fouler  &  d'opprimer  le  peuple,  qui 
n'eft  compté  pour  rien  ,  quoique  ce  foit  en 
lui  que  réfide  la  force  d'une  nation.  Le  com- 
merce eft  dans  les  entraves  continuelles  par 
la  multiplicité    des   droits  qu'exigent  ceux 
fur  le  territoire  de  qui  les  marchandifes  paf- 
fent  ;  ce  qui  rencLprefque  inutiles  ces  beaux 


EMP  î7i 

neuves  &  ces  rivieres.navigables  dont  l'Al- 
lemagne eft  arrofëe.  Les  tribunaux  deftinés 
à  rendre  la  juftice  font  mal  falariés,  &  le 
nombre  des  juges  infuffifant  :  dans  les  diètes 
de  YEmpire  ,  les  réfolutions  fè  prennent 
avec  une  lenteur  infupportable ,  &  rendent 
cet  état  ridicule  aux  yeux  des  autres  peuples 
chez  qui  la  lenteur  du  corps  Germanique  a 
prefque  patte  en  proverbe;  c'eft  fur  quoi 
l'on  a  fait  anciennement  ces  mauvais  vers- 
Latins  qui  peignent  affez  la  vraie  fituationi 
de  YEmpire  : 

Protefiando  convenimuf  y< 

Conveniendo  competimus , 

Competendo  confulimus , 

In  confufione  concludimus  , 

Conclu/a  rejicimus  9 

Et  falutem  patrice  confideramus 

Per  confdia  lenta,  violenta,  vinolenta0~ 

Voye\  Vitriarii  Inftit.jurispuhlici,  l.  IV, 
tit.  xj\.    Voye\  les  articles  ALLEMAGNE  , 

Diete>Constitution  de  l'Empire, 
Empereur  ,  Etats  ,  &c>  (  — ) 

Empire  de  Galilée  ou  haut  ET 
souverain  Empire  de    Galilée  , 
(  Jurifpr.)  eft  le  titre  qu'on  l'on  donne  à 
une  jurifdi&ion  en  dernier  refîbrt  que  les 
clercs  de   procureurs  de  la  chambre  des  ; 
comptes  ont  pour  juger  les  contefta-tionsqui 
peuvent  iurvenir  entr'eux. 
■     Cette  jurifdidion  eft  pour  lés  clercs  de-' 
procureurs  de  la  chambre  des  comptes ,  ce 
que  la  bafoche  eft  pour  ceux  des  procureurs 
au  parlemenr, 

L'inftitution  en  eft  fans  doute  fort  an- 
cienne,  puifque  l'on  a  vu  à  l'article  de  la 
Chambre  des  Comptes,  quedès  1344,  , 
il  y  avoit  dix  procureurs ,  dont  le  nombre  - 
fut   dans  la  fuite  augmenté  jufqu'à- vingt- 
neuf  • 

;    On  ne  fait  pas  au  jufte  le  temps  auquel 
lés  procureurs  de  la  chambre  commence-- • 
rent  à  avoir  chez  eux  des  clercs  ou  aides 
pour  les  foulager  dans  leurs*  expéditions.  Ils 
en  avoient  déjà  en  I4t)4  ■>  fuivant  une  ordon- 
nance de  cette  année  ,  rapportée  au  mem,  ■ 
L.fol.  gov*)  qui  porte  que  les  comptables  > 
feront  ou  feront  faire  par  leurs  procureurs 
ou  clercs  leurs  comptes  de  bon  &  fùfïilànt  ; 
volume. 

Il  paroît  même  qu'il  y.  avok -déjà  des^ 


i7i  E  M  P 

clercs  de  procureurs  avant  H")  4-  >  &  <îue 
V Empire  de  Galilée  fubfifroit  dès  le  com- 
mencement du  quinzième  fiecle.  En  eiièt , 
dans  le  préambule  d'un  règlement  fait  par 
M.  Barthelemi ,  maître  des  comptes ,  en 
qualité  de  protecteur*  de  V Empire  ,  (dont 
on  parlera  plus  amplement  ci-après  )  il  eft 
dit  que  s'étant  fait  repréfenter  les  régiemens, 
comptes ,  titres  &  papiers  dudit  empire  , 
il  auroit  reconnu ,  même  par  les  anciens 
mémoriaux  de  la  chambre  ,  q  ie  ledit  empire 
y  eft  établi  depuis  plus  de  300  ans  ,  com- 
pofé  de  clercs  de  procureurs  de  la  chambre , 
pour  leur  donner  moyen  ,  par  leurs  arTem- 
blées  &  conférences  ,  de  fe  rendre  capables 
àes  affaires  &  matières  de  finances  pour 
lefquelies  ils  font  élevés. 

Ainfi  ,  fuivant  le  préambule  de  ce  règle- 
ment ,  ['empire  de  Galilée  étoit  déjà  formé 
dès  avant  1405  :  on  trouve  en  effet  des 
comptes  fort  anciens  rendus  parles  tréloriers 
de  l 'empire ,  entr'autres  un  de  l'année  149?- 

Ces  clercs  tenant  entr'eux  des  afîemblées 
&  '  conférences  touchant  leur  difeipline  , 
formèrent  infenfiblement  une  communauté 
qui  fut  enfuite  autorifée  par  divers  régle- 
mens de  la  chambre  des  comptes  ,  &  les 
officiers  de  cette  communauté  ont  été  main- 
tenus dans  tous  les  temps  dans  l'exercice 
d'une  jurifdiction  en  dernier  refïbrt  fur  les 
membres  &  fuppôts  de  cette  communauté. 

Le  titre  de  haut  &  fouverain  empire  de 
Galilée  y  donné  à  cette  communauté  & 
Jurifdiction  ,  quelque  fingulier  qu'il  paroifïe 
d'abord  ,  n'a  rien  que  de  naturel. 

On  n'a  pas  prétendu  par  le  terme  $  empire 
donner  l'idée  d'un  état  gouverné  par  une 
puifïance  fbuveraine"  ;  ce  terme  a  été  em- 
prunté du  Latin  imperium  ,  lequel  chez  les 
Romains  fignifioit  jurifdiction  :  on  difoit 
merum  &  mixtum  imperium  ,  &  ancienne- 
ment en  France  mère  &  mixte  impere,  pour 
exprimer  le  pouvoir  d'exercer  toute  juftice , 
haute  ,  moyenne  &  baffe. 

On  ne  doit  donc  pas  être  étonné  fi  le 
chef  de  la  jurifdiction  des  clercs  de  procu- 
reurs de  la  chambre  des  comptes  prenoit  au- 
trefois le  titre  d'empereur  ,  d'autant  qu'alors 
la  plupart  des  chefs  de  communautés  pre- 
noient  le  titre  de  roi  -,  tels  que  le  roi  des 
merciers  ,  les  rois  de  l'arbalète  &  de  l'ar- 
quebufe ,  le  roi  de  la  bafoche  ,  Ùc, 


E  M  P 

Pour  ce  qui  eft  du  fumom  de  Galilée 
donne  à  l'empire  ou  juriidiCtion  des  clercs 
de  procureurs  de  la  chambre  des  comptes , 
il  eil  conftant  qu'il  vient  de  la  petite  rue 
de  Galilée  qui  va  de  la  cour  du  palais  à 
l'hôtel  du  bailliage,  &  côtoie  les  batimens 
de  la  chambre  des  comptes  ;  elle  eft  ainfi 
nommée  dans  les  anciens  plans  de  Paris  & 
dans  Sauvai. 

Il  y  a  apparence  qu'anciennement  les 
clercs  de  procureurs  de  la  chambre  tenoient 
leurs  affemblées  dans  le  fécond  bureau  qui 
a  des  vues  fur  cette  rue  de  Galilée  ,  &  que 
c'eft  delà  qu'ils  nommèrent  leur  jurifdiction 
le  haut  &  fouverain  empire  de  Galilée  ;  au- 
jourd'hui cette  jurifdiction  fe  tient  ordinai- 
rement en  la  chambre  du  confeil-lèa-la- 
chambre  des  comptes  ,  &  au  grand  bureau 
feulement  le  jour  de  S.  Charlemagne ,  qui  eft 
la  fête  des  clercs. 

Le  premier  officier  de  l'empire  conferva 
long-temps  le  titre  d'empereur. 

On  voit  dans  les  regiftres  de  la  chambre  , 
que  le  5  février  1 500  ,  elle  fit  emprifonner 
un  clerc  ,  empereur  de  Galilée ,  pour  n'avoir 
pas  voulu  rendre  le  manteau  d'un  autre  clerc 
auquel  il  l'avoit'fait  ôter.  ^.journ.  Q.  reg. 
ze.  part.  fol.  37. 

Lejourn.  z  ,  B.  fol.  6z ,  fait  mention 
que  le  20  décembre  1536,  fur  la  requête  de 
l'empereur  &  officiers  de  l'empire  de  Gali- 
lée ,  la  chambre  leur  défendit  de  faire  les 
cérémonies  accoutumées  à  l'occafion  des  gâ- 
teaux des  Rois. 

Le  titre  d'empereur  de  Galilée  fut  fans 
doute  aboli  du  temps  de  Henri  III ,  en  con- 
fèquence  de  la  défenfè  qu'il  fit  à  tous  fès 
fujets  de  prendre  le  titre  de  roi  ;  le  chancelier 
de  l'empire  de  Galilée  devint  par-là  le  pre- 
mier officier  de  l'empire.  La  communauté 
&  jurildidion  des  clercs  de  procureurs  de 
la  chambre  ,  a  cependant  toujours  confervé 
le  titre  d'empire  de  Galilée. 

Dans  un  compte  de  l'ordinaire  de  Paris , 
fini  à  la  Saint- Jean  ISI9>  ^e  fermier  porte 
en  dépenfe  ce  qu'il  avoit  payé  à  Etienne  le 
Fevre  ,  tréforier  &  receveur-général  des 
finances  de  l'empire  de  Galilée  y  pour  lui 
aider  à  foutenir  &  fupporter  les  frais  qu'il  lui 
a  convenu  &  conviendra  faire  ,  tant  pour 
les  gâteaux  ,  jeux  &  états  faits  à  l'honneur 
&  exaltation  du  roi  à  la  fête  des  Rois  ,  que 

pour 


E  MP 

pour  autres  affaires ,  &  auffi  pour  extraits  * 
touchant  le  domaine ,  par  lettres  de  taxation 
des  tréforiersde  France,  du  xo  janvier  i  $  j  8  ; 
mais  il  n'explique  pas  quelle  fomme  il  avoir 
payée. 

Dans  le  compte  de  l'ordinaire  de  1532, 
il  porte  en  dépenfe  vingt-cinq  livres  parifis 
payées  à  Guillaume  Rouffeau  ,  empereur  de 
Y  empire  de  Galilée  ,  &C  fuppôts  d'icelui  , 
clercs  en  la  chambre  des  comptes  ,  pour 
employer  aux  frais  Se  charges  dudit  empi- 
re 3  même  aux  danfes  morifques  ,  morne  - 
rics  ,  8c  autres  triomphes  que  le  roi  veut 
&  entend  être  faits  par  eux  pour  l'honneur 
Se  récréation  delà  reine. 

Enfin  ,  le  compte  du  domaine  pour  l'an- 
née finie  à  la  Saint- Jean  1537,  fait  mention 
que  les  clercs  de  Y  empire  de  Galilée  avoient 
vingt  livres  parifis  pour  les  gâteaux  qu'ils 
diftribuoient  la  veille  Se  le  jour  des  Rois  es 
maifons  de  MM.  les  préfidens  &  maîtres 
des  comptes  ,  tréforiers  &c  généraux  des 
finances. 

Ces  comptes  de  la  prévôté  de  Paris  font 
rapportés  dans  les  antiquités  de  Paris  ,  par 
Sauvai ,  tome  III,  aux  preuves. 

Cette  communauté  Se  j  urifdiction  a  depuis 
long-temps  pour  chef,  protecteur  &  con- 
fervateur  né  ,  le  doyen  des  cônfeillers- 
maîtres  des  comptes  ,  lequel  de  concert 
avec  M.  le  procureur-général  de  la  cham- 
bre ,  que  Yempire  regarde  pareillement 
comme  fon  protecteur  né ,  veille  à  tout  ce 
qui  intérefïc cette  j  urifdiction  de  Yempire, 
fpécialement  commife  aux  foins  de  ces 
deux  magiftrats  par  la  chambre. 

La  chambre  des  comptes  a  fait  en  divers 
temps  plu  fieurs  réglemens  concernant  Yem- 
pire de  Galilée  ,  Se  notamment  au  fujet 
des  gâteaux  des  Rois  qu'ils  portoient  avec 
pompe  chez  les  officiers  de  la  chambre. 

Le  2?.  décembre  1525  ,  fur  la  requête 
des  tréforiers-clercs  de  Yempire  ,  afin  d'avoir 
des  fonds  pour  leurs  gâteaux  des  Rois  ,  la 
chambre  leur  défendit  d'en  faire  pour  cette 
année  ,  ni  autres  joyeufetés  accoutumées  , 
à  peine  de  privation  de  l'entrée.  Journal 
10  ,fol.z6j  v°. 

Le  8  janvier  1529  ,  la  chambre  fit  taxe 
à  un  pâtiffier  Se  à  un  peintre  ,   pour  ce  qui 
leur  étoit  du  par  un  tréforier  de  Yempire. 
Journ.  z  ,fol..Z4?. 
Tome  XII. 


'      E  M  P  273 

Le  10  novembre  1535  ,  fur  la  requête 
des  fuppôts  de  Yempire  de  Galilée  ,  la  cham- 
bre ordonna  qu'il  feroit  écrit  au  dos  d'icelle 
nihil  par  le  greffier  ,  Se  qu'il  leur  feroit 
fait  défenfes  de  faire  les  gâteaux  ,  félon  la 
coutume  ancienne  ,  pour  la  folemnité  du 
jour  des  Rois.  Journ.  z ,  A.  fol.  2.09. 

Le  10  décembre  1536,  la  chambre  ,  fur 
la  requête  de  l'empereur  Se  autres  officiers 
de  Yempire  de  Galilée  ,  en  ôtant  Se  abolif- 
fant  l'ancienne  coutume  ,  leur  défendit  de 
faire  les  gâteaux  des  Rois  ,  &  d'aller  dans 
les  maifons  des  officiers  de  la  chambre  ,  ni 
autour  de  la  cour  du  roi  ,  diftribuer  les 
gâteaux  ,  ni  donner  des  aubades  ,  à  peine 
de  privation  de  l'entrée  de  la  chambre  pour 
toujours  Se  de  l'amende.  Journal  z  ,  B. 
fol.  6%. 

Cependant  le  1 1  décembre  i  y  3  8  ,  la 
chambre  permit  aux  officiers  de  Yempire  de 
faire  les  gâteaux  des  Rois  ,  &  d'en  folem- 
nifer  la  fête  modeflement  ,  comme  il  leur 
avoit  été  autrefois  permis  d'ancienneté. 
Journ.  z  y  C.fol.  106. 

Mais  le  27  novembre  1  f  4  2  ,  la  chambre 
leur  fit  de  nouvelles  défenfes  de  faire  les 
gâteaux  Se  folemnités  dont  on  a  parlé  ;  elle 
ordonna  néanmoins  que  fur  les  deniers  qui 
avoient  coutume  d'être  pris  à  cet  effet  fur 
les  menues  néceffités  ,  il  feroit  pris  cin- 
quante livres  pour  mettre  dans  la  boîte  des 
aumônes  pour  faire  prier  Dieu  pour  le  roi  ; 
ce  qui  fut  ainfi  ordonné  ,  nonobflant  les 
remontrances  Se  oppofîtions  fur  ce  faites 
parles  auditeurs.  Journ.  z  ,  D.fol.^8v°. 

Au  même  endroit  ,fol.  5  S  v°.  ,  eft  rap- 
portée une  plainte  du  procureur-général  , 
portant  que  les  clercs  avoient  contrevenu 
aux  dernières  défenfes  ;  fur  quoi  la  cham- 
bre les  réitéra  pour  l'année  fuivante.  Folio 
iz8  v°. 

Les  protecteurs  de  Y  empire  de  Galilée  ont 
auffi  fait  divers  réglemens  concernant  l'état 
Se  adminiftration  de  Yempire.  Les  princi- 
paux réglemens  font  des  années  1608  & 
1 6 1 5  ,  confirmés  par  des  lettres  du  mois 
de  feptembre  1 676  ,  Se  renouvelles  par  un 
autre  règlement  en  forme  d'édit ,  du  mois 
de  janvier  1705. 

Ces  réglemens  font  intitulés  du  nom  Se 
des  qualités  du  protecteur  ,  lequel  dans  le 
difpofitif  ufe  de  ces  termes  ,  ordonnons  , 

Mm 


274  E  M  P 

voulons  ù  nous  plaît  ,  ùc.  :  PadrefTe  eft  ,  à 
nos  amés  Ôc  féaux  chancelier  ôc  officiers 
àetV  empire ,  à  ce  que  les  articles  de  règle- 
ment en  forme  d'édit,  foient  lus ,  publiés 
ôc  enrégiferés.  Ils  font  contre-lignes  par  un 
fecretaire  des  finances  de  l'empire ,  ôc  -celles 
du  Ici  d'iceîui  ;  &  à  la  fin  il  eft  dit  :  "  donné 
s*  à . . .  Pan  de  grâce . . .  &  de  notre  protte- 
»  tion  ,  le.  ..■» 

Pour  l'enrégiftremer.r  de  ce  règlement  , 
le  procureur-général  de  V empire  fait  fon 
requiiltoire  en  la  chambre  du  confeil  le^-la- 
chambre  des  comptes  ,  l'empire  y  féant  ,  Se 
il  intervint  arrêt  conforme  en  la  chambre 
du  confeil. 

Le  protecteur  rend  aufïî  quelquefois 
des  arrêts  qui  font ,  pour  ainlï  dire ,  des 
arrêts  du  confeil  d'en  haut  ,  par  rapport 
à  ceux  de  l'empire  ;  ils.  font  intitulés 
comme  les  édits ,  Ôc  le  difpofîtif  eft  conçu 
en  ces  termes  :  à  ces  caufes  ,  le  proiecleur 
ordonne ,  ôcc. 

Le  difpofîtif  des  arrêts  de  l'empire  eft 
ainfi  conçu  :  le  haut  &  fouverain  empire 
de  Galilée  ordonne  ,  &c.  :  à  la  fin  il  eft 
dit ,  fait  audit  empire  ;  ÔC  toutes  les  expé- 
ditions que  le  greffier  en  délivre  font  inti- 
tulées ,  extrait  des  regijîres  de  l'empire. 

Les  jugemens  des  officiers  de  Vempire  , 
fur  les  conteftations  qui  furviennent  entre 
les  fujets  Ôc  fuppôts  ,  font  tellement  con- 
iidérés  comme  des  arrêts  ,  que  quelques 
clercs  réfractaires  ayant  voulu  ,  en  diffé- 
rentes occafions  ,  éluder  les  peines  aux- 
quelles ils  avoient  été  condamnés  par  ces 
arrêts  ,  ôc  s'étant  pourvus  à  cet  effet  en 
difterens  tribunaux  ,  même  à  la  chambre 
des  comptes ,  fans  y  avoir  été  écoutés  ;  ils 
fc  pourvurent  en  cafiation  au  confeil  du 
roi ,  où  par  arrêt  ils  Rirent  renvoyés  de- 
vant MM.  du  grand  bureau  de  la  chambre 
des  comptes ,  comme  commiffaires  du  con- 
feil en  cette  partie. 

M.  Barthélémy  ,  maître  ordinaire  Ôc 
doyen  de  la  chambre  des  comptes  ,  qui 
rempliflbit  la  place  de  protecteur  de  l'em- 
pire depuis  1699  ,  rendit  ,  le  17  juillet 
1704  ,  un  arrêt  portant  que  le  projet  de 
règlement  par  lui  fait  ,  enfembîe  le  tarif 
des  droits  accordés  aux  officiers  de  l'em- 
pire ,  feroient  communiqués  à  la  com- 
munauté des  procureurs  ;  ce  qui  fut  e&é- 


E  MF     ■ 

ciité*  ;  ôc  le  règlement  en  forme  d'édit  fuf 
donné  en  conféquence  au  mois  de  janvier 

Suivant  cet  édit,  le  corps  de  Vempire  eft 
compofé  de  quinze  clercs  ;  favoir ,  le  chan- 
celier ,  le  procureur-général  ,  fîx  maîtres 
des  requêtes  ,  deux  fecretaires  des  finances 
pour  ligner  les  lettres  ,  un  tréforier  ,  un 
contrôleur  ,  un  greffier  ôc  deux  huiffiers  : 
tous  ces  officiers  font  ordinaires  ôc  non 
par  femeftre.  Il  n'y  a  que  le  chancelier  , 
les  maîtres  des  requêtes  ôc  les  fecretai- 
res des  finances,  qui  aient  voix  délibérativc 

Ce  qui  concerne  le  chancelier  de  l'em- 
pire de  Galilée  ayant  été  expliqué  ci-de- 
vant à  l'article  de  Chancelier  ,  on 
renvoie  le  lecteur  à  ce  qui  a  été  dit  en 
cet  endroit  ;  on  ajoutera  feulement  que 
lorfqu'il  eft  reçu  procureur  en  la  chambre 
des  comptes ,  il  eft  difpenfé  de  l'examen. 

La  nomination  aux  autres  offices  ,  lors- 
qu'ils font  vacans ,  le  fait  par  le  chancelier  , 
les  maîtres  des  requêtes  ôc  les  lecretaires 
des  finances ,  à  la  requilîtion  du  procureur- 
général  de  l'empire  ;  ôc  au  cas  que  la  place 
de  procureur-général  fut  vacante  ,  c'eft  fur 
la  requilîtion  du  dernier  maître  des  requêtes. . 

On  ne  peut  nommer  aux  charges  de 
l'empire  deux  clercs  d'une  même  étude  , 
lans  avoir  obtenu  à  cet  effet  des  lettres 
de  difpenfé  du  protecteur. 

Ceux  qui  font  nommés  aux  charges  font 
tenus  de  les  accepter  ,  à  peine  de  iy  liv. 
d'amende  payable  fans  déport  \  ils  obtien- 
nent des  lettres  de  provifions  lignées  du  pro- 
tecteur ,  expédiées  par  un  des  fecretaires  des 
finances ,  ôc  fcellées  ôc  vifées  par  le  chance- 
lier. Les  nouveaux  pourvus  ne  font  reçus 
qu'après  une  information  de  leurs  vie  ôc 
mœurs  ;  ils  font  examinés  par  les  officiers, 
qui  ont  voix  délibérative  ;  ôc  fi  on  les 
trouve  capables ,  ils  prêtent  ferment. 

L'empire  s'affembîe  tous  les  jeudis  matin  , 
après  que  MM.  delà  chambre  des  comptes 
ont  levé  f  quand  il  eft  fête  le  jeudi ,  l'aflfem- 
blée  fe  tient  la  veille. 

Aucun  officier  n'eft  difpenfé  du  fervice  , 
fur  peine  de  y  f.  d'amende  payable  fans 
déport  au  tréforier  des  finances.  Il  faut 
dans  la  huitaine  fe  purger  par  ferment  de 
l'empêchement  ,  ôc  en  cas  dé  maladie  ,. 
quinzaine  après  la  convakicence.. 


E  M  P 

Les  officiers  qui  s'abfentent  pendant  ilx 
mois  ,  ne  peuvent  plus  prendre  la  qualité 
d'officiers  de  l'empire  ;  même  ceux  qui 
partent  un  ou  deux  mois  fans  faire  leur 
lervice  ôc  fans  fe  purger  par  lcrment  ,  font 
déclarés  indignes  ôc  incapables  de  pofîéder 
à  l'avenir  aucunes  charges  de  l'empire  , 
condamnés  en  iy  livres  d'amende  ,  dé- 
chus de  leurs  offices  ,  obligés  de  remet- 
tre leurs  provisions  au  protecteur  ,  & 
on  procède  à  l5éle6tion  d'un  autre  en  leur 
place. 

Lorfque  ces  officiers  ôc  les  autres  clercs 
de  procureurs  entrent  en  la  chambre  ou  à 
l'empire  ,  ils  doivent  avoir  le  bonnet  de 
clerc  qui  eft  une  efpece  de  petit  chapeau 
ou  toque  ,  le  manteau  percé  ,  c'eft-à-dire  , 
une  robe  noire  qui  ne  leur  va  que  jufqu'aux 
genoux  ;  ceux  qui  fe  préfentent  autre- 
ment font  condamnés  à  une  amende  de 
i  y  f. ,  &  en  cas  de  récidive ,  à  i  liv.  10  f.  ,' 
&  pour  la  troifîeme  fois  un  écu  ,  ou  plus 
grande  peine  s'il  y  échet. 

Les  officiers  de  {'empire  vaquent  d'abord 
au  jugement  des  procès  d'entre  les  clercs 
ôc  fuppôts. 

Quand  il  n'y  a  pas  de  procès  ,  ou  apjps 
qu'ils  font  jugés  ,  un  maître  des  requêtes 
propofe  quelque  queftion  de  finance  pour 
entretenir  le  bureau  pendant  une  demi- 
heure  ,  ôc  alors  on  permet  à  tous  les 
clercs  &:  fuppôts  d'alTîfter  au  confeil  ,  de 
dire  leur  avis  fur  les  difficultés  ,  ou  d'en 
propofer;  mais  c'eft  fans  prendre  rang  ni 
feance  avec  les  officiers  de  l'empire. 

Lorfqu'un  officier  clerc  ou  fuppôt  fait 
quelque  chofe  d'injurieux  à  l'empire  ,  le 
procureur -gêné  rai  informe  contre  lui  ;  ôc 
fur  le  vu  des  charges  ,1e  protecteur  ordonne 
ce  qui  convient  félon  le  délit. 

Les  officiers  qui  font  convaincus  d'avoir 
révélé  les  délibérations  du  confeil  ,  font  , 
pour  la  première  fois  ,  amendables  de 
60  fous  j  ôc  pour  la  féconde  ,  privés  de 
leurs  charges  &  déclarés  indignes  de  poffé- 
<ler  aucun  office  de  l'empire. 

Suivant  le  tarif  fait  par  M.  Barthélémy  , 
le  30  avril  1705  ,  les  officiers  de  l'empire 
de  Galilée  ont  plufîeurs  droits  en  argent  , 
tant  pour  l'entrée  de  certaines  perfonnes  en 
la  chambre  ,  que  pour  la  réception  de  cer 
taines  Dcrfonnes. 


E  M  P  i7y 

Les  droits  d'entrée  à  la  chambre  leur  font 
dus: 

1®.  Par  tous  les  clercs  de  procureurs  de 
la  chambre  ,  lefquels  font  tenus  de  faire 
enrégiftrer  au  greffe  de  l'empire  le  jour  de 
leur  entrée  en  la  chambre  ,  ôc  de  payer 
les  droits  dus  à  l'empire  dès  qu'ils  entrent 
chez  les  procureurs  ôc  viennent  en  la 
chambre  ;  les  fils  des  procureurs  font  feuls 
exempts  de  ces  droits. 

i°.  Il  eft  aufTî  dû  aux  officiers  de  l'em- 
pire un  droit  par  les  commis  des  compta- 
bles qui  entrent  à  la  chambre. 

Les  droits  qui  leur  appartiennent  pour 
la  réception  en  la  chambre  de  certains 
officiers ,  font  dus  par  les  procureurs  de  la 
chambre  (  leurs  enfans  en  font  exempts  )  , 
les  grands-officiers  de  la  couronne  5  lavoir  , 
grand-maître  d'hôtel ,  grand-écuyer  ,  ami- 
ral ,  grand-maître  de  l'artillerie ,  contrôleur- 
général  des  finances  ,  le  furintendant  des 
poudres  &  ialpêtres  ,  le  furintendant  ôc 
commiflaire-général  des  portes  ,  le  furin- 
tendant des  mines  ck  minières ,  le  fur- 
intendant  de  la  navigation  &c  commerce  , 
le  furintendant  des  bâtimens  du  roi  ,  de 
autres  grands-officiers. 

Les  autres  officiers  qui  doivent  auffi  un 
droit  de  réception  ,  font  les  préfidens  ,  tré- 
foriers ,  avocats  ôc  procureurs  du  roi  des 
bureaux  des  finances  ,  les  grands-maîtres 
des  eaux  &c  forêts  ,  leurs  contrôleurs-géné- 
raux Se  particuliers  ,  tous  les  tréforiers  &: 
payeurs  des  deniers  royaux  ôc  leurs  con- 
trôleurs ,  ôc  plufîeurs  autres  officiers  de 
finance  dont  on  trouve  Pénumération  dans 
le  tarif  ;  il  leur  eft  aufïi  dû  un  droit  pour 
la  préfentation  des  premiers  comptes  ,  lors 
de  la  réception  d'iceux  ,  pour  Penrégiftre- 
ment  des  commifïions ,  ôc  pour  la  préfen- 
tation du  compte  d'icelles  ,  ôc  pour  l'en-  ' 
régiftrement  du  bail  de  chaque  ferme  par- 
ticulière. 

Par  les  anciens  comptes  du  domaine  , 
on  voit  que  les  officiers  de  l'empire  avoienc 
droit  de  prendre  tous  les  ans  100  livres 
fur  le  domaine  ;  mais  ils  ne  jouifient  plus 
de  ce  droit. 

On  voit  aufTî  par  les  anciens  regiftres  ôc 

mémoriaux  de  la  chambre  ,  que   les   privi-* 

leges  de  l'empire  ne  cédoient  en  rien  à  ceux 

de  la  bafoche.  ,     » 

Mm  z 


x-jé  E  M  P 

Les  réglemens  de  l'empire  contiennent 
beaucoup  de  difpolitions  pour  l'adminiftra- 
tion  des  finances  de  Y  empire  ,  Se  les  comptes 
qui  en  doivent  être  rendus.  Les  contefta- 
tions  qui  peuvent  s'élever  au  fujet  de  ces 
comptes  entre  perfbnnes  qui  ne  font  pas 
fujets  de  l'empire  ,  doivent  être  portées  en 
la  chambre  ,  fuivant  un  arrêt  par  elle 
rendu  le  4  feptcmbre  1719,  ôc  un  juge- 
ment des  commiflaires  du  confeil  ,  du  5 
feptembre  1712. 

Il  eft  défendu  par  les  réglemens  de 
l'empife  à  tous  les  clercs  de  procureurs  de 
la  chambre  ,  de  porter  Tapée  •,  ôc  au  cas 
qu'ils  fulTent  trouvés  en  épée  dans  l'enclos 
de  la  chambre  ,  ils  font  condamnés  en  32!. 
d'amende  pour  la  première  fois,  &  à  3  liv. 
4  f.  pour  la  féconde  ,  même  à  plus  grande 
peine  s'il  y  échet. 

On  fait  tous  les  ans  dans  la  chambre  de 
l'empire  la  lecture  des  derniers  réglemens  , 
la  veille  de  S.  Charlemagne  ou  quelqu'un 
des  jours  fuivans  ,  en  préfence  de  tous  les 
clercs  ÔC  fuppôts  de  l'empire. 

Les  officiers  de  l'empire,  ÔC  tous  les  fujets 
ôc  fuppôts  célèbrent  tous  les  ans  ,  dans  la 
fainte-chapelle  baffe  du  palais  ,  la  fête  de 
l'empire  ,  le  2.8  janvier  ,  jour  de  la  mort 
de  S.  Charlemagne.  Ce  patron  leur  a  fans 
doute  paru  plus  convenable  à  l'empire  , 
parce  qu'il  étoit  empereur.  On  prétend 
que  le  jour  de  cette  fête  ,  l'empereur  de 
Galilée  avoir  droit  de  faire  placer  deux  ca- 
nons dans  la  cour  du  palais  ,  &  de  les  faire 
tirer  plusieurs  fois  ;  mais  on  ne  trouve  point 
de  preuve  de  ce  fait. 

Voye^  Chancelier  de  Galilée  ,  Se 
au  mot  Comptes  ,  l'article  chambre  des 
comptes.  Vcye^  aufli  le  mémoire  hiflorique , 
que  je  donnai  fur  cet  empire  en  1739  ,  ôc 
qui  fut  inféré  au  Mercure  de  décembre  ; 
l'obfervation  faite  à  ce  fujet  par  M.  l'abbé 
le  Eeuf ,  inférée  au  Mercure  de  mars  IJ40  , 
ôc  la  réponfe  que  je  fis  à  cette  obfervation. 
Mercure  de  mai  Z  74 Z .  (  A  ) 

EMPIRER ,  voye^  Empyree. 

EMPIRER  ,  v.  neut.  devenir  pire  ;  être 
en  plus  mauvais  état.  On  dit  en  terme  de 
Commerce  que  des  marcha  ndifes  empirent  , 
quand  elles  le  gâtent  ôc  fe  corrompent  ; 
ce  qui  provient  quelquefois  de  ce  qu'on 
les  garde  trop  long-temps  :  il  eft  de  Plia- 


EM  P 

bileté  d'un  marchand  de  s'en  défaire  avant 
qu'elles  empirent.  Diâ.  du  Comm.  de  Trév 
&  Charniers.  (G) 

EMPIRIQUE,  f.  m.  ù  adj.  (Médcc.) 
Ce  terme ,  dans  le  fens  propre  ,  a  été  donné 
de  tout  temps  aux  médecins  qui  fe  font 
fait  des  règles  de  leur  profeiïion  fur  leur 
pratique ,  leur  expérience  ,  ôc  non  point 
iur  la  recherche  des  caufes  naturelles  , 
Pétude  des  bons  ouvrages  ,  ôc  la  théorie 
de  l'art.  Voye-^  Empirique  {Secle)  ,  & 
Empirisme. 

Mais  le  mot  empirique  le  prend  odieu- 
fement  dans  un  fens  figuré  ,  pour  déiîgner 
un  charlatan  ,  ôc  le  donne  à  tous  ceux  qui 
traitent  les  maladies  par  de  prétendus  fè- 
crets  ,  fans  avoir  aucune  connoiflance  de  la 
médecine.  Voye[  Charlatan. 

Empirique  ,feâe  ,  (  Méd.  )  Cette  célè- 
bre feéte ,  qui  fit  autrefois  une  grande  ré- 
volution dans  la  médecine  ,  commença 
environ  287  ans  avant  la  naiflànce  de  J.  C. 
Celfe  nous  apprend  que  Sérapion  d'Alexan- 
drie fut  le  premier  qui  s'aviia  de  foutenir 
qu'il  eft  nuifible  de  raifonner  en  médecine  , 
ôc  qu'il  falloit  s'en  tenir  à  l'expérience  \  qu'il 
défendit  ce  fèntiment avec  chaleur  ,  ôc  que 
d  autres  Payant  embrafle  ,  il  fe  trouva  chef 
de  cette  fecre. 

Quelques-uns  racontent  la  même  choie 
de  Philinus  de  Cos  ,  difciple  d'Hérophile. 
D'autres  ont  aufli  prétendu  qu'Acron  d'Agri- 
genre  étoit  fondateur  de  cette  fecte  ;  ôc  les 
empiriques  jaloux  de  l'emporter  par  Pan- 
tiquité  furies  dogmatiques  dont  Hippocrate 
fut  le  chef,  appuyoient  cette  dernière  opi- 
nion. 

Pour  éclaircir  le  fait ,  il  faut  diftinguer 
entre  les  anciens  médecins  empiriques  , 
ceux  qui  exercèrent  la  médecine  depuis 
qu'Efculapel'avoit  réduite  en  art ,  jufqu'au 
temps  de  fon  union  avec  la  philofophie. 
On  peut  regarder  ces  premiers  médecins 
comme  les  premiers  empiriques  :  mais  il  y 
a  cette  différence  entr'eux  ôc  les  difciples 
de  Sérapion  ou  de  Philinus  ,  qu'ils  étoient 
empiriques  fans  en  porter  le  titre  ,  ÔC  qu'ils 
pouvoient  [d'autant  moins  pafler  pour  fec- 
taires  ,  qu'il  n'y  avoit  alors  qu'une  opinion  ; 
au  lieu  que  les  empiriques  qui  leur  fuccé - 
derent ,  choifirent  eux-mêmes  ce  titre  ,  ôc 
le   féparerent  des   dogmatiques  ;   enfin  , 


E  M  P 

rempirifme  des  premiers  étoit  purement 
naturel  ;  c'étoit  au  contraire  ,  dans  les  der- 
niers ,  un  effet  de  méditation  &  d'amour 
de  nouveaux  fyftêmes  qu'ils  inventèrent 
pour  établir  leur  parti  &c  bannir  le  rai- 
ibnnement  de  la  médecine  ,  fe  conduifant 
en  ce  point  comme  quelques  modernes 
qui  mépriient  toute  pratique  ,  excepté  la 
leur. 

Quoi  qu'il  en  foit  >  les  empiriques  pro- 
prement nommés  ne  connoifloient  qu'un 
ièul  moyen  de  guérir  les  maladies  ,  qui 
étoit  l'expérience.  Le  nom  à* empirique  ne 
leur  venoit  point  d'un  fondateur  ou  d'un 
particulier  qui  fe  fut  illuftré  dans  la 
iecle  ,  mais  du  mot  Grec  i^Trîipiu  ,  expé- 
rience. 

L'expérience  ,  difoient-ils  ,  eft  une  con- 
noiiîànce  fondée  fur  le  témoignage  des  fens  : 
ils  diftinguoient  trois  fortes  d'expériences. 
La  première  &  la  w  plus  fîmple  ,  difoient- 
ils  ,  eft  produite  par  le  pur  hafard  ,  c'eft 
un  accident  imprévu  par  lequel  on  guérir 
d'une  maladie  ,  comme  dans  le  cas  où 
quelqu'un  auroit  été  foulage  d'un  grand 
mal  de  tête  par  une  hémorragie  ,  ou  de 
la  fièvre  par  une  diarrhée  qu'on  n'auroit 
point  provoquée.  La  féconde  efpece  d'ex- 
périence eft  de  celles  qui  fe  font  par  eiïài, 
comme  il  arrive  lorfque  quelqu'un  ,  ayant 
été  mordu  par  un  animal  venimeux  ,  ap- 
plique fur  la  bleflure  la  première  herbe  qu'il 
trouve.  La  troiiieme  eipece  d'expérience 
comprend  celles  que  les  empiriques  appel- 
aient imiiatoires  ,  ou  dans  lefquelles  on 
répète  dans  l'efpoir  d'un  pareil  fuccès  ,  ce 
que  le  hafârd ,  l'inftind:  ou  l'eflai  ont  in- 
diqué. 

C'eft  la  dernière  eipece  d'expérience  qui 
conftituoit  Part  :  ils  la  nommoient  obser- 
vation ;  tk  la  narration  fidelle  des  accidens  , 
des  remèdes  &  des  effets  ,  hijioire.  Or  , 
comme  l'hiftoire  des  maladies  ne  peut 
jamais  être  complète  faute  de  lumières  > 
ils  avoient  encore  recours  à  la  comparaifon  , 
qu'ils  appelloient  épilogifme ,  que  M.  le  Clerc 
traduit  par  les  mots  de  fubjiitution  d'une 
chofe  femblable.  L'obfervation  ,  l'hiftoire  , 
la  fubftitution  d'une  chofe  femblable  , 
étoient  les  feuls  fondemens  de  l'empirif- 
me.  Toute  la  médecine  des  empiriques  fe 
réduifoit  donc  à  avoir  vu ,  à  fe  reffouvenir 


E  M  P  i77 

&  à  comparer  ;  ou  ,  pour  me  fèrvir  des 
termes  de  Glaucias ,  les  fens  ,  la  mémoire 
&  l'épilogifme  formoient  le  trépied  de 
leur  médecine.  Ajoutons  qu'ils  rejetoient 
toutes  les  caufes  diverfîfiées  ,  occultes 
ou  cachées  des  maladies,  toute  hypothefe  , 
la  recherche  des  aérions  naturelles  ,  l'étude 
de  la  théorie  de  l'art  x  de  la  pharmacie  , 
des  méchaniques  Se  des  autres  feienees.  Ils 
prétendoient  encore  qu'il  étoit  inutile  de 
dilléquerdes  cadavres  ,  &c  que  quand  la 
difleâion  n'avoitrien  de  cruel  ,  elle  de- 
voir être  regardée  comme  mal-propreté.  Ce 
croquis  peut  fuffire  fur  la  doctrine  des 
empiriques.  Voyons  ce  que  Celle  en  a 
penfé. 

Il  eft  vrai  ,  dit  ce  judicieux  écrivain  , 
que  fur  les  caufes  de  la  fanté  &  des  ma- 
ladies ,  les  plus  favans  ne  peuvent  faire 
que  des  conjectures  ;  mais  il  ne  faut  pas 
pour  cela  négliger  la  recherche  des  caufes 
cachées  qui  fe  trouvent  quelquefois  ,  & 
qui ,  fans  former  le  médecin  ,  le  difpofent 
à  pratiquer  la  médecine  avec  plus  de  fuc- 
cès. Il  eft  vraifemblable  que  ii  l'applica- 
tion qu'Hippocrate  &  Erafiftrate  (  qui  ne 
fe  contenaient  pas  de  panfer  des  plaies 
&  de  guérir  des  fièvres  )  ont  donnée  à 
l'étude  des  chofes  naturelles  ,  ne  les  a  pas 
fait  médecins  à  proprement  parler  ,  ils  ie 
font  du  moins  rendus  par  ce  moyen  de 
beaucoup  plus  grands  médecins  que  leurs 
collègues.  Ils  n'auroient  pas  été  l'ornement 
de  leur  profeffion  ,  s'ils  s'en  étoient  tenus 
à  la  fîmple  routine.  Si  la  fimilitude  ou 
l'analogie  apparente  doit  être  le  feul  guide 
de  l'art ,  comme  le  prétendent  les  empiri- 
ques ,  au  moins  faut-il  raifonner  pour 
diftinguer  entre  toutes  les  maladies  con- 
nues ,  quelle  eft  celle  dont  les  rapports  à 
la  maladie  préfente  font  les  plus  grands  , 
&  pour  déterminer  par  ces  rapports  les 
remèdes  qu'on  doit  employer.  Il  eft  conf- 
iant que  les  maladies  ont  fouvent  des 
caufes  purement  méchaniques  faciles  à 
diftinguer,  &  en  ce  cas  le  médecin  ne  ba- 
lancera jamais  dans  l'application  des  re- 
mèdes. D'un  autre  côté  ,  fi  les  dogmati- 
ques avoient  raifon  de  prétendre  qu'on  ne 
pouvoir  appliquer  les  remèdes  convena- 
bles fans  connoîrre  les  caufes  premières 
de  la  maladie  3  les  malades  &  les  médecins 


.1-7*  ïMP 

feroient   dans    un   état  bien  déplorable ,  1 
les  uns  fe  trouvant  dans  l'impofïïbilité  de 
traiter    la    plupart   des   maladies  dont  les 
autres  ne  peuvent  toutefois    guérir  fans  le 
fecours  de  l'art. 

Tel  eft  le  précis  du  jugement  impar- 
tial de  Celfe  fur  le  grand  procès  des  em- 
piriques &c  des  dogmatiques  ;  procès  dont 
M.  le  Clerc  a  tait  le  rapport  avec  tant 
d'exa&itude.  Mais  il  fuffira  de  remarquer 
ici  qu'on  vit  dans  cette  querelle  (  &z  on  le 
préfume  fans  peine  )  les  mêmes  paillons  , 
les  mêmes  écarts  ,  les  mêmes  abus  ,  qui 
font  inséparables  de  toutes  les  difputes  , 
où  l'on  fc  propofe  toujours  la  victoire  ,  & 
jamais  la  recherche  de  la  vérité.  Si  quel- 
qu'un eft:  curieux  de  la  féconde  partie  de 
cette  hiftoire  ,  il  la  trouvera  dans  l'empi- 
rifme  &c  le  dogmatique  moderne.  Voye[ 
donc  Empirisme.  Article  de  M.  le  cheva- 
lier de   J AU  COURT. 

EMPIRISME  ,  f.  m.  (  Méd.)  médecine 
■pratique  uniquement  fondée  fur  l'expé- 
rience. Rien  ne  paroît  plus  fenfé  qu'une 
telle  médecine  :  mais  ne  nous  laillbns  pas 
tromper  par  l'abus  du  mot  -,  démontrons- 
en  l'ambiguité  avec  M-  Quefnai  ,  qui  l'a 
iî  bien  dévoilée  dans  fon  ouvrage  fur  l'éco- 
nomie animale. 

On  confond  volontiers  &  avec  un  plaifir 
fecret  ,  dans  la  pratique  ordinaire  de  la 
médecine  ,  trois  fortes  d'exercices  fous  le 
beau  nom  d'expérience  ;  fa  voir  ,  i°.  l'exer- 
cice qui  fe  borne  à  la  pratique  dominante 
<kns  chaque  nation  ;  20.  l'exercice  habituel 
-d'un  vieux  praticien  ,  qui  privé  de  lu- 
mières,  s'eft  fixé  à  une  routine  que  Vem- 
jirifme  ou  fes  opinions  lui  ont  fuggérée  , 
du  qu'il  s'eft  formé  en  fuivant  aveuglé- 
ment les  autres  praticiens  -,  30.  enfin  ,  l'exer- 
cice des  médecins  inftruits  par  une  théo- 
rie lumineufè  ,  &  attentifs  à  obferver 
exactement  les  différentes  caufes  ,  les  dif- 
férais cara&eres ,  les  différens  états ,  les 
différens  accidens  des  maladies ,  &  les  effets 
.-des  remèdes  qu'ils  prefcrivent  dans  tous 
ces  cas.  C'eft  de  cette  confulion  que  naif- 
fent  toutes  les  fauffes  idées  du  public  fur 
^'expérience  des  praticiens. 

On  rapporte  à  l'expérience  ,  comme 
nous  venons  de  le  remarquer  ,  l'exercice 
4es  médecins  livrés  .aux  pratiques  qui  do- 


E  M  P 

minent  dans  chaque  nation  :  ce  font  ces 
médecins  même  qui  croient  s'être  allures 
par  leur  exp?rience  ,  que  la  pratique  de 
leur  pays  eft  préférable  à  celle  de  tous  les 
autres  :  mais  li  cet  exercice  étoit  une  véri- 
table expérience  ,  il  faudrait  que  ceux 
qui  (e  lont  livrés  depuis  plus  d'un  fîecle 
à  différentes  pratiques  dans  chaque  pays , 
euffent  acquis  des  connoilfance^  déciiîves  , 
qui  les  euflent  déterminés  à  abandonner  , 
comme  ils  ont  fait  ,  la  pratique  générale 
&  uniforme  que  leurs  maîtres  fuivoient 
dans  les  fiecles  précédens  ;  cependant  nous 
ne  voyons  pas  dans  leurs  écrits  ,  que  l'ex- 
périence leur  ait  fourni  de  telles  décou- 
vertes fur  un  grand  nombre  de  maladies  ; 
feroir-ce  donc  les  anciens  médecins  de 
chaque  pays  qui  n'auroient  acquis  aucune 
expérience  dans  la  pratique  qu'ils  fuivoient  î 
ou  feroit-ce  les  modernes  qui  ,  abandon- 
nant les  règles  des  anciens  ,  auraient  fuivi 
différentes  pratiques  fans  être  fondés  fur 
l'expérience  ï 

On  penfera  peut-être  que  ces  différentes 
méthodes  de  traiter  les  mêmes  maladies 
en  différens  pays  ,  font  le  fruit  des  progrès 
de  la  théorie  de  la  médecine  ;  mais  fî 
cette  théorie  avoir  introduit  ôc  réglé  les 
différentes  méthodes  de  chaque  pays  ,  elle 
concilierait  auiïi  les  efprits  ;  tous  les  mé- 
decins de  différens  pays  reconnoîtroient 
les  avantages  de  ces  diverfes  pratiques  : 
cependant  ils  font  tous  bien  éloignés  de 
cette  idée  ,  ils  croient  dans  chaque  pays 
que  leur  pratique  eft  la  feule  qu'on  puiflè 
fuivre  avec  fureté  ,  &  rejettent  toutes  les 
autres  comme  des  pratiques  pernicieufes  , 
établies  par  la  prévention.  Or  ,  les  méde- 
cins même ,  en  fe  condamnant  ainfi  réci- 
proquement ,  ne  prouvent-ils  pas  qu'il 
ferait  ridicule  de  confondre  l'expérience 
avec  l'exercice  de  ce  nombreux  cortège 
de  praticiens ,  alfujettis  à  l  ufage  ,  livrés 
à  la  prévention ,  &  incapables  de  parvenir  , 
par  des  obfervations  exactes  ,  aux  diffé- 
rentes modifications  qui  pourraient  per- 
fectionner la  pratique  dans  les  différens 
pays. 

Si  l'exercice  de  tant  de  médecins  atta- 
chés à  ces  différentes  pratiques  ,  préfente 
une  idée  fi  oppofée  à  celle  qu'on  doit 
avoir    d'une  expérience  inflructive  t    ne 


E  MF 

fèra-t  -  il  pas  plus  facile  encore  de  diftin- 
guer  ,  de  cette  expérience,  le  long  exer- 
cice d'un  praticien  continuellement  occupé 
à  vifîter  des  malades  à  la  hâte  ,  qui  le 
règle  fur  les  événemens  ,  ou  fe  fixe  à  la 
méthode  la  plus  accréditée  dans  le  public  ; 
qui  ,  toujours  diftrait  par  le  nombre  des 
malades  ,  par  la  diveriité  des  maladies  , 
par  les  importunités  des  afliftans ,  par  les 
foins  qu'il  donne  à  fa  réputation  ,  ne 
peut  qu'entrevoir  confufément  les  malades 
Se  les  maladies  ?  Un  médecin  ,  privé  de 
connoilfances  ,  toujours  dilïipé  par  tant 
d  objets  difftrens  ,  a-t-il  le  temps  ,  la  tran- 
quillité ,  la  capacité  néceflaires  pour  ob- 
fèrver  Se  pour  découvrir  la  liaifon  qu'il 
y  a  entre  les  effets  des  maladies ,  Se  leurs 
caufes  ? 

"fixé  à  un  empirifme  habituel ,  il  l'exerce 
avec  une  facilité  ,  que  les  malades  attri- 
buent à  fon  expérience  ',  il  les  entretient 
dans  cette  opinion  par  des  raifonnemens 
conformes  à  leurs  préjugés  ,  Se  par  le  ré- 
cit de  fes  fuccès  :  il  parvient  même  à  les 
perfuader  que  la  capacité  d'un  praticien 
elepend  d'un  long  exercice ,  &  que  le  la- 
voir ne  peut  former  qu'un  médecin  fpé- 
culatif ,  ou  ,  pour  parler  leur  langage  ,  un 
médecin  de  cabinet. 

Cependant  ces  empiriques  ignorans  & 
préfomptueux  le  livrent  aux  opinions  de 
la  multitude  ,  Se  n'apperçoivent  les  objets 
qu'à  travers  leurs  préjugés.  C'eft  à  des  gens 
de  cet  ordre  que  M.  de  Voltaire  répondit 
plaifamment ,  quand  ils  voulurent  le  trai- 
ter avant  qu'il  vînt  à  Genève:  »  Meilleurs, 
«  je  n'ai  pas  allez  defanté  pour  rifqueravec 
»  vous  le  peu  qu'il  me  refte.  »  Mais  il  n'a 
pas  héfité  de  confier  ce  refte  de  fanté 
entre  ies  mains  de  l'Efculape  du  pays , 
homme  rare  ,  né  pour  le  bonheur  des  au- 
tres ,  joignant  l'étude  perpétuelle  Se  la  plus 
profonde  théorie  aux  obfervations  d'une 
lavante  pratique  ,  Se  ne  connoiflànt  d'ex- 
périence que  celle  de  tous  les  lieux  Se  de  tous 
les  fiecles. 

Aufïi  les  vrais  médecins  ne  fe  prévalent- 
ils  jamais  d'une  rourine  habituelle  ;  ils 
eroiroient  déshonorer  fa  médecine ,  Se  fe 
dégrader  eux-mêmes ,  s'ils  infinuoient  dans 
le  public  ,  que  la  capacité  des  médecins 
s'acquiert  comme,  celle  des   artifans  ,  qui 


E  M  P  279: 

n'ont  befoin  que  des  feiis  Se  de  Vh  ibhudê 
pour  fe  perfectionner  dans  leurs  métiers. 
En  effet,  les  praticiens  qui  ont  une  jufte 
idée  de  la  médecine  ,  Se  qui  méritent  leur 
réputation  ,  ne  fe  font  livrés  au  public  qu'a- 
près avoir  acquis  un  grand  fonds  de  fa- 
voir  ;  Se  malgré  un  exercice  prefque  con- 
tinuel ,  ils  ménagent  chaque  jour  une  par- 
tie de  leur  temps ,  pour  entretenir  Se  aug- 
menter leurs  connoiflunces  par  l'étude  ,  Se 
ils  ne  fe  décident  ,  dans  la  pratique,  que 
par  les  lumières  d'une  théorie  folide. 

Ainfi  tous  ceux  qui  ont  réduit  l'expé- 
rience à  Vempinfme  particulier  de  chaque 
praticien,  c'eft-à-dire  ,  à  quelques  connoif- 
ïances  infufhfantes  ,  obfcures ,  équivoques, 
féduifantes,  dangereufes ,  n'ont  pas  com- 
pris que  la  véritable  expérience,  la  feule 
digne  de  ce  nom-,  eft  l'expérience  géné- 
rale qui  réfulte  des  découvertes  phyfiques, 
chymiques  ,  anatomiques ,  Se  des  obferva- 
tions particulières  des  médecins  de  tous 
les  temps  Se  de  tous  les  pays  ;  que  cette 
expérience  eft  renfermée  dans  -la  théorie  , 
Se  que  par  conféquence  l'expérience  appro- 
fondie *, Se  la  théorie  expérimentale  ou  la 
vraie  théorie ,  ne  font  pas  deux  chofes 
différentes.  Ce  n'eft  donc  point  par  l'exer- 
cice fèul  de  la  médecine  qu'on  acquiert 
cette  théorie  ,  ou  cette  expérience  lumi- 
neufe  qui  forme  les  vrais  médecins. 

On  dira  peut-être  qu'un  grand  exercice 
de  la  médecine  procure  du  moins  aux 
médecins  une  habitude  qui  les  rend  plus 
expéditifs  dans  la  pratique  :  mais  ne  doit- 
on  pas  comprendre  que  cette  facilité  ne 
les  rend  que  plus  redoutables  lorfqu'ils  ne 
font  pasfufïïfamment  inftruits?  Se  ne  doit- 
on  pas  s'appercevoir  aufll  que  la  vraie 
habitude  qu'on  peut  defircr.d'un  méde- 
cin ,  eft  la  feience  théorique  ,  puifque  ce. 
n'eft  que  par  le  favoir  qu'il  peut  fe  con- 
duise facilement  Se  sûrement  dans  la  pra- 
tique ? 

Il  eft  vrai  que  moins  un  praticien  fè 
livre  à  la  routine  ,  Se  que  plus  il  eft  inf- 
rruit ,  plus  il  connoit  toutes  les  méprifes 
dans  lesquelles  on  peut  tomber ,  plus  auflî 
il  hétite  ,  plus  il  réfléchit  ,  plus  il  déli- 
bère ,  parce  qu'il  apperçoit  les  difficultés  : 
mais  c'eft  toujours  pour  la  fureté  des  ma- 
lades ,  qu'il  eft  fi  attentifs  Ci  circonfpcct 


i8ô  E  M  P 

dans  Tes  jugemens.  Ce  font  les  connoif- 
iances  mêmes ,  Se  non  le  défaut  d'expé- 
rience ou  d'habitude ,  qui  retiennent  un 
médecin  prudent ,  Se  qui  l'obligent ,  dans 
les  cas  douteux  ,  à  démêler ,  à  examiner  , 
à  balancer  ,    avant  que  de  fe  décider. 

Si  le  public  voyoit  de  près  les  méde- 
cins, îorfqu'ils  font  eux-mêmes  attaqués 
de  quelque  maladie  inquiétante ,  il  ne  re- 
trouveroit  plus  en  eux  cet  air  de  fermeté, 
ce  ton  décifif  Se  impofant ,  fi  ordinaire 
à  ceux  qui  traitent  les  malades  par  em~ 
pirifme  :  Se  il  comprendrait  alors  combien 
l'affurance  Se  la  précipitation  font  déplacées 
dans  l'exercice  d'un  art  fi  difficile  Se  fi 
dangereux. 

Enfin,  8c  nous  ne  faurions  trop  le  ré- 
péter ,  ce  n'eft  point  la  routine ,  quelque 
longue  qu'elle  puiiïe  être  ,  qui  peut  for- 
mer un  médecin  clinique  à  la  bonne  mé- 
thode curative  des  maladies  ;  la  routine 
ne  fert  qu'à  multiplier  fes  fautes ,  fon 
impéritie ,  &c  fon  aveuglement.  Je  fais  bien 
que  le  public  groiïïer  établit  follement  fa 
confiance  dimVempirifme  d'un  vieux  mé- 
decin, Se  que  c'eft  la  routine  greffée  fur 
l'âge  ,  qui  lui  donne  le  crédit  Se  la  répu- 
tation :  aveugle  Se  funefte  préjugé.  Le 
praticien  le  plus  confommé  fera  fort  igno- 
rant ,  s'il  a  négligé  (  comme  c'eft  la  cou- 
tume )  de  s'approprier  ,  par  une  lecture 
perpétuelle  des  livres  de  fon  art ,  l'expé- 
rience des  autres  praticiens. 

J'avoue  qu'un  médecin  qui  eft  fimple- 
ment  favant ,  qui  n'a  pas  acquis  l'habi- 
tude ,  Se  qui  n'a  pas  obfervé  par  lui- 
même  ,  eft  un  médecin  incomplet  :  mais 
il  eft  beaucoup  moins  imparfait  que  le 
premier  •■>  car  les  lumières  de  la  médecine- 
naiflent  prefque  toutes  d'une  expérience 
due  aux  observations  d'une  multitude 
d'hommes ,  &  qui  ne  peut  s'acquérir  que 
par  l'étude.  Jamais  un  médecin  ne  réuf- 
fira  fans  cette  étude ,  Se  fans  la  profonde 
théorie  de  l'art  qui  doit  lui  lervir  de  bouf- 
foie  ,  quoi  qu'en  difent  les  ignorans ,  qui 
ne  font  tort  qu'à  eux-mêmes  en  méprifànt 
les  connoiifances ,  parce  qu'elles  font  au 
deffus  de  leur  portée.  C'eft  par  cette  pro- 
fonde théorie  que  Boerhaave  a  fixé  les 
principes  de  la  feience  médicinale,  qui,  à 
proprement  parler ,   n'en  ayoit  point  avant 


E  M  P 

lui ,  Se  qu'il  a  élevée  par  fon  génie  &  par 
fes  travaux  à  ce  haut  degré  de  lumière  , 
qui  lui  a  mérité  le  titre  de  réformateur  de 
l'art. 

En  un  mot,  on  n'eft  habile  dans  la 
pratique  qu'autant  qu'on  a  les  lumières 
néceflaires  pour  déterminer  la  nature  de 
la  maladie  qu'on  traire  ,  pour  s'affurer 
de  la  caufe  ,  pour  en  prévoir  les  effets  , 
pour  démêler  les  complications ,  pour  ap- 
percevoir  les  dérangemens  intérieurs  des 
folides  ,  pour  recorinoitre  le  vice  des  li- 
quides ,  pour  découvrir  la  fource  des  ac- 
cidens ,  pour  faifir  les  vraies  indications , 
Se  les  diftinguer  des  apparences  qui  peu- 
vent jeter  dans  des  méprifes  Se  dans  des 
fautes  très-graves.  Or ,  c'eft  uniquement 
par  une  feience  lumineufe  qu'on  peut  fai- 
fir ,  pénétrer,  difeerner  tous,  ces  objets 
renfermés  dans  l'intérieur  du  corps  ,  Se 
réellement  inacceffibles  à  Vempirifme.  Voye^ 
Théorie  ,  Pratique  ,  Praticien  ,  Se 
tout  fera  dit  fur  cette  importante  ma- 
tière. Article  de  M.  le  chevalier  DE  Jau- 
court. 

EMPLACEMENT  ,  f.  mafe.  terme  de 
Gabelle ,  c'eft  la  conduite  Se  la  décharge 
du  fel  dans  les  greniers,  magafins ,  Se 
lieux  de  dépôt.  Voye^  Gabelle. 

Emplacement  des  Sels  ,  eft  aulîi  la 
manière  dont  les  malles  font  difpofées 
dans  les  greniers.  Cet  emplacement  a  paru 
fi  important ,  foit  pour  la  garde  &  con- 
fervation  des  fels ,  foit  pour  la  fureté  des 
droits  du  roi,  qu'il  eft  porté  dans  les  ré- 
glemens  que  les  officiers  en  feront  des 
procès  verbaux  ,  auffi-bien  que  de  la  def- 
cente  des  fels  Se  de  leur  mefurage.  Dicl.  de 
Comm.  de  Trév.  Se  Chamb.  (G) 

EMPLACER  LE  SEL  ,  c'eft  le  mettre 
dans  les  greniers  deftinés  pour  la  décharge  , 
confervation  Se  diftrib'ution  du  fel.  Voye^ 
Gabelle.  (G) 

EMPLAIGNER.  Voye^  Lainer. 

EMPLATRE  ,  f.  m.  (  Pharmacie.)  re- 
mède topique  d'une  confiftance  folide  , 
capable  d'être  ramolli  par  une  très-légerc 
chaleur  ,  Se  qui ,  dans  cet  état ,  peut  s'éten- 
dre aifément  fur  une  peau  ou  fur  une 
toile ,  s'appliquer  exactement  à  la  peau  , 
Se  y  adhérer  plus  ou  moins.  Voye^  Em- 
plâtre. (  Chirurgie.  ) 

Les 


E  M  P 

Les  matériaux  des  emplâtres  font  diffé- 
rentes matières  graffes  &:  vifqueufes ,  les 
graiffes  de  divers  animaux ,  les  huiles ,  les 
réfiiies  ,  les  baumes ,  la  cire  ,  la  poix ,  les 
gommes- réfines.  Les  chaux  de  plomb  qui 
font  folubles  par  les  huiles  ,  auxquelles 
elles  donnent  de  la  confiftance  ,  iont  des 
matériaux  fort  ordinaires  des  emplâtres.  On 
a  fait  entrer  auffi  dans  la  composition  de 
quelques-uns  diverfes  fubftauces  végétales 
pulvérifées  ,  <k  même  quelques  matières 
minérales  ,  comme  le  mercure ,  le  magnes 
arfenicalis ,  la  pierre  caiaminaire  ,  la  pierre 
hématite  ,  les  vitriols  ,  le  bol  ,  les  fleurs 
d'antimoine ,  le  fafran  de  mars  ,  la  tuthie , 
le  pompholix,  &c. 

Le  manuel  de  la  préparation  des  em- 
plâtres diffère  confidérablement  ,  félon  la 
ciiveriè  nature  des  matériaux  de  chacun. 

Les  emplâtres  qui  ne  contiennent  que  des 
grailles ,  des  huiles ,  des  réfines ,  de  la  cire, 
des  baumes ,  en  un  mot  des  matières  très- 
analogues  entr'elles ,  &  éminemment  mif 
cibles ,  font  ceux  dont  la  préparation  eft  la 
plus  fimple  j  car  il  ne  s'agit  pour  ceux-là 
que  de  faire  fondre  tous  les  ingrédiens  à 
un  feu  léger  ,  au  bain -marie  pour  le  plus 
fur ,  &  de  les  mêler  intimement.  L 'emplâtre 
d'André  de  la  Croix  nous  fournira  un 
exemple  pour  cette  première  efpecc. 

Emplâtre  d'André  de  la  Croix  ,  félon  la 
pharmacopée  de  Paris  :  prenez  de  poix 
réfine  une  livre  ,  de  gomme-élémi  quatre 
onces  ;  de  térébenthine  de  Venifè ,  d'huile 
de  laurier  ,  de  chacune  deux  onces  \  faites 
fondre  le  tout  au  bain-maire  pour  en  faire 
un  emplâtre ,  que  vous  garderez  dans  un 
vaiffeau. 

Nota,  qu'on  demande  ici  que  cet  em- 
plâtre foit  gardé  dans  un  pot ,  parce  qu'il 
fè  ramollit  facilement  \  on  peut  cependant 
le  rouler  en  magdaléons.  Voye^  la  fin  de 
ttt  article. 

On  prépare  encore ,  par  une  manœuvre 
très-fimple  ,  les  emplâtres  qui  ne  contien- 
nent que  des  fubftances  mifcibles  par  la 
fimple  liquéfaction ,  auxquelles  on  ajoute 
certaines  poudres  qui  ne  font  point  folubles 
par  les  matières  fondues  ,  &  qui  ne  fè  mê- 
lent avec  que  par  confufion.  Voici  la  ma- 
nière de  procéder  à  la  préparation  d'un  em- 
piâtre  de  eette  féconde  efpece. 
Tome  XII. 


E   M  P  28X 

Emplâtre  de  mucilage  ,  fekm  la  phar- 
macopée de  Paris  :  prenez  de  l'huile  de 
mucilages  (qui  n'eft  autre  chofe  que  de 
l'huile  d'olive  cuite  :  voyei  Huile  )  ,  de 
l'huile  de  mucilages ,  dis-je ,  fept  onces  Se 
demie ,  de  la  poix-réfine  trois  onces  ,  de 
la  térébenthine  une  once}  faites  fondre 
dans  l'huile  la  réfine  &  la  térébenthine  fur 
un  feu  léger.  Ce  mélange  étant  preique  re- 
froidi ,  ajoutez  de  gomme  ammoniaque  ,  de 
galbanum  ,  d'opopanax ,  de  fagapenum  e;* 
poudre  ,  de  chacun  demi-once  :,  de  fafraji 
en  pondre  deux  gros ,  de  cire  jaune  fondue 
fufîifante  quantité  pour  donner  Ja  conflf 
tance  d'emplâtre. 

Les  gommes-réfines  qui  ne  fe  liquéfient 
pas  au  feu  ,  &  qui  ne  font  pas  folubles  par- 
les huiles ,  font  folubles  par  le  vinaigre  ; 
&  on  a  tiré  de  cette  qualité  une  autre  mé- 
thdîde  de  les  introduire  dans  les  emplâtres  ; 
méthode  à  laquelle  on  a  fur- tout  recours 
pour  les  gommes-réfines  ,  qui  ne  fe  puivé- 
rifènt  que  très- difficilement  ,  comme  le 
fagapenum  &  le  bdellium. 

On  diffout  donc  les  gommes-réfines  dans 
du  vinaigre  ,  on  filtre  ,  on  les  rapproche  à 
confiftance  ^emplâtre  ,  ou  feulement  en 
confiftance  de  miel  ,  félon  qu'il  eft  requis 
pour  la  confiftance  même  de  l'emplâtre  ,  & 
on  mêle  preftement  ces  gommes  ainfi  dif- 
fbutes  &  rapprochées ,  aux  matières  graffes 
fondues  ,  &  un  tant  foit  peu  refroidies. 

On  fait  entrer  quelquefois  dans  le  même 
emplâtre  des  gommes-réfines  Ions  la  forme 
de  difîblution  épailîie  ,  &  fous  celle  de 
poudre }  on  en  a  un  exemple  de  l'emplâtre 
fuivant. 

Emplâtre  de  fafran9  félon  la  pharmaco- 
pée de  Paris  :  prenez  de  colophane  ,  de 
poix  de  Bourgogne  ,  de  cire  jaune  ,  de 
chacune  quatre  onces  }  de  gomme  ammo- 
niaque ,  de  galbanum,  de  térébenthine  ,  de 
chacun  une  once  &  trois  gros  :  dilîblvez  les 
gommes  (c'cft-à~dirc  la  gomme  ammoniaque 
&  le  galbanum ,  qui  font  des  gommes-ré- 
fines qu'on  appelle  Simplement  gommes  dans 
le  langage  ordinaire  des  boutiques  )  \  d'il'' 
fblvez ,  dis-je  ,  les  gommes  dans  le  vinai-  • 
gre ,  cuifez  à  confiftance  de  miel ,  mêlez 
les  gommes  épaiffies  avec  la  térébenthine  * 
d'un  antre  côté ,  faites  fondre  à  feu  doux 
ia  colophane  ,  la  poix  &  la  cire.  Ces  der- 

N  n 


a8i  E  M  P 

nieres  matières  étant  retirées  du  feu  ,  & 
un  tant  foit  peu  refroidies  ,  unifiez-les 
promptement  à  votre  premier  mélange ,  &L 
ajoutez-y  fur  le  champ  les  poudres  fiiivan- 
tes  j  de  l'oliban  ,  du  maftic  ,  qui  fout  des 
rélines1}  de  la  myrrhe  qui  eft  une  gomme- 
réfîne  j  de  fafran ,  de  chacun  une  once  & 
trois  gros ,  que  vous  répandrez  fur  la  malle 
avec  un  tamis,  &  que  vous  incorporerez 
avec  foin ,  à  mefure  qu'elles  tomberont. 

On  peut  faire  une  troifieme  efpece  à'em- 
plâtre  de  ceux  dans  la  compolîtion  defquels 
on  fait  entrer  des  fécules  ou  parties  colo- 
rantes vertes  des  plantes.  Dans  ce  cas ,  ou 
on  met  une  plante  pilée  dans  une  huile  , 
ou  une  graillé  qu'on  fait  cuire  jufqu  a  la 
dilTîpation  de  l'humidité  ,  qu'on  palïé  &: 
qu'on  emploie  enfuite  dans  Xemplâtre , 
comme  on  le  pratique  dans  la  préparation 
de  Xemplâtre  de  mélilot  (  voye{  MÉLILOT  ) , 
où  l'on  emploie  de  la  même  façon  le  fuc 
non  déféqué  d'une  plante  ,  comme  on  le 
fait  pour  Xemplâtre  de  ciguë  (  voye{  au  mot 
ClGUE  )  }  les  emplâtres  qui  contiennent 
cette  fécule  font  verds  :  cette  partie  eft  vrai- 
ment folube  dans  les  fubftances  huileufes. 

Il  faut  bien  diftinguer  à  cet  égard  les 
iucs  non  déféqués  des  plantes  d'avec  leur 
décoction ,  qui  ne  contient  point  la  partie 
colorante  verte  des  plantes  ,  mais  feule- 
ment une  partie  extraétjve  qui  n'eft  pas 
folubie  par  les  matières  huileufes  ,  &:  qui 
ne  peut  fe  mêler  avec  elles  qu'à  la  façon 
des  poudres ,  ou  plus  imparfaitement  en- 
core. La  cuite  du  vieux  linge  ou  du  char- 
pis  dans  de  l'huile  ,  demandée  même  dans 
les  pharmacopées  modernes ,  pour  la  pré- 
paration d'un  emplâtre  qui  doit  fon  nom 
à  ce  ridicule  ingrédient  j  la  cuite  de  ce 
vieux  linge ,  dis- je  ,  eft  une  opération  dont 
la  fin ,  fi  même  elle  a  jamais  été  exécutée 
pour  une  fin  ,  n'eft  plus  un  objet  réel 
pour  les  artiftes  de  ce  fiecle.  On  peut  en 
dire  à-peu-près  autant  des  décoctions  des 
fubftances  animales,  Une  décoction  char- 
gée de  parties  animales  &  de  parties  vé- 
gétales, demandée  dans  Xemplâtre  de  gre- 
nouilles ou  de  Vigo,  efl  donc  un  ingré- 
dient très  -  défectueux  de  cet  emplâtre 
(  voye^fa  compojition  au  mot  ViGO)}  nufîi 
Jes  meilleurs  artiftes  emploient- ils  de  l'eau 
pure  (  qui  eft  d'ailleurs  nécefTaire  dans  la 


E  M  P 

préparation  de  cet  emplâtre  )  à  la  place  de 
cette  décoction. 

Les  extraits  rapprochés  ou  réduits  en 
confiftance  folide  ,  fe  mêlent  très-diffici- 
lement encore  avec  les  matériaux  huileux 
des  emplâtres  ;  aufli  l'union  des  extraits  avec 
les  autres  ingrédiens  de  Xemplâtre  diabota- 
num ,  ne  caufè-t-elle  pas  un  des  moindres 
fupplices  des  artiftes  dans  l'exécution  cie 
cette  pénible  &:  faftueufe  compolîtion  phar- 
maceutique. 

Les  emplâtres  dans  la  compefition  des- 
quels entrent  Jes  chaux  de  plomb  ,  confti- 
tuent  une  quatrième  clalTe.  La  manœuvre 
par  laquelle  l'artifte  difpofè  ces  fubftances 
à  la  combinaifon ,  eft  très-chimérique }  & 
il  n'eft  point  de  chymifte  qui  ne  pût  être 
flatté  de  la  découverte  de  cette  pratique  , 
qui  eft  fans  doute  due  au  hafar4  ou  au  tâ- 
tonnement, comme  tant  d'autres  de  la  mêir.e 
clalTe  ,  ou  pour  le  moins  dont  l'inventeur 
eft  abfbiument  inconnu. 

Four  unir  une  chaux  de  plomb  à  une 
huile  ou  à  une  graille  ,  la  litharge  ,  par 
exemple  ,  à  l'huile  d'olive  ou  au  fàin-doux 
(  voyei  DiAPALME  dans  lequel  entrent  ces 
trois  ingrédiens  ) ,  on  prend  de  l'une  £c 
de  l'autre  de  ces  fubftances  dans  une  pro- 
portion connue  ,  environ  une  portion  de 
litharge  pour  deux  portions  d'huile  ,  on  les 
met  dans  une  baffine  deftinée  à  cet  ufage  , 
dont  le  fond  dégénère  en  un  cône  reu- 
verfé  &  obtus  ,  avec  une  bonne  quantité 
d'eau,  à-peu-près  autant  que  d'huile  }  on 
fait  bouillir  en  braiTant exactement,  c'eft-à- 
dire,  remuant  en  tout  fens  avec  une  fpatule 
de  bois ,  jufqu'à  ce  que  la  combinaifou 
foit  achevée.  On  connoit  qu'elle  l'eft  ,  ow 
que  la  litharge  eft  cuite  ,  peur  parler  le 
langage  des  boutiques ,  lorfqu'on  n'apper- 
çoit  plus  de  grains  de  litharge ,  &  que  la 
malle  de  Xemplâtre  eft  égaie  &  liée.  Si 
l'eau  manque  avant  qu'on  ait  obtenu  ce 
point ,  ce  qu'on  connoît  à  ce  que  la  mafiê 
de  Xemplâtre  fe  bcurfoufie  &  s'élève  plus 
qu'auparavant,  &:  qu'elle  tombe  &  s'affaifiè 
enfuite  prefque  tout  d'un  coup  ,  on  ajouta 
de  l'eau  bouillante  qu'on  doit  avoir  fous 
la  main ,  ou  qu'on  doit  faire  chauffer ,  re- 
tirant la  baflîne  du  feu  pendant  ce  te$nps- 
là.  On  ne  fauroit  employer  de  feau  froide  , 
parce  que  ce  liquide  s  uitrcduifaut  feus  la 


E  M  P 

mafiè  de  Xemplâtre  ,  qui  eft.  actuellement 
chaude  au  degré  de  l'eau  bouillante  , 
comme  nous  allons  l'obferver  ,  &  étant 
mis  foudainement  en  expanfion  ,  ferait 
monter  brufquement  X emplâtre ,  le  répan- 
droit  ,  pourrait  bleffer  l'artifte  ,  &  même 
occafioner  un  incendie. 

Le  merveilleux,  ou  plutôt  le  beau  fîm- 
ple  de  cette  opération  ,  coufïfte  en  ceci  : 
on  traite  proprement  l'huile  &  la  litharge 
au  bain-marie,  &  cela  quoique  l'eau  qui 
fait  le  bain  foit  contenue  dans  le  même 
vaiffeau  que  les  matières  qu'elle  échauffe  } 
&  il  eft  inutile  ,  en  effet ,  de  la  placer  dans 
un  vaiffeau  féparé  ,  parce  qu'elle  n'a  au- 
cune action  chymique  fur  ces  matières. 
Or ,  il  eft  inutile  de  ne  les  expofer ,  ces 
matières ,  qu'à  ce  degré  de  chaleur  ,  parce 
qu'une  partie  de  l'huile  pourrait  être  brûlée 
à  un  degré  de  feu  fupérieur,  &  fournir 
par  conséquent  du  charbon  ,  &  la  chaux 
de  plomb  être  réduite  ,  ou  du  moins  noir- 
cie :  l'un  &  l'autre  inconvénient  ôteroit 
à  l'élégance  de  X emplâtre  ,  fuppofé  toute- 
fois que  l'élégance  ne  dépendît  pas  de  la 
noirceur  \  car  les  loix  font  ici  fort  bizarres 
&  fort  arbitraires.  Un  emplâtre  de  la  claffe 
de  ceux  dont  nous  parlons  ici ,  ferait  man- 
qué fi  on  brûloit  le  plomb  \  Xemplâtre  noir 
ou  de  cérufe  brûlée ,  &  l'onguent  de  la 
mère  (  qui  eft  un  emplâtre  ) ,  feraient  man- 
ques au  contraire  ,  fi  on  ne  le  brûloit  pas. 
Voye{  Onguent  de  la  Mère  &  la  fuite 
de  cet  article. 

Je  fuppofè  que  mes  lecteurs  n'ignorent 
pas  que  l'huile  ne  bout  point  au  degré  de 
l'eau  bouillante  ,  &  que  toutes  les  fois  que 
deux  liquides  immifcibles  fe  trouvent  con- 
fondus en  quelque  proportion  que  ce  foit , 
&  expofés  au  feu ,  la  chaleur  ne  peut  ja- 
mais s'élever  dans  la  maffe  entière  au 
deffus  du  plus  haut  degré  dont  eft  fuf- 
ceptible  le  liquide  le  plus  volatil  ,  ou 
celui  des  deux  dont  le  degré  de  chaleur 
extrême  eft  le  plus  foible ,  cœteris  pari- 
bus  ;  que  par  conféquent  ,  dans  le  cas 
dont  il  s'agit ,  l'huile  ne  peut  contracter 
que  le  degré  de  chaleur  de  l'eau  bouil- 
lante. 

Secondement ,  il  vaut  mieux  appliquer 
l'eau  bouillante  immédiatement ,  que  d'in- 
terpofer  un  vaifTeau  entre  ce  liquide  &  les 


E  M  P  283 

corps  à  unir  ;  parce  qu'outre  que  cette 
méthode  eft  plus  commode  &  plus  courte^ 
elle  fert  encore  en  ce  que  le  bouillonne- 
ment de  l'eau  agite  la  maffe  de  Xemplâtre 
dans  toutes  fès  parties  ,  &  concourt  très- 
efficacement  au  mouvement  qu'on  fè  pro- 
pofe  d'exciter  eu  braffant  \  mouvement 
qui  hâte  toutes  les  diffolutions.  Voye[ 
Menstrue. 

Si  on  fe  propofè  de  rendre  noir  ou  brun 
un  emplâtre  qui  contient  une  chaux  de 
plomb,  on  n'a  qu'à  cuire  à  un  feu  fort 
&  fans  eau  }  c'eft  ainfï  qu'on  le  pratique 
pour  Xemplâtre  fuivant. 

Emplâtre  noir  ou  de  cérufe  brûlée  ,  félon 
la  pharmacopée  de  Paris  ;  prenez  de 
plomb  blanc ,  c'eft-à-dire  ,  de  cérufe  ,  une 
livre  5  d'huile  d'olive,  deux  livres  :  cui- 
fèz  enfèmble  à  feu  fort  ,  ajoutant  de 
temps  en  temps  quelques  gouttes  de  vi- 
naigre (  pratique  qui  paraît  affez  inutile  ) , 
jufqu'à  ce  que  vous  ayiez  obtenu  la  con- 
fîftance  ^emplâtre  &  la  couleur  noire  : 
ajoutez  enfin  ,  de  cire  jaune  ,  quatre 
onces. 

Il  entre  des  huiles  effentielles  dans  la 
compofition  de  quelques  emplâtres.  On  ne 
doit  ajouter  ces  ingrédiens  volatils  que 
lorfque  la  maffe  de  Xemplâtre  eft  prefque 
refroidie. 

Les  emplâtres  fè  gardent  dans  les  bou- 
tiques fous  la  forme  de  petits  cylindres 
longs  d'environ  trois  pouces  &:  du  poids 
d'une  once  ,  qui  font  connus  dans  l'art 
fous  le  nom  de  mcgdaléon.  Yoye\  Magda-1 
LÉON. 

I^es  chirurgiens  demandent  quelquefois 
des  emplâtres  compofes ,  ou  des  onguens 
dans  la  compofition  defquels  entrent  un 
ou  plufieurs  emplâtres.  Ces  préparations 
font  extemporanées  ou  magiftrales  }  on 
les  exécute  fur  le  champ  en  mêlant  les 
divers  emplâtres  par  la  fufîon  fur  un  feu 
doux. 

On  fait  une  forte  d'emplâtre  avec  la  cire 
blanche  ,  le  blanc  de  baleine  &  l'huile 
d'amandes  douces ,  ou  des  femenecs  froides 
majeures  ,  qu'on  doit  regarder  comme  une 
préparation  magiftrale,  parce  qu'elle  n'efl 
pas  de  garde  ,  &  qu'on  ne  doit  l'exécuter 
qu'au  befoin. 

De  toutes  les  compofïtions  pharmacen* 
Nn  2, 


î«4  E  M  P 

tiques  ,  aucune  n'a  été  fi  inutilement  mul- 
tipliée que  les  emplâtres.  Outre  le  peu  de 
feeours  qu'on  en  tire  en  général  ,  8c  le 
manque  abfolu  d'obfervations  qui  établif- 
fent  les  vertus  particulières  dans  quelques- 
uns  (  voyei  EMPLATRE  ,  Chirurgie  )  '7  outre 
ces  raifons  tirées  de  l'expérience  médici- 
nale ,  on  peut  fe  convaincre  de  ce  qu'on 
avance  ici  ,  en  jetant  Amplement  les  yeux 
fur  la  difpenfation  des  emplâtres  ,  qu'on 
trouvera  prefque  toujours  la  même  ,  fur- 
tout  fi  on  examine  celle  des  emplâtres  les 
plus  compofés.   (b) 

EMPLATRE ,  (  Matière  médicale  interne.  ) 

L'application  de  certains  emplâtres  paffe 
pour  un  feeours  qu'il  ne  faut  pas  négliger 
dans  certaines  affections  intérieures  ;  comme 
dans  les  tumeurs  du  foie  8c  de  la  rate  , 
dans  cette  élévation  rénitente  de  tout  le 
bas  -  ventre  des  enfans  ,  connue  à  Paris 
fous  le  nom  de  carreau ,  &c.  :  ce  font 
iùr-tout  les  emplâtres  de  ciguë  ,  de  bétoine 
&  de  vigo  ,  qui  font  renommés  à  ce  titre. 
Voyei  BÉ  TOI  NE  ,  ClGUE,  VlGO  &  TO- 
PIQUE,   (b) 

Emplâtre  ,  en  Chirurgie  ,  c'eftla  com- 
position pharmaceutique  de  ce  nom  , 
étendue  fur  du  linge  plus  ou  moins  fin , 
fur  du  taffetas  ou  fur  de  la  peau,  fuivant 
les  différentes  vues  qu'on  peut  avoir  dans 
fon  application ,  ou  pour  des  raifons  de 
propreté  ;  tels  font  ceux  qu'on  met  au 
vifage,  8c  qui  font  ordinairement  de  taffetas 
noir. 

Les  emplâtres  font  d'un  très-grand  ufige 
dans  la  pratique  de  la  chirurgie  '7  on  s'en 
fort  suffi  fort  utilement  dans  piufieurs  ma- 
ladies internes. 

On  if  applique  pas  toujours  les  emplâtres  , 
par  rapport  à  la  vertu  des  médicamens 
dont  ils  font  compofés-.  La  feule  qualité 
glutineufè  les  fait  employer  dans  phifieurs 
cas  ,  comme  dans  la  future  lèche  pour  la 
réunion  des  plaies.  Voye\  Suture.  Un 
bandage  fait  avec  méthode  ,  peut  tenir  les 
lèvres  de  certaines  plaies  dans  l'état  d'ap- 
proximation nécefïaire,  pour  qu'elles  le 
réunifient  \  mais  il  y  a  des  plaies  qu'il-  eft 
impofiible  de  contenir  par  les  bandages  : 
telles  "font  ï\\  plupart  des  plaies  obliques 
&  tranfvcrfales.  Si  elles  font  fuperficielles  , 
il  fera  inutile  de  les  coudre  avec  les-  ai- 


E  M  P 

guilles  &  les  fils.  Cette  future  eft  une 
opération  douloureufè  qu'il  n'efl  permis 
de  faire  que  dans  le  cas  de  l'infurrifance 
démontrée  des  autres  moyens  qu'on  auroit 
pu  employer.  Des  emplâtres  agglutinatifs 
grillés ,  ou  âes  bandelettes  emplaftiques  , 
peuvent  être  difpofés  de  façon  à  tenir  les 
lèvres  de  la  plaie  dans  le  contact  néceiîàire  , 
&  empêcher  qu'elles  ne  puilfent  s'éloigner 
l'une  de  l'autre.  On  le  fert  communément 
pour  cela  de  V emplâtre  d'André  de  la  Croix  ; 
il  eft  compofé  avec  la  réfine  ,  la  gomme- 
éîémi ,  la  térébenthine  &  l'huile  de  lau- 
rier ,  mêlées  8c  cuites  félon  l'art.  Unnu 
plâtre  de  bétoine  eft  aufîi  un  très-bon  ag- 
glutinatif.  Si  ces  compofitions  font  nou- 
velles ,  elles  fe  fondent  par  la  chaleur  de 
la  partie  ,  &  alors  les  lèvres  de  la  divifion 
ne  font  plus  maintenues.  Prefque  tous  les 
emplâtres  tiennent  très-bien  s'ils  font  anciens , 
8c  fi  l'on  a  la  précaution  de  les  étendre 
très-minces  ,  &c  fur  de  gros  linge  prefque 
neuf.  11  faut  auffi  avoir  foin  que  le  linge  loit 
coupé  à  droit  fil. 

La  fituation  de  la  plaie  &  fa  figure  doi- 
vent déterminer  la  figure  de  ces  emplâtres  , 
&  fi  un  feul  fera  fuftifànt ,  ou  s'il  en  fau- 
dra plufieurs.  Les  bandes  cmplaftiques  doi- 
vent être  allez  longues  pour  pouvoir  fou- 
tenir  la  peau  de  loin  :  trop  courtes  ,  elles 
conîiendroient  mal  les  lèvres  de  la  plaie  , 
lur  -  tout  fi  elle  avoit  un  peu  de  profon- 
deur. Quand  on  eft  obligé  ,  par  quelque 
raifon  que  ce  foit,  de  lever  ces  emplâtres , 
il  faut  avoir  la  précaution  de  ramollir  le 
médicament  par  l'application  d'une  ferviette 
chaude  ,  ou  avec  un  peu  d'huile  chauffée 
à  un  degré  convenable  ,  afin  de  ne  déran- 
ger l'ouvrage  de  la  nature  par  aucun  ti- 
raillement. On  a  foin  aufîi  de  lever  Yem- 
plâtre  direefement  dans  toute  fon  éten- 
due ,  d'abord  par  un  côté  ,  en  le  tirant 
vers  la  plaie  ,  près  de  laquelle  on  s'arrête 
pour  en  faire  autant  du  côté  oppofe  , 
afin  d'être  en  garde  contre  le  déchirement 
d'une  cicatrice  récente  ,  que  le  moindre 
effort  oppofé  à  la  réunion  pourroit  rom- 
pre. 

Les  emplâtres  purement  contentifs  ne 
fervent  auffi  que  par  la  qualité  gîutineufè 
du-  médicament  \  on  les  applique  fur  les 
plumaceaux     <jui    recouvrent    les    plaies 


E  M  P 

or:  ïes  ulcères ,  afin  de  les  maintenir.  On 
abufe  un  peu  de  ce  moyen  ,  qui  a  des 
inconvéniens.  L'adhérence  de  V emplâtre  aux 
environs  de  l'ulcère  ,  bouche  ks  pores  , 
©ccafione  quelquefois  un  prurit  ércîypéla- 
teux. ,  rend  la  luppuration  plus  abondante 
par  rapport  à  la  tranfpiration  fupprimée  , 
&  retient  les  matières  purulentes  dans 
l'ulcère  ou  aux  environs.  Quoiqu'il  foit 
démontré  que  rien  n'eft  il  fain  que  la  pro- 
preté 3  cependant  rien  n'eft  fi  commun  dans 
la  plupart  des  hôpitaux  ,  fur  -  tout  dans 
ceux  où  il  y  a  un  très-grand  nombre  de 
malades  ;  rien  ,  dis-je ,  n'y  eft  fi  commun 
que  de  voir  la  circonférence  des  plaies  & 
des  ulcères  fort  mal-propre  ,  par  le  peu 
d'attention  des  élevés  auxquels  les  panfe- 
mens  font  confiés  ,  &  par  l'abus  des  em- 
plâtres. Leur  nfage  rend  ces  mêmes  élevés 
plus  négligeas  fur  la  meilleure  manière 
d'appliquer  les  bandes  pour  contenir  l'ap- 
pareil eu  fituation  d'un  panfement  à  l'au- 
tre. Cette  mal- propreté  ,  contre  laquelle 
■on  ne  peut  s'élever  avec  trop  de  force  , 
contribue  plus  que  tonte  chofe  à  rendre 
les  ulcères  ferdides  &  de  difficile  gué- 
ri fou  ,  &:  peut-être  même  à  les  rendre 
par  la  fuite  tout- à- fait  incurables  ,  quoi- 
qu'on eût  pu,  avec  un  peu  de  propreté, 
les  guérir  par  l'application  des  remèdes 
les  plus  Amples,  tels  que  le  vin  miellé  ,  &c.j 
j'en  ai  fait  plus  d'une  fois  l'expérience. 
L'emplâtre  de  diapalme  eft  celui  dont  on 
iè  fort  le  plus  communément,  comme  con- 
tent if. 

On  peut  couvrir  d'un  médicament  em- 
plafcique  le  côté  d'une  comprche  expulfive 
•qui  touche  la  partie  ,  afin  de  la  fixer  inva- 
riablement fur  le  fond  du  fînus  dont  on 
veut  faire  fortir  la  matière.  On  lit  dans 
les  obfervations  communiquées  par  F  or  mi , 
célèbre  chirurgien  de  Montpellier  ,  à  Lazare 
Ripiere  ,  doyen  des  profefîeurs  royaux  de 
médecine  en  rnniverilté  de  cette  ville  . 
qu'un  abcès  confidérable  fur  le  ftenium 
avoit  été  ouvert  fans  méthode  à  la  partie 
fupérieure.  Suivant  les  règles  de  l'art, 
l'incilion  auroit  dû  être  faite  à  la  partie 
déclive  (  voyei  ABCES,  COMPRESSE  ,  CoNf- 

*r-ession  ,  Contre-ouverture  j  )  mais 
pour  éviter  une  féconde  opération,  Formi 
«Qttfeill»    l'appliquai    d'une     comprelie 


E  M  P  *$T 

épaifiè  &  agglutinative ,  fur  laquelle  un  ban- 
dage ferré  convenablement  procura  le  re* 
collement  de3  parois  du  fac  ,  en  déter- 
minant le  pus  à  fortir  par  l'ouverture  fupé- 
rieure. 

Il  peut  y  avoir  des  indications  qui  exi- 
gent que  la  comprelie  expulfive  foit  en- 
duite d'un  médicament  approprié  au  cas.  Je 
me  fuis  fervi ,  avec  le  plus  grand  fuccès , 
d'une  comprefle  expulfive  maintenue  par 
un  mélange  d'emplâtre  de  ciguë  &  de 
vigo  ,  fur  un  linus  accompagné  de  du- 
reté &  de  callofités  dans  un  ulcère  ferophu- 
leux. 

Les  emplâtres  les  plus  efficaces  contre 
la  teigne  n'agirent  que  par  la  qualité  ag- 
glutinative j  &  l'on  a  la  précaution  de 
les  étendre  fur  de  la  toile  neuve  ,  pour 
qu'ils  adhèrent  plus  fortement ,  afin  d'arra-» 
cher  les  cheveux  jufqu'à  leurs  racines.  V. 
Teigne. 

Eu  égard  à  la  vertu  des -médicamens 
dont  les  emplâtres  font  cempofés ,  il  y  en 
a  d'émolliens  ,  comme  ceux  de  mucilages 
&  de  mélilot.  D'autres  font  réfolutifs  & 
fondans  }  tels  font  les  emplâtres  de  favon , 
de  ciguë  ,  de  diabotanum  ,  de  vigo  ,  &c. 
Les  premiers  fout  plus  émoîliens  &  dif- 
cuJfifs  j  ceux-ci  font  plus  ftimuîans.  L'effet 
des  emplâtres  eft  relatif  aux  difpofitioiis 
des  fluides  &  des  folides.  Si  l'humeur  , 
qui  eft  en  ftagnation  dans  la  tumeur  qu'on 
veut  réfeudre  ,  eft  fort  épailié  \  iî  ks  émoi- 
liens  ne  l'ont  pas  préparée  à  la  réfcluîion  , 
les  remèdes  réfolutifs  procureront  une  plus 
forte  induration.  Si ,  au  contraire  ,  il  y  a 
un  commencement  de  chaleur  dans  la 
tumeur  ,  les  réfolutifs  ,  par  leur  qualité 
ftimuiante  ,  accéléreront  le  jeu  des  vaif 
féaux  ,  &  la  tumeur  luppurera  avec  des 
réfolutifs  ,  qui  deviennent  alors  les  meil- 
leurs màtnratifs  &  attractifs  dont  on  puifiè 
fe  iervir.  On  n'eft  guere  trompé  dans  fon 
attente  lorsqu'on  procède  par  principes  & 
par  raifou,  c  eft- à-dire  ,  par  une  expérience 
réfléchie  &  raifennée  ,  Bien  différente  de 
l'empirifme  que  le  vulgaire  honore  du  nom 
dCexpcriaue  ,  &  qui  n'eft  qu'une  routine 
!  aveugle. 

Le  diachiion  gommé  eft  un  des  meil- 
leurs emplâtres  maturatifs  dans  les  furon- 
cles ,  les  elous  &  autres  tumeurs  de  cettt 


i$6  EMP 

nature  ,  qui  ont  de  la  difpofîtion  à  fup- 
purer.  Pour  mondifier  &  déterger  ,  Yem- 
plâtre  divin  eft  fort  recommandé  }  & 
ceux  de  cérufe  ,  de  minium  ,  de  Nuremberg, 
&  principalement  celui  de  pierre  calami- 
naire  ,  ont  la  vertu  de  deffécher  &  de  cica- 
trifer. 

Il  y  a  des  préparations  empîaftiques 
deftinées  particulièrement  à  certaines  ma- 
ladies &  à  certaines  parties.  Uemplâtre 
de  bétoine  eft  céphalique  ,  &  confacré 
pour  la  guérifon  des  plaies  de  tête.  Mais 
ne  mondifïeroit  -  il  pas  également  les 
plaies  des  autres  parties  ?  Les  mêmes  phar- 
macopées ,  qui  en  vantent  les  propriétés 
pour  les  plaies  de  tête  ,  ajoutent  qu'on 
s'en  fert  aufîi  pour  ramollir  les  cors  des 
pies. 

Uemplâtre  de  blanc  de  baleine  ,  dans 
lequel  entre  la  gomme  ammoniaque  dif- 
foute  dans  du  vinaigre  ,  eft  un  bon  re- 
mède pour  les  mamelles  des  femmes  qui 
ne  peuvent  ou  ne  veulent  pas  allaiter  leurs 
enfans }  il  diflipe  le  lait ,  appaife  les  dou- 
leurs qui  en  proviennent ,  &  en  réfout  les 
grumeaux  &  les  duretés  qui  en  réfultent. 
Je  ne  crois  pas  qu'on  puilfe  penlèr  auflï 
favorablement  des  effets  que  peut  produire 
l'application  de  Yemplâtre  de  nicotiane  & 
de  ciguë  ,  dans  les  indurations  &  les  skirres 
du  foie  &  de  la  rate.  Suivant  les  auteurs 
de  la  pharmacopée  d'Ausbourg  ,  Montanus 
&  Bellacattus ,  célèbres  médecins  de  Pa- 
doue  ,  faifoient  un  grand  ulage  d'un  em- 
plâtre contre  l'hydropifie  ,  &  l'on  afîlire 
qu'il  n'eft  pas  fans  efficacité.  Il  eft  com- 
pofé  de  fiente  de  pigeon  ,  de  fuc  d'hyeble, 
de  miel  ,  de  foufre  vif ,  de  nitre  ,  de 
poudre  d'iris  ,  d'énula  ,  de  baies  de  laurier, 
d'anetli  ,  de  fleurs  de  camomille  ,  de  fe- 
mence  de  creffon ,  de  farine  de  fève ,  de 
fùifde  cerf,  de  térébenthine  &  d'une  fuffi- 
fante  quantité  de  cire.  Quand  on  connoît 
la  nature  de  l'hydropifïe  ,  &  les  différentes 
caufès  qui  peuvent  donner  lieu  à  cette 
maladie  ,  comment  peut-on  imaginer  qu'on 
puifTe  la  guérir  par  des  applications  exté- 
rieures ?  Nous  ofons  faire  la  même  ré- 
flexion fur  Yemplâtre  fébrifuge  ,  fait  avec 
des  araignées  vivantes  &  leurs  toiles  ,  mê- 
lées dans  la  térébenthine  avec  du  fèl  am- 
moniac ,    &c.  pour  être  appliqué    fur  le 


EMP 

poignet.  Il  y  a  cependant  des  remèdes 
qu'on  applique  extérieurement  ,  &  dent 
la  vertu  peut  changer  toute  la  difpofition 
de  la  malle  du  faiig.  Tel  eft  Yemplctn 
véficatoire.  Son  effet  ne  fe  borne  pas  à 
l'élévation  des  phliclaines  fur  l'endroit  où 
on  l'a  appliqué  ,  ni  à  l'évacuation  de  la 
matière  lymphatique  qui  coule  de  ces 
vefties  \  le  fang  en  eft  altéré  ,  les  fels  des 
cantharides  qui  y  font  portés  en  détruifent 
la  vifeofité.  Tout  le  monde  fait  que  Yem- 
plâtre d'opium  appliqué  fur  l'artère  tem- 
porale ,  calme  efficacement  la  douleur  des 
dents  j  &  le  docteur  Nugent ,  dans  une 
favante  differtation  qu'il  vient  de  donner 
fur  l'hydrophobie  ,  à  la  fuite  de  l'hiftoire 
d'une  perfonne  mordue  par  un  chien  en- 
ragé ,  qui  eut  l'hydrophobie  ,  &  qui  fut 
heureufement  guérie  par  l'ufage  des  antif- 
pafmodiques  ç,  le  doâeur  Nugent ,  dis-je  , 
a  prouvé  très-folidement  que  dans  toutes 
les  affections  qui  dépendent  de  l'irritation 
des  folides  &  de  l'émotion  fpafmodique 
des  fibres ,  il  ne  pouvoit  y  avoir  de  remède 
plus  efficace  que  l'ufage  régulier  des  appli- 
cations topiques  ,  capable  de  calmer  ces 
agitations. 

On  donne  différentes  figures  aux  em- 
plâtres ,  fuivant  les  parties  fur  lefquelles 
on  doit  les  appliquer}  il  y  en  a  de  ronds, 
de  quarrés  ,  d'ovales  :  on  les  taille  en  croif- 
fant  ou  en  demi-lune  pour  la  fiftule  à 
l'anus.  On  en  fait  de  très-petits  de  la 
même  figure  pour  les  paupières  }  ceux 
qu'on  applique  dans  le  pli  de  l'aîne  font 
triangulaires  \  on  les  coupe  en  croix  de 
Malte  pour  l'extrémité  des  doigts  ,  & 
on  les  fend  plus  ou  moins  profondément 
dans  leur  circonférence  ,  afin  qu'on  puifîê 
les  appliquer  également  fur  les  parties 
inégales.  On  roule  des  languettes  ^em- 
plâtres en  forme  de  baguettes  ou  de 
verges  ,  connues  fous  Je  nom  de  bougies  , 
pour  le  traitement  des  maladies  du  canal 
de  l'urètre.  Voy.  Bougie  &  Carnosité. 
(Y) 

EMPLETE  ,  f.  f.  (Comm.)  achat  de  mar- 
chandifes.  V.  Achat.  Ce  mot  paroît dérivé 
du  latin  emere  ,  acheter.  (G) 

EMPLI  ,  i'.  m.  en  terme  de  raffinerie 
des  fucres  ,  fè  dît  du  lieu  voifin  des  four- 
neaux où  l'on  plante  les  formes  vuides.  O» 


EMP 

fê  fèrt  encore  de  ce  terme  pour  lignifier  la 
quantité  de  formes  qu'on  a  remplies.  Ces 
formes  ,  dit-on  ,  font  du  même  empli  :  voilà 
Rempli  d'hier  ,  de  ce  matin  ,   &c. 

EMPLIR  ,  en  terme  de  Raffineur  de 
fucre  -,  eft  en  général  jeter  la  matière  cuite 
dans  des  formes  plantées  dans  l'empli. 
Voye{  Planter  &  Empli. 

*  EMPLOCIES  ,  £  f.  (Mythol.  )  fêtes 
qu'on  célébroit  dans  Athènes  ,  &  dont 
nous  ne  connoifTons  qu'une  circonftance 
que  letymologie  nous  a  confervée  :  c'eft 
que  les  femmes  y  paroilîbieut  les  cheveux 
treffés. 

EMPLOI ,  (  Jurifp.  )  ce  terme  a  dans 
cette  matière  plufîeurs  lignifications  diffé- 
rentes. 

Emploi  dans  un  compte  ,  lignifie  l'ap- 
plication que  l'on  fait  d'une  partie  dans  la 
recette  ou  la  dépenfe  •■,  aiufi  l'on  dit  em- 
ployer une  fomrne  en  recette  ,  c'eft-à-dire  , 
s'en  charger  en  recette.  Employer  une  fomme 
en  dépenfe  ?  c'eft  îa  porter  dans  la  dépenfe 
du  compte.  Employer  en  reprife  ,  c'eft  re- 
prendre &  retirer  une  fomme  dont  on  s'eft 
d'abord  chargé  en  recette  ,  mais  que  l'on 
reprend  enfui  te  ,  parce  que  réellement  on 
ne  l'a  pas  touchée. 

Emploi  de  deniers  ,  c'eft  lorfqu'on  fe  fert 
des  deniers  de  quelqu'un  ,  foit  pour  payer 
une  dette ,  ou  pour  acquérir  un  héritage  ou 
autre  immeuble. 

Emploi  de  la  dot  ,  c'eft  lorique  le  mari 
place  la  dot  qu'il  a  reçue  de  fà  femme  en 
deniers  ?  afin  d'en  alfurer  la  répétition. 
Voye{  Dot  6-  Répétition. 

Double  emploi  dans  un  compte  ,  eft  lorf 
qu'un  même  article  eft  porté  deux  fois  , 
ibit  en  recette  ,  dépenfe  ou  reprife.  L'erreur 
qui  refaite  d'un  double  emploi  ne  fe  couvre 
point.  Voyei  Compte. 

Faux  emploi  fe  confond  fouvent  avec 
le  double  emploi  j  l'ordonnance  de  i66y 
ne  fe  fert  même  que  du  terme  de  faux 
emploi  ,  en  parlant  des  erreurs  de  cette 
efpece  qui  peuvent  fe  gliftèr  dans  les 
comptes  :  il  fëmble  cependant  que  le  faux- 
emploi  eft  différent  du  double  emploi.  L'un 
eft  ce  qui  eft  mal  employé  }  par  exemple 
fi  un  article  de  dépenfe  eft  porté  dans  la 
recette  ,  aut  vice  verfâ  ,  ou  fi  on  porte  eu 
dépenfe  quelque  article  qui  ne  regarde  pas 


EMP  2S7 

l'oyant}  au  lieu  que  le  double  emploi  eft 
un  article  qui  eft  bon  la  première  fois  qu'on 
l'emploie,  mais  qui  eft  vicieux  dans  l'en- 
droit où  on  l'emploie  pour  la  féconde  fois. 

Emploi  dans  un  inventaire  de  produc- 
tion ,  ou  dans  une  requête  de  production 
nouvelle  ?  eft  la  mention  que  l'on  fait  d'une 
pièce  dont  on  tire  quelque  induction  ,  fans 
néanmoins  produire  la  pièce  même  ,  foit 
parce  qu'elle  eft  déjà  produite  fous  quel- 
qu'autre  cote  ,  foit  parce  que  celui  qui 
fait  cet  emploi^  n'a  pas  la  pièce  en  fa  pof 
feflion. 

On  fait  ainfi  des  emplois  ,  non  feule- 
ment de  pièces  connues  &  qui  exifteut , 
mais  aum"  de  faits  que  l'on  pofe  comme 
certains.  Ces  fortes  Remplois  n'ont  de  force 
qu'autant  que  les  faits  font  conftaus  &  no- 
toires ,  ou  prouvés  d'ailleurs  ,  ou  qu'ils  font 
avoués  par  la  partie  adve-rfe  }  de  forte  que 
fi  la  partie  ne  convient  pas  de  ces  faits ,  on 
contredit  les  emplois  de  ces  faits  prétendus 
certains  ,  de  même  que  les  emplois  de  pie- 
ces.  Voye-r  Contredits  ,  Inventaire 

DE  PRODUCTION  ,  PRODUCTION  ,  PRO- 
DUCTION NOUVELLE.  (A) 

EMPLOYÉ  ,  adjed.  pris  fubft.  fignifie 
quelquefois  commis.  Les  directeurs  des  fer- 
mes du  roi  ont  infpecTàon  fur  les  receveurs , 
contrôleurs  &  autres  employés.  (G) 

EMPLOYER  ,  dans  le  Commerce  ,  fe 
fbrvir  de  quelqu'un  ou  de  quelque  chofe. 
En  fait  de  compte  ,  ce  terme  fïgnifïe  mettre 
quelque  partie  ,  quelque  article  en  recette  ou 
en  dépenfe.  Ave{-vous  employé  ces  mille  écus 
dans  votre  compte  ?  Voye[  EMPLOI.  (G) 

EMPLURE  ,  f.  f."  en  terme  de  Batteur 
d'or,  c'eft  une  feuille  qui  fe  met  au  com- 
mencement des  outils ,  pour  garantir  l'or 
de  la  trop  grande  force  des  coups  qu'elle 
amortit  :  les  deux  prapieres  fout  du  dou- 
ble plus  épaiffes  que  les  autres.  Le  nom- 
bre des  cmplures  eft  toujours  le  même 
pour  tous  les  outils.  Voye\  Outils  & 
Batteur  d'Or. 

EMPOIGNÉS  ,  ÉES,  adj.  (terme  de 
Blafon.  )  fe  dit  des  javelots ,  flèches  &  au- 
tres pièces  de  longueur  ,  quand  il  y  en  a 
trois  &  davantage  ,  dont  un  ou  plufîeurs 
en  pal  ,  &  d'autres  en  fautoir ,  de  manière 
qu'ils  paroiftent  pfeftés  au  milieu  ,  étant 
attaches  d'un  lien. 


iU  E  M  P 

Empoignée  £e  dit  aufïï  d'une  bande  ou 
autre  pièce  tenue  par  une  main  ou  la  patte 
d'un  animal. 

De  Suramont  à  Paris  ;  d'azur  h  trois 
flèches  empoignées  d'or. 

Bons  d'Entremont  en  Provence  ;  d'or  a 
la  bande  d'azur  ,  chargée  de  deux  étoiles 
d'argent  ,  &  empoignée  d'une  patte  de  lion  de 
fable  mouvante  du  flanc  dextre  de  l'écu. 

La  tradition  rapporte  que  Pierre-André 
Bons,  né  à  Marfeilleen  1354,  accompagna 
le  roi  Louis  d'Anjou  à  la  guerre  de  Naples , 
en  1393  ,  où  s  étant  trouvé  dans  une  ba- 
taille proche  ce  monarque  (  qui  venoit  d'ê- 
tre fait  prifonnier  par  un  chevalier  nommé 
Léon  :  lequel  avoit  ofé  mettre  la  main  fur 
ce  prince  )  ,  porta  un  coup  de  iàbre  fur  ce 
chevalier  ,  &  lui  abattit  le  poignet  j  par  ce 
moyen  il  eut  le  bonheur  de  délivrer  fon 
maître  ,  &  de  le  remonter  fur  fon  cheval  : 
le  monarque  ,  en  reconnoifîance  de  ce  fer- 
vice  ,  ordonna  à  Pierre-  André  Bons  ,  de 
lui  demander  telle  récompenfe  qu'il  vou- 
droit.  Ce  valeureux  Provençal  pria  le  roi 
de  lui  permettre  d'ajouter  à  la  bande  defes 
armes  une  patte  de  lion  ;  ce  qui  lui  fut  ac- 
cordé. Depuis ,  les  Bons  ont  toujours  porté 
cette  patte  clans  leurs  armoiries  ,  comme 
un  glorieux  trophée.  (  G.  D.  L.  T.) 

ÈMPOINTER  ,    APPOINTER  ,  ou 

POINTER  une  pièce  d 'étoffe ,  {Draperie.) 
c'eft  y  faire  quelques  points  d'aiguille  avec 
de  la  foie  ,  du  fil  ,  ou  de  la  ficelle  ,  pour 
la  contenir  dans  la  forme  où  elle  a  été 
pliée ,  tk  l'empêcher  de  prendre  de  mau- 
vais plis. 

On  ne  peut  bien  voir  ni  examiner  une 
pièce  d'étoffe,  qu'elle  ne  foit  défempointée , 
c'eft-à-dire  ,  qu'on  en  ait  coupé  les  points 
pour  la  déplier  &  l'étendre. 

Parle  règlement  du  7  avril  1693  ,  con- 
cernant les  toiles  qui  fe  fabriquent  dans 
les  généralités  de  Caen  &  d'AIeuçon  ,  il 
eft  défendu  aux  tillèrands  &  marchands 
d'empointer  aucune  pièce  de  toile  pour  l'ex- 
pofer  en  vente. 

On  appelle  étoffe  empointée  ,  celle  dont 
les  plis  font  arrêtés  par  quelques  points 
d'aiguille  avec  de  la  foie  ,  du  fil ,  ou  âc  la 
ficelle.  Voye[  les  dictionnaires  de  Trévoux , 
du  Commerce  ,  &  les  règlement  du  Com- 
merce» (G) 


EMP 

EMPOIS  ,  fi  m.  (  Blanchijfage  du  linge.  ) 
Prenez  de  l'amidon  une  demi-livre  \,  faites 
bouillir  dans  trois  pintes  d'eau  bien  nette  -7 
remuez  pendant  l'ébullition,  avec  une  fpa- 
îuh  de  bois  ;  ajoutez  une  once  d'émail  de 
jHollande ,  ou  de  bleu  ,  gros  comme  une 
petite  noix  d'alun  de  roche  ,  &  autant  de 
cire  grommelée  :  faites  cuire  le  tout  à  petit 
feu  ,  &  .quand  vous  vous  appercevrez  que 
l'eau  commencera  à  iè  clarifier ,  ôtez  le  mé- 
lange de  deifus  le  feu  ,  &  pnuez  le  par  un 
linge  propre.  Voyc\  Amidon. 
^  EMPOISONNEMENT,  £  m.  {Jurifp.} 
c'eft  l'action  de  faire  prendre  à  quelqu'un 
du  poifon  \  ce  qui  eft  un  crime  capital:  en 
termes  de  palais  on  dit  plus  communément 
le  crime  de  poifon.  Voye-^  PoïSON.  {A) 

EMPOISSONNER,  v.  a&.  {Pêche.) 
Le  mois  de  mai  eft  toujours  le  temps  qu'oit 
choifit  pour  empoiffenner  les  étangs,  àcauiè 
que  c'eft  la  faifon  de  trouver  beaucoup  de 
petits  poiûons  ,  ces  animaux  étant  entrés 
en  amour  au  commencement  du  prin- 
temps. 

En  Bourgogne  on  appelle  cet  empoijjbnne- 
ment  de  Yalvin  ;  &  par  éiymoîogie  ,  'e  lieu 
où  on  le  conferve  s'appelle  clvinier. 

Pour  empiiffonner  les  étangs  ,  il  faut 
un  millier  de  petits  pGiifons  par  chaque 
arpent. 

EMPOLÏ  ,  {Géogr.  mod.)  ville  de  la 
Tofcane  en  Italie  •■,  elle  eft  fituée  fur  l'Ame. 
Long.  28  ,  40  ;  lat.  43  ,  42. 

EMPORETIQUE  ,  ad),  eft  un  terme  de 
Pharmacie  ,  qui  le  dit  du  gros  papier  gris 
ou  brouillaid  ,  qui  boit  ,  &  dont  on  fèfert 
pour  filtrer  des  liqueurs. 

*  EMPORIUM,  {Hifl.anc.)  c'étoità 
Rome  un  lieu  où  s'affembloient  des  mar- 
chands de  miel  ,  de  fruits  ,  &  d'autres 
pareilles  denrées.  Il  y  en  avoit  un  dans  la 
troifieme  région  ,  proche  de  la  metafudante  : 
il  tenoit  tous  les  neuf  jours.  Il  y  en  avoiî 
un  autre  hors  de  la  porte  trigemina ,  près 
du  campus  navalis  ;  les  bateaux  y  abor- 
doient  :  il  étoit  lîtué  dans  la  treizième  ré- 
gion ,  pavé  ,  &  entouré  de  paliiTades.  Ce 
fut  Aurélien  qui  l'enferma  dans  Rome  ? 
lorfqu'il  en  étendit  l'enceinte. 

Il  y  avoit  dans  Athènes  des  emporii  cu- 
ratores  ,  dont  les  fonctions  étoient  de 
veiller    à  ce   qu'on  ne  diftribuât  aucune 

BHKvaUc 


E  M  P 

mauvaifè  denrée  dans  les  marchés  ;  qu'on 
y  vendît  à  bon  poids  &  à  bonne  mefure , 
&  qu'aucun  particulier  n'enlevât  plus  de 
vin  &  de  blé  qu'il  ne  lui  en  falloit  pour 
fa  confomraation  domefhque  :  ce  qui  ref- 
toit  étoit  acheté  par  l'état ,  porté  dans  des 
magafins  ,  &  donné  aux  pauvres  à  un  prix 
modéré. 

EMPORTE-PIECE  ,  f.  m.  en  terme  de 
Boutonnier;  c'efl  un  fer  gravé  en  creux  , 
&  tranchant ,  qui  emporte  de  petits  mor- 
ceaux de  vélin  de  la  figure  qu'il  a  lui- 
même  ,  quand  on  le  frappe  avec  le  mar- 
Teau  fur  les  vélins. 

EMPORTE-PIECE  ,  che\  les  Bourre- 
liers }  efï  une  efpece  de  ciféau  de  fer  rond 
dans  toute  fa  longueur  ,  creux  par  l'extré- 
mité d'en  bas  ,  &  fort  coupant ,  dont  on 
fe  fert  pour  pratiquer  des  trous  dans  le 
CGir.  Pour  cet  effet  on  pofe  la  partie  cou- 
pante de  cet  outil  à  l'endroit  où  on  veut 
faire  le  trou  ;  &  en  frappant  avec  un  maillet 
fur  la  tête  de  l'inflrument  ,  on  coupe  le 
cuir  de  manière  que  la  pièce  ronde  qui  en 
'fort  ,  monte  le  long  de  la  partie  creufe 
de  ¥  emporte-pièce  y  &  fort  par  une  ouver- 
ture pratiquée  vers  le  milieu  de  l'inftru- 
ment. 

Il  y  a  chez  les  Bourrefiers  plufieurs  for- 
tes ft  emporte-*pieces  qui  ne  différent  que 
par  leur  grofïêur  &  par  la  grandeur  des 
pièces  qu'ils  emportent. 

Emporte-pièce  ,  terme  &  outil  de 
Ceinturier y  qui  fert  pour  faire  âes  trous 
au  cuir  qu'ils  emploient. 

Cet  outil  eff  fait  à  peu  près  comme  le 
rivetier  ,  efl  creux  &  tranchant  par  en 
bas  ;  de  façon  qu'en  l'appliquant  fur  un 
morceau  de  cuir  ,  &  frappant  deflùs  ,  il 
emporte  la  pièce  &  forme  un  trou. 

EMPORTE-PIECE  ,  outil  de  Ferblan- 
tier; c'efl  un  poinçon  long  de  trois  pouces, 
gros  de  deux  pouces,  rond  dans  toute  fa 
longueur  ,  &  qui  efl  creux  en  dedans  paï- 
en bas  ,  &  fort  tranchant.  Cet  outil  fert 
aux  Ferblantiers  pour  former  un  gros  trou 
rond  dans  une  pièce  de  fer-blanc. 

EMPORTE-PIECE  ,  pour  les  fermoirs 
de  livres  ;  c'efl  une  efpece  de  levier ,  à 
l'extrémité  duquel  on  a  pratiqué  la  figure 
en  creux  des  fermoirs  de  livres.  Les  bords 
de  cette  figure  font  fort  tranchans:  le  levier 
Tome  XII. 


E  M  P  igp 

efl  long  ;  il  efl  arrêté  à  charnière  fur  un 
établi ,  vers  le  bout  où  l'on  a  pratiqué  la 
figure  en  creux  du  fermoir.  On  expofe  à 
l'action  de  ce  levier  ,  fous  la  figure  en 
creux  ,  des  feuilles  de  cuivre  ,  d'argent , 
&c.  On  applique  la  main  à  l'extrémité 
du  levier  ,  &  cette  feule  preflion  fait 
trancher  les  feuilles  par  les  bords  cou- 
pans  de  la  figure  en  creux  du  fermoir. 
En  très -peu  de  temps  on  parvient  à 
couper  ainfi  un  grand  nombre  de  fer- 
moirs. 

EMPORTE-PIECE,  (Jardinage.  )  c'efl 
un  outil  de  fer  ou  d'acier  ,  très-tranchant , 
qui  ampute  ,  entaille  &  enlevé  à  foi ,  lorf- 
qu'on  le  retire  ,  la  pièce  qu'il  a  coupée. 
C'efl  une  efpece  de  fermoir  ou  cilèau  de 
menuifier  ,  avec  lequel  on  fait  dans  le  bois 
d'une  tige  étronçonnée ,  une  entaille  lon- 
gue &  laige  ,  à  proportion  de  la  groffeur  de 
la  greffe  qu'on  y  veut  inférer  ,  de  manière 
qu'elle  y  foit  enchâfîëe  bien  jufre.  On  dit 
greffer  en  emporte-pièce.  V.  GREFFE.  (K) 

EMPORTE-PIECE  ,  (  Lutherie.  )  forte 
de  poinçon  à  découper  dont  les  fadeurs  de 
clavecins  fe  fervent  pour  percer  en  carré 
les  regiflres  &  guides  revêtus  de  peau  de 
mouton. 

EMPORTE -PIECE  ,  à  la  monnaie, 
nom  que  les  ouvriers  donnent  à  l'inflrument 
appelle  coupoir.  Voye\  CoUPOIR. 

♦EMPORTER  ,  v.  acl.  fe  dit  en  gé- 
néral d'une  action  en  conféquence  de  la- 
quelle un  corps  auquel  cette  action  efl 
appliquée  ,  palfe  d'un  lieu  dans  un  .autre. 
On  y  joint  pourtant  cette  vue  de  i'efprit, 
que  la  caufe  qui  tranfporte  efl  regardée 
comme  continuellement  appliquée  à  la 
chofe  emportée.  On  fe  fert  de  ce  terme 
au  fimple  &  au  figuré  ,  au  moral  &  au 
phyfique  \  mais  le  fubflantif  emportement 
ne  fe  prend  qu'au  moral  ,  &  marque  une 
agitation  violente  de  Pâme.  Le  participe 
emporté  fe  prend  au  phyfique  &  au  moral  : 
on  dit ,  on  a  emporté  cette  armoire  y  & 
c'efi  un  emporté. 

Emporter  ,  Remporter  ,  fynon. 

On  dit  toujours  remporter  la  victoire  y  & 
non  pas  emporter  la  victoire  ;  mais  on  dit , 
au  contraire  ,  emporter  le  butin  y  &  non 
pas  remporter  le  butin.  Ces  deux  mors  ont 
également  leur  bizarrerie  d'ufage  ,  quand 


29o  E  M  P 

on  les  emploie  au  figuré.  Art.  de  M.  le 
chevalier  de  JAUCOURT. 

EMPORTER  ,  (  Marine.  )  fe  dit  de  ce 
que  le  vent  ou  les  coups  de  mer  enlè- 
vent du  vahTeau.  On  a  vu  des  voiles  & 
des  vergues  emportées  par  le  vent  ,  des 
galeries  emportées  par  des  coups  de  mer , 
&  quelquefois  des  mâts.  (Z) 

Emporter  (  s'  ) ,  v.  part".  (  Manège.  ) 
terme  ufité  parmi  nous  pour  défigner  ,  en 
général ,  l'a&ion  d'un  cheval  que  le  cava- 
lier ne  peut  arrêter  ,  &  qui  fuit  avec  fougue 
&  avec  impétuofité  malgré  tous  les  efforts 
que  l'on  fait  pour  le  retenir. 

Ce  défaut  eft  plus  ou  moins  confidéra- 
ble  félon  Tes  caufes  &  fa  fource. 

Il  procède  fouvent  de  l'ignorance  d'une 
main  dure  &  cruelle  ,  incapable  de  re- 
connoître  &  de  fentir  le  fond  de  la  bou- 
che de  l'animal  ,  &  qui  ,  par  un  appui 
forcé  &  toujours  confiant  dans  le  même 
degré  ,  en  échauffe  tellement  toutes  les 
parties  qu'elle  les  prive  de  toute  fenfibi- 
lité  (  voye\  MAIN.  )  Il  peut  être  encore 
occafioné  par  tous  les  vices  qui  tendent 
à  égarer  une  bouche  (  voye\  EGARER  )  , 
par  l'habitude  de  forcer  la  main  (  voye\ 
FORCER),  par  la  gaieté  du  cheval  qui 
s'émeut  &  s'excire  lui-même  à  la  vue  ou 
à  l'ouie  d'un  autre  cheval  qui  galoppe  ;  par 
fa  timidité  ,  lorfqu'à  l'occafion  de  quelque 
bruit  il  fuit  &  s'échappe  ;  par  de  mau- 
vaifes  leçons  ;  par  la  facilité  avec  laquelle 
le  cavalier  fe  fera  laiiTé  maîtrifer  ,  &c 

Il  eft  certain  que  ce  n'eft  qu'autant  que 
toutes  les  portions  de  la  bouche  ,  &  prin- 
cipalement les  barres  ,  n'auront  point  été 
véritablement  endommagées- ,  que  nous 
pourrons  remédier  à  ce.  vice  d'autant  plus 
efTentiel  ,  que  les  fuites  en  peuvent  être 
extrêmement  funeftes.  Si  ces  mêmes  por- 
tion* font  en  effet  dans  un  état  défef- 
péré  ,  &  qu'il  ne  nous  foit  plus  abfolu- 
ment  permis  d'y  rappeller  ,  par  aucun 
moyen  ,  le  fentiment  qu'elles  ont  perdu , 
vainement  tenterions  -■  nous  d'en  corriger 
l'animal.  Ou  cette  a£Hon  de  fuir  eft  tour- 
née en  habitude ,  ou  elle  n'eft  que  pafla- 
gère. 

Dans  le  premier  cas  ,,  il  s'agira  de  tra- 
vailler le  cheval  lentement  &  au  pas  ,  & 
avec  toute  l'attention  que  demande,  une 


E  M  P 

bouche  fujette  a  s'échauffer  ;  du  pas  on 
le  conduira  infçnfiblement  au  trot ,  &  du 
trot  on  le  ramènera  au  pas  pour  le  re- 
mettre au  trot  ,  &  fucceflivement  au 
galop  ,*  en  le  ralentiflant  toujours  ,  &  en 
entremêlant  prudemment  ces  différentes 
allures.  Le  galop  étant  inconteftablement 
la  plus  vive  &  la  plus  prompte  ,  eft  auflï 
très-communément  celle  dans  laquelle  il 
s'anime  davantage  ,  &  où  il  eft  le  plus 
fujet  à  s'emporter  ;  on  ne  l'y  exercera  par 
conféquent  que  lorfque  dans  les  autres  il 
obéira  exactement  à  toutes  les  impreflions 
de  la  main  ;  on  en  augmentera  aufli  la  rapi- 
dité ,  on  en  diminuera  de  temps  en  temps 
la  vîteffe  ;  &  les  arrêts  multipliés  félon 
le  befoin  ,  ainfi  que  la  répétition  de  la 
leçon  du  reculer ,  étoufferont  enfin  en  lui 
cette  vivacité  &  cette  ardeur ,  ou  du  moins 
le  remettront  fous  les  loix  d'une  entière 
obéilîànce. 

L'emportement  n'eft -il  que  paflâger  ,, 
n'a-t-il  lieu  que  dans  la  circonftance  d'un 
autre  cheval  qui  court  rapidement  ,  ou 
à  raifon  de  la  furprilè  &  de  la  crainte 
que  lui  infpirent  certains  bruits  auxquels. 
fes  oreilles  ne  font  point  accoutumées  ; 
n'eft-il ,  en  un  mot ,  fùfcité  qu'à  l'occafion.. 
des  objets  extérieurs  dont  il  eft  frappé  ;. 
on  doit  i°.  nécefîairement  l'habituer  au, 
fon  &  à  la  vue  de  ces  mêmes  objets  ; 
2.0.  le  retenir  &  le  renfermer  dans  l'ins- 
tant même  du  premier  effort  qu'il  fait-, 
pour  s'échapper,  &  rendre  la  main  dans 
l'inftant  qui  le  fuit  ,.  fauf  à  la  reprendre 
de  nouveau  s'il  témoigne  encore  le  moindre 
deiir  de  fuir.  Sans  cette  précifion  avec 
laquelle  le  cavalier  faifit  le  moment ,  l'ani- 
mal fe  dérobe  toujours  pendant  un  efpace 
plus  ou  moins  confidérable  de  terrain  ;  Sç. 
cette  efpece  de  victoire  qu'il  remporte 
l'enhardit ,  pour  ainfi  dire  ,  &  peut  non- 
i  feulement  le  confirmer  dans  ce  léger  dé- 
faut ,  mais  occafioner  ces  mouvemens 
fougueux  auxquels  on  s'oppofe  inutile- 
ment. Il  eft  même  très  à  propos  de  join-. 
dre  quelquefois  le  châtiment  à  l'action  , 
de  faifir  le  temps  ,  afin  de  faire  fentir  à 
l'animal  renfermé  &  puni  ,  que  cette 
paillon  immodérée  d'une  courfe  que  le 
cavalier  ne  follicite  point  ,  eft  une  faute 
qui  lui  attire  la  correction  qu'il  redoute.  ; 


E  M  P 

alnfi  ferrez  vivement  les  deux  talons  en 
mettant  la  main  près  de  vous ,  rendez  & 
reprenez  fur  le  champ  ,  bientôt  le  cheval 
ne  reconnoîtra  plus  rien  qui  puiflè  l'en- 
gager à  s'emporter. 

La  plupart  des  hommes  imaginent  que 
la  voie  la  plus  fure  de  retenir  un  cheval 
qui  fuit  ,  eft  de  s'attacher  à  la  main.  Ils 
emploient  tout  leur  pouvoir  &  toutes 
leurs  forces  dans  l'efpérance  de  l'arrêter  ; 
mais  leurs  efforts  font  toujours  fuperflus 
&  (ans  fuccès.  La  raifon  en  eit  fimple  ; 
d'une  part  ,  ces  mêmes  efforts  ,  exercés 
directement  fur  la  bouche  ,  falfifient  fi 
confidérablement  l'appui  ,  que  le  cheval 
méconnoît  entièrement  la  main  &  tous 
les  effets  qui  auroient  pu  réfulter  de  celle 
qui  n'auroit  été  que  douce  &  légère. 
D'un  autre  côté  ,  en  fuppofànt  qu'il 
puiflè  encore  rencontrer  un  fentiment 
quelconque  ,  il  eft  certain  que  Pimpref- 
iion  de  la  main  augmentera  le  pli  ou  la 
flexion  du  derrière  ;  car  telle  eft  l'effica- 
cité des  rênes  mues  &  approchées  de 
notre  corps  ,  qu'elles  furchagent  i'arriere- 
main  :  or ,  ce  même  arriere-main  chaffant , 
&  ne  pouvant  que  continuellement  chaf- 
-fer  l'animal  au  moyen  de  la  flexion  répé- 
tée de  (es  parties ,  il  s'enfuit  que  plus  la 
tenfion  des  rênes  eft  confiante  &  aug- 
mentée ,  plus  les  forces  de  l'animal  qui 
s'emporte  font  accrues  &  multipliées  ;  ainfi 
bien-loin  de  l'arrêter  ,  on  lui  fournit  les 
moyens  de  réfifter  avec  plus  d'empire. 
Il  eft  donc  inconteftablement  afîùré  qu'on 
ne  retient  jamais  plus  aifément  &  plus 
véritablement  un  cheval  ,  qu'en  rendant 
&  en  ceflânt  pour  ainfi  dire  ,  de  le  re- 
tenir ,  pourvu  qu'on  le  reprenne  dans  la 
main  fùcceffivement  ,  &  de  temps  en 
temps.  (  e  ) 

EMPORTER  ,  (  Jardinage.  )  on  dit 
qu'un  arbre  s'emporte  quand  il  poufïè 
avec  trop  de  vivacité  ,  &  qu'il  eft  à  crain- 
dre que  le  trop  de  vivacité  ne  le  faffe 
.avorter.  (  K  ) 

EMPOTER  ,  v.  act.  en  terme  de  cui- 
Jîne  y  c'eft  mettre  une  pièce  dans  un  pot 
ou  dans  une  terrine  avec  du  bouillon , 
après  l'avoir  fait  frire  dans  du  beurre  ou 
dans  du  fain-doux. 

Empoter,  [Jardinage.)  efr,  un  terme 


E  M  P  291 

employé  par  les  fîeuriftes  ,  pour  fignifier 
qu'il  eft  néceffaire  de  planter  des  fleurs 
ou  arbriflèaux  dans  des  pots.  Voyez  Pots. 
(K) 

EMPOUILLES ,  f.  f.  (  Jurifpr.  )  fe  dit 
dans  quelques  provinces  pour  exprimer  les 
grains  pendans  par  les  racines.  Ce  terme 
eft  oppofé  à  dépouille  y  qui  lignifie  \t% 
grains  fe'pare's  du  fonds.  {A  ) 

EMPOULETTE ,  AMPOULETTE , 
f.  f.  (  Marine.  )  c'eft  une  petite  machine 
compofée  de  deux  petites  bouteilles  faites 
en  poire  ,  &  jointes  enfemble  par  un  cou 
étroit  ;  leur  jonction  eft  encore  féparée 
par  un  parchemin  fin  ,  au  milieu  duquel 
on  fait  un  petit  trou  propre  à  palier  un 
fable  très-fin ,  qui  coule  de  la  petite  bou- 
teille d'en  haut  dans  celle  d'en  bas ,  &  l'on 
en  met  la  quantité  qu'il  en  faut  pour  em- 
ployer une  demi -heure  à  paffer.  Voyez^ 
Horloge.  (Z) 

*  EMPREINTE ,  f.  f.  (  Grammaire  b 
Arts  me'chan.  )  il  fè  dit  de  l'image  qu'un 
corps  laifle  de  lui-même  fur  un  autre  au- 
quel il  a  été  appliqué  ;  fi  le  corps  eft  en 
relief,  V  empreinte  en  eff  creux  ;  fi  le  corps 
eft  creux  ,  ¥  empreinte  eff  en  relief;  ï em- 
preinte du  corps  eft  plane  ,  fi  la  furface 
appliquée  l'eft  aufli  :  mais  à  parler  rigou- 
reuiement ,  ce  dernier  cas  ne  peut  avoir 
lieu ,  fi  ce  n'eft  peut-être  lorfque  le  corps 
qu'on  applique  laiflè  fon  image  tracée  fur 
le  corps  auquel  il  eft  appliqué  ,  par  le 
moyen  de  quelque  enduit  qui  fe  fépare  de 
l'un  pour  s'attacher  à  l'autre  ;  je  dis  peut- 
être  ,  parce  qu'alors  l'enduit  n'étant  pas 
abfolument  fans  épaiffeur  ,  on  peut  dire 
que  ^empreinte  eft  de  relief. 

Empreinte  ,  f.  f.  en  Anatomier  nom 
de  petites  éminences  fuperficielles  ,  qui 
donnent  attache  à  des  ligamens  ou  à  des 
mufcles  ;  c'eft  dans  ce  fèns  que  l'on  dit 
empreinte  mufculaire  ,  empreinte  ligamen- 
teufe.    Voyez  LIGAMENT  &  MUSCLE. 

(23 

EMPREINTE  ,  f.  f .  (  Gravure.  )  Em- 
preindre y  c'eft  graver,  c'eft  imprimer  une 
chofe  fur  une  autre  pour  lui  en  donner  la 
figure.  Empreinte  eft  donc  la  gravure  , 
l'impreffion  même  ;  &  la  chofe  gravée  ou 
exprimée  reçoit  auffi  le  nom  $  empreinte. 

On  tire  des  empreintes  de  médailles  ,  de 


i9»  E  M  P 

monnoies  ,  de  cachets  ,  de  pierres  gravées  ;  ! 
c'eft-à-dire  ,  on  en  prend  artiitement  la 
repréfentation  fèmblable  à  l'original  ,  par 
le  moyen  d'un  corps  mou.  Cependant 
comme  d'un  côté  on  n'y  fauroit  parvenir 
fans  en  favoir  la  manœuvre  ,  &  que  de 
l'autre  il  eft  auffi  utile  que  fatisfaifant  pour 
un  vrai  curieux  ,  d'avoir  en  fa  pofîefiion 
le  plus  grand  nombre  qu'il  eft  poflible 
iï  empreintes  tirées  fur  les  plus  belles  pierres 
gravées  &  les  autres  ouvrages  de  l'art ,  on 
i'era  bien  aile  de  favoir  la  manière  de  les 
faire.  Je  vais  l'apprendre  aux  lecteurs  d'après 
M.  Mariette. 

Cette  pratique  n'a  rien  de  difficile  dans 
les  gravures  en  creux  ,  toute  perfonne  , 
pour  peu  qu'elle  ait  d'adreffe ,  en  eff.  ca- 
pable ;  les  matières  qu'on  emploie  le  plus 
ordinairement ,  pour  cette  opération  ,  ibnt 
la  cire  d'Efpagne  ,  le  foufre  ,  &  le  plâtre. 

La  première  a  cet  avantage  ,  que  les 
empreintes  fe  font  fur  le  champ  fins  beau- 
coup de  préparation  ,  &  que  la  matière 
encore  liquide  s'infinuant  exactement  dans 
toutes  les  cavités  de  la  gravure  ,  le  relief 
qui  fort  efl  prcfque  toujours  très-complet 
&  très-net  ;  il  s'agit  feulement  d'avoir  de 
la  meilleure  cire  de  Graveur. 

Au  lieu  de  cartes  à  jouer  ,  il  faut  fe 
fervir  d'une  fimple  feuille  de  papier  bien 
uni  pour  y  appliquer  la  cire  ;  n  us  pour  le 
faire  avec  foin  &  avec  propret  '■ ,  on  aura 
une  aflîette  d'argent  qu'on  mettra  fur  un 
réchaud  rempli  de  feu  ;  &  lorfqu'elle  fera 
fùffifamment  échauffée ,  l'on  y  pofera  dans 
Je  fond  un  morceau  de  papier  bien  fec  , 
fur  lequel  on  répandra  la  cire  qu'on  aura 
fait  fondre  en  Pexpofant  au  feu  ,  &  non 
en  la  préfentant  à  la  flamme  d'une  bougie  : 
on  évite  par  ce  moyen  que  la  fumée  ne 
s'attache ,  comme  il  eft  ordinaire  ,  au  bâton 
de  cire ,  &  n'en  altère  la  couleur.  On  tien- 
dra pendant  quelque  temps  la  cire  en 
fuiion  ,  on  la  remuera  ;  &  quand  on  verra 
qu'elle  eft  bien  unie  &  bien  liée  ,  on  y 
imprimera  le  cachet ,  &  il  eft  comme  in- 
dubitable qu'il  en  fortira  une  bonne  em- 
preinte. 

Mais  comme  toutes  ces  précautions  n'em- 
pêchent point  la  cire  d'être  une  matière 
cafTante ,  qui  fe  fend  d'un  rien  ,  M.  Ma- 
nette feroit  d'avis  qu'on  renonçât  aux  em- 


E  M  P 

preirites  de  cette  efpece  ,  à  moins  qu\ine 
néceffité  n'y  obligeât  ,  je  veux  dire  qu'il 
n'y  eût  aucune  efpérance  de  retrouver 
l'occafion  de  tirer  autrement  ^empreinte 
d'une  belle  pierre  gravée  qui  fe  préfente , 
&  qu'il  fallût  abfolument  la  faire  fur  le 
champ. 

On  trouve  encore  un  autre  défaut  aux 
empreintes  en  cire  d'Efpagne  ;  elles  ont  un 
luifant  qui  ne  permet  pas  de  jouir  de  la 
gravure  ,  &  ôte  le  repos  qui  doit  y  régner  ; 
c'eft  pourquoi  les  connoifleurs  préfèrent 
les  empreintes  qui  fe  font  avec  le  plâtre  : 
la  difficulté  eft  de  trouver  du  plâtre  affez 
fin  ,  &  peut-être  vaudroit-il  mieux  prendre 
àes  morceaux  de  talc  ,  les  faire  calciner  foi- 
même  dans  un  feu  ardent  ,  &  quand  ils 
feroient  refroidis,  les  broyer  dans  un  mor- 
tier en  poudre  la  plus  fine  qu'il  feroit  pof- 
fible.  Enfuite  on  pafîèra  plufieurs  fois  cette 
poufliere  au  tamis ,  &  on  l'emploiera  com- 
me on  fait  le  plâtre  ,  en  la  coulant  un  peu 
claire  fur  la  furface  de  la  pierre  gravée  , 
qu'on  a  eu  la  précaution  d'entourer  d'une 
carte  ou  d'une  petite  lame  de  plomb  , 
pour  contenir  le  plâtre  &  empêcher  qu'il 
ne  fe  répande  au  dehors. 

Mais  les  empreintes  qui  fefont  en  foufre 
méritent  encore  la  préférence  ,  parce  qu'il 
eft  plus  aifé  d'y  réufîir  ,  &  que  la  diverfité 
des  couleurs  qu'on  leur  peut  donner  ,  en 
rend  l'afpect  plus  agréable.  Voici  comme 
il  faut  y  procéder. 

On  fera  fondre  dans  une  cuiller  de  fer  , 
fur  un  feu  modéré ,  autant  de  foufre  qu'on 
aura  deffein  d'en  employer  ;  &  lorfque 
ce  foufre  fera  liquéfié  ,  on  le  jettera  dans 
la  couleur  dont  on  le  voudra,  colorier.  Sur 
une  once  de  foufre  on  ne  peut  mettre  moins 
d'une  demi-once  de  couleur  ,  autrement 
les  foufres  feroient  trop  pâles.  Le  cinnabre 
ou  le  vermillon  ,  la  terre  verte  ,  l'ocre 
jaune  ,  le  maflicot  ,  ainfi  que  le  noir  de 
fumée  ,  font  de  toutes  les  couleurs  celles 
qui  s'incorporent  le  mieux  avec  le  foufre; 
mais  fi  la  jonction  de  ce  dernier  minéral 
fe  faifoit  moins  difficilement  avec  la  mine 
de  plomb  purvérifée  très-fin ,  ce  feroit  une 
des  teintes  des  plus  flatteufes  à  la  vue.  Celle 
que  donne  le  vermillon  eft  auffi  fort  bonne  ; 
&  quand  on  veut  qu'il  y  ait  plus  de  bril- 
lant 3  on  frotte  à  fec  j  avec  un  pinceau 


EMP 

&  un  peu  de  carmin ,  la  furface  de  Y  em- 
preinte. 

La  couleur  jetée  dans  le  foufre  ,  on  aura 
attention  de  tenir  la  cuiller  dans  une  agita- 
tion continuelle  ,  tant  afin  que  le  foufre 
ne  s'attache  point  à  la  cuiller  ,  &  ne  lé 
brûle  point ,  que  pour  faciliter  l'incorpo- 
ration de  la  couleur.  Pendant  ce  temps-là, 
il  fe  forme  fur  la  furface  du  foufre  une 
efpece  de  craffe  ou  d'écume  qu'il  en  faut 
féparer  &  enlever  avec  une  fpatule  ou  le 
tranchant  d'un  couteau.  Au  bout  d'un 
demi-quart  d'heure  ,  h.  cuiller  étant  tou- 
jours reffie  fur  le  feu  ,  pour  empêcher  le 
foufre  de  figer  ,  on  verfe  le  foufre  par 
inclinaifon  ,  ou  fur  une  feuille  de  papier 
huilée  ,  ou  fur  une  feuille  de  fer-blanc 
bien  planée  ,  &  on  l'y  laifïe  refroidir  :  le 
foufre  en  fort  ayant  la  forme  d'un  gâteau. 
Cette  première  préparation  eff  pour  le  co- 
lorier &  le  purifier  de  (es  ordures  les  plus 
grofïieres. 

Veut-on  faire  des  empreintes  ?  on  coupe 
un  morceau  de  ce  gâteau  de  foufre  ;  on  le 
fait  fondre  une  féconde  fois  dans  la  cuiller 
de  fer  ,  toujours  fur  un  feu  modéré  ;  on  la 
remue  pour  l'empêcher  de  brûler  ;  on  en 
enlevé  encore  la  craife  ,'  en  cas  qu'il  en 
paroiffe  ,  &  l'on  en  verfe  doucement  fur 
la  pierre  gravée  qu'on  a  préparée  pour  re- 
cevoir ce  foufre  liquéfié.  On  l'a  enve- 
loppée ,  ou  plutôt  on  l'a  environnée  d'un 
morceau  de  carte  fine  ou  d'un  papier  fort , 
qui  étant  affùjetti  avec  un  fil  de  laiton , 
&  replié  fous  la  pierre  ,  de  façon  que  le 
foufre  ne  pouvant  échapper  par  aucune 
ouverture  ,  prend  la  figure  d'un  petit  godet  ; 
ou  bieta  l'on  y  met  autour  une  petite  lame 
de  plomb  mince  ,  qui  embrafïê  exactement 
la  pierre.  Ces  différens  moyens  réuilifïant 
également ,  on  choifira  celui  qui  conviendra 
le  mieux. 

A  peine  le  foufre  aura-t-ii  été  verfé 
dans  cette  efpece  de  petit  moule ,  qu'il  com- 
mencera à  figer  ;  mais  fans  lui  en  donner 
le  temps ,  &  lorfqu'on  jugera  qu'il  fe  fera 
déjà  formé  fur  la  furface  de  la  pierre  une 
légère  couche  de  foufre  figé ,  qui ,  comme 
une  peau  ,  s'y  fera  étendu  &  la  couvrira 
toute  entière  ,  on  furvuidera  promptement 
dans  la  cuiller  le  foufre  encore  liquide  , 
pour  le  reverfer  tout  de  fuite  &  en  rem- 


E   M  P  293 

plir  le  même  moule  ,  jufqu'à  ce  qu'il  y 
en  ait  affez  pour  donner  du  corps  à  Vem- 
preinte.  C'en1  ainfi  qu'on  évite  les  fouf- 
flures. 

Quelque  temps  après  ,  le  foufre  étant 
figé  ,  on  i'ôtera  de  defTus  la  pierre  gravée  , 
qui  s  en  détachera  aifément  ,  &  fans  le 
moindre  effort  ;  &  il  ne  faut  point  douter , 
fi  l'on  a  ufé  de  toutes  les  précautions  qu'on 
vient  d'indiquer  ,  que  Yempreinte  ne  foit 
exacte  &  parfaite  :  mais  pour  peu  qu'elle 
manque  en  quelque  endroit  ,  on  ne  doit 
pas  balancer  d'en  recommencer  une  fé- 
conde ;  le  même  foufre  refTervira ,  &  l'opé- 
ration n'efl  ni  affez  coûteufe  ni  afïéz  fatn 
gante  pour  craindre  de  la  répéter. 

Telles  font  les  différentes  pratiques  qu'il 
faut  obferver  toutes  les  fois  qu'on  fera 
des  empreintes  avec  les  pierres  gravées  en 
creux  ;  &  rien  ,  comme  l'on  voit  ,  n'efl 
plus  fimple.  Il  n'en  eff  pas  de  même  des 
gravures  en  relief,  dont  on  voudra  pa- 
reillement avoir  des  empreintes  :  celles-ci 
exigent  une  double  opération  ;  car  la  pre- 
mière empreinte  qu'on  en  feroit  ne  donner 
roit  qu'un  creux  ,  &  il  s'agit  d'avoir  un 
relief  femblable  à  l'original. 

Il  faut  donc  commencer  par  mouler  le 
relief,  &  par  en  tirer  un  creux  qui  fervira 
à  faire  Y  empreinte  de  relief;  &  c'eft  ce  qui 
eft  prefque  toujours  accompagné  de  gran- 
des difficultés  ,  &  qui  devient  même  im- 
praticable dans  certains  cas.  Si  le  relief  efl 
plat  ou  en  très -baffe  taille  ,  le  moule  fê 
fera  aifément  avec  du  plâtre  fin  :  mais 
pour  peu  que  les  objets  aient  de  la  faillie  , 
&  qu'il  "y  ait  des  parties  éminentes  tra<- 
vaillées  &  feuillées  en  deffous  ,  ce  qui  ne 
peut  guère  manquer  de  fe  rencontrer  dans 
un  relief  ,  le  plâtre  dont  on  fe  fèrt  pour 
faire  le  moule  ,  fe  loge  dans  les  cavités  ;  & 
quand  on  vient  à  le  vouloir  féparer  de  la 
pierre  gravée  ,  non- feulement  il  en  refle 
dans  ces  petits  creux  où  il  s'étoit  infinué  ; 
mais  ces  arrachemens  en  entraînent  fou- 
vent  d'autres  plus  confidérables  encore  :  Le 
moule  demeure  imparfait,  &  ne  peur  point 
fervir. 

Après  avoir  fait  plufieurs  tentatives  , 
l'on  n'a  rien  trouvé  de  mieux  pour  faine 
ces  moules  ,  que  la  mie  de  pain  &  la 
colle-forte.  Voici  la  manière  de  procéder 


2^4  E  M  P 

Il  faut  avoir  de  la  mie  de  pain  très-1 
tendre  ,  d'un  pain  qui  foit  peu  cuit  ;  ce 
qu'on  appelle  du  pain  cuit-gras.  On  la 
prend  entre  fès  doigts  ,  on  la  manie  & 
remanie  à  plufieurs  reprifes  ,  jufqu'à  ce 
qu'elle  commence  à  devenir  pâteufe  :  on 
y  mêle  alors  tant  foit  peu  de  vermillon 
ou  de  carmin  :  On  la  repêtnt  encore  ;  & 
quand  on  eft  parvenu  a  la  rendre  bien 
molle  &:  bien  Toupie  ,  on  y  imprime  le 
relier*  qu'on  retire  fur  le  champ  ,  &  le 
moule  le  trouve  fait  &  aïTez  bien  formé  : 
car  cette  pâte  a  une  efpece  de  reffort  na- 
turel qui  fait  qu'elle  le  prête  fans  fe  dé- 
chirer ;  &  comme  elle  embrafTe  afïez  exac- 
tement un  relief  dans  toutes  fes  parties  , 
elle  s'en  fépare  aulli  fans  former  aucune 
réfiftance. 

Si ,  en  fe  détachant  de  la  gravure  ,  quel- 
ques portions  de  la  pâte  qui  étoient  en- 
trées dans  des  cavités  ,  ont  été  obligées  de 
céder  à  des  parties  (aillantes  qu'elles  ont 
rencontrées  dans  leur  chemin  ,  &  de  s'é- 
carter ,  elles  ont  bientôt  repris  leur  place. 
En  peu  de  temps  cette  pâte  fe  durcit ,  & 
elle  acquiert  artèz  de  confiftance  pour  de- 
venir un  moule  capable  de  recevoir  le 
plâtre  ou  le  foufre  liquide  qu'on  y  veut  cou- 
ler. Mais  elle  a  un  défaut  effentiel  :  quelque 
bien  pétrie  qu'elle  ibit ,  elle  ne  s'iniinue 
•jamais  afïèz  parfaitement  dans  tous  les  petits 
traits  de  la  gravure  ,  elle  demeure  toujours 
grafTe  &  pâteufe  ;  de  forte  que  les  reliefs 
qui  fortent  de  ces  fortes  de  moules  ,  n'ont 
aucune  finelTe ,  &  font  privés  de  tous  ces 
détails  qui  donnent  l'ame  &  Pefprit  à  un 
ouvrage. 

C'eft  ce  qui  a  fait  imaginer  à  un  cu- 
rieux ,  homme  adroit ,  d'employer  plutôt 
la  colle-forte.  Il  eft  un  inftant  où  ,  fortant 
d'être  mife  en  fulîon  ,  elle  a  la  même  fou- 
pleffe ,  le  même  reflbrt  que  la  mie  de  pain 
réduite  en  pâte  ;  & ,  rendue  a  Ion  premier 
état ,  elle  a  la  même  dureté  que  celle-ci 
étant  féchée.  Ce  curieux  ayant  fait  fondre 
de  la  colle-forte  dont  fe  fervent  les  menui- 
fiers  ,  la  verfe  encore  route  chaude  fur  le 
relief  qu'il  veut  mouler  ,  en  ufànt  des 
mêmes  précautions  qu'on  prend  pour  les 
empreintes  de  foufre  ;  &  quand  la  colle  , 
entièrement  prife  ,  eft  encore  molle  ,  il 
retire    légèrement  fa  gravure    qui    refte  , 


E  M  P 

imprimée  dans  la  malfe  de  la  colle.  Celle-ci 
fe  durcit  promptement  ,  &  produit  un 
moule  auffi  net  &  auffi  exact,  qu'il  eft  pof- 
lible  ,  dans  lequel  on  peut  couler  du  plâ- 
tre ou  du  foufre  ,  &  l'on  en  tire  un  relief 
affez  jufte. 

Mais  fi  le  trop  de  faillie  d'une  gravure 
a  rendu  l'opération  du  moule  difficile  ,  les 
empreintes  qu'on  doit  faire  dans  ce  même 
moule  rencontreront  encore  plus  d'obfta- 
cles ,  &  il  ne  faut  pas  même  efpérer  qu'elles 
réullifTent  jamais.  Quelques  moyens  qu'on 
emploie  ,  il  y  aura  toujours  quelque  partie 
du  relief  qui  ,  ne  pouvant  fe  dépouiller  , 
reftera  dans  le  creux  du  moule.  Il  faut 
renoncer  à  faire  des  empreintes  de  ces  for- 
tes de  gravures  trop  faillantes  &  trop  évui- 
dées. 

Les  empreintes  faites  ,  on  en  abat  les 
balevres  ,  on  les  rogne  ,  on  les  lime  ,  on 
leur  donne  une  forme  régulière.  Pour  der- 
nière façon  ,  on  les  environne  de  petits 
morceaux  de  carton  doré  fur  la  tranche, 
où  elles  fe  trouvent  renfermées  comme 
dans  une  bordure  ,  &  qui  ,  outre  cette 
propreté  qu'ils  y  mettent  ,  leur  fervent 
encore  de  rempart  contre  le  choc  ,  &  les 
rendent  plus  durables.  Si  l'on  a  beaucoup 
de  ces  empreintes ,  on  leur  donne  un  or- 
dre ;  &  pour  les  pouvoir  confidérer  plus 
commodément ,  on  les  colle  fur  des  car- 
tons ou  fur  des  planches  qui ,  comme  au- 
tant de  layettes  ,  fe  rangent  dans  une  pe- 
tite armoire  ,  ainfi  qu'on  l'obferve  par  rap- 
port aux  médailles. 

Il  eft  encore  une  autre  façon  de  faire 
des  empreintes  des  pierres  gravées ,  mais 
qui ,  ne  pouvant  pas  être  de  longue  durée  , 
n'eft  que  pour  le  moment  où  l'on  eft  bien 
aife  de  juger  du  travail  d'une  gravure  en 
creux  :  ce  font  les  empreintes  qui  fe  font 
avec  la  cire  molle.  L'on  ne  voit  guère  de 
curieux  qui  ne  veuillent  avoir  à  la  main  de 
quoi  faire  de  ces  empreintes  ,  &  qui  ne 
portent  pour  cela  de  la  cire  fur  eux.  Ils  en 
font  remplir  de  petites  boîtes  qui  fe  ferment 
à  vis  ,  &  auxquelles  on  donne  allez  volon- 
tiers la  figure  d'un  petit  œuf.  La  compo- 
fition  de  cette  cire  eft  particulière ,  &  je 
ne  doute  point  qu'on  ne  me  fâche  gré 
d'en  donner  ici   la  recette  ,  telle  qu'une 


E  M  P 

perfonne  de  Part  l'a  communiquée  à  M.  Ma- 
riette. 

Sur  une  once  de  cire  vierge  qu'on  a 
fait  fondre  doucement  dans  un  vaincu 
de  terre  verniflë  ,  (ans  la  trop  échauffer  , 
&  dans  laquelle  on  a  mis  un  gros  de  fucre- 
candi  broyé  très-fin  ,  qui  en  accélère  la 
fulion  ,  on  jette  (  la  cire  étant  tout-à-fait 
liquide  )  une  demi-once  de  noir  de  fumée 
qu'on  aura  fait  recuire  pour  achever  de 
le  dégraifïêr  ,  &  une  goutte  de  térében- 
thine :  on  remue  le  tout  ,  fe  fervant  d'une 
ipatule ,  jufqu'à  ce  que  toutes  les  drogues 
ibient  parfaitement  incorporées  ;  &  après 
l'avoir  tenu  un  peu  fur  le  feu  ,  on  retire 
la  cire  ,  on  la  laiife  refroidir ,  on  en  fait  un 
pain. 

Pour  ce  qui  efl  des  pâtes  ou  empreintes 
de  verre  qui  imitent  parfaitement  les  pierres 
fines  ,  &  qui ,  moulées  deflus ,  en  (ont  des 
copies  ridelles  ,  voye\  PATE. 

Voilà  les  manœuvres  connues  de  tirer 
des  empreintes  de  toutes  fortes  de  pierres 
gravées  en  creux  &  en  relief,  même  de 
tous  les  beaux  ouvrages  d'un  Pyrgotele , 
d'un  Cronius  ,  d'un  Apollonide  ,  d'un 
Diofcoride  ,  d'un  Solon  ,.  d'un  Hyllus. 
Eh  !  quel  plaifir  que  de  pouvoir  fe  pro- 
curer des  richeflés  fans  embarras  &  fans 
yemords  !  Les  empreintes  fournjfïent  à 
un  particulier  l'agrément  de  jouir  ,  par 
des  images  parfaites.  ,  de  ces  morceaux 
ifares  gravés  fur  des  pierres  précieuies  , 
qu'il  n'appartient  qu'aux  rois  &  aux  gens 
ifiches  de  pofleder  dans  leurs  cabinets.. 

Si  les  pierres  gravées  repréfentent  les 
aâions  des  hommes  illuftres  de  la  Grèce  & 
de  Rome  ;  fi  elles  peuvent  fervir  à  éclaircir 
pluiieurs  faits  importans  de  la  mytholo- 
gie ,  de  l'hifloire  &  des  coutumes  ancien- 
nes ;  fi  elles  ornent  l'efprit  de  grandes  & 
magnifiques  idées  ;  en  un  root ,  li  elles  lbnt 
la  iource  d'une  infinité  de  connoifiances , 
comme  on  n'en  iauroit  douter ,.  les  repré- 
sentations ridelles  de.  ces  pierres  ne  pro- 
çureront-elles  pas  les  mêmes  avantages  ? 
Qu'importe  ,  pour  l'utiliré  ,.  le.  prix  de  la 
macierë  ,  l'émeraude  &  le  rubis  ,  le  foufre 
ou  la  cire  d'Efpagne  ?,  Qu'importe  alors 
que  ce  foit  la  pierre  gravée  même  qu'on 
poifede  ,  ou  fa  parfaite  r^ffemblance  ? 
Q^u'imnorte  enfin,  la  valeur  de  l'original  ? 


E  M  P  t9f 

Ce  n'eff  prefque  qu'une  valeur  idéale  & 
fictive  ,  comme  de  tant  d'autres  chofes  de 
la  vie.  article  de  M.  le  chevalier  de  Ja  u- 

COURT. 

En  général ,  le  mot  empreinte  peut  avoir 
deux  fens  difFérens  :  l'un  ,  lorfqu'il  fignifie 
une  chofe  gravée  pour  en  imprimer  d'au- 
tres ,  comme  eff  un  cachet  ;  l'autre  lorf- 
qu'il fignifie  la  marque  &  la  figure  tirée  de 
la  première ,  comme  eft  la  cire  imprimée 
par  le  cachet.  Quand  on  veut  faire  des  mé- 
dailles d'or  ,  d'argent  ou  de  cuivre  ,  Port 
imprime  une  plaque  de  plomb  ou  d'étain 
entre  les  deux  carrés  ou  creux  de  la  mé- 
daille ;  &  ce  morceau  de  plomb  ayantreçu. 
la  figure  ,  s'appelle  ^empreinte  ,  &  fert 
pour  être  imprimé  dans  le  lable  ,  où  l'on 
fait  eniuite  des  médailles  de  tel  métal  qu'on 
veut.  Voye\  GRAVURE  EN  CACHETS, 
&  SUR  L'ACIER. 

Empreinte  ou  Calibre  ,  outil  de 

bois  ,  du  métier  de  Potier  d'étain  y  &  qui- 
fert  à  tenir  les  pièces  qu'on  doit  tourner.. 
Quelques-uns  nomment  ceux  qui  fervent 
à  tourner  la  vaifTelle  ,  empreintes  ;  &  ceux- 
qui  fervent  à  tourner  les  pots  ou  les  pièces 
de  menuiferie  ,  calibres  :  &  d'autres  les 
nomment  tous  ,  en  général  ,  empreintes.. 
Ceux  qui  fervent  pour  la  vaiffelle  doivent 
être  de  bois  de  travers  :  le  noyer  en  table 
eif  le  meilleur.  Ils  doivent  être  creufés  de 
la  grandeur  &  de  la  forme  des  pièces  qui 
s'emboîtent  dedans ,  &  qui  y  tiennent  par 
le  moyen  de  trois  crampons  de  fer  qui 
prennent  la  pièce  fur  le  dehors  du  bord. 
Il  faut  avoir  autant  tf empreintes  différen- 
tes ,  que  l'on  a  de  différentes^randeurs 
de  moules.  Ces  empreintes  ,  aW  que  les 
calibres  ,  tiennent  fur  l'arbre  du  tour  , 
par  le  moyen  d'une  gaine ,  qui  eff.  un  trou 
carré  dans  lequel  entre  le  mandrin  de 
l'arbre  du  tour.  Voye\  GaÎNE  &  MAN- 
DRIN,. Ceux  qui  fervent  à  tourner  la.  po- 
terie ou;  menuiferie  ,  font  de  bois  de  long  , 
&  tournés  fur  le  tour  à  proportion  de  la 
grofleur  des  pièces  qu'il  faut  tourner  deflus, 
Toutes  ces  empreintes  s'ôtent  &  fe  remet- 
tent félon  le.  bcfbin.  Voye\  TOURNER 
L'ÉTAIN. 

Empreinte  à  couteaux  ou  empreinte  plate,, 
ceÙ  une  empreinte  qui  fert  à  tourner  les 
bas  de  pots  à  l'eau  avant  de  les  fouder; 


zi96  E  M  P 

&  les  bouches  après  qu'ils  font  foudés  , 
les  dedans  d'aiguières,  de  port-dînés  ,  &c. 
Ce  qui  lui  fait  donner  ce  nom  ,  c'eft  qu'ils 
■y  a  trois  vis  qui  fe  traverfent  avec  chacune 
une  écrou  par  derrière.  Ces  écrous  lâ- 
chent ou  ferrent  trois  crampons  plats  qu'on 
appelle  couteaux  ,  qui  prennent  le  pie 
des  pièces  qu'on  drefle  deffus  Y  empreinte  , 
pour  les  tourner  en  les  ferrant ,  &  qu'on 
"été  en  les  defîerrant. 

EMPRIMERIE ,  f.  f.  (  Tannerie.  )  c'eft 
le  nom  d'une  grande  cuve  où  l'on  met 
les  cuirs  en  coudrement.   Voye\  V article 

Tanner. 

EMPROSTOTHONOS,  fubil .m. 
(  Méd.  )  c'eft  un  mot  Grec  compofé  de 
ifx'rrf'i  dît',  devant  y  &  de  t'w&  y  roideur y 
tenfion.  Il  fert  à  défigner  une  efpece  de 
maladie  fpafmodique  ,  dans  laquelle  tout 
le  corps  eft  tellement  plié  ,  courbé  en 
•avant ,  que  les  pies  s'approchent  de  la 
tête ,  en  forte  qu'il  prend  la  forme  d'un 
arc.  Les  malades  font  forcés  à  relier  im- 
mobiles dans  cette  pofture  ,  leur  refpira- 
-tion  eft  très-gênée.   . 

Cette  maladie  dépend  d'une  contrac- 
tion tonique  des  mufcles  fléchifîèurs  de 
la  tête ,  du  cou  ,  du  thorax  &  des  lom- 
bes ,  mais  fur-tout  de  celle  des  maftoï- 
diens  ,  qui  font  quelquefois  feuls  affectés 
dansYemprofîothonos  ,  qui  ne  con lifte  alors 
xjue  dans  la  flexion  de  la  tête  qui  eft  for- 
tement tirée  fur  la  poitrine,  de  manière 
■que  le  menton  eft  corïftarnment  appliqué 
contre  le  fiernum.  Il  en  eft  de  même  lorf- 
que le  fpafme  s'étend  à  tous  les  mufcles 
mentionljjis. 

L'empfofrothonos  eft  quelquefois  caufé  , 
félon  Gefncr  ,  par  la  ciguë  aquatique  ,  & 
-par1  les  vapeurs  métalliques. 

Cette  efpece  de  Ipafme  eft  très-familier 
aux  Indiens  ,  félon  fiontius  ,  de  med.  Ind. 
Elle  fait  pafler  ceux  qui  en  font  attaqués  , 
-pour  des  maniaques.  Elle  eft  accompagnée 
de  vives  douleurs-par  tout  le  corps  ,  avec 
difficulté  d'avaler  ,  de  refpirer.  Ils  ont  le 
vifage  violet ,  le  regard  féroce.  Ils  ont  de 
-fréquensgrincemens  de  dents.  Gn  les  en- 
tend murmurer  comme  'fi  la  voix  venoit 
•d'un  lieu  fouterrain. 

Cette  maladie  demande  le  même  trai- 
tement que  Je  -tétane  ,   c'-eft-à-rdipe  ,  le 


E  M  P 

fpafme  univerfel.  Les  copieufes  &  fré- 
quentes faignées  font  ordinairement  indi- 
quées. On  peut  employer  avec  fuccès  les 
ligatures  ,  les  frictions  ,  les  onctions  fpiri- 
tueufes  fur  l'épine  du  dos  ,  les  ventoufes  , 
les  lavemens  acres.  Le  laudanum  &  l'ex- 
trait de  fàfran  produisent  aufîi  de  bons 
effets ,  s'ils  font  placés  dès  le  commence- 
ment de  la  maladie.  M.  Lazerme  ,  pro- 
fefteur  &  célèbre  praticien  de  Montpel- 
lier ,  recommande  l'ulage  de  l'antimoine 
diaphorétique,  dont  il  a  éprouvé  plufieurs 
fois  de  très-bons  effets  dans  le  traitement 
de  cette  maladie.  Voye\  CONVULSION  , 
Spasme  ,  Tétane.  (d) 

EMPRUNT  ,  {Jimfprudence.  )  terme 
relatif  à  celui  de  prêt.  Celui  qui  a  be- 
foin  d'argent  fait  un  emprunt  :  celui  qui 
lui  fournit  l'argent ,  fait  un  prêt.  Voye\ 
Prêt. 

Emprunt  à  confiitution  de  rente  ,  c'efï 
lorfque  celui  qui  emprunte  une  fomme 
de  deniers  ,  fe  charge  envers  le  prêteur 
de  lui  payer,  jufqu'au  rembourfement-, 
une  rente  ,  pour  lui  tenir  lieu  des  inté- 
rêts ou  du  fruit  de  cette  fomme. 

Emprunt  au  denier  vingt  y  trente  y  qua- 
rante y  &c.  c'eft  lorfque  l'on  emprunte 
à  conftitution  de  rente  ,  &  que  le  denier 
ou  taux  de  la  rente  eft  fixé  au  vingtième  , 
trentième    ou  quarantième    du    principal. 

Voye^  Constitution  de  Rente  & 
Rente  constituée. 

Emprunt  de  territoire  y  c'eft  lorfqu'une 
jurifdiclion  tient  Ces  féances  ordinaires  , 
ou  fait  quelque  autre  acte  dans  un  ter- 
ritoire qui  n'eft  pas  le  fien  ,  &  qui  dé- 
pend d'une  autre  jurifdiction.  C'eft  ainfi 
que  le  parlement  de  Dombes  ,  créé  par 
François  I ,  e n  1523  ,  dans  le  temps  qu'il 
jouiffoit  de  la  principauté  de  Dombes  par 
droit  de  conquête  ,  tint  fes  féances  A 
Lyon  par  emprunt  de  territoire  y  non  feu- 
lement jufqu'en  1560  que  la  Dombes  fut 
reftituée  à  fes  légitimes  fouverains ,  mais 
même  encore  depuis  ce  temps  jufqu'en 
1693  >  °lu'iï  ^ut  transféré  à  Trévoux  ;  en 
forte  que  dans  le  premier  temps  ,  il  y  avoit 
emprunt  de  territoire  dans  une  autre  juri- 
diction ;  &  dans  le  fécond  ,  ce  même  em- 
prunt étoit  fait  tout  à  la  fois  ,  &  dans  une 
autre  .jurifdiclion ,  &  dans  une  autre  fou- 

veraineté. 


E   M   P  E    M   P  iyf 

vefaîneté.  V.  Territoire  emprunter  coup  de  précaution.    Un  minière  qui  ne 


fe  fert  de  cette  branche  de  crédit  que  peur 
le  la  ménager  comme  une  refTource  dans 
l'occafion  ,  eft  fans  doute  habile.  M.  Col- 
bert trouva  fe  moyen  de  fournir  en  même- 
temps  aux  fraix  de  h  guerre  qui  fut  ter- 
minée en  1678  ,  par  le  traité  de  Nimegue , 
&  aux  dépenfes  imrnenfes  des  fomptueux 
bâtimens  &  des  difFérens  établiflemens  faits 
par  Louis  XIV ,  &  l'état  n'étoit  point  en- 
detté à  la  mort  de  ce  miniftre  en  2683. 
Mais  celui  qui  eft  capable  de  porter  le 
poids  immenfe  d'une  adminiftration  que 
de  longues  guerres  rendent  aufli  pénible 
qu'importante  ;  qui  eft  capable  de  réparer 
les  défordres ,  de  faire  des  emprunts  dans 
des  temps  difficiles  ,  fans  interrompre  la 
circulation  &  le  commerce  ,  fans  altérer  le 
crédit ,  eft  apurement  le  plus  habile.  Le 
crédit  de  l'état,  dans  les  temps  de  guerre  , 
dépend  beaucoup  du  fort  des  armes.  Après 
la  bataille  d'Hocftet ,  chacun  s'empreMa  de 
retirer  fon  argent  de  la  caifTe  des  emprunts; 
ce  qui  obligea  le  confeil  de  faire  furfeoir 
au  paiement  dès  capitaux.  Par  arrêt  du  17" 
feptembre  1704,  on  accorda  dix  pour  cent 
fur  les  deniers  qui  feroient  apportés  à  la 
caifTe  des  emprunts  ;  mais  le  crédit  fe  perdit 
de  plus  en  plus  ,  6c  on  iupprima  la  'caille  , 
rien  ne  pouvant  ranimer  ia  confiance  ,  les 
promefTes  perdant  fur  la  place  80  pour  cent. 
Dans  tous  les  temps ,  le  crédit  du  roi 
fur  fes  peuples  ,  eft  fondé  fur  l'amour  àet 
peuples  pour  leur  fouverain  ,  fur  la  con- 
fiance dans  le  miniftre  entre  les  mains  du- 
quel fe  trouve  l'adminiftration  des  finan- 
ces, &  dans  ceux  qui  régi (Tent  les  autres  par- 
ties. Il  faut  peu  de  chofe  pour  faire  perdre 
ce  crédit  fi  difficile  à  établir ,  &  nous 
voyons  que  le  premier  ébranlement  vienc 
prefque  toujours  d'une  faute  commife  dans 
l'adminiftration.  Depuis  M.  Colbert  plu- 
fieurs  miniftres  ont  fu  rétablir  ce  crédit 
perdu  ,  &  à  peine  en  voyons-nous  un  qui 
ait  fu  le  conferver.  Les  billets  de  monnoie 
étoient  en  faveur  ;  la  grande  confiance  du 
public  donna^  lieu  au  miniftre  de  fe  fervir 
de  cet  expédient  prompt  &  facile  ,  pour 
lubvenir  aux  befoins  preffans.  On  multi- 
plia ces  billets  avec  fi  peu  de  précaution  r 
qu'il     ne  fut  plus   poffible   de  faire   face 


Emprunt  ,  {Finance.)  c'eftune  prompte 
refïburce  pour  ce  procurer  des  fonds , 
lorfque  l'on  a  la  confiance  publique.  Dans 
les  temps  malheureux  les  emprunts  font 
difficiles  ,  &  on  ne  les  propofe  plus  ou- 
vertement ;  c'eft  toujours  fous  des  formes 
dirîeren tes  qui  font  illufion ,  mais  le  pref- 
tige  ne  dure  pas  long-temps  :  alors  le  cré- 
dit fe  perd ,  on  eft  obligé  d'avoir  recours  à 
des  expédiens  forcés  &  onéreux. 

Les  emprunts  engagent  l'état  &  le  char- 
gent de  dettes,  &  de  l'emprunt  réfultent 
les  intérêts  &  ufures.  Voye^  INTÉRÊTS. 

Il  y  a  de  deux  efpecesdW/>rz//2f.j;  les  unsfe 
font  fur  des  effets  dont  le  fonds  eft  exigible , 
&  les  autres  fur  des  rentes  ou  gages  dont  le 
fonds  eft  aliéné. 

Les  premiers  font  pour  être  rembourfés 
à  volonté,  comme  étoient  anciennement 
les  billets  de  la  caifTe  des  emprunts  ,  les 
billets  de  monnoie,de  Legendre  ,  de  l'état, 
de  la  banque ,  &  beaucoup  d'autres.  Voye{ 
Billets. 

Les  autres  ,  dont  le  capital  fe  rembourfe 
par  partie;  d'année  en  année,  ou  au  bout 
d'un  certain  nombre  d'années  en  entier  , 
font  les  annuités  ,  les  contrats ,  les  rentes 
viagères  &  tontines ,  les  rentes  perpétuel- 
les, les  billets  d'amortiftemens,  les  loteries. 
Voye^  ces  mots  à  leur  article. 

Lorfqu'on  eft  obligé  d'avoir  recours  à 
cette  refTource  ,  c'eft  un  mal  pour  l'état  , 
quoique  ces  moyens  fournirent  prompte- 
ment  des  fonds  ;  parce  que  ces  fortes  de 
fonds ,  au  lieu  de  foulager  l'état ,  le  char- 
gent d'intérêts  annuels ,  &  obligent  le 
gouvernement  d'emprunter  de  plus  grofTes 
fommes  ,  afin  de  payer  l'intérêt  des  em- 
prunts précédents.  Ce  feroit  peut-être  peu 
de  chofe  de  n'avoir  que  des  intérêts  à  payer , 
il  faut  en  outre  rembourser  annuellement 
une  portion  du  capital. 

Rien  n'eft  fi  nécefTaire  que  d'acquitter 
des  dettes  faites  d'aufh*  bonne  foi  ;  &  quel- 
les que  foient  les  dettes  de  Pétât ,  il  faut 
les  payer  exactement  :  le  retard  dans  le 
paiement  eft  plus  que  fuffifant  pour  ôter 
îa  confiance.  D'ailleurs,  le  crédit  de  l'état 
dépend  de  tant  de  circonftances  ,  qu'il  faut 

que  les   emprunts  foient  faits  avec  beau-  '  aux  paiemens  :  de  là  vint  leur  décadence. 
Tome  XII.  Pp 


£98  E   M  P 

Souvent  lorfque  i'efprit  s'accrédite  trop 
dans  le  gouvernement,  il  fait  oublier  les 
maximes  les  plus  fages ,  l'imagination  prend 
le  defïus  ,  on  fe  livre  fans  prudence  à  des 
effets  dangereux  ;  alors  l'état  incertain  & 
fans  principe  ne  fe  conduit  plus  que  par 
faillies  :  c'eft  ce  qui  arriva  à  l'auteur  du 
fyftême.  Voye{  SYSTEME  DE  M.  Law. 
Loin  d'employer  les  facilités  qu'il  avoit 
pour  tempérer  le  feu  des  actions ,  il  s'en 
fervir  pour  l'attifer,  &  fit  ordonner,  par 
arrêts  des  13  &  18  feptembre  &  2  octo- 
bre 2-7T9  ,  la  création  de  ijo  millions  de 
nouvelles  a&ions  ,  qui  feroient  de  même 
nature  ,  &  jouiroicntdes  mêmes  avantages 
que  les  précédentes.  On  ajouta  encore  , 
par  un  ordre  particulier  du  4  octobre  ; 
24  mille  actions,  ce  qui  faifoit  164  mille 
actions  ;  &  quoiqu'elles  ne  fuffent  créées 
que  fur  le  fonds  réel  de  500  livres  ,  on  les 
fit  cependant  acquérir  à  raifon  de  5000  liv. 
Il  eft  vrai  que  l'augmentation  des  actions 
femb'oit  être  une  fuite  naturelle  de  la  fup- 
prefnon  de  rentes ,  chacun  cherchant  un 
emploi  pour  remplacer  les  contrats. 

Le  crédit  de  l'état  dépend  toujours  de 
i'alTurance  fur  les  conventions  publiques; 
iîtôt  qu'elle  devient  incertaine,  le 'crédit 
chancelle  ,  &  les  opérations ,  pour  faire  des 
emprunts,  ne  réuffifTent  que  par  le  fort 
intérêt  qu'on  y  attache ,  &  qui  eft:  pref- 
que  toujours  un  moyen  fur.  Les  hommes 
ne  fe  conduifent  que  par  l'appât  du  gain  ; 
mais  ce  moyen  utile  pour  le  moment  , 
ne  fait  qu'accélérer  la  chute  du  crédit  , 
qui  n'eft  jamais  que  l'effet  de  la  liberté  & 
de  la  confiance  ;  &  lorfque  les  effets  publici 
ont  reçu  quelque  atteinte  dans  leur  crédit , 
on  s'épuife  en  vains  efforts  pour  le  fou- 
te nir  :  il  eft:  néceffaire  de  changer  de  bat- 
terie, &  de  préfenter  d'autres  objets.  On 
peut  dire  que  la  confiance  eft.  en  propor- 
tion avec  les  dettes  :  fi  Pbn  voit  que  l'état 
s'acquitte,  elle  renaît  ;  finon,  elle  fe  perd. 
II  fembîe  pourtant  ,  à  en  juger  par  les 
exemples  paflés ,  que  la  confiance  publi- 
que dépende  moins  des  retranchemens  dans 
les  dépenfes  &  de  l'ordre  dans  les  re- 
cettes ,  que  des  idées  que  le  gouverne- 
ment imprime.  Le  calcul  des  recettes  & 
dépenfes  eft  la  fcience  de  tout  le  monde: 
cdïe  du  miniftre  eu  une  arithmétique  qui 


E   M  P 

fait  calculer  les  effets  des  opérations  &  des 
différens  réglemens.  I!  y  a  des  biens  de 
confiance  autant  que  de  réalité  ;  c'eft  au 
miniftre  habile  à  les  faire  valoir  fans  les 
prodiguer,  à  favoir  ,  par  le  calcul  politi- 
que, apprécier  les  hommes  &  vérifier  toutes 
les  parties  de  l'état.  Il  ne  feroit  pas  éton- 
nant que  la  France  ,  avec  un  revenu  plus 
fort  que'celui  des  autres  états ,  trouvât  un 
crédit  plus  abondant  qu'aucun  fouverain  de 
l'Europe.   Article  de  M.  Du  four. 

EMPRUNT  ,  terme  de  Rivière,  fe  dit  d'un 
pafTage  qui  mené  à  la  travure  d'un  bateau 
foncet. 

EMPRUNTER  ,  v.  aà.  c'eft  en  général 
fe  procurer  un  ufage  momentané  d'un  effet, 
quel  qu'il  foit ,  qui  eft  cenfé  appartenir  à 
un  autre.  On  emprunte  de  [argent ,  une  épée  , 
un  habit ,  &C. 

EMPRUNTER,  (P^ubanier.)  c'eft,  lorf- 
que l'on  paffe  les  rames-  d'un  patron,  fe 
fervir  des  mêmes  bouclettes  des  hautes 
liftes,  lorfque  cela  fe  peut.  La  première 
des  neuf  rames,  (parce  que  l'on  paffe  par 
neuf,  comme  il  a  été  dit,  voye^  PASSAGE 
des  Rames)  étant  paffée,  la  féconde  rame 
empruntera  fur  cette  première  lorfqu'il  y 
aura  lieu,  &  ainfi  jufqu'à  la  neuvième. 
Exemple  :  fuppofons  que  la  féconde  rame 
fade  un  pris  fur  la  dix  -  feptieme  haute 
lifte  ;  fi  par  hafard  la  première  rame  faifoit 
aufti  un  pris  fur  cette  dix- feptieme  haute 
iifte ,  cette  féconde  rame  fe  pafteroit  dans 
la  même  bouclette  de  la  première ,  & 
ainfi  des  autres  jufqu'à  la  neuvième  ,  qui 
tontes  peuvent  emprunter  fur  la  première. 
Cet  emprunt  fert  à  ménager  les  bouclettes 
des  hautes  îifïes  ;  fi  l'on  n'empruntoit  pas  , 
les  hautes  îifïes  étant  limitées ,  elles. ne 
pourroient  contenir  une  affez  grande  quan- 
tité Je  bouclettes,  en  mettant  chaque  rame 
dans  fa  bouclette  particulière. 

.  *  EMPUSE  ,  f.  f.  {Mithol  &  Divinat.} 
fantômes  qu'Hécate  envoyoit  à  ceux  qut 
i'évoquoient  :  ce  fpectre  avoit  un  pie  d'ai- 
rain &  ne  pouvoir  Ce  fervir  de  l'autre.. 
Voy.  Religion  des  Gaulois  par  D.  Martin  % 
tome  II.  C'eft  de  là  qu'on  a  fait  le  mot 
empuje. 

EMPYEME,  f.  f.   terme  de  Chirurgie 


E    M   P 

qui  fe  prend  pour  une  maladie  ou  pour 
une  opération.  Uempyeme ,  maladie ,  eft 
en  général  un  amas  de  pus  dans  quelque 
cavité  du  corps ,  dans  la  tête  ,  dans  le 
ba^- ventre  ou  ailleurs  :  mais ,  parce  que 
cet  amas  fe  fait  plus  fouvent  dans  la  poi- 
trine que  dans  toute  autre  cavité  ,  on  a 
donné  particulièrement  le  nom  à'empyeme 
à  la  collection  du  pus  dans  la  capacité  de 
la  poitrine.  Uempyeme ,  opération  ,  eft  une 
ouverture  qu'on  fait  entre  deux  côtes,  pour 
donner  iiïùe  aux  matières  épanchées  dans 
la  poitrine. 

Ce  mot  eft  grec  ;  il  vient  de  la  particule 
1» ,  in y  dans  ,  &  de  thV  , pus ,  pus  ;  V«7rw>î,u«, 
colkclio  paris  ,  amas  de  pus. 

L'épanchement  de  matières  dans  la  poi- 
trine peut  fe  faire  par  caufe  externe ,  à  la 
fuite  d'une  plaie  ou  d'un  coup  ;  ou  par 
caufe  interne  ,  à  la  fuite  de  quelque  mala- 
die. Une  plaie  qui  ouvre  quelques  vaiffeaux 
fanguins  ,  ou  un  coup  violent  qui  en  caufe 
la  rupture  ,  occafionnent  un  épanchement 
de  fang.  L'ouverture  de  l'œfophage  ou  du 
canal  thorachique  ,  caufe  l'épanchement 
des  matières  alimentaires  ou  du  chyle  , 
v.  Plaies  de  Poitrine.  L'épanchement 
d'eau  eii  l'effet  dune  hydropifie  de  poi- 
trine ,  voye^  Hydropisie  ;  &  celui  du 
pus  eft  la  fuite  dune  pleuréfie  ou  d'une 
péri  pneumonie  terminées  par  fuppuration. 
V.  Pleurésie  &  Péripneumonie. 

On  ne  doit  faire  l'opération  de  l'empyeme 
rue  lorfqu'on  a  des  lignes  certains  d'un 
cpanchement  dans  la  cavité  de  la  poitrine, 
li  y  en  a  qui  nous  font  connoître  qu'il  y 
a  épanchement ,  &  d'autres  nous  défignent 
i'efpece  de  matière  épanchée.  Ceux  qui 
dénotent  l'épanchement  font ,  i°.  h  refpi- 
ration  courte  &  laborieufe  ,  parce  que  le 
liquide  qui  remplit  une  partie  de  la  poi- 
trine, empêche  que  le  poumon  ne  fubiflè 
toute  la  dilatation  dont  il  eft  fufceptible. 
2,°.  L'infpiration  eft  beaucoup  plus  facile 
que  l'expiration  ;  parce  que ,  dans  ce  der- 
nier mouvement ,  il  faut  que  le  diaphragme 
fculeve  le  liquide  épanché  dont  le  poids 
eft  capable  d'aider  l'infpiration.  $°.  Le 
malade ,  en  fe  remuant ,  fent  quelquefois 
îe  flot  du  liquide  épanché.  40.  Lorfque 
l'épanchement  n'eft  que  d'un  côté  ,  ce 
côté  de  la  poitrine  a  plus  d'étendue  que 


E   M  P 


10£ 


l'autre;  ce  qu'on  reconnoit  .par  Pexamen 
du  dos  du  malade  qu'on  met  fur  fon 
féant.  j°.  Le  coté  où  eft  l'épanchement 
eft  fouvent  œdémateux.  6°.  Le  malade 
refpire  mieux  couché  fur  un  plan  horizon- 
tal que  debout  ou  aiîis  ,  ôc  il  ne  peut 
reTter  couché  que  du  côté  de  l'épanche- 
ment ;  par  ce  moyen  ,  les  matières  épan- 
chées ne  compriment  point  ce  coté  du 
poumon  ,  &  lui  laifïent  quelque  liberté 
qu'il  n'auroit  point  fi  le  malade  fe  cou- 
choit  fur  le  côté  fain.  Ce  figne  prouve 
l'épanchement  ;  mais  fon  défaut  ne  prouve 
pas  qu'il  n'y  en  a  point  ,  parce  que  le 
poumon  pourroit  être  adhérent  au  mé- 
diafiin  &  à  la  plèvre.  Dans  ce  cas  ,  le 
malade  pourroit  fe  coucher  fur  le  côté  de 
la  poitrine  où  il  n'y  auroit  point  d'épan- 
chement ,  fans  que  les  matières  épanchées 
dans  le  côté  oppofé  augmentaient  la  dif- 
ficulté de  refpirer.  70.  S'il  y  a  épanchement 
dans  les  deux  cavités  de  la  poitrine  ,  le 
malade  ne  peut  reiter  couché  d'aucun  côté; 
il  faut  qu'il  foit  debout  ou  aflis  ,  de  iV.çon. 
que  fon  dos  décrive  un  arc.Dans  cette  iitua- 
tion,les  matières  épanchées  fe  portent  vers 
la  partie  antérieure  &  fupérieure  du  dia- 
phragme, &  laiflent  quelque  liberté  au 
poumon. 

On  jugera  de  la  nature  de  la  liqueur 
épanchée  ,  par  les  maladies  ou  les  accidens 
qui  auront  précédé  ou  qui  accompagnent 
1  épanchement.  Si  les  fignes  de  l'épanche- 
ment paroifTent  peu  de  temps  après  que 
le  malade  a  reçu  une  plaie  pénétrante  à  la 
poitrine  ,  &  s'il  a  des  foibleffes  fréquentes  , 
on  ne  peut  pas  douter  que  ce  ne  foit  le 
fang  qui  foit  épanché.  S'il  y  a  eu  maladie 
inflammatoire  à  la  poitrine  ,  accompagné© 
des  lignes  ordinaires  de  fuppuration  j  ii  la 
fièvre  ,  qui  étoit  aiguë  ,  eft  devenue  lente  ; 

,  fi  la  douleur  vive  eft   un   peu  appaifée  , 

I  mais  qu'il  fubfïfte  un  mal  aife  à  la  partie  ; 

1  fi  le  malade  a  des  friflbns  irréguliers  & 
des  fueurs  de  mauvais  caractère  ,  &  qu  avec 

!  tous  ces  fymptomes  il  paroiffe  des  fignes 
d'épanchement,  il  n'eft  pas  douteux  que  ce 
ne  foit  du  pus  qui  en  foit  la  matière.  Il  y 
a  tout  lieu  de  croire  que  l'épanchement  efl 
lymphatique ,  fi  l'on  remarque  les  fignes  de 
l'hydropilie  de  poitrine.  Foy.HYDROPlSlE 
de  Poitrine. 

Pp  2 


E   M   P 

On  ne  peut  guérir  le  malade  qu'en  éva- 
cuant les  matières  épanchées.  La  nature  , 
aidée  des  médicamens ,  peut  quelquefois  y 
parvenir  fans  l'opération  :  on  a  vu  des  épan- 
chemens  de  fang  rentrer  dans  le  torrent  de 
la  circulation  &  fe  vider  par  les  urines  , 
&  même  ,  ce  qui  eft  encore  plus  rare  ,  par 
les  felles.  L'ufage  des  remèdes  diurétiques , 
<3es  hydragogues  &  des  fudorifiques ,  a 
fou  vent  diiïipé  les  épanchemens  d'eaur  voy. 
la  cure  des  hydropifies  de  poitrine.  Lorfque 
le  régime  &:  les  médicamens  ne  foulagent 
point  le  malade ,  &  que  les  accidens  per- 
fiftent,  il  faut  faire  l'opération  de  Vempyeme. 

Si  l'épanchement  de  fang  dans  la  poi- 
trine eft  la  fuite  d'une  plaie  ,  il  faut  , 
avant  que  d'en  venir  à  l'opération ,  eflayer 
de  donner  ifîue  à  ce  fluide  ,  en  fituant  le 
malade  de  façon  que  la  plaie  foit  la  partie 
la  plus  déclive  de  la  poitrine  ;  on  lui  or- 
donne alors  de  retenir  un  peu  fon  haleine 
&  de  fe  pincer  le  nez  ;  on  peut  aufli  tâ- 
cher de  pomper  les  matières  épanchées 
avec  une  feringue  dont  la  canule  eft  cour- 
be. Si  par  ces  moyens  on  n'a  pu  vider  la  poi- 
trine ,  il  faut  faire  une  ouverture  pour  don- 
ner iflue  au  fluide  épanché.  Il  y  a  deux  façons 
pour  y  parvenir  ,  l'une  en  dilatant  la  plaie, 
&  l'autre  en  faifant  une  contre  ouverture. 

Pour  dilater  la  plaie  ,  on  fait  avec  un 
biftouri  une  incilion  longitudinale  d'un 
pouce  de  longueur  perpendiculairement  à 
la  partie  inférieure  de  la  plaie  :  cette  inçi- 
Hon  ,  qui  ne  doit  intérefler  que  la  peau  & 
la  graille  ,  forme  une  gouttière  qui  procure 
la  facilité  de  la  fortie  du  fang  ;  on  intro- 
duit enfuite  une  fonde  cannelée  dans  l'ou- 
verture de  la  poitrine  ,  &  on  dilate  cette 
plaie  avec  un  biftouri  dont  la  pointe  coule 
le  long  de  la  cannelure  de  la  fonde  ,  ayant 
foin  d'éviter  l'artère  intercoftale.  On  peut 
mettre  une  fonde  de  poitrine  dans  l'ouves- 
ture  ,  pour  que  le  fang  s'écoule  avec  plus 
de  facilité  ,  obfervant  de  mettre  le  malade 
dans  une  fituation  convenable  &  qui  f&vo- 
rjfe  cette  fortie. 

Si  la  plaie  n'étoit  pas  fituée  favorable- 
ment ,  ou  qu'elle  fût  déjà  cicatrifée  lorfque 
les  fignes  d'épanchement  fe  manifeftent , 
il  feroit  plus  à  propos  de  faire  l'opération 
de.  Vempyeme  par  forme  de  contre-ouver- 
taie,  de  même  qu'elle  fe.  pratique  dans. 


E   M  P 

îe  cas  où  il  y  a  des  matières  épanchées  fana 
plaie ,  comme  dans  les  fuppurations  de 
poitrine  ,  &  c'eft  ce  qu'on  appelle  opération 
de  Vempyeme  dans  le  lieu  dHéleâion. 

On  fait  afteoir  le  malade  fur  une  chaife 
ou  fur  le  bord  de  fon  lit ,  le  dos  tourné 
du  côté  de  l'opérateur  &  des  aftiftans  ;  on 
lui  met ,  dans  ce  dernier  cas ,  un  couffin 
fous  les  feffes  pour  qu'il  foit  plus  commo- 
dément ;  deux  ferviteurs  le  (outiennent  fur 
les  côtés ,  &  lui  relèvent  fa  chemife.  Le 
chirurgien  doit  examiner  l'endroit  où  il 
fera  l'incifion  ;  ce  doit  être  entre  la  troi- 
fieme  &  la  quatrième  des  fauffes  côtes , 
en  comptant  de  bas  en  haut ,  &  à  quatre 
ou  cinq  travers  de  doigt  de  l'épine  du 
dos.  (  On  entend  que  les  doigts  du  malade 
feront  la  mefure  de  cette  diftance.  )  Si 
l'embonpoint  du  malade  ou  l'œdématie 
des  tégumens  empêchent  de  compter  les 
côtes  ,  on  fait  l'opération  à  quatre  travers 
de  doigt  de  l'angle  inférieur  de  l'omoplate. 
Le  lieu  étant  choifi  pour  opérer  ,  le  chi- 
rurgien pince  la  peau  tranfverfalementavec 
les  doigts  indicateurs  &  les  pouces  de 
chaque  mains  ;  un  aide  prend  le  pli  que 
l'opérateur  tient  avec  les  doigts  de  fa  mair* 
droite  ;  ilsfoulevent  enfemble  la  peau  ainfi 
pincée ,  &  le  chirurgien  l'incife  avec  un 
biftouri  droit  ,  qu'il  tient  de  fa  main» 
droite  ;  on  lâche  enfuite  les  tégumens  qui 
fe  trouvent  divifés  longitudinalement  ;  on 
porte  le  bout  du  doigt  indicateur  de  la 
main  gauche  à  l'endroit  du  bord  fupérieur 
de  la  troifieme  faufle  côte  ,  &  on  incife  le 
mufcle  grand  dorfal  en  portant  le  biftouri 
à  plat  fur  l'ongle  ;  on  avance  enfuite  l'ex- 
trémité de  ce  doigt ,  &  on  en  appuie, 
l'ongle  immédiatement  fur  le  bord  fupé- 
rieur  &  fuivant  la  direction  de  la  côte  ;. 
&  ,  avec  le  biftouri  tenu  à  plat  de  la  main 
droite  comme  une  plume  à  écrire  ,  on  pé- 
nètre dans  la  poitrine  ,  en  perçant  les  muf- 
cles  intercoftaux  &  la  plèvre.  Le  doigt: 
appuyé  fur  la  côte  fert  de  guide  à  l'inftru- 
ment  tranchant  ,  &  on  eft  fur  de  ne  pas 
toucher  à  l'artère  intercoftale.  L'incifiorr 
des  mufcles  intercoftaux  &  de  la  plèvre 
doit  avoir  cinq  à  ftx  lignes  de  longueur,. 
Lorfque  l'incifion  eft  faite ,  on  porte  le-. 
doigt  indicateur  gauche  dans  la  plaie  pouc 
^'aifurtr  de  l'ouverture  \  on  le  retire  ck  oa 


E    M  P 

procure  ,  le  plus  promptement  qu'on  le 
peut ,  l'iffue  des  matières.  On  peut  ks 
délayer  avec  quelque  injection  introduite 
à  l'aide  de  la  fonde  de  poitrine.  Lorfque 
l'opération  eft  faite  ,  &  qu'on  a  tiré  le  plus 
de  matière  qu'il  a  été  poffible  ,  on  panfe 
le  malade  en  faifant  entrer  dans  la  plaie 
une  bandelette  de  linge  en  forme  de  féton  ; 
elle  eft  préférable  à  une  tente  de  charpie 
qui  s'oppofe  à  I'iiTue  des  matières ,  &  qui 
caufe  de  la  douleur  au  malade  ,  parce 
qu'elle  écarte  &  irrite  les  parties  au  tra- 
vers defquelles  elle  paffe  ;  ce  qui  eft  fuivi 
d'inflammation ,  &  quelquefois  de  la  carie 
des  côtes.  On  panfe  le  refte  de  la  plaie  à 
plat  ;  on  applique  deux  ou  trois  comprennes 
graduées  &  un  bandage  de  corps  foutenus 
du  fcapulaire.  (  Voye\  BANDAGE  &  SCA- 
PULAIRE.  )  Les  panlemens  fe  continuent 
jufqu'à  ce  que  les  matières  foient  totale- 
ment évacuées  ;  on  eft  fouvent  obligé  de 
les  réitérer  deux  &  trois  fois  par  jour  , 
quand  l'abondance  de  la  fuppuration- 
l'exige.  Lorfqu'il  s'agit  de  confolider  la 
plaie  ,  on  fupprime  la  bandelette  qui  en- 
tre dans  la  poitrine  ,  &  on  couvre  la  plaie 
avec  un  linge  fin  fur  lequel  on  met  une 
pelote  de  charpie  foutenue  des  compref- 
fes  &  du  bandage,  alors  on  cicatrife  l'ul- 
cère fuivant  les  règles  de  l'art.  Vbye[  UL- 
CERE. 

On  fait  l'opération  de  Yempyeme  dans 
le  lieu  de  néceflité  ,  lorfqu'on  ouvre  un 
abcès  à  la  poitrine  dans  le  lieu  où  la  ma- 
tière fe  préfente.  Le  foyer  de  ces  abcès  la 
trouve  ordinairement  dans  le  tiffu  cellu- 
laire qui  unit  la  plèvre  aux  mufcles  inter- 
coftaux  internes  ;  il  faut  ménager  cette 
cloifon  poftérieure  pour  empêcher  l'épan- 
chement  du  pus  dans  la  cavité  de  la  poi- 
trine ;  ce  qui  arrive  afTez  fouvent  par  l'éro- 
lion  de  la  plèvre ,  lorfqu'on  diffère  trop 
à  faire  l'ouverture  de  ces  abcès.  Voye\ 
Abcès.  [Y) 

EMPYEM.E,  opération  (  Manège ,  Marè- 
challerie.  )  L'anatomie  des  animaux ,  trop 
négligée  parmi  nous  ,  a  frayé  le  chemin 
de  l'anatomie  de  l'homme.  La  nature 
e'clipfée  ,  pour  ainfî  dire ,  dans  les  cadavres, 
fe  montre  à  découvert  dans  le  vivant  ;  & 
le  fcalpel ,  en  des  mains  aufîi  intelligentes 
que  celles  des  Hérophiîe ,  des  Pecquet , 


E   M   P  301 

des  Harvey  ,  &c.  ,  a  été  un  infiniment 
d'autant  plus  utile  ,  que  nous  ne  devons 
qu'aux  comparaifons  exaâes  qu'ils  ont  fai- 
tes ,  &  aux  différences  qu'ils  ont  obfer- 
vées ,  les  grandes  découvertes  dans  les- 
quelles confident  aujourd'hui  les  princi- 
pales richeffes  de  la  médecine  du  corps 
humain. 

Après  ces  avantages  ,  dont  la  réalité  eft 
généralement  avouée  ,  la  chirurgie  pour- 
roit-elle  méconnoître  la  fource  des  biens 
dont  elle  jouit,  &  nous  en  refufer  le  par- 
tage ?  Il  doit  nous  être  fans  doute  d'au- 
tant plus  permis  d'y  prétendre ,  que  nous 
pouvons  profiter  du  jour  qui  l'éclairé  fans 
lui  en  dérober  la  lumière  s  &  fans  nous 
rendre  coupables  de  la  moindre  ufurpa- 
tion. 

Tous  les  cas  qui  peuvent  engager  le  chi- 
rurgien à  pratiquer  Yempyeme  ,  peuvent  fe 
préfenter  au  maréchal.  L'animal  n'eft  pas 
moins  expofé  que  l'homme  à  des  pleuré- 
fies ,  à  la  péripneumonie  ,  à  des  épanche- 
mens  de  pus  ,  à  des  épanchemens  d'eau  , 
conféquemment  à  une  hydropifie  ,  enfin 
à  des  épanchemens  de  fang  caufés  par  quel- 
ques plaies  pénétrantes  dans  la  poitrine ,  ou 
par  l'ouverture  d'une  artère  intercoftale  : 
mais  de  toutes  ces  circonftances  ,  celles  où 
l'opération  dont  il  s'agit  me  paroît  d'une 
plus  grande  efficacité  ,  font  apurement  les 
bleflures  fuivies  d'une  effufion  dans  la  ca- 
pacité. 

Suppofonsdonc  un  épanchement  de  fang 
produit  par  les  dernières  caufes  que  je  lui  ai 
afîignées. 

Je  reconnoîtrai  d'abord  la  plaie  péné- 
trante par  fa  circonférence  emphyfémateufe 
par  le  moyen  de  la  fonde  &  du  doigt , 
par  l'air  qui  frappera  ma  main  au  moment 
que  je  l'en  approcherai ,  par  le  fifïlement 
qui  accompagnera  la  fortie  de  ce  même 
air  ,  par  la  vacillation  de  la  flamme  d'une 
bougie  que  je  lui  préfenterai ,  par  le  fang 
écumeux  qui ,  pouffé  au  dehors  avec  plus 
ou  moins  d'impétuofité ,  me  prouvera  en- 
core d'une  manière  fenfible  ,  que  le  pou- 
mon eft  intéreffé  ,  &  dont  la  quantité 
m'apprendra  ,  de  plus  ,  s'il  y  a  réellement 
ouverture  de  quelques  vaiffeaux  'confîdé- 
rables.  Je  ferai  enfin  convaincu  de  l'épart- 
•  chement ,  dès  qu'outre  ces  fymptomes.s 


•01 


E  M   P 


î'obferverai  un  violent  battement  de  flanc 
&  une  grande  difficulté.'  de  refpirer.  Il  eft 
vrai  que ,  vu  la  fituation  horizontale  de 
l'animal  ,  le  diaphragme  ne  fe  trouve  pas , 
ainfi  que  dans  l'homme  ,  fin-chargé  par  le 
poids  de  la  matière  épanchée  ;  mais  elle 
gêne  conftamment  l'action  des  poumons, 
qui  ,  dans  une  cavité  proportionnée  à  leur 
jeu  ,  ne  peuvent  que  fourFrir  d'une  hu- 
meur contre  nature ,  toujours  capable  de 
s'oppofer  à  leur  libre  dilatation.  Du  refte  , 
tous  les  autres  fignes  qui  atteftent  l'effuiion 
dans  le  thorax  humain ,  ne  peuvent  nous 
être  d'aucune  indication,  relativement  àun 
animal  qui  ne  fauroit  nous  rendre  compte 
du  fiege  des  douleurs  qu'il  reffent ,  & 
que  par  cette  raifon  nous  placerions  vaine- 
ment dans  des  attitudes  différentes,  quand 
même  nous  en  aurions  la  facilité  &  le  pou- 


voir. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  l'épanchement  érant 
certain  ,  &  la  ligature  ,  dans  le  cas  où  l'ef- 
fufion  a  été  provoquée  par  l'ouverture  d'une 
artère  intercoftale,  étant  faite  (voye^  Liga- 
ture) ,  il  faut  néceflanement  vider  le 
thorax. 

La  plaie  fuffiroit  à  cet  effet ,  fi  fa  fitua- 
tion  étoit  telle  qu'elle  ftit  à  la  partie  infé- 
rieure de  !a  poitrine  ;  on  pourroit  alors , 
à  l'imitation  du  chirurgien  ,  en  augmen- 
ter l'étendue  ,  en  la  dilatant  à  l'aide  de  la 
fonde  crénelée  &  du  biftouri  ,  félon  le 
befoin  ,  &  pour  faciliter  l'écoulement  hors 
de  la  capacité ,  après  quoi  on  le  hâteroit 
en  comprimant  les  nafeaux  de  l'animal , 
fur-tout  fi  les  vaifTeaux  du  poumon  avoient 
été  attaqués  ,  parce  que  ce  vifcere  conte- 
nant enfuite  de  cette  comprcflion  une 
plus  grande  abondance  d'air  >  chafferoit 
avec  plus  de  force  le  fluide  dévoyé  ;  on 
paiferoit  de  là  aux  injections  chaudes  & 
douces ,  &c.  ;  mais  dès  que  la  plaie  a  été 
faite  à  la  partie  fupérieure  ,  il  n'eft  pofîible 
de  dégager  la  cavité  du  fang  qui  y  nage, 
qu'en  pratiquant  une  contre  -  ouverture  , 
&  c'eft  ce  qu'on  appelle  proprement  Yem- 
pyemt. 

La  différence  de  lapoiition  de  l'homme 
&  du  cheval  en  établit  une  relativement 
an  lieu  où  nous  devons  contre  -  ouvrir. 
Dans  le  premier ,  attendu  fa  lituation  ,  & 
eu  égard  à  l'inclination  du  diaphragme , 


E  M  P 

l'humeur  ftagnante  fe  porte  en  bas  &  erï 
arrière  ,  &  dénote  l'endroit  où  l'on  doit 
lui  frayer  une  iffue.  Dans  le  cheval ,  l'obli- 
quité de  cette  cloifon  mufculeufe  n'eft  pas 
moindre  ;  mais  elle  ne  fauroit  guider  ainfi 
le  maréchal ,  parce  que  l'animal  étant  fitue 
horizontalement,  fa  direftion  eft  verticale, 
&  que  la  partie  la  plus  baffe   du   thorax 
eft  fixée  précifément  aux  derniers  cartilages 
des  côtes  ,   &  à  leur  jondion  au  fternum. 
^,'eft  auffi  cette    même  partie  que   nous 
arrêterons  pour  opérer  ,  en  choiii fiant  du 
côté  affeclé  l'intervalle  des  cartilages  de  la 
huitième  &  de  la  neuvième  côte  de  devant 
en  arrière  ,    &  à  cinq  ou  fix  pouces  du 
fternum  ;  car  nous  ne  {aurions  nous  adref- 
fer  avec  fuccès  plus  près  de  cet  os ,  parce 
que  les  cartilages  y  font  trop  voifins  les 
uns  des  autres.  Remarquons  ici  que  tout 
concourt  à  favorifer  notre  entreprife.  iy.  Il 
efl  certain  que  ,  fans  forcer  l'animal  d'aban- 
donner fa  fituation  naturelle  ,  les  humeurs 
ne  trouveront  aucun  obftacle  à  leur  évacua- 
tion ,  puifque  leur  pente  répondra  à  l'ou- 
verture pratiquée.  2°.  Nous  ne  craindrons 
pasfansceiTed'intérefterl'artereintercoftale 
en  incifant ,  parce  que  là  elle  eft  divifée 
en  des  rameaux  d'un  diamètre  peu  conft- 
dérable. 

Commençons  donc  à  nous  faifir  de  la 
peau  à  l'endroit  défigné  y  &  faifons-y  , 
avec  le  fecours  d'un  aide  ,  un  pli  qui  foit 
tranfverfal  par  rapport  au  corps.  Coupons 
ce  p!i  ,  il  en  réiultera  une  plaie  longi- 
tudinale qui  comprendra  les  deux  cartila- 
ges, au  milLu  defque's  nous  nous  pro- 
polerons  d'ouvrir  ;  car  telle  doit  être  l'é- 
tendue de  la  première  incificn.  Faifons- 
en  une  féconde  dans  la  même  direction  à 
la  partie  du  mufcle  grand  oblique  de 
l'abdomen  qui  eft  au  deffous  ,  nous  dé- 
couvrirons les  cartilages  des  côtes  &  des 
intervalles.  Incifcns  enfin  tranfverfalement 
les  mufcles  intercoflaux  &  la  plèvre  ,  juf- 
qu'à  ce  que  nous  ayions  pénétré  dans  la 
cavité  ;  ce  dont  nous  feror.s  afïurés ,  par 
l'infpection  de  l'humeur  qui  s'écoulera , 
ou  fi  nous  avions  eu  le  malheur  de  nous 
tromper ,  par  le  vide  que  nous  apper- 
cevrons  ;  car  dès  que  la  plèvre  eft  ouverte, 
l'air  extérieur  oblige  le  poumon  à  s'af- 
faiffer  fur  le   champ  ;  ce  qui  préferve  ce 


E  M  P 

vifcere  des  offenfes  de  l'inftrument  dont 
rous  nous  fervons.  Cette  dernière  ouver- 
ture aura  au  moins  un  pouce  de  largeur  , 
à  l'effet  de  fournir  un  paffage  ,  &  au  fang 
vraiment  liquide  ,  &  à  celui  qui  fe  préfen- 
teroit   en   grumeau. 

Du  relie  ,  je  ne  m'étendrai  point  ni 
fur  les  panfemens  ,  ni  fur  toute  la  ^con- 
duite que  l'on  doit  tenir  dans  la  fuite  du 
traitement  (  voye\  ci  dejfus  ,  EMPYEME 
relativement  au  corps  humain  ;  voye{  les 
différens  cours  d'opérations  de  chirurgie  , 
voye{  PLAIE.)  Je  me  contenterai  de  faire 
obferver  que  le  bandage  ,  propre  à  main- 
tenir l'appareil  dans  cette  circor.ftance,  ne 
doit  être  autre  chofe  qu'un  furfaix  armé 
de  couflinets  à  l'endroit  de  l'opération 
pratiquée  ;  opération  dont  je  n'ai  prétendu 
d'ailleurs  que  démontrer  la  poffibilité  ,  les 
différences  &  les  effets,  (e) 

EMPYRÉE,  f.  m.  en  Théologie ,  le  plus 
haut  des  cieux  ,  le  lieu  où  les  faints  jouif- 
fentde  la  vifion  béatifique.  On  l'appelle 
auiTi    le  ciel    empyrée  ,  &    paradis.     Voye^ 

Ciel. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  i*  ,  dans  ,  & 
wuf ,  feu ,  pour  marquer  l'éclat  &  la 
fplendeur  de  ce  ciel. 

Quelques  pères   ont  penfé  que  Y  empy- 
rée avoit  été  créé   avant  le  ciel  que  nous 
voyons.   Comme  ils  fuppofent  quec'eftla 
demeure  de   Dieu»,  ils  foutiennent  qu'elle 
doit  être  extrêmement  îumineufe ,  fuivant 
cette  parole  de  faint  Paul  ,  lucem  habitat 
inaccejjibikm.    Mais  une   difficulté   les  ar- 
rête :  c'étoit  d'expliquer  I'obfcurîté  qui  ré- 
gnoit  dans  le  monde  avant  la  création  du 
foieil.    Pour  la  réfoudre,  ils  ont  eu  re- , 
cours  à  cette  hypothefe  :  que  les  cieux  | 
que   nous   voyons  ,  étant  une  efpece  de  ; 
rideau  ,  dérobèrent  à  la  terre  &  aux  eaux  I 
la  lumière  de  Y  empyrée.  Au  refte,  ni  cette  | 
fuppofltion  ,  ni  l'opinion  qui  l'a  occafio-  \ 
née  ,  n'ont    pas   paru    aflez  fondées   aux  ! 
théologiens  pour  les  élever  au  defïus  du  j 
rang  de  (impies  conjectures. 

M.    Derham  a  cru  que  les  taches  qu'on 

apperçoit    dans    certaines    conftellations ,  ! 

font  des  trous  du    firmament ,  à  travers 

lefquels  on  voit  Y  empyrée.    Voilà   une  idée 

*  bien  extraordinaire ,  pour  ne  rien  dire  de 


EMU  303 

plus.  Voye7  ÉTOILE  ,  FIRMAMENT  ,  &c. 
(G) 

EMPYREUME,  {Chimie.)  veut  dire 
odeur  de  feu.  Le  mot  empyrewr.e  vient  du 
grec  ifiTrvfi'Jitv  9  qui  lignifie  enflammer  ,  ou 
brûler. 

Empyrewne  ne  fe  dit  que  de  l'odeur 
défagréable  que  le  feu  peut  donner  ;  en 
forte  que  ce  qui  fent  le  brûlé  fans  être 
défagréable  ,  comme  les  amandes  grillées  , 
le  fucre  brûlé ,  le  café  ,  &c.  n'eft  point 
appelé  empyreumatique. 

La  plupart  des  eaux  diftillées  ,  foit  fpiri- 
tueufes,foit  puren^fcit  aqueufes  ,  ont  une 
odeur  d  empyreume Torfqu'elles  font  récen- 
tes :  c'eft  pourquoi  on  laiffe  toujours 
quelque  temps  ces  liqueurs  communiquer 
avec  l'air,  pour  leur  faire  perdre  ce  qui 
leur  donne  l'odeur  du  feu ,  qui  eft  toujours 
une  matière  volatile  &  peu  adhérente  aux 
liqueurs  dont  il  s'agit. 

On  laiffe  les  eaux  {impies  pendant  quel- 
ques jours  expofées  au  foieil  dans  des 
bouteilles  ,  dont  on  couvre  feulement 
l'ouverture  avec  un  papier  qu'on  perce 
de  plufieurs  trous. 

Pour  ce  qui  eft  des  eaux  fpiritueufes 
nouvellement  diftillées ,  on  ne  bouche  pas 
d'abord  autrement  l'ouverture  des  bou- 
teilles qui  les  contiennent ,  &  on  les  laiffe 
dans  cet  état  pendant  quelques  heures  dans 
un  lieu  frais.  Chambers. 

L'odeur  de  feu  eft  beaucoup  plus  inhé- 
rente aux  huiles  appelées  empyreumati- 
ques  ;  on  ne  l'en  fépare  pas  entièrement 
par  la  rectification  même  réitérée  ,  &  par 
le  fecours  des  intermèdes.  Voye{  HuiLE. 

EMS  ,  (  Géogr.  mod.  )  fleuve  d'Alle- 
magne ;  il  a  fa  fousce  au  comté  de  Lippe , 
pafle  dans  POoft-Frife  ,  &  fe  jette  dans  la 
mer  au  deffus  d'Embden. 

ÉMULATION ,  f.  f.  {Morale.)  paiTion 
noble,  généreufe  ,  qui,  admirant  le  mé- 
rite ,  les  belles  chofes  &  les  ad  ions  d'au- 
trui ,  tache  de  les  imiter ,  ou  même  de 
les  furpaffer,  en  y  travaillant  avec  cou- 
rage ,  par  ,  des  principes  honorables  & 
vertueux. 

Voilà  le  caractère  de  Yémulation  ,  &  ce 
qui  la  diftingue  d'une  ambition  défordon- 
née,  de  la  jaloufte  &  de  l'envie  :  elle  ne 
tient  rien  du  vice  des  unes  ni  des  autres. 


304  EMU 

En  recherchant  les  dignités  ,  les  charges , 
&  les  emplois  ,  c'eft  l'honneur  ,  c'eft  l'a- 
mour du  devoir  &  de  la  patrie  qui  l'a- 
nime. 

Uémulation  &  la  jaloufie  ne  fe  rencon- 
trent guère  que  dans  les  perfonnes  du 
même  art ,  de  mêmes  talens  ,  &  de  même 
condition.  Un  homme  d'efprit ,  dit  fort 
bien  la  Bruyère ,  n'eft  ni  jaloux,  ni  émule 
d'un  ouvrier  qui  a  travaillé  une  bonne 
epée,  d'un  ftatuaire  qui  vient  d'achever 
une  belle  figure  ;  il  fait  qu'il  y  a  dans  ces 
arts  des  règles ,  &  une  méthode  qu'on  ne 
devine  point  ;  qu'il  fia  des  outils  à  manier 
dont  il  ne  connoît  ni  l'ufage  ,  ni  le  nom  , 
ni  la  figure  ;  &  il  lui  fuffit  de  penfer 
qu'il  n'a  point  fait  l'apprentiflage  d'un  cer- 
tain métier ,  pour  fe  confoler  de  n'y  être 
point  maître. 

Mais  quoique  Vémulation  &  la  jaîoufie 
aient  lieu  d'ordinaire  dans  les  perfonnes  d'un 
même  état ,  &  qu'elles  s'exercent  fur  le 
même  objet,  la  différence  eft:  grande  dans 
leur  façon  de  procéder. 

Uémulation  eft  un  fentiment  volontaire, 
courageux ,  fincere  ,  qui  rend  l'ame  fécon- 
de ,  qui  la  fait  profiter  des  grands  exemples, 
&  la  porte  fouvent  au  deflus  de  ce  qu'elle 
admire  ;  la  «jaloufie  ,  au  contraire ,  eft  un 
mouvement  violent ,  &  comme  un  aveu 
contraint  du  mérite  qui  eft  hors  d'elle  ,  & 
qui  va  même  quelquefois  jufqu'à  le  nier  dans 
les  fujets  où  il  exifte.  Vice  honteux ,  qui  , 
par  fon  excès ,  rentre  toujours  dans  la  vanité 
&  dans  la  préfomption  ! 

XJ émulation  ne  diffère  pas  moins  de 
l'envie  :  elle  penfe  à  furpaflTer  un  rival  par 
des  efforts  louables  &  généreux.  L'envie 
ne  fonge  à  PabahTer  que  par  des  routes 
oppofées.  \J  émulation  ,  toujours  agiflante 
&  ouverte  ,  fe  fait  un  motif  du  mérite 
d'autrui ,  pour  tendre  à  la  perfection  avec 
plus  d'ardeur  :  l'envie  froide  &  feche  s'en 
attrifte  ,  &  demeure  dans  la  nonchalance. 
Paffion  ftérile  qui  laifTe  l'homme  envieux 
dans  la  pofition  où  elle  le  trouve  ,  ou  dont 
le  vice  qui  le  cara&érife  eft  l'unique  ai- 
guillon !  Quand  on  eft  rempli  $  émulation  , 
le  manque  de  fuccès  fait  qu'on  fe  repro- 
che feulement  de  demeurer  en  arrière  ; 
mais  dès  qu'on  eft  mortifié  des  progrès 
&   de   l'élévation   de    fes  rivaux  pleins 


EMU 
de    mérite  ,    on  a  pafle  de  Vémulation  I 
l'envie. 

Voulez-vous  connoître  encore  mieux 
Vémulation  ?  Elle  ne  tâche  d'imiter  ÔC 
même  de  furpaffer  les  actions  des  autres  , 
que  parce  qu'elle  en  fait  le  prix  ,  &  qu'elle 
les  refpecte  ;  elle  eft  prudente  ,  car  celui 
qui  imite  ,  doit  avoir  mefuré  la  grandeur 
de  fon  modèle  &  l'étendue  de  fes  forces  ; 
loin  d'être  fiere  &  préfomptueufe  ,  elle  fe 
manifefte  par  la  douceur  &  la  modeftie  , 
elle  augmente  en  même  temps  fes  talens , 
&  fes  progrès  par  Je  travail  &  l'applica- 
tion ;  pleine  de  courage ,  elle  ne  fe  laifte 
point  abattre  par  les  difgraces  ,  &  fi  elles 
font  méritées,  elle  répare  fes  fautes^enfin , 
quoiqu'il  arrive ,  elle  ne  veut  réufîir  que  par 
des  moyens  légitimes ,  &  par  la  voie  de  la 
vertu. 

Ceux  qui  font  profefïion  des  fciences 
&  des  arts ,  les  favans  de  tout  ordre  ,  les 
orateurs  ,  les  peintres ,  les  fculpteurs  ,  les 
mufîciens ,  les  poètes  ,  &  tous  ceux  qui 
fe  mêlent  d'écrire  ,  ne  devroient  être 
capables  que  d'émulation;  ils  devroient  tous 
penfer  &  agir  de  la  même  manière  que 
Corneille  agifloit  &  penfoit  :  "  Les  fuccès 
»  des  autres  ,  dit-il  ,  dans  la  préface  qui 
»  eft  au  devant  d'une  de  fes  pièces  (  la 
»  fuivante  )  ,  ne  produifent  en  moi  qu'une 
»  vertueufe  émulation  qui  me  fait  redou- 
»  bler  mes  efforts  ,  afin  d'en  obtenir  de 
n  pareils  ». 


Je  vois  d'un  ail  égal  croître  le  nom  d'autrui , 
Et  tâche  à  m' élever  auffi  haut  comme  lui  , 
Sans  hafarder  ma  peine  â  le  faire  de/cendre. 
La  gloire  a  des  tréfors  qu'on  ne  peut  épuifer; 
Et  plus  elle  en  prodigue  à  nous  favorifer  , 
Plus  elle  en  garde  encore  où  chacun  peut  prétendre. 

Des  fentimens  fi  beaux  ,  fi  nobles  &  fi 
bien  peints ,  mettent  le  comble  au  mérite 
du  grand  Corneille.  Art.  de  M.  le  chevalier 
de  Jaucourt. 

ÉMULGENS  ,  adj.  pi.  en  Anatomie,  fe 
dit  des  vaiffeaux  qui  aboutiffent  aux  reins. 
Voy.  les  planches  d1anatomie. 

Les  artères  émulgentes  partent  du  tronc 
defcendant  de  l'aorte  pour  fe  rendre  aux 
reins ,  &  les  veines  émulgentes  en  fortenc 

pour 


EMU 

pour  fe   terminer   au  tronc  afcendant  de 
la  veine-cave.  Voye\  RÉNALES.  (L) 

EMULSION  ,  f.  f.  (Pharmacie  &  Mat. 
méd.  )  c'eft  ainfi  qu'on  nomme  en  méde- 
cine une-liqueur  laiteufe  formée  par  l'union 
■de  Feau  ,  &  d'une  fubftance  végétale  par- 
ticulière ,  contenue  dans  les  femences 
appellées  émulfives*  Voye\  SEMENCES 
ÉMULSIVES. 

La  liqueur  connue  de  tout  le  monde 
fous  le  nom  $  orgeat ,  n'eft  autre  chofe 
•que  Y  émulfion  dont  il  s'agit  ici. 

Les  femences  ,  dont  on  tire  le  plus 
ordinairement  les  émulfions  ,  &  qui  en  font 
proprement  la  bafe  ,  font  les  amandes 
douces  ,  les  pignons  ,  &  les  quatre  femen- 
ces froides  majeures.  Voye\  AMAN- 
DES, Pignons,  &  Semences  froides. 
Pluiieurs  médecins  demandent  auffi  ,  aflêz 
fouvent  ,  la  femence  de  pavot ,  celle  de 
laitue  ,  celle  de  violette ,  &  quelques  autres 
de  la  même  nature  :  mais  comme  ces 
dernières  femences  ,  qui  font  fort  petites  , 
fournirent  moins  de  parties  émulfives  que 
les  premières  ,  qu'elles  donnent  ces  parties 
plus  difficilement  ,  &  qu'il  n'eft  pas  pof- 
fible  d'appuyer  fur  la  moindre  obferva- 
tion  leurs  prétendues  vertus  particulières  , 
qu'il  eft  démontré ,  par  exemple  ,  que  la 
partie  émulfwe  de  la  femence  de  pavot  ne 
participe  du  tout  point  de  la  vertu  cal- 
mante de  cette  plante  ;  pour  ces  raifons  , 
dis-je  ,  on  n'ofe  avancer ,  avec  confiance , 
que  c'eft  une  pratique  louable  de  pref- 
crire  toujours  ,  par  préférence  ,  les  pre- 
mières femences  que  nous  avons  nom- 
mées ;  &  de  ne  pas  multiplier  inutilement 
les  matériaux  de  Yémulfion. 

Plufieurs  auteurs  ont  des  prétentions 
fur  Yémulfion  tirée  de  la  femence  de  chan- 
vre. Voye\  Chanvre. 

On  .emploie  auffi  quelquefois  les  amandes 
■ameres,  mais  toujours  mêlées  en  petite  dofè 
À  une  quantité  plus  confidérable  de  l'une 
des  femences  que  nous  avons  dit  devoir 
faire  la  bafe  du  remède  ,  &  feulement 
dans  la  vue  d'en  relever  un  peu  le  goût. 

On  édulcore  les  émuljions  avec  une 
quantité  de  fucre  ou  de  firop  ,  détermi- 
née par  le  médecin  ;  on  les  aromatife  auffi 
quelquefois- avec  quelque  eau  diftillée. 

On  emploie  plus  ou  moins  d'eau  ,   fê-  i 
Tome  X1L 


EMU  305 

Ion  qu'on  veut  avoir  une  émulfion  plus  ou 
moins  chargée. 

Pour  faire  une  émulfion  ,  c'eft-à-dire  , 
pour  unir  à  l'eau  la  fubftance  végétale 
particulière  ,  que  nous  connoiffons  fous  le 
nom  ftémulfive  y  on  s'y  prend  de  la  ma- 
nière fuivante. 

Prenez  ,  par  exemple  ,  vingt  -  quatre 
amandes  douces  mondées  (voye\  Mon- 
der, Pharm.  )  ou  bien  del'uno-des  gran- 
des femences  froides  mondées  ,  ou  des 
quatre  enfemble  ,  fix  gros  ,  &  cinq  ou  fix 
amandes  douces  mondées  ;  écrafez  -  les 
dans  un  mortier  de  marbre  avec  un  pilon 
de  bois  ,  d'abord  à  fec  ,  mais  bientôt  ver- 
fez  fur  ces  femences  une  ou  deux  cuille- 
rées d'eau  ,  &  continuez  à  piler  en  ajou- 
tant peu  à  peu  toute  l'eau  que  vous  avez 
deflein  d'employer  (la  quantité  des  femen- 
ces demandées  dans  cet  exemple  fuffit 
pour  charger  fuffifamment  deux  livres 
d'eau),  difïblvez  votre  fucre  (une  once 
fuffit  pour  deux  livres  à' émulfion  )  ,  paffez 
à  travers  un  linge  ferré  ,  &  exprimez 
légèrement.  Si  c'eft  un  firop  que  vous 
employez  au  lieu  de  fucre ,  vous  ne  l'ajoute- 
rez qu'après  la  colature  ,  avec  l'eau  diftil- 
lée deftinée  à  aromatifer  Y  émulfion.  Dans 
Y  émulfion  que  nous  venons  de  décrire  ,  on 
pourra  diffoudre ,  au  lieu  de  fucre  ,  une 
once  &  demie  de  firop  de  capillaire  ,  de 
violette ,  de  tuffilage  ,  de  guimauve  ,  ou 
bien  une  once  de  l'un  de  ces  firops ,  &  trois 
gros  ou  demi-once  de  firop  de  diacode ,  fi 
on  veut  rendre  Y  émulfion  narcotique.  Une 
pinte  de  cette  liqueur  eu  aromatifee  à  un 
point  très-agréable  par  l'addition  d'une 
demi-once  d'eau  de  fleurs  d'orange  ,  ou 
d'eau  de  cannelle  appellée  orgée. 

S'il  nage  de  l'huile  fur  la  furface  d'une 
émulfion  qu'on  vient  de  préparer  ,  Y  émul- 
fion a  été  mal  faite  ou  manquée.  Cet  incon- 
vénient eft  dû  à  ce  qu'on  a  féparé  une 
huile  qui  eft  un  des  principes  du  fuc 
émulfif  y  d'avec  une  matière  muqueufe  qui 
en  eft  un  autre  principe  ,  &  à  laquelle 
l'huile  doit  fa  mifeibilité  avec  l'eau.  T^oye\ 
Semences  émulsives.  On  prévient  ce 
défaut  en  appliquant  de  bonne  heure  de 
l'eau  aux  femences  que  l'on  pile ,  & 
même  en  les  triturant  avec  une  partie  du 
fucre  qu'on  veut   emplover  dans  Yémul- 


$ôS  EMU 

fion  ;  car  le  fucre  eft  un  moj'en  d'union 
entre  les  huiles  &  l'eau.  Voyc{  HUILE  & 
Sucre. 

Les  Chymifles  ont  apperçu  beaucoup 
d'analogie  entre  les  emuljions  &  le  lait  des 
animaux;  on  verra  avec  combien  de  fon- 
dement ,  a  l'article  SEMENCES  ÉMULSI- 
VES.  Voye\  cet  article.  Nous  nous  conten- 
terons d'obferver  ici  que  ,  comme  le  lait , 
les  emuljions  tournent  &  s'aigrifTent  après 
un  certain  temps ,  en  moins  de  vingt-quatre 
heures  dans  un  lieu  ou  par  un  temps 
chaud  ;  &  que  les  acides  &  les  efprits 
fermentes  les  coagulent  comme  le  lait.  On 
ne  préparera  donc  des  emuljions  que  pour 
quelques  heures ,  fur-tout  en  été  ;  on  ne 
les  mêlera  point  avec  des  firops,  ou  des 
fujs  acides  ,  &  on  ne  les  aromatifera  point 
avec  des  eaux  fpiritueufes. 

JSémulJion  fe  décompofe  par  l'ébullition; 
ce  qu'on  appelle  dans  quelques  pays  une 
émulfion  cuite  ,  c'eft-à-dire  ,  à  laquelle  on 
a  rait  prendre  quelques  bouillons  ,  eft  donc 
une  préparation  monftrueufe  ,  un  remède 
altéré  &  dégénéré  autant  quil  eft.  poflxble. 
La  vue  médicinale  de  corriger  par  cette 
coclion  une  prétendue  crudité  de  V émul- 
fion y  en1  trop  vaine  pour  pouvoir  auto- 
rifer  une  pratique  fi  directement  contraire 
aux  règles  de  l'art. 

Les  emuljions  ont  toutes  les  propiiétés 
des  remèdes  appelles  rafraîchijfans ',  tempe- 
rans ,  délayans  ;  voye\  DÉLAYANT  ,  RA- 
FRAÎCHISSANT &  Tempérant  :  &  de 
plus  elles  font  nourriflan  tes.  On  les  ordonne 
très-utilement  pour  boifîon  ordinaire  dans 
toutes  les  maladies  inflammatoires  ,  &  fur- 
tout  lorfqu'elles  affèclent  principalement 
les  vifceres  du  bas-ventre ,  dans  les  diar- 
rhées par  irritation  ,  dans  les  ardeurs 
d'urine ,  dans  le  commencement  de  la  cura- 
t'on  des  chaudepifTes  ,  dans  les  chaleurs 
d'entrailles  ,  &  même  dans  certaines  fleurs 
blanches.   Voye\  ces  articles. 

Dans  tous  ces  cas  on  doit  preferire  les 
emuljions  à  grande  dofe ,  à  deux  ou  trois 
livres  par  jour  au  moins  ;  &  c'eft  avoir 
une  idéi  fort  imparfaite  de  l'action  de  ce 
remède  ,  que  d'attendre  quelque  effet  utile 
d'un  feul  verre  $  émulfion  donné  dans  la 
journée ,  ou  le  foir. 

Qn  fe  fert  fort  ordinairement  de  Yémul- 


EMU 

fion  comme  d'un  véhicule  commode ,  pour 
donner  certains  fels  neutres  étendus  dans 
une  grande  quantité  de  liquide  ,  ou  en 
lavage  ,  comme  on  s'exprime  communé- 
ment. On  diflbut ,  par  exemple  ,  un  gros 
ou  un  gros  &  demi  de  n'tre  purifié  dans 
une  pinte  8  émulfion  y  pour  faire  ce  qu'on 
appelle  une  émulfion  nitrée  ;  c'eft  un  ufage 
fort  ordinaire  au  fit  de  faire  fondre  trois  ou 
quatre  grains  de  tartre  émétique  dans  une 
pinte  à' émulfion  ,  qu'on  donne  par  verre 
pendant  le  cours  de  la  journée  ,  pour 
entretenir  les  évacuations  abdominales  dans 
plufieurs  maladies  aiguës.  Kqyf^FlEVRE. 

On  prépare  une  émulfion  purgative  qui 
agit  afîez  doucement  ,  &  qui  n'a  point  le 
dégoût  des  potions  purgatives  ordinaires  , 
en  unifiant  intimement  ,  par  une  longue 
trituration  ,  dix  ou  douze  grains  de  réfine 
de  jalap  à  une  once  de  fucre  ,  que  l'on 
emploie  enfuite  dans  la  compofirion  d'une 
émulfion  ordinaire  :  non-feulement  le  fuc 
émuljif  fert  dans  ce  cas  à  mafquer  le  goût 
de  la  réfine  ,  mais  il  concourt  aufli  avec 
le  fucre  à  en  corriger  l'activité.  Le  lucre 
eft  le  diffolvant  des  réiines  ,  &  il  forme 
avec  elles  un  compofé  favonneux,  milcible 
à  l'eau.  Voye\  SUCRE  &  RÉSINE.  Le  fuc 
émuljif  poffede  la  même  propriété  ,  quoi- 
qu'avec  un  degré  très-inférieur.  On  fait 
entrer  aufli  la  réfine  de  feammonée  dans 
ces  emuljions ,  à  la  dofe  de  deux  ou  trois 
grains  ,  avec  huit ,  dix  ou  douze  grains 
de  réfine  de  jalap.  Voye\  ScAMMONÉE  & 
Jalap. 

Si  l'on  difpofe  une  réfine  ou  un  baume 
à  être  diflbus  par  l'eau  en  unifiant  ces 
fubftances  au  jaune  d'œuf  >  &  qu'on  appli- 
que de  l'eau  à  ce  compofé  félon  l'art ,  il 
en  réfulte  aufli  une  liqueur  laiteufe ,  que 
quelques  auteurs  ont  appellee  du  nom 
à' émulfion  ;  celle-ci  eft  vulnéraire ,  déterfive 
&  cicatrifante  ou  purgative  ,  félon  la  pro- 
priété de  la  réfine  ou  du  baume  qu'on 
y  a  employé.  Voye\  les  articles  VULNÉ- 
RAIRE, Détersif  &  Purgatif  rési- 
neux ,  au  mot  Purgatif. 

La  liqueur  connue  de  tout  le  monde 
fous  le  nom  de  lait  de  poule  ,  eft  parfaite- 
ment analogue  à  Y  émulfion.  Voye\  Œuf, 
Diète,  {b) 

JEMUNCTOBŒ,  fe   dit  des  canaux 


E   N 

qui  déchargent  les  humeurs  fuperfluôs  du 
corps.  Voye\  HUMEUR.  (L) 

EN 

EN  &  DANS  ,  prcpofitions  qui  ont 
rapport  au  lieu  &  au  temps.  En  France, 
en  un  an  ,  en  un  jour  ,  dans  la  ville,  dans 
la  mai/on  ,  dans  dix  ans,  dans  la  fe  m  ai  ne. 
M.  l'abbé  Girard  dans  ksfynonymes;Vau- 
gelas  ,  le  P:  Bouhours  &  quelques  autres 
grammairiens  ont  fuit  des  obfervations 
particulières  fur  ces  deux  prépofitions  ;  en 
effet  ,  dans  l'élocution  ufuelle  il  y  a  bien  des 
occalions  où  l'une  n'a  pas  le  même  fens  que 
l'autre. 

On  peut  recueillir  de  M.  l'abbé  Girard 
&  des  autres  grammairiens  ,  que  dans 
emporte  avec  foi  une  idée  acceflbife ,  ou 
de  lingularité  ,  ou  de  détermination  indi- 
viduelle, &  voilà  pourquoi  dans  efl  tou- 
jours fuivi  de  l'article  devant  les  noms  ap- 
pellatifs  ,  au  lieu  que  en  emporte  un  fens 
qui  n'eft.  point  refîferré  à  une  idée  fingu- 
liere.  C'eftainfi  qu'on  dit  d'un  domeftique, 
il  efl  en  mai/on,  c'eft-à-dire,  dans  une  mai- 
fon  quelconque  ;  au  lieu  que  li  l'on  difoit 
qu'z'Z  efl  dans  la  mai/on,  ou  défigneroit  une 
maifon  individuelle  déterminée  par  les  cir- 
conllances. 

On  dit ,  /'/  efl  en  France  ,  c'eft-à-dire  , 
en  quelque  lieu  de  la  France  :  il  efl  en  ville, 
cela  veut  dire  qu'il  efl  hors  de  la  maifon  , 
mais  qu'on  ne  fait  pas  en  quel  endroit^  par- 
ticulier delà  ville  ileir.  allé.  On  dit ,  il  efl 
en  prifon  ,  ce  qui  ne  défigne  aucune  prifon 
quelconque  :  mais  on  dit ,  il  efl  dans  la  pri- 
fon du  Fort-  VEvêque  ou  de  Saint-Martin, 
voilà  une  idée  plus  précife  ;  il  efl  dans  les 
cachots  ,  c'eft  ajouter  une  idée  plus  parti- 
culière à  l'idée  d'être  en  prifon  ;  aufli  ex- 
prime-t-on  l'article  en  ces  occaiîons.  Il  efl 
en  liberté  ,  il  efl  en  fureur  ,  il  efl  en  apo- 
plexie :  toutes  ces  expreffions  marquent  un 
état ,  mais  bien  moins  déterminé  que  lors- 
qu'on dit:  il  efl  dans  une  entière  liberté,  \ 
il  efl  dans  une  extrême  fureur.  On  dit  ,  il 
efl  en  EJ pagne  ,  &  on  dit  ,  il  efl  dans  le 
royaume  d'Efpagne  ;  il  en  Languedoc  ,* 
&  il  efl  dans  la  province  de  Languedoc. 
Cette  diitin&ion  d'idée   vague  &  indé- 


E  N  307 

terminée  ou  de  fens  général  pour  en  ,  & 
de  fens  plus  individuel  &  plus  particulier 
pour  dans;  cette diftinâion ,  dis-je  ,  a  fon 
ufage  :  mais  on  trouve  des  occalions.  où  il 
paroît  qu'on  n'y  a  aucun  égard  ;  ainf] 
l'on  dit  bien  ,  il  efl  en  Afie  ,  fans  détermi- 
ner dans  quelle  contrée  ou  dans  quelle 
ville  de  l'Aile  il  efî  ;  mais  on  ne  dit  pas , 
il  efl  en  Chine  ,  en  Pérou,  6V  c.  ,  on  dit,  à 
la  Chine  y  au  Pérou  ,  &c.  Il  femble  que 
l'éloignement  &  le  peu  d'ufàge  où  nous 
fommes  de  parler  de  ces  pays  lointains  , 
nous  les  faife  regarder  comme  des  lieux 
particuliers. 

Le  P.  Bouhours  a  fait,  fur  ces  deux  pré- 
pofitions, des  remarques  conformes  à  l'u- 
fage  ,  &  qui  ont  été  répétées  par  tous  les 
grammairiens  qui  ont  écrit  après  cet  ha- 
bile obfervateur  ,  même  par  Thomas 
Corneille  fur  Vaugelas.  Il  me  femble 
pourtant  que  le  P.  Bouhours  commence 
par  une  véritable  pétition  de  principe, 
{Remarques,  tom.  Iy  p.  6y.)  On  met  tou- 
jours EN  ,  dit-il,  devant  les  noms,  lorfquon 
ne  leur  donne  point  d'article  :  j'en  con- 
viens ,  mais  c'efr.  là  précifément  en  quoi 
confifte  la  difficulté.  Un  étranger  qui  ap- 
prend le  "François  ,  ne  manquera  pas  de 
demander  en  quelles  occalions  il  trouvera 
le  nom  avec  l'article  ou  fans  l'article. 

Outre  ce  que  nous  avons  dit  ci-defTus 
du  fens  vague  &  du  fens  particularifé  ou 
individuel ,  voici  des  exemples  tirés ,  pour 
la  plupart ,  du  P.  Bouhours ,  &  des  au- 
tres obfervateurs  qui  l'ont  fuivi. 

En  ou  HA.!!  S  fui  vis  d'un  nom  fans  article 
parce  que  le  mot  qui  fuit  la  prépojition 
n'efl  pas  pris  dans  un  fens  individuel, 
qu'il  efl  pris  dans  un  fens  général  d'ef- 
pece  ou  de  forte. 

En  repos  ;  en  mouvement  ;  en  colère;  en 
bon  état  ;  en  belle  humeur,  enfanté;  en  ma- 
ladie ;  en  réalité  ;  enfonge  ;  en  idée;  enfan- 
taifie  ;  en  goût;  en  gras;  en  maigre;  en  pein- 
ture ;  en  blanc;  en  rouge;  en  émail  ;  en  or  ; 
en  arlequin,  en  capitaine;en  roi;  en  maifon; 
en  ville  ;  en  campagne  ;  en  province;  en  fi- 
gure; en  chair  &  en  os  y  &  autres  en  grand 
nombre  pris  dans  un  fens  de  forte  ,  qui 
n'eft.  pas  le  fens  individuel.  On  dit  aufli 
par  imitation ,  en.  Europe  &    dans  l'Eu- 

Qq1 


3o8  E  N  A 

rope  >  en  France  &  dans  la  Fra%ce  y  en 
'Normandie  &  dans  la  Normandie,  &c. 
Defpréaux  a  dit  : 

Dans  Florence  jadis  vivolt  un  médecin. 

Art.  poét.  liv.  IV. 

Peut-être  diroit-H  aujourd'hui  à  Florence. 

En  otf  DANS  fuivis  d'un  nom  avec  V 'arti- 
cle ,  à  caufe  dufens  individuel. 
,     Dans  le  royaume  de  Naples  ;  dans  la 
France;  dans  la  Normandie  ;.dans  le  repos 
où  je  fuis;  dans  le  mouvement  y  ou    dans 
l'agitation,  ou  dans  l'état  où  je  me  trouve; 
ou  dit  aufii  en  l'état  où  je  fuis.   Dans  la 
mi f ère  ou  en  la  mifere  où  je  fuis;dans  la 
belle  humeur,  ou  en  la  belle  humeur  où  vous 
êtes  ;  dans  la  fleur  de  l'âge  3  ou  en  la  fleur 
de  l'âge.  Il  m' eft  venu  dans  l'efprit.  Il  eft 
allé  en  V autre  monde ,  pour  dire  il  eft  mort  : 
en  ce  fens  le    P.  Bouhours    ne  veut  pas 
qu'on  dife  ,  il  eft  allé 'dans  l'autre  monde  ; 
Gar  alors  Vautre  monde  fe  prend  ,  dit -il , 
pour  le  nouveau  monde   ou  l'Amérique. 
Dans  l'extrémité  )  ou  en  V extrémité  où  je 
fuis;  dans  la  bonne  humeur,  ou  en- la  bonne 
humeur  où  il  eft  ;  dans  tous  les  lieux  du 
monde  ,,ou  en  tous  les  lieux  du  monde; 
en  tout  temps  ;  en  tout  pays;  dans  tous  les 
temps  y  dans  tous  les  pays.  J*ai  lu  cela  en 
un  bon  livre  ,  ou  dans    un  bon  livre.  En 
mille  occafions,  ou  dans  mille  occafions;  en 
chaque  âge,  ou  dans  chaque  âge  ;  en  quelque 
penfée  ,   ou  dans  quelque  penfée  que  vous 
foye\;  en  des  livres. ou  dans  des  livres;en  de 
fi  beaux  lieux;  ou  dans  défi  beaux  lieux.  (F) 
ÉNALLAGE,  (-.  f.  (Gramme)  t*<tkK*y*, 
changement ,  permutation  ,  R.  ivAKx&ylo , 
permuto;  ainfi  pour  conferver  l'orthographe 
&  la  prononciation  des  anciens  ,  il  faudroit 
prononcer  énallague.  C'èft  une  prétendue 
figure  de  conftru&ion,  que  les  grammairiens 
qui  raifonnent  ne  connoiïïent  point ,  mais 
que  les  grammatiftes  célèbrent.  Selon  ceux- 
ci,  Yénallage  eft  une  forte  d'échange  qui  fe 
fait  dans  les  accidens  des  mots  ;  ce  qui 
arrive  ,  difent-ils  ,  quand  on  met  un  temps 
pour  un  autre  ,    ou  un  tel  genre  pour  un 
genre  différent  ;  il  en  eft  de  même  à  l'é- 
gard des  modes  des  verbes  :  comme  quand 
on  emploie  l'infinitif  au  lieu  de  quelque 
laode.  fini  :  c  eft  ainfi  que   dans  Térence 


E  N  A 

lorfque  le  parafire  revient  de  chez  Thaïs  • 
à  laquelle  il  venoit  de  faire  un  beau  pré- 
fent  de  la  part  de  Trafon ,  celui-ci  vient: 
au  devant  de  lui  en  difant: 

Magnasvero  agere  gratins  Thaïs   mihi  ? 

Tex.Eun.  iij  t  ï. 

Thaïs  me  fait  de  grands,   remercîmens  fans 
doute,. 

Qui    ne  voit  que  agere  eft  là   pour  agit  9. 
difent  les  grammatiftes  ? 

Ceux  au  contraire  qui  tirent  de  l'analo- 
gie les  règles  de  l'élocution  ,  &  qui  croient 
que   chaque  figne  de  rapport  n'eft  le  figne 
que  du. rapport  particulier  qu'il  doit  indi- 
quer ,   félon    l'inftitution   de    la    langue  ; 
qu'ainfi  V  infinitif  .ri  eu  jamais  que  Y  infinitif, , 
le  ligne  du  temps  paffé  n'indique  que  le 
temps  paffé,  &c.  ;  ceux-là  ,  dis— je,  foutien-- 
nent  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  déraifonnable  - 
que  ces  fortes  de  figures.  Qui  ne  voit  que  - 
fi  ces  changemens  étoient  aujfi  arbitraires  9-, 
dit  l'auteur    de  la.  méthode     Latine    de 
Port-Royal  (desfig.  ch.  vij. .  p.  ^6x)  ,  tou-  ■ 
tes  les  règles  deviendraient  inutiles  y  &  il. l'y  ' 
auroit  plus  de  fautes  qu'on  ne  pûtjuftifier 
en  difant  que  c' eft  une  énallage  ,  ou  quel- 
qu' autre  figure  pareille  ?  Que  les  jeunes 
écoliers,  perdent  de    connoître   trop  tard  ! 
.cette  figure  ,  &  de  n'avoir  pas  encore  l'art 
d'en  tirer  tous  les  avantages  qu'elle    offre 
à  leur  pareffe  &  à  leur    ignorance  ? 

En  effet,  pourquoi  un  jeune  écolier  à: 
qui  l'on  fait  un  crime  d'avoir  mis  un  temps 
ou  un  genre  pour  un  autre  ,  ne  pourra— 
t-il  pas  repréfenter  humblement  avec  Ho- 
race ,  que  le  s  maîtres  ne  devroient  pas  lui 
refufer  une  liberté  que  le  fiecle  même 
d'Augufte  a  approuvée  dans  Térence  ; 
dans  Virgile,  &  dans  tous  les  autres  au-* 
teurs  de.  la  bonne  Latinité  ? 
;    .     . Quid  aatem  , 

C&cilio  ,  Vlautoque  dabit  Romanus  ,  ademptum 

Mî  foeioque?  Horat.  ars  poet. , v.  „j  j. 

Ainfi  ,  la  feule  voie  raifonnable  eft  dev 
réduire  toutes  ces  façons  de  parler  à  la  fim- 
pliciré  de  la  conftruélion  pleine ,  félon  la- 
quelle feule  les  mots  font  un  tour  qui 
préfente  un  fèns.  Un  mot  qui  n'occupe- 
,  roit  dans  une  phrafe  que   la  place  d'un 


E  N  A 

autre  ,  fans  en  avoir  ni  le  genre  ni  le  cas,' 
ni  aucun  des  accidens  qu'il  devroit  avoir 
félon  l'analogie  &  la  destination  des  lignes; 
un  tel  mot,dis-je,  ieroit  lâns  rapport, 
&  ne  feroit  que  troubler ,  fans  aucun 
fruit ,  l'économie  de  la  conftructiân. 

Mais  expliquons  l'exemple  que  nous 
avons  donné  ci-deffus  de  YènaXla%ermag- 
nas  vero  agere gracias  Thaïs  milii  î  l'ellipfe 
fuppléée  va  réduire  cette  phrafe  à  la  cons- 
truction pleine.  Thrafon  plus  occupé  de 
fon  préfent  que  Thaïs  même  qui  l'avoit 
reçu  ,  s'imagine  qu'elle  en  eft  tranfportée 
de  joie  ,  &  qu'elle  ne  ceffede  l'en  remer- 
cier :  Thaïs  verb  non  ceffat  agere  mihï  mag- 
nas gratïas  ,  où  vous  voyez  que  non  ceffat 
eft  la  raifon  de  l'infinitif  agere . 

L'infinitif  ne  marque  ce  qu'il  fignifie 
que  dans  un  fens  abftrait  ;  il  ne  fait  qu'in- 
diquer un  fens  qu'il  n'affirme  ni  ne  nie , 
qu'il  n'applique  à  aucune  perfonne  déter-  \ 
minée  :  hominem  effe  folam,  ne  dit  pas  que 
l'homme  foit  feul ,  ou  qu'il  prenne  une 
compagne  ;  ainii  l'infinitif  ne  marquant 
point  par  lui-même  un  fens  déterminé  ,  il 
faut  qu'rl  foit  mis  en  rapport  avec  un 
autre  verbe  qui  foit  à  un  mode  fini  ,  & 
que  ces  deux  verbes  deviennent  ainfi  le 
complément   l'un  de    l'autre. 

Telle  efl  fans  doute  la  raifon  de  la 
maxime  iv  que  la  méthode  Latine  de 
P.  R.  établit  au  chapitre  de  Vellïpfe  -,  en 
ces  termes  :  "  Toutes  fois  que  l'infini— 
?>  tif  efl  fèul  dans-1'oraifon,  on  doit  fous- 
?>  entendre  un  verbe  qui  le  gouverne 
r>  comme  cœpit  y  folebat  .ou  autre  :  ego 
?>  illud  fedulo  negare  faclum  (  Terent.  ) 
»  fuppléez  cœpi  .-facile  omnes  perferre  ac 
t>  pari  (idem.)  fuppléez  folebat,.  Ce  qui 
}>  eft  plus  ordinaire    aux  poètes-  &    aux 

»■■  hiftoriens où  l'on  doit  toujours 

»  fous-entendre  un  verbe  fans  prétendre 
*>qae  l'infinitif  foit  là.  pour  un  temps 
?>  fini  ,  par  une  figure  qui  ne.  peut  avoir 
»  aucun  fondement.  »  (F) 

ENARBRER,  en  Horlogerie  ,  fignifie 
faire  tenir  une  roue  fur  fon  arbre  ,  ou  fa 
tige ,  ce  qui  fe  fait  de  plufieurs  façons  ; 
dans  les  montres  &  dans  les  pendules , 
o'eft  ordinairement  en  les  rivant  :tous  les 
deux  enfemble. 

On  dit   qu'une .  roue  eflbien  enarbrc'e , 


E  N  A  305* 

lorfqu'elle  tourne  bien  droit  &  bien  rond' 
fur  fon  arbre.  Voyez  Roue,  Pignon,  &c. 
(T) 

ENARRHEMENT  ou  ARRHEMENT, 
f.  m.  (  Comm.  )  convention  d'acheter  une 
marchandife  à  un  certain  prix  ,  pour  fu- 
reté de  quoi  on  donne,  par  avance  y.  quel- 
que choie  furie  prix  convenu.  Il  y  a  des 
enarrhemens  permis  par  les  loix  ,  &  d'au- 
tres qu'elles  prohibent  ,  tels  que  ceux  qui 
vont  à  affurer  à  un  particulier  une  très- 
grande  quantité,  ou  même  toute  une  es- 
pèce de  marchandifes  ,  pour  y  mettre  la- 
■cherté.  Voy.  ARRHES  &  ARRHER.  Z)zV7. 
du  Comm.  de  Tre'p.  &  de  Chambers.  (G) 

ENARRHER  ,  convenir  du  prix  d'une 
chofe ,  donner  des  arrhes  pour  la  fureté 
de  l'exécution  du   marché. 

EN  ARTHROSE,  f.  f .  {Anat.)  c'eft 
une  des  trois  efpeces  de  diarthrofe ,  c'eft- 
à-dire  ,  d'articulation  ofleufe  avec  mou- 
vement :les  deux  autres  font  Yarthrodie  & 
le  ginglyme. 

Venarthrofe  fe  fait,  dit-on  ,  lorsqu'une 
grofTe  tête  d'os  eft  reçue  dans  une  cavité 
profonde  ,  comme-ia-  tète  du  fémur  dans 
Ma  cavité  des  os  innommés  ;  Yarthrodie  a 
Jieu  lorfqu'une  tête  plate  eft  reçue  dans 
une  cavité  fuperficieile ,  comme  la  tète  de 
l'os  du  bras  dans  la  cavité  glénoïde  de 
l'omoplate  ;  le  ginglyme  confifte  dans  la 
réception  mutuelle  de  deux  os  ,  comme 
eft  celle  de  l'humérus  &-du  cubitus-.  Voici 
maintenant  l'origine  de  ces  mots  Grecs  y 
&  de  tous  ceux  des  articulations.  • 
;  Les  anciens  ,  confidérant  que  les  os  du  : 
corps  humain  font  joints  enfemble  de  di- 
verses manières  ;  les  uns  avec  mouvement 
&  les  autres  fans  mouvement ,  ont  inventé 
plufieurs  termes  pour  fpécifier  la  différence 
At  ces  -  aftèmblages  ;  cependant  malgré  les 
foins  qu'ils  fe  font  donnés  ,  &  l'obligation 
qu'on  leur  doit  d'avoir  ouvert' cette  car- 
rière épineufe ,  ils  ont  fait  de  vains  efforts 
;pour  accommoder  ,  à  leurs  termes,  toutes 
les  articulations  qui  fe  préfentent  dans  le' 
corps  de  l'homme  ,  outre  que  les'  termes 
qu'ils  ont  <  employés  expriment'  quelque- 
fois affez  mal  les  chofes  auxquelles  ils  ont 
voulu  les  confacrer.:  Les  modernes  s'en.  • 
étant  apperçus  ,  ont  ajouté  ,  par  fupplé- 
ment,  de  nouvelles  fubdivifions  aux  an—- 


3io  E  N  C 

ciennes  ;  mais  loin  d'éclaircir  cette  ma- 
tière, ils  l'ont  rendue  plus  abftraite  & 
plus  inintelligible. 

Ces  réflexions  ont  engagé  M.  Lieutaud 
à  abandonner  l'ancienne  méthode  fur  les 
noms  des  articulations  ,  &  à  lui  fubfti- 
ruer  une  nouvelle  théorie  ,  qui  nous  pa- 
roît  plus  (impie  ,  plus  naturelle  que  celle 
qu'on  fuit  ordinairement ,  &  qui  ,  du 
moins  ,  a  l'avantage  d'être  proportionnée 
aux  connoifTances  de  ceux  qui  commen- 
cent. On  trouvera  dans  fon  AnatomieYex- 
polition  de  fa  méthode;  car  il  ne  s'agit 
pas  ici  d'entrer  dans  ce  détail  :  il  nous 
f  uffira  de  remarquer  ,  avec  cet  auteur  , 
que  c'eft  parler  improprement  ,  de  don- 
ner le  nom  de  connexion  à  Yénarthrofe  ,  à 
Yarthrodie  ,  &  au  ginglyme. 

En  effet ,  qu'on  coupe  dans  un  fque- 
lette  frais  les  ligamens  de  l'articulation  du 
fémur ,  comme  le  dit  M.  Lieutaud  ,  on 
ne  détruit  point  Yénarthrofe  ;  cependant  les 
os  fe  féparent ,  &  on  ne  fauroit  les  raf- 
fembler  ,  fi  on  ne  les  attache  par  des  liens 
artificiels  :  concluons  que  ce  font  les  liga- 
mens dans  le  fqueletre  frais  ,  &  le  fil  de 
laiton  dans  le  fec  ,  qui  font  la  connexion 
du  fémur  avec  les  os  innommés  ,  &  non 
pas  Yénarthrofe  ,  qui  ne  fert  tout  au  plus 
qu'à  marquer  le  mouvement  que  doit 
avoir  la  partie,  de  même  que  Yanarthrodie 
&  le  ginglyme.  Article  de  M.  le  chevalier 
JPE  Jaucourt* 

ENAUCHER,  en  terme  d'Epinglier, 
c'eft  former ,  fur  l'enclume ,  la  place  de 
la  branche  de  l'épingle  ,  avant  celle  de 
la  tête  ;  fans  cette  précaution  il  eft  aifë  de 
concevoir  qu'elle  feroit  écrafée. 

ENCABANEMENT  ,  f.  m.J^Marme.) 
©n  appelle  ainfi  la  partie  du  côté  du  na- 
vire qui  rentre  depuis  la  ligne  du  fort 
jufqu'au  plat  bord.  Voye\  Marine ,  plan- 
che V ,  la  coupe  d'un  vaifTeau  dans  fa 
Largeur  ,  où  la  partie  comprife  entre  la 
ligne  du  fort  &  le  plat  bord  eft  aifée  à 
diftinguer.   {Z) 

ENCADRER  ,  v.  ad.c'eft  mettre  dans 
un  cadre  ;  on  encadre  un  tableau  ,  .une 
eitampe. 

ENCAISSÉ  ,  adj.  (Comm.)  marchan- 
dife  ou  effet  qu'on  a  mis  dans  une  caifTe  pour 
.ça  faciliter  le  tranfport.   Voye\  CAISSE. 


E  N  C      ' 

ENCAISSEMENT  ,  f.  m.  aâion  d'en- 
caiffer. 
Encaissement  ;  c'efl  tout  un  ouvrage 

de  charpente ,  dans  lequel  on  coule  à  fond 
perdu  de  la  maçonnerie  pour  faire  une 
crèche. 

ENCAISSER ,  mettre  des  marchandifes 
ou  des  effets  dans  une  caifie  pour  les  envoyer 
dehors. 

ENCAISSER,  fe  dit  auffi  de  l'argent  qu'on 
met  dans  une  caifTe  ou  coffre-fort  à  part, 
pour  le  garder  &  l'employer  dans  le  temps 
aux  frais  &  dépenfes  de  quelque  entreprifè. 
Diclionn.  du  Comm.  de  Trévoux ,  & 
Chambers.  (G) 

ENCAISSER  ,  (Jard.)  eft  l'action  de  re- 
mettre dans  de  nouvelles  caifîes  ,  des  arbres 
à  fleurs  qui  en  ont  befoin.  Voye^  REN- 
CAISSER. 

ENCAN,  f.  m.  (Jurifp.)  eft  u<ne  vente 
de  meubles  qui  fe  fait  par  autorité  de  juftice, 
ou  du  moins  publiquement  par  le  miniftere 
d'un  huiffier  ou  fergent,  au  plus  offrant  & 
dernier  enchériflèur.  Ce  mot  vient  du  latin 
in  quantum  ,  d'où  l'on  a  fait  inquant,  terme 
qui  eft  encore  ufité  dans  quelques  provin- 
ces ;  &  en  d'autres  ,  par  corruption  ,  on  a 
dhencan.  Ménage  &  Ducange  font  venir 
ce  mot  d'incantare,  qui  fignihe  crier  ;  mais 
l'autre  éty mologie  paroît  plus  naturelle.  Les 
meubles  vendus  à  Ytncan  ,  ne  peuvent  plus 
être  revendiqués  après  les  huit  jours  de  re- 
coufîe  ,  dans  les  coutumes  qui  accordent 
au  faiii  ce  droit  de  recoufTe  ou  forgage. 
Voye\  RECOUSSE.  (A) 

ENCANTHIS  ,  f.  m.  (Médec.  Chir.  ) 
terme  Grec  ,  tranfmis  dans  notre  langue 
parce  qu'on  ne  peut  le  rendre  que  par  une 
périphrafe  ;  il  eft  compofé  de  la  particule 
iv  .,  dans ,  &  KavSof  ,  angle  de  l'œil. 

IL  'enranthis-eû  une  excroiiîànce  charnue, 
ou  fi  l'on  veut  un  tubercule  qui  fe  forme 
dans  l'angle  interne  de  l'œil. 

Pour  connoître  pofitivement  le  lieu  de 
cette  excroiiîànce ,  il  faut  rappeller  ,  i  °.  à  fa 
mémoire  la  petite  mafîê  rougeatre,  grenue  , 
&  oblongue,  nommée  caroncule  lacrymale, 
qui  eft  fituée  entre  l'angle  interne  des  pau- 
pières ,  &  le  globe  de  l'œil.  Cette  elpece 
de  glande  conglomérée  ,  dont  on  doit  la 
meilleure  defcription  à  Morgagni ,  fëpare 
une  partie  de  l'humeur  febacég  de  Meibo- 


E  N  C 

laïus.  1°.  Il  faut  encore  fe  rappeller  que  fur 
le  globe  de  l'œil  ,  à  côté  de  ce  petit  corps 
glanduleux  ,  Te  trouve  une  cuticule  rouge  , 
ou  plutôt  un  pli -fémi-lunaire  ,  formé  par 
la  conjonctive  en  manière  de  croisant  , 
dont  la  cavité  regarde  l'uvée ,  &  la  con- 
vexité le  nez.  Or  ,  c'eft  précii'ément ,  ou 
dans  la  caroncule  lacrymale  ,  ou  dans  la 
cuticule  rouge  qui  lui  eft  eontiguë  ,  que 
Yencanthis  a  (on  fiege. 

Ce  tubercule  ,  quelle  qu'en  foit  la  caufe , 
vice  interne  des  humeurs  ou  accident  ex- 
terne ,  groiîit  quelquefois  jufqu'à  couvrir 
les  points  lacrymaux  ,  &  la  plus  grande 
partie  de  la  prunelle  :  alors  la  vue  s'af- 
foiblit ,  les  yeux  s'enflamment ,  défigurent 
le  vifage  &  larmoient  continuellement. 

Les  gens  de  l'art  distinguent  avec  raifon 
deux  eipeces  Yencanthis  \  l'une  douce  , 
bénigne  ,  fongueufe  ,  rougeâtre ,  n'eft 
accompagnée ,  ni  de  douleur  ,  ni  de  dureté  ; 
l'autre  dure  ,  blanchâtre  ou  plombée ,  caufe 
une  douleur  piquante  ,  &  tient  de  la  nature 
du  cancer. 

Pour  guérir  Yencanthis  ,  on  tache  de  con- 
fumer  &:  delîécher  cette  excroifïance  fon- 
gueufe ,  en  mettant  deffus  trois  ou  quatre 
fois  par  jour  une  poudre  très-fubtile  faite 
avec  quinze  grains  de  verdet  brûlé  ,  dix 
grains  d'alun  calciné  ,  un  fcrupule  d'iris 
&  une  drachme  de  fucre  candi ,  lavant  l'œil 
une  demi-heure  après  avec  quelque  eau 
ophthalmique. 

Quelques  auteurs  confeillent  de  fe  fervir 
du  verdet  ou  de  l'alun ,  d'autres  du  préci- 
pité rouge  ;  quelques  autres  ne  craignent 
point  de  toucher  cette  excroiifance  avec 
ï'efprit  de  vitriol  :  mais  l'ufage  de  tous  ces 
cathérétiques  eft  dangereux  ,  parce  que  l'ap- 
plication n'en  peut  être  affez  jufte  pour  ne 
pas  s'étendre  un  peu  aux  environs;  ce  qui 
peut  occafioner  des  accidens  :  il  efl  plus 
prudent  de  les  étendre  avec  d'autres  remè- 
des plus  doux ,  pour  arFoiblir  leur  acîion. 
1/ 'encanthis  réfifte  fouvent  à  tous  les  remè- 
des ;  il  faut  alors  en  faire  l'extirpation  de 
la  manière  fuivante.  On  pafïê  à  travers  de 
l'excroifîance  une  aiguille  courbe  ,  enfilée 
d'un  fil  ciré  ,  avec  lequel  on  fait  une  anfe 
que  le  chirurgien  tient  avec  fa  main  gau- 
che ,  tandis  qu'avec  la  droite  il  tient  une 
lancette  ou  un  petit  biftour-i  dont  il  cerne 


E  N   C  3ii 

la  bafe  de  la  tumeur ,  ou  bien  il  la  coupe 
avec  la  pointe  des  cifeaux.  On  met  en- 
fuite  un  peu  de  poudre  de  fucre  candi 
dans  l'œil  ,  &  pardeffus  des  comprefies 
trempées  dans  un  collyre  rafraîchiifant.  S'il 
furvenoit  inflammation  ,  on  laigneroit  la 
malade  ,  &  on  y  remédieroit  par  les 
movens  convenables.  Vcye\  OPHTHAL- 
MIE.  (F) 

*  ENCANTRER  ,  terme  de  Fabrique 
des  étoffes  de  foie  ;  c'eft  ranger  les  canons 
dans  la  cantre  ,  pafîer  les  brins  de  foie 
dans  les  boucles  de  verre  ,  de  façon  que 
l'ourdiflêufe  foit  prête  d'ourdir  fa  chaîne. 

Encantrer  fe  dit  encore  des  roquetins 
fervant  au  velours  ,  lorfqu'on  les  difïribue 
dans  la  cantre,  &  le  mot  encantrer eft pro- 
prement afFeâé  à  cette  opération  ;  au  lieu 
que ,  quand  il  s'agit  d'ourdiifage  ,  on  dit 
embanquer.  Voye\  EmbANQUER. 

ENCAPÉ ,  adj.  {Marine.  )  terme  dont 
fe  fervent  les  marins  pour  dire  qu'ils  font 
avancés  entre  les  caps  dans  de  certains 
parages  ,  par  exemple  ,  entre  OueiTant  & 
Finilterre  ;  comme  ils  difent  décapé  ,  lorf- 
qu'ils  s'éloignent  de  certaines  terres  ou  gol- 
fes ,  &  qu'ils  font  hors  des  caps  les  plus 
avancés.  (Z) 

ENCAPUCHONNER  (S'),  S'AR- 
MER ,  v.  paff.  &  termes  fynonymes , 
(  Manège.  )  L'un  &  l'autre  expriment 
l'action  d'un  cheval  qui  ,  pour  ne  point 
confentir  à  l'effet  des  rênes ,  déplace  fa  tête 
&  baifîè  le  nez ,  en  le  ramenant  en  arrière 
de  la  ligne  perpendiculaire  fur  laquelle  il 
devroit  être. 

Je  crains  fort  que  M.  de  la  Broue  n'ait 
erré ,  lorfqu'il  a  voulu  remonter  aux  raifons 
de  l'application  du  mot  armer  ufité  dans 
ce  fens.  Il  prétend  que  cette  expreflion  n'a 
été  employée  que  parce  que  le  cheval  t 
dans  cette  pofition  ,  pré fen tant  le  haut  dit 
front ,  doit  donner  dans  une  troupe  ferrée 
avec  beaucoup  plus  d'aflurance  que  s'il 
avoit  le  nez  légèrement  en  avant  :  car  il 
femble  ,  dit-il ,  que  le  cheval  fe  met  en  garde 
pour  vouloir  heurter  ou  foutenir  un  choc  ; 
c'eft  pourquoi  on  nomme  cette  pofture  s'ar- 
mer. Quelque  refpeâable  que  puiffe  être 
l'autorité  de  cet  homme  auffi  malheureux 
que  célèbre  ,  je  ne  puis  m'empêcher  de. 
,  penfer  que  nous  n'avons  adopté  en  pareil 


3i-2  E  N  C 

cas  le  terme  dont  il  s'agit ,  que  parce  que 
l'animal,  dans  cette  attitude  ,  s'arme  pré- 
cifément  contre  le  cavalier  ,  puifque  dès- 
lors  il  défend  Tes  barres ,  Tes  lèvres  ,  fa  lan- 
gue ,  fa  barbe ,  &  fe  fouflrait  à  tous  les 
mouvemens  de  la  main. 

En  effet  ,  en  baillant  ainfi  la  tête ,  il 
appuie  les  branches  du  mors,  ou  contre 
ion  encolure ,  ou  contre  Ton  poitrail  ;  or  , 
comme  la  main  n'a  de  pouvoir  &  d'em- 
pire qu'autant  qu'elle  peut  tranfmettre  fes 
imprefîions  jufque  dans  la  bouche ,  .& 
qu'elles  ne  fauroient  y  parvenir  &  s'y  ma- 
nifefler  que  par  le  moyen  des  branches , 
.qui  font  le  levier  qu'elle  doit  mouvoir,  il 
fuit  de  leur  appui  &  de  leur  fixation  contre 
ces  parties  du  corps  de  l'animal ,  que  toutes 
{es  opérations  font  inutiles,  &  qu'elles  le 
•trouvent  conflituées  dans  une  entière  ira- 
puiflance. 

Les  chevaux  ,  dont  l'encolure  eu  foible  : 
&  débile ,    font  plus  portés  à  syencapu- 
.chonner  que  les  autres. 

Il  efr.  affez  difficile  de  remédier  à  cette 
imperfection ,  fur-tout  quand  le  cheval  en  ; 
a  contracté  l'habitude  ,  &  qu'il  a  reconnu 
■tous  les  avantages  qu'il  peut  retirer  d'une 
ièmblable  défenfe  ;  car  il  n'efl ,  pour  ainfi 
dire ,  aucune  aâion  de  la  main  qui  puifTe 
véritablement  porter  le  nez  de  l'animal  en 
avant ,  elles  paroiffent  toutes  plutôt  propres 
à  le  ramener.  Nous  trouvons  cependant 
une  refTource  contre  le  cheval  qui  s'arme  , 
lorfque  nous  rendons  l'angle  que  forment 
l'extrémité  inférieure  des  rênes  &  le  bas 
des  branches  ,  beaucoup  plus  aigu  par  l'é- 
lévation &  par  le  port  de  notre  main  en 
avant.  L'effet  de  ce  changement  de  pofi- 
tion  efï  tel  que  l'embouchure  ,  non-feule- 
ment en  appuyant  fur  les  barres  ,  mais  en 
remontant  &  en  les  froiffant  ,  contraint 
l'animal  de  fe  relever  ,  &  le  de'farme.  Cette 
voie  une  lois  découverte  ,  il  s'agit  encore 
de  l'employer  dès  que  le  cheval  tend  à 
s'armer  de  nouveau  ,  &  avant  qu'il  fe 
fbit  encapuchonné  :  une  grande  attention  à 
pratiquer .ainfi ,  pourroit  peut-être  corriger 
entièrement  ce  défaut ,  qui  a  engagé  nom- 
bre d'écuyers  à  chercher  vainement  dans 
des  embouchures  de  plufieurs  efpeces  , 
dans  des  billots  cannelés  &  arrêtés ,  dans  les 
^.us-gorges ,  dans  des  boulrs  de  bois  pla- 


E  N  C 

cées  à  l'angle  de  l'os  maxillaire  inférieur , 
dans  des  pointes  fixées  au  bas  des  bran- 
ches,  &c.  des  moyens  qui  ne  leur  ont 
jamais  réuffi. 

Le  bridon  peut  être  aufïi ,  dans  de 
pareilles  circonftances  ,  d'une  véritable 
utilité,  (e). 

ENCARDIA,  f.  f.  [Hlfi.  nat.)  pierre 
dont  parle  Pline ,  &  dont  il  diflingue  trois 
efpeces  :  dans  la  première  on  voit  la  figure 
d'un  cœur  tout  noir  &  en  relief;  la 
féconde  repréfente  un  cœur  verd  ;  dans  la 
troifieme  on  voit  un  cœur  noir  ,  tandis 
que  le  relie  de  la  pierre  eu  blanc.  Boë'tius 
de  Boot  ,  de  lapid.  &  gemmis. 

ENCASSURE  ,  f.  f.  terme  de  Charro- 
nage.  Les  charrons  fè  fervent  de  ce  mot 
pour  exprimer  une  entaille  qu'ils  font  au 
lifoir  de  derrière  &  à  la  fellette  de  devant, 
pour  y  placer  les  effieux  des  roues  'qui 
s'y  trouvent  ainfi  enchâffées. 

ENCASTELÉ  ,  adj.  cheval  encaftele, 
(Manège.)  On  doit  diflinguer  le  cheval 
encaflelé  de  celui  qui  tend  à  Y encaflelure  ; 
les  talons  du  premier  font  extrêmement 
reflerrés  ;  les  talons  du  fécond  ont  du  pen- 
chant à  le  rétrécir.  Les  pies  de  devant 
s'encaflelent,  &  non  ceux  de  derrière;  parce 
que  ceux-ci  font  continuellement  expofés 
à  l'humidité  de  la  fiente  &  de  l'urine  de 
l'animal.  Voyez  ENCASTELURE.  (e) 

ENCASTELURE,f.  f.  (Man.  Maréch.) 
maladie  dont  font  atteints  les  pies  de  devant 
des  chevaux. 

Elle  confifle  dans  un  rétrecifîement 
extrême  des  talons  auprès  de  la  fente  de  la 
fourchette  ;  ils  fè  rapprochent  fi  intime- 
ment ,  qu'ils  femblent  ,  en  rentrant  l'un 
dans  l'autre ,  n'en  former  qu'un  fèul. 
Alors  les  parties  molles  fituées  entre  l'on- 
gle &  l'os  du  petit  pié  foufFrent  telle- 
ment de  la  comprefïion  occafionée  par  ce 
refïerrement ,  que  non-feulement  il  en 
réfulte  une  douleur  très-vive  ,  qui  efï 
décelée  par  la  chaleur  du  pié  &  par  la 
claudication  ;  mais  des  fuites  &  des  àcci- 
dens  funefles  ,  tels  que  des  fuppurations 
intérieures  ,  des  reflux  de  la  matière  à  la 
couronne  ,  la  corruption  des  portions 
ligamenteufes  ,  tendineufes  ,  aponévroti- 
ques  ,   &c. 

Uencaftelure  eu  plus  commune  dans  les 

chevaux 


ENC 

chevaux  fins  &  de  légère  taille  ,  que  dans 
tous  les  autres  ;  les  chevaux  d'Efpagne  y 
font  très-fujets.  Elle  ne  provient  quelquefois 
que  d'un  talon  ,  &  dans  ce  cas  le  refferre- 
ment  eft  plus  ordinairement  dans  celui  de 
dedans  que  dans  celui  de  dehors  ,  parce 
que  le  quartier  de  ce  côté  eft  toujours 
plus  foible. 

Nous  obfèrvons  que  le  trop  de  hauteur 
des  talons  eft  un  acheminement  à  cette 
maladie  j  les  talons  bas  néanmoins  n'en 
ibnt  point  abfolument  exempts.  Elle  s'an- 
nonce encore  daus  un  pié  qui  s'alonge 
trop  ,  &  qui  outrepajfe  en  talon  fa  rondeur 
ordinaire. 

Si  la  fécherefle  &  l'aridité  de  l'ongle , 
fi  les  mains  ignorantes  des  maréchaux  font 
les  uniques  caufès  de  Vencajlelure  ,  il  eft 
fans  doute  très-aifé  de  la  prévenir,  foit 
en  humectant  fouvent  les  pies  ,  foit  en 
eu  confiant  le  foin  à  des  artiftes  éclairés , 
s'il  en  eft  &  fi  l'on  en  trouve. 

Les  preuves  de  l'aridité  &  de  la  conf- 
titution  trop  feche  de  l'ongle ,  fe  tirent 
de  la  difpofition  des  talons  au  reiferrement , 
des  cercles  ou  des  rainures  qui  fe  rencon- 
trent extérieurement  autour  du  fabot  , 
des  fèimes  que  l'on  y  apperçoit ,  de  la  pe- 
titeflè  ,  de  la  maigreur,  de  l'altération,  de 
la  fourchette  ,  &c.  Ce  défaut  naturel  aug- 
mentant par  notre  négligence  ,  précipite 
infenfiblement  l'animal  dans  une  foule  de 
maux  que  nous  pourrions  lui  éviter  ,  fi 
nous  avions  l'attention  d'affoupir  ,  par  le 
moyen  de  quelques  topiques  gras  &  onc- 
tueux ,  les  fibres  de  cette  partie. 

Prenez  cire  jaune  ,  fain  -  doux  ,  huile 
d'olive ,  parties  égales  }  faites  fondre  le 
tout  }  retirez  du  feu  ,  &  ajoutez  enfuite 
pareille  quantité  de  miel  commun  }  mêlez- 
Jes  fur  le  champ  ,  en  agitant  toujours  la 
matière  ,  jufqu'à  ce  qu'en  refroidifiànt 
elle  acquière  une  confiftance  d'onguent  : 
fervez-vous-en  enfuite  pour  graiffer  l'on- 
gle fur  tous  les  environs  de  la  couronne, 
à  fa  naiffance  jufqu'aux  talons ,  en  rele- 
vant le  poil  ,  que  vous  rabattrez  enfuite  : 
garnifiez  le  deffous  du  pié  avec  de  la 
terre  glaife.  Ces  fortes  d'applications  faites 
régulièrement  deux  ou  trois  fois  dans  la 
femaine  ,  plus  ou  moins  fouvent ,  félon  le 
befoin  &  le  genre  de  l'ongle  ,  préferveront 
Tome  XII. 


ENC  }i3 

l'animal  de  ces  événemens  .fâcheux  qui  le 
rendent  enfin  incapable  detre   utile. 

Mais  tous  ces  foins  feroient  fuperflus  , 
fi  l'on  ne  fixoit  fes  regards  fur  le  maré- 
chal chargé  d'entretenir  les  pies.  Il  eft 
une  méthode  de  les  parer  &  d'y  ajufter 
des  fers ,  dont  on  ne  peut  s'écarter  fans 
danger  \  &  de  plus  on  doit  craindre  , 
même  de  la  part  de  ceux  qui  font  les  mieux 
conformés ,  le  rétreciifement  dont  il  s'agit, 
lorfque  l'on  n'eft  pas  en  état  de  guider  la 
plupart  des  ouvriers  qui  gâtent  la  configu- 
ration de  l'ongle ,  &  qui  le  coupent  de  ma- 
nière à  en  provoquer  les  défe&uofités.  Voy. 
Ferrure ,  Fer  ,  Pantoufle. 

Cette  méthode  indiquée  dans  ces  articles 
eft  véritablement  telle ,  que  nul  cheval  ne 
peut  sencajleler  dès  qu'on  s'y  conformera 
fcrupuleufement  j  mais  fi  Xencafielure  exifte 
réellement ,  &  que  les  moyens  preferits , 
dans  le  cas  de  fon  exiftence  relativement  à 
la  ferrure ,  ne  produifent  aucun  effet ,  ou  ne 
dégagent  pas  allez  promptement  les  parties 
comprimées  &  plus  ou  moins  foufFran- 
tes  \  le  parti  le  plus  fur  eft  de  deiïbler  l'ani- 
mal (  voyei  Sole  )  ,  fans  perdre  un  temps 
précieux  à  afToiblir  les  quartiers  en  les  re- 
nettant  {voye{  Renettes)  ,  &  à  donner 
vainement  des  raies  de  feu  {voye{  Feu). 
Cette  opération  ,  par  le  feul  fecours  de  la- 
quelle nous  pouvons  élargir  à  notre  gré  les 
talons  ,  étant  bien  pratiquée  ,  il  n'eft  pas 
douteux  que  nous  procurerons  la  guérifon 
entière  d'une  maladie  qui  reparoîtra  bien- 
tôt ,  fi  nous  ne  parons  è  une  rechute  par 
des   foins  affidus.  (e) 

ENC  ASTER ,  v.  act.  terme  de  Faïancier  ; 
e'eft  placer  les  pièces  à  enfourner  dans  les 
gazettes  ,  de  manière  que  le  poids  des  fù- 
périeures  n'écrafe  point  ,  &  ne  déforme 
pas  les  inférieures. 

ENCASTILLAGE  ,  f.  m.  (  Marine.  ) 
c'eft  l'élévation  de  l'arriére  &  de  l'avant ,  & 
tout  ce  qui  eft  conftruit  dans  un  vaiifeau  , 
depuis  la  lifîè  de  vibord  julqu'au  haut.  Voy. 
ACASTILLAGE.   (  Z  ) 

ENCASTRER  ,  en  Architeclure  ,  c'eft 
enchâifer  ou  joindre.  On  enchâfle  par  eu- 
taille  ou  par  feuillure  une  pierre  dans  un» 
autre  ,  ou  un  crampon  de  fon  épaifleur 
dans  deux  pierres  pour  les  joindre.  On  4^t 
auffi  confîruire  par  encadrement.  (F) 

Rr 


3i4  EttC 

ENCASTRER,    Voyei   EMBOÎTER.    (P) 

ENCAUSTIQUE  ,  adj.  Fis  i:  (?#'*■  ) 
cfpece  de  peinture  pratiquée  par  les  anciens , 
&  qu'on  cherche  à  refîùfciter  aujourd'hui. 

Quelle  étoit  la  manœuvre  des  anciens  ? 
Les  méthodes  qu'on  propofe  en  approchent- 
elles  ,  ou  valent-elles  mieux  ?  Il  ne  refte 
d'eux  aucun  monument  en  ce  genre  :  on 
u'en  peut  donc  juger  que  d'après  les  auteurs. 

Pline  dit  ,  liv.  XXXV  ,  chap.  xj  :Xeris 
pingere  ac picluram  inurere ,  quis  primus 
excogitaverit,  non  confiât.  Quidam  Arifiidis 
inventum  putant ,  pofiea  c.onfummatum  a 
Praxitèle  ;  fedaliquanto  vetufiiores  encaufticae 
picluras  ext  itère ,  ut  Polygnoti ,  &  Nicanoris, 
&  Arcelfiai  ,  Pariorum.  Lyjippus  quoque  , 
Eginœ,  piclurce  fuœ  infcripfit  iviuMv^tti,  quod 
profeclo  non  fècijfet ,  mfi  encauftica  inventa. 
Pamphilus  y  quoque  Apellis  prœceptor ,  non 
pinxiffe  tanthm  encauftica  \fed  ztiam  docuijfe 
traditur  Paufiam  Sycionium  ,  pr-imum  in  hoc 
génère  nobilem.  «  On  ne  fait  pas  qui  le-pre- 
»  mier  imagina  de  peindre  avec  des  cires  & 
»  de  brûler  la  peinture.  Quelques  -  uns 
»  croient  que  c'eft  une  invention  d'Ariftide  , 
»  enfuite  perfectionnée  par  Praxitèle }  mais 
»  il  y  a  eu  des  peintures  encaufiiques  un  peu 
»  plus  anciennes,  comme  de  Polygnote  , 
3)  de  Nicanor ,  &  d'Arcéfilaiis  ,  de  Paros. 
»  De  plus ,  Lyfippe  d'Egine  écrivit  au  bas 
«  de  fa  peinture  ,  il  a  brûlé  ;  ce  qu'il  n'eût 
»  affurément  pas  fait ,  û  Xencaufiique  n'eût 
»  été  dès-lors  inventé.  On  dit  auiîî  que 
»  Pamphiïe  ,  maître  d'Apelle  ,  non  feule- 
»  ment  peignit  des  encaufiiques  ,  mais  en 
«  donna  des  leçons  à  Paufïas  ,  le  premier 
»  qui  fë  distingua  en  ce  genre.  » 

Nicias  ,  qui  s'y  diftingua  auffi ,  mit  à  ies 
tableaux  la  même  infcription  qu'Apelle  , 
ivimtv7(v  ,  félon  Pline  au  même  livre* 

Voilà  les  inventeurs  de  Y  Encaufiique  ;  en 
voici  les  efpeces ,.  on  a  trop  négligé  de  les 
diftinguer.  Dans  les  recherches  difficiles ,  il 
faut  s'aider  de  tout. 

Pline  dit  ,  /.  XXXV ,  c.  xj  :  Encaufio 
pingendi  duo  fuijje  antiquitus  gênera  confiât  , 
cera  &  in  ebore  ,  cefiro  ,  id  ifi  ,  viriculo  ; 
donec  clajfespingi  cœpêre.  Hoc  tertium  accef- 
fit  y  refolutis  igni  ceris  ,  penicillo  utendi  ; 
quce  piclura  in  navibus  ,  nec  foie  ,  hecfale  , 
jentifque  corrumpitur. 

y  II  eft  certain  qu'il  y  avoit  anciennement 


E  N  C 

»  deux  fortes  de  peintures  encaufiiques  ,  eu 
»  cire  ,  &  en  ivoire  ,  au  ceftre  ,  c'eft-à- 
»  dire  ,  au  touret  (  efpece  de-burin  ) ,  ju£ 
»  qu'à  ce  qu'on  eût  commencé  à  peindre  les 
»  vaiffeaux.  On  en  a  ajouté  une  troifîeme  r 
»  qui  eft  d'emp!o)Ter  au  pinceau  les  cires 
»  fondues  au  feu.  Cette  peinture  pratiquée 
»  dans  les  vaiffeaux ,  ne  s'altère  ni  par  le 
»  fbleil ,  ni  par  l'eau  ,  ni  par  les  vents.  » 

Il  paroit  qu'avant  tout  cela  l'on  avok 
déjà  une  manière  d'emplo)'er  la  cire  au  feu 
&  à  la  broife ,  &  que  ces  trois  fortes  de  pein- 
tures encaufiiques  n'en  font  qu'une  extenfion.. 
Voici  ce  qu'en  dit  Vitruve  T  liv.  VII ,  ch.  ix  r 
Cum  paries  expoli  tus  &  aridus  fusrit  ,   tune 
ceram  puniceam  igni  liquefaâam  ,  paulo  oleo 
temperatam  ,  fetâ  inducat.  Deinde  pofiea  car- 
bonibus  inferreo  vafe  compofitis  ,  eam  ceram,, 
cum  pariete  calefaciendo  fudare  cogat ,  fiai que 
ut  percvquetur.  Pofiea  cum  candela  lintei/que 
puris  fu-bigat ,    uti  Jigna  marmorta  nuda  cu- 
rantur.    Hccc  autem  /.*vti;   Grcecè    dicitur». 
«  Quand  le  mur  fera  poli  &  fec ,  qu'on  l'en- 
»   duifè  à  la  broife  ,.  de  cire  de  Carthage 
»  fondue  an  feu ,  &  mêlée  d'un  peu  d'huile^ 
»  Après  cela  qu'on  mette  des  charbons  dans 
-»  un  vafè  de  fer  j  qu'en  chauffant  on  faiîe 
»  fuer  la  cire  avec  le  mvx  ,  jufqu  a  ce  que 
»  tout  foit  égal.   Enfuite  qu'en  le  frotte 
•)>  avec  une  toile  cirée  ,  &  qu'on  le  polilfe 
»  avec  des  linges  nets ,  comme  on  fait  aux: 
»  ftatues  de  marbre.  C'en:  ce  que  les  Grecs 
»   appellent  caufis^  uftion.  » 

Voilà  un  vernis  encaufiique  &  à  la  cire  ? 
dans  toute  la  rigueur  des  termes.  Cette 
manœuvre  ,  ignorée  fans  doute  des  reft.au- 
rateurs  de  l'ancien  encaufiique ,  répand,  ce 
me  femble,  du  jour  fur  l'obicurité  de  Pline, 
puilqu'eîle  décide  à  la  fois  ,  &  la  réalité  de 
I  inuftion  ,  &  fa  manière.  Elle  s'applique 
d'elle-même  à  la  peinture  ,  &  ne  permet 
plus  de  difpute  ,  ni  au  grammairien  fur  le 
fens  àiurerey  ni  au  peintre  iur  le  procédé. 
Pline  fait  mention  de  ce  vernis  au  livre 
XXXIII  ;  mais  il  ne  dit  pas  un  mot  de  Tuf- 
tion  :  or  on  s'en  eft  rapporté  à  Pline  ,  & 
voilà  d'où  eft  venu  l'embarras. 

Ce  n'eft  qu'en  fuppofantune  uftion  réelle  , 
que  le  dyftique  fiiivant  a  un  fèns  net  : 

Encaufius  Fbaeton  tabula  deftiftus  in  ijîa  efi  : 
QjHtd  tibi  'vis ,  Dipyron  qui  Fhaetonta  facisl 
Martial ,  /;'v.  IV.  E^r.  xlvij. 


E  N  C 

»  Ce  tableau  eft  un  Phaëton  brûlé  :  Pour- 
»  quoi  Phaëton  eft-il  brûlé  deux  fois  ?  » 

Preuve  que  l'uftion  ne  fe  faifoit  qu'après 
la  peinture. 

Autre  obfèrvation.  AufTitôt  qu'il  s'agit 
des  anciens  ,  on  n'imagine  que  du  parfait , 
fans  fuivre  les  progrès  de  l'art.  Cela  eft  fort 
à  leur  honneur  ;  mais  ce  n'eft  point  la  mar- 
che de  l'efprit  humain ,  &  il  n'eft  pas  ab- 
furde  que  les  anciens  ,  avec  d'excellëns 
iculpteurs  ,  n'aient  eu  que  de  médiocres 
peintres. 

ïls  avoient  un  vernis  encaufîique  à  la  cire  ; 
ils  imaginèrent  de  teindre  la  cire  ,  pour  la 
fubftituer  à  la  détrempe  \  mais  il  ne  faut  pas 
croire  qu'ils  en  eulfent  de  trente-fîx  couleurs. 
Pline  ,  liv.  XXXV ,  chap.  vij.  en  nomme 
quelques-unes  ,  &  dit  :  cerœ  tingumur iifdem 
Jiis  coloribus  ad  eas  picluras  quœ  inuruntur. 
)>  C'eft  avec  ces  couleurs  qu'on  teint  les 
•>.>   cires  pour  les  peintures  qui  fe  brûlent.  » 

Il  dit  plus  pofîtivement  ailleurs ,  qu'autre- 
fois les  peintres  ,  &  Polygnote  entr'autres  , 
n'employoient  que  quatre  couleurs, le  blanc, 
le  jaune  ,  le  rouge ,  &  le  noir ,  &  toutes 
très-communes.  Ils  n'avoient  ni  bleu  ,  ni 
verd. 

Ce  ne  fut  pas  d'abord  des  peintures  au 
pinceau  :,  ils  gravoient }  ils  imaginèrent  d'en- 
luminer leurs  gravures.  La  détrempe  avoit 
peu  de  confiftance }  ils  employèrent  leurs 
cires  colorées ,  &  l'uftion  en  fit  des  encaufii- 
ques.  Quelle  que  fût  d'ailleurs  leur  manœu- 
vre ,  car  faute  de  guide  on  ne  peut  faire  ici 
que  des  conjectures  hafardées  ,  on  conçoit 
que  ces  manières  durent  précéder  Xencaufti- 
que  au  pinceau ,  qui  évidemment  étoit  plus 
difficile.  On  conçoit  encore  que  ces  peintu- 
res dévoient  être  afTez  groftïeres  ,  &  ceci 
n'eft  point  une  idée  de  fyftême. 

Quintilien  en  parle  ainfi ,  liv,  X.  Primi 
quorum  quidem  opéra  non  vetuffatis  modo 
gratiâ  vifendafunt ,  clari  piâores  fuijfe  dicun- 
tur  Polygnotus  atque  Aglaophon  ,  quorum 
fimplex  color  tam  fui  ftudiofos  adhuc  habet , 
ut  illa  propc  rudia ,  ac  v dut  futur œ  mox  artis 
primo  rdia  maximis  quipofl  eos  extiterunt^  auc- 
toribus  prœferantur,  proprio  quodam  intelli- 
gendi  (  ut  mea  fert  opinio  )  ambitu.  et  Les 
»  premiers  peintres  célèbres  dont  on  doit 
»  voir  les  ouvrages  ,  non  pas  feulement 
»  parce  qu'ils  font  anciens ,  font  Polygnote 


E   N   C  "         31  y 

»  &  Aglaophon.  Leur  coloris  fimpîe  a  eu- 
»  core  des  partifans  lî  zélés ,  qu'ils  préfèrent 
»  ces  préludes  groffiers  de  l'art  qui  alloit 
»  naître ,  aux  ouvrages  des  plus  grands  maî- 
»  très  qui  ont  paru  après  eux  j  ôc  cela ,  je 
»  penfe ,  -par  une  certaine  affectation  d'in- 
»  telligeuce  qui  leur  eft  particulière,  » 

Zeuxis  qui ,  félon  le  même  Quintilien  , 
inventa  le  premier  l'art  des  ombres  &  des 
clairs  ,  montra  un  art  qui  vraifemblable- 
ment  ne  fut  pas  fort  cultivé }  car  le  même 
auteur  dit ,  liv.  VIII ,  ch.  v  :  Nec  piclura  in 
qua  nihil  circumlitum  efï  eminet.  Idevque  arti- 
fices ,  eiiam  cum  plura  in  unam  tabulam  opéra 
contulerunt ,  fpatiis  diflinguunt ,  ne  umbrœ 
in  corpora  cadant.  ce  La  peinture  ne  fort  point , 
»  fi  'les  entours  des  corps  ne  font  ombrés. 
»  Auffi  les  artiftes  qui  ont  mis  plufieurs 
»  figures  dans  un  tableau ,  laifTent  entr'elles 
»  des  intervalles ,  pour  que  les  ombres  ne 
»  tombent  pas  fur  les  figures.  »  C'eft-à-dire  , 
qu'ils  n'entendent  guère  ni  le  clair-obfcur  , 
ni  les  reflets  ,  ni  la  dégradation  des  teintes , 
&  toutes  les  finenes  de  la  perfpeclive ,  qui 
font  le  charme  de  la  peinture  :  auffi  leurs 
compofîtions  n'étoient  pas  chargées  ,  & 
tout  devoit  y  être  diftribué  fur  les  devans  , 
comme  dans  leurs  bas-reliefs. 

Cela  devoit  être  encore  plus  dans  Yencauf- 
tique  au  pinceau ,  par  l'embarras  de  manier 
les  cires.  De  là  vient  que  Paufias  ne  faifoit 
guère  que  de  petits  tableaux,  &  fur- tout  des 
enfans.  Ses  envieux  en  donnoient  pour 
raifon ,  que  cette  efpece  de  peinture  étoit 
lente  \  c'eft  pourquoi  voulant  donner  de  la 
célébrité  à  fbn  art ,  il  acheva  dans  un  jour 
un  tableau  qui  repréfentoit  encore  un  enfant. 
Cette  production  parut  fi nguliere ,  puifqu'on 
lui  donna  un  nom  ,  «^êfns-io, ,  peinture  dun 
jour.  Pline  qui  rapporte  ces  faits ,  liv.  XXXV , 
chap.  xj ,  ajoute ,  comme  quelque  chofe  de 
remarquable  ,  que  Paufias  peignit  auffi  de 
grands  tableaux  ^  &  il  fait  ailleurs  la  même 
obfèrvation  fur  Nicias  :  fecit  &  grandes 
picluras. 

En  effet  la  difficulté  étoit  toute  autre.  On 
conçoit  qu'en  petit  le  peintre  pouvoit  donner 
au  bois  pardeffous,  un  degré  de  chaleur 
capable  de  maintenir  à  un  certain  point  la 
liquidité  des  cires ,  pourfendre  Ces  teintes  , 
&  donner  aux  couleurs  leur  ton  }  au  lieu 
qu'en  grand  ,  il  falloit  travailler  à  grands 

Rri 


3i*  E  N  C 

coups  de  brofle  &  avec  une  main  fûre , 
comme  dans  la  frefque ,  fans  autre  refTource 
pour  retoucher  fbn  tableau  ,  que  le  moment 
même  de  l'inuftion  }  laquelle  ne  pouvant  fe 
faire  que  pardevant ,  de  voit  gêner  la  main 
de   l'artifte. 

Cet  encavjlique  étoit  fans  doute  bien  plus 
praticable  dans  les  vaiflèaux ,  où  il  falloit 
plutôt  de  grandes  &  bonnes  ébauches  ,  que 
des  peintures  finies  avec  le  dernier  fbin  \ 
car  ce  n  etoit  pas  feulement  des  couleurs 
appliquées  ,  mais  des  figures  j  quand  Pline 
ne  l'auroit  pas  dit,  Ovide  le  prouveroit  : 

"Et  piila   coloribui  ujlis 

Çœlefiùm  matrem  concava  puppis  habet. 

Fafi.  liv.  IF.  verf.  ij\. 

y>  Et  la  pouppe  repréfente  la  mère  des 
»  dieux  peinte  en  couleurs  brûlées.  » 

Qu'on  ne  dife  point  que  fi  ces  tableaux  en- 
cauftiques  avoient  été  imparfaits  ,les  Romains 
n'en  auraient  pas  fait  fi  grand  cas.  Ils  étoient 
eftimables  fans  doute  \  mais  c  etoit  par  la 
noblefle  des  idées  &  l'élégance  du  de/fin  , 
fur-tout  dans  un  temps  où  le  faux  brillant 
&  le  mauvais  goût  faifoient  abandonner  la 
nature ,  au  moment  que  les  Grecs  l'avoient 
à  peine  faifie.  Je  parle  d'après  Vitruve  , 
liv.  VII ,  ch.  v.  Et  de  fon  temps ,  avec  des 
couleurs  plus  fines  &  plus  chères,  on  ne 
voyoit  que  des  idées  fauffesck  fans  art,  telles 
à-peu-près  que  ces  ornemens  bizarres  dont 
ïbnt  chargés  nos  anciens  manufcrits.  Nous 
les  traitons  de  gothiques ,  &  c  eft  du  goût 
Romain,  ck  du  meilleur  fiecle.  De  plus, 
cette  peinture  avoit  fur  la  détrempe  l'avan- 
tage d'une  vigueur  &  d'une  fblidité  à  l'é- 
preuve de  l'air ,  du  foleil  &  des  vers  ;  comme 
elle  en  a  un  autre  fort  confidérable  fur  notre 
peinture  à  l'huile,  celui  d'un  mat  uniforme: 
'd'où  réfulte  une  harmonie  flatteufe  ,  &  in- 
idépendante  des  jours. 

On  doit  voir  à  préfènt  ce  que  c'étoit  que 
Vencaufiique  des  anciens.  Ceux  qui  ont  tra- 
vaillé à  nous  le  reftituer  ,  paroiffent  n'avoir 
pas  feulement  penfé  aux  deux,  premières 
efpeces  ,  &  vraifemblablement  il  n'y  a  pas 
grand  mal.  Ne  nous  occupons  donc ,  comme 
eux ,  que  de  la  troifieme ,  de  Vencaufiique 
au  pinceau.  Voici  le  réfultat  de  tout  ce  qui 
précède  ,  &  Tordre  des  opérations. 

j°.  Ils  avoient  des  cires  colorées ,  ctrœ 


E  N  C 

tinguntur  iifdem  his  coloribus.  Ces  cires 
étoient  peut-être  mêlées  d'un  peu  d'huile  , 
pour  les  rendre  plus  fuiîbles  &:  moins  caf- 
fantes^paulb  oleo  temperatam  ;  &  ils  les  con- 
fervoient  dans  des  boites  à  compartimens, 
dit  Varron  ,  liv.  II  de  re  rufi.  Pi  clore  s  locu- 
latas  habent  arculas  ,  ubi  difcolores  funt 
cerce  ;  fi  cependant  ces  boîtes  n'ëtoient  pas 
pour  les  tenir  en  fufion. 

2°.  Ils  faifoient  fondre  ces  cires  &  les 
employoient  au  pinceau,  refolutis  igni ceris9 
penicillo  utendi;  foit  qu'ils  fiffent  leurs  tein- 
tes dans  des  godets  chauds  ,  foit  au  bout 
du  pinceau  ,  comme  font  quelquefois  nos 
peintres. 

3.  Ils  fixoient  leur  tableau  par  l'inuftion  r 
piâuram  inurere.  Je  dis  leur  tableau  ,  parce, 
que  le  mot  piâura  ne  fignifie  point  des 
couleurs ,  mais,  ou  fart  de  peindre  ,  ou  le 
tableau.  Ils  les  fixoient  avec  un  réchaud  plein: 
de  charbon  qu'ils  promenoient  à  la  fùrface  : 
carbonibus  in  ferreo  vafe  compojltis^  comme 
dit  Vitruve.  Cefirreum  vas ,  ce  réchaud  étoit- 
fans  doute  le  même  infiniment  dont  il  eft 
fait  mention  dans  le  digefte  fous  le  nom  de 
cauteria.  * 

40.  Enfin  ,  ils  frottoient  &  poliflbient  le, 
tout  avec  des  linges  nets  ,  linteis  puris  fubir 
gai;  opération  qui  doit  donner  l'éclat  du  ver- 
nis ,  fans  en  avoir  les  défauts. 

Toute  peinture  qui  ne  remplira  pas  ces 
conditions,  les  trois  premières  fur-tout,  ou 
qui.  ne  les  remplira  pas  clans  cet  ordre  , 
pourra  égaler  ,  furpaflèr  même  Vencaufiique 
des  anciens ,  mais  ne  fera  jamais  leur  en- 
caujlique. 

C  eft  l'art  de  peindre  avec  des  cires  colo- 
rées, &  de  fixer  la  peinture  par  l'inuftion^ 
&  ce  n'eft  que  cela.  Ce.  même  art ,  qu'on 
appelloit  communément  encaufiique  ,  inuf- 
tion,  Callixene  de  Rhodes ,  dans  Athénée, 
le  nomme  *nroy  çeuptav ,  peinture  en  cire.  Iî 
n'y  en  avoit  qu'un. 

Voilà,  je  crois ,  des  principes  incontefta- 
bles  ck  fuffifans  pour  apprécier  fûrement 
toutes  les  manières  de  peindre  à  la  cire, 
connues  jufqu  a  préfènt.  Nous  les  devons  à 
M.  le  comte  de  Caylus ,  &  à  M.  Bachelier , 
peintre  }  ce  font  les  feuls  qui  puiflènt  pré- 
tendre au  titre  d'inventeurs  ou  de  reftaura- 
teurs  de  Vencaufiique.  Ceux  qui  nous  ont 
donné  des  ouvrages  dans  ce  genre  5  ne  font 


ENC 

que  leurs  difciples ,  puifqu'ils  n'ont  travaillé 
qae  d'après  eux. 

M.  le  comte  de  Caylus  a  publié  cinq  ma- 
nières ,  dont  les  quatre  premières  font ,  félon 
lui  ,  autant  de  vrais  encaufiiques. 

"Première  manière  de  peindre  en  cire  ,  félon 
M.  de  Caylus. 

Couleurs,  teintes  ,  peinture  ,  tout  fe  pré- 
pare &  fe  finit  au  bain-marie. 

i°.  Au  lieu  de  pierre  à  broyer  ,  faites 
conftruire  une  efpece  de  coffre  de  fer-blanc 
de  feize  pouces  quarrés  fur  deux  &  demi 
de  hauteur  ,  bien  foudé  par-tout ,  &  fans 
autre  ouverture  qu'un  goulot  un  peu  élevé 
pour  le  remplir  d'eau.  Sur  la  furface  quarrée 
du  côté  de  laquelle  le  goulot  s'élève ,  faites 
appliquer  &  attacher  avec  huit  tenons  de 
fer-blanc  ,  une  glace  de  l'épaifïèur  ordi- 
naire ,  qui  ne  foit  qu'adoucie  ,  &  qui  con- 
serve affez  de  grain  pour  broyer  les  couleurs  : 
elles  glifferoient  fur  une  glace  polie.  Rem- 
pliriez à-peu-près  ce  coffre  d'eau  ,  mettez- 
le  fur  le  feu  ,  chargez  la  glace  de  cire  &  de 
couleurs  \  la  cire  fondra  ,  &  vous  broierez 
avec  une  molette  de  marbre  que  vous  aurez 
eu  la  précaution  de  faire  chauffer.  Enlevez 
la  couleur  broyée  avec  un  couteau  pliant  d'i- 
voire \  mettez-la  refroidir  ,  &.  préparez  de 
même  les  autres  couleurs,, 

2°.  Au  lieu  de  godets  ordinaires  ,  ayez 
un  autre  coffre  de  fer-blanc  avec  fon  gou- 
lot de  la  même  hauteur  ,  &  affez  grand 
pour  y  percer  fymmétriquement  dix  -  huit 
trous  ronds  de  quinze  lignes  de  diamè- 
tre. Dans  ces  trous  ,  foudez  autant  de  go- 
dets de  fer  -  blanc  d'un  pouce  de  profon- 
deur y  de  façon  qu'ils  plongent  dans  le 
coffre.  Dans  ces  godets  ,  mettez-en  d'au- 
tres de  cryftal  .  pour  n'avoir  rien  à  crain- 
«ic  «c  fétain  dû  fer- blanc.  Rempliffez  le 
coffre  d'eau  bouillante  j  les  cires  colo- 
rées fondront,  &  feront  en  état  d'être  em- 
ployées. 

3°.  Au  lieu  de  palette ,  ayez  un  troifieme 
coffret  couvert  cfune  glace  adoucie  ,  & 
toute  fémblable  à  la  machine  à  broyer  \  rem- 
jpliffez-le  d'eau,  bouillante  ,  &  formez  vos 
teintes. 

4°.  Au  lieu  de  chevalet ,  ayez  encore  un 
coffre  de  fer- blanc  fémblable  au  premier  , 
inais  plus  grand  ,  &.  dont  la  face  fupérieure 


E  N  C  317 

fbit  de  cuivre  d'une  ligne  d'épaiffeur  , 
avec  une  couliffe  de  chaque  côté  pour  re- 
cevoir &.  afîujettir  la  planche  fur  laquelle 
vous  allez  peindre  (  car  il  ne  s'agit  point 
ici  de  peindre  fur  toile.  )  Seulement  à  l'an  • 
gle  oppofé  au  goulot  ,  vous  ferez  fouder 
un  robinet ,  pour  pouvoir  vuider  &  remplir 
quand  il  faudra  reuouveller  l'eau  bouillan- 
te ,  fans  cependant  expofèr  les  cires  à  cou- 
ler. 

50.  Enduifez  le  côté  de  la  planche  fur 
lequel  vous  devez  peindre  ,  de  plu  fleurs 
couches  de  cire  blanche  ,  dont  vous  fondrez 
les  premières  avec  une  poêle  pleine  d'un 
brafier  ardent ,  pour  les  faire  entrer  dans  le 
bois  ,  comme  le  pratiquent  le  ébéniftes. 
Pour  plus  grande* précaution  ,  &  de  peur 
que  la  planche  ne  fe  voile  par  la  chaleur  , 
compofèz-la  de  trois  petites  planches  d'une 
ligne  d'épaiffeur  ,  collées  l'une  fur  l'autre  ^ 
de  façon  que  leurs  fibres  fe  croifent  à  angles 
droits. 

6°.  Enfin ,  ajuftez  la  planche  dans  les  cou- 
lilîès  ,  &■  peignez. 

Voilà  des  cires  colorées.  On  peint  avec: 
ces  cires  colorées  \  mais  on  ne  brûle  point 
la  peinture  ,  il  n'y  a  point  d'inuftion  ,  la 
troifîeme  condition  manque  :  c'eft  donc  une 
peinture  en  cire  ,  &.  non  ïencaujlique  des 
Grecs, 

D'ailleurs,  la  multiplicité  des  machines ,, 
d'une  part  j  de  l'autre ,  la  difficulté  d'avoir 
8c  d'entretenir  toujours  de  l'eau  au  degré 
de  chaleur  convenable  ,  rendent  cette  ma- 
nière rebutante  ,  &  les  effets  ne  fatisfont 
point  un  goût  difficile,  quoique  peut-être 
la  manière  des  Grecs  fut  encore  plus  im- 
parfaite. 

Ajoutez  qu'on  ne  peut  peindre  qu'en 
bois  ,  &  en  petit  \  ce  qui  borne  trop  l'art. 
M.  de  Caylus  ,  qui  porte  luiTinême  ce 
jugement  de  cette  première  manière  de 
peindre  ,  s'eft  déterminé  par  ces  raifbns  à 
chercher  des  moyens  plus  faciles  &t  plus 
fur  s. 

Seconde  manière  de  peindre  en  cire  ,  félon  M* 
de   Caylus.. 

Prenez  des  cires  colorées  ,  préparées 
comme  dans  la  manière  précédente  ;  faites- 
les  fondre  dans  l'eau  bouillante  }  une  once 
de  cire ,  par  exemple  s  dans  huit  onces 


*i8  E  N  C 

d'eau.  Quand  elles  feront  fondues ,  battez- 
les  avec  une  fpatule  d'ivoire  ou  avec  des 
ofiers  blancs ,  jufqu'à  ce  que  l'eau  foit  re- 
froidie. La  cire  ,  par  cette  manœuvre  ,  fe 
divifèra  en  petites  molécules  ,  &  fera  une 
efpece  de  poudre  qui  nagera  dans  l'eau,  6c 
que  l'on  confèrvera  toujours  humide  dans 
un  vafe  bouché ,  parce  que  fi  elle  étoit  fe- 
che  ,  les  molécules  fe  colleroient  &  ne 
pourraient  fervir. 

Ces  cires  ainfi  préparées  ,  mettez  dans 
des  godets  une  portion  de  chacune  ,  & 
travaillez  avec  des  pinceaux  ordinaires  , 
comme  fi  vous  peigniez  en  détrempe.  VouS| 
ne  formerez  cependant  point  les  teintes  fur> 
ïa  palette  avec  le  couteay ,  car  la  cire  feroit 
expofée  à  fe  peloter  j  mais  au  bout  du  pin- 
ceau. Il  convient  de  peindre  fur  le  bois  à 
cru  }  mais  on  peut  aufîi  opérer  fur  un  enduit 
de  cire. 

Le  tableau  étant  achevé  ,  vous  viendrez 
à  l'inuftion  ,  &  vous  fixerez  la  peinture 
avec  le  réchaud  du  doreur. 

Voilà  tout  ce  que  preferit  M.  de  Caylus. 
Les  trois  conditions  font  obfervées  \  c'eft 
un  véritable  encaujlique  :  il  n'y  a  point  d'ob- 
jection à  faire  là-defliis.  Voici  feulement  une 
difficulté. 

Un  artifte  ,  très-verfé  dans  la  peinture  en 
cire  ,*  croit  cette  manière  impraticable  \ 
parce  que  l'ayant  effayée  avec  toutes  fortes 
d'attentisns  ,  il  n'a  jamais  pu  y  reuflir.  Il  y 
a  fans  doute  quelque  omifiion  de  pratique 
qu'il  n'a  pu  fuppléer  ,  &  qui  fait  tout  fon 
embarras.  Si  l'on  pouvoit  honnêtement 
propofer  que  M.  Vien  ,  qui  connoît  tout 
l'art  de  M.  de  Caylus  ,  &  M.  Bachelier 
travaillaient  enfemble  dans  un  attelier  com- 
mun &  ouvert  à  tout  le  monde  ,  chacun 
félon  fa  manière  ,.le  public  pourroit  favoir , 
fans  équivoque ,  je  ne  dis  pas  ce  qu'il  y  a 
de  vrai  dans  leurs  manœuvres  ,  mais  à  quel 
point  elles  font  poffibles.  Dans  les  inventions 
nouvelles ,  les  doutes  doivent  paroître  par- 
donnables •,  plus  on  eftime  une  découverte  , 
plus  il  eft  naturel  de  vouloir  s'éclaircir.  Nous 
pouvons  affurer  que  M.  Bachelier  ne  s'y  re- 
fufèra  pas. 

Au  refte ,  M.  de  Caylus  juge  lui-même 
cette  manière  embarraffante  &  bornée  ,  & 
Il  en  a  cherché  d'autres. 

Il  faut  obferver  pour  ces  deux  premières, 


E  N  C 

que  les  différentes  couleurs  ne  prennent  pas 
la  même  quantité  de  cire  :  on  en  verra  les 
rapports  ck.  les  dofes  dans  le  détail  de  la 
cinquième  manière.  Je  le  diffère  ,  pour  ne 
point  me  répéter  ni  m'interrompre. 

Troifieme  manière  de  peindre  en  cire. 

Ayez  une  planche  ,  cirez-la  en  la  tenant 
horizontalement  fur  un  brafier  ardent  ,  & 
en  frottant  la  furface  chauffée  avec  un  pain 
de  cire  blanche.  Continuez  cette  opération 
jufqu'à  ce  que  les  pores  du  bois  aient  abforbé 
autant  de  cire  qu'ils  en  peuvent  prendre  : 
continuez  encore  ,  jufqu'à  ce  qu'il  y  en  ait 
pardeffus  environ  l'épaifTeur  d'une  carte. 
Voilà  une  planche  imprimée  à  ïencaujli- 
que. 

Cela  fait ,  ayez  des  couleurs  dont  on  fait 
ufage  à  l'huile,  mais  préparées  à  l'eau  pure, 
ou  légèrement  gommées.  Ces  couleurs  ne 
prendront  point  fur  la  cire  ,  ou  ne  s'atta- 
cheront que  par  plaques  irrégulieres. 

Pour  remédier  à  cet  inconvénient,  prenez 
quelque  terre  crétacée ,  par  exemple  ,  du 
blanc  d'Efpagne  j  répandez-en  fur  la  cire  en 
poudre  très -fine  j  frottez-la  légèrement  avec 
un  linge  ,  il  reliera  fur  la  cire  une  pouf- 
fîere  de  ce  blanc  :  peignez  enfuite  ,  &  les 
couleurs  prendront.  La  peinture  achevée  , 
préfentez-la  au  feu  ,  &  faites  l'inuftion. 

Voilà  un  procédé  très-iugénieux  \  il  peut 
être  commode  ,  s'il  eft  poflible  de  retou- 
cher fbn  ouvrage  ,  du  moins  fans  répéter 
l'intermède  de  la  pouffiere  blanche  j  ce  qui 
laifferoit  toujours  de  l'embarras  :  c'eft  un 
encaujlique  ,  c'eft  même  ,  fi  l'on  veut ,  un 
double  encaujlique.  Mais  il  paroît  mal  ré- 
pondre aux  conditions  néceffaires  pour  Ven- 
cauflique  des  anciens.  La  première  de  ces 
conditions  eft  que  ce rœ  tingantur  coloribus  : 
ici  ce  ne  font  point  des  cires  teintes  de 
couleurs  avec  lefquelles  on  peint ,  ad  eas 
picluras  quee  inuruntur  ;  mais  des  couleurs 
fondues  par  l'inuftion  dans  des  cires  qui 
ont  déjà  fbuffert  l'inuftion  elles-mêmes.  Mais 
qu'importe ,  fi  cette  peinture  a  les  vrais  avan- 
tages de  l'ancien  encaujlique ,  le  beau  mat,  la 
vigueur  &:  la  folidité  ? 

Quatrième  manière  de  peindre  en  cire  ,  félon 
M.  de  Caylus. 

Cette  manière  n'eft  qu'un  renverfement 
de  la  précédente.  Dans  l'autre  ,  la  cire  eft 


ENC 

placée  avant  &  fous  les  couleurs  :  dans 
celle-ci  on  la  met  après  &  cleffus  \  elle  a 
Jes  mêmes  avantages  &  aufîî  le  même 
défaut ,  fi  c'en  eft  un. 

Peignez  à  gouache ,  à  la  façon  ordinaire , 
fur  une  planche  très-unie  :  le  tableau  ter- 
miné ,  faites  chauffer  de  la  cire  blanche , 
afîèz  pour  pouvoir  l'étendre  avec  un  rou- 
leau fur  une  glace  ou  fur  un  marbre  hu- 
mide un  peu  échauffé  ,  jufqu'à  ce  qu'elle 
foit  mince  comme  une  carte  à  jouer  3  cou- 
vrez le  tableau  de  ces  lames-  de  cire  ,  & 
faites  l'inuftion. 

Ces  deux  manières  ont  fuggéré  à  M.  de 
Caylus  une  nouvelle  façon  de  peindre  à 
l'huile  :  c'eft  de  travailler  à  gouache  fur  une 
toile  à  cru  ,  en  obfervant  feulement  de 
n'employer  que  les  couleurs  dont  on  fe 
fèrt  à  l'huile  3  &  les  couleurs  féchées,  d'hu- 
me&er  le  tableau  par  derrière  avec  de 
l'huile  de  pavot  y  appellée  follette  ,  laquelle 
jaunit  moins  que  les  autres  :  cette  huile 
s'étendra ,  pénétrera  les  couleurs ,  fera  corps 
avec  elles  3  &c  le  tableau  fera  auffi  folide  que 
de  la  façon  ordinaire  ,  &.  peut-être  fans 
aucun  luifant.  Au  lieu  d'huile  ,  on  pour- 
roit  employer  un  vernis  blanc  gras  ,  fîcca- 
tif.  C'eft  aux  artiftes  &  à  l'expérience  ,  dit 
M.  de  Caylus  ,  à  juger  du  mérite  de  cette 
petite  nouveauté. 


Cinquième  manière  de  peindre  en  cire  ,  félon 
M.  de  Caylus  )  laquelle  nejl  ni  encaujli- 
que  ,  ni  donnée  pour  telle. 

Cette  méthode  confifte  à  compofèr  des 
vernis  avec  des  réfines  folubles  dans  l'effence 
de  térébenthine  ,  &  avec  un  corps  gras  3 
à  faire  fondre  la  cire  dans  ces  vernis ,  à 
ajouter  des  couleurs  à  ce  mélange  ,  &  à 
peindre  à  l'ordinaire  avec  ces  couleurs  ainfi 
préparées. 

On  fait  plufieurs  vernis  ,  pour  s'accom- 
moder plus  aifément  aux  différentes  efpeces 
de  couleurs.  Ces  vernis  iè  réduifent  à 
cinq  : 

i°.  Vernis  blanc  très-gras  3 .  2°.  vernis 
blanc  moins  gras  3  30.  vernis  blanc  fée  3 
4°.  vernis  le  moins  doré  3  50.  vernis  le 
plus  doré. 

Préparation  des  vernis. 

Pour  le  vernis  blanc  très-gras  ,  prenez 
de  la  réfine  appellée  maftic  3  mettez-eu  2 


EN  G  31^ 

onces  6  gros  dans  20  onces  d'eflence  dâ 
térébenthine  :  diffolvez  dans  un  matras  à 
long  cou  ,  au  bain  de  fable  3  ajoutez  à  la 
difîblution  6  gros  d'huile  d'olive  ,  que  vous 
aurez  fait  bouillir  dans  un  matras  très- 
mince  ,  &  que  vous  aurez  filtrée  :  filtrez 
votre  mélange  3  ajoutez-y  autant  d'eflence 
qu'il  en  faut  pour  que  le  tout  faffe  un  poids 
de  24  onces  ,  &  vous  aurez  le  vernis  blanc 
très -gras. 

Pour  le  vernis  blanc  moins  gras  ,  tout 
de  même ,'  finon  qu'au  lieu  de  6  gros'd'huile  , 
vous  n'y  en  mettrez  que  4. 

Pour  le  vernis  blanc  fec  ,  feulement  2 
gros  d'huile  3  le  refte  de  même. 

Pour  les  vernis  dorés  :  prenez  de  M'ambre 
jaune  ,  le  plus  beau  3  faites-le  fondre  à  feu 
modéré  dans  une  cornue ,  ou-encore  mieux  r 
dans  un  pot  de  terre  neuf  &  verniffé.  Il 
faut  que  l'ambre  foit  entier  y  &  n'occupe 
que  le  tiers  ,  ou  tout  au  plus  la  moitié  du 
vafè  ,  parce  qu'il  fe  gonflé  &  s'élève  en 
fondant.  L'ambre  étant  bien  fondu  &  en- 
fuite  refroidi  ,.  vous  le  mettrez  en  poudre. 
Pour  lors ,  faites-en  diffoudre  2  onces  6  gros 
dans  20  onces  d'eifence  de  térébenthine  3 
ajoutez  7  gros  d'huile  d'olive  cuite  ,  comme 
ci-deffus  :  filtrez  le  mélange  avec  un  papier 
gris  :  remplacez  ce  qui  fera  évaporé  d'ef^ 
fènee  3  ajoutez-en  affez  pour  que  le  tout 
pefe  24  onces  ,  &  conferyez-le  dans  une 
bouteille  bien  fermée. 

Pour  faire  le  vernis  le  plus  doré  ,  vous 
obferverez  feulement  de  lailfer  l'ambre  fur 
le  feu  trois  ou  quatre  heures  de  plus,  pour 
lui  donner  une.  couleur  plus  haute.  Il  n'y 
a  point  d'autre  différence. 

Préparation    des    couleurs  ,    &  proportion- 
des   ingrédiens.. 

Remarquez  que  les  rapports  que  vous 
allez  voir  entre  les  dofes  de  couleurs  &  de 
cire,  font  les  mêmes  qu'il  faut  employer 
pour  les  deux  premières  méthodes. 

Cérufe  8  onces  3  cire  4  ~  3  vernis  blanc 
très- gras  9. 

Blanc  de  plomb  8  onces  3  cire  4  \  3  même  ■ 
vernis  8. 

Mafficot ,  comme  le  blanc  de  plomb. 

Jaune  de  Naples  8  onces  3  cire  43  vernis 
blanc  le  moins  gras  8. 

Ocre  jaune  5  onces  3  cire  54  vernis  ik 


'3io  E  N  C 

moins  doré  9 ,  &   10  du  même  pour  l'ocre 

de  rue. 

Stil  de  grain  jaune  le  plus  léger  4  onces  j 
cire  5  j  vernis  blanc  le  moins  gras  9. 

Stil  de  grain  d'Angleterre  même  dofe  , 
mais    avec  le  vernis  le  plus  doré. 

Orpin  jaune  ou  rouge  6  onces  ',  cire  2,  j 
vernis  blanc  le  moins  gras  3  5. 

Laque  très-fine  4  onces  j  cire  5  j  vernis 
moins  doré  9  £. 

Carmin  pur  ,  comme  laque. 

Verriîillon  6  onces  j  cire  2.  j  vernis  moins 
doré  3  y. 

Rouge  brun  d'Angleterre  6  onces  ;  cire 
4  J  ;  vernis  le  plus  doré  8. 

Terre  d'Italie  5  onces  j  cire  5  }  vernis  le 
plus  doré  9. 

Outre-mer  1  once  j  cire  6  gros }  vernis 
blanc  le  moins  gras  10  à  11  gros. 

Bleu  de  PrufTe  le  plus  beau  2 1  onces  j 
cire  $  ;  vernis  blanc  le  moins  gras  9. 

Cendre  bleue  4  onces  j  cire  2.  j }  vernis 
blanc  le  moins  gras  4^. 

Email  bleu  6  onces  £  cire  3  j  vernis  blanc 
le  moins  gras  5  ~. 

Biftre  4  onces  }  cire  $  j  vernis  le  plus 
clore  9  4. 

Terre  de  Cologne ,  comme  pour  le  biftre. 

Terre  d'ombre  ,  de  même. 

Laque  verte  4  onces  j  cire  4  \  j  vernis 
blanc  le  moins  gras  8. 

Noir  de  pêche  3  ©nces  }  cire  4  î  j  vernis 
blanc  ièc  8. 

Noir  d'ivoire  4  onces  -%  cire  4  £  j  vernis 
blanc  fec  8. 

Noir  de  fumée  1  once  j  cire  8  j  vernis 
blanc  fec  15. 

On  peut  voir  aux  différens  articles  de  ce 
dictionnaire ,  ce  que  c'eft  que  les  matières 
dont  on  parle  ici. 

M.  de  Caylus  abandonne  aux  peintres  le 
foin  de  déterminer  les  dofes  pour  les  autres 
couleurs. 

Quant  à  la  préparation  de  ces  couleurs  , 
elle  confifte  ou  à  broyer  la  couleur  avec  la 
cire  fur  la  pierre  chaude  dont  on  a  parlé  ci- 
deffus  ,  &  à  faire  fondre  les  cires  colorées 
dans  leur  vernis  propre  ^  ou  à  fondre  la  cire 
dans  les  vernis  ,   &  y  ajouter  la  couleur. 

M.  de  Caylus  préfère  la  féconde  maniera 
comme  plus  prompte  &  plus  facile.  Pour  la 
pratiquer ,  mettez  la  cire  &  le  vernis  dans 


E  NC 

un  bocal  de  verre  mince  \  faites  fondre  la 
cire  dans  un  de  ces  coffres  de  fer- blanc  dont 
le  defïus  eft  percé  de  trous  ,  &  dont  on  a 
parlé  ci-deffus  :  quand  elle  fera  fondue ,  re- 
muez le  mélange  pour  allier  la  cire  avec  le 
vernis  :  ajoutez  la  couleur  bien  broyée  à  fec  \ 
mêlez-la  avec  la  cire  :  retirez  le  bocal  de  la 
machine  j  remuez  le  mélange  jufqu'à  ce 
qu'il  foit  froid  ,  &  confèrvez-le  bien 
bouché. 

La  machine  à  préparer  les  couleurs  ne 
diffère  de  la  machine  à  godets  ,  qu'en  ce 
que  celle-là  devant  contenir  des  pots  de 
verres  inégaux  en  diamètre  &  hauteur, 
doit  avoir  des  ouvertures  ou  loges  propor- 
tionnées à  ces  verres. 

Il  convient  de  ne  préparer  que  deux  ou 
trois  couleurs  à  la  fois  ,  de  peur  qu'elles  ne 
Ce  figent  hors  du  feu  ,  ou  que  le  vernis  ne 
s'évapore  fur  le  feu  ,  tandis  qu'on  eft  occupé 
à  en  remuer  une  jufqu'à  ce  qu'elle  foit 
froide. 

Les  inftrumens ,  outre  ceux  dont  on  vient 
de  parler  ,  font  des  pinceaux  &  des  broffes 
ordinaires  ,  la  palette  de  bois  ,  ou  pour  le 
mieux  d'écaillé  \  un  couteau  d'ivoire  plutôt 
que  d'acier ,  avec  lequel  il  faut  paffer  les 
couleurs  l'une  après  l'autre  ,  pour  qu'il  n'y 
refte  rien  de  grumeleux  \  un  pincelier  avec 
de  l'effence  de  térébenthine ,  pour  humec- 
ter les  couleurs  &  laver  les  pinceaux. 

M.  de  Caylus  affure  que  cette  efpece  de 
peinture  en  cire  eft  praticable  fur  le  bois , 
Î3  toile  6c  le  plâtre.  1 

Si  l'on  peint  fur  bois  il  faut  préférer  le 
moins  compacte  ,  le  plus  uni ,  celui  qui  fè 
déjette  le  moins  &  que  les  vers  attaquent 
peu  ,  comme  le  cèdre  :  après  le  cèdre ,  c'eft 
le  fapin  d'Hollande ,  enfuite  le  chêne.  Le 
poirier  convient  pour  les  tableaux  d'un  grand 
fiai.  Si  l'on  veut  que  le  cedre  &  le  chêne  hap- 
pent mieux  la  couleur ,  on  y  pratiquera  des 
inégalités  avec  un  infiniment  à-peu-près  fem- 
blable  au  berceau  des  graveurs  en  manière 
noire  (  voyei  f article  GRAVURE  )  j  &  fi  le 
grain  étoit  trop  fort ,  on  l'adouciroit  avec  la 
pierre  ponce.  On  peindra  à  cru  fur  tous  les 
bois. 

Si  l'on  peint  fur  toile  ,  on  choifira  celles 
qui  ont  le  grain  uni  &  ferré.  On  leur  don- 
nera ,  à  la  brofTe ,  deux  ou  trois  couches  de 
cire  diffoute  dans  le  double  de  fon  poids 

d'effence 


E  N  C 

d'eflence  de  térébenthine  ,  ou  dans  la  même 
quantité  de  vernis  blanc  le  moins  gras  ;  on 
laifleiWecher  chaque  couche  (éparément  : 
quand  la  dernière  fera  feche  ,  on  préfentera 
la  toile  à  un  brader  ardent ,  afin  qu'elle  s'im- 
bibe de  cire.  On  pourra  auifi  la  cirer  fim- 
plement  Tans  eifence  ni  vernis ,  en  la  fahant 
chaufièr.  On  peut  encore  coller  du  papier 
fur  la  toile,  le  poncer,  &  donner  l'apprêt 
de  cire,  de  manière  qu'elle  pénètre  la  toile 
&  le  papier.  Cette  façon  eft  bonne  pour  les 
ouvrages  d'un  grand  fini. 

Si  l'on  peint  fur  plâtre ,  pour  que  la  cou- 
leur prenne  &  ne  s'écaille  point ,  il  faut  lui 
donner  un  enduit  de  cire  comme  à  la  toile  , 
mais  plus  fort.  On  en  fera  autant  pour  la 
pierre. 

M.  de  Caylus  avertit  que  fa  troifieme 
manière  de  peindre  peut  auili  être  pratiquée 
fur  le  plâtre  &  la  pierre,  en  obfervant  d'en 
boucher  les  pores  contre  l'humidité  &  l'em- 
bue de  la  cire;  &  cela  avec  un  vernis  gras 
liquéfié  dans  l'efîènce  de  térébenthine:  quand 
cet  enduit  fera  fec,  on  mettra  l'enduit  de 
cire  aufii  diffoute  dans  l'eflence  de  térében- 
thine ,  ou  dans  le  vernis  blanc  le  moins  gras  ; 
on  le  laifïèra  fécher  ,  enfuite  l'on  peindra  à 
l'eau  avec  les  couleurs  dont  on  uiè  commu- 
nément à  Thu'ile ,  &  on  fixera  la  peinture 
avec  le  réchaud  de  doreur. 

Si  l'on  veut  appliquer  un  blanc  d'œuf 
fur  les  tableaux  en  cire  ,  on  commencera 
par  les  laver  légèrement  à.  l'eau  pure  ,  avec 
une  broflè  à  peindre  ,  neuve  &  très-propre , 
jufqu'a  ce  que  l'eau  ait  pris  par-tout.  On  en 
ôtera  le  fuperrlu  avec  un  linge  doux  &  hu- 
mide ;  &  avant  que  le  tableau  lbit  (ec  ,  on 
étendra  le  blanc  d'œuf,  comme  on  le  pra- 
tique fur  les  tableaux  à  l'huile. 

La  peinture  en  cire  n'a  point  de  luifàns  ; 
c'eft  un  de  fès  avantages.  Si  cependant  on 
vouloit  lui  donner  l'éclat  du  vernis ,  on 
pourroit  en  faire  un  avec  l'ei prit-de-vin  & 
le  maftic.  Cette  réfine  qui  eft  foluble  dans 
l'énonce  de  térében:hine,  n'empêche  point 
la  retouche  du  tableau  :  mais  le  blanc  d'œuf 
vaut  mieux. 

Pour  retoucher  les  tableaux  &  y  mettre 
l'accord  dans  toutes  ces  manières ,  on  pourra 
fe  fervir  des  couleurs  préparées  au  vernis. 
M.  de  Caylus  les  préfère  même  aux  couleurs 
a  l'huile  ,  pour  reftaurer  les  vieux  tableaux. 
Tome  XII. 


ENC  Jlr 

Enfin  ,  il  laifîe  au  temps  à  iuger  de  tous: 
ces  genres  de  peinture  ,  &  de  leur  folidité 
refpedive.  Mais  dès  à  prélent  il  a  bien  lieu 
d'être  content  de  fes  recherches;  il  a  tra- 
vaillé à  étendre  les  limites  de  l'art  :  &  je  ne 
fais  pourquoi  le  public  n'a  pas  fait  plus  d'ac- 
cueil au  mémoire  où  il  les  lui  communique  : 
feroit-ce  qu'en  fait  d'arts  on  a  des  yeux  pour 
voir ,  &  de  l'avidité  pour  jouir ,  mais  trop 
de  pareflè  pour  s'inftruire  ? 

PafTons  maintenant  aux  découvertes  & 
aux  procédés  de  M.  Bachelier  ,  &  parlons- 
en  avec  la  même  impartialité.  Pour  cela  rap- 
pelions les  principes  :  colorer  des  cires  , 
peindre  avec  ces  cires  colorées ,  fixer  la  pein- 
ture par  l'inuftion  ;  fans  quoi  une  peinture 
ne  peut  être  Vencauftique  des  anciens. 

Première  manière  de  peindre  en  cire  fur 
toile  ou/ur  bois  9  félon  M.  Bachelier. 

Il  ne  s'agit  que  de  fûbftituer  à  l'huile ,  de 
la  cire  blanche  diffoute  dans  l'efîènce  de 
térébenthiae. 

Imprimez  votre  toile  avec  cette  cire  : 
prenez  des  cou  eurs  en  poudre  ,  broyez-les 
fur  le  porphyre  en  les  délayant  avec  cette 
cire  ;  formez-en  votre  palette  ;  entretenez 
la  fluidité  des  teintes  avec  quelques  gouttes 
delà  même  efîênce;  peignez  avec  la  broflè 
&  le  pinceau  comme  à  l'ordinaire. 

Il  eft  évident  que  cette  peinture  n'eft  nul-* 
Iement  un  encauftique.  Premièrement ,  on 
y  emploie  l'efîènce  de  térébenthine  :  or ,  il 
n'y  a-  pas  la  moindre  apparence  que  les  an- 
ciens connurent  aucune  efïènce  diftillée  ; 
c'eft  un  produit  chymique.  La  chymie  nous 
vient  des  Arabes  ,  &  même  on  ne  peut 
guère  la  dater  que  du  temps  d'Avicenne.  Se- 
condement ,  on  ne  brûle  point  le  tableau 
quand  il  eft  achevé  :  or ,  l'inuftion  eft  le  ca- 
ractère diftindif  de  la  peinture  encauftique. 
Ajoutons  ,  fi  on  veut ,  que  les  anciens  ne 
peignoient  point  fur  toile  ;  mais  outre 
qu'avec  cette  manière  on  peut  peindre  auffi 
fur  bois  ,  on  ne  voit  pas  que  cette  différence 
peut  ajouter  ou  ôter  à  ce  genre  de  pein- 
ture. 

Seconde  manière  de  peindre  en  cire  ,  parti* 
tulie  rement fur  toile  3  félon  M.  Bachelier. 

Ayez  une  toile  forte  &  ferrée  de  telle  gran- 
deur qu'il  vous  plaira  ;  lavez-la  pour  ea 

se 


3i2  E  N  C 

ôrer  l'apprêt  ;  tcndez-la  fur  un  chaffis ,  & 
difpofez-le  de  manière  que  vous  puiffiez 
tourner  autour  :  ayez  des  couleurs  telles 
qu'on  les  emploie  dans  la  peinture  à  la  dé- 
trempe ,  &  peignez  ;  mais  à  mefure  que 
vous  peindrez ,  faites  humecter  par  derrière 
votre  toile  avec  une  éponge  :  par  ce  moyen 
vous  retoucherez  votre  ouvrage  ,  vous  y 
mettrez  l'accord  ,  vous  le  travaillerez,  &  le 
finirez  aufli  parfaitement  que  vous  êtes  capa- 
ble de  le  faire. 

Ayez  enfuite  de  la  cire  vierge  très-pure  ; 
faites-la  fondre  fimplement ,  ou  difîolvez-Ia 
par  le  moyen  que  nous  indiquerons  dans  la 
manière  fuivante  :  prenez  des  broflès  ,  & 
donnez  au  derrière  de  votre  toile  une  ,  deux 
ou  trois  couches  de  cette  cire  plus  ou  moins 
fortes ,  félon  l'épaiffeur  de  la  toile  &  la 
force  des  teintes  :  biffez  fécher,  ou  plutôt 
efluyer  vos  couches. 

Ayez  enfuite  des  réchauds  de  doreur  , 
remplis  de  charbons  ardens  ;  faites-les  pro- 
mener au  derrière  du  tableau  ;  &  cependant 
placé  vis-à-vis  la  peinture ,  examinez  les  ef- 
fets de  l'inuftion  &  de  la  fulion  de  la  cire  , 
laquelle  pénétrera  la  toile  &  les  couleurs  : 
dirigez  le  mouvement  des  réchauds  ,  en 
commandant  qu'ils  haufTent  ou  baifTent , 
ou  s'arrêtent ,  &c.  jufqu'à  ce  que  tout  le 
tableau  foit  fuififamment  brûlé.  Il  ne  faut 
pas  plus  d'un  jour  pour  brûler  un  tableau 
de  vingt  à  trente  pies  carrés  de  furface. 
Repréfenter  cette  manœuvre  comme  péni- 
ble ,  c'eft  montrer  qu'on  ne  L'a  jamais  pra- 
tiquée. 

Il  peut  arriver  de  deux  chofes  l'une  ,.  ou 
que  le  tableau  (bit  tel  que  l'artiftcle  deiîre  , 
ou  qu'il  faille  le  retoucher.  On  le  retou- 
chera ,  foit  avec  des  couleurs  préparées, 
comme  nous  allons  l'indiquer  ;  foit  avec 
des  paftels  faits  de  ces  mêmes  couleurs;  foit 
avec  de  la  cire  diflbute  par  l'eflence  de  téré- 
benthine ou  une  autre..  Tous  ces  moyens 
font  au  choix  du  peintre. 

Cette  manière  eft  un  excellent encaufiique\ 
mais  ce  n'eft  point  celui  des  anciens.  La  pre- 
mière condition  n'eft  pas  remplie ,  etree.  tin- 
guntur  colorihus  ad  pichiras.  On  y  emploie 
la  cire  ,  on  y  brûle  ;  mais  les  couleurs  ne 
(ont  pas  des  cires  colorées ,  &  de  plus  on  eft 
dans  le  cas  d'y  employer  autre  chofè  que  de 
la  cire  &  des  couleurs.  A  cela  près ,  on  peut 


ENC 

dire  ,  fans  témérité  ,  que  de  foutes  les  ma- 
nières de  peindre  en  cire  connues  jufqu'à  ce 
jour ,  c'eft  la  plus  avantageufe ,  la  plus  fûre  r 
la  plus  prompte  ;  puifqu'outre  la  vigueur  & 
la  folidité  que  la  cire  &  l'inuftion  donnent 
à  la  détrempe ,  on  peut  faire  des  chefs-d'œu- 
vre fur  toile  ,  &  de  telle  grandeur  qu'on 
voudra,  &  finir  les  tableaux  les  plus  éten- 
dus avec  autant  de  perfection  &  d'aifance  ^ 
qu'on  feroit  à  l'huile  les  plus  petits  morceaux 
de  chevalet.  Quelque  idée  qu'on  ait  de  1V/2- 
cauftique  des  anciens  ,  il  n'eft  pas  croyable 
qu'il  eut  ces  avantages. 

Troijieme  manière  dépeindre  en  cire  ,  félon 
M.  Bachelier. 

Prenez  du  fel  de  tartre  ;  faites-en  difîôu- 
dre  dans  de  l'eau  tiède  julqu'à  faturation  *. 
filtrez  cette  eau  faturée  à  travers  un  papier 
gris  ,  &  recevez-la  dans  un  vaifleau  de  terre 
neuf  &  vernilfé  ;  mettez  ce  vaifleau  fur  un 
feu  doux  ;  jetez-y  des  morceaux  de  cire 
vierge  blanche  les  uns  après  les  autres  ,  à 
mefure  qu'ils  s'y  diffoudront  :  cette  folution 
fe  gonflera ,  montera  comme  le  lait ,  fe  ré- 
pandra même  fi  le  feu  eft  trop  poufîe.  On 
fournira  de  la  cire  à  cette  eau  alkaline,  tant 
qu'elle  en  pourra  diflbudre  ;  on  s'afîurera< 
que  la  diflblution  eft  parfaite  &  uniforme  9, 
en  la  remuant  doucement  avec  une  fpatule 
de  bois  ;.  &  pour  lors  on  aura  une  mane 
d'une  blancheur  éblouiflan te  ,  une  efpece  de. 
fàvon  d'une  confiftance  de  bouillie  qui  fe: 
difïbudra  dans  l'eau  pure  en  auffi  grande  & 
en  aufli  petite  quantité  qu'on  voudra;  & 
ce  favon  difîous  vous  donnera  une  eau  de: 
cire.  Servez-vous  de  cette  eau  pour  délayer 
&  broyer  vos  couleurs. 

Ayez  une  toile  tendue  fur  un  chaffis  ;  def- 
finez  votre  fujet  avec  des  crayons  blancs  : 
tenez  vos  couleurs  dans  des  godets ,  &  en- 
tretenez-les dans  une  fluidité  convenable  ,. 
en  les  humectant  avec  quelques  gouttes, 
d'eau  pure  ,  ou  d'eau  de  cire.  Servez-vou&, 
des  pinceaux  &  autres  inftrumens  ordinai- 
res. Préparez  feulement  votre  palette ,  en  la 
trempant  dans  la  cire  bouillante  pour  qu'elle 
s'en  pénètre,  &  en  la  ferrant  fous  une  prefle: 
de  peur  qu'elle  ne  s'envoile  ;  ratifïêz-en  le 
fuperflu,  &  formez  vos  teintes  fur  cette 
palette- 


E  N  C 

Ayez  à  côté  de  vous  deux  vaifTeaux  de 
terre  pleins  d'eau  ,  pour  nettoyer  de  l'un  à 
l'autre  vos  pinceaux  &  les  décharger  de 
couieurs  ,  &  effuyez-les  fur  une  éponge  au 
fbrtir  de  la  féconde  eau. 

Ayez  un  petit  matelas  fait  de  deux  ou 
trois  ferviettes  ;  humectez-le  d'eau  pure  ,  & 
le  tenez  appliqué  derrière  votre  toile  à  l'en- 
droit où  vous  peindrez.  Si  vous  trouvez  ce 
matelas  incommode  ,  ayez  une  éponge  , 
imprégnez-le  d'eau  de  cire  ,  &  faites-en  ar- 
rofer  votre  toile  par  derrière  ,  deux  ou  trois 
fois  par  jour  en  hiver  ,  &  trois  ou  quatre 
en  été.  Peignez  &  continuez  votre  ouvrage 
jufqu'à  ce  qu'il  foit  achevé. 

Au  refte ,  le  matelas  &  l'éponge  ne  font 
nécefîaires  qu'à  ceux  qui ,  n'ayant  pas  la 
pratique  de  la  détrempe  ,  ne  favent  pas  fon- 
dre une  teinte  humide  avec  une  teinte  feche  ; 
ils  feront  bien  de  tenir  leur  toile  fraîche. 

Cria  fait ,  brûlez  le  tableau  ;  cette  opéra- 
tion eft  indifpenfable.  Pour  cet  effet ,  allu- 
mez un  grand  feu  qui  forme  une  nappe  ar- 
dente ;  préfentez-y  votre  tableau  par  le  côté 
oppofé  à  la  peinture  ;  approchez-le  à  mefure 
qu'il  ceffera  de  fumer  :  vous  verrez  la  cire 
fe  gonfler  ,  le  gonflement  fè  promener  fur 
la  furface  ,  &  difparoître  quand  il  fera  de- 
venu général  ;  alors  le  tableau  fera  brûlé. 
Retirez-le  peu  à  peu  comme  vous  l'avez 
approché  ,  de  peur  que  la  furface  ne  refle 
inégale  par  un  refroidiffement  brufque  & 
irrégulier.  L'inuftion  ,  loin  de  détruire  la 
peinture ,  la  rend  folide  &  fixe.  D'un  enduit 
fans  confiftance  &  fans  corps  que  le  frotte- 
ment le  plus  léger  pourroit  emporter ,  elle 
fait  une  couche  dure  ,  compade  ,  adhéren- 
te ,  mince  ,  flexible  &  capable  de  prendre 
du  poli. 

Si  le  tableau  étoit  grand ,  on  le  brûleroit 
par  parties  ,  en  promenant  par  derrière  le 
réchaud  de  doreur  ,  comme  dans  la  mé- 
thode qui  précède. 

Le  tableau  étant  brûlé ,  tout  eft  fait ,  à 
moins  que  l'artifte  n'y  veuille  retoucher , 
&  pour  cela  il  faut  l'hume&er  d'eau  de 
cire.  Mais  il  convient  de  glacer  fa  couleur , 
c'eft-à-dire  ,  que  fi  l'endroit  eft  trop  brun  , 
on  y  étendra  une  teinte  plus  claire,  & 
on  y  répétera  l'inuftion  :  elle  rétablira 
l'accord  contre  l'attente  du  peintre.  On 
pourra  aufli ,   pour  retoucher  l'ouvrage  , 


E  N  C  3i? 

fe  fervir  des  paftels  dont  nous  allons  parler. 
Il  eft  évident  que  cette  manière  eft  un 
véritable  encauflique  ,  qu'elle  fatisfait  aux 
trois  conditions  requifes ,  &  dans  l'ordre 
preferit.  Les  cires  font  colorées ,  on  peint 
avec  ces  cires  ,  &  on  brûle  le  tableau.  Cette 
invention^eft  certainement  heureufe,  &  les 
effets  en  font  fûrs. 

Quatrième  manière  de  peindre  en  cire  , 
félon  M.  Bachelier. 

Prenez  de  l'eau  de  cire  dont  vous  venez 
de  voir  la  préparation  ;  donnez-en  aux  cou- 
leurs la  quantité  convenable  ;  broyez-les , 
tranfportez-les  du  porphyre  fur  un  papier 
gris  qui  en  boive  l'humidité  :  appliquez 
defîûs  un  morceau  de  carton  ,  avant 
qu'elles  foient  entièrement  feches  ;  donnez- 
leur  la  forme  ordinaire  de  paftels  en  les 
roulant ,  &  laifîez-les  enfuite  fécher  len- 
tement à  l'air  libre  :  ces  paftels  feront  ten- 
dres &  mous  à  s'étendre  fous  le  doigt  ; 
travaillez  avec ,  &  fixez  la  peinture  par 
l'inuftion. 

C'eft  un  encauflique  du  même  genre  que 
le  précédent  ;  d'ailleurs  ,  on  en  fent  la  com- 
modité. 

Ces  mêmes  paftels  peuvent  devenir  fer- 
mes &  durs  comme  la  fanguine  ;  il  ne 
faut  qu'avoir  un  petit  fourneau  d'émuilleur 
avec  une  moufle ,  les  mettre  fous  la  mou- 
fle ,  entretenir  dans  le  fourneau  le  même 
degré  de  chaleur  que  celui  auquel  on 
achevé  de  brûler  un  tableau  ,  &  les  y  laifler 
expofés  environ  un  quart  -  d'heure  :  on 
en  pourra  faire  des  defiins  colorés  qu'il 
n'eft  pas  nécefTaire  de  brûler ,  &  que  rien 
n'altère. 

L'eau  de  cire  de  M.  Bachelier  a  encore 
d'autres  propriétés.  H  la  donne  comme  un 
excellent  vernis  qui  n'a  point  les  défauts 
des  autres ,  &  même  pour  le  paftel.  On 
peut  l'appliquer  à  la  brofle  fur  les  plafonds , 
les  lambris  ,  le  plâtre  ,  le  marbre  ,  les  boi- 
feries  des  appartemens  ,  les  parquets ,  les 
équipages ,  &c.  Quand  elle  eft  feche ,  il 
faut  employer  l'inuftion  avec  le  réchaud 
de  doreur,  pour  l'incorporer  avec  les  fùb£- 
tances  ;  &  quand  elle  eft  froide  ,  la  frotter 
avec  une  brofTe  rude  pour  lui  donner  de 
l'éclat:  c'eft-à-dire,  que  M.  Bachelier, 

Sfi 


3i4  ENC 

vraifemblablement  fans  le  favoir ,  redonne 
le  vernis  encauftique  de  Vitruve ,  ou  l'équi- 
valent. 

Il  prétend  auffi  que  c'efl  un  bon  mor- 
dant pour  la  dorure  ;  d'autant  plus  que 
ne  faifant  point  d'épaiffeur  ,  elle  laifTe 
paroître  tout  l'art  &  la  délicateflè  de  la 
îculpture.  Il  veut  même  qu'on  puifle  l'em- 
ployer avec  avantage  pour  l'or  taux ,  en 
partant  enfuite  pardeiîus  une  féconde  cou- 
che de  la  même  eau  ;  tellement  que  la  do- 
rure étant  fale  ,  on  la  nettoieroit  comme 
de  l'or  fin  ,  &  qu'on  pourroit  y  employer 
l'eau-forte. 

Obfervons  que  les  couleurs  fortent  de 
la  boutique  d'un  marchand  ,  impures  &  mê- 
lées de  lubitances  hétérogènes  qui ,  venant 
à  fe  combiner  avec  le  favon  de  cire , 
produiroient  peut-être  des  effets  nuifibles. 
M.  Bachelier  les  purifie  de  la  manière  fui- 
vante. 

Délayez  la  couleur  dans  l'eau  pure ,  par- 
tie demeurera  fufpendue  dans  l'eau ,  partie 
tombera  au  fond  ;  décantez  la  partie  fuf- 
penJue  ,  &  délayez  celle  qui  eil  tombée 
au  fond  ,  &  ainh  de  fuite  jufqu'à  ce  qu  il 
ne  tombe  au  fond  de  feau  qu'un  dépôt  de 
matière  non  colorante  A  chaque  opéra- 
tion ,  la  partie  iufpendue  fe  dépofera;  on 
réitérera  fur  ce  dépôt  les  lotions  prefcrites  , 
cinq  ou  fix  fois ,  &  l'on  aura  enfin  des 
couleurs  auffi  pures  qu'il  le  faut  pour  être 
délayées  avec  l'eau  de  cire  fans  aucun  in- 
convénient. 

Cependant  ce  lavage  dos  couleurs  n'a 
pas  paru  fans  difficultés  ,  &  l'eau  de  cire 
en  a  efîliyé  de  plus  fortes  encore.  Il  ne 
s'agit  pas  de  les  diffimuler  ,  mais  d'y.  ré- 
pondre. 

Quant  au  lavage.  <\e$  couleurs  ,  l'expé- 
rience du  peintre  fait  face  à  toutes  les  théo- 
ries qu'on  lui  oppofe  ;  on  fait  qu'il  excelle 
à  peindre  les  rieurs  ,  nul  genre  n'exige  des 
couleurs  plus  fraîches  &  plus  brillantes: 
néanmoins  il  lave  {'es  couleurs  ,  &  le  carmin 
fur-tout ,  &  {"es  teintes  n'en  font  que  plus 
riches.  Il  ne  prétend  pas  en  enlever  l'excès 
de  la  partie  gradé ,  mais  les  fables  r  les  fels 
&  d'autres  parties  non  colorantes.  On  lui 
démontrera  ,  fi  l'on  veut  ,  que  cela  ne 
doit  pas  être  ;,mais  il  le  pratique  ainfi ,  &  il 
lêuflxu 


E  NT  C 

Quant  au  favon  &  à  l'eau  de  cire  ,  on 
dit  :  i°.  «  que  regarder  ce  favon  comme 
»  une  découverte  finguliere  ,  c'efl  montrer 
m  qu'on  n'a  aucune  connoiffance  des  livres 
»  de  chymie  ;  qu'il  n'y  a  pas  un  de  ces 
n  livres  qui  n'apprenne  que  toute  fubf- 
»  tance  graffe  eft  propre  à  faire  du  favon  ; 
n  &  l'on  cite  les  mémoires  que  M.  GeofFroi 
»  donna  il  y  a  environ  quinze  ans  à  l'aca- 
»  demie  ,  fur  les  favons  de  toute  efpece.  yy- 
L'on  répond  à  cette  objection  &  à  cette 
citation  très-imprudente ,  pour  n'en  rien 
dire  de  plus ,  qu'il  n'y  a  pas  un  chymifle 
qui  ait  parlé  d'un  favon  de  cire;  que  dans 
le  mémoire  de  M.  Geofîroi  on  ne  trouve  pas 
feulement  le  mot  de  cire  ;  &  que  fi  cette 
découverte  n'étoit  ni  impoilible  ni  finguliere 
en  elle-même  ,  elle  eft  du  moins  toute  neuve 
&  très-finguliere  par  l'ufage  que  le  peintre 
en  fait. 

On  objecte  :  1*.  "  que  tout  favon  en 
»  général  étoit  inconnu  aux  anciens  ;  qu'on 
*>  ne  trouve  parmi  eux  aucun  veilige  dj 
n  cette  compofition  :  que  tous  les  chymiffej 
»  conviennent  que  c'eil  une  découverte 
»  moderne  ;  qu'elle  ne  peut  donc  avoir 
m  fèrvi  à  leur  peinture  encauftique.  »  On 
répond  qu'ils  peuvent  n'y  avoir  point  en** 
ployé  de  favon  ,  &  encore  moins  ce  favon' 
de  cire  ;  mais  qu'ils  ne  connuffent  aucun 
favon  y-  &  qu'on  n'en  trouve  parmi  eux 
aucun  vertige  ,  c'efl  ce  qu'on  n'a  garde 
d'avouer  ,  &c  les  chymifies  auroient  grand 
tort  d'en  convenir. 

L'interprète  de  Théocrite  rend  le  mot 
(Tfxnypa.  par  van  mm  ,  qui  efl  le  fapo  des 
latins,   du  favon. 

On.  lit  dans  Paul'  d'Egine- ,  erâyr&p 
pvTJiKm  ici  éwccpiax ,  te  favon  a  une  vertu 
déterfive. 

Pline. ,  plus  ancien  qu'eux  ,  efl  tout  autre* 
ment  précis.  Il  dit  (/.  XXVIII y  c.  îz)i. 
prodeft&fapo  :  Gallorum  hoc  inventum  eji 
ruti  tandis  cap  il  lis  :  fit  ex  fsbo  Ù  cinere  : 
optimus fagino  Ù  cap  ri  no.  :  duobus  modis  3 
fpiffus  ac  liquidus  :  utsrque  apud  Germancs 
majore  eft  ufu,  viris  quàm  feminis.  "  On 
»  fe  fert  auffi  du  favon.  C'efl  une  inven- 
H*  tion  des  Gaulois  pour  rendre  les  che- 
»  veux  blonds.  On  le  fait  de.  fuif  &  de 
»  cendre.  Le  meilleur  efl  de  cendre  de 
»  hêtre.  &de  fuif  de  cbewe.  II  y  eaa  ds 


ENC 

h  deux  fortes ,  du  dur  &  du  liquidé.  Les 
n  Germains  emploient  l'un  &  l'autre  ,  mais 
»  les  hommes  plus  que  les  femmes.  »  Voilà 
le  nom  du  favon  ,  Ton  origine  ,  la  compo- 
fition  ,  {es  efpeces ,  {es  ulages  :  en  eft-ce 
aflez? 

On  croit ,  3°.  "  que  le  favon  de  cire  a 
»  tous  les  inconvéniens  de  la  détrempe  ; 
»  qu'on  ne  peut  ni  laver  les  tableaux  peints 
»  en  cette  manière  ,  ni  les  expofer  dans 
»  des  endroits  humides  ;  que  ce  (àvon  s'hu- 
»  mecleroit  &  le  fondroit  facilement  , 
»  parce  que  l'alkali  fixe  qui  entre  dans  fa 
»  compolition  ,  a  toujours  une  difpofition 
»  prochaine  à  s'humeder  ,  &  que  ce  fel 
»  n'étant  point  décompofé  dans  le  fà- 
»  von  ,  y  conierve  toutes  {es  propriétés.  » 
D'abord  ,  on  ignore  également  fi  jamais 
l'alkali  fe  décompofé  ,  &  en  quoi  il  pour- 
roit  fe  décompolèr.  Secondement ,  il  n'eft 
pas  vrai ,  en  général  ,  que  le  favon  ait 
toujours  une  difpofition  prochaine  à  s'hu- 
mecter ,  puifque  le  favon  commun  ,  loin 
d'attirer  l'humidité  ,  eft  au  contraire  un 
des  corps  qui  ,  expofés  à  l'air ,  y  perdent 
le  plus  facilement  de  la  leur  :  d'ailleurs  , 
ce  qui  pourroit  être  vrai  d'un  alkali  en 
général,,  ne  le  feroit  pas  pour  cela  d'un 
alkali  enveloppé  de  cire  v  &  d'une  cire  qui 
aura  foufFerr  l'aâion  du  feu.  Enfin  ,  les 
faits  parlent ,  &  les  tableaux  de  M.  Bache- 
lier ,  peints  de  cette  manière  ,  le  lavent 
comme  la  cire  pure ,  &  réfiftent  comme 
elle  à  l'humidité. 

4°.  L'on  craint  que  cet  alkali  ne  décom- 
pofé plufieurs  couleurs  ,.  fur-tout  les  blancs 
de  plomb  &  de  cérufe  ,  à  caufe  de  l'acide 
du  vinaigre  qui  y  entre.  On  a  fait  cette  ob- 
jection dès  le  commencement  ,  &  M.  Ba- 
chelier la  croit  fijffifamment  réfutée  par 
fon  expérience.  Il  emploie  toutes  ces  cou- 
leurs ,  &  même  le  ver.d-de-gris- ,  fan?  en 
appereevoir  aucun  mauvais  effet.  On  lait 
bien  que  fi  îe  favon  qu'on  emploie  à  net- 
toyer les  tableaux  féjournoit  fur  la  pein- 
ture, elle  s'enleveroit  totalement  lorsqu'on  : 
viendroit  à  les  laver:  mais  il  n'en  eft.  pas 
ainfi  d'un  favon  de  cire.  On  peut  l'em- 
ployer fans  rifque  &.fans  crainte  qu'il  ne 
s^'écaille. 

Enfin  ,  on  a  reproché  à . M.  Bachelier, 
ctu  plutôt  à  l'auteur. de  Yhiftoirc  &  dufeem ,, 


ENC  32y 

de  la  peinture  en  cire  ,  de  n'avoir  point 
dpnné  les  proportions  des  mélanges  de  la 
cire  avec  les  couleurs,  comme  li  cela  étoit 
pollibie  ,  &  comme  li  M.  Bachelier  n'a- 
\oit  pas  été  dans  le  cas  où  s'eft  trouvé 
M.  le  comte  de  Caylus ,  par  rapport  à  {es 
troiiieme  &  quatrième  manières  pour  lef- 
quellcs  il  n'a  eu  garde  de  donner  ces  pro- 
portions. Ce  reproche  eft  auili  fenié  que 
celui  qu'on  feroit  à  un  auteur  qui  .  ecrirok 
la  manière  de  peindre  à  l'huile,  d  ne  pas 
donner  la  proportion  de  l'huile  pour  chaque 
couleur. 

Voilà  jufqu'où  ont  été  les  recherches  de 
l'ancienne  eucaafli^ue.  Toutes  ces  inven-- 
tions  paroiflent  allez  inrércflantes  pour 
qu'oiine  toit  pas  fâché  d  en  lavoir  l'hiftoire.- 
Nous  nous  en  rapporterons  par-tout  à  la- 
vraifemblance. 

En  1749 ,  un  hafard  apprit  à  M.  Bache- 
lier que  la  cire  le  dnlolv  oit  dans  l'eflence 
de  térébenthine.  Cet  événement  lui  fit  naî- 
tre l'idée  de  l'appliquer  a  la  peinture.  Il  fit 
donc  dilfoudre  de  la  cire  ,  s'en  lèrvit  au 
lieu  d'huile  à  délayer  {es  couleurs  ,  &  lè- 
mit  à  peindre  fur  une  toile  imprimée  à^ 
l'huile,  telle  qu'on  l'acheté  chez  le  mar-- 
chand.  Son  tableau  repréfentoit  Zéphire  & 
Flore.  Il  l'avoit  travaillé  avec  loin  ,  &  néan- 
moins il  eut  peine  à  s'en  défaire  à  un  prix 
fort  modique.  Cela  le  fit  renoncer  à  une 
invention  qui  ne  lui  parut  favorable ,  ni  aux 
progrès  de  l'art,  nia  l'intérêt  de  l'artifte  : 
il  ne  s'en  vanta  même  pas.  Ce  tableau  fut 
emporté  en  Allaoe. 

Cependant  M.  le  comte  de  Caylus ,  qui 
aime:  les  arts  &  les  cultive,  &  qui  depuis 
long-temps  s'applique  à  éclaircir  tout  ce 
que  Pline  en  a  écrit ,  avoit  été  conduit  fuc<- 
ceflivement  à  la  recherche  delà  peinture 
encaufîique, 

En  1753,  il  annonça  à  l'académie  de 
peinture  (on  travail  &  fes  vues.  Il  lut  à  l'aca- 
démie, des  belles-lettres  des  difTertations  fur 
cette  peinture  ;  il  fit  des  efTais ,  il  les  multi- 
tiplia  :  il  tenta- tout  pour  la  recouvrer.  - 

En  1754,  il  fit  exécuter  ,  par  M.  Vien-, > 
un  tableau  •  en  cire  &  fur  bois  ,,  repréfen- 
tant  une  tête  de  Minerve  d'après  l'antique.  - 
Ce  tableau  fut-  montré-, , promené  &  reçu 
comme  une.  nouveauté  digne  d'attention. 
On  vouloit  favoir  comment  il  étoit  fait  j. 


3i6  E  N  C 

mais  on  étoit  réduit  à  deviner ,  parce  que 
M.  de  Caylus  fe  réfervoit  fon  fecret.  On 
crut  généralement  qu'il  étoit  Amplement 
peint  à  la  cire  difToute  dans  l'eflence  de 
térébenthine ,  &  en  conféquence  quelques- 
uns  jugèrent  que  ce  n'étoit  ni  ne  pouvoit 
être  Yencaufiique  des  anciens. 

Un  homme  qui  a  pris  parti  pour  M.  de 
Caylus  ,  avec  autant  de  paillon  que  fi 
fon  protecteur  en  avoit  befoin  ,  s'eft  atta- 
ché avec  toute  la  mal-adreflè  poflible  à 
accréditer  cette  opinion  ,  fur-tout  quand  il 
renvoie  décidément  à  la  tête  de  Minerve  de 
M.  Vien  ,  pour  prouver  que  l'efTence  de  té- 
rébenthine ne  noircit  pas  les  couleurs.  Mais 
enfin  ,  le  dernier  mémoire  de  M.  Caylus 
publié  en  août  iyj^  ,  a  bien  fùrpris  en  an- 
nonçant que  tout  le  monde  avoir  tort  & 
raifon  ;  car  cette  tête  a  été ,  dit-on ,  com- 
mencée félon  fa  première  méthode  ,  con- 
tinuée félon  la  féconde  ,  &  terminée  félon 
la  cinquième ,  où  entre  l'enence  de  téré- 
benthine. 

Au  bruit  que  faifoit  cette  tête  ,  M.  Ba- 
chelier fe  réveilla.  M.  Cochin  fils  ,  auquel  il 
parla  de  fon  premier  eflài  en  1749  ,  l'en- 
gagea à  y  revenir  ;  &  il  exécuta  dans  huit 
jours  en  cire  difToute  &  fur  toile ,  fans  avoir 
vu  la  Minerve  y  une  grifaille  qui  repréfente 
une  fille  de  huit  ans.  Ce  morceau  ne  fut  pas 
regardé  fans  furprife.  Sa  toile  étoit  impri- 
mée avec  de  la  cire  pure  ;  mais  s'étant  ap- 
perçu  que  l'efTence  des  couleurs  agifïbit 
trop  fur  cette  cire ,  &  les  empêchoit  de  fé- 
cher  promptement ,  il  imprima  une  autre 
toile  avec  des  couleurs  détrempées  à  la  cire 
difToute  ,  &  fit  un  troifieme  tableau.  Il  alla 
plus  loin  :  il  confidéra  que  l'inuftion  étoit  le 
caractère  diftin&if  de  Vencauflique  des  an- 
ciens ,  &  que  fon  opération  n'y  répondoit 
point.  Il  fit  de  nouvelles  tentatives  ;  il  par- 
vint à  difToudre  fa  cire  par  le  fel  de  tartre  ; 
il  trouva  fon  favon  &  fon  eau  de  cire ,  en 
un  mot  la  troifieme  manière  que  nous  avons 
décrite. 

Ce  fut  alors  qu'un  auteur  zélé  pour  les 
arts  &  les  artiftes  ,  &  impatienté  de  ce 
que  M.  de  Caylus  difFéroit  tant  à  fe  dé- 
couvrir ,  publia  ce  qu'il  en  penfoit  &  ce 
xju'il  en  favoit  ;  c'eft-à-dire ,  tout  ce  qu'en 
favoit  M.  Bachelier  lui-même ,  &  tout  ce 
qu'on  pouvoit  en  favoir  alors  ;  &  il  eft  très 


E  N  C 

à  propos  de  remarquer  que  cet  écrit  t 
paru  long-temps  avant  l'ouvrage  de  M.  de 
Caylus. 

Il  paroît ,  par  ce  précis  hiftorique  ,  que 
M.  Bachelier  eft  le  premier  qui  ait  peint  en 
cire  (  en  1749  )  >  comme  M.  de  Caylus  eft 
le  premier  qui  en  ait  parlé  (  en  17^3  )  ;  & 
que  quant  à  Tinuftion ,  qui  eft  le  principal 
cara&ere  de  Yencaufiique  y  M.  Bachelier  eft 
le  premier  qui  en  ait  parlé  ,  &  qui  ait  appris 
au  public  &  aux  artiftes  comment  fe  prati- 
quoit  cette  manœuvre. 

Après  avoir  rendu  à  chacun  la  gloire  qui 
lui  appartient ,  nous  allons  finir  par  dire  un 
mot  des  tableaux  dont  leurs  découvertes 
nous  ont  enrichis. 

Outre  le  bufte  de  Minerve  qui  eft  le  pre- 
mier connu  ,  &  qui  appartient  à  M.  de  la 
Live  de  July  ,  M.  Vien  a  fait  un  tableau  de 
trois  pies  fur  quatre  ,  repréfentant  dans  un 
payfage  une  nymphe  de  Diane  occupée  de 
l'amour  endormi  ; 

Une  tête  d' Anacréon  ,  fur  toile  ; 

Deux  tableaux  repréfentant ,  l'un  Zé- 
phyre  ,  &  l'autre  Flore  ; 

Une  petite  tête  de  vierge- 

M.  Roflin  a  fait  fon  portrait. 

M.  le  Lorrain  a  fait  un  tableau  de  fleurs , 
&  une  jeune  perfonne  en  habit  de  mafque. 

Ces  difFérens  morceaux  font  d'après 
M.  de  Caylus ,  mais  on  ne  fait  pas  félon 
quelle  manière  ;  cependant  comme  il  dit 
lui-même  que  tous  les  artiftes  qu'il  a  con- 
fultés ,  ont  préféré  fa  cinquième  ,  il  eft  à 
préfumer  qu'au  moins  la  plupart  font  exécu- 
tés dans  le  genre  que  M.  de  Caylus  dit  n'être 
point  encaufiique. 

M.  Bachelier,  outre  les  tableaux  dont  nous 
avons  parlé ,  a  fait  des  fleurs  dans  un  vafe  de 
porcelaine  : 

Une  jeune  fille  carefïant  une  levrette  ; 

Une  tête  de  profil  fur  taffetas ,  &  quelques 
autres. 

Mais  fon  chef-d'œuvre  eft  un  grand  ta- 
bleau de  douze  pies  &  demi  de  large  fur 
neuf  &  demi  de  haut ,  repréfentant  des  ani- 
maux de  grandeur  naturelle  :  c'eft  la  fable 
du  loup  &  du  cheval.  Il  eft  d'une  manière 
grande ,  d'un  pinceau  ferme  ,  d'une  cou- 
leur vraie  &:  d'un  effet  furprenant  ;  ce  qui 
a  fait  dire  au  public  que  ce  n'étoit  pas 
feulement  au  loup  que  ce  cheval  donnoit 


E  NC 

tm  coup  de  pié.  Le  commencement  de  cet 
éloge  eft  d'après  un  écrivain  qu'on  ne 
fbupçonnera  pas  de  favorifer  M.  Bache- 
lier :  auffi  l'a-t-il  tempéré  ,  en  ajoutant 
qu'on  craignoit  que  ce  tableau  ne  s'écaillât. 
C'eft  comme  s'il  eût  dit  :  nous  ne  pouvons 
empêcher  qu'il  ne  foit  beau  ;  empêchons 
qu'on  ne  V.achete.  Cet  article  nous  a  été 
communiqué  par  M.  MoNNO  YE.  Les 
gens  de  lettres  y  verront  fur  Yencaufiique  des 
recherches  &  des  connoiflânees  qui  auroient 
pu  fe  trouver  &  qui  ne  fe  trouvent  néanmoins 
dans  aucun  des  écrits  qu'on  a  publiés  fur  cette 
matière.  Ceux  qui  auront  gardé  la  neutralité 
dans  la  conteftation  de  Vencauftique,  ne  pour- 
ront difeonvenir  que  l'auteur  n'ait  montré 
autant  d'impartialité  que  de  jugement,  en 
réduifant  à  leur  jufte  valeur  les  prétentions 
réciproques  des  parties  oppofées ,  &  qu'il 
n'ait  parlé  dans  ce  morceau  avec  un  foin 
qui  peut  inftruire  tout  le  monde  ,  &  une 
vérité  qui  ne  doit  ofïènfer  perfonne. 

ENCAVURE  ,  f.  m.  (  Médecine.  )  ma- 
ladie particulière  des  yeux  ,  que  les  Grecs 
ont  nommée  *oî>>&>#*  ,  &  les  auteurs  latins, 
civitas. 

Uencai'ure  eu  un  des  ulcères  profonds  de 
la  cornée  ,  dur ,  femblable  à  celui  qu'on 
appelle  fojjete  ;  excepté  qu'il  eft  plus  large 
&  qu'il  femble  moins  profond  ,  parce  que 
la  cornée  fe  trouvant  émincée  ,  eft  un. peu 
pouflee  au  dedans  de  l'ulcère  par  l'humeur 
aqueufe.  Voye\  FOSSETTE. 

Cependant  dans  les  ulcères  des  yeux  il 
faut  peu  fe  mettre  en  peine  des  noms  qu'on 
leur  a  donnés ,  parce  qu'ils  ne  doivent  point 
changer  la  méthode  curative.  L'important 
eft  de  tâcher  de  connoître  la  nature  de  ces 
ulcères  ,  en  former  le  pronoftic ,  &  tra- 
vailler à  la  guérifon  de  ceux  qui  en  font 
fufcep^bles.  La  vue  eft  trop  précieufe  pour 
négliger  l'étude  de  toutes  les  maladies  qui 
peuvent  caulèr  fa  perte  ;  mais  pour  éviter 
les  répétitions  qui  fe  préfenteroient  fouvent 
dans  cet  ouvrage ,  nous  rafTemblerons  briè- 
vement ce  qui  concerne  les  diverfes  efpeces 
d'ulecres  dès  yeux ,  fous  le  mot  général 
ULCERE  de  L'ŒIL.  Article  de  M.. le  che- 
valier DE  JA  UCO  URT. 

ENCEINTE  ,  f.  m.,  terme  de  fortifica- 
tion y  lignifie  la  circonférence  ou  le  contour 
du  rempart  d'une  place  fortifiée  ,     foit 


E  N  C  327 

qu'elle  foit  compofée  de  battions  ,  ou  non. 
Chambers.  (Q) 

Enceinte  ,  (  Vénerie.  )  c'eft  le  lieu  où 
le  valet  de  limier  détourne  les  bêtes  avec 
fon  limier. 

*  ENCENIES,  adj.  pris  fubft.  (ffift. 
anc.  )  fêtes  qu'on  célébroit  à  la  dédicace 
d'un  temple  ,  à  la  confécration  d'une  cha- 
pelle ,  à  la  réédification  d?une  maifon.  C'é- 
toient  des  feftins  &  des  danlès.  Les  jeunes- 
filles  s'y  couronnoient  de  fleurs.  Nous  avons 
auffi  nos  encenies  >  les  Juifs  ont  eu  les  leurs: 
elles  ont  pafTé  de  la  fynagogue  dans  l'églife  t 
fous  le  pape  Félix.  V. Consécration,: 
Temple  ,  Dédicace  ,  &c.  Voye\  l'ar- 
ticle fuivant. 

Encenies  ,  f.  f.  pi.  ( Hïfi.  foc.  )  reftau* 
ration  ©u  rénovation  ,  formé  de  kaivqç  9 
nouveau. 

C'eft  le  nom  que  les  Juifs  donnoient  à  une 
fête  très-folemnelle  qu'ils  célébroient  le  2.^ 
de  leur  neuvième  mois  ,  qui  répond  à  nos 
mois  de  novembre  &  décembre.  Elle  avoir 
été  inftituée  en  mémoire  de  la  reftauration 
ou  purification  du  temple,  faite  par  Judas-* 
Machabée. 

Les  Juifs  avoient  encore  deux  encenies  ; 
lavoir  ,  la  dédicace  du  temple  par  Salomon  y> 
&  celle  que  fit  Zorobabel  après  le  retour  de: 
la  captivité. 

Encenie  fe  dit  auffi  dans  l'hiftoirê  ecclé-- 
fiaftique  &  dans  les  ouvrages  des  pères  ,  de 
la  dédicace  des  églifes  chrétiennes.  Voye^ 
Dédicace. 

ENCENS ,  f.  m.  (Hifi.  nau  desdrog.  ) 
en  latin  thus  mafeulum  ,.  olibanum  ofÉ 
AiVar©-  ,  Théophr.  &  Diolc.  Mntvalh  r> 
Hippoc.  fubftance  réfineufe  ,  d'un  jaune- 
pâle  ou  tranfparenr ,  en  larmes  femblables 
à  celles  du  maftic  ,  mais  plus groflés.  Voici' 
ce  qu'en  dit  M.  Geoffroy ,  qui  en  a  parlé 
avec  lé  plus  de  brièveté  &  de  vérité. 

'L'encens  eft  fec  &  dur ,  d'un  goût  un^ 
peu  amer ,  modérément  acre  &  réfineux  ,- 
non  défagréable  &  d'une  odeur  pénétrante,  - 
Lorfqu'on  le  jette  fur  le  feu ,  il  devient7 
auffi-tôt  ardent  &  répand  une  flamme  vive- 
qui  a  peine  à  s'éteindre  :  il  ne  coule  pas 
comme  le  maftic.  Si  on  le  met  fous  les 
dents,  il  fe  brife  auffi-tôt  en  petits  mor-~ 
ceaux  ;  mais  il  ne  fe  réunit  point  fiomrae  le 
maftic,  &  on  ne  peut  pas  le  rouler  comm* 


j»8  EN'C 

lui  dans  la  bouche  ,  parce  qu'il  s'attache 
aux  dents. 

Les  gouttes  $  encens  font  tranfparentes  , 
oblongues  &  arrondies  ;  quelquefois  elles 
font  feules  ,  quelquefois  il  y  en  a  deux 
enfemble  ,  &  elles  reffemblent  à  des  tefti- 
cules  ou  à  des  mamelles  ,  félon  qu'elles 
font  plus  ou  moins  grottes;  c'eft  de  là  que 
viennent  les  noms  ridicules  d'encens  mâle 
&  d' 'encens  femelle.  Quelquefois  il  y  a  quatre 
ou  cinq  gouttes  d'encens  de  la  grollèur 
d'un  poids  ou  d'une  aveline  ,  qui  lont  par 
hafard  attachées  à  l'écorce  d'un  arbre  d'où 
elles  ont  découlé.  On  eftime  l'encens  qui 
eft  blanchâtre,  tranfparent,  pur,  brillant, 
(èc. 

L'encens  a  été  connu  non-feulement  des 
Grecs  &  des  Arabes  ,  mais  auili  de  prefque 
toutes  les  nations  ,  &  dans  tous  les  temps. 
Son  utage  a  été  très-célebre  &  très-fréquent 
dans  les  facrilices  ;  car  autrefois  on  les 
faiiok  avec  de  l'encens  ,  &  on  fe  fervoit , 
comme  l'on  s'en  fert  encore  à  préfent ,  pour 
exciter  une  odeur  agréable  dans  les  tem- 
ple>.  Cette  coutume  a  prefque  pafTe  parmi 
toutes  les  nations  ,  dans  toutes  les  religions 
&:  dans  tous  les  lieux. 
„  Le*  auteurs  ne  conviennent  pas  du  pays 
natal  de  l'encens.  Quelques-uns  prétendent 
qu'il  n'y  a  que  l'Arabie  qui  le  produit  ;  & 
encore  que  ce  n'eft  pas  ce  pays-là  tout 
entier  ,  mais  feulement  la  partie  que  l'on 
appelle  Saba.  D'autres  veulent  que  l'Ethio- 
pie ,  dont  quelques  peuples  s'appellent  Sa 
Ic'ens  y  porte  auili  cette  racine  odorifé- 
rante. 

Nous  fommes  encore  moins  certains  de 
farbre  qui  fournit  l'encens.  Pline  en  parle 
fort  obfcurément ,  &  fuppofe  que  c'eft  le 
térébinthe.  1  heophrafte  auure  qu'il  eft  haut 
de  cinq  coudées  ,  branchu  ,  &  que  Ces  feuil- 
les reilemblent  à  celles  du  poirier.  D'autres 
Cependant ,  dit-il  ,  foutiennent  qu'il  eu 
fèmbiable  au  lentifque  ;  &  d'autres  ,  qu'il  a 
l'écorce  &  les  feuilles  du  laurier.  Diodore 
de  Sicile  lui  donne  là  figure  de  l'acacia 
d'Egypte ,  &  les  feuilles  de  faule.  Garzias 
aiTure  que  l'arbre  de  l'encens  n'eft  pas  fort 
haut  ;  &  que  lès  feuilles  font  femblables  à 
celles  du  îemifque.  Thevet  au  contraire 
fou  tient  qu'il  reilemble  aux  pins  qui  four- 
fiiflèrtf  de  la  réfine. 


E  N  C 

Ce  que  quelques-uns  appellent  parfum 
ou  encens  des  Juifs  (  parce  qu  ils  s'en  fer- 
voient  fouvent  dans  leurs  temples  )  ,  eft 
une  mafTe  lèche ,  un  peu  réfineufe ,  rou- 
geâtre  en  écorce,  qui  a  l'odeur  pénétrante 
du  ftorax  liquide.  Cette  maife  eft  faite  des 
I  ecorces  de  l'arbre  appelle  rofa  mallas  ,  que 
l'on  fait  bouillir  6c  que  l'on  exprime  après 
que  l'on  en  a  tiré  le  itorax  liquide  :  elle 
n  eit  bonne  qu'à  brûler. 

La  manne  d"  encens  n'eft  autre  chofe  que 
les  miettes  ou  les  petites  parties  qui  fe  font 
formées  de  la  colliliou  dts  grumeaux  d'en- 
cens ,  par  le  mouvement  de  la  voiture  ou 
autrement. 

La  fuie  d'encens  eft  cette  manne  d'en- 
cens y  brûlée  de  la  manière  quon  brûle 
i'arcançon  pour  faire  du  noir  de  fumée. 

L'écorce  d'encens  eit  fécorce  de  larbre 
thunlere.  Elle  a  prefque  les  mêmes  qualités 
&  la  même  odeur  que  l'encens  :  auili  fait-on 
entrer  cette  écorce  dans  la  compolition  des 
parfums  enfiammables  ;  mais  on  n'en  ap- 
porte plus  guère ,  &  l'on  fubftitue  à  fa 
place  l'encens  des  Juifs. 

Legalipoc  s'appelle  gros  encens  ou  encens 
commun  ,  à  la  différence  de  l'oliban  }  qu'on 
nomme  encens  fin. 

L'encens  marbré  eft  une  des  elpeces  de 
barras.   Voye\  BARRAS. 

L'encens  des  Indes  ^  qu'on  appelle  vul- 
gairement encens  de  Moka  }  quoiqu'il  ne 
vienne  point  de  cette  ville  d'Arabie  ,  arrive 
en  Europe  par  les  vaiileaux  des  compagnies 
des  Inc.es ,  on  l'apporte  en  malTe  ,  quel- 
quefois en  petites  larmes  ,  mais  toujours 
fort  chargé  d'ordure.  Il  eft  rougeâtre  & 
d'un  goût  un  peu  amer.  Quelques  épiciers- 
droguiftes  le  vendent  pour  le  vrai  oiiban  : 
ceiï  de  leur  part  une  erreur  ou  une  trom- 
perie. 

L'encens  de  Thuringe  eft ,  comme  on  le 
dit  dans  le  dictionnaire  de  Trévoux ,  la 
réiine  que  fournirent  les  pins  de  la  Thu- 
ringe ,  &  fur-tout  du  territoire  de  Saxe , 
qui  abonde  en  forêts  de  ces  lbrtes  d'arbres. 
Les  fourmis  fauvages  en  retirent  de  petits 
grumeaux  qu'elles  enfoujflent  dans  la  terre 
quelquefois  jufqu'à  quatre  pies  de  profon- 
de ir.  Là  cette  poix  ,  par  la  chaleur  fou- 
ter.aine  ,  reçoit  un  nouveau  degré  de 
coftion ,  &  fe  réduit  en  mafle  ;  on  la  tire 

eniuite 


EN  C 

en  fuite  de  terre  par  gros  morceaux  î  ck 
c'eft  ce  qu'on  appelle  encens  de  Thuringe, 
qu'on  vend  hardiment  pour  de  ['encens. 
Voyez  XOriclo  graphie  de  M.  Schut.  Art. 
de  M.  le  chev.  DE  J AU  COURT. 

ENCENS,  {Pharmacie  &  mat.  méd.J 
Cette  réfine  entre  dans  beaucoup  de  corn- 
pofitions  pharmaceutiques  officinales.  Les 
Grecs  6k  les  Arabes'  fur- tout  l'employoient 
fréquemment;  ils  regardoient  Vencenspns 
intérieurement ,  comme  Ijpn  contre  diffé- 
rentes maladies  de  la  tête ,  de  la  poitrine, 
le  flux  de  ventre  6k  les  fleurs  blanches  :  ils 
le  recommandoient  pour  la  toux ,  le  cra- 
chement de  fang ,  la  diarrhée  6k  la  dyf- 
fenterie. 

Quercetanus  (  Duchêne ,  )  in  arte  med. 
pracl.  vante  beaucoup  contre  la  pleuréfie , 
une  pomme  creufée  dans  laquelle  on  a  mis 
une  drachme  iïencens  en  poudre ,  6k  que 
l'on  fait  cuire  au  feu;  il  la  fait  prendre 
au  malade,  6k  lui  donne  trois  onces  d'eau 
de  chardon  bénit  :  enfuite  il  le  fait  bien 
couvrir  pour  le  faire  fuer.  Rivière  allure 
qu'il  a  vu  pluiieurs  perfonnes  guéries  par 
ce  remède. 

Quelques  auteurs  recommandent  l'e/z- 
fens  dans  les  fumigations  de  la  tête,  pour 
les  catarres ,  le  vertige  ,  le  corryza ,  & 
celles  de  l'anus  pour  la  chute  de  cette 
partie. 

Les  anciens  brûloient  Y  encens  6k  en  re- 
cevoient  la  fuie  ou  le  noir  de  fumée  , 
qu'ils  eftimoient  beaucoup  dans  les  inflam- 
mations des  yeux. 

Mathiole  recommande  pour  la  chaffie 
ck  la  rougeur  des  yeux,  de  l'eau-rofe, 
dans  laquelle  on  a  éteint  en  différentes 
fois  trente  grains  tiencens  allumés  à  une 
bougie.  On  pafTe  cette  eau  à  travers  un 
linge  blanc  ,  6k  on  frotte  le  coin  des  yeux 
avec  une  plume. 

Quelques  perfonnes  fe  fervent  d'un 
grain  ftencens  qu'ils  appliquent  fur  une 
dent  douloureufe,  dans  l'intention  de  la 
faire  pourrir. 

Nous  employons  aujourd'hui  fort  rare- 
ment Yencens  ,  6k  on  ne  s'en  fert  guère 
dans  les  boutiques  que  pour  les  prépara- 
tions officinales  où  il  eft  demandé.  Il  entre 
dans  les  eaux  antinéphrétiques  6k  théria- 
cales ,  dans  le  mithridate  ,  dans  les  tro- 
Tomc  XII. 


ENC  329 

chifques  de  karabé  ,  dans  les  pilules  de 
cynoglofTe  6k  de  ftyrax ,  dans  les  baumes 
de  Fioraventi  6k  du  Commandeur,  6k 
dans  un  grand  nombre  d'emplâtres,  (b) 

ENCENSEMENT,  f.  m.  (Hift.  eccléf.) 
c'eft  dans  l'églife  Romaine  l'aclion  d'en- 
cenfer  pendant  l'office  divin  ,  à  l'autel,  au 
clergé  6k  au  peuple. 

On  voit ,  dit  M.  Aubry ,  par  les  anciens 
ordres  Romains ,  que  l'encens  a  été  intro- 
duit comme  un  parfum  pour  purifier  l'air 
6k  les  perfonnes.  L'on  a  commencé  de  s'en 
fervir  dans  les  temps  où  les  fidèles ,  obligés 
de  fe  cacher,  s'alfembloient  en  fecret  dans 
des  lieux  fouterrains,  humides  6k  mal-fains; 
l'haleine  d'un  fi  grand  nombre  de  perfon- 
nes renfermées  produifoit  une  mauvaife 
odeur,  que  l'on  tâchoit  de  diffiper  par  le 
moyen  de  l'encens,  ou  de  quelques  autres 
parfums  ;  telle  eft  l'origine  de  l'encens 
dans  l'églife. 

En  effet ,  il  feroitaifé  d'établir  queYen- 
cenfementn'eft  point  une  partie  du  culte , 
mais  qu'il  a  été  durant  plufieurs  fiecles  une 
fimple  purification  de  l'air  6k  des  perfonnes, 
occafionée  par  la  néceflité  dans  les  lieux 
de  leurs  alTemblées  religieufes.  Tertullien 
le  dit  pofitivement  dans/o/i  apologétique, 
ch.  xxx\  il  remarque  encore  dans  un  autre 
endroit  ,  que  les  anciens  chrétiens  n'u- 
foient  point  d'encens  pendant  l'office  di- 
vin ,  6k  que  l'on  ne  s'en  fervoit  que  dans 
les  funérailles  :  au  témoignage  de  Tertul- 
lien ,  on  pourroit  joindre  ceux  d'Athéna- 
gore ,  de  Laétance  6k  autres  pères,  s'il  s'a- 
gifToit  de  confirmer  cette  vérité. 

Quand  le  chriftianifme  fut  établi  fur  les 
ruines  du  paganifme ,  l'ufage  de  l'encens 
continua  dans  les  temples  ;  ce  ne  fut  plus 
alors  par  le  befoin  abfolu  de  la  purifica- 
tion de  l'air ,  des  perfonnes  6k  des  lieux , 
moins  encore  pour  honorer  les  hommes  ; 
ce  fut  pour  imiter  l'exemple  des  mages , 
qui  présentèrent  de  l'or  6k  de  l'encens  à 
Notre-Seigneur ,  afin  de  lui  marquer  leurs 
refpeéte  6k  leur  foumiffion;  Ton  fe  fervit 
auffi  de  ce  moyen  pour  inviter  les  chrétiens 
à  détacher  leurs  penfées  de  la  terre,  6k  à  les 
porter  au  ciel  avec  la  fumée  de  l'encens. 

Mais  ce  qui  n'étoit  qu'un  type  dans  la 
religion  ,  6k  qu'un  hommage  d'obligation 
au  Sauveur  du  monde ,  changea  bientôt  de 
Tt 


33o  E  N  C 

nature  ,  &  devint  une  oblation  honoriri 
que  aux  princes  de  la  terre  &  aux  miniftres 
de  l'autel.  Le  premier  exemple  eut  lieu  en 
faveur  des  empereurs  de  Conftantinople. 
Codin  nous  apprend  que  dans  les  fêtes  fo- 
lemnelles ,  le  patriarche  encenfoit  à  .deux 
différentes  fois  l'empereur,  lorfqu'il  afïil- 
toit  aux  offices ,  &c  qu'il  remettoit  après 
cela  l'encenfoir  à  fon  diacre,  pour  aller 
donner  Vencenfemeht  au  clergé. 

Dans  la  fuite  des  temps ,  les  grands-fei- 
gneurs ,  pour  fe  diftingUer  de  la  foule  , 
affeéterentde  s'attribuer  Y  encenfement\  &t 
voulant  de  plus  en  plus  marquer  leur  rang 
&  leur  dignité  dans  l'églife  même,  ils  exi- 
gèrent deux  coups  dY  encenftment ,  tandis 
qu'on  n'en  donneroit  qu'un  feul  à  tous 
les  autres  aftiftans  pendant  le  facrifice. 

Voilà  comme  il  eft  arrivé  que  le  plus  ou 
le  moins  de  coups  d'encenfement  détignent 
aujourd'hui  la  qualité  de  la  perfonne  en- 
cenfée  ;  &  l'on  fait  bien  que  les  ufages 
fondés  fur  l'orgueil  &  l'ambition  ne  s'abo- 
liiTent  guère  :  aufli  l'honneur  futile  de 
Yencenfcment  produit  tous  les  jours  en 
France  des  procès  que  l'on  juge  ordinaire- 
ment par  les  titres  &  les  coutumes  des 
lieux  ;  c'eft  pourquoi  l'on  ne  manque  point 
d'arrêts  forts  finguliers  fur  cette  matière. 
Art.  de  M.  le  chev.  DE  JaUCOURT. 

*  ENCENSOIR,  f.  m.  vafe  qui  a  paffé 
du  temple  des  Juifs  dans  nos  temples.  Il  eft 
divifé  en  deux  parties:  l'inférieure  eft  une 
efpece  de  grande  faliere  revêtue  d'une 
tôle,  qui  contient  le  feu  fur  lequel  on  met 
l'encens;  &  la  fupérieure,  une  efpece  de 
dôme  qui  couvre  la  partie  inférieure  ,  & 
qui  eft  percée  d'un  grand  nombre  de  petites 
ouvertures  par  lefquelles  la  fumée  de  l'en- 
cens peut  s'échapper:  l'inférieure  eft  à  pié; 
il  en  part  trois  ou  quatre  longues  chaînes , 
qui  traverfent  autant  de  tenons ,  ou  an- 
neaux, ou  petites  douilles  fixées  fur  la 
partie  fupérieure.  Ces  chaînes  vont  fe  réu- 
nir à  une  petite  pièce  plate  ou  bombée  qui 
fert  comme  de  poignée  à  Yencenfoir.  Cette 
pièce  eft  percée  dans  fon  milieu,  ck  traver- 
fée  d'une  chaîne  qui  fe  rend  au  fommet  de 
la  partie  fupérieure  de  Yencenfoir.  Cette 
chaîne  y  eft  attachée  ,  &  elle  eft  retenue 
fur  la  pièce  plate  deYencenfoir  qu'elle  tra- 
verfe  par  un  arrêt  à  anneau.  En  tirant  cet 


E  N  C 

anneau  ,  on  fait  monter  en  g'iiTant  la  partie 
fupérieure  de  Yencenfoir  entre  les  autres 
chaînes  ;  cette  partie  celle  de  couvrir  la 
partie  inférieure,  &  l'on  peut  mettre  dans 
celle-ci  du  feu  ck  de  l'encens.  Quand  on 
y  a  mis  du  feu  ck  de  l'encens  ,  on  lâche 
l'anneau  *,  la  panie  fupérieure  retombe  fur 
la  partie  inférieure  ,  &  la  couvre ,  alors 
l'eccléfiaftique  qui  doit  fe  fervir  de  Yen- 
cenfoir^emhr'dûe  dans  fa  main  droite  toutes 
les  chaînes  ;  la  mece  à  laquelle  elles  abou- 
tiftent  eft  appliquée  ou  fur  fon  pouce  ck  fon 
index  ,  6k  les  chaînes  fortent  par  la  partie 
oppoiée  de  la  main  ;  ou  contre  cette  partie 
oppofée  ,  ck  les  chaînes  fortent  entre  le 
pouce  6k  l'index ,  6k  fe  recourbent  fur  l'in- 
dex. Le  prêtre  en  faifant  ofciller  par  le 
mouvement  du  bras  6k  du  poignet  le  corps 
de  Yencenfoir,  la  fumée  de  l'encens  eft 
portée  par-tout  où  il  lui  plaît  de  la  diriger. 
Les  Juifs  avoient  dans  leur  temple  un  grand 
nombre  de  ces  encenfoirs.  On  dit  que  Sa- 
lomon  en  avoit  fait  fondre  20000  d'or,  & 
50000  d'argent.  Cela  eftprefque  incroya- 
ble :  il  eft  rare  qu'il  y  en  ait  plus  d'une  dou- 
zaine dans  nos  plus  riches  églifes;  ils  font 
tous  d'argent ,  &  je  ne  crois  pas  qu'on  en 
ait  jamais  fait  aucun  d'or.  On  prétend  que 
les  encenfoirs  des  Juifs  différoient  des  nô- 
tres ,  en  ce  qu'ils  étoient  fans  chaînes ,  ck 
qu'ils  fe  portoient  à  la  main  comme  des 
réchauds  ou  grandes  caiTolettes  à  pies. 

ENCÉPHALE,  adj.  m.  &  f.  (Médec.) 
ce  mot  eft  grec  ;  il  eft  compofé  de  kv ,  dans, 
&  de  Ktçcthn.,  tête\'\\  peut  donc  convenir  à 
tout  ce  qui  eft  renfermé  dans  la  tête  :  mais 
l'ufage  que  l'on  en  fait,  eft  particulièrement 
pour  défigner  différentes  efpeces  de  vers 
qui  naiftent  en  différentes  parties  de  la  tête. 

Etmuller  fait  mention ,  en  traitant  de  la 
céphalalgie  ,  de  plufieurs  ©bfervations  par 
lefquelles  ileonfte  qu'elle  peut  être  caufée 
par  des  vers  engendrés  dans  le  cerveau  , 
ou  plus  vraifemblablement  dans  le  linus 
frontaux,  ou  dans  les  cellules  de  l'os 
ethmoïde,puifquel'onen  a  vufortir  parles 
narines ,  au  grand  foulagement  des  mala- 
des ',  c'eft  ce  que  Schenkius ,  defebre  Hun- 
garica ,  dit  avoir  obfervé  plufieurs  fois 
dans  une  fièvre  qui  régnoit  en  Hongrie  , 
que  l'on  appelloit  céphalalgie  vermiculaire, 
parce  que  la  douleur  de  tête  qui  étoit  le 


E   N   C 

-fymptome  dominant  6k  le  plus  violent  de 
cette  fièvre,  étoitcaufée  par  des  vers.  Bar- 
tholin ,  cent.  6  ,  cbf.  3  ,  fait  auifi  mention 
d'une  douleur  de  tête  très-opiniâtre  guérie 
par  l'excrétion  de  quelques  vers  par  les  na- 
rines :  on  trouve  une  femb'able  obferva- 
tion  dans  Foreftus,  Ub.  XXI .  obf.  28. 

Il  confie  cependant  qu'il  y  a  eu  des  ma- 
ladies peftilentielles ,  clans  lefquelles  il  s'en- 
gendroit  des  vers  dans  le  cerveau  même, 
lorfqu'elles  n'avoient  pas  d'autre  cauieque 
la  difpofition  à  cette  production.  Voy.  ce 
qui  eft  dit  à  ce  fujet  dans  le  Dicl.  de  Tré- 
voux ^article  ENCÉPHALE.  V.  aufli ,  fur 
le  même  fujet,  plusieurs  chofes  très-fingu- 
lieres  6k  très-utiles  dans  le  traité  de  la  gé- 
nération des  vers  dans  le  corps  humain  , 
par  M.  Andry,  6k  dans  ce  dictionnaire 
Y  article  VERS,  (d) 
ENCHAINEMENT,ENCHAINURE 
(Synon.J  Le  premier  ne  fe  dit  bien  qu'au 
figuré  ;  on  commence  à  employer  le  fé- 
cond en  parlant  des  ouvrages  de  l'art,  6k 
il  faut  encourager  ces  fortes  d'ufages  tant 
qu'il  eft  poflible.  Article  de  M.  le  cheva- 
lier DE  JAUCOURT. 

ENCHANTELER  ,  v.  ac\  ( Comm. 
ide  ffin.)  c'eft  mettre  en  chantier. 

ENCHANTEMENT,  ù  m.  (Sortilège 
•&  Divinat.)  paroles  6k  cérémonies  dont 
ufent  les  magiciens  pour  évoquer  les  dé- 
mons, faire  des  maléfices ,  ou  tromper  la 
{implicite  du  peuple.  V.  Magie,  Fasci- 
nation ,  Maléfice  ,  Sorcellerie. 
-,  Ce  mot  eft  dérivé  du  Latin  in ,  6k  canto, 
je  chante  ;  foit  que  dans  l'antiquité  les  ma- 
giciens euffent  coutume  de  chanter  leurs 
conjurations  6k  exorcifmes  magiques,  foit 
que  les  formules  de  leurs  enchantemens 
fuffent  conçues  en  vers,  èk  l'on  fait  que  les 
vers  étoient  faits  pour  être  chantés.  Cette 
dernière  conjecture  paroît  d'autant  plus 
vraifemblable,  qu'on donnoit  aufli  aux*/z- 
chantemens  le  nom  de  carmina,  vers,  d'où 
nous  avons  fait  charme,  Voy.  Charme. 
Rien  ,  félon  M.  Pluche,  n'eft  plus  Am- 
ple que  l'origine  des  enchantemens.  Les 
feuillages  ou  les  herbes  dont  on  couronna , 
dans  les  prerriisrs  fernp$  ,  la  tête  d'Ifis  , 
d'Ofiris  6k  des  autres  fymboles ,  n*cr*>?ent 
eux-mêmes  que  des  fymboles  de  la  récolte 
abondante, ck  les  paroles  que  prononcoient 


ENC  33, 

les  prêtres,  que  les  formules  de  remercie- 
mens  pour  les  dons  de  la  Divinité.  Peu  à 
peu  ces  idées  s'affaiblirent  dans  l'efprit  des 
peuples,  s'effacèrent  6k  fe  perdirent  en- 
tièrement ,  «  6k  ils  prirent  l'idée  de  l'union 
de  certaines  plantes  6k  de  quelques  paro- 
les devenues  furannées  6k  inintelligibles  , 
pour  des  pratiques  myftérieufes  éprouvées 
par  leurs  pères.  Ils  en  firent  une  collec- 
tion ,  6k  un  art  par  lequel  ils  prétendoient 
pourvoir   prefque   infailliblement  à  tous 
leurs  befoins.   L'union  qu'on  faifoit   de 
telle  ou  telle  formule  antique  avec  tel  ou 
tel  feuillage  arrangé  fur  la  tête  d'Ifis  au- 
tour d'un  croiflantde  lune  ou  d'une  étoile, 
introduisît  cette  opinion  infenfée  ,  qu'avec 
certaines  herbes  6k  certaines  paroles  on 
pouvoit  faire  defeendre  du  ciel  en  terre 
la  lune  ck  les  étoiles  : 
Carmina  velcœlo  poffunt  deducere  lunam. 
Ils  avoient  des   formules  pour  tous  les 
cas  ,  même  pour  nuire  à  leurs  ennemis  ; 
on  en  voit  du  moins  la  preuve  dans  les 
poètes.  La  connoilTance  de  plufieurs  {im- 
pies ,  bien  ou  mal-faifans ,  vint  au  fecours 
de  ces  invocations  6k  imprécations  afîu- 
rément   très-impuiflantes  ;  6k  les  fuccès 
de  la  médecine  ou  de  la  feience  des  poi- 
fons  aidèrent  à  mettre  en  vogue  les  chi- 
mères de  la  magie.  »  Hiji.  du  Ciel,  tom.  I, 
pag.  450  CV  45  r. 

Il  s'enfuit  de  ce  fentiment ,  i°.  que  1V/2- 
chantement  eft  compofé  de  deux  chofes  ; 
favoir,  d'herbes  ou  autres  inftrumens  ma- 
giques ,  comme  des  cadavres  humains ,  du 
fang  ou  des  membres  d'animaux,  tels  qu'on 
en  employoit  dans  la  Nécromancie  ;  mais 
ce  n'eft-là  que  l'appareil ,  le  matériel  ,  6k 
pour  ainfi  dire  le  corps  de  V enchantement. 
2°.  Que  ce  qui  en  faifoit  la  force ,  6k  déter- 
minoit  cet  appareil  à  l'utilité  ou  au  détri- 
ment de  l'objet  pour  ou  contre  lequel  étoit 
deftinée l'opération  magique,  c'étoientles 
paroles  6k  les  formules  que  prononcoient 
'es  enchanteurs.  C'eft  fur  ce  fondement 
que  les  démonographes,  dans  les  récits 
qu'ils  donnent  des  fortileges,  font  toujours 
mention  de  certaines  paroles  ,    certains 
mots,  que  les  forciers  6k  forcieres  pronon- 
cent tout  bas  6k  grommelant  entre  leurs 
derïîâ.  3°r  Qu'il  y  avoit  deux  fortes  d'e/z- 
chanumens ,  \z*ur$  favorables  ou  utiles, 


33*  ENC 

ck  les  autres  contraires  ck  pernicieux. 
«  Quant  à  ces  derniers,  l'humanité,  pour- 
fuit  le  môme  auteur,  infpirant  naturelle- 
ment de  l'horreur  pour  les  pratiques  qui 
tendent  à  la  deftru&ion  de  nos  femblables, 
les  incantations  magiques  qu'on  croyoit 
meurtrières,  furent  abhorrées  ck  punies 
chez  tous  les  peuples  policés.  »  Mais  cette 
févérité  n'a  pas  empêché  que  dans  tous  les 
temps  ck  chez  tous  les  peuples  il  n'y  ait  eu 
des  importeurs  qui  n'aient  fait  le  métier 
d'enchanteurs ,  ou  des  hommes  affez  fcé- 
lérats  pour  efpérer  parvenir  à  leurs  fins  par 
les  enchantemens.  Entre  pîufieurs  elpeces 
dont  parlent  ou  les  hiftoriens  ou  les  auteurs 
qui  ont  traité  en  particulier  delà  magie, 
nous  ne  nous  arrêterons  qu'à  ces  figures  de 
cire  ,  par  le  moyen  defquelles  on  s'imagi- 
noit  faire  périr  ceux  qu'on  haïfïbit.  Onap- 
pelloit  autrefois  en  France  ces  figures  un 
volt  ou  un  voufl ,  ck  l'ufage  qu'on  en  pré- 
tendoif  faire ,  envoufter  quelqu'un  ;  terme 
que  Ménage  dérive  à'invotare ,  dévouer 
quelqu'un  aux  puiffances  infernales,  mais 
qui ,  félon  Ducange,  vient  d'invulturare, 
vultum  effingerc ,  mot  employé  dans  la 
moyenne  Latinité  pour  exprimer  cette  re- 
présentation de  quelqu'un  en  cire  ou  en 
terre  glaife.  Quoi  qu'il  en  foit  de  l'étymo- 
logiedumot,  il  eft  certain  que  clans  Tu fage 
qu'on  en  prétendoit  faire,  il  entroit  des  pa- 
roles qu'on  feperfuadoit  ne  pouvoir  être 
prononcées  efficacement  par  toutes  fortes 
de  perfonnes.C'eftce  q^ue  nous  apprenons 
par  quelques  particulantésdu  procès  de  Ro- 
bert d'Artois  fous  Philippe  de  Valois  ;  pro- 
cès dont  M.  Lancelot,  de  l'académie  des 
Belles-Lettres,  nous  a  donné  une  hiftoire 
fi  intéreflante  dans  les  mémoires  de  cette 
académie.  Cet  auteur  dit  que  Robert  d'Ar- 
tois ck  fon  époufe  uferent  iï  enchantemens 
contre  le  roi  ck  la  reine  ;  ck  que  l'an  1 3 1 3 , 
entre  la  S.  Rémi  ckla  TouMaint,  Robert 
manda  frère  Henri  Sagebrand ,  de  l'ordre 
de  laTriuité,  fon  chapelain;ck  après  beau- 
coup de  careties,  ck  l'avoir  obligé  de  jurer 
qu'il  lui  garderoit  le  fecret  fous  le  fceau  de 
la  confeffion,  ce  que  le  moine  jura.  Robert 
ouvrit  un  petit  écrin,  ck  en  tiraw/ze image, 
de  cire, enveloppée  en  un  querre-chiefcrefpé, 
laquelle  image  efioit  à  la  femblana  d'une 
Jigure  de  Jeune  homme ,  &  efioit  bien  de 


ENC 

ta  longueur  d'un  pic  &  demi,  ce  li  fembte 
(c'en1  la  dépofition  de  frère  HenriJ,  &Ji  le 
vit  bien  clerement  par  le  querre-chiefqui 
ètoit  moulte  délieq,  &  avoit  entourle  chief 
femblance  de  cheveux  an ffî  comme  un  jeune 
homme  qui  porte  chief.  Le  moine  voulut  y 
toucher:  N'y  touchie^,  frère  Henri,  lui  dit 
Robert,  il  e]i  tout  fait,  icefluy  eft  tout  bap- 
ti/îe^fen  le  m'a  envoyé  de  France  tout  fait 
&tout  baptifle^.  Iln  y  faut  rien  à  ceftuy,  & 
eft  fait  contre  Jehan  de  France  &  en  fon 
nom&  pour  le  grever. ..mais je  en  vouldroys 
avoir  un  autre  que  je  voudroye  quilfufi 
baptifié.Et pour  qui  efl-ce}  dit  frère  Henri; 
C eft  contre  une  deabUjfe,  dit  Robert;  c'efi 
contre  la  rôyne...Jzvous  prie  que  vous  me 
le  baptifie^,  quar  il  eft  tout  fait.  Un  y  faut 
que  le  baptefme\je  ai  tout  prit  les  parrains 
&  les  marraines ,  &  quant  que  il  y  a  mé- 
tier, fors  le  baptijèment...ll  ny  faut  à  faire 
fors  auj/i comme  à  un  enfant  baptifer  &dire 
les  noms  qui  y  appartiennent.  Frère  Henri 
refufa  conftamment  fon  miniftere  pour 
de  pareilles  opérations,  ck  dit  à  Robert 
d'envoyer  chercher  celui  qui  avoit  baptifé 
l'autre.  Il  fit  également  ck  aufli  inutilement 
folliciter  Jean  Aymeri,  prêtre  du  diocefe 
de  Liège ,  de  baptifer  fon  vouft  ou#fon 
image  de  cire.  Mém.  de  Cacad.  des  infcr. 
tome  X .  pag.  617  &  62  c). 

Il  paroît,  par  ce  récit ,  qu'outre  la  pro- 
fanation facrilege  qu'on  exigeoit,  la  forme 
de  baptême  ck  l'impofition  du  nom  par  les 
parrains  ck  marraines  paffoit  pour  nécef- 
faire ,  afin  qu'au  moyen  de  la  figure  on  pût 
nuire  à  fes  ennemis. 

Ce  n'eft  pas  feulement  parmi  les  anciens 
ni  enEurope  que  ces  fortes  à"  enchantemens 
ont  eu  lieu,  ils  étoient  connus  des  fauvages 
d'Amérique.Chez  les  Illinois  ck  chez  d'au- 
tres nations ,  dit  le  P.  Charlevoix  ,  on  fait 
de  petits  marmoufets  pour  repréfenter ceux 
dont  on  veut  abréger  les  jours  ,  ck  qu'on 
perce  au  cœur.  Il  ajoute  que  d'autres  fois, 
on  prend  une  pierre  ;  ck  par  le  moyen  de 
quelques  invocations,  on  prétend  en  for- 
mer une  femblable  dans  le  cœur  de  fon 
ennemi.  Toutes  ces  pratiques  ,  quelque 
impies  ou  ridicules  qu'elles  foient ,  con- 
courent à  prouver  ce  que  nous  avons  ob- 
fervé,  que  Y  enchantement  eft  un  afTem- 
blage  d'adions  ck  de  paroles ,  dans  la  vue 


E  N  C 

coopérer  quelque  effet  extraordinaire  ,  6k 
communément  pernicieux.  Journ.  d'un 
voyage  d'Amer.  lett.  xxv  9  p.  3&0.  (  G) 

Enchantement,  Ç.Méd.)  manière 
de  guérir  les  maladies  ,  foit  par  des  amu- 
lettes ,  des  taliimans,  des  phylactères  ,  des 
pierres  précieufes  6k  des  mots  barbares , 
qu'on  porte  fur  la  perfonne,  foit  par  des 
préparations  fuperfîitieufes  de  (impies,  foit 
enfin  par  d'autres  moyens  auffi  frivoles. 

Il  n'eft  pas  difficile  d'en  découvrir  l'ori- 
gine ;  c'eft  l'ignorance  ,  l'amour  de  la  vie 
ôv  la  crainte  de  la  mort  qui  leur  ont  donné 
naiffance.  Les  hommes  voyant  que  les 
fecours  naturels  qu'ils  connoiffoient  pour 
fe  guérir  étoient  fouvent  inutiles,  s'atta- 
chèrent à  tout  ce  qui  s'offrit  à  leur  efprit , 
à  tout  ce  que  leur  imagination  vint  à  leur 
fuggérer. 

Les  amulettes ,  les  talifmans ,  les  phylac- 
tères ,  les  pierres  précieufes ,  les  os  de  mort 
qu'on  mit  fur  foi ,  dans  certains  cas  extraor- 
dinaires,parurent  peut-être  d'abord  comme 
des  remèdes  indifférens  ,  qu'on  pouvoit 
d'autant  mieux  employer  ,  que  s'ils  ne 
faifoient  point  de  bien ,  du  moins  ne  cau- 
foient-ils  point  de  mal.  Ne  voyons-nous 
pas  encore  tous  les  jours  une  infinité  de 
gens  fe  conduire  par  les  mêmes  principes? 

Ces  remèdes  n'étoient  d'ailleurs  ni  rebu- 
tans,ni  douloureux,  ni  défagréables. On 
s'y  livra  volontiers  ;  l'exemple  6k  l'imagi- 
nation ,  quelquefois  utiles  pour  fuppléer 
à  la  vertu  qui  manquoit  aux  remèdes  de 
cette  efpece,  les  accréditèrent  ;  la  fuperfti- 
tion  les  autorifa  ,  6k  vraifemblablement  la 
fourberie  des  hommes  y  mit  le  fceau. 

Quoiqu'il  en  foit,  les  enchantemens  fe 
font  ii  biens  introduits  6k  de  fi  bonne  heure 
dans  la  médecine,  que  toutes  les  nations 
les  ont  pratiqués  de  temps  immémorial, 
ck  qu'ils  fubfiftent  encore  dans  les  trois 
plus  grandes  parties  du  monde  ;  l'Afie , 
l'Afrique  ck  l'Amérique. 

Hammon,  Hermès.  Zoroaftre  pafîbient 
parmi  les  païens  pour  les  auteurs  de  cette 
pratique  médicinale.  Hammon  ,  qu'on 
compte  entre  les  premiers  rois  de  la  dy- 
naftie  d'Egypte  ,  a  été  regardé  pour  l'in- 
venteur de  l'art  de  faire  fortir  le  fer  d'une 
plaie ,  ck  de  guérir  les  morfures  des  ferpens 
par  des  enchantemens. 


E  N  C  333 

Pindare  dit  qut  Chiron  le  centaure 
traitoit  toutes  fortes  de  maladies  par  le 
même  fecours  ,  ck  Platon  raconte  que  les 
fages  -  femmes  d'Athènes  n'avoient  pas 
d'autres  fecrets  pour  faciliter  les  accouche- 
mens;  mais  je  ne  fâche  poir-t  de  peuple 
chez  qui  cet  ufage  ait  trouvé  plus  de  fec- 
tateurs  que  chez  les  Hébreux. 

Leur  loi  ne  put  venir  à  bout  d'arrêter  le 
cours  du  défordre  ;  c'eft  pourquoi  Jérémie 
(  chap.  vij  ,  v.  ty,  )  les  menaça  au  nom  du 
Seigneur  de  leur  envoyer  des  ferpens  con- 
tre la  morfure  defquels  l'enchanteur  ne 
pourroit  rien. 

Hippocrate  contribua  merveilleufement 
par  les  lumières  à  effacer  de  l'efprit  des 
Grecs  les  idées  qu'ils  pouvoient  avoir  fu- 
cées  fur  la  vertu  des  enchantemens.  Ce  n'eft 
pas  que  leurs  philofophes ,  ck  ceux  qui 
étoient  nourris  dans  leurs  principes  ,  don- 
naffent  dans  ces  niaiferies  ;  l'hiftoire  nous 
prouve  bien  le  contraire.  J'aime  à  lire  dans 
Plutarque  ce  que  Périclès ,  inftruit  par  Ana- 
xagore ,  penfoit  de  tous  ces  vains  remèdes  : 
«  Vous  voyez ,  dit-il ,  à  un  de  fes  amis  qui 
»  vint  le  vifîter  daHÉ  le  temps  qu'il  étoit 
»  atraqaé  de  la  pefte  dont  il  mourut ,  vous 
»  voyez  mon  état  de  langueur  ;  mais  re- 
»  gardez  fur-tout,  ajouta-t-il,  cette  efpece 
»  de  charme  que  des  femmes  ont  pendu  à 
»  mon  cou ,  ck  jugez ,  après  cela  ,  lî  j'ai 
»  eu  l'efprit  bien  affoibli.  » 

Cependant  les  Romains  gémirent  long- 
temps fous  le  poids  de  cette  fuperiution. 
Tite-Live  nous  apprend  qu'une  maladie 
épidémique  régnant  à  Rome  ,1'an  326  de 
/a  fondation,  on  épuifa  vainement  tous  les 
remèdes  connus  de  la  médecine ,  après 
quoi  on  eut  recours  aux  enchantemens  6k  à 
toutes  les  extravagances  dont  l'efprit  de 
l'homme  eft  capable.  On  en  pouffa  fî  loin 
la  manie,  que  Ie'fénat  fut  obligé  de  les 
défendre  par  de  féveres  ordonnances  ;  c'é- 
toit  aux  Pfylles,  peuples  de  la  Lybie,  6k 
aux  Marfes ,  peuples  d'Italie  ,  qu'ils  s'a- 
drelïbient ,  à  caufe  de  leur  célébrité  dans 
la  feience  des  enchantemens.  Enfin ,  Afclé- 
piade,  qui  vivoit  du  temps  de  Mithri- 
date  6k  de  Cicéron  ,  eut  le  bonheur  de 
bannir  de  Rome  cette  vaine  manière  de 
traiter  les  maladies.  Peut-être  auffi  qu'Af- 
clépiade  parut  dans  le  temps  favorable  où 


334  E  N  C 

l'on  commençoit  à  s'en  lafïer ,  parce  qu'on 
n'en  voyoit  aucun  effet. 

Les  premiers  chrétiens  n'ont  pas  été 
exempts  de  cette  folie,  puifque  les  papes  6k 
les  conciles  prirent  le  parti  de  condamner 
'  les  phylactères  que  les  nouveaux  conver- 
tis au  chriftianifme  portoient  fur  leurper- 
fonne  ,  pour  fe  préferverde  certains  dan- 
gers. En  un  mot ,  les  ténèbres  de  l'erreur  ne 
fediffiperent  que  quand  les  arts  6k  les  fcien- 
ces ,  enfevelis  pendant  plufieurs  flecles ,  re- 
parurent en  Europe.  Alors  la  médecine, 
de  plus  en  plus  éclairée  ,  rejeta  toutes  les 
applications  fuperftirieufes  des  remèdes  ri- 
dicules ,  opéra  la  guéri fon  des  maladies  par 
les  fecours  de  l'art,  6k  nous  remit  à  peu 
près  au  même  point  où  Hippocrate  avoit 
laifle  les  Grecs  à  fa  mort.  Tout  le  monde 
fait  que  dans  ce  temps-là  les  TherTaliens 
l'emportoient  fur  toutes  les  nations  dans 
la  pratique  des  enchantemens ,  6k  que  Phi- 
lippe, étant  tombé  malade  ,  fit  venir  à  fa 
cour  une  Theflalienne  pour  le  guérir  ;  mais 
la  curieufe  Olympias  appeîla  fecrétement 
la  TheiTalienne  dans  fon  cabinet,  où  ne 
pouvant  fe  laffer  d'aflfmirer  fes  grâces  6k  fa 
beauté  :  «  N'écoutons  plus ,  s'écria-t-elle, 
»  les  vains  difcours  du  peuple;  les  charmes 
»  dont  vous  vous  fervez  font  dans  vos 
»  yeux.  »  Cet  article  efl  de  M.  le  chevalier 
DE  J AU COURT. 

Enchantement,  (Belles-Lettres.  J 
terme  d'opéra.  Le  merveilleux  eft  le  fonds 
de  l'opéra  François.  Cette  première  idée 
queQuinaultaeue  en  créant  ce  genre,  eft 
le  germe  des  plus  grandes  beautés  de  ce 
fpe&acle.  (  V.  Opéra.  )  C'eft  le  théâtre 
des  enchantemens  ;  toute  forte  de  merveil- 
leux eft  de  fon  reffort ,  6k  on  ne  peut  le 
produire  que  par  l'intervention  des  dieux 
de  la  fable ,  ck  par  le  fecours  de  la  féerie 
ou  de  la  magie. 

Les  dieux  de  la  fable  développent  fur  ce 
théâtre  la  puiftance  furnaturelle  que  l'anti-  ' 
quité  leur  attribuoit  La  féerie  y  fait  voir 
un  pouvoir  furprenant  fur  les  créatures 
fans  mouvement ,  ou  fur  les  êtres  ani- 
més :  la  magie ,  par  fes  enchantemens ,  y  . 
amené  des  changemens  qui  étonnent ,  ex 
tous  ces  différehs  reflbrts  y  produifentdes 
beautés  qui  peuvent  faire  illufîon  ,  lorf- 
tju'ils  font  conduitspar  une  main  habile. 


E  N  C 

Il  y  a  un  enchantement  dans  l'opéra 
d'Amadis ,  qui  eft  le  fonds  d'un  divertifté- 
ment  très-bien  amené  6k  fort  agréable; 
il  a  été  copié  dans  Tanciede  ,  ck  la  copie 
eft  bien  au  deffous  de  l'original.  Amadis  , 
dans  le  premier,  croit  voir  dans  une  ma- 
gicienne ,  Oriane  qu'il  adore;  il  met  à  Ces 
pies  Ces  armes ,  ck  X enchantement  produit 
un  effet  raifonnable  6k  fondé  fur  lapaflion 
de  ce  héros. 

Des  nymphes  paroifTent  dans  Tancre- 
de;elles  d§nfent  autour  de  lui,  ck  les  armes 
lui  tombent  des  mains ,  fans  autre  motif 
apparentauxyeuxdu  fpeétateur.  Suffit-il 
de  danfer  pour  enchaîner  la  valeur  d'un 
héros  ,  bien  fur  d'ailleurs  dans  cette  occa- 
sion que  tout  ce  qu'il  voit  n'eft  qu'un 
enchantement  ?  car  il  eft  dans  la  forêt  en- 
chantée, 6k  les  flammes  qui  l'ont  retenu 
font  un  enchantement ,  à  ce  qu'il  dit  lui- 


ï'me,  &c. 


Cette  critique  fur  un  ouvrage  très-efti- 
mable  d'ailleurs  ,  6k  dont  l'auteur  n'eft 
plus,  a  pour  feul  motif  le  progrès  de  l'art. 
Quelque  peu  fondés  en  raifon  que  foient 
les  enchantemens ,  quoiqu'ils  foient  contra- 
dictoires.avec  le  bon  fens  ,  6k  qu'enfin  , 
fans  être  trop  philofophe ,  on  puifTe  avec 
confiance  en  nier  la  poftibilité  ,  l'opinion 
commune  fuffit  pour  donner  la  liberté  aux 
poètes  de  les  introduire  dans  un  genre 
confacré  à  la  ficlion  ;  mais  ils  ne  doivent 
s'en  fervir  qu'en  leur  confervant  les  motifs 
capables  de  les  occafioner ,  6k  les  effets 
qu'ils  produiroient  réellement  s'ils  étoient 
poffibles. 

Tout  enchantement  qui  ne  naît  pas  du 
fujet  qu'on  traite  ,  qui  ne  fert  point  au 
développement  de  la  paffion  ,  6k  qui  n'en 
eft  pas  l'effet ,  eft  donc  vicieux ,  6k  ne 
fauroit  produire  qu'une  beauté  hors  de 
place;cette  efpecede  merveilleux  ne  doit 
être  employé  à  l'opéra  qu'à  propos.  Il  n'eft 
qu'un  reffort  de  plus  dans  la  main  du 
poëte  pour  faire  sgir  la  paflion ,  6k  pour 
lui  faire  créer  des  moyens  plus  forts  d'éton- 
ner, d'ébranler,  de  féduire ,  de  troubler  le 
fpe&ateur.  Voye^  FÉERIE  ,  Magie  , 
Opéra.  (B) 

ENCHANTEUR,  f.  m.  terme  d'opéra. 
Il  y  a  des  rôles  d'enchanteur.  Tous  ceux  qui 
font  des  enchantemens  ne  fontpasappellés 


E  N  C 

de  ce  nom;  on  leur  donne  plus  commu- 
nément celui  de  magiciens  ,  ck  on  les  fait 
baffe-tailles.  Voy.  Magiciens. 

Dans  Tancrede  il  y  â  un  enchanteur  zu 
prologue  qui  eft  haute-contre.  Danchet  a 
donné  le  nom  d'enchanteur  à  Ton  Ifménor. 
De  l'enchanteur  le  trépas  eft  certain.  M. 
de  Monc-if  appelle  ainfi  Zehndor ,  roi  des 
Silphes.  yoye[  FÉERIE. 

En  général  ,1e  nom  d'enchanteur  ne  con- 
vient qu'aux  rôles  de  magiciens  bienfai- 
fans.  On  appelle  magiciens  tous  les  autres. 
Voycr^  Enchantement,  Magicien  , 
Féerie,  Opéra.  (B) 

ENCHAPER  ,  v.  aft.  ÇComm .)  c'eft 
donnera  un  baril  une  chape ,  ou  une  che- 
mife  ,  ou  une  double  futaille.  Il  fe  dit 
particulièrement  des  tonneaux  qu'on  rem- 
plit de  poudre  à  canon. 

ENCHAPERONER,  v.  art.  ÇFauc.) 
c'eft  mettre  le  chaperon  fur  la  tête  de  l'oi- 
feau. 

ENCHARNER,<:/z  terme  delayetier, 
c'eft  attacher  le  couvercle  d'une  boîte  au 
derrière  ,  avec  des  crochets  de  fil  de  fer 
qui  fe  prennent  les  uns  dans  les  autres  en 
forme  de  charnière. 

ENCHASSURE ,  f.  f.  dans  l'impri- 
merie ,  'eft  un  morceau  de  bois  de  noyer 
de  dix-huit  pouces  de  long ,  de  dix  à  onze 
pouces  de  large ,  ck  de  deux  pouces  d'é- 
paiffeur  ,  très-uni  d'un  côté,  ck  creufé  ck 
entaillé  de  l'autre ,  de  façon  à  recevoir  une 
platine ,  foit  de  fer ,  foit  de  cuivre  ;  aux 
platines  de  fer ,  les  enchdjfures  font  pref- 
que  inévitables  pour  réparer  leur  peu  de 
juftefle  ;  à  celles  de  cuivre ,  on  y  met  moins 
à'enchdjffures  ;  néanmoins  elles  font  utiles 
dans  le  cas  où  la  platine  a  a  cquis  quelque 
défecluofité,  ou ,  ce  qui  eft  le  plus  général 
quand  on  veut  augmenter  la  portée  d'une 
platine  dans  toutes  (es  dimenfions.  Voye\ 
Platine. 

ENCHAUSSÊ,  adj.  f  Blafon  .)  il  fe 
dit  de  l'écu  qui  eft  taillé  depuis  le  milieu 
d'un  de  fes  côtés ,  en  tirant  vers  la  pointe 
du  côté  oppofé.  Il  y  a  des  écus  enchaujjes 
à  dextre ,  ck  d'autres  à  feneftre ,  fuivantle 
côté  où  la  taille  commence.  Liecheftain , 
d'argent  enchaujfé  d'azur. 

ENCHERE,  f.  f.  (JurifprudJ  ce 
terme,  qui  vient  Renchérir,  ne  devroit , 


EN  C  335 

félon  la  fignification  propre ,  s'entendre 
que  de  l'offre  qui  eft  faite  au  deffus  du  prix 
qu'un  autre  a  offert  :  néanmoins,  dans  l'u- 
fage  ,  on  comprend  fous  le  terme  d'enchère 
toute  mife  à  prix,  même  celle  qui  eft  faite 
la  première  pour  quelque  meuble  ou  im- 
meuble ,  ou  pour  un  bail  ou  autre  exploi- 
tation. 

Dans  quelques  pays ,  les  enchères  font 
appellées  mifesàprix ;  ck  en  d'autres ,  fur- 
dites. 

Les  enchères  font  reçues  dans  toutes  les 
ventes  de  meubles  qui  fe  font  à  l'encan , 
foit  à  l'amiable ,  ou  forcées.  Dans  ces  fortes 
de  ventes,  c'eft  l'huiflier  qui  fait  la  pre- 
mière enchère  ou  mife  à  prix. 

On  reçoit  auiîi  les  enchères  pour  les  ven- 
tes des  coupes  de  bois,  pour  les  baux  des 
fermes  ,  baux  judiciaires ,  adjudications 
d'ouvrages  ou  autres  entreprîtes. 

A  l'égard  des  immeubles  qui  fe  ven- 
dent par  décret  volontaire  ou  forcé  ,  ou 
par  licitation-en  juftice  ,  c'eft  le  pouriui- 
vant  qui  met  au  greffe  la  première  en- 
chère ,  qu'on  appelle  enchère  de  quaran- 
taine. Ceux  qui  fe  préfentent  pour  acqué- 
rir ,  ont  chacun  la  liberté  de  mettre  leur 
enchère  jufqu'à  ce  que  l'adjudication  foit 
faite. 

L 'enchère  eft.  un  contrat  que  l'enchérif- 
feur  paffe  avec  la  juftice  ,  ck  par  lequel  il 
s'oblige  de  prendre  la  chofe  pour  le  prix 
par  lui  offert ,  au  cas  qu'il  ne  fe  trouve 
point  d'^cAere  plus  forte.  Ce  contratoblige 
dès  le  moment  même  de  {'enchère  ;  ck  on 
ne  peut  la  rétracter ,  quand  même  i'enché- 
riffeur  prouveroit  une  léfîon  d'outre  moi- 
tié :  mais  dès  que  Y  enchère  eft.  couverte  par 
une  autre  plus  forte ,  le  précédent  enché- 
riffeur  eft  déchargé  de  fon  engagement, 
lequel  contient  toujours  tacitement  cette 
condition. 

Lorfqu'il  y  a  appel  de  l'adjudication  , 
le  dernier  enchériffeur  peut  demander 
d'être  déchargé  de  fon  enchère ,  n'étant 
pas  obligé  d'attendre  l'événement  de  l'ad- 
judication, ckde  garder  en  attendant  fon 
argent  oifif. 

Dans  les  adjudications  de  bois  ou  de 
fermes  du  roi ,  on  reçoit  encore  des  en- 
chères  après  l'adjudication;  mais  il  faut 
que  ce  foit  par  tierceraent  ck  par  double- 


336  E  N  C 

ment.  Voye^  Doublement  &  TieR- 

CEMENT. 

Les  enchérifTeurs ,  en  faifant  leur  en- 
chère ,  doivent  nommer  leur  procureur  ck 
élire  chez  lui  domicile  ,  autrement  l'en- 
chère ne  feroit  pas  reçue. 

Dans  les  ventes  d'immeubles  qui  fe  font 
par  autorité  de  juftice  ,  l'ufage  eft  que  les 
enchères  fe  font  par  des  procureurs  fondés 
de  procuration  fpéciale  de  leurs  parties. 

Les  procureurs  ne  peuvent  enchérir  au 
defTus  delà  fomme  portée  par  la  procura- 
tion ;  s'ils  vont  au-delà,  ils  font  refpon- 
fables  de  leur  enchère. 

Mais  quoique  le  conftituant  ne  fe  trouve 
pas  en  état  de  payer ,  le  procureur  n'eft  pas 
refponfable  de  l'enchère,  à  moins  que  Fin- 
fol  vabilité  du  conftituant  ne  fût  notoire 
ck  apparente.  Il  y  a  un  arrêt  conforme  du 
24  janvier  1687 ,  rapporté  dans  le  recueil 
des  procureurs  ,  pag.  2.18. 

Tout  enchériifeur  doit,  à  peine  de 
nullité,faire  fignifier  fon  enchère  au  dernier 
enchériiïeur ,  c'eft-à-dire,  à  celui  qui  a  en- 
chéri immédiatement  avant  lui.  Mais  la 
dernière  enchère  qui  fe  fait  dans  la  dernière 
remife ,  n'a  pas  befoin  d'être  lignifiée. 

Toutes  perfonnes  capables  d'acquérir 
font  reçues  à  enchérir, à  l'exception  de  ceux 
qui  par  des  confidérations  particulières ,  ne 
peuvent  acquérir  les  biens  ou  droitsdont  on 
fait  l'adjudication,  tels  que  les  juges  devant 
lefquels  fe  fait  l'adjudication,  les  confeillers 
du  même  fiege  ,  les  avocats  ou  procureurs 
du  roi ,  les  greffiers  commis  :  ce  qui  a  été 
fagement  établi,  pour  empêcher  que  ces 
perfonnes  n'abufentdeleur  minifterepour 
écarter  les  autres  enchériffeurs,  ck  fe  rendre 
adjudicataires  à  vil  prix.  V.  Tr.  de  Lavente 
des  immeubles  par  décret ,  de  M.  d'Héri- 
court. 

Enchère  couverte  eft  celle  au  defTus  de  la- 
quelle un  autre  enchériifeur  a  fait  fa  mife. 

Dernière  enchère  fignifie  quelquefois 
Venchere  qui  eft  actuellement  la  dernière 
dans  l'ordre ,  mais  qui  peut  être  couverte 
d'un  moment  à  l'autre ,  ou  dans  une  remife 
fuivante,  par  un  autre  enchérifTeur ,  au 
moyen  de  quoi  elle  cefTeroit  d'être  la  der- 
nière. Souvent  auffi  on  entend  par  dernière 
enchère  ,  celle  fur  laquelle  l'adjudication 
définitive  a  été  faite. 


E  N  C 

Enchère  à  V extinction  de  la  chandelle.  V. 
Chandelle  éteinte. 

Folle-enchere  eft  celle  qui  eft  faite  par 
un  enchérifTeur  infolvable  ,  ou  par  un  pro- 
cureur qui  ne  connoît  pas  fa  partie ,  ou  qui 
n'a  pas  d'elle  le  pouvoir  en  bonne  forme , 
ou  qui  excède  ce  pouvoir,  ou  enfin  qui  fe 
charge  d'enchérir  pour  un  homme  notoire- 
rement  infolvable. 

Faute  par  l'adjudicataire  de  consigner  le 
prix  de  fon  adjudication  dans  le  temps 
preferir,  on  fait  ordonner  qu'il  fera  procédé 
à  une  nouvelle  adjudication  à  fa  folle-en- 
chere ;  ck  ,  comme  on  dit  quelquefois  pour 
abréger ,  on  pourfuit  la  folle-enchere,  en 
quoi  l'on  confond  la  caufe  avec  l'effet. 

S'il  ne  fe  préfente  perfonne  qui  porte  la 
chofe  à  fi  haut  prix  que  celui  pour  lequel 
elle avoit été  adjugée;  en  ce  cas, celui  fur 
lequel  fe  pourfuit  \a  folle- enchère ,  eft  tenu 
de  fournir  ce  qui  manque  pour  faire  le  prix 
de  fon  adjudication,  avec  tous  les  frais  faits 
pour  parvenir  à  une  nouvelle  adjudication; 
c'eft  ce  que  l'on  appelle  payer  lafolle-en-" 
chère  :  ck  celui  qui  la  doit  peut  être  con- 
traint à  payer  par  faifie  ck  vente  de  (qs  biens 
meubles  ck  immeubles,  6k  même  quelque- 
fois par  corps ,  félon  les  circonftarices. 

On  peut  auffi  conclure  contre  lui  aux 
intérêts  du  prix ,  du  jour  de  l'adjudication. 

Si  le  prix  de  la  nouvelle  adjudication 
monte  plus  haut  que  celui  de  la  précédente, 
cet  excédant  doit  être  employé ,  comme  le 
refte  du  prix ,  à  payer  les  créanciers. 

La  folle-enchere  n'a  point  lieu  contre 
ceux  qui  ne  peuvent  aliéner ,  lefquels  par 
conféquent  font  non  recevables  à  enchérir. 

Dans  le  cas  de  folle-enchere ,  on  ne  peut 
pas  forcer  le  précédent  enchérifTeur  de  te- 
nir fon  enchère.  Il  ne  peut  pas  non' plus 
obliger  le  pourfuivant ,  ni  la  partie  faifie  , 
de  lui  céder  le  bien  fur  le  pié  de  la  der- 
nière; mais  s'il  veut  bien  tenir  cette  der- 
nière enchère  ,  ck-que  le  pourfuivant  ck  la 
partie  faifie  y  confentent ,  on  ne  pourfuit 
point  la  folle-enchere. 

Il  n'eft  point  dû  de  droits  feigneuriaux 
pour  la  première  adjudication  d'un  héritage 
qui  eft  réfolue  à  caufe  de  la  folle-enchere , 
à  moins  que  le  premier  adjudicataire  ne  les 
eût  payés  ;  auquel  cas ,  il  ne  pourroit  les  ré- 
péter :  mais  il  eft  dû  des  droits  pour  la 

dernière 


ENC 

dernière    adjudication  ,   ainli    que   l'établit 
Henrys  ,  tome  II ,  liv.  III ,  quxfl.  3.  {A) 

Enchère  par  licitadc.n  y  eff  un  aéte  que  îe 
procureur  de  celui  quipouriuitunelicitation  , 
Fait  afficher  ,  publier  ,  &  mettre  au  greffe  , 
pour  annoncer  qu'un  tel  héritage  fera  vendu 
par  licitation  ;  qu'il  l'a  mis  à  tel  prix,  & 
autres  charges,  claufes  ,  &.  conditions  :  on 
y  détaille  aufïi  la  confiflance  des  biens  ;  faute 
d'enchérifîeurs  ,  on  remet  à  quinzaine  , 
jour  auquel  on  reçoit  les  enchères  ;  &  on 
adjuge  par  licitation  après  trois  remiies  diffé- 
rentes. (  A  ) 

Enchère  au  profit  commun ,  eff  une  enchère 
ordinaire  à  laquelle  on.  donne  ce  nom  dans 
la  province  de  Normandie  ;  parce  que  la 
totalité  de  ces  fortes  d'enchères  tourne  au 
profit  de  tous  les  créanciers  ,  à  la  différence 
de  l'enchère  au  profit  particulier  ,  qui  va  être 
expliquée  dans  l'article  fuivant. 

Enchère  au  profit  particulier ,  eff  une 
enchère  d'une  efpcce  finguliere ,  qui  n'eff  ufi- 
tée  qu'en  Normandie.  C'eff  une  grâce  que 
Ton  accorde  dans  les  adjudications  par  dé- 
cret ,  aux  derniers  créanciers  &  tiers-acqué- 
reurs, qui  prévoient  qu'ils  ne  feront  point 
mis  en  ordre  utile  ,  fi  l'on  fe  tient  à  la  dernière 
enchère  faite  à  l'ordinaire  ,  &  qu'on  appelle 
dans  ce  pays  enchère  au  profit  commun  ,  à 
caufe  qu'elle  tourne  au  profit  de  tous  les 
créanciers  :  dans  ce  cas ,  tout  créancier  pri- 
vilégié ou  hypothécaire  dont  la  créance  eff 
antérieure  à  la  faifie  réelle  ,  peut  enchérir 
à  fon  profit  particulier  à  telle  fomme  que  bon 
lui  femble  ;  ce  qui  s'entend  toujours  à  con- 
dition que  le  quart  de  ce  dont  il  a  augmenté 
fa  dernière  enchère  ■,  tournera  au  profit  com- 
mun des  autres  créanciers  ,  &  que  les  trois 
autres  quarts  feront  par  lui  imputés  iur  ce 
qui  lui  eff  dû. 

Pour  pouvoir  enchérir  à  fon  profit  par- 
ticulier, il  faut,  i°.  être  créancier  privi- 
légié ou  hypothécaire  fur  les  biens  faifis 
avant  la  faifie  réelle  ;  2d.  que  la  dette  foit 
légitime  &  fondée  en  un  titre  paré  &  exé- 
cutoire ;  30.  que  Y  enchère  au  profit  parti- 
culier foit  faite  avant  l'adjudication  finale  ; 
4°-^  qu'elle  foit  mile  au  greffe  du  fiege  où 
fe  fait  le  décret ,  quinze  jours  avant  l'adju- 
dication ;  5°-  qu'elle  foit  lue  publique- 
ment aux  plaids ,  c'eff-à-dire  ,  l'audience 
tenante. 

Tome  XII. 


rEN,C  .337 

Aux  plaids  fuivans  où  on  la  relit  encorre 
s'il  ne  fe  prélènte  perfonne  qui  veuille  porte, 
au  profit  commun  le  prix  du  bien  décrété 
juiqu'à  la  fbmme  à  laquelle  le  créancier 
ou  tiers-acquéreur  l'a  porté  à  fon  profit 
particulier ,  &  qu'il  n'y  ait  point  d'autre 
créancier  antérieur  à  la  faifie  réelle  qui 
veuille  lurenchérir  à  fon  profit  particulier; 
en  ce  cas  on  adjuge  le  bien  purement  & 
fimpîement ,  fans  que  perlonne  foit  admis 
par  la  fuite  à  enchérir ,  ibit  au  profit  com- 
mun ,  ou  à  fon  profit  particulier. 

Lorfque  le  décret  fe  pourfuir  fur  un 
tiers-détenteur  qui  n'eff  pas  débiteur  per- 
fonnel ,  il  n'y  a  que  les  créanciers  antérieurs 
à  fon  acquifition  qui  foient  admis  à  enchérir 
au  profit  particulier. 

Si  le  bien  vendu  par  décret  confiffe  en 
plufieurs  pièces  ,  le  créancier  qui  enchérit 
à  fon  profit  particulier ,  peut  déclarer  fur 
quelle  pièce  il  veut  appliquer  fon  enchère 
au  profit  particulier  ;  mais  fi  la  répartition 
n'en  a  point  été  faite  à  l'audience  ,  en  ce 
cas  elle  fe  fait  de  plein  droit  au  fou  la  livre 
du  prix  de  l'adjudication  ,  &  cela  fufrît  afin 
de  prévenir  les  fraudes  ,  notamment  celle 
qui  pourroit  fe  faire  contre  le  retrait  féodal 
ou  lignager,  parce  que  fi  on  différoit  plus 
long-temps  à  faire  l'application  de  ^enchère 
au  profit  particulier ,  on  ne  manqueroit 
pas  de  l'appliquer  toute  entière  fur  l'héri- 
tage pour  lequel  on  craindroit  quelque  re- 
trait. 

Le  receveur  des  confignations  eff  tenu 
de  prendre  ,  pour  argent  comptant  ,  les 
titres  valables  de  créance  de  celui  qui  a 
enchéri  à  fon  profit  particulier,  &  ce  juf- 
qu'à  concurrence  de  la  fomme  dont  il  a 
augmenté  la  dernière  enchère, 

Si  celui  qui  a  ainfi  enchéri  fe  croyant 
créancier  ne  l'eff  point  effectivement  ,  il 
doit  payer  le  prix  entier  de  fon  adjudica- 
tion au  profit  commun.  Voye\  les  arti- 
cles 54.9  ,  $jj  &  $8  z  de  la  coutume  de 
Normandie ,  ce  que  les  commentateurs  ont 
dit  fur  ces  articles,  &  le  traité  de  la  vente 
des  immeubles  par  décret ,  de  M.  d'Héri- 
court ,  ch.  x  }  n.    zy  &  fuiv.  (  A  ) 

Enchère  de  quarantaine  ,  eff  un  ade  que 
le  procureur  du  pourfuivant  met  au  greffe 
après  le  congé  d'adjuger  :  pour  annoncer 
que  l'on  procédera  à  la  vente  &  adjudica- 

V   Y 


538  E  N  C  EN 

fion  des  biers  faiiis  récliemonc  fur  un  tel,  J  les  autres.  Fovq  ADJUDICATION  ,  DÉ- 
011  énonce  la  confiffance  des  biens  aux- 
quels le  poursuivant  met  un  prix ,  &  il 
détaille  les  autres  charges  ,  clauies  &  con- 
ditions de  l'adjudication»  Cette  enchère  e!r 
furnommée  de  quarantaine ,  parce  que  l'on 
y  déclare  qu'il  fera  procédé  à  l'adjudication 
quarante  jours  après  que  Yenchere  eit  mile 
au  greffe. 

Elle  ne  fe  fait  qu'après  le  congé  d'ad- 
juger ,  &  après  que  les  oppofitions  à  fin 
d'annuiler,  de  charge  &  de  dillraire ,  on: 
été  jugées  ;  attendu  que  il  l'oppoiition  à  fin 
d'annuiler  avoit  lieu  ,  il  n'y  fturoit  plus 
de  décréta  faire,  &  que  ï enchère  doit  faire 
mention  des  héritages  qui  feront  diilrairs  de 
l'adjudication  ,  &  des  charges  dont -l'adjudi- 
cataire fera  tenu. 

Cette  eachert  étant  reçue  au  greffe,  doit 
êtfa  lue  &  publiée  «à  l'audience ,  tant  de  la 
jurildldion  où  fe  pouriuit  le  décret ,  que 
de  celles  où  les  biens  font  fitués.  La  quaran- 
taine ne  commence  que  du  jour  de  la  der- 
nière publication. 

On  affiche  cette  enchère  aux  portes  des 
juritdictions  où  elle  le  publie  ,  aux  églifes 
paroiillales  de  ces  jurifdictions  ,  des  parties 
îaifies ,  aux  portes  des  villes  par  où  l'on 
fort  pour  aller  aux  biens  faiiis  ,  &  dans 
les  endroits  où  l'on  a  coutume  de  les 
afficher  ,*  fuivant  l'ulage  de  chaque  lieu. 

\S  enchère  doit  otre  lignifiée  au  procureur 
de  la  partie  faille  ,  &  aux  procureurs  des 
oppofans. 

Après  la  quarantaine  on  procède  fur  cette 

enchère  à  l'adjudication  ,  qui  ne  fe  fait  que 

fauf  quinzaine  ;  &  enfuite ,  après  plufieurs 

rernifes  ,   on  adjuge  définitivement.  Voye\ 

Adjudication  ,  Criées,  Décret  , 

Remises.  (A  ) 

Enchère  au  rabais  ,  eft  celle  qui  fe  fait 

dans  les  adjudications  au   rabais  :  c'efl-à- 

dire  ,  que  l'un    ayant   offert  de  faire    une 

chofe  pour  un  certain  prix ,  un  autre  en- 

chiriffeur  offre  de  la  faire  pour  un  moindre 

prix.   Voye^  RABAIS. 

Renchere  fe  dit  en  Normandie  &  dans 

quelques    autres    lieux ,    pour  féconde  ou 

autre  enchère.  {A) 

Surenchère  efl  auffi  la  même  chofe  que 

renchere;  c'eft  la  mife  qu'un  fécond ,  troi- 

£eme  ,  ou  autre  enchérineur  fait  pardeffus 


CRET  ,  SAISIE  RÉELLE  ,  LlCITA- 
TïOM.    (  A  ) 

ENCHERIR,  v.  neuf.  (Comm.)  a  di- 
verles  lignifications  dans  le  commerce. 

Ilfignifie  ,  î°.  offrir  d'une  marchandife 
que  l'on  crie  à  l'enchère  au  defius  du  prix 
qu'en  a  offert  le  dernier  enchériffeur. 

2.0.  Augmenter  de  prix,  ou  devenir  plus 
cher.  On  dit  que  des  étoffes  ou  des  draps 
enchériJJ'ent ,  fûivant  leur  rareté  ,  ou  celle 
de  la  matière  &  des  ouvriers. 

3°.  Enchérir  fignifiè  encore  pendre  à  plus 
haut  prix  que  l'on  a  de  coutume.  On  dit  auilï 
en  ce  Cens  renchérir.  yoye\  l'article 
Enchère.  (  G) 

ENCHERISSEUR,  f.  m.  (  Comm.) 
celui  qui  enchérit ,  ou  qui  met  fon  en- 
chère fur  une  marchandée  qu'on  crie  pu- 
bliquement pour  la  vendre.  V.  ENCHERE 

&  Enchérir. 

■L'huiiiîer-  prifeur  efl  obligé  dans  cei 
ventes  de  délivrer  les  marchandiies  criées 
au  plus  offrant  &  dernier  enckérijfeur,  après 
avoir  plufieurs  fois  averti  ou  fait  avertir  à 
haute  voix  ,  par  fon  crieur  ,  que  c'eft  pour 
la  troifieme  &  dernière  fois  qu'il  les  crie  , 
&  qu'il  va  les  adjuger.  (G) 

ENCHEVALLEMENT ,  f.  m.  (  Char- 
pente.} c'tff  une  des  façons  d'étayer  une 
maifon ,  pour  y  faire  des  reprifes  en  fous- 
œuvre. 

ENCHEVAUCHURE  ,  f.  f.  en  Arçlr- 
teclure,  la  jonction  par  recouvrement  ou 
feuillure  de  quelques  parties  avec  quelque 
autre  ,  comme  dans  l'enchevauchure  d'une 
plate-forme  ou.  d'une  dalle  fur  une  autre , 
qui  fe  fait  ordinairement  par  feuillure  de 
la  demi-épaifîeur  du  bois  ou  de  la  pierre. 
Les  tuiles  &  ardoifes  fe  recouvrent  auili  par 
enchevauchure.  (P) 

ENCHEVÊTRÉ,  adj.  (Manège.)  un 
cheval  enchevêtre' eu  celui  dont  un  des  pies 
de  derrière  efl  pris  dans  une  des  longes 
de  fon  licou.  Ce  mot  d'enchevêtrure  dérive 
du  terme  de  chevêtre ,  qui  défignoit  autre- 
fois un  licou.  Ce  n'eft  qu'a  l'occaîion  de 
quelque  démangeaifon  dans  le  voifinage 
de  la  tête  ,  ou  de  quelqu'autre  perception 
qui  l'importune ,  que  l'animal  s'enchevêtre. 
Il  s'efforce  de  s'en  délivrer  en  y  portant 
un  de  lès  pies  de  derrière  ;  mais  fa  jambe 


E  NC 

petit  fe  trouver  embarrailêe  dc.ns  la  fonge  ; 
&  ,  dans  les  mouvemens  qu'il  fait  pour  la 
dégager ,  il  arrive  très-  i  ou  vent  que  le 
frotremenî  violent  qui  en  reluke,  caufe 
une  écorchure  ou  une  plaie  plus  ou  moins 
profonde  dans  ie  pli  du  paturon.  Voye^Eu- 
CHÉVÉTRURÈ.Des  boules  de  boisiulpen- 
dûes  â  l'extrémité  des  longes ,  &  dont  le 
poids  les  tient  toujours  dans  un  degré  de 
tenfion  convenable  ,  fans  les  empêcher  de 
couler  librement  dans  les  anneaux,  prévien- 
nent ces  lortes  d'accidens ,  qui ,  eu  égard 
à  des  chevaux  extrêmement  vifs  &  impa- 
tiens ,  ont  .quelquefois  des  luîtes  beaucoup 
plus  fëchcuies.  (e) 

ENCHEVÉTIIURE ,  f.  f.  (  Manège 
&  Marûh-ill.  )  Nous  appelions  de  ce  nom 
toute  écorchure  ,  toute  contufion,  toute 
plaie  qui  affecle  le  pli  du  paturon  des 
jambes  poiférieures  du  cheval  ,  confé- 
quemmeiit  à  un  frottement  plus  ou  moins 
violent  de  cette  partie,  fur  les  longes 
du  licou  dans  lesquelles  l'animal  s'eft  em- 
bàrraiîe  par  quelque  cauJe  que  ce  foit, 
&  de  manière  ou  d'autre.  Voye\  ENCHE- 
VÊTRÉ. 

L'écorchure  eft-elle  fimpîe  &  fans  in- 
flammation ;  on  baflinera  le  heu  affecté 
avec  du  vin  ,  &  on  dépêchera  inieniible- 
ment  en  làupoudrant  avec  de  la  cérufe. 
L'crofîop,  au  contraire, eft-elle accompagnée 
d'inflammation,  eft-elle  vive  ;  on  recourra 
d'abord  aux  catapliimes  épnoliiens  ;  &  les 
accidehs  appaifés  ,  on  leur  fubitituera  les 
deiîicatifs.  S'il  arrive  que  la  jambe  s'en- 
gorge  ,  que  la  douleur  perlé vere  ,  &  qu'il  y 
ait  une  véritable  plaie ,  on  laignera  l'animal , 
on  pànfera  la  plaie  ainfi  que  foutes  les  au- 
tres (  voye\ Plaie)  ,  &  l'on  appliquera  des 
émolliens  réfolutifs  fui*  la  jambe  y  tels  que 
les  feuilles  de  mauve,  guimauve,  mêlées 
avec  l'une  des  quatre  farines  réfolutives.  (e) 

EncIIE  VÈTRUHE ,  en  architecture ,  c'elt 
dans  un  plancher  un  affemblage  de  deux 
fortes  folives  &  d'un  chevetre  ,  qui  laifïe 
un  vuide  carré  long  contre  un  mur,  pour 
porter  un  âtre  fur  des  barres  de  trémie,  ou 
pour  faire  paffer  un  ou  plufieurs  tuyaux 
d'une  louche  de  cheminée.  (P) 

ENCrîIFRENEMENT ,  f.  m.  {Me'd.  ) 
eft  une  efpece  de  fluxion  catarreufè  qui  a 
ion  hege  dans  la  membrane  pituitaire  j  c'efl 


,  F-   N  C  j3, 

la    maladie    qu'on    appelle    ntîgpirçnàent 

rhiime  de  cerveau. 

Le  mot  ev.chifrénement  vient  vraifènibla- 
blement ,  félon  le  diclionnaire  de  Trévoux  , 
de  fifern  ,  qui  lignifie  rhwve  en  brtgagd 
Celtique  ou  Bas-Breton;  &  àèjifern  a  été 
ïormèJifernet ,  enrhumer.  Les  Grecs  appel- 
lent cette  maladie  ccryfa ,  &  les  Latins 
grai'edo. 

Uenchlfrénernent  eft  un  véritable  catarre 
qui  ne  diffère  de  celui  qui  affecte  la  gorge 
&  la  poitrine,  que  par  la  différence  de  la 
partie  affectée  ,  qui  cVv.r.e  même  caufe  p-o- 
chaine  produit  cependant  des  (ympromes 
differens. 

Cette  caufe  confiée  d-ans  l'engorgement 
des  vaiffeaux  &  des  glandes ,  qui  fervent 
à  léparer  du  fang  la  mucoiité  des  nari- 
nes ;  elle  eu  donc  femblable  à  celle  qui 
établit  le  catarre  dans  quelque  partie 
que  ce  foit,  puifqu'il  dépend  toujours  de 
l'obflruction  des  organes  ,  par  le  moyen, 
dcfqueîs  fe  fait  la  fecrétion  de  l'humeur 
muqueufe  deffiné*  à  défendre  des  irh- 
preflions  de  l'air  ou  des  alimens  toutes  les 
voies  par  lefquelles  ils  panent.  Voye\  MU- 
COSITÉ. 

Tout  ce  qui  peut  relâcher  le  tiflu  de  la 
membrane  pituitaire  &.  fes  couloirs  de  la 
mucoiité  qui  entrent  dans  fa  compofition, 
en  forte  qu'il  s'y  en  porte  une  plus  grande 
quantité;  ou  ce  qui  peut  au  contraire  ref- 
ferrer  ce  tiffu  ,  &  conléquemmcnt  ces 
mêmes  couloirs ,  de  manière  que  le  cours 
de  cette  humeur  ne  foit  pas  libre  ;  qu'elle 
loit  forcée  à  féjourner  plus  long- temps 
dans  les  follicules  ;  qu'elle  s'y  épaiffifle 
plus  qu'il  n'efl  nécetfaire  pour  l'uiage  au- 
quel elle  eff  deffinée  ;  qu'il  ne  puiffè  d'a- 
bord fortir  de  ces  conduits  que  la  partie 
la  plus  fluide ,  pendant  que  la  groiliere 
refte  ;  tout  ce  qui  peut  produire  ces  ef- 
fets donne  lieu  à  Yenchifre'nement.  Ainfi  on 
peut  dire  avec  les  anciens ,  qu'il  peut  être 
produit  par  intempérie  froide  &  par  in- 
tempérie chaude,  non  pas  du  cerveau, 
comme  ils  le  penfoient,  mais  de  toutes  les 
parties  molles  de  la  cavité  des  narines,  des 
finus  frontaux ,  des  cellules  de  l'os  oth- 
moïde  ,  &c.  ; 

Les  caufes  éloignées  font  toutes  celles 
qui  peuvent  produire  le  catarre  en  général, 

Vv  2. 


34°  E  N  C 

telles  que  i'infolation  ,  l'air  ambiant  , 
chaud  ou  froid  ,  fec  ou  humide  ,  qui  pro- 
duifent  fubitement  ,  félon  leur  différente 
manière  d'agir ,  quelqu'un  des  effets  ci- 
delïùs  mentionnés  ;  la  pléthore  ,  la  mau- 
vaife  digeftion  ,  les  crudités  d'eltomac ,  la 
trop  grande  boifîbn  de  vin  ou  autres  li- 
queurs fpiritueufes ,  le  trop  grand  exercice 
des  parties  fupcrieures  pour  ceux  qui  n'y 
font  pas  accoutumés  ,  la  lotion  de  la  tête  , 
la  diminution  de  la  tranfpirarion  en  géné- 
ral ,  &  la  conftipation  dilpoient  beaucoup 
au  catarre  des  narines  :  tout  cela  concourt 
avec  l'âge ,  le  tempérament ,  l'habitude ,  la 
faifon  ,  la  conflitution  de  l'air  &  le  régime 
différent. 

Cette  maladie  ,  lorfqu'elle  eft  caufée  par 
la  conftriction  de  la  membrane  pituitaire  , 
s'annonce  par  un  fentiment  de  chaleur 
dans  l'intérieur  du  nez  &  dans  toutes  les 
cavités,  ou  la  plupart  qui  y  ont  commu- 
nication ,  accompagnée  de  démangeaifons 
&  de  fréquens  éternumens.  Les  narines  , 
qui ,  dans  l'état  de  fanté  ,  ne  laifîènt  pas 
échapper  une  goutte  d'humeur  aqueufe 
fous  forme  fenfible  dans  un  air  tempéré  , 
commencent  à  fournir  la  matière  d'un 
écoulement  d'une  humeur  claire  ,  acre , 
falée  ,  en  quoi  cônfifte  proprement  le  co- 
ryfa  ;  elle  excorie  quelquefois  &  fait  enfler 
les  bords  du  nez  &  les  parties  voifines  qui 
en  font  humectées  ;  le  vifage  devient  rouge  ; 
il  l'on  porte  la  main  au  front  ou  à  la  tête  , 
on  trouve  ces  parties  plus  chaudes  qu'à 
l'ordinaire  ;  on  y  fent  auffi  une  légère 
douleur  gravative  ,  ou  au  moins  une  pe- 
fanteur  inquiétante  ;  les  oreilles  bourdon- 
nent ;  la  foif,  l'inappétence,  le  dégoût 
même  fe  joignent  ordinairement  à  tous 
ces  fymptom.s  ;  la  fièvre  furvient  aulll 
quelquefois ,  &  ne  diminue  pas  ce  mal. 
Il  arrive  enfuite  ,  fouvent  dès  le  fécond 
jour  ,  qu'il  fe  fait  une  copieufe  évacuation 
de  mucofité  épaiffe  ,  qui  fe  ramaffe  dans 
les  cavités  des  narines ,  &  excite  à  fe  mou- 
cher continuellement  par  fentiment  de  plé- 
nitude ou  d'irritation  qu'elle  y  caule.  Les 
enchifrenés  font  obligés  de  tenir  la  bouche 
ouverte  ,  lur-tout  pendant  le  fommeil  , 
Toit  à  caufe  de  la  tuméfaction  des  mem- 
branes qui  rapifTent  l'intérieur  des  narines 
vers  leurs  iffues  externes  &  internes ,  foit 


E  N  C 

à  caufe  *de  la  matière  vifqueufe  qui  fe 
trouve  au  paffage  de  Pair  ,  &  le  ferme  :  d'où 
s'enfuit  que  la  tranfpiration  ne  fe  faifànt 
que  par  la  bouche  ,  celle-ci  fe  deffeche  ; 
ce  qui  contribue  beaucoup  à  exciter  la 
foif  ;  c'eft  aufli  par  la  même  raifon  que  le 
ton  de  la  voix  df.  changé  ,  &  que  le  ma- 
lade parle  du  nez  ,  c'eft- à-dire  ,  que  l'air 
modifié  pour  la  voix  qui  devroit  paffer 
librement  par  les  narines,  pour  la  pronon- 
ciation de  certaines  lettres  ,  trouvant  le  paf- 
fage embarraffé  ,  frappe  l'intérieur  du  nez 
fans  en  forcir  ,  &  y  produit  conféquemment 
un  fon  différent.  On  a  aufli  l'odorat  émouffé 
dans  cette  maladie ,  parce  que  les  corpui- 
cules  propres  à  exercer  l'organe  de  ce  fens  , 
ne  peuvent  pas  pénétrer  la  couche  de  mu- 
cofité trop  tenace  6é  trop  épaiffe  ,  dont  il 
eft  enduit. 

L 'enchifrené ment ,  produit  par  le  relâche- 
ment des  parties  fufceptibles  d'être  affectées 
dans  cette  maladie ,  eft  prefque  accompa- 
gné des  mêmes  fymptomes ,  excepté  qu'on 
n'y  lent  pas  autant  de  chaleur  ;  que  l'hu- 
meur du  coryfa  &  la  mucofité  viciée  ne 
font  pas  fi  acres ,  fi  irritantes  ;  qu'il  n'y  a 
pas  de  douleur  de  tête  ,  mais  beaucoup  de 
pefanteur,  avec  •  diipolition  prefïante  au 
fommeil  :  la  fièvre  qui  furvient  dans  ce  cas 
eft  ordinairement  falutaire  ,  hâte  l'excré- 
tion de  l'humeur  peccante  ,  &  rend  plus 
prompt  le  dégorgement  des  vaiffeaux  pitui- 
taires. 

Les  vents  froids  &  fecs  produifent  fou- 
vent  f 'enchifrené ment  de  la  première  efpece  ; 
&  celui  de  la  féconde  eft  fouvent  l'effet 
des  vents  chauds  ,  humides  ,  pluvieux. 
L'automne  eft  la  faifon  de  l'année  où  cette 
maladie  eft  plus  commune  ,  à  caufe  des 
grands  &_  fréquens  changemens  qui  lur- 
viennent  dans  la  température  de  l'air  ;  ce 
qui  difpofe  en  général  à  toutes  fortes  de 
fluxions  catarreules  :  celle  des  narines  eft 
prefque  toujours  l'effet  d'une  caufe  ex- 
terne. Cette  maladie  fe  guérit  fouvent 
par  la  feule  opération  de  la  nature  ,  fans 
aucun  fecours  de  l'art  ;  &  elle  fe  termine 
en  peu  de  temps  ,  fur-tout  dans  les  jeunes 
gens  d'un  bon  tempérament  ,  pourvu 
qu'on  n'aigriffe  pas  le  mal  par  le  mauvais 
régime  &  par  le  défaut  de  ménagement  : 
elle  eft  plus  rebelle  dans  les   vieillards  & 


E  N  C 

dans  les  perfonnes  d'un  tempérament  froid 
&  humide  ;  elle  peut  quelquefois  pro- 
duire un  ofene  ou  un  polype  ,  lorfqu'elle 
dure  long-temps,  ou  qu'elle  revient  fouvent. 
S'iYenchifrénement  efl  de  nature  à  exiger 
des  remèdes,  ils  doivent  être  prelcrits  difië— 
remment  ielon   la  différente   cau(e  qui  l'a 

f>roduit.  Si  la  chaleur  &  l'acrimonie  des 
tumeurs  font  dominantes  ,  il  faut  prefcrire 
une  diète  rafraîchifiante  ,  adouciffante;  re- 
commander la  boiffon  abondante  d'eau  de 
riz  ,  de  poulet ,  d'infufion  de  pavot  rouge  ; 
faire  ufer  de  juleps  hypnotiques. 

Si  la  fièvre  eft  de  la  partie  avec  douleur  de 
tète  ,  on  peut  avoir  recours  à  lafaignée  ;  les 
lavemens  &  même  quelques  légers  purgatifs 
peuvent  aufll  être  employés  avec  fuccès  dans 
ce  cas.  La  vapeur  du  vinaigre  dans  lequel 
on  a  lait  bouillir  quelques  plantes  réfolutives, 
comme  la  fleur  de  fureau  reçue  par  le  nez  , 
pendant  quelques  minutes ,  à  plulieurs  re- 
prifes ,  ne  peuvent  que  produire  de  bons 
effets. 

Pour  Y  enchifrénement  qui  dépend  d'un 
relâchement  des  vaiffeaux  muqueux,  joint 
au  tempérament  froid  &  humide ,  il  con- 
vient d'employer  des  remèdes  plus  actifs  , 
des  purgatifs  plus  forts,  des  atténuans,  des 
r.pophlegmatiques  ,  des  mafticatoires  ,  des 
errhins ,  des  fternutatoires  ,  des  fuffumi- 
gations  faites  avec  des  parfums  de  différente 
elpece.  Il  eft  très-rare  qu'il  y  ait  indication 
de  placer  la  faignée  dans  V enchifrénement 
dont  il  s'agit.  Il  convient  .d'employer  des 
confortatifs  ,  des  corroborans  pris  intérieu- 
rement ,  la  diète  feche  &  analeptique ,  des 
fàchets  de  plantes  aromatiques  appliqués  fur 
la  tête  rafée  ,  quelquefois  les  véficatoires 
appliqués  derrière  les  oreilles  à  la  nuque. 
KqyqCATARRE  ,  CORYSE  , FLUXION, 

Rhume,  (d) 

ENCHUYSE  ,  (Géogr.  mod.)  ville  de 
la  Hollande  feptentrionale  ;  elle  eft  fituée 
fur  le  Zuiderzée.  Long,  zz  ,  55;  lat.  §z , 

59- 

ENCIS ,  (Jurifpr.)  c'eft  le  meurtre  de 
la  femme  enceinte  ,  ou  de  l'enfant  qu'elle 
porte.  Ce  terme  fe  trouve  dans  la  coutume 
d'Anjou  ,  art.  q.q.  ;  Maine ,  art.  $z\èt  dans 
la  fomme  rurale  ,  titre  d'a&ion  criminelle  : 
muher  inciens  quee  uterum  gerit.  Voyez  le 
gloffaire  de  M.  de  Lauriere.   [A) 


E   N  C  *4I 

ENCLAVE,  f.f.  (Jurifpr)  on .appela 

enclave  ou  droit  d'enclave,  le  droit  qu'un 
feigneur  a  de  prétendre  la  mouvance  d'un. 
héritage  qui  fe  trouve  renfermé  dans  l'en- 
ceinte d'un  territoire  circonferit  &  limité  , 
dont  ce  feigneur  a  la  directe.  Le  feigneur 
dont  le  fief  n'eft  point  un  fief  volant ,  mais 
qui  a  un  territoire  ainfi  limité  ,  n'a  pas  befoin 
d'autre  titre  que  Y  enclave  pour  prétendre 
la  directe  fur  l'héritage  qui  fe  trouve  com- 
pris au  dedans  des  limites  de  fa  directe. 

La  queftion  eft  ainfi  décidée  par  Dumou- 
lin fur  Y  article  q.6  de  l'ancienne  coutume 
de  Paris,  qui  eft  le  68e.  de  la  nouvelle  ;  par 
Loifeau  ,  tr.  desfeigneuriess  ch.  xij,  n.  50; 
Chopp'm  fur  Anjou,  liv.II,chap.  du  franc- 
alleu. 

Le  Grand  fur  la  coutume  de  Troies  , 
gl.j  ,  n.zz&  zj,  dit  que  dans  les  coutumes 
de  franc-alleu  Y  enclave  eft  bon  d'un  feigneur 
à  un  autre,  pour  obliger  celui  qui  n'a  pas 
Y  enclave  ,  à  rapporter  des  titres  péremptoi- 
res:  mais  il  prétend  qu'il  n'en  eft  pas  de  même 
contre  le  détenteur  ,  qu'il  faut  à  Ion  égard 
un  titre  précis.  M.  Guyotertfon  traité  des 
fiefs  ,  traité  des preferiptions  }  rapporte  ce- 
pendant un  arrêt,  du  4  feptembre  1727  , 
qui  paroît  avoir  jugé  pour  Y  enclave  ;  mais 
dans  la  coutume  de  Vitry  ,  il  peut  avoir  eu 
pour  motif  que  la  coutume  n'a  pas  été  con- 
fidérée  comme  allodiale.   (A) 

Enclave  fe  dit  d'une  portion  de  place 
qui  forme  un  angle  ou  un  pan  ,  &  qui  an- 
ticipe fur  une  autre  par  une  poflefilon  anté- 
rieure ou  par  un  accommodement;  enforte 
qu'elle  en  diminue  la  fuperficie  ,  &  en  ote  la 
régularité.  On  dit  aufli  qu'une  cage  d'efcalier 
dérobé  ,  qu'un  petit  cabinet ,  ou  qu'un  ou 
plufieurs  tuyaux  de  cheminée  font  enclave 
dans  une  chambre ,  quand  par  leur  avance 
ils  en  diminuent  la  grandeur,  diclionn.  de 
Trévoux  &  Chambers.  (P) 
^  ENCLAVES ,  (Hydraulique.)  font  des  en- 
foncemens  qu'on  a  ménagés  en  bâtiflant  ks 
faces  des  bajoyers  d'une  éclule  pour  y  loger 
les  grandes  portes  ,  lorfqu'on  eft  obligé  de 
les  ouvrir  pour  le  paiîàge  des  bâtimens.  Rim 
n'eft  mieux  imaginé,  non-fèulement  pour 
la  confervation  de  ces  portes  ,  mais  encore 
pour  ne  point  faire  d'oftacle  au  paliage  des 
bâtimens.  (K) 
i .     ENCLAVÉ;  adj.  en  termes  de  Blafon,  fe 


3$i  E  N  C 

dit  d'un  écu  parti ,  dont  l'une  des  portions 
entre  dans  l'autre  en  forme  carrée  ,  comme 
un  tenon  de  menuilèrie.   Voyc\  TENON. 

Pelckhofen  en  Allemagne  3  parti  enclat-'é 
d'argent  en  gueules  àfeneibe. 

ENCLAVER  ,  v.  aet.  en  Architecture  , 
cell  encaflrer  les  bouts  des  (olives  d'un  plan- 
cher dans  les  entailles  d'une  poutre.  C'eÛ 
auffi  arrêter  une  pièce  de  bdis  avec  des  clefs 
ou  boulons  de  fer.  Enclaver  une  pierre,  c'en: 
la  mettre  en  liaiion  après  coup  avec  d'autres, 
quoique  de  différentes  hauteurs  ,  comme  il 
le  pratique  dans' les  raccordemens.  (P) 

ENCLIQUETAGE,  f.  m.  enHorlogerle, 
fignifie  la  méchanique  que  l'on  emploie  or- 
dinairement, lorfqu'on  veut  qu'une  roue 
puifle  tourner  dans  un  iens  ,  &  qu'elle  ne  le 
puiiïe  pas  dans  le   lens    contraire.    Voye\ 

Horloger. 

Encliquetage  fe  dit  encore  du  tout  com- 
pofé  du  rochet ,  du  cliquet,  &  de  Ton  rei- 

ioYt.V.  Cliquet,  Ressort,  &  Rochet 
d'Encliquetage.  (  1  ) 

ENCLIQUETER  ,  v.  acl.  fe  dit  en  Hor- 
logerie ,  de  la  manière  dont  un  cliquet  s'en- 
gage dans  les  dents  d'un  rochet.  On  dit 
qu'un  cliquet  encliquete  bien  ,  lorfqu'ii  s'en- 
gage fuffifamment  dans  les  dents  du  rochet , 
&  qu'il  s'oppofe  à  leur  mouvement  de  la 
manière  la  plus  avantageufê.  Voye\  CLI- 
QUET,   Ro'CHET,&C.    (ï) 

ENCLITIQUE  ,  ad},  féminin  pris  fub/t. 
terme  de  Grammaire ,  &  fur-tout  de  Gram- 
maire Greque,  par  rapport  à  la  lecture  &  à 
la  prononciation.  Ce  mot  vient  de  l'adjectif 
Grec  ■■-yaJ'ix.n  ,  incliné.  R.  ê^xà/*»,  inclina. 
Ce  mot   ell  une   expreffion  métaphorique. 

Une  enclitique  ell  un  petit  mot  que  l'on 
Joint  au  mot  qui  le  précède  ,  en  appuyant 
fur  la  dernière  fyllabe  de  ce  mot  ;  c'eil  pour 
cela  que  les  Grammairiens  diient  que  l1 *  encli- 
tique renvoie  l'accent  fur  cette  dernière  fyl- 
labe, U  s'y  appuie  :  l'on  baille  la  voix  fur  V en- 
clitique :  c'elt  par  cette  raifon  qu'elle  efr.  ap- 
pellée  enclitique  ,  c'eft-à-dire  ,  inclinée  ,  ap- 
puyée. Les  monofyllabes  quey  ney  ve,  lont  des 
enclitiques  en  Latin  :  reclè  ,  beatèque  viven- 
Sim;  terraque,  pjuit-ne?  alter-ve.  C'elt  ainfi 
qu'en  François  ,  au  lieu  de  dire  aime- je  ,  en 
féparant  je  de  aime  ,  &  faifànt  fentir  les 
deux  mots,  nous  difons  aimé-je y  en  joi- 
gnant je  avec  aime: je  ell  alors  une  enclitique. 


E  N  C 

En  un  un  mot,  are  enclitique,  dit  la  méthorfe 
dePji;r-!\oy:i!  ,  à  tavcrtiliemêrit  de  la  réglé 
xx i j ; /2  'efiauirc  clïàfe  que  s' appuyer  tellement 
fur  le  mot  précédent,  qu'on  nefaffeplus  que 
Comme  un  féal  mot  arec  lui. 

Les  grammairiens  aiment  à  personnifier 
les  mors  :  les  uns  gouvernent,  régirent, 
veulent;  les  autres ,  comme  les  enclitiques , 
s'inclinent.,  penchent  vers  un  certain  côté» 
Ceux  ci ,  dit-on  ,  renvoient  leur  accent  fur 
la  dernière  fyllabe  du  mot  qui  les  précède; 
ils  s'y  unifient  &  s'y  appuient,  &  voili 
pourquoi,  encore  un  coup,  on  les  appelle 
enclitiques. 

II. y  a,  fur-tout  en  Grec,  plufieurs  de 
ces  petits  mots  qui  étoient  enclitiques  lorl- 
que  clans  la  prononciation  ils  paroifïbirnt  ne 
faire  qu'un  ieul  &  même  mot  avec  le  précé- 
dent, mais  fi  dans  une  autre  phrale  la  même 
enclitique  luivoit  un  nom  propre  ,  elle  cef» 
foit  d'être  enclitique  &  gardoit  Ion  accent  ; 
car  l'union  de  ['enclitique  avec  le  nom  pro- 
pre ,  auroit  rendu  ce  nom  méconnoiifable: 
ainfi  r) ,  aliquid  ,  ell  enclitique;  mais  il  n'eft 
pas  enclitique  dans  cette  phrale  ,  où  ~i  tir 
A-iTtDt  il  -luvpr  i  ,  acl.  2.^  ,  je  nai  rien 
fait  contre  Céfar.  Si  tt  étoit  enclitique  ,  on 
prononcerait  tout  de  luire  Kw^  t.;  ce 
qui.  défigurerait  le  nom  Grec  de  Céfar. 

Les  perlonnes  qui  voudraient  avoir  dés 
connoillànces  pratiques  les  plus  détaillées 
fur  les  enclitiques,  peuvent  confulter  le  ixe. 
livre  delà  méthode  Greque  de  Port-Royal  , 
où  l'on  traire  de  la  quantité  des  accens  &  des 
enclitiques.  Ces  connoillànces  ne  regardent 
que  la  prononciation  du  Grec  avec  l'éléva- 
tion &  l'abaifTemcnt  de  la  voix  ,  &  les  in— 
flexions  qui  étoient  en  ulage  quand  le  Grec 
ancien  étoit  encore  une  langue  vivante.  Sur 
quoi  il  ell  échappé  à  la  méthode  de  Port- 
Royal  de  dire  ,  p.  548  ?  "  qu'il  efr  bien 
»  difficile  d'obferver  tout  cela  exactement, 
»  n'y  ayant  rien  de  plus  embarraffant  que 
»  de  voir  un  il  grand  nombre  de  règles  ac— 
n  compagnées  d'un  nombre  encore  plus 
»  grand  d'exceptions.  »  Et  à  i'avertifîe- 
ment  delà  règle  xxij ,  l'auteur  de  cette  mé- 
thode dit  "  qu'une  marque  que  ces  règles 
»  ont  été  fouvent  forgées  par  les  nouveaux 
f)  grammairiens ,  ou  accommodées  à  leur 
»  ufage  ,  c'elt  que  non-ièulement  les  an- 
»  ciens  ,  mais  ceux  du  fiecle  pafle  même  , 


E  N  C 

?>  ne  s'accordent  p^s  toujours  avec  ceux-ci, 
»  comme  on  voit  dans  Vergare  ,  l'un  des 
»  plus  nubiles  ,  qui  vivoit  il  y  a  environ  150 
?j  ans.  »  Je  me  iërs  de  l'édition  de  la  mé- 
thode Grequede  Port-Royal, rtPan.r,  1  6<)6 . 

Il  y  avoit  encore  à  Paris  ,  à  la  fini  du  der- 
nier liecle  ,  des  favans  qui  prononçoient  le 
Grec  en  obiervant ,  avec  une  extrême  exac- 
titude ,  la  différence  des  accens  ;  mais  au- 
jourd'hui il  y  a  bien  des  gens  de  lerrres  qui 
prononcent  le  Grec ,  &même  qui  1  écrivent 
ii-.ns  avoir  égard  aux  accens,  à  l'exemple  du 
P.  Sanadon  ,  qui  ,  dans  fa  préface  fur  Ho- 
race ,  dit  :  "  J'écris  le  Grec  fans  accens  ;  le 
?>  mal  n'eft  pas  grand ,  je  pourrois  même 
?>  prouver  qu'il  feroit  bon  qu'on  ne  l'écrivît 
7)  poiqt  autrement.  >#  Préface,  p.  16.  C'eft 
ainii  que  quelques-uns  de  nos  beaux  elprits 
entendent  fort  bien  les  livres  Anglois  ;  mais 
ils  les  lifent  comme  s'ils  lifoient  des  livres 
François.  Ils  voient  écrit people  ;  ils  pronon- 
centpeopleau  lieu  de  piple  ;  &  difent ,  avec 
ie  P.  Sanadon  ,  <que  le  mal  n'eft  pas  grand , 
pourvu  qu'ils  entendent  bien  le  fens.  I!  y  a 
pourtant  bien  de  la  différence  ,  par  rapport 
à  la  prononciation  ,  entre  une  langue  vivante 
&  une  langue  morte  depuis  piufieurs  fiecles. 
(F) 

Ei\TCLOS  ,  f.  m.  {jardinage.)  il  fe  dit 
d'un  terrain  fermé  de  murs  ,  qui  n'eft  pas  li 
vafte  qu'un  parc  ,  &  qui  cependant  efîplus 
grand    qu'un  jardin. 

Enclos  ,  SE  ,  adj.  m.  &  f.  (Blafon) 
fe  dit  du  lion  ou  d"un  autre  animal  enfermé 
dans  un  trecheur ,  dans  une  paliflade  ou 
-autre  pièce  de  l'écu. 

Ce  terme  fe  dit  aufli.  de  quelques  pièces 
ou  meubles  de  l'écu  qui  fe  trouvent  au  centre 
d'une  pièce  évuidée  &  autre  femblable. 

Lyon  de  Saint-Ferréol ,  de  Pontevés  en 
Pr'ovence  ;  d'argent  au  lion  d'azur  enclos 
dans  un  double  trecheur  de  même. 

Village  de  la  Salle  à  Marfeille  ;  d'argent 
au  cœur  de  gueules  enclos  dans  un  double 
delta  entrelajfé  de  fable. 

Caumeis  de  la  Garde  à  Touloufe  \  d'azur 
à  une  colombe  d'argent  3  becqué&  membre'e 
de  fable  ,  enclofe  dans  une  bijfe  d'orpofée  en 
cercle  y  quifemble  mordre  fa  queue  ;  au  chef 
coufu  de  gueules  charge  de  trois  étoiles  du 
quatrième  émail.  (G.  D.    L.  T.) 

ENCLOS  ,  en  terme  dEpingliery  eft  un 


EN  C  343 

demi-cercle  de  bois  qui  environne  la  place 
acs  enteteurs  ,  pour  que  chacun  puiffe  re- 
connoî.re  ftm  ouvrage. 

ENCLOUË,  (Manège  &  Maréch.) 
cheval  encloué.    Voye\  ENCLOUEURE. 

ENCLOUER,  v.  act.  (Gramm.)  c'eft 
ficher  un  clou.  On  encloue  un  canon  ,  un 
cheval  s  encloue.  Voyez  les  articles  fuiv ans. 

Enclouer  une  pièce  d'artili.e- 
rie.  Voye\  Canon. 
Enclouer  un  cheval  ,  (Manège  & 

çflfaréchall.)  accident  qui  arrive  confequem- 
ment  à  la  négligence  &  à  l'ignorance  du 
maréchal.  V.  ENCLOUEURE,  FER.RURE, 

Ferrer,  (e) 

ENCLOUEURE ,  (Manège  ù  Maréch.) 
bJeffure  faite  au  pié  du  cheval  par  le  ma- 
réchal qui  le  ferre. 

Brocher  de  façon  que  le  clou  ,  au  lieu  de 
traverfèr  fimplement  l'ongle.?  entre  &  pénè- 
tre dans  le  vif,  c'eft  enclouer.  Brocher  de 
manière  que  la  lame"  preffe  feulement  la 
partie  vive,  c'eft  ferrer.  La  première  faute 
donne  toujours  lieu  à  une  plaie  plus  ou 
moins  dangereufe  félon  la  profondeur  de 
la  bleffyre,  &  félon  le  genre  des  parties 
blefîees;  &  la  féconde  occafione  une    con- 


tuii 


on  plus  ou  moins 


forte 


Dans  les  unes  &  les  autres  de  c«ts  circons- 
tances, le  cheval  feint  ou  boite  plus  ou  moins 
bas  ,  auffi-tôt  après  la  ferrure  ,  &  c'efl  à 
cette  marque  que  l'on  reconnoît  un  cheval 
encloué  ,  ou  dont  le  pié  a  été  ferré. 

Le  moyen  de  difeerner  le  clou  qui  le  pique 
ou  qui  le  ferre  ,  eft:  de  frapper  avec  un 
brochoir  fur  la  tête  des  uns  &  des  autres  des 
clous.  Celui  d'où  réfultera  l'encloueure  étant 
frappé  ,  la  douleur  quereffenfira  l'animal  fe 
manileftera  par  un  mouvement  de  contrac- 
tion dans  les  mufcles  du  bras  ;  mouvement 
qui  annonce  la  lenfibilitéde  la  partie  frappée. 
Ceux  qui  s'arrêtent ,  pour  en  juger  ,  à  celui 
du  pié  de  l'animal  enfuite  du  coup  de  bro- 
choir ,  (ont  fouvent  trompés  &  recourent 
à  un  indice  très-faux  &  très-équivoque  ;  car 
la  plupart  des  chevaux  font,  à  chaque  coup 
que  le  maréchal  donne  ,  un  léger  effort  pour 
retirer  le  pié  ,  le  tout  à  raifon  de  la  furprife 
&  de  la  crainte ,  &  non  à  raifon  d'une 
douleur  réelle.  Pour  s'aifurer  encore  plus 
politivementde  fon  véritable  liège  ,  iiefl  bon 
de  déferrer  l'animal ,  de  prefler  enfuite  avec 


*H 


E  N  C 


î*4 

des  triquoifes  tout  le  tour  du  pie  >  en  ap 

f>uyant  un  des  côtés  de  ces  triquoifes  vers 
es  rivets  :.  &  l'autre  vers  l'entrée  des  clous  , 
&:  dès-lors  il  fera  facile  de  reconnoitre  pré- 
cifément  le  lieu  affecté.  Ce  lieu  reconnu  , 
on  découvrira  le  mal ,  f oit  avec  le  boutoir, 
fbit  avec  une  petite  gouge ,  en  creulant  & 
en  fuivant  julqu'à  ce  que  l'on  n'apperçoive 

f)lus  les  veffiges  ou  les  traces  qu'aura  laiffées 
a  lame. 

On  ne  doit  jamais  craindre  de  pratiquer 
une  ouverture  trop  kirge  &  trop  profonde  . 
parce  qu'il  faut  nécessairement  le  convaincre 
de  l'état  de  Yencloueure  ,  &  que  d'ailleurs 
s'il  y  a  épanchement  de  fang  ,  ou  s'il  y  a  de 
la  matière  fuppurée  ,  on  ne  lauroit  ie  dif- 
penfer  de  frayer  une  iiTue  dans  la  partie 
déclive;  autrement  ce  fluide  ou  cette  matière 
féjournant  dans  le  pié  ,  corromproit  bien- 
tôt toutes  les  parties  intérieures  ,  le  feroit 
four  en  refluant  à  la  couronne  ,  &  deffoude- 
roit  inévitablement  ie  (àbot.  Voy.  REFLUX 
&  PlÉ. 

A  mefure  cependant  que  Ton  pénètre 
dans  l'ongle  ,  on  doit  prendre  garde  d'offen- 
fer  ces  mômes  parties. 

Si  le  pié  n'a  été  que  ferré  ,  &  que  la 
contufion  n'ait  occahoné  aucune  dilacéra- 
tion  ;  fi  en  un  mot  on  ne  rencontre  point  de 
matière  ,  on  le  contentera  d'appliquer  fur  la 
partie  une  rémolade  {voy.  Rémolade)  , 
ou  de  faire  fur  toute  la  foie  une  fondue 
d'onguent  de  pié  {voy.  ENCASTELURE)  ; 
on  garnira  enlùite  d'étoupe  le  deiîbus  du 
pié  ,  &  on  maintiendra  cette  étoupe  avec 
des  éclifTes  {voy.  EcLISSEs).  On  ne  fixera 
pas  le  fer,  on  l'arrêtera  Amplement  en  bro- 
chant deux  clous  de  chaque  côté  ,  après 
quoi  on  oindra  de  ce  même  onguent  la 
paroi  extérieure ,  à  l'endroit  où  la  lame  a 
ferré.  Cet  onguent,  fondu  fur  la  foie  & 
mis  fur  cette  paroi ,  détendant  &  donnant 
plus  de  fbupleffe  à  l'ongle,  calmera  &  dif- 
lipera  enfin  la  douleur. 

Mais  dès  que  l'ouverture  étant  pratiquée, 
on  fera  convaincu  ,  par  l'infpection  de  la  ma- 
tière ,  de  la  certitude  de  Vencloueure ,  on  net- 
toiera exactement  la  plaie ,  &:  l'on  aura 
recours  aux  remèdes  capables  de  s'oppofer 
aux  progrès  du  mal.  Ces  remèdes  font  les 
liqueurs  fpiritueufes,  telles  que  l'efprit-de- 
yin ,  l'efTence  de  térébenthine ,  la  teinture 


E  N  C 

de  myrrhe  &  d'aloès ,  &c.  &  non  des  re- 
mèdes graiffeux ,  qui  ne  fauroient  convenir 
dans  les  plaies  des  parties  tendineules  & 
aponévrotiques.  On  vuidera  fur  la  partie 
luppurante  une  quantité  proportionnée  des 
unes  ou  des  autres  de  ces  liqueurs  ;  on  les 
couvrira  d'un  plumaceau  que  l'on  en  baignera 
auilî ,  &  l'on  garnira  le  deffous  du  pié  avec 
les  étoupes&  avec  les  édifiés  ,  comme  dans 
le  premier  cas.  Il  eft  plufieurg  attentions  à 
faire  dans  ces  panlemens ,  qui  doivent  avoir 
lieu  tous  les  jours. 

i°.  On  tiendra  la  plaie  toujours  nette; 
2°.  on  la  garantira  des  impreffions  de  l'air  ; 
3°.  on  comprimera  foigneufement  le  pluma- 
ceau à  l'effet  de  prévenir  une  régénération 
trop  abondante  ,  c'eft-à-dire ,  pour  me  fervir 
des  expreffions  des  maréchaux  ,  afin  d'éviter 
des  cerifes ,  &  d'empêcher  que  la  chair  ne 
furmonte  :  cette  compreffion  ne  fera  pas 
néanmoins  telle  qu'elle  puilîe  attirer  unç 
nouvelle  inflammation  &  de  nouvelles  dou- 
leurs ;  elle  fera  conféquemment  modérée  , 
&:  ne  donnera  pas  lieu  à  tous  ces  inconvé- 
niens  qui  obligent  d'employer  les  confomp- 
tifs  ,  &  qui  étonnent  &  alarment  l'ouvrier 
qui  les  a  occafionés  par  fon  ignorance. 

Le  cheval  peut  encore  être  piqué  &  ferré 
en  conféquence  d'une  retraite  {voy.  RE- 
TRAITE ,  voy.  Fek.REr)  :  on  ne  peut  en 
efpérer  la  guérifon,  que  l'on  n'ait  fait  l'extrac- 
tion de  ce  corps  étranger  ;  extraction  quel- 
quefois difficile ,  &  fouvent  funeffe ,  fi  elle 
eft  tentée  par  un  ouvrier  qui  n'ait  aucune 
lumière  fur  le  tifTu  &  fuf  le  genre  des  par- 
ties ,  qu'il  ne  peut  s'empêcher  de  détruire 
en  opérant.  Lorfque  cette  retraite  a  été 
chafîée  dans  le  vif,  il  y  a  plaie  com- 
pliquée. Souvent  au flî  la  matière  fuppurée 
entraîne  ce  corps  dans  fon  cours  :  c'eftainfi 
que  la  nature  trouve  en  elle-même  des  rel- 
fources  &  des  moyens  par  lefquels  elle 
fupplée  à  notre  impuiffance.  {e) 

CLOU  DE  RUE ,  c'efl  une  efpece  dV/2- 
cloueurc  ,  qui  fait  tantôt  une  piquure  fimpls  , 
tantôt  une  plaie  compliquée ,  ou  fouvent 
une  plaie  contufe,  félon  la  nature  &  la  con- 
figuration du  corps  qui  a  fait  cette  Iéfion. 
Quoique  ce  ne  lbit  point  le  lieu  de  parler 
du  cjou  de  rue  ,  néanmoins  comme  cette 
blefîùre  &  Yencloueure  ont  beaucoup  d'ana- 
logie ?   &  cui'il    n  efl  rien  de  plus  fréquent 

que 


ENC 

que  cet  accident ,  ni  rien  de  plus  rare  que 
la  guérifon  parfaite  ,  lorfqu'ii  eft  grave  j  le 
peu  qu'on  en  a  dit  en  fou  article  ,  nous 
engage  à  en  donner  fuccinclement  la  dtf- 
cription ,  ainfi  que  les  moyens  que  nous 
employons  pour  parvenir  plus  finement  & 
plus  promptement  à  une  cure  radicale  ; 
moyens  d'autant  plus  avantageux  ,  qu'ils 
nous  font  éviter  la  deffolure  ,  opération  dou- 
Icureufe ,  abufive  ,  &  le  plus  fouvent  per- 
nicieufe  pour  le  traitement  du  clou  de  rue  , 
comme  l'expérience  journalière  ne  le  prouve 
que  trop  bien. 

Pour  nous ,  quelque  grave  que  foit  h 
plaie  du  clou  de  rue  ,  nous  ne  defïblons 
jamais }  nous  retirons  de  cette  pratique  des 
avantages  qui  concourent  promptement  & 
efficacement  à  la  guérifon  de  cet  accident. 
i°.  En  ne  defïblant  point ,  la  ible  nous  fert  de 
point  d'appui  pour  contenir  les  chairs  &  l'ap- 
pareil. 2.0.  Nous  avons  la  liberté  de  panfèr 
la  plaie  awfîï-tôt  &  fi  fouvent  que  le  cas 
l'exige ,  fans  craindre  ni  hémorragie  ,  ni 
que  la  foie  furmonte  ,  ni  qu'il  s'y  forme 
des  inégalités.  30.  Nous  épargnons  de  gran- 
des fouffrances  à  l'animal ,  tant  du  côté  des 
nouvelles  irritations  que  la  deffolure  caufe- 
roit  à  la  partie  affectée  ,  que  du  côté  des 
fecouffes  violentes  que  le  cheval  fe  donne 
dans  le  travail  ;  efpece  de  torture  qui  lui 
caufe  ordinairement  la  fièvre,  &  qui  par 
conféquent  met  obftacle  à  la  formation  des 
liqueurs  balfamiques,  propres  à  une  louable 
fuppuration.  Quoique  notre  opinion  foit 
fondée  fur  les  fuccès  conftans  &:  multi- 
pliés d'une  pratique  de  plus  de  vingt  ans , 
que  nous  avons  fuivie ,  tant  à  l'armée 
qu'ailleurs  ,  fans  qu'aucune  de  ces  expé- 
riences que  nous  avons  faites  ait  trompé 
notre  attente  ,  nous  ne  doutons  pas  que  cette 
méthode  n'éprouve  des  contradictions ,  puif- 
qu'elle  a  le  préjugé  le  plus  général  à  combat- 
tre ,  &  la  plus  longue  habitude  à  vaincre. 
On  peut  nous  objecter  que  beaucoup  de 
chevaux  guériffent  par  le  moyen  de  la  def- 
folure  :  nous  répondons ,  i°.  que  s'il  en 
guérit  beaucoup  ,  beaucoup  en  font  eftro- 
piés ,  &  qu'en  ne  deffolant  pas ,  la  méthode 
que  nous  pratiquons  les  fauve  tous  j  2°.  que 
ceux  qu'on  guérit  avec  la  deffolure  ,  ne  font 
le  plus  fouvent  que  légèrement  piqués  ,  8* 
qu'il  en  échappe  très-peu  de  ceux  qui  font  I 
Tome  XII. 


ENC  m 

bleffés  dans  les  parties  fufceptibles  d'irrita- 
tion ,  au  lieu  que  les  uns  &  les  autres  font 
confervés  par  notre  méthode  j  30.  que  ceux 
qui  font  traités  par  la  defiblurc  ,  font  quel- 
quefois fix  mois  ,  quelquefois  des  années 
entières ,  abandonnés  dans  un  pré  ^  ou  en- 
voyés au  labourage  ,  d'où  ils  reviennent 
comme  ils  y  ont  été  ,  boiteux  &  hors  d'état 
de  fervir  ;  au  lieu  que  les  plaies  les  plus 
dangereufes  &  les  cures  les  plus  lentes  dans 
ce  genre  ,  ne  nous  ont  jamais  coûté  plus  de 
fixfcmaines  }  40.  que  les  accidens  qui  fui- 
vent  la  deffolure  ,  demandent  fouvent  que 
l'on  répète  la  même  opération  :,  au  lieu  que 
les  chevaux  ,  traités  félon  notre  méthode , 
font  guéris  fans  aucun  retour. 

Si  l'on  eft  fiirpris  de  la  différence  que 
nous  mettons  entre  ces  deux  pratiques  -v  fi 
l'on  révoque  en  doute  notre  expérience  , 
notre  témoignage ,  &  la  notoriété  publique , 
qui  en  eft  garant ,  on  fe  rendra  du  moins  à 
la  force  de  l'évidence }  &  nous  croyons  pou- 
voir nommer  ainfi  la  preuve  qui  réfulte  de 
la  feule  comparaifon  des  deux  traitemens. 

Nous  fuppofous,  pour  abréger,  que  l'on 
connoît  la  compofition  anatomique  du  pie 
du  cheval ,  &  nous  renvoyons  pour  cela  à 
l'excellent  traité  dhippiatrique  de  M.  Bour- 
gelat  :  nous  rappellerons  feulement  que  le 
pié  du  cheval  eft  compofé  de  chair  ,  de 
vaiffeaux  fanguins  ,  lymphatiques  &  ner- 
veux ,  de  tendons  ,  de  ligamens  ,  de  car- 
tilages &  d'os  de  l'aponévrofe  ,  du  périofte , 
Se  de  la  corne  qui  renferme  toutes  ces  par- 
ties ,  la  plupart  fufceptibles  d'irritation  ,  de 
corruption  &  de  douleur  à  la  moindre  at- 
teinte qu'elles  reçoivent  de  quelque  corps 
étranger:  combien  à  plus  forte  raifbn  ,  doi- 
vent-elles être  affectées  par  le  clou  de  rue  , 
quand  le  cas  eft  grave  ,  &  combien  plus 
par  la  defîolure  !  C'eft  bien  alors  qu'on  peut 
dire  que  le  remède  eft  pire  que  le  mal. 

Voici  le  contraire  qui  réfulte  de  la  deffo- 
lure appliquée  au  clou  de  rue ,  &  ladémonf- 
tratien  que  nous  avons  promifè  du  danger 
de  cette  méthode  :  après  la  deffolure  ,  les 
règles  de  l'art  nous  preferivent  fix  jours  au 
moins  avant  de  lever  l'appareil ,  pour  don- 
ner le  temps  à  la  nature  de  faire  la  régé- 
nération de  la  foie  unie  &:  bien  conformée; 
les  mêmes  règles  de  l'art  nous  preferivent  de 
lever  tous  les  jours  l'appareil  du  clou  de  rue, 

Xx 


34-6  E  N  C 

pour  procurer  l'évacuation  du  pus  ,  &  pré- 
venir la  corruption  des  parties  faines  &  affec- 
tées. Si  l'on  fuit  les  règles  de  l'art  à  l'égard 
de  la  deifolure  ,  la  plaie  du  clou  de  rue  eft 
négligée  }  la  matière  ,    par  fon  fejour  ,  ne 
manque  point  de  s'enflammer  ,  &  de  pro- 
duire des  engorgemens  ,  &  quelquefois  des 
abcès  qui  corrodent ,  tantôt   les  tendons , 
tantôt  l'aponévrofe  ,  tantôt    le  périofte  , 
quelquefois   l'os  &   la  capfule    qui  laiffe 
échapper  la  fynovie  j  quelquefois  même  en- 
fin ,   elle   fè  fraie   des  routes  [vers  la  cou- 
ronne ,  d'où  fuit  un  délabrement  dans  le 
pié  ,    un    defféchement  ,    une  difformité 
dans  le  fabot ,  qui  rendent  le  plus  fouvent , 
comme   nous  l'avons  dit  ,  l'animal  inutile. 
Si  au  contraire  on  fuit  les  règles  de  l'art  à 
l'égard  du  clou  de  rue  ,  on  panfè   la  plaie 
toutes  les  24  heures  }  mais  en  ôtant  l'appa- 
reil ,  il  arrive ,  dans  la  partie  déchirée  par  la 
deiîblure  ,  une  hémorragie  qui  dérobe  au 
maréchal  l'état  de  la  plaie ,  &  l'empêche 
d'en  obferver  les  accidens  &  les  progrès  f, 
l'inflammation   redouble  par  les  nouvelles 
fbcouffes   &  comprenions  que  reçoivent  les 
parties  affectées ,  la  foie  furmonte  par  l'iné- 
galité des  comprefîions  ,  la  plaie  s'irrite  ,  la 
fièvre  furvient ,   des   liqueurs  s'aigriffent  } 
enfin  ,  à  chaque  panfèment  l'on  aggrave  la 
maladie  au  lieu  de  la  modérer.  Il  s'enfuit 
qu'on  ne  peut  traiter  la  plaie  du  clou  de  rue 
coin  me  elle  doit  l'être  ,  fans  manquer  à  ce 
qu'exige    le  traitement    de  la  deffolure  , 
ou  qu'on  ne  peut  traiter  la  deffolure  comme 
elle  doit  l'être  ,  fans  manquer  à  ce  qu'exige 
le  traitement   du  clou  de  rue  j  ce  qui  dé- 
montre le  danger  d'une  méthode  qui  com- 
plique deux  maladies  dont   les  panfèmens 
font  incompatibles. 

Cure  du  clou  de  rue  (impie.  Le  clou  de  rue 
eft  plus  ou  moins  difficile  à  guérir ,  félon  la 
partie  que  cette  bleffure  a  afïê&ée  :  il  y  en  a 
de  ftiperficieîles  qui  n'intéreffent  que  la 
fubftance  des  chairs ,  foit  à  la  fourchette  , 
foit  à  la  foie  :,  quoiqu'elles  fourniiîènt  beau- 
coup de  fang ,  elles  fe  guériflént  facilement 
en  y  procurant  uno  prompte  réunion  par  le 
fecours  de  quelques  huiles  ,  baumes  ,  on- 
^nens  ,  vulnéraires ,  tels  que  nous  les  avons 
indiqués  dans  le  traitement  des  encloueures 
J/mples  ,  &  même  en  y  fondant  du  fùif ,  de 
in  cire  à  cacheter ,  ou  de  l'huile  bouillante, 


E  N  C 

ou  quelque  liqueur  fpiritueufe  ,  St  le  plus 
fouvent  elles  fe  guériffent  d'elles-mêmes  fans 
aucun  médicament  :  c'eft  de  cette  facilité  de 
guérifon  ,  que  beaucoup  de  gens  fe  croient 
en  poffefiicn  d'un  remède  fpécifiique  à  cet 
accident  j  dans  tous  les  cas  ils  le  croient  mer- 
veilleux, &  le  foutiennent  tel  avec  d'autant 
plus  de  confiance  qu'ils  l'ont  vu  éprouver  ou 
qu'ils  l'ont  éprouvé  eux-mêmes  avec  fuccès; 
ils  ne  font  pas  obligés  de  favoir  que  l'acci- 
dent que  ce  remède  a  guéri ,  fe  feroit  guéri 
fans  remède. 

Cure  pour  le  clou  de  rue  grave  &  compliqué» 
i°.  Le  jour  qu'on  a  fait  l'extraction  du  corps 
étranger ,  on  doit  déferrer  le  pié  boiteux , 
le  bien  parer  ,  amincir  la  foie  ,  fondre  dans 
le  trou  de  la  piquure  (  fans  y  faire  aucune  in- 
ciflon)  quelques  médicamens  propres  à  pré- 
venir ou  calmer  les  accidens  qui  doivent 
fuivre  le  genre  de  blefTure  ,  &  mettre  une 
emmiellure  dans  le  pié,  après  avoir  ratta- 
ché le  fer.  20.  Deux  ou  trois  jours  après  que 
l'accident  eft  arrivé  ,  temps  auquel  la  fùp- 
puration  eft  établie ,  on  doit  faire  une  ouver- 
ture à  l'endroit  du  clou  de  rue  ,  &  enlever 
fimplement  de  la  corne  (  Sans  faire  venir  du 
fang  )  une  partie  proportionnée  à  la  gravité 
du  mal }  cette  ouverture  doit  être  faite  tk. 
conduite  avec  beaucoup  d'adreffe  &  d'intel- 
ligence ,  pour  éviter  les  accidens  qu'un  inf- 
trument  mal  conduit ,  ou  des  remèdes  mal 
appliqués  peuvent  caufer  dans  une  partie 
aufîi  délicate  &  auffi  compofée  j  &  c'eft  de 
quoi  mille  exemples  nous  ont  appris  à  ne  pas 
nous  rendre  garans.  Les  remèdes  que  Ton 
peut  employer  avec  le  plus  de  fruit  au  trai- 
tement du  clou  de  rue  compliqué  ,  font 
l'huile  rouge  de  térébenthine  dulcifiée,  que 
l'on  doit  faire  un  peu  chauffer  \  le  baume 
du  Pérou  ou  de  Copahu  :,  l'un  eu  l'autre  de 
ces  médicamens  mêlé  avec  de  l'huile. ,  des 
jaunes  d'œufs  \  on  trempe  dans  l'un  de  ces 
remèdes  des  plnmaceaux  molbmcnt  faits  , 
que  l'on  introduit  dans  l'ouverture  \  on  met 
une  écliffe  pardefTus  pour  contenir  l'appareil, 
un  défenlif  autour  du  fabot  ,  comme  nous 
l'avons  indiqué  dans  le  traitement  des  en- 
cloueures* :  l'on  doit  tenir  la  plaie  ouverte  tant 
qu'elle  ne  préfente  point  d'indication  à  la 
réunion ,  répéter  ce  panfement  chaque  jour  , 
&  changer  de  médicamens  félon  le  cas  :  par 
exemple ,  s'il  y  a  quelque  partie  à  exfolier, 


E  N  C 

on  doit  fe  fervir  des  exfoliatifs ,  les  uns  pro- 
pres à  exfolier  les  os  ,  &  les  autres  le  ten- 
don (  voyez  EXFOLIATIF.  On  ne  doit  pas 
négliger  la  faignée ,  plus  ou  moins  répétée?, 
iiiivant  les  circonftances  \  enfin  ,  lorfque  la 
plaie  eft  en  voie  de  guérifon,  que  les  grands 
accidens  font  calmés  ,  on  doit  éloigner  le 
panfement ,  pour  éviter  les  impreflions  de 
l'air. 

Telle  eft  cette  méthode ,  aufli  fimple 
qu'elle  eft  peu  dangereulè.  Nous  obfervons 
en  finiffant ,  que  nous  n'employons  point 
au  clou  de  rue  compliqué  ,  non  plus  qu'à 
Yencloueure  grave ,  les  digeftifs  ,  les  fuppura- 
tifs  ,  ni  la  teinture  de  myrrhe  ,  ni  celle  d'a- 
îoès ,  ni  tous  ces  baumes  &:  onguens  vulné- 
raires ,  que  tant  de  praticiens  appliquent  à 
cette  bleffure  avec  fi  peu  de  fruit  &  avec  un 
danger  certain.  Toutes  les  fois  que  le  clou 
de  rue  a  piqué  ou  contus  le  tendon  ,  l'aponé- 
vrofe  ,  le  périofte ,  ou  enfin  quelque  cordon 
de  nerf,  ces  fortes  de  médicamens  qui  con- 
tiennent des  fèls  âcres,ne  manquent  pas  d'aug- 
menter la  douleur ,  l'inflammation  ,  &  les 
autres  accidens  qui  accompagnent  ces  lé- 
sions ,  &  font  fouvent  une  maladie  incura- 
ble ,  d'un  accident  qu'un  traitement  doux  & 
fimple  auroit  guéri  en  peu  de  jours.  Cet  ar- 
ticle nous  a  été  fourni  par  M.  Genson. 

*  ENCLUME  ,  f.  f.  inftrument  com- 
mun à  prefquc  tous  les  ouvriers  qui  em- 
ploient les  métaux.  Il  faut  la  coufidérer  en 
général  comme  une  malle  plus  ou  moins 
confidérable  de  fer  aciére  ,  fur  laquelle  on 
travaille  au  marteau  dirTérens  ouvrages  en 
fer  ,  en  acier  ,  en  or ,  en  argent ,  en  cui- 
vre ,  &c.  Il  y  a  des  enclumes  de  toutes  grof- 
ïèurs.  Il  y  en  a  de  coulées  }  il  y  en  a  de  for- 
gées :  celles  qui  font  forgées  fervent  aux 
taillandiers  &  maréchaux.  Les  meilleures 
font  celles  qui  fe  fabriquent  au  marteau  ,  &: 
dont  le  défias  eft  d'acier. 

Enclume  ,  f.  m.  (  Anat.  )  un  des  quatre 
ofleiets  qu'on  rencontre  dans  la  caille  du 
tarsbour. 

L'enclume  eft  fitué  dans  la  partie  la  plus 
poftérieure  de  la  caùTe  \  on  y  remarque  fon 
corps,  &.  deux  jambes  ou  apophyfes  }  une 
courte  qui  eft  Supérieure  ,  l'autre  longue 
qui  eft  inférieure  :  fon  corps  ou  fa  bafe 
préiènte  une  face  inégale  allez  approchante 
^e  celle  d'une  dent  molaire  j  c'eft  par  cet 


,ENC  347 

endroit  que  l'enclume  eft  articulé  avec  ie 
marteau.  Sa  jambe  courte  a  une  lituation 
horizontale  }  fa  pointe  eft  attachée  par  de 
petits  ligamens  au  defîbus  des  ouvertures 
des  cellules  mafto'idiennes  :  fa  jambe  lon- 
gue eft  parallèle  au  mauche  du  marteau  , 
dont  elle  eft  éloignée  d'environ  une  ligne  \ 
la  pointe  de  cette  jambe  iè  recourbe  un 
peu  en  fe  relevant  pour  foutenir  1  os  orbi- 
culaire*,  &  par  conféquent  Yétrier.  Voyez 
les  planches  de  Duverney. 

L'enclume  ,  fiiivant  le  témoignage  de 
MafTa,  a  été  connu  âès  le  temps  d'Alexan- 
dre Achillinus  ,  auquel  il  donne  la  décou- 
verte de  cet  oftelet  }  du  moins  eft-il  certain 
qu'il  ne  faut  point  l'attribuer  ,  avec  Schel- 
hammer ,  à  Jacob  de  Carpi  ,  puifque  lui- 
même  convient  que  d'autres  en  avoient 
déjà  fait  mention. 

L'enclume  y  de  même  que  les  autre-s  ofle- 
iets de  l'oreille ,  eft  revêtu  d'un  fin  périofte 
arrofé  de  vaifieaux  nombreux  qui  s'y  diftri- 
bueut  ,  fur-tout  à  fa  plus  courte  jambe. 
Voyez  Osselets  de  l'Oreille.  An.  de 
M.  le  Chevalier  de  Jaucourt. 

Enclume  ,  (  Chut.)  C'eft  une  mafîè  de 
fer  dont  fe  fervent  tous  les  forgerons  ,  Se 
fiir  laquelle  ils  placent  le  fer  rouge  pour  Je 
battre  à  chaud  ,  &  lui  donner  la  forme 
néceflaire  aux  diiférens  ouvrages  qu'ils  en 
veulent  fabriquer.  L'enclume  des  Cloutitrs 
eft  toute  femblable  à  celle  des  Taillandiers, 
&  ils  s'en  fervent  pour  forger  du  fer  &  en 
former  les  baguettes  qu'ils  emploient  à  la 
fabrique  des  clous. 

Enclume  ,  (  Aiguilleùer.  )  eft  une  efpece 
de  tas  ,  ou  de  bigorne  plate  ,  dont  la  fùr- 
face  eft  couverte  de  plufieurs  fentes  plus 
ou  moins  grandes  &  profondes  ,  dans  lef- 
quelles  on  travaille  les  ferrets  ,  pour  les 
arrondir  autour  du  lacet  auquel  on  k$ 
adapte. 

Enclume  en  Bic-orne  ,  outil  à'Arque- 
bujier.  Cette  enclume  en  bigorne  eft  à-peu- 
près  faite  comme  Yenclume  en  bigorne  des 
Serruriers,  &  fèrt  aux  arquebufiers  pour 
forger  en  rond  plufieurs  pièces  de  leur 
métier. 

Enclume  quarrée  ,  outil  d'Araue- 
bujier.  C'eft  une  maife  de  fer  dont  la  fur- 
face  eft  aciérée  ,  plus  longue  &  plus  large 
qu'épaifle ,  qui  peut  avoir  fix  pouces  d'épaif- 

Xx    2 


348  E  N  C 

leur ,  &  quatorze  ou  quinze  pouce»  de 
hauteur  &  de  largeur  ,  que  l'on  po/e  fur 
un  billot  de  bois  ,  &  qui  s'y  fondent  par 
fon  propre  poids  }  qui  fert  aux  Arquebu- 
iiers ,  pour  forger  les  pièces  dont  ils  ont 
befoin. 

Els'CLUME  ,  terme  &  outil  de  Ceinturier , 
qui  leur  fert  pour  river  les  rivets-.  Cette  en- 
clume eft  faite  comme  une  bigorne  plate  ; 
des  deux  côtés  elle  eft  longue  environ  de 
fix  pouces ,  large  d'un  demi  -  pouce  ,  & 
montée  fur  un  pie  qui  entre  dans  le 
billot. 

Enclume  RONDE  ,  infiniment  de  Chau- 
dronnier. Voye^  Boule. 

ENCLUME  ,  outil   des  Cloutiers   dVpin- 

■  &**i 

ENCLUME  ,  (  Coutelier.  )  cette  enclume  n'a 
rien  de  particulier. 

Enclume  des  Couvreurs  ,  celle  fur 
laquelle  ils  taillent  l'ardoife  ,  eft  faite  en 
forme  de  T  ,  dont  la  branche  de  deflous  eft 
lin  peu  cintrée  fur  le  champ ,  &  pointue. 
.  ENCLUME  ,  outil  de  Maréchal,  fèrvant  à 
placer  leur  ouvrage  ,  pour  le  marteler  ou 
forger  \  la  face  ou  la  furface  la  plus  élevée 
de  f enclume  doit  être  plate  &  polie,  fans 
paille  ,  &  fi  dure  qu'une  lime  n'y  puilfe 
mordre.  Elle  a  quelquefois  une  bigorne  à 
l'un  de  Ces  bouts  pour  arrondir  l'ouvrage 
creux  :  le  tout  eft  ordinairement  monté  far 
un  bloc  de  bois  folide. 
'  ENCLUME,  en  terme  d'Orfèvre  ,  eft  un 
infiniment  fur  lequel  ils  forgent  leurs  mé- 
taux :  il  y  en  a  de  différentes  grofTeurs.  La 
maiîe  eft  de  fer  ,  &  la  furface  d'acier  :,  elle 
eft  de  même  groffeur  tant  en  bas  qu'en 
haut.  Sa  fuperficie  eft  convexe ,  &  pour  être 
banne  ,  il  faut  que  l'acier  foit  bien  fondé  au 
fer ,  trempé  &  poli.  Elles  ont  ordinaire- 
ment huit  pans  ,  quatre  grands  ,  &  quatre 
petits  j  elles  portent  à-peu-près  le  double  de 
hauteur  que  de  largeur  :  elles  entrent  des 
deux  tiers  dans  le  billot.  Voy.  Billot.  L'on 
met  défions  ce  billot  un  pailîaflon  ,  voyei 
Paillasson. 

*  Enclume  ,  (Teint.)  c'eft  un  bloc  dont 
la  bafe  eft  de  fer  &  la  furface  aciérée.  Les 
Teinturiers  font  obligés ,  par  les  réglemens. 
d'avoir  chacun  un  pareil  infiniment  fur  le- 
quel foit  gravé  leur  nom  &  funiom  ,  afin 
«[ue  le  marchand  prépofé  aux  vifites ,  appii- 


E  N  C 

quant  fbn  plomb  à  la  tète  des  pièces  des 
marchandifes  ,  le  nom  du  teinturier  qui  les 
aura  teintes ,  y  foit  imprimé  par  le  deffbus 
au  même  temps  que  la  marque  des  drapiers 
le  fera  par  le  defïùs  ,  quand  elle  fera  pofee 
fur  le  plomb ,  &  frappée  d'un  coup  de  mar- 
teau fur  Venclume. 

ENCLUMEAU  ,  ou  ENCLUMOT  , 
f.  m.  (  Art  mech.  )  petite  enclume  pofée  fur 
un  pié  de  bois  ou  de  plomb  ,  que  l'on 
met  fur  l'établi  pour  que  l'ouvrier  ne  foit 
pas  obligé  de  fortir  de  fa  place  à  tous  rao- 
mens  ,  pour  aller  forger  de  petites  parties 
à  la  grande  enclume. 

\JEnclumeau  eft  à  l'ufage  des  Orfèvres,  des 
Metteurs-en-ceuvre  ,  des  Chaudronniers  , 
des  Horlogers ,  &  d'un  grand  nombre  d'au- 
tres ouvriers  en  métaux. 

ENCLUMEAU  ,  (Chaudronnier.)  petite 
enclume  à  main  ,  dont  les  Chaudronniers 
fë  fervent  pour  redreffer  les  chaudrons  & 
autres  uftenfilcs  de  cuifine  ,  ou  pour  river 
leurs  clous.  Uenclumeau  eft  carré  ;  fa  tête 
eft  plate ,  d'environ  un  pouce  &  demi  de 
fuperficie  }  la  queue  par  où  on  le  tient  a 
trois  ou  quatre  pouces  de  longueur.  Lors- 
qu'on s'en  fert  pour  redreffer ,  on  l'appuie 
contre  la  boffe  du  chaudron  ou  autre  pièce 
de  chaudronnerie ,  &  l'en  frappe  de  l'autre 
côté  avec  le  maillet  de  buis.  Pour  river  , 
on  fe  fert  d'un  marteau  de  fer.  Uenclumeau 
de  ces  ouvriers  eft  quelquefois  percé  dans 
le  milieu. 

ENCLUMETTE ,  f.  f.  eft ,  en  Boijfe- 
lerie  ,  un  morceau  de  fer  court  &  gros , 
un  peu  écrafé  par  les  deux  bouts  ,  dont  les 
BoilTeliers  fe  fervent  pour  foutenir  les  plan- 
ches qu'ils  veulent  clouer  enfen>bk  ,  &  ri- 
ver leurs  clous. 

Enci.UMETTE  ,  (Metteur-en-œuvre ,  &c.) 
petite  .enclume  de  fer,  montée  fur  une 
bûche  qui  lui  fert  de  billot  r  &  que  l'ou- 
vrier met  entre  £es  jambes  pour  forger  de 
petites  parties. 

*  ENCOCHE  ,  f.  f.  (  Art  méch.  )  fi  l'on 
frappe  avec  un  infiniment  ou  tranchant  , 
ou  qui  en  fafie  la  fonction  ,  fur  un  corps 
moins  dur  que  cet  inftrument  ,  de  manier- 
que  le  corps  frappé  n'en  foit  divifé  quen 
partie }  cette  divhïon  s'appelle  une  encoche. 
On  fait  avec  la  carne  du  marteau  ui  c  cnco~ 
I  che  au  fer  j  ou  fait ,  avec  le  tranchant  du 


ENC 

ÉOUteàu  ,  une  encoche  au  bois.  L 'encoche  de- 
vient une  efpeçe  d'arrêt. 

ENCOCHE  ,  adj.  en  terme  deBlafon,  fe 
dit  du  trait  qui  eft  fur  un  arc ,  foit  que  celui- 
ci  foi:  bandé  ou  non. 

L'archet  coupé  d'or  &  de  gueules  ,  à 
deux  arcs  rendus  &  encoches  de  l'un  à 
l'autre. 

ENCOCHER  ,  v.  aô.  (  Vannier.  )  c^eft 
planter  des  chevilles  dans  les  trous  qu'on 
a  pratiqués  au  fond  de  tout  vaifièau  qui 
doit  être  fait  d'efier  ,  &  où  les  chevilles 
font  deftinées  à  ferrer  &  à  foutenir  les 
©fiers. 

ENCOCURE ,  (  Marine.  )  Voyei  Enco- 
QUURE. 

ENcOGNURE  ,  f.  f.  en  Architecture , 
fè  dit  autant  des  coins  principaux  d'un  bâ- 
timent ,  que  de  ceux  de  fes  avant-corps  •■, 
&  lorfque  ces  avant  -  corps  font  flanqués 
de  pilaftres  ,  on  les  nomme  antes  ,  voye[ 
A  NT  ES.  (P) 

*  ENCOLER  ,  v.  a&.  ierme  commun  à 
plufieurs  artiftes  ,  aux  manufacturiers  en 
foie  ,  laine  ,  fil ,  coton  ,  &c.  aux  doreurs  \ 
c'eft  ,  chez  les  premiers,  donner  un  apprêt 
de  gomme  ou  de  colle  ;  chez  les  féconds  , 
c'eft  placer  une  couche  de  la  matière  qui 
doit  fervir  d'afîïette  à  l'or. 

Encoller  ,  terme  de  Doreur,  préparation 
qu'on  donne  au  bois  dont  on  veut  fe  fervir 
pour  dorer  }  ce  qui  fe  fait  en  y  appliquant 
une  ou  pluîîeurs  couches  de  la  colle  pré- 
parée pour  cet  effet.  On  l'emploie  toute 
bouillante  ,  parce  qu'elle  pénètre  mieux \  on 
l'afFoiblit  avec  un  peu  d'eau  ,  fi  elle  eft  trop 
forte  ç,  &  on  la  couche  avec  une  brofîè  de 
poil  de  fanglier  ,  en  adouciffant ,  fi  c'eft 
un  ouvrage  uni.  S'il  y  a  de  la  fcnlpture  ,  on 
met  la  colle  en  tapant  avec  la  brofîè  j  ce  qui 
s'appelle  encoller.  V.  tart.  DoRVRE.Diâ.de 
Trév. 

ENCOLLER  ,  terme  de  TiJ/erand^bkc  c'eft 
gommer  ou  enduire  de  colle  ;  les  Tifferauds 
encollent  le  fil  de  leur  chaîne  ,  c'eft-à-dLre  , 
la  frottent  avec  une  compofition  de  gomme , 
ou  de  colle  pour  la  rendre  plus  ferme  Voye[ 
Tisserand. 

*  ENCOLPE  ,  f.  f.  (  Hift.  eccléf.  )  mot 
formé  de  i*  &  de  kcmtv  ,fur  le  fein  \  petite 
boîte  qui  coutenoit  quelque  relique  de  faint, 
&  qu'on  portoit  fufpenûue  au  cou. 


ENC  349 

ENCOLURE  ,  f.  f.  {Man.  &  Maréchall.) 
partie  du  corps  du  cheval  qui  répond  à  celle 
que  dans  l'homme  nous  défignons  par  le 
terme  de  cou. 

Elle  donne  à  l'animal ,  dans  fon  avant- 
main  ,  des  grâces ,  de  la  beauté  &  de  l'agré- 
ment ,  lorfqu'eile  monte  dès  fa  fortie  du 
garrot  j  qu'elle  s'élève  jufqu'à  la  tête  en 
diminuant  imperceptiblement,  &  en  fe  con- 
tournant à  mefure  qu'elle  en  approche ,  8c 
que  fa  partie  inférieure  defeend  jufqu'au 
poitrail  en  forme  de  talud. 

V encolure  eft  dite  &  appeîlée/zî/^ ,  IorA 
que  cette  même  partie  inférieure  ne  montre 
aucune  obliquité  êc  tombe  à  plomb  ,  ren- 
verfée ,  quand  le  contour  ,  l'arc  ou  la  ron- 
deur fe  trouvent  en  deffous  \  &  penchante  , 
fi  fa  partie  fupérieure  tombe  &:  fè  déverfe 
d'un  côté  ou  d'un  autre. 

Les  encolures  renverfées  font  fèmbîables 
à  celles  des  cerfs  }  elles  ne  partent  point 
directement  du  garrot ,  elles  fèmblent  naître 
d'une  efpece  d'enfoncement  vulgairement 
nommé  coup  de  hache  ,  &  ne  donnent  pas 
moins  au  cheval  la  facilité  de  s'armer  ou 
de  s'encapuchonner ,  que  celles  qui  font  trop 
rouées  ,  c'eft-à-dire  ,  dont  la  roadf  ur  à  leur 
partie  fupérieure  eft  trop  confidérable  èc 
trop  marquée. 

Les  encolures  penchantes  font  ordinaire- 
ment trop  chargées  de  chair  près  de  la  cri- 
nière ,  où  elles  devraient  être  tranchantes  , 
&  c'eft  le  poids  de  cette  chair  qui  occafione 
leur  déverfe  meut  &  leur  chute.  Nous  voyons 
ce  défaut  dans  la  plupart  des  chevaux  en- 
tiers d'un  certain  âge. 

Quant  à  l'épailîèur  &  à  la  longueur  de 
cette  partie  ,  on  doit  defirer  qu'elles  foient 
en  proportion  avec  le  total  de  la  machine. 
V.  Proportions. 

Sa  bonne  ou  mauvaife  conformation  dé- 
cide des  qualités  que  l'on  recherche  clans  le 
cheval.  V encolure  eft-elle  molle  &  effilée  , 
fa  foiblefîè  influe  tellement  fur  fa  bouche 
que  l'animal  ne  pourra  foutenir  un  appui 
ferme  ;  il  bégaiera  fans  ceffe  ,  il  battra  fré- 
quemment à  la  main:  eft-elle  courte ,  épaiffe 
&  chargée  ,  il  pefera  inévitablement ,  ex  il 
fera  infiniment  plus  difficile  de  «mener  au 
pli  dans  lequel  ou  voudra  le  mettre.  Les 
barbes,  les  jumens  &  les  chevaux  d'Êfpa- 
gne  nous  font  communément  fouliaiter  un 


550  E  N  C 

peu  plus  d'épaiffeur  dans  leur  encolure;  celle 
de  ces  derniers  diminue  vifïblement  à  me- 
fure  qu'ils  vieilliffent. 

Les  premières  leçons  que  l'on  doit  don- 
ner à  tout  cheval  que  Ton  entreprend  ,  ne 
tendent  véritablement  qu'à  le  déterminer 
&:  à  le  réfoudre.  Vainement  néanmoins  au- 
roit-il  acquis  l'habitude  d'embralfer  le  ter- 
rain franchement  &  fans  contrainte  ,  fi  l'on 
ne  s'attache  enfuite  à  le  dénouer  entière- 
ment ,  en  mettant  infenfiblement  en  jeu 
toutes  Ces  parties,  tk  en  les  follicitant  à  tous 
hs  mouvemens  qui  leur  font  poffibles.  Les 
moyens  de  les  accomplir  ont  été  accordés  à 
l'animal  par  la  nature  même  j  mais  elle  a  , 
pour  ainli  dire  ,  réfèrvé  à  l'exercice  &  à  l'art 
le  droit  de  lui  en  procurer  la  liberté  &  la  fa- 
cilité ,  &  c'eft  cette  liberté  &  cette  facilité 
qui  conftituent  ce  que  nous  appelions  pro- 
prement la.  fouplejje. 

Il  fuffit  de  confidérer  d'une  part  la  proxi- 
mité de  l'encolure  &  de  la  tête  du  cheval  , 
&  de  l'autre  les  attaches  &  les  ufages  des 
mufcles  divers  qui  concourent  à  leurs  actions, 
pour  être  convaincu  de  leur  étroite  corref- 
pondance  &  de  leur  intimité  mutuelle  & 
réciproque.  On  ne  voit  prefqifaucun  de  ces 
inftrumens  defHnés  à  abaiffer,  à  fléchir  ,  à 
étendre  ,  à  élever  ,  à  mouvoir  latéralement 
&  femi-circulairement  la  tête ,  qui  ne  fè 
propagent  &  qui  n'aboutiffent  par  l'une  de 
leurs  extrémités  dans  une  multitude  de 
points  difïërens  du  cou  du  cheval  \  j'en  ap- 
perçois  même  pîufieurs  de  ce  même  cou,  qui 
lorsqu'ils  en  opèrent  l'extenfion  ,  contri- 
buent en  même  temps  à  certains  mouve- 
mens  de  la  tête.  Daus  cet  état ,  il  n'eft  pas 
permis  de  douter  que  l'aptitude  &:  l'aifimce 
avec  lefquelles  l'encolure  fe  prêtera  dans  tous 
les  feus  divers ,  aideront  inconteftablement 
à  la  jufte  pofition  de  cette  partie ,  à  la  fran- 
chifè  &  à  la  fureté  de  la  bouche  ,  &  confé- 
quemment  à  l'exacte  précifion  des  effets  des 
rênes. 

De  toutes  les  portions  extérieures  &  mo- 
biles du  corps .  de  l'animal  ,  l 'encolure  eft 
aufïi  la  première  que  nous  devons  tenter 
d'a/fouplir.  Je  dis  la  première  ;  car  tout 
homme  digne  du  nom  d'homme  de  che- 
val ,  doit  être  perfuadé  par  l'expérience  au- 
tant que  par  la  théorie,  de  l'indifpenfable 
jaécefîïté  d'opérer  fuccefîîvement  &i  féparé- 


ENC 

ment  fur  chacune  d'elles.  La  plupart  des  dé» 
réglemens  &  des  défbrdres  auxquels  nom- 
bre de  chevaux  s'abandonnent ,  n'ont  d'au- 
tre fource  en  effet  que  l'indifcrétion  &  la- 
profonde  ignorance  du  cavalier  qui  agit  in- 
différemment ,  fans  diftinction  ,  fans  choix  , 
fans  ordre  &  fans  mefure  ,  &  qui ,  confon- 
dant toutes  les  parties  enfèmble  ,  exige 
d'elles  une  union  &  une  harmonie  dont 
elles  ne  peuvent  être  parfaitement  capables 
qu'autant  qu'elles  y  ont  été  préalablement 
difpofées  &  préparées  en  particulier,  &  que 
la  foupleffe  des  unes  &  des  autres  a  prévenu 
l'accord  dans  lequel  il  s'efforce  inutilement 
de  les  mettre. 

Suppofons  d'abord  qu'enfiiite  des  diffé- 
rentes opérations  d'une  main  également 
ferme  ,  douce  &  active  ,  le  cavalier  fbit 
déjà  parvenu  ,  dans  une  allure  tranquille  Se 
en  quelque  manière  écoutée  ,  à  déterminer 
l'encolure  ,  félon  la  nature  de  l'animal ,  à 
des  mouvemens  de  flexion  ou  d'extenfïon  , 
tels  qu'il  a  dû  les  lui  fuggérer  pour  com- 
mencer à  fè  placer ,  &  pour  reconnoître 
V appui  (  voye{  PLACER  ,  voye%  TETE  ,  )  il 
ne  me  reftera  à  examiner  ici  que  les  moyens 
de  conlbmmer  l'ouvrage  ,  &  d'aifouplir  en- 
tièrement cette  partie,  en  lui.  imprimant  les 
autres  actions  qui  lui  font  permifès  ,  c'eft- 
à-dire  ,  en  la  dirigeant  dans  le  fèns  des 
flexions  latérales  ,  qui  ne  font  autre  choie 
que  ce  que  nous  entendons  dans  nos  manè- 
ges par  le  terme  de  plis. 

Ces  actions  imprimées  par  la  voie  de  la 
force  ,  Iorfqu'on  emploie  à  cet  égard  le 
caveçon  ,  n'en  demandent  aucune  de  la 
part  du  cavalier ,  qui  pour  y  parvenir  n'a 
recours  qu'à  la  puifîance  de  la  bride  :,  elles 
ne  doivent  être  produites ,  au  contraire  , 
que  conféquemment  à  la  fubtilité  &  au 
tempérament  de  la  main  favante  qui  tra- 
vaille ,  &  nous  avons  dès-lors  l'avantage , 
non  feulement  d'infpirer  à  l'animal  une 
forte  de  goût  pour  le  pli  auquel  nous  l'in- 
vitons ,  mais  de  l'amener  enfin  à  une  pofi- 
tion régulière  ,  agréable ,  &  très-différente 
d'une  attitude  toujours  fauffe  ,  quand  elle 
n'eft  due  qu'à  la  contrainte  &  à  la  vio- 
lence. 

Il  eft  certain  que  les  effets  des  rênes  , 
portés  fur  le  champ  jufqu'au  point  d'opé- 
rer le  mouvement  latéral  dont  il  s'agit , 


ENC 

falfifieroient ,  par  une  imprefTîon  trop  vive  , 
l'appui  que  ce  même  mouvement,  jufte- 
ment  &  peu  à  peu  incité  ,  facilite  &  per- 
fectionne ,  &.  exciteroient  le  cheval  à  fè 
roidir  ou  à  ne  céder  qu'imparfaitement.  Ils 
ne  doivent  donc  point  fe  manifefter  d'abord 
au  delà  de  la  tête  j  &  tout  ce  que  l'on  doit 
en  defirer  &  en  attendre  dans  les  commen- 
cemens ,  fe  borne  à  mouvoir  cette  partie  j 
de  manière  que  fans  abandonner  la  ligne 
perpendiculaire  qu'elle  décrit ,  &  fans  fauf 
1er  cette  ligne  par  l'obliquité  la  plus  lé- 
gère, elle  puiffè  être  détournée  de  côté 
&  d'autre  ,  &  fixée  de  façon  que  l'animal 
foit  libre  dans  fa  marche  d'entrevoir  le 
dedans. 

Son  intelligence  une  fois  frappée  du  fou- 
hait  &;  de  la  volonté  du  cavalier ,  &  l'ha- 
bitude de  cheminer  ainli  étant  acquifè  ,  il 
eft  temps  que  ces  mêmes  effets  s'exercent 
fur  Yencolure  déjà  émue  ,  s'il  m'eft  permis 
d'ufer  de  cette  expreffion ,  par  la  première 
action  confentie  j  mais  fi  Ton  vouloit , 
aufii  -  tôt  après  ce  confèntement  gagné  , 
vaincre  tout-à-coup  encore  l'inflexibilité 
du  cou  ,  en  négligeant  inconsidérément 
d'obfèrver  les  degrés  divers  par  lefquels  on 
doit  fuccefîîvement  pafTer  pour  le  conduire 
au  période  de  foupleiTe  auquel  il  importe 
néceflairement  de  le  réfoudre  ,  il  n'eft  pas 
douteux  que  l'on  s'expofbroit  également 
à  la  réfiftance  de  l'animal  ,  &  même  à  la 
perte  totale  du  fruit  de  la  première  opé- 
ration. 

Il  feroit  allez  difficile  de  déterminer  en 
général  la  mefûre  précife  du  pli  à  fiiggé- 
rer ,  parce  qu'elle  varie  félon  la  îrrucWe 
des  chevaux ,  &  félon  la  conformation  de 
Yencolure.  Elle  peut  être  néanmoins  con- 
nue relativement  à  chacun  d'eux  en  parti- 
culier }  car  il  eft  conftant  que  dès  que  l'ef- 
fet delà  main  du  cavalier  qui  agit  avec  con- 
noiffance ,  &  en  fuivant  les  gradatious  , 
c'efK  à  -dire,  en  augmentant  toujours  imper- 
ceptiblement la  flexion  ,  fe  tranfmet  jufque 
fur  l'épaule ,  &  l'entreprend  ,  cette  mefùre 
eft  outre-paffée. 

Il  faut  cependant  faire  attention  à  la 
direction  de  la  rêne  qui  opère. 

Imaginons  ,  pour  nous  rendre  plus  intel- 
ligibles ,  que  notre  intention  eft  de  plier  la 
tête  ou  Yencolure  à  droite  ;  la  rêne  de  ce 


E  N  C  351 

côté  doit  effectuer  le  pli.  i°.  J'en  propor- 
tionnerai la  force  au  plus  ou  moins  de  fèn- 
fibilité  de  l'animal  :  z°.  dès  que  je  m'ap- 
percevrai  que  la  réfiftance  eft  à  un  certain 
point ,  je  céderai ,  pour  reprendre  aufii-tôt 
après  que  j'aurai  rendu  ,  afin  de  ne  pas 
endommager  la  bouche  par  une  oppofition 
indiferette  ;  30.  j'accompagnerai  l'action  de 
ma  main ,  s'il  en  eft  befoin  ,  d'une  légère 
action  de  ma  jambe  droite ,  qui  ,  en 
chaffant  la  partie  droite  de  l'arriére- main 
feulement  en  avant ,  &  non  de  côté ,  in- 
vitera l'animal  à  fe  prêter  avec  plus  d'ai- 
fance  :  40.  je  tempérerai  l'effet  de  ma  rêne 
droite  par  l'effet  de  ma  rêne  gauche ,  que 
je  modérerai  de  manière  qu'elle  ne  nuifè 
point  à  mon  deffein  ^  &  je  ne  la  laifTerai 
point  abfolument  oifive  ,  dans  la  crainte 
que  la  puiffance  de  la  première  n'étant 
point  contre-balancée ,  elle  ne  détermine  la 
tête  dans  Je  fens  oblique  &  défectueux 
dont  j'ai  parlé.  5°.  La  direction  de  cette 
même  rêne  gauche  fera  mixte  ,  c'eft-à-dire , 
qu'en  même  temps  que  je  lui  imprimerai 
une  feibîe  tenfion ,  par  le  port  infenfible 
de  ma  main  à  moi ,  je  la  croiferai  imper- 
ceptiblement dn  côté  de  dedans  ,  pour 
maintenir  d'une  part ,  ainfi  que  je  viens 
de  le  dire ,  la  tête  dans  fon  à  plomb  ,  & 
pour  aider  à  féconder  de  l'autre  le  port  de 
cette  même  partie  &  de  Yencolure  à  droite. 
6°.  Enfin  ,  la  direction  de  ma  rêne  droite 
fera  telle  que  ,  dans  fa  tenfion ,  elle  répon- 
dra toujours ,  dans  le  plan  incliné  qu'elle 
décrit ,  directement  à  la  branche  qu'elle 
meut ,  fans  fe  détourner  de  la  ligue ,  ou 
fans  être  croifée  }  parce  que  dès  que  l'ani- 
mal eft  dans  le  pli ,  pour  peu  qu'elle  foit 
portée  en  dehors ,  elle  opère  fur  fon  épaule  , 
&  ne  le  met  pas  moins  dans  une  fujétion 
qui  le  révolte  ,  fi  le  cou  n'eft  point  fiiffi- 
famment  aflbupli ,  qu'une  flexion  trop  ex- 
celîive  &  trop  outrée. 

Quelque  efficaces  que  foient  les  unes  & 
les  autres  des  aides  que  je  viens  de  détail- 
ler ,  il  s'agit  néanmoins  de  diftinguer  en- 
core celles  qui  conviennent  aux  diverfes 
efpeces  de  chevaux.  Ceux  qui  fè  plient 
avec  le  plus  de  facilité  ,  communément 
s'encapuchonnent  }  on  les  défarmera  en 
éloignant  la  main  du  corps ,  &  par  le 
moyen  des  deux  rênes  enfemble.  Il  en  eft 


35*  ENC 

d'autres  ,  &c  le  nombre  en  eft  çpafiderabte, 
qui  dans  cette  attitude  pefent  ou  tirent  . 
s'abaiflènt  fur  le  devant  ou  portent  bas.  Le 
premier  de  ces  défauts  eft  le  plus  fouvent 
occalloné  par  le  cavalier  ,  qui  ne  celle  de 
tenir  le  cheval  afîèrvi  ,  tandis  qu'il  devroit 
toujours  rendre  fubtiîement  anffi-tôt  qu'il 
l'a  fournis  au  pli ,  &  reprendre  doucement 
6c  moëîleufement ,  au  moment  où  l'animal 
tente  d'en  fortir  :  c'eft  très- fréquemment 
aum*  la  contrainte  de  la  main  ,  plutôt  que 
la  contrainte  de  la  fituation  dans  laquelle  , 
lorfque  nous  foulageons  favamment  les  bar- 
res ,  le  cheval  femble  même  fe  plaire  , 
qui  fait  naître  en  lui  l'averfion  &  la  répu- 
gnance qu'il  témoigne  pour  cette  a£Hon. 
Les  chevaux  qui  portent  bas  doivent  être 
travaillés  fur  les  lignes  droites  ,  &  peu 
exercés  fur  les  cercles  \  &  l'on  peut  encore 
imputer  au  cavalier  cette  pofition  défagréa- 
ble ,  puifqu'il  étoit  en  fon  pouvoir  de  s'y 
oppofer  &  de  la  prévenir,  en  dirigeant 
l'effet  de  fes  rênes  en  avant ,  &  en  relevant 
l'animal  par  le  fecours  &  par  l'action  ré- 
pétée de  celle  de  dehors.  Enfin  ,  il  en  eft 
qui  montrent  beaucoup  plus  de  liberté  à 
une  main  qu'à  l'autre  :  ceux-là  demandent 
un  travail  plus  confiant  fur  la  main  qui  leur 
eft  plus  difficile. 

Du  refte  ]e  ne  prononcerai  point  ici 
entre  les  écuyers  qui  prétendent  qu'il  fufïït 
d'amener  le  bout  du  nez  du  cheval  en  de  - 
dans  ,  &  ceux  qui  foutiennent  que  le  pli 
ne  fauroit  être  trop  confidérable.  Les  pre- 
miers font  fans  doute  peu  éclairés  fur  les 
avantages  qui  réfultent  de  la  fouplefle  de 
ïencolure  ,  &  ne  devraient  pas  ignorer  que 
qui  peut  le  plus  ,  peut  le  moins  ;  &  les 
féconds  n'ont  jamais  apparemment  connu 
ce  milieu  fi  difficile  à  faifir  en  toutes 
chofes ,  ck  d'où  dépendent  dans  notre  art 
la  juftefTe ,  la  fineffe  &  la  grâce  de  l'exécu- 
tion. (  e  ) 

ENCOiMBOMA,  f.  m.  (Antiq.)  forte 
de  petits  manteaux  qui  n'étoient  portés  que 
par  les  efclaves  fur  l'épaule  gaucfie. 

ENCOMBRE  ,  f.  C.  {  Archiu  )  ruines 
entanees  les  unes  fur  les  autres  ,  &  iai- 
fant  embarras  dans  quelques  partages. 

ENCOMBRÉ  ,  adj.  (  Jurifpr.  )  fignifie 
embarrajfé.  Mariage  encombré  fe  dit ,  en 
Normandie ,  lorfque  le  mari  a  aliéné  quel- 


ENG 

que  héritage  <îe  fa  femme.  Voyei Mariage 
encombré.  (  A  ) 

^  ENCOMBREMENT  ,  f.  m.  (  Marine.  ) 
c'eft  l'embarras  que  caufe-nt  dans  mi  vaif- 
feau  les  marchandifes  qui  font  d'un  gros 
volume  &  tiennent  beaucoup  de  place  , 
comme  des  balles  de  plumes  ,  de  chanvre , 
du  liège  ,  &c.  Lcrfqu'il  s'agit  du  fret  des 
marchandifes  ,  on  en  fait  l'évaluation  ftii- 
vant  X encombrement  ,  c'eft-à-dire  ,  par  rap- 
port à  l'embarras  qu'elles  peuvent  caufer  , 
eu  à  la  place  qu'elles  peuvent  occuper  dans 
le  vaiffeau.  (  Z  ) 

ENCOQUER,  v.  a&.  (Marine.)  c'eft 
faire  couler  un  anneau  de  fer  ou  la  boucle 
de  quelque  cordage  ,  le  long  de  la  vergue 
pour  l'y  attacher.  L'étrope  des  pendans  de 
chaque  bras  eft  encoqué  dans  le  bout  de  la 
vergue.  (Z) 

ENCOQUURE  ou  ENCOCURE  , 
f.  m.  (  Marine.  )  c'eft  cet  enfîlement  qui 
fait  entrer  le  bout  de  la  vergue  dans  une 
boucle  ou  dans  un  anneau  ,  pour  y  fuf- 
pendre  quelque  poulie  ou  quelque  boute- 
dehors. 

C'eft  auflî  l'endroit  du  bout  de  chaque 
vergue  où  l'on  amarre  les  bouts  des  voiles 
par  en  haut.  Uencocure  au  fer  des  boute- 
dehors  eft  à-peu-près  à  un  quart  de  diftance 
du  milieu  de  la  vergue.  (  Z  ) 

ENCORBELLEMENT  ,  f.  m.  en  ar- 
chitecture ,  toute  faillie  portant  à  faux  au 
delà  du  nu  du  mur ,  comme  confole-cor- 
beau  ,   &c.   (  P  ) 

ENCORNAIL  ,  Trou  ou  Trous  dv 
Clan  ,  (Marine)  c'eft  un  trou  ou  une 
mortoife  qui  fe  pratique  dans  l'épaifteur 
du  fbmmet  d'un  mât  le  long  duquel 
court  la  vergue,  par  le  moyen  d'un  rouet 
de  poulie  dont  ïencornail  eft  garni  }  ie- 
tague  y  palfe  &  faifit  le  milieu  de  la 
vergue  ,  pour  la  faire  courir  le  long  du 
mât.  (Z) 

ENCORNÉ  ,  adj.  {Manège ,  Maréchal!.) 
javart  encorné  ,  atteinte  encornée  ;  épithete 
dont  nous  nous  fervons  pour  défigner  la 
fituation  plus  dangereufe  de  l'une  &  de 
l'autre  de  ces  maladies  ,  c'eft-à-dire  ,  leur 
pofition  dans  le  voifinage  de  la  couronne  : 
alors  elles  peuvent  donner  lieu  à  de  vrais 
ravages ,  fur-tout  fi  la  fuppuration  qui  doit 
eu  réfulter  fe  creufe  des  finus  ,   &  fi  la 

matière 


ENC 

$pere  fuppurée  flue  &  cùfcend  dans  l'ongle 
même.  Voyt\  Javart.  (e) 

ENCOUDER,  v.  ach  (Agricuh.).W 
fe  dit  d'un  cep  de  vigne  ;  c'eit  lui  faire 
faire  un  coude  en  l'attachant  à  l'échalas. 
Voye\  Vigne. 

ENCOURAGER,  v.  aa.  donner  du 
courage.    Voye\  COURAGE. 

*  ENCOURIR  ,  v.  ad.  ne  fe  prend 
jamais  qu'en  mauvaife  part;  c'elt  s 'attirer 9 
mériter  }  fubir.  Certains  écrivains  ont  en- 
couru la  haine  de  tous  les  gens  de  lettres  _, 
par  la  manière  outrageante  dont  ils  en 
ont  traité  quelques  -  uns  ;  le  mépris  des 
gens  fcnfés  ,  par  le  fpecbcle  indécent  de 
leurs  convulfions  ;  &  la  fé vérité  du  gou- 
vernement y  par  les  troubles  qu'on  en  crai- 
gnoit. 

ENCOURIR,  (furifpr.  )  lignifie  s'at- 
tirer, fubir  quelque  peine  :  par  exemple, 
encourir  une  amende  9  c'eft  fe  mettre  dans 
le  cas  de  la  devoir.  L'amende  eft  encou- 
rue lorfque  la  contravention  eft  commile. 
On  dit  de  même  encourir  la  mort  civile  , 
une  cenfure  y  Une  excommunication.  Il  y  a 
des  peines  qui  font  encourues  ipfo  faclo  _, 
c'eft-à-dire ,  de  plein  droit  ;  d'autres  qui 
ne  le  font  qu'après  un  jugement  qui  les 
déclare  encourues.  V.  AMENDE  ,   Mort 

civile  ,  Censure  ,  Excommunica- 
tion. (A) 

ENCOUTURÉ  ,  adj.  (Marine.)  bor- 
dages  encouturés  l'un  fur  l'autre  ;  il  fe  dit 
des  bordages  qui  patient  l'un  fur  l'autre  , 
au  lieu  de  fe  joindre  carrément.  Les  ba- 
teaux chalands  de  la  Loire  font  fort  légers 
&  vont  à  la  voile  ;  ils  ne  font  bâtis  que 
de  planches  encouturées  l'une  fur  l'autre  , 
jointes  à  des  pièces  de  liûre  qui  n'ont  ni 
plats-bords  ,  ni  matières  pour  les  tenir 
fermes. 

ENCRAINÉ,  ^.(MaréchalL)  che- 
val e  ne  rainé  y  pour  dire  égaroté.  Ce  mot 
n'en1  plus  d'ufage.    Voyei  ÉGAROTÉ. 

ENCRATITES,  f.  m.  pi.  (Hifi.  eccléf) 
hérétiques  qui  s'élevèrent  dans  le  deuxième 
fiecle.  L'auteur  de  cette  fecte  étoit  Tatien , 
difciple  de  S.  Juftin  martyr ,  homme  élo- 
quent ,  &  qui  avoit  même  écrit  en  faveur 
de  la  religion  chrétienne  ;  mais  après  la 
mort  de  fon  maître  ,  il  tomba  dans  les 
erreurs  de  Valentin  ,  de  Marcion  &  de 
Tomt  XII, 


ENC  m 

Saturnin.  Il  foutenoit ,  entr'autres  chofes  , 
qu'Adam  n'étoit  pas  fauve ,  &:  traitoit  le 
mariage  de  corruption  &  de  débauche  , 
en  attribuant  l'origine  au  démon.  De  là 
fes  fe&ateurs  furent  nommés  Encratites  ou 
Continens.  Ils  s'abftenoient  de  la^hair  des 
animaux  &  du  vin ,  dont  ils  ne  fe  fervoient 
pas  même  dans  l'Euchariftie  ;  ce  qui  leur 
fit  auffi  donner  le  nom  d' 'Aquariens  & 
d'Hydropa  raflâtes. 

Ils  fondoient  cette  averfion  pour  le  vin 
fur  ce  qu'ils  s'jmaginoient  que  cette  liqueur 
étoit  une  production  du  diable  ,  alléguant 
en  preuve  l'ivrefle  de  Noé  &  la  nudité  qui 
en  fut  la  fuite  ;  ce  n'eft  pas  qu'ils  refpec- 
taflent  fort  l'autorité  de  l'ancien  teftament  ; 
ils  n'en  admettoient  que  quelques  paffages 
qu'ils  tournoient  à  leur  fantauie.  Fleury , 
hifi.  eccléf.  tome  1 3  liv.  IV 9  titre  viij  9 
P.  43C  (G) 

ENCRE  A  ÉCRIRE,  f.  t  (Arts.)  en 
Latin  atramentum  feriptovium  ,  liqueur 
noire  compofée  d'ordinaire  de  vitriol  ro- 
main &  de  noix  de  galle  CQncaflees ,  le  tout 
macéré ,  infufé  &  cuit  dans  fuffifante  quan- 
tité d'eau  ,  avec  un  peu  d'alun  de  roche  ou 
de  gomme  arabique  ,  pour  donner  à  k 
liqueur  plus  de  confiftance. 

Entre  tant  de  recettes  d'eRcre  À  écrire  9 
nous  nous  contenterons  d'indiquer  celles 
de  MAL  Lémery  &  Geoffroy  ;  le  lecteur 
choiiira  ,  on  même  les  perfectionnera. 

Prenez,  dit  M.  Lémery,  eau  de  pluie, 
fix  livres  ;  noix  de  galle  concaffée^  ieize 
onces.  Faites  les  bouillir  à  petit  feu  dans 
cette  eau  jufqu'l  réduction  des  deux  tiers  ; 
ce  qui  formera  une  forte  décoction  jau- 
nâtre ,  dans  laquelle  les  noix  de  galle  ne 
lùrnageront  plus  :  jettez  -  y  gomme  arabi- 
que pulvérifée  ,  deux  onces  ,  que  vous 
aurez  fait  difîbudre  auparavant  dans  du 
vinaigre  en  quantité  fuffifante.  Mettez  en- 
iuite  dans  la  décoction ,  coupe-rofe  ou  vi- 
rriol  romain  ,  huit  onces  ;  donnez  encore 
à  votre  décoction  ,  devenue  noire  ,  quel- 
ques légers  bouillons  ;  lajffez-la  repofer. 
Enfin,  verfez-la  doucement  &  par  in- 
clination dans  un  autre  vaifTeau  pour  votre 
ufage. 

Prenez ,  dit  M.  Geoffroy ,  eau  de  ri- 
vière ,  quatre  livres  ;  vin  blanc  ,  deux 
livres  :   noix  de  galle  d'AIep  pilées ,  fix 


354  E  N  C 

onces.  Macère?:  pendant  vingt-quatre  heu- 
res ,  en  remuant  de  temps  en  temps  votre 
infufion.  Faites-la  bouillir  enfuite  pendant 
une  demi-heure-,  en  l'écumant  avec  un 
petit  baron  fourchu  élargi  par  le  bas  ; 
retirez  Iq.  vaiffeau  du  feu.  Ajoutez  à  votre 
cécoction  ,  gomme  arabique  ,  deux  onces  ; 
vitriol  romain  ,  huit  onces  ;  alun  de 
roche ,  trois  onces.  Digérez  de  nouveau 
pendant  vingt-quatre  heures  ;  donnez-y 
maintenant  quelques  bouillons  :  enfin  , 
paffez  la  décoction  refroidie  au  travers 
d'un   linge. 

On  fait  même  de  Yencre  fur  le  champ  , 
ou  du  moins  une  liqueur  noire  ,  par  le 
mélange  du  vitriol  verd  avec  la  teinture  de 
noix  de  galle.  Cette  couleur  noire  vient  de 
la  prompte  révivification  du  fer  contenu 
dans  ce  vitriol  ;  &  cela  eft  fi  vrai ,  que  la 
noix  de  galle  fans  vitriol ,  mais  feulement 
jointe  avec  de  la  limaille  de  fer  ,  donne 
une  pareille  teinture  ,  dès  qu'elle  a  eu  le 
temps  de  divifer  ce  fer  qui  eft  en  limaille. 
Ainfi  le  vitriol  dont  on  fait  Yencre  y  eft 
du  fer  diflbus  par  un  acide  avec  lequel  il 
eft  intimement  mêlé  ;  la  noix  de  galle  eft 
un  alkali  qui  s'unit  avec  les  acides  ,  & 
*  leur  fait  lâcher  le  fer  qui  reparoît  dans  fa 
noirceur  naturelle.  Voilà  la  méchanique  de 
X encre  y  aufl]  des  quatre  efpeces  de  vitriol , 
celui  qu'on  appelle  vitriol  de  Chypre  ou 
de  Hongrie  y  eft  le  feul  qui  ne  fafle  point 
d'encre  ,  parce  que  c'eft  le  feul  dont  la  bafe 
foit  defeuivre  ,  au  lieu  que  dans  les  autres 
c'efl:  du  fer.. 

Si  rprès  que  Yencre  eft  faite  ,  on  y  jette 
«quelques  gouttes  d'efprit  de  vitriol ,  la  cou- 
leur noire  difparoit^  parce  que  le  fer  fe 
réunit  au  nouvel  acide,  &  redevient  vitriol  ; 
par  la  même  raifon  les  acides  effacent  les 
taches  à'encre.  C'efl  avec  les  végétaux  tels 
que  le  fumac  ,  les  rofes  ,  les  glands  ,  &c. 
eue  fe  fait  Yencre  commune.  Article  de 
M.  le  Chevalier  de  J AV COURT.. 

ENGRE  NOIRE  à  V uf âge  de  l'impri- 
merie. Celle  dont  on  fe  fert  pour  l'impref- 
£on  des  livres  ,  eft  un  mélange  d'huile  & 
de  noir  ;  on  convertit  cette  huile  en  vernis 
jpar  la  cuifîbn  :  le  noir  fe  tire  de  la  poix 
aiéfine ,  on  retient  artiftement  toutes  les 
parties  qu'exhale  la  fumée  de  c<  ne  forte 
4e.  coix  quand  on.  vient,  à.  la  br.ûler  dans 


E  N  C 

une  bâtifte  faite  exprès  ,  nommée  dansî  tl 
profeflion  fac  à  noir  •  on  le  décrira  dans 
la  fuite  de  cet  article. 

Le  vaiffeau  dans  lequel  l'on  veut  faire  le 
vernis  d'imprimerie  ,  peut  être  de  fer  ,  de 
fonte  ou  de  cuivre  ;  de  ce  dernier  métal  il 
eft  fait  affez  ordinairement  en  forme  de 
poire ,  &  on  le  nomme  ainfi  :  les  autres  font 
tout  fimplement  de  la  figure  &  forme  d'une 
chaudière  ordinaire.  De  quelque  matière 
que  (bit  le  vaiffeau ,  &  quelque  forme  qu'on 
lui  fuppofe ,  il  doit  avoir  un  couvercle  de 
cuivre,  avec  lequel  on  puifîé  à  volonté  le 
boucher  très-exaclement.  Le  corps  de  ce 
vaiffeau  doit  être  armé  vers  le  milieu  de 
j  deux  anneaux  de  fer  ,  un  peu  plus  hauts  que 
le  niveau  du  couvercle  qui  a  aufli  le  fien  : 
ces  anneaux  fervent  à  paffer  un  ou  deux 
bâtons  ,  au  moyen  defquels  un  homme  à 
chaque  bout  peut ,  fans  rifquer  ,  porter  & 
transporter  ce  vaiffeau  ,  lorfqu'on  veut  le 
retirer  de  defîùs  le  feu ,   ou  l'y  remettre. 

Tour  fe  précautionner  contre  tous  les 
accidens  qui  peuvent  arriver ,  il  eft  de  la 
prudence  ,  pour  faire  ce  vernis  ,  de  choifir 
un  lieu  fpacieux,  tel  qu'un  jardin ,  &  même 
d'éviter  le  voifinage  d'un  bâtiment. 

Si ,  comme  je. le  fuppofe,  on  veut  faire 
cent  livres  de  vernis,  réduction  faite  ;  met- 
tez dans  votre  poire  ou  chaudière  cent  dix 
à  cent  douze  livres  d'huile  de  noix  ;  obfer- 
vez  que  cette  quantité  ,  ou  que  celle  que 
peut  contenir  votre  vaiûeau  ,  ne  le  rem- 
pliffe  qu'aux  deux  tiers  au  plus  ,  afin  de 
donner  de  l'aifance  à  l'huile ,  qui  s'élève  à 
mefure  qu'elle  s'échaufte. 

Votre  vaiffeau  en  cet  état ,  bouchez  le 
très-exaderhent ,  &  le  portez  fur  un  feu 
clair  que  vous  entretiendrez  l'efpace  de  deux 
heures.  Ce  premier  temps  donné  à  la  cuiffon, 
fi  l'huile  eft  enflammée  ,  comme  cela  doit 
arriver ,  en  ôtant  votre  poire  de  deffus  le 
feu  ,  chargez  le  couvercle  de  plufieurs  mor- 
ceaux de  vieux  linges  ou  étoffes  imbibées 
d'eau.  Laiflèz  brûler  quelque  temps  votre 
huile  ,  à  laquelle  il  faut  procurer  ce  degré 
de  chaleur  ,  quand  elle  ne  le  prend  pas  par 
elle-même  ,  mais  avec  ménagement  &  à 
différentes  fois.  Ce  feu  ralenti ,  découvrez 
votre  vaiffeau  avec  précaution  ,  &  remuez 
beaucoup  votre  huile  avec  la  cuiller  de  fer  i 
ce.  remuait  ne  peut  être  trop  rénété  ;  c'e# 


E  N  C 

de  lui  d'où  dépend  en  très-grande  partie  la 
bonne  cuiffon.  Ces  chofes  faites  ,  remettez 
votre  vaiffeau  fur  un  feu  moins  vif  ;  &  dès 
l'inftant  que  votre  huile  reprendra  chaleur , 
jetez  dans  cette  quantité  d'huile  une  livre 
pefant  de  croûtes  de  pain  feches ,  &  une 
douzaine  d'oignons  ;  ces  chofes  accélèrent 
le  dégraiffement  de  l'huile  ;  puis  recouvrez 
votre  vaiffeau  ,  &  le  laiffez  bouillir  à  très- 
petit  feu  trois  heures  confécutives  ou  envi- 
ron :  dans  cet  efpace  de  temps  ,  votre 
huile  doit  parvenir  à  un  degré  parfait  de 
cuifîbn.  Pour  le  connoître  &  vous  en  af- 
furer  ,  vous  trempez  la  cuiller  de  fer  dans 
votre  huile  ,  &  vous  faites  égo  utter  la  quan- 
tité que  vous  avez  puifée  ,  fur  une  ardoife 
ou  une  tuile  :  fi  cette  huile  refroidie  eft 
gluante ,  &  file  à-peu-près  comme  feroit 
une  foible  glu  ,  c'eft  une  épreuve  évidente 
qu'elle  eft  à  fon  point ,  &  dès-lors  elle 
change  ion  nom  d'huile  en  celui  de  vernis. 

Le  vernis  ainfi  fait  doit  être  tranfvafé 
dans  des  vaifTeaux  deftinés.àle  conferver  ; 
mais  avant  qu'il  perde  fa  chaleur  ,  il  faut  le 
paffer  à  plusieurs  reprifes  dans  un  linge  de 
bonne  qualité  ,  ou  dans  une  chauffe  faite 
exprès  ,  afin  qu'il  foit  net  au  point  d'être 
parfaitement  clarifié. 

L'on  doit  avoir  de  deux  fortes  de  vernis  ; 
l'un  foible  ,  pour  le  temps  froid  ;  l'autre 
plus  fort ,  **poùr  le  temps  chaud.  Cette 
précaution  eft  d'autant  plus  indifpenfable  , 
que  fouvent  on  fe  trouve  obligé  de  modifier 
ou  d'accroître  la  qualité  de  l'un  par  celle 
de  l'autre. 

On  peut  faire  le  vernis  foible  au  même 
feu  que  le  vernis  fort ,  mais  dans  un  vaiffeau 
féparé  :  on  peut  aufiî  employer ,  &  c'eft 
mon  avis  ,  pour  ce  vernis  l'huile  de  lin  , 
parce  qu'à  la  cuifîbn  elle"  prend  une  couleur 
moins  brune  &  moins  chargée  que  celle  de 
noix  ;  ce  qui  la  rend  plus  propre  à  ïencre 
rouge  dont  nous  allons  parler. 

Le  vernis  foible  ,  pour  fa  perfection  , 
exige  les  mêmes  foins  &  précautions  que 
le  vernis  plus  fait'  :  toute  la  différence 
confifte  à  ne  lui  donner  qu'un  moindre 
degré  de  feu  ,  mais  ménagé  de  telle  forte 
néanmoins  ,  qu'en  lui  faifant  acquérir  pro- 
portionnellement les  bonnes  qualités  du 
vernis  tort ,  il  foit  moins  cuit ,  moins  épais , 
&  moins  gluant  que  le  fort.  J 


Si  1  on  veut  faire  ce  demi-vernis  de  la 
même  huile  de  noix  dont  on  fè  fert  pour 
le  vernis  fort ,  ce  qui  n'eft  qu'un  péris  in- 
convénient ,  lorfqu'il  s'agit  de  l'employer 
pour  faire  Y  encre  rouge  ,  ou  s'épargner  la 
peine  de  le  faire  féparément  &  de  diffé- 
rente huile  ,  il  eft  tout  fimple  de  faifir  l'oc- 
cafion  de  la  première  cuifîbn  de  l'autre  à 
l'inftant  qu'on  lui  reconnoîtra  les  qualités 
requifes  ,  &  d'en  tirer  la  quantité  defirée  , 
&  même  de  celle  qui  eft  fur  le  feu. 

Les  huiles  de  lin  &  de  noix  font  les  feu- 
les propres  à  faire  le  bon  vernis  d'impri- 
merie ;  celle  de  noix  mérite  la  préférence 
à.  tous  égards  :  quant  aux  autres  fortes , 
elles  ne  valent  rien ,  parce  qu'on  ne  peut 
les  dégraiffer  parfaitement ,  &  qu'elles  font 
maculer  l'impreffion  en  quelque  temps 
qu'on  la  batte ,  ou  qu'elle  jaunit  à  mefure 
qu'elle  vieillit. 

Cependant  dans  quelques  imprimeries 
on  ufe  de  celles  de  navette  &  de  chan- 
vre ,  mais  c'eft  pour  imprimer  des  livres 
de  la  bibliothèque  bleue  :  ce  ménage  eft  de 
fi  peu  de  conléquence  ,  que  l'on  peut  af- 
furer  que  c'eft  employer  de  propos  déli- 
béré de  mauvaife  marchandife. 

Il  y  a  des  imprimeurs  qui  croient  qu'il 
eft  nécefîaire  de  mettre  de  la  térébenthine 
dans  l'huile  pour  la  rendre  plus  forte  ,  & 
afin  qu'elle  feche  plutôt.  Elle  fait  ces  effets, 
mais  il  en  réfulte  nombre  d'inconvéniens. 
La  première  difficulté  eft  de  la  faire  cuire 
fi  précifément ,  qu'elle  n'épaiflifîè  pas  trop 
le  vernis  ;  ce  qu'il  eft  très-rare  d'éviter  : 
alors  le  vernis  eft  fi  fort  &  fi  épais  ,  qu'il 
effleure  le  papier  fur  la  forme ,  &.  la  rem- 
plit en  fort  peu  de  temps  :  fi  la  térében- 
thine eft  cuite  à  fon  point ,  elle  forme  une 
pâte  afîèz  liquide  ,  mais  remplie  de  petits 
grains  durs  &  comme  de  fable  qui  ne  fè- 
broient  jamais. 

La  térébenthine ,  ainfi  que  la  litharge  , 
dont  quelques-uns  ufènt ,  &  font  un  fecret 
précieux,  ont  encore  le  défaut  de  s'at  a- 
cher  fi  fort  au  caractère  ,  qu'il  eft  prefquc 
impoflîble  de  bien  laver  les  formes,  quelque 
chaude  que  foit  la  lefiive  ;  d'ailleurs  ,  elles 
fechent  &  durciffent  fi  promptemenr  , 
qu'outre  qu'elles  nuifent  à  la  diftriburion 
des  lettres  ,  tant  elles  font  collées  les  unes- 
contre  les  autres,  elles  en  rempliffent  encore 

Yy    a 


35*  E  N  C 

l'œil  au  point  qu'il  n'y  a  plus  d'efpérance 
de  le  vuider  ;  ce  qui  met  un  caractère  qui  a 
peufervi,  dans  l'état  fâcheux  d'être  remis 
à  la  fonte. 

Dans  le  cas  où  par  défaut  de  précaution 
l'on  emploieroit  pour  faire  du  vernis  ,  de 
Fhuile  très-nouvellement  faire ,  la  térében- 
thine eft  d'un  ufage  forcé  ,  parce  qu'alors 
il  eft  inévitable  que  l'impreflion  ne  macule 
pas  ;  dans  cette  conjoncture  on  peut  mettre 
la  dixième  partie  de  térébenthine  que  l'on 
fera  cuire  féparément ,  dans  le  même  temps, 
en  lieu  pareil  que  le  vernis  ,  &  avec  les 
mêmes  précautions.  On  lafera  bouillir  deux 
heures  environ:  pour  reconnoître Ion  degré 
de  cuiffon  ,  on  y  trempe  un  morceau  de 
papier  ;  &  s'il  le  brife  net  cçircme  la  pouf- 
fiere  ,  fans  qu'il  relie  rien  d'attaché  defîùs 
ce  papier  en  le  frottant  fi-tôt  qu'il  fera  lèc , 
la  térébenthine  eft  allez  cuite.  Votre  vernis 
hors  de  defïus  le  feu  ,  vous  vcrfez  dans  1« 
même  vaifïeau  cette  térébenthine  en  re- 
muant beaucoup  avec  votre  cuiller  de  fer  ; 
enfuite  on  remet  le  tout  fur  le  feu  l'efpace 
d'une  demi-heure  au  plus  fans  ceflér  de 
remuer  ,  afin  que  le  vernis  fe  mélange  avec 
la  térébenthine.  Le  moyen  de  fe  difpenfer 
de  l'Ufàge  de  la  térébenthine  &  de  la  li- 
tharge,  &  de  fe  garantir  des  inconveniens 
qu'elles  produifent  ,  c'eft  de  n'employer 
que  de  l'huile  très-vieille. 

Le  fac  à  noir  eil  construit  de  quatrepetits 
foliveaux  de  trois  ou  quatre  pouces  d'équar- 
riffage  &  de  fept  à  huit  pies  de  hauteur, 
foutenus  de  chaque  côté  par  deux  traver- 
fès  ;  fes  dimenfions  en  tout  fens  dépendent 
de  la  volonté,  de  celui  qui  le  fait  conffruire  ; 
le  deflus  efl  un  plancher  bien  joint  Ck  bien 
fermé;  le  fond  ou  rez-de- chauffée,  pour 
plus  grande  fûretc,  &  propreté,  doit  être 
eu  pavé  oii  carrrelé  :  vous  réfervez  à  cette 
efpece  de  petite  chambre  une  porte  baffe 
pour  entrer  &  for  tir  ;  vous  tapiriez,  tout 
le  dedans  de  cette  chambre  d'une  toile 
bonne  ,  neuve  &  ferrée ,  le  plus  tendue 
qu'il  eil  poflible  avec  des  clous  mis  à  dif- 
tance  de  deux  pouces.les  uns  dss  autres  : 
cela  fait ,  vous  collez  fur  toute  votre  toile 
du  papier  très-fort ,  &  vous  avez,  attention 
de  calfeutrer  les  jours  que  vous  apperce- 
vrez  ,  afin  que  la  fumée  ne  puiffe  fortir 
d'aucun  endroit.  Un  fac  à  uoiraimj  tapiffé. 


E  N  C 

eft  fumTant ,  mais  il  efl  de  plus  de  durée,  fit 
bouche  beaucoup  plus  exactement  garni 
avec  des  peaux  de  mouton  bien  tendues. 

C'efl  dans  ce  fac  que  fe  brûle  la  poix, 
réfine  dont  on  veut  tirer  le  noir  de  fumée  : 
pour  y  parvenir ,  on  prépare  une  quantité  de 
poix  réfme  ,  en  la  faifant  bouillir  &  fondre 
dans  un  ou  plufieurs  pots  ,  fuivant  la  quan- 
tité ;  avant  qu'elle  foit  refroidie ,  on  y  pique 
plufieurs  cornets  de  papier  ou  des  mèches 
foufrées  ;  on  pofe  les  pots  avec  ordre  au 
milieu  du  fac  ;  enfin  ,  on  met  le  feu  à  ces 
mèches  ,  &  on  ferme  exactement  la  petite» 
porte  en  fe  retirant. 

Lapoixréfineconfommée  ,  la  fumée  fera 
attachée  à  toutes  les  parties  intérieures  du 
fac  à  noir  ;  &  quand  ce  fac  fera  refroidi , 
vous  irez  couvrir  les  pots  &;  refermer  la 
porte  ;  puis  frappant  avec  des  baguettes, 
fur  toutes  les  faces  extérieures  ,  vous  ferez 
tomber  tout  le  noir  de  fumée  ,  alors  vous? 
le  ramaflez  &  vous  le  mettez  dans  un  vaif- 
feau  de  terre  ou  autre.  Comme  il  arrive 
qu'en  le  ramafïant  avec  un  balai  il  s'y  mêle 
quelques  ordures  ,  vous  avez  la  précaution, 
de  mettre  au  fond  du  vaifïeau  une  quan- 
tité d'eau  ;  &  quand  elles  font  précipitées ,. 
vous  relevez  votre  noir  avec  une  écumoire  ? 
ou  au  moyen  de  quelque  autre  précaution  , 
pour  le  mettre  dans  un  wafieau  propre  à 
le  conferver.  Ge  noir  de  fumée  efl  fans 
contredit  le  meilleur  que  l'on  puilfè  em- 
ployer pour  ïencre  d'imprimerie  ,  il  en 
entre  deux  onces  &  demie  iur  chaque  livrer 
de  vernis  ;  je  fuppofe  la  livre  de  feize onces  : 
cependant  c'eft  à  l'œil  à  déterminer-  par  la 
teinte  de  Y  encre  la  quantité  de  noir. 

Pour  bien  mêler  le  noir  de  fumée  avec  le. 
vernis  ,  il  fuffit  d'être  très-attentif  en  les 
mêlant  enfemble  ,  de  les„mêler  à  difFéren- 
tes  reprifes ,  &  de  les  remuer  à  chaque  fois 
beaucoup,  &  de  façon  que  le  tout  forme. une 
bouillie  épaifîe  ,  qui  produife  une  grande 
quantité  de  fils  quand  on  la  cHvife  par  parties. 

Il  eft  d'u(age  dans  quelques  imprimeries1 
de  ne  mêler  le  noir  de: fumée  dans  le  vernis- 
que  fur  l'encrier  ;  le  coup  -  d'ail  décide 
également  de  la  quantité  des  deux  chofès. 
Je  ne  vois  à  la  compofnion  de  cette  encre 
aucun  inconvénient  ,   fi  ce  n'eft  celui  de 
craindre  que  l'on  ne  broie  pas  afîez  ce  mé- 
lange ,  parce  que  cela  demande  du  temps  y 


E  N  C 

bu  que  Y  encre  y  ainfi  faite  par  différentes 
mains  ,  ne  foit  pas  d'une  teinte  égale  dans 
la  même  imprimerie  :  d'où  j'intere  qu'il 
vaut  mieux  avoir  (on  encre  également  pré- 
parée, fans  Te  fier  trop  aux  compagnons. 

Encre  rouge  :  on  iè  fert  de  cette  encre 
afTez  fréquemment,  &  prefque  indilpen- 
"fablement  dans  l'impreflion  des  bréviai- 
res ,  diurnaux ,  &  autres  livres  d'églife  ; 
quelquefois  pour  les  affiches  des  livres  ,  & 
par  élégance  aux  premières  pages. 

Pour  l'encre  rouge  9  le  vernis  moyen  eitle 
meilleur  que  l'on  puiflè  employer  ;  il  doit 
être  fait  d'huile  de  lin  en  force  &  nouvelle , 
parce  qu'elle  ne  noircir  pas  en  cuilant  comme 
celle  de  noix  ,  &  que  ce  vernis  ne  peut  être 
trop  clair.  On  fupplée  au  noir  de  fumée  le 
einnabre  ou  vermillon  bien  fec  &  broyé  le 
plus  fin  qu'il  ef!  poflible.  Vous  mettez  dans 
un  encrier  ,  réiérvé  à  ce  feul  ufàge ,  une 
petite  quantité  de  ce  vernis  ,  lur  lequel  vous 
jetez  partie  de  vermillon  ;  vous  remuez  & 
écrafez  le  tout  avec  le  broyon  ;  vous  relevez 
avec  la  palette  de  l'encrier  cette  première 
partie  d'encre  au  fond  de  l'encrier  ;  vous 
répétez  cette  manœuvre  à  plufieurs  reprifes-, 
jufqu'à  ce  que  vox^s  ayiez  employé ,  par  fup- 
polition  ,  une  livre  do  vernis ,  &  une  demi- 
livre  de  vermillon.  Plufieurs  perfonnes  mê- 
lent dans  cette  première  compofition  ,  trois 
ou  quatre  cuillerées  ordinaires  d'efprit-de— 
vin  ou  d'eau-de-v-ie  ,  dans  laquelle  on  a  fait 
difîbudre  ,  vingt-quatre  heures  avant,  un 
morceau  de  colle  de  poiflon  de  la  grofTeur 
d'une  noix.  J'ai  reconnu  par  expérience  que 
ce  mélange  ne  rempliiîant  pas  toutes  les  vues 
que  l'on  fe  propoibit ,  il  étoit  plus  certain 
d'ajouter  pour  la  quantité  donnée  d'encre 
rouge  y  un  gros  &  demi  de  carmin  le  plus 
beau  ;  il  rectifie  la  couleur  du  vermillon  , 
qui  fouvent  n'efl  pas  auffi  parfaite  qu'on  la 
fouhaiteroit  ;  il  ajoute  à  fon  éclat ,  &  l'em- 
pêche de  ternir  :  cela  eft  plus  difpendieux  , 
je  l'avoue  ,  mais  plus  fatisfaifant.  Quand 
donc  vous  aurez  ajouté  ces  choies  ,  vous 
recommencerez  de  broyer  votre  encre  de 
façon  qu'elle  ne  foit  ni  trop  forte  ,  ni  trop 
foible,  ï encre  rouge  forte  étant  très-f Irjetre  à 
empâter  l'œil  de  la  leuxe.  Si  vous  ne  confom- 
mez  pas  ,  comme  cela  arrive  ,  tout  ce  que 
vous  avez  fait  d' encre  rouge .,•  pour  la  con- 
ferver ,  relevez  votre  encrier  par  le  bord , 


E  N  C  ?57 

&  rempîifîez-le  d'eau  que  vous  entretien- 
drez ,  afin  que  le  vermillon  ne  feche  pas  & 
ne  fè  mette  pas  en  petites  écailles  lur  la  fur- 
face  du  vernis  ,  dont  il  fe  fépare  par  l'effet 
du  haie  &  de  la  fécherefïe. 

Quoiqu'on  n'emploie  ordinairement  que 
les  deux  fortes  â* encre  dont  nous  venons  de 
parler  ,  on  peut  probablement  en  faire  de 
différentes  couleurs  ,  en  fubfbtuant  au  noir 
de  fumée  &  au  vermillon  les  ingrédiens 
néceffaires  ,  &  qui  produifent  les  difîcren- 
tes  couleurs.  On  pourroit ,  par  exemple, 
faire  de  ïencre  verte  avec  le  verd-de-gris 
calciné  &  préparé  ;  de  la  bleue  >  avec  du 
bleu  de  Prufîe  auffi  préparé;  de  h  jaune? 
avec  de  l'orpin  ;  de  la  violette  3  avec  de  la 
laque  fine  calcinée  &  préparée ,  en  broyant 
bien  ces  couleurs  avec  du  vernis  pareil  à 
celui  de  notre  encre  rouge.  La  préparation  du 
verd-de-gris  ,  du  bleu  de  PrufTe  ,  &  de  la 
laque  fine  ,  confifte  à  y  mêler  du  blanc  de 
cerulepour  les  rendre  plus  claires  :  fans  cela 
ces  couleurs  rendroient  Y  encre  trop  foncée. 
Cet  article  eft  de  M.  Le  BRETON. 

Encre  de  la  Chine,  eitune  compo- 
fîtion en  pain  ou  en*bâton ,  qui  ,  délayée 
avec  de  l'eau  ou  de  la  gomme  arabique  , 
&  quelquefois  un  peu  de  biftre  ou  de  fan- 
guine  ,  fèrt  à  tracer  &  à  laver  les  deflîns. 

Elle  fe  prépare  avec  du  fain-doux.  Mettez- 
en  deux  livres  dans  une  terrine  :  placez  au 
milieu  une  mèche  allumée:  couvrez  le  tout* 
d'un  plat  verniiTé -,  ne  -laiiîant  que  le  moinsr 
d'ouverrure  qu'il  fera  poffible  entre  la  ter» 
rine  &  le  plar.  Lorfque  vous  aurez  laifîe 
brûler  votre  mèche  pendant  un  certain 
temps  ,  ramaffez  le  noir  de  fumée  qui  fe  fera 
formé  au  plat  :  calcinez-le,  ou  le  dégraifTez,  - 

Encre  sympathique  ,    (  Phyfiq,  ■ 

Chym.  )  on  appelle  encres  fympathiques ?  > 
toutes  liqueurs  avec  lefquelles  on  trace  des 
caraderes  auxquels  il  n'y  a  qu?un  moyen', 
fecret  qui  puifle  donner  une  couleur  autre 
que  celle  du  papier.  On  les  diflribue  <le  la'. 
manière  fuivante. 

Faire  pafTeirtme  nouvelle  liqueur ,  ou  la 
vapeur  d'une  ricfôfvelle  liqueur  fur  l'écriture  ■ 
invifible.   Expofer  la  première  écriture  ai 
l'air,  pour  que  les  caractères  fe  teignent. 
Paffer  légèrement  fur  récriture  une  matière 
colorée  réduite  en  poudre  fubtile.  Expofer" 
récriture  au  feu. 


35» 


EN  C 


Pour  faire  la  première  liqueur,  prenez 
une  once  de  litharge  ou  de  minium  plus 
ou  moins ,  que  vous  mettrez  dans  un  ma- 
tras ,  verfant  deffus  cinq  ou  fix  onces  de 
vinaigre  difHlé  :  faites  digérer  à  froid  pen- 
dant cinq  ou  iix  jours ,  ou  fept  ou  huit  heu- 
res au  bain  de  fable  :  le  vinaigre  dilibudra 
une  partie  de  la  litharge  ou  du  minium  ,  & 
s'en  faoulera  :  après  quoi  vous  filtrerez  par 
le  papier  ,,  &  le  garderez  dans  une  bou- 
teille. Cette  diffolution  efr.  connue  en  chy- 
Inie  fous  le  nom  de  vinaigre  de  Saturne. 

Pour  préparer  la  ieconde  liqueur ,  prenez 
une  once  d'orpiment  en  poudre,  deux  onces 
de  chaux  vive  ;  mettez-les  enfemble  dans 
un  matras ,  ou  tel  autre  vafe  de  verre  con- 
venable ;  verfez  pardeffus  une  chopine 
d'eau  commune  ;  faites  digérer  le  tout  à 
une  chaleur  douce  l'efpace  de  fept  ou  huit 
heures  ,  agitant  de  temps  en  temps  le  mé- 
lange ;  une  partie  de  l'orpiment ,  &:  une 
partie  de  la  chaux  s'uniront  &  formeront 
avec  l'eau  une  liqueur  jaunâtre,  connue 
dans  l'art  fous  le  nom  de  foie  d'arfenic. 
Vous  pouvez  filtrer  cette  liqueur,  ou  bien 
la  laiffer  clarifier  d'elle-même  par  le  repos  , 
la  décanter  &  l'enfermer  dans  une  bouteille. 

Si  vous  verfez  un  peu  de  cette  féconde 
liqueur  fur  une  petite  quantité  de  la  pre- 
mière ,  ces  deux  liqueurs  de  claires  &  de 
limpides  qu'elles  étoient ,  fe  troubleront  & 
deviendront  d'un  noir-brun  foncé  :  c'eft 
cette  propriété  du  foie  d'orpiment  qui  le 
rend  propre  à  découvrir  les  vins  lithargirés. 
Voye\  Vin. 

Mais  ces  deux  liqueurs  nous  préfentent  un 
phénomenebeaucoup  plusfurprenant.  Pre- 
nez une  plume  neuve ,  écrivez  avec  la  pre- 
mière liqueur  fur  du  papier  ;  les  caractères 
que  vous  aurez  formés  ne  paroîtront  pas  , 
ou  du  moins  ne  paroîtront  que  comme  fi 
on  eût  écrit  avec  de  l'eau  ,  c'eff-à-dire  ,  que 
le  papier  fera  mouillé  par-tout  où  la  plume 
aura  paffé  :  vous  pouvez  le  laiffer  fécher  de 
lui-même  ,  ou  le  préfenter  au  feu  ,  mar- 
quant feulement  l'endroiflfipj  vous  aurez 
paflé  la  plume.  Couvrez  Tëcriture  de  deux 
ou  trois  feuilles  de  nouveau  papier,  &  palîéz 
légèrement  avec  la  barbe  d'une  plume  ou 
une  petite  éponge  ,  un  peu  de  la  féconde 
liqueur  fur  la  feuille  de  papier  la  plus  éloi- 
gnée de  celle  où  vous  avez  tracé  les  carac- 


E  N  C 

teres ,  a  l'endroit  qui  répond  aux  caractères 
formés  avec  l'autre  liqueur  \  iur  le  champ 
les  caractères  d'invifibles  qu'ils  étoient  pa- 
roîtront très- bien  ,  &:  feront  preique  auifi 
noirs  que  s'ils  eufient  été  formés  avec  de 
l'encre  ordinaire.  Bien  plus  ,  fi  vous  enfer- 
mez le  papier  écrit  avec  la  première  liqueur 
entre  plulieurs  mains  de  papier  ,  que  vous 
frottiez  la  feuille  avec  la  féconde  liqueur  , 
&  que  vous  mettiez  ces  mains  de  papier  à 
la  preflê  fous  quelque  gros  livre  ,  quelque 
temps  après  vous  pouvez  retirer  votre  papier 
dont  les  caractères  feront  devenus  noirs. 
Deux  cents  feuilles  de  papier  interpolées 
entre  elles  ,  ne  font  pas  capables  d'empêcher 
leur  effet  ;  elles  ne  font  que  le  retarder. 

Autre  exemple  de  la  première  claile.  On 
fait  diflbudre  dans  de  l'eau  régale  tout  l'or 
qu'elle  peut  diflbudre,  &  l'on attbiblit  cette 
diffolution  par  cinq  ou  iix  fois  autant  d'eau 
commune.  On  fait  diflbudre  à  part  de 
l'étain  fin  dans  de  l'eau  regaie  :  lorlque  le 
diffolvant  en  efl  bien  chargé  ,  on  y  ajoute 
une  mefure  égale  d'eau  commune. 

Ecrivez  avec  la  diffolution  d'or  iur  du  pa- 
pier blanc;  laifîèz-le  fécher  à  l'ombre,  &  non 
aufoleil;  i'écriture  neparoitrapas,  du  moins 
pendant  les  fept  ou  huit  premières  heures. 
Trempez  un  pinceau  dans  la  diffolution  d'e- 
tain,  &  palfez  ce  pinceau  fur  l'écriture  d'or, 
dans  le  moment  elle  paroîtra  de  couleur 
pourpre.  On  peut  effacer  la  couleur  pourpre 
de  l'écriture  d'or ,  en  la  mouillant  d'eau  ré- 
gale. On  la  fera  paroître  une  féconde  fois , 
en  repayant  deffus  la  folution  d'étain. 

Les  caractères  qui  ont  été  écrits  avec  une 
matière  qui  a  perdu  fa  couleur  par  être 
difToure ,  reparoiffent  en  trouvant  le  pré- 
cipitant de  ce  qui  Ta  diffoute  ;  car  alors 
elle  fe  révivifie ,  renaît  &  fe  rencontre  avec 
fa  couleur.  Le  diffolvant  la  luiavoit  ôtée, 
le   précipitant  la  lui  rend. 

Sur  cela  eft  fondé  un  jeu  d'encre  fympa- 
thique  ,  qui  a  dû  furprendre  quand  il  a  été 
nouveau  ;  il  étoit  bien  imaginé  pour  écrire 
avec  plus  de  myflere  &  de  sûreté.  Sur  une 
écriture  invifible ,  on  met  une  écriture  viii- 
ble  ,  &  l'on  fait  difparoître  l'écriture  vifible 
&  fauffe ,   &c  paroître  l'invifible  &  vraie. 

La  féconde  clafle  comprend  ks  encres  fyrn- 
pathiques  y  dont  l'écriture  invifible  devient 
colorée ,  en l'expofant  à  l'air.  Ajoutez,  par 


ENC 

exemple,  à  une  difïblurion  d'or  dans  l'eau 
régale  ',  afTez  d'eau  pour  qu'elle  ne  faiîe 
plus  de  taches  jaunes  fur  le  papier  blanc  ; 
ce  que  vous  écrirez  avec  cette  liqueur  ,  ne 
commencera  à  paroitre  qu'après  avoir  été 
expofé  au  grand  air  pendant  une  heure  ou 
environ  ;  l'écriture  continuera  à  fe  colorer 
lentement ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  devenue 
d'un  violet  foncé  prefque  noir. 

Si ,  au  lieu  de  l'expofer  à  l'air  ,  on  la 
garde  dans  une  boire  fermée  ou  dans  du 
papier  bien  plié ,  elle  reftera  inviiible  pen- 
dant deux  ou  trois  mois  ;  mais  à  la  fin  elle 
fe  colorera  &  prendra  la  couleur  violette 
obfcure. 

Tant  que  l'or  refte  uni  à  fon  dilToIvant , 
il  eu  jaune  ;  mais  l'acide  de  fon  difïblvant 
étant  volatil ,  la  plus  grande  partie  s'en  éva- 
pore ,  &  il  n'en  refte  que  ce  qu'il  en  faut 
pour  colorer  la  chaux  d'or  qui  eft  demeurée 
fur  le  papier. 

La  difïblution  de  l'argent  fin  dans  de 
l'eau-forte ,  qu'on  a  afïbiblie  enfuite  par 
l'eau  de  pluie  diftillée  comme  on  a  afFoi- 
bli  celle  de  l'or  ,  fait  auffi  une  écriture  in- 
viiible ,  qui ,  tenue  bien  enfermée  ,  ne 
devient  lifible  qu'au  bout  de  trois  ou  quatre 
mois  ;  mais  elle  paroît  au  bout  d'une  heure 
fi  on  l'expofe  au  foleil ,  parce  qu'on  accé- 
lère l'évaporation  de  l'acide.  Les  caractères 
faits  avec  cette  folution  font  de  couleur  d'ar- 
doifè  ;  parce  que  l'eau-forte  eft  un  difïbl- 
vant toujours  un  peu  fulfureux  ,  &  que 
rout  ce  qui  eft  fulfureux  noircit  l'argent. 
Cependant  comme  ce  fulfureux  eft  vo- 
latil ,  il  s'évapore  ;  &  dès  qu'il  eft  entiè- 
rement évaporé  ,  les  lettres  reprennent  la 
véritable  couleur  de  l'argent ,  fur  -  tout  fi 
celui  qu'on  a  employé  dans  l'expérience 
eft  extrêmement  fin  ,  &  fi  l'expérience 
i'e  fait  dans  un  endroit  exempt  de  va- 
peurs. 

On  peut  mettre  encore  dans  cette  claiTe 
plufieurs  autres  difîblutions  métalliques  , 
comme  du  plomb  dans  le  vinaigre  ,  du 
cuivre  dans  l'eau-forte,  &c.  mais  elles 
rongent  &  percent  le  papier. 

La  troifieme  claiTe  eft  celle  des  encres 
fympathiqiics  ,  dont  l'écriture  inviiible  pa- 
roît en  la  frottant  avec  .quelque  poudre 
brune  ou  noire.  Cette  claiTe  comprend 
$>refque  tous  ks  fucs.  glutincux   &   noa 


ENC  3ç<, 

colorés ,  exprimés  des  fruits  &  âes  plantes  ; 
le  lait  des  animaux  ,  ou  autres  liqueurs 
grafîes  &  vifqueufes.  On  écrit  avec  ces 
liqueurs  ;  &  quand  l'écriture  eft  feche  , 
on  fait  pafîêr  deiïus  ,  légèrement  &  en 
remuant  le  papier  ,  quelque  terre  colorée 
réduite  en  poudre  fubtile  ,  ou  de  la  pou- 
dre de  charbon.  Les  caractères  refteront 
colorés  ,  parce  qu'ils  font  formés  d'une 
eipece  de  glu  qui  retient  cette  poudre 
fubtile. 

Enfin ,  la  quatrième  clafîê  eft  celle  de 
ces  écritures  qui  ne  font  vifibles  qu'en  les 
chauffant.  Cette  claffe  eft  fort  ample  ,  & 
comprend  toutes  les  infufions  &  toutes  les 
difîblutions  dont  la  matière  diiîbute  peut 
fe  brûler  à  très- petit  feu  ,  &  fe  réduire  en 
une  efpece  de  charbon.  En  voici  un  exem- 
ple qui  fuffira. 

DifTolvez  un  fcrupule  de  Ici  ammoniac 
dans  deux  onces  d'eau  pure  ;  ce  que  vous 
écrirez  avec  cette  folution  ne  paroîtra 
qu'après  l'avoir  échauffé  fur  le  feu ,  ou 
après  avoir  paifé  deifus  un  fer  un  peu 
chaud.  Il  y  a  grande  apparence  que  la 
partie  graffè  &  inflammable  du  fel  am- 
moniac fe  brûle  &  fe  réduit  en  char- 
bon à  cette  chaleur ,  qui  ne  fufrlt  pas 
pour  brûler  le  papier.  Au  refte ,  cette 
écriture  étant  fujette  à  s'humeâer  à  l'air, 
elle  s'étend ,  les  lettres  fe  confondent ,  &: 
au  bout  de  quelque  temps  elles  ne  font 
plus  diftinguées  ou  féparées  les  unes  des 
autres. 

Quand  l'écriture  inviiible  a  une  fois 
paru  par  un  de  ces  quatre  moyens  ,  elle 
ne  difparoît  plus  ,  à  moins  qu'on  ne  verfe 
deffùs  une  liqueur  nouvelle  ,  qui  faife  une 
féconde  difïblution  de  la  matière  préci- 
pitée» 

L'encre  Jympathique  de  M.  Hellot ,  après 
avoir  paru  ,  difparoît  &  reparoît  enfuite  de 
nouveau  tant  que  l'on  veut ,  fans  aucune 
addition  ,  fans  altération  de  couleur  ,  fc 
pendant  un  très-long  temps  ,  fi  elle  a  été 
faite  d'une  matière  bien  conditionnée.  C'eft. 
en  l'expofant  au  feu  &  en  lui  donnant  un 
certain  degré  de  chaleur ,  qu'on  la  fait  pa- 
roitre ;  refroidie  elle  difparoît ,  &  toujours 
ainfi  de  fuite- 
Cette  encre  n'a  la  finguîariré  de  diipa- 
roître  après  avoir  paru ,  que  quand  on,  ne- 


tfo  E  N  C 

l'a  cxpofée  au  feu  que  le  temps  qu'il  fal- 
loir pour  la  faire  paroître ,  ou  un  peu 
plus  ;  fi  on  l'y  tient  trop^  long  -  temps  , 
elle  ne  difparoît  plus  en  fe  refroid iffant  ; 
tout  ce  qui  faiioit  le  jeu  des  alternatives 
d'apparition  &  de  .difparition  a  été  en- 
levé :  elle  rentre  donc  alors  dans  la 
clafîê  des  encres  fympathiques  commu- 
nes qui  fe  rapportent  au  feu.  Cette  encre 
eft  fufceptible  d'une  poufllere  colorée  , 
&  enfin  il  y  a  une  liqueur  ou  une  va- 
peur qui  agit  fur  elle.  Quand  elle  efl 
d,ms  fa  perfection  ,  elle  eft  d'un  verd 
mêlé  de  bleu  d'une  belle  couleur  de  lilas  : 
alors  cette  couleur  efl  fixe  ,  c'eft-à-dire , 
toujours  la  même  ,  de  quelque  fens  qu'on 
la  regarde  ,  quelle  que  foit  la  pofition  de 
l'œil  par  rapport  à  l'objet  &'  à  la  lumière. 
JVIp.js  il  y  a  des  cas  où  cette  couleur  eft 
changeante  ,  félon  que  l'œil  efl  différem- 
ment pofé  ;  tantôt  elle  eft  lilas  fale  ,  tan- 
tôt feuille  morte  ;  &  ce  qui  prouve  que 
cela  doit  être  compté  pour  une  imper- 
fection &  non  pour  un  agrément ,  c'efl 
que  X encre  à  couleur  changeante  ne  pourra 
paroître  ou  difparoître  que  quinze  ou  feize 
fois  ;  au  lieu  que  celle  de  couleur  fixe  fou- 
tiendra  un  bien  plus  grand  nombre  de  pa- 
reilles alternatives. 

Si  l'on  veut  que  cette  encre  devienne  de 
la  clarTe  qui  fe  rapporte  à  Pair.,  alors  il 
faudra  tenir  l'écriture  expofée  à  Pair  pen- 
dant huit  ou  dix  jours  ,  elle  fera  de  cou- 
leur de  rofe.  On  altérera  auffi  le  plus  fou- 
vent  fa  couleur ,  en  la  faifant  paiTer  dans 
les  autres  claffes  ;  mais  il  paroît  que  ces 
deux  couleurs  extrêmes  ,  ou  les  plus  diffé- 
rentes ,  font  celle  de  lilas  &  celle  de  rofe. 
M.  Heliot ,  qui  vit  de  cette  encre  pour  la 
première  fois  entre  les  mains  d'un  artifle 
.  Allemand  ,  trouva  dans  les  minéraux  -de 
èifmuth  ,  de  cobolt  &  d'arfenic,  qui  con- 
tiennent de  fazur,  la  matière  colorante  qui 
.£toit  fon  objet  ;  &  l'on  croira  fans  peine , 
comme  le  dit  M.  de  JFontenelle ,  que  M. 
Heliot  a  tiré  de  cette  matière  tout  ce  qu'elle 
a  déplus  caché.  Article  de  M.  le  chevalier 
T)E  Jaucourt. 

*  ENCRENÉE  ,  adj.  fera,  pris  fubft. 
(■G  roffes  forges.  )  C'efl  ainfi  qu'on  appelle , 
-dans  quelques  ateliers  ,  l'état  que  le  fer 
prend  fous  le  marteau  lorfquil  y  eft  porté 


ENC 

f  pour  îa  féconde  fois ,  au  fortir  de  l'affinerie." 
Voye\  Forges. 
ENCRIER    D'IMPRIMERIE  :   c'efl 

une  planche  de  bois  de  chêne  fur  laquelle 
font  attachées  trois  autres  planches  du 
même  bois ,  dont  une  forme  un  dofferet , 
&  les  deux  autres  deux  joues  coupées  & 
taillées  en  diminuant  du  côté  ouvert  & 
oppofé  au  dofîeret.  L'ouvrier  de  la  prefîe 
met  fon  encre  dans  un  des  coins ,  & 
en  étend  avec  fon  broyon  une  petite  quan- 
tité vers  le  bord  du  côté  ouvert ,  fur 
lequel  il  appuie  légèrement  une  de  fes 
balles  quand  il  veut  prendre  de  l'encre. 
L'encrier  fe  pofe  fur  le  train  de  derrière 
de  la  prefîe  ,  à  côté  ces  chevilles.  Voye% 
les  planches  d'imprimerie  &  l'article  IM- 
PRIMERIE. 

ENCRINUS  ou  ENCRINITE  ,  f.  f. 
(  Hifi.  nat.  fojjil.  )  Quelques  naturalises 
donnent  ce  nom  à  une  pétrification  qui 
repréfente  affez  bien  la  figure  d'un  lis  à 
cinq  ou  fix  pétales  qui  ne  font  point  en- 
core épanouies  ;  ce  qui  eft  caufe  que  quel- 
ques auteurs  Allemands  la  nomment  lilien- 
flen  ,  pierre  de  lis.  Ces  cinq  pétales  par- 
tent d'une  tige  compofée  d'un  afîem- 
blage  de  petites  pierres  ,  ou  arrondies  , 
ou  anguleufes  ,  qui  fe  féparent  les  unes 
des  autres.  Celles  qui  font  arrondies  fe 
nomment  trochites  ou  entrochites  ;  celles 
qui  font  angulaires  ou  de  la  forme  d'une 
étoile ,  fe  nomment  afiéries.  M.»Walle.rius 
&  d'autres  naruraliftcs  conjecturent  que 
Yencrinus  n'eft  qu'une  étoile  de  mer  pétri- 
fiée. Agricola ,  /.  Vy  de  nat.fojjîl.  dit  qu'il 
s'en  trouve  dans  les  foffés  qui  régnent  au- 
tour des  murs  de  la  ville  d'Hiideshein  en 
Weftphalie.(  — ) 

*  ENCROISER,  {Manufact.  en  foie, 
en  laine  y  en  fil ,  &c.  )  C'efl  la  façon  de 
donner  de  l'ordre  aux  différens  brins  de 
foie  ,  "de  laine  ,  de  fil ,  &c.  qui  compo- 
jfèat  la  chaîne.  l/oye\  Encroix.  Les  brins 
doivent  être  parlés  fuivant  le  rang  de  cet 
encroix  ,  d'abord  dans  les  lifîés  ,  &  en- 
fuite  dans  le  peigne  ;  ordre  ablolument 
néceffaire  ,  puifque  fans  lui  il  feroit  im- 
pofîlble  de  s'y  reconnoître ,  &  tout  ferok 
en  danger  d'être  perdu.  On  verra  à  Yar- 
ticle  OURDIR  ,  qu'il  faut  encroifer  à  deux 
brins  lorfqu'on  eil  en  haut  de  l'ourdifToir  ; 

ce 


E  N  C 

ce  qui  arrive  quand  le  brin  fe  trouve  vis- 
à-vis  de  l'endroit  où  a  commencé  l'our- 
difîage.  Voici  comment  fè  fait  l'encroix. 
L'ourdiflèur  introduit  le  doigt  index  de 
la  main  dont  il  encroife  (  les  uns  fe  fer- 
vant  de  la  droite  ,  les  autres  de  la  gauche) , 
fur  les  deux  brins,  le  pouce  étant  defïbus 
ces  deux  brins  :  il  paiTe  le  pouce  fur  un 
des  deux  ;  Yindex  alorseft  deflbu s  :  il  con- 
tinue de  fuite  ,  &  de  même  alternative- 
ment :  il  reprend  toujours  dans  le  même 
ordre  jufqu'à  ce  qu'il  fmifle  ,  obfervant 
bien  de  ne  fe  pas  tromper  à  cette  alter- 
native. Les  brins  ainfi  placés  deux-à-deux 
fur  ces  doigts ,  font  pofes  fur  les  chevilles 
de  l'encroix ,  d'où  ils  font  enfaite  conduits 
pêle-mêle  fur  la  cheville  voiiine  de  celles- 
ci  ,  où  eiT  fixé  le  bout  de  la  pièce.  On  les 
laifîê  pendre  pour  être  encroifés  de  nou- 
veau ,  &  pour  être  de  même  placés  fur 
les  chevilles.    Voye\  l'article  OURDIR. 

ENCROIX  ,  f.  m.  (  Manufact.  en  foie  , 
fil ,  laine  ,  &c.  )  Ce  font  trois  chevilles 
placées  à  demeure  lùr  les  traverfes  de  deux 
des  ailes  du  moulin  ,  en  haut.  Ces  chevilles 
font  boutonnées  par  le  bout,  pour  retenir 
les  foies  ,  qui  fans  cela  s'échapperoient.  Une 
de  ces  chevilles  eft  fixée  fur  une  autre  aile  , 
&  c'en1  ordinairement  fur  l'aile  la  plus  pro- 
chaine des  deux  dont  on  vient  de  parler. 
Cette  dernière  cheville  reçoit  le  bout  de  la 
pièce  ;  les  deux  autres  qui  font  auprès  , 
portent  les  foies  encroifées  ainfi  qu'on  verra 
aux  articles 'OURDIR  &ENCROISER.  Ces 
chevilles  fe  trouvent  répétées  au  bas  de  ce 
moulin  ,  puifqu'il  faut  aufîi  encroifer  en 
bas.  Si  l'on  ourdit  de  l'un  à  l'autre  de  ces 
encroix  ,  la  pièce  contiendra  144  aunes  de 
long  ;  c'eft  la  mefure  la  plus  ordinaire  ,  & 
1  étendue  des  ourdiflbirs.  Il  y  a  encore  un 
encroix  mobile  ,  qui  confifte  en  une  tringle 
de  même  forme  que  les  traverfes  qui  por- 
tent les  encroix  fixes  dont  on  vient  déparier. 
Celui-ci  n'eft  pas  plus  long  qu'il  ne  faut 
pour  pouvoir  entrer  entre  deux  ailes  du 
moulin  :  il  eft  chantourné  par  les  bouts  , 
fuivant  le  contour  des  ailes  ,  qui  étant  les 
mêmes  dans  tout  Pourditîoir  y  on  le  pofera 
où  l'on  voudra.  Il  doit  être  fait  de  façon 
qu'il  entre  jufte  ^  &  même  un  peu  ferré. 
Les  ailes  par  leur  délicatefTe  pouvant  aifé- 
ment  reculer  un  peu  pour  lui  faire  place . 
Tome  XII. 


E  N  C  3*1 

il  eft  mis  communément  au  milieu  :  en  ce 
cas  fes  bouts  repofent  fur  les  traverfes  de  ce 
milieu  :  mais  fi  on  le  vouloit  mettre  ailleurs , 
il  faudroit  avoir  foin  de  lier  les  deux  bouts 
avec  les  ailes  qui  le  porteroient,  de  crainte 
qu'ils  n'échappaffent  malgré  la  petite  gêne 
avec  laquelle  ils  font  entrés.  Cet  encroix 
mobile  donne  la  facilité  d'ourdir  de  telle 
longueur  que  l'on  veut  au  delTous  de  144 
aunes  ;  mais  lorfqu'on  emplit  PourdifToir 
en  totalité  ,  cet  encroix  eft  vacant  ,  & 
doit  être  ôté  de  defTus  le  moulin  où  il 
nuiroit. 

?  ENCROUÉ  ,  adj.  (  Jurifpr.  )  terme 
d'eaux  &  forêts  ,  qui  fe  dit  d'un  arbre  lequel 
en  tombant  s'embarrafTe  dans  les  branches 
d'un  autre  arbre  qui  eft  fur  pie-  L'ordon- 
nance des  eaux  &  forêts ,  tit.  xv.  art.  4.3, 
porte  que  les  arbres  feront  abattus  ,  en  forte 
qu'ils  tombent  dans  les  ventes  fans  endom- 
mager les  arbres  retenus ,  à  peine  de  dom- 
mages &  intérêts  contre  le  marchand  ;  que 
s'il  arrivoit  que  les  arbres  abattus  demeu- 
rafîént  encroue's  ,  les  marchands  ne  pourront 
faire  abattre  l'arbre  fur  lequel  celui  qui 
fera  tombé  fe  trouvera  encroué  ,  fans  la  per- 
miffion  du  grand-maître  ou  âes  officiers  » 
après   avoir  pourvu  à  l'indemnité  du  roi. 

M) 

ENCYCLOPEDIE  ,  f.  {.(Philofoph.  ) 
Ce  mot  fignifie  enchaînement  de  connoiffan- 
ces  ,*  il  eft  compofe  de  la  prépofition  Gre- 
que  kv  ,  en  y  &  des  fubftantifs  *.vak®  ,  cer- 
cle 9  &  Tt^iiA  ,  connoijjance . 

En  effet ,  le  but  d'une  Encyclopédie  eft  de 
rafîembler  les  connoiifances  éparfes  fur  la 
furface  de  la  terre  ;  d'en  expofer  le  fyftême 
générai  aux  hommes  avec  qui  nous  vivons  , 
&  de  le  tranfmettre  aux  hommes  qui  vien- 
dront après  nous  ;  afin  que  les  travaux  des 
fiecles  pafTés  n'aient  pas  été  des  travaux 
inutiles  pour  les  fiecles  qui  fuccéderont  ; 
que  nos  neveux  ,  devenant  plus  inftruits  , 
déviennent  en  même-temps  plus  vertueux 
&  plus  heureux  ,  &  que  nous  ne  mou- 
rions pas  fans  avoir  bien  mérité  du  genre 
humain. 

Il  eût  été  difficile  de  fe  propofer  un  objet 
plus  étendu  que  celui  de  traiter  de  tout  ce 
qui  a  rapport  à  la  cur'ofité  de  l'homme ,  à 
{'es  devoirs  ,  à  Ces  befoins  &  à  fes  plaifirs. 
Aufii  quelques    perfonnes  accoutumées    à 

Z  z 


S*i  E  N  C 

juger  de  la  poflibilité  d'une  entreprife  -,  fur 
le  peu  de  refïburces  qu'elles  apperçoivent 
en  elles-mêmes  ,  ont  prononcé  que  jamais 
nous  n'achèverions  la  nôtre.  Voye\  le  Dicl. 
de  Trévoux  ,  dernière  ëdit.  au  mot  Ency- 
clopédie. Elles  n'entendront  de  nous  pour 
toute  réponfe  ,  que  cet  endroit  du  chancelier 
Bacon  ,  qui  femble  leur  être  particulièrement 
adrefîe.  De  impojjibilitate  ità  ftatuo  y  ea 
omnia  pojjibilia  Ù  prœflabilia  ejje  cenfenda 
quœ  ab  aliquibus  perfici  pojjunt ,  licèt  non  à 
qiubufvis  ;  &  quœ  à  multis  conjunclim  y  licèt 
non  ab  uno  ;  &  quœ  in  fuccejjîone  fœculo- 
rum  ,  licèt  non  eodem  cevo  ;  Ù  denique  quœ 
multorum  cura  &  fumptu  y  licèt  non  opi- 
bus  Ù  indufiriâ  Jîngulorum.  Bac.  lib.  II  y 
de  augment.  fcient,  cap.  j  ,  pag.  103. 

Quand  on  vient  a  confidérer  la  matière 
immenfe  d'une  Encyclopédie,  la  feule  chofe 
qu'on  apperçoive  diftinâement  ,  c'eft  que 
ce  ne  peut  être  l'ouvrage  d'un  feul  homme. 
Et  comment  un  feul  homme  ,  dans  le  court 
efpace  de  fa  vie,  réufliroit-il à  connoître 
&  à  développer  le  fyftême  univerfel  de  la 
nature  &  de  l'art  ■  ?  tandis  que  la  fociété 
favante  &  nombreufè  des  académiciens  <&  la 
Crufca  a  employé  quarante  années  à  former 
fon  vocabulaire ,  &  que  nos  académiciens 
François  avoient  travaillé  foixante  ans  leur 
dictionnaire  ,  avant  que  d'en  publier  la 
première  édition  !  Cependant  ,  qu'eft-ce 
qu'un  dictionnaire  de  langue  ?  qu'eft-ce 
qu'un  vocabulaire  ,  lorfqu'il  eft  exécuté 
suffi  parfaitement  qu'il  peut  l'être  ?  Un 
recueil  très-exact,  des  titres  à  remplir  par 
un  dictionnaire  encyclopédique  &  raifonné. 

Un  feul  homme  ,  dira-t-on  ,  eft  maître 
de  tout  ce  qui  exifte  ;  il  difpofera  à  fon  gré 
de  toutes  les  richefTes  que  les  autres  hommes 
ont  accumulées.  Je  ne  peux  convenir  de  ce 
principe  ;  je  ne  crois  point  qu'il  foit  donné 
à  un  feul  homme  de  connoître  tout  ce  qui 
peut  être  connu  ;  de  faire  ufage  de  tout 
ce  qui  eft  ;  de  voir  tout  qui  peut  être  vu  •; 
de  comprendre  tout  ce  qui  eft  intelligible. 
Quand  un  dictionnaire  raifonné  des  fciences 
&  des  arts  >:e  feroit  qu'une  combinaifon 
méthodique  de  leurs  élémens  ,  je.deman- 
derois  encore  à  qui  il  appartient  de  faire 
de  bons  élémens  ;  fi  Fexpofition  élémentaire 
àes  principes  fondamentaux  d'une  fcience 
ou  d'un  art,  eft  le  coupd'efrai  d'un  élevé, 


E  N  C 

ou  le  chef-d'œuvre  d'un  maître.  Voye\V ar- 
ticle ÉLÉMENS   DES   SCIENCES. 

Mais  pour  démontrer  avec  la  dernière 
évidence  ,  combien  il  eft  difficile  qu'un  feul 
homme  exécute  jamais  un  dictionnaire  rai- 
fonné de  la  fcience  générale  ,  il  fuffit  d'in- 
fifter  fur  les  feules  difficultés  d'un  fimple 
vocabulaire. 

Un  vocabulaire  univerfel  eft  un  ouvrage 
dans  lequel  on  fepropofe  de  fixer  la  fignifî- 
cation  des  termes  d'une  langue ,  en  définif- 
fant  ceux  qui  peuvent  être  définis  ,  par 
une  énumération  courte  ,  exacte  ,  claire  & 
précife  ,  ou  des  qualités  ou  des  idées  qu'on 
y  attache.  Il  n'y  a  de  bonnes  définitions  que 
celles  qui  raflemblent  les  attributs  effentiels 
de  la  chofe  défignée  par  le  mot.  Mais  a-t-il 
été  accordé  à  tout  le  monde  de  connoître 
&  d'expofer  ces  attributs  ?  L'art  de  bien 
définir  eft-il  un  art  fi  commun  ?  Ne  fommes- 
nous  pas  tous  ,  plus  ou  moins  ,  dans  le  cas 
même  des  enfans  ,  qui  appliquent  avec  une 
extrême  précifion  ,  une  infinité  de  termes 
à  la  place  defquels  il  leur  feroit  abfolument 
impofïible  de  fubftituer  la  vraie  collection 
de  qualités  ou  d'idées  qu'ils  repréfentent  ; 
De  là  ,  combien  de  difficultés  imprévues , 
quand  il  s'agit  de  fixer  le  fens  desexpref- 
fions  les  plus  communes  ?  On  éprouve  à  tout 
moment  que  celles  qu'on  entend  le  moins , 
font  auffi  celles  dont  on  fe  fèrt  le  plus. 
Quelle  eft  la  raifon  de  cet  étrange  phéno- 
mène ?  C'eft  que  nous  fommes  fans  cefîe 
dans  l'occafion  de  prononcer  qu'une  chofe 
eft  telle  ;  prefque  jamais  dans  la  néceffité  de 
déterminer  ce  que  c'eft  qu'être  tel.  Nos 
jugemens  les  plus  fréquens  tombent  fur  des 
objets  particuliers  ,  &  le  grand  ufage  de  la 
langue  &  du  monde  fuffit  pour  nous  diriger. 
Nous  ne  faifons  que  répéter  ce  que  nous 
avons  entendu  toute  notre  vie.  Il  n'en  eft 
pasainfi  lorfqu'il  s'agit  de  former  des  no- 
tions générales  qui  embraiïênt ,  fans  excep- 
tion ,  un  certain  nombre  d'individus.  Il  n'y 
a  que  la  méditation  la  plus  profonde  & 
l'étendue  de  connohTances  la  plus  furpre- 
nante  qui  puiffent  nous  conduire  furement. 
J'éclaircis  ces  principes  par  un  exemple  :  nous 
difons  ,fans  qu'il  arrive  à  aucun  de  nous  defè 
tromper ,  d'une  infinité  d'objets  de  toute  ef- 
pece  ,  qu'ils  font  de  luxe  ;  mais  qu'eft-ce  que 
ce  luxe  que  nous  attribuons  fi  infaillible- 


E  N  C 

ment  à  tant  d'objets  ?  Voilà  la  queftion  à 
laquelle  on  ne  fatisfait  avec  quelque- exacti- 
tude ,  qu'après  une  difcuffion  que  les  per- 
fonnes  qui  montrent  le  plus  de  jufteffe  dans 
--l'application  du  mot  luxe  >  n'ont  point  faite, 
ne  font  peut-être  pas  même  en  état  de 
faire. 

Il  faut  définir  tous  les  termes  ,  excepté  les 
radicaux  ,  c'eft-à-dire  ,  ceux  qui  déiignent 
des  fenfations  fimples  ou  les  idées  abftraites 
les  plus  générales.  Voyeur  article  DICTION- 
NAIRE. En a-t-on  omis  quelques-uns?  le 
vocabulaire  eft  incomplet.  Veut-on  n'en 
excepter  aucun?  qui  eft-ce  qui  définira  exac- 
tement le  mot  conjugué ,  fi  ce  n'eft  un  géo- 
mètre ?  le  mot  conjugaifon  y  fi  ce  n'eft  un 
grammairien  ?  le  mot  a\imuth,{\  ce  n'eft  un 
aftronome  ?  le  mot  épopée  9  fi  ce  n'eft  un 
littérateur  ?  le  mot  change  }  fi  ce  n'eft  un 
commerçant  ?  le  mot  vice  ,  fi  ce  n'eft  un 
moralifte?  le  mot  hypojîafe ,  fi  ce  n'eft  un 
théologien  ?  le  mot  métaphyjique ,  fi  ce  n'eft 
un  philofophe  ?  le  mot  gouge ,  fi  ce  n'eft  un 
homme  verfé  dans  les  arts  ?  D'où  je  conclus 
que  i\  l'académie  Françoife  ne  réunilïbit 
pas  dans  (es  aiïemblées  toute  la  variété  des 
connoiffances  &  des  talens,  il  feroit  impof- 
fible  qu'elle  ne  négligeât  beaucoup  d'expref- 
fions  qu'on  cherchera  dans  fon  dictionnaire , 
ou  qu'il  ne  lui  échappât  des  définitions 
faufîes  ,  incomplètes  ,  abfurdes  ,  ou  même 
ridicules. 

Je  n'ignore  point  que  ce  fentiment  n'eft 
pas  celui  de  ces  hommes  qui  nous  entre- 
tiennent de  tout  &  qui  ne  favent  rien  ;  qui 
ne  font  point  de  nos  académies  ;  qui  n'en 
feront  pas  ,  parce  qu'ils  ne  font  pas  dignes 
d'en  être  ;  qui  fe  mêlent  cependant  de  dési- 
gner aux  places  vacantes  ;  qui ,  ofànt  fixer 
les  limites  de  l'objet  de  l'académie  Fran- 
çoife ,  fe  font  prefqu'indignés  de  voir  entrer 
dans  cette  compagnie  ,  les  Mairan  ,  les 
Maupertuis  &  les  d'Alembert  ;  &  qui 
ignorent  que  la  première  fois  que  l'un  d'eux 
y  parla ,  ce  fut  pour  rectifier  la  définition 
du  terme  midi.  On  diroit ,  à  les  entendre , 
qu'ils  prétendroient  borner  la  connoiffance 
de  la  langue  &  le  dictionnaire  de  l'acadé- 
mie a  un  très-petit  nombre  de  termes  qui 
ieur  font  familiers.  Encore  ,  s'ils  y  regar- 
doient  de  plus  près  ;  parmi  ces  termes ,  en 
ïrouveroient-ils  plufieurs ,  tels  qu'arbre ,  ani- 


E  N  C  3*,, 

mal ,  plante  ,  fleur  ,  vice ,  vertu  ,  vérité , 
force  ,  loi ,  pour  la  définition  rigoureufe 
defquels  ils  feroient  bien  obligés  d'appeller 
à  leur  fecours  le  philofophe  ,  le  jurifcon- 
fulte  ,  Phiftorien  ,  le  naturalifte  ;  en  un 
mot,  celui  qui  connoît  les  qualités  réelles 
ou  abftraites  qui  conftituent  un  être  tel ,  & 
qui  le  fpécifient  ou  qui  l'individualilènt  f 
félon  que  cet  être  a  des  femblables  ou  qu'il 
eft  folitaire? 

Concluons  donc  qu'on  n'exécutera  jamais 
un  bon  vocabulaire  fans  le  concours  d'un 
grand  nombre  de  talens  ,  parce  que  les  dé- 
finitions de  noms  ne  différent  point  des  défi- 
nitions de  chofes  (  v.  /'a/*.  Définition)  , 
&  que  les  chofes  ne  peuvent  être  bien  défi- 
nies ou  décrites  que  par  ceux  qui  en  ont  fait 
une  longue  étude.  Mais ,  s'il  en  eft  ainfi  t 
que  ne  faudra-t-il  point  pour  l'exécution 
d'un  ouvrage  où ,  loin  de  fe  borner  à  la  dé- 
finition du  mot ,  on  fe  propofera  d'expofer 
en  détail  tout  ce  qui  appartient  à  la  chofè  ? 
_  ^Un  dictionnaire  univerfel  &  raifonné  des 
fciences  &  des  arts  ne  peut  donc  être  l'ou- 
vrage d'un  homme  feul.  Je  dis  plus  ;  je  ne 
crois  pas  que  ce  puiffe  être  l'ouvrage  d'au- 
cune des  fociétés  littéraires  ou  lavantes 
qui  fubliftent  ,  prifes  féparément  ou  en 
corps. 

L'académie  Françoife  nefourniroit  aune 
Encyclopédie  ,  que  ce  qui  appartient  à  la  lan- 
gue &  à  Ces  ufages  ;  l'académie  des  inferip- 
tions  &  belles  lettres  ,  que  des  connoiffances 
relatives  à  Phiftoire  profane  ,  ancienne  & 
moderne  ,  à  la  chronologie  ,  à  la  géographie 
&  à  la  littérature  ;  la  Sorbonne ,  que  la 
théologie  ,  Phiftoire  facrée  ,  &  Phiftoire  des 
fuperftirions  ;  l'académie  des  fciences  ,  que 
de  mathématiques  ,  de  Phiftoire  naturelle  , 
de  la  phyfique ,  de  la  chymie  ,  &  de  la  méde- 
cine ,  de  l'anatomie ,  &c.  Pacadémie  de 
chirurgie  ,  que  Part  de  ce  nom  ;  celle  de 
peinture  ,  que  la  peinture ,  la  gravure  ,  la 
fculpture  ,  le  defîin ,  l'architecture  ,  &c  ; 
l'univerfité  ,  que  ce  qu'on  entend  par  les 
humanités  ,  la  philofophie  de  l'école  ,  la  ju- 
rifprudence  ,  la  typographie  9  &c. 

Parcourez  les  autres  fociétés  que  je  peux: 
avoir  omifes  ,  &  vous  vous  apercevrez 
qu'occupées  chacune  d'un  objet  particu- 
lier ,  qui  eft  fans  doute  du  reflbrt  d'un  dic- 
tionnaire univerfel ,  elles  en  négligent  une" 

Zz    2 


3<?4  E  N  C 

infinité  d'autres  qui  doivent  y  entrer  ;  & 
vous  n'en  trouverez  aucune  qui  vous  four- 
niife  la  généralité  de  connoiifances  dont 
vous  aurez  befoin.  Faites  mieux  ;  impofez- 
Ieur  a  toutes  un  tribut  ;  vous  verrez  com- 
bien il  vous  manquera  de  chofes  encore  ,  & 
vous  ferez  forcé  de  vous  aider  d'un  grand 
nombre,  d'hommes  répandus  en  différentes 
cliffes  ,  hommes  précieux  ;  mais  à  qui 
les  portes  desacadémies  n'en  font  pas  moins 
fermées  par  leur  état.  C'eft  trop  de  tous 
les  membres  de  ces  lavantes  compagnies 
pour  un  lèul  objet  de  la  fcience  humai- 
ne ;  ce  n'efl  pas  affez  de  toutes  ces 
fociétés  pour  la  fcience  de  l'homme  en 
général. 

Sans  doute  ,  ce  qu'on  pourroit   obtenir 
de  chaque  focïété  favante  en  particulier  fe- 
roit  très-utile ,  &  ce  qu'elles  fourniroient 
toutes   avanceroit    rapidement    le   dicïion- 
naire  univerfel  à  fa  perfection.  Il  y  a  même 
une  tâche  qui  raméneroit  leurs  travaux  au 
but  de  cet  ouvrage,  &  qui devroit leur  être 
impofée.  Je  diiîingue  deux  moyens  de  cul- 
tiver les  fcienccs  :  l'un  d'augmenter  la  maffe 
des  connoiifances  par  des  découvertes  ;  & 
c'eft  ainfi  qu'on  mérite  le  nom  $  inventeur  : 
l'autre  de  rapprocher  les  découvertes  &  de 
les  ordonner  entr'elles  ,  afin  que  plus  d'hom- 
mes foient  éclairés ,  &  que  chacun  participe , 
félon  fa  portée  ,  à  la  lumière  de  fon  fiecle  ; 
'6c  l'on  appelle  auteurs  clajjiques  ,    ceux  qui 
réwfiïifent  dans  ce  genre  qui  n'eil  pas  fans 
difficulté.  J'avoue  que  ,  quand  les  fociétés 
favantes ,  répandues  dans  l'Europe  ,  s'occu- 
peroient  à  recueillir  les  connoiflances  an- 
ciennes &  modernes  ,  à  les  enchaîner  ,  &  à 
en  publier  des  traités  complets  &  méthodi- 
ques ,  les  chofes  n'en  feroient  que  mieux  ; 
du  moins  jugeons-en  par  l'effet.  Comparons 
les  quatre-vingts  volumes  in-4°«  de  l'acadé- 
mie des  fciences  ,   compilés  félon  l'efprit  do- 
minant de  nos  plus  célèbres  académies  ,  a 
huit  ou  dix  volumes  exécutés  ,  comme  je  le 
conçois  ,  &  voyons  s'il  y  auroit  à  choifir. 
Ces  derniers  renfermeroient  une  infinité  de 
matériaux  excellens  difperfés  dans  un  grand 
nombre  d'ouvrages  ,  où  ils  relient  lans  pro- 
duire aucune   fenfation  utile ,    comme  des 
charbons  épars  qui  ne  formeront  jamais  un 
brafitr  ;  &  de  ces  dix  volumes  ,  a  peine  la 
collection  académique   la   plus  nombreufe 


E  N  C 

en  fou  rnîroit- elle  quelques-uns.  Qu'on  jette 
les  yeux  fur  les  mémoires  de  l'académie 
des  infcriptions ,  &  qu'on  calcule  com- 
bien on  en  extrairoit  de  feuilles  pour  un 
traité  fcientifique.  Que  dirai-je  des  tran- 
fadions  philofophiques  ,  &  des  aâes  des 
curieux  de  la  nature  ?  Auffi  tous  ces  re- 
cueils énormes  commencent  à  chanceler  ; 
&  il  n'y  a  aucun  doute  que  le  premier  abré- 
viateur  qui  aura  du  goût  &  de  l'habileté  , 
ne  les  falfe  tomber.  Ce  devoit  être  leur 
dernier  fort. 

Après  y  avoir  ferieufemenr  réfléchi  ,  je 
trouve  que  l'objet  particulier  d'un  académi- 
cien pourroit  être  de  perfectionner  la  bran- 
che à  laquelle  il  fe  feroit  attache ,  &  de  s'im- 
mortalifer  par  des  ouvrages  qui  ne  feroient 
point  de  l'académie  ,  qui  ne  formeroient 
point  lès  recueils  ,  qu'il  publieroit  en 
fon  nom  ;  mais  que  l'académie  devroit 
avoir  pour  but  de  ralfembler  tout  ce  qui 
s'elt  publié  fur  chaque  matière  ,  de  le  digé- 
rer ,  de  l'éclaircir ,  de  le  ferrer,  de  l'ordon- 
ner ,  &  d'en  publier  des  traités  où  chaque 
choie  n'occupât  que  l'efpace  qu'elle  mérite 
d'occuper  ,  &  n'eût  d'importance  que  celle 
qu'on  ne  lui  pourroit  enlever.  Combien  de 
mémoires  ,  qui  groffiffent  nos  recueils  ,  ne 
fourniraient  pas  une  ligne  à  de  pareils  trai- 
tés ! 

C'en1  à  l'exécution  de  ce  projet  étendu  , 
non-feulement  aux  différens  objets  de  nos 
académies  ,  mais  à  toutes  les  branches  de  la 
connoiflance  humaine  ,  qu'une  Encyclopédie 
doit  fuppléer  ;  ouvrage  qui  ne  s'exécutera 
que  par  une  fociété  de  gens  de  lettres  &  d'ar- 
tifles,  épars  ,  occupés  chacun  de  fa  partie  , 
&  liés  feulement  par  l'intérêt  général  du 
genre  humain  ,  &  par  un  fentiment  de  bien- 
veillance réciproque. 

Je  dis  une  fociété  de  gens  de  lettres  &  d'ar- 
tifles  ,  afin  de  ralfembler  tous  les  talens.  Je 
les  veux  épars  ,  parce  qu'il  n'y  a  aucune  fo- 
ciété fuhiilîante  d'où  l'on  puilfe  tirer  toutes 
les  connoiflances  dont  on  a  beloin  ,  &  que  , 
fi  l'on  vouloit  que  l'ouvrage  fe  fit  toujours 
I  &  ne  s'achevât  jamais  ,  il  n'y  auroit  qu'à 
former  une  pareille  (bciété.  Toute  fociété  a 
i'es  affemblées  ;  ces  affemblées  laiffent  entre 
elles  des  intervalles ,  elles  ne  durent  que  quel- 
ques heures  ;  une  partie  de  ce  temps  fe  perd 
en  difcujflions ,  6c  les  objets  les  plus  fimples 


E  N*  C 

confument  des  mois  entiers  :  d'où  il  arrivera  , 
comme  le  difoit  un  des  quarante  ,  qui  a 
plus  d'efprit  dans  la  converfation  que  beau- 
coup d'auteurs  n'en  mettent  dans  leurs  écrits , 
que  les  douze  volumes  de  Y  Encyclopédie 
auront  paru  que  nous  en  ferons  encore  à  la 
première  lettre  de  notre  vocabulaire  ;  au  lieu  , 
aj out oit-il ,  que  fi  ceux  qui  travaillent  à  cet 
ouvrage  avoient  des  fëances  encyclopéd-ques, 
comme  nous  avons  des  léances  académiques  , 
nous  verrions  la  fin  de  notre  ouvrage  ,  qu'ils 
en  feroient  encore  à  la  première  lettre  du 
leur  ;  &  il  avoit  raifon. 

J'ajoute  ,  des  hommes  liés  par  l'intérêt 
général  du  genre  humain ,  &  par  un  fenti- 
ment  de  bienveillance  réciproque  ,  parce 
que  ces  motifs  étant  tes  plus  honnêtes  qui 
puifîent  animer  des  âmes  bien  nées  ,  ce 
font  aulli  les  plus  durables.  On  s'applau- 
dit intérieurement  de  ce  que  l'on  fait  ; 
on  s'échauffe  ;  on  entreprend  pour  ion 
collègue  &  pour  fbn  ami  ce  qu'on  ne 
tenteroit  par  aucune  autre  confidéraiion  ; 
&  j'ofe  aifurer  ,  d'après  l'expérience  ,  que 
le  fuccès  des  tentatives  en  eft  plus  cer- 
tain. ]J  Encyclopédie  a  raffemblé  (es  maté- 
riaux en  affez  peu  de  temps.  Ce  n'eft  point 
un  vil  intérêt  qui  en  a  réuni  .&  hâté  les 
auteurs  ,  ils  ont  vu  leurs  efforts  fécondés  par 
la  plupart  des  gens  de  lettres  dont  ils  pou- 
voient  attendre  quelques  fecours  ;  &  ils 
n'ont  été  importunés  dans  leurs  travaux  que 
par  ceux  qui  n'avoient  pas  le  talent  néceffaire 
pour  y  contribuer  feulement  d'une  bonne 
page. 

Si  le  gouvernement  fe  mêle  d'un  pareil 
ouvrage  ,  il  ne  fe  fera  point.  Toute  fon 
influence  doit  fe  borner  à  en  favorifer  l'exé- 
cution. Un  monarque  peut  d'un  feul  mot 
faire  (ortir  un  palais  d'entre  les  herbes  \ 
mais  il  n'en  eft  pas  d'une  fociété  de  gens 
de  lettres ,  ainfi  que  d'une  troupe  de  ma- 
nouvriers.  Une  Encyclopédie  ne  s'ordonne 
point.  C'eft  un  travail  qui  veut  plutôt  être 
fùiviavec  opiniâtreté,  que  commencé  avec 
chaleur.  Les  entreprifes  de  cette  nature 
fe  propofent  dans  les  cours  ,  acciden- 
tellement &  par  forme  d'entretien  :  mais 
elles  n'y  intérefîcnt  jamais  afïèz  pour  n'être 
point  oubliées  à  travers  le  tumulte  ,  & 
dans  la  contufion  d'une  infinité  d'autres 
affaires  plus  ou  moins    importantes.    Les 


E  N  C  3^5 

projets  littéraires  conçus  par  les  grands  , 
îbnt  comme  les  feuilles  qui  naiffent  au 
printemps  ,  fe  fechent  tous  les  automnes  , 
&  tombent  fans  ceffe  les  unes  fur  les  au- 
tres au  fond  des  forêts  ,  où  la  nourri- 
ture qu'elles  ont  fournie  a  quelques  plantes 
lrériles  ,  eft  tout  l'effet  qu'on  en  remar- 
que. Entre  une  infinité  d'exemples  en  tout 
genre  qui  me  font  connus  ,  je  ne  citerai 
que  celui-ci.  On  avoit  projeté  des  expé- 
riences fur  la  dureté  des  bois  :  il  s'agiffoit 
de  les  écorcer  &  de  les  laitier  mourir  fur 
pie.  Les  bois  ont  été  écorcés ,  font  morts 
fur  pié  ,  apparemment  ont  été  coupés  , 
c'eft-à-dire  ,  que  tout  s'eft  fait  ,  excepté 
les  expériences  fur  la  dureté  des  bois.  Et 
comment étoit-il  pofllble  qu'elles  fe  fifTent? 
Il  devoit  y  avoir  fix  ans  entre  les  premiers 
ordres  donnés  &  les  dernières  opérations. 
Si  l'homme  fur  lequel  le  fouverain  s'en  eft 
repoié  vient  à  mourir  ou  à  perdre  la  fa- 
veur ,  les  travaux  reftent  fufpendus  &  ne 
fe  reprennent  point  ,  un  miniftre  n'adop- 
tant pas  communément  les  deffeins  d'un 
prédéceffeur  ;  ce  qui  lui  mériceroit  toutefois 
une  gloire  ,  finon  plus  grande  ,  du  moins 
plus  rare  que  celle  de  les  avoir  formés.  Le* 
particuliers  fe  hâtent  de  recueillir  le  fruit 
des  dépenfes  qu'ils  ont  faites  ;  le  gouver- 
nement n'a  rien  de  cet  empreife.uent  écono- 
mique. Je  ne  fais  par  quel  fentiment  très- 
repréhenfible  on  traite  moins  honnêtement 
avec  le  prince  qu'avec  fes  fujets.  On  prend 
les  engagemens  les  plus  légers  ,  &  on  en 
exige  les  récompenfes  les  plus  fortes.  L'in- 
certitude que  le  travail  foit  jamais  de  quel- 
que utilité ,  jette  parmi  les  travailleurs  une 
indolence  inconcevable;  &  ,  pour  ajouter 
aux  inconvéniens  toute  la  force  poffible  , 
les  ouvrages  ordonnés  par  les  fouverains 
ne  fe  conçoivent  jamais  fur  la  raiion  de 
l'utilité ,  mais  toujours  fur  la  dignité  de  la 
perfonne  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'on  embrafiè  la 
plus  grande  étendue  ;  que  les  difficultés 
le  multiplient  ;  qu'il  faut  des  hommes , 
des  talens  ,  du  temps  à  proportion  pour 
les  furmonter  ,  &  qu'il  furvient  prefque 
néceflairement  une  révolution  qui  vérifie 
la  fable  du  maître  d'école.  Si  la  vie  moyenne 
de  l'homme  n'eft  pas  de  vingt  ans ,  celle 
d'un  miniftre  n'eft  pas  de  dix  ans.  Mais 
ce  n'eft  pas    affez    que   les  interruptions 


$66  E  N  C 

ibient  plus  communes  ,  elles  font  plus  fu- 
neftes  encore  aux  projets  littéraires  ,  iorf- 
que  le  gouvernement  efl  à  la  tète  de  ces 
projets  ,  que  quand  ils  font  conduits  par 
des  particuliers.  Un  particulier  recueille 
au  moins  les  débris  de  fon  entreprife  : 
il  renferme  foigneufement  des  matériaux 
qui  peuvent  lui  fervir  dans  un  temps 
plus  heureux  ;  il  court  après  fes  avan- 
ces. L'efprit  monarchique  dédaigne  cette 
prudence  ;  les  hommes  meurent  ,  &  les 
fruits  de  leurs  veilles  difparoifïènt  ,  fans 
qu'on  puiffe  découvrir  ce  qu'ils  font  de- 
venus. 

Mais  ce  qui  doit  donner  le  plus  grand 
poids  aux  confédérations  précédentes  ,  c'eft 
qu'une  Encyclopédie  9  ainfi  qu'un  vocabu- 
laire ,  doit  être  commencée  ,  continuée  & 
finie  dans  un  certain  intervalle  de  temps , 
&  qu'un  intérêt  fordide  s'occupe  toujours 
à  prolonger  les  ouvrages  ordonnés  par  les 
rois.  Si  l'on  employoit  à  un  dictionnaire 
univerfe!  &  raifonné  les  longues  années  que 
l'étendue  de  fon  objet  femble  exiger  ,  il 
arriveroit  par  les  révolutions  qui  ne  font 
guère  moins  rapides  dans  les  feiences ,  & 
fur- tout  dans  les  arts  ,  que  dans  la  langue  , 
que  ce  dictionnaire  feroit  celui  d'un  fiecle 
palfé  ,  de  même  qu'un  vocabulaire  qui 
s'exécuteroit  lentement  ,  ne  pourrait  être 
que  celui  d'un  règne  qui  ne  feroit  plus. 
Les  opinions  vieilliffent  &  difparoifïènt  com- 
me les  mots  ;  l'intérêt  que  l'on  prenoit 
à  certaines  inventions  ,  s'afFoiblit  de  jour 
en  jour  &  s'éteint.  Si  le  travail  tire  en 
longueur  ,  on  fe  fera  étendu  fur  des  chofes 
momentanées  dont  il  ne  fera  déjà  plus  quef- 
tion  ;  on  n'aura  rien  dit  fur  d'autres  dont  la 
place  fera  paffée  ;  inconvénient  que  nous 
avons  nous-mêmes  éprouvé  ,  quoiqu'il  ne 
fè  foit  pas  écoulé  un  temps  fort  confidé- 
rable  entre  la  date  de  cet  ouvrage  &  le 
moment  où  j'écris.  On  remarquera  l'irré- 
gularité la  plus  défagréable  dans  un  ou- 
vrage deftiné  à  repréfenter  ,  félon  leur  jufte 
proportion  ,  l'état  des  chofes  dans  toute  la 
durée  antérieure  ;  des  objets  importans 
étouffes  ;  de  petits  objets  bourfouHés  :  en 
un  mot ,  l'ouvrage  fe  défigurera  ians  cefTe 
fous  les  mains  des  travailleurs  ,  fe  gâtera 
plus  par  le  feul  laps  de  temps  qu'il  ne 
fe  perfectionnera  par  leurs  foins  ,  &  de- 


E  N  C 

viendra  plus  défectueux  &  plus  pauvre 
par  ce  qui  devroit  y  être  ,  ou  raccourci  , 
ou  fupprimé  ,  ou  rectifié  ,  ou  fuppléé  , 
que  riche  par  ce  qu'il  acquerra  fucceffi- 
vement. 

Quelle  diverfité  ne  s'introduit  pas  tous 
les  jours  dans  la  langue  des  arts  ,  dans  les 
machines  &  dans  les  manœuvres  ?  Qu'un 
homme  confume  une  partie  de  fa  vie  à  la 
delcription  des  arts  ;  que  dégoûté  de  cet 
ouvrage  fatigant ,  il  fe  laiffe  entraîner  à 
des  occupations  plus  amufantes  &  moins 
utiles;  &  que  fon  premier  ouvrage  de- 
meure renfermé  dans  fes  porte-feuilles  ,  il 
ne  s'écoulera  pas  vingt  ans  qu'à  la  place 
de  chofes  nouvelles  &  curieufes  ,  piquantes 
par  leur  fingularité  ,  intéreffantes  par  leurs 
ufages  ,  par  le  goût  dominant  ,  par  une 
importance  momentanée ,  il  ne  retrouvera 
que  des  notions  incorrectes  ,  des  manœu- 
vres furannées ,  des  machines  ,  ou  impar- 
faites ,  ou  abandonnées.  Dans  les  nombreux 
volumes  qu'il  aura  compofés ,  il  n'y  aura 
pas  une  page  qu'il  ne  faille  retoucher  ;  & 
dans  la  multitude  des  planches  qu'il  aura 
fait  graver ,  prefque  pas  une  figure  qu'il  ne 
faille  redeflïner.  Ce  font  des  portraits  dont 
les  originaux  ne  fubfiffent  plus.  Le  luxe  > 
ce  père  des  arts  ,  eft  comme  le  Saturne 
de  la  fable ,  qui  fe  plaifoit  à  détruire  fes 
enfans. 

La  révolution  peut  être  moins  forte  & 
moins  fenfible  dans  les  feiences  &  dans  les 
arts  libéraux  ,  que  dans  les  arts  méchani- 
ques  ;  mais  il  s^y  en  fait  une.  Qu'on  ouvre 
les  dictionnaires  du  fiecle  pafïë  ,  on  n'y 
trouvera  à  aberration ,  rien  de  ce  que  nos 
Aftronomes  entendent  par  ce  terme  ;  à  peine 
yaura-t-il  fur  \  électricité  y  ce  phénomène  fi 
fécond ,  quelques  lignes  qui  ne  feront  en- 
core que  des  notions  faufïès  &  de  vieux 
préjugés.  Combien  de  termes  de  Minéra- 
logie &  d'Hiftoire  naturelle ,  dont  on  en  peut 
dire  autant  !  Si  notre  Dictionnaire  eût  été 
un  peu  plus  avancé ,  nous  aurions  été  expo- 
fés  à  répéter  fur  la  nielle ,  fur  les  maladies 
des  grains  ,  &  fur  leur  commerce  ,  les  erreurs 
des  fiecles  paflés  ,  parce  que  les  découvertes 
de  M.  Tillet  &  le  fyftême  de  M.  Herbert 
font  récens. 

Quand  on  traite  des  êtres  de  la  nature  , 
que  peut-on  faire  de  plus ,  que  de  rafïem- 


E  N  C 

bîer  avec  fcrupule  toutes  leurs  propriétés 
connues  dans  le  moment  où  l'on  écrit? 
Mais  l'obfervation  &  la  phyfique  expéri- 
mentale multipliant  fans  cefîê  les  phéno- 
mènes &  les  faits  ,  &  la  philofophie  ration- 
nelle les  comparant  entr'eux  &  les  combi- 
nant ,  étendent  ou  reflèrrent  fans  ceffe  les 
limites  de  nos  connoifîances,  font  en  con- 
féquence  varier  les  acceptions  des  mots 
inftituis  ;  rendent  les  définitions  qu'on  en 
a  données  jnexaâes  ,  fauffès ,  incomplètes  , 
&  déterminent  même  à  en  inftituer  de  nou- 
veaux. 

Mais  ce  qui  donnera  à  l'ouvrage  l'air 
furanné  ,  &  le  jettera  dans  le  mépris ,  c'efr. 
fur-tout  la  révolution  qui  fe  fera  dans  l'es- 
prit des  hommes  ,  &  dans  le  caradere 
national.  Aujourd'hui  que  la  philofophie 
s'avance  à  grands  pas  ;  qu'elle  foumet  à  fon 
empire  tous  les  objets.de  fon  reffort  ;  que 
fon  ton  eu  le  ton  dominant ,  &  qu'on  com- 
mence à  lecouer  le  joug  de  l'autorité  & 
de  l'exemple  pour  s'en  tenir  aux  ioix  de  la 
raifon ,  il  n'y  a  prefque  pas  un  ouvrage 
clementaire  &  dogmatique  dont  on  foit 
entièrement  fatisfait.  On  trouve  ces  pro- 
ductions calquées  fur  celles  des  hommes  , 
&  non  fur  la  vérité  de  la  nature.  On  ofé 
propofer  (es  doutes  à  Ariftote  &  a  Platon  ; 
&  le  temps  eft  arrivé  ,  où  des  ouvrages  qui 
jouiffent  encore  de  la  plus  haute  réputa- 
tion ,  en  perdront  une  partie  ,  ou  même 
tomberont  entièrement  dans  l'oubli  ;  cer- 
tains genres  de  littérature  ,  qui ,  faute  d'une 
vie  réelle  &  de  mœurs  fubfifîantes  qui  leur 
fervent  de  modèles  ,  ne  peuvent  avoir  de 
poétique  invariable  &  fenfée  ,  feront  né- 
gligés ;  &  d'autres  qui  refieront  ,  &  que 
leur  valeur  intrinfèque  foutiendra  ,  pren- 
dront une  forme  toute  nouvelle.  Tel  efl 
l'effet  des  progrès  de  la  raifon  ;  progrès  qui 
renversera  tant  de  ftatues  ,  &  qui  en  relè- 
vera quelques-unes  qui  font  renverfées.  Ce 
font  celles  des  hommes  rares  ,  qui  ont  de- 
vancé leur  fiecle.  Nous  avons  eu  ,  s'il  eu 
permis  de  s'exprimer  ainfi  ,  des  contempo- 
rains fous  le  fiecle  de  Louis  XIV. 

Le  temps  qui  a  émoude  notre  goût  fur  les 
quefhons  de  critique  &  de  controverfe  , 
a  rendu  infipide  une  partie  du  didionnaire 
de  Bayle.  Il  n'y  a  point  d'auteur  qui  ait 
tant  perdu  dans  quelques  endroits  ,   &:  qui 


ENC  367 

ait  plus  gagné  dans  d'autres.  Mais  fi  tel  a 
été  le  fort  de  Bayle  ,  qu'on  juge  de  ce  qui 
fèroit  arrivé  à  Y  Encyclopédie  de  fon  temps. 
Si  l'on  en  excepte  ce  Perrault ,  &  quelques 
autres  ,  dont  le  vérificateur  Boileau  n'étoit 
pas  en  état  d'apprécier  le  mérite  ;  la  Mothc , 
Terraffon ,  Boindin  ,  Fontenelle  ,  fous  les- 
quels la  raifon  &  l'efprit  philofophique  ou 
de  doute  a  fait  de  fi  grands  progrès  ;  il  n'y 
avoit  peut-être  pas  un  homme  qui  en  eût 
écrit  une  page  qu'on  daignât  lire  aujourd'hui. 
Car ,  qu'on  ne  s'y  trompe  pas  ,  il  y  a  bien 
de  la  différence  entre  enfanter  ,  à  force  de 
génie  ,  un  ouvrage  qui  enlevé  les  fufrrages 
d'une  nation  qui  a  fon  moment ,  fon  goût  , 
{es  idées  &  (es  préjugés ,  &  tracer  la  poéti- 
que du  genre ,  félon  la  connoifiance  réelle 
&  réfléchie  du  cœur,  de  l'homme  ,  de  la 
nature  des  chofes  ,  &  de  la  droite  raifon  y 
qui  font  les  mêmes  dans  tous  les  temps. 
Le  génie  ne  connoît  point  les  règles  ;  ce- 
pendant il  ne  s'en  écarte  jamais  dans  {es 
fuccès.  La  philofophie  ne  connoît  que  les 
règles  fondées  dans  la  nature  des  êtres  ,  qui 
efl  immuable  &  éternelle.  C'efr.  au  fiecle 
paffé  à  fournir  des  exemples  ;  c'eft  à  notre 
fiecle  à  prefcrire  les  règles. 

Les  connoifîances  les  moins  communes 
fous  le  fiecle  paffé  ,  le  deviennent  de  jour 
en  jour.  Il  n'y  a  point  de  femmes  ,  à  qui 
l'on  ait  donné  quelque  éducation  ,  qui  n'em- 
ploie avec  difcernement  toutes  les  expref- 
fions  confacrées  à  la  peinture,  à  la  fculpture , 
à  l'architedure  ,  &  aux  belles-lettres.  Com- 
bien y  a-t-il  d'enfans  qui  ont  du  dcffin  ,  qui 
favent  de  la  géométrie  ,  qui  font  muficiens  , 
à  qui  la  langue  domefHque  n'eit  pas  plus 
familière  que  celle  de  ces  arts  ,  &  qui 
difent  ,  un  accord ,  une  belle  forme ,  un 
contour  agréable  ,  une  parallèle  ,  une  hypo- 
thénufe  ,  une  quinte  ,  un  triton  ,  un  arpé- 
gement,  un  microfcope  ,  un  télefeope,.  un 
foyer  ,  comme  ils  diroient  ,  une  lunette 
d'opéra ,  une  épée,  une  canne ,  un  carroffe , 
un  plumet!  Les  efprits  font  encore  em- 
portés d'un  autre  mouvement  général  vers 
Phi ftoire naturelle,  l'anatomie  ,  iachymie, 
&  a  phyfique  expérimentale.  Les  expref- 
fions  propres  à  ces  fciences  font  déjà  très-  • 
communes  ,  &  le  deviendront  néceffùre- 
ment  davantage.  Qu'arrivera-t-il  de  là  tC'eil 
que  la  langue  ,  même  populaire  }  changera 


3*8  E  N  C 

de  face  ;  qu'elle  s'étendra  à  mefure  que  nos 
oreilles  s'accoutumeront  aux  mots ,  par  les 
applications  heureuies  qu'on  en  fera.  Car 
fi  l'on  y  réfléchit,  la  plupart  de  ces  mots 
techniques  ,  que  nous  employons  aujour- 
d'hui ,  ont  été  originairement  du  ne'olo- 
gifme  ;  c'eft  l'ufage  &  le  temps  qui  leur  ont 
cké  ce  vernis  équivoque.  Ils  étoient  clairs  , 
énergiques  &  néceffaires.  Le  fens  métapho- 
rique n'étoit  pas  éloigné  du  fèns  propre. 
Ils  peignoient.  Les  rapports  fur  lefquels  le 
nouvel  emploi  en  étoit  appuyé  ,  n'étoient  pas 
trop  recherchés  ;  ils  étoient  réels.  L'acception 
figurée  n'avoit  point  l'air  d'une  fubtilité  : 
le  mot  étoit  d'ailleurs  harmonieux  &  cou- 
lant. L'idée  principale  en  étoit  liée  avec 
d'autres  que  nous  ne  nous  rappelions  jamais 
fans  inftruétion  ou  fans  plaifir.  Voilà  les  fon- 
demens  de  la  fortune  que  ces  expreffions 
ont  faite  ;  &  les  caufes  contraires  font  celles 
du  diferédit ,  où  tomberont  &  font  tombées 
tant  d'autres  expreffions. 

Notre  langue  eft  déjà  fort  étendue.  Elle  a 
dû ,  comme  toutes  les  autres  ,  fa  formation 
au  befoin  ,  &  fes  richeffes  à  l'effor  de  l'ima- 
gination ,  aux  entraves  delà  poéfie  ,  &  aux 
nombres  &  à  l'harmonie  de  la  profe  ora- 
toire. Elle  va  faire  des  pas  immenfes  fous 
l'empire  de  la  philofophie  ;  &  iî  rien  ne  fuf- 
pendoit  la  marche  de  l'elprit  ,  avant  qu'il 
fût  un  fiecle  ,  un  dictionnaire  oratoire  & 
poétique  du  fiecle  de  Louis  XIV  ,  ou  même 
du  nôtre  ,  contiendroit  à  peine  les  deux 
tiers  des  mots  qui  feront  à  l'ufage  de  nos 
neveux. 

Dans  un  vocabulaire  ,  dans  un  diction- 
naire univerfel  &  raifbnné  ,  dans  tout  ou- 
vrage deftiné  à  l'inftruction  générale  des 
hommes,  il  faut  donc  commencer  par  en- 
vifager  fon  objet  fous  les  faces  les  plus  éten- 
dues ,  connoître  l'elprit  de  fa  nation  ,  en 
preifentir  la  pente  ,  le  gagner  de  vîteffe, 
en  forte  qu'il  ne  laiffe  pas  votre  travail  en 
arrière  ;  mais  qu'au  contraire  il  le  rencontre 
en  avant  ;  fe  réfoudre  à  ne  travailler  que 
pour  les  générations  fuivantes  ,  parce  que 
le  moment  où  nous  exiftons  paffe ,  &  qu'à 
peine  une  grande  entreprife  fera  -  t  -  elle 
achevée  ,  que  la  génération  préfente  ne  fera 
plus.  Mais  pour  être  plus  long-temps  utile 
&  nouveau  ,  en  devançant  de  plus  loin 
l'efprit  aational  qui  marche  fans  cefle  ,  il 


E  NC 

faut  abréger  la  durée  du  travail  ,  en  multi- 
pliant le  nombre  des  collègues  ;  moyen  qui 
toutefois  n'eft  pas  fans  inconvénient  com- 
me on  le  verra  dans  la  fuite. 

Cependant  les  connoifîances  ne  devien- 
nent &  ne  peuvent  devenir  communes 
que  jufqu'à  un  certain  point.  On  ignore 
à  la  vérité  ,  quelle  eft  cette  limite.  On  ne 
fait  jufqu'où  tel  homme  peut  aller.  On 
fait  bien  moins  encore  jufqu'où  Vefpece 
humaine  iroit  ,  ce  dont  elle  fèroit  capable  , 
fi  eile  n'étoit  point  arrêtée  dans  fes  progrès. 
Mais  les  révolutions  font  néceffaires  ;  il  y 
en  a  toujours  eu  ,  &  il  y  en  aura  toujours  ; 
le  plus  grand  intervalle  d'une  révolution  à 
une  autre  eft  donné  :  cette  feule  caufe  borne 
l'étendue  de  nos  travaux.  Il  y  a  dans  les 
feiences  un  point  au  delà  duquel  il  ne  leur 
eft  prefque  pas  accordé  de  paffer.  Lorfque 
ce  point  eft  atteint  ,  les  monumens  qui 
reftent  de  ce  progrès  ,  font  à  jamais  l'éton- 
nement  del'efpece  entière.  Maisfi  l'efpece 
eft  bornée  dans  (es  efforts  ,  combien  l'in- 
dividu ne  l'eft-il  pas  dans  lesfiens?  L'in- 
dividu n'a  qu'une  certaine  énergie  dans  {es 
facultés  ,  tant  animales  qu'intellectuelles  ; 
il  ne  dure  qu'un  temps  ;  il  eft  forcé  à  des 
alternatives  de  travail  &  de  repos  ;  il  a  des 
befoins  &  des  pallions  à  fatisfaire  ,  &  il  eft 
expofé  à  une  infinité  de  diffractions.  Toutes 
les  fois  que  ce  qu'il  y  a  de  négatif  dans  ces 
quantités  formera  la  plus  petite  fomme 
pollible  ,  ou  que  ce  qu'il  y  a  de  pofitif 
formera  la  fomme  poftible  la  plus  grande  ; 
un  homme  appliqué  folitairement  à  quel- 
que branche  de  la  feience  humaine  ,  la 
portera  aufîi  loin  qu  elle  peut  êtte  portée 
par  les  efforts  d'un  individu.  Ajoutez  au 
travail  de  cet  individu  extraordinaire  ,  ce- 
lui d'un  autre  ,  &  ainfi  de  fuite  ,  jufqu'à 
ce  que  vous  ayiez  rempli  l'intervalle  d'une 
révolution  ,  à  la  révolution  la  plus  éloignée  ; 
&  vous  vous  formerez  quelque  notion  de 
ce  que  l'efpece  entière  peut  produire  de 
plus  parfait,  fur-tout  li  vous  fuppofez  ,  en 
faveur  de  fon  travail  ,  un  certain  nombre 
de  circonftances  fortuites  qui  en  auroient 
diminué  le  fuccès  ,  fi  elles  avoient  été  con- 
traires. Mais  la  maffe  générale  de  l'efpece 
n'eft  faite  ni  pour  fuivre  ,  ni  pour  con- 
noître cette  marche  de  l'elprit  humain.  Le 
point   d'inftruction  le     plus  élevé   qu'elle 

puifîè 


E  N  C 

p-iiflè  atteindre  ,  a  Ces  limites  :  d'où  il  s'en- 
fuit qu'il  y  aura  des  ouvrages  qui  refteront 
toujours  au  deffus  de  la  portée  commune 
des  hommes  ;  d'autres  qui  defcendront  peu- 
à-peu  au  deffous  ,  &  d'autres  encore  qui 
éprouveront  cette  double  fortune. 

A  quelque  point  de  perfection  qu'une 
Encyclopédie  foit  conduite",  il  efl  évident 
par  la  nature  de  cet  ouvrage  ,  qu'elle  Ce 
trouvera  nécefTairement  au  nombre  de  ceux- 
ci.  Il  y  a  des  objets  qui  font  entre  les  mains 
du  peuple ,  dont  il  tire  fa  fubfiftance ,  & 
à  la  connoiffance  pratique  defquels  ils  s'oc- 
cupe fans  relâche.  Quelque  traité  qu'on  en 
écrive  ,  il  viendra  un  moment  où  il  en  faura 
plus  que  le  livre.  Il  y  a  d'autres  objets  fur 
lefquels  il  demeurera  prefque  entièrement 
ignorant ,  parce  que  les  accroifTemens  de 
fa  connoiffance  font  trop  foibles  &  trop 
lents ,  pour  former  jamais  une  lumière  con- 
sidérable ,  quand  on  les  fuppoferoit  con- 
tinus. Ainfi  l'homme  du  peuple  &  le  favant 
auront  toujours  également  à  defirer  &  à 
s'inflruire  dans  une  Encyclopédie.  Le  mo- 
ment le  plus  glorieux  pour  un  ouvrage  de 
cette  nature ,  ce  feroit  celui  qui  fiiccéderoit 
immédiatement  à  quelque  grande  révolu- 
tion qui  auroit  fufpendu  les  progrès  des 
fciences  ,  interrompu  les  travaux  des  arts  , 
&  replongé  dans  les  ténèbres  une  portion 
de  notre  hémifphere.  Quelle  reconnoiiïance 
la  génération  qui  viendroit  après  ces  temps 
de  trouble ,  ne  porteroit-elle  pas  aux  hom- 
mes qui  les  auroient  redoutés  de  loin,  & 
qui  en  auroient  prévenu  le  ravage  ,  en 
mettant  à  l'abri  les  connoiffances  des  fïecles 
paflès  ?  Ce  feroit  alors  (  j'ofe  le  dire  fans 
orientation ,  parce  que  notre  Encyclopédie 
n'atteindra  peut-être  jamais  la  perfection 
qui  lui  mériteroit  tant  d'honneurs  )  j  ce 
feroit  alors  qu'on  nomimeroit  avec  ce  grand 
ouvrage  le  règne  du  monarque  fous  lequel 
il  fut  entrepris  j  le  miniftre  auquel  il  fut 
dédié }  les  grands  qui  en  favorifèrent  l'exé- 
cution \  les  auteurs  qui  s'y  confacrerent } 
tous  les  hommes  de  lettres  qui  y  concou- 
rurent. La  même  voix  qui  rappelleroit  ces 
iècours ,  n'oublieroit  pas  de  parler  aufli  des 
peines  que  les  auteurs  auroient  fburFertes  , 
&  des  difgraces  qu'ils  auroient  elTuyées  \ 
&  le  monument  qu'on  leur  éléveroit  , 
feroit  à  plufieurs  faces,  où  l'on  verroit 
Tome  XII. 


,      E  N  C  tf9 

alternativement  des  honneurs  accordes  à 
leur  mémoire  ,  &  des  marques  d'indigna- 
tion attachées  à  la  mémoire  de  leurs  en- 
nemis. 

Mais  la  connoiflance  de  la  langue  efl  le 
fondement  de  toutes  ces  grandes  efpé- 
rances  j  elles  relieront  incertaines,  fi  la 
langue  n  efl  fixée  &  tranfmife  à  la  poflérité 
dans  toute  fa  perfection  \  &  cet  objet  eft 
le  premier  de  ceux  dont  il  convenoit  à  des 
Encyclopédistes  de  s'occuper  profondément. 
Nous  nous  en  fbmmes  apperçus  trop  tard  j 
&  cette  inadvertance  a  jeté  de  l'imperfection 
fur  tout  notre  ouvrage.  Le  côté  de  la  langue 
efl  refté  foible  (je  dis  de  la  langue  ,  &  non 
de  la  Grammaire  )  \  &  par  cette  raifon ,  ce 
doit  être  le  fujet  principal,  dans  un  article 
où  l'on  examine  impartialement  fbn  tra- 
vail ,  &  où  l'on  cherche  les  moyens  d'en 
corriger  les  défauts.  Je  vais  donc  traiter  de 
la  Langue  fpécialement  &  comme  je  le 
dois.  J'oferai  même  inviter  nos  fùccelîèurs 
à  donner  quelque  attention  à  ce  morceau  ; 
&  j'efpérerai  des  autres  hommes  à  l'ufage 
defquels  il  efl  moins  defliné  ,  qu'ils  en 
avoueront  l'importance  ,  &  qu'ils  en  excu- 
feront  l'étendue. 

L'inflitution  de  fignes  vocaux  qui  repré- 
fentaffent  des  idées ,  &  de  caractères  tracés 
qui  repréfentaffent  des  voix ,  fut  le  premier 
germe  des  progrès  de  l'efprit  humain.  Une 
feience ,  un  art  ne  naiffent  que  par  l'appli- 
cation de  nos  réflexions  aux  réflexions  déjà 
faites  ,  &  que  par  la  réunion  de  nos  pen- 
fees  ,  de  nos  obfervations  &  de  nos  expé- 
riences ,  avec  les  penfées ,  les  obfervations 
&  les  expériences  de  nos  femblables.  Sans 
la  double  convention  qui  attacha  les  idées 
aux  voix  ,  &  les  voix  à  des  caractères , 
tout  refloit  au  dedans  de  l'homme  &  s'y 
éteignoit  :  fans  les  grammaires  &  les  dic- 
tionnaires ,  qui  font  les  interprètes  univer- 
Cels  des  peuples  entr'eux  j  tout  demeuroit 
concentré  dans  une  nation  ,  &  difparoifîbit 
avec  elle.  C'efl  par  ces  ouvrages  que  les  fa- 
cultés des  hommes  ont  été  rapprochées  & 
combinées  entr'elies  ^  elles  refloient  ifblées 
fans  cet  intermède  :  une  invention ,  quel- 
que admirable  qu'elle  eût  été  ,  n'auroit  re- 
préfenté  que  la  force  d'un  génie  folitaire  , 
on  d'une  fbciété  particulière  ,  &  jamais 
l'énergie  de  l'efpece.  Un  idiome  commun 

A  aa 


37o  ENC 

feroit  l'unique  moyeu  detablir  une  corref- 
pondance  qui  s'étendît  à  toutes  les  parties 
du  genre  humain,  &  qui  les  liguât  contre 
la  nature  ,  à  laquelle  nous  avons  fans  celle 
à  faire  violence  ,  foit  dans  le  phyiique  , 
foit  dans  le  moral.  Suppofé  cet  idiome 
admis  &  fixé  ,  auffitôt  les  notions  de- 
viennent permanentes  }  la  diftance  des 
temps  diiparoît  ;  les  lieux  fê  touchent  j  il 
fe  forme  des  liaifons  entre  tous  les  points 
habités  de  l'efpace  &  de  la  durée  ,  & 
tous  les  êtres  vivans  &  penfaus  s'entretien- 
nent. 

La  langue  d'un  peuple  donne  fon  vocabu- 
laire ,  &  le  vocabulaire  eft  une  table  affez 
fîdelie  de  toutes  les  connoifTances  de  ce  peu- 
ple :  fur  la  feule  comparaifon  du  vocabulaire 
'd'une  nation  en  différent  temps ,  on  fe  for- 
meroit  une  idée  de  fès  progrès.  Chaque 
feience  a  fon  nom  }  chaque  notion  dans  la 
feience  a  le  lien  :  tout  ce  qui  eft  connu 
dans  la  nature  eft  défigné ,  ainfi  que  tout  ce 
qu'on  a  inventé  dans  les  arts ,  &  les  phéno- 
mènes ,  &  les  manœuvres ,  &  les  inftru- 
jnens.  Il  y  a  âes  expreffions ,  &  pour  les  êtres 
q.ui  font  hors  de  nous  ,  &  pour  ceux  qui 
font  en  nous  :  on  a  nommé  &  les  abftraits 
«k  les  concrets ,  &  les  chofes  particulières 
ik  les  générales  ,  &l  les  fermes  &  les  états , 
<k  les  exiftences  &  les  fucceflions  &  les 
permanences.  On  dit  Vunivcrs  ;  on  dit  un 
atome  :  Fusivers  eft  le  tout ,  l'atome  en  eft 
la  partie  la  plus  petite.  Depuis  la  collection 
générale  de  toutes  les  caufes  jufqu'à  l'être 
folitaire ,  tout  a  fon  figne  j  &  ce  qui  excède 
toute  limite,  foit  dans  la  nature,  foit  dans 
notre  imagination  j  &  ce  qui  eft  pofllble  & 
ce  qui  ne  l'eft  pas  \  &  ce  qui  n'eft  ni  dans  la 
nature  ,  ni  dans  notre  entendement  ,  & 
l'infini  en  petiteffe ,  &  l'infini  en  grandeur  , 
en  étendue  ,  en  durée  ,  en  perfection.  La 
comparaifon  des  phénomènes  s'appelle  philo- 
fophie.  La  philbfophie  eft  pratique  ou  {pé- 
culative  :  toute  notion  eft  ou  de  fenfation 
ou  d'indu&ion  j  tout  être  eft  dans  l'enten- 
dement ou  dans  la*  nature  ;  la  nature  s'em- 
ploie ,  ou  par  l'organe  nu ,  ou  par  l'organe 
aidé  de  Finftrument.  La  langue  eft  un  fym- 
bole  de  cette  multitude  de  chofes  hétéro- 
gènes :  elle  indique  à  l'homme*  pénétrant 
jufqu'où  l'on  étoit  allé  dans  une  feience  , 
«tons  les  temps  même  les. plus  reculés.  On 


E  NC 

apperçoit  au  premier  coup-d'œil  que  les 
Grecs  abondent  en  termes  abfiraits  que 
les  Romains  n'ont  pas,  &  qu'au  défaut  de 
ces  termes ,  il  étoit  impofiîble  à  ceux-ci  de 
rendre  ce  que  les  autres  ont  écrit  de  la  logi- 
que ,  de  la  morale,  de  la  grammaire ,  de  la 
métaphyiique  ,  de  l'hiftoire  naturelle  ,  &c.  • 
&  nous  avons  fait  tant  de  progrès  dans  tou- 
tes ces  feiences ,  qu'il  feroit  difficile  d'en 
écrire ,  foit  en  Grec ,  foit  en  Latin ,  dans 
l'état  où  nous  les  avons  portées  ,  fans  inven- 
ter une  infinité  ce  fignes.  Cette  obfervation 
feule  démontre  la  fuperiorité  des  Grecs  fur 
les  Romains ,  &  notre  fuperiorité  fur  les 
uns  &  les  autres. 

Il  furvient  chez  tous  les  peuples  en  gé- 
néral ,  relativement  au  progrès  de  la  lan- 
gue &  du  goût,  une  infinité  de  révolutions 
légères  ,  d'événemens  peu  remarqués,  qui 
ne  fe  tranfmettent  point  :  on  ne  peut  s'ap- 
percevoir  qu'ils  ont  été  ,  que  par  le  ton  des 
auteurs  contemporains  \  ton  ou  modifié  , 
ou  donné  par  ces  circonftances  paffageres. 
Quel  eft  ,  par  exemple  ,  le  lecteur  attentif 
qui,  rencontrant  dans  un  auteur  ce  qui 
fuit ,  camus  autem  &  organa  plurihus  dijtan- 
tiis  utuntur ,,  non  tantum  diapente  ,  fed 
fiimpto  iuitio  a  diapafon  ,  concinnunt  per 
diapente  &  diatejjaron  ;  &  unitonum ,  &  fe- 
mitonum  ,  ita  ut  &  quidam  putent  ineffe  & 
diefin  quœ  fenfu  percipiatur ,  ne  fe  dife  fur 
le  champ  à  lui-même ,  voilà  les  routes  de 
notre  chant  *,  voilà  l'incertitude  où  nous 
fbmmes  fur  la  pofîibilité  ou  l'impoflibilité 
de  l'intonation  du  quart  de  ton.  On  ignoroit 
donc  alors  fi  les  anciens  avoient  eu  ou  non 
une  gamme  enharmonique.  Il  ne  reftoit 
donc  plus  aucun  auteur  de  mufïqHe  par 
lequel  on  pût  réfoudre  cette  difficulté.  |On 
agitoit  donc,  au  temps  de  Denis  d'Hali- 
carnaffe  ,  à-peu-près  les  mêmes  queftions 
que  nous  agitons  fur  la  mélodie.  Et  s'il 
vient  à  rencontrer  ailleurs  que  les  auteurs 
étoient  très  -  partagés  fur  rénumération 
exacte  des  fons  de  la  langue  Greque  :,  que 
cette  matière  avoit  excité  des  difputes  fort 
vives  ,  fed  talium  rerum  confiderationem. 
grammatices  &  poctices  ej/e  ;  vel  etiam  ,  ut 
quibufdam  placet ,  philofophia; ,  n'en  con- 
clura t-il  pas  qu'il  en  avoit  été  parmi  les 
Romains  ainfi  que  parmi  nous?  c'eft-à-dire  ,, 
qu'après  avoir  traité  la  feience  des.  lignes  de. 


E  N  C 

des  fous  avec  afTez  de  légèreté  ,  il  y  eut  un 
temps  où  de  bons  efprits  reconnurent  qu'elle 
avoit ,  avec  la  fcience  des  choies  ,  plus  de 
liaifon  qu'ils  n'en  avoient  d'abord  foupçon- 
né ,  &  qu'on  pouvoit  regarder  cette  ipécu- 
lation  comme  n'étant  point  du  tout  indigne 
de  la  philoibphie.  Voilà  précisément  où 
nous  en  fommes  j  &  c'eft  en  recueillant  aiufi 
des  mots  échappés  par  hafard ,  &  étrangers 
à  la  matière  traitée  fpécialement  dans  un 
auteur  où  ils  ne  cara&érifent  que  lès  lumiè- 
res ,  fon  exactitude  &  fou  indécilioii  ,  qu'on 
parviendroit  à  éclaircir  l'hiftoire  des  pro- 
grès de  l'efprit  humain  dans  les  iîecles 
pafles. 

Les  auteurs  ne  s'apperçoivent  pas  quel- 
quefois eux-mêmes  de  l'imprefTîon  des  cho- 
fes  qui  fe  partent  autour  d'eux:,  mais  cette 
imprefiion  n'en  eft  pas  moins  réelle.  Les 
muficiens ,  les  peintres  ,  les  archite&es  , 
les  philofophes  ,  &c.  ne  peuvent  avoir 
des  conteftations  ,  fans  que  l'homme  de 
lettres  n'en  foit  inftruit  :  &  réciproquement, 
il  ne  s'agitera  dans  la  littérature  aucune 
queftion  ,  qu'il  n'en  paroiffe  des  veftiges 
dans  ceux  qui  écriront  ou  de  la  mufrque  , 
ou  de  la  peinture  ,  ou  de  l'architecture ,  ou 
de  la  philofophie.  Ce  font  comme  les  reflets 
d'une  lumière  générale  qui  tombe  fur  les 
artiftes  &  les  lettrés ,  &  dont  ils  confervent 
une  lueur.  Je  fais  que  l'abus  qu'ils  font 
quelquefois  d'exprefiions  dont  la  force  leur 
eCt  inconnue  ,  décelé  qu'ils  n'étoient  pas  au 
courant  de  Ja  philofophie  de  leur  temps  j 
mais  le  bon  efprit  qui  recueille  ces  expref- 
fions  ,  qui  faifit  ici  une  métaphore  ,  là  un 
terme  nouveau  ,  ailleurs  un  mot  relatif  à 
un  phénomène  ,  à  une  obfervation  ,  à  une 
expérience  ,  à  un  fyftême  ,  entrevoit  l'état 
des  opinions  dominantes  ,  le  mouvement 
général  que  les  efprits  commençoient  à  en 
recevoir  ,  &.  la  teinte  qu'elles  portoient 
dans  la  langue  commune.  Et  c'eft  là  ,  poul- 
ie dire  en  pafTant  ,  ce  qui  rend  les  anciens 

.  auteurs  fi  difficiles  à  juger  en  matière  de 
goût.  La  perfuafion  générale  d'un  fentiment, 
d'u/i  fyftême ,  un  ufage  reçu ,  l'iiiftitution 

.  d'une  loi ,  l'habitude  d'un  exercice  ,  &c.  , 
leur  fournhToient  des  manières  de  dire  ,  de 
peufer ,  de  rendre  ,  des  comparaifons  ,  des 
exprellîons  ,  des  figures  dont  toute  la  beauté 

■  n'a  pu  durer  qu'autant  que  la  chofe  même 


ENC  371 

qui  leur  fêrvoit  de  bafè.  La  chofe  a  palï'é  , 
&  l'éclat  du  difeours  avec  elle.  D'où  il  s'en- 
fuit qu'un  écrivain  qui  veut  aflurer  à  fès 
ouvrages  un  charme  éternel  ,  ne  pourra 
emprunter,  avec  trop  deréferve  ,fa  manière 
de  dire  des  idées  du  jour  ,  des  opinions 
courantes ,  des  fyftêmes  régnans  ,  des  arts 
en  vogue  j  tous  ces  modèles  font  en  vi- 
cifîitude  :  il  s'attachera  de  préférence  aux 
êtres  permanens  ,  aux  phénomènes  des 
eaux ,  de  la  terre  &  de  l'air ,  au  ipeclacle 
de  l'univers  ,  &  aux  pallions  de  l'homme  , 
qui  font  toujours  tes  mêmes  }  &:  telle  fera 
la  vérité  ,  la  force ,  &  l'immutabilité  de 
fon  coloris  ,  que  fes  ouvrages  feront  l'éton- 
nement  des  fiecles  ,  malgré  le  défordre  des 
matières ,  l'abfiirdité  des  notions  ,  &  tous 
les  défauts  qu'on  pourroit  leur  reprocher. 
Ses  idées  particulières  ,  fes  comparaifons  , 
Ces  métaphores ,  fès  exprefîions ,  fès  images 
ramenant  fans  ceife  à  la  nature  qu'on  ne  /e 
lalîe  point  d'admirer  ,  feront  autant  de 
vérités  partielles  par  lefquelles  il  fe  foutien- 
dra.  On  ne  le  lira  pas  pour  apprendre  à  pen- 
fer  j  mais  jour  &  nuit  on  l'aura  dans  les 
mains  pour  en  apprendre  à  bien  dire.  Tel 
fera  fon  fort ,  tandis  que  tant  d'ouvrages 
qui  ne  feront  appuyés  que  fur  un  froid  bon 
fêns  &  fur  une  pefante  raifon  ,  feront  peut- 
être  fort  eftimés  ,  mais  peu  lus  ,  &  tombe- 
ront enfin  dans  l'oubli ,  lorfqu'un  homme , 
doué  d'un  beau  génie  &  d'une  grande  élo- 
quence ,  les  aura  dépouillés  ,  &:  qu'il  aura 
reproduit  aux  yeux  des  hommes  des  vérités, 
auparavant  d'une  auftérité  fèche  &  rebutante, 
fous  un  vêtemenfcplus  noble ,  plus  élégant  , 
plus  riche  &  plus  féduifant. 

Ces  révolutions  rapides  qui  fe  font  dans 
les  choies  d'inftitution  humaine  ,  &  qui 
auront  tant  d'influence  fur  la  manière  dont 
la  poftérité  jugera  des  productions  qui  lui 
feront  traufmifes  ,  font  un  puiffant  motif 
pour  s'attacher  dans  un  ouvrage  tel  que  le 
nôtre  ,  où  il  eft  fouvent  à  propos  de  citer 
des  exemples ,  à  des  morceaux  dont  la  beauté 
fbit  fondée  fur  des  modèles  permanens  : 
fans  cette -précaution  les  modèles  paieront  3 
la  vérité  de  l'imitation  ne  fera  plus  fentie  , 
&  les  exemples  cités  cefferont  de.paroître 
beaux. 

L'art  de  tranfmettre  les  idées  par  la  pein- 
ture des  objets  ,  a  du  naturellement  fè  pré- 
A  a  a   z 


37*  E  N  C 

fbnter  le  premier  :  celui  de  les  tranfmettre 
en  fixant  les  voix  par  des  caractères  ,  eft 
trop  délié  j  il  dut  effrayer  l'homme  de  génie 
qui  l'imagina.  Ce  ne  fut  qu'après  de  longs 
efïais  qu'il  entrevit  que  les  voix  fenfïble- 
ment  différentes  n'étoient  pas  en  aufïi  grand 
nombre  qu'elles  paroiflbicnt ,  &  qu'il  ofa  fe 
promettre  de  les  rendre  toutes  avec  un  petit 
nombre  de  figues.  Cependant  le  premier 
moyen  n'étoit  pas  fans  quelque  avantage  , 
ainfi  que  le  fécond  n'eft  pas  refté  fans  quel- 
que défaut.  La  peinture  n'atteint  point  aux 
opérations  de  l'efprit  ;  on  ne  diftingueroit 
point  entre  des  objets  fenfibles  diflribués 
fur  une  toile  ,  comme  ils  feroient  énoncés 
dans  un  difcours  ,  les  liaifons  qui  forment 
le  jugement  &  le  fyilogifme  \  ce  qui  confti- 
tue  un  de  ces  êtres ,  fnjet  d'une  propofition:, 
ce  qui  conftitue  une  qualité  de  ces  êtres , 
attribut  :,  ce  qui  enchaîne  la  propofition  à 
une  autre  pour  en  faire  un  raifonnement ,  & 
ce  raifonnement  à  un  autre  pour  en  com- 
pofer  un  difcours  \  en  un  mot ,  il  y  a  une 
infinité  de  chofes  de  cette  nature  que  la 
peinture  ne  peut  figurer  j  mais  elle  montre 
du  moins  toutes  celles  qu'elle  figure  }  &;  fi 
au  contraire  le  difcours  écrit  les  défigne 
toutes  ,  il  ri*en  montre  aucune.  Les  peintu- 
res des  êtres  font  toujours  très -incomplètes:, 
mais  elles  n'ont  rien  d'équivoque  ,  parce 
que  ce  font  les  portraits  mêmes  d'objets 
que  nous  avons  fous  les  yeux.  Les  caractères 
de  l'écriture  s'étendent  à  tout ,  mais  ils  font 
d'inftitution  }  ils  ne  fignifient  rien  par  eux- 
mêmes.  La  clef  des  tableaux  eft  dans  la 
nature  ,  &  s'offre  à  tout'le  monde  :  celle 
des  caractères  alphabétiques  &de  leurcom- 
binaifon  eft  un  pacte  dont  il  faut  que  le 
myfterefoit  révélé  j  &  il  ne  peut  jamais  l'être 
complètement,  parce  qu'il  y'  a  ,  dans  les 
expreffions ,  des  nuances  délicates  qui  reftent 
néceffdirement  indéterminées.  D'un  autre 
côté  ,  la  peinture  étant  permanente  ,  elle 
n'eft,  que  d'un  état  inftantané.  Se  propofe- 
t  elle  d'exprimer  le  mouvement  le  plus 
fimple  ,  elle  devient  obfcure.  Que  dans 
un  trophée  on  voie  une  renommée  les  ailes 
déployées ,  tenant  fa  trompette  d'une  main, 
&  de  l'autre  une  couronne  élevée  au  deffus 
de  la  tête  d'un  héros ,  on  ne  fait  fi  elle  la 
donne  oh  fi  elle  l'enlevé  :  e'eft  à  l'hiftoire  à 
lever  l'équivoque.  Quelle  que  foit  au  con- 


E  NC 

traire  la  variété  d'une  action  ,  il  y  a  toujours 
une  certaine  collection  de  termes  qui  la  re- 
préfente  ;  ce  qu'on  ne  peut  dire  de  quelque 
fuite  ou  grouppe  de  figures  que  ce  foit. 
Multipliez  tant  qu'il  vous  plaira  ces  figures  , 
il  y  aura  de  l'interruption  :  l'action  tii  con- 
tinue ,  &  les  figures  n'eu  donneront  que  des 
inftansféparés,  laiffant  à  la  fagacité  du  fpec- 
tateur  à  en  remplir  les  vuides.  Il  y  a  la  même 
incômmenfurabilité  entre  tous  les  mou- 
vemens  p'hyfiques  &:  toutes  les  repréfenta- 
tions  réelles  ,  qu'entre  certaines  lignes  & 
des  fuites  de  nombres.  On  a  beau  augmen- 
ter les  termes  entre  un  terme  donné  &  un 
autre  j  ces  termes  reftant  toujours  ifolés  , 
ne  fe  touchant  point ,  laiifant  entre  chacun 
d'eux  un  intervaile  ,  ils  ne  peuvent  jamais 
correfpondre  à  certaines  quantités  continues. 
Comment  mefurer  toute  quantité  continue 
par  une  quantité  diferete  ?  Pareillement , 
comment  repréfènter  une  action  durable 
par  des  images  d'inftans  féparés  ?  Mais  ces 
termes  qui  demeurent  dans  une  langue  né- 
ceffairement  inexpliqués  ,  les  radicaux  ,  ne 
correfpondent-ils  pas  allez  exactement  à  ces 
inftans  intermédiaires  que  la  peinture  ne 
peut  repréfènter  ?  &  n'eft-ce  pas  à-peu-près 
le  même  défaut  de  part  &  d'autre  ?  Nous 
voilà  donc  arrêtés  dans  notre  projet  detranf- 
mettre  les  connoiflances  ,  par  l'impofTibilité 
de  rendre  toute  la  langue  intelligible.  Com- 
ment recueillir  les  racines  grammaticales  ? 
quand  on  les  aura  recueillies ,  comment  les 
expliquer  ?  Eft-ce  la  peine  d'écrire  pour  les 
fiecles  à  venir ,  fi  nous  ne  fommes  pas  en  état 
de  nous  en  faire  entendre  ?  Réfolvons  ces 
difficultés. 

Voici  premièrement  ce  que  je  penfè  fur  la 
manière  de  difeerner  les  radicaux.  Peut-être 
y  a-t-il  quelque  méthode  ,  quelque  fyftême 
philofophique  ,  à  l'aide  duquel  on  en  trou- 
verait un  grand  nombre  :  mais  ce  fyftême 
me  femble  difficile  à  inventer  ;  &  quel  qu'il 
foit ,  l'application  m'en  paroît  fiijette  à  er- 
reur, par  l'habitude  bien  fondée  que  j'ai  de 
fufpecter  toute  loi  générale  en  matière  de 
langue.  J'aimerois  mieux  fuivre  un  moyen 
technique ,  d'autant  plus  que  ce  moyen  tech- 
nique eft  une  fuite  néceffaire  de  la  formation 
d'un  dictionnaire  Encyclopédique* 

Il  faut  d'abord  que  ceux  qui  coopéreront 
à  cet  ouvrage  ,  s'impofent  la  loi  de  tout 


È  N  C 

cLénnir  ,  tout  fans  aucune  exception.  Cela 
fait ,  il  ne  reftera  plus  à  1  éditeur  que  le  foin 
à2  féparer  les  termes  où  un  même  mot  fera 
pris  pour  un  genre  dans  une  définition  ,  & 
pour  différence  dans  une  autre  :  il  eft  évident 
que  c'eft  la  nécefîité  de  ce  double  emploi 
qai  conftitue  le  cercle  vicieux,  &  qu'elle  eft 
la  limite  des  définitions.  Quand  on  aura 
ralfemblé  tous  ces  mots  ,  on  trouvera  ,  en 
les  examinant ,  que  des  deux  termes  qui 
font  définis  l'un  par  l'autre ,  c'eft  tantôt  le 
plus  général ,  tantôt  le  moins  général  qui 
eft  genre  ou  différence  \  &  il  eft  évident  que 
c'eft  le  plus  général  qu'il  faudra  regarder 
comme  une  des  racines  grammaticales.  D'où 
il  s'enfuit  que  le  nombre  des  racines  gram- 
maticales fera  précifément  la  moitié  de  ces 
termes  recueillis ,  parce  que  de  deux  défini- 
tions de  mots ,  il  faut  en  admettre  une 
comme  bonne  &  légitime ,  pour  démontrer 
que  l'autre  eft  un  cercle  vicieux. 

Partons  maintenant  à  la  manière  de  fixer 
la  notion  de  ces  radicaux  :  il  n'y  a,  ce  me 
femble  ,  qu'un  feul  moyen,  encore  n'eft-il 
pas  auiîi  parfait  qu'on  le  defireroit  :  non 
qu'il  lailfe  "de  l'équivoque  dans  les  cas  où 
il  eft  applicable  ,  mais  en  ce  qu'il  peut  y 
avoir  des  cas  auxquels  il  n'eft  pas  poiîible 
de  l'appliquer ,  avec  quelque  adreffe  qu'on 
le  manie.  Ce  moyen  eft  de  rapporter  la 
langue  vivante  à  une  langue  morte  :  il  n'y 
a  qu'une  langue  morte  qui  puiffe  être  une 
mefure  exacte,  invariable  &  commune  pour 
tous  les  hommes  qui  font  &  qui  feront , 
entre  les  langues  qu'ils  parlent  &  qu'ils  par- 
leront. Comme  cet  idiome  n'exilte  que  dans 
les  auteurs ,  il  ne  change  plus  ;  &  l'effet  de 
ce  caractère ,  c'eft  que  l'application  en  e(i 
toujours  la  même  ,  6c  toujours  également 
connue. 

Si  l'on  me  demandoit  de  la  langue  Greque 
ou  Latine,  quelle  eft  celle  qu'il  faudroit 
préférer  ,  je  répondrais  ni  l'une  ni  l'autre  : 
mon  Sentiment  ferait  de  les  employer  toutes 
deux  \  le  Grec  par-tout  où  le  Latin  ne  don- 
nerait rien,  ou  ne  donnerait  pas  un  équi- 
valent, ou  en  donnerait  un  moins  rigou- 
reux :  je  voudrais  que  le  Grec  ne  fût  jamais 
qu'un  fupplément  à  la  difette  du  Latin  j  & 
cela  feulement ,  parce  que  la  connoiffance 
du  Latin  eft  la  plus  répandue  :  car  favoue 
que  s'il  falloir  fe  déterminer  par  la  richeilè 


E  N  C  37î 

&  par  l'abondance  ,  il  n'y  auroit  pas  à  ba- 
lancer.  La  langue  Greque    eft  infiniment 
plus  étendue  &  plus  exprefiive  que  la  Latine } 
elle  a  une  multitude  de  termes  qui  ont  une 
empreinte   évidente  de  l'onomatopée  :  une 
infinité  de  notions  qui  ont  des  fignes  en  cette 
langue ,  n'en  ont  point  en  Latin,  parce  qu'il 
ne  paraît  pas  que  les  Latins  fe  fuflènt  élevés 
à  aucun  genre  de  fpéculation.  Les  Grecs 
s'étoient  .enfoncés   dans  toutes   les  profon- 
deurs de  la  métaphyfique  des  fciences  ,  des 
beaux  arts ,  de   la  logique  &  de  la  gram- 
maire.   On  dit  avec  leur  idiome  tout  ce 
qu'on  veut}  ils  ont  tous  les  termes  abftraits , 
relatifs   aux  opérations   de  l'entendement  : 
confultez  làdeifus  Ariftote,  Platon,  Sextus 
Empiricus  ,  Apollonius  ,   &  tous  ceux  qui 
ont  écrit  de  la  grammaire  &  de  la  rhétori- 
que. On  eft  fouvent  embarralfé  en  Latin  par 
le  défaut  d'exprefîîons  :  il  falloit  encore  des 
fiecles  aux  Romains  pour  polléder  la  langue 
des  abftractions  ,  du  moins  à  en  juger  par 
les  progrès  qu'ils  ont  faits  pendant  qu'ils  ont 
été  fous  la  difcipliue  des  Grecs  j  car  d'ailleurs 
un  fèul  homme  de  génie  peut  mettre  en  fer- 
mentation tout  un  peuple,  abréger  les  fiecles 
de  l'ignorance  ,  &  porter  les  connoiiîances 
à  un  point  de  perfection  &  avec  une  rapidité 
qui  Surprendraient  également.  Mais  cette 
obfbrvation   ne  détruit  point  la  vérité  que 
j'avance  \  car  fi  l'on  compte  les  hommes  de 
génie ,  &   qu'on  les  répande  fur  toute  la 
durée  des  fiecles  écoulés ,   il   eft  évident 
qu'ils  feront  en  petit  nombre  dans  chaque 
nation  &  pour  chaque  fiecle ,  &  qu'on  n'eu 
trouvera  prefqu'aucun  qui  n'ait  perfectionaé 
la  langue.  Les  hommes  créateurs  portent  ce 
caractère  particulier.  Comme   ce  n'eft  pas 
feulement  en  feuilletant  les  productions  de 
leurs  contemporains  qu'ils  rencontrent  les 
idées  qu'ils  ont  à  employer  dans  leurs  écrits  , 
mais  que  c'eft  tantôt  en  descendant  profon- 
dément en  eux-mêmes  ,  tantôt  en  s'élancaut 
au  dehors,  &  portant  des  regards  plusatten- 
tifs   &  plus  pénétrons  fur  les  natures  qui  les 
environnent ,    ils   font  obligés  ,   fur-tout  à 
l'origine  des  langues  ,  d'inventer  des  lignes 
pour  rendre  avec  exactitude  &  avec  force 
ce  qu'ils  y  découvrent  les  premiers.  C'eft  la 
chaleur  de  l'imagination  &  la  méditation 
profonde  qui  enrichiffent  une  langue  d'ex- 
preflions  nouvelles  j    c'eft   la   julieife  de 


3?4  E  N  C 

1'efprn  &  la  fcvérité  delà  dialectique  qui  en 
perfectionnent  la  fyntaxe  :,  c'eft  la  commo- 
dité des  organes  de  la  psrole  qui  l'adoucit  ; 
c'eft  la  foulibilité  de  l'oreille  qui  la  rend 
harmonieuse. 

Si  l'on  fe  détermine  à  faire  ufage  des 
deux  langues  ,  on  écrira  d'abord  le  radical 
François ,  &  à  côté  le  radical  Grec  ou  La- 
tin ,  avec  la  citation  de  l'auteur  ancien  d'où 
il  a  été  tiré,  &  où  il  eft  employé-,  félon 
l'acception  la  plus  approchée  pour  le  fens , 
l'énergie ,  &  les  autres  idées  aceelfoires  qu'il 
faut  déterminer. 

Je  dis  le  radical  ancien  ,  quoiqu'il  ne  fbit 
pas  impolTibJe  qu'un  terme  premier  ,  radical. 
&  indéfiniifable  dans  une  langue ,  n'ait 
aucun  de  ces  caractères  dans  une  autre  : 
alors  il  me  paroît  démontré  que  l'erprit 
humain  a  fait  plus  de  progrès  chez  un  des 
peuples  que  chez  l'autre.  On  ne  fait  pas  en- 
core ,  ce  me  femble  ,  combien  la  langue 
eft  une  image  rigoureufe  îk.  fidelle  de  l'exer- 
cice de  là  raifon.  Quelle  prodigieufe  fupé- 
riorité  une  nation  acquiert  fur  une  autre  , 
fur-tout  dans  les  fciences  abftraites  &  les 
beaux  arts ,  par  cette  feule  différence  !  & 
à  quelle  diftance  les  Anglois  font  encore 
de  nous  ,  par  la  confidération  feule  que 
notre  langue  eft  faite,  &  qu'ils  ne  longent 
pas  encore  à  former  la  leur  !  C'eft  de  la 
perfection  de  l'idiome  que  dépendent  & 
l'exactitude  dans  les  fciences  rigoureufos , 
&  le  goût  dans  lès  beaux  arts-,  &  par 
conféquent  l'immortalité  des  ouvrages  en 
ce  genre. 

J'ai  exigé  la  citation  de  l'endroit  où  le 
fynonyme  Grec  &  Latin  étoit  employé  , 
parce  qu'un  mot  a  fouvent  plufïeurs  accep- 
tions j  que  le  befoin  ,  &  non  la  philolb- 
phie  ,  ayant  préiidé  à  la  formation  des 
langues  ,  elles  ont  &  auront  toutes  ce  vice 
commun  \  mais  qu'un  mot  n'a  qu'un  fons 
dans  tin  pa/Tage  cité ,  &  que  ce  fens  eft 
"certainement  le  même  pour  tous  les  peu- 
ples à  qui  l'auteur  eft  connu.  M»w  «s/J^  , 
$~x ,  &c.  '•)  arma  virumque  cano  ;  &c,  n'oat 
qu'une  traduction  à  Paris  &  à  Pékin  : 
aufîi  rien  n'eft  -  il  plus  mal  imaginé  à  un 
François  qui  fait  le  Latin  ,  que  d'apprendre 
l'Anglois  dans  un  dictionnaire  Anglois- 
François  ,  au  lieu  d'avoir  recours  à  un 
dictionnaire  Anglois-Latiii.  Quand  le  die- 


E  N  C 

tionnaire  Anglois-François  auroit  été  o» 
fait  ou  corrigé  fur  la  mefure  invariable  & 
commune  ,  ou  même  fur  uu  grand  ufage 
habituel  des  deux  langues  ,  on  n'en  fau- 
roit  rien  \  on  feroit  obligé  à  chaque  mot 
de  s'en  rapporter  à  la  bonne  foi  &  aux 
lumières  de  Ion  guide  ou  de  fon  interprète  : 
au  lieu  qu'en  faifant  ufage  d'un  diction- 
naire Grec  ou  Latin  ,  on  eft  éclairé ,  fatif- 
fa.it ,  raiîuré  par  l'application  ^  on  compofe 
foi-même  fon  vocabulaire  par  la  foule  voie  , 
s'il  en  eft  une  ,  qui  puiflè  fuppléer  au 
commerce  immédiat  avec  la  nation  étran- 
gère dont  on  étudie  l'idiome.  Au  refte  ,  je 
parle  d'après  ma  propre  expérience  :  je  me 
fuis  bien  trouvé  de  cette  méthode  }  je  la 
regarde  comme  un  moyen  fur  d'acquérir , 
en  peu  de  temps ,  des  notions  très-appro- 
chées de  la  propriété  &  de  l'énergie.  Eu 
un  mot  ,  il  en  eft  d'un  dictionnaire  An- 
glois-François &  d'un  di&ionnairc  Anglois- 
Latin  ,  comme  de  deux  hommes  dont  l'un 
vous  entretenant  des  dimenfions  ou  de  la 
pefanteur  d'un  corps  ,  vous  allureroit  que 
ce  corps  a  tant  ds  poids  ou  de  hauteur  9 
&  dont  l'autre ,  au  lieu  de  vous  rien  affu- 
rer  ,  prendrait  une  mefure  ou  des  balan- 
ces ,  Se  le  péferoit  ou  le  mefureroit  fous 
vos  yeux. 

Mais  quelle  fora  la  reffource  du  nomen- 
clateur  ,  dans  les  cas  où  la  mefore  commune 
l'abandonnera  ?  Je  répons  qu'un  radical 
étant  par  fa  nature  le  :  ligne  ,  ou  d'une  fen- 
fation  limple  &  particulière  ,  ou  d'une 
idée  abftraite  &  générale  ,  les  cas  où  l'on 
demeurera  fans  mefure  commune  ne  peu- 
vent être  que  rares.  Mais  ,  dans  ces  cas 
rares  ,  il  faut  abfolumcnt  s'en  rapporter  à 
la  fagacité  de  l'efprit  humain  :  il  faut  ef- 
pérer  qu'à  force  de  voir  une  exprefîion 
non  définie  ,  employée  félon  la  même  ac- 
ception dans  un  grand  nombre  de  défini- 
tions où  ce  figue  fora  le  foui  inconnu  ,  on 
ne  tardera  pas  à  en  apprécier  la  valeur.  Il 
y  a  dans  les  idées ,  &  par  conféquent  dans 
les  figues  (  car  l'un  eft  à  l'autre  comme 
l'objet  eft  à  la  glace  qui  le  répète  ) ,  une 
liaifon  fi  étroite  ,  une  telle  correlponda-nce} 
il  part  de  chacun  d'eux  une  lumière 
qu'ils  fe  réfléchiflènt  fi  vivement  ,  ■  que 
quand  on  poifode  la  fyntaxe  ,  &  que 
l'interprétation  fidelle  de  tous  les   autres 


E  N  C 

lignes  eft  donnée  ,  ou  qu'on  a  l'intelli- 
gence de  toutes  les  idées  qui  compofeut 
une  période  ,  à  l'exception  d'une  feule  . 
il  eft  impoiïibîe  qu'on  ne  parvienne  pas 
à  déterminer  1  idée  exceptée  ,  ou  le  figne 
inconnu. 

Les  fignes  connus  font  autant  de  con- 
ditions données  pour  la  folution  du  pro- 
blème \  &  ,  pour  peu  que  le  difcours  loit 
étendu  &  contienne  de  termes  ,  on  ne 
conçoit  pas  que  le  problême  refte  au  nom- 
bre de  ceux  qui  ont  plufîeurs  fclutions. 
Qu'on  en  juge  par  le  très  -  petit  nombre 
d'endroits  que  nous  n'entendons  point  dans 
les  auteurs  anciens  :  que  l'on  examine  ces 
endroits  ,  &  l'on  fera  convaincu  que  l'obf- 
curité  naît  ,  ou  de  l'écrivain  même  qui 
n'avoit  pas  des  idées  nettes ,  ou  de  la  cor- 
ruption des  manufcrits ,  ou  de  l'ignorance 
des  ufages ,  des  loix ,  des  mœurs ,  ou  de 
quelqu'autre  femblable  caufè  }  jamais  de 
l'indétermination  du  figne ,  lorfque  ce  figue 
aura  été  employé  félon  la  même  accep- 
tion en  plufîeurs  endroits  différens ,  comme 
il  arrivera  néceffairement  à  une  exprefîîon 
radicale. 

Lej)oint  le  plus  important  dans  l'étude 
d'une  langue  ,  eft  fans  doute  la  comioif- 
fànce  de  l'acception  des  termes.  Cepen- 
dant il  y  a  encore  l'orthographe  ou  la  pro- 
nonciation, fans  laquelle  il  eft  impofiible 
de  fentir  tout  le  mérite  de  la  profe  har- 
monieuse &  de  la  poéfie ,  &  que  par  con- 
féquent  il  ne  faut  pas  entièrement  négliger , 
&  la  partie  de  l'orthographe  qu'on  appelle 
la  ponctuation.  Il  eft  arrivé,  par  les  altérations 
qui  fe  fuccedent  rapidement  dans  la  ma- 
nière de  prononcer  ,  &  les  corrections  qui 
s'introduifent  lentement  dans  la  manière 
d'écrire  ,  que  la  prononciation  &  l'écriture 
ne  marchent  point  cnfemble  ,  &  que  quoi- 
qu'il y  ait ,  chez  les  peuples  les  plus  policés 
de  l'Europe ,  des  fociétés  d'hommes  de 
iettres  chargés  de  les  modérer  ,  de  les 
accorder  &  de  les  rapprocher  de  la  même 
ligne  ,  elles  fe  trouvent  enfin  à  une  diftance 
inconcevable  }  en  forte  que  de  deux  chofès 
dont  l'une  n'a  été  imaginée  ,  dans  fbn  ori- 
gine ,  que  pour  repréfenter  fidellement 
l'autre  ,  celle-ci  ne  diffère  guère  moins  de 
celle-là ,  que  le  portrait  de  la  même  per- 
sonne peinte  dans  deux  âges  très- éloignés. 


EN  C  375 

Enfin ,  l'inconvénient  s'eft  accru  à  un  tel 
excès  ,  qu'on  n'ofe  plus  y  remédier.  On 
prononce  une  langue ,  on  en  écrit  une  au- 
tre \  &  l'on  s'accoutume  tellement ,  pendant 
le  refte  de  la  vue ,  à  cette  bizarrerie  qui  a 
fait  verfer  tant  de  larmes  dans  l'enfance , 
que  fi  Ion  renonçoit  à  fa  mauvaifè  ortho- 
,  graphe  pour  une  plus  voifine  de  la  pronon- 
ciation ,  on  ne  reconncîtroit  plus  la  langue 
parlée  fous  cette  nouvelle  combinaison  de 
caraéfercs. 

Mais  on  ne  doit  point  être  arrête  par 
des  confidérations  fi  puifTantes  fur  la  mul- 
titude &  pour  le  moment.  Il  faut  abfolu* 
ment  fe  faire  im  alphabet  raifbnné  ,  où  ua 
même  figne  ne  repréfènte  point  des  fons 
différens  \  ni  des  figues  différens  un  même 
fbn  ,  ni  plufîeurs  fignes  une  voyelle  ou  un 
fou  fimple.  Il  faut  enfuite  déterminer  la 
valeur  de  ces  fignes  par  la  defeription  la 
plus  rigoureufe  des  différens  mouvemens 
des  organes  de  la  parole  dans  la  production 
des  fons  attachés  à  chaque  figne  \  diftin- 
guer  avec  la  dernière  exactitude  les  mou- 
vemens fuccefiîfs  &  les  mouvemens  fimul- 
tanées  }  en  un  mot ,  ne  pas  craindre  de 
tomber  dans  des  détails  minutieux.  C'eft 
une  peine  que  des  auteurs  célèbres  qui  ont 
écrit  des  langues  anciennes ,  n'ont  pas  dé- 
daigné de  prendre  pour  leur  idiome  j  pour- 
quoi n'en  ferions-nous  pas  autant  pour  le 
nôtre  qui  a  fes  auteurs  originaux  en  tout 
genre  ,  qui  s'étend  de  jour  en  jour  ,  &  qui 
eft  prefque  devenu  la  langue  univerfelle  de- 
l'Europe  ?  Lorfque  Molière  plaifantoit  les 
grammairiens  ,  il  abandonnoit  le  caractère 
de  philofophe  ,  &.  il  ne  fàvoit  pas  ,  comme 
l'auroit  dit  Montagne  ,  qu'il  donnoit 
des  foufflets  aux  auteurs  qu'il  refpe&oit 
le  plus ,  fur  la  joue  du  Bourgeois-Gentil- 
homme. 

Nous  n'avons  qu'un  moyen  de  fixer  les 
chofes  fugitives  &.  de  pure  convention  \ 
c'eft  de  les  rapporter  à  des  êtres  conftans  : 
&  il  n'y  a  de  bafè  confiante  ici  que  les 
organes  qui  ne  changent  point  ,  &:  qui  , 
fembiables  à  des  inftrumens  de  mufique  r 
rendront  a-peu-pres  en  tout  temps  les  mêmes 
fons  ,  fi  nous  favons  difpofer  artiftement 
de  leur  tenfion  ou  de  leur  longueur  ,  Se 
diriger  convenablement  l'air  dans  leur  ca- 
pacité 2  la.  trachée  artère  &:  la  bouche  çonfc- 


3-*  E  N  C 

pofent  une  efpece  de  fiûte  ,  dont  il  faut 
donner    la   tablature   la  plus    fcrupuleufc. 
J'ai  dit  à-peu-pres  ,  parce  qu'entre  les  or- 
ganes de  la  parole ,  il  n'y  en  a  pas  un  qui 
n'ait  mille  fois  plus  de  latitude  &  de  va- 
riété   qu'il   n'en    faut  pour    répandre   des 
différences  fùrprenantes    &:  fenfîbles  dans 
3a  production  d'un  fon.  A  parler  avec  la 
dernière  exactitude  ,  il  n'y  a  peut-être  pas 
dans  toute   la  France    deux  hommes  qui 
aient  abfolument  une  même  prononciation. 
Nous   avons  chacun  la  nôtre  }   elles  font 
cependant  toutes   affez  femblables  ,    pour 
que  nous  n'y  remarquions  fouvent  aucune 
diverfité  choquante  \   d'où   il  s'enfuit  que 
iï  nous  ne  parvenons  pas  à  tranfmcttre  à 
la  poftérité  notre  prononciation  ,  nous  lui 
en  ferons  paffer  une  approchée  que  l'habi- 
tude de  parler  .corrigera  fans  celle  \  car  la 
première  fois  que  l'on  produit  artificielle- 
ment un  mot  étranger  ,    félon  une  pro- 
nonciation  dont  les    mouvernens    ont   été 
preferits  ,  l'homme  le  plus  intelligent ,  qui 
a  l'oreille  la  plus  délicate  ,  &  dont  les  or- 
ganes de  la  parole  font  les  plus  fouples , 
eil  dans  le  cas  de  l'élevé  de  M.  Pereire. 
Forçant  tous  les    mouvernens  &  féparant 
chaque  fon  par  des  repos  ,  il  reffemble  à 
un  automate  organifé  :    mais  combien  la 
vîteife   &  la  hardieile  qu'il   acquerra  peu 
à-peu  ,  n'affoibliront-elles  pas  ce  défaut  ! 
Bientôt  on  le  croira  né  dans  le  pays ,  quoi- 
qu'au  commencement  il  fût  ,  par  rapport 
à  une  langue  étrangère  ,  dans  un  état  pire 
que  l'enfant  par  rapport  à  fa  langue  ma- 
ternelle '•)  il  n'y  avoit  que  fa  nourrice  qui 
l'entendît.   L'enchaînement  des  fons  d'une 
langue  n'eft   pas  auffi  arbitraire  qu'on  fè 
l'imagine  j  j'en  dis  autant  de  leurs  combi- 
naifons.  S'il  y  en  a  qui  ne  pourroient  fè 
fuccéder  fans  une  grande  fatigue  pour  l'or- 
gane ,    ou  ils  ne  fe  rencontrent  point ,  ou 
ils  ne   durent  pas.  Ils  font  chafiés  de  la 
langue  par  l'euphonie  ,  cette  loi  piaffante 
qui    agit    continuellement    &  univerfelle- 
ment  fans  égard  pour  l'étymologie  &  fes 
défenfeurs  ,  &  qui  tend  fans  intermifîîon 
à  amener  des  êtres  qui  ont  les  mêmes  or- 
ganes ,  le  même  idiome  ,  les  mêmes  mou- 
vernens preferits  à  -  peu  -  près  à  la  même 
prononciation.    Les    caufes    dont  l'action 
n'eft  point  interrompue  ,  deviennent  tou- 


E  N  C 

jours    les    pïus    fortes    avec    le    temps  f 
quelque    foibles    qu'elles    fuient   en   elles- 


mêmes. 


Je  ne  diiïimulerai  point  que  ce  principe 
ne  fouffre  plufieurs  difficultés ,  entre  lef- 
quelles  il  y  en  a  une  très-importante  que 
je  vais  expofer.  Selon  vous  ,  me  dira-t-on  , 
l'euphonie  tend  fans  cefîe  à  approcher  les 
hommes  d'une  même  prononciation  ,  fur- 
tout  lorfque  les  mouvernens  de  l'organe 
ont  été  déterminés.  Cependant ,  les  Alle- 
mands, les  Anglois,  les  Italiens,  les  Fran- 
çois prononcent  tous  diverfement  les  vers 
d'Homère  &  de  Virgile  \  les  Grecs  écrivent 
/kx  vnyaaSi)  <5sàr ,  &  il  y  a  des  Anglois  qui 
lifènt  mi ,  nine  ,  a  ,  / ,  de ,  [i ,  é  ;  des  Fran- 
çois qui  lifent  me  ,  nine  ,  a  ,  ei  ,  je ,  dé  , 
thé  ,  a  (  ei ,  comme  dans  la  première  de 
neige  &  ye ,  comme  dans  la  dernière  de 
paye  ;  cet  y  eft  un  yeu  confonne  qui  man- 
que dans  notre  alphabet ,  quoiqu'il  foit  dans 
notre  prononciation.  )  (  Voye{  les  notes  de 
M.  Du  clos  fur  la  grammaire  générale  rai- 
formée.  ) 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  fïngulier ,  c'eft  qu'ils 
font  tous  également  admirateurs  de  l'har- 
monie de  ce  début  :  c'eft  le  même  enthou- 
fïafme  ,  quoiqu'il  n'y  ait  prefque  pas  un 
fon  commun.  Entre  les  François  la  pronon- 
ciation du  Grec  varie  tellement  ,  qu'il  n'eft 
pas  rare  de  trouver  deux  favans  qui  enten- 
dent très-bien  cette  langue  ,  &  qui  ne  s'en- 
tendent pas  entr'eux  :,  ils  ne  s'accordent  que 
fur  la  quantité.  Mais  la  quantité  n'étant 
que  la  loi  du  mouvement  de  la  prononcia- 
tion ,  la  hâtant  ou  la  fufpendant  feule- 
ment ,  elle  ne  fait  rien  ni  pour  la  douceur 
ni  pour  l'afpérité  des  fons.  On  pourra  tou- 
jours demander  comment  il  arrive  que  des 
lettres  ,  des  fyllabes ,  des  mots  ou  folitaires 
ou  combinés  foient  également  agréables 
à  plufieurs  perfonnes  qui  les  prononcent 
diverfement.  Eft-ce  une  fuite  du  préjugé 
favorable  à  tout  ce  qui  nous  vient  de  loin , 
le  preftige  ordinaire  de  la  diftance  des 
temps  &  des  lieux ,  l'effet  d'une  longue 
tradition  ?  Comment  eft-il  arrivé  que  parmi 
tant  de  vers  Grecs  &  Latins ,  il  n'y  ait  pas 
une  fyllabe  tellement  contraire  à  la  pro- 
nonciation des  Suédois  ,  des  Polonois  ,  que 
la  lecture  leur  en  foit  abfolument  im- 
poffible  l   Dirons  -  nous   que  les  langues 

mortes 


EN  C 

mortes  ont  été  Ci  travaillées ,  font  formées 
d'une  combinaifon  de  fons  fi  fimples  ,  fi 
faciles  ,  fi  élémentaires ,  que  ces  fons  for- 
ment, dans  toutes  les  langues  vivantes  où 
ils  font  employés,  la  partie  la  plus  agréable 
&  la  plus  méiodieufe  ?  que  ces  langues 
vivantes  en  fe  perfectionnant  toujours  ne 
font  que  rectifier  fans  ceflfe  leur  harmonie, 
ck  l'approche  de  l'harmonie  des  langues 
mortes  ?  en  un  mot ,  que  l'harmonie  de  ces 
dernières ,  factice  &  corrompue  par  la  pro- 
nonciation particulière  de  chaque  nation  , 
eft.  encore  fupérieure  à  l'harmonie  propre 
&  réelle  de  leurs  langues? 

Je  répondrai  premièrement ,  que  cette 
dernière  considération  aura  d'autant  plus  de 
force  ,  qu'on  fera  mieux  inftruit  des  foins 
extraordinaires  que  les  Grecs  avoient  pris 
pour  rendre  leur  langue  harmonieufe  :  je 
n'entrerai  point  dans  ce  détail  ;  j'obferverai 
feulement  en  général ,  qu'il  n'y  a  prefque 
pas  une  feule  voyelle ,  une  feule  diphton- 
gue ,  une  feule  confonne ,  dont  la  valeur 
foit  tellement  confiante  que  l'euphonie  n'en 
puifie  difpofer,  foit  en  altérant  le  fon,  foit 
en  le  fupprimant  :  fecondement,  que,  quoi- 
que les  anciens  aient  pris  quelques  précau- 
tions pour  nous  tranfmettre  la  valeur  de 
leurs  caractères  ,  il  s'en  faut  beaucoup  qu'ils 
aient  été  là-deflus  auffi  exacts,  auffi  minu- 
tieux qu'ils  auroient  dû  l'être  :  troifiéme- 
ment ,  que  ie  favant  qui  poiTédera  bien  ce 
qu'ils  nous  en  ont  laifïe,  pourra  toutefois 
fe  flatter  de  réduire  à  une  prononciation 
fort  approchée  de  la  fienne  tout  homme 
raifonnable  &  conféquent  :  quatrièmement, 
qu'on  peut  démontrer,  fans  réplique,  à 
l'Anglois,  qu'en  prononçant,  mi  ,  nine,a, 
i  ,  de  y  ?i ,  èy  il  fait  fix  fautes  de  pronon- 
ciation fur  fept  fyllabes.  Il  rend  la  fyllabe 
(M  par  riû\  mais  un  auteur  ancien  nous 
apprend  que  les  brebis  rendoient  en  bêlant 
le  fon  del'n.  Dira-t-on  que  les  brebis  Gre- 
ques  bêloient  autrement  que  les  nôtres  ,  & 
diibient  bi ,  bi,  &  non  be  ,  be.  Nous  lifons 
d'ailleurs  dans  Denis  d'Halicarnaffe  :  n  infrà 
bafim  lingues,  allidit  fonum  confequentan , 
nonfuprà,  ore  moderatè  aperto,  mouvemens 
que  n'exécute  en  aucune  manière  celui  qui 
rend  »  par  i.  Il  rend  a  qui  eft  une  diphton- 
gue ,  par  un  i  voyelle  St  fon  fîmple.  11  rend 
Je  9  par  un  \  ou  par  une  /"graffeyée,  tandis 
Tome  XII. 


ENC  377 

que  ce  n'eft  qu'un  /  ordinaire  afpiré  :  il 
rend  Si  par  %i  9  c'eft-à-dire,  qu'au  lieu  de 
déterminer  vivement  l'air  vers  le  milieu  de 
la  langue  pour  former  IV  fermé  bref,  allidit 
fpiritum  circa  dentés  ,  ore  pariim  adaperto , 
ntc  labris  fonitum  illuflrantibus  ,  ou  qu'il 
prononce  le  caractère  i.  Il  rend  ce  par  è  ,' 
c'eft-à-dire  ,  que  allidit  fonum  infrà  bafim 
lingual ,  ore  moderate  aperto  ;  tandis  qu'il 
étoit  preferit  pour  la  jufte  prononciation 
de  ce  caractère  ,  fpiritum  extendere ,  ore 
aperto  ,  &  fpiritu  ai  palatum  vel  fuprà 
elato. 

Celui  au  contraire  qui  prononce  ces  mots 
Grecs  (y.nvtv ,  aaS^e ,  Si  x  ,  me  ,  nine ,  a ,  eiy 
ye  ,  dé ,  thé  %  a ,  remplit  toutes  lès  loix  en- 
freintes par  la  prononciation  Angloife.  On 
peut  s'en  afTurer  en  comparant  les  caractè- 
res Grecs  avec  les  fons  que  j'y  attache ,  & 
les  mouvemens  que  Denis  d'Halicarnaffe 
preferit  pour  chacun  de  ces  caractères,  dans 
fon  ouvrage  admirable  de  collocatione  ver- 
borum.  Pour  faire  fentir  l'utilité  de  {es  défi- 
nitions ,  je  me  contenterai  de  rapporter 
celles  de  IV  Se  de  1'*.  L'p  fe  forme ,  dit-il , 
lingua  extremo  fpiritum  repercutiente ,  & 
ad  palatum  propè  dentés  fub  lato  :  &:  IV, 
lingua  adduclâ  fuprà  ad  palatum  ,  fpiritu. 
per  mediam  longitudinem  labente ,  &  circà 
dentés  cum  tenui  quodarn  &  angufio  fîbilo 
exeunte.  Je  demande  s'il  eft  poffible  de  fa- 
tisfaire  à  ces  mouvemens,  ck  de  donner  à  IV 
&c  à  ly* d'autres  valeurs  que  celles  que  nous 
leur  attachons.  Il  n'eft  pas  moins  précis  fur 
les  autres  lettres. 

Mais ,  infiftera-t-on ,  fi  les  peuples  fub- 
fiftans  qui  lifent  le  Grec  fe  conformoient 
aux  règles  de  Denis  d'HaiicarnaiTe  ,  ils  pro- 
nonceroient  donc  tous  cette  langue  de  la 
même  manière,  ck  comme  les  anciens  Grecs 
la  prononçoient. 

Je  répons  à  cette  queftion  par  une  fup- 
pofition  qu'on  ne  peut  rejeter  ,  quelque 
extraordinaire  qu'elle  foit  dans  ce  pays-ci  ; 
c'eft  qu'un  Efpagnol  ou  un  Italien ,  prefTé 
du  defir  de  pofTéder  un  portrait  de  fa  maî- 
treffe ,  qu'il  ne  pouvoit  montrer  à  aucun 
peintre,  prit  le  parti  qui  lui  reftoit  d'en 
raire  par  écrit  la  defeription  la  plus  étendue 
&  la  plus  exacte  ;  il  commença  par  déter- 
miner la  jufte  proporriôn  delà  tête  entière; 
,il  pafïa  enfuite  aux  dimenfions  du  front, 

Bbb 


378  E  N  C 

des   yeux  ,  du  nez  ,  de_  la  bouche  ,  d  u 
menton,  du  cou;   puis  il  revint  fur  cha- 
cune de  ces  parties ,  ck  il  n'épargna  rien 
pour  que  fon  difcours  gravât  dans  l'efprit 
du  peintre  la   véritable  image  qu'il  avoit 
fous  les  yeux;  il  n'oublia  ni  les  couleurs, 
ni  les  formes  ,  ni  rien  de  ce  qui  appartient 
•  au  caractère  :  plus  il  compara  ion  difcours 
avec  le  vifage  de  fa  maitreffe  ,  plus  il  le 
trouva  reiTemblant  ;  il  crut  fur-tout  que 
plus  il  chargeroit  fa  defcription  de  petits 
détails  ,  moins  il  laiiTeroit  de  liberté  au  pein- 
tre; il  n'oublia  rien  de  ce  qu'il  penfa  devoir 
captiver  le  pinceau.  Lorfque  fa  defcription 
lui  parut  achevée  ,  il  en  fit  cent  copies  , 
qu'il  envoya  à  cent  peintres  ,.  leur  enjoi- 
gnant à  chacun. d'exécuter  exactement  fur 
la  toile  ce  qu'ils  liroient  fur  fon  papier.  Les 
peintres  travaillent,   ck  au  bout  d'un  cer- 
tain temps  notre  amant  reçoit  cent  por- 
traits ,  qui  tous  refîemblent  rigoureufement 
à  fa  defcription  ,  ck  dont  aucun  ne  reiîem- 
hle  à  un  autre ,  ni  à  fa  maîtrelle.  L'appli- 
cation de    cet  apologue  ,  au  cas   dont  il 
s'agit ,  n'eft  pas  difficile  :  on  me  difpenfera 
de  la  faire  en  détail.   Je   dirai  feulement 
que  ,     quelque    fcrupuleux    qu'un     auteur 
puilïe  être  dans  la  description  des  mouve- 
mens  de  l'organe  lorfqu'il  produit  difFérens 
ions  ,  il  y  aura  toujours  une  latitude ,  légère 
en  elle-même,   infinie  par    rapport  aux 
divifions  réelles  dont  elle  eft  fufceptible, 
ck  aux  variétés  fenfibles,  mais  inapprécia- 
bles ,  qui  réfulteront  de  ces  divifions.  On 
n'en  peut  pas  toutefois  inférer,  ni  que  ces 
defcriptions    foient  entièrement   inutiles  , 
parce  qu'elles  ne  donneront  jamais  qu'une 
prononciation  approchée  ,  ni  que  l'eupho- 
nie j   cette  loi   à  laquelle  une  langue  an- 
cienne a  dû  toute  fon  harmonie,  n'ait  une 
action  confiante  dont  l'effet  ne  tende  du 
moins  autant  à  nous  en  rapprocher  qu'à  nous 
en  éloigner.  Deux  proportions  que  j'avois 
à  établir. 

Je  ne  dirai  qu'un  mot  de  la  ponctuation. 
Il  y  a  peu  de  différence  entre  l'art  de  bien 
lire  ck  celui  de  bien  ponctuer.  Les  repos 
de  la  voix  dans  le  difcours ,  ck  les  fignes 
de  la  ponctuation  dans  l'écriture,  fe  cor- 
refpondent  toujours,  indiquent  également 
la  liaifon  ou  la  di^onction  des  idées  ,  ck 
iuppléent  à  une  infinité  d'expreflions.  Il  ne 


ENÛ 

fera  donc  pas  inutile  d'en  déterminer  re 
nombre  félon  les  règles  de  la  logique  ,  ck 
d'en  fixer  la  valeur  par  des  exemples. 

Il  ne  refte  plus  qu'à  déterminer  l'accent 
ck  la  quantité.  Ce  que  nous  avons  d'accent , 
plus  oratoire  que  fyllabique,  eft  inappré- 
ciable; ck  l'on  peut  réduire  notre  quantité 
à  des  longues ,  à  des  brèves  ,  ck  à  des 
moins  brèves  ;  en  quoi  elle  paroît  admettre 
moins  de  variété  que  celle  des  anciens 
qui  diftinguoient  jufqu'à  quatre  fortes  de 
brèves ,  finon  dans  la  verfîfication ,  au  moins 
dans  la  profe ,  qui  l'emporte  évidemment 
fur  la  poéfle,  pour  la  variété  de  fes  nom- 
bres. Ainfi  Us  difoient  que  dans  hfof  , 
fV©- ,  TfoT©- ,  ç-fopG)- ,  les  premières  qui 
font  brèves,  n'en  avoient  pas  moins  une 
quantité  fenfibîement  inégale.  Mais  c'eft 
encore  ici  le  cas  où  l'on  peut  s'en  rapporter 
à  l'organe  exercé ,  du  foin  de  réparer  les 
négligences. 

Voici  donc  les  conditions  praticables  ck 
néceffaires  ,  pour  que  la  langue  ,  fans  la- 
quelle les  connoifïances  ne  fe  tranfmettent 
point ,  fe  fixe  autant  qu'il  eft  poffible  de 
la  fixer  par  fa  nature,  ck  qu'il  eft  impor- 
tant de  la  fixer  pour  l'objet  principal  à\m 
Dictionnaire  univerfel  ck  raifonné.  Il  fuit 
un  alphabet  raifonné  ,  accompagné  de  Pex- 
pofition  rigoureufe  des  mouvemens  de 
l'organe  ck  de  la  modification  de  l'air  dans 
a  production  des  fons  attachés  à  chaque 
caractère  élémentaire,  ck  à  chaque  combi- 
n  ai  fon  fyllabique  de  ces  caractères;  écrire 
i'abord  le  mot  félon  l'alphabet  ufuel  > 
■'écrire  enfuite  félon  l'alphabet  raifonné  , 
chaque  fyllabe  féparée  ck  chargée  de  fa 
quantité  ;  ajouter  le  mot  Grec  ou  Latin 
qui  rend  le  mot  François  ,  quand  il  eft 
radical  feulement  ,  avec  la  citation  de  l'en- 
droit où  ce  mot  Grec  ou  Latin  eft  employé 
clans  l'auteur  ancien  ;  s'il  a  différens  fens  , 
ck  que  parmi  ces  fens  il  devienne  quelque- 
fois radical ,  le  fixer  autant  de  fois  par  le 
radical  correfpondant  dans  la  langue  morte; 
en  un  mot ,  le  définir  quand  il  n'eft  pas 
radical  ,  car  cela  eft  toujours  pofîible,  èk 
ie  fynonyme  Grec  ou  Latin  devient  alors 
fuperflu.  On  voit  combien  ce  travail  eft 
long ,  difficile  ,  épineux.  Quel  ufage  il  faut 
avoir  de  deux  ou  trois  langues  ,  afin  de 
comparer  les  idées  fimples  repréfentées  par 


E  NC 

•des  Signes  dirTérens  qui  aient  entre  eux  un 
rapport  d'idenrité  ,  ou  ce  qui  eft  plus  dé- 
licat encore  ,  les  collections  d'idées  repré- 
fentées  par  des  Signes  qui  doivent  avoir  le 
même  rapport  ;  ck  dans  les  cas  fréquens 
où  l'on  ne  peut  obtenir  l'identité  de  rap- 
port ,  combien  de  finette  ck  de  goût  pour 
diftinguer  entre  les  lignes  ceux  dont  les 
acceptions  font  les  plus  voifines;  6k  entre 
les  idées  accefToires ,  celles  qu'il  faut  con- 
ferver  ou  facrifîer.  Mais  il  ne  faut  pas  fe 
laider  décourager.  L'académie  de  la  Crufca 
a  levé  une  partie  de  ces  difficultés  dans 
fon  célèbre  vocabulaire.  L'académie  Fran- 
ç,oife,  raSTemblant  dans  fon  fein  l'univer- 
falité  des  connoi (Tances  ,  des  poètes  ,  des 
orateurs,  des  mathématiciens,  des  physi- 
ciens ,  des  naturalises ,  des  gens  du  monde, 
des  philofopjies ,  des  militaires ,  6k  étant 
bien  déterminée  à  n'écouter  dans  fes  élec- 
tions que  le  befoin  qu'elle  aura  d'un  talent 
plutôt  que  d'un  autre ,  pour  la  perfection 
de  fon  travail ,  il  feroit  incroyable  qu'elle 
ne  fuivît  pas  ce  plan  général  ,  6k  que 
fon  ouvrage  ne  devînt  pas  d'une  utilité 
«STentielle  à  ceux  qui  s'occuperont  à  per- 
fectionner la  foible  efquifle  que  nous  pu- 
blions. 

Elle  n'aura  pas  oublié  fans  doute  de  dési- 
gner nos  gallicifmes  ,  ou  les  différens  cas 
dans  lefquels  il  arrive  à  notre  langue  de 
s'écarter  des  loix  de  la  grammaire  générale 
raifonnée  ;  car  un  idiotilme  ou  un  écart  de 
cette  nature ,  c'eft  la  même  chofe.  D'où  l'on 
voit  encore  qu'en  tout  il  y  a  une  mefure 
invariable  ck  commune ,  au  défaut  de  la- 
quelle on  ne  connoit  rien  ,  on  ne  peut  rien 
apprécier ,  ni  rien  définir  ;  que  la  grammaire 
générale  raifonnée  eft  ici  cette  mefure ,  ck 
que  fans  cette  grammaire  ,  un  dictionnaire 
de  langue  manque  de  fondement,  puifqu'ii 
n'y  a  rien  de  fixe  à  quoi  onpuifTe  rapporter 
les  cas  embarrafïans  qui  fe  préfentent;  rien 
qui  puifle  indiquer  en  quoi  confifte  la  diffi- 
culté; rien  qui  défigne  le  parti  qu'il  faut 
prendre  :  rien  qui  donne  la  raiSbn  de  préfé- 
rence entre  plufieurs  folutions  oppofées  ; 
rien  qui  interprète  Pufage,  qui  le  combatte, 
ou  le  juftifie  ,  comme  cela  fe  peut  fouvent. 
Car  ce  feroit  un  préjugé  que  de  croire  que 
la  langue  étant  la  baie  du  commerce  parmi 
tes  hommes ,  des  défauts  imponans  puiifent  J 


E  N  C  379 

y  fubfifter  long-temps,  fans  être  apperçus 
ck  corrigés  par  ceux  qui  ont  Tefprit  jufte 
ck  le  cœur  droit.  Il  eft  donc  vraifemblable 
que  les  exceptions  à  la  loi  générale  qui  res- 
teront ,  feront  plutôt  des  abréviations ,  des 
énergies ,  des  euphonies ,  ck  autres  agré- 
mens  légers ,  que  des  vices  considérables. 
On  parle  fans  cette;  on  écrit  fans  ceffe  ; 
on  combine  les  idées  ck  les  lignes  en  une 
infinité  de  manières  différentes  ;  on  rapporte 
toutes  ces  combinaifons  au  jour  de  la  fyn- 
taxe  univerfelle  ;  on  les  y  afTujettit  tôt  ou 
tard  ,  pour  peu  qu'il  y  ait  d'inconvénient  à 
les  en  affranchir  ;  ck  lorfque  cet  affervifle- 
ment  n'a  pas  lieu  ,  c'eft  qu'on  y  trouve  un, 
avantage  qu'il  eft  quelquefois  difficile,  mais 
qu'il  feroit  toujours  impoftible  de  développer 
fans  la  grammaire  raifonnée ,  l'analogie  ck 
l'étymologie  que  j'appellerai  les  ailes  de  l'art 
de  parler ,  comme  on  a  dit  de  la  chrono- 
logie ck  de  la  géographie,  que  ce  font  les 
yeux  de  l'hiftoire. 

Nous  ne  finirons  pas  nos  obfervations  fur 
la  langue  ,  fans  avoir  parlé  de  fynonymes. 
On  les  multiplieroit  à   l'infini,  fi   on  ne 
commençoit  par  chercher  quelque  loi  qui 
en  fixât  le  nombre.  Il  y  a  dans  toutes  les 
langues  des  expreflions  qui  ne  différent  que 
par  des  nuances  très-délicates.  Ces  nuances 
n'échappent  ni  à  l'orateur,  ni  au  poète  qui 
connoitTent  leur  langue;  mais  ils  les  négli- 
gent à  tout  moment ,  l'un  contraint  par  la  ' 
difficulté  de  fon  art ,  l'autre  entraîné  par 
l'harmonie  du  fien.  C'eft  de  cette  considé- 
ration  qu'on  peut  déduire  la  loi  générale 
dont  on  a  befoin.  Il  ne  faudra  traiter  comme 
fynonymes  que  les  termes  que  la  poéfie 
prend  pour  tels  ;  afin  de  remédier  à  la  con- 
fufion  qui  s'introduiroit  dans  la  langue  par 
l'indulgence  que  l'on  a  pour  la  rigueur  des 
loix  de  la.  vérification.  Il  ne  faudra  traiter 
comme  fynonymes  que  les  termes  que  l'art 
oratoire  fubftitue   indistinctement  les  uns 
aux  autres ,  afin  de  remédier  à  la  confufion 
qui  s'introduiroit  dans  la  langue ,  par  le 
charme  de  l'harmonie  oratoire  qui  tantôt 
préfère  ck  tantôt  facrifie  le  mot  propre  , 
abandonnant  le  jugement  du  bon  fens  &C 
de  la  raifon,  pour  fe  foumettre  à  celui  de 
l'oreille;  abandon  qui  paroît  d'abord  l'extra- 
vagance la  plus  manifefte  ck  la  plus  con- 
traire à  l'exactitude  ck  à  la  vérité  ;  mais  qui 
BbJ>  a 


380  E  N  C 

devient,  quand  on  y  réfléchir,  le  fondement 
de  la  finette ,  du  bon  goût,  de  la  mélodie 
du  ftyle ,  de  fon  unité  ,  ck  des  autres  qua- 
lités de  l'élocution  ,  qui  feules  avilirent  l'im- 
mortalité aux  produ&ions  littéraires.  Le  fa- 
crifice  du  mot  propre  ne  fe  faifant  jamais 
que  dans  les  occafions  où  l'efprit  n'en  eft 
pas  trop  écarté  par  fexpreffion  mélodieufe, 
alors  l'entendement  le  fupplée  ;  le  difcours 
fe  rectifie  ;  la  période  demeure  harmo- 
nieufe  ;  je  vois  la  chofe  comme  elle  eft  ; 
je  vois  de  plus  le  caractère  de  l'auteur  ,  le 
prix  qu'il  a  attaché  lui-même  aux  objets 
dont  il  m'entretient ,  lapaffion  qui  l'anime; 
le  fpectacle  fe  complique,  fe  multiplie,  ck 
en  même  proportion ,  l'enchantement  s'ac- 
croît dans  mon  efprit  ;  l'oreille  eft  contente, 
ck  la  vérité  n'eft  point  offenfée.  Lorfque  ces 
avantages  ne  pourront  fe  réunir ,  l'écrivain 
le  plus  harmonieux,  s'il  a  de  la  jufteffe  ck 
du  goût ,  ne  fe  réfoudra  jamais  à  abandon- 
ner le  mot  propre  pour  fon  fynonyme.  11 
en  fortifiera  ou  affoiblira  la  mélodie  à  l'aide 
d'un  correctif;  il  variera  les  temps ,  ou  il 
donnera  le  change  à  l'oreille  par  quelque 
autre  finefTe.  Indépendamment  de  l'har- 
monie, il  faut  encore  laiffer  le  mot  propre 
pour  un  autre,  toutes  les  fois  que  le  pre- 
mier réveille  des  idées  petites,  baffes,  ob- 
fcenes ,  ou  rappelle  des  fenfations  défagréa- 
bles.  Mais  dans  les  autres  circonstances , 
•  ne  feroit-il  pas  plus  à  propos ,  dira-t-on  , 
de  laiffer  au  lecteur  le  foin  de  fuppléer  le 
mot  harmonieux  que  celui  de  fuppléer  le 
mot  propre  ?  Non ,  quand  il  feroit  aufli 
facile  à  l'oreille,  le  mot  propre  étant  donné, 
d'entendre  le  mot  harmonieux ,  qu'à  l'efprit, 
le  mot  harmonieux  étant  donné  ,  de  trouver 
le  mot  propre.  Il  faut,  pour  que  l'effet  de 
la  mufique  foit  produit  ,  que  la  mufique 
foit  entendue  :  el!e  ne  fe  fuppofe  point  ; 
elle  n'eft  rien ,  fi  l'oreille  n'en  eft  pas  réelle- 
ment affectée. 

On  recueillera  toutes  les  exprefïïons  que 
nos  grands  poètes  ck  nos  meilleurs  orateurs 
auront  employées  ck  pourront  employer 
indistinctement.  C'eft  fur-tout  la  poftérité 
qu'il  faut  avoir  en  vue.  C'eft  encore  une 
mefure  invariable.  Il  eft  inutile  de  nuancer 
les  mots  qu'on  ne  fera  point  tenté  de  con- 
fondre ,  quand  la  langue  fera  morte.  Au 
delà  de  cette  limite ,  l'art  de  faire  des  fyno- , 


EN  C 

nymes  devient  un  travail  aum*  étendu  que 
puéril.  Je  voudrois  qu'on  eût  deux  autres 
attentions  dans  la  diftinction  des  mots  fyno- 
nymes  :  l'une  de  ne  pas  marquer  feulement 
les  idées  qui  différencient ,  mais  celles  en- 
core qui  font  communes.  M.  l'abbé  Girard 
ne  s'eft  affervi  qu'à  la  première  partie  de 
cette  loi  ;  cependant  celle  qu'il  a  négligée 
n'eft  ni  moins  effentielle  ,  ni  moins  difficile 
à  remplir.  L'autre  ,  de  choifir  fes  exemples 
de  manière  qu'en  expliquant  la  diverfité 
des  acceptions ,  on  expofât  en  même  temps 
les  ufages  de  la  nation,  fes  coutumes ,  fon 
caractère,  feu  vices,  fes  vertus,  (es  prin- 
cipales tranfactions ,  &c.  ck  que  la  mémoire 
de  fes  grands  hommes ,  de  fes  malheurs , 
ckde  fes  profpérités ,  y  fût.rappellée.  Il  n'en 
coûtera  pas  plus  de  rendre  un  fynonyme 
utile ,  fenfé ,  inftructif  ck  vert.ueux ,  que  de 
le  faire  contraire  à  l'honnêteté  ou  vuide  de 
fens. 

Ajoutons  à  ces  obfervations  un  moyen 
fimpie  ck  raifonnable  d'abréger  la  nomen- 
clature ,  ck  d'éviter  les  redites.  L'académie 
Françoife  l'avoit  pratiqué  dans  la  première 
édition  de  fon  dictionnaire;  ck  je  ne  penfe 
pas  qu'elle  y  eût  renoncé  en  faveur  des 
lecteurs  bornés ,  fi  elle  eût  confidéré  com- 
bien il  étoit  facile  de  les  fecourir.  Ce  moyen 
d'abréger  la  nomenclature,  c'eft  de  ne  pas 
diftribuer  en  plufieurs  articles  féparés ,  ce 
qui  doit  naturellement  être  renfermé  fous 
un  feul.  Faut-il  qu'un  dictionnaire  con- 
tienne autant  de  fois  un  mot,  qu'il  y  a  de 
différences  dans  les  vues  de  l'efprit?  L'ou- 
vrage devient  infini ,  ck  ce  fera  néceffaire- 
ment  un  chaos  de  répétitions.  Je  ne  ferois 
donc  de  précipitable  ,  précipiter ,  précipi- 
tant ,  précipitation  y  ^précipité ,  précipice  , 
ck  de  toute  autre  expreftion  femblable, 
qu'un  article  auquel  je  renverrois  dans  tous 
les  endroits  où  l'ordre  alphabétique  rnof- 
friroit  des  expreflions  liées  par  une  même 
idée  générale  ck  commune.  Quant  aux  diffé- 
rences ,  le  fubftantif  défigne  ou  la  chofe  , 
ou  la  perfonne  ,  ou  l'action  ,  ou  la  fenfa- 
tion ,  ou  la  qualité  ,  ou  le  temps ,  ou  le 
lieu  ;  le  participe  ,  l'action  confidérée  ou 
comme  poiîible  ,  ou  comme  préfente  ,  ou 
comme  paffée  ;  l'infinitif,  l'action  relative- 
ment à  un  agent ,  à  un  lieu  ,  ck  à  un  temps 
quelconque  indéterminé.  Multiplier  les  dé- 


E  N  C 

finitions  félon  toutes  ces  faces,  ce  n'eftpas 
définir  les  termes  ;  c'eft  revenir  fur  les 
mêmes  notions  à  chaque  face  nouvelle 
qu'un  terme  préfente.  N'eft-il  pas  évident 
que  ce  qui  convient  à  une  exprefîion  con- 
fédérée une  fois  fous  ces  points  de  vue  diffé- 
rens ,  convient  à  toutes  celles  qui  admet- 
tront dans  la  langue  la  même  variété?  Je 
remarquerai  que  pour  la  perfection  d'un 
idiome  ,  il  feroit  à  fouhaiter  que  les  termes 
y  euffent  toute  la  variété  dont  ils  font  fuf- 
ceptibles.  Je  dis  dont  ils  font  fufcepdbUs  , 
parce  qu'il  y  a  des  verbes  ,  tels  que  les 
neutres,  qui  excluent  certaines  muances; 
ainfi  aller  ne  peut  avoir  l'adjectif  allable. 
Mais  combien  d'autres  dont  il  n'en  eft  pas 
ainfl ,  6k  dont  le  produit  eft  limité  fans 
raifon  ,  malgré  le  befoin  journalier ,  6k  les 
embarras  d'une  difette  qui  fe  fait  particuliè- 
rement fentir  aux  écrivains  exacts  ck  laconi- 
ques ?  Nous  difons  accufuteur  ,  accufcr  , 
accvfation  ,  accufant  ,  accufé ,  6k  nous  ne 
difons  pas  accufable  ,  quoiqu' '/ nexcufable 
foit  d'ufage.  Combien  d'adjectifs  qui  ne  fe 
meuvent  point  vers  le  fubftantif,  6k  de 
fubftantifs  qui  ne  fe  meuvent  point  vers 
l'adjectif!  Voilà  une  fource  féconde  où  il 
refte  encore  à  notre  langue  bien  des  richef- 
{es  à  puifer.  Il  feroit  bon  de  remarquer  à 
chaque  exprefîion  les  muances  qui  lui  man- 
quent, afin  qu'on  ofât  les  fuppléer  de  notre 
temps ,  ou  de  crainte  que  trompé  dans  la  fuite 
par  l'analogie ,  on  ne  les  regardât  comme  des 
manières  de  dire,  en  ufage  dans  le  bon  fiecle. 

Voilà  ce  que  j'avois  à  expofer  fur  la  lan- 
gue. Plus  cet  objet  avoit  été  négligé  dans 
notre  ouvrage ,  plus  il  étoit  important 
relativement  au  but  d'une  Encyclopédie  ; 
plus  il  convenoit  d'en  traiter  ici  avec  éten- 
due ;  ne  fût-ce ,  comme  nous  l'avons  dit  , 
que  pour  indiquer  les  moyens  de  réparer  la 
faute  que  nous  avons  commife.  Je  n'ai  point 
parlé  de  la  fyntaxe  ,  ni  des  autres  parties  du 
rudiment  François;  celui  qui  s'en  eft  char- 
gé ,  n'a  rien  laiffe  à  defirer  là-defïus  ;  6k 
notre  dictionnaire  eft  complet  de  ce  côté. 

Mais  après  avoir  traité  de  la  langue  ,  ou 
du  moyen  de  tranfmettre  les  connoifîances, 
cherchons  le  meilleur  enchaînement  qu'on 
puiffe  leur  donner. 

Il  y  a  d'abord  un  ordre  général ,  celui 
qui  diftingue  ce  dictionnaire  de  tout  autre 


'E  N  C  ,  38r 

ouvrage  où  les  matières  font  pareillement 
fourni fes  à  l'ordre  alphabétique  ;  l'ordre 
qui  l'a  fait  appeller  Encyclopédie.  Nous  ne 
dirons  qu'une  chofe  de  cet  enchaînement 
considéré  par  rapport  à  toute  la  matière 
encyclopédique  ,  c'eft  ce  qu'il  n'eft  pas  pof- 
iible  à  l'architecte  du  génie  le  plus  fécond  , 
d'introduire  autant  de  variété  dans  la  conf- 
truction  d'un  grand  édifice ,  dans  la  décora- 
tion de  fes  façades  ,  dans  la  combinaifon  de 
(es  ordres  ,  en  un  mot ,  dans  toutes  les  par- 
ties de  fa  diftribution,  que  l'ordre  encyclopé- 
dique en  admet.  Il  peut  être  formé  ,  foit  en 
rapportant  nos  différentes  connoifîances  aux 
diverfes  facultés  de  notre  aine  ("c'eft  ce 
fyftême  que  nous  avous  fuivij ,  foit  en  les 
rapportant  aux  êtres  qu'elles  ont  pour  ob- 
jet ;  6k  cet  objet  eft  ou  de  pure  curiofité, 
ou  de  luxe  ,  ou  de  néceflité.  On  peut  divi- 
fer  la  fcience  générale  ,  ou  en  fcience  des 
chofes  ck  en  fcience  des  fîgnes,  ou  en  fcience 
des  concrets ,  ou  en  fcience  des  abftraits. 
Les  deux  caufeslesplu»  générales,  l'art  6k  la 
nature  donnent  auffi  une  belle  ck  grande 
diftribution.  On  en  rencontrera  d'autres 
dans  la  diftinction  ou  du  phyfique  ck  du 
moral  ;  de  l'exiftant  6k  du  poffible  ;  du  ma- 
tériel 6k  du  fpirituel;  du  réel  6k  de  l'intelli- 
gible. Tout  ce  que  nous  favons  ne  découle- 
t-il  pas  de  l'ufage  de  nos  fens  6k  de  celui 
de  notre  raifon  ?  N'eft-il  pas  ou  naturel  ou 
révélé?  Ne  font-ce  pas  ou  des  mots,  ou  des 
chofes  ,  ou  des  faits  ?  Il  eft  donc  impoflible 
de  bannir  l'arbitraire  de  cette  grande  diftri- 
bution première.  L'univers  ne  nous  offre 
que  des  être  particuliers ,  infinis  en  nom- 
bre ,  6k  fans  pre (qu'aucune  divifion  fixe  6k 
déterminée  ;  il  n'y  en  a  aucun  qu'on  puiïTe 
appeller  ou  le  premier  ou  le  dernier  ;  tout 
s'y  enchaîne  6k  s'y  fuccede  par  des  nuances 
infenfibles  ;  6k  à  travers  cette  uniforme  im- 
menfité  d'objets  ,  s'il  en  paroît  quelques- 
uns  qui ,  comme  des  pointes  de  rochers , 
femblent  percer  la  furface  6k  la  dominer,  ils 
ne  doivent  cette  prérogative  qu'à  des 
fyftêmes  particuliers ,  qu'à  des  conventions 
vagues ,  qu'à  certains  événemens  étrangers , 
6k  non  à  l'arrangement  phyfique  des  êtres 
6k  à  l'intention  de  la  nature.  Voye^  h  Prof 
peclus.  . 

En  général ,  la  defcription  d'une  machine 
peut  être  entamée  par  quelque  partie  que 


S$i  ENC 

<ce  Toit.   Plus   la  machine  fera  grande  & 
compliquée,  plus  il  y  aura  de  liaifons  entre 
fes  parties ,  moins  on  connoîtra  ces  liaifons  ; 
plus  on  aura  de  différens  plans  de  descrip- 
tion. Que  fera-ce  donc  fi  ta  machine  eft  in- 
finie en  tout  Cens;  s'il  eft  quefiion  de  l'uni- 
vers réel  &   de   l'univers  intelligible ,  ou 
d'un  ouvrage  qui  foit  comme  l'empreinte 
de   tous   les   deux?  L'univers,  foit  réel, 
foit  intelligible ,  a  une  infinité  de   points 
de  vue  fous  lefquels  il   peut  être   repré- 
senté ,  ck  le  nombre  des  fyftêmes  poftibles 
de  la  connoifTance  humaine  eft  aufîi  grand 
que  celui   de  ces  points  de    vue.  Le  feul 
d'où  l'arbitraire  feroit  exclu  ,  c'eft,  comme 
nous    l'avons  dit  dans  notre  Profpeclus  , 
le  fyftême   qui   exiftoit   de  toute  éternité 
dans  la  volonté  de  Dieu.  Et  celui  où  l'on 
defcendroit  de  ce  premier  Être  éternel,  à 
tous  les  êtres  qui ,  dans  les  temps  ,  émanè- 
rent de  fon  fein,  reftembleroit  à  l'hypo- 
thefe  agronomique  dans  laquelle  le  philo- 
fophe  fe  tranfporte  en  idée  au  centre  du  fo- 
leil ,  pour  y  calculer  les  phénomènes  des 
corps  célefte?  qui  l'en  vironnent;  ordonnance 
qui  a  de  la  fimplicité  ck  de  la  grandeur  , 
mais  à  laquelle  on  pourroit  reprocher  un 
défaut  important  dans  un  ouvrage  compofé 
par   des  philofophes  ,   ck  adiefle  à   tous 
les  hommes  ck  à  tous  les  temps  ;  le  défaut 
d'être  lié  trop  étroitement  à  notret  héologie, 
fcience  fublime ,  utile  fans  doute  par  les 
connoifïances  que  le  chrétien  en  reçoit , 
mais  plus  utile   encore    par  les   facrifices 
qu'elle  en  exige,  ckles  récompenfes qu'elle 
lui  promet. 

Quant  à  ce  fyftême  général  d'où  l'arbi- 
traire feroit  exclu  ,  ck  que  nous  n'aurons 
jamais  ;  peut-être  ne  nous  feroit-il  pas  fort 
avantageux  de  l'avoir;  car  quelle  différence 
y  auroit-il  entre  la  lecture  d'un  ouvrage  où 
tous  les  relTorts  de  l'univers  feroient  déve- 
loppés ,  ck  l'étude  même  de  l'univers  ?  pref- 
qu'aucune  :  nous  ne  ferions  toujours  capa- 
bles d'entendre  qu'une  certaine  portion  de 
ce  grand  livre  ;  ck  pour  peu  que  l'impatience 
ek  la  curiofité  qui  nous  dominent  ck  inter- 
rompent fi  communément  le  cours  de  nos 
observations,  jetafTent  de  défordre  dans 
nos  lecteurs,  nos  connoifTances  devien- 
droient  aufîi  ifolées  qu'elles  le  font  ;  per- 
dant la  chaîne  des  inductions,  ck  ceffant 


ENC 

d'appercevoir  les  liaifons  antérieures  6k  fur> 
féquentes  ,  nous  aurions  bientôt  les  mêmes 
vuides  6k  les  mêmes  incertitudes.  Nous 
nous  occupons  maintenant  à  remplir  ces 
vuides ,  en  contemplant  la  nature  ;  nous 
nous  occuperions  à  les  remplir,  en  médi- 
tant un  volume  immenfe  qui ,  n'étant  pas 
plus  parfait  à  nos  yeux  que  l'univers  ,  ne 
feroit  pas  moins  expofé  à  la  témérité  de 
nos  doutes  &  de  nos  objections. 

Puifque  la  perfection  abfolue  d'un  plan 
univerfel  ne  remédieroit  point  à  la  foibîefïe 
de  notre  entendement,  attachons-nous  à 
ce  qui  convient  à  notre  condition  d'homme, 
ck  contentons-nous  de  remonter  à  quelque 
notion  très-générale.  Plus  le  point  de  vue 
d'où  nous  confidéronsles  objets  fera  élevé; 
plus  il  nous  découvrira  d'étendue,  6k  plus 
l'ordre  que  nous  fuivrons  fera  inftruc"r.if  6k 
grand.  Il  faut  par  conféquent  qu'il  foit 
fîmple ,  parce  qu'il  y  a  rarement  de  la  gran- 
deur fans  fimplicité;  qu'il  foit  clair  6k  fa- 
cile ;  que  ce  ne  foit  point  un  labyrinthe 
tortueux  où  l'on  s'égare,  6k  où  l'on  n'ap- 
perçoive  rien  au  delà  du  point  où  l'on  eft  ; 
mais  une  grande  6k  vafte  avenue  qui  s'étende 
au  loin  ,  6k  fur  la  longueur  de  laquelle  on 
en  rencontre  d'autres  également  bien  dif- 
tribuées,  qui  conduifent  aux  objets  folitai- 
res  6k  écartés  par  le  chemin  le  plus  facile  6k 
le  plus  court. 

Une  confidération,  fur-tout ,  qu'il  ne  faut 
point  perdre  de  vue, c'eft  que  fi  l'on  bannit 
l'homme  ou  l'être  penfant  6k  contemplateur 
de  defîus  la  furface  de  la  terre  ;  ce  fpe&acle 
pathétique  6k  fublime  de  la  nature  n'eft 
plus  qu'une  fcene  trifte  &  muette.  L'univers 
fe  tait  ;  le  filence  6k  la  nuit  s'en  emparent. 
Tout  fe  change  en  une  vafte  folitude  où  les 
phénomènes  inobfervés  fe  pafTent  d'une 
manière  obfcure  6k  fourde.  C'eft  la  préfence 
de  l'homme  qui  rend  l'exiftence  des  ê:res 
intérefTante  ;  6k  que  peut-on  fe  propofèr  de 
mieux  dans  l'hiftoire  de  ces  êtres,  que  de 
fe  foumettre  à  cette  confidération  ?  Pour- 
quoi n'introduirons  -nous  pas  1  homme  dans 
notre  ouvrage ,  comme  il  eft  placé  dans  l'uni- 
vers? Pourquoi  n'en  ferons -nous  pas  un 
centre  commun?  Eft-il  dans  l'efpace  infini 
quelque  point  d'où  nous  puiflions ,  avec  plus 
d'avantage,  faire  partir  les  lignes  immenfes 
que  nous  nous  propoibns  détendre  à  tous 


E  N  C 

les  autres  points  ?  Quelle  vive  Se  douce 
réaction  n'en  réfultera-t-il  pas  des  êtres  vers 
l'homme,  dei'homme  vers  les  êtres? 

Voilà  ce  qui  nous  a  déterminés  à  chercher 
dans  les  facultés  principales  de  l'homme, 
la  diviSion  générale  à  laquelle  nous  avons 
Subordonné  notre  travail.  Qu'on  fuive  telle 
autre  voie  qu'on  aimera  mieux ,  pourvu 
qu'on  ne  Subftitue  pas  à  l'homme  un  être 
muet,  infenfible  &  froid.  L'homme  eft  le 
terme  unique  d'où  il  faut  partir  ,  &  au- 
quel il  faut  tout  ramener ,  fi  l'on  veut  plaire , 
intéreiTer ,  toucher  jufque  dans  les  confidé- 
rations  les  plus  arides  &  les  détails  les  plus 
fecs.  Abftraction  faite  de  mon  exiftence  & 
du  bonheur  de  mes  Semblables,  que  m'im- 
porte le  refte  de  la  nature  ? 

Uu  fécond  ordre  ,  non  moins  efTentie! 
que  le  précédent,  eft  celui  qui  détermi- 
nera l'étendue  relative  des  différentes  par- 
ties de  l'ouvrage.  J'avoue  qu'il  fe  préfente 
ici  une  de  ces  difficultés  qu'il  eft  impoffi- 
ble  de  Surmonter  quand  on  commence  , 
&:  qu'il  eft  difficile  de  Surmonter  à  quel- 
que édition  qu'on  parvienne.  Comment 
établir  une  jufte  proportion  entre  les  diffé- 
rentes parties  d'un  fi  grand  tout  ?  Quand 
x:e  tout  feroit  l'ouvrage  d'un  feul  homme, 
la  tâche  ne  feroit  pas  facile  :  qu'eft-ce  donc 
que  cette  tâche ,  lorfque  le  tout  eft  l'ou- 
vrage d'une  fociété  nombreufe  ?  En  com- 
parant un  dictionnaire  univerfel  &c  raifonné 
de  la  connoiftance  humaine  à  une  ftatue 
coloffale  ,  on  n'en  eft  pas  plus  avancé  , 
puiSqu'on  ne  Sait  ni  comment  déterminer 
la  hauteur  abSolue  du  colofle  ,  ni  par 
quelles  Sciences ,  ni  par  quels  arts  Ses  mem- 
bres différens  doivent  être  représentés. 
Quelle  eft  la  matière  qui  Servira  démodule  ? 
Sera-ce  la  plus  noble ,  la  plus  utile,  la  plus 
importante,  ou  la  plus  étendue?  Préfére- 
ra-t-on  la  morale  aux  mathématiques ,  les 
mathématiques  à  la  théologie  ,  la  théo- 
logie à  la  jurisprudence,  la  jurisprudence, 
à  l'hiftoire  naturelle ,  &c.  Si  l'on  s'en  tient 
à  certaines  expreffions  génériques  que  per- 
sonne n'entend  de  la  même  manière ,  quoi- 
que tout  le  monde  s'en  Serve  Sans  contra- 
diction, parce  que  jamais  on  ne  s'explique; 
&  fi  l'on  demande  à  chacun ,  ou  des  élé- 
mens  ,-  ou  un  traité  complet  &  général , 
on  ne  tardera  pas  à  s'appercevoir  combien 


E  N   C  383 

cette  mefure  nominale  eft  vague  &  in- 
déterminée. Et  celui  qui  aura  cru  prendre, 
avec  Ses  différens  collègues  ,  des  précau- 
tions telles  que  les  matériaux  qui  lui  Seront 
remis  cadreront  à  peu  près  avec  Son  plan  , 
eft  un  homme  qui  n'a  nul'e  idée  de  Son 
objet  ,  ni  des  collègues  qu'il  s'aiïccie. 
Chacun  a  Sa  manière  de  Sentir  &  de  voix. 
Je  me  Souviens  qu'un  artifteàquije  croyois 
avoir  expoSé  aftez  exactement  ce  qu'il 
avoit  à  Saire  pour  Son  art  ,  m'apporta  , 
d'après  mon  diScours ,  à  ce  qu'il  préten- 
doit,  Sur  la  manière  de  tapiiïer  en  papier, 
qui  demandoit  à  peu  près  un  feuillet  d'é- 
criture  &  une  demi -planche  de  deflïn  , 
dix  à  douze  planches  énormément  char- 
gées de  figures  ,  &  trois  cahiers  épais  in- 
folio-, d'un  caractère  fort  menu  ,  à  fournir 
un  à  deux  volumes  in-dou^e.  Un  autre  , 
au  contraire,  à  qui  j'avois  preferjt  exacte- 
ment les  mêmes  règles  qu'au  premier  , 
m'apporta,  Sur  une  des  manufactures  les 
plus  étendues  par  la  diverfité  des  ouvrages 
qu'on  y  fabrique ,  des  matières  qu'on  y 
emploie ,  des  machines  dont  on  Se  Sert  &c 
des  manœuvres  qu'on  y  pratique,  un  petit 
catalogue  de  mots  Sans  définition  ,  Sans 
explication ,  Sans  figure  ,  m'aïTurant  bien 
fermement  que  Son  art  ne  contenoit  rien 
de  plus  :  il  Suppofoit  que  le  refte ,  ou  n'é- 
toit  point  ignoré  ,  ou  ne  pouvoit  s'écrire. 
Nous  avions  eSpéré  d'un  de  nos  amateurs 
les  plus  vantés ,  l'article  Ccmpofition  en 
Peinture.  {  M.Watelet  ne  nous  avoit  point 
encore  offert  (es  Secours.)  Nous  reçûmes 
de  Y  amateur  deux  lignes  de  définition  , 
Sans  exactitude  ,  Sans  ftyle  &  Sans  idées, 
avec  l'humiliant  aveu  au  il  n'en  favoit  pas 
davantage  ;  St  je  fus  obligé  de  faire  l'article 
Compofition  en  Peinture,  moi  qui  ne  Suis 
ni  amateur  ni  peintre.  Ces  phénomènes 
ne  m'étonnerent  point.  Je  vis,  avec  aufïi 
peu  de  SurpriSe ,  la  même  diverfité  entre 
les  travaux  des  Savans  &  des  gens  de  lettres. 
La  preuve  en  Subfifte  en  cent  endroits  de 
cet  ouvrage.  Ici  nous  Sommes  bourSouflés 
&  d'un  volume  exorbitant  ;  là  ,  maigres, 
petits ,  meSquins ,  Secs  &  décharnés.  Dans 
un  endroit,  nous  refiemblons  à  des  Sque- 
lettes ;  dans  un  autre ,  nous  avons  un  air 
hydropique,  nous  Sommes  alternativement 
nains  &  géans ,  coloftes  ck  pygmées  9  droits, 


384  EN  C 

bien  faits  &  proportionnés  ,  boffus ,  boi-  ' 
teux  &  contrefaits.  Ajoutez  à  toutes  ces 
bizarreries  celle  d'un  difcours  tantôt  abf- 
trait ,  obfcur  ou  recherché ,  plus  fouvent 
négligé  ,  traînant  &  lâche  ;  &  vous  com- 
parerez l'ouvrage  entier  au  monftre  de  l'art 
poétique  ,  ou  même  à  quelque  chofe  de 
plus  hideux.  Mais  ces  défauts  font  infé- 
parables  d'une  première  tentative  ,  &  il 
m'eft  évidemment  démontré  qu'il  n'appar- 
tient qu'au  temps  &  aux  fiecles  à  venir 
de  les  réparer.  Si  nos  neveux  s'occupent 
de  V Encyclopédie,  fans  interruption  ,  ils 
pourront  conduire  l'ordonnance  de  Ces 
matériaux  à  quelque  degré  de  perfection  : 
mais  ,  au  défaut  d'une  mefure  commune 
&c  confiante ,  il  n'y  a  point  de  milieu  ;  il 
faut  d'abord  admettre  fans  exception  tout 
ce  qu'une  fcience  comprend ,  abandonner 
chaque  matière  à  elle-même  ,  &  ne  lui 
prefcrire  d'autres  limites  que  celles  de  fon 
objet.  Chaque  chofe  étant  alors  dans  X En- 
cyclopédie ce  qu'elle  eft  en  foi ,  elle  y  aura 
fa  vraie  proportion  ,  fur -tout  lorfque  le 
temps  aura  prefTé  les  connoifTances ,  &: 
réduit  chaque  fujet  à  fa  jufte  étendue.  S'il 
arrivoit,  après  un  grand  nombre  d'éditions 
fuccefîlvement  perfectionnées ,  que  quel- 
que matière  importante  reftât  dans  le  même 
état,  comme  il  pourroit  aifément  arriver 
parmi  nous  à  la  minéralogie  Ô£  à  la  mé- 
tallurgie ,  ce  ne  fera  plus  la  faute  de  l'ou- 
vrage ,  mais  celle  du  genre  humain  en  gé- 
néral ,  ou  de  la  nation  en  particulier,  dont 
les  vues  ne  fe  feront  pas  encore  tournées 
fur  ces  objets. 

J'ai  fait  fouvent  une  obfervation ,  c'eft 
que  l'émulation  qui  s'allume  nécefTairement 
entre  des  collègues ,  produit  des  difTerta- 
tions  au  lieu  d'articles.  Tout  l'art  des  ren- 
vois ne  peut  alors  remédier  à  la  diffufîon  ; 
&,  au  lieu  de  lire  un  article  (^Encyclopé- 
die ,  on  fe  trouve  embarqué  dans  un  mé- 
moire académique.  Ce  défaut  diminuera 
à  mefure  que  les  éditions  fe  multiplieront  ; 
les  connoifTances  fe  rapprocheront  nécef- 
fairement;  le  ton  emphatique  &  oratoire 
s'affoibîira  ;  quelques  découvertes,  devenues 
plus  communes  ck  moins  intéreffantes ,  oc- 
cuperont moins  d'efpace;  il  n'y  aura  plus 
que  les  matières  nouvelles,  les  découvertes 
du  jour  qui  feront  enflées.  C'eft  une  forte» 


EMC 

de  condefeendance  qu'on  aura  dans  tous 
les  temps  pour  l'objet,  pour  l'auteur, 
pour  le  public ,  &c.  Le  moment  pafTé  ,  cet 
article  fubira  la  circoncifion  comme  les  au- 
tres. Mais,  en  général,  les  inventions  & 
les  idées  nouvelles  introduifant  une  difpro- 
portion  nécefTaire,  &  la  première  édition 
étant  celle  de  toutes  qui  contient  le  plus  de 
chofes  ,  finon  récemment  inventées ,  du 
moins  aufîi  peu  connues  que  fi  elles avoient 
ce  caractère,  il  eft  évident,  &  par  cette 
raifon  &  par  celles  qui  précèdent,  que  c'eft 
l'édition  où  il  doit  régner  le  plus  de  défor- 
dre,  mais  qui  en  revanche  montrera ,  à  tra- 
vers fes  irrégularités ,  un  air  original  qui 
paffera  difficilement  dans  les  éditions  avi- 
vantes. 

Pourquoi  l'ordre  encyclopédique  eft-il  fî 
parfait  &  fi  régulier  dans  l'auteur  Anglois  ? 
C'eft  que,  fe  bornant  à  compiler  nos  dic- 
tionnaires &  à  analyfer  un  petit  nombre 
d'ouvrages ,  n'inventant  rien  ,  s'en  tenant 
rigoureufement  aux  chofes  connues ,  tout 
lui  étant  également  intérefTant  ou  indiffé- 
rent, n'ayant  ni  d'acception  pour  aucune 
matière ,  ni  de  moment  favorable  ou  dé- 
favorable pour  travailler,  excepté  celui  de 
la  migraine  ou  âu/pleen  ,  c'étoit  un  labou- 
reur qui  traçoit  fon  fillon  fuperheiel  , 
mais  égal  &  droit.  Il  n'en  eft  pas  ainfi  de 
notre  ouvrage  :  on  fe  pique ,  on  veut  avoir 
des  morceaux  d'appareil  :  c'eft  même  peut- 
être  en  ce  moment  ma  vanité  ;  l'exemple  de 
l'un  en  entraîne  un  autre.  Les  éditeurs  fe 
plaignent ,  mais  inutilement  :  on  fe  pré- 
vaut de  leurs  propres  fautes ,  contre  eux- 
mêmes  ,  &  tout  fe  porte  à  l'excès.  Les  ar- 
ticles de  Chambers  font  afTez  régulièrement 
diftribués  ;  mais  ils  font  vuides.  Les  nôtres 
font  pleins,  mais  irréguliers.  Si  Cham- 
bers eût  rempli  les  fiens ,  je  ne  doute 
point  que  fon  ordonnance  n'en  eût  fouf- 
fert. 

Un  troifieme  ordre  eft  celui  qui  expofe 
la  diftribution  particulière  à  chaque  partie. 
Ce  fera  le  premier  morceau  qu'on  exigera 
d'un  collègue.  Cet  ordre  ne  me  paroît  pas 
entièrement  arbitraire  ;  il  n'en  eft  pas  d'une 
fcience  ainfi  que  de  l'univers.  L'univers  eft 
l'ouvrage  infini  d'un  Dieu.  Une  fcience 
eft  un  ouvrage  fini  de  l'entendement  hu- 
main. Il  y  a  des  premiers  principes  ,  des 

notions 


E  N  C 

notions  générales,  des  axiomes  donnés. 
Voilà  les  racines  de  l'arbre.  Il  faut  que  cet 
arbre  fe  ramifie  le  plus  qu'il  fera  poiHble  ; 
qu'il  parte  de  l'objet  général  comme  d'un 
tronc  ;  qu'il  s'élève  d'abord  aux  grandes 
branches  ou  premières  divilions  ;  qu'il  pafTe 
de  ces  maîtreffes  branches  à  de  moindres 
rameaux  ;  &  ainfi  de  fuite ,  jufqu'à  ce  qu'il 
fè  foit  étendu  jufqu'aux  termes  particuliers 
qui  feront  comme  les  feuilles  &  la  cheve- 
lure de  l'arbre.  Et  pourquoi  ce  détail  feroit- 
il  impoffible?  Chaque  mot  n'a-t-il  pas  fa 
place ,  ou  ,  s'il  eft  permis  de  s'exprimer 
ainfi  ,  Con  pédicule  &  fon  infertion?  Tous 
ces  arbres  particuliers  feront  foigneufement 
recueillis  ;  &  ,  pour  préfenter  les  mêmes 
idées  fous  une  image  plus  exade ,  l'ordre 
encyclopédique  général  fera  comme  une 
mappemonde  où  l'on  ne  rencontrera  que 
les  grandes  régions;  les  ordres  particuliers, 
comme  des  cartes  particulières  de  royau- 
mes ,  de  provinces ,  de  contrées  ;  le  dic- 
tionnaire, comme  l'hifloire  géographique 
et  détaillée  de  tous  les  lieux  ;  la  topogra- 
phie générale  &  raifonnée  de  ce  que  nous 
connoiflbns  dans  le  monde  intelligible  & 
dans  le  monde  vifible  ;  &  les  renvois  fer- 
viront  d'itinéraires  dans  ces  deux  mondes  , 
dont  le  vifible  peut  être  regardé  comme 
l'ancien,  &  l'intelligible  comme  le  nou- 
veau. 

Il  y  a  un  quatrième  ordre  moins  général 
qu'aucun  des  précédens  ;  c'cît  celui  qui 
difhibue  convenablement  plufieurs  articles 
différens  compris  fous  une  même  dénomi- 
nation. Il  paroît  ici  néceflfaire  de  s'aflujettir 
à  la  génération  des  idées  ,  à  l'analogie  des 
matières  ,  à  leur  enchaînement  naturel ,  de 
paffer  du  fimple  au  figuré  ,  &c.  Il  y  a  des 
termes  folitaires  qui  font  propres  à  une 
ieule  fcience  ,  &  qui  ne  doivent  donner 
aucune  follicitude.  Quant  à  ceux  dont 
l'acception  varie  y  &  qui  appartiennent  à 
plufieurs  fciences  &  à  plufieurs  arts  ,  il 
faut  en  former  un  petit  fyftême  dont  l'ob- 
jet principal  foit  d'adoucir  &  de  pallier 
autant  qu'on  pourra  la  bizarrerie  des  dis- 
parates. Il  faut  en  compofer  le  tout  le 
moins  irrégulier  &  le  moins  découfu;  & 
le  laiffer  conduire ,  tantôt  par  les  rapports , 
quand  il  y  en  a  de  marqués  ,  tantôt  par 
l'importance  des  matières:  &,  au  défaut 
Tome  XIL 


E  N  C  385; 

des  rapports ,  par  des  tours  originaux  qui 
le  préfenteront  d'autant  plus  fréquemment 
aux  éditeurs  ,  qu'ils  auront  plus  de  génie , 
d'imagination  &  de  connoiflances.  Il  y  a 
des  matières  qui  ne  fc  féparent  point  , 
telles  que  l'hifloire  facrée  &  l'hifloire 
profane ,  la  théologie  &  la  mythologie  , 
l'hifloire  naturelle ,  la  phyfique ,  la  chy- 
mie  &  quelles  arts,  &c.  La  fcience 
étymologique ,  la  connoiflance  hiftorique 
des  êtres  &  des  noms  fourniront  auflî  un 
grand  nombre  de  vues  différentes ,  qu'on 
pourra  toujours  fuivre  fans  crainte  d'être 
embarrafTé  ,  obfcur  ou  ridicule. 

Au  milieu  de  ces  différens  articles  de 
même  dénomination  à  diitribuer  ,  l'éditeur" 
fe  comportera  comme  s'il  en  étoit  l'auteur  ; 
il  fuivra  l'ordre  qu'il  eût  fuivi  s'il  eût  eu 
à  confidérer  le  mot  fous  toutes  Ces  accep- 
tions. Il  n'y  a  point  ici  de  loi  générale  à 
prefcrire  ;  on  en  connoîtroit  une ,  que  le 
moindre  inconvénient  qu'il  y  auroit  à  la 
fuivre ,  ce  feroit  l'ennui  de  l'uniformité. 
L'ordre  encyclopédique  général  jetteroit 
de  temps  en  temps  dans  des  arrangemens 
bizarres.  L'ordre  alphabétique  donneroit  à 
tout  moment  des  contrafles  burlefques  ;  un  ' 
article  de  théologie  fe  trouveroit  relégué 
tout  au  travers  des  arts  méchaniques.  Ce 
qu'on  obfèrvera  commuMement  &  fans; 
inconvénient ,  c'eft  de  débuter  par  l'accep- 
tion fimple  &  grammaticale  ;  de  tracer 
fous  l'acception  grammaticale  un  petit  ta- 
bleau en  raccourci  de  l'article  en  entier  ; 
d'y  préfenter  en  exemples  autant  de  phra- 
Ces  différentes  qu'il  y  a  d'acceptions  diffé- 
rentes ;  d'ordonner  ces  phrafes  entr'elles  , 
comme  les  différentes  acceptions  du  mot 
doivent  être  ordonnées  dans  le  refle  de 
l'article  ;  à  chaque  phrafe  ou  exemple ,  de 
renvoyer  à  l'acception  particulière  dont  il 
s'agit.  Alors  on  verra  prefque  toujours  la  ' 
logique  fuccéder  à  la  grammaire ,  la  mé- 
taphyfique  à  la  logique,  la  théologie  à  la 
métaphyfique  ,  la  morale  à  la  théologie,  la  ' 
jurifprudence  à  la  morale  ,  &c.  malgré  la 
diverfité  des  acceptions ,  chaque  article 
traité  de  cette  manière  formera  un  enfem-* 
ble  ;  & ,  malgré  cette  unité  commune  à 
tous  les  articles,  il  n'y  aura  ni  trop  d'uni-' 
formité ,  ni  monotonie.  J'infifie  fur  lali-' 
berté  &   la  variété  de    cette  difiribution  ,; 

C  ce 


$M  E  N  C 

parce  qu'elle  efl  en  même  temps  commode  , 
utile  &  raisonnable.  Il  en  efl  de  la  formation 
d'une  Encyclopédie  ainfi  que  de  la  fonda- 
tion d'une  grande  ville.  Il  n'en  faudroit 
pas  conftruire  toures  les  maifons  fur  un 
même  modèle  ,  quand  on  auroit  trouvé  un 
modèle  général,  beau  en  lui-même  &  con- 
venable à  tout  emplacement.  L'uniformité 
des  édifices  ,  entraînant  l'«niformité  des 
voies  publiques  ,  répandroit  fur  la  ville  en- 
tière un  afpect  trifte  &  fatigant.  Ceux  qui 
marchent  ne  réfiftent  point  à  l'ennui  d'un 
long  mur,  ou  même  d'une  longue  foret  qui 
les  a  d'abord  enchantés. 

Un  bon  efprit  (&  il  faut  fuppofer  au 
moins  cette  qualité  dans  un  éditeur)  faura 
mettre  chaque  chofe  à  fa  place ,  &  il  n'y 
a  pas  à  craindre  qu'il  ait  dans  les  idées  afïez 
peu  d'ordre ,  ou  dans  l'efprit  afïez  peu  de 
goût  pour  entremêler  fans  nécelhté  des  ac- 
ceptions difparates.  Mais  il  y  auroit  auffi 
de  l'injuffice  à  l'accufer  d'une  bizarrerie  qui 
ne  feroit  que  la  fuite  nécefTaire  de  la  diver- 
fité  des  matières ,  des  imperfections  de 
la  langue,  &  de  l'abus  des  métaphores, 
qui  tranfporte  un  même  mot  de  la  bou- 
tique d'un  artifan  fur  les  bancs  de  la  Sor- 
bonne ,  &  qui  raffemble  les  choies  les  plus 
hétérogènes  fous  une  commune  dénomi- 
nation. 

Mais  quel  que  foit  l'objet  dont  on  traite  , 
ilfaut  expofer  le  genre  auquel  il  appartient , 
fà  différence  fpécifique ,  ou  la  qualité  qui 
le  diftingue ,  s'il  y  en  a  une  ;.  ou  plutôt 
l'afîemblage  de  celles  qui  le  constituent; 
(car  il  réfulte  de  cet  afîèmblage  une  diffé- 
rence néceflaire  ,  fans  quoi  deux  ou  plu- 
iîeurs  êtres  phyfiques  étant  abfolumentles 
mêmes  au  jugement  de  tous  nos  fens , 
nous  ne  les  difHnguerions  pas);  {es  caufes  ,, 
quand  on  les  connoît  ;  ce  qu'on  fait  de  {es 
effets  ;  {es  qualités  actives  &  paflives  ;  fon 
objet ,  fa  fin  , .  fes  ufages  ;  les  fingularités 
qu'on  y  remarque;  fa  génération;  fon 
accroifïement  ;  {es  viciffitudes  ;  {es  dimen- 
fions  ;  fon  dépérifïèment ,  &c.  d'où  il 
s'enfuit  qu'un  même  "lobjet  confidéré  fous 
tant  de  faces  ,  doit  fouvent  appartenir,  à 
plufieurs  feiences  'y  &  qu'un  mot,  pris  fous 
une  feule  acception,  fournira  plufieurs  arti- 
cles difïerens.  S'il  s'agit ,  par  exemple  ,  de 
quelque  fubilance  minérale ,  c'eû  commu- 


ENC 

nément  le  grammairien  ou  le  mmralifl* 
qui  s'en  empare  le  premier  ;  il  la  tranimet 
au  phyficien  ;  celui-ci  au  chymifte  ;  le  chy- 
mifie  au  pharmacien  ;  le  pharmacien  au 
médecin  ,  au  cuifinier ,  au  peintre  ,  au  tein- 
turier ,  &c. 

D'où  naît  un  cinquième  ordre  qui  fera 
d'autant  plus  facile  à  infhtuer  ,  que  les 
collègues  fe  feront  renfermés  plus  rigou- 
reufement  dans  les  bornes  de  leurs  parties, 
&  qu'ils  auront  bien  faifi  le  point  de  vue 
fous  lequel  ils  avoient  à  conlidérer  la  chofe 
individuelle  dont  il  s'agit.  Une  énuméra- 
tion  méthodique  &  raifonnée  des  qualités 
déterminera  ce  cinquième  &  dernier  ordre 
qui  fera  aufli  fufceptible  d'une  grande  va- 
riété. La  fuite  des  procédés  par  lefquels  on 
fait  paffer  une  lubfiance  ,  félon  l'ufage  au-* 
quel  on  la  deftine ,  fuggérera  la  place  que 
chaque  notion  do;t  oeccuper.  Au  refte,  je 
penfe  qu'il  faut  lahTer  les  collègues  s'expli-. 
quer  féparément.  Le  travail  des  éditeurs 
feroit  infini ,  s'ils  avoient  à  fondre  tous  leursv 
articles  en'  un  feul  ;  il  convient  d'ailleurs 
de  réferver  à  chacun  l'honneur  de.  (on  tra- 
vail ,  &  au  lecteur  la  commodité  de  ne. 
confulter  que  l'endroit  d'un,  article  dont  h\ 
a  befom.. 

J'exige  feulement  de  la  méthode ,  queiJe 
qu'elle  foit.  Je  ne  voudrois  pas  qu'il,  y  eût 
un  feul  article  capital,  fans  divifion  &  fans- 
fubdivifion.    C'efl    l'ordre    qui  foulage  la: 
mémoire  :  mais  il  efl  difficile  qu'un. auteur 
prenne    cette  attention   pour   le  lecteur    y> 
qu'elle  ne  tourne  à  fon   propre  avantage. 
Ce  n'eft  qu'en    méditant  profondément  fa- 
matière  qu'on  trouve  une  difiVibution    gé-„ 
nérale..  C'èfl  prefque   toujours  la  dernière 
idée  importante  qu'on  rencontre.  C'efr  une 
penfée  unique  qui  fe   développe,   qui  s'é-*. 
tend  &  qui  fe  ramifie,   en  fè   nourriflant; 
de  toutes  les  autres  qui  s'en  rapprochent 
comme  dalles-mêmes.  Celles  qui  fè  relu-, 
fent-  à  cette  efpece  d'attraction,  ou    font 
trop  éloignées  de  fa  fphere,  ou    elles  ont 
quelqu'autre  défaut  plus  confidérable  ;  &  ,. 
dans  l'un  &  l'autre  cas  ,.il  eftà  propos  de 
les,  rejeter.  D'ailleurs  ,  un  dictionnaire  efl 
fait  pour  être  confulté  ;   &  le  point  efTen- 
tiel ,  c'èfl  que  le    lecteur   remporte  nette- 
ment dans  fi  mémoire   le    réfultat    de  fa 
lecture..  Une.  marche  à  laquelle  il  faudroit. 


ENC 

s'aflujcttir  quelquefois ,  parce  qu'elle  repré- 
fente  affez  bien  la  méthode  d'invention  , 
c'eft  de  partir  des  phénomènes  individuels 
&  particuliers ,  pour  s'élever*  à  des  con- 
noiffances  plus  étendues5  &  moins  fpécifi- 
ques  ;  de  celles-ci  à  de  plus  grandes  en- 
core ,  jufqu'à  ce  qu'on  arrivât  à  la  fcience 
des  axiomes  ou  de  ces  proportions  que  leur 
(implicite  ,  leur  univerlàlité  y  leur  évidence 
rendent  indémontrables  :  car,  en  quelque 
matière  que  ce  foit  ,  on  n'a  parcouru 
tout  l'efpace  qu'on  avoit  à  parcourir  ,  que 
quand  on  eft  arrivé  à  un  principe  qu'on 
ne  peut  ni  prouver ,  ni  définir ,  ni  éclair- 
cir ,  ni  obfcurcir ,  ni  nier ,  fans  perdre 
une  partie  du  jour  dont  on  étoit  éclairé , 
&  faire  un  pas  vers  des  ténèbres  qui 
finiroient  par  devenir  très-profondes ,  fi 
on  ne  mettoit  aucune  borne  à  l'argumen- 
tation. 

Si  je  penfe  qu'il  y  a  un  point  au  delà  du- 
quel il  eft  dangereux  de  porter  l'argumen- 
tation ,  je  peniè  aufîi  qu'il  ne  faut  s'arrêter , 
que  quand  on  eft  bien  fur  de  l'avoir  atteint. 
Toute  fcience  ,  tout  art  a  fa  métaphyfiquc. 
Cette  partie  eft  toujours  abftraite  ,  élevée 
&  difficile.  Cependant  ce  doit  être  la  prin- 
cipale d'un  dictionnaire  philofophique  ;  & 
l'on  peut  dire  que  tant  qu'il  y  refte,  à  défri- 
cher,  il  y  a  des  phénomènes  inexplicables  , 
&  réciproquement.  Alors  l'homme  de  let- 
tres ,  le  favant  &  l'artifte  marchent  dans 
les  ténèbres  ;  s'ils  font  quelques  progrès  , 
ils  en  font  redevables  au  hazard  ;  ils  arrivent 
comme  un  voyageur  égaré  qui  fuit  la  bonne 
voie  (ans  le  (avoir.  Il  eft  donc  de  la  der- 
nière importance  de  bien  expofer  la  méta- 
phyfique  des  chofes  ,  ou  leurs  raifons  pre- 
mières &  générales  ;  le  refte  en  deviendra 
plus  lumineux  &  plus  afluré  dans  l'efprit. 
Tous  ces  prétendus  myfteres  tant  reprochés 
à  quelques  fciences ,  &  tant  allégués  par 
d'autres  pour  pallier  les  leurs ,  difcutés 
métaphyfiquement ,  s'évanouifîènt  comme 
les  fantômes  de  la  nuit  à  l'approche  du  jour. 
L'art  éclairé  dès  le  premier  pas  s'avancera 
Purement  ,  rapidement ,  &  toujours  par  la 
voie  la  plus  courte.  Il  faut  donc  s'attacher 
à  donner  les  raifons  des  chofes ,  quand  il 
y  en  a  ;  à  afîigner  les  caufes ,  quand  on  les 
connoît;  à  indiquer  les  effets,  lorfqu'ils 
(ont  certains  ;  à  réfoudre  les  nœuds  par  une 


ENC  387 

application  directe  des  principes;  à  démon- 
trer les  vérités  ;  à  dévoiler  les  erreurs  ;  à 
décréditer  adroitement  les  préjugés  ;  à  ap- 
prendre aux  hommes  à  douter  &  à  attendre  ; 
à  difliper  l'ignorance  ;  à  apprécier  la  valeur 
des  connoiflances  humaines  ;  à  diftinguer 
le  vrai  du  faux  ,  le  vrai  du  vraifemblable  » 
le  vraifemblable  du  merveilleux  &  de  l'iff* 
croyable  ,  les  phénomènes  communs  des 
phénomènes  extraordinaires  ,  les  faits  cer- 
tains des  douteux  ,  ceux-ci  des  faits  abfur- 
des  &  contraires  à  l'ordre  de  la  nature  ;  à 
connoître  le  cours  général  des  événemens  , 
&  à  prendre  chaque  chofe  pour  ce  qu'elle 
eft ,  &  par  conféquent  à  infpirer  lasoût  de 
la  fcience,  l'horreur  du  menfonge  &toi  vice, 
&  l'amour  de  la  vertu  ;  car  tout  ce  qui  n'a 
pas  le  bonheur  &  la  vertu  pour  fin  dernière 
n'eft  rien. 

Je  ne  peux  fouffrir  qu'on  s'appuie  de 
l'autorité  des  auteurs  dans  les  queftions  de 
raifonnement  ;  &  qu'importe  à  la  vérité 
que  nous  cherchons,  le  nom  d'un  homme 
qui  n'eft  pas  infaillible  ?  Point  de  vers  fur- 
tout  ;  ils  ont  l'air  (i  foible  &  fi  mefquin  au 
travers  d'une  difcuflïon  philofophique.  H 
faut  renvoyer  ces  ornemens  légers  aux  arti- 
cles de  littérature  ;  c'eft  là  que  je  peux  les 
approuver,  pourvu  qu'ils  y  foient  placés 
par  le  goût ,  qu'ils  y  fervent  d'exemple  ,  & 
qu'ils  fanent  fortir  avec  force  le  défaut  qu'on 
reprend  ,  ou  qu'ils  donnent  de  l'éclat  à  la 
beauté  qu'on  recommande. 

Dans  ces  traités  (cientifiques ,  c'eft  l'en- 
chaînement des  idées  ou  des  phénomènes 
qui  dirige  la  marche;  à  mefure  qu'on  avance, 
la  matière  le  développe ,  (bit  en  fe  généra- 
lifant ,  foit  en  (è  particularifant ,  félon  la 
méthode  qu'on  a  préférée.  Il  en  fera  de 
même  par  rapport  à  la  forme  générale  d'un 
article  particulier  d'Encyclopédie ,  avec  cette 
différence  que  le  dictionnaire  ou  la  coordi- 
nation des  articles  aura  des  avantages  qu'on 
ne  pourra  guère  fe  procurer  dans  un  traité 
feientifique ,  qu'aux  dépens  de  quelque 
qualité  ;  &  de  ces  avantages  ,  elle  en  fera 
redevable  aux  renvois  ,  partie  de  l'ordre 
encyclopédique  la  plus  importante. 

Je  diftingue  deux  fortes  de  renvois  :  les 
uns  de  choies ,  &  les  autres  de  mots.  Les 
renvois  de  chofes  éclairciftent  l'objet ,  indi- 
quent (es   liaifons  prochaines  avec  ceux  qu^ 

Ceci 


3*8  ENC 

le  touchent  immédiatement ,  &  Tes  liaifons 
éloignées  avec  d'autres  qu'on  en  croiroit 
ifolés  ;  rappellent  les  notions  communes  & 
les  principes  analogues;  fortifient  les  con- 
féquences  ;  entrelacent  la  branche  au  tronc  , 
&  donnent  au  tout  cette  unité  fi  favorable 
ù  PétablifTement  de  la  vérité  &  àlaperfua- 
fion.  Mais  quand  il  le  faudra  ,  ils  produi- 
ront aufii  un  effet  tout  contraire  ;  ils  oppo- 
feront  les  notions;  ils  feront  contrafter  les 
principes  ;  ils  attaqueront ,  ébranleront , 
renverferont  fecrérement  quelques  opinions 
ridicules  qu'on  n'oferoit  infulter  ouverte- 
ment. Si  l'auteur  eft  impartial ,  ils  auront 
toujoujg  la  double  fonction  de  confirmer 
&  de^éfuter.,  de  troubler  &  de  conci- 
lier. 

Il  y  auroît  un  grand  art  &  un  avantage 
infini  dans  ces  derniers  renvois.  L'ouvrage 
entier  en  recevroit  une  force  interne  &  une 
•  utilité  fecrete,  dont  les  effets  fourds  feroient 
nécessairement  fenfibles  avec  le  temps.  Tou- 
tes les  fois  ,  par  exemple,    qu'un  préjugé 
-  national  mériteroit  du  refpect.  t   il  faudrait 
à  fon  article  particulier  fexpofer  refpedueu- 
fement ,  &  avec  tout  fon  cortège  de  vrai- 
femblance  &  de  féduction  ;  mais  renverfer 
l'édifice  de   fange,    diffiper  un  vain  amas 
de  pouffiere  ,  en.  renvoyant  aux  articles  où 
des  principes  folides   fervent  de  baie  aux 
vérités  oppofées.  Cette  manière  de  détrom- 
per les    hommes  opère  très-promptement 
fur  les  bons  efprits  ,  &  elle  opère  infaillible- 
ment &  fans  aucune  fâcheufe  conféquence  , 
fecrétement  &  fans  éclat ,  fur  tous  les  efprits, 
C'eft  l'art  de  déduire  tacitement  les  conié- 
quenees  les  plus  fortes.  Si   ces  renvois  de 
confirmation  &  de  réfutation  font  prévus 
de  loin ,  &  préparés  avec-  adrefîe  ,  ils  don- 
neront à  une  Encyclopédie  le  caractère  que 
doit  avoir  un  bon  dictionnaire  ;  ce  caractère 
eft  de  changer  lafaçon  commune  de  penfer. 
L'ouvrage  qui  produira  ce  grand  effet  gé- 
néral y  aura  des    défauts   d'exécution  ;  j'y 
confens.  Mais  le  plan  &  le  fonds  en  feront 
excellens.  L'ouvrage  qui  n'opérera  rien  de 
pareil,  fera  mauvais.  Quelque  bien  qu'on 
en  puiffe  dire  d'ailleurs ,  l'éloge  parlera ,  & 
l'ouvrage  tombera  dans  l'oubli. 

Les  renvois  de  mors  font  très-utiles.  Cha- 
que fcience  ,  chaque  art  a  fa  langue.  Où  en 
ièrok-on ,  ii  toutes  les  fois,  qu'on  emploie 


ENC 

un  tcrmt  d'art ,  il  falloir ,  en  faveur  de  îa 
clarté ,  en  répéter  la  définition  ?    Combien 
de  redites  !  &  peut-on  douter  que  tant  de 
digrefïïons  &  de  parenthefes ,  tant  de  lon- 
gueurs ne    rendiffênt    obfcur?  Il  eft  aufli 
commun  d'être  diffus  &  obfcur ,  qu'obfcur 
&  ferré  ;  &  fi  l'un  eft  quelquefois  fatigant  r 
l'autre  eft  toujours  ennuyeux.  II  faut   feu- 
lement, lorfqu'on    fait   ufage  de  ces  motss 
&  qu'on  ne  les  explique  pas  ,  avoir  l'atten- 
tion  la  plus  fcrupuleufe  de  renvoyer  aux 
endroits  où  il  en  eft  queftion  ,  &  auxquels 
on  ne  fèroit   conduit  que    par  l'analogie  , 
efpece  de  fil  qui  n'eft  pas  entre  les  mains 
de  tout  le    monde.  Dans  un  dictionnaire 
univerfel  des  fciences  &  des  arts ,  on  peut 
être  contraint ,  en  pluficurs  circonftances  ,  à 
fùppofer  du   jugement ,  de  l'efprit ,  de  la 
pénétration  ;  mais  il  n'y  en  a  aucune  où  l'on 
ait  dû  luppofer   des  connoiffances.    Qu  un 
homme  peu  intelligent  fe  plaigne  ,  s'il  le: 
veut,  ou  de  l'ingraritude  de  la  nature,  ou< 
de  la  difficulté  de  la  matière  ,  mais  non  de 
l'auteur ,  s'il  ne  lui  manque  rien  pour  en-> 
tendre  ,  ni  du  côté  des  chofes  ,  ni  du  côté, 
des  mots. 

Il  y  a  une  troifieme  forte  de  renvoi  «V 
laquelle  il  ne  fauf  ni  s'abandonner  ,  ni  fa 
refufèr  entièrement;  ce  font  ceux  qui  en 
rapprochant  dans  les  fciences  certains  rap-* 
ports,  dans,  des  fubftance.s  naturelles  de*, 
qualités  analogues,  dans  les  arts  des  ma-*- 
nœuvres  femblables  ,  conduiraient ,  ou  à  det: 
nouvelles  vérités  fpéculatives ,  ou  à  la  per-« 
fection  des  arts  connus ,  ou  à  l'invention 
de  nouveaux  arts,,  ou  à  la  reftiturion  d'an- 
ciens arts  perdus.  Ces  renvois  font  l'ouvrage 
de  l'homme  de  génie.  Heureux,  celui  qui' 
eft  en  état  de  les  appercevoir  :  il  a  cet  ef» 
prit  de  combinaifon,  cet  inftincl  que  j'ai 
défini  dans  quelques-unes  de  mespaiféesfur 
V interprétation  de  la  nature.  Mais  il  vaut 
encore  mieux  rifquer  des  conjectures  chi- 
mériques ,  que  d'en  laiffer  perdre  d'utiles  : 
c'eft  ce  qui  m'enhardit  à  propofer  celles  qui 
fûivenr. 

Ne  pourroit-on  pas  foupçonner  ,  fur  fin-, 
clinaifon  &  la  déclinailon  de  l'aiguille  ai- 
mantée,  que  fon  extrémité  décrit,  d'un 
mouvement*  compofé ,  une  petite  ellipfe 
femblable  à  celle  que  décrit  l'extrémité,  de 
.  l'axe  de  la  terre  ? 


E  N  C 

«  Sur  les  cas  très-rares  où  la  nature  nous 
offre  des  phénomènes  folitaires  qui  foient 
permanens  ,  tels  que  l'anneau  de  Saturne  , 
ne  pourroit-on  pas  faire  rentrer  celui-ci 
dans  la  loi  générale  &  commune  ,  en  con- 
fidérant  cet  anneau  ,  non  comme  un  corps 
continu  ,  mais  comme  un  certain  nombre 
de  fatellites  mus  dans  un  même  plan  ,  avec 
une  vîteflè  capable  de  perpétuer  fur  nos 
yeux  une  (énfation  non  interrompue  d'om- 
bre ou  de  lumière  ?  C'eft  à  mon  collègue 
M.  d'Alembert  à  apprécier  ces  conjec- 
tures. 

Ou,  pour  en  venir  à  des  objets  plus  voi- 
fins  de  nous ,  &  d'une  utilité  plus  certaine  , 
pourquoi  n'exécuteroit-on  pas  des  figures 
de  plantes ,  d'oifeaux  ,  d'animaux  &  d'hom- 
mes ,  en  un  mot ,  des  tableaux  fur  le  métier 
des  ouvriers  en  foie ,  où  l'on  exécute  déjà 
des  rieurs  &  des  feuilles  fi.  parfaitement 
nuancées  ? 

Quelle  impoffibilité  y  auroit-il  à  rem- 
plir iur  les  mêmes  métiers  les  fonds  de  ces 
tapiiTeries  en  laine  qu'on  fait  à  l'aiguille , 
&  à  ne  laifler  que  les  endroits  du  deffin 
à  nuancer ,  vuides  &  prêts  à  être  achevés, 
à  la  main ,  foit  en  laine  ,  ibit  en.  foie  ?  ce 
qui  donneroit  pour  la  célérité  de  l'exécu- 
tion de  ces  fortes  d'ouvrages  au  métier , 
celle  qu'on  a  dans  la  machine  à  bas  pour  la 
façon  des  mailles,  J'invite  les.  Artifïes  à 
méditer  là-delfus.. 

Ne  pourroit-on  pas  étendre  le  petit  art 
d'imprimer  ea  cara&eres  percés,  à  l'im- 
preflionou  à  la  copie  de  la  mufique?  On 
auroit  du.  papier  réglé.  Les  portées  de  ce 
papier  feroient  aufli  tracées,  fur  les  petites 
lames  des  caractères.  A  l'aide  de  ces  traits 
&  des  jours  mêmes  des  caractères,  on.  les 
rangeroit  facilement  fur  les  portées.  Les 
barres  qui  féparent  les  mefures  ,  celles  qui 
lient  les  notes,.  &  tous  les  fignes  de  la 
mufique  feroient  au  nombre  des  caractères. 
On  donneroit  aux  lames  des  largeurs  qui 
feroient  entr'elles  comme  les  valeurs  des 
notes  ;  conféquemment  les  notes,  occupe- 
roient  fur  une  portée  des  efpaces.  propor- 
tionnées à  leurs  valeurs  ,.  &  les  mefures  fe 
correfpondroient  rigoureufement  les  unes 
aux  autres  ,  fur  différentes  portées  ,  fans.  la 
moindre  attention  de  la  part  du  muficien. 
Cela  fait ,  on  auroit  un  châflj  qui  contien- 


E  N  C  $%9 

droit  chaque  portée  ,  qu'on  appliquerait 
fucceflivement  fur  autant  de  papiers  diffé- 
rens  qu'on  voudrait;  ce  qui  donneroit  au- 
tant de  copies  d'un  même  morceau.  La 
feule  peine  qu'il  fauefroit  prendre ,  ce  feroir 
de  hauffer  &  bai  fier  avec  un  petit  inftru- 
ment  les  petites  lames  mobiles  les  unes  entre 
les  autres ,  dans  les  endroits  où  elles  ne  cor- 
refpondroient pas  aufîî  exactement  qu'il  le 
faut,  foit  aux  lignes ,  foit  aux  entre-lignes. 
J'abandonne  le  jugement  de  cette  idée  à 
mon  ami  M.  Rouffeau. 

Enfin  ,  une  dernière  forte  de  renvoi  qui 
peut  être  ou  de  mot ,  ou  de  chofe  ,  ce  font 
ceux  que  j'appellerois  volontiers  fatiriques 
ou  épigrammatiques  :  tel  efï  ,  par  exemple  + 
celui  qui  fe  trouve  dans  un  de  nos  articles  r 
ou  à  la  fuite  d'un  éloge  pompeux  on  lit ,. 
voyei  CAPUCHON. Le  mot  burlefque  capu~ 
chon  ,  &  ce  qu'on  trouve  à  l'article  capu-~ 
chon ,  pourroit  faire  foupçonner  que  Féloge 
pompeux  n'eft  qu'une  ironie  ,  &  qu'il  faut- 
lire  l'article  avec  précaution  r  &  en  pefer 
exactement  tous  les  termes. 

Je  ne  voudrais  pas  fupprimer  entière— 
ment  ces  renvois,  parce  qu'ils  ont  quelque- 
fois leur  utilité.  On  peut  les  diriger  fecré— 
tement  contre  certains  ridicules  ,  comme 
les  renvois  philofophiques  contre  certains 
préjugés.  C'eft.  quelquefois  un-  moyen  dé- 
licat &  léger  de  repouffer  une  injure  ,  fans 
prefque  fe  mettre  fur  la  défenfive ,  & 
d'arracher  Le  mafque  à  de  graves  perfon- 
nages.,  qui  curios  Jimulant  Ù  bacchanalia. 
v.ivunt.  Mais  je  n'en  aime  pas  la  fréquence  ; 
celui  même  que  j'ai  cité,  ne  me  plaît  pas. 
De  fréquentes  allufions  de  cette  nature  cou- 
vriraient de  ténèbres  un  ouvrage.  La  pofté- 
rité  qui  ignore  de  petites,  circonftances  qui 
ne  méritoient  pas  de  lui  être  tranfmifes  , 
ne  fent  plus  la  fineffe  de  Pà-propos  ,.&  re- 
garde ces  mots  qui  nous  égaient,  comme 
des  puérilités.  Au  lieu  de  compofer  un 
dictionnaire  férieux  &  philofophique,  on 
tombe  dans  la  pafquinade..  Tout  bien  con- 
fidéré  ,  j'aimerois  mieux  qu'on  dît  la  vérité 
fans  détour  ,  &  que  ,  fi  par ,  malheur  ou. 
par  hafard  on  avoit  X  faire  à  des  hommes 
perdus  de  réputation  ,  fans  connoifîânces  , 
fans  mœurs.,  &  dont  le.  nom- fût  prefque 
devenu  un  terme  déshonnête ,  on  s'abfrînt 
de  les  nommer,  ou  par   pudeur,  ou  par 


390  E  N  C 

charité,  ou  qu'on  tombât  fur  eux  fans  mena-  ' 
gement ,  qu'on  leur  fît  la  honte  la  plus 
ignominieufe  de  leurs  vices,  qu'on  les  rap- 
peliât  à  leur  état  &  à  leurs  devoirs  par  des 
traits  fanglans  ,  &  qu'on  les  pourfuivît  avec 
l'amertume  de  Perfe  &  le  fiel  de  Juvénal  ou 
de  Bûcha nan. 

Je  fais  qu'on  dit  des  ouvrages  où  les  au- 
teurs fe  font  abandonnés  à  toute  leur  in- 
dignation :  Cela  efl  horrible  !  On  ne  traite 
point  les  gens  avec  cette  dureté-là  l  Ce  font 
des  injures  grojfîeres  qui  ne  peuvent  fe  lire  y 
&  autres  femblables  difeours  qu'on  a  tenus 
dans  tous  les  temps  ,  &  de  tous  les  ouvrages 
où  le  ridicule  &  la  méchanceté  ont  été 
peints  avec  le  plus  de  force,  &  que  nous 
liions  aujourd'hui  avec  le  plus  de  plaifir. 
Expliquons  cette  contradiction  de  nos  juge- 
mens.  Au  moment  où  ces  redoutables  pro- 
ductions furent  publiées ,  tous  les  méchans 
alarmés  craignirent  pour  eux  :  plus  un 
homme  étoit  vicieux  ,  plus  il  fe  plaignoit 
hautement.  Il  objectoit  au  fatirique  l'âge  , 
le  "rang  ,  la  dignité  de  la  perfonne  ,  &  une 
infinité  de  ces  petites  confidérations  pafTa- 
geres  qui  s'afFoibliffent  de  jour  en  jour  ,  & 
•qui  difparoiflènt  avant  la  fin  du  fiecle. 
Croit -on  qu'au  temps  où  Juvénal  aban- 
don noit  Meffaline  aux  portefaix  de  Rome , 
&  où  Perfe  prenoit  un  bas  valet ,  &  le 
transformoic  en  un  grave  perfonnage,  en 
un  magiftrat  refpectable  ,  les  gens  de  robe 
d'un  côté ,  &  toutes  les  femmes  galantes 
de  l'autre  ,  ne  fe  récrièrent  pas  ,  ne  dirent 
pas  de  ces  traits  ,  qu'ils  étoient  d'une  indé- 
cence horrible  &  punilTable  ?  Si  l'on  n'en 
croit  rien  ,  on  fê  trompe.  Mais  les  circonf- 
tances  momentanées  s'oublient  ;  la  poftérité 
ne  voit  plus  que  la  folie  ,  le  ridicule  ,  le 
vice  &  la  méchanceté  ,  couverts  d'igno- 
minie ,  &  elle  s'en  réjouit  comme  d'un 
acte  de  juftice.  Celui  qui  blâme  le  vice  légè- 
rement ,  ne  me  paroît  pas  aflêz  ami  de  la 
vertu.  On  eft  d'autant  plus  indigné  de  Pin- 
juftice ,  qu'on  eft  plus  éloigné  de  la  com- 
mettre; &  c'eft  une  foibleffe  repréhenfible 
que  celle  qui  nous  empêche  de  montrer, 
pour  la.  méchanceté ,  la  baffefïê ,  l'envie  , 
la  duplicité  ,  cette  haine  vigoureufe  & 
profonde  que  tout  honnête  homme  doit 
refTentir. 

.  Quelle  que  (bit  la  nature  des  renvois.,  on 


E  N  C_ 

ne  pourra  trop  les  multiplier.  Il  vaudroic 
mieux  qu'il  y  en  eût  de  fuperflus  que  d'omis. 
Un  des  effets  les  plus  immédiats  ,  &  des 
avantages  les  plus  importans  de  la  multipli- 
cité des  renvois  ,  ce  fera  premièrement ,  de 
perfectionner  la  nomenclature.  Un  article 
effentiel  a  rapport  à  tant  d'articles  différent, 
qu'il  fèroit  comme  impollible  que  quel- 
qu'un des  travailleurs  n'y  eût  pas  renvoyé. 
D'où  il  s'enfuit  qu'il  ne  peut  être  oublié  ; 
car  tel  mot  qui  n'eft  qu'acceflbire  dans  une 
matière  ,  eft  le  mot  important  dans  une 
autre.  Mais  il  en  fera  des  chofes  ainfi  que 
des  mots.  L'un  fait  mention  d'un  phéno- 
mène ;  l'autre  d'une  qualité  ,  &  renvoie  à 
l'article  de  la  fubftance  :  celui-ci  d'un  fyf- 
tême  ,  celui-là  d'un  procédé,  &  chacun 
fait  fon  renvoi  à  l'endroit  convenable  ,  non 
fur  ce  qu'il  contient ,  car  il  ne  lui  a  point 
été  communiqué ,  mais  fur  ce  qu'il  préfume 
y  devoir  être  contenu  ,  pour  éclaircir  &T 
compléter  l'article  qu'il  travaille.  Ainfi  à 
tout  moment  la  grammaire  renverra  à  la 
dialectique  ,  la  dialectique  à  la  métaphy- 
fique  ,  la  métaphyfique  à  la  théologie  ,  la 
théologie  à  la  jurifprudence ,  la  jurifpru- 
dence  à  l'hiftoire  ,  l'hiftoire  à  la  géographie 
&  à  la  chronologie  ,  la  chronologie  à  l'af- 
tronomie  ,  l'aftronomie  à  la  géométrie  ,  la 
géométrie  à  l'algèbre  ,  l'algèbre  à  l'arithmé- 
tique ,  &c.  Une  précaution  de  la  dernière 
conféquence  ,  c'eft  de  n'avoir  pas  allez 
bonne  opinion  de  fon  collègue  pour  croire 
qu'il  n'aura  rien  omis.  Il  y  a  tant  d'autres 
raifons  que  la  mauvaife  foi ,  foit  pour  paffer 
un  article ,  foit  pour  n'y  pas  traiter  tout  ce 
qui  eft  de  fon  objet,  qu'on  ne  peut  être 
trop  fcrupuleux  à  y  renvoyer. 

Ce  fera  féconde  ment ,  d'éviter  les  répéti- 
tions. Toutes  les  feiences  empiètent  les  unes 
fur  les  autres  :  ce  font  des  rameaux  conti- 
nus &  partant  d'un  même  tronc.  Celui  qui 
compofe  un  ouvrage  ,  n'entre  pas  dans  fon 
fujet  d'une  manière  abrupte  ,  ne  s'y  ren- 
ferme pas  en  rigueur ,  n'en  fort  pas  brus- 
quement :  il  eft  contraint  d'anticiper  fur  un 
terçain  voifin  du  fien  d'un  côté  ;  fes  confé- 
quences  le  portent  fouvent  dans  un  autre 
terrain  contigu  du  côté  oppofé  ;  &  combien 
d'autres  excurfions  néceuaires  clans  le  corps 
de  l'ouvrage  !  Quelle  eft  la  fin  des  avant- 
propos  ,  des  introductions  -,  des  préfaces , 


E  N  C 

des  exordes  ,  des  épifodes ,  des  digrefïïons  , 
des  conclufions  ?  Si  l'on  féparoit  fcrupu- 
leufèment  d'un  livre ,  ce  qui  eft  hors  du 
fujet  qu'on  y  traite  ,  on  le  réduiroit  prefque 
toujours  au  quart  de  Ton  volume.  Que  fait 
l'enchaînement  encyclopédique  ?  cette  cir- 
confeription  févere.  Il  marque  fi  exade- 
mentles  limites  d'une  matière  ,  qu'il  ne  refte 
dans  un  article ,  que  ce  qui  lui  eft  effentiel. 
Une  feule  idée  neuve  engendre  des  volumes 
fous  la  plume  d'un  écrivain  ;  ces  volumes  fè 
réduifent  à  quelques  lignes  fous  la  plume 
d'un  encyclopédie.  On  y  eft  afïèrvi ,  fans 
s'en  appercevoir  ,  à.  ce  que  la  méthode  des 
géomètres  a  de  plus  ferré  &  de  plus  précis. 
On  marche  rapidement'.  Une  page  préfente 
toujours  autre  chofe  que  celle  qui  la  devance 
ou  la  fuit.  Le  befoin  d'une  proposition , 
d'un  fait  ,  d'un  aphorifme ,  d'un  phéno- 
mène ,.  d'un  fyftême  ,.  n'exige,  qu'une  cita- 
taon  en  Encyclopédie  ,  non  plus  qu'en  géo- 
métrie. Le  géomètre  renvoie  d'un  théorème 
ou  d'un  problême  à  un  autre ,  &  l'encyclo- 
pédifte  d'un  article  à  un  autre.  Et  c'eft  ainfi 
que  deux  genres  d'ouvrages,  qui  paroiffent 
dune  nature  très-différente  ,  parviennent , 
par  un  même  moyen,  à  former  un  enfem- 
ble  très-ferré,  très-lié  ,  &  très-continu.  Ce 
que  je  dis  eft.  d'une  telle  exactitude  ,  que  la 
méthode  félon,  laquelle  les  mathématiques 
font  traitées  dans  notre  dictionnaire  ,  eft  la 
même  qu'on,  a  fuivie  pour  les  autres  ma- 
tières. Il  n'y  a  fous  ce  point  de  vue  aucune 
différence  entre,  un  article,  d'algèbre  ,  &.un 
article  de  théologie* 

Par  le  moyen  de  l'ordre  encyclopédique , 
de  Puniverfalité  des  connoifTances  &  de  la 
fréquence  des  renvois ,  les  rapports  aug- 
mentent ,  les  liaifons  fe  portent  en  tout 
fens  ,  la  force  de  la  démonftration  s'accroît , 
la  nomenclature  fe  complète  ,  les  connoiP 
fances  fe  rapprochent  &  fe  fortifient  ;  on 
apperçoit  ou  la  continuité ,  ou  les  vuides  de 
notre  fyftême  ,.  fes  côtés,  foibles  ,  {es  en- 
droits forts,,  &  d'un,  coup-d'œil:  quels 
font  les  objets  auxquels  il  importe  de  travail- 
ler pour  fa  propre  gloire ,  &  pour  la  plus 
grande  utilité  du  genre  humain. .  Si  notre 
dictionnaire  eft  bon,  combien .  il  produira 
d'ouvrages  meilleurs  !  j 

Mais  comment  un  éditeur  vérifiera-t-il 
jamais  Ces  renvois ,  s'il  n'a  pas  tout  fon  ma- 


E  N  C  301 

nuferit  fous  les  yeux?  Cette  condition  me 
paroît  d'une  telle  importance  ,  que  je  pro- 
noncerai de  celui  qui  fait  imprimer  la 
première  feuille  d'une  Encyclopédie ,  fans, 
avoir  prélu  vingt  fois  fa  copie  ,  qu'il  ne  fent 
pas  l'étendue  de  fa  fonction  ;  qu'il  eft  in- 
digne de  diriger  une  fi  haute  entreprife; 
ou  qu'enchaîné  ,  comme  nous  l'avons 
été  ,  par  des  événemens  qu'on  ne  peut 
prévoir  ,  il  s'eft  trouvé  inopinément  en- 
gagé dans  ce  labyrinthe,  &  contraint  par 
honneur  d'en  fortir.  le  moins  mal  qu'il 
pourroit.. 

Un  éditeur  ne  donnera  jamais  au  tout  un* 
certain  degré  de  perfection.,  s'il  n'en  pof- 
fede  les  parties  que  fuccefïivement.  Il  fe- 
roit  plus  difficile  de  juger  ainfi  de  l'enfem-- 
ble   d'un   dictionnaire   univerfel ,     que  de- 
l'ordonnance  générale  d'un  morceau  d'ar-- 
chitecture,.  dont  on  ne  verroit  les    diffé-- 
rens  ordres  que  féparés ,  &  les  uns  après  les 
autres.    Comment  n'omettra-t-il  pas    des 
renvois?   Comment   ne  lui  en.  échappera-, 
t-il  pas  d'inutiles,    de  faux,  de  ridicules?^ 
Un  auteur   renvoie  en    preuve  j.  du  moins, 
c'eft  fon  defïèin  ,.  &  il  fe  trouve  qu'il  a 
renvoyé  en  objection.  L'article  qu'un  autre 
aura  cité ,  ou  n'exiftera  point  du  tout ,  ou 
ne.  renfermera  rien  d'analogue  à  la  matière 
dont  il  s'agit.  Un  autre  inconvénient,  c'eft 
qu'il  ne  manque  quelque  portion,  du  ma- 
nuferit  que  parce  que  l'auteur  la  compofe 
à  mefure  que  l'ouvrage  s'imprime  ;  d'où  il 
arrivera  qu'abufant  des  renvois  pour  conful- 
ter  fon  loifir  -,  ou  pour  écouter  fa  parefîe  , 
la  matière  fera  mal  diftribuée  ,  les  premiers 
volumes  en  feront  vuides ,  les  derniers  fur- 
chargés  ,  &    l'ordre    naturel   entièrement 
perverti.  Mais  il  y  a  pis  à  craindre ,  c'eft 
que  ce  travailleur  ,  à  la  fin  accablé  feus  une 
multitude    prodigieufe  d'articles    renvoyés 
d'une  lettre  à  une  autre ,  ne  les  eftropie  ,  ou 
même  ne  les  fafîè  point  du  tout ,  &  ne  les 
remette  à  une  autre   édition.  Il   balancera 
d'autant  moins  à  prendre  ce  dernier  parti 
qu'alors  la  fortune  de  l'ouvrage  fera  faite, 
ou  ne  fe  fera  point.  Mais  dans  quel  étrange 
embarras  ne  tombera-t-on  pas ,  s'il  arrive 
que  le  collègue  ,  qui  ne  marche  dans  fon 
»  travail  qu'avec  l'impreffion ,  meure  ou  fbit 
furpris  d'une  longue  maladie?  L'expérience 
jious  a  malheureufement  appris  à  redouter 


$tji  E  N  C 

ces  événemens ,  quoique  le  public  ne  s'en 
foit  point  encore  appeçu. 

Si  l'éditeur  a  tout  ion  manufcrit  fous  Tes 
mains  ,  il  prendra  une  partie ,  il  la  fuivra 
dans  toutes  lès  ramifications.  Ou  elle  con- 
tiendra tout  ce  qui  efl  de  fon  objet ,  ou  elle 
fera  incomplète  ;  fi  elle  ell  incomplète ,  il 
eil  bien  difficile  qu'il  ne  foit  pas  inftruit  des 
omifllons  ,  par  les  renvois  qui  fe  feront  des 
autres  parties  à  celle  qu'il  examine  ,  comme 
les  renvois  de  celle-ci  à  d'autres  ,  lui  indi- 
queront ce  qui  fera  dans  ces  dernières  ,  ou 
ce  qu'il  y  faudra  fuppléer.  Si  un  mot  étoit 
tellement  ifolé ,  qu'il  n'en  fût  mention  dans 
aucune  partie  ,  foit  en  difcours,  foit  en 
renvoi  ,  j'ofe  afTurer  qu'il  pourroit  être 
omis  prefque  fins  conféquence.  Mais  penfe- 
t-on  qu'il  y  en  ait  beaucoup  de  cette  nature  , 
même  parmi  les  chofes  individuelles  &  par- 
ticulières ?  Il  faudroitque  celle  dont  il  s'agit , 
n'eut  aucune  place  remarquable  dans  les 
fciences,  aucune  efpece  utile  ,  aucun  ufage 
dans  les  arts.  Le  marronnier  d'Inde ,  cet 
arbre  fi  fécond  en  fruits  inutiles ,  n'efl  pas 
même  dans  ce  cas.  Il  n'y  a  rien  d'exiflant 
dans  la  nature  ou  dans  l'entendement  , 
rien  de  pratiqué  ou  d'employé  dans  les  atte- 
liers  ,  qui  ne  tienne  par  un  grand  nombre 
de  fils  au  fyflême  général  de  la  connoifTance 
humaine.  Si  au  contraire  la  chofe  omife 
étoit  importante  ;  pour  que  l'omiffion  n'en 
fut  ni  apperçue  ni  réparée ,  il  faudroiï  fup- 
pofer  au  moins  une  féconde  omiflîon  ,  qui 
en  entraînerait  au  moins  une  troifieme ,  & 
ainfi  de  fuite,  jufqu'à  un  être  folitaire , 
ifolé  ,  &  placé  fur  les  dernières  limites  du 
{yfleme.  Il  y  auroit  un  ordre  entier  d'êtres 
ou  de  notions  fupprimé  ;  ce  qui  ell  méta- 
phyfiquement  impofïïble.  S'il  refle  fur  la 
ligne  un  de  ces  êtres ,  ou  une  de  ces  no- 
tions ,  on  fera  conduit  de  là ,  tant  en  des- 
cendant qu'en  montant  ,  à  la  reflitution 
d'une  autre  ,  &  ainfi  de  fuite ,  jufqu'à  ce 
que  tout  l'intervalle  vuide  foit  rempli ,  la 
chaîne  complète  ,  &  l'ordre  encyclopé- 
dique continu. 

En  détaillant  ainfi  comment  une  vérita- 
ble Encyclopédie  doit  être  faite ,  nous  éta- 
blirons des  règles  bien  féveres  ,  pour  exa- 
miner &  juger  celle  que  nous  publions. 
Quelque  ufage  qu'on  faiTe  de  ces  règles , 
ou  pour  ou  contre  nous ,  elles  prouveront 


E  N  C 

du  moins  que  perfonne  n'étoit  plus  en 
état  que  les  auteurs  de  critiquer  leur  ou» 
vrage.  Refle  à  favoir  fi  nos  ennemis  , 
après  avoir  donné  jufqu'à  préfent  d'affez 
fortes  preuves  d'ignorance ,  ne  fe  réfou- 
dront  pas  à  en  donner  de  lâcheté ,  en  nous 
attaquant  avec  des  armes  que  nous 
n'aurons  pas  craint  de  leur  mettre  à  la 
main. 

La  prélecture  réitérée  du  manufcrit  com- 
plet ,  obvieroit  à  trois  fortes  de  fupplémens  > 
de  chofes  ,  de  mots  &  de  renvois.  Com- 
bien de  termes ,  tantôt  définis ,  tantôt  feu- 
lement énoncés  dans  le  courant  d'un  ar- 
ticle ,  &  qui  rentreraient  dans  l'ordre  al-  ■ 
phabétique  !  Combien  de  connoiffances 
annoncées  dans  un  endroit  où  on  ne  les 
chercheroit  pas  inutilement  !  Combien  de 
principes  qui  relient  ifolés,  &  qu'on  au- 
roit rapprochés  par  un  mot  de  réclame  ! 
Les  renvois  font  y  dans  un  article ,  comme 
ces  pierres  d'attente  qu'on  voit  inégalement 
féparées  les  unes  des  autres ,  &  faillan tes 
fur  les  extrémités  verticales  d'un  long  mur  , 
ou  fur  la  convexité  d'une  voûte,  &  dont 
les  intervalles  annoncent  ailleurs  de  pareils 
intervalles  ,  &  de  pareilles  pierres  d'attente. 

J'infifle  d'autant  plus  fortement  fur  la 
néceflîté  de  pofîéder  toute  la  copie  ,  que" 
ks  omifllons  font ,  à  mon  avis  ,  les  plus 
grands  défauts  d'un  dictionnaire.  Il  vaut 
encore  mieux  qu'un  article  foit  mal  fait, 
que  de  n'être  point  fait.  Rien  ne  cha- 
grine tant  un  lecîeur ,  que  de  ne  pas  trou- 
ver le  mot  qu'il  cherche.  En  voici  un 
exemple  frappant ,  que  je  rapporte  d'autant 
plus  librement ,  que  je  dois  en  partager  le 
reproche.  Un  honnête  homme  acheté  un 
ouvrage  auquel  j'ai  travaillé  :  il  étoit  tour- 
menté par  des  crampes ,  &  il  n'eut  rien 
de  plus  prefle  que  de  lire  l'article  crampe  : 
il  trouve  ce  mot ,  mais  avec  un  renvoi  à 
convulfion  ;  il  recourt  à  convitljion ,  d'où 
il  efl  renvoyé  à  mujele  ,  d'où  il  efl  ren- 
voyé à  fpafme ,  où  il  ne  trouve  rien  fur 
la  crampe.  Voilà ,  je  l'avoue  ,  une  faute 
bien  ridicule  ;  &  je  ne  doute  point  que 
nous  ne  Payions  commife  vingt  fois  dans 
Y  Encyclopédie.  Mais  nous  fommes  en  droit 
d'exiger  un  peu  cf indulgence.  L'ouvrage 
auquel  nous  travaillons ,  n'efl  point  de 
notre  choix  :  nous  n'avons  point  ordonné 

les 


E  NC 

les  premiers  matériaux  qu'on  nous  a  remis  , 
&  ou  nous  les  a  ,  pour  ainfi  dire  ,  jetés  dans 
une  confufîon  bien  capable  de  rebuter  qui- 
conque auroit  eu  ou  moins  d'honnêteté  ,  ou 
moins  de  courage.  Nos  collègues  nous  font 
témoins  des  peines  que  nous  avons  prifes 
8c  que  nous  prenons  encore  :  perfonne  ne 
fait  comme  eux  ,  ce  qu'il  nous  en  a  coûté  , 
&  ce  qu'il  nous  en  coûte  ,  pour  répandre 
fur  l'ouvrage  toute  la  perfection  d'une  pre- 
mière tentative  j  &c  nous  nous  fommes 
propofé  ,  finon  d'obvier  ,  du  moins  de 
iatisfaire  aux  reproches  que  nous  aurons  en- 
courus ,  en  relifant  notre  dictionnaire  , 
quand  nous  l'aurons  achevé ,  dans  le  deifein 
de  compléter  la  nomenclature,  la  matière 
&  les  renvois. 

Il  n'y  a  rien  de  minutieux  dans  l'exécu- 
tion d'un  grand  ouvrage  :  la  négligence  la 
plus  légère  a  des  fuites  importantes  :  le  ma- 
mifcrit  m'en  fournit  un  exemple  :  rempli  de 
noms  perfonnels  ,  de  termes  d'arts  ,  de 
caractères ,  de  chiffres  ,  de  lettres ,  de  cita- 
tions ,  de  renvois ,  &c.  l'édition  fourmil- 
lera de  fautes  ,  s'il  neft  pas  de  la  dernière 
exactitude.  Je  voudrois  donc  qu'on  invitât 
les  Encyclopédies ,  à  écrire  en  lettres  ma- 
ju feules  ,  les  mots  fur  le/quels  il  feroit  fa- 
cile de  fe  méprendre.  On  éviteroit ,  par  ce 
moyen  ,  prefque  toutes  les  fautes  d'impref- 
fion  ;  les  articles  feroient  corre&s  ,  les  au- 
teurs n'auroient  point  à  fe  plaindre  ,  &  le 
lecteur  ne  ièroit  jamais  perplexe.  Quoique 
nous  n'ayions  pas  eu  l'avantage  de  pofféder 
un  manuferit  tel  que  nous  l'aurions  pu  de- 
firer  j  cependant  il  y  a  peu  d'ouvrages  im- 
primés avec  plus  d'exactitude  &  plus  d'élé- 
gance que  le  nôtre.  Les  foins  &  l'habileté 
du  typographe  Font  emporté  fur  le  défordre 
&  les  imperfections  de  la  copie  \  &  nous 
n'offenferons  aucun  de  nos  collègues  ,  en 
affurant  que  dans  le  grand  nombre  de  ceux 
qui  ont  eu  quelque  part  à  l'Encyclopédie  ,  il 
n'y  a  perfbnue  qui  ait  mieux  fatisfait  à  Ces 
engagemens  ,  que  l'imprimeur.  Sous  cet  a£ 
pecl:  ,  qui  a  frappé  &  qui  frappera ,  dans 
tous  les  temps ,  les  gens  de  goût  &  les  bi- 
bliomanes  ,  les  éditions  fubfëquentes  égale- 
ront difficilement  la  première. 

Nous  croyons  fentir  tous  les  avantages 
d'une  entreprilè  telle  que  celle  dont  nous 
nous  occupons.  Nous  croyons  n'avoir  eu 
Tome  XII. 


E  N  C  593 

que  trop  d'oceafions  de  connoître  combien 
il  étoit  difficile  de  fortir  avec  quelque  fuc- 
ces  d'une  première  tentative  ,  6c  combien 
les  talens  d'un  feul  homme  ,  quel  qu'il  fût , 
étoient  au  deffous  de  ce  projet.  Nous 
avions  là-deffus  ,  long-temps  avant  que 
d'avoir  commencé  ,  une  partie  des  lumières, 
&  toute  la  défiance  qu'une  longue  médita- 
tion pouvoit  infpirer.  L'expérience  n'a 
point  affbibli  ces  difpofîtions.  Nous  avons 
vu ,  à  mefure  que  nous  travaillons ,  ,1a  ma- 
tière s'étendre  ,  la  nomenclature  s'obfcur- 
cir  ,  des  fubftances  ramenées  fous  une  mul- 
titude de  noms  différens ,  les  inftrumens  , 
les  machines  &  les  manœuvres  fe  multiplier 
fans  mefure  ,  &  les  détours  nombreux  d'un 
labyrinthe  inextricable  fè  compliquer  de 
plus  en  plus.  Nous  avons  vu  combien  il  en 
coûtoit  pour  s'affurer  que  les  mêmes  chofes 
étoient  les  mêmes  ,  &  combien  ,  pour  s'af- 
furer que  d'autres  qui  paroiffoient  très-dif- 
férentes ,  n'étoient  pas  différentes.  Nous 
avons  vu  que  cette  forme  alphabétique  ,  qui 
nous  ménageoit  à  chaque  inftant  des  repos , 
qui  répandoit  tant  de  variété  dans  le  travail , 
&  qui ,  fous  ces  points  de  vue  ,  paroiiToit  fi 
avantageufe  à  fuivre  dans  un  long  ouvrage  , 
avoit  les  difficultés  qu'il  falloit  furmonter 
à  chaque  inftant.  Nous  avons  ru  qu'elle 
expofoit  à  donner  aux  articles  capitaux  , 
une  étendue  immeniè ,  fî  l'on  y  faifoit  en- 
trer tout  ce  qu'on  pouvoit  affez  naturelle- 
ment efpérer  d'y  trouver  5  ou  à  les  rendre 
fecs  &  appauvris ,  fi  ,  à  l'aide  des  renvois , 
on  les  élaguoit ,  &  fi  l'on  en  excluoit  beau- 
coup d'.objets  qu'il  n'étoit  pas  pofîible  d'en 
fëparer.  Nous  avons  vu  combien  il  étoit 
important  &  difficile  de  garder  un  jufte 
milieu.  Nous  avons  vu  combien  il  échap- 
poit  de  choies  inexactes  &:  faufTes  \  com- 
bien on  en  ornettoit  de  vraies.  Nous  avons 
vu  qu'il  n'y  avoit  qu'un  travail  de  plu- 
fïeurs  fiecles ,  qui  pût  introduire  entre  tant 
de  matériaux  ralfemblés ,  la  forme  véritable 
qui  leur  convenoit  j  donner  à  chaque  par- 
tie fou  étendue  \  réduire  chaque  article  à 
une  jufte  longueur  \  fùpprimer  ce  qu'il  y  a 
de  mauvais  }  fuppléer  ce  qui  manque  de 
bon  ,  &  finir  un  ouvrage  qui  remplît  le  de£ 
fèin  qu'on  avoit  formé  ,  quand  on  l'entre  * 
prit.  Mais  nous  avons  vu  que  de  toutes  les 
difficultés  ,  une  tks'plus  conlidcrables , 
Ddd 


394  E  N'C 

détoit  de  îe  produire  une  fois ,  quelque  in- 
forme qu'il  fût ,  &  qu'on  ne  nous  raviroit 
pas  l'honneur  d'avoir  fiirmonté  cet  obfta- 
cle.  Nous  avons  vu  que  Y  Encyclopédie  ne 
pouvoir  être  que  la  tentative  d'un  fiecle 
philofophe  \  que  ce  fiecle  étoit  arrivé  ;  que 
la  renommée ,  en  portant  à  l'immortalité 
les  noms  de  ceux  qui  l'acheveroient ,  peut- 
être  ne  dédaigneroit  pas  de  fe  charger  des 
nôtres }  &  nous  nous  fommes  fèntis  rani- 
més par  cette  idée  fi  confolante  &  11  douce  , 
qu'on  s'entretiendroit  auflî  de  nous  ,  lorf- 
que  nous  ne  ferions  plus  }  par  ce  murmure 
£  voluptueux ,  qui  nous  faifoit  entendre 
dans  la  bouche  de  quelques-uns  de  nos 
contemporains  ,  ce  que  diroient  de  nous 
cîes  hommes  à  l'inftru&ion  &  au  bonheur 
defquels  nous  nous  immolions  ,  que  nous 
eftimions  &  que  nous  aimions  ,  quoiqu'ils 
ne  fuflent  pas  encore.  Nous  avons  fenti  fe 
développer  en  nous  ce  germe  d'émulation  , 
qui  envie  au  trépas  la  meilleure  partie  de 
nous-mêmes  ,  &  ravit  au  néant  les  feuls 
momens  de  notre  exiftence  dont  nous 
ibyons  réellement  flattés.  En  effet ,  l'homme 
iê  montre  à  lès  contemporains  &  fe  voit 
tel  qu'il  eft  ,  compofé  bizarre  de  qualités 
fublimes  &  de  foihleffes  honteufès.  Mais  les 
foihleffes  fuivejit  Ta  dépouille  mortelle  dans 
le  tombeau  ,  &  difparoilfent  avec  elle  5  la 
même  terre  les  couvre  :  il  ne  relie  que  les 
qualités  éternifées  dans  les  monumeus  qu'il 
s'eft  élevés  à  lui-même  ,  ou  qu'il  doit  à 
la  vénération  &  à  la  reconnoifTance  pu- 
blique ;  honneurs  dont  la  confcieuce  de 
fbn  propre  mérite  lui  donne  une  jouilTance 
anticipée 5  jouilTance  aufiî  pure  ,  aum"  forte, 
auili  réelle  qu'aucune  autre  jouilTance  ,  & 
dans  laquelle  il  ne  peut  y  avoir  d'imagi- 
naire ,  que  les  titres  fur  lefquels  011  fonde 
fes  prétentions.  Les  nôtres  font  dépofés 
dans  cet  ouvrage  j  la  poftérité  les  ju- 
gera. 

J'ai  dit  qu'il  n'appartenoit  qu'à  un  (iecle 
philofophe  de  tenter  une  Encyclopédie  ;  èi. 
je  l'ai  dit  ,  parce  que  cet  ouvrage  demande 
par-tout  plus  de  hardiefTe  dans  l'elprit  , 
qu'on  n'en  a  communément  dans  les  iiecles 
pufillanimes  du  goût.  Il  faut  tout  exami- 
ner ,  tout  remuer  fans  exception  &  fans 
ménagement  ;  ofer  voir  ,  ainfi  que  nous 
commençons,  à  nous  en  convaincre  ,  qu'il 


E  N  C 

en  eft  prefque  des  genres  de  littérature  , 
ainfi  que  de  la  compilation  générale  des 
ioix  &  de  la  première  formation  des  villes } 
que  c'eft  à  un  hafard  fingulier  ,  à  une  cir- 
conftance  bizarre ,  quelquefois  à  un  e{Tor 
du  génie  ,  qu'ils  ont  dû  leur  nailTance  ',  que 
ceux  qui  font  venus  après  les  premiers  in- 
venteurs  n'ont  été  ,  pour  la  plupart  ,  que 
leurs  efclaves  \  que  des  productions  qu'on 
devoit  regarder  comme  le  premier  degré , 
prifes  aveuglément  pour  le  dernier  terme  , 
au  lieu  d'avancer  un  art  à  ià  perfection  , 
n'ont  fèrvi  qu'à  le  retarder  ,  en  réduifànt 
les  autres  hommes  à  la  condition  fervile 
d'imitateurs  3  qu'aufîi  -  tôt  qu'un  nom  fut 
donné  à  une  compofition  d'un  caractère 
particulier  ,  il  fallut  modeler  rigoureufe- 
ment  fur  cette  efquiffe  ,  toutes  celles  qui 
fè  firent  j  que  s'il  parut  de  temps  en  temps 
un  homme  d'un  génie  hardi  &c  original  , 
qui  ,  fatigué  du  joug  reçu  ,  ofa  le  fecouer , 
s'éloigner  de  la  route  commune  ,  &  en- 
fanter quelque  ouvrage  auquel  le  nom  donné 
&  les  loix  preferites  ne  furent  point  exac- 
tement applicables ,  il  tomba  dans  l'oubli 
&  y  refta  très-long-temps.  II  faut  fouler 
aux  pies  toutes  ces  vieilles  puérilités  j  ren- 
verfèr  les  barrières  que  la  raifbn  n'aura 
point  pofées  :,  rendre  aux  feiences  &  aux 
arts  une  liberté  qui  leur  eft  fi  précieufe , 
&  dire  aux  admirateurs  de  l'antiquité  :  ap- 
peliez le  marchand  de  Londres  comme  il 
vous  plaira  ,  pourvu  que  vous  conveniez 
que  cette  pièce  étincelle  de  beautés  fubli- 
mes. Il  falloit  un  temps  raifonneur  ,  cù 
l'on  ne  cherchât  plus  les  règles  dans  les 
auteurs ,  mais  dans  la  nature  ,  &  où  l'en 
fèntît  le  faux  &  le  vrai  de  tant  de  poéti- 
ques arbitraires  :  je  prends  le  terme  de 
poétique  dans  fou  acception  la  plus  géné- 
rale ,  pour  un  fyftême  de  règles  données  y 
félon  lefquelles  ,  en  quelque  genre  que  ce 
ibit ,  on  prétend  qu'il  faut  travailler  pour 
réuflir. 

Mais  ce  fiecle  s'eft  fait  attendre  fi  long- 
temps ,  que  j'ai  penfé  quelquefois  qu'il 
feroit  heureux  pour  un  peuple  qu'il  ne  le 
rencontrât  point  chez  lui  un  homme  ex- 
traordinaire ,  fous  lequel  un  art  nailîànt 
fît  fes  premiers  progrès  trop  grands  & 
trop  rapides  ,  &  qui  en  interrompît  le 
mouvement  infenfibie  &  naturel.  Les  ou* 


ENC 

vrages  de  cet  homme  feront  néccfTairement 
des  compofés  monftrueux  ,  parce  que  le 
génie  &  le  bon  goût  font  deux  qualités 
très-différentes.  La  nature  donne  l'un  en 
un  moment  :  l'autre  eft  le  produit  des 
fiecles.  Ces  monftres  deviendront  des  mo- 
dèles nationaux;  ils  décideront  le  goût  d'un 
peuple.  Les  bons  elprits  qui  fuccéderont , 
trouveront  en  leur  faveur  une  prévention 
qu'ils  n'oferont  heurter  \  &  la  notion  du 
beau  s'obfcurcira  ,  comme  il  arriveroit  à 
celle  du  bien  de  s'obfcurcir  chez  des  bar- 
bares qui  auroient  pris  une  vénération  ex- 
ceilîve  pour  quelque  chef  d'un  caractère 
équivoque  ,  qui  fe  feroit  rendu  recomman- 
dable  par  des  fervices  importans  &  des 
vices  heureux.  Dans  le  moral  ,  il  n'y  a  que 
Disu  qui  doive  fervir  de  modèle  à  l'homme  j 
dans  les  Arts ,  que  la  nature.  Si  les  Sciences 
&  les  Arts  s'avancent  par  des  degrés  *infen- 
fibles  ,  un  homme  ne  différera  pas  affez 
d'un  autre  pour  lui  en  impofer ,  fonder 
un  genre  adopté  ,  &  donner  un  goût  à  la 
nation  \  conféquemment  la  nature  &:  la 
raifon  conferveront  leurs  droits.  Elles  les 
avoient  perdus  ;  elles  font  fnr  le  point  de 
les  recouvrer }  &  l'on  va  voir  combien  il 
nous  importoit  de  connoître  &  de  faifîr  ce 
moment. 

Tandis  que  les  fiecles  s'écoulent  ,  la 
maffe  des  ouvrages  s'accroît  fans  ceffe  ,  & 
l'on  prévoit  un  moment  où  il  feroit  pref- 
que  auffi  difficile  de  s'inftruire  dans  une 
bibliothèque  ,  que  dans  l'univers ,  &  pref- 
que  aufli  court  de  chercher  une  vérité  fub- 
iiftante  dans  la  nature ,  qu'égarée  dans  une 
multitude  irnmenfe  de  volumes  \  il  fau- 
droit  alors  fe  livrer ,  par  néceiîîté ,  à  un 
travail  qu'on  auroit  négligé  d'entrepren- 
dre ,  parce  qu'on  n'en  auroit  pas  fenti  le 
befoin. 

Si  l'on  fe  repréfente  la  face  de  la  litté- 
rature dans  les  temps  où  l'impreiîîon  n'étoit 
pas  encore  ,  ou  verra  un  petit  nombre 
d'hommes  de  génie  occupés  à  compofer , 
&  un  peuple  innombrable  de  manouvriers 
occupés  à  tranfcrire.  Si  l'on  anticipe  fur 
les  fiecles  à  venir ,  &  qu'on  fe  repréfente 
la  face  de  la  littérature ,  lorfque  l'impref- 
fion  ,  qui  ne  fe  repofe  point ,  aura  rempli 
de  volumes  d'immenfes  bâtimens  ,  on  In 
trouvera  partagée  derechef  en  deux  claifes  ; 


ENC  3jî 

d'hommes.  Les  uns  liront  peu  &  s'aban- 
donneront à  des  recherches  qui  feront 
nouvelles  ou  qu'ils  prendront  pour  telles , 
(  car  fi  nous  ignorons  déjà  une  partie  de 
ce  qui  eft  contenu  dans  tant  de  volumes 
publiés  en  toutes  fortes  de  langues ,  nous 
faurons  bien  moins  encore  ce  que  renfer- 
meront ces  volumes  augmentés  d'un  nombre 
d'autres,  cent  fois,  mille  fois  plus  grand,)  5 
les  autres ,  manouvriers  incapables  de  rien 
produire  ,  s'occuperont  à  feuilleter  jour  8c 
nuit  ces  volumes ,  &  à  eu  féparer  ce  qu'ils 
jugeront  digne  d'être  recueilli  &  confervé. 
Cette  prédiction  ne  commencc-t-elle  pas  à 
s'accomplir  ?  &  plufieurs  de  nos  littérateurs 
ne  font-ils  pas  déjà  employés  à  réduire  tout 
nos  grands  livres  à  de  petits  où  l'on  trouve 
encore  beaucoup  de  fuperflu  ?  Suppofons 
maintenant  leurs  analyfes  bien  faites  ,  &c 
diftribuées  fous  la  forme  alphabétique  en 
un  nombre  de  volumes  ordonnés  par  des 
hommes  intelligens ,  &  l'on  aura  les  maté- 
riaux d'une  Encyclopédie. 

Nous  avons  donc  entrepris  aujourd'hui 
pour  le  bien  des  Lettres ,  &  par  intérêt  pour 
le  genre  humain ,  un  ouvrage  auquel  nos 
neveux  auroient  été  forcés  de  fe  livrer , 
mais  dans  des  circonftances  beaucoup  moins 
favorables  ,  lorfque  la  furabondance  des 
livres  leur  en  auroit  rendu  l'exécution  très- 
pénible. 

Qu'il  me  foit  permis ,  avant  que  .d'entrer 
plus  avant  dans  l'examen  de  la  matière  en- 
cyclopédique ,  de  jeter  un  coup-d'œil  fur 
ces  auteurs  qui  occupent  déjà  tant  de  rayons 
dans  nos  bibliothèques  ,  qui  gagnent  du 
terrain  tous  les  jours ,  &  qui  dans  un  h'ecle 
ou  deux  rempliront  feuls  des  édifices.  C'eft , 
ce  me  femble ,  une  idée  bien  mortifiante 
pour  ces  volumineux  écrivains ,  que  de  tant 
de  papiers  qu'ils  ont  couverts  d'écriture  ,  il 
n'y  aura  pas  une  ligne  à  extraire  pour  le 
dictionnaire  univerfel  de  la  conohTance 
humaine.  S'ils  ne  fe  foutiennent  par  l'excel- 
lence du  coloris,  qualité  particulière  aux 
hommes  de  génie ,  je  demande  ce  qu'ils 
deviendront.  - 

Mais  il  eft  naturel  que  ces  réflexions  qui 
nous  échappent  fur  le  fort  de  tant  d'autres  , 
nous  faifent  rentrer  en"  nous-mêmes  ,  & 
confidérer  le  fort  qui  nous  attend.  J'exa- 
mine notre  travail  fans  partialité }  je  vois 
Dddi 


35>£  E  N  C 

qu'il  u'y  a  peut-être  aucune  forte  de  faute 
que  nous  n'ayions  commife ,  &  je  fuis  forcé 
d'avouer  que  d'une  Encyclopédie  telle  que 
la  nôtre  ,  il  en  entremit  à  peine  les  deux 
tiers  dans  une  véritable  Encyclopédie.  C'eft 
beaucoup ,  fur-tout  fi  l'on  convient  qu'en 
jetant  les  premiers  fondemens  d'un  pareil 
ouvrage  ,  l'on  a  été  forcé  de  prendre  pour 
bafe  un  mauvais  auteur  ,  quel  qu'il  fût , 
Chambers  ,  Alftedius  ,  ou  un  autre.  Il  n'y 
a  prefqu'aucun  de  nos  collègues  qu'on  eût 
déterminé  à  travailler  ,  fi  on  lui  eût  propofé 
de  compofer  à  neuf  toute  fa  partie  \  tous 
auraient  été  effrayés  ,  &  l'Encyclopédie  ne 
fe  feroit  point  faite.  Mais  en  présentant  à 
chacun  un  rouleau  de  papiers ,  qu'il  ne 
s'agiffoit  que  de  revoir ,  corriger ,  augmen- 
ter }  le  travail  de  création ,  qui  eft  toujours 
celui  qu'on  redoute  ,  difparoilfoit  ,  &  l'on 
fè  laiffoit  engager  par  la  confidération  la 
plus  chimérique.  Car  ces  lambeaux  dé- 
coufus  fe  font  trouvés  fi  incomplets ,  fi  mal 
compofés ,  fi  mal  traduits  ,  fi  pleins  d'omif- 
fïons ,  d'erreurs  &  d'inexactitudes  ,  fi  con- 
traires aux  idées  de  nos  collègues  ,  que  la 
plupart  les  ont  rejetés.  Que  n'ont- ils  eu 
tous  le  même  courage  ?  Le  feul  avantage 
qu'en  aient  retiré  les  premiers  ,  c'eft  de 
connoître  d'un  coup-d'œil  la  nomencla- 
ture de  leur  partie ,  qu'ils  auroientpu  trouver 
au  moins  aum"  complète  dans  les  tables  de 
différens  ouvrages  ,  ou  dans  quelque  dic- 
tionnaire de  langue. 

Ce  frivole  avantage  a  coûté  bien  cher. 
Que  de  temps  perdu  à  traduire  de  mauvai-. 
fes  chofes  !  que  de  dépenfes  pour  fe  pro- 
curer un  plagiât  continuel  !  combien  de 
fautes  &  de  reproches  qu'on  fe  feroit  épar- 
gnés avec  une  fimple  nomenclature  !  Mais 
eût-elle  fuffi  pour  déterminer  nos  collègues? 
D'ailleurs  ,  cette  partie  même  ne  pouvoit 
guère  fe  perfectionner  que  par  l'exécution. 
A  mefure  qu'on  exécute  un  morceau ,  la 
nomenclature  fe  développe  ,  les  termes  à 
définir  fe  préfentent  en  foule  '■,  il  vient  une 
infinité  d'idées  à  renvoyer  fous  différens 
chefs  j  ce  qu'on  ne  fait  pas  eft  du  moins  in- 
diqué par  un  renvoi ,  comme  étant  du  par- 
tage d'un  autre  :  en  un  mot ,  ce  que  chacun 
fournit  &  fe  demande  réciproquement , 
Voilà  la  fource  d'où  découlent  les  mots. 

D'où  l'on  voit ,  i°,  qu'on  ne  pouvoit  1  à 


ENC 

une  première  édition  ,  employer  un  trop 
grand  nombre  de  collègues  \  mais  que  iî 
notre  travail  n'eft  pas  tout-à  fait  inutile  , 
un  petit  nombre  d'hommes  bien  choifis 
fuffiroit  à  l'exécution  d'une  féconde,  h 
faudrait  les  prépofer  à  différens  travailleurs 
fubalternes  ,  auxquels  ils  feroient  honneur 
des  feccurs  qu'ils  en  auroient  reçus  ,  mais 
dont  ils  feroient  obligés  d'adopter  l'ouvrage  , 
afin  qu'ils  ne  puiient  fe  diipeufer  d'y  met- 
tre la  dernière  main  ,  que  leur  propre  ré- 
putation fe  trouvât  engagée  ,  &  qu'on  pût 
les  aceufer  directement  ou  de  négligence 
ou  d'incapacité.  Un  travailleur  qui  ofe  de- 
mander que  fon  nom  ne  foit  point  mis  à 
la  fin  d'un  de  fes  articles  ,  avoue  qu'il  le 
trouve  mal  fait ,  ou  du  moins  indigne  de 
.lui.  Je  crois ,  que ,  félon  ce  nouvel  arrange- 
ment ,  il  ne  feroit  pas  irr.pcfiibîe  qu'un  feul 
homme  fe  chargeât  de  l'anatomic  ,  de  la 
médecine  ,  de  la  chirurgie  ,  de  la  matière 
médicale,  &  d'une  portion  de  la  pharmacie} 
un  autre  de  la  chymie  ,  de  la  partie  reliante 
de  la  pharmacie  ,  &  de  ce  qu'il  y  a  de 
chymique  dans  des  arts  ,  tels  que  la  mé- 
tallurgie ,  la  teinture ,  une  partie  de  l'orfè- 
vrerie ,  une  partie  de  la  chaudronnerie  ,  de 
la  plomberie ,  de  la  préparation  des  cou- 
leurs de  toute  efpece  ,  métalliques  ou 
autres  ,  &c. .  Un  feul  homme  bien  inftruit 
de  quelque  art'  en  fer  ,  embrafferoit  les 
métiers  de  cloutier  ,  de  coutelier  ,  de  fèr- 
rurier  ,  de  taillandier  ,  &c.  Un  autre  verfé 
dans  la  bijouterie  fe  chargeroit  des  arts  du 
bijoutier  ,  du  diamantaire  ,  du  lapidaire  , 
du  metteur  en  œuvre.  Je  donnerais  toujours 
la  préférence  à  un  homme  qui  aurait  écrit 
avec  fuccès  fur  la  matière  dont  il  fe  charge- 
roit. Quant  à  celui  qui  préparerait  actuel- 
lement un  ouvrage  fur  cette  matière  ,  je  ne 
l'accepterois  pour  collègue  que  s'il  étoit  déjà 
mon  ami ,  que  l'honnêteté  de  fon  caractère 
me  fût  bien  connue  ,  &  que  je  ne  puffe  ? 
fans  lui  faire  l'injure  la  plus  grande  ,  le 
foupçonner  d'un  deffein  fecret  de  facrifier 
notre  ouvrage  au  fien. 

2°.  Que  la  première  édition  d'une  Ency- 
clopédie ne  peut  être  qu'une  compilation 
très-informe  &  très-incomplete. 

Mais  ,  dira-t-on  ,  comment  avec  tous  ces 
défauts  vous  eft- il  arrivé  d'obtenir  un  fuccès 
qu'aucune  production  aufil  conlidérable  n'a 


E  N  C 

jamais  eu  ?  A  Cela  je  répons  que  notre 
Encyclopédie  a  prefque  fur  tout  autre  ou- 
vra ^e  ,  je  ne  dis  pas  de  la  même  étendue  , 
mais  quel  qu'il  fbit  ,  compofé  par  une  fo- 
ciété  ou  par  un  ieul  homme  ,  l'avantage 
de  contenir  une  infinité  de  chofes  nouvelles  , 
&  qu'on  chercheroit  inutilement  ailleurs. 
Ceft  la  fuite  naturelle  de  l'heureux  choix 
de  ceux  qui  s'y  font  confâcrés. 

Il  ne  s'eft  point  encore  fait ,  &  il  ne  fe 
fera  de   long -temps  une  collection   auin 
confidérable  &  aufîi  belle  de  machines.  Nous 
avons  environ  mille  planches.  Ou  efc  bien 
déterminé  à  ne  rien  épargner  far  la  gravure. 
Malgré   le  nombre  prodigieux  de  figures 
qui  les  rempliffent ,   nous  avons  eu  l'atten- 
tion de   n'en   admettre  prcfqu'aucune  qui 
ne  repréfentât  une   machine  fubiîftante  & 
travaillant  dans  la  fociété.  Qu'on  compare 
nos  volumes  avec  le  recueil  fi  vanté  de  Ra- 
melli  ;  le  théâtre  des  machines  de  Lupold, 
ou  même  les  volumes  des  machines  approu- 
vées par  l'académie  des  feiences  ,   &  l'on 
jugera  fi  de  tous  ces  volumes  fondus  en- 
fèmble  ,   il  étoit  poiïible  d'en  tirer  vingt 
planches  dignes  d'entrer  dans  une  collection 
telle  que  nous  avons  eu  le  courage  de  la  con- 
cevoir &  le  bonheur  de  l'exécuter.  Il  n'y  a 
rien  ici  ni  de  fuperflu  ,  ni  de  furanné  ,  ni 
d'idéal  :  tout  y  eft  en   aclion  &  vivaut. 
Mais   indépendamment  de  ce  mérite  ,  & 
quelque  différence  qu'il  puifTc  &  qu'il  doive 
néceifairement  y  avoir  entre  cette  première 
édition  &  les  fuivantes ,  n'eft-ce  rien  que 
d'avoir  débuté  ?  Entre  une  infinité  de  diffi- 
cultés qui  fe  préfenteront  d'elles-mêmes  à 
l'efprit ,  qu'on  pefe  feulement  celle  d'avoir 
ralfemblé  un  alfez  grand  nombre  de  collè- 
gues ,   qui  ,   fans  fe  connoître  ,   femblent 
tout    concourir    d'amitié   à   la   production 
d'un  ouvrage  commun.  Des  gens  de  lettres 
ont  fait  pour  leurs  femblables  &  leurs  égaux , 
ce  qu'on  n'eût  point  obtenu  d'eux  par  aucune 
autre  confîdération.  Ceft  là  le  motif  auquel 
nous  devons  nos  premiers  collègues  \  &  c'eft 
à  la  même  came  que  nous  devons  ceux  que 
nous  nous  aflbcions  tous  les  jours.  Il  règne 
entre  eux  tous  une  émulation  ,  des  égards  , 
une  concorde  qu'on  auroit  peine  à  imagi- 
ner; On  ne  s'en  tient  pas  à  fournir  les  fecours 
qu'on  a  promis  ,  on  fe  fait  encore  des  facri- 
iicesL  mutuels  j  choie  bien  plus,  difficile  !. 


E  N  C  5557 

De  là  tant  d'articles  qui  partent  des  mains- 
étrangères  ,  fans  qu'aucun  de  ceux  qui  s  e- 
toienr  charges  dzs  feiences  auxquelles  ils 
apparteuoient  en  aient  jamais  été  ofFenfés. 
C'eft  qu'il  ne  s'agit  point  ici  d'un  intérêt 
particulier  :,  c'eft  qu'il  ne  règne  entre  uous 
aucune  petite  jaloufie  perfonnelle  ,  &  que 
la  perfection  de  l'ouvrage  &  l'utilité  du 
genre  humain  ,  ont  fait  naître  le  feiitiment 
général  dont  on  eft  animé. 

Nous  avons  joui  d'un  avantage  rare  & 
précieux  qu'il  ne  faudroitpas  négliger  dans  le 
projet  d'une  féconde  édition.  Les  hommes 
de  lettres  de  la  plus  grande  réputation  ,  les 
artiftes  de  la  première  force  ?  n'ont  pas 
dédaigné  de  nous  envoyer  quelques  mor- 
ceaux dans  leur  genre.  Nous  devons  élo- 
quence ,  élégance  ,  efprit  ,  &c.  ,  à  M.  de 
Voltaire.  M.  de  Montefquieu  nous  a  laiffé 
en  mourant  des  fragmeus  fur  l'article  goût  ; 
M.  de  la  Tour  nous  a  promis  fès  idées  fur 
la  peinture  ;  M.  Cochin  fils  ne  nous  refufè- 
roit  pas  l'article  gravure,  fi  Ces  occupations 
lui  laiifoient  le  temps  d'écrire. 

Il  ne  feroit  pas  inutile  d'établir  des  cor- 
refpondances  dans  les  lieux  principaux  du 
monde  lettré  ,  &:  je  ne  doute  point  qu'on  n'y 
réufsît.  Ou  s'inftruira  des  ufages  ,  des  cou- 
tumes ,  des  productions  ,  des  travaux  ,  des 
machines ,  &c.  fi  on  ne  néglige  perfonne  r 
&  fi  l'on  a  pour  tous  ce  degré  de  confîdé- 
ration que  l'on  doit  à  l'homme  défintéreffé 
qui  veut  fe  rendre  utile. 

Ce  feroit  un  oubli  inexcufable ,  que  de 
ne  *fe  pas  procurer  la  grande  Encyclopédie 
Allemande ,  le  recueil  des  réglemens  fur  les 
arts  &  métiers  de  Londres  &  des  autres 
pays  y  les  ouvrages  appelles  en  Anglois  the 
myfteries;  le  fameux  règlement  desPiémsn- 
tois  fur  leurs  manufactures }  des  regiftres 
des  douanes }  plusieurs  inventaires  de  mai- 
fons  de  grands  feigueurs  &  de  bourgeois  ; 
tous  les  traités  fur  les  arts  en  général  &  en 
particulier  \  les  réglemens  du  commerce  y 
les  ftatuts  des  communautés  j  tous  les  recueils 
des  académies  ,  far-tout  la  collection  aca- 
démique dont  le  difeours  préliminaire  &  les 
premiers  volumes  viennent  de  paroître.  Cet 
ouvrage  ne  peut  manquer  d'être  excellent  ,, 
à  en  juger  par  les  fources.  où  l'on  fe  propofo 
de  puifer  ,  &  par  l'étendue  des  connoilfan- 
,  ces  3  la  fécondité  des  idées  ^ôc  la  fermeté  de: 


pS  E  N  C 

jugement  &  de  goût  de  l'homme  qui  dirige 
cette  grande  entreprife.  Le  plus  grand  bon- 
heur qui  pût  arriver  à  ceux  qui  nous  fuc- 
céderont  un  jour  dans  l'Encyclopédie  ,  & 
qui  fe  chargeront  des  éditions  fuivantes  , 
c'eft  que  le  dictionnaire  de  l'académie  Fran- 
çoise ,  tel  que  je  le  conçois  ,  &  qu'il  eft 
conçu  par  les  meilleurs  efprits  de  cette 
illuftre  compagnie  ,  ait  été  publié  ,  que 
l'hiftoire  naturelle  ait  paru  toute  entière  , 
&  que  la  collection  académique  fbit  achevée. 
Combien  de  travaux  épargnés  ! 

Entre  les  livres  dont  il  eft  encore  efTentiel 
de  fe  pourvoir ,  il  faut  compter  hs  catalo- 
gues des  grandes  bibliothèques  \  c'eft  là 
qu'on  apprend  à  coimoître  les  fources  où 
l'on  doit  pnifer  ;  il  feroit  même  à  fouhaiter 
que  l'éditeur  fût  en  correfpondance  avec 
les  bibliothécaires.  S'il  eft  néceffaire  de  con- 
fulter  les  bons  ouvrages  ,  il  n'eft  pas  inutile 
de  parcourir  les  mauvais.  Un  bon  livre 
fournit  un  ou  plnfîeurs  articles  excelle.ns  \ 
un  mauvais  livre  aide  à  faire  mieux.  Votre 
tâche  eft  remplie  dans  celui-ci ,  l'autre 
l'abrège.  D'ailleurs  ,  faute  d'une  grande 
connoinance  de  la  bibliographie  ,  on  eft 
expofé  fans  celle  à  compofer  médiocrement , 
avec  beaucoup  de  peine ,  de  temps  ,  &  de 
dépenfe ,  ce  que  d'autres  ont  fupérieure- 
ment  exécuté.  On  fe  tourmente  pour  dé- 
couvrir des  chofes  connues.  Obièrvons 
qu'excepté  la  matière  des  arts  ,  il  n'y  a 
proprement  du  relfort  d'un  dictionnaire 
que  ce  qui  eft  déjà  publié  ,  &  que  par  con- 
fcquent  il  eft  d'autant  plus  à  fouhaiter  que 
chacun  connoifle  hs  grands  livres  compotes 
dans  fa  partie  ,  ££  que  l'éditeur  foit  muni 
des  catalogues  les  plus  complets  &  hs  plus 
étendus. 

La  citation  exacte  des  fources  feroit  d'une 
grande  utilité  :  il  faudroit  s'en  impofer  la 
loi.  Ce  feroit  rendre  un  fervice  important 
à  ceux  qui  le  deftinent  à  l'étude  particulière 
d'une  feience  ou  d'un  art ,  que  de  leur 
donner  la  connoiffance  des  bons  auteurs , 
des  meilleures  éditions ,  &  de  l'ordre  'qu'ils 
doivent  fuivre  dans  leurs  lectures.  U Ency- 
clopédie s'en  eft  quelquefois  acquittée ,  elle 
auroit  dû  n'y  manquer  jamais. 

Il  faut  analy/ër  fcrupuleufement&fïdelle- 
ment  tout  ouvrage  auquel  le  temps  a  allure 
une  réputation  confiante.  Je  dis  le  temps , 


E  N  C 

parce  qu'il  y  a  bien  de  la  différence  entra 
une  Encyclopédie  &:  une  collection  de  jour- 
naux. Une  Encyclopédie  eft  une  expofitioa 
rapide  &  défintéreirée  des  découvertes  des 
hommes  dans  tous  les  lieux  ,  dans  tous  les 
genres,  &  dans  tous  les  fîecles  ,  fans  aucun 
jugement  des  perfonnes  \  au  lieu  que  hs 
journaux  ne  font  qu'une  hiftoire  momen- 
tanée des  ouvrages  &  des  auteurs.  On  y 
rend  compte  indiftinérement  des  efforts 
heureux  &  malheureux  ,  c'eft-à-dire  ,  que 
pour  un  feuillet  qui  mérite  de  l'attention, 
on  traite  au  long  d'une  infinité  de  volumes 
qui  tombent  dans  l'oubli  avant  que  le  der- 
nier journal  de  l'année  ait  paru.  Combien 
ces  ouvrages  périodiques  feroient  abrégés, 
fi  on  laifîbit  feulement  un  an  d'intervalle 
entre  la  publication  d'un  livre  &  le  compte 
qu'on  en  rendroit  ou  qu'on  n'en  rendroit 
pas  !  tel  ouvrage  dont  on  a  parlé  fort  au 
long  dans  le  journal ,  n'y  feroit  pas  même 
nommé.  Mais  que  devient  l'extrait  quand 
le  livre  eft  oublié  ?  Un  dictionnaire  univerfel 
&  raifonné  eft  deftiné  à  l'inftru&ion  géné- 
rale &  permanente  de  l'efpece  humaine  ; 
les  écrits  périodiques  ,  à  la  fàtisfa&ion  mo- 
mentanée de  la  curiofîté  de  quelques  oififs. 
Ils  font  peu  lus  des  gens  de  lettres. 

Il  faut  particulièrement  extraire  des  au- 
teurs ,  les  fyftêmes  ,  les  idées  fingulieres , 
les  obfèrvations ,  les  expériences  ,  les  vues  , 
les  maximes  &  hs  faits. 

Mais  il  y  a  des  ouvrages  fi  importans, 
fi-bien  médités  ,  fi  précis ,  en  petit  nom- 
bre à  la  vérité  ,  qu'une  Encyclopédie  doit 
hs  engloutir  en  entier.  Ce  font  ceux  où 
l'objet  général  eft  traité  d'une  manière 
méthodique  &  profonde  ,  tels  que  Xeffai 
fur  l'entendement  humain  ,  quoique  trop 
diffus  j  les  conf  dérations  fur  les  mœurs  , 
quoique  trop  ferrées  \  les  inftitutions  agro- 
nomiques ,  bien  qu'elles  ne  foient  pas  afTez 
élémentaires  ,  &c. 

Il  faut  diftribuer  hs  obfèrvations  ,  les 
faits  ,  les  expériences  ,  &c.  aux  endroits 
qui  leur  font  propres. 

Il  faut  fàvoir  dépecer  artiftement  un  ou- 
vrage, en  ménager  les  diftributions  ,  en 
présenter  le  plan ,  en  faire  une  analyfe  qui 
forme  le  corps  d'un  article ,  dont  hs  ren- 
vois indiqueront  le  refte  de  l'objet.  Il  ne 
s'agit  pas  de  brifer  les  jointures ,  mais  de 


E  N  C 

les  relâcher  5  de  rompre  les  parties  ,  mais 
de  les  défaffcmbler ,  &  d'en  conferver  feru- 
puleufement  ce  que  les  artiftes  appellent  les 
repères. 

Il  importe  quelquefois  de  faire  mention 
des  chofes  abfurdes  }  mais  il  faut  que  ce 
ibit  légèrement  &  en  paffant ,  feulement 
pour  l'hiftoire  de  l'eiprit  humain  ,  qui  fe 
dévoile  mieux  dans  certains  travers  fingu- 
liers ,  que  dans  l'action  la  plus  raifonnable. 
Ces  travers  font  pour  le  moralifte,  ce  qu'eft 
la  diife&ion  d'un  monftre  pour  lhiftorien 
de  la  nature  :  elle  lui  fert  plus  que  l'étude 
de  cent  individus  qui  fë  reflembient.  Il  y  a 
des  mots  qui  peignent  plus  fortement  & 
plus  complètement  que  tout  un  difeours. 
Un  homme  à  qui  on  ne  pouvoit  reprocher 
aucune  mauvaifè  action,  difoit  un  mal  in  fini 
de  la  nature  humaine.  Quelqu'un  lui  de- 
manda :  mais  où  avez-vous  vu  l'homme  fi 
hideux  ?  En  moi,  répondit- il.  Voilà  un  mé- 
chant qui  n'avoit  jamais  fait  de  mal^puiffe- 
t-il  mourir  bientôt  !  Un  autre  difoit  d'un 
ancien  ami  :  un  tel  eft  un  très  -  honnête 
homme  \  il  eft  pauvre  ,  mais  cela  ne  m'em- 
pêche pas  d'en  faire  un  cas  fingulier.  Il  y  a 
quarante  ans  que  je  fuis  fon  ami ,  &  il  ne 
m'a  jamais  demandé  un  fou.  Ah  !  Molière  , 
où  étiez-vous  ?  ce  trait  ne  vous  eût  pas 
échappé ,  &  votre  avare  n'en  ofFriroit  aucun 
ni  plus  vrai  ni  plus  énergique. 

Comme  il  eft  au  moins  aufti  important 
de  rendre  les  hommes  meilleurs  ,  que  de 
les  rendre  moins  ignorans ,  je  ne  ferais  pas 
fâché  qu'on  recueillît  tous  les  traits  frap- 
pans  des  vertus  morales.  Il  faudroit  qu'ils 
fulTent  bien  confiâtes  :  on  les  diftribueroit 
chacun  à  leurs  articles  qu'ils  vivifieraient. 
Pourquoi  feroit-on  fi  attentif  à  conferver 
l'hiftoire  des  penfees  des  hommes  ,  &  né- 
gligeroit-on  l'hiftoire  de  leurs  actions?  celle- 
ci  n'eft-elle  pas  la  plus  utile  ?  n'eft-ce  pas 
celle  qui  fait  le  plus  d'honneur  au  genre 
humain  ?  Je  ne  veux  pas  qu'on  rappelle  les 
mauvaifes  actions  5  il  feroit  à  fouhaiter 
qu'elles  n'eulfent  jamais  été.  L'homme  n'a 
pas  befoin  de  mauvais  exemples  7  ni  la  na- 
ture humaine  d'être  plus  décriée.  Il  ne 
faudroit  faire  mention  des  actions  déshon 
nêres  ,  que  quand  elles  auraient  été  fuivies  , 
non  de  la  perte  de  la  vie  &  des  biens ,  qui 
ne  font  que  trop  fouvent  les  fuites  funeftes 


E  N  C  395 

de  la  pratique  de  la  vertu ,  mais  que  quand 
elles  auraient  rendu  le  méchant  malheu- 
reux &:  méprifé  au  milieu  des  récompenfès 
les  plus  éclatantes  de  fes  forfaits.  Les  traits 
qu'il  faudroit  fur-tout  recueillir  ,  ce  feraient 
ceux  où  le  caractère  de  l'honnêteté  eft  joint 
à  celui  d'une  grande  pénétration  ,  ou  d'une 
fermeté  héroïque.  Le  trait  de  M.  Peliiîbn 
ne  feroit  furement  pas  oublié.  Il  fè  porte  ac- 
cufàteur  de  fon  maître  &  de  fon  bienfaiteur  : 
on  le  conduit  â  la  Baftille  :  on  le  confronte 
avec  fon  aceufé  ,  qu'il  charge  de  quelque 
malverfàtion  chimérique.    L'accufé  lui  en 
demande  la  preuve.  La  preuve  ,  lui  répond 
Peliftbn  ?  hé ,  Monfieur  7  elle  ne  fe  peut  ti- 
rer que  de  vos  papiers  ,  &:  vons  favez  bien 
qu'ils  font  tous  brûlés  :  en  effet  ils  i'étoienî. 
Peliftbn  les  avoit  brûlés  lui-même ,  mais  il 
falloit  en  inftruire  le  prifonnier  ^  &  il  ne  ba- 
lança pas  de  recourir  à  un  expédient ,  fur  à 
la  vérité  ,    puifque  tout  le  monde  y   fut 
trompé  j  mais  qui  expofoit  fa  liberté ,  peut- 
être  fa  vie  ,  &  qui  ,  s'il  eût  été  ignoré  , 
comme  il  pouvoit  l'être  ,  attachoit  à  fon 
nom  une  infamie  éternelle  ,  dont  la  honte 
pouvoit  réjaillir  fur  la  république  des  let- 
tres ,   où  Peliftbn  occupoit  un  rang  diftiu- 
gué.  M.  Gobinot  de  Rheims  fupporte  ,  pen- 
dant quarante  ans  ,  l'indignation  publique 
qu'il  encourait  par  une  excefîive  parcimo- 
nie dont  il    tirait  les    fournies  immenfès 
qu'il  deftincit  à  des  monumens  de  la  plus 
grande  utilité.  Aflbcions-lui  un  prélat  ref- 
pe£hble  par  fes  qualités  apoftoliques  ,   fes 
dignités  ?  fa  naiftance  ,  la  noble  /implicite 
de  fès  mœurs ,  &  la  folidité  de  fes  vertus. 
Dans  une  grande  calamité ,  ce  prélat,  après 
avoir  foulage  ,  par  d'abondantes  diftribu- 
tions  gratuites  ,  en  argent  &  en  grains ,  la 
partie  de    fon  troupeau  qui    laifîbit   voir 
toute  fon  indigence ,  fonge  à  fècourir  celle 
qui  cachoit  fa    raifere  ,  en  qui   la    honte 
étouffoit  la  plainte  ,  &  qui  n'en  étoit  que 
plus  maîheureufè  ,    contre  l'oppreffion  de 
ces  hommes    de   fang  ,    dont  l'âme  nage 
dans  la  joie  au  milieu  du  gémiftement  gé- 
néral ,  &  il  fait  porter  fur  la  place ,  des 
grains  qu'on  y  diftribua  à  un  prix  fort  au 
deffous  de  celai  qu'ils  avoient  coûté.  L'ef 
prit  de  parti  qui   abhorre    tout  a&e  ver- 
tueux qui  n'eft  pas  de  quelqu'un  des  liens  , 
traite  fa  charité  de  monopole  3  &  un  fcé- 


4oo  E  N  C 

lérat  obfcur  infcrit  cette  atroce  calomnie 
parmi  celles  dont  il  remplit  ,  depuis  fi 
long  -  temps  ,  fes  feuilles  hebdomadai- 
res. Cependant  il  fument  de  nouvelles 
calamités  3  le  ze!e  inaltérable  de  ce  rare 
pafteur  continue  de  s'exercer ,  &  il  le  trouve 
enfin  un  honnête  homme  qui  éieve  la  voix  , 
qui  dit  la  vérité  ,  qui  rend  hommage  à  la 
vertu  ,  &  qui  s'écrie  ,  tranfporté  d'admira- 
tion :  quel  couragej  quelle  patience  héroï- 
que !  qu'il  eft  confblant  pour  le  genre  hu- 
main que  la. méchanceté  ne  foit  pas  capa- 
ble de  ces  efforts  !  Voilà  les  traits  qu'il  faut 
recueillir  3  &  qui  eft-ce  qui  les  liroit  fans 
ientir  fon  cœur  s'échauffer  ?  Si  l'on  pu- 
biioit  un  recueil  qui  contînt  beaucoup  de 
ces  grandes  &  belles  aérions  ,  qui  eft-ce 
qui  fe  réfoudroit  à  mourir  fans  y  avoir 
fourni  la  matière  d'une  ligne  ?  Croit  -  on 
qu'il  y  eût  quelque  ouvrage  d'un  plus 
grand  pathétique  ?  Il  me  fembïe ,  quant  à 
moi  ,  qu'il  y  auroit  peu  de  pages  dans 
celui-ci ,  qu'un  homme  né  avec  une  aine 
honnête  Ôt  fenfible  n'arrofât  de  Ces  lar- 
mes. 

Il  faudroit  finguliérement  fe  garantir  de 
l'adulation.  Quant  aux  éloges  mérités  ,  il 
y  auroit  bien  de  l'injuftice  à  ne  les  accorder 
qu'à  la  cendre  infenfible  &  froide  de  ceux 
qui  ne  peuvent  plus  les  entendre  :  l'équité 
qui  doit  les  difpenfer  ,  le  cédera-t-elle  à 
la  modeftie  qui  les  refufe  ?  L'éloge  eft  un 
encouragement  à  la  vertu  -,  c'eft  un  pacte 
public  que  vous  faites  contracter  à  l'homme 
vertueux.  Si  fes  belles  aérions  étoient  gravées 
fur  une  colonne  ,  perdroit-il  un  moment 
de  vue  ce  monument  impofant  ?  ne  feroit- 
îl  pas  un  des  appuis  les  plus  forts  qu'on 
pût  prêter  à  lafoiblellé  humaine?  il  faudroit 
que  l'homme  fe  déterminât  à  briièr  lui- 
même  fa  ftatue.  L'éloge  d'un  honnête- 
homme  eft  la  plus  digne  &  la  plus  douce 
récompenfe  d'un  autre  honnête- homme  : 
après  l'éloge  de  fa  confeience ,  le  plus  flatteur 
eft  celui  d'un  homme  de  bien.  O  Roulfeau  , 
mon  cher  &  digne  ami  !  je  n'ai  jamais  eu 
la  force  de  me  refufer  à  ta  louange  :  j'en  ai 
feuti  croître  mon  goût  pour  la  vérité  ,  & 
mon  amour  pour  la  vertu.  Pourquoi  tant 
d'oraifons  funèbres ,  Se  fi  peu  de  panégyri- 
ques des  vivans  ?  Croit-on  que  Trajan  n'eût 
pas  craint  de  démentir  fou  panégyrifte  ?  Si 


E  N  C 

on  ïe  croit ,  on  ne  counoît  pas  toute  l'au- 
torité de  la  confidération  générale.  Après 
les  bonnes  actions  qu'on  a  faites  ,  l'aiguillon 
le  plus  vif  pour  en  multiplier  le  nombre , 
c'eft  la  notoriété  des  premières  }  c'eft  cette 
notoriété  qui  donne  à  l'homme  un  caractère 
public  auquel  il  lui  eft  difficile  de  renoncer. 
Ce  fècret  innocent  n'eft-il  pas  même  un  des 
plus  importons  de  l'éducation  vertueufe  ? 
Mettez  votre  fils  dans  l'occafion  de  pratiquer 
la  vertu  }  faites-lui  de  fes  bonnes  actions 
un  cara&ere  domeftique  \  attachez  à  fbn 
nom  quelque  épithete  qui  les  lui  rappelle  $ 
accordez-lui  de  la  confidération  :  s'il  franchit 
jamais  cette  barrière  ,  j'ofê  affurer  que  le 
fond  de  fon  ame  eft  mauvais  ,  que  votre 
enfant  eft  mal  né  ,  ck  que  vous  n'en  ferez 
jamais  qu'un  méchant  ',  avec  cette  différence 
qu'il  fè  fût  précipité  dans  le  vice  tête  baillée, 
&  qu'arrêté  par  le  costrafte  qu'il  remarquera 
entre  Iqs  dénominations  honorables  qu'on 
lui  a  accordées,  &  celles  qu'il  va  encourir  , 
il  fe  lailfera  glilî'er  vers  le  mal,  mais  par  une 
pente  qui  ne  fera  pas  alfez  infenfible  pour 
que  des  parens  attentifs  ne  s'apperçoivent 
point  de  la  dégradation  fucce/five  de  fon 
caractère. 

Je  hais  cent  fois  plus  les  fàtires  dans  un 
ouvrage  ,  que  les  éloges  ne  m'y  plaifènt  : 
les  perfonnalités  font  odieufes  en  tout  genre 
d'écrire  }  on  eft  fur  d'amufer  le  commun 
des  hommes  ,  quand  on  s'étudie  à  repaître 
fa  méchanceté.  Le  ton  de  la  fatire  eft  le  plus 
mauvais  de  /tous  pour  un  dictionnaire  }  8c 
l'ouvrage  le  plus  impertinent  &.  le  plus  en- 
nuyeux qu'on  pût  concevoir  ,  ce  feroit  un 
diétion-naire  fatirique  :  c'eft  le  fèul  qui 
nous  manque.  Il  faut  abfolumeut  bannir 
d'un  grand  livre  ces  à-propos  légers  ,  ces 
allufions  fines  ,  ces  embelliffemens  délicats 
qui  feroient  la  fcrtuue  d'une  hiftoriette  : 
les  traits  qu'il  faut  expliquer  deviennent 
fades  ,  ou  ne  tardent  pas  à  devenir  inintel- 
ligibles. Ce  fèroit  une  chofe  bien  ridicule  , 
que  le  befoin  d'un  commentaire  dans  un  ou- 
vrage dont  les  différentes  parties  feroient  def- 
tinées  à  s'interpréter  réciproquement.  Toute 
cette  légèreté  n'eft  qu'une  moufle  qui  tombe 
peu-à-peu  \  bientôt  la  partie  volatile  s'en 
eft  évaporée  ,  &  il  ne  refte  plus  qu'une  vafe 
infipide.  T<:1  eft  au/fi  le  fort  de  la  plupart 
de  ces  étincelles  qui  partent  du  choc  de  la 

converfation  : 


E   N   C 

converfation  :  la  fènfation  agréable  ,  maïs 
paffagere.,  qu'elles  excitent,  naît  des  rap- 
ports qu'elles  ont  au  moment ,  aux  circonf- 
rances ,  aux  lieux ,  auxperfonnes  ,  à  l'événe- 
ment du  jour  ;  rapports  qui  parlent  promp- 
tement.  Les  traits  qui  ne  fe  remarquent 
poinr,  parce  que  l'éclat  n'en  eft  pas  le  mérite 
principal ,  pleins  de  fubftance  ,  &  portant 
en  eux  le  caractère  de  la  {implicite  jointe  à 
un  grand  (en s ,  font  les  feuls  qui  fe  foutien- 
droientau  grand  jour:  pour  fentir la  frivo- 
lité des  autres  ,  il  n'y  a  qu'à  les  écrire.  Si 
l'on  me  montroit  un  auteur  qui  eût  com- 
poféfes  mélanges  d'après  des  converfations, 
je  feroisjprefque  fur  qu'il  auroit  recueilli  tout 
ce  qu'il  falloit  négliger  ,  &  négligé  tout 
ce  qu'il  importoit  de  recueillir.  Gardons- 
nous  bien  de  commettre  avec  ceux  que  nous 
confulterons  ,  la  même  faute  que  cet  écri- 
vain commettroit  avec  les-<perfonnes  qu'il 
fréquenteroit.  Il  en  eft  des  grands  ouvrages 
ainfi  que  des  grands  édifices  ;  ils  ne  compor- 
tent que  des  ornemens  rares  &  grands.  Ces 
ornemens  doivent  être  répandus  avec  écono- 
mie &  difcernement ,  ou  ils  nuiront  à  la 
{implicite  en  multipliant  les  rapports  ;  à  la 
grandeur ,  en  divifant  les  parties  &  en  obf- 
curciiîânt  Tenfemble  ;  &  à  l'intérêt ,  en 
partageant  l'attention  ,  qui  fans  ce  défaut 
qui  la  diftrait  &  la  difperfe  ,  fe  raffemble- 
roit  toute  entière  fur  les  maries  princi- 
pales. 

Si  je  profcrits  les  fatires ,  il  n'en  eft  pas 
ainfi  ni  des  portraits  ,  ni  des  réflexions.  Les 
vertus  s'enchaînent  les  unes  aux  autres,  &  les 
vices  fe  tiennent ,  pour  ainfi  dire  ,  par  la 
main.  Il  n'y  a  pas  une  vertu  ,  pas  un  vice  qui 
n'ait  fon  cortège  :  c'eft  une  ibrte  d'aifocia- 
tion  néceffaire.  Imaginer  un  caractère,  c'eft 
trouver  d'après  une  pailion  dominante  don- 
née ,  bonne  ou  mauvaife ,  les  parlions  fubor- 
données  qui  l'accompagnent,  les  fentimens, 
les  difcours  &  les  actions  qu'elle  fuggere , 
&  la  forte  de  teinte  ou  d'énergie  que  tout 
le  fyftême  intellectuel  &  moral  en  reçoit  : 
d'où  l'on  voit  que  les  peintures  idéales  , 
conçues  d'après  les  relations  &  l'influence 
réciproque  des  vertus  &  des  vices  ,  ne 
peuvent  jamais  devenir  chimériques  ;  que 
ce  font  elles  qui  donnent  la  vraifemblance 
aux  repréfentations  dramatiques  &  à  tous 
les  ouvrages  des  mœurs  ;  &  qu'il  fe  rencon- 
Tome  XII. 


E  N  C  40Î 

trera  éternellement  dans  la  fociété  des  indi- 
vidus qui  auront  le  bonheur  &  le  malheur 
de  leur  refTembler.  C'eft  ainfi  qu'il  arrive  à: 
un  fiecle  très-éloigné  d'élever  des  ftatues 
hideufes  ou  refpectables  ,  au  bas  defquelles 
la  poftérité  écrit  fucceflîvement  differens 
noms  :  elle  écrit  Monteiquieu  où  l'on  avoir, 
gravé  Platon;  Desfontaines  ,  où  on  lifoit  au- 
paravant Eroftrate  ou  Zo'ile:  avec  cette  diffé- 
rence affligeante ,  qu'on  ne  manquera  jamais 
de  noms  de  plus  en  plus  déshonorés  pour 
remplacer  celui  d'Eroftrate  ou  de  Zoïle  ; 
au  lieu  qu'on  n'ofe  efpérer  de  la  fuccefîion 
des  fiecles ,  qu'elle  nous  en  offre  quelques- 
uns  de  plus  en  plus  illuftres  pour  fuccéder 
à  Monteiquieu ,  &  pour  être  le  troifieme  ou 
le  quatrième  depuis  Platon.  Nous  ne  pou- 
vons élever  un  trop  grand  nombre  de  ces 
ftatues  dans  notre  ouvrage  :  elles  devroient 
être  en  bronze  dans  nos  places  publiques 
&  dans  nos  jardins  ,  &  nous  inviter  à  la 
vertu  fur  ces  piédeftaux  ,  où  l'on  a  expofé 
à  nos  yeux  &  aux  regards  de  nos  enfans 
les  débauches  des  dieux  du  paganifme. 

Après  avoir  traité  de  la  matière  Ency- 
clopédique en  général ,  on  defireroit  fans 
doute  que  nous  entraflions  dans  l'examen 
de  chacune  de  fes  parties  en  particulier  ; 
mais  c'eft.  au  public  ,  &  non  pas  à  nous , 
qu'il  appartient  de  juger  du  travail  de  nos 
collègues  &  du  nôtre. 

Nous  répondrons  feulement  à  ceux  qui 
aiiroient  voulu  qu'on  fupprimât  la  théologie, 
que  c'efl  une  fcience  ;  que  cette  fcience  eft 
très-étendue  &  très-curieufe,  &  qu'on  auroit 
pu  la  rendre  plus  intéreffante  que  la  mytho- 
logie ,  qu'ils  auroient  regrettée  fi  nous  l'euf- 
fions  omife. 

A  ceux  qui  excluent  de  notre  diction- 
naire la  géographie  :  que  les  noms  ,  la  lon- 
gitude &  la  latitude  des  étoiles  qu'ils  y  ad- 
mettent ,  n'ont  pas  plus  de  droit  d'y  refter 
que  les  noms ,  la  longitude  &  la  latitude  des 
villes  qu'ils  en  rejettent. 

A  ceux  qui  l'auroient  defirée  moins  feche: 
qu'il  étcit  néceflaire  de  s'en  tenir  à  la  feule 
connoiffance  géographique  des  villes  qui  fût 
fcientifique  ,  à  la  ieule  qui  nous  fuffiroit 
pour  conftruire  de  bonnes  cartes  des  temps 
anciens ,  fi  nous  l'avions  ,  &  qui  fuftira  ù 
la  poftérité  pour  conftruire  àe  bonnes  cartes 
de  nos  temps  ,  fi  nous  la  lui  tranfmettons  j 

Eee 


4oi  E  N  C 

&  que  le  refle  ,  étant  entièrement  hiftori- 
que  ,  eff  hors  de  notre  objet. 

A  ceux  qui  ont  regardé  avec  dégoût  cer- 
tains traits  hiftoriqucs ,  la  cuifine,  les  mo- 
des, &c.  qu'ils  ont  oublié  combien  ces 
matières  ont  engendré  d'ouvrages  d'érudi- 
tion ;  que  le  plus  fuccinct  de  nos  articles 
en  ce  genre  épargnera  peut-être  à  nos  def- 
cendans  des  années  de  recherches  &  des 
volumes  de  diflértations  ;  qu'en  fuppofant 
les  favans  à  venir  infiniment  plus  réfervés 
que  ceux  du  fiecîe  palTé  ,  il  efl  encore  à 
préfumer  qu'ils  ne  dédaigneront  pas  d'écrire 
quelques  pages  pour  expliquer  ce  que  c'êft 
quunfalbala  ou  qu'un  pompon;  qu'un  écrit 
fur  nos  modes ,  qu'on  traiteroit  aujourd'hui 
d'ouvrage  frivole  ,  feroit  regardé  dans  deux 
mille  ans ,  comme  un  ouvrage  favant  & 
profond  ,  fur  les  habits  François  ;  ouvrage 
très-inflrudif  pour  les  littérateurs  ,  les  pein- 
tres &  les  fculpteurs  ;  quant  à  notre  cuifine, 
qu'on  ne  peut  lui  difputer  d'être  une  bran- 
che importante  de  la  chymie. 

A  ceux  qui  fe  font  plaints  que  notre 
botanique  n'éroit  ni  allez  complète  ni  afTez 
intéreflante  :  que  ces  reproches  font  fans 
aucun  fondement  ;  qu'il  étoit  impoflible 
de  s'étendre  au-delà  des  genres  ,  fans  com- 
piler des  in-folio  ;  qu'on  n'a  omis  aucune 
des  plantes  ufuelles  ;  qu'on  les  a  décrites  ; 
qu'on  en  a  donné  l'analyfe  chymique  ,  les 
propriétés  ,  foit  comme  remèdes  ,  foit 
comme  alimens;  que  la  leule  choie  qu'on 
auroit  pu  ajouter  ,  qui  lût  fcientifique  & 
qui  n'auroit  pas  occupé  un  efpace  bien 
confidérable  ,  c'eût  été  d'indiquer  à  l'arti- 
cle du  genre  combien  on  comptoit  d'efpeces, 
&  combien  de  variétés  :  &  quant  à  la  partie 
des  arbres  qui  efl  fi  importante  ,  qu'elle  a 
dans  \  Encyclopédie  ,  à  commencer  au  troi- 
fieme  volume  ,  toute  l'étendue  qu'on  lui 
peut  defirer. 

A  ceux  qui  font  mécontens  de  la  partie 
des  arts ,  &  à  ceux  qui  en  font  fatisfaits  : 
qu'ils  ont  raifon  les  uns  &  les  autres  ,  parce 
qu'il  y  a  des  chofes  dans  cette  matière  im- 
menfe  qui  font  on  ne  peut  pas  plus  mai- 
faites  ,  &:  d'autres  qu'il  feroit  peut-être 
difficile  de  mieux  faire. 

Mais  comme  les  arts  ont  été  l'objet  prin- 
cipal de  mon  travail ,  je  vais  m'expliquer 
librement ,  &:   fur   les  défauts   dans  iei- 


E  N  C 

quels  je  fuis  tombé  ,  &  fur  les  précau- 
tions qu'il  y  auroit  à  prendre  pour  les  cor- 
riger. 

Celui  qui  fe  chargera  de  la  matière  des 
arts ,  ne  s'acquittera  point  de  fon  travail 
d'une  manière  fatisfaifante  pour  les  autres 
&  pour  lui-même,  s'il  n'a  profondément 
étudié  l'hiffoire  naturelle  ,  &  fur-tout  la 
minéralogie  ;  s'il  n'eft  excellent  méchani- 
cien  ;  s'il  n'efl  très-verié  dans  la  phyfique 
rationnelle  &  expérimentale  ,  &  s'il  n'a 
fait  plufieurs  cours  de  chymie. 

Naturalise  ,  il  connoîtra  d'un  coup-d'œil 
les  fubffances  que  les  artiff.es  emploient,  &c 
dont  ils  font  communément  tant  de  my£> 
tere. 

Chymiffe  ,  il  poifédera  les  propriétés  de 
ces  fubffances  :  les  raifons  d'une  infinité 
d'opérations  lui  feront  connues  ;  il  éventera 
les  iecrets;  lesartiffesne  lui  en  impoferont 
point  ;  il  diicernera  fur  le  champ  l'abfur- 
dité  de  leurs  menfonges  ;  il  faifira  l'eiprit 
d'une  manœuvre  :  les  tours  de  mains  ne 
lui  échapperont  point  ;  il  difhnguera  fans 
peine  un  mouvement  indifférent  ,  d'une 
précaution  effentielle  ;  tout  ce  qu'il  écrira 
de  la  matière  des  arts  fera  clair ,  certain  , 
lumineux  ;  &  les  conjectures  fur  les  moyens 
de  perfectionner  ceux  qu'on  a ,  de  retrouver 
des  arts  perdus  ,  &  d'en  inventer  de  nou- 
veaux ,  fe*  préfenteront  en  foule  à  fon 
eiprit. 

La  phyfique  lui  rendra  raifon  d'une 
infinité  de  phénomènes  dont  les  ouvriers 
demeurent  étonnés  toute  leur  vie. 

Avec  de  la  méchanique  &  de  la  géo- 
métrie ,  il  parviendra  fans  peine  au  calcul 
vrai  &  réel  des  forces  ;  il  ne  lui  refiera  que 
l'expérience  à  acquérir  ,  pour  tempérer  la 
rigueur  des  iuppofitions  mathématiques  ; 
qualité  qui  diifingue  ,  fur-tout  dans  la 
conffruction  des  machines  délicates  ,  le 
grand  artiffe  de  l'ouvrier  commun  à  qui 
on  ne  donnera  jamais  une  juffe  idée  de  ce 
tempérament ,  s'il  ne  l'a  point  acquife  ,  & 
en  qui  on  ne  la  re£tifiera  jamais  ,  s'il  s'en 
eff  fait  de  faunes  notions. 

Muni  de  ces  connoiffances,  il  commen- 
cera par  introduire  quelque  ordre  dans  fon 
travail ,  en  rapportant  les  arts  aux  fûbf- 
tances  naturelles  :  ce  qui  eft  toujours 
pofHble  ;  car  l'hifloire  des  Arts  n'eff  que 


ENC 

Yhifioirede  la  nature  employée.  Voyez  l'ar- 
bre encyclopédique. 

Il  tracera  enfuire  pour  chaque  arrifie  un 
canevas  à  remplir;  il  leur  impofera  de  traiter 
de  la  matière  dont  ils  fe  fervent ,  des  lieux 
d'où  ils  la  tirent,  du  prix  qu'elle  leur  coûte, 
&c.  desinftrumens  ,  des  differens  ouvrages, 
&  de  toutes  les  manœuvres. 

II  comparera  les  mémoires  des  artiftes 
avec  fon  canevas  ;  il  conférera  avec  eux  ; 
il  leur  fera  fuppléer  de  vive  voix  ce  qu'ils 
auront  omis  ,  &  éclaircir  ce  qu'ils  auront 
mal  expliqué. 

Quelque  mauvais  que  ces  mémoires  puif- 
fent  être  ,  quand  ils  auront  été  faits  de 
bonne  foi ,  ils  contiendront  toujours  une 
infinité  de  chofes  que  l'homme  le  plus  in- 
telligent n'appercevra  pas  ,  ne  Soupçonnera 
point ,  &  ne  pourra  demander.  Il  y  en 
délirera  d'autres  à  la  vérité  ;  mais  ce  feront 
celles  que  les  artifles  ne  cèlent  à  perfonne  : 
car  j'ai  éprouvé  que  ceux  qui  s'occupent  fans 
ceffe  d'un  objet,  avoient  un  penchant  égal 
à  croire  que  tout  le  monde  favoit  ce  dont 
ils  ne  faifoient  point  unfecret;  &  que  ce 
dont  ils  faifoient  un  fecret .  n'étoit  connu 
de  perfonne  ;  enforte  qu'ils  étoient  toujours 
tentés  de  prendre  celui  qui  les  queftion- 
noit ,  ou  pour  un  génie  tranfeendant  ,  ou 
pour  un  imbéciile. 

Tandis  que  les  artiftes  feronr  à  l'ouvrage, 
il  s'occupera  à  rectifier  les  articles  que  nous 
lui  aurons  tranfmis ,  &  qu'il  trouvera  dans 
notrediclionnaire.il  ne  tardera  pas  às'ap- 
percevoir  que  malgré  tous  les  foins  que 
nous  nous  fommes  donnés  ,  il  s'y  eft  glifTé 
des  bévues  groflieres(  voye\  l *  article  Bri- 
QUE)  ,  &  qu'il  y  a  des  articles  entiers  qui 
n'ont  pas  l'ombre  du  fens  commun  (  ïoye% 
l'article  BLANCHISSERIE  DE  TOILES)  : 
mais  il  apprendra,  par  fon  expérience,  à  nous 
favoir  gré-  des  chofes  qui  leront  bien  ,  & 
à  nous  pardonner  celles  qui  feront  mal. 
C'efl  fur-tout  quand  il  aura  parcouru  pen- 
dant quelque  temps  les  -ateliers  ,  l'argent 
à  la  main  ,  &  qu'on  lui  aura  tait  payer  bien 
chèrement  les  fauffetés  les  plus  ridicules  , 
qu'il  connoûra  quelle  efpece  de  gens  ce 
font  que  les  artiftes  ,  fur-tout  à  Paris  ,  où 
la  crainte  des  impôts  les  tient  perpétuelle- 
ment en  méfiance  ,  &  où  ils  regardent  tout 
homme  qui  les  interroge  avec  quelque  cu- 


E  N  C  401 

riofîre  ,  comme  un  émifïaire  des  fermiers- 
généraux  ,  ou  comme  un  ouvrier  qui  veut 
ouvrir  boutique.  Il  m'a  femblé  qu'on  évi- 
terait ces  inconvéniens ,  en  cherchant ,  dans 
la  province  ,  toutes  les  connoifFances  fur 
les  arts  qu'on  y  pourroit  recueillir  :  on  y 
eft.  connu  ;  on  s'adrefîè  à  des  gens  qui  n'ont 
point  de  foupçon  ;  l'argent  y  eft  plus  rare, 
&  le  temps  moins  cher.  D'où  il  m:  paroîe 
évident  qu'on  s'inftruiroit  plus  facilement 
&  à  moins  de  frais  ,  &  qu'on  auroit  des 
inftructions  plus  fures. 

•  Il  faudroit  indiquer  l'origine  d'un  art ,  & 
en  fuivre  pié-à-pié  les  progrès  quand  ils 
ne  feroient  pas  ignorés  ,  ou  fubftituer  la 
conjecture  &  l'hiftoire  hypothétique  à  l'his- 
toire réelle.  On  peut  afïurer  qu'ici  le  ro- 
man feroit  fouvent  plus  inftructif  que  la 
vériré. 

Mais  il  n'en  eft  pas  de  l'origine  &  des 
progrès  d'un  art ,  ainfi  que  de  l'origine  & 
des  progrès  d'une  feience.  Les  favans  s'en-» 
tretiennent  :  ils  écrivent,  ils  font  valoir  leurs 
découvertes  :  ils  contredifènt ,  ils  font  con- 
tredits. Ces  conteftations  msnifeftent  le$ 
faits  &  conftatent  les  dates.  Les  artiftes  au 
contraire  vivent  ignorés ,  obfcurs  ,  ifolés  ; 
ils  font  tout  pour  leur  intérêt  ,  ils  ne  font 
prefque  rien  pour  leur  gloire.  Il  y  a  des  in- 
ventions qui  retient  des  fiecles  entiers  ren- 
fermées dans  une  famille  :  elles  patient  des 
pères  aux  enfans;  fe  perfectionnent  ou  dé- 
génèrent ,  fans  qu'on  fâche  précifément  ni 
à  qui ,  ni  à  quel  temps  il  faut  en  rap- 
porter la  découverte.  Les  pas  infenfibles 
par  lefquels  un  art  s'avance  à  la  perfection, 
confondent  auffi  les  dates.  L'un  recueille 
le  chanvre  ;  un  autre  le  fait  baigner  ;  un 
troifieme  le  teille  :  c'eft  d'abord  une  corde 
grofiiere  ;  puis  un  fil  ;  enfuite  une  toile  : 
mais  il  s'écoule  un  fiecle  entre  chacun  de 
ces  progrès.  Celui  qui  porteroit  une  produc- 
tion depuis -fon  état  naturel  jufqu'à  fort 
emploi  le  plus  parfait  ,  feroit  difficilement 
ignoré.  Comment  feroit-il  impoffible  qu'un 
peuple  fe  trouvât  tout-a-coup  vêtu  d'une 
étoffe  nouvelle  ,  &  ne  demandât  pas  à  qui 
il  en  eft  redevable  ?  Mais  ces  cas  n'arrivent 
point ,  ou  n'arrivent  que  rarement. 

Communément    le  hazard   fuggere  les 
premières  tentatives;  elles  font  infructueufes 
&  retient  ignorées  :  un  autre  les  reprend  ;  il 
E  ee  v2, 


404  E  N  C 

a  un  commencement  de  fucces  ,  mais  dont 
on  ne  parie  point  :  un  rroifieme  marche 
furies  pas  du  fécond  ;  un  quatrième  furies 
pas  du  troiiieme  ;  &  ainfi  de  fuite,  juf- 
qu'à  ce  que  le  dernier  produit  des  expé- 
riences foit  excellent  :  &  ce  produit  eu  le 
feul  qui  faffe  fenfation.  11  arrive  encore 
qu'à  peine  une  idée  eir-elle  éclole  dans  un 
atelier  ,  qu'elle  en  fort  &  fè  répand.  On 
travaille  en  plufieurs  endroits  à  la  fois  : 
chacun  manœuvre  de  fon  côté  ;  &  la 
même  invention  revendiquée  en  même 
temps  par  plufieurs  ,  n'appartient  pro- 
prement à  perfonne  ,  ou  n'ell  attribuée 
qu'à  celui  qu'elle  enrichit.  Si  l'on  tient 
l'invention  de  l'étranger  ,  la  jaloufie  natio- 
nale tait  le  nom  de  l'inventeur  ,  &  ce 
noni  relie  inconnu. 

Il  feroit  à  fouhaiter  que  le  gouverne- 
ment autorifàt  à  entrer  dans  les  manufac- 
tures ,  à  voir  travailler ,  à  interroger  les 
ouvriers ,  &  à  deflïner  les  inflrumen*  ,  les 
machines  &  même  le  local. 

Il  y  a  des  circonilances  où  les  artifles  font 
tellement  impénétrables  ,  que  le  moyen  le 
plus  court  ,  ce  feroit  d'entrer  foi  -  même 
en  apprentiifage ,  ou  d'y  mettre  quelqu'un 
de  confiance. 

Il  y  a  peu  de  (ècrets  qu'on  ne  parvînt  à 
connoît  par  cette  voie  :  il  faudroit  divul- 
guer tous  fcs  fecrets  lans   aucune  excep- 


tion. 


Je  fais  que  ce  fentiment  n'eft  pas  celui 
de  tout  le  monde  :  il  y  a  des  têtes  étroites, 
des  âmes  mal  nées  ,  indifférentes  fur  le  fort 
du  genre  humain  r  &  tellement  concentrées 
dans  leur  petite  fociété ,  qu'elles  ne  voient 
rien  au  delà  de  fon  intérêt.  Ces  hommes 
veulent  qu'on  les  appelle  bons  citoyens  ; 
&  j'y  confens,  pourvu  qu'ils  me  permettent 
de  les  appeller  méchxns  hommes.  On  diroit, 
à  les  entendre  ,  qu'une  Encyclopédie  bien 
faite  ,  qu'une  hiltoire  générale  des  arts  ne 
devroit  être  qu'un  grand  manuferitfoigneu- 
ièment  renfermé  dans  .la  bibliothèque  du 
monarque, &  inaccdîibîe  à  d'autres  yeux 
que  ies  liens  ;  un  livre  de  l'état ,  &  non  du 
peuple.  A  quoi  bon  divulguer  les  connoif- 
fànces  de  la  nation  >  fes  traniachons  iecre- 
tes  ,  fes  inventions  ,  fon  induftrie  ,  les 
reffources  ,  les  myfteres  ,  fa  lumière  >  ies 
axts  &  toute  la  fageiTe  î  ne  font- ce  pas  là 


E  N  C 

les  choies  auxquelles  elle  doit  une  partie 
de  la  lupériorité  fur  les  nations  rivales  & 
circonvoiiines  ?  Voilà  ce  qu'ils  difent  ;  & 
voici  ce  qu'ils  pourroient  encore  ajouter. 
Ne  feroit-il  pas  à  fouhaiter  qu'au  lieu  d'é- 
clairer l'étranger,  nous  puflions  répandre 
lùr  lui  des  ténèbres ,  &  plonger  dans  la 
barbarie  le  relie  de  le  terre  ,  afin  de  le  do- 
miner plusfurement?  Ils  ne  font  pas  atten- 
tion qu'ils  n'occupent  qu'un  point  fur  ce 
globe  ,  &  qu'ils  n'y  dureront  qu'un  mo- 
ment ;  que  c'efl  à  ce  point  &  à  cet  inftanc 
qu'ils  facrifient  le  bonheur  des  fiecles  à  venir 
&  de  l'elpece  entière.  Ils  lavent  mieux  que 
perfonne  que  la  durée  moyenne  d'un  em- 
pire n'efr.  pas  de  deux  mille  ans ,  &  que 
dans  moins  de  temps  peut-être  ,  le  nom 
François  ,  ce  nom  qui  durera  éternellement 
dans  l'hilloire  ,  fera  inutilement  cherché 
fur  la  furface  de  la  terre.  Ces  confidéra- 
tions  n'étendent  point  leurs  vues  ;  il  femble 
que  le  mot  humanité  foit  pour  eux  un  mot 
vuide  de  fens.  Encore  s'ils  étoient  confé- 
quens  !  mais  dans  un  autre  moment  ils  le 
déchaîneront  contre  l'impénétrabilité  des 
fanctuaires  de  l'Egypte  ;  ils  déploreront  la 
perte  des  connoilîances  anciennes  ;  ils  accu- 
leront la  négligence  ou  le  lilence  des  au- 
teurs qui  fe  font  tus  ou  qui  ont  parlé  fi. 
mal  d'une  infinité  d'objets  importans  ;  & 
ils  ne  s'appercevront  pas  qu'ils  exigent  des 
hommes  d'autrefois  ce  dont  ils  font  un 
crime  à  ceux  d'aujourd'hui  ,  &  qu'ils  blâ- 
ment les  autres  d'avoir  été  ce  qu'ils  fe  font 
honneur  d'être. 

Ces  bons  citoyens  font  les  plus  dange- 
reux ennemis  que  nous  ayions  eus.  En 
général ,  il  faut  profiter  des  critiques  ,  fans 
y  répondre  ,  quand  elles  font  bonnes  ;  les 
négliger  ,  quand  elles  fontmauvaifes.  N'elt- 
ce  pas  une  perfpective  bien  agréable  pour 
tous  ceux  qui  s'opiniâtrent  à  noircir  du  pa- 
pier contre  nous,  que  fi  l'Encyclopédie  con- 
lèrve  dans  dix  ans  la  réputation  dont  elle 
jouit,  il  ne  fera  plus  queftion  de  leurs  écrits, 
&  qu'il  en  fera  bien  moins  queftion  encore, 
fi  elle  eft  ignorée. 

J'ai  entendu  dire  à  M.  de  Fontenelle  , 
que  fon  appartement  ne  contiendroit  pas 
tous  ies  ouvrages  qu'on  avoit  publiés  contre 
lui.  Qui  efl-ce  qui  en  connoît  un  feul  ? 
L'elprit  des  loix  &  l'rnftoire  naturelle  ne 


E  N  C 

font  que  de  paroître  ,  &  les  critiques  qu'on 
en  a  faites  font  entièrement  ignorées.  Nous 
avons  déjà  remarqué  que  parmi  ceux  qui 
fe  font  érigés  en  cenfeurs  de  Y  Encyclopédie, 
il  n'y  en  a  preique  pas  un  qui  eût  les  talens 
nécelTaires  pour  l'enrichir  d'un  bon  article. 
Je  ne  croirois  pas  exagérer ,  quand  j'ajou- 
terois  que  c'eft  un  livre  dont  la  très-grande 
partie  feroit  à  étudier  pour  eux.  L'efprit 
philo fophique  eff  celui  dans  lequel  on  l'a 
compofé  ,  &  il  s'en  faut  beaucoup  que  la 
plupart  de  ceux  qui  nous  jugent  foient  à 
cet  égard  feulement  au  niveau  de  leur 
iiecle.  J'en  appelle  à  leurs  ouvrages.  C'eii 
par  cette  rai fon  qu'ils  ne  dureront  pas  ,  & 
que  nous  ofons  préfumer  que  notre  Diction- 
naire fera  plus  lu  &  plus  efhmé  dans  quel- 
ques années ,  qu'il  ne  l'eft  encore  aujour- 
d'hui. Il  ne  nous  feroit  pas  difficile  de  citer 
d'autres  auteurs  qui  ont  eu,  &  qui  auront  le 
même  fort.  Les  uns  (comme  nous  l'avons 
déjà  dit  plus  haut)  élevés  aux  cieux  ,  parce 
qu'ils  avoient  compofé  pour  la  multitude, 
qu'ils  s'étoientafîujettisaux  idées  courantes, 
&  qu'ils  s'éroient  mis  à  la  portée  du  com- 
mun des  lecteurs  ,  ont  perdu  de  leur  répu- 
tation ,  àmefure  que  l'efprit  humain  a  fait 
des  progrès,  &  ont  fini  par  être  oubliés. 
D'autres  au  contraire  ,  trop  forts  pour  le 
temps  où  ils  ont  paru  ,  ont  été  peu  lus  , 
peu  entendus ,  point  goûtés  ,  &  font  de- 
meurés obfcurs  ,  long-temps,'  jufqu'au 
moment  où  le  fîecle  qu'ils  avoient  de- 
vancé fut  écoulé  ,  &  qu'un  autre  Iiecle 
dont  ils  étoient  avant  qu'il  fut  arrivé  , 
les  atteignit ,  &  rendit  enfin  jufhce  a  leur 
mérite. 

Je  crois  avoir  appris  à  mes  concitoyens 
à  eitimer  &  à  lire  le  chancelier  Bacon  ;  on 
a  plus  feuilleté  ce  profond  auteur  depuis 
cinq  à  fix  ans  ,  qu'il  ne  l'avoit  jamais  été. 
Nous  îbmmes  cependant  encore  bien  loin 
de  fentir  l'importance  de  fes  ouvrages  ; 
les  efprits  ne  font  pas  aflèz^  avancés.  Il 
y  a  trop  peu  p'e  p-'rlonnes  en  état  de  s'élever 
à  la  hauteur  de  les  méditations  ;  &  peut- 
être  le  nombre  n'en  deviendra-t-il  jamais 
guère  plus  grand.  Qui  lait  fi  le  novum  orga- 
num  ,  ks  cogitât  a  &  vif  a  ,  le  livre  de 
augmento  feientiarum  ,  ne  font  pas  trop  au 
defîhs  de  la  portée  moyenne  de  l'efprit 
humain  ,  pour  devenir  ,  dans  aucun  fiecle  , 


E  N  C  405 

une  lecture  facile  &  commune  ?  C'efl  au 
temps  à  éclaircir  ce    doute. 

Mais  ces  confidérations  fur  l'efprit  &  la 
matière  d'un  dictionnaire  encyclopédique 
nous  conduifent  naturellement  à  parler 
du  ftyle  qui  cil  propre  à  ce  genre  d'ou- 
vrage. 

Le  laconifme  n'efï  pas  le  ton  d'un  dic- 
tionnaire ;  il  donne  plus  à  deviner  qu'il  ne 
4e  faut  pour  le  commun  des  le&eurs.  Je 
voudrois  qu'on  ne  laifïat  à  penfer  que  ce 
qui  pourroit  être  perdu  ,  fans  qu'on  en  fût 
moins  infîruit  fur  le  fond.  L'effet  de  la 
diverfité  ,  outre  qu'il  eft  inévitable  ,  ne  me 
paroît  point  ici  déplaifant.  Chaque  travail- 
leur ,  chaque  feience  ,  chaque  art  ,  chaque 
article  ,  chaque  fujet  a  fa  langue  &  ion 
ftyle.  Quel  inconvénient  y  a-t-il  à  le  lux 
conferver  ?  s'il  faiioit  que  l'éditeur  fît  re- 
connoître  fa  main  par-tout  ,  l'ouvrage  en 
feroit  beaucoup  retardé  ,  &  n'en  feroit  pas 
meilleur.  Quelque  infrruitqu'un  éditeur  pût 
être  ,  il  s'expoferoit  fouvent  à  commettre 
une  erreur  #de  chofe  ,  dans  l'intention  de 
rectifier  une  faute  de  langue. 

Je  renfermerois  le  caractère  général  du 
ftyle  d'une  Encyclopédie  ,  en  deux  mots  , 
communLiy  pvopriè;  propria,  communiter. 
En  fe  conformant  à  certe  régie  ,  les  chofes 
communes  feroient  toujours  élégantes  ;  & 
les  chofes  propres  &  particulières,  toujours 
claires. 

Il  faut  confidérer  un  dictionnaire  uni- 
verfel  des  Sciences  &  des  Arts,  comme  une 
campagne  immenfe  couverte  de  montagnes  , 
de  plaines ,  de  rochers  ,  d'eaux  ,  de  forêts  9 
d'animaux ,  &  de  tous  les  objets  qui  font 
la  variété  d'un  grand  payfage.  La  lumière 
du  ciel  les  éclaire  tous  ;  mais  ils  en  font 
tous  frappés  diverfement.  Les  uns  s'avan- 
cent par  leur  nature  &  leur  expofition  , 
jufque  (ur  le  devant  de  la  feene  ;  d'autres 
iont  diftribués  fur  une  infinité  de  plans 
intermédiaires  :  il  y  en  a  qui  fe  perdent 
dans  le  lointain  ;  tous  fe  font  valoir  réci- 
proquement. 

Si  la  trace  la  plus  légère  d'affectation  eft 
iniupportable  dans  uri  petit  ouvrage,  que 
feroit-ce  au  jugement  des  gens  de  lettres  , 
qu'un  grand  ouvrage  où  ce  défaut  domi- 
neroit  ?  Je  fuis  fur  que  l'excellence  de  la 
matière  ne  contrebalanceroit  pas  ce  vice  de 


4cS  E  N  C 

flyle,  &  qu'il  fcroit  peu  lu.  Les  ouvrages 
de  deux  des  plus  grands  hommes  que  la 
nature  ait  produits ,  l'un  philofophe  ,  & 
l'autre  poëte  ,  feroient  infiniment  plus  par- 
faits ,  &  plus  eflimés ,  fi  ces  hommes  rares 
n'avoient  été  doués  dans  un  degré  très- 
extraordinaire  ,  de  deux  talens  qui  ;ne  fem- 
blent  contradictoires  ,  le  génie  fk  le  bel 
efprit.  Les  traits  les  plus  brillans  &  lescom- 
paraifons  les  plus  ingénieufes  y  déparent  à* 
tout  moment  les  idées  les  plus  fublimes. 
La  nature  les  auroit  traités  beaucoup  plus 
favorablement ,  fi  ,  leur  ayant  accordé  le 
génie  ,  elle  leur  eût  refufé  le  bel  efprit.  Le 
goût  folide  &  vrai ,  le  iublime  en  quelque 
genre  que  ce  foi;,  le  pathétique ,  les  grands 
effets  de  la  crainte  ,  de  la  commifération 
&  de  la  terreur  ,  les  fentimens  nobles  & 
relevés  ,  les  grandes  idées  rejettent  le  tour 
épigrammatique  &  le  contrafte  des  expref- 
fions. 

Si  toutefois  il  y  a  quelqu' ouvrage  qui  com- 
porte de  la  variété  dans  le  flyle  ,  c'efl  une 
Encyclopédie  ;  mais  comme  j'ai  defiré  que 
les  objets  les  plus  indifFérens  y  fufîent  tou- 
jours fecrétement  rapportés  à  l'homme ,  y 
prhTentun  tour  moral  ,  refpiraflfent  la  dé- 
cence ,  la  dignité  ,  la  fenfibilité  ,  l'élévation 
de  Pâme  ;  en  un  mot ,  qu'on  y  difeernât 
par-tout  le  fouffle  de  l'honnêteté  ;  je  vou- 
drois  aufïi  que  le  ton  répondît  à  ces  vues  , 
&  qu'il  en  reçût  quelque  autorité  ,  même 
dans  les  endroits  où  les  couleurs  les  plus 
brillantes  &  les  plus  gaies  n'auroient  pas 
été  déplacées.  C'efl  manquer  fon  but ,  que 
d'amufer  &  de  plaire  ,  quand  on  peut  ins- 
truire &  toucher. 

Quant  à  la  pureté  de  la  di&ion  ,  on  a 
droit  de  l'exiger  dans  tout  ouvrage.  Je  ne 
fais  d'où  vient  l'indulgence  injurieufe  qu'on 
a  pour  les  grands  livres ,  &  fur-tout  pour 
les  dictionnaires.  Il  femble  qu'on  ait  permis 
à  l'in-folio  d'être  écrit  pefamment  ,  négli- 
gemment ,  fans  génie  ,  fans  goût  &  fans 
fmefîe.  Croit-on  qu'il  foit  impoflible  d'in- 
troduire ces  qualités  dans  un  ouvrage  de 
longue  haleine  ?  Ou  feroit-ce  que  la  plu- 
part des  ouvrages  de  longue  haleine  qui 
ont  paru  jufqu'à  préfent  ,  ayant  communé- 
ment ces  défauts  ,on  lésa  regardés  comme 
un  apanage  du  format  ? 

Cependant  on  s'apperçcvra,  en  y  regar- 


E  NC 

dant  de  près  ,  que  s'ii  y  a  quelque  ouvrage 
où  il  foit  facile  de  mettre  du  flyle,  c'efî 
un  dictionnaire  ;  tout  y  efl  coupé  par  arti- 
cles ,  &  les  morceaux  les  plus  étendus  le 
font  moins  qu'un  difeours   oratoire. 

Mais  voici  ce  que  c'eft.  Il  efl  rare  que 
ceux  qui  écrivent  fupérieurement  ,  veuil- 
lent &  puifTent  continuer  long-temps  une 
tâche  fi  pénible  ;  d'ailleurs,  dans  les  ouvra- 
ges de  fociété  où  la  gloire  du  fuccès  efl  par- 
tagée ,  &  où  le  travail  d'un  homme  efl 
confondu  avec  le  travail  de  plufieurs  ,  on 
fe  défigne  en  foi-même  un  affocié  pour 
émule  ;  on  compare  fon  travail  avec  le 
fîen  ;  on  rougiroit  d'être  au  defTous  ;  on 
fe  foucie  peu  d'être  au  deffus  ;  on  n'em- 
ploie qu'une  partie  de  {es  forces  ,  &  l'on 
efpere  que  ce  qu'on  aura  négligé  difpa- 
roîtra  dans  l'immenfité    des  volumes. 

C'efl  ainfî  que  l'intérêt  s'afFoiblit  dans 
chacun  ,  à  mefure  que  le  nombre  des 
afîbciés  augmente,  &  que  ,  l'ouvrage 
d'un  feul  fe  diflinguant  d'autant  moins 
qu'il  a  plus  de  collègues ,  le  livre  fe 
trouve  en  général  d'une  médiocrité  d'au- 
tant plus  grande ,  qu'on  y  a  employé  plus 
de  mains. 

Cependant  le  temps  levé  le  voile;  chacun 
efl  jugé  félon  fon  mérite.  On  diftingue  le 
travailleur  négligent  du  travailleur  honnête 
ou  qui  a  rempli  fon  devoir.  Ce  que  quel- 
ques-uns ont  fait ,  montre  ce  qu'on  étoit  en 
droit  d'exiger  de  tous;  &  le  public  nomme 
ceux  dont  il  efl  mécontent ,  &  regrette 
qu'ils  aient  fi  mal  répondu  à  l'importance 
de  Pentreprifè,  &  au  choix  dont  on  les  avoit 
honorés. 

Je  m'explique  là  deffus  avec  d'autant 
plus  de  liberté,  que  perfonne  ne  fera  plus 
expofé  que  moi  à  cette  efpece  de  cenfure  , 
&  que  ,  quelque  critique  qu'on  faffe  de 
notre  travail,  foit  en  général,  foit  en  par- 
ticulier ,  il  n'en  reliera  pas  moins  pour 
confiant  qu'il  feroit  très-difficile  de  former 
une  féconde  fociété  de  gens  de  lettres  & 
d'artifles  ,  aufîl  nombreufe  &  mieux  com- 
pofée  que  celle  qui  concourt  à  la  compo- 
sition de  ce  dictionnaire.  S'il  étoit  facile 
de  trouver  mieux  que  moi  pour  auteur  & 
pour  éditeur  ,  il  faudra  que  l'on  convienne 
qu'il  étoit ,  fous  ces  deux  afpecls  ,  infini- 
ment   plus  facile  encore    de  rencontrer 


E  N  C 

moins  bien  que  M.  d'Alembert.  Combien  * 
je  gagnerais  à  cette  efpece  d'énumération , 
où  les  hommes  lé  compenferoient  les  uns 
par  les  autres!  Ajoutons  à  cela  qu'il  y  a 
des  parties  pour  lefquelles  on  ne  choifit 
point ,  &  que  cet  inconvénient  fera  de 
toutes  les  éditions.  Quelque  honoraire  qu'on 
propofât  à  un  homme  ,  il  n'acquitteroit 
jamais  le  temps  qu'on  lui  demanderoit.  Il 
faut  qu'un  artille  veille  dans  fon  atelier;  il 
faut  qu'un  homme  public  foit  à  fes  fonc- 
tions. Celui-ci  eli  malheureufement  trop 
occupé  ,  &  l'homme  de  cabinet  n'efl  mal- 
heureufement pas  aflez  inftruit.  On  le  tire 
de  ià  comme  on  peut. 

Mais  s'il  efî  facile  à  un  dictionnaire 
d'êcre  bien  écrit ,  il  n'efl  guère  d'ouvrages 
auxquels  il  loit  plus  effentiel  de  l'être. 
Plus  une  route  doit  être  longue,  plus  il 
feroit  à  fouhaiter  qu'elle  fut  agréable.  Au 
relie ,  nous  avons  quelque  raifon  de  croire 
que  nous  ne  fommes  pas  reliés  de  ce  côté 
fans  fuccès.  Il  y  a  des  perfonnes  qui  ont 
lu  l'Encyclopédie  d'un  bout  à  l'autre  ;  &  fi 
Ton  en  excepte  le  dictionnaire  de  Bayle, 
qui  perd  tous  les  jours  un  peu  de  cette 
prérogative ,  il  n'y  a  guère  que  le  nôtre 
qui  en  ait  joui  &  qui  en  jouilîê.  Nous 
fouhaitons  qu'il  la  coniérve  peu  ,  parce  que 
nous  aimons  plus  les  progrès  de  l'efprit  hu- 
main que  la  durée  de  nos  productions ,  & 
que  nous  aurions  réuffi  bien  au-delà  de  nos 
efpérances ,  li  nous  avions  rendu  les  con- 
noiflances  fi  populaires ,  qu'il  fallût  au  com- 
mun des  hommes  un  ouvrage  plus  fort  que 
Y  Encyclopédie  pour  les  attacher  &  les  inf- 
truire. 

Il  feroit  à  fouhaiter  ,  quand  il  s'agit 
de  flyle  ,  qu'on  pût  imiter  Pétrone  ,  qui  a 
donné  en  même  temps  l'exemple  &  le 
précepte ,  loriqu'ayant.à  peindre  les  qua- 
lités d'un  beau  difeours  ,  il  a  dit:  grandis , 
&  mita  dicam,  pudica  oratio  neque  macu- 
lofa  efl  neque  turgida  y  fed naturali  pulchri- 
tudine  exfurgit.  La  defeription  efî:  la  chofe 
même. 

Il  faut  fe  garantir  finguliérement  de 
l'obfcurité  -,  &  fe  refTouvenir  à  chaque 
ligne  qu'un  dictionnaire  ell  fait  pour 
tout  le  monde ,  &  que  la  répétition  des 
mots  qui  ofïenferoit  dans  un  ouvrage 
léger ,  devient  un  caractère  de  ûmplicité 


E  N  C  407 

qui  ne  déplaira  jamais  dans  un  grand  ou- 
vrage. 

Qu'il  n'y  ait  jamais  rien  de  vague  dans 
l'expreilion.  Il  ièroit  mal ,  dans  un  livre 
philoibphique ,  d'employer  les- termes  les 
plus  ulités,  lorfqu'ils  n'emportent  avec  eux 
aucune  idée  fixe  ,  dillincte  &  déterminée  ; 
&  il  y  a  de  ces  termes  ,  &  en  très  grand 
nombre.  Si  l'on  pouvoit  en  donner  des 
définitions ,  félon  la  nature  qui  ne  change 
point ,  &  non  félon  les  conventions  &  les 
préjugés  des  homnus  qui  changent  conti- 
nuellement, ces  définitions  deviendroienc 
des  germes  de  découvertes.  Obfervons  en- 
core ici  le  befoin  continuel  que  nous  avons 
d'un  modèle  invariable  &  confiant  auquel 
nos  définitions  &  nos  delcriptions  fe  rap- 
portent ,  tel  que  la  nature  de  l'homme  ,  des 
animaux  ou  des  autres  êtres  fublillans.  Le 
relie  n'ell  rien  ,  &  celui  qui  ne  fait  pas  écar- 
ter certaines  notions  particulières  ,  locales 
&  palTageres  ,  efl  gêné  dans  ion  travail,  & 
fans  ceffe  expofe  à  dire,  contre  le  témoignage 
de  fa  confeience  &  la  pente  de  fon  efprit , 
des  chofes  inexactes  pour  le  moment ,  & 
faulîès  ,  ou  du  moins  obfcures  &  halardées 
pour  l'avenir. 

Les  ouvrages  des  génies  les  plus  intré- 
pides &  les  plus  élevés ,  des  plus  grands 
philofophes  de  l'antiquité  ,  font  un  peu  dé- 
figurés par  ce  défaut.  Il  s'en  manque  beau- 
coup que  ceux  de  nos  jours  en  loient 
exempts.  L'intolérance ,  le  manque  de  la 
double  doctrine  ,  le  défaut  d'une  langue 
hiéroglyphique  &  facrée  ,  perpétueront  à 
jamais  ces  contradictions  ,  &  continueront 
de  tacher  nos  plus  belles  productions.-  On 
ne  fait  fouvent  ce  qu'un  homme  a  penfé 
fur  les  matières  les  plus  importantes.  Il 
s'enveloppe  dans  des  ténèbres  affectées  ; 
[es  contemporains  mêmes  ignorent  les 
fentimens  ;  &  l'on  ne  doit  pas  s'attendre 
que  l'Encyclopédie  foit  exempte  de  ce 
défaut. 

Plus  les  matières  feront  abflraites  plus  il 
faudra  s'efforcer  de  les  mettre  à  la  portée 
de  tous  les  lecteurs. 

Un  éditeur  qui  aura  de  l'expérience  , 
&  qui  fera  maître  de  lui-même ,  le  pla- 
cera dans  la  clalfe  moyenne  des  eiprits.  Si 
la  nature  l'avoit  élevé  au  rang  des  premiers 
génies ,  &  qu'il  n'en  descendît  jamais ,  coa« 


4®8  E  N  C 

verfant  fans  cefTe  avec  les  hommes  de  la 
plus  grande  pénétration  ,  il  lui  arriveroit 
de  conndérer  les  objets  d'un  point  de  vue 
où  la  multitude  ne  peut  atteindre.  Trop  au 
defîùs  d'elle  ,  l'ouvrage  deviendroit  oblcur 
pour  trop  de  monde.  Mais  s'il  fe  trouvoit 
malheureufement,  ou  s'il  avoit  la  complai- 
fance  de  s'abaifTer  fort  au  deffous  ,  les  ma- 
tières traitées ,  comme  pour  des  imbécilles , 
deviendroient  longues  &  faftidieufes.  Il 
conlidérera  donc  le  inonde  comme  fon 
école  ,  &  le  genre  humain  comme  fon  pu- 
pille ;  &  il  dictera  des  leçons  qui  ne  faffent 
pas  perdre  aux  bons  efprits  un  temps  pré- 
cieux ,  &  qui  ne  rebutent  point  la  foule 
des  efprits  ordinaires.  Il  y  a  deux  claffes 
d'hommes ,  à  peu  près  également  étroites  , 
qu'il  faut  également  négliger.  Ce  font  les 
génies  tranfcendans  &  les  imbécilles  qui 
n'ont  befoin  de  maîtres  ni  les  uns  ni  les 
autres. 

Mais  s'il  n'eft  pas  facile  de  faifir  la  por- 
tée commune  des  efprits ,  il  l'eft  beaucoup 
moins  encore  à  l'homme  de  génie  de 
s'y  fixer.  Le  génie  tend  naturellement  à 
s'élever:  il  cherche  la  région  des  nues; 
s'il  s'oublie  un  moment  ,  il  eft  emporté 
d'un  vol  rapide  ;  &  bientôt  les  yeux  ordi- 
naires ceffent  de  l'appercevoir  &  de  le 
fuivre. 

Si  chaque  encyclopédifte  s'étoit  bien  ac- 
quitté de  lbn  travail ,  l'attention  principale 
d'un  éditeur  fe  réduiroit  à  circonferire 
rigoureufement  les  différens  objets,  à  ren- 
fermer les  parties  en  elles-mêmes  ,  &  à 
fiipprimer  des  redites  ;  ce  qui  eft  toujours 
plus  facile  que  de  remplir  des  omiffions: 
les  redites  s'ap perçoivent  &  fe  corrigent 
d'un  trait  de  plume  ;  les  omiffions  le  dé- 
robent &  ne  fe  fuppléent  pas  fans  travail. 
Le  grand  inconvénient ,  c'eft  que  ,  quand 
elles  fe  montrent ,  c'eft  fi  brufquement  , 
que  l'éditeur  fe  trouvant  prefîé  entre  une 
matière  qui  demande  du  temps  ,  &  la 
vîtefîe  de  Fimpreflion  qui  n'en  accorde 
point ,  il  faut  que  l'ouvrage  foit  eftropié , 
ou  l'ordre  perverti  ;  l'ouvrage  eftropié  ,  fi 
l'on  remplit  fà  tâche  félon  le  temps  ;  l'ordre 
perverti ,  fi  on  ia  renvoie  à  quelque  endroit 
écarté  du  di&ionnaire. 

Où  eft  l'homme  affez  verfé  dans  toutes 
les  matières ,  pour  en  écrire  fur  le  champ 


E  N  C 

comme  s'il  s'en  croit  long-temps  occupé  ? 
Où  eft  l'éditeur  qui  aura  les  principes  d'un 
auteur  afïèz  préfens  ,  ou  des  notions  affez 
conformes  aux  tiennes  ,  pour  ne  tomber 
dans  aucune  contradiction  ? 

N'eft-ce  pas  même  un  travail  prefqu'au 
defîus  de  (es  forces ,  que  d'avoir  à  remar- 
quer les  contradictions  qui  fe  trouveront 
nécessairement  entre  les  principes  &  les 
idées  de  {es  afîbciés  ?  S'il  n'eft  pas  de  fa 
fonction  de  les  lever  quand  elles  font  réel- 
les ,  il  le  doit  au  moins  quand  elles  ne  font 
qu'apparentes  ;  &  ,  dans  le  premier  cas , 
peut-il  être  difpenfé  de  les  indiquer  ,  de 
les  faire  fortir ,  d'en  marquer  la  fource , 
de  montrer  la  route  commune  que  deux 
auteurs  ont  fuivie  ,  &  le  point  de  diviiion 
où  ils  ont  commencé  a  fe  féparer ,  de 
balancer  leurs  raifons ,  de  propofer  des 
obfervations  &  des  expériences  pour  &  con- 
tre ,  de  défigner  le  côté  de  la  vérité  ou  celui 
de  la  vraifemblance  ?  11  ne  mettra  l'ou- 
vrage à  couvert  du  reproche  ,  qu'en 
obfervant  exprefîément  que  ce  n'eft  pas  le 
dictionnaire  quiie  contredit,  mais  les  îcien- 
ces  &  les  arts  qui  ne  font  pas  d'accord. 
S'il  alloit  plus  loin ,  s'il  réfolvoit  les  diffi- 
cultés ,  il  feroit  homme  de  génie  :  mais 
peut-on  exiger  d'un  éditeur  qu'il  foit  hom- 
me de  génie  ?  &  ne  feroir-ce  pas  une  folie 
que  de  demander  qu'il  fût  un  génie  uni- 
ver  fel  ? 

Une  attention  que  je  recommanderai  à 
l'éditeur  qui  nous  fuccédera  ,  &  pour  le 
bien  de  l'ouvrage ,  &  pour  la  fureté  de  fa 
perfonne  ,  c'eft  d'envoyer  aux  cenfeurs  les 
feuilles  imprimées  ,  &  non  le  manuferit. 
Avec  cette  précaution ,  les  articles  ne 
feront  ni  perdus ,  ni  dérangés  ,  ni  fiippri- 
rn'és  ;  &  le  paraphe  du  cenfeur  ,  mis  au 
bas  de  la  feuille  imprimée ,  fera  le  garant 
le  plus  fur  qu'on  n'a  ni  ajouté  ,  ni  altéré , 
ni  retranché  ,  &:  que  l'ouvrage  eft  refté 
dans  l'état  où  il  a  jugé  à  propos  qu'il  s'im- 
primât. 

Mais  le  nom  &  la  fonction  de  cenfeur 
me  rappellent  une  queftion  importante.  On 
a  demandé  s'il  ne  vaudroit  pas  mieux  qu'une 
Encyclopédie  (m  permife  tacitement,  qu'ex- 
prefïement  approuvée  :  ceux  qui  foute- 
noient  l'affirmative  difoient  :  "  alors  les 
»   auteurs  jouiroient  de  toute  la  liberté  né- 

v  ceflâire 


E  N  C 

»  ceflaire  pour  en  faire  un  excellent  ou- 
»  vrage.  Combien  on  y  traiteroit  de  fujets 
»  importans  ?  Lesbcauxarticlesque  le  droit 
»  public  fournirait  !  Combien  d'autres 
»  qu'on  pourr oit  imprimer  à  deux  colonnes, 
»  dont  l'une  établiroit  le  pour  &:  l'autre  le 
w  contre  !  L'hiftorique  feroit  expofé  fans 
»  partialité  ,  le  bien  loué  hautement ,  le 
»  mal  blâmé  fans  réfèrve  ,  les  vérités  alïu- 
»  rées ,  les  doutes  propofés  ,  les  préjugés 
»  détruits ,  &  l'ufage  des  renvois  politiques 
»   fort  reftreint.  » 

Leurs  antagoniftes  répondoient  fimple- 
ment  «  qu'il  valoit  mieux  facrifier  un  peu 
»  de  liberté  ,  que  de  s'expofer  à  tomber 
î)  dans  la  licence ,  &  d'ailleurs  ,  ajoutoieut- 
»  ils  ,  telle  eft  la  conftitution  des  chofes 
»  qui  nous  environnent  j  que  li  un  homme 
»  extraordinaire  s'étoit  propofé  un  ouvrage 
»  aufîi  étendu  que  le  nôtre  ,  &  qu'il  lui 
»  eût  été  donné  par  l'Etre  fuprême  de 
V  connoître  en  tout  la  vérité ,  il  faudroit 
î>  encore  ,  pour  fa  fécurité  j  qu'il  lui  fût 
»  aiïigné  un  point  inaccefîîble  dans  les 
»  airs  ,  d'où  (es  feuilles  tombaient  fur  la 
m   terre.  » 

Pu i (qu'il  eft  donc  fî  à  propos  de  fubir  la 
cenfure  littéraire  ,  on  ne  peut  avoir  un  cen- 
feur  trop  intelligent  :  il  faudra  qu'il  fâche 
fè  prêter  au  caractère  général  de  l'ouvrage  \, 
voir  fans  intérêt  ni  pufillanimité  }  n'avoir 
de  refpecl:  que  pour  ce  qui  eft  vraiment 
refpeélable  \  diftinguer  le  ton  qui  convient 
à  chaque  perfonne  &  à  chaque  fujet  \  ne 
s'effaroucher  ni  des  propos  cyniques  de 
Diogene  ,  ni  des  termes  teheniques  de 
Winflou ,  ni  des  fyllogifmes  d'Anaxagoras  -v 
ne  pas  exiger  qu'on  réfute  ,  qu'on  affoi- 
blilfe  ou  qu'on  fupprime  ce  qu'on  ne  ra- 
conte qu'hiftoriquement  }  fentir  la  différence 
d'un  ouvrage  immenfe  &  d'un  in- 12  \  &c 
aimer  affez  la  vérité ,  la  vertu ,  le  progrès  des 
connoiffances  humaines  &  l'honneur  de  la 
nation  ,  pour  n'avoir  en  vue  que  ces  grands 
objets. 

Voilà  le  cenfeur  que  je  voudrois  :  quant 
à  l'homme  que  je  defirerois  pour  auteur  , 
il  feroit  ferme  ,  inftruit ,  honnête  ,  véridi- 
que ,  d'aucun  pays ,  d'aucune  feéf,e  ,  d'au- 
cun état ,  racontant  les  chofes  du  moment 
où  il  vit ,  comme  s'il  en  étoit  à  mille  ans  } 
&  celles  de  l'endroit  qu'il  habite  ,  comme 
Tome  XII. 


E  N  C  4c$ 

s'il  en  étoit  à  deux  mille  lieues.  Mais  à  uni 
fi  digne  collègue  ,  qui  faudroit-il  pour  édi- 
teur ?  un  homme  doué  d'un  grand  fens  , 
célèbre  par  l'étendue  de  fes  conuoiffances  , 
l'élévation  de  lès  fentimens  <k  de  fès  idées  , 
&  fon  amour  pour  le  travail  :•  un  homme 
aimé  &  refpe&é  par  fon  caractère  domefti- 
que  &  public  ;  jamais  enthoufiafte  ,  à  moins 
que  ce  ne  fût  de  la  vérité  ,  de  la  vertu  6c  de 
l'humanité. 

Il  ne  faut  pas  imaginer  que  le  concours 
de  tant  d'heureufcs  circonftances  ne  biffât 
aucune  imperfection  dans  YEncyclopédie  : 
il  y  aura  toujours  des  défauts  dans  un  ou- 
vrage de  cette  étendue.  On  les  réparera 
d'abord  par  des  fùpplémens  ,  à  mefure 
qu'ils  fe  découvriront  :  mais  il  viendra 
néceffairement  un  temps  où  le  public  de- 
mandera lui-même  une  refonte  générale  j 
&  ,  comme  on  ne  peut  favoir  à  quelles 
mains  ce  travail  important  fera  confié  ,  il 
refte  incertain  fi  la  nouvelle  édition  fera 
inférieure  ou  préférable  à  la  précédente.  II 
n'eft  pas  rare  de  voir  des  ouvrages  confi- 
dérables  revus ,  corrigés  ,  augmentés  par  des 
mal-adroits  ,  dégénérer  à  chaque  réimprefc 
fion ,  &  tomber  enfin  dans  le  mépris.  Nous 
en  pourrions  citer  un  exemple  récent  ,  (i 
nous  ne  craignions  de  nous  abandonner  au 
reffentiment ,  en  croyant  céder  à  l'intérêt  de 
la  vérité. 

L'Encyclopédie  peut  aifément  s'amélio- 
rer} elle  peut  aufli  aifément  fc  détériorer. 
Mais  le  danger  auquel  il  faudra  principa- 
lement obvier  ,  &  que  nous  aurons  prévu  9 
c'eft  que  le  foin  des  éditions  fubfcquen- 
tes  ne  foit  pas  abandonné  au  deipotifme 
d'une  fociété  ,  d'une  compagnie  ,  quelle 
qu'elle  puiffe  être.  Nous  avons  annoncé  , 
&  nous  en  atteftons  nos  contemporains  8c 
la  poftérité  ,  que  le  moindre  inconvénient 
qui  pût  en  arriver  ,  ce  feroit  qu'on  fup- 
primât  des  chofes  effentielles  \,  qu'on  mul- 
tipliât à  l'infini  le  nombre  &  le  volume 
de  celles  qu'il  faudroit  fupprimer  \  que 
l'e{prit  de  corps ,  qui  eft  ordinairement 
petit ,  jaloux  7  concentré ,  infectât  la  mafîe 
de  l'ouvrage  }  que  les  arts  fuffent  négligés  5 
qu'une  matière  d'un  intérêt  paffager  étouf- 
fât les  autres  j  &:  que  l'Encyclopédie  fubît 
le  fort  de  tant  d'ouvrages  de  controverfè. 
Lorfque  les  catholiques  &  les  proteftans, 

Fff 


4io  END 

las  de  difputes  &  raflàfies  d'injures  ,  pri- 
rent le  parti  du  filençe  &  du  repos  ,  ou 
vit  en  un  iuftant  une  foule  de  livres  van- 
tes diiparoître  &  tomber  dans  l'oubli  , 
connue  on  voit  tomber  au  fond  d'un  vaif- 
fcau  le  fêdimcnt  d'une  fermentation  qui 
s'appaife. 

Voilà  les  premières  idées  qui  fe  font  offer- 
tes à  mou  efprit  fur  le  projet  d'un  diction- 
naire univerfèl&raifonaédela  connoiifance 
humaine  ,  fur  fa  polîibilité  ,  fa  fin  ,  fès  ma- 
tériaux ,  l'ordonnance  générale  &  particu- 
lière de  ces  matériaux,  le  ftyle ,  la  méthode, 
les  renvois ,  la  nomenclature,  le  manufcrit , 
les  auteurs,  les  cenfeurs ,  les  éditeurs  &  le 
typographe. 

Si  l'on  pefe  l'importance  de  ces  objets  , 
qii  s'appercerra  facilement  qu'il  n'y  eu  a 
aucun  qui  ne  fournît  la  matière  d'un  dit 
cours  fort  étendu  \  que  j'ai  lanTé  plus  de 
chofes  à  dire  que  je  n'en  ai  dit }  &  que 
peut-être  la  prolixité  Se  l'adulation  ne  feront 
pas  au  nombre  des  défauts  qu'on  pourra  me 
reprocher. 

ENDECAGONE  ,  voyei  Hendéca- 
gone. 

ENDECASYLLABE  ,  (  Belles-Lettres.  ) 
F.  Hendecasyllabe. 

ENDEMATIE  ,  f.  f.  (  Mufiq.  des  anc.  ) 
c'étoit  l'air  d'une  forte  de  daufe  particulière 
aux  Argiens.  (51) 

ENDEMIQUE,  adj.  m.  &  f.  dWtpfc 
vi^ifjA^r  ,  vernaculus  ,  populaire  ,  terme  de 
Médecine  ;  épithete  que  l'on  donne  à  cer- 
taines maladies  particulières  à  un  pays  ,  à 
une  contrée  ,  où  elles  attaquent  un  grand 
nombre  de  perfonnes  en  même  temps  ,  & 
continuellement  ou  avec  des  intervalles  , 
après  lefquels  la  même  maladie  reparoît  de 
la  même  nature ,  avec  les  mêmes  fymptomes 
à-peu-près. 

Ainll  le  plica  en  Pologne ,  les  écrouelles 
en  Efpagne ,  le  goitre  dans  les  pays  voifins 
des  Alpes ,  font  des  maladies  endémiques  ; 
les  fièvres  intermittentes  dans  les  endroits 
marécageux  ,  &c.  parce  qu'il  y  a  toujours 
un  grand  nombre  de  perfonnes  dans  chacun 
de  ces  lieux ,  qui  font  affectées  de  ces  mala- 
dies refpeCtives. 

La  caufe  des  maladies  de  ce  caractère 
doit  être  commune  à  tous  les  habitans  du 
£e»  où  elles  régnent  confiammeut  3  par  con- 


END 

féquent  on  ne  peut  la  trouver  que  dans  la 
situation  &  le  climat  particulier  du  pays  , 
dans  les  qualités  de  l'air  &  des  eaux  qui  lui 
font  'propres,  &;  dans  la  manière  de  vivre. 
V.  f  admirable  traité  d'Hippocrate  ,  qui  cil 
relatif  à  ce  £u jet  ,  de  aère ,  lacis  &  aquis.  V. 
Epidémie,  (d) 

END  ENTÉ  ,  adj.  en  termes  de  Blafon  , 
fe  dit  d'un  pal ,  d'une  bande  ,  d'une  fafee  ,  s 
&  autres  pièces  de  triangles  alternés  de 
divers  émaux.  On  appelle  croix  endentée , 
celle  dont  les  branches  font  terminées  eu 
façon  de  croix  ancrée  ,  &  qui  a  une  pointe 
comme  un  fer  de  lance  entre  les  deux  cro- 
chets. 

Guafchi  en  Piémont  ,  tranché ,  end  enté 
d'or  &  d'azur. 

ENDENTURE  ,  f.  f.  {Jurifp.)  du  Latin 
indentatura.  C'étoit  un  papier  partagé  en 
deux  colonnes  ,  fur  chacune  defquelles  le 
même  acte  étoit  écrit  j  enfuite  on  coupoit 
ce  papier  par  le  milieu,  non  pas  tout  droit, 
mais  en  formant  à  droite  &  à  gauche  des 
efpeces  de  dents ,  afin  que  quand  on  rap- 
porterait un  des  doubles  de  l'acte ,  on  pût 
vérifier  fi  c'étoit  le  véritable ,  en  le  rappro- 
chant de  l'autre  ,  8c  obfervant  fi  toutes  les 
dents  fe  rapportaient  parfaitement  :  c'en:  ce 
que  l'on  appelloit  chàrta  partita ,  chartajn- 
dentata,  &  en  François  chartie  ou  endenture, 
V.  Charte  partie.  {A) 

ENDETTÉ ,  adj.(Comm.)  qui  doit  beau- 
coup ,  qui  a  contracté  quantité  de  dettes.  V, 
Dettes.  (G)  * 

ENDETTER  une  compagnie  ,  verb.  act. 
(Comm.)  unefociété  ;  c'eft  contracter  en  leur 
nom  des  dettes  conhdérables.  Les  directeurs 
d'une  compagnie  font  fouveut  plus  propres 
à  l'endetter  &  à  la  ruiner  ,  qu'à  l'enri- 
chir. ' 

Endetter  (s')  ,  c'eft  faire  des  dettes  en 
fon  propre  &  privé  nom.  (G) 

ENDIVE ,  f.  f.  (Bot.  Mat.méd.  &  Jard.): 
en  Latin  endivia  ou  intybus  ,  efpece  de  chi- 
corée :  cependant  Ray  l'en  diftingue  ,  tant 
à  caufè  de  fès  feuilles  qui  font  plus  courtes, 
&  non  découpées  ,  que  parce  que  cette 
plante  eft  annuelle ,  au  lieu  que  la  chicorée 
eft  vivace.  Il  y  a  trois  fortes  di  endives  en 
ufage  \  favoir  ,  Y  endive  à  feuilles  larges  ,  ou 
commune  ,  la  petite  endive  3  &.  Xeadive  OU 
chicorée  ftifée* 


END 

\' endive  à  feuilles  larges ,  ou  commune  , 
autrement  dite  chicorée  blanche ,  eft  nommée 
par  les  Botaniftes  endivia  lat-ifolia  ,  fcariola 
latifolia  ,  endivia  vulgaris  ,    &c. 

Ses  racines  font  fibreufès  &  laiteufes  :  /es 
feuilles  font  couchées  fur  terre  avant  qu'elle 
monte  en  tige  ;  elles  font  longues ,  larges , 
femblables  à  celles  de  la  laitue  ,  crénelées 
quelquefois  à  leur  bord  ,  un  peu  ameres. 
Les  feuilles  qui  font  fur  la  tige  ,  font  fem- 
blables à  celles  du  lierre  ,  mais  plus  petites. 
La  tige  eft  haute  d'une  coudée  ,  ou  d'une 
coudée  &  demie  \  liffe  ,  cannelée  ,  crenfè , 
branchue  ,  tortue  ,  donnant  du  lait  quand 
ou  la  bleffe.  Ses  fleurs  naiffent  à  l'aiifelle 
des  feuilles  ;  elles  font  bleues ,  femblables 
à  celles  de  la,  chicorée  fauvage  ,  auflî-bien 
que  les  graines. 

La  petite  endive,  en  Latin  endivia  minor , 
feu  angufïi-folia  ,  off'.  ne  diffère  de  la  pré- 
cédente que  par  fes  feuilles  qui  font  plus 
étroites,  plus  ameres  au  goût  j  &  par  fa  tige 
qui  eft  plus  branchue. 

h? endive  ou  chicorée  frifée,  endivia  crifpa 
feu  Romana  ,  cicorium  crifpum  ,  off'.  a  fès 
feuilles  plus  grandes  que  celles  de  Y  endive 
commune.  Elles  font  crépues  ,  &  f muées  à 
leur  fond.  Sa  tige  eft  plus  élevée  ,  plus 
greffe  &:  plus  tendre  que  celle  des  autres 
endives.  Sa  graine  eft  noire.  Il  y  a  long- 
temps que  les  Jardiniers  ont  l'art  de  rendre 
frifée  l'endive  commune  ,  quoique  Ray  re- 
garde ces  deux  plantes  comme  étant  d'une 
efpece  différente. 

On  feme  ïendive  dans  les  jardins  ,  pour 
l'ufage  de  la  cuifîne.  Lorfqu'on  la  feme  au 
printemps ,  elle  croît  promptement,  fleu- 
rit ,  porte  des  graines  en  été  ,  &  meurt 
enfuite  \  mais  quand  on  la  feme  en  été , 
elle  dure  l'hiver ,  pourvu  qu'on  la  couvre 
de  terre  au  commencement  de  l'automne , 
après  avoir  lié  auparavant  fes  feuilles  :  elle 
devient  alors  blanche  comme  de  la  neige  , 
agréable  au  goût  ,  &  peut  tenir  lieu  de 
falade  en  hiver.  Voye\  dans  Miller  fart  de 
fa  culture. 

Les  feuilles  fraîches  d'endive  verte  pa- 
roifteut  contenir  un  fel  elTentiel  ,  nitreux  , 
ammoniacal ,  mêlé  avec  un  peu  d'huile  f.ib- 
tiîe  &  de  terre.  Elles  ne  donnent  dans  les 
épreuves  chymiques aucune  marque  d'acide  , 
à  caufe  de  la  grande  quantité  de  fel  uri- 


END  4n 

neux.  Les  feuilles  d'endive  que  l'on  a  blan- 
chies en  les  liant ,  donnent  quelque  acide  , 
mais  moins  de  fel  volatil  &  de  terre.  Leur 
fuc ,  quand  on  les  lie  pour  les  blanchir  , 
fermente  un  peu  intérieurement  \  &  par-là 
les  fols  volatils  ,  qui  font  en  grande  quan  « 
tité  dans  cette  plante  ,  font  un  peu  déve- 
loppés ,  s'envolent  en  partie  ,  &  il  refte  de 
l'acide  &  de  l'eau  :  la  terre  eft ,  par  cette 
même  fermentation  ,  mêlée  plus  intime- 
ment avec  les  autres  principes.  Ces  feuilles 
ainfî  blanchies  font  plus  tendres  &  plus 
agréables  au  goût ,  que  lorfqu'elles  font 
vertes,  à  caufe  de  la  partie  acide,  qui  eft: 
plus  développée  avec  les  fols  alkalis  &  les 
huiles.  Les  feuilles  vertes  font  ameres , 
à  caufe  de  la  grolTiéreté  des  molécules  fail- 
lies ,  &  de  leur  différent  mélange  avec 
l'huile  &  la  terre. 

Les  endives  ne  font  guère  moins  con- 
nues dans  les  boutiques  d'apothicaires  que 
dans  les  cuifmes  }  on  les  y  emploie  vertes 
&  blanchies ,  fur-tout  les  feuilles  ,  rarement 
les  graines ,  &  prefque  jamais  les  racines. 
Toutes  les  endives  font  rafraîchiiTautes  ,  dé- 
terfives  ,  &  apéritives,  en  vertu  de  leur  fc! 
nitreux ,  ammoniacal ,  lubtil ,  délayé  dans 
beaucoup  de  flegme.  Elles  rafraîdiifTent 
encore  ,  en  emportant  les  humeurs  rete- 
nues dans  les  vifoeres  ;  elles  amolliflènt  & 
détachent  la  bile  viiqueufe  }  elles  divifent 
la  férofité  gluante  ou  la  pituite  épaiftïe. 
Elles  font  donc  utiles  dans  la  jaunifTe ,  dans 
les  fièvres  ardentes  &  biiieufcs  ,  dans  les 
obftruétions  du  foie  ,  dans  toutes  les  in- 
flammations &  les  hémorragies  \  en  un 
mot ,  fes  vertus  font  les  mêmes  que  celles 
de  la  chicorée.  On  les  emploie  dans  les 
bouillons  ,  les  apofemes  tempérans  ,  rafraî- 
chiffans  &  apéritifs.  On  les  joint  commo- 
dément aux  feuilles  de  bourache ,  de  bu- 
glofè,  de  laitue  ,  de  pourpier  ,  de  pimpre- 
nelle  ,  d'aigremoice ,  de  fcolopendre  ,  de 
fumeterre.  On  en  donne  aufll  le  fuc  cla- 
rifié ,  ou  la  décoction ,  à  la  dofe  que  l'on 
veut.  Enfin  ,  la  graine  d'endive  eft  mifè  au 
nombre  des  quatre  petites  fomences  froi- 
des ,  &  entre  dans  les  émulfiors',  au  défaut 
des  autres  graines.  Foy^Raj^Tournefort, 
Bradley  ,  Herman ,  Miller  ,  Geoffroy  ;  ils 
vous  inftruiront  complètement  fur  cette 
plante.  Art.  de  M.  le  chev.  de  Jaucourt. 
Fff  z 


4ii  END 

ENDING  ,    (  Géog.  moderne.  )  ville  de 

5  h  abc  eu  Allemagne  ;  elle  appartient  au 
Brifgaw. 

ENDORMI ,  adjea.  (  Marine.  )  Quel- 
ques-uns difènt  un  vaijjeau  endormi  ,  lors- 
qu'il perd  fbn  erre  ,  ïbit  lorfqu'il  prend 
vent  de  vent  ,  foit  lorfqu'il  met  côté  en 
travers  ,  foit  pour  avoir  mis  les  voiles  fur 
le  mât.  (Z ) 

ENDOSIMON  ,  (  Mujiq.  des  anc.  )  nom 
que  le  conducteur  des  chœurs  donnoit  à 
ceux  qui  les  chantoient  pour  leur  fervir  de 
règle. 

ENDOSSEMENT ,  f.  m.  (Jurifpr.  )  eft 
l'écriture  que  l'on  met  au  dos  d'un  aéèe  , 

6  qui  y  eft  relatif  ;  ainfi  on  appelle  en- 
dojfement  la  quittance  qu'un  créancier  met 
au  dos  de  l'obligation  ou  promeffe  de  ion 
débiteur ,  de  ce  qu'il  a  reçu  en  l'acquit  ou 
déduction  de  fbn  dû.  On  appelle  aufii 
endojjement  la  quittance  que  le  feigneur  ou 
fbn  receveur  donne  au  dos  d'un  contrat 
d'acquifition ,  pour  les  droits  feigneuriaux 
à  lui  dus  pour  cette  acquiiition.  Coutume 
de  Péronne  ,  art.  260,  Enfin  ,  le  terme 
êHendojfement  fè  dit  principalement  de  l'or- 
dre que  quelqu'un  pâlie  au  profit  d'un 
autre ,  au  dos  d'une  lettre  ou  billet  de 
change  qui  étoit  tiré  au  profit  de  l'endof- 
fèur.  On  peut  faire  conféçutivement  plu- 
fleurs  de  ces  endojfemens  ,  c'eft- à-dire  ,  que 
celui  au  profit  de  qui  la  lettre  eft  endof- 
fée  ,  met  lui-même  fbn  endojjement  au  pro- 
fit d'un  autre.  Tous  ceux  qui  mettent  ainfi 
leur  ordre  font  appelles  endoj/eurs  ,  &  le 
dernier  porteur  d'ordre  a  pour  garans  foli- 
daires  tous  les  endoffeurs ,  tireurs  &  accep- 
teurs. Voy.  Change  ,  Billet  de  change 
&  Lettre  de  change  ,  Protêt  ,  Ti- 
reur. (  A  ) 

ENDOSSER,  (Relieur.)  Endoffer  le 
livre  lorfqu'il  eft  paifé  en  parchemin ,  c'eft 
prendre  deux  ais  que  l'on  place  à  chaque 
côté  du,  dos  ,  que  l'on  nomme  le  mord. 
On  met  le  livre  avec  fès  ais  en  preffe ,  en 
ayant  foin  que  les  parchemins  fbrtent  de 
moitié  hors  du  dos  5  après  quoi  ou  prend 
un  poinçon  ê<  un  petit  marteau  avec  lequel 
pn  arrange  les  cahiers  du  livre ,  le  mord 
bien  égalifé  &  le  dos  bien  droit.  On  ferre 
4a  prettç  le  plus  qu'on  peut  3  après  quoi  on 


END 

lie  le  livre  avec  une  ficelle  câblée.  Vcye\ 
Reliure. 

ENDOUZINNER  ,  en  terme  de  Boyau- 
dier ,  c'eft  l'action  de  tourner  les  cordes 
en  rond  ,  &  de  les  affembler  par  dou- 
zaines. 

ENDRACHENDRACH  ,  {Hiji.  nat. 
Bot.  )  nom  d'un  arbre  qui  croît  dans  l'île 
de  Madagafcar.  Son  bois  eft  fi  dur  &  fi 
compacte  ,  qu'il  ne  fe  corrompt  jamais  , 
même  fous  la  terre.  Cet  arbre  eft  fort 
élevé  j  fon  bois  eft  jaunâtre  ,  pefant  &:  dur 
comme  du  fer.  Son  nom ,  en  langue  du 
pays  ,  fignifie  durable.  Hubner  ,  diclionn. 
univerfel. 

ENDROIT  jj  LIEU  ,  fynon.  (Gramm.) 
Ces  mots  défignent ,  en  général ,  la  place 
de  quelque  chofe.  Voici  les  nuances  qui 
les  diftinguent.  Lieu  femble  défigner  une 
place  plus  étendue  qu'endroit ,  &  endroit 
déiigne  une  place  plus  déterminée  &  plus 
limitée  \  ainfi  on  peut  dire  :  tel  bourg  ejl 
un  lieu  confidérable  ,  /'/  commence  à  /'endroit 
ou  on  a  bâti  telle  mai/on.  On  dit  aufii  le  lieu 
des  corps  ,  un  homme  de  bas  lieu  ,  un  endroit 
remarquable  dans  un  auteur ,  un  beau  lieu  % 
un  vilain  endroit  ,  &c.  (O) 

ENDROMIS  ,  f.  f.  (  Hijl.  anc.  )  nom 
que  les  Grecs  donnoient ,  félon  Pollux  le 
grammairien  ,  à  la  chauffure  de  Diane  , 
qui  ,  en  qualité  de  chajferejfe  ,  devoit  en 
porter  une  fort  légère  ç,  aufii  nommoit  -  on 
aimi  celle  que  portoient  les  coureurs  dans 
les  jeux  publics.  On  croit  que  c'étoit  une 
efpeee  de  botine  ou  de  cothurne  qui  cou- 
vroit  le  pié  &  une  partie  de  la  jambe  , 
&  qui  laiifoit  à  l'un  &  à  l'autre  toute  la 
liberté  de  leurs  mouvemens.  Les  Latins 
avoient  attaché  à  ce  mot  une  fignification, 
toute  différente  ,  puifqu'ils  défignoieot  par- 
là  une  forte  de  robe  épaiffe  &  grofliere  dont 
les  athlètes  fe  couvroient  après  la  lute  ,  le 
pugilat ,  la  courfe ,  la  paume  &  les  au- 
tres exercices  violens  ,  pour  fe  garantir  du 
froid  ^  au  moins  Martial,  dans  une  épi- 
gramme  ,  attribue-t-il  toutes  ces  propriétés 
au  vêtement  qu'il  nomme  endromida.  Charnu 
bers.  (G) 

ENDUIRE ,  v.  a&.  (  Gramm.  >  c'eft  éten- 
dre fur  la  furface  d'un  corps  une  épaiffeur 
plus  ou  moins  confidérable  d'une  fubftance 
molle. 


END 

Enduire  un  Bassin  ,  (  Hyâraul.  )  On 
enduit  un  bajfin  neuf  de  ciment  d'un  bon 
pouce  de  mortier  fin  ,  que  l'on  frotte  avec 
de  l'huile.  Si  ce  badin  a  été  gâté  par  la  ge- 
lée ,  ou  long-temps  fans  eau ,  on  peut  le 
repiquer  au  vif,  &  X  enduire  de  trois  à  qua- 
tre pouces  de  cailloutage ,  &:  d'un  enduit 
général  de  ciment.  {K) 

Enduire,  v.  neut.  (Fauconn.)  fe  dit 
de  l'oifeau  quand  il  digère  bien  fa  chair. 
Cet  oifeau  enduit  bien ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il 
digère  bien. 

ENDUIT,  en  Architecture ,  compofition 
faite  de  plâtre ,  ou  de  mortier  de  chaux  & 
de  fable ,  ou  de  chaux  &c  de  ciment ,  pour 
revêtir  les  murs.  Il  faut  entendre  dans  les 
auteurs  ,  par  albarium  opus ,  X enduit  de  lait 
de  chaux  à  plusieurs  couches  j  par  arena- 
tum  ,  le  crépi  où  le  fable  eft  mêlé  avec  la 
chaux  \  par  marmoratum  ,  le  ftuç  '-,  &  par 
teclorium  opus  ,  tout  ouvrage  qui  fert  cXen- 
duit ,  d'incruftation  &  de  revêtement  aux 
murs  de  maçonnerie.  (  P  ) 

Enduit  ,  en  Peinture,  fe  dit  des  couches 
qu'on  applique  fur  les  toiles  ,  fur  les  mu- 
railles ,  le  bois ,  &c.  On  ne  fe  fert  guère 
de  ce  terme  }   ou  dit  couche. 

ENDYMATIES  (  les  ) ,  Littérat.  Les 
endymaties  étoieut  des  danfes  vêtues  qui  fe 
danfbient  à  Argos ,  au  fon  de  certains  airs 
compofés  pour  la  flûte.  Plutarque  en  parie 
dans  fon  traité  de  la  mufique  ,  mais  fi 
laconiquement  que  l'on  n'en  fait  pas  da- 
vantage j  ainfi  l'on  ignore  fî  ces  danfes 
entroient  dans  le  culte  religieux,  fi  elles 
étoient  militaires ,  ou  fi  elles  n'avoient  lieu 
que  dans  les  divertifTemens ,  foit  publics, 
foit  particuliers.  Quelle  qu'en  ait  pu  être 
la  deftination  ,  il  eft  toujours  certain  que 
les  danfèurs  y  étoient  vêtus  \  au  lieu  que 
les  Lacédémoniens  ,.  voifins  des  Argienr, 
&  leurs  maîtres  dans  l'art  militaire  ,  dan- 
fbient tout  nus  dans  leurs  gymnopédies. 
Article  de  M.  le  Chevalier  DE  J A  li- 
cou r  t. 

ENDYMION  ,  (  Myth.  )  fils  dVEthlius 
&  de  Chalice  ,  félon  Apollodore ,  régna 
dans  l'Elide.  Il  étoit  d'une  fi  grande  beauté  , 
que  la  Lune  en  devint  amoureufe.  Jupiter 
lui  ayant  laifîe  le  choix  de  demander  ce 
qu'il  aimeroit  le  mieux  ,  il  demanda  de 
dormir  toujours  6c  d'être  immortel ,  fans  | 


E  N  E  413 

vieillir  jamais  dans  cet  état.  C'étoit  fur  une 
montagne  de  Carie ,  appellée  Lathmcs ,  qu'il 
dormoit,  &  la  Lune  venoit  baifer  ce  dor- 
meur éternel.  Ce  fait  eft  trop  comique  pour 
que  Lucien  manquât  à  s'en  divertir  :  il  l'a  fait 
dans  un  dialogue  entier.  On  croit  que  cette 
fiction  n'eft  fondée  que  fur  ce  quEndymion 
fe  retiroit  fouvent  dans  un  antre  qui  étoit 
fur  une  montagne  de  la  Carie  ,  pour  aller 
obfèrver  les  mouvemens  de  la  Lune  j  ck 
que  c'eft  pour  nous  apprendre  qu'il  y  mé- 
ditoit  continuellement  ,  qu'on  a  dit  qu'il 
dormoit  toujours ,  &  que  la  Lune  profi- 
toit  de  ce  fommeil  pour  le  venir  embrafTer. 
Paufanias ,  in  Eliac.  parle  autrement  de 
ce  prince.  «  La  fable  ,  dit -il  ,  raconte 
»  quEndymion  fut  aimé  de  la  Lune  ,  & 
»  qu'il  en  eut  cinquante  filles  :  mais  une 
»  opinion  plus  probable ,  c'eft  qu'il  époufa 
»  Aftérodie  ,  d'autres  difent  Chromie  , 
»  fille  d'Itonus  &  petite-fille  d'Amphic- 
»  tyon  }  d'autres ,  Hyperipné ,  fille  d'Arcas  , 
»  &  qu'il  eut  trois  fils ,  Péon  ,  Epéus  & 
»  Etolus  ,  &  une  fille  nommée  Eurydice,., 
»  Les  Eléens  &  les  Héraciéotes  ne  s'ac- 
»  cordent  pas  fur  la  mort  cXEndymion  ; 
»  car  les  Eléens  montrent  fon  tombeau 
»  dans  la  ville  d'Olympie ,  &  les  Héra- 
■»  cîéotes  ,  qui  font  voifins  de  Milet ,  di- 
»  fènt  quEndymion  fe  retira  fur  le  mont 
»  Lathmos.  En  effet ,  il  y  a  un  endroit 
»  de  cette  montagne  que  l'on  nomme  en- 
»  core  aujourd'hui  la  grotte  d'Endymion.  » 
Les  dernières  paroles  de  Paufanias  font 
croire  qu'il  y  a  eu  deux  Endymion  ,  l'un 
roi  d'Elide  ,  &  l'autre  ce  beau  berger  de 
Carie. ,  (-+-) 

ÉNÉE,  (  Myth.  )  fils  de  Vénus  &  d'An- 
chife  ,  étoit  du  fang  royal  de  Troye  par 
AfTaracus  ,  fils  cadet  de  Tros  ,  fondateur 
de  Troye.  Vénus  avoit  eu  ce  fils  d'Anchife 
lorfqu'il  paiffoit  hs  troupeaux  de  fon  père 
fur  le  mont  Ida.  Durant  le  fiege  de  Troye  , 
Enée  fe  battit  contre  Diomede  ,  &  aîloit 
fuccomber  ,  lorfque  Vénus  le  déroba  à  la 
vue  de  fbft  ennemi  ,  &:  le  mit  entre  les 
mains  d'Apollon  ,  qui  l'emporta  au  haut 
de  la  citadelle  où  il  avoit  un  temple  , 
penfa  lui-même  fes  plaies  }  &  ,  après  lui 
avoir  rendu  toutes  fès  forces  ,  &  infpiré 
une  valeur  extraordinaire ,  il  le  fit  reparoître 
à  la  tête  de  fes  troupes.    Enée  fe   battit 


4T4  E  N  E 

encore  contre  Achille.  Le  combat,  dit  Ho- 
mère ,  fut  long  &  douteux  •;  à  la  fin  le 
prince  Troyeu  alloit  fuccomber  ,  lorfque 
Neptune  ,  à  la  prière  de  Vénus  ,  l'enleva 
du  combat.  La  nuit  de  la  prife  de  Troye , 
Enée  entra  dans  la  citadelle  d'Ilium  ,  &  la 
défendit  jufqu'à  l'extrémité  j  enfin  ,  ne 
pouvant  la  fàuver  ,  il  fortit  la  nuit  par  une 
fauflè  porte  avec  tout  ce  qu'il  y  avoit  de 
Troyens  renfermés  avec  lui ,  &:  fe  battit 
en  retraite  jufqu'au  mont  Ida ,  où ,  s'étant 
joint  à  ceux  des  Troyens  qui  avoient 
échappé  de  l'embrafement ,  il  raffembla 
une  flotte  de  vingt  vailleaux  ,  fur  laquelle 
il  s'embarqua  pour  fe  tranfporter  avec  fa 
colonie  en  Italie.  Le  poème  de.  Virgile  a 
tout-à-fait  rétabli  la  réputation  d'Enée ,  que 
bien  des  gens  étoient  fort  éloignés  aupa- 
ravant de  regarder  comme  un  héros  j  on 
le  regardoit ,  au  contraire ,  ainfî  qu'Auté- 
nor  ,  comme  un  malheureux  qui  avoit 
livré  fa  patrie  aux  Grecs.  En  effet  ,  étoit-il 
poflible  que  ,  finis  quelque  intelligence  avec 
les  Grecs  ,  maîtres  du  pays  ,  ces  deux 
hommes  eufTent  pu  ,  en  paix  ,  équiper  des 
vaifTeaux  fous  leurs  yeux  pour  fe  retirer 
en  Italie.  D'ailleurs  ,  on  a  dit  que  l'on  mit 
des  gardes  dans  les  maifons  de  ces  deux 
traîtres ,  qui  ne  furent  point  pillées  }  & 
que  ,  quand  on  partagea  les  dépouilles ,  on 
leur  rendit  tout  ce  qui  leur  appartenoit , 
&  que  ce  fut  par-là  qu  Enée  fe  vit  poffef- 
feur  du  Palladium  qu'il  apporta  en  Italie. 
Enée  ,  d'ailleurs  ,  étoit  méprifé  de  Priam  , 
quoiqu'il  fût  fon  gendre  j  &  ce  fut  une 
raifon  de  fa  trahifon  :,  il  voulut  fe  venger  : 
quoi  qu'il  en  fbit ,  il  arriva  en  Italie  après 
fept  ans  de  navigation  ,  &  fat  bien  reçu 
de  Latinus  ,  roi  des  Aborigènes  ,  qui  s'allia 
avec  Enée  ,  &  en  fit  fon  gendre  &  fbn 
fucceffeur.  Enée  ,  après  la  mort  de  Latinus  , 
régna  fur  les  Troyens  &  fur  les  Aborigènes  , 
qui  ne  firent  plus  qu'un  même  peuple  fous 
le  nom  de  peuple  Latin.  Il  eut  des  guerres 
à  foutenir  contre  fes  voifins  :,  &,  dans  un 
combat  contre  les  Etruriens  ,  il  perdit  la 
vie  âgé  feulement  de  38  ans.  Comme  on 
lie  trouva  point  fon  corps  ,  on  dit  que 
Vénus ,  après  lavoir  purifié  dans  les  eaux 
du  fleuve  Numicus  ,  où  il  s'étoit  noyé , 
l'avoit  mis  au  rang  des  dieux.  On  lui  éleva 
un  tombeau  fur  les  bords  du  fleuve,  & 


EN  E 

on  lui  rendit  d?- -■  la  fuite  les  honneurs 
divins  fous  le  i,  ,m  de  Jupiter  Indigete: 
Virgile  dit  qu  Enée  ,  en  arrivant  en  Italie  , 
alla  confulter  la  iibylle  de  Cumes ,  qui  le 
conduifit  dans  les  enfers  &  dans  les  champs 
élyfées  ,  où  il  vit  tous  les  héros  Troyens  , 
&  £on  père  qui  lui  apprit  ce  qui  devoit 
arriver  à  toute  fa  poftérité  :,  épifode  de 
l'invention  du  poè'te.  Les  hiftorieus  rap- 
portent un  autre  fait  merveilleux  :  Enée 
avoit  eu  ordre  de  l'oracle  de  s'arrêter  en 
Italie  ,  à  l'endroit  où  une  truie  blanche 
mettrait  bas  fes  petits  :  lorfqu-'il  y  fut  ar- 
rivé ,  comme  il  fè  préparoit  à  offrir  une 
truie  eu  facrifice  ,  la  bête  s'échappa  des 
mains  des  facrificateurs  ,  &  s'enfuit  du  côté 
de  la  mer.  Enée  ,  fè  fouvenant  de  l'oracle , 
la  fuivit  jufqu  a  ce  qu'elle  s'arrêta  dans  un 
lieu  fort  élevé  ,  d'où  il  entendit  une  voix 
fortant  d'un  bois  voifin  ,  qui  lui  dit  que 
c'étoit  là  qu'il  devoit  bâtir  une  ville ,  & 
qu'après  y  avoir  demeuré  autant  d'années 
que  la  truie  auroit  fait  de  petits ,  les  deftins 
lui  donneroient  un  établiffement  plus  con- 
fidérable.  Enée  obéit  ,  &  bâtit  la  ville  de 
Lavinium.  Il  y  a  fur  Enée  une  autre  tra- 
dition ,  appuyée  fur  d'allèz  fortes  conjec- 
tures ,  &  fur  le  témoignage  de  pluiieurs 
hiftorieus ,  c'eft  que  la  ville  de  Troye  ne 
fut  point  détruite  j  qu  Enée  la  garantit  du 
pillage  &  du  feu  ,  s'il  ne  la  livra  pas  lui- 
même  aux  Grecs  }  &  qu'il  y  régna  fort 
long-temps ,  comme  Homère ,  Ionien  d'ori- 
gine^ voifin  des  Troyens ,  le  fait  prédire  à 
Neptune  dans  l'Iliade  }  parce  que,  du  temps 
de  ce  poè'te  ,  la  poiierité  déEnée  régnoit 
peut-être  encore  fur  cette  ville  ,  &  qu'il 
vouloit  lui  être  agréable  en  faifant  prédire 
au  dieu  de  la  mer  ce  qu'il  voyoit  de  fes 
propres  yeux,  (-f-) 

ENEMIE  (  Sainte),  Géogr.  moi.  pe- 
tite ville  du  Gevaudan  en  France. 

ENEOREME,  f  m.  {Médecine.) 
ivx.iapw.ai }  c'eft  ,  félon  Hippocrate  &  les 
autres  médecins  Grecs  ,  la  partie  hétéro- 
gène des  urines  gardées  un  certain  temps  , 
qui  paroît  diftiuguée  par  plus  d'opacité  , 
&  qui  eft  comme  fufpendue  entre  la  fur- 
face  de  ce  fluide  excrémentiel ,  ôt  le  fond 
du  vafe  dans  lequel  il  eft  contenu. 

Si  la  matière  de  Vénéoréme  fè  tient  à 
la   partie  fupérieure  de  l'urine  ,    elle  eifc 


E  NE 

appellée  par  cet  auteur  ,  Epid.  lib.  III , 
f/slionfov  ,  fublimamcntum  :  fi  elle  fè  fou- 
tient  dans  le  milieu ,  fous  la  forme  de  nuage, 
il  la  nomme  tiçiw  ,  nubecula  :  fi  elle  eft 
plus  pefante  &  tend  vers  le  fond  du  vafe  ; 
fi  elle  paroît  avoir  plus  de  confîftauce  & 
reffemble  à  la  matière  (permatique  ,  il 
lui  donne  le  nom  de  yMHÏTtt  ,  gcràturœ 
fimilis. 

Ces  différens  énéorcmes  fout  compofés 
de  parties  huileufes  &  d'un  fable  plus  ou 
moins  atténué  ,  de  forte  qu'il  eft  plus  ou 
moins  léger,  &:  fe  tient  plus  ou  moins 
élevé  dans  l'urine.  Selon  Boerhaave  ,  com- 
ment, infiituu  §.  382  ,  la  nubéculc  eft 
principalement  formée  de  fèl  muriatique. 
Il  dit  avoir  obfervé  que  ceux  qui  ont  vécu 
pendant  long-temps  d'alimensfaiés ,  &  n'ont 
pas  bu  beaucoup ,  comme  les  matelots  après 
des  voyages  de  long  cours ,  rendent  des 
urines  dans  lefquelles  on  voit  toujours  la 
nubécule.  Si  on  la  confiderc  avec  le  microf- 
cope  ,  on  y  diftingue  les  parties  du  fel 
marin. 

Pour  ce  qui  eft  des  préfaces  que  l'on 
peut  tirer  de  Yénéoréme  ,  par  rapport  à  fes 
différences  de  confiftance  &:  de  couleur. 
Voyei  Urine.  (D) 

ENEOSTIS  ,  (  Hift.  nat.  )  pierres  qui 
reffemblent  à  des  os  pétrifiés.  Boëce  de  Boot 
]es  regarde  comme  une  efpece  de  la  pierre 
nommée  ojfifragus  lapis.  'Voye[  Bcëîius  de 
Boot  j  de  lapidib.  &c.  Il  y  en  a  qui  font 
d'une  grandeur  extraordinaire  ,  &  qu'on 
croit  avoir  appartenu  à  des  élephans  dont 
les  os   ont  été  pétrifiés  fous  la  terre.  ( — ) 

ENERGETIQUES  ,  f.  m.  pi.  terme  dont 
on  s  eft  fervi  quelquefois  dans  la  phyfique. 
On  a  appelle  corps  on  particules  énergétiques , 
les  corps  ou  particules  qui  paroiffent  avoir  , 
pour  ainfî  dire  ,  une  force  &  une  énergie 
innée  ,  &  qui  preduifent  des  effets  diffé- 
rens ,  félon  les  différens  mouvemens  qu'elles 
ont }  ainfî  ,  dit-on  ,  on  peut  appeller  les 
particules  du  feu  &  de  la  poudre  à  canon  , 
des  corpufcules  énergétiques.  Au  refte  ce  mot 
n'eft  plus  en  ufage.  (G)     ■ 

ENERGIE ,  FORCE ,  fynon.  (  Gramm.  ) 
Nous  ne  confidérerons  ici  ces  mots  qu'en 
tant  qu'ils  s'appliquent  au  difeours }  car  dans 
d'autres  cas  leur  différence  faute  aux  yeux. 
H  femble  qu énergie  dit  encore  plus  que 


E  NE  4IJ 

force  ;  &  qu' 'énergie  s'applique  principale- 
ment aux  difeours  qui  peignent ,  &  au 
caractère  du  ftyle.  On  peut  dire  d'un  ora- 
teur qu'il  joint  la  force  du  raisonnement 
à  Yér.ergie  des  expreilions.  On  dit  auflî 
une  peinture  énergique.  &  des  images  fortes. 

ENERGIQUES  ,  f.  m.  pi.  (  Hift,  eccléf.  ) 
nom  qu'on  a  donné  dans  le  xvj  îlecîe  à 
quelques  facramentaires ,  difciples  de  Calvin 
&  de  Meîanchton  ,  qui  foutenoient  que 
l'Euchariftie  n'étoit  que  l'énergie  ,  c'eft  à- 
dire  la  vertu  de  Jefus-Chrift  ,  &  ne  con- 
tenoit  pas  réellement  fon  corps  &  fon  fang. 
Voyei  Calvinisme.  (G) 

ENERGUMENE ,  fubft.  m.  terme  ufité 
parmi  les  théologiens  &  les  fcolaftiques  , 
pour  lignifier  uneperfonnepojfédée  du  démon , 
ou  tourmentée  par  le  malin  efprit.  Voye-z 
Démon. 

Papias  prétend  que  les  énergumenes  font 
ceux  qui  contrefont  les  a&ions  du  diable , 
&  qui  opèrent  des  chofes  Surprenantes  qu'on 
croit  furnatureiles.  Il  ne  paroît  pas  fort  per- 
fuadé  de  leur  exiftence  3  maisVégiife  l'ad- 
met ,  puifqu'elle  les  exorcife.  Le  concile 
d'Orange  les  exclud  de  la  prêtrife  ,  ou  les 
prive  des  fonctions  de  cet  ordre  ,  quand  la 
poife/îîon  eft  poftérieure  à  leur  ordination. 
Chambcrs.   (G) 

ENERVATION ,  f.  f.  terme  dont  on  fe 
fert  en  anatomie  pour  exprimer  les  tendons 
qui  fe  remarquent  dans  les  différentes  parties 
des  mufcles  droits  du  bas-ventre.  Voyez 
Droit. 

Les  fibres  des  mufcles  droits  de  l'abdo- 
men ne  vont  pas  d'une  extrémité  de  es  mu£ 
cle  à  l'autre  ;  mais  elles  font  entre-coupées 
par  des  endroits  nerveux  que  les  anciens 
ont  appelles  éntrvations  ,  quoiqu'ils  foient 
de  véritables  Rendons.  Voye{  Tendon. 

Leur  nombre  n'eft  pas  toujours  le  même , 
puifque  les  uns  eu  ont  trois  ,  d'autres 
quatre  ,   &c.  (L) 

Enerva tton,  enervat'w  ,  eft  plus  un 
terme  de  médecine  que  de  l'ufage  ordinaire  '■, 
il  fïgnifie  à>  peu-près  la  même  chofe  que 
délibation ,  aff'oiblijfemcnt.  On  emploie  en 
François  le  verbe  énerver  plus  communé- 
ment que  fon  fubftantif ,  pour  exprimer  les 
effets  de  la  débauche  du  vin  ,  des  femmes  , 
qui  rend  les  hommes  qui  s'y  adonnent  x 


4i6  E  N  E 

iolblcs  ,  débiles  ,    énervés.    Voye\  DÉBI- 
LITÉ ,   FOIBLESSE. 

Le  mot  éncrvation  eft  compofé  de  nerf, 
nèrvus  ,  &  de  e  privatif.  Nerf  eft.  là  pris  dans 
le  fens  du  vulgaire  ,  qui  appelle  de  ce  nom 
les  tendons  &  les  mufcles  même  ;  ainfi  on 
dit  d'un  homme  mufculeux  qu'il  eft  ner- 
veux :  on  dit  par  conséquent  d'un  homme 
nerveux  ,  qu'il  eft  fort ,  vigoureux  j  &  au 
contraire  d'un  homme  exténué  ,  ufé  ,  qu'il 
eft  énervé  ,  fur-tout  quand  l'affoibliliement 
provient  des  excès  mentionnés. 

Enervation  ,  dans  cette  lignification ,  eft 
donc  ce  que  les  Grecs  appellent  ïkkv<jiç  , 
virium  prof  ratio.  C'eft  un  abattement  de 
forces  ,  une  langueur  dans  lexercice  des 
fondrions.  On  reftreint  même  quelquefois 
encore  plus  le  fèns  du  mot  énerver ,  pour 
exprimer  l'action  d'affbibiir  ,  qu'opère  une 
trop  grande  &  trop  fréquente  répétition  de 
l'acte  vénérien,  ou  del'effufion  de  la  liqueur 
fiminale  ,  excitée  par  quelque  moyen  que 
ce  foit  \  &:  on  fè  fert  du  mot  énervé  ,  pour 
indiquer  celui  qui  eft  afFoibli  par  ces  caufes  : 
ainli  on  dit  d'une  femme  voluptueufè  qui  a 
un  commerce  aflidu  de  galanterie ,  &  qui 
excite  fon  amant  à  des  excès  fréquens  , 
quelle  énerve  cet  homme.  On  dit  aufîi  de 
bien  des  jeunes  gens  quV/5  s  énervent  par  la 
mafiupration  ,  lorfqu'ils  fe  livrent  avec  ex- 
cès à  ce  pernicieux  exercice.  Voye[  Se- 
mence ,  Mastupratton.  (d) 

ENERVER  ,  v.  adt.  {Man.  Maréckall.) 
opération  pratiquée  dans  l'intention  de  di- 
minuer le  volume  de  l'extrémité  inférieure 
de  la  tête  du  cheval  ,  &  dans  le  deffein  de 
remédier  à  l'imperfection  de  fes  yeux. 

Il  n'eft  queftion  que  de  le  priver  à  Cet 
effet  d'une  partie  que  la  nature  ne  lui  a  pas 
fans  doute  accordée  en  vain  ,  mais  que  les 
maréchaux  extirpent  malgré  l'utilité  dont 
elle  peut  lui  être. 

Cette  partie  n'eft  autre  chofè  que  les 
mufcles  rcîeveurs  de  la  lèvre  antérieure. 
Leur  attache  fixe  eft  au  deffous  de  l'orbite, 
dans  l'endroit  où  fe  joignent  l'os  angulaire  , 
l'os  maxillaire  ,  &  l'os  zigomatique.  De  là 
ils  defcendent  le  long  des  nafeaux ,  &  dès 
la  partie  moyenne  ils  fe  changent  chacun 
en  un  tendon  qui  à  fon  extrémité  s'unit 
avec  celui  du  côté  oppofé  ,  en  formant  une 
eipece  d'aponévrofe  qui  fe  termine  dans  le 


'    EN  E 

milieu  de  la  lèvre.  Ils  différent  de  tous  les 
autres  mufcles  deftinés  à  mouvoir  ces  por- 
tions de  la  bouche  ,  en  ce  qu'ils  composent 
un  corps  rond  qui  n'eft  point  cutané  ,  8c 
qui  n'a  aucune  adhérence    à  la  peau. 

Quoi  qu'il  en  foit  ,  on  ouvre  les  tégu- 
mens  de  l'origine  de  chaque  tendon  ,  en 
les  fouleve  enfuite  avec  la  corne  de  chamois  \ 
après  qud  on  les  infère  l'un  &  l'autre  dans 
un  morceau  ,  de  bois  fendu  ,  ou  dans  un 
inftrument  de  fer  imaginé  pour  cet  ufage. 
On  pratique  de  plus  d'autres  ouvertures 
un  peu  au  deifus  de  leur  réunion  :  là  on 
iucife  }  &  en  tournant  les  deux  bâtons ,  ou 
finflrument  dans  lefquels  ils  font  pris  Se 
arrêtés ,  on  attire  en  dehors  la  portion  cou- 
pée ,  &  on  les  coupe  de  même  dans  le  haut. 
Quelques  maréchaux  font  d'abord  leur  in- 
cilion  en  haut ,  &.  les  retirent  par  les  ou- 
vertures inférieures. 

Je  tenterois  vainement  de  vanter  ici  l'é- 
tendue du  génie  &  des  lumières  de  ceux 
qui  ont  eu  la  première  idée  de  cette  opé- 
ration j  &  je  crois  que  le  détail  que  j'en  ai 
fait  prouveroit  plutôt  au  contraire  que  l'igno- 
rance feule  ofe  tout  ,  &  que  les  chevaux 
ne  doivent  point  être  compris  dans  la  ca- 
tégorie des  animaux  ,  qu'un  homme  d'ef- 
prit  de  ce  fiecle  félicitoit  de  n'avoir  point 
de  médecin,  (e) 

ENFAITER  ,  v.  a&.  en  Architeclure  ; 
c'eft  couvrir  de  plomb  le  faite  des  combles 
d'ardoifes  }  ou  arrêter  des  tuiles  faîtières 
avec  des  arrêtes ,  fur  ceux  qui  ne  font  cou- 
verts que  de  tuile.  (P) 

ENFAITEMENT  ,  f.  m.  terme  de  plom- 
bier 3  ce  font  des  morceaux  de  plomb  de 
différentes  figures  &  garnis  de  divers  orne- 
mens ,  que  les  plombiers  placent  fur  les 
couvertures  d'ardoifes  ,  pour  en  garnir  les 
faîtes.  Les  enfaîtemens  contiennent  plu  fleurs 
pièces,  comme  des  brifiers  ,  desbourfeaux, 
desmembrons  ,  des  bavettes, des  amufiires  , 
&  autres. 

ENFANCE,  f.  f.  {Médecine)  C'eft  la 
première  partie  de  la  vie  humaine  ,  félon 
la  divifîon  que  l'on  en  fait  en  différens 
âges  ,  eu  égard  à  ce  qu'elle  peut  durer 
naturellement }  ainfi  on  appelle  enfance  l'es- 
pace de  temps  qui  s'écoule  depuis  la  nai£ 
fance  jufqu'à  ce  que  l'homme  foit  parvenu 
I  à  avoir  l'ufage  de  la  raifon,  c'eft-à-dire  ,  à 

l'âge 


ENF 

l'âge  de  fept  à  huit  ans.  Fby.  Enfant  ,  Age. 

Le  bonheur  dont  on  peut  jouir  dans  ce 
monde  ,  fe  réduit  à  avoir  l'efprit  bien  réglé 
Se  le  corps  en  bonne  difpofition  :  mens  fana 
incorpore fano  ,  dit  Juvénal ,  fat.  x.  ainfî 
comme  il  faut  pofleder  ces  deux  avanta- 
ges ,  qui  renferment  tous  les  autres  ,  pour 
n'avoir  pas  grand'chofe  à  defîrer  d'ailleurs , 
on  ne  fauroit  trop  s'appliquer  ,  pour  le  bien 
de  l'humanité  ,  à  rechercher  les  moyens 
propres  à  en  procurer  la  confervation  ; 
îorfqu'on  en  jouit ,  à  les  perfectionner  autant 
qu'il  eft  pofîïble  ,  Se  à  les  rétablir  Iorfqu'on 
les  a  perdus. 

C'eft  à  l'égard  de  l'efprit  que  l'on  trouve 
bien  des  préceptes  concernant  l'éducation 
des  enfans  :  il  en  eft  peu  concernant  les 
foins  que  l'on  doit  prendre  du  corps  pen- 
dant l'enfance  :  cependant  quoique  l'efprit 
foit  la  plus  confïdérable  partie  de  l'homme  , 
&  qu'on  doive  s'attacher  principalement  à 
le  bien  régler  ,  il  ne  faut  pas  négliger  le 
corps  ,  à  caufe  de  l'étroite  liaifon  qu'il  y  a 
entr'eux.  La  difpofition  des  organes  a  le 
plus  départ  à  rendre  l'homme  vertueux  ou 
vicieux  ,  fpirituel  ou  idiot. 

Il  eft  donc  du  refïbrt  de  la  médecine 
de  preferire  la  conduite  que  doivent  tenir 
les  perfonnes  chargées  d'élever  les  enfans  , 
Se  de  veiller  à  tout  ce  qui  peut  contribuer 
à  la  confervation  &  à  la  perfection  de  leur 
fanté  ;  à  leur  faire  une  conftitution  qui  foie 
le  moins  qu'il  eft  pofîïble  fujette  aux  ma- 
ladies. C'eft  dans  ce  temps  de  la  vie  ,  où 
le  tiffu  des  fibres  eft  plus  délicat  ,  où  les 
organes  font  le  plus  tendres ,  que  l'économie 
animale  eft  le  plus  fufceptible  des  chan- 
gemens  avantageux  ou  nuifîblesconféquem- 
ment  au  bon  ou  au  mauvais  effet  des 
chofes  néceflaires ,  dont  l'ufage  ou  les  im- 
prefïïons  font  inévitables  ;  ainfî  il  eft  très- 
important  de  mettre  de  bonne  heure  à 
profit  celte  difpofition ,  pour  perfectionner 
ou  fortifier  le  tempérament  des  enfans  , 
félon  qu'ils  font  naturellement  robuftes  ou 
foibles. 

Tous  ceux  qui  ont  écrit  fur  ce  fujet  , 
s'accordent  à  peu  près  à  propofer  dans  cette 
vue  une  méthode  ,  qui  fe  réduit  à  ce  peu 
de  règles  très-faciles  à  pratiquer  ;  favoir  , 
de  ne  nourrir  les  enfans  que  de  viandes  les 
plus  communes  ;  de  leur  défendre  l'ufage 
Tome  XII. 


ENF  4r7 

du  vin  Se  de  toutes  les  liqueurs ,  fortes  ;  de 
ne  leur  donner  que  peu  ou  point  de  mé- 
decines y  de  leur  permettre  de  refter  fou- 
vent  au  grand  air  ;  de  les  lailler  s'expofèr 
eux-mêmes  au|foleil ,  aux  injures  du  temps, 
de  ne  pas  leur  tenir  la  tête  couverte  ;  d'ac- 
coutumer leurs  pies  au  froid  ,  à  l'humi- 
dité ,  de  leur  faire  prendre  de  l'exercice  ; 
de  les  laifïèr  bien  dormir  ,  fur-tout  dans  les 
premières  années  de  leur  vie  ;  de  les  faire 
cependant  lever  de  bon  matin  ;  de  ne  leur  pas 
faire  des  habits  trop  chauds  Se  trop  étroits  ; 
de  leur  faire  contracter  l'habitude  d'aller  à 
la  felle  régulièrement  ;  de  les  empêcher 
de  fe  livrer  à  une  trop  forte  contention  d'ef- 
prit  ,  de  ne  l'exercer  d'abord  que  très-mo- 
dérément ,  Se  d'en  augmenter  l'application 
par  degrés.  En  fe  conformant  à  ces  règles  j  uf- 
qu'à  l'habitude  ,  il  n'y  a  prelque  rien  que  le 
corps  ne  puifTe  endurer ,  prefque  point  de 
genre  de  vie  auquel  il  ne  puifïè  s'accoutumer. 
C'eft  ce  que  l'on  trouve  plus  amplement  éta- 
bli dans  l'article  Hygiène  ,  où  font  expli- 
quées les  raifons  fur  lefquelles  eft  fondée  cette 
pratique.  Voye^  auffi  l'ouvrage  de  Locks 
fur  l'éducation  des  enfans ,  traduit  de  l' An- 
glois  par  M.  Cofte.  (d) 

*  Enfance  de  Jesus-Christ  (  Filles 
de  l'  )  Hijl.  eccléj.  congrégation  dont  le  but 
étoit  l'inftitution  de  jeunes  filles  ,  Se  le  fe- 
cours  des  malades.  On  n'y  recevoit  point 
de  veuves  :  on  n'époufoif  la  maifon  qu'après 
deux  ans  d'eflai  :  on  ne  renonçoit  point 
aux  biens  de  famille  en  s'attachant  à  l'infti- 
tut  :  il  n'y  avoit  que  les  nobles  qui  puffent 
être  fupérieures.  Quant  aux  autres  emplois , 
les  roturières  y  pouvoient  prétendre  ;  il  y 
en  avoit  cependant  plufieursd'abaifïées  à  la 
condition  de  fuivahtes,defemmes-de-cham- 
bre  ,  Se  de  fervantes.  Cette  communauté 
bizarre  commença  à  Touloufe  en  1657.  Ce 
fut  un  chanoine  de  cette  ville  qui  lui  donna 
dans  la  fuite  des  réglemens  qui  ne  réparè- 
rent rien  ;  on  y  obferva  au  contraire  d'en 
bannir  les  mots  de  dortoir  ,  de  chauffoir , 
de  réfectoire  ,  Se  autres  qui  fentent  le  mo- 
naftere.  On  ne  s'appelloit  point  feturs.  Les 
filles  de  l'enfance  de  Jefus  prenoient  des 
laquais,  descochers  ;  mais  il  falloir  que  ceux- 
ci  fu  fient  mariés  3  Se  que  les  autres  n'euf* 
fent  point  fervi  de  filles  dans  le  monde.  Elle» 
ne  pouvoient  choifir  un  régulier  pour  con- 


4i'R  E  N  F 

feffeur.  Le  chanoine  de  Touloufe^  foutenant 
concre  toute  remontrance  la  fagefle  profonde 
de  fes  réglemens ,  8e  n'en  voulant  pas  dé- 
mordre j  le  roi  Louis  XIV  cafla  l'inftitut , 
8e  renvoya  les  filles  de  l'enfance  de  Jefus- 
Ckrifl  chez  leurs  parens.  Elles  avoient  alors 
cinq  ou  fïx  établi  flemens  3  tant  en  Provence 
qu'en  Languedoc. 

ENFANT  ,  G  m.  fils  ou  fille  ,  (  Droit 
nai.  Morah.  )  relation  de  fils  ou  de  fille  à 
fes  père  8c  mère  ,  quoique  dans  le  droit 
Romain  le  nom  d' enfant  comprenne  auffi 
les  petits-fils  foit  qu'ils  defeendent  des 
mâles  ou  des  femelles. 

Les  enfans  ayant  une  relation  très-étroite 
avec  ceux  dont  ils  ont  reçu  le  jour  ,  la 
nourriture  8c  l'éducation  ,  font  tenus  par 
ces  motifs  à  remplir  vis-à-vis  de  leurs  père 
&  mère  des  devoirs  indifpenfables ,  tels  que 
la  déférence  ,  l'obéiflance  ,  l'honneur ,  le 
refpect  ;  comme  auffi  de  leur  rendre  tous 
les  fervices ,  5c  leur  donner  tous  les  fecours 
que  "  peuvent  infpirer  leur  fituation  8>c  leur 
reconnoiflance. 

C'eft  par  une  fuite  de  l'état  de  foiblefïe 
Se  d'ignorance  où  naillent  les  enfans  ,  qu'ils 
fe  trouvent  naturellement  alTujettis  à  leurs 
père  &  mère,  auxquels  la  nature  donne  tout 
le  pouvoir  néceflaire  pour  gouverner  ceux 
dont  ils  doivent  procurer  l'avantage, 

Il  réfulte  de  là  que  les  enfans  doivent 
de  leur  côté  honorer  leurs  père  Se  mère  en 
paroles  8e  en  effets.  Ils  leur  doivent  encore 
ï'obéifïance ,  non  pas  cependant  une  obéif- 
fance  fans  bornes ,  mais  aullî  étendue  que 
le  demande  cette  relation  ,  8c  auffi  grande 
que  le  permet  la  dépendance  où  les  uns  8c 
les  autres  font  d'un  fupérieur  commun.  Ils 
doivent  avoir  pour  leurs  père  8e  mere  des 
fentimens d'affection ,  d'eftime  &  de  refpect, 
8e  témoigner  ces  fentimens  par  toute  leur 
conduite.  Ils  doivent  leur  rendre  tous  les 
fervices  dont  ils  font  capables  ,  les  confeiller 
•dans  leurs  affaires  ,  les  confoler  dans  leurs 
malheurs ,  fupporter  patiemment  leurs  mau- 
vaifes  humeurs  8e  leurs  défauts.  Il  n'eft  point 
d'âge  ,  de  rang  ,  ni  de  dignité  ,  qui  puiflè 
difpenfer  un  enfant  de  ces  fortes  de  devoirs. 
Enfin ,  un  enfant  doit  aider ,  aflifter ,  nourrir 
fon  père  &e  fa  mere  ,  quand  ils  font  tombés 
dans  le  befoin  8e  dans  l'indigence  •>  8e  l'on 
a  loué  Selon  d'avoir  coté  d'infamie  ceux 


E  N  F 

qui  manqueroient  à  un  tel  devoir ,  quoique 
la  pratique  n'en  foit  pas  auifi  fou  vent  nécef- 
faire  que  celle  de  l'obligation  où  font  les 
pères  8c  mères  de  nourrir  8c  d'élever  leurs 
enfans. 

Cependant  pour  mieux  comprendre  la 
nature  8c  les  juftes  bornes  des  devoirs  dont 
nous  venons  de  parler  ,  il  faut  diftinguer 
fbigneufement  trois  états  des  enfans  ,  félon 
les  trois  temps  ditîerens  de  leur  vie. 

Le  premier  eft  lorfque  leur  jugement  eft 
imparfait ,  8e  qu'ils  manquent  de  dilcer- 
nement ,  comme  dit  Ariffote. 

Le  fécond  ,  lorfque  leur  jugement  étant 
mûr  ,  ils  font  encore  membres  de  la  famille 
paternelle  ■>  ou ,  comme  s'exprime  le  même 
phiiolophe ,  qu'ils  n'en  font  pas  encore  fé- 
parés. 

Letroifieme  8c  dernier  état  ,  eft  lorfqu'ils 
font  fortis  de  cette  famille  par  le  mariage 
dans  un  âge  mûr. 

Dans  le  premier  état ,  toutes  les  actions 
des  enfans  (ont  loumifes  à  la  direction  de 
leurs  père  8e  mere  ;  car  il  eft  j  ufte  que  ceux 
qui  ne  font  pas  capables  de  fe  conduire  eux- 
mêmes  ,  foient  gouvernés  par  autrui  ;  8e  il 
n'y  a  que  ceux  qui  ont  donné  la  naifïance  à 
un  enfant ,  qui  foient  naturellement  chargés 
du  foin  de  le  gouverner. 

Dans  le  fécond  état ,  c'eft-à-dire  ,  lorfque 
les  enfans  ont  atteint  l'âge  où  leur  jugement 
eft  mûr  ,  il  n'y  a  que  les  chofes  qui  font  de 
qUelqu'importance  pour  le  bien  de  la  famille 
paternelle  ou  maternelle  ,  à  l'égard  def- 
quelles  ils  dépendent  de  la  volonté  de  leurs 
père  8e  mere  ;  8c  cela  par  cette  raifon  , 
qu'il  eft  jufte  que  la  partie  fe  conforme 
aux  intérêts  du  tout.  Pour  toutes  les  autres 
actions ,  ils  ont  alors  le  pouvoir  moral  de 
faire  ce  qu'ils  trouvent  à  propos  ;  en  forte 
néanmoins  qu'alors  même  ils  doivent  tou- 
jours tâcher  de  fe  conduire  ,  autant  qu'il 
eft  poflible  ,  d'une  manière  agréable  à  leurs 
parens. 

Cependant ,  comme  cette  obligation  n'eft 
pas  fondée  fur  un  droit  que  les  parens  aient 
d'en  exiger  à  la  rigueur  les  effets  ,  mais  feu- 
lement fur  ce  que  demandent  l'affection 
naturelle  ,  le  refpect  8e  la  reconnoiffance 
envers  ceux  de  qui  on  tient  la  vie  8e  l'édu- 
cation ,  fi  un  enfant  vient  à  y  manquer  , 
ce  qu'à  fait  contre  le  gré  de  fes  parens  n'eft 


E  N  F 

pas  plus  nul  pour  cela  ,  qu'une  donation 
faire  par  un  légitime  propriétaire  contre  les 
règles  de  l'économie  ,  ne  devient  invalide 
par  cette  feule  rai  ion. 

Dans  le  troifeme  ôc  dernier  état ,  un  en- 
fant eft  maître  abfolu  de  lui-même  à  tous 
égards  ;  mais  il  ne  laifTe  pas  d'être  obligé  à 
avoir  pour  (on  père  ôc  pour  fa  mère  ,  pen- 
dant tout  le  refte  de  fa  vie  ,  les  fentimens 
d'affection  ,  d'honneur  ôc  de  refpeét ,  dont 
le  fondement  fubiifte  toujours.  Il  fuit  de 
ce  principe  ,  que  les  a&es  d'un  roi  ne 
peuvent  point  être  annullés  ,  par  la  raifon 
que  (on  père  ou  fa  mère  ne  les  ont  pas 
autorifés. 

Si  un  enfant  n'acquéroit  jamais  un  degré 
de  raifon  fufïïfante  pour  te  conduire  lui- 
même  ,  comme  il  arrive  aux  innocens  ôc 
aux  lunatiques  de  naillànce  ,  il  dépendrait 
toujours  de  la  volonté  de  (on  père  ôc  de 
fa  mère  ;  mais  ce  (ont  là  des  exemples 
rares  ,  ôc  hors  du  cours  ordinaire  de  la 
nature  :  ainfi  les  liens  de  la  fujétion  des  en- 
fans  refiemblent  à  leurs  langes  ,  qui  ne 
leur  fout  néceifaires  qu'à  caufe  de  la  foi- 
blefïe  de  l'enfance.  L'âge  qui  amené  la  rai- 
fon ,  les  met  hors  du  pouvoir  paternel  , 
ôc  les  rend  maîtres  d'eux-mêmes  ;  en  forte 
qu'ils  font  alors  aufïi  égaux  à  leur  père  & 
à  leur  mère  ,  par  rapport  à  l'état  de  li- 
berté ,  qu'un  pupille  devient  égal  à  fon  tu- 
reur  après  le  temps  de  la  minorité  réglé  par 
les  loix. 

La  liberté  des  enfans  ,  venus  en  âge 
d'hommes  faits  ,  ôc  l'obéiiîance  qu'ils  doi- 
vent ,  avant  ce  temps  ,  à  leur  père  ôc  à 
leur  mère  ,  ne  font  pas  plus  incompatibles 
que  ne  l'eft,  félon  les  plus  zélés  défenfeurs 
de  la  monarchie  abfolue  ,  la  fujétion  où  fe 
trouve  un  prince  pendant  fa  minorité  ,  par 
rapport  à  la  reine  régente  ,  à  fa  nourrice  , 
à  fes  tuteurs  ou  à  (es  gouverneurs  ,  avec  le 
droit  qu'il  a  à  la  couronne  qu'il  hérite  de 
fon  père ,  ou  avec  l'autorité  fouveraine  dont 
il  fera  un  jour  revêtu  ,  lorfque  l'âge  l'aura 
rendu  capable  de  fe  conduire  lui-même  ôc 
de  conduire  les  autres. 

Quoique  les  enfans  ,  dès-lors  qu'ils  fe 
trouvent  en  âge  de  connottre  ce  que  de- 
mandent d'eux  les  loix  de  la  nature  ,  ou 
celles  de  la  fociété  civile  dont  ils  font  mem- 
bres-, ne  foient  pas  obligés  de  violer  ces 


E  N   F  41^ 

lo:x  pour  fatisfaire  leurs  parens  ;  un  enfant 
eft  toujours  obligé  d'honorer  Ion  père  ôc  fa 
mère  ,  en  reconnoi (lance des  (oins  qu'ilsonc 
pris  de  lui ,  &  rien  nefauroit  l'endiipcnfer. 
Je  dis  qu'il  eft  toujours  obligé  c-  'honorer  (on 
père  ôc  fa  mère  ,  parce  que  la  mère  a  au- 
tant de  droit  à  ce  devoir  que  le  père  ; 
jufque-là  que  (i  le  père  même  ordonnoit  le 
contraire  à  ion  enfant ,  il  ne  doit  point  lui 
obéir. 

Mais  j'ajoute  en  même  temps  ici  ,  ÔC 
très-expreflément  ,  que  les  devoirs  d'hon- 
neur ,  de  refpedb  ,  d'attachement ,  de  re- 
connoiflànce ,  dus  aux  pères  ôc  mères ,  peu- 
vent être  plus  ou  moins  étendus  de  la: 
part  des  enfans  ,  ielon  que  le  père  ôc  ia 
mère  ont  pris  plus  ou  moins  de  foin  de 
leur  éducation  ,  ôc  s'y  font  plus  eu  moins 
facrifiés  ;  autrement  un  enfant  n'a  pas  grande 
obligation  à  fes  parens  ,  qui ,  après  l'avoir 
mis  au  monde  ,  ont  néglige  de  pourvoir 
félon  leur  état  à  lui  fournir  les  moyens  de 
vivre  un  jour  heureufement  ou  utilement  , 
tandis  qu'eux-mêmes  (e  (ont  livrés  à  leur» 
plaiiirs  ,  à  leurs  goûts  ,  à  leurs  paiïions ,  à 
la  dirtïpation  de  leur  fortune ,  par  ces, 
dépenfes  vaines  ôc  fuperflues  dont  on  vo;«t 
tant  d'exemples  dans  les  pays  de  luxe. 
"  Vous  ne  méritez  rien  de  la  patrie  ,  dit 
»  avec  raifon  un  poëte  Romain  ,  pour  lui 
»  avoir  donné  un  citoyen  ,  (i  par  vos  foins 
»  il  n'eft  utile  à  la  république  dans  la  guerre 
»  ôc  dans  la  paix  ,  ôc  s'il  n'eft  propre  à 
»  faire  valoir  nos  terres  :  » 

Gratum  efi ,  quodpatrix  civem  ,  populoque 

dedifii  ; 
Si  faci:  ut  pat  ri  ce  fit  idoneus  ,  ittilis  agris  t 
Utilis  Ù  bdlurum  ,  &  pacis  rébus  agendis. 
Ju.ven.fat.  xiv  ,  jo  &feq. 

Il  eft  donc  aifé  de  décider  la  queftion 
long-temps  agitée  ,  (î  l'obligation  perpé- 
tuelle où  font  les  enfans  envers  leurs  père 
ôc  mère  ,  eft  fondée  principalement  fur  la 
naiflànce  ,  ou  fur  les  bienfaits  de  l'éduca- 
tion. En  effet ,  pour  pouvoir  raifonnablc- 
ment  prétendre  que  quelqu'un  nous  ait 
grande  obligation  d'un  bien  qu'il  reçoit 
par  notre  moyen  ,  il  faut  avoir  fu  à  qui 
l'on  donnoit  ;  confidérer  (î  ce  que  l'on  a 
fait  a  beaucoup  coûté  ;  (i  l'on  a  eu  inten- 
Ggg* 


4io  E  N  F 

tion  de  rendre  fervice  à  celui  qui  en  a 
profité  ,  plutôt  que  de  fe  procurer  à  loi- 
même  quelque  utilité  ou  quelque  plaifir  ; 
û  l'on  s'y  eft  porté  par  raifon  plutôt  que 
parles  fens  ,-  ou  pour  fatisfaire  les  délits  ; 
enfin  ,  fi  ce  que  l'on  donne  peut  être  utile 
à  celui  qui  le  reçoit  ,  fans  que  l'on  faflè 
autre  choie  en  fa  faveur.  Ces  feules  ré- 
flexions convaincront  ailément ,  que  l'édu- 
cation eft  d'un  tout  autre  poids,  pour 
fonder  les  devoirs  des  en  fans  envers  leurs 
père  5c  mère  ,  que  ne  Peft  la  naifïance. 

On  agite  encore  fur  ce  fujet  plufieurs 
queftions  importantes,  mais  dont  la  plupart 
peuvent  eue  réfolues  par  les  principes  que 
nous  avons  établis  :  voici  néanmoins  les 
principales. 

i°.  On  demande  fi  les  promefles  &  les 
cngagemens  d'un  enfant  font  valides.  Je 
répons  que  les  promefles  &  les  cngage- 
mens d'un  erfant  qui  fe  trouve  dans  le 
premier  état  d'enfance  dont  nous  avons 
parlé  ,  font  nulles  ;  parce  que  tout  confen- 
tement  fuppofe  ,  i°.  le  pouvoir  phyfique 
de  conlentir  ;  zo.  un  pouvoir  moral ,  c'eft- 
à-dire  ,  l'uiage  de  la  raifon  ;  30.  un  ufage 
férieux  5c  libre  de  ces  deux  fortes  de  pou- 
voirs. Or ,  les  enfans  qui  n'ont  pas  l'ufage 
de  la  raifon  ,  ne  font  point  dans  ce  cas  ; 
mais  quand  le  jugement  eft  parfaitement 
formé  ,  il  n'eft  pas  douteux  que  dans  le 
droit  naturel  ,  Y  enfant  qui  s'eft  engagé  li- 
brement à  quelque  chofe  où  il  n'a  point  été 
furpris  ni  tœmpé  ,  comme  à  quelque  em- 
prunt d'argent  ,  ne  doive  payer  cet  em- 
prunt fans  fe  prévaloir  du  bénéfice  des  loix 
civiles. 

i°.  On  demande  fi  un  enfant ,  -parvenu 
à  un  âge  mûr  ,  ne  peut  pas  fortir  de  fa  fa- 
mille ,  fins  l'acquiefcement  de  fes  père  & 
mère.  Je  répons  que  dans  Y  indépendance 
de  Vêi at  de  nature  ,  les  chefs  de  famille  ne 
peuvent  pas  retenir  un  tel  enfant  malgré 
lui ,  lorfqu'il  demande  à  fe  féparer  de  les 
païens  pour  vivre  en  liberté ,  5c  par  des 
raifons  valables. 

Il  fuit  de  ce  principe  ,  que  les  enfans  en 
âge  mûr  peuvent  fe  marier  fins  le  confen- 
tement  de  leur  père  &  de  leur  mère ,  parce 
que  l'obligation  d'écouter  ôc  de  refpecter  les 
confeils  de  fes  fupérieurs  n'ote  pas  ,  par 
elte-même  ,  le  droit  de  dirpofer  de  ion 


E  N  F 

bien  $c  de  fa  perfonne.  Je  fais  que  le 
droit  des  pères  5c  mères  eft  légitimement 
fondé  fur  leur  puiflànce  ,  fur  leur  amour  , 
lur  leur  raifon  ;  tout  cela  eft  vrai  ,  tant  que 
les  enfans  font  dans  l'état  d'ignorance ,  5c 
les  pallions  dans  l'état  d'iviefle  :  mais 
quand  les  enfans  ont  atteint  l'âge  où  fe 
trouve  la  maturité  de  la  raifon,  ils  peu- 
vent difpofer  de  leur  perfonne  dans  l'a&e 
où  la  liberté  eft  la  plus  nécefîàire  ,  c'eft- 
à-dire  ,  dans  le  mariage  ;  car  on  ne  peut 
aimer  par  le  eccur  d'autrui.  En  un  mot , 
le  pouvoir  paternel  confifte  à  élever  5c  gou- 
verner fes  enfans ,  pendant  qu'ils  ne  lont 
pas  en  état  de  fe  conduire  eux-mêmes  ; 
mais  il  ne  s'étend  pas  plus  loin  dans  le 
droit  de  nature.  Foj^Pere  ,  Mère  ,  Pou- 

VOIR  PATERNEL. 

30.  On  demande  fi  les  enfans,  ceux-là 
même  qui  font  encore  dans  le  ventre  de 
leur  mère  ,  peuvent  acquérir  5c  conferver 
un  droit  de  propriété  fur  les  biens  qu'on 
leur  transfère.  Les  nations  civilifées  l'ont 
ainfi  établi  ;  de  plus ,  la  rairon  5c  l'équité 
naturelle  autorifent  cet  établiflèment. 

40.  Enfin  ,  on  demande  fi  les  enfans 
peuvent  être  punis  pour  le  crime  de  leur 
père  ou  de  leur  mère.  Mais  c'eft  là  une 
demande  honteufe  :  perfonne  ne  peut  être 
puni  rai  onnablement  pour  un  crime  d'au- 
trui ,  lorfqu'il  eft  lui-même  innocent.  Tout 
mérite  &  démérite  eftperfonnel ,  ayant  pour 
principe  la  volonté  de  chacun  ,  qui  eft  le 
bien  le  plus  propre  5c  le  plus  incommuni- 
cable de  la  vie  ;  ce  font  donc  des  loix  hu- 
maines également  injuftes  5c  barbares ,  que 
celles  qui  condamnent  les  enfans  pour  le 
crime  de  leur  père.  C'eft  la  fureur  defpo- 
tique  ,  dit  très-bien  l'auteur  de  l'efprit  des 
loix  ,  "  qui  a  voulu  que  la  difgrace  du  père 
»  entraînât  celle  des  enfans  5c  des  femmes  : 
»  ils  font  déjà  malheureux  fans  être  crimi- 
»  nels  5  5c  d'ailleurs  il  faut  que  le  prince 
»  laiffe,  entre  l'aceufé  Se  lui  ,  des  fup- 
»  plians  pour  fléchir  fa  clémence  ou  pour 
»  éclairer  fa  juftice.  »  Article  de  M.  le  che- 
valier de  Jaucouft. 

Enfant,  (Jur/fprudence.)  Outre  celui 
qui  doit  la  naiflance  à  quelqu'un  ,  fous 
le  nom  d'enfant  on  comprend  encore  les 
petits- enfans  5c  arrière  ipeùis-enfans. 

La  principale  fin  du  mariage  eft  la  pro- 


E  N  F 

création  des  enfans  ;  c'eft  la  feule  voie  légi- 
time pour  en  avoir.  Ceux  qui  naifîent  hors 
le  mariage ,  ne  font  que  des  enfans  natu- 
rels ou  bâtards.  Chez  ies  Romains  il  y  avoir 
une  autre  forte  à' enfans  légitimes  qui  étoient 
les  enfans  adoptifs  :  mais  parmi  nous  il  refte 
peu  de  vertiges  des  adoptions.  Vo^e^  Adop- 
tion. 

C'étoit  une  maxime  chez  les  Romains , 
que  l'enfant  fuivoit  la  condition  de  fa  mère 
ôc  non  celle  du  père  ;  ce  que  les  loix  expri- 
ment par  ces  termes  ,  partus  fequitur  ven- 
trem  :  ainli  l'enfant  né  d'une  efclave  ,  étoit 
aufïi  efclave  ,  quoique  le  père  fût  libre  ;  & 
vice  verfâ  ,'  l'enfant  né  d'une  femme  libre 
l'étoit  pareillement  ,  quoique  le  père  fut 
efclave  ;  ce  qui  a  encore  lieu  pour  les  efcla- 
ves  que  nous  avons  dans  les  iles. 

Mais  en  France  ,  dans  la  plupart  des  pays 
où  il  refte  encore  des  ferfs  ôc  gens  de 
main-morte  ,  le  ventre  n'affranchit  pas  ;  les 
enfans  fuivent  la  condition  du  père. 

Il  en  eft  de  même  par  rapport  à  la  no- 
ble flè  ;  autrefois  en  Champagne  le  ventre 
ennoblifloit ,  mais  cette  noblelfe  utérine  n'a 
plus  lieu. 

Le  droit  naturel  fk  le  droit  pofîtif  ont 
établi  plufïeurs  droits  ôc  devoirs  récipro- 
ques entre  les  père  ôc  mère  ôc  les  enfans. 

Les  père  ôc  mère  doivent  prendre  foin 
de  l'éducation  de  leurs  enfans ,  (oit  naturels 
eu  légitimes  ,  &  leur  fournir  des  alimens  , 
du  moins  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  en  état 
de  gagner  leur  vie  ;  ce  que  l'on  fixe  com- 
munément à  l'âge  de  7  ans. 

Les  biens  des  père  ôc  mère  décédés  abin- 
tefat  (ont  dévolus  à  leurs  enfans  >  ou  s'il 
y  a  un  teftament ,  il  faut  du  moins  qu'ils 
aient  leur  légitime  ,  ôc  les  enfans  naturels 
peuvent  demander  des  alimens. 

Les  enfans ,  de  leur  part  ,  doivent  ho- 
norer leurs  père  ôc  mère  ,  ôc  leur  obéir  en 
tout  ce  qui  n'eft  pas  contraire  à  la  reli- 
gion &c  aux  loix.  Ils  font  en  la  puifïance  de 
leurs  père  ôc  mère  jufqu'à  leur  majorité; 
ôc  même  en  pays  de  droit  écrit ,  la  puif- 
fance  paternelle  continue  après  la  majo- 
rité ,  à  moins  que  les  enfans  ne  foient 
émancipés. 

Suivant  l'ancien  droit  Romain  ,  les  pè- 
res avoient  le  pouvoir  de  vendre  leurs 
enfans  &  de  les,  metuç  dans  l'efclavage  3  ils 


E  N  F  4U 

avoient  même  fur  eux  droit  de  vie  &  de 
mort  ,  Ôc  par  une  fuite  de  ce  droit  bar- 
bare, ils  avoient  aufîi  le  pouvoir  de  tuer 
un  enfant  qui  naiilbit  avec  quelque  diffor- 
mité confidérabie  :  mais  ce  droit  de  vie 
&  de  mort  fut  réduit  au  droit  de  correc- 
tion modérée  ,  ôc  au  pouvoir  d'exhéréder 
les  enfans  pour  de  juftes  caufès  :  il  en  eft 
de  même  parmi  nous  ,  quoique  les  Gau- 
lois eu  lient  auiïi  droit  de  vie  ôc  de  mort 
fur  leurs  enfans.  Voye^  Puissance  pa- 
ternelle &  Émancipation. 

Les  mineurs  n'étant  pas  réputés  capa- 
bles de  gouverner  leur  bien ,  on  leur  donne 
des  tuteurs  ôc  curateurs  ;  ils  tombent  aufïï 
en  garde  noble  ou  bourgeoife.  Voye-^ 
Garde  ,  Tutelle  ,  Curatelle. 

Les  enfans  mineurs  ne  peuvent  fe  ma- 
rier fans  le  confentement  de  leurs  père 
ôc  mère  ;  les  fils  ne  peuvent  leur  faire  les 
fommations  refpectueufes  qu'à  3c ans,  ôc 
les  filles  à  25  ,  à  peine  d'exhérédation. 

Si  les  père  ôc  mère  ôc  autres  afeendans 
tombent  dans  Pindigence  ,  leurs  enfans 
leur  doivent  des  alimens  5  ils  doivent  même  , 
en  pays  de  droit  écrit  ,  une  légitime  à 
leurs  afeendans. 

Le  nombre  des  enfans  exeufe  le  père  de 
la  tutelle  ;  trois  enfans  fuffifoient  à  Rome  , 
il  en  falîoit  quatre  en  Italie  ,  ôc  cinq  dans 
les  provinces  :  ceux  qui  avoient  ce  nombre 
à'enfans  jouifloient  encore  de  plufïeurs 
autres  privilèges.  Parmi  nous ,  trois  enfans 
exeufent  de  tutelle  Ôc  curatelle... 

Par  deux  édits  de  1666  ôc  de  1667  ,  il 
avoit  été  accordé  des  penfions  ôc  plufïeurs 
autres  privilèges  à  ceux  qui  auroient  dix 
ou  douze  enfans  nés  en  loyal  mariage  , 
non  prêtres ,  ni  religieux  ou  religieufes  ,  ôc 
qui  feraient  vivans  ou  décédés  en  portant 
les  armes  pour  le  fervice  du  roi  :  mais 
ces  privilèges  ont  été  révoqués  par  une 
déclaration  du  13  janvier  1683. 

Les  enfans  ne  peuvent  être  obligés  de 
dépofèr  contre  leur  père  ,  ôc  le  témoi- 
gnage qu'ils  donnent  en  fa  faveur  eft  re- 
jeté :  un  notaire  ou  autre  officier  public 
ne  peut  même  prendre  fes  enfans  pour 
témoins  inftrumenraires. 

Le  père  eft  civilement  refponfàbîe  du 
délit  de  fes  enfans  étant  en  fà  puifïance  ; 
ancieauement  les  enfans  étoient  auiïi  punis 


4i2  ENF 

pour  le  délit  de  leur  père.  Taiïillon  }  roi 
de  Bavière  ,  ayant  été  condamné  par  le 
parlement  ,  en  7S8  ,  fut  renfermé  dans 
un  monaftere  avec  fon  fils  ,  qui  fut  jugé 
coupable  par  le  malheur  de  fa  ieule  naif- 
fance. 

Préfentement  les  enfans  ne  (ont  point 
punis  pour  le  délit  du  père  ,  iî  ce  n'eft  pour 
crime  de  lefe-majefté  :  lorfque  Jacques 
d'Armagnac  ,  duc  de  Nemours ,  eut  la  tête 
tranchée  le  4  août  1 477  ,  fous  Louis  XI , 
on  mit  fous  l'échafaud  les  deux  enfans  du 
coupable  ,  afin  que  le  fang  de  leur  père  cou- 
lât fur  eux. 

Chez  les  Romains  ,  les  enfans  des  dé- 
curions étoient  obligés  de  prendre  le 
même  état  que  leur  père  ,  qui  étoit  une 
charge  très  onéreufe  ;  au  lieu  que  parmi 
nous  il  eft  libre  aux  enfans  d'embraifer 
tel  état  que  bon  leur  femble,  &c.  Voye^ 
la  traité  des  minorités  ,  tutelles  &  curatelles, 
ch.xj.(A) 

Enfant  adoptif  ,  eft  celui  qui  eft  confi- 
déré  comme  V enfant  de  quelqu'un  ,  quoi- 
qu'il ne  le  foit  pas  réellement ,  au  moyen 
de  l'adoption  que  le  père  adoptif  a  faite  de  lui. 
Vcye^  Adoption.  {A) 

Enfant  adultérin  ,  eft  celui  qui  eft 
ne  d'un  commerce  adultérin  ,  (oit  que 
l'adultère  foit  fimple  ou  double  s  c'eft-à- 
dire  ,  des  deux  côtés.  (A) 

Enfant  âgé  ou  en  âge  ,  lignifie  celui 
qui  eft  majeur  ,  foit  de  majorité  parfaite  , 
ou  de  majorité  féodale  ou  coucumiere  ; 
ce  qui  doit  s'entendre  fecundùm  fubjeâam 
meteriam.  (A). 

Enfant  en  bas  âge  ,  é&  celui  qui  eft 
au  detïbus  de  l'âge  de  puberté.  (A) 

Enfant  bâtard  ,  c'eft  celui  qui  eft  né 
hors  le  mariage.  Voye^  Adultère  ,  Bâ- 
tardise &  Inceste.  {A) 

Enfant  conçu  ,  eft  celui  qui  eft  dans  le 
iein  de  la  mère  ,  6c  qui  n  eft  pas  encore  né. 

U)  r  , 

Enfant  émancipe.  V.  ci-dejfus  Éman- 
cipation. 

Enfant  exposé  ,  ou  comme  on  l'ap- 
pelle vulgairement  ,  un  enfant  trouvé ,  eft 
un  enfant  nouveau  né  ou  en  très-bas  âge 
&  hors  d'état  de  fc  conduire  ,  que  lès 
parens  ont  expofé  hors  de  chez  eux  ,  foit 
pour  ôter  au  public  la  coiinoiftance  qu'il 


ENF 

leur  appartient  ,  foit  pour  fe  débarra  (Ter  de 
la  nourriture ,  entretien  &  éducation  de  cet 
enfant. 

Cette  coutume  barbare  eft  fort  ancienne  \ 
car  il  étoit  fréquent  chez  les  Grecs  &  les 
Romains  que  les  pères  expofoient  leurs 
enfans  :  cette  expofition  fut  même  permife 
fous  l'empire  de  Diocletien  ,  de  Maximica 
6c  de  Conftantin  ,  6c  cela  fans  doute  , 
pour  empêcher  les  pères  qui  n'auroient  pas 
le  moyen  de  nourrir  leurs  enfans  ,  de  les 
vendre. 

Néanmoins  Conftantin  voulant  empê- 
cher que  l'on  n'expofât  les  enfans  nouveau- 
nés  ,  permit  aux  pères  qui  n'auroient  pas 
le  moyen  de  les  nourrir  ,  de  les  vendre  ,  à 
condition  que  le  père  pourroit  racheter  fort 
fils ,  ou  que  le  fils  pourroit  dans  la  fuite  fe 
racheter  lui-même. 

Les  empereurs  Valens ,  Valentinien  8c 
Gratien  défendirent  abfolument  l'expofîtion 
des  enfans.  Il  étoit  permis  aux  pères  qui 
n'avoient  pas  le  moyen  de  les  nourrir ,  de 
demander  publiquement. 

L'expofîtion  de  part  ou  des  enfans  eft 
aufïi  défendue  en  France  par  les  ordon- 
nances. Voye^y  ci-après  ,  Exposition. 

Il  y  avoir  anciennement  devant  la  porte 
des  églifes  une  'coquille  de  marbre  où  l'on 
mettoit  les  enfans  que  l'on  vouloit  expofer  ; 
on  les  portoit  en  ce  lieu  afin  que  quel- 
qu'un ,  tcuché  de  compafïion  ,  fe  chargeât 
de  les  nourrir.  Ils  étoient  levés  par  les  mar- 
guill.iers  qui  en  dreflbient  procès-verbal  ; 
6c  cherchoient  quelqu'un  qui  voulût  bien 
s'en  charger  ;  ce  qui  étoit  confirmé  par  l'au- 
torité  de  l'évêque  ,  6c  l'enfant  devenoit  ferf 
de  celui  qui  s'en  chargeoit. 

Quelques-uns  prétendoient  que  ces  en- 
fins  dévoient  être  nourris  aux  dépens  des 
marguilliers  ;  d'autres  ,  que  c  etoit  à  la 
charge  des  habitans  :  mais  les  réglemens 
ont  enfin  établi  que  c'eft  au  feigneur  haut- 
jufticier  du  lieu  à  s'en  charger  ,  comme 
jouiflànt  des  droits  du  file  fur  lequel  cette 
charge  doit  être  prife  ;  6c  par  cette  raifbn  , 
dans  les  coutumes  telles  que  celle  d'Anjou 
6c  autres  ,  où  les  moyens  6c  bas-jufticiers 
prennent  les  épaves  ,  les  déshérences  &  la 
fuccefïion  des  bâtards  ;  la  nourriture  des 
enfans  expofés  doit  être  à  leur  charge. 

Dans  les  endroits  oj  il  y  a  de*s  hôpitaux 


E  N  F 

établis  pour  les  enfans  trouvés  ou  expofés  , 
on  y  reçoit  non  -  feulement  ceux  qui  font 
expofés ,  mais  auiïï  tous  enfans  de  pauvres 
gens ,  quoiqu'ils  aient  leurs  père  8c  mère 
•vivans;  à  Patis  ,  on  n'en  reçoit  guère  au 
defïus  de  quatre  ans. 

Les  enfans  expofés  ne  font  point  réputés 
bâtards  ;  8c  comme  il  y  en  a  fouvcnt  de 
légitimes  qui  font  ainfi  expofés  ,  témoin 
l'exemple  de  Moïfe  ,  on  prélume  dans 
le  doute  pour  ce  qui  eft  de  plus  favo- 
rable. 

On  poulie  encore  cette  préfomption  plus 
loin  en  Ef  pagne  ;  car  à  Madrid  les  enfans 
expofés  font  bourgeois  de  cette  ville  &i  ré- 
putés gentilshommes  ,  tellement  qu'ils  peu- 
vent entrer  dans  l'ordre  à'Habfito.  Voyc^ 
Fevret  de  l'abus ,  Uv.  VII ,  ch.  ix  ,  n°.  J  ; 
le  traité  des  minorités  de  Mêlé ,  pag.  iq^  ; 
le  traité  des  fiefs  de  Poquet  de  Livoniere , 
liv.  VI,  ch.  v.  (  A  ) 

Enfans  de  Famille  ,  font  les  fils&  filles 
qui  font  en  la  puillance  de  leur  perc.  Vcye^ 
Puissance  paternelle.  (  A  ) 

Enfans  de  France,  font  les  enfans  8c 
petits  -enfans  mâles  &c  femelles  des  rois  :  les 
frères  &  fccurs  du  roi  régnant  8c  leurs  enfans 
fouillent  de  ce  titre ,  mais  il  ne  s'étend  point 
su  delà  ;  leurs  petits-e/7/tf/z.y  ont  feulement 
\t  titre  de  princes  du  fang. 

Les  filles  de  France  ont  toujours  été 
exclues  de  la  couronne  ;  mais  fous  les  deux 
premières  races  de  nos  rois  ,  tous  les  fils 
partageoient  également  le  royaume  entre 
eux  ,  fans  que  l'ainé  eût  aucune  prérogative 
de  plus  que  les  autres.  Les  bâtards  avoués 
héritoient  même  avec  les  fils  légitimes  ; 
chacun  des  fils  ,  foit  légitimes  ou  naturels , 
tenoit  fa  part  en  titre  de  royaume ,  &  ces 
différens  états  étoient  indépendans  les  uns 
des  autres. 

Le  premier  fils  puîné  de  France  qui  n'eut 
point  le  titre  de  roi  ,  ni  même  de  légitime  , 
fut  Charles  de  France  furnommé  le  Jeune  , 
qui  fut  duc  de  Lorraine. 

Sous  la  troifieme  race  ,  fut  introduite  la 
coutume  de  donner  des  apanages  aux 
puînés.  Les  femelles  en  furent  exclues. 
Voye-^  Apanages. 

Les  filles  8c  petites-filles  de  France  font 
dotées  en  argent.  Voye-i^  ci  -  dejfus  au  met 
Dot. 


E  N  F  413 

Les  enfans  de  France  avoient  autrefois 
droit  de  prife.    Voye^  Prise.  (  A  ) 

Enfant  impubère  ,  eft  celui  qui  n'a 
pas  encore  atteint  Page  de  puberté.  {A  ) 

Enfant  incestueux  ,  eft  celui  qui  eft 
né  du  commerce  illicite  du  frère  '8c  de  la 
fecur ,  ou  du  père  8c  de  la  fille  ;  de  la 
mère  8c  du  fils  5  ou  qui  eft  provenu  d'un 
incefte  fpirituel ,  c'eft-à-dire ,  du  commerce 
que  quelqu'un  a  eu  avec  une  religieufc. 
Vcye^  inceste.  (A) 

Enfant  légitime  ,  eft  celui  qui  eft 
provenu  d'un  mariage  légitime  ,  ou  qui  a 
été  légitimé  par  mariage  fubféquent.  Voye^ 
Mariage. 

Enfant  légitime  ,  eft  celui  qui ,  étant 
né  dans  l'état  de  bâtardife ,  a  depuis  été 
légitimé  ,  foit  par  mariage  fubféquent ,  ou 
par  lettres  du  prince.  Voye^  Légitima- 
tion. (  A  ) 

Enfant  Majeur  ou  majeur  d'ans, 
eft  celui  qui  a  atteint  l'âge  de  majorité  ,  foit 
parfaite,  foit  féodale  ou  coutumiere.  Vcye^ 
Majorité.  {A) 

Enfant  mâle  ,  eft  celui  qui  eft  du  fexe 
mafeulin  :  les  enfans  mâles  defeendans  des 
mâles  font  préférés  en  plufieurs  cas  à  ceux 
qui  defeendent  des  femelles  ;  par  exemple  j 
pour  la  fuccefïion  à  la  couronne  ,  il  n'y  a 
que  les  mâles  defeendans  par  mâles  ,  qui 
foient  habiles  à  fuccéder.  Dans  les  fubfti- 
tutions  graduelles ,  on  appelle  ordinaire- 
ment les  mâles  defeendans  par  mâles  avant 
les  «mâles  defeendans  des  femelles.  Voyez 
Substitution.  {A) 

Enfant  mineur  ,  eft  celui  qui  n'a  pas 
encore  atteint  l'âge  de  majorité,  foit  par- 
faite ,  féodale  ou  coutumiere  :  quand  on 
dit  mineur  de  05  ans  ,  c'eft-à-dire ,  qu'il 
n'a  pas  encore  atteint  cet  âge  qui  eft  la  ma- 
jorité parfaite.   Voye[  Majorité.  (A) 

Enfant  mort-né  ,  eft  celui  qui  eft 
mort  lorfqu'il  vient  au  monde  :  ces  fortes 
d'enfans  font  confidérés  comme  s'ils  n'a- 
voient  jamais  été  ni  nés,  ni  conçus,  telle- 
ment que  les  fuccefïions  qui  leur  étoient 
échues  pendant  qu'ils  vivoient  dans  le  fein 
de  leur  mère ,  parlent  aux  personnes  à  qui 
elles  auroient  appartenu  fî  ces  enfans  n'euf- 
fent  pas  été  conçus  ;  8c  ils  ne  les  transmet- 
tent pas  à  leurs  héritiers  ,  parce  que  le 
droit  qu'ils  avoient  à  ces  fuccefïions  n'étoit 


4H  E  N  F 

qu'une  efpérance  qui  renferment  la  condi- 
tion qu'ils  fu  lient  vivans  en  venant  au 
monde.  Voye^  la  loi  %. ,  au  cod.  de  poflhum. 
hcered.  inflit,  (A) 

Enfans  a  naître.  On  comprend  fous 
ce  terme  non-feulement  ceux  qui  font  déjà 
conçus ,  mais  même  ceux  qui  ne  font  ni  nés 
ni  conçus  :  on  peut  faire  une  inftitution  , 
foit  contractuelle  ou  par  teftament ,  ou  une 
iubftitution  ,  ou  un  legs  au  profit  des  en- 
fans  à  naître;  mais  l'ordonnance  de  1735  , 
pour  les  teftamens ,  déclare  ,  art.  49 ,  que 
Pinftitution  d'héritier  faite  par  teftament 
ne  pourra  valoir  en  aucun  cas  ,  fi  celui  ou 
ceux  au  profit  de  qui  elle  aura  été  faite  , 
n'étoient  ni  nés  ni  conçus  lors  du  décès  du 
teftateur.  On  donne  un  tuteur  aux  enfans 
à  naître  ,  lorfqu'ils  ont  quelques  intérêts  à 
foutenir.  Voye%  Furgole  ,  traité  des  tefla- 
mens,  tome  I ,  chap.  vj ,  fecl.  l  ,  n.  $  &  fuiv. 

Enfant  naturel  ,  eft  celui  qui  eft 
procréé  félon  la  nature  feule ,  c'eft-à-dire , 
hors  le  mariage.  Voye^  Bâtard  ù  Bâtar- 
dise. (  A  ) 

Enfant  naturel  et  légitime,  eft 
celui  qui  eft  procréé  d'un  mariage  légi- 
time :  les  enfans  légitimes  font  ainfi  appelles 
dans  quelques  provinces ,  pour  les  distin- 
guer des  enfans  adoptifs  qui  font  mis  au 
rang  des  enfans  légitimes ,  8c  ne  font  pas 
en  même  temps  enfans  naturels.  (A) 

Enfans  en  puissance  de  père  et  de 
mère  ,  font  ceux  qui  font  encore  mineurs 
Se  non  émancipés  ,  8c  même  en  pays  de 
droit  écrit,  les  enfans  majeurs  non  éman- 
cipés. Voye^  Fils  de  famille  ù  Puis- 
sance paternelle.  {A) 

Enfans  (Petits,)  font  les  enfans  des 
enfans.  On  comprend  aufîl  fous  ce  nom  les 
arriere-petits-e/?/Iz/z5,  en  quelque  degré  qu'ils 
ibient.  (A) 

Enfans  posthumes  font  ceux  qui  naif- 
fent  après  le  décès  de  leur  père  ,  quafi  pofl 
humatum  patrem.   Voye^ Posthume.  (A) 

Enfant  du  premier  lit  ,  c'eft-à-dire, 
du  premier  mariage  ;  enfant  du  fécond 
lit ,  c'eft  du  fécond  mariage ,  8c  ainii  des 
autres.  (  A  ) 

Enfant  pubère  ,  eft  "celui  qui  a  atteint 
l'âge  de  puberté  ;  favoir  ,  14  ans  pour  les 
mâles ,  8c  1 1  ans  pour  les  filles.  Voye-^  Pu- 
berté. (A) 


E  N  F 

Enfant  putatif  ,  eft  celui  qui  eft  ré- 
puté être  procréé  de  quelqu'un  ,  quoiqu'il 
ne  le  foit  pas  réellement  ,  tel  qu'un  enfant 
adoptif  ou  un  enfant  fuppofé.  (  A  ) 

Enfant  du  second  lit.  Voye^ci-dejfus 
Enfant  du  premier  lit. 

Enfant  supposé  ,  eft  celui  que  l'on 
fuppofe  fauflement  être  né  de  deux  per- 
fonnes  ,  quoiqu'il  provienne  d'ailleurs.  Vi 
Part  &  Supposition  de  part.  (  A  ) 

Enfans  trouvés.  Voye^  ci-dejfus  En- 
fans exposés.  {A) 

*  Enfans  ,  (  Hijl.  anc.  )  Ils  étoient,  ou 
légitimes ,  ou  naturels  8c  illégitimes.  Les 
légitimes  étoient  nés  d'un  ou  de  plufieurs 
mariages  ;  les  illégitimes  étoient ,  ou  d'une 
concubine  ,  ou  d'une  fille  publique  ,  ou 
d'une  fille  ou  d'une  veuve  galante  ;  ou 
d'une  femme  mariée  à  un  autre  ,  8c  adul- 
térins ;  ou  d'une  proche  parente  ,  8c  incef« 
tueux. 

Les  Juifs  defîroient  une  nombreufe  fa- 
mille ;  la  ftéiilité  étoit  en  opprobre.  On 
diloit  d'un  homme  qui  n'avoit  point  d'e/z- 
fans  :  non  ejl  cedificator  ,  fed  dijppator.  On 
mettoit  le  nouveau  né  à  terre  ;  le  père  le 
levoit  ;  il  étoit  défendu  d'en  celer  la  naif- 
fance  ;  on  le  lavoit  ;  on  l'enveloppoit  dans 
des  langes.  Si  c'étoit  un  garçon ,  le  huitième 
jour  il  étoit  circoncis.  Voye^  l'article  Cir- 
concision. On  faifoit  un  grand  repas  le 
jour  qu'on  le  fevroit.  Lorfque  Ion  efprit 
commençoit  à  fe  développer  ,  on  lui  parloit 
de  la  loi  ;  à  cinq  ans  ,  il  entroit  dans  les 
écoles  publiques  :  on  le  conduifoit  à  douze 
ans  aux  fêtes  de  Jérufalem  ;  on  l'accoutu- 
moit  au  jeûne  5  on  lui  donnoit  un  talent: 
à  treize  ans ,  on  l'afiujertinoit  à  la  loi  ;  il 
devenoit  enfuite  majeur.  Les  filles  appre- 
noient  le  ménage  de  leur  mère  ;'  elles  ne 
fortoient  jamais  feules  ;  elles  étoient  toujours 
voilées  ;  elles  n'étoient  point  obligées  à 
s'inftruire  de  la  loi.  Les  enfans  étoient  tenus 
fous  une  obéiflance  févere.  S'ils  s'échappoient 
jufqu'à  maudire  leurs  parens  ,  ils  étoient 
lapidés.  L 'enfant  qui  perdoit  fon  père  pen- 
dant la  minorité,  étoit  mis  en  tutelle  ;  lorf- 
qu'il  étoit  devenu  majeur  ,  il  étoit  tenu 
d'obferver  les  613  préceptes  de  Moï'fe  :  le 
père  déclaroit  fa  majorité  en  préfence  de 
dix  témoins  ;  alors  il  devenoit  fon  maître  : 
,  mais  il  ne  pouvoit contracter  juridiquement 

avant 


ENF 

avant  Pige  de  vingt  ans.  Tout  le  bien  du 
père  pafloit  à  fes  enfans  mâles.  Les  filles 
croient  dotées  par  leurs  frères  ,  pour  qui 
c'étoit  un  fi  grand  devoir  qu'ils  fe  privoient 
quelquefois  du  nécefïàire  ;  la  dot  étoit 
communément  de  la  dixième  partie  du  bien 
paternel.  Au  défaut  à'enfans  mâles ,  les  filles 
étoient  héritières  -,  on  comptoir  les  herma- 
phrodites au  nombre  des  filles.  Un  père  , 
réduit  à  la  dernière  indigence  ,  pouvoit 
vendre  fa  fille,  fî  elle  étoit  mineure,  Se  qu'il 
y  eût  apparence  de  mariage  entre  elle  Se 
l'acheteur  ou  le  fils  de  l'acheteur  :  alors 
l'acheteur  ne  l'abaifîoit  à  aucun  fervice  bas 
Se  vil  ;  ce  n'étoit  point  une  efclave  ;  elle 
vivoit  libre  ,  Se  on  lui  failoit  des  dons 
convenables. 

Chez  les  Grecs  ,  un  enfant  étoit  légitime 
Se  mis  au  nombre  des  citoyens  ,  lorfqu'il 
croit  né  d'une  citoyenne  ,  excepté  chez  les 
Athéniens  ,  où  le  père  Se  la  mère  dévoient 
être  citoyens  Se  légitimes.  On  pouvoit  celer 
la  nailTance  des  filles ,  mais  non  celle  des 
garçons.  A  Lacédémone  ,  on  préfentoit  les 
enfans  aux  anciens  Se  aux  magiftrats  ,  qui 
faifoient  jeter  dans  l'Apothete  ceux  en  qui 
ils  remarquoient  quelque  défaut  de  confor- 
mation. Il  étoit  défendu  ,  fous  peine  de 
mort,  chez  les  Thébains  ,  de  celer  un  en- 
fant. S'il  arrivoit  qu'un  père  fût  trop  pau- 
vre pour  nourrir  fon  enfant  ,  il  le  portoit 
au  magiftrat  qui  le  faifoit  élever ,  Se  dont 
il  devenoit    l'efclave   ou    le   domeftique. 
Cependant  la  loi  enjoignoit  à  tous  indif- 
tinclement  de  fe  marier  :  elle  puniffoit  à 
Sparte,  Se  ceux  qui  gardoient  trop  long- 
temps le  célibat ,  Se  ceux  qui  le  gardoient 
toujours.  On  honoroit  ceux  qui  avoient 
beaucoup  à'enfans.  Les  mères  nourrifïoient , 
à  moins   qu'elles  ne  devinrent  enceintes 
avant  le  temps  de  fevrer  ,  alors  on  prenoit 
deux    nourrices.    Lorfqu'un  enfant  mâle 
étoit  né  dans  une  maifon  ,  on  mettoit  à 
la  porte  une  couronne  d'olivier  ;  on  y  atta- 
choit  de  la  laine  ,    fi  c'étoit  une  fille.  A 
Athènes,  auffi-tôt  que  X enfant  étoit  né, 
on  l'alloit  déclarer  au  magiftrat ,  Se  il  étoit 
inferit  fur  des  regiftres  deftinés  à  cet  ufage  ; 
le  huitième  jour,  on  le  promenoir  autour 
des  foyers  ;  le  dixième ,  on  le  nommoit  Se 
l'on  régaloit  les  conviés  à  cette  cérémonie  ; 
lorfqu'il  avançait  en  âge,  on  l'appfcquoit  à 
Tome    XII. 


ENF  425 

quelque  chofe  d'utile.  On  reflèrroitles  filles, 
on  les  aiïujettiflbit  à  une  diète  auitere  ;  on 
leur  donnoit  des  corps  très-étroits,  pour 
leur  faire  une  taille  mince  Se  légère  ;  on  leur 
apprenoit  à  filer  Se  à  chanter.  Les  garçons  ' 
avoient  des  pédagogues  qui  leur  montroient 
les  beaux  arts  ,  la  morale  ,  la  mufique  ,  les 
exercices  des  armes ,  la  danfe  ,  le  defîin  , 
la  peinture ,  &c.  Il  y  avoit  un  âge  avant 
lequel  ils  ne  pouvaient  fè  marier  :  il 
leur  failoit  alors  le  confentement  de  leurs 
parens  ,  ils  en  étoient  les  héritiers  ab 
intejlat. 

Les  Romains  accordoient  au  père  trente 
jours  pour  déclarer  la  naifTance    de  fon 
enfant  ;  on  l'annonçoit  de  la  province  par 
des  mefTagers.  Dans  les  commencemens  on 
n'inferivoit  ,  fur  les  regiftres  publics  ,  que 
les  enfans  des  familles  diftinguées.  L'ufage 
de  faire  un  préfent  au  temple  de  Junon 
Lucine  étoit  très-ancien  ;  on  le  trouve  inf- 
titué    fous  Servius  Tullius.   Les  bonnes 
mères  élevoient  elles  -  mêmes  leurs  filles  : 
on  confioit  les  garçons  à  des  pédagogues 
qui  les  conduifoient  aux  écoles  &  les  ra- 
menoient  à    la  maifon  ;  ils  paflbient  des 
écoles  dans  les  gymnafes ,  où  ils  fe  trou- 
voient  dès  le  lever  du  foleil  pour  s'exercer 
à  la  courfé  ,  à  la  lutte ,  &c.  Ils  mangeoient 
à  la  table  de  leurs  parens  :  ils  étoient  feu- 
lement aflîs  Se  non  couchés  ;  ils  fe  bai- 
gnoient  féparément.  Il  étoit  honorable  pour 
un  père  d'avoir  beaucoup  à'enfans  :  celui 
qui  en  avoit  trois  vivans  dans  Rome  ,  ou 
quatre  vivans  dans  l'enceinte  de  l'Italie  , 
ou  cinq  dans  les  provinces ,  étoit  difpenfé 
de   tutelle.  Il  failoit  le  confentement  des 
parens  pour  fe  marier  ,  Si  les  enfans  n'en 
étoient  difpenfés  que  dans  certains  cas.  Us 
pouvoient  être  déshérités.  Les  centumvirs 
furent  chargés  d'examiner  les  caufes  d'ex- 
hérédation  ;  Se  ces  affaires  étoient  portées 
devant    les   préteurs   qui  les   décidoient. 
L'exhérédation  ne  difpenfoit  point  Venfant 
de  porter  le  deuil.  Si  la  conduite   d'un 
enfant  étoit  mauvaife ,  le  père  étoit  en  d  roit  , 
ou  de  le  chafîer  de   fa  maifon  ,  ou    de 
l'enfermer  dans  fes  terres ,  ou  de  le  ven- 
dre ,  ou  de  le  tuer  ;  ce  qui  toutefois  ne 
pouvoit  pas  avoir  lieu  d'une  manière  des- 
potique. 

Chez   les  Germains  ,  à  peine   Venfant 
H  hh 


4i£  E  N  F 

étoit-il  né  ,  qu'on  le  portoir  à  la  rivière  la 
plus  voifine  ;  on  le  lavoit  dans  l'eau  froide  ; 
la  mère  le  nourrifîok  :  quand  on  le  fe- 
vroit,  ce  qui  fe  faifoit  allez  tard  ,  on 
l'accoutumok  à  une  diète  dure  &  fimple  ; 
on  le  laifipit  en  toute  faifon  aller  nu  parmi 
les  beftiaux  ;  il  n'étoit  aucunement  diftin- 
gué  des  domeftiques ,  ni  par  conféquent 
eux  de  lui,  on  ne  l'en  feparoit  que  quand 
il  commençoit  à  avancer  en  âge  ;  l'éduca- 
tion continuoit  toujours  d'être  auftere  y  on 
le  nourriilbit  de  fruits  crus ,  de  fromage 
mou  ,  d'animaux  fraîchement  tués  ,  ùc. 
on  l'exerçoit  à  fauter  nu  parmi  des  épées 
&  des  javelots.  Pendant  tout  le  temps 
qu'il  avoit  pafle  à  garder  les  troupeaux , 
une  chemife  de  lin  étoit  tout  fon  vêtement , 
&:  du  pain  bis  toute  la  nourriture.  Ces 
mœurs  durèrent  long-temps.  Charlemagne 
faifoit  monter  fes  enfans  à  cheval  \  /es  fils 
chaflbient ,  &  fes  filles  filoient.  On  attendoit 
qu'ils  euflent  le  tempérament  formé  & 
l'efprit  mûr  ,  avant  que  de  les  marier.  Il 
étoit  honteux  d'avoir  eu  un  commerce 
avec  une  femme  avant  l'âge  de  vingt  ans. 
On  ne  peut  s'empêcher  de  trouver ,  dans 
la  comparaifonde  ces  mœurs  &  des  nôtres , 
la  différence  de  la  conftitution  des  hommes 
de  ces  temps  &  des  hommes  d'aujourd'hui. 
Les  Germains  étoient  forts,  infatigables, 
vaillans  ,  robuftes,  chafièurs ,  guerriers, 
£'c.  De  toutes  ces  qualités,  il  ne  nous  refte 
que  celles  qui  fe  foutiennent  par  le  point 
d'honneur  èc  l'efprit  national.  Les  autres , 
auxquelles  on  exhorteroit  inutilement , 
telles  que  la  force  du  corps  ,  font  prefque 
entièrement  perdues  ;  &  elles  iront  tou- 
jours en  s'afroibliflant ,  à  moins  que  les 
mœurs  ne  changent  ;  ce  qui  n'en:  pas  à  pré- 
fumer. 

Enfans.  Naijfance  des  enfans  ,  (  Hi(l. 
nat.  &  Pkyf.  )  M.  Derham  a  calculé  que  les 
mariages  produifoient ,  l'un  portant  l'autre , 
quatre  enfans,  non-feulement  en  Angleterre, 
mais  encore  dans  d'autres  pays.  Il  eft  dit 
dans  l'hiftoire  généalogique  de  Tofcanede 
Gamarini ,  qu'un  noble  de  Sienne ,  nommé 
JPichi  ,  a  eu  de  trois  de  fes  femmes  cent 
cinquante  enfans  légitimes  &  naturels  ,  & 
qu'il  en  emmena  quarante-huit  à  fa  fuite, 
érant  ambafiadeur  vers  le  pape  &  l'em- 
pereur. 


EN  F 

Dans  un  monument  de  l'églife  des 
SS.  Innocens  de  Pans ,  en  l'honneur  d'une 
femme  qui  a  vécu  quatre-vingt-huit  ans , 
on  rapporte  qu'elle  avoit  pu  voir  jufqu'à 
deux  cens  quatre-vingt-huit  de  fes  enfans , 
iffus  d'elle  directement  ;  ce  qui  eft  au 
deflus  de  ce  que  M.  Hakcwell  rapporte  de 
la  dame  Henoy  wood ,  femme  de  condition 
du  comté  de  Kent ,  qui  croit  née  en  i  yi7  > 
avoit  été  mariée  à  leize  ans  au  feul  mari 
qu'elle  ait  eu  ,  le  iieur  R.  Henoy  wood 
de  Kent,  &  mourut  dans  fa  quatre  vingt- 
unicme  année  ;  elle  eut  feize  enfans  ,  dont 
trois  moururent  jeunes  ,  Se  un  quatrième 
n'eut  point  de  poftérité  ;  cependant  fa 
poftérké  montoit ,  à  fa  féconde  générarion , 
à  cent!  quatorze  ;  &  à  la  troifïeme  ,  à  deux 
cents  vingt-huit ,  quoiqu'à  la  quatrième  elle 
retombât  à  neuf.  Le  nombre  total  à'enfnns 
qu'elle  avoit  pu  avoir  dans  fa  vie  étoit 
donc  de  trois  cens  foixante-fept  y  favoir ,  1 6 
-f-  1 14  -f-  228  H-  9  =  367  ;  de  façon 
qu'elle  pouvoit  dire  ,  comme  dans  les  let- 
tres de  madame  de  Sévigné  :  Ma  fille  y 
alk[  dire  a  vetre  fille  que  la  fillz  de  fa 
fille  crie.  Le  diftique  fuivant  va  encore 
plus  loin. 

123  4 

Mater  ait  nat  ce ,  die  natee ,  filia ,  natam 

S  ^ 

Ut  moneat  ,  natee  plangere  ,  fiholam. 

Enfans  (Maladies  tfs).  L'homme 
eft  expofé ,  tant  qu'il  fubfifte  ,  à  une  in- 
finité de  maux  ;  mais  il  l'éprouve  d'une 
manière  plus  marquée  en  naiffant  év  pen- 
dant les  derniers  temps  de  fa  vie,  puifque 
à  peine  a-t-il  refpiré,  qu'il  commence  à 
annoncer  fes  miferes  par  les  cris ,  &  qu'il  eft 
en  danger  continuel  de  perdre  une  vie  qui 
femble  ne  lui  être  donnée  que  pour  fouffrir  : 
c'eft  donc  avec  raifon  que  l'on  peut  dire  , 
d'après  Pline ,  dans  l'avant  propos  du  fep- 
tieme  livre  de  fon  hiftoire  naturelle  ,  que 
l'homme  ne  commence  à  fentir  qu'il  exifte , 
que  par  les  fupplices  au  milieu  defquels  il 
fe  trouve ,  fans  avoir  commis  d'autre  crime 
que  celui  d'être  né. 

Ainfi  ,  quoique  les  maladies  fbient  com- 
munes à  tous  les  hommes  dans  quelque 
temps  de  la  vie  qu'on  les  coniidere ,  il 


E  N  F  ;  E  N  F  417 

tft  évident  que  les  enfans  y  font  plus  par-    ment  conftipés.  Lorsqu'ils  (ont  parvenus  à 


ciculiérement  fujets,  à  caufe  de  lafoiblelîè 
de  leur  conftitution  6c  de  la  délicatefle  de 
leurs  organes  ,  qui  rendent  leurs  corps 
plus  fufceptibles  des  altérations  que  peuvent 
cauler  les  choies  qui  les  affectent  inévita- 
blement ;  6c  ,  ce  qui  eft  encore  bien  plus 
trifte  ,  c'eft  que  plus  ils  ont  de  diipoiition 
à  fouffrir  davantage  que  lorfqu'ils  font 
dans  un  âge  plus  avancé  ,  moins  il  leur  eft 
donné  de  fe  préferver  des  maux  qui  les 
environnent ,  6c  d'y  apporter  remède  lorf- 
quJils  en  font  affectés  :  lis  ne  peuvent  même 
faire  connoître  qu'ils  Souffrent  ,  que  par 
des  pleurs  6c  des  gémilîemens ,  qui  font 
des  lignes  très-équivoques  6c  très-peu  pro- 
pres à  indiquer  le  liège  ,  6c  la  nature  ,  6c 
la  violence  de  leurs  fbuffrances  ;  en  forte 
qu'ils  iemblent ,  à  cet  égard ,  être  prefque 
ians  fècours  6c  livrés  à  leur  malheureux 
fort. 

Il  eft  donc  très-important  au  genre 
humain  dont  la  confervation  eft  comme 
confiée  aux  Médecins ,  qu'ils  fe  chargent , 
pour  ainfl  dire ,  de  la  défenle  des  enfans  , 
contre  tout  ce  qui  porte  atteinte  a  leur 
vie  ;  qu'ils  s'appliquent  à  étudier  les  maux 
auxquels  ils  font  particulièrement  fujets;  à 
découvrir  les  lignes  par  lesquels  on  peut 
connoîtrc  la  nature  de  ces  maux ,  6c  en 
prévoir  les  fuites;  à  rechercher  les  moyens, 
les  précautions  par  lefquels  on  peut  les 
écarter  ;  6V  enfin  à  trouver  les  fecours  pro- 
pres à  les  en  délivrer. 

Hippocrate,  dans  leiTJ  liv.  de  Ces  apho- 
rifmes  ,  n°.  xxiv ,  xxv.  &  xxvj ,  fait  ainfi  , 
avec  fi  préciiîon  ordinaire  ,  l'énumération 
des  maladies  qui  font  particulières  aux  en- 
fans. Ceux  qui  (ont  nouveau  nés,  dit-il ,  font 
principalement  fujet  aux  aphthes  ,  aux 
vomifïemens ,  à  différentes efpeces de  toux , 
aux  infomnies ,  aux  frayeurs  ,  aux  inflam- 
mations du  nombril  ,  aux  amas  de  crafîe 
humide  dans  les  oreilles ,  aux  douleurs  de 
ventre  ;  lorfqu'ils  commencent  à  avoir  des 
dents ,  ils  éprouvent  particulièrement  de 
fortes  irritations  dans  les  gencives  ,  des 
agitations  fébriles  ,  des  convulfîons  ,  des 
cours  de  ventre  ,  fur-tout  lors  de  la  fortie 
des  dents  canines,  ôc  cette  dernière  mala- 
die arrive  principalement  aux  enfans  d'un 
gros  volume  3  6c  à  ceux  qui  font  ordinaire- 


un  âge  plus  avancé  ,  qui  s'étend  depuis 
deux  ans  jufqu'à  dix  6c  au  delà ,  ils  font 
affligés  par  des  inflammations  des  amygda- 
les ,  des  opprelïions  afthmatiques  ,  des  gra- 
viers ,  des  vers  ronds ,  afcarides ,  des  ex- 
croiilancesverruqueules ,  des  parotides  en- 
flées :  des  ardeurs  d'urine  ,  des  écrouelles , 
6c  d'autres  tubercules ,  des  luxations  des 
vertèbres  du  cou  :  ainfi  il  paroît ,  d'après 
cette  expofition ,  que  les  maladies  des  en- 
fans ne  font  pas  les  mêmes  dans  les  diffé- 
rais temps  plus  ou  moins  éloignés  de  la 
nai (lance,  &  qu'elles  ne  les  affectent  pas 
toujours  de  la  même  'manière  ;  qu'elles 
(ont  de  plus  ou  moins  longue  durée ,  6c 
qu'elles  lbnt  plus  ou  moins  dangereuses  , 
attendu  que  la  différence  de  l'âge  change 
le  tiiïu  des  parties  du  corps ,  leur  donne 
plus  de  fermeté.  La  différente  nourriture 
6c  la  diverfe  façon  de  vivre ,  ne  contri- 
buent pas  peu  aufïl  à  changer  la  difpofî- 
tion  des  fujets  à  contracter  différentes  ma- 
ladies. 

Parmi  celles  qui  viennent  d'être  rappor- 
tées d'après  le  père  de  la  médecine  ,  il  en 
eft  qui  le  font  d'abord  connoître  par  elles- 
mêmes  ;  mais  il  en  eft  d'autres  que  l'on  ne 
peut  connoître  que  difficilement.  C'eft 
pourquoi  il  eft  à  propos  d'en  donner  ici  le 
diagnoftique  le  plus  exact  qu'il  eft  poffible , 
quoique  les  (ignés  foient  fouvent  fi  cadiés 
6c  (1  équivoques  ,  que  les  médecins  les  plus 
pénétra ns  y  (ont  quelquefois  trompés  ;  car 
les  enfans  qui  ne  parlent  pas ,  ne  peuvent 
pas  faire  connoître ,  par  le  rapport  de  ce 
qu'ils  fentent,  la  nature  de  la  maladie,  6c 
jufqu'à  quel  point  les  fonctions  (ont  lélees  : 
on  ne  peut  pas  en  j  uger  par  l'urine  ,  avec 
quelque  foin  qu'on  l'examine ,  ni  par  le 
pouls  touché  avec  le  plus  d'attention ,  ni  par 
les  apparences  extérieures  qui  font  très-fbu- 
vent  6c  très  facilement  variables  en  bien  6c 
en  mal  :  on  ne  peut  s'allurer  de  rien  par 
tous  ces  fîgnes;  car  l'urine  des  enfans  ,  (bit 
qu'ils  fe  portent  bien  ou  qu'ils  (oient  mala- 
des ,  eft  prefque  toujours  épaiflè&  trouble  ; 
6c  iln'eft  pas  facile  d'en  avoir  à  part ,  parce 
qu'ils  la  rendent  ordinairement  avec  les  gros 
excrémens.  Le  pouls  peut  changer  par 
une  infinité  de  caufes  ,  être  rendu  ou  plus 
fréquent  ou  plus  lent;  en  forte  qu'ilpourrok 
Hhh  z 


/ 


4i8  EN  F 

en  impofer  à  celui  qui  le  touche  ,  s'il  por- 
toit  Ton  jugement  fur  l'état  du  moment 
prêtent*:  d'ailleurs-,  il  eft  fouvent très-diffi- 
cile de  s'aflurer ,  deux  fécondes  de  fuite  , 
du  bras  des  enfans  qui  ne  cefïènt  ordinai- 
rement de  remuer  6c  d'empêcher  qu'on  ne 
puifle  fixer  fes  doigts  fur  le  carpe. 

Cependant  le  médecin ,  pour  ne  pas  refter 
dans  l'incertitude ,  puifqu'il  ne  peut  tirer 
aucun  indice  de  ces  deux  lignes  ,  doit  s'in- 
former des  afliftans ,  &:  particulièrement 
des  femmes  au  foin  desquelles  les  e/fans 
font  remis ,  s'ils  font  des  cris ,  s'ils  font 
agités  ,  inquiets ,  6c  s'ils  paflent  le  jour  de 
la  nuit  fans  dormir  ;  s'ils  font  par  la  bouche 
des  vents  aigres  ou  nidoreux  ;  s'ils  font  des 
efforts  pour  vomir  ;  s'ils  vomifîent  en  effet , 
6c  quelles  matières  ils  rendent  par  le  vo- 
miflèment  ;  s'ils  ont  le  hoquet ,  6c  s'ils  font 
fatigués  par  des  mouvemens  convulfifs;  s'ils 
touflènt  6c  s'ils  font  oppreffés  ;  s'ils  fe  vui- 
dent  libt tment  des  ventuofités  6c  des  ma- 
tières fécales  ;  quelle  en  eft  la  conliftance 
&  la  couleur:  6c  il  fera  d'autres  queftions 
de  cette  nature  ;  il  n'omettra  pas  d'exami- 
ner attentivement  toute  la  furface  du  corps 
de  X  enfant  malade ,.  de  la  tête  aux  pies , 
pour  favoir  s'il  ne  paroît  pas  en  quelque 
partie  extérieure  des  rougeurs  inflamma- 
toires ,  ou  quelque  efpece  d'exanthème  :  il 
tâchera  aulïi  de  lui  faire  ouvrir  la  bouche  , 
6c  de  fentir  Ci  fon  haleine  eft  bien  chaude , 
s'il  a  des  puftules  dans  la  bouche  ;  s'il  a  les 
gencives  enflées  ou  enflammées  :  on  peut 
tirer  de  toutes  ces  chofes  ,  comme  de  prin- 
cipes connus  ,  des  conféquences  par  lef- 
quelles  on  peut  parvenir  à  découvrir  ce  qui 
eft  plus  caché ,  comme  la  nature  de  la  ma- 
ladie ,  ùc. 

De  tout  ce  qui  vient  d'être  dit  fur  les 
moyens  de  connoître  les  maladies  des  enfans , 
de  ceux  fur-tout  qui  font  encore  à  la  ma- 
melle, il  fuit  que  quelque  difficile  qu'il 
fbit  d'en  porter  Ion  jugéïnent  d'après  l'inf- 
pection  des  malades ,  il  eft  cependant  pofïî- 
ble  de  fupléer  à  ce  qui  manque  de  ce  côté- 
là;  ainii  la  plainte  de  ceux  qui  s'exeufent 
du  mauvais  fuccès  du  traitement ,  fur  l'in- 
certitude du  diagnoftique,  n'eft  pas  tant 
fondée  fur  le  défaut  de  fymptome ,  que  fur 
la  précipitation  6c  l'irrégularité  de  la  mé- 
thode que  l'on  fuit,. 


EN  F 

Bserhaavedans  fes  préleçons  de-pathologie, 
publiées  par  le  docteur  Haller  ,  en  recher- 
chant les  eau  fes  des  maladies  des  enfans  y 
infifte  fur  ce  qu'ils  ont  la  tête  6c  le  genre 
nerveux  plus  confidérables  à  proportion  du 
refte  du  corps,  que  les  adultes.  Un  homme 
nouveau  né ,  qui  ne  pefe  pas  plus  de  douze 
livres  ,  a  la  tête  du  poids  de  trois  livres.  Les 
adultes  ont  cette  partie  refpedbivement 
moins  grofîe  à  proportion  qu'ils  avancent 
plus  en  âge.  Il  conclud  de  là  que  les  maladies 
propres  aux  enfans  font  prefque  toutes  de  la 
claflè  des  convuliives ,  parce  que  le  fyftême 
des  nerfs  étant  plus  étendu  dans  les  premiers 
temps  de  la  vie  que  dans  la  fuite ,  il  eft  plus 
fu!ceptible  d'irritabilité  ,  plusexpofé  atout 
ce  qui  peut  l'affe&er.  De  mille  enfans  qui 
pétillent ,  continue-t-il ,  à  peine  en  voit-on 
mourir  un  fans  que  des  mouvemens  con- 
vulfifs  aient  précédé.  La  plus  petite  fièvre, 
une  dent  qui  a  de  la  peine  à  fortir ,  une 
légère  douleur  de  ventre,  une  foible  diffi- 
culté d'uriner  ;  tout  mal  de  cette  efpece  , 
qui  n'affecteroit  pas ,  pour  ainfi  dire  ,  un 
homme  de  trente  ans,  fait  tomber  un  enfant 
dans  de  violentes  convuliions.  Tout  ce  qui 
peut  troubler  l'économie  dans  cette  petite 
machine  ,  difpofe  à  cet   effet. 

Car  comme  dans  l'âge  tendre  les  parties 
fblides  ,  à  caufe  de  leur  débilité ,  n'agiflènt 
que  foiblement  fut  les  fluides  ,  6c  ne  les 
pouffent  qu'avec  peine  dans  les  extrémités 
des  vaifïèaux  ,  il  s'enfuit  que  le  cours  du 
;  fang  6c  des  autres  humeurs  peut  être  faci- 
lement ralenti ,  6c  que  les  fécrétions  doivent" 
être  conféquemment  arrêtées.  Cela  étant, 
non-feulement  les  fluides  augmentent  en 
quantité  de  plus  en  plus  ,  mais  encore  ils 
deviennent  épais  ,  6c  ils  contractent  des 
qualités  abfoîument  étrangères  &  nuifibles. 
De  cette  plénitude  non-feulement  il  fc 
forme  des  engorgemens  &  des  dégénéra- 
tions ultérieures  d'humeurs  ,  mais  encore 
il  s'excite  des  mouvemens  fpafmodiques  s 
par  la  prefTïon ,  le  tiraillement  6c  l'irritation 
des  nerfs  des  parties  contenantes  ;  6c  la  vio- 
lence de  ces  fpafmes  affectant  tous  les  foli- 
des&  tous  les  fluides,  toutes  les  fonctions 
en  font  troublées  ;  6c  les  corps  délicats  des 
enfans ,  qui  font  très-difpolés  à  recevoir 
même  les  plus  petites  imprefîlons  ,  con- 
tractent aifément  6c  promptement ,  par. 


E  N  F 

tous  ces  effets  ,  de  très  -  violentes  mala- 
dies. 

Il  n'eft  par  confe'quent  pas  difficile  ,  d Câ- 
pres toutes  ces  altérations  ,  d'établir  les  vé- 
ritables eau  Tes  des  principales  maladies  des 
enfans.  En  fuppoiant ,  par  exemple ,  une 
abondance  d'humeurs  pituiteufes ,  fufeep- 
tibles  de  produire  des  engorgemens  ,  on 
conçoit  ailament  comment  ce  vice  domi- 
nant peut  rendre  les  enfans  fujets  aux  fré- 
quentes fluxions  catarreufes ,  aux  douleurs 
rhumatifmales,  aux  embarras  des  poumons  ; 
d'où  les  oppreffions  ,  les  affections  rheu- 
matiques ,  afthmatiques  ,    les  déjections 
liquides  ,  les  diarrhées ,  les  tumeurs  des 
glandes,  les  amas  d'ordures  humides  dans 
les  oreilles ,  Se  autres  femblables  maladies. 
■  En  fuppofant  la  dépravation  Se  l'acrimonie 
des  humeurs ,  il  eft  aifé  de  voir  pourquoi 
les  enfans  ont  de  la  difpofition  à  avoir  fré- 
quemment des  aphthes  &  différentes  affec- 
tions exanthémateufes.  Et  enfin  en  fuppo- 
fant une  très-grande  fenfîbilité  dans  le  genre 
nerveux  ,  il  paroît  évidemment  pourquoi  ils 
font  tourmentés  par  de  fi  violentes  douleurs 
des  parties  internes ,  Se  de  fi  fortes  fecoufles 
convulfives  des  parties  externes -,  pour  peu 
qu'il  fe  fafTe  d'irritation  dans  les  nerfs.  C'eft 
à  caufe  de  la  fenfîbilité  du  tiffudesinteftins 
Se  de  toutes  les  entrailles ,  que  ces  petites 
•  créatures  iont  fi  fouvent  attaquées  de  fortes 
tranchées  ,  des  douleurs  d'eflomàc  &  de 
boyaux  très-aiguës  ;  ce  qui  les  met  dans  un 
état  déplorable  ,  quelquefois  très-dange- 
reux. L'irritabilité  dont  font  fi  fufceptibles 
les  membranes  qui  enveloppent  le  cerveau 
Se  la  moelle  épiniere  ,  les  fait  fréquemment 
fôuffrir  ,  par  des  mouvemens  convulfifs , 
épileptiques  des  membres  5  par  des  agita- 
tions fpafmodiques  ,  fubites  ,  inftantanées  , 
mais  fréquentes  des  extrémités.  Ladiftribu- 
tion  abondante  de  nerfs  au  cardia  ,  au  dia- 
phragme ,  aux  organes  de  la  refpiration  , 
qui  font  très-fufceptibles  d'irritation ,  parles 
matières  viciées  contenues  dans  l'eftomac  , 
par  la  pituite  acre  qui  fe  ramafîe  dans  la 
trachée- artère  ,  Se  dans  toutes  les  voies 
pulmonaires  de  Pair ,  rend  encore  les  enfans 
très-fujets  à  la  toux  ,  foit  ftomacale  ,  foit 
pectorale  ,  Se  à  l'afthme  convulfif ,  avec 
danger  de  fuffocation.  Et  enfin  le  fentiment 
exquis  des  tuniques  qui  tapiffent  la  bouche 


E  N  F  419 

&:  les  gencives  ,  leur  fait  aufîl  fôuffrir  des 
fymptomes  violens ,  par  l'erret  de  la  denti- 
tion difficile.  Voilà  un  détail  fuffifant  pour 
juger  de  tous  les  effets  que  peut  produire 
dans  les  enfans  la  fenfîbilité  du  genre  ner- 
veux ,  qui  doit  par  conféquent  être  regar- 
dée comme  la  caufe  matérielle  principale 
des  maladies  auxquelles  ils  font  fujets  •>  mais 
elle  n'eft  pas  l'unique. 

L'acide  dominant  dans  leurs  humeurs  ^ 
auquel  le,  docteur  Harris qui  afi-bien  ex- 
pliqué cette  matière ,  attribue  tant  d'effets 
dans  ces  maladies ,  qu'il  ne  craint  pas 
d'avancer  qu'elles  font  prefque  toutes  pro- 
duites par  cette  caufe  particulière  ,  doit 
aufïî  être  regardé  comme  une  fource 
principale  d'une  grande  partie  des  maux 
qui  furviennent  aux  enfans.  C'eft  ce  que 
prouvent ,  dans  un  grand  nombre  de  ces 
petits  malades ,  les  rapports  ôc  les  vomif- 
lemens  qui  répandent  une  odeur  tirant  fur 
l'aigre  ,  ou  même  bien  aigre ,  Se  les  ma- 
tières fécales ,  qui  affectent  l'odorat  de  la 
même  manière.  On  peut  encore  s'en  con- 
vaincre ,  non-feulement  par  la  facilité  avec 
laquelle  s'aigrit  &:  fe  coagule  le  lait  dont 
les  enfans  font  nourris  ,  mais  encore  parce 
que  la  partie  lymphatique  de  leurs  hu- 
meurs ne  contracte  aucune  mauvaife  qua- 
lité aufTï  facilement  que  l'acidité ,  vu  que 
leur  nourriture  ,  d'abord  unique  ,  Se  en- 
fuite  principale  pendant  les  premiers  temps 
de  leur  vie  ,  confîfle  dons  l'ufage  du  lait 
de  femme  ,  auquel  on  joint  des  prépara- 
tions alimentaires  faites  avec  le  lait  des  ani- 
maux  ,  telles  que  des  bouillies,  des  pota- 
ges de  farine  ,  de  pain  ;  toutes  chofes  très- 
lufeeptibles  de  s'aigrir  ,  ou  de  fournir  ma- 
tière aux  fucs  aigres  :  vu  encore  qu'ils  ne 
font  point  ou  prefque  point  d'exercice  , 
qu'ils  ne  font  même  que  très-peu  de  mou- 
vement. Ainfî  il  n'y  a  pas  lieu  de  douter 
que  l'intempérie  acide  ne  devienne  aifé- 
ment  Se  promptement  dominante  dans  le 
corps  des  enfans  ;  d'où  peuvent  naître  un 
très-grand  nombre  de  maladies.  Voye^ 
Acide  &  Acidité. 

Les  caufes  éloignées  de  la  débilité  Se  de 
la  fenfîbilité  des  folides'  dans  les  enfans  , 
fon  t  principalement  la  difpofition  naturelle, 
eu  égard  à  l'âge  ,  Se  par  conféquent  la  foi- 
bleflè   du    tempérament   :  mai?  comme 


430  E  N  F 

cette  foibleiTe  &  cette  lenfîbilité  ne  font 
pas  un  vice  ,  tant  qu'elles  ne  font  pas  ex- 
cefïives  ,  puifqu'elles  font  une  fuite  nécef- 
faire  des  principes  de  la  vie  ,  il  s'agit  de 
favoir  ce  qui  les  rend  particulièrement  dé- 
fe6tueufes ,  &  propres  à  troubler  l'écono- 
mie animale  ;  en  forte  qu'il  en  réfulte  de 
plus  mauvais  effets  dans  les  uns  ,  &  de 
moins  mauvais  effets  dans  les  autres.  Rien 
ne  paroit  pouvoir  contribuer  davantage  à 
établir  ce  vice  dominant ,  que  cette  difpo- 
fïtion  héréditaire  qui  eft  tram'mile  aux  en- 
fans  par  l'un  des  deux  parens  ,  ou  par  le 
père  ce  la  mère  enfemble  ;  c'eft  pourquoi 
il  arrive  fouvent  que  des  perfonnes  d'une 
foible  fanté  ,  ou  qui  font  épuifees  par  des 
excès  de laéte  vénérien  ,  par  des  débau- 
ches ,  par  de  trop  grands  travaux  d'efprit , 
par  la  vieilleffe  ,  mettent  au  monde  des 
enfans  qui  ,  dès  leur  naifîànce  ,  mènent 
une  vie  infirme  ,  &  font  fujets  à  des  ma- 
ladies dont  la  caufe  ,  qui  vient  de  pre- 
mière origine  ,  ne  peut  être  détruite  ni 
corrigée  par  aucun  fecours  de  l'art  ;  tels 
font  pour  la  plupart  ceux  qui  font  affectés 
de  la  goutte ,  du  calcul ,  qui  cherchent  inu- 
tilement dans  la  médecine  quelque  foula- 
gement  à  leurs  maux. 

C'eft  encore  plus  particulièrement  des 
mères  que  viennent  ces  vices  héréditaires  , 
à  caufe  des  erreurs  qu'elles  commettent 
pendant  leur  groffefîè  ,  dans  l'ufage  des 
chofes  qui  influent  le  plus  fur  l'économie 
animale  ;  car  on  ne  fauroit  dire  combien 
la  plupart  des  femmes  grolîes  font  fufeep- 
ribîes  de  la  dépravation  d'appétit ,  ôc  com- 
bien elles  font  portées  à  s'y  livrer  ,  à  moins 
qu'elles  ne  fe  contiennent  par  une  grande 
force  d'efprit ,  qui  eft  extrêmement  rare 
parmi  elles  ,  fur-tout  dans  ce  cas.  On  ne 
pourroit  exprimer  combien  elles  ont  de 
difpoiltion  à  s'occuper  de  foins  inutiles  , 
de  defirs  vagues  ,  d'imaginations  déréglées; 
combien  elles  fe  laiflènt  frapper  aifément 
par  la  crainte,  la  terreur  ,  les  frayeurs  ; 
combien  elles  ont  de  penchant  à  la  trif- 
tefle  ,  à  la  colère  ,  à  la  vengeance  ,  &,à 
toute  pallion  forte  ,  vive  ;  ce  qui  ne  con- 
tribue pas  peu  à  troubler  le  cours  des  hu- 
meurs ,  cv  à  faire  des  impreiTions  nuifi- 
bles  dans  les  tendres  organes  des  enfans 
reiifermés  dans  la  matrice.  On  doit  craindre 


E  N   F 

le  même  effet  de  l'intempérance  des  fem- 
mes qui  fe  remploient  dune  grande  quan- 
tité d  alimens  ,  ôc  fouvent  de  mauvaifè 
qualité  ;  qui  font  dans  l'habitude  d'ufer 
immodérément  de  boitions  ipiritueufes, 
dont  l'effet  rend  la  pléthore  occaiionée 
par  la  groffefîè ,  encore  plus  confidérable  , 
&  n'eft  pas  même  corrigé  par  des  faignees, 
qu'elles  ne  veulent  pas  (ouffiïr.  On  peut 
encore  mettre  ,  dans  la  clafle  des  femmes 
qui  nuifent  confidérablement  aux  enfans 
qu'elles  portent  ,  par  leur  indifpoiition 
perfonnelle  ,  celles  qui  font  fujettes  aux 
affections  hystériques ,  qui  iont  fort  avides 
du  commerce  des  hommes  ,  &  s'y  livrent 
fréquemment  après  la  fécondation  &  pen- 
dant le  cours  de  leur  groffefîè.  Le  coït 
trop  fréquent  pendant  ce  temps ,  eft  réel- 
lement ,  au  fentiment  de  pluiieurs auteurs, 
une  puiflante  caufe  pour  rendre  les  enfans 
infirmes  èc  valétudinaires.  Ce  qui  contri- 
bue principalement  eucore  à  détruire  leur 
fanté  dans  le  ventre  -de  la  mère,  c'eft. 
fouvent  les  fatigues  qu'ils  eiluient  ,  les 
forces  qu'ils  épuifènt  dans  les  travaux  de 
l'accouchement  ,  foie  lorfqu'elle  n'agit  pas 
allez  ,  ne  fait  pas  aifez  d'efforts  pour  l'ex- 
puliion  du  fœtus ,  par  indolence  ou  par 
foiblefie  ;  foit  lorfqu'elle  fe  prelle  trop,  &c 
force  l'accouchement  par  impatience  ou  par 
trop  de  vigueur ,  ou  par  l'effet  des  remè- 
des chauds  employés  mal-à-propôs  pour 
exciter  les  forces  expulfives. 

Les  fàges-femmes  nuifent  auffi  très- 
fouvent  aux  enfans  ,  foit  en  employant  im- 
prudemment leur  miniftere  pour  faire  l'ex- 
traction violente  du  fœtus  ,  quifortiroit  eu 
bonne  fanté  fans  leur  fecours  ;  foit  en  le 
bleflant  de  toute  autre  manière,  comme 
en  comprimant  fi  fort  les  os  du  ci  âne ,  dont 
les  futures  ne  font  unies  que  foiblement , 
qu'elles  établirent  par  ce  traitement  impru- 
dent ,  la  caufe  de  différentes  maladies  con- 
fidérables  ,  telles  que  l'épilepfie ,  la  para- 
lyfie  ,  la  ftupidité  ,  qui  font  luivies  d'une 
mort  prochaine  ,  ou  qui  produifent  de 
fâcheux  effets  pendant  toute  la  vie. 

Les  accidens  qui  furviennent  aux  enfans 
après  leur  naiflance  &  pendant  les  premiers 
temps  de  leur  vie ,  contribuent  au ili  beau- 
coup à  rendre  les  enfans  d'un  tempérament 
plus  foible  &  plus  feniible,  tels  que  les 


E  N  F 

frayeurs  auxquelles  ils  peuvent  être  expofés , 
les  cris  inattendus  ,  les  bruits  frappans^  les 
interruptions  fubites  du  fommeil  arec  fur- 
prife  ;  le  lait  qui  leur  eft.  donné  par  leur 
nourrice  trop  promptement  après  quelque 
violente  émotion  de  l'ame  ,  quelque  pa- 
roxyfme  de  colère  ,  de  terreur ,  ùc.  toutes 
ces  chofes  font  très-propres  à  produire  dif- 
ferens  genres  de  fpafmes  ,  de  picottemens 
dans  les  nerfs  ,  des  ardeurs ,  des  douleurs  , 
des  gonfiemens  d'entrailles  ,  ùc.  qui  le 
maniftftent  par  des  inquiétudes ,  des  in- 
fomnies ,  par  des  agitations  de  membres  , 
par  des  cris  ,  des  tremblemens ,  de  furfauts 
convulfifs ,  Se  même  par  des  mouvemens 
épileptiques.  Toute  forte  d'intempérie  de 
l'air  ,  mais  fur-tout  le  froid  Se  les  change- 
mens  prompts  de  celui-ci  au  chaud  ,  Se  ré- 
ciproquement ,  qui  affe&ent  les  adultes  , 
fur-tout  ceux  qui  ont  quelque  foiblefle  de 
nerfs  ,  à  cauie  des  dérangemens  dans  la 
tranfpiration  ,  qui  en  iurviennent  ,  font 
encore  bien  plus  d'imprefïîon  fur  les  enfans , 
Se  altèrent  bien  plus  confidérablement  leur 
fanté ,  &  produilènt  en  eux  de  trèî-mau  vais 
effets.  Les  trop  grandes  précautions  que'i'on 
prend  pour  les  garantir  des  injures  de  Pair  , 
pour  les  tenir  chauds,  peuvent  au  contraire 
leur  être  aulîi  très-nuifibles  ,  de  même 
qu'un  régime  trop  recherché  ,  Se  l'ufage 
trop  fréquent  de  remèdes  ;  tout  cela  tend 
à  affoiblir  leur  tempérament ,  parce  qu'ils 
ne  peuvent  pas  enfuite  fupporter  les  moin- 
dres erreurs  dans  l'ufage  des  choies  nécef- 
faires ,  fans  en  éprouver  de  mauvais  effets , 
des  impreffions  fâcheufes  •■>  c'eft  pourquoi 
les  enfans  des  perfbnnes  riches  ,  qui  font 
élevés  trop  délicatement ,  (ont  ordinaire- 
ment d'une  fanté  plus  foible  que  ceux  pour 
lefquels  on  n'a  pas  pris  tant  de  loin  ,  tels 
que  ceux  des  gens  de  la  campagne ,  des 
pauvres.  C'eft  cette  confidération  qui  a  fait 
dire  à  Locke  dans  fon  excellent  ouvrage fur 
l'éducation  des  enfans ,  qu'il  croiroit  pouvoir 
renfermer  dans  cette  courte  maxime  "  que 
»  les  gens  de  qualité  devroient  traiter  leurs 
»  enfans  comme  les  bons  payfans  traitent 
»  les  leurs,  »  tous  les  confeils  qu'il  pour- 
roit  donner  fur  la  manière  de  conferver  Se 
augmenter  la  fanté  de  leurs  enfans  ,  ou 
du  moins  pour  leur  faire  une  conftitution 
qui  ne  foit  point  fujette  à  des  maladies  >  & 


E  N   F  43r 

qu'il  ne  penferoit  pas  pouvoir  donner  une 
caufe  générale  plus  ailurée  à  cet  égard  de 
ce  qui  arrive  de  contraire  ,  "  qu'on  g'ite  la 
»  conftitution  des  enfans  par  trop  d'indul- 
»  gence  Se  de  tendrefle  ,  »  s'il  n'étoit  per- 
fuadé  que  les  mères  pourraient  trouver 
cela  un  peu  trop  rude ,  Se  les  pères  un  peu 
trop  cruel.  Il  explique  donc  en  faveur  des 
uns  Se  des  autres  la  penfee  plus  au  long  , 
dans  la  première  feétion  de  l'ouvrage  dont 
il  s'agit  ,  qui  efi:  fans  contredit  une  des 
meilleures  fources  dans  lesquelles  on  puille 
puiler  des  préceptes  filutaires  pour  l'édu- 
cation des  enfans  ,  foit  phyfîque  ,  foit  mo- 
rale. Voye-^  Enfance. 

Après  avoir  traité  des  caufes  qui  contri- 
buent à  augmenter  la  foiblefle  du  tempé- 
rament des  enfans  ,  en  augmentant  la 
fenfibilité  du  genre  nerveux  ,  il  refte  à 
dire  quelque  chofe  de  celles  qui  proiui- 
fent  le  même  effet ,  en  difpofant  ultérieu- 
rement leurs  humeurs  à  l'acrimonie  acide, 
|  qui  eft  fi  fouvent  dominante  dans  leurs 
maladies.  Ces  caufes  font  très-différentes 
entr 'elles  :  il  en  eft  plufieurs  dont  il  a  été 
fait  mention  ci-deflus.  Les  principales  font 
celles  qui  corrompent  le  lait ,  ou  dans  le 
fein  des  nourrices  ,  ou  dans  le  corps  des 
enfans  ;  le  rendent  épais  ,  grofïîer ,  ou  le 
font  entièrement  cailler  ;  ce  qui  peut  arri- 
ver de  différentes  manières  de  la  part  des 
nourrices  fur-tout.  Si  elles  font  fuiettes  à 
de  violentes  pallions  ,  Se  qu'elles  s'y  li- 
vrent fouvent  ;  fi  elles  fe  nourriffent  prin- 
cipalement de  fruits  ou  de  fromage ,  de 
différentes  préparations  au  vinaigre  ,  d'ali- 
mens  aigres  ,  acres ,  falés  ;  fi  elles  ufent 
pour  leur  boiflbn  de  beaucoup  de  vin  qui 
ne  foit  pas  bien  mûr,  ou  de  toute  autre 
liqueur  fpiritueufe  ,  il  ne  peut  fe  former 
de  toutes  ces  différentes  matières  qu'un 
lait  de  mauvaife  qualité  ,  vifqueux  ,  grof- 
lier  ,  acre  ,  ùc.  qui  s'aigrit  facilement  dans 
les  premières  voies  des  enfans ,  d'où  naiflent 
non-feulement  des  obftrudions  dans  les 
vifeeres  du  bas-ventre  ,  Se  fur-tout  dans  les 
inteftins  Se  dans  le  méfentere,  mais  encore 
du  gravier  ,  des  calculs  dans  la  veflie  ;  ce 
qui  n'eft  pas  rare  à  cet  âge  :  Se  même  lors- 
que le  lait  fe  trouve  chargé  de  parties  ac- 
tives fournies  par  les  alimens ,  il  s'échauffe 
aifément  j  Se  étant  porté  dans  le  fang  des 


43*  ENF 

encans  ,  il  y  excite  des  agitations  fébriles  , 
des  fièvres  ardentes.  Ce  n'eft  pas  feule- 
ment la  qualité  des  alimens  dont  ufent  les 
mères,  qui  peut  nuire  à  leurs  nourrifibns , 
c'en  eft  aufili  la  quantité  ,  même  des  meil- 
leurs ,  lorfqu  elles  ne  font  pas  d'exercice  , 
qu'elles  mènent  une  vie  trop  fédentaire  , 
parce  qu'il  ne  peut  réfulter  de  cette  façon 
de  vivre  que  des  humeurs  épaifles  ,  grof- 
fieres ,  qui  fourniflènt  un  lait  auiïi  impar- 
fait ;  germe  de  bien  des  maladies.  Le  froid 
des  mamelles ,  en  refïerrant  les  vaifleaux  , 
galacloferes  ,  peut  auiïi  contribuer  beaucoup 
à  l'épaifïïilement  du  fluide  qu'ils  contien- 
nent. Le  coït  trop  fréquent  des  nourrices , 
les  menftrues  qui  leur  lurviennent  ,  les 
attaques  de  pamon  hyftérique ,  la  confti- 
pation ,  les  [palmes  ,  les  ventuoiitcs  des 
premières  voies  ;  toutes  ces  altérations  dans 
l'économie  animale  corrompent  leur  lait , 
de  les  enfans  qui  s'en  nourriflènt  deviennent 
foibles  ,  langui llans ,  pleureux  ,  ôc  indi- 
quent allez  ,  par  leur  mauvais  état  ,  le 
befoin  qu'ils  ont  d'une  meilleure  nour- 
riture ;  ainfi  l'on  peut  aflurer  que  leurs  ma- 
ladies font  le  pli»s  (bavent  produites  par 
le  mauvais  régime  &c  la  mauvaife  fanté 
des  nourrices ,  en  tant  qu'elles  ne  peuvent 
en  coméquence  leur  fournir  qu'un  lait  de 
rrès-mauvaife  qualité.  Elles  peuvent  aufïî 
leur  nuire ,  lors  même  qu'elles  n'ont  qu'une 
bonne  nourriture  à  leur  donner  ,  li  elles 
les  remplirent  trop  ,  foit  que  ce  foit  du 
lait ,  foit  des  foupes ,  ou  d'autres  alimens 
les  mieux  préparés  ;  la  quantité  dont  ils 
font  farcis  furcharge  leur  eftomac  ,  fur- 
tout  pendant  qu'ils  lont  le  plus  foibles  & 
petits  ;  ils  ne  peuvent  pas  la  digérer  ,  elle 
s'aigrit ,  &c  dégénère  en  une  mafîe  caillée 
ou  plâtreufe  qui  diftend  ce  vifeere  ,  en 
tiraille  les  fibres  ,  en  détruit  le  reflbrt  ; 
d'où  fuivent  bien  de  mauvais  effets  ,  tels 
que  les  enflures  du  ventricule  ,  les  cardial- 
gies  ,  les  opprellions  ,  les  vomiffemens  ,  les 
diarrhées ,  &c  autres  femblables  altérations 
qui  détruifent  la  fanté  de  ces  petites  créa- 
tures. C'eft  ce  qui  a  fait  dire  à  Ethmuller  , 
d'après  Hïppocrate  ,  que  les  nourrices ,  en 
donnant  trop  de  lait  à  la  fois  ,  ou  de  toute 
autre  nourriture  aux  enfans ,  les  font  mou- 
rir par  trop  d'empreffement  à  leur  four- 
nir les  moyens  de  vivre ,  dum  laclant ,  mac- 


E  N  F 

tant  ;  car  comme  toute  replétion  cxccflîve 
eft  mauvaife  ,  iur-tout  de  pain  pour  les 
adultes ,  on  peut  dire  la  même  chofe  de 
celle  de  lait  pour  les  enfans.  On  fait  encore 
bien  plus  de  tort  à  leur  fanté  ,  lof  fqu'on 
leur  donne  des  alimens  trop  variés  ,  6c 
fouvent  de  mauvaife  qualité ,  aigres ,  falés , 
acres  ;  lorfqu'on  leur  fait  manger  beaucoup 
de  viande  ;  qu'on  leur  donne  de  la  nour- 
riture ,  fans  attendre  que  celle  qu'ils  ont 
priie  auparavant  foit  digérée  ;  qu'on  les 
fait  ufer  de  vin ,  de  liqueurs  fpiritueufes  , 
fous  prétexte  de  ranimer  leur  appétit ,  ou 
de  les  fortifier  _,  ou  de  les  tranquillifer.  Tou- 
tes ces  fautes  de  régime  font  très-perni- 
cieufes  aux  enfans  ;  ces  différentes  matières 
alimentaires,  ou  font  propres  à  faire  cailler 
le  lait ,  avec  lequel  elles  fe  mêlent  ,  elles 
affoibliflènt  l'eftomac  ;  ou  elles  fuivent 
leur  tendance  naturelle  à  la  corruption  , 
ou  elles  portent  l'acrimonie ,  l'incendie  dans 
le  fang  doux  8c  balfamique  de  ces  tendres 
élevés  ;  d'où  naiffent  un  grand  nombre  de- 
maladies  différentes.  On  peut  joindre  à  tou- 
tes ces  caufes  le  changement  trop  fréquent 
de  nourrices  ,  6c  par  conféquent  de  lait.  Les 
qualités  des  alimens.  trop  variées  nuifent  aux 
adultes ,  à  plus  forte  raifon  aux  enfans  ,  non- 
feulement  pendant  qu'ils  tettent ,  mais  en- 
core après  qu'ils  font  fevrés. 

Pour  ce  qui  eft  du  pronoftic  à  porter  fur 
les  maladies  des  enfans ,  il  faut  d'abord  cher- 
cher à  favoir  s'ils  font  nés  de  parens  robuf- 
tes  ,  de  bonne  fanté  de  corps  &c  d'efprit , 
fur-tout  à  l'égard  des  mères  ,  parce  qu'ils 
ne  font  pas  ordinairemenr  fi  délicats  ;  ils 
ne  font  pas  conféquemment  fi  fujets  à  être 
affectés  par  les  mauvaifes  imprelTions  des 
chofes  néceflaires  à  la  vie  :  ils  ne  deviennent 
pas  fi  facilement  malades  ,  6c  ils  n'ont  pas 
autant  de  difpofition  à  fuccomber  aux  ma- 
ladies qui  leur  furviennent.  On  peut  dire 
la  même  chofe  de  ceux  qui  ne  font  pas 
élevés  fi  délicatement ,  qui  font  accoutu- 
més à  fupporter  impunément  les  effets  des 
changemens  d'air ,  d'alimens  qui  feraient 
pernicieux  à  tous  autres ,  qui  font  endurcis 
par  un  régime  tel  que  celui  qu'obfervent  les 
payfans  à  l'égard  de  leurs  enfans.  Il  eft  aufïi 
certain  ,  en  général ,  que  les  maladies  des. 
enfans  ,  quoiqu'innombrables  ,  pour  ainfi 
dire ,  font  plus  faciles  à  guérir  que  celles 

des 


E  N  V 

des  adultes  ,  pourvu   qu'elles  foient  bien 
traitées  ;  parce  que  comme  ils  font  plus  fuf- 
ceptibles  des  altérations  qui   troublent  en 
eux  l'économie  animale  par  de  très-légères 
caufes  ,  de  même  les  moindres  remèdes 
placés  à  propos  ,  &  différentes  autres  choies 
convenables  à  leur  nature  ,  peuvent  en  réta- 
blir aifèment  les  défordres  ;  en  forte  que  la 
plupart  n'en  meurent  que  parce  que  l'on 
emploie  fouvent  une  trop  grande  quantité 
de  fecours  ,   ou  de  trop  puiffans  moyens 
pour  leur  rendre  la  fanté ,  qui   auroit  pu 
être  rétablie  ou  d'elle-même  ,  ou  avec  très- 
peu  de  foins.  Les  Médecins  ont  peut-être 
plus  nui  au  genre  humain  en  médicamen- 
tant  les  en/ans  9  qu'ils  ne  lui  ont  été  utiles 
à  cet  égard.  On  obferve  conftamment  que 
les  en/ans  gros  ,  gras ,  charnus ,  &  ceux 
qui   tettent    beaucoup ,   ceux  qui  ont  des 
nourrices  d'un  grand  embonpoint  ,  pleines 
de  fang ,  font  plus  fujets  à  être  malades , 
&  à  l'être  plus  fréquemment  que  d'autres; 
ils  font  plus  communément  affectés  du  ra- 
chitis  ,  de  la  toux  convulfive  ,  des  aphthes. 
L,es  en/ans  maigres  font  ordinairement  affli- 
gés de  fièvres  ,  d'inflammations  ;  ceux  qui 
ont  le  ventre  libre  ,  font  auflî  mieux  portans 
que  ceux  qui  l'ont  ferré  :  &  enfin  comme 
la  plupart  périfTent  par  les  douleurs  de  ven- 
tre ,  les  tranchées  &  les  mouvemens  con- 
vulfifs  ,    par  les    fymptomes    d'épilepfie , 
c'efr.   toujours  un  mauvais  figne    que  ces 
difrerens  maux  fe  joignent  avec  les  infbm- 
nies ,  aux  différentes  maladies  dont  ils  font 
affectés. 

Les  douleurs  d'entrailles  ,  les  coliques 
font  ordinairement  épidémiques  pour  les 
enfans  ,  depuis  la  mi-juillet  jufqu'à  la  mi- 
feptembre  ;  &  il  en  meurt  plus  alors  dans 
un  mois  ,  que  dans  quatre  de  toute  autre 
partie  de  l'année ,  parce  que  les  grandes 
chaleurs ,  qui  fe  font  principalement  fentir 
dans  ce  temps-là  ,  épuifent  leurs  forces , 
&  les  font  aifément  fuccomber  à  tous  les 
maux  qu'elles  produifent,  ou  qui  furvien- 
nent  par  toute  autre  caufe.  Les  tranchées 
font  plus  dangereufes  à  proportion  qu'elles 
font  plus  violentes ,  qu'elles  durent  davan- 
tage ,  ou  qu'elles  reviennent  plus  fouvent , 
a  caufê  des  fièvres  ,  des  affections  afthma- 
tiques  ,  convulfives ,  épileptiques  ,  qu'elles 
peuvent  occafioner  ,  fi  on  n'y  apporte  pas 
Tome  XII. 


E  N  F  433 

promptement  remède.  Celles  qui  font  cail- 
lées par  les  vers  ,  ne  ceflent  pas  qu'ils  ne 
foient  chafïès  du  corps. 

Les  aphthes  qui  n'affectent  qu'en  petit 
nombre  la  furface  de  la  bouche  des  enfans  , 
qui  ne  caufent  pas  beaucoup  de  douleur  , 
qui  font  rouges  &  jaunâtres ,  cèdent  plus 
facilement  aux  remèdes  que  ceux  qui  s'éten- 
dent  en  grand  nombre  dans  toute  la  bou- 
che ,  qui  font  noirâtres  ,  de  mauvaife  odeur, 
&  qui  forment  des  ulcères  profonds  :  ceux 
qui  proviennent  de  caufe  externe ,  font 
moins  fâcheux  que  ceux  qui  font  produits 
par  un  vice  de  fang  ,  par  la  corruption  des 
humeurs.  Les  aphthes  qui  font  accompagnés 
d'inflammation  ,  de  difficulté  d'avaler  & 
de  refpirer  ,  font  ordinairement  très-fu- 
nefles. 

La  maigreur  &  la  confomption  des  en- 
fans font  toujours  des  maladies  très-dan- 
gereufes  ,  fur-tout  lorfqu'elîes  font  invété- 
rées ,  &  caufées  par  des  obftruûions  au 
méfentere  &  aux  autres  vifeeres  du  bas- 
ventre  ou  de  la  poitrine.  Si  la  diarrhée  s'y 
joint  ,  &  que  les  malades  rendent  par  le 
fondement  une  matière  purulente ,  fanglan- 
te ,  de  fort  mauvaife  odeur ,  le  mal  efl 
incurable  :  il  y  a  au  contraire  à  eipérer  ,  fî 
les  digeftions  étant  rectifiées  ,  l'appétit  re- 
vient, fe  foutient  régulièrement  ;  fi  l'enflure 
du  ventre  diminue  ,  &  que  les  forces  fe 
rétabliflènt.  Il  confie  par  un  grand  nom- 
bre d'obfervations  ,  que  les  fièvres  inter- 
mittentes ont  fouvent  guéri  des  enfans  de 
la  confomption. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  curation  des  mala- 
dies des  en/ans  y  on  ne  peut  en  donner  ici 
qu'une  idée  fort  en  raccourci  :  la  plupart 
d'entr'elles ,  foit  qu'elles  leur  foient  pro- 
pres ,  foit  qu'elles  leur  foient  communes 
avec  les  adultes  ,  font  traitées  chacune  en 
fbn  lieu  ;  ainfi  voye\ ,  par  exemple ,  VÉR OLE 
(petite),  Rougeole,  Chartre,  Ra- 
chitis  ,  Epilepsie  ,  Cardialgie  , 
Vers  ,  Dentition  ,  Teigne  ,  ùc.  On 
peut  dire  en  général  que  comme  les  princi- 
pales caufes  des  maladies  des  enfans  confiè- 
rent principalement  dans  le  relâchement  des 
fibres  naturellement  très-délicates ,  &  la  foi- 
blefle  des  organes  augmentée  par  l'humidité 
trop  abondante  dont  ils  font  abreuvés ,  & 
dans  l'acidité  dominante  des  humeurs ,   on 

Iii 


434  E  N  F 

doit  combattre  ces  vices  par  les  contraires  : 
ainfi  les  affringens  ,  les  abforbans ,  les  anti-  ' 
acides  ,  qui  conviennent  pour  corriger  l'état 
contre  nature  des  folides  &  des  fluides  ,  & 
les  légers  purgatifs  pour  évacuer  l'humide 
ïuperHu  &  corrompu ,  employés  avec  pru- 
dence ,  félon  les  différentes  indications  qui 
fe  présentent ,  font  les  remèdes  communs 
à  prefque  toutes  les  curations  des  maladies 
des  en/ans.  C'eft  ce  qu'a  parfaitement  bien 
établi  le  docteur  Harris  dans  là  diflertation 
"fur  ce  fujet ,  en  banniffant  de  la  pratique , 
dans  ce  cas ,  l'ufage  des  remèdes  chymiques, 
diaphoniques ,  incendiaires  >  &  de  toute 
autre  qualité  dont  elle  étoit  furchargée.  Il 
cfl  certain  même  ,  indépendamment  de  la 
confidération  des  caufes  de  ces  maladies, 
que  la  manière  de  traiter  ces  petits  malades 
ne  fauroit  être  trop  fimplifiée  ,  vu  la  diffi- 
culté qu'il  y  a  à  les  foumettre  à  prendre 
des  drogues ,  &  à  leur  faire  obferver  un 
régime  convenable ,  fur-tout  avant  qu'ils 
aient  atteint  l'âge  de  connoiffance. 

A  peine  l'homme  eft-il  mis  au  monde  , 
qu'il  fe  trouve  fouvent  dans  le  cas  d'avoir 
befoin  des  fecours  de  la  médecine  ,  &  de 
payer  le  tribut  à  cet  art ,  pour  éviter  de  le 
payer  (1— tôt  à  la  nature.  En  effet ,  dans  le 
cas  où  les  en/ans  nouveau  -  nés  ont  pour 
la  plupart  des  mucoiités  gluantes  dans  la 
bouche ,  l'œfophage ,  l'eftamac  ,  les  inref- 
tirrs  ,  &  quelquefois  des  matières  nourri- 
cières imparfaitement  digérées ,  avant  de 
fortir  du  ventre  de  leurs  mères  ,  qui  ont 
pu  s'échauffer  dans  les  parties  qui  les  con- 
tiennent ,  s'y  corrompre  par  l'agitation  ex- 
citée pendant  le  travail  de  l'accouchement , 
dont  s'enfuivent  des  cardialgies ,  des  dou- 
leurs de  ventre  ,  des  tranchées  &  autres 
fymptomes  fâcheux  ;  fi  après  ^avoir  fait 
prendre  aux  en/ans  ainfi  affectés  ,  quelques 
gorgées  du  premier  lait  de  la  mère ,  qui 
elt  ce  qu'on  appelle  coloflrum  ,  que  la  na- 
ture femble  avoir  deftiné  à  cet  ufage  ,  at- 
tendu qu'il  eft  très-laxatif,  l'évacuation  de 
ces  matières  ne  fe  tait  pas  ;  ou  s'il  eft  im- 
poflible  de  leur  faire  prendre  le  teton  tant 
que  ie  mal  dure ,  il  eft  à  propos  d'ouvrir 
doucement  la  bouche  au  nouveau  né,  & 
de  répanJre  peu  à  peu  &  à  différentes  re- 

f>rifes  ,   dans   l'intervalle  de  dix   à   douze 
leures,  de  l'eau  en  petite  quantité,  dans 


E  N  F 

laquelle  on  a  diffous  du  fucre ,  ou  délayé 
du  miel ,  pour  détremper  ces  différentes 
matières  ,  en  purger  les  premières  voies  , 
&  en  favorifer  l'expuliion.  Si  ces  impure- 
tés font  fi  abondantes  dans  l'eftomac  & 
les  inteftins  ,  qu'elles  caufent  des  naufées  , 
des  vomiffemens  ,  des  tranchée*  &  même 
des  mouvemens  convulfifs,  dans  ce  cas  on 
peut  employer  quelque  chofe  de  plus  laxa- 
tif que  le  miel  &  le  fucre ,  lorlqu'ils  ne 
font  pas  fuffifans  :  on  fait  ufage  de  l'huile 
d'amandes  douces  récente  ,  avec  du  firop 
rofat  folutif  ;  ou  même  s'il  y  a  une  grande 
indication  de  purger  ,  on  peut  fe  fervir  du 
firop  de  chicorée  avec  la  rhubarbe.  Cha- 
cun de  ces  remèdes  doit  être  donné  à 
très-petite  dofe  &  à  différentes  reprifes.  On 
peut  aufli  appliquer  quelque  épitheme  aro- 
matique ,  fpiritueux  fur  l'eftomac  &  le 
ventre ,  ce  qui  produit  fouvent  de  bons 
effets ,  en  excitant  l'action  des  vifeeres  du 
bas-ventre. 

Ces  différens  fecours,  qui  viennent  d'être 
mentionnés  ,  employés  félon  les  différens 
befoins  ,  font  aufli  très-utiles  pour  favorifer 
l'expulfion  de  l'humeur  épaiffe  ,  noirâtre  & 
excrémentielle ,  qui  eft  comme  le  marc  de 
la  nourriture  du  fœtus  ,  qui  s'eft  ramafîë 
dans  les  gros  boyaux ,  dans  le  cœcum  fur- 
tout  &  fon  appendice  ,  dont  la  cavité  eft  par 
cette  railbn  plus  confidérable  à  proportion 
que  dans  l'adulte.  Voye\MECON  ium  , 
Ccscum.  Cette  matière  fécale  doit  être 
évacuée  promptement,  parce  que  quand  elle 
eft  retenue  après  la  naiilance  ,  foit  à  cauiè 
de  fa  trop  grande  confiflance  ou  quantité  , 
foit  à  caufe  de  la  féchereffe  des  voies  par 
lefquelles  elle  doit  être  portée  hors  du  corps, 
ou  de  la  foiblefle  de  ['enfant  ,  elle  devient 
acrimonieulè  &  fe  corrompt  facilement , 
par  l'effet  de  la  chaleur  que  produit  la 
refpiration  dans  tout  le  corps  ,  &  par  le 
contact  de  l'air  qui  pénètre  dans  les  intefc 
tins.  On  corrige  la  dureté  des  matières  en 
faifant  prendre  à  ['enfant  de  temps  en  temps 
quelques  gorgées  de  petit  lait  avec  du  miel 
délayé ,  dont  on  peut  aufii  donner  en  la- 
vement. On  procure  l'évacuation  par  les 
laxatifs  dont  il  a  été  parlé  ci-devanr ,  em- 
ployés en  potion  &.  en  ciyftere  ,  par  quelque 
doux  fuppofitoire  ,  par  des  linimens  onc- 
tueux faits  fur  l'abdomen.  On  ranime  les 


E  N  F 

forces  ,  pour  foutenir  Pexpulfion  de  ces 
excrémens  ,  par  quelque  léger  cordial  , 
comme  le  vin  chaud  avec  le  miel  &  la 
cannelle  ;  &  fi  l'acide  domine ,  comme  il 
eft  ordinaire  ,  ce  que  l'on  connoît  par  i'o 
deur  de  la  bouche ,  on  unit  les  cordiaux 
avec  les  abforbans.  On  doit  éviter  foigneu- 
fement tout  ce  qui  eft  trop  atténuant ,  fpiri 
tueux ,  volatil.  On  ne  doit  employer  qu'avec 
beaucoup  de  circonfpeclion  les  opiatiques 
dans  les  mouvemens  convullifs  qui  provien- 
nent de  la  rétention  du  meconium  ;  &  en 
général  on  ne  doit  en  ufer  que  rarement 
dans  toutes  les  maladies  des  en/ ans  qui  lém- 
blent  les  indiquer. 

Celles  qui  font  produites  par  la  coagula- 
tion du  lait  dans  les  premières  voies ,  & 
tous  les  fymptomes  qui  en  font  l'efier ,  doi- 
vent être  traités  avec  des  anti-acides  fixes  , 
unis  à  de  doux  purgatifs  ;  des  lavemens  de 
même  qualité  ,  de  légers  carminatifs  ,  des 
huileux  propres  à  corriger  l'acrimonie  qui 
irrite  le  genre  nerveux,  &  à  détruire,  fi 
elle  en  eu  fufceptible  ,  la  caufe  des  attaques 
d'épilepfie  ,  qui  furviennent  fouvent  dans 
ce  cas. 

Comme  la  plupart  des  fièvres ,  dont  la 
caufe  eft  particulière  aux  en/ans,  font  l'effet 
de  l'acide  dominant  dans  les  humeurs  ;  on 
ne  peut  pas  employer,  pour  les  combattre, 
de  meilleurs  &  de  plus  fûrs  remèdes  que 
ceux  que  l'on  vient  de  propofer  contre 
la  coagulation  du  lait  ,  vu  qu'elle  eft  auflî 
toujours  caufée  par  l'acidité  qui  infecte  les 
premières  voies  ;  il  convient  par  conféquent 
de  mettre  en  ufage  ces  moyens  de  corriger 
ce  vice  dominant ,  non-feulement  pour  les 
en/ans  ,  mais  encore  pour  les  nourrices. 
Elles  doivent  faire  ufage  de  remèdes  de 
même  qualité ,  pour  que  le  lait  qu'elles 
fournifTent  en  étant  imprégné  ,  ne  foit  pas 
autant  difpofe  à  s'aigrir  qu'il  l'eft  de  fa  na- 
ture ,  ou  plus  encore  ,  par  une  fuite  de 
l'ufage  des  alimens  acefeens  ,  comme  les 
fruits ,  &c.  Elles  doivent  s'interdire  ces 
fortes  d'alimens ,  &  ne  fe  nourrir  que  de 
ceux  qui  font  d'une  nature  balfamique  ;  & 
en  un  mot  vivre  de  régime  y  félon  les  règles 
de  l'art ,  à  l'égard  defquelles  on  peut  con- 
fultcr  l'article  NOURRICE. 

Il  en  eft  de  même  de  la  curation  des 
aphthes.  S'il  y  a  lieu  de  foupçonner  ou  de . 


E  N  F  45T 

croire  que  le  lait  ou  la  qualité  des  humeurs 
de  la  nourrice  ont  contribué  à  les  produire , 
il    faut^  lui  preferire  l'ufage   des  laxatifs  , 
des  intufions  de  rhubarbe  ,    des  tifànnes 
tempérantes  ,    diaphoniques  ,  faites  avec 
l'infufion  de  falfe-pareilie ,  la  Jécodion  de 
fcorfonere&  autres  femblables,  ou  changer 
de  lait ,  fi  celui  dont  l'enfant  fe  nourrit  n'eft 
pas   fufceptible  d'être  corrigé.  Si  la  caufe 
des   aphthes   vient   de   l'enfant,    on  doit 
auflt  le  traiter  avec  de  doux  purgatifs,   tels 
que  la  manne  ,  le  firop  de  chicorée,  cotn- 
pofé  avec  la  rhubarbe  ,  le  firop  de  fleurs 
de  pêcher  &  autres  doux  laxatifs.  On  doit 
aufli  mettre  en  ufage  les  remèdes  convena- 
bles pour  empêcher  que  le  lait  ne  devienne 
acre  ;  &  éviter  foigneufement  tout  ce  que 
l'on  a  lieu  de  croire  avoir  procuré  les  aphthes: 
on  peut  encore  dans  ce  cas  employer  les 
crèmes  de  riz  ,  d'avoine  ,  Ùc.  pour  corri- 
ger  l'acrimonie  des  humeurs  en   général. 
On  ne  doit  pas  négliger  les  remèdes  topi- 
ques ,   pour  émouflèr  la  qualité  corrofive 
des  fucs  dont  les  aphthes  font  abreuvés  ;  on 
ufe  avec  njecès  ,  dans  ce  cas ,    de  quelques 
looes  faits  ,  par  exemple ,   avec  le  fuc  de 
grenade  &  le  miel  ,  le  firop  de  mûres  délayé 
dans  une  furfifante  quantité  d'eau  tiède  , 
le  fuc  de  raves  battu  avec  un  jaune  d'œuf 
&  un  peu  de  nitre ,  &c.  On  applique  ces 
diftérens   lénitifs    avec  le    bout    du    doigt 
garni  d'un  linge  imbu  de  ces  préparations. 
Si  les  aphthes  font  fymptomatiques ,  il  faut 
détruire  la  caufe  qui  les  a  fait  naître  ,  avant 
que  de  les  attaquer  topiquement  :  il  ne  faut 
point  troubler  la  nature  dans  les  opérations  ; 
on  doit  fe  borner  à  faire  ufage  de  quelques 
légers  diaphorétiques  ,  de  quelques  émul- 
fions  tempérantes  ,   avec  les  femences  froi- 
des ,  &  un  peu  de  celle  de  pavot.  Voye^ 
APHTHE. 

L'épilepfie  des  enfans  doit  auffi  être  trai- 
tée par  des  remèdes  donnés  ou  aux  nourrices, 
fi  c'eft  d'elles  qye  vient  ce  mal ,  ou  aux 
enfans  mêmes ,  fi  la  caufe  ne  leur  eft  pas 
étrangère.  Dans  le  premier  cas  ,  lorfque 
quelque  frayeur ,  quelque  accès  de  colère  , 
ou  toute  autre  agitation  de  l'ame  ,  a  cor- 
rompu le  lait  dans  fa  fource ,  il  convient 
d'éviter  foigneufement  tous  les  remèdes 
fpiritueux  ,  acres  ,  irritans  ,  &  de  ne  pref- 
erire que  ceux  qui  font  propres  à  calmer 

Iii   2 


43<5  E  N  F 

les  tentions  fpafmodiques  du  genre  nerveux , 
tels  que  les  lavemensémolliens,  carminatifs, 
les  poudres  anti-convulfives  préparées  avec 
celles  de  guttete  ,  de  cinnabre ,  &  un  peu 
de  mufc  ,  données  dans  quelques  eaux  appro- 
priées ,  telles  que  celle  de  tilleul.  Lorfque 
la  caufe  efl  dans  l5 'enfant  même ,  &  qu'elle 
dépend  du  lait  ,  ou  de  tout  autre  aliment 
devenu  acre  ,  corrofit  dans  les  premières 
voies  ,  il  faut  employer  les  délayans  laxa- 
tifs ,  huileux  ,  qui  peuvent  évacuer  les  ma- 
tières viciées  ,  ou  les  émouffer  ;  &  enfuite 
faire  promptement  ufage  des  mêmes  remè- 
des indiqués  ci-deffus  contre  les  fpafmes  ,  à 
dofe proportionnée ,  auxquels  on  peut  ajou- 
ter le  cajioreum.  La  décoction  un  peu  épaifïe 
de  corne  de  cerf  donnée  pour  boiffon,  pro- 
duit de  bons  effets  dans  ce  cas.  Si  le  vice  du 
lait  ou  des  autres  alimens  ne  confifte  qu'en 
ce  qu'il  efl  trop  épais ,  trop  groffier  ,  il  faut 
lui  donner  peu  à  terer  ou  à  manger  ,  &  ne 
lui  faire  prendre  qu'une  nourriture  propre 
à  rendre  plus  fluides  les  matières  contenues 
dans  les  premières  voies  ;  &  dans  le  cas  où 
il  y  a  lieu  de  croire  qu'elles  font  fort  en- 
gorgées ,  on  peut ,  après  le  paroxyfme , 
donner  une  petite  dofe  de  quelque  éméti- 
que  ,  comme  le  lirop  de  Charas  ,  de  Glau- 
bert  ,  ou  un  demi-grain  de  tartre  ftibié 
dans  le  firop  de  violettes ,  &  quelque  eau 
appropriée.  Si  la  maladie  efl  caufée  par  quel- 
ques exanthèmes  rentrés  ,  tels  que  la  gale  , 
la  teigne  ,  il  faut  employer  les  moyens  qui 
peuvent  en  rappeiler  la  matière  à  l'exté- 
rieur ,  tels  que  les  véficatoires  appliqués  à 
la  nuque  ,  les  cautères  ,  les  fêtons  :  fi  elle 
dépend  des  vers ,  il  faut  la  traiter  convena- 
blement à  fa  caufe.  Yoye\  VERS  ,  &  fur- 
tout  Y  article  Epilepsie. 

L'atrophie  des  enfans  pouvant  être  pro- 
duite par  des  caufes  bien  différentes  ,  de- 
mande par  conféquent  un  traitement  aufli 
varié ,  qui  doit  être  le  même  à  proportion 
que  celui  qui  convient  îftx  adultes  pour 
cette  maladie.  Voy.  ATROPHIE  ou  CON- 
SOMPTION^ 

Il  en  efl  de  même  des  autres  maladies  aux- 
quelles les  enfans  font  fujets ,  qui  leur  font 
communes  avec  les  perfonnes  d'un  âge 
plus  avancé  ,  telles  que  la  diarrhée  ,  la 
dyfTenterie,  la  cardialgie  ,  la  fuppreffion 
d'urine ,  &c.  Voye^  en  l'on  lieu  chacune  de 


E  N  F 

ces  maladies^  :  confultez  aufîi  Ethmuiler  , 
Harris  ,Hofïman  ,  Boerhaave ,  dans  la  partie 
de  leurs  ouvrages  où  ils  traitent  des  maladies 
des  enfans  ,  ex  profejfb.  C'eft  d'Hofîmàn 
principalement  &  de  Boerhaave  qu'a  été 
tiré  ce  qui  a  été  dit  ici  à  ce  fujet.  (  d) 

Enfans  des  Dieux  (Mythol.)  Voy. 
Fils  des  Dieux. 

Enfans  perdus  ,  {Artmilit.)  terme 
de  guerre  qui  fignifie  des  foldats  qui  mar- 
chent à  la  tête  d'un  corps  de  troupes  ,  com- 
mandés pour  le  foutenir  ,  &  qu'on  emploie 
pour  commencer  quelque  attaque  ,  donner 
un  afiaut  ou  forcer  quelque  pofre.  Ils  tirent 
ce  nom  du  danger  auquel  ils  font  expoiës  : 
les  Anglois  les  appellent  les  abandonnes  , 
&  les  défefpérés  ;  ce  font  à  préfent  les  gre- 
nadiers qui  commencent  ces  fortes  d'atta- 
ques, ou  les  dragons.  Chambers.  (Q) 

Enfans  de  langue.  (Comm.)  On 
nomme  ainfi  de  jeunes  François  que  le  Roi 
fait  d'abord  élever  à  Paris  ,  puis  entretient 
dans  le  Levant  pour  y  apprendre  les  langues 
turque  ,  arabe  &  greque  ,  &  fervir  enfuite 
de  drogmans  à  la  nation  ,  &  fur- tout  aux 
confuls  &  aux  négocians.  Ces  enfans  étoient 
élevés  en  France  par  les  jéluites  ;  ils  fe  per- 
fectionnent au  Levant  chez  les  capucins, 
Voye\  DROGMAN.   (G) 

Enfans  sans  souci  ,  {Hifl.  mod.)  fo- 
ciété  finguliere  formée  à  l'exemple  de  la 
mère  folle  ou  infanterie  Dijonnoilè  ,  vers  les 
commencemens  du  règne  de  Charles  VI, 
par  quelques  jeunes  gens  de  famille  qui  joi- 
gnoient  à  beaucoup  d'éducation  un  grand 
amour  pour  les  plaifirs  ,  &  les  moyens  de 
fe  les  procurer.  Ces  circo:  fiances  réunies  , 
il  ne  pouvoit  manquer  d'en  naître  quelque 
chofe  de  fpirituel ,  aufîi  donnèrent  -  elles 
lieu  à  l'idée  badine ,  mais  morale  ,  d'une 
principauté  établie  fur  les  défauts  du  genre 
humain  ,  que  ces  jeunes  gens  nommèrent 
fottife  ,  &  dont  l'un  d'eux  prit  la  qualité 
de  prince.  Ce  prince  des  fots  ou  de  la  fot- 
tife marchoit  avec  une  efpece  de  capuchon 
fur  la  tète  ,  &:  des  oreilles  d'âne  :  il  faifoit 
tous  les  ans  une  entrée  à  Paris  ,  fuivi  de 
tous  fes  (ujets. 

Cette  plaifanterie ,  dit  l'auteur  du  théâtre 
franfois  y  étoit  neuve  ,  &  les  moyens  qu'on 
employa  pour  la  faire  connoître  ,  ne  le 
furent  pas  moins.  Nos  philofbphes  enjoués 


E  N  F 

inventèrent  ,  mirent  au  jour  ,  &  reprefen- 
terent  eux-mêmes  aux  halles  &  lur  des 
échafauds  en  place  publique  des  pièces  dra- 
matiques ,  qui  portaient  le  nom  de  fottife  , 
qui  en  effet  peignoient  celles  de  la  plupart 
des  hommes.  Ce  bndinage  pafTa  de  la  ville 
à  la  cour  ,  &  y  fit  fortune.  Les  enf ans  fans 
fouci  (  car  c'eft  ainfi  qu'on  nomma  ces  jeu- 
nes gens  lorfqu'iis  parurent  en  public  )  de- 
vinrent à  la  mode.  Charles  VI  accorda  au 
prince  des  fots  ,  des  patentes  qui  confirmè- 
rent le  titre  qu'il  avoit  reçu  de  Tes  cama- 
rades. Cette  première  fociété  fe  renferma 
dans  de  jufles  bornes  ;  une  critique  fenfée 
&  fans  aigreur  conftitua  le  fond  des  pie- 
ces  qu!elle  donna  ;  mais  cette  fage  atten- 
tion eut  un  court  efpace.  La  guerre  civile 
qui  s'alluma  en  France  ,  &  dont  Paris  ref- 
fentit  les  plus  cruels  effets  ,  occafiona  du 
relâchement  dans  la  conduite  des  enfans 
fans  fouci  y  &  cette  fociété  devint  celle  de 
tous  les  fainéans  &  de  tous  les  libertins  de 
la  ville. 

Le  prince  des  fots  donna  la  permiflîon 
aux  clercs  de  la  Bafoche  de  jouer  desfoties 
oufottifes  y  &  en  échange  il  reçut  des  der- 
niers celle  de  repréfenter  des  farces Ù  mora- 
lités ;  arrangement  qui  en  fit  faire  un  autre 
avec  les  confrères  de  la  pafjlon  y  qui ,  pour 
fou  tenir  leurs  fpectacles  dont  le  public 
commençoit  à  fe  laffer  ,  afîbcierent  à  leurs 
jeux  le  prince  des  fots  &  {es  fujets.  Leur 
chef  avoit  une  loge  diftinguée  à  l'hôtel  de 
Bourgogne ,  pour  y  affilier  aux  repréfen- 
tations  des  pièces  de  théâtre  qui  étoient 
données  par  les  confrères  de  la  paillon , 
acquéreurs  de  l'hôtel  de  Bourgogne.  Des 
comédiens  étrangers  voulant  donner  de  la 
vogue  à  leurs  jeux  ,  s'afîbcierent  a-ûffi  les 
enfans  fans  fouci.  Ils  ne  prirent  le  nom  de 
comédiens  que  par  la  fuite  ,  &  lorfqu'iis 
furent  en  pofleflion  de  l'hôtel  de  Bourgo- 
gne. Voye\  Comédie  ,  &  le  nouvel  ou» 
vrage  de  M.  de  Cailhava. 

Les  pièces  des  enfans  fans  fouci  étoient 
publiées  par  une  elpece  de  cri  ou  annonce 
en  vers  que  faifoit  publiquement  la  mere- 
fotte ,  féconde  perfonne  de  la  principauté 
de  la  fottife.  Celui  qui  remplhToit  cet  em- 
ploi étoit  chargé  du  détail  des  jeux  repré- 
fentés  par  les  enfans  fans  fouci  ,  &  de  l'en- 
trée que  le  prince  des  fots  faifoit  tous  les 


ENF  +37 

ans  à  Paris.  On  peut  voir  dans  Vhiftoire  du 
théâtre  françois  y  un  de  ces  cris  ou  an- 
nonces ,  avec  l'extrait  d'une  fottife  à  huit 
perlonnages  aflez  ingénieufe  pour  le  temps 
(i  5 1 1).  Les  enfans  fan  s  fouci  profitaient  de 
la  protection  que  le  bon  roi  Louis  XII 
accorda  aux  théâtres ,  en  leur  permettant 
de  reprendre  librement  les  défauts  de  tout 
le  monde  ,  lans  vouloir  être  excepté  ;  on 
y  trouve  un  trait  de  fatire  contre  ce  prince 
qui  lui  fait  beaucoup  d'honneur,  puif- 
qu'on  y  traite  d'avarice  la  jufte  économie 
avec  laquelle  il  ménageoit  les  finances  de 
fon  royaume  ,  &  que  les  meilleurs  princes  , 
comme  Henri  IV,  ont  toujours  préférée 
aux  prodigalités  &  aux  dépenfes  luperflues. 
(  AI.  Beguillet.  ) 

Enfantement  ,  f.m.  (M'd.  &  Chir.) 
Voy.  Accouchement  ;  mais  cette  opé- 
ration naturelle  a  de  grands  befoins  du 
fecours  de  l'art  ,  &  les  chirurgiens  qui 
s'y  deitinent ,  ne  fauroient  trop  joindre  à 
leur  pratique  &  à  leurs  lumières ,  l'étude 
des  auteurs  qui  fe  font  attachés  à  la  même 
profeflion  :  nous  allons  indiquer  ici  par  fup- 
plément  les  principaux  ouvrages  de  notre 
connoiflance  qui  ont  paru  fur  cette  matière 
en  diverfes  langues  ,  afin  que-  ceux  qui 
favent  ces  langues ,  &  qui  ne  veulent  rien 
négliger  pour  s'inftruire  ,  puifTentfe  former 
une  bibliothèque  un  peu  complète  des  livres 
de  leur  métier  :  noclurnâ  verfate  manu  y 
verfate  diurnâ. 

Auteurs  latins.  Becheri  (  Joh. 
Cour.)  De  ■va.ii'ionpôvta  inculpatâ  ad  fer- 
vandam  puerperam  tract.  G'iû'x  ,  x72-9.  40. 
bon  fur  l'opération  céiarienne. 

Cypriani  (  Abraham  )  hifloria  fœtus  hu- 
mani  pofl  xxj.  menfes  ex  uteri  tuba  ,  matre 
falvâ  ac  fuperfiite  excif.  Lugd.  Bat.  1700. 
8°.  c.  f.  c'eft  l'hiftoire  d'un  cas  important 
en  faveur  de  l'opération  céfarienne. 

Deventer  (  Henrici  )  Ars  obfietricandi. 
Lugd.  Bat.  170 1  &  1724..//2-40.  ibid.  1725. 
fig.  en  françois  à  Paris  ,  1733  &  1738, 
//2-40.  avec  fig.  en  Allemand  ,  Jence  y  1717 
//2-80.  fig.  &  en  d'autres  langues.  C'efl 
ici  le  meilleur  ouvrage  qui  ait  encore  paru 
fur  l'art  des  accouchemens  dans  aucun 
pays. 

Hofîmanni  (  Daniel  )  Annotationes  de 
partu  tam  naturali  quàm  violemo.  Francof. 


4>8  E  N  F 

1710.  in-$°.  il  faut  lire  ces  remarques 
en  médecin  ,  &  non  pas  en  fëvere  légiiia- 
teur. 

Prato  (Xafonis)  de  pariente  &  partu  liber. 
Bafil.  1527.  8°.  Amftel.  1657.  I2-  il  °e 
méritoir  pas  d'être  réimprimé  chez  Blaeu. 

Rhodionis  (Eucharii)  de  panu  hominis. 
Paris,  1536.  //2-12.  &c.  Francof.  1554.  &°. 
c.  f.  ce  petit  ouvrage  a  été  autrefois  fort 
recherché  ,  &  fouvent  réimprimé. 

Rueii  (Jacob)  de  conceptu  &  generatione 
hominis  y  liber  iv.  cum  icon.  Tiguri ,  1 5  54.- 
fig.  1580.  4°.  &  Francof.  1587.  2/2-4°. 
Auclwr  in  Gynœciorum  libris  à  Spacckio. 
Argent.  1 597.  édit.  fol.  en  haut  Allemand  à 
Francfort ,   1660.  40. 

Soiingen  (  Cornel.  )  de  obftetricantium 
officiis  Ù  opère.  Francof.  1693,  "*-4°«  avec 
fes  œuvres  chirurgicales.  L'original  ,  écrit 
en  Hollandois  ,  parut  à  Amfr.  en  1684. 
i/2-40 •  &  c'eit  un  affez  bon  auteur. 

Spachius  (  Iiraé'l  )  Gynœciorum  libri  il- 
lufirati.  Argentorati  ,  1 597.  fol.  Collection 
qui  doit  entrer  dans  la  bibliothèque  des 
Accoucheurs  &  des  Médecins. 

Auteurs  François.  Amand 
(  Pierre.  )  Nouvelles  obfervations  fur  la 
pratique  des  accouchemens.  Paris  zji^,. 
2/2-8°.  première  édit.  fig. 

BienaJJîs  (  Paul  )  des  divers  travaux 
&  enfantement  des  femmes  ,  traduit  du 
Latin  d'Eucharius  Rhodion.  Paris  2  £86. 
in-  2  6 '. 

Bourgeois  (  Louife  )  dite  Bourfier.  Ob- 
fervations fur  la  ilérilité,  pertes  de  fruit, 
fécondité  ,  les  accouchemens ,  maladies 
de  femmes  ,  &  enfans  nouveau  -  nés. 
Paris  _,  z  6x6.  in~8°.  z  6 53.  traduit  en 
Hollandois  &  en  Allemand  ;  il  eft  devenu 
rare. 

Bury  (Jacques.)  Le  propagatif  de  l'hom- 
me ,  &  fecours  des  femmes  en  travail  d'en- 
fant. Paris y  26x3.  in-2X.fig.  mauvais 
ouvrage. 

Dionis  (Pierre.)  Traité  des  accouche- 
mens. Paris  ,  1718.  1724.  in-S°.fig. 

Dutertre  (  Marguerite.  )  Inftrudion  des 
Sages-femmes.  Paris ,  i6jj.  i/z-12.  très- 
médiocre. 

Duval  (  Jacques.  )  Traité  des  Herma- 
phrodites &  de  l'accouchement  des  femmes. 
Rouen y  16  J2.  i/2-80.  il  eil  rare. 


E  N  F 

Fournier  (  Denis  )  l'Accoucheur  métho- 
dique. Paris  y  1677.  i/2-12.  il  ne  mérite 
aucune  eftime. 

Gervais  de  la  Touche.  L'induftre  natu- 
relle de  l'enfantement  contre  l'impéritie  des 
Sages-femmes.  Paris  y  1 5^7.  2/2-0°.  On  le 
lifoit  avant  que  Mîturiceau  parût. 

Guillemeau  (  Jacques  )  de  la  groflefîê  & 
accouchement  des  femmes.  Paris  y  162.1. 
2/2-80.  fig.  1643.  2/2-80.  fig.  Il  y  a  du  lavoir 
dans  cet  ouvrage. 

Inftruction  familière  &  utile  aux  Sages- 
femmes  pour  bien  pratiquer  les  accouche- 
mens. Paris  y   17 10.  z/z-12.  bon. 

Lèvre t  (  André.  )  Obfervations  fur  les 
caufes&  les  accidensde  plufieurs  accouche- 
mens iaborieux  ,  avec  des  remarques ,  Ùc. 
Paris ,  1747.  2/2-80.  c.  f.  1750.  féconde 
édit.  Il  faut  qu'un  praticien  fe  munilîê  de 
livres  de  ce  genre. 

Marche  (  la  dame  de  la.  )  Inftru&ions  uti- 
les aux  Sages-femmes.  Pari s,  17106"  1723. 
2/2-12.  bon  à  recommander  aux  Accou- 
cheurs. 

Mauriceau  (  Fr.  )  Traité  des  maladies 
des  femmes  groifes.  Paris  y  168 1.  z/z-40. 
premitre  édit.  1728.  2  vol.  2/Z-40.  fixieme 
édit.  Voilà  le  premier  praticien  du  monde  , 
celui  à  qui  toute  l'Europe  eft  redevable  de 
Fart  des  accouchemens  &  de  les  progrès. 
Son  ouvrage  eu  traduit  dans  toutes  les  lan- 
gues ,  &  le  mérite  bien. 

Me fnard  (Jacques.  )  le  guide  des  accou- 
chemens. Paris  y  1743.2/2-8°.  avec  fig. 

Motte  (  Guillaume  Mauquefl.  de  la.  ) 
Traité  des  accouchemens.  Paris  y  171$. 
première  édit.  2/2-4°.  Ce  livre  efl  plein  d'ex- 
cellentes obfervations. 

Peu  (Philippe.)  Pratique  des  accouche- 
mens. Paris  y  1694.  2/2-80. 

Portai  (  Paul.  )  La  pratique  des  accou- 
chemens. Paris  y  1685.  avec  fig.  première 
édit.  2/2-80.  fig.  &  Amfi.  1690.  //2-8°.  en 
Hollandois. 

Recueil  général  des  caquets  de  l'ac- 
couchée. Paris  y  1623.  z/2-80.  Ce  recueil 
ne  nous  a  rien  appris  ,  &  il  falloit  nous 
inftruire. 

Rouffet  (  François.)  Traité  nouveau  de 
l'Hyjftérotomotochie  ou  de  Yenfantement 
céfanen.  Paris  y  1 581.  2/1 -8°.  première 
édit.  en  Allemand  ,  par  Melchior  Sebiiius* 


E  N  F 

i/i-8°.  en  latin  ,  par 
des  additions.  Bafil. 


Strasb.  1583.  i/2-80.  en  latin  ,  par  Gafp. 
Bauhin  ,  avec  des  additions.  Bafil.  1589. 
i/2-8*.  ibid.  1591.  2/2-8°.  c.  f.  Franco/. 
1601.  i/2-80.  c.  f.  rare  &  curieux. 


439 


Rideau  (J.)  Traité  de  l'opération  céfa- 
rienne  &  des  accouchemens  difficiles  &  la- 
borieux. Paris  P  1704.  i/z-12.  première  édit. 
curieux  auffi. 

S.  Germain  (  Charles  de  ).  Traité  des 
Faufles-couches. Pans ,  1655.  z/2-80. 

Viardel  (Cofme).  Obfervations  fur  la 
pratique  des  accouchemeq^.  Paris  ,  i£ôi. 
auteur  médiocre  qu'on  a  pourtant  traduit  en 
Allemand. 

Auteurs  An gloi s.  Braken(Hen~ 
rici).  A.  Treatife  of  Midwifery.  Lond. 
17^7.  i/z-8°.  bon  à  conlulter. 

Chamberlain.  Practice  of  Midwifery. 
London  9  1665.  i/z-8°.  C'eft  le  Mauriceau 
d'Angleterre,  un  des  premiers  qui  ait  ac- 
quis de  la  célébrité  fur  la  pratique  des 
accouchemens  ;  mais  on  l'a  beaucoup  per- 
fectionné depuis. 

Chapman  {Edmund).  A  Treatife  on  the 
improvement  of  Midwifery  ,  chiefly  with 
regard  to  the  opération.  London  ,  1733. 
i/z-8°.  première  édit.  ibid.  1738.  i/2-80.  bon 
à  confulter. 

Giffard  (  William  ).  Two  hundred  and. 
twenty  five  cafés  in  Midwifery.  London  , 
1733.  *'n-£°«  bon,  parce  que  ce  font  des 
obiervations. 

Hody  (Hedward).  Cafés  in  Midwifery 
by  William  Giffard  rcvis'd.  Lond.  1734. 
i/z-8°.  c.  f.  bon  encore  par  la  même  rai- 
Ion. 

J.  P.  The  compleat  Midwifc's  Praclicc. 
Lond.  1699.  i/z-8°.  c.  f. 

Manningham  (  Richard  ).  Artis  obfte- 
xricandi  compendium  theoriam  &:  praxim 
fpeclans.  Lond.  1739.  i/z-40.  Hamb.  1746. 
z/z-40.  c.  f.  avec  des  augmentations.  C'eft  ici 
la  meilleure  édit.  pour  les  chofes. 

Mowbray  {John).  The  Female  Phyfi- 
cian  ,  &c.  London,  172$.  z/z-8°.  With 
Copperplates. 

Ould  (  Thielding.  )  A  Treatife  of  Mid- 
wifery in  three  parts.  London  }  1720.  i/2-80. 
fig.  C'eft  un  des  livres  médiocres  d'Angle- 
terre fur  cette  matière. 

Sermon  (  William  ).  The  english  Mid- 
vifç.  Lond.  1671. z/z-8°.  c.  f.  Traité  tombé 


E  N  F 

dans  l'oubli ,  quoiqu'il  ait  paru  après  celui 
de  Chamberlain. 

Sharp  (Mrs.)  The  compleat  Midwife's 
Companion.  Lond.  1737.  i/2-80.  malgré  le 
titre  ,  c'eft  peu  de  chofe. 

Stone  (  Sarah  ).  A  complète  Pra&ice  of 
Midwifery.  London  >  1737,  i/2-80.  On  a 
encore  plus  promis  dans  le  titre  de  ce  livre , 
qu'on  n'a  tenu  dans  l'exécution. 

Auteurs  Allemands.  Bo'èkel- 
man  (André).  Controverfes  fur  l'extraclion 
du  fœtus  mort  ,  en  Allemand  ,  mais  origi- 
nairement en  Hollandois.-<4/77/?.  1697.  i/2-8*. 
bon. 

Eckhardi,  unvofichtige  Hebamme y  c'eft- 
à-dire  ,  la  fage-femme  imprudente.  Lipf. 
1715.  i/2-80.  utiie. 

Homburgen  (Anna  Elyf.)    Unterricht 


der  Hebammen  >  c'eft-à-dire  ,  inftruclion 
des  fages-femmes.  Hannov.  1700.  i/2-80. 

Hoorn.  (  Joli.  Von.  )  Art  des  accouche- 
chemens  ,  en  Suédois.  Stockolm  ,  1697  6? 
1726.  i/2-80.  avec  fig.  C'eft  un  des  bons 
manuels  qu'on  ait  en  langue  Suédoife  ,  pour 
instruire  les  accoucheufes.  ' 

Richters  (  È.  C.)  Alle\eit  vorfichtige 
Web-mutter.  Franco/.  1738.  i/2-80.  bon. 

Sigemundi  (Jufiina)  Brandenburgifche 
Hoff'- Web-mutter.  Berolini  y  1689  & 
1708.  i/2-40.  F°rt  bon  ouvrage  ,  &  je  crois 
le  meilleur  qui  ait  paru  en  langue  Alle- 
mande. 

Sommers  (  Joh.  Georg.  )  Hebammen 
Schul.  c'eft-à-dire ,  école  des  accoucheufes. 
Coburg.  1664.  'fl-12-  ibid.  1691.  171 5. 
i/2-12.  avec  fig. 

Sterren  (Dyonifius  Vah-der).  Traité  de 
l'accouchement  céiarien  ,  originairement 
en  Hollandois  à  Leyden.  1682.  i/2-12. 
Tout  ce  qui  a  été  dit  fur  l'opération  cé- 
farienne  doit  être  recueilli. 

Voèlters  (  Chriftophor.  )  Hebammen 
Schul.  c'eft-à-dire ,  l'école  des  accouche- 
mens ;  Stutgnard.  1679.  ^-8°.  On  peut  aller 
à  meilleure  école  qu'à  celle  de  cet  auteur. 

Welfchens  (Gou/red)  Kinder-mutter 7 
undHebemmen-Buch.  Witteb.  1671.  f/2-40. 
Ouvrage  très-médiocre. 

Widmania  (Barbara)  anweifung  chrif~ 
tilkhen  Hebammen  ,  c'eft-à-dire  ,  la  fage- 
temme  chrétienne  éclairée.  Auguftûe  Vin- 
del.  173$.  z/z-8°.  utile  aux  accoucheufes. 


44°  E  N  F 

Auteurs  Italiens.  Meîll  (Se- 
bajiiano).  La  Commare  levatrice  ifirutta  del 
fuo  offido.  config.  Venet.  1721.  i/z-40.  bon. 

Mercurio  (Scipione).  La  Commare  9  o  , 
Riccogitrice  in  Vene\.  1604.  //7-40.  pre- 
mière édit.  in  Milano  161  S.  //2-40.  in  Ve- 
rona  1641.  i/z-40.  avec  fig.  fur  bols.Ibid. 
1661 .  z/z-40.  avec  fig,  en  Allemand.  IVit- 
temb.  1671.  &  à  Leipjig.  1692.  avec  fig. 
curieux  &  fort  rare. 

Santorini  (  Givano  Domenico).  Hiflo- 
ria  d'un  Feto  felicimente  ejlratto.  Vene\. 
1727.  i/1-40.  On  peut  compter  fur  les  ob- 
fervations  de  cet  habile  Anatomiffe. 

Je  n'ai  pas  befoin  de  remarquer ,  en 
fmifTant  ma  lifte  ,  qu'on  trouve  fur  les  ac- 
couchemens  d'excellentes  obfervations  fe- 
rmées dans  les  mémoires  de  l'académie  des 
fciences  &  de  chirurgie  de  Paris  ;  les  tran- 
inclions  philofophiques  de  Londres ,  les  acles 
de  la  fociété  d'Edin bourg  ,  &  autres  fem- 
blablcs.  Il  feroit  à  foulïaiter  que  le  tout  fût 
réuni  en  un  feul  corps  pour  l'utilité  des 
gens  de  l'art.  Article  de  M.  le  chevalier 
DE  JAUCOURT. 

Enfantement  douleurs  del\  (Mé- 
dec.  )  ce  font  celles  qui  font  particulières  à 
la  femme  grofîe ,  qui  annoncent  &  qui 
précèdent  fa  prochaine  délivrance  ;  état 
bien  touchant  &  bien  intéreffant  pour 
l'humanité. 

C'eft  dans  cet  état  que  la  femme  grotte  de- 
vient ordinairement  très-attentive  à  toutes 
les  révolutions  qui  fe  font  en  elle  On  ne 
peut  raifonnablement  blâmer  fes  frayeurs  & 
fa  prévoyance  ;  perfonne  ne  doit  être  plus 
intérefTé  qu'elle  à  la  confervation  de  fa 
vie ,  &  à  celle  du  fruit  qu'elle  porte  dans 
fon  fein.  Elle  va  jouer  le  rôle  le  plus  grave 
&  le  plus  pénible  dans  l'action  qui  s'ap- 
proche. En  conféquence  ,  les  moindres 
douleurs  qu'elle  fouffre  ne  manquent  pas 
de  l'alarmer  ,  fur-tout  dans  fa  première 
grofTefTe  ;  &  le  fcntiment  ou  la  conno'riïànce 
du  péril  qu'elle  peut  courir ,  la  prefîe  d'ap- 
peller  à  fon  aide  une  habile  accoucheule , 
ou  ,  ce  qui  vaut  encore  mieux  ,  un  accou- 
cheur confommé. 

Ceux-ci,  infiruits  par  leurs  lumières  & 
par  leur  expérience  ,  commencent  d'abord 
par  examiner  foigneufement  &:  très-fcrupu- 
leufement  l'efpece  de  douleurs  de  la  femme 


E  N  F 

grofîe.  Cet  examen  eii  de  la  dernière  im- 
portance ;  parce  que  d'un  côté  il  feroit 
très-imprudent  de  retarder  un  travail  réel , 
&  de  l'autre  ce  feroit  expofer  la  vie  de  la 
femme  &  celle  de  fon  enfant ,  que  de 
hâter  ,  par  le  fecours  de  l'art  ,  une  opéra- 
tion qui  n'efl  pas  encore  préparée  par  les 
fecrets  de  la  nature.  Je  fais  bien  que  les 
femmes  qui  ont  eu  plufieurs  enfans  ,  fè 
croient  capables  de  diftinguer  les  vraies  dou- 
leurs de  ['enfantement  de  celles  qui  provien- 
nent de  toute  autre  caufe  ;  mais  outre 
qu'elles  s'abufent  d'ordinaire  ,  l'accoucheur 
lui-même  ,  quoique  très-éclairé  dans  fon 
art  ,  s'y  trompe  quelquefois.  Il  importe 
donc  de  parcourir  les  fignes  ici  les  plus 
diftin&ifs  auxquels  on  peut  reconnoître  les 
taufles  douleurs  des  véritables. 

Les  douleurs  qui  ne  partent  point  de  la 
matrice,  qui  ne  la  dilatent  point,  qui  ne 
portent  point  en  en-bas ,  qui  paroifTent 
long-temps  avant  le  terme  ,  qui  ne  font 
pas  précédées  de  l'écoulement  des  eaux  , 
font  ce  qu'on  appelle  douleurs  faujjes  y 
c'efl-à-dire*,  qui  ne  caraclérifent  point  Y  en- 
fantement prochain.  Ces  douleurs  fauffes 
proviennent  quelquefois  des  vents  renfer- 
més dans  les  inteftins  ,  que  l'on  recon- 
noît  au  murmure  qui  fe  fait  dans  le  bas- 
ventre  ;  quelquefois  de  tenefmes ,  d'envies 
continuelles  d'aller  à  la  felle  par  la  com- 
preflion  de  l'utérus  fur  le  reclum  ;  d'autres 
fois  une  grande  émotion  ou  des  parlions 
vives  fuffifent  pour  exciter  fur  la  fin  de 
la  grofTefTe  des  douleurs  violentes  ,  fans 
qu'elles  annoncent  la  délivrance  prochaine. 

Les  douleurs  vraies  de  Y  enfantement  com- 
mencent dans  la  région  lombaire  ,  s'étendent 
du  côté  de  la  matrice  ,  rendent  le  pouls  plus 
plein ,  plus  fréquent  &  plus  élevé  ;  elles  don- 
nent de  la  couleur,  parce  que  le  fang  efl 
porté  au  vifage  avec  plus  de  vîteffe  &  en 
plus  grande  quantité  ;  elles  fe  rallentifTent  & 
redoublent  par  intervalles.  La  douleur  qui 
fuit ,  ei\  toujours  plus  grande  que  celle  qui 
l'a  précédée ,  en  forte  qu'on  peut  dire  que 
c'efl  par  un  accroifîement  fucceffif  des  dou- 
leurs qu'une  femme  eft  conduite  à  Y  enfan- 
tement qui  les  termine. 

Les  douleurs  vraies  fe  diflinguent  encore 
des  douleurs  de  colique  ,   en  ce  que  ces 
dernières  fe  diflipent  ou  du  moins  reçoi- 
vent 


_ENF 

vent  quelque  foulagement  par  l'application 
des  linges  chauds  lui  l'abdomen  ,  l'ulage 
interne  des  emoiliens  onctueux  ,  la  fai- 
gnée  ,  les  lavcmens  adouciilans ,  &c.  .  au 
lieu  que  tous  ces  moyens  lemblent  exciter 
plus  fortement  les  véritables  douleurs  de 
l'enfantement. 

Un  autre  fïgne  affez  diftinétlf  ,  eft  le 
lieu  de  la  douleur  :  dans  les  coliques  ven- 
teufes ,  l'endroit  de  la  douleur  eft  vague  ; 
dans  l'inflammation  il  eft  fixe  :  Se  a  pour 
ilege  les  parties  enflammées  :  mais  les  dou- 
leurs de  X enfantement  font  alternatives  ,  dé- 
terminées vers  la  matrice  avec  reflerrement 
Se  dilatation  luccefïive  ,  8e  répondent  tou- 
jours en  en- bas. 

On  foupçonne  toutes  les  douleurs  qu'une 
femme  fouffre  avant  le  neuvième  mois, 
d'être  faujfes  ,  8c  par  conféquent  on  ne 
doit  pas  chercher  à  les  augmenter  :  s'il 
arrivoit  néanmoins  qu'au  feptieme  mois 
de  la  groflèfïe  une  femme  entrât  réelle- 
ment en  travail ,  il  faudrait  non-feulement 
ne  le  point  retarder  ,  mais  le  hâter  avec 
prudence. 

Au  furplus  ,  ce  qu'il  y  a  de  mieux  à 
faire ,  pour  n'être  point  trompé  dans  cette 
occaflon  ,  c'eft  de  toucher  l'orifice  de  la 
matrice  ;  Se  fon  état  fournira  les  notions 
les  plus  certaines  fur  la  nature  des  dou- 
leurs ,  &  les  lignes  caractériftiques  du  fu- 
tur accouchement.  Si  les  douleurs  font 
fauflès  ,  l'orifice  de  la  matrice  Ce  refermera 
plus  étroitement  qu'auparavant  dès  qu'elles 
feront  paflées  ;  il  elles  font  vraies  ,  elles 
augmenteront  la  dilatation  de  l'orifice  de 
la  matrice.  Ainfi  l'on  décidera  du  caractère 
des  douleurs ,  en  touchant  l'utérus  avant 
Se  après  ;  en  effet ,  lorfque  la  matrice  agit 
fur  l'enfant  qu'elle  renferme ,  elle  tend  à 
furmonter  la  réfiftance  de  l'orifice  qui  fe 
dilate  peu  à  peu.  Si  l'on  touche  cet  orifice 
dans  le  temps  des  douleurs  ,  on  fent  qu'il 
fe  refferre  ;  Ôc  lorfque  la  douleur  eft  dif- 
fipée ,  l'orifice  fe  dilate  de  nouveau.  Ainfi 
pr.r  l'augmentation  des  fouffrances  ,  Se  par 
le  progrès  de  la  dilatation  de  l'orifice , 
lorsqu'elles  feront  ceflées ,  on  peut  s'aflurer 
de  la  nature  des  douleurs  ,  juger  allez  bien 
du  temps  de  1  accouchement  prochain  ,  & 
diriger  fa  conduite  en  conféquence. 

Les  douleurs  avant-courieres  de  l'enfan- 
»  Tome.  XII, 


E   N  F  4f î 

tement ,  font  celles  qui  fe  font  fentir  à  1  re- 
proche du  travail  pendant  quelques  heures , 
de  même  quelquefois  pendant  pluileurs 
jours  :  on  les  appelle  mouches.  Quoique  les 
femmes  en  foient  très-fatiguées  ,  elles  leur 
font  extrêmement  falutaires  ;  ce  (ont  elles 
qui  produisent  la  dilatation  fuccefïive  de 
Toriflce  de  la  matrice  ;  elles  contribuent  à 
la  formation  des  eaux  ;  elles  pouflent  l'en- 
fant dans  une  fituation  propre  à  fortir  ;  elles 
préparent  les  pafïages  qui  fe  trouvent  en- 
duits d'une  humeur  émoiiliente  &  mucila- 
gineufe  qu'elles  expriment  de  la  matrice  ; 
Se  peut-être  fervent-elles  encore  à  détacher 
le  placenta  de  la  furface  intérieure  de  l'uté- 
rus ;  détachement  qui  précède  immédiate- 
ment la  naillance  de  l'enfant.  Je  dis  que  la 
femme  grofle  éprouve  quelquefois  de  pa- 
reilles douleurs  pendant  plufieurs  jours  ; 
c'eft  pourquoi  l'accoucheur  feroit  impru- 
dent de  la  mettre  en  travail  ,  avant  que  les 
autres  raifons  décifives  Se  réunies  enfemble 
ne  l'y  déterminaient. 

Enfin  ,  comme  il  fe  fait  fouvent  dans  les 
femmes  prêtes  d'accoucher ,  des  mouvemens 
violens  ,  foit  dans  le  vifage ,  les  yeux  ,  les 
lèvres  ,  foit  dans  les  bras ,  foit  dans  les 
organes  de  la  refpiration  ,  foit  dans  le  bas- 
ventre  ,  foit  dans  les  parties  inférieures  du 
corps  ;  ces  mouvemens  impétueux  Se  pref- 
que  convulfifs  font  la  voix  de  la  niture 
même,  qui  apprend,  qui  crie  à  l'accou- 
cheur ,  que  les  vraies  douleurs  de  la  femme 
grofle  font  parvenues  au  degré  de  violence 
nécefîaire  pour  l'expulfion  de  l'enfant ,  le- 
quel à  ion  tour  aura  befoin  en  naiffant  de 
fecours  de  toute  efpece  ,  incapable  de  faire 
aucun  ufage  de  fes  organes ,  Se  de  fe  fervir 
de  fes  fens  ;  image  de  mifere  ,  de  fouffran- 
ces Se  d'imbécillité  !  Article  de  M.  le  Che- 
valier DE  JaUCOURT. 

ENFER ,  f.  m.  (  Théologie.  )  lieu  de  tour- 
mens  où  les  méchans  fubiront ,  après  cette 
vie  ,  la  punition  due  à  leurs  crimes. 

Dans  ce  fens  le  mot  d'enfer  eft  oppofé  à 
celui  de  ciel  ou  paradis.  Voye{  Ciel  & 
Paradis. 

Les  Païens  avoient  donné  à  l'enfer  les 
noms  de  tartarus  ou  tartara  ,  hades ,  infer- 
nus ,  inferna  ,  inferi ,  or  eus  ,  Sec. 

Les  Juifs  n'ayant  point  exactement  de 
nom  propre  pour  exprimer  l'enfer  dans  le 

Kk'k 


44*  E  N  F 

fens  où  nous  venons  de  le  définir  (  car  le 
mot  Hébreu  fcheol  fe  prend  indifféremment 
pour  le  lieu  de  la  fépulture  ,  &  pour  le 
lieu  de  fupplice  réfervé  aux  réprouvés  )  , 
ils  lui  ont  donné  le  nom  de  Gekcnna  ou 
Gehinnon  ,  vallée  près  de  Jérufalcm  ,  dans 
laquelle  étoit  un  tophet  ou  place  ,  où  Ton 
entretenoit  un  feu  perpétuel  allumé  par  le 
fanatifme  pour  immoler  des  enfans  à  Mo- 
loch.  De  là  vient  que  dans  le  nouveau 
Teftament  Yenfer  eft  fouvent  défigné  par 
ces  mots  Gehenna  ignis. 

Les  principales  queftions  qu'on  peut 
former  fur  Yenfer ,  fe  réduifent  à  ces  trois 
points  :  Ton  exiftence  ,  fa  localité  ,  &  l'éter- 
nité des  peines  qu'y  fouffrent  les  réprouvés. 
Nous  allons  les  examiner  féparément. 

I.  Si  les  anciens  Hébreux  n'ont  pas  eu 
de  terme  propre  pour  exprimer  Yenfer  ,  ils 
n'en  ont  pas  moins  reconnu  la  réalité.  Les 
auteurs  infpivés  en  ont  peint  les  tourmens 
avec  les  couleurs  les  plus  terribles  :  Moyfe , 
dans  leDeutéronome  ,  chap.  xxxij ,verf.  %%, 
menace  les  ifraélites  infidèles ,  &  leur  dit 
au  nom  du  Seigneur:  Un  feu  s'efl  allumé 
dans  ma  fureur ,  &  il  brûlera  juf qu'au  fond 
de  /enfer  ;  il  dévorera  la  terre  &  toutes  les 
plantes  ,  &  il  brûlera  les  fondemens  des  mon- 
tagnes. Job  y  chap.  xxiv ,  verf.  ig  ,  réunit 
iur  la  tête  des  réprouvés  les  plus  extrêmes 
douleurs  :  Que  le  méchant ,  dit-il  ,  pajfe  de 
la  froideur  de  la  neige  aux  plus  cxcejjives 
chaleurs  ;  quefon  crime  defcende  jufque  dans 
/'enfer  ;  &  au  chap.  xxvj ,  verf.  6 ,  /'enfer 
ejl  découvert  aux  yeux  de  Dieu  ,  &  le  lieu 
de  la  perdition  ne  peut  fe  cacher  à  fa  lumière. 
Enfin  ,  pour  ne  pas  nous  jeter  dans  des 
citations  infinies  ,  Ifaïe  ,  chap.  Ixvj ,  v.  2.4  , 
exprime  ainfï  les  tourmens  intérieurs  <k 
extérieurs  que  fubiront  les  réprouvés  :  Vi- 
debunt  cadavera  virorum  qui  prevaricati 
funt  in  me  ,  vermis  ecrum  non  morietur  ,  & 
ignis  eorum  non  extinguetur  ,  &  erunt  ufque 
ad  fatietatem  vijionis  omni  car  ni  ;  c'eft-à- 
dire  ,  comme  porte  l'Hébreu  ,  ils  feront  un 
fujet  de  dégoût  à  toute  chair  ,  tant  leurs 
corps  feront  horriblement  défigurés  par  les 
tourmens. 

Ces  autorités  fuffirent  pour  fermer  la 
bouche  à  ceux  qui  prétendent  que  les  an- 
ciens Hébreux  n'ont  eu  nulle  connoiffance 
lies  châtimens  de  la  vie  future  3  parce  que 


E  N  F 

Moyfè  ne  les  menace  ordinairement  que 
des  peines  temporelles.  Les  textes  que  nous 
venons  de  citer  ,  énoncent  clairement  des 
punitions  qui  ne  doivent  s'infliger  qu'après 
la  mort.  Ce  qu'on  objecte  encore,  que  les 
écrivains  facrés  ont  emprunté  ces  idées  des 
poètes  Grecs  ,  n'a  nul  rondement  :  Moyfe 
eft  de  plufieurs  fiecles  antérieur  à  Homère. 
Soit  que  Job  ait  été  contemporain  de 
Moyfe  ,  ou  que  fon  livre  ait  été  écrit  par 
Salomon  ,  comme  le  prétendent  quelques 
critiques ,  il  auroit  vécu ,  vers  le  temps  du 
fiege  de  Troye  ,  qu'Homère  n'a  décrit  que 
quatre  cents  ans  après,  ifaïe  ,  à  la  vérité", 
étoit  à  peu  près  contemporain  d'Héliode 
&  d'Homère  ;  mais  quelle  connoiflance 
a-t-il  eue  de  leurs  écrits ,  dont  les  derniers 
fur-tout  n'ont  été  recueillis  que  par  les 
foins  de  Pififtrate  ,  c'eft-à-dire  ,  fort  long- 
temps après  la  mort  du  poète  Grec  ,  6c 
celle  du  prophète  qu'on  fuppofe  avoir  été 
le  copifte  d'Homère. 

Il  eft  vrai  que  les  Efféniens  ,  les  Pha- 
rifiens  ,  &  les  autres  fecles  qui  s'élevèrent 
parmi  les  Juifs  depuis  le  retour  de  la 
captivité  ,  &  qui ,  depuis  les  conquêtes 
d'Alexandre  ,  avoient  eu  commerce  avec 
les  Grecs  ,  mêlèrent  leurs  opinions  particu- 
lières aux  idées  (impies  qu'avoient  eues  les 
anciens  Hébreux  fur  les  peines  de  Venfer. 
"  Les  Efféniens  ,  dit  Jofeph  dans  fon  Hift. 
»  de  la  guerre  des  Juifs  ,  liv.  II ,  chap..  xij  y 
»  tiennent  que  lame  eft  immortelle  ,  & 
»  qu'aufîi-tôt  qu'elle  eft  fortie  du  corps  > 
»  elle  s'élève  pleine  de  joie  vers  le  ciel , 
»  comme  étant  dégagée  d'une  longue  fer- 
»  vitude ,  &  délivrée  des  liens  de  la  chair. 
»  Les  âmes  des  juftes  vont  au  delà  de 
»  l'Océan,  dans  un  lieu  de  repos  &  de 
»  délices  }  où  elles  ne  font  troublées  par 
»  aucune  incommodité  ni  dérangement 
»  des  faifons.  Celles  des  médians  au' con- 
»  traire  font  reléguées  dans  des  lieux  expo- 
»  fés  à  toutes  les  injures  de  l'air,  où  elles 
•»  fouffrent  des  tourmens  éternels.  Les  Efle- 
»  niens  ont  fur  ces  tourmens  à  peu  près  les 
»  mêmes  idées  que  les  poètes  nous  donnent 
»  du  Tartare  &  du  royaume  de  Pluton.  » 

Fbje^EssÉNIENS. 

Le  même  auteur  ,  dans  fes  antiquités 
judaïques ,  liv.  XVIII ,  chap.  ij  ,  dit  "  que 
»  les  Phariiiens  croient  aufE  les  âmes  im- 


E  N  F 

ï»  mortelles ,  ôc  qu'après  la  mort  du  corps 
»  celles  des  bons  jouilîent  de  la  félicité  , 
»  6c  peuvent  alternent'  retourner  dans  le 
»  monde  animer  d'autres  corps  ;  mais  que 
»  celles  des  médians  font  condamnées  à 
y  des  peines  qui  ne  finiront  jamais.  » 
Voye^  Pharisiens. 

Philon  ,  dans  l'opu  feule  intitulé  de  con- 
gre (fu  queerendee  eruditionis  caufâ ,  recon- 
noit ,  ainfi  que  les  autres  Juifs  ,  des  peines 
pour  les  médians  ,  ôc  des  récompenfes  pour 
les  j  uftes  :  mais  il  eft  fort  éloigné  des  fen- 
timens  des  Païens ,  &  même  des  Efléniens 
au  lujer  de  l'enfer.  Tout  ce  qu'on  raconre 
de  Cerbère  ,  des  Furies  ,  de  Tantale  , 
dTxion  ,  ùc.  tout  ce  qu'on  en  lit  dans  les 
poètes ,  il  le  traite  de  fables  Ôc  de  chimères. 
11  ibutient  que  Venfer  n'eft  autre  chofe 
qu'une  vie  impure  &  criminelle  ;  mais  cela 
même  eft  allégorique.  Cet  auteur  ne  s'ex- 
plique fias  diftinclement  fur  le  lieu  où  font 
punis  les  médians,  ni  fur  le  genre  ôc  la 
qualité  de  leur  fupplice  ;  il  femble  même 
le  borner  au  paflage  que  les  âmes  font  d'un 
corps  dans  un  autre  ,  où  elles  ont  fouvent 
beaucoup  de  maux  à  endurer  ,  de  priva- 
tion à  fourbir  ,  &  de  confufion  à  efïuyer  : 
ce  qui  approche  fort  de  la  métempfycofe 
de  Pythagore.  Voye^  Métempsycose. 

Les  Sadducéens  qui  nioient  l'immorta- 
lité de  Parti;  ,  ne  reconnoifïbient  par  con- 
féquent  ni  récompenfes  ni  peines  pour  la 
vie  future.  Voye-{  Sadducéens. 

L'exiftence  de  Venfer  ôc  des  fupplices 
éternels  eft  atteftée  prefque  à  chaque  page 
du  nouveau  Teftament.  La  ientence  que 
Jefus-Chrift  prononcera  contre  les  réprou- 
vés au  jugement  dernier  ,  eft  conçue  en 
ces  termes  :  Matth.  XXV.  f.  34.  Ite ,  male- 
dicli ,  in  ignem  œternum  quiparatus  ejl  diabolo 
&  angelis  ejus.  Il  représente  perpétuelle- 
ment Venfer  comme  un  lieu  ténébreux  où 
régnent  la  douleur ,  la  triftefle  ,  le  dépit , 
la-rage ,  ôc  comme  un  féjour  d'horreur  où 
tout  retentit  des  grincemens  de  dents  & 
des  cris  qu'arrache  le  défèfpoir.  S.  Jean  , 
dans  TApocalypfe  ,  le  peint  fous  Pimage 
d'un  étang  immenfè  de  feu  &  de  foufre , 
où  les  médians  feront  précipités  en  corps 
ôc  en  ame ,  &  tourmentés  pendant  toute 
l'éternité. 

En  conféquence ,  les  Théologiens  diftin- 


E  N  F  44j 

J  guent  deux  iortes  de  tourmens  dans  Venfer  : 
lavoir  ,  la  peine  du  dam  ,  pxna  damni  feu 
damnationis  5  c'eft  la  perte  ou  la  privation 
de  la  vifion  béatifique  de  Dieu  ,  vifion  qui 
doit  faire  le  bonheur  éternel  des  faints  :  ôc 
la  peine  du  (ens  ,  pjçnafenfvs  ,  c'eft-à-dire , 
tout  ce  qui  peut  affliger  le  corps  ,  ôc  fur- 
tout  les  douleurs  cui fautes  ôc  continuelles 
caufées  dans  toutes  fes  parties  par  un  feu 
inextinguible. 

Les  faufles  religions  ont  aufïi  leur  enfer  : 
celui  des  Païens  ,  allez  connu  par  les  def- 
criptions  qu'en  ont  faites  Homère  ,  Ovide 
&  Virgile  ,  eft  allez  capable  d'infpirer  de 
l'effroi  par  les  peintures  des  tourmens  qu'ils 
y  font  fouffrir  à  Ixion  ,  à  Proméchée  ,  aux 
Danaïdes ,  aux  Lapythes  ,  à  Phlégias ,  &c. 
mais  parmi  les  Païens ,  foit  corruption  du 
cœur  ,  foit  penchant  à  l'incrédulité  ,  le 
peuple  &  les  enfans  même  traitoient  toutes 
ces  belles  deferiptions  de  contes  &  de 
rêveries  ;  du  moins  c'eft  une  des  vices  que 
Juvénal  reproche  aux  Romains  de  fon 
fîecle  : 

EJfe  etliquos  mânes  &  fubterranea  régna  , 
Et  contum  ,  &  Stjgio  ranas  ingurgite  nigras  , 
Atque  unâ  tranjire  vadumtot  mïllia  cimbà  t 
Nec pueri credunt ,  nifiqui  nondum  &re  lavant ur. 
Sed  tu  veraputa.  Saur.  II, 

Voye^  Enfer  ,  (  Mythologie.  ) 

Les  Talmudiftes ,  dont  la  croyance  n'eft 
qu'un  amas  ridicule  de  fuperftitions ,  diftin- 
guent  trois  ordres  de  perfonnes  qui  paraî- 
tront au  jugement  dernier.  Le  premier  , 
des  juftes ;  le  fécond,  des  médians  ;  ôc  le 
troilieme ,  de  ceux  qui  font  dans  un  état 
mitoyen  ,  c'eft-à-dire  ,  qui  ne  font  ni  tout- 
à-fait  juftes  ni  tout-à-fait  impies.  Les  juftes 
feront  aufïï-tôt  deftinés  à  la  vie  éternelle  , 
&  les  méchans  au  malheur  de  la  gêne  ou 
de  Venfer.  Les  mitoyens  ,  tant  Juifs  que 
Gentils  ,  defeendront  dans  Venfer  avec  leurs 
corps  ,  ôc  ils  pleureront  pendant  douze 
mois ,  montant  ôc  defeendanr  ,  allant  à 
leurs  corps  ôc  retournant  en  enfer.  Après 
ce  terme  ,  leurs  corps  feront  confumés  ôc 
leurs  âmes  brûlées ,  ôc  le  vent  les  difperfera 
fous  les  pies  des  j.uftes  :  mais  les  héréti- 
ques ,  les  athées ,  les  tyrans  qui  ont  défolé 
Kkk  x 


44+  E   N  F 

la  terre  ,  ceux  q?i  engagent  les  peuples  1 
dans  le  péché  ,  feront  punis  dans  l'enfer 
pendant  les  iîeclcs  des  fiecles.  Les  rabbins 
ajoutent  que  tous  les  ans  au  premier  jour 
de  Tirfr ,  qui  '  eft  le  premier  jour  de 
Tannée  judaïque  ,  Dieu  fait  une  efpece 
de  révifionde  Tes  regiftres ,  ou  un  examen 
du  nombre  Se  de  l'état  des  âmes  qui  font 
en  enfer.  Talmud  in  Gemar.  Tracl.  Rofch. 
hafchana  ,  c.  j ,  fol.  î  6". 

Les  Mufulmans  ont  emprunté  des  Juifs 
&  des  Chrétiens  ,  le  nom  de  gehennem  ou 
gehim  ,  pour  lignifier  l'enfer,  Gehennem  , 
en  Arabe ,  lignifie  un  puits  très-profond  ;  & 
gehim  ,  un  homme  laid  ù  difforme  ;  ben 
gehennem  ,  un  fils  de  /'enfer,  un  réprouvé. 
Ils  donnent  le  nom  de  thabeck  à  l'ange  qui 
préiide  à  l'enfer.  D'Herbelot  ,  Biblioth. 
orient,  au  mot  Gehennem. 

Selon  l'alcoran ,  au  chap.  de  la  prière  3  les 
Mahométans  reconnoiflènt  fept  portes  de 
l'enfer  y  ou  fept  degrés  de  peines  :  c'eft  aulîî 
le  fentiment  de  pluiieurs  commentateurs 
de  l'alcoran ,  qui  mettent  au  premier  degré 
de  peine,  nommé  gehennem ,  les  Mufulmans 
qui  auront  mérité  d'y  tomber  :  le  fécond 
degré  ,  nommé  ladha  ,  eft  pour  les  Chré- 
tiens ;  le  trciiieme  ,  appelle  hothama  ,  pour 
les  Juifs  ;  le  quatrième  nommé  faïr ,  eft 
deftiné  aux  Sabiens  ;  le  cinquième ,  nommé 
facar  ,  eft  pour  les  mages  ou  Guebres ,  ado- 
rateurs du  feu  j  le  fixieme  ,  appelle  gehim  , 
pour  les  Païens  &  les  Idolâtres  ;  le  feptieme, 
qui  eft  le  plus  profond  de  l'abyme  ,  porte 
le  nom  de  haoviath  ;  il  eft  réfervé  pour  les 
hypocrites  qui  déguifent  leur  religion  ,  & 
qui  en  cachent  dans  le  cœur  une  différente 
de  celle  qu'ils  profeflent  au  dehors. 

D'autres  interprètes  Mahométans  expli- 
quent différemment  ces  fept  portes  de  l'en- 
fer. Quelques-uns  croient  qu'elles  marquent 
les  fept  pochés  capitaux.  D'autres  les  pren- 
nent des  fept  principaux  membres  du  corps 
dont  les  hommes  le  fervent  pour  offenfer 
Diefc  ,  &  qui  font  les  principaux  inftrumens 
de  leurs  crimes.  C'eft  en  ce  fens  qu'un  poé'te 
Perfan  a  dit  :  "  Vous  avez  les  fept  portes 
»  d'enfer  dans  votre  corps  ;  mais  l'ame 
»  peut  faire  fept  ferrures  à  ces  portes  :  la 
«  clef  de  ces  ferrures  eft  votre  libre  arbitre, 
»>  dont  vous  pouvez  vous  fervir  pour  fer- 
«  mer  ces  portes  ,  iî-bien  qu'elles  ne  s'ou- 


£  N  F 

»  vrent  plus  à  votre  perte.  »  Outre  la  peine 
du  feu  ou  du  fens ,  les  Mufulmans  recon- 
noiflènt auiïl  comme  nous  celle  du  dam. 

On  dit  que  les  Cafres  admettent  treize 
enfers  ,  &  vingt-fept  paradis  ,  où  chacun 
trouve  la  place  qu'il  a  méritée  fuivant  fes 
bonnes  ou  mauvaises  actions. 

Cette  perfuaiïon  des  peines  dans  une  vie 
future ,  univerfellement  répandue  dans  tou- 
tes les  religions,  même  les  plus  faufïès,  8c 
chez  les  peuples  les  plus  barbares ,  a  toujours 
été  employée  par  les  légillateurs  comme  le 
frein  le  plus  puiftant  pour  arrêter  la  licence 
&  le  crime  ,  &  pour  contenir  les  hommes 
dans  les  bornes  du  devoir. 

II.  Les  auteurs  font  extrêmement  partagés 
fur  la  féconde  queftion  :  favoir  ,  s'il  y  a 
effectivement  quelque  enfer  local,  ou  quel- 
que place  propre  &  fpécifique  où  les  réprou- 
vés fouffrent  les  tourmens  du  feu.  Les  pro- 
phètes ôk  les  autres  auteurs  facrés  parlenc  en 
général  de  l'enfer  comme  d'un  lieu  (buterrain 
placé  fous  les  eaux  &  lesfondemens  des  mon- 
tagnes ,  au  centre  de  la  terre ,  &  ils  le  dé- 
lignent par  les  noms  de  puits  &C  à'abyme  : 
mais  toutes  ces  expreffions  ne  déterminent 
pas  le  lieu  fixe  de  l'enfer.  Les  écrivains  pro- 
fanes, tant  anciens  que  modernes  ,  ont 
donné  carrière  à  leur  imagination  fur  cet 
article  ;  &  voici  ce  que  nous  avons  recueilli 
d'après  Chambers. 

Les  Grecs,  après  Homère,  Héfîode  ,  &c. 
ont  conçu  l'enfr  comme  un  lieu  vafte  & 
obfcur  fous  terre ,  partagé  en  diverfes  ré- 
gions ,  l'une  affreufe  où  l'on  voyoit  des  lacs 
dont  l'eau  bourbeufe  &  infecte  exhaloit 
:ies  vapeurs  mortelles  ;  un  fleuve  de  feu  , 
des  tours  de  fer  &  d'airain  ,  des  fournaifes 
ardentes ,  dcsmonftres  &  des  furies  acharnés 
à  tourmenter  les  fcélérats  (voye^  Lucien  , 
de  luclu  ,  &  Euftathe  ,  fur  Homère)  :  l'autre 
riante  ,  deftinée  aux  fages  &  aux  héros. 
Voyei  Elysée. 

Parmi  les  poètes  Latins  ,  quelques-uns 
ont  placé  l'enfer  dans  les  régions  fou'errai- 
nes  fituées  directement  au  deflous  du  lac 
d'Averne  ,  dans  la  campagne  de  Rome  ,  à 
caufe  des  vapeurs  empoilonnées  qui  s'éle- 
voient  de  ce  lac.  Enéide ,  livre  VI.  Voye^ 

AvEftNE. 

Calipfodqns  Homère  parlant  à  Ulyfïè  , 
met  la  porte  de  l'enfer  aux  extrémités  de 


E  N  F 

l'Océan,  Xénophon  y  fait  entrer  Hercule 
par  la  péninfule  acherafiade,  près  d'Héra- 
clée  du  Pont. 

D'autres  fe  font  imaginé  que  Yenfer  étoit 
fous  le  Ténare ,  promontoire  de  Laconie , 
parce  que  c'étoit  un  lieurobfcur  &z  terrible 
environné  d'épailfes  forêts  ,  d'où  ii  étoit  plus 
difficile  de  Sortir  que  d'un  labyrinthe.  C'eft 
par-là  qu'Ovide  fait  defcendre  Orphée  aux 
enfers.  D'autres  ont  cru  que  la  rivière  ou  le 
marais  du  Styx  en  Arcadie  étoit  l'entrée  des 
enfers  ,  parce  que  ces  exhalailbns  croient 
mortelles.  Voye^  Ténare  &  Styx. 

Mais  toutes  ces  opinions  ne  doivent  être 
regardéesque  comme  des  fictions  des  poètes, 
qui,  félon  le  génie  de  leur  art  ,  exagérant 
tout,  reprélenterentces  lieux  comme  autant 
de  portes  ou  d'entrées  de  Y  enfer  ,  à  l'occa- 
fion  de  leur  afpect  horrible  ,  ou  de  la  mort 
certaine  dont  étoient  frappés  tous  ceux  qui 
avoient  le  malheur  ou  l'imprudence  de  s'en 
trop  approcher.  Voye^  Enfer  ,  (  Myihol.  ) 

Les  premiers  Chrétiens  ,  qui  regardoient 
la  terre  comme  un  plan  d'une  valle  étendue, 
&  le  ciel  comme  un  arc  élevé  ou  un  pavillon 
tendu  fur  ce  plan  ,  crurent  que  Y  enfer  ctoit 
une  place  fouterraine  ôc  la  plus  éloignée  du 
ciel ,  de  ibrte  que  leur  enfer  étoit  placé  où 
font  nos  antipodes.  Vcye^  Antipodes. 

Virgile  avoit  eu  avant  eux  une  idée  à-peu- 
près  femblable. 


tum  Tartarus  ipfe 

Bis  pxtet    in  prœceps    tantum  ,  tendit  jue    fub 

timbrai  , 
Quant  us  ai  ithereum  cœli  fuftefîm  Olympum. 

Tertullien ,  dans  fon  livre  de  Vame ,  re- 
préfenre  les  Chrétiens  de  fon  tempscomme 
perfuadés  que  Yenfer  étoit  un  abyme  iitué 
au  fond  de  la  terre  ;  Se  cette  opinion  étoit 
fondée  principalement  fur  la  croyance  de 
la  defeente  de  Jefus-Chrift  aux  lymbes. 
Mauh.  XII  y  f.  40.  Voye^  Lymbes  ,  6' 
V article  fuivant    Enfer. 

Whifthon  a  avancé  ,  fur  la  localité  de 
V enfer  ,  une  opinion  nouvelle.  Selon  lui 
les  comètes  doivent  être  confidérées  comme 
autant  d'enfers  deftinés  à  voiturer  alterna- 
tivement les  damnés  dans  les  confins  du 
foleil ,  pour  y  être  grilles  par  fes  feux  ,  & 
les  traniporter  fuccefïivement  dans  des  ré- 


EN  F  44.5 

gions  froides ,  obfcures   ck  afTreufes  ,  au 
del-i  de  l'orbite  de  Saturne.  Voye-^  Comète. 

Swinden  dans  fes  recherches  fur  la  na- 
ture &  fur  la  place  de  l'enfer ,  n'adopte  au- 
cune des  fimations  ci-deilus  mentionnées; 
&c  il  en  aiïigne  une  nouvelle.  Suivant  fes 
idées  ,  le  foleil  lui-même  eft.  Yenfer  local  ; 
mais  il  n'eft  pas  le  premier  auteur  de  cette 
opinion  ;  outre  qu'on  pourrait  en  trouver 
quelques  traces  dans  ce  paffage  de  l'apo- 
calypfe  ,  chap.  xvj ,  f.  8  &  g.  Et  quartus 
angélus  effudit  phialam  fuam  in  folem  ,  & 
datum  ejî  illi  œjlu  ajfligere  homines  &  igni  , 
&  œfuaverum  homines  œjlu  magno.  Py  thagore 
paraît  avoir  eu  la  même  penfée  que  Swin- 
den en  plaçant  Yenfer  dans  la  fphere  du 
feu  ,  &  cette  fphere  au  milieu  de  Punivers. 
D'ailleurs ,  Ariftotc  de  cœlo  ,  lib.  II,  fait 
mention  de  quelques  philofophes  de  l'école 
italique  ou  pythagoricienne  ,  qui  ont  placé 
la  fphere  du  feu  dans  le  foleil ,  &  l'ont  même 
nommée  la  pr  if  on  de  Jupiter.  Voye^  Pytha- 
goriciens. 

Swinden  ,  pour  foutenir  fon  fyftême , 
entreprend  de  déplacer  Yenfer  du  centre  de 
la  terre.  La  première  raifon  qu'il  en  allègue , 
c'eft  que  ce  lieu  ne  peut  contenir  un  fond 
ou  une  provision  de  ioufre  ou  d'autres  ma- 
tières ignées  allez  confidérable  pour  entre- 
tenir un  feu  perpétuel  &  auffi  terrible 
dans  fon  activité  que  celui  de  Yenfer  ;  &c 
la  féconde ,  que  le  centre  de  la  terre  doit 
manquer  de  particules  nitreufes  qui  fe  trou- 
vent dans  l'air ,  8c  qui  doivent  empêcher 
ce  feu  de  s'éteindre  :  «  &  comment ,  ajou- 
»  te-t-il,  un  tel  feu  pourroit-il  être  éternel 
»  Se  fe  conferver  fans  fin  dans  les  entrailles 
»  de  la  terre  ,  puifque  toute  la  fubftance 
»  de  la  terre  en  doit  être  confumée  fuc- 
»  ceiTivement  &  par  degrés?  » 

Cependant  il  ne  faut  pas  oublier  ici  que 
Tertullien  a  prévenu  la  première  de  ces 
difficultés  ,  en  mettant  une  différence  entre 
le  feu  caché  ou  interne ,  &  le  feu  public 
ou  extérieur.  Selon  lui ,  le  premier  eft  de 
nature  ,  non-feulement  à  confumer  ,  mais 
encore  à  réparer  ce  qu'il  confume.  La  fé- 
conde difficulté  a  été  levée  par  S.  Auguftin  , 
qui  prétend  que  Dieu  ,  par  un  miracle  , 
fournit  de  l'air  au  feu  central.  Mais  l'au- 
torité de  ces  pères ,  fi  refpectable  en  ma- 
tière de  doctrine  ,  n'eft  pas   irréfragable 


44g  'ENF 

►jquand.  il  s'agit  de  phyfique  :  aufTi  Swinden 
continue  à  montrer  que  les  parties  centrales 
de  la  terre  font  plutôt  occupées  par  de 
l'eau  que  par  du  feu  ;  ce  qu'il  confirme 
par  ce  que  dit  Moyfe  des  eaux  fouterraines , 
exode  ,  chap.  xx.  y.  4  ;  ÔC  par  le  pfeaume 
XXIII 3  ir.  %.  Quia  fuper  maria  fundavit  eum 
'(  orbem  )  ,  Ù  fuper  Jlumi/uz  prceparavit  eum. 
Il  allègue  encore  qu'il  ne  fe  trouveroit 
point  au  centre  de  la  terre  allez  de  place 
jpour  contenir  le  nombre  infini  de  mau- 
vais anges  8c  d'hommes  réprouvés.  Voye^ 
Abymf. 

On  fait  que  Drexelius   de  damnatorum 
carcere  &  rogo  ,  a  confiné  V enfer  dans  l'ef- 
face d'un  mille  cubique  d'Allemagne ,  8c 
qu'il  a  fixé  le  nombre  des  damnés  à  cent 
mille  millions  5  mais  Swinden  penle  que 
Drexelius  a  trop  ménagé  le  terrain  ;  qu'il 
peut  y  avoir  cent  fois  plus  de  damnés  ,  & 
qu'ils   ne   pourroient     être    qu'infiniment 
prefles ,   quelque    vafte   que  foit   l'efpace 
qu'on  put  leur   affigner   au   centre   de  la 
terre.  Il  conclud  qu'il  eft  irhpollible  d'ar- 
ranger une  fi   grande   multitude  d'efprits 
clans  un  lieu  fi  étroit,    fans  admettre  une 
pénétration  de  dimenfion  :   ce  qui  eft  ab- 
iurde  en    bonne  philo  fophie  ,    même  par 
.rapport  aux  efprits  :  car  11  cela  étoit ,  il  dit 
'qu'il  ne    voit   pas  pourquoi    Dieu    auroit 
préparé  une  prilon  fi  vafte  pour  les  dam- 
nés ,  puifqu'ils  auroient  pu  être  entafTés  tous 
dans  un  efpace  auflî  étroit  qu'un  four  de 
^boulanger.     On  pourroit   ajouter    que  le 
.nombre  des  réprouvés    devant  être  très- 
•étendu  ,  &  les  réprouvés   devant  un  jour 
brûler  en  corps  8c  en  ame  ,  il  faut  néceiîai- 
jement  admettre  un  enfer  plus  fpacieux  que 
*cdui  qu'a    imaginé    Drexelius  ,  à  moins 
.qu'on  ne  fuppofe  qu'au  jugement  dernier 
Dieu  en  créera   un   nouveau   aflez    vafte 
.pour  contenir  les  corps  8c  les  âmes.  Nous 
ne  fommes  ici  qu'hiftoriens.  Quoi  qu'ilen 
(bit,  les  argumens  qu'allègue  Swinden  pour 
prouver  que  le  foléil  eft  Y  enfer  local ,  font 
tirés  : 

i°.  De  la  capacité  de  cet  aftre ,  perfbnne 
■ne  pouvant  nier  que  le  foleil  ne  foit  afTez 
fpacieux  pour  contenir  tous  les  damnés  de 
.tous  les  fiecles,  puifqueies  aftronomes  lui 
■donnent  communément  un  million  de  lieues 
4r  .circuit 5  aji$  ce  n'eft  pas  la  place  qui 


E  NF 

manque  dans  ce  fyftême.  Le  feu  ne  man- 
quera pas  non  plus ,  fi  nous  admettons  le 
raifonnement  par  lequel  Swinden  prouve  , 
contre  Ariftote  ,  que  le  foleil  eft  chaud  , 
page  108.  ù  fuiv,  «  Le  bon  homme  ,  dit- 
»  il ,  eft  faifi  d'étonnement  à  la  vue  des 
»  Pyrénées  de  foufre  8c  des  océans  athlan- 
»  tiques  de  bitume  ardent ,  qu'il  faut  pour 
»  entretenir  Fimmenfité  des  flammes  du 
»  foleil.  Nos  Jitna  8c  nos  Véfuve  ne  font 
»  que  des  vers  luifans.  »  Voilà  une  phrate 
plus  digne  d'un  Gafcon  que  d'un  favant 
du  nord. 

2°.  De  la  diflance  du  foleil  8c  de  fon 
oppofition  à  Fempyrée ,  que  l'on  a  toujours 
regardé  comme  le  ciel  local.  Une  telle 
oppofition  répond  parfaitement  à  celle  qui 
fe  trouve  naturellement  entre  deux  places  , 
dont  l'une  eft  deftinée  au  féjour  des  anges 
&  des  élus ,  8c  l'autre  à  celui  des  démons 
8c  des  réprouvés  ,  dont  l'une  eft  un  lieu, 
de  gloire  8c  de  bénédictions  ,  8c  l'autre 
eft  un  lieu  d'horreur  8c  de  blafphêmes. 
La  diftance  s'accorde  aufïi  très-bien  avec 
les  paroles  du  mauvais  riche  qui  ,  dans 
S.  Luc,  chap.  xvj  ,  y.  2.3  ,  voit  Abraham 
dans  un  grand  éloignement ,  8c  avec  la 
réponfe  d'Abraham  dans  ce  même  chap. 
y.  çl6  ,  &  in  his  omnibus  inter  nos  &  vos 
chaos  magnum  firmatum  ejî ,  ut  hi  qui  volunt 
hinc  tranfire  adyos  non  pojfint  ,  neçue  inde 
hue  tranfmcare.  Or  Swinden,  parce  chaos 
ou  ce  gouffre  ,  entend  le  tourbillon  folaire. 
Voye^  Tourbillon. 

30.  De  ce  que  l'empyiée  eft  le  lieu  le 
plus  haut  ,  8c  le  foleil  le  lieu  le  plus  bag 
de  l'univers  ,  en  considérant  cette  planète 
comme  le  centre  de  notre  fyftême  ,8c  comme 
la  première  partie  du  monde  créé  8c  vifî- 
ble  ;  ce  qui  s'accorde  avec  cette  notion  ,  que 
le  foleil  a  été  deftiné  primitivement ,  non- 
feulement  à  éclairer  la  terre  ,  mais  encore 
à  fervir  de  prifon  8c  de  lieu  de  fupplice 
aux  anges  rebelles ,  dont  notre  auteur  fup- 
pofe que  la  chute  a  précédé  immédiate- 
ment la  création  du  monde  habité  par  les 
hommes. 

40.  Du  culte  queprefque  tous  les  hommes 
ont  rendu  au  feu  ou  au  foleil  ,  ce  qui 
peut  fe  concilier  avec  la  fubtilité  malicieule 
des  efprits  qui  habitent  le  foleil  ,  8c 
qui  ont   porté  les   hommes  à  adorer  leur 


E  N  F 

trône ,  ou  plutôt  Tinflrurpent  de  leur  fup- 
plice. 

Nous  laifïons  au  le&eur  à  apprécier  tous 
ces  fyftêmes  ;  &  nous  nous  contentons 
de  dire  qu'il  eft  bien  fingulier  de  vou- 
loir fixer  le  lieu  de  l'enfer  ,  quand  récri- 
ture ,  par  Ton  filence  ,  nous  indique  aflèz 
celui  que  nous  devrions  garder  fur  cette 
matière. 

III.  Il    ne   conviendroit  pas  également 
de  demeurer  indécis  fur  une  queftion  qui 
intérefîè  eflèntiellement  la  foi  :  c'eft  l'éter- 
nité des  peines  que  les  damnés  fourniront 
en  enfer.  Elle  paroît  expreflement  décidée 
par  les  écritures ,  de  quant  à  la  nature  des 
peines  du  fens ,  &c  quant  à .  leur  dutée  qui 
doit  être  interminable.  Cependant ,  outre 
les  incrédules  modernes  qui  rejettent  l'un 
ôc  l'autre  points  ,  tant  parce  qu'ils  imagi- 
nent l'ame  mortelle  comme  le  corps ,  que 
parce  que  l'éternité  des  peines  leur  femble 
incompatible  avec  l'idée  d'un  Dieu  eflen- 
tiellement &c  fouverainement  bon  ôc  mifé- 
ricordieux  ,  Origene ,  dans  Ton  traité  inti- 
tulé ,    <Bifi  etfKov ,  ou  de  principes  ,  don- 
nant aux  paroles  de  l'écriture  une  inter- 
prétation métaphorique  ,  fait  confîfter  les 
tourmens  dé  Yenfer  ,  non  dans  des  peines 
extérieures  ou  corporelles',    mais   dans  les 
remords  de   la  confeience  des  pécheurs  , 
dans    l'horreur  qu'ils  ont  de  leurs  crimes , 
&  dans  le  fouvenir  qu'ils  confervent  du 
vuide  de  leurs  plaifîrs  parles.  S.   Auguftin 
fait  mention  de  plufîeurs  de  fes  contem- 
porains qui  étoient  dans   la  même  erreur. 
Calvin  &  plufîeurs  de  fes  feetateurs  l'ont 
foutenu  de  nos  jours  ;  &  c'eft  le  fentiment 
général  des  Socinîéns ,  qui  prétendent  que 
l'idée  de  Yenfer  ,  admis  par  les  catholiques , 
eft  emprunté  des  fictions  du   paganifme. 
Nous  trouvons  encore  Origene  à  la  tête 
de  ceux  qui  nient  l'éternité  des  peines  dans 
la  vie  future  :  cet  auteur  ,  au  rapport  de 
plufîeurs  pères ,  mais  fur-tout  de  S.  Auguf- 
tin ,   dans  fon  traité  de  la  cité  de  Dieu  , 
liv.  XXI ,  chap.   xvij ,    en  feigne  que  les 
hommes  Se  les  démons  même  ,  après  qu'ils 
auront  elîuyé  des  tourmens  proportionnés 
à  leurs  crimes ,  mais  limirés  toutefois  quant 
à  la  durée ,  en  obtiendront  le  pardon  & 
entreront  dans  le  ciel.  M.  Huet  ,  dans  fes 
remarques  fur  Origene ,  conjecture  que  la 


E  N   F"  44r 

lecture  de  Platon  avoir  gâté  Origene  à  cet 
égard. 

L'argument  principal  fur  lequel  fe  fondoit 
Origene,  eft  que  toutes  les  punitions  ne  font 
ordonnées  que  pour  corriger ,Sc  appliquées 
comme  des  remèdes  douloureux  ,  pour 
faire  recouvrer  la  fanté  aux  fujets  à  qui  on 
les  inflige.  Les  autres  objections  fur  lef- 
quelles  infiftent  les  modernes  ,  font  tirées  j 
de  la  difproportion  qui  fe  rencontre  entre 
des  crimes  pafiàgers  &c  des  fupplices  éter- 
nels ,  &c. 

Les  phrafes  qu'emploie  l'écriture   pour" 
exprimer  Y  éternité,  ne    lignifient  pas   tou- 
jours une  durée  infinie  ,  comme  l'ont  ob- 
fervé  plufîeurs  interprètes  ou  critiques ,  6c 
entre  autres  ,    Tillotfon ,  archevêque  de  - 
Cantorbéri. 

Ainfi,  dans  l'ancien  teftament,  ces  mots , 
a  jamais  ,  ne  lignifient  fouvent  c\\i'une  lon- 
gue durée ,  de  en  particulier  jufqu'à  la  fin 
de  la  loi  judaïque.  Il  eft  dit ,  par  exemple , 
dans  Yépître  de  S.   Jùde ,  ir.  j ,    que    les 
villes  de  Sodome    ôc   Gomorre  ont  fervi" 
d'exemple,  6c  quelles  ont  été    expofées* 
à  la  vengeance  d'un  feu  éternel ,  ignis  ceternv' 
pœnam  fubjlinentes  ,  c'eft-à-dire  ,  d'un  feu 
qui  ne    pouvoit  s'éteindre  avant  que  ces 
villes  fuirent  entièrement  réduites  en  cen-  - 
dres.  Il  eft  dit  aufïl  dans  l'écriture  que  les-* 
générations  fe  fuccedent ,  mais  que  h  terre 
demeure  à  jamais  ou  éternellement  ;  terra' 
autem  in  œternumfiat.  En  effet ,  M.  le  Clerc  ' 
remarque  qu'il  n'y  a  point  de  mot  Hébreu  ■ 
qui  exprime  proprement  Y  éternité  :  le  terme 
holam  n'exprime  qu'un  temps  dont  le  com-  - 
mencement  ou  la  fin  font  inconnus  ,  ÔC  fe 
prend  dans  un  fens  plus  ou  moins  étendu  , 
fuivant  la    matière    dont   il  eft  queftion. 
Ainfl  quand  Dieu   dit ,   au  fujet  des  loix  ' 
judaïques  ,  qu'elles  doivent  être  obfervées  ; 
laholam  ,  à  jamais  ,  il  faut  fous-entendre  ' 
qu'elles  le  feront  aufïl  long-temps  que  Dieu 
le  jugera  à  propos ,  ou  pendant  un  efpace  ' 
•de  temps  dont  la  fin   étoit  inconnue  aux  ' 
Juifs  avant  la    venue   du  Meffie.  Toutes' 
les  loix  générales  ,  ou  celles  qui  ne  regar- 
dent  pas  des  efpeces   particulières  ,  fonr' 
établies  à  perpétuité  ,  foit  que  leur  texte  » 
renferme  cette  expreflîon  ,  fbit  qu'il  ne  la  ' 
renferme  pas;  ce  qui  toutefois  ne  flgnifie-': 
pas  que  la  puilîance  légiflatrice  ôc  fcuv€-  - 


EN    F 


raine  ne  pourra  jamais  les  changer  ou  les 
abréger. 

Tiiiotfon  foutient ,  avec  autant  de  force 
que  de  fondement,  que  dans  les  endroits 
de  l'écriture  où  il  eft  parlé  des  tournions 
de  l'enfer  ,  les  exprefTions  doivent  être  en- 
tendues dans  un  iens  étroit  de  d'une  durée 
infinie  ;  &  ce  qu'il  regarde  comme  une 
raifon  décifive,  c'eft  que,  dans  un  feulec 
môme  paffage  (en  S.  Match*  chapxxv.) 
la  durée  de  la  punition  des  méchans  fe 
trouve  exprimée  par  les  mêmes  termes  dont 
on  fe  fert  pour  exprimer  la  durée  du  bon- 
heur des  juftes  ,  qui ,  de  l'aveu  de  tout 
le  monde  ,  doit  être  éternel.  En  parlant 
des  réprouvés ,  il  y  eft  dit  qu'ils  iront 
au  fupplice  éternel  ,  ou  qu'ils  feront  livrés 
à  des  tourmens  éternels  :  Se  en  parlant  des 
juftes,  il  eft  dit  qu'ils  entreront  en  pof- 
ieffion  de  la  vie  éternelle  ;  &  ibunt  hi  in 
fupplicium  œtermim  ,  jujlt  autem  in  vitam 
aaernam. 

Cet  auteur  entreprend  de  concilier  le 
dogme  de  l'éternité  des  peines  avec  ceux 
de  la  juftice  &  de  la  miféricorde  divine; 
&  il  s'en  tire  d'une  manière  beaucoup 
plus  latisfaifante  que  ceux  qui  avoient 
tenté  ,  avant  lui ,  de  fauver  les  contrariétés 
apparentes  qui  réfultent  de  ces  objets  de 
notre  foi. 

En  effet ,  quelques  théologiens  ,  pour 
réfoudre  ces  difficultés  ,  avoient  avancé 
que  tout  péché  eft  infini  ,  par  rapport  à 
l'objet  contre  lequel  il  eft  commis,  c'eft- 
â-dire,  par  rapport  à  Dieu  ;  mais  il  eft 
abfurde  de  prétendre  que  tous  les  crimes 
font  aggravés  à  ce  point  par  rapport  à 
l'objet  offenfé  ,  puifque  dans  ce  cas  le  mal 
Se  le  démérite  de  tout  péché  feroient  né- 
ceflàirement  égaux  ,  en  ce  qu'il  ne  peut  y 
avoir  rien  au  delîus  de  l'infini  que  le  peche 
ofTenfe.  Ce  feroit  renouveller  un  des 
paradoxes  des  Stoïciens  ;  &  par  conféquent 
on  ne  pourrait  fonder  fur  rien  les  degrés 
de  punition  pour  la  vie  à  venir  :  car  quoi- 
qu'elle doive  être  éternelle  dans  fa  durée , 
il  n'eft  pas  hors  de  vraifemblance  qu'elle 
ne  fera  pas  égale  dans  fa  violence  ,  & 
qu'elle  pourra  être  plus  ou  moins  vive  a 
proportion  du  caractère  ou  du  degré  de 
malice  qu'auront  renfermé  tels  ou  tels  pé- 
chés. Ajoutez  que  pour  la  même  raifon  le , 


E  N  F 

moindre  péché  contre  Dieu  étant  infini 
par  rapport  à  fou  objet,  on  peut  dire  que 
la  moindre  punition  que  Dieu  inRige  eft 
infinie  par  rapport  à  (on  auteur  ,  &c  par 
coniéquent  que  toutes  les  punitions  que 
Dieu  infligeroit  feroient  égales ,  comme 
tous  les  péchés  commis  contre  Dieu  feroient 
égaux  ,  ce  qui  répugne. 

D'autres  ont  prétendu  que  h"  les  mé- 
dians pouvoient  vivre  toujours  ,  ils  necef- 
ieroient  jamais  de  pécher.  "  Mais  c'eft  là  , 
»  dit  Tillotlon  ,  une  pure  fpéculation  , 
»  ôc  non  pas  un  raisonnement  ;  c'eft  une 
»  fuppohtion  gratuite  &  dénuée  de  fon- 
»  dément.  Qui  peut  aflurer ,  ajoute-t-il , 
»  que  il  un  homme  vivoit  fi  long-temps , 
»  il  ne  fe  repentirait  jamnis  ?  »  D'ailleurs, 
la  juftice  vengereffe  de  Dieu  ne  punit  que 
les  péchés  commis  par  les  hommes ,  ôc 
non  pas  ceux  qu'ils  auraient  pu  com- 
mettre ;  comme  fa  juftice  rémunérative  ne 
couronne  que  les  bonnes  œuvres  qu'ils 
ont  faites  réellement ,  &  non  celles  qu'ils 
auraient  pu  faire  ,  ainii  que  le  préten- 
doient  les  Sémi-Pélagiens  ,  roye^  Sémi- 
Pélagiens. 

C'eft  pourquoi  d'autres  ont  foutenu  que 
Dieu  lailîè  à  l'homme  le  choix  d'une  féli- 
cité ou  d'une  mifere  éternelle,  &  que 
la  récompenfe  promife  à  ceux  qui  lui 
obéiflènt ,  eft  égale  à  la  punition  dont  il 
menace  ceux  qui  refufent  de  lui  obéir. 
On  répond  à  cela  ,  que  s'il  n'eft  point 
contraire  à  la  juftice  de  porter  trop  loin 
la  récompenfe  ,  parce  que  cette  matière  eft 
de  pure  faveur  ,  il  peut  être  contraire  à  la 
juftice  de  porter  la  punition  à  l'excès.  On 
ajoute  que  dans  ce  cas  l'homme  n'a  pas 
iujet  de  fe  plaindre,  puifqu'il  ne  doit  s'en 
prendre  qu'à  fon  propre  choix.  Mais  quoi- 
que cette  raifon  iufrlîe  pour  impofer  filen- 
ce  au  pécheur ,  &  lui  arracher  cet  aveu  , 
qu'il  eft  la  caule  de  (on  malheur ,  perditio 
ma  ex  te  Ifrael  ;  on  fent  qu'elle  ne  réibut 
pas  pleinement  l'objection  tirée  de  la  dis- 
proportion entre  le  crime  &  le  fupplice. 

Voyons  comment  Tillotlon  ,  mécontent 
de  tous  ces  fyftêmes  ,  a  entrepris  de  réfou- 
dre cette  difficulté. 

Il  commence  par  obferver  que  la  me- 
fure  des  punitions ,  par  rapport  aux  crimes , 
ne  fe  règle  pas  feulement  ni  toujours  fur  la 

qualité 


E  N  F 

qualité  8c  fur  le  degré  de  t'ofîenfe ,  & 
moins  encore  fur  la  durée  8c  iur  la  con- 
tinuation de  l'ofFenfe ,  mais  fur  les  raifons 
d'économie  ou  de  gouvernement ,  qui  de- 
mandent des  punitions  capables  de  porter 
les  hommes  à  obferver  les  loix ,  ôc  de  les 
détourner  d'y  donner  atteinte.  Parmi  les 
hommes ,  on  ne  regarde  point  comme  une 
injuftice  de  punir  le  meurtre ,  8c  pluiîeurs 
autres  crimes  qui  fe  commettent  fouvent 
en  un  moment,  par  la  perte  ou  privation 
perpétuelle  de  l'état  de  citoyen  ,  de  la  li- 
berté ,  &c  même  de  la  vie  du  coupable  ; 
de  forte  que  l'obje&ion  ,  tirée  de  la  dis- 
proportion entre  des  crimes  paflagers  8c 
des  tourmens  éternels,  ne  peut  avoir  ici 
aucune  force. 

En  effet ,  la  manière  de  régler  la  pro- 
portion entre  les  crimes  8c  les  punitions , 
eft  moins  l'objet  de  la  juftice,  qu'elle  n'eft 
l'objet  de  la  fagefle  8c  de  la  prudence  du 
légiflareur,  qui  peut  appuyer  fes  loix  par 
la  menace  de  telles  peines  qu'il  juge  à  pro- 
pos, fans  qu'on  puille  ,  à  cette  occafion, 
l'accufer  de  la  plus  légère  injuftice  :  cette 
maxime  eft  indubitable. 

La  première  fin  de  toute  menace  n'eft 
point  de  punir ,  mais  de  prévenir  ou  faire 
éviter  la  punition.  Dieu  ne  menace  point 
afin  que  l'homme  pèche  8c  qu'il  (oit  puni, 
mais  afin  qu'il  s'abftienne  de  pécher ,  8c 
qu'il  évite  le  châtiment  attaché  à  l'in- 
fraction de  la  loi  ;  de  fbrte_  que  plus  la 
menace  eft  terrible  8c  impoiante ,  plus  il 
y  a  de  bonté  dans  l'auteur  de  la  menace. 

Après  tout ,  il  fiut  faire  attention  , 
ajoute  le  même  auteur ,  que  celui  qui 
fait  la  menace  fe  réterve  le  pouvoir  de 
l'exécuter  lui-même.  Il  y  a  cette  différence 
entre  les  promelfes  8c  les  menaces ,  que 
celui  qui  promet  donne  droit  à  un  autre , 
ôc  s'oblige  à  exécuter  fa  parole ,  que  la 
juftice  8c  la  fidélité  ne  lui  permettent  pas 
de  violer  ;  mais  il  n'en  eft  pas  de  même 
à  l'égard  des  menaces  :  celui  qui  menace 
fe  réferve  toujours  le  droit  de  punir  quand 
il  le  voudra ,  8c  n'eft  point  obligé  ,  à  la 
rigueur,  d'exécuter  fes  menaces,  ni  de  les 
porter  plus  loin  que  n'exigent  l'économie, 
les  raiions  8c  les  fins  de  ion  gouvernement. 
C'eft  ainfi  que  Dieu  menaça  la  ville  de 
Tome  XII. 


E  N  F  449 

Ninive  d'une  deftruction  totale,  il  elle  ne 
faifoit  pénitence  dans  un  temps  limité  : 
mais  comme  il  connoitîoit  l'étendue  de 
ion  propre  droit  ,  il  fit  ce  qu'il  voulut  ; 
il  pardonna  à  cette  ville ,  en  confidération 
de  fa  pénitence,  fe  relâchant  du  droit  de 
la  punir. 

Tels  font  les  raifonnemens  de  Tillotfon , 
auxquels  nous  n'ajouterons  qu'une  ré- 
flexion pour  prévenir  cette  fauflè  confé- 
quence  qu'on  en  pourroit  tirer  :  lavoir, 
que  ce  qu'on  Ht  dans  l'écriture  fur  les 
peines  de  {'enfer ,  n'eft  fimplement  que 
comminatoire  ,  comme  le  prétendent  les 
Sociniens.  Sans  doute  tant  que  l'homme 
eft  en  cette  vie  ,  il  peut  les  éviter  ces  peines; 
mais  après  la  mort ,  lorfque  l'iniquité  eft 
confommée,  8c  qu'il  n'y  a  plus  lieu  au 
mérite  pour  fléchir  le  courroux  d'un  Dieu 
outragé  8c  juftement  irrité  ,  le  pécheur 
peut-il  l'aceufer  d'injuitice,  de  lui  infliger 
des  peines  éternelles,  puifque  pendant  la 
vie  il  étoit  à  fon  choix  de  les  éviter,  8c 
de  parvenir  à  une  éternelle  félicité?  D'ail- 
leurs ,  il  eft  également  révélé ,  8c  que  ces 
menaces  ont  déjà  été  accomplies  réelle- 
ment dans  les  anges  rebelles,  8c  qu'elles 
feront  réellement  accomplies  dans  les  ré- 
prouvés à  la  fin  des  fiecles;  ce  qui  prouve 
que  la  raifon  feule  ne  fufKt  pas  pour  dé- 
cider cette  queftion,  8>C  qu'il  faut  nécef- 
fairement  avoir  recours  à  la  révélation  , 
pour  démontrer  l'éternité  8c  la  juftice  des 
peines  de  la  vie  future.  (  G  ) 

Enfer,  ades  ou  hades ,  {Théologie.)  fe 
prend  aufïî  quelquefois,  dans  le  ftyle  de 
l'écriture ,  pour  la  mort  8c  pour  la  fépul- 
ture ,  parce  que  les  mots  hébreux  8c  grecs 
fîgnifient  quelquefois  l'enfer ,  ou  le  lieu 
dans  lequel  font  les  réprouvés  ,  8c  quel- 
quefois la  fépulture  des  morts.  V.  Tom.- 

BEAU    Ù    SÉPULCRE. 

Les  théologiens  font  divifés  fur  l'article 
du  lymbole  des  apôtres,  où  il  eft  dit  que 
Notre  Seigneur  a  été  crucifié,  qu'il  ejt 
mort ,  qu'/7  a  été  enfeveli ,  8c  qu'il  ejî  def- 
cendu  aux  enfers,  hades;  quelques-uns 
n'entendent  par  cette  defeente  aux  enfers > 
que  la  defeente  dans  le  tombeau  ou  dans 
le  lépulcre.  Les  autres  leur  objectent  que 
dans  le  fymbole  même ,  ces  deux  defeentes 

lu 


4jo  E  N  F 

fe  trouvent  expreflement  diftinguées  >  &C 
qu'il  y  eft  fait  mention  de  la  defcente  du 
Sauveur  dans  le  fépulcre ,  fepultus  efl,  avant 
qu'il  Toit  parlé  de  fa  defcente  aux  enfers , 
defcendit  ad  inferos.  Ils  foutiennent  donc 
que  l'ame  de  Jefus-Chr-ilt  defcendit  effec- 
tivement dans  l'enfer  fouterrain  ou  local, 
&  qu'il  y  triompha  des  démons.  Autre- 
ment les  expreffions  du  fymbole  feroient 
une  pure  tautologie. 

Les  catholiques  ajoutent  que  Jefus- 
Chrift  defcendit  dans  les  lymbes ,  c 'eft- 
à-dire ,  dans  les  lieux  bas  de  la  terre ,  où 
étoient  détenues  les  âmes  des  juftes,  morts 
dans  la  grâce  de  Dieu  avant  l'avènement 
&  la  pafïïon  du  Sauveur  ,  &  qu'il  les 
emmena  avec  lui  dans  le  paradis ,  fuivant 
ces  pafïages  d'Ofée  :  ero  mors  tua,  6  mors! 
&  morfus  tuus ero  ,  inferne!  Et  de  faint 
Paul  :  afcendens  Chrifiusin  altum.,  captivam 
duxit  captivitatem.  V..  Lymbes  &  Ascen- 
sion.. (G) 

Enfer,  (Poétique,,)  ou  Enfers,  fub. 
mafc.  plur.  (  Mythologie.  )  nom  général , 
qui  ,  dans  la  théologie  du  Paganifme  , 
défignoit  les  lieux  fouterrains  où  alloient 
les  âmes  des  hommes ,  pour  y  être  ju- 
gées par  Minos,  Eaque  &  Rhadamanthe. 
Pluton  en  étoit  le  dieu  &  le  roi  ;  Pro~ 
ferpine  fon  époufe,  en  étoit  la  déefïe  & 
la  reine. 

Cet  endroit  contenoit,  entre  autres  de- 
meures ,  les  champs  Ely  fées ,  &  le  Tar- 
tare  ,   environné  de  cinq  fleuves ,  qu'on 
nomme  le  Styx  ,  le  Cocyte,.  l'Achéron  , 
le  Lethé  &  le  Phlégéton.  Cerbère ,  chien 
à  trois  têtes  èc  à  trois  gueules,   admira- 
blement dépeint  par  Virgile  ,   étoit  tou- 
jours à  la  porte  des  enfers,,  pour  empêcher 
les  hommes  d'y  entrer  ôc  les  âmes  d'en 
fortir.  Avant  que  d'arriver  à  la  cour  de 
Pluton  &  au  tribunal  de  Minos ,  il  falloit 
parler  l'Achéron  dans  une  barque  conduite 
par   Caron ,  à  qui  les  ombres  donnoient 
une  pièce  de  monnoie  pour  leur  paflàge. 
Virgile    fait    encore    de    ce   batelier    un 
portrait  inimitable  :  "  Un  air  mal  propre, 
»  une  barbe  longue  &  négligée  ,  la  pa- 
3>  rôle  rude ,  des  yeux  étincelans ,  les  traits 
»>  d'une  vieillerie  robufte  &  vigoureufe.  » 
Je!  étoit  Caron  >  mais  lifez  les  vers  de 


E  N  F 
l'original  ;   je    n'en   donne   qu'une   foiblc 
e  (quille. 

Portitcrhas  hcrrendus  aquas  Ùfluminafcrvat, 
Terfibili  fqualore  Char  on ,  cui  plurima  mento 
Canities  incuit  a  jacet ,  fiant  lumina  flamma  ; 
Sordidus  ex  humer is  nodo  dépende t  amiclus  ; 
Jamfenior,  fed  cruda  deo ,  viridifque  feneclus '.. 

Prefque  tous  les  peuples  du  monde  ont 
imaginé  un  paradis  ôc  un  enfer,  confor- 
mément à  leur  génie  ;  détail  immenfe  de- 
là folie  des  humains  ,  dans  lequel  nous 
n^ntrerons  point  ici  !  On  peut  lire  là-defîus. 
Thomas  Hyde  ,.  Vofïius  ,  Marsham  ôc 
M.  Huet..  Borné  préfentement  à  la  my- 
thologie ,  je  remarquerai  feulement  que 
c'eit,  Orphée  qui  ,  au  retour  de  Ces-- 
voyages  d'Egypte ,  jeta  en  Grèce  le  plan: 
d'un  nouveau  i y ftême  fur  ce  fujet,  &  que 
c'eit  de  lui  qu'eft  venue  l'idée  des  champs 
Elyfées  &  du  Tartare,  que  tous  les  auteurs 
ont  fuivie  ,  quoiqu'ils  aient  extrêmement, 
varié  fur  la  fituation  des  liaux  deftinés  k-. 
punir  les  méchans  &  à.  récompenfer  les> 
bons.. 

C'eit  pourquoi   l'on   trouve    dans    les^ 
poètes  tant  d'entrées  différentes  qui  con- 
duifent  aux  enfers.  Voye1^  fur  cela  l'article 
précédent.. 

En  un  mot ,  chacun  a  choiiï ,  pour 
l'endroit  de  la  pofition  des  enfers,  donc 
la  religion  païenne  n'apprenoit  rien  de 
certain  ,  le  lieu  qui  lui  a  paru  le  plus 
propre  à  devenir  le  féjour  du  malheur;  & 
en  conféquence  ,  chacun  a  décrit  ce  lieu, 
diverfement ,  fuivant  le  caractère  de  foni 
imagination.. 

Mais  aucun  poëte  n'a  mieux  réufïî  que 
Virgile.  Il  a  mis  dans  le  plus  beau  jour, 
tout  ce  qu'Homère ,  &  après  lui  Platon , 
avoient  enfeigné  fur  cet  article.  La  def- 
cription  des  enfers,  du  chantre  de  Man- 
toue ,  eft  fupérieure  à  celle  de  l'auteur 
de  l'Odyflee,  &  encore  plus  au  defïus  de 
celle  de  Silius  Italicus,  de  Claudien,  de 
Lucain  &  de  tous  les  autres  qui  ont  tra- 
vaillé après  lui  :  c'êft  une  topographie  par- 
faite de  l'empire  de  Pluton ,  c'eft  le 
chef-d'œuvre  de  l'art  ;  c'efl  le  plus  beau 
^morceau  de  l'Enéide,. 


E  NF 

T3ans  cette  admirable  carte  topogra- 
jihique,  le  poè'te  divife  le  féjour  des  ombres 
en  fept  demeures.  La  première  eft  celle 
des  enfans  morts  en  naiflant ,  qui  gémifîènt 
de  n'avoir  fait  qu'entrevoir  la  lumière  du 
jour. 

Infantumque  animœ  fientes  in  limine  primo , 
Quos  dulcis  vitce  exfortes,  &  ab  ubere  raptos 
Abjlulit  atra  dies ,  &  funere  merci t  acerbo. 

i£neid.  Lib.  VI. 

Ceux  qui  avoient  été  injustement  con- 
damnés à  perdre  la  vie ,  occupent  la  féconde 
■demeure. 

Hosjuxtà  ,falfo  damnât  i  crimine  mortis.  ibid. 

Dans  la  troifieme ,  font  ceux  qui ,  (ans 
être  coupables ,  mais  vaincus  par  les  cha- 
grins &  les  miferes  d'ici-bas,  fe  font  eux- 
mêmes  donné  la  mort. 

Troxima  deindè  tenent  mcejli  loca ,  qui  fibi 

lethum 
Infontes peperére  manu,  lucemque perofi 
Projecere  animas  :  quam  relient  œthere  in  alto 
Jtfunc  ù  pauperiem  &  duros  perferre  labo- 

res!  &c. 
Fata  obflant  trijlique  palus  inamabilis  undâ 
Alligat,  &  novies  Styx  interfufa  coercet. 

\ 
M.  de  Voltaire ,  dans  fes  mélanges  de 
Littérature  &  de  Philofophie,  a  traduit  ces 
vers  ainiî  : 

Là  font  ces  infenfés  ,  qui  d'un  bras  téméraire 
Ont  cherché  dans  la  mort  unfecours  volontaire; 
Ils  n'ont  pu  fuppor ter ,  foibles  &  furieux, 
Le  fardeau  de  la  vie  impofé  par  les  dieux. 
...Ils  regrettent  le  jour,  ils  pleur ent,-ù  le  fort, 
le  fort  pour  les  punir  les  enchaîne  a  la  mort, 
L'abîme  du  Cocyte  &  VAchéron  terrible 
Met  entr'eux  &  la  vie  un  obfiacle  invincible. 

La  quatrième ,  appellée  le  champ  des 
larmes ,  eft  le  féjour  de  ceux  qui  avoient 
éprouvé  les  rigueurs  de  l'amour  j  Phèdre , 
Procris  ,  Pafiphaé ,  Didon ,  &c, 

Hic,  quos  dur  us  amor  crudeli  tabe  peredit; 
Sccreti  celant  calles ,  &  myrthea  çircum 


E  N  F  451 

Sylva  tegit  ;  curce  non  ipfa  in  morte  relinquunt. 
His,  Phœdram,  Procrinque  locis,  mœjlamqw 

Eriphylem , 
Crudeli  s  gnati  monjlrantem  vulnera  cernit , 
Evadnenque,  &  Papfiphaè'n,  ÔCC. 

La  cinquième  eft  le  quartier  des  fameux 
guerriers  qui  avoient  péri  dans  les  com- 
bats ;  Lydée,  Adrafte,  Polybure,  &e. 

Hic  illi  occurrit  Tydeus ,  hic  inclytus  armis 
Parthenopœus,  &  Adraflipallentis  imago,  ÔCC. 

L'affreux  Tartare ,  prifon  des  fcélérats , 
fait  la  fixieme  demeure  ,  environnée  du 
bourbeux  Cocyte  &  du  brûlant  Phlégé- 
ton.  Là  régnent  les  Parques ,  les  furies  , 
&c.  ôc  c'eft  là  auflî  que  Virgile  le  fur- 
paiTe  lui-même. 


.     .     .     .     tum  Tartarus  ipfe 
Pis  patet  in  prceceps  tantum ,  tenditque  fuh 

umbras , 
Quantus  ad  athereum  cali  fufpeclus  Olympum. 
Hic  genus  antiquum  terrœ ,  Titania  pubes , 
Fulmine  dejeâi  fundo  volvuntur  in  imo,  ÔCc^ 

Enfin ,  la  îeptierhe  demeure  fait  le  fé- 
jour des  bienheureux  j  les  Champs  Elyfées» 

His  demum  exaclis ,  perfeclo  munere  diva?, 
Devenir  e  locos  lœtos ,  &  amœna  vireta 
Fortunatorum  nemorum  ,fedefquebeatas,  ÔCC. 

Je  mpprime  à  regret  les  autres  détails 
admirables  que  Virgile  nous  donne  des 
enfers,  &  je  ne  penfe  point  à  mettre  à 
leur  place  ceux  des  auteurs  qui  l'ont  pré- 
cédé ou  qui  l'ont  fuivi  ;  il  vaut  beaucoup 
mieux  nous  attacher  à  ramener  le  fyftême 
des  fictions  poétiques  à  leur  véritable  ori- 
gine ;  ôc  en  recherchant  celle  de  la  fable 
des  enfers  ,  démontrer  en  général  qu'elle 
vient  d'Egypte  ;  après  quoi  l'on  jugera  fans 
peine  que  la  plupart  des  circonftances 
dont  on  l'a  embellie  dans  la  fuite,  font 
le  fruit  de  l'imagination  des  poètes  Grecs 
ôc  Romains, 

Non  feulement  Hérodote  nous  apprend 

que  prefque  tous  les  noms  des  dieux  font 

venus  d'Egypte  dans  la  Grèce,  mais  Diodore 

de  Sicile  nous  explique ,  par  le  fecours  des 

LU  z 


45*  E  N  F 

traditions  Egyptiennes ,  la  plupart  des  fables 
qu'on  a  débitées  fur  les  enfers. 

Il  y  a,  dit  cet  excellent  auteur ,  (liv.  I.) 
un  lac  en  Egypte  au  delà  duquel  on  en- 
terroit  anciennement  les  morts.  Après  les 
avoir  embaumés ,  on  les  portoir,  fur  le  bord 
de  ce  lac.  Les  juges  prépo'es  pour  examiner 
la  conduite  &  les  mœurs  de  ceux  qu'on 
devoit  faire  pafler  de  l'autre  côté ,  s'y  ren- 
doient  au  nombre  de  quarante;  &  après 
une  longue  délibération ,  s'ils  jugeoient 
celui  dont  on  venoit  de  faire  l'information  , 
digne  de  la  iepulture ,  on  mettoit  fon  cada- 
vre dans  une  barque  dont  le  batelier  fe 
nommoit  Caron.  Cette  coutume  étoit  même 
pratiquée  à  l'égard  des  rois  ;  &  le  jugement 
qu'on  portoit  contre  eux  étoit  quelquefois 
n  févere ,  qu'il  y  en  eut  qui  furent  réputés 
indignes  de  la  fépulture. 

La  fable  rapporte  que  le  Caron  des  Grecs 
eft  toujours  fur  le  lac;  celui  des  Egyptiens 
avoit  établi  fa  demeure  fur  les  bords  du  lac 
Querron.  Le  Caron  des  poètes  Grecs  exi- 
geoit  impitoyablement  fon  péage  ;  celui  des 
Egyptiens  ne  vouloit  pas  même  faire  grâce 
au  fils  du  roi;  il  devoit  juftifierau  prince 
régnant ,  qu'il  n'amafïbit  tant  de  richefles 
que  pour  fon  fervice.  Le  lac  des  enfers  étoit 
formé  d'un  fleuve  ;  celui  du  Querron  étoit 
formé  des  eaux  du  Nil.  Le  premier  faifoit 
neuf  fois  le  tour  des  enfers ,  novies  Styx 
interfufa  ;  jamais  pays  n'a  été  plus  arrofé 
que  l'Egypte  ;  jamais  fleuve  n'a  eu  plus  de 
canaux  que  le  Nil. 

L'idée  .de  la  prifon  du  Tartare ,  dont  une 
partie ,  félon  Virgile ,  étoit  auiïi  avant  dans 
la  terre  que  le  ciel  en  eft  éloigné ,  ne  paroît- 
elle  pas  prife  du  fameux  labyrinthe  d'Egypte, 
qui  étoit  compofé  de  deux  bâtimens ,  dont 
l'un  étoit  fous  terre  î  Les  crocodiles  facrés 
que  les  Egyptiens  nourriiîbient  dans  des 
chambres  (outerraines ,  désignent  aflez  clai- 
rement les  monftres  affreux  qu'on  met  dans 
le  royaume  de  Pluton. 

En  un  mot ,  il  femble  qu'aux  circons- 
tances près,  on  trouve  en  Egypte  tout  ce 
qui  compose  X'enfr  des  poètes  de  la  Grèce 
&  de  Rome.  Homère  dit  que  l'entrée  des 
enfers  étoit  fur  le  bord  de  l'Océan;  le  Nil 
eft  appelle  par  ce  même  poëte  &ku.vo{ .  C'eft 
en  Egypte  qu'on  voit  les  portes  du  fbleil, 


«lies  ne  font  autre  chofe  que  la  ville  d'Hé- J  le  Tartare. 


E  N  F 

liopolis.  Les  demeures  des  morts  font  marv 
quces  par  ce  grand  nombre  de  pyramides 
tk  de  tombeaux  ,  où  les  momies  fe  font 
confervées  pendant  tant  de  fiecles.  Caron , 
fa  barque,  l'obole  qu'on  donnoit  pour  le 
paflage  ;  tout  cela  eft  encore  tiré  de  l'hiftoire 
d'Egypte.  Il  eft  même  très  -  probable  que 
le  nom  de  l'Achéron  vient  de  l'Egyptien 
Achouckerron,  qui  iignifie  les  lieux  maréca- 
geux de  Caron;  que  le  Cerbère  a  pris  fi  dé- 
nomination de  quelqu'un  des  rois  d'Egypte, 
appelle  Chebrïs  ou  Kébron;  qu'enfin ,  le  nom 
du  Tartare  vient  de  l'Egyptien  Dardar&t , 
qui  fignifie  habitation  éternelle;  qualification 
que  les  Egyptiens  donnoient  par  excellence 
à  leurs  tombeaux. 

Mais  fans  trop  appuyer  fur  ces  étymo- 
logies,  &  moins  encore  fans  compter  fur 
de  plus  recherchées,  par  lefquelles  Bochart> 
le  Clerc  &  autres  favans ,  trouvent  chez 
les  Egyptiens  le  fyftême  complet  des  enfers 
&c  des  champs  élyfées  ;  c'eft  allez  d'en  con- 
ncître  la  première  origine  ;  il  n'en  faut  pas 
demander  davantage  :  de  minimis  nen  cu- 
randum. 

Quant  aux  voyages  que  les  poètes  font 
faire  à  leur  héros  dans  les  enfer s ,  je  crois 
qu'ils  n'ont  d'autre  fondement  que  les  évo- 
cations auxquelles  eurent  autrefois  recours 
les  hommes  fuperftitieux  pour  s'éclaircir  de 
leur  deftinée.  Orphée ,  qui  avoit  été  lui- 
même  dans  la  Thcfprotie  pour  évoquer  le 
fantôme  d'Euridice  fa  chère  époufe ,  nous 
en  parle  comme  d'un  voyage  aux  enfers , 
ôc  prend  occafïon  de  là  de  nous  débiter 
tous  les  dogmes  de  la  théologie  païenne 
fur  cette  matière.  Les  autres  poètes  ne  man- 
quèrent pas  de  fuivre  fon  exemple.  Bayle , 
réponfe  aux  quejlions  d'un  provincial.  Voy. 
Evocation  ,  Mânes. 

Quoi  qu'il  en  fbit ,  il  arriva  que  les 
Grecs ,  contens  d'avoir  faifi  en  général  les 
idées  des  Egyptiens  fur  l'immortalité  des 
âmes ,  &  leur  état  après  la  mort ,  donnèrent 
carrière  à  leur  génie,  &  inventèrent  fur 
ce  fujet  quantité  de  fables  dont  ils  n'avoient 
aucun  modèle.  l'Italie  fuivit  l'exemple  des 
Grecs,  &  ajouta  de  nouvelles  fictions  aur 
anciennes,  telles  font  celles  du  rameau  d'or, 
des  furies  ,  des  Parques  &  des  ifluftres 
fcélérats  que  leurs  poètes  placèrent  dans 


ENF 

Enfin  ,  tant  d'autres  travaillèrent  CucceC- 
fivement  8c  en  difFérens  lieux  à  former  le 
fyftême  poétique  des  enfers ,  que  ce  fyftême 
produisit  un  mélange  monftrueux  de  fables 
ridicules ,  dont  tout  le  monde  vint  à  fe 
moquer.  Cicéron  rapporte  que  de  fon  temps 
il  n'y  avoit  point  de  vieille  allez  fotte  pour  y 
ajourer  la  moindre  foi.  Die,  quœfo  ,  num,  te 
illa  tenent ,  triceps  apud  inferos  Cerberus , 
Cocyti  frémi  tu  s  y  &  tranfvecllo  Acherontis  ? 
Adebne  me  delirare  cenfes ,  ijîa  ut  credam  ?  . . 
Quœ  anus  tam  excors  invenir i  potejl ,  quee 
illa  ,  quœ  quondam  credebantur ,  apud  inferos 
portenta  ,  extimefeat?  De  nat.  deor.  Juvénal 
nous  allure  de  fon  côté  ,  que  les  enfans 
mêmes  croyoient  à  peine  l'ancienne  doc- 
trine des  enfers.  Voyez  l'article  précédent. 

Cependant ,  malgré  ce  changement  dans 
les  opinions  des  particuliers,  la  pratique 
du  culte  public  ne  changea  point  de  face  , 
ni  du  temps  de  Cicéron ,  ni  du  temps  de 
Juvénal.  On  vit  fubfifter  les  mêmes  fêtes  , 
les  mêmes  procefïions  &  les  mêmes  facrifices 
en  l'honneur  de  Pluton ,  de  Proferpine ,  8c 
des  autres  divinités  infernales,  auxquelles 
perfonne  ne  croyoit  plus.  Tant  il  eft  vrai 
que  les  particuliers  peuvent  en  matière  de 
religion  fe  trouver  defabufés ,  &  le  même 
culte  public  fubfifter.  Polybe  fait  à  ce  fujet 
une  réflexion  par  laquelle  je  finirai  cet  ar- 
ticle. 

"  Le  plus  grand  avantage  ,  dit  ce  judi- 

„  cieux  hiftorien ,  qu'ait    eu  le  gouverne- 

„  ment  de  Rome  fur  tous  les  autres  états , 

„  eft  une    chofe    généralement    décriée  , 

j,  l'idolâtrie  8c  la  fuperftition.  Si  une  fb- 

„  ciété ,  ajoute-t-il  ,    étoit  formée   feule- 

3,  ment  de  gens  fages,    un  tel  plan  n'auroit 

„  pas  été  néceiîàire  ;  mais  puifque  la  mul- 

„  titude  eft  toujours  agitée  de  defïrs  illi- 

„  cites  &  de  pallions  violentes ,  il  n'y  avoit 

„  pas  d'autre  moyen  plus  fur  de  les  répri- 

„  mer ,  que  ce  fecret  de  fictions  8c  de  ter- 

„  reurs.  C'étoit  donc  prudemment  8c  fa- 

,,  gement  que  les  Romains  inculquèrent 

„  dans  les  efprits  le  culte  de  leurs  dieux , 

„  8c  la  crainte  des  punitions  du  Tartare. ,, 

Livre  VI , page  qyj.  Voye^  Superstition. 

Article  de  M.  le  chevalier  de  J au  COURT. 

Enfer  de  Boyle  ,  (Chymie.)  vaiflèau 

circulatoire  d'un  verre  fort,  compofé  de 

plufieurs  pièces ,  qui  toutes  enfemblefont 


EN  F  453 

uneefpece  de  matras  ,  ayant  le  cou  long  8c 
étroit  8c  le  globe  très-applati ,  imaginé  par 
le  célèbre  Anglois  dont  il  porte  le  nom  , 
pour  fiire  ce  qu'on  appelle  le  mercure  fixé 
per fe.  Vcye^  nos  planches.  Voye^  Mercu- 
re, (fi) 

*  ENFERMER ,  v.  ad.  Nous  difons qu'un 
corps  eft  enfermé  dans  un  autre  ,  lorfque 
celui  -  ci  forme  en  tous  fens  un  obftacle 
entre  le  premier  8c  notre  toucher  ou  nos 
yeux. 

ENFERRURE  ,  f.  f.  c'eft  une  des  opé- 
rations de  l'exploitation  de  Yardoife  dans  fa 
minière.   Vayeà  l'article  Ardoise. 

ENFICELER  un  Chapeau,  terme  de 
chapelier ,  c'eft  ferrer  le  bas  de  la  forme 
avec  une  ficelle  ou  cordon  à  l'endroit  que 
les  Chapeliers  appellent  le  lien.  Voye^ 
Chapeau. 

ENFILADE,  f.  f.  (Gramm.)  fuite  ou 
continuation  de  plufieurs  chofes  difpofées 
dans  un  même  ligne,  ou  fur  un  même  fil , 
comme  une  enfilade  de  chambres,  de  portes, 
de  bâtimens ,  &c. 

Enfilade  ,  en  terme  de  guerre  ,  fe  dit  des 
tranchées  ©u  autres  lignes  qui  font  droites , 
qui  peuvent  être  nettoyées  8c  balayées  par  le 
canon  de  l'ennemi  en  longueur  ou  dans  leur 
propre  direction ,  8c  qui  par-là  font  incapa- 
bles de  défenfe. 

Il  faut  avoir  foin  que  les  tranchées  ne 
foient  point  enfilées  ;  au  contraire  la  ligne 
de  contre-approche  doit  être  enfilée  ,  afin 
qu'on  en  puifle  chafler  l'ennemi.  Les  der- 
niers boyaux  des  tranchées  ,  c'eft-à-dire 
ceux  qui  fe  font  au  pié  du  glacis  8c  fur  le 
glacis ,  font  fujets  à  être  enfilés  à  caufe 
de  leur  proximité  du  chemin  couvert.  Voy. 
Tranchée.  (Q) 

Enfilade  ,  en  Architeclure ,  c'eft  l'aligne- 
ment de  plufieurs  portes  de  fuite  dans  un  ap- 
partement. Voyc^  Appartement.  (  F) 

Enfilade  ,  (  Jardinage.  )  feditde  plu- 
fieurs falles  de  verdure  qui  fe  commu- 
niquent, 8c  qui  font  un  point  de  vue. 
(K) 

ENFILE  ,  adj.  en  termes  de  Blafon ,  fe 
dit  des  couronnes ,  annelets ,  8c  autres 
chofes  rondes  8c  ouvertes  qui  font  pafléeS 
dans  des  fafees ,  bandes  ,  lance  ,  &c.  On 
dit  aufïi  enfilant. 

Du  Faure  en  Dauphiné  x  d'azur  à  trois 


454  E  N  F 

.couronnes  d'or,  enfilées  dans  une  tande 
d'azur. 

E  N  F I  L  E  M  E  N  T  du  Cable.  Voye{ 
Enfiler. 

ENFILER  ,  v.  aét.  (  Gramm.  )  Il  a  deux 
acceptions  affez  différentes  ;  il  fe  dit  de 
l'aiguille  ,  5c  il  fe  dit  de  plufîeurs  objets  où 
il  y  a  ouverture.  Enfiler  une  aiguille  ,  c'eft 
paffer  un  fil  dans  fon  oeilj  enfiler  des  ob- 
jets ,  c'eft  paffer  ou  un  filou  une  verge  dans 
i  ouverture  qui  y  £i\  pratiquée.  Ainfi  on 
enfile  des  anneaux  ;  les  chandeliers  enfilent 
jdes  mèches. 

Enfiler,  {Marine.)  On  dit  que  le 
cabeftan  enfile  les  cables  en  virant ,  lorfque 
le  cable  tourne  en  rond  autour  du  cabef- 
,tan.  (Z) 

Enfiler  ,  en  terme  d'épingîier  ,  fe  dit 
de  l'action  de  palfer  la  tête  de  l'épingle  à 
l'endroit  où  elle  doit  être  fertie  ou  rivée. 
l^oyei^  Epingle. 

*  Enfiler  ,  (  Trictrac.  )  Lorfqu'un  des 
deux  joueurs  A ,  ayant  fait  fon  plein ,  le 
garde  allez  long- temps  pour  que  le  joueur 
B ,  ou  foit  forcé  d'empiler  toutes  fes  da- 
mes fur  la  dernière  café,  ou  ne  puifle  jouer 
fans  battre  à  faux  ,  ou  ne  puiflè  ni  paflèr 
{es  dames ,  ni  les  lever ,  ou  ne  punie  les 
lever  fans  les  découvrir  ;  en  forte  que  per- 
dant prefqu'à  chaque  coup  qu'il  joue  un 
nombre  de  points  plus  ou  moins  grand , 
êc  fon  adverfaire  A  en  gagnant  à  chaque 
coup  qu'il  joue  un  nombre  plus  ou  moins 
grand ,  foit  en  battant  les  dames  découver- 
tep ,  foit  en  gardant  fon  plein ,  celui-ci 
marque  un  grand  nombre  de  trous  tout 
de  fuite  ;  ce  nombre  de  trous  s'appelle  une 
enfilade  :  on  dit  que  le  joueur  B  eft  enfi- 
lé ,  &:  cela  lui  arrive  allez  fouvent  pour 
avoir  tenu  mal-à-propos. 

ENFILEUR,  f.  m.  en  terme  d'Epin- 
gîier  y  fe  dit  de  l'ouvrier  qui  eft  occupé  à 
pafïèr  les  têtes  dans  les  branches  ,  &  à  les 
préparer  à  être  prefïees  entre  les  deux  ti- 
roirs. 

ENFLAMMÉ ,  adj.  (B  la  fon.)  fe  dit  d'un 
cœur  dont  il  fort  une  flamme  :  il  eft  le  fym- 
feole  de  l'ardeur,  du  courage  ,  du  defîr  de 
fervir  fon  prince  &  l'état. 

De  Saint  -  Hillaire  ,   en  Languedoc  ; 
tfa-iur  au  cœur  d'or ,  enflammé  de  gueulps. 
>Pe  Cur fay  de  Sairit-Maixent  9  en  Sain- 1 


E  N  F 

tonge  ;  d'argent  au  cœur  enflammé  de  gueu- 
les ,  accompagné  en  pointe  d'un  croijfant  de 
même.  {  G.  D.  L.  T.  ) 

*  ENFLAMMER,  v.  ad.  {Gramm.) 
c'eft  appliquer  le  feu  à  un  corps  combufti- 
ble  d'une  manière  fenfîble  pour  les  yeux 
au  delà  de  la  furface  du  corps  •>  le  corps 
feroit  feulement  échauffe ,  fi  le  feu  n'y  étoit 
fenfîble  que  pour  le  toucher  ;  il  feroit  feu- 
lement ardent  ou  embrafé,  Ci  le  feu  n'y 
étoit  pas  fenfîble  pour  les  yeux  au  delà  de 
fa  furface. 

ENFLÉCHURES  ,  FIGURES,  FIGU- 
LES  ,  f.  f.  p.  (  Marine.)  ces  deux  derniers 
ne  font  guère  d'ufage. 

Les  enfléchures  font  des  cordes  qui  tra- 
verfent  les  haubans  en  forme  d'échelons  , 
elles  fervent  à  monter  aux  hunes  &  au 
haut  des  mâts.  Voyez  Marine  ,  Planche  I , 
n°.4o.{Z) 

ENFLER  ,  verbe  actif ,  c'eft  en  général 
augmenter  le  volume  d'un  corps.  Il  fe 
prend  au  phyfique  &:  au  moral ,  au  fîmple 
&  au  figuré. 

Enfler  des  Parties  ,  Enfler  un  Mé- 
moire ,  {Commerce.)  c'eft  y  mettre  les 
marchandifes  qu'on  a  livrées ,  à  un  plus 
haut  prix  qu'elles  ne  valent ,  ou  qu'on  n'en 
eft  convenu. 

On  ditaufîî  enfler  la  dépenfe  d'un  compte, 
pour  fignifier  qu'on  y  emploie  des  articles 
qui  n'y  peuvent  ou  n'y  doivent  point  entrer. 
Diclionn.  de  Commerce ,  de  Trévoux ,  de 
Charniers.  (  G  ) 
Enfler  ,  {Orfevr.)  opération  de  la  retrainte; 
c'eft  l'action  d'agrandir  au  marteau  fur  la 
bigorne  les  parties  inférieures  des  pièces  d'ar- 
genterie ,  qui  doivent  former  le  ventre  des 
pièces ,  comme  aux  pots  à  l'eau ,  cafetières, 
chocolatières ,  &c. 

ENFLURE  ,  f.  f.  (  Médecine.)  Ce  terme 
eft  employé  pour  exprimer  en  général  toute 
élévation  contre  nature  qui  le  forme  fur 
la  furface  du  corps,  par  quelque  caufe  & 
quelque  matière  que  ce  foit  ;  ainfî  on  peut 
dire  de  toutes  les  tumeurs,  qu'elles  font 
des  enflures.  Les  parties  externes  affectées 
de  phlegmon  ,  d'éréfipele ,  de  skirrhe  , 
font  toujours  plus  ou  moins  enflées  ;  quel- 
quefois même  l'affection  des  parties  inter- 
nes caufe  une  enflure  qui  fe  montre  à  l'ex- 
térieur ,  comme  l'inflammation  ,  &  autre- 


ENF 

flmreur  du  ventricule  ;  les  metéorifmes  qui 
pouffent  en  dehors  les  tégumens ,  &les  font 
paraître  enflés  :  on  dit  aufïi  de  la  groflelfe 
qu'elle  fait  enfler  le  ventre,  qu'elle caufe  une 
enflure  de  neuf  mois.  Le  trop  d'embonpoint 
peut  aufïi  être  regardé  comme  une  enflure 
produire  par  la  trop  grande  abondance  de 
graille  qui  fouleve  les  tégumens ,  &  forme 
comme  une  anafarque  adipeufe.  Voye{ 
Tumeur. 

L'ufage  a  cependant  reftreint  la  lignifi- 
cation du  mot  enflure  ;  on  s'en  fert  parti- 
culièrement pour  déligner  un  amas  de 
fluides  aériens  ou  aqueux ,  qui  élèvent  la 
peau  au  deffus  de  fon  niveau  ordinaire 
dans  l'état  ,  de  fanté ,  foit  que  cet  amas 
s'étende  à  toute  la  fur-face  du  corps ,  (bit 
qu'elle  n'ait  lieu  que  dans  quelqu'une  de 
Ces  parties.  Si  c'eft  l'air  renfermé  fous  la 
peau ,  qui  eft  la  matière  de  l'enflure  ,  on 
l'appelle  emphyfeme ,  qui  peut  être  univerfel 
ou  particulier  :  Il  cette  efpeced'e/2/7wre ,  n'eft 
pas  fort  étendue,  on  lui  donne  le  nom 
de  tumeur  emphyfémateufe  :  il  la  matière 
aérienne  eft  renfermée  dans  le  ventre,  & 
en  diftend  confidérablement  les  parois ,  on 
nomme  cette  forte  d'enflure  tympanitt  , 
parce  que  lorfqu'on  la  frappe ,  elle  raiibnne 
comme  un  tambour  (  voye^  Emfhvseme 
tympanite)  :  fi  c'eft  la  férofité  ou  toute 
autre  humeur,  aqueufe ,  qui  gonfle  le  tiiîu 
cellulaire.,  on  appelle  Y  enflure  qui  en  eft 
formée  \  leucophlegmatie  :  anafarque,  fi  elle 
eft  étendue  fur  toute  la  furface  du  corps  : 
on  l'appelle  bouffijfure ,  Ci  elle  n'affecte  que 
le  vifage  :  œdème ,  fi  elle  n'occupe  qu'une 
petite  partie  :  on  donne  le  nom  d'enflure 
ifimplement  aux  tumeurs  aqueufes  ou 
féreufes  ,  qui  affectent  les  extrémités 
du  corps,  6c  particulièrement  les  infé- 
rieures.- 

Si  l'enflure  eft  produite  par  un  amas 
d'eau  épanchée  ,  renfermée  dans  la  capa- 
cité du  bas -ventre  ,  ou  dans  toute  autre 
cavité  particulière  ,  on  la  nomme  en  géné- 
ral hydropifie  -,  qui  eft  aufïi  diftinguée  par 
différens  noms ,  feloa  que  les  liquides 
épanchés  occupent  telle  ou  telle  partie. 
Ainfi  ,.l 'enflure  aqueufe  de  la  cavité  de 
l'abdomen  eft  appellée  afcite  ,  celle  du 
fcrotum  eft  appellée  hydrocele  ,  &c.  Voye^ 
AnA.SAR.QJJE ,  LEUCOPHtEGMAIIB,  <EO£- 


E  N  F  45T 

me,    Hydropisie,   Ascite,  Hydroce- 

LE  ,  &C.    (d) 

Enflure  ,  (  Manège  ,  Mai Uiall.)  terme 
communément  Ôc  indéfiniment  appliqué  à 
toutes  les  maladies  qui  (e  montrent  extérieu- 
rement par  l'augmentation  du  volume  natu- 
rel d'une  partie  quelconque ,  ou  d'une  por- 
tion de  cette  partie;  mais  quoique  ce  mot 
lemble  embraflèr  toutes  les  efpeces  de  tu- 
meurs, nous  dirons ,  pour  le  réduire  à  fa 
véritable  lignification ,  qu'il  défigne  un  gon- 
flement noncirconferit ,  accompagné  déplus- 
ou  de  moins  de  dureté,  quelquefois  mou  , 
fans  inflammation  &  fans  douleur,  ou  fuivi 
de  l'une  &  de  l'autre. 

Toutes  les  parties  extérieures  du  corps" 
font  fu jettes  à  l'enflure;  il  faut  néanmoins" 
convenir  qu'il  en  eft  qui  y  paroiffent  plus 
expofées  ;  les  unes ,  à  caufe  de  la  contex- 
ture  plus  lâche  de  leur  tiffu  ,  qui  permet 
plus  facilement  le  féjour  des  humeurs  , 
ainfi  que  nous  le  voyons  dans  les  pau- 
pières, au  fourreau,  au  fcrotum  >  &c.  les 
autres ,  attendu  leur  éloignement  du  centre 
du  mouvement  circulaire  ;  caries  liqueurs 
ne  pouvant  y  participer  entièrement  de  fa 
force  ,  leur  retour  eft  beaucoup  plus  péni- 
ble :  telles  font  à  cet  égard  les  quatre 
extrémités ,  dont  la  pofition  perpendicu-> 
laire  eft  encore  un  furcroît  d'obftacle  à  la' 
liberté  de  ce  même  retour,  puifquelà  des' 
humeurs  font  obligées  de  remonter  contré 
leur  propre  poids.  -, 

L'enflure  peut  provenir  de  caufe  interne' 
ou  de  caufe  externe.  On  doit  l'envifàger 
quelquefois  comme  une  maladie  particu- 
lière ,  quelquefois  aufïi  comme  un  fympto- 
me  de  maladie.  Elle  eft  formée  par  l'air 
dans  -les  emphyfemes ,  par  des  humeurs,  •• 
c'eft-à-dire  ,  par  le  fang  feul  dans  les  con-> 
tufions  ,  par  de-  la  férofité  dans  les  œdè- 
mes ,  &c4 

i  L'enflure  efîèntielle  étant  une  maladie  par*  ■ 
ticuliere ,  ne  demande  qu'à  être  terminée  * 
par  la  réfolution  ,  de  quelque  efpece  qu'elle 
foit;  quant  à  celle  qui  eft  un  fymptome  de  - 
maladie  ,  on  y  remédie  en  traitant  la  ma-- 
ladie  qu'elle  annonce  différemment ,  felort 
fbn  génie  &  fon  caractère. 

On  ne    peut  par  conféquent    preferirô" 
un  traitement  qu'eu  égard- à  l'enflure  eflen- 
tieUe,  S'il  y.  a  douleur  &  inflammation  >.- 


456  ENF 

la  iaignée ,  un  régime  modéré  &  humec- 
tant ,  des  topiques  anodyns  ou  légèrement 
réfolutifs  ,  un  breuvage  purgatif  enfin  ad- 
mimftré  dans  le  temps  de  la  réfolution 
de  l'humeur  ,  fuffironr  &  rempliront  par- 
faitement notre  objet.  Si  nous  n'apperce- 
vons  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  accidens ,  nous 
mettrons  d'abord  en  ufage  des  réfolutifs 
qui  auront  beaucoup  plus  d'a&ivité ,  tels 
que  les  Spiritueux;  &  nous  réitérerons  les  pur- 
gatifs ,  à  moins  qu'il  nes'agiflè  d'une  enflure 
emphyiemateufe  ;  car  en  ce  cas,  ces  derniers 
remèdes  ne  iont  pas  d'une  aulïi  grande 
nécefïité.  (e) 

Enflure  ,  (Rkétoriq.)  vice  du  difeours 
&  de  les  .penfées;  faufie  image  du  grand, 
du  phathétique  ,  que  le  bon  fens  réprouve  : 
Tout  doit  tendre  au  ton  fens. . . 

On  peut  distinguer  deux  fortes  à' enflure: 
Tune  confifte  dans  des  penfées  qui  n'ont 
rien  d'élevé  en  elles-mêmes,  ëc  qu'un 
efpr.it  faux  s'efforce  de  rendre  grandes ,  ou 
par  le  tour  qu'il  leur  donne,  ou  par  les  mots 
dont  il  les  mafque  ;  c'eft  le  nain  qui  fe 
haufle  fur  la  pointe  des  pies ,  ou  qui  fe 
guindé  fur  des  échalles  pour  paraître  d'une 
plus  haute  taille. 

L'autre  forte  d'enflure  eft  le  fablime  ou- 
tré ,  ou  ce  que  nous  appelions  allez  com- 
munément le  gigantefque.  Les  chofes  qui 
vont  au  delà  du  ton  de  la  nature  ,  quel'ex- 
preftion  rend  avec  obfcurité  ,  ou  qu'elle 
peint  avec  plus  de  fracas  que  de  force ,  font 
une  pure  enflure. 

U  enflure  eft  dans  les  mots  ou  dans  la  pen- 
fée  ,  &  le  plus  Souvent  dans  l'un  Se  dans 
l'autre  :  c'eft  ce  que  quelques  exemples  font 
fentir. 

Médée ,  dans  la  tragédie  qui  porte  Son 
nom  ,  chez  Séneque  ,  s'excitant  elle-même 
à  fe  venger  de  Jafon  &c  des  complices  de 
fon  infidélité ,  s'écrie  :  Quoi!  l'auteur  de 
notre  race  ,  le  fcleil  voit  ce  qui  fe  paffe ,  il 
le  voit  &  h  laifjfè  voir  ?  Il  parcourt  fa  route 
ordinaire  dans  le  ciel ,  qu'aucun  nuage 
n'o.'fcurcit  ,  ne  retourne  pas  en  arrière ,  & 
ne  reporte  pas  le  jour  aux  lieux  qui  l'ont 
vu  naître.  O  mon  père  !  laiffe  ,  laiffe-moi  voler 
dans  les  airs  !  Confie  les  rênes  de  ton  char  à 
mes  mains  !  Permets  qu'avec  tes  guides  en- 
flammés ,  je  conduife  tes  courfiers  qui  por- 
tent le  feu  de  toutes  parts  !  On  fent  par  ces 


ENF 

puérilités  ,  que  Médée  débite  avec  bien 
plus  d'emphafe  dans  l'original  que  dans 
cette  traduction  ,  ce  que  c'eft  que  l'enflure 
du  ftyle. 

Dans  la  Pharfale  (liv.  VIII ,  v.  ygi  ), 
Cordus  couvre  d'une  pierre  la  folïe  dans 
laquelle  il  vient  de  brûler  à  demi  le  corps 
de  Pompée.  Là  deflus  Lucain  s'écrie  :  17 
te  plaît  donc ,  ô  Fortune  !  d'appeller  le  tom- 
beau de  Pompée ,  cet  indigne  endroit  oà  fon 
beau-pere  même  aime  mieux  qu'il  foit  enfer- 
mé ,  que  s'il  manquoit  de  fépulture.  O  main 
téméraire  !  pourquoi  bornes-tu  Pompée  dans 
un  fépulcre  ?  Pourquoi  renfermes  -  tu  fef 
mânes  errans  ?  Il  gît  dans  l'univers ,  &  h 
remplit  jufquoà  la  terre  manque  à  la  vue  de 
l'Océan  qui  l'entoure.  Renverfe  ces  pierres 
aceufatrices  des  dieux.  Si  le  mont  (Sta  tout 
entier  ejl  le  fépulcre  d?  Hercule  ;  fi  Bacchus 
a  pour  lui  celui  de  Nife ,  pourquoi  le  grand 
Pompée  na-t-il  qu'une  feule  pierre  ?  Il  peut 
remplir  toutes  les  campagnes  de  Lagus  , 
pourvu  qu'aucun  ga^on  n'offre  fon  nom  aux 
yeux  des  voyageurs.  Peuples,  éloignons-nous , 
&  que  ,  par  refpecl  pour  fes  cendres ,  nos  pies 
ne  foulent  aucun  endroit  des  fables  arrofés  pat 
le  Nil. 

Voilà  ce  que  c'eft  que  l'enflure  du  ftyle 
5c  des  penfées  :  voilà ,  de  plus  ,  des  jeux 
de  mots  qui  y  font  réunis ,  5c  ,  dans  quel- 
ques endroits,  des  Non-fenfes ,  fi  je  puis 
me  fervir  d'un  terme  Anglois  qui  nous 
manque.  En  effet ,  le  corps  d'un  homme 
eft  nécellai  rement  borné  dans  un  tombeau 
de  lix  à  fept  pies  d'étendue ,  5c  celui  de 
Pompée  ne  pouvoit  remplir  toutes  Ls  cam- 
pagnes dz  Lagus.  Mais  Pompée  ,  le  grand 
Pompée  avok  rempli  l'univers  du  bruit  dé 
fes  exploits  ,  5c  l'immortalité  de  fon  nom, 
étoit  allurée  dans  la  mémoire  des  hommes. 
C'eft  donc  là  le  monument  que  Lucain 
devoir  faire  valoir  dans  fon  ouvrage  à  la 
gloire  du  héros. 

Ce  que  ce  poëte  dit  dans  un  vers  au 
fujet  des  Romains  tués  à  la  bataille  de 
Pharfale ,  dont  Ce  far  voulut  qu'on  laiflàt 
pourrir  les  corps  fur  la  terre  ,  le  ciel  couvre 
celui  qui  n'a  point  de  fépulcre ,  a  fourni 
une  réflexion  judicieufe  au  P.  Bouhours. 
x<  Cette  penfée,  dit-il,  a  un  éclat  qui 
„  frappe  d'abord  ;  car  c'eft  quelque  choie 
„  de  plus  noble  en  apparence  d'être  cou- 

«vert 


E  N  F 

♦j  vert  du  ciel ,  que  d'être  enfermé  dans 
7>  une  tombe  :  mais ,  au  fond  ,  le  feul 
r>  ufage  des  monumens  efl  de  couvrir  des 
7)  cadavres  pour  les  garantir  des  injures  de 
»  l'air  &  des  animaux  ;  ce  que  ne  tait  pas 
*>  le  ciel ,  qui  efl  defliné  à  tout  autre  mi- 
p   niflere.  n 

Balzac,  qui  fonda  le  premier  un  prix 
«l'éloquence ,  &  qui  en  a  fi-bien  connu  la 
partie ,  qui  confifle  dans  Ja  cadence  des 
mots  &  l'harmonie  des  périodes  ;  Balzac  , 
dis-je  ,  tombe  ordinairement  dans  Y  enflure , 
lorfqu'il  recherche  le  grand  &  le  pathé- 
tique ,  &  c'efl  toujours  ce  qu'il  recherche. 
Il  mandoit  de  Rome  à  Bois-Robert ,  en 
parlant  des  eaux  de  fenteur  ,  je  me  fauve 
À  la  nage  dans  ma  chambre  au  milieu  des 
parfums  ,*  pure  enflure  de  flyle.  Il  écrivoit 
au  premier  cardinal  de  Retz  ,  lors  de  fà 
promotion  au  cardinalat  :  vous  vene\  de 
prendre  le  fceptre  des  rois  &  la  livrée  des 
rofes;  exemple  $  enflure  dans  lefiyle  &  dans 
ia  penfée. 

Enfin ,  un  grand  poëte  moderne  qui 
s'eft  élevé  au  iùblime  dans  fa  paraphrafè 
■de  quelques  pfeaumes  ;  un  poëte  dont  les 
odes  font  fi  belles  ,  fi  variées ,  fi  remplies 
d'images  ;  un  poëte  encore  chez  qui  le 
jugement  ne  le  cède  point  à  l'imagina- 
tion :  en  un  mot ,  Roufîeau  lui-même  n'a 
pu  éviter  de  tomber  quelquefois  dans  le 
défaut  dont  il  s'agit ,  ne  fût-ce  que  dans 
fbn  ode  fur  la  naifîance  du  duc  de  Bour- 
gogne. 

Où  fuis-} e  ?  Quel  nouveau  miracle 
Tient  encore  mes  fens  enchantés  ! 
Quelvafle  y  quel  pompeux  fpeclacle 


F, 


rappe  mes  yeux  épouvantes 


Un  nouveau  monde  vient  d'éclore 
V univers  fe  reforme  encore 
Dans  les  abymes  du  chaos  ! 
Et  pour  réparer fles  ruines  9 
Je  vois  des  demeures  divines 
Dej cendre  un  peuple  de  héros. 

Cette  ftrophe  entière  n'eft  qu'une  véri- 
table enflure  dans  la  penfée  &  dans  l'élo- 
cution.  Des  yeux  épouvantés  par  la  pompe 
d'un  fpeclacle  miraculeux  ,  tandis  que  tous 
les  autres  fensfont  enchantés  ;  enfuite  l'uni- 
vers fe  reformant  dans  un  abvme  de  confu- 
Tome  XII. 


E  N  F  457 

fion ,  après  qu'un  nouveau  monde  efl  venu 
éclore  ;  enfin  ,  un  nouvel  univers  reformé 
a-t-il  des  ruines  à  réparer,  pour  le fqu elles 
il  faille  qu'un  peuple  de  héros  defcende  des 
demeures  divines  ? 

On  voit  préfentement  que ,  de  toutes 
les  efpeces  S  enflure ,  les  plus  mauvaifes 
font ,  ou  celles  qui  confiflent  dans  des; 
idées  inintelligibles ,  parce  qu'il  faut  fe 
faire  entendre  ;  ou  celles  qui  confiflent 
dans  la  faufïeté  des  penfées  ,  parce  qu'on 
fait  tort  à  fon  jugement  :  au  lieu  que 
les  autres  efpeces  $  enflure,  comme  celle 
qui  efl  contenue  dans  le  pafîage  que  j'ai 
rapporté  ci-devant  de  Séneque ,  roulent 
fur  un  fonds  réel,  fur  des  penfées  qui 
ont  quelque  chofe  de  vrai.  V~oye$là-deC- 
fus  les  additions  au  traité  du  fublime  de 
Longin. 

Tirons  de  tout  ceci  deux  conféquences; 
la  première  >  que  ceux  qui  cherchent  le 
pathétique ,  &  qui  craignent  qu'on  ne  leur 
reproche  d'être  foibles  ou  fecs,  -font  li- 
brement &  naturellement  portés  vers  ce 
vice  de  Y  enflure,  perfuadés  que  c'efl  une 
faute  noble  de  ne  tomber  que  parce  qu'on 
s'élève. 

La  féconde  confequence  efl  que  les  plus 
grands  orateurs  &  les  premiers  poètes , 
lorfqu'ils  veulent  traiter  le  grand  &  le  fu- 
blime ,  ont  bien  de  la  peine  à  fe  garder 
de  Y  enflure,  &  à  l'éviter  dans  la  chaleur 
de  l'enthoufiafme  ;  c'efl  pour  cela  qu'ils 
doivent  enfuite  fe  défier  d'eux-mêmes  , 
relire  leurs  écrits  de  fang  froid  &  en 
juges  féveres ,  avant  que  de  les  publier  : 
enfin  ,  s'il  efl  pofGble  ,  confulter  des 
amis  propres  à  cenfurer ,  à  éclairer ,  &  fur- 
tout  (comme  le  dit  l'auteur  de  l'art  poé- 
tique) 

A  réprimer  des  mots  î  ambitieufe  emphafe. 

Article  deM. le  Chevalier  de  J a  uco  urt. 

ENFLURE,  [Manufacl.  de  draps.) 
c'efl  ainfi  qu'on  appelle  ,  dans  les  manu- 
factures de  draps  d'Aumale  ,  une  efpece 
de  fil. 

ENFONÇAGE,  termp  de  Tonnelier; 
c'efl  l'action  de  mettre  le  fond  A  une  fu- 
taille ,  quand  elle  efl  tout-à-fait  remplie  de 
marchandifes. 

M  mm 


45S  ENF 

ENFONCEMENT  ,  f.  m.  en  Archi-  \ 
tecîure ,  fe  dit  de  la  profondeur  des  fon- 
dations d'un  bâtiment;  c'eft  pourquoi  on 
a  coutume  de  marquer ,  dans  un  devis  , 
que  les  fondations  auront  tant  Renfonce- 
ment. Ce  mot  fe  dît  aufli  de  la  profon- 
deur d'un  puits,  <iont  la  fouille  fe  doit 
faire  jufqu'à  un  certain  nombre  de  pies 
au  deffous  de  la  fùperfîcie  des  plus  baffes 
eaux. 

On  appelle  auffi  enfoncement ,  la  partie 
reculée  d'une  façade  qui  forme  unearrie- 
corps  derrière  un  pavillon  ,  un  reffaut ,  un 
arriere-corps  ,    Ùc.   (P) 

*  ENFONCER  ,  v.  aa.  c'eft  déplacer 
dans  un  corps  d'.une  forme  donnée ,  une 
certaine  portion  de  fa  furface,_  de  ma- 
nière que  les  parties  de  cette  portion  foient 
après  le  déplacement ,  plus  voifines  d'un 
point  quelconque  pris  au  dedans  du  corps  , 
qu'elles  ne  l'étoient  auparavant.  La  diffé- 
rence qu'il  y  a  entre  enfoncer  &  creufer , 
c'eft  que  pour  enfoncer ,  il  ne  s'agit  pas 
d'enlever  au  corps  quelques-unes  de  (es 
parties  ,  au  lieu  qu'il  faut  lui  en  enlever 
pour  le  creufer.  D'ailleurs ,  faction  Ren- 
foncer f  fuppofè ,  de  la  part  du  corps  , 
plus  de  réfiftance  que  l'action'  de  creu- 
fer "  on  enfonce  une  porte  ,  on  creufe  un 
foffé. 

Enfoncer  ..les  éperons  à  un  cheval, 
(Maréclial.)  c'eft  les  lui  faire  fcntir-  avec 
violence. 

ENFONCER  ,  (Fauconnerie.)'  fe  dit  de 
l'oifeau  qui  fond  fur  fa  proie  en  la  pouffant 
jufqu'à  la  remife  ;  l'épervier  vient  Renfon- 
cer la  perdrix. 

ENFONCER,  (Jardinage  ^s'emploie  quand 
les  arbres  fe  plantent  un  peu  avant-dans  la 
terre  ;  c'eft  le  même  terme  à-peu-près  qu'en- 
fouir. 

ENFONCER  ,  en  terme  de  Layetterie., 
c'eft. joindre  enfemble  le  fond,  les  côtés  , 
le  devant ,  le  deffus  6c  le  derrière  d'un  ou- 
vrage. 

ENFONCER  ,  en  terme  d'Orfèvre,  c'èft 
creufer  une  pièce  ,  &  lui  donner  une  cer- 
taine, capacité  de  plate  qu'elle,  é.toit ,  ou 
distinguer  le  fond  d'avec  les  autres  par- 
ties; ce  terme  revient  à  celui  Rembxmdr , 
&  eft  la  première  opération  de  la  re- 
trainte. 


ENF 

ENFONCER,  en  terme  de  Planeur,  fîgnifte 
l'action  de  faire  fortir  le  bouge  du  fond  ,  Se 
de  le  faire  diftinguer  de  lui  &  de  l'arrête. 
On  fe  fert  de  ce  terme  apparemment ,  parce 
que  le  fond  ne  paroît  tel  que  quand  le  bouge 
eft  fait. 

ENFONÇURE  ,  f.  f.  (Chirurg.)  terme 
général  qui  fignine  un  afraiffement  de  plu- 
fieurs  pièces  du  crâne  qui  a  été  fracaffépar 
quelque  coup  violent. 

Les   médecins    Grecs    diftinguent   trois 
efpeces    Renfonçures    du   crâne  ;    favoir  v 
Yecpiefme ,  Yengijfome  &c  lecamarofe.  L'ec- 
pief  me ,  que  les  François  appellent  enfonçure 
avec  efquilles  ,  eft  une  enfonçure  du  crâne 
où  les  efquiHeç  piquent  &  bleffent  la  dure- 
mere.  L'engifïome,  nommée  par  nos  chi- 
rurgiens embarrure  ,  une  eft  enfonçure  de 
quelques  efquilles  détachées  ,  qui  s'infinuent 
entre  le  crâne  &  la  dure-mere.  Le  cama- 
rofe,  que  nous  appelions  voiture ,  eft  une 
enfonçure  de  quelques  pièces  d'os ,  dont  le. 
milieu  s'élève    &    forme    une    efpece    de 
voûte.  Il  eft  nécefîaire  de.  connoître  la  différ 
rente  lignification  de  ces   termes  de  l'art  , 
pour  entendre  les  auteurs  Grecs  &  Fran- 
çois ,    lorfqu'ils  emploient  les  uns  ou    les . 
autres  dans   leurs    écrits,    en    parlant  des- 
dîverfes  blefîures  du  crâne  ;  il  eft  vrai  que- 
la  connoiffance    des   mots    ne  fait  pas   la 
Tcience  ,  mais  elle  y  conduit ,  elle  y  fert- 
d'éntrée.  Article  de  M.  le  chevalier  DE. 
Jaucourt. 

ENFONÇURE  de  mangeoire.  Voy.  Man* 
GEOIRE.  ' 

ENFONÇURE ,  terme  de  Tonnelier.  C'eft  ; 
ainfi  qu'on  appelle  les  douves  qu'on  em-. 
ploie  à  faire  les  fonds  des  tonneaux.  Le 
mairrain  qui  fert  à  la  tonnellerie  fediftrngue 
en  mairrain  R enfonçure  ,  &  mairrain  à  faire; 
des, douves;  ce  dernier  eft  le  plus  long, 
le  premier,  eft  le  plus  large.  Voy.  MAIR- 
RAI  Ni. 

ENFONÇURE,  c'eft  chez  les  Vanniers  un  > 
aire  qui  remplit  le  fond  d'une  pièce  depuis 
Ton  centre  jufqu'à  la  circonférence. 

ENFORCIR,v.  n.  {Maréchal)  prendre- 
des  forces,  devenir  fort  &  vigoureux:  ce. 
cheval  enfôrcit  tous  les  jours  ,  il  a  enforci] 
de  moitié  &  en  forcira  encore. 

ENFORESTER  ,  (Hift.  ancienne  &  ma-, 
-derne.)    fuivant   Fufage   de  l'Angleterre,, 


E  N  F 

c*efl  mettre  une  terre  en  forêt  royale.  Voyez 
FORÊT. 

En  ce  fens  enforefter  eft  oppofé  à  defen- 
forefier.    Kqyq  DESENFORESTER. 

Guillaume  le  conquérant  &  Tes  fuccef- 
feurs  continuèrent  ,  pendant  plufïeurs  rè- 
gnes ,  d'enforeflerles  terres  de  leurs  fujets  ; 
jufqu'à  ce  qu'enfin  la  léfion  devint  fi  no- 
toire &  fi  univeriêlle ,  que  toute  la  nation 
demanda  qu'on  remît  les  chofes  dans  l'état 
où  elles  étoient  d'origine  ;  ce  qui  fut  enfin 
accordé,  &  en  coniëquence  il  y  eut  des 
commifTaires  nommés  pour  faire  la  vifite 
Se  l'arpentage  des  terres  nouvellement 
enfoveftées ,  defquelles  on  reftitua  le  libre 
ufage  aux  propriétaires  ,  &  ces  terres  de- 
fenforeftées  furent  appellées  purlieux.  Cham- 
bers.(G) 

EN-FORME,  (Blafoiu)  fe  dit  du 
lièvre  qui  paroît  arrêté  &  en  repos  ,  comme 
lorfqu'il  eft  en  fon  gîte  dans  le  creux  d'un 
fiiion.  Ce  mot  vient  de  la  prépofition  en , 
&  du  mot  Latin/or/7za  ;  parce  que  le  lièvre 
ainfl  placé  fe  trouve  dans  un  efpace  creux 
qui  repréfente  la  forme,  fa  capacité,  fon 
étendue. 

De  Perrin  ,  à  Paris  ,*  d'azur  à  un  arbre  au 
naturel ,  au  lièvre  d'argent  en-forme  au  pie 
de  V arbre.  (G.  D.  L.  T.) 

ENFORMER//Z  terme  de  Chaudronnier -, 
c  eft  donner  en  gros  à  une  pièce  la  forme 
qu'elle  doit  avoir  quand  elle  fera  finie. 
C'eft  proprement  ébaucher  &  diftinguer  les 
parties  les  unes  d'avec  les  autres  fans  les 
finir. 

ENFOUIR  ,  v.  ad.  (  Jardimge.  )  fe 
dit  du  fumier  qu'on  enterre  pour  faire  des 
couches  fourdes  ,  ou  des  .lits  qu'on  met 
au  fond  des  terrains  qui  doivent  être  effon- 
drés. 

ENFOURCHEMENT  ,  f.  m.  {coupe 
des  pierres.)  eft  l'angle  formé  par  la  ren- 
contre de  deux  douilles  de  voûte  qui  fe 
rencontrent  ;  les  vouffoirs  qui  les  lient  ont 
deux  branches  ,  dont  l'une  eil  dans  une 
voûte ,  &  l'autre  dans  la  contiguë.  Voye^ 
VOUTE  D'ARRESTE.  (D) 

*  ENFOURCHURE  ,  f.  {.  (Vénerie.) 
Il  fe  dit  de  la  tête  du  cerf,  lorfque  l'extré- 
mité du  bois  ,  fe  divifant  en  deux  pointes  , 
forme  la  fourche. 

ENFOURER,  c'eft,  en  terme  de  batteur 3 


E  N  F  4^ 

P  action  d'envelopper  les  outils  dans  des 
fourreaux  ,  voye\  FOURREAUX,  pour  les 
empêcher  de  prendre  des  formes  &  des 
fituations  défavantageufes. 

ENFOURNER,  en  terme  de  Boulanger^ 
c'efl  mettre  le  pain  au  four  après  qu'il  efl 
levé  pour  l'y  faire  cuire.  La  groffeur  &  l'é- 
paiiTeur  du  pain  déterminent  le  temps  qu'on 
doit  l'ylaiflèr;  les  pains  de  quatre,  de  huit 
&  de  douze  livres  n'y  doivent  refter  que 
trois  quarts-d'heure ,  ou  une  heure  tout  au 
plus. 

ENFUMER,  v.  a&.  (  Gramm.  )  c'efl 
expofer  à  la  fumée. 

ENFUMER ,  noircir  un  tableau.  Enfume' 
fe  dit,  en  peinture  ,  d'un  tableau  fort  vieux 
que  le  temps  a  noirci.  Quelquefois  on  en- 
fume des  tableaux  modernes  pour  leur 
donner  un  air  d'antiquité.  C'eft  une  rufè 
de  brocanteur  pour  tirer  parti  de  la  manie 
de  ceux  qui  ne  veulent  pas  qu'il  y  ait  rien 
de  beau  que  ce  qui  eft  ancien  ,  ni  de  vi- 
goureux que  ce  qui  eft  noir.  (R) 

ENGADME ,  (Géog.  mod.)  vallée  de 
Suilîè  fituée  dans  le  pays  des  Grifons  ; 
elle  fe  divifè  en  haute  &  baffe  ;  elle  efl 
dans  la  ligne    de  la  Maifon-Dieu. 

ENGAGE ,  ou  VIF  GAGE,  f.  m.  (Jurif 
prud.)  dont  parlent  les  articles  $4.  &  $$ 
de  la  coutume  de  Bretagne  9  efl  un  con- 
trat par  lequel  le  débiteur  donne  à  fon 
créancier  la  jouifîance  d'un  héritage  A  con- 
dition d'en  imputer  les  fruits  lur  le  prin- 
cipal qui  lui  eft  dû  :  ce  qui  efl  oppofé  à 
Yanticlirefc  ou  mort-gage  ,  dans  lequel  les 
fruits  font  donnés  au  créancier  en  com- 
penlation  des  intérêts  à  lui  dus.  M.  Hevia 
a  fait  une  favante  difïertarion  pour  établir 
cette  diftinclion  de  Rengage  d'avec  Yanti— 
chrefe  ,  où  il  relevé  l'erreur  dans  laquelle 
eft  tombé  M.  d'Argentré ,  qui  dit  que 
Y  engage  eft  la  même  chofe  que  Y  antichrefe 
du  droit  Romain.  Voye\  les  arrêts  de 
Bretagne  ,  par  Frain  ,  avec  les  notes  d'Hé- 
vin-,  tome  J,  plaidoy-er  j y ,obfervation  jj, 
p.  3  i  z.  Cet  engage  paroît  être  la  même 
cho.'e  que  Y  engagement.  Voye\  ,  ci-après  , 
Engagement.  (A) 

ENGAGÉ.  (Commerce)  On  nomme  ainfi 

aux  Antilles  ceux  qui  s'engagent  avec  les 

habitans  des    îles  pour   les  fèrvir  pendant 

trois  ans.  On  les  appelle  plus  communér 

M  m  m  2 


46o  E  N  G 

menttrente-Jrx mois ■-,  à  caufe  des  tros  an- 
nées compofées  de  douze  mois  chacune  pour 
lefquelles   ils  s'engagent. 

Comme  notre  commerce  d'Amérique, 
tant  dans  les  îles  que  dans  la  terre  ferme, 
ne  peut  fe  foutenir  que  par  le  travail  de 
ces  engagés  y  il  y  a  fur  cette  matière  plu- 
fieurs réglemens,  &  particulièrement  ceux 
du  16  novembre  1716  ,  du  20  mai  1721  , 
&  du    15  février  1724. 

Celui  de  17 16  afïujettit  les  négocians 
François  qui  envoient  des.  vaiiïeaux  dans 
nos  colonies ,  d'y  embarquer  un  certain 
nombre  à* engagés  à  proportion  de  la  force 
de  leur  bâtiment ,  à  peine  de  deux  cents 
livres  d'amende  contre  ceux  qui  ne  rap- 
porteraient pas  .des  certificats  de  la  remife 
de  ces  engagés  dans  les  colonies  ;  permet- 
tant au  furplus  de  compter  pour  deux  en- 
gagés tout  homme  qui  fauroit  un  métier; 
comme  de  maçon,  railleur,  charpentier,  &c. 

Y? ordonnance  de  ijïli  convertit  le  rè- 
glement de  1716  dans,  l'alternative  d'en- 
voyer un  certain  nombre  d'engagés  ,  ou  de 
payer  pour  chacun  d'eux  la  lomme  de 
Soixante  livres  à  l'amirauté.  Mais  les  négo- 
cians ayant  abufé  de  cette  indulgence ,  en 
•  préfentant  aux  bureaux  des  clafTes  du  port 
de  leur  embarquement  ,  des  particuliers 
qu'ils  difoient  engagés,  quoiqu'il  n'en  fût 
rien  ,  qu'ils  renvoyoient  après  les  avoir  fait 
palier  en  revue  ,  &  pour  la  décharge  des- 
quels ils  fe  contentoient  de  rapporter  des 
certificats  de  défertion.  Le  règlement  de 
1724  ordonne  que  ,  fans  nul  égard  à  ces 
certificats  de  défertion  ,  les.  négocians  & 
capitaines  de  vaiffeaux  affujettis  au  trans- 
port des  engagés  paieront  60  livres  pour 
chaque  engagé ,  &  1 20  livres  pour  chaque 
engagé  de  métier  qu'ils  n'auront  pas  remis 
aux  îles ,  &  dont  ils  ne  rapporteront  pas 
un  certificat.  Dicfionn.  de  Comm.  deTré.  & 
Charniers  ,  &  réglemens  du  Comm.  (G) 

ENGAGÉ  ,  ou  trsnte-fix  mois.  {Marine.) 
On  donnoit  ce  nom.  en  France  à  ceux  qui 
veulent  paffer  aux  îles  de  l'Amérique  pour 
chercher  à  travailler  &  y  faire  quelque 
chofè ,  &  n'ayant  pas  le  moyen  de  payer 
leur  pafîâge ,  s'engageoient  avec  un  capi- 
taine pour  trois  années  entières  ,  &  ce 
capitaine  cédoit  Y  engagé  à  quelque  habi- 
tant des  îles    qui  l'employoit  &   le  faifoit. 


E  N  G 

travailler  pendant  les  trois  années ,  après 
lefquelles  il  étoit  libre.  Ce  marché  ne  fe 
fait  plus  aujourd'hui.  Les  Anglois  pafîbient 
aufli  des  engagés  dans  leurs  colonies  ,  mais 
l'engagement  étoit  de  fept  ans. 

ENGAGEMENT  ,  f.  m.  {Droit  nat. 
Morale.)  obligation  que  l'on  contracte  en- 
vers autrui. 

Les  engagemens  que  Ton  prend  de  foi- 
même  envers  autrui  ,  font  des  fbpulations 
pofitives ,  par  lefquelles  on  contracte  quel- 
que obligation  où  l'on  n'étoit  point  aupara- 
vant. 

Le  devoir  général  que  la  loi  naturelle 
preferit  ici,  c'eft  que  chacun  tienne  in- 
violablement  fa  parole,  &  qu'il  effectue  ce 
à  quoi  il  s'efî  engagé  par  une  promefîe  ou< 
par  une  convention  verbale.  Sans  cela,  le 
genre  humain  perdroit  la  plus  grande  partie 
de  l'utilité  qui  lui  revient  d'un  tel  com- 
merce de  fervices.  D'ailleurs  ,  fi  l'on  n'étoit 
pas  dans  une  obligation  indifpenfable  de 
tenir  fa  promefîe,  perfonne  ne  pourrait 
compter  fur  lesfecours  d'autrui;  on  appré- 
henderoit  toujours  un  manque  de  parole 
qui  arriveroit  auffi  très-fouvent.  Delà  m fe 
troient  mille  fujets  légitimes  de  querelles 
&  de  guerres.. 

On  s'engage,  ou  par  un  ade  obligatoire 
,  d'une  part  feulement ,  ou  par  un  acteobk\ 
gatoire  des  deux  côtés  ;  c'eft-a-dire ,  que 
tantôt  il  n'y  a  qu'une  feule  perfonne  qui 
entre  dans  quelque  engagement  envers  une 
ou  plufieurs  autres,  &  tantôt  deux  ou. 
plufieurs  perfonnes  s'engagent  les  unes  en- 
vers les  autres.  Dans  le  premier  cas  ,  c'eft 
une  promefîe  gratuite,  &  dans  l'autre,  une 
convention.. Vey.. PROMESSE,  CONVEN- 
TION. 

Il  y  a  une  chofe  abfolument  nécefîàire 
pour  rendre  valables  &  obligatoires  les  en- 
gagemens où  l'on  entre  envers  autrui ,  c'efî 
le  confentement  volontaire  des  parties.  Auffi, 
tout  engagement  efr.  nul ,  lorf qu'on  y  eft: 
forcé  par  une  violence  injufle  de  la  part 
de  celui  à  qui  l'on  s'engage  ;  mais  le  con- 
fentement d'une  partie  ne  lui  impofe  actuel- 
lement aucune  obligation,  fans  l'accepta- 
tion réciproque  de  l'autre. 

Pour  former  un  engagement  valable,  iE 
faut  en  général  ,  que  ce  à  quoi  l'on  s'en- 
gage ,  ne  foit  pas  au  deflus.  de  nos  forces  S9 


E  N  G 

m  de  plus  défendu  par  la  religion  ou  par! 
la  loi  ;  autrement  on  eft  ,  ou  fou  ,  ou  cri- 
minel. Perfonne  ne  peut  donc  s'engager  à 
une  impoflibilité  abfolue.  Il  eft  vrai  que 
rimpoilibilité  en  matière  d'engagement  n'eft 
telle  pour  l'ordinaire  ,  que  par  rapport  à 
certaines  perfonnes ,  ou  par  l'effet  de  cer- 
tains accidens  particuliers  ,  mais  cela  n'im- 
porte ,  Y  engagement  n  en  eft  pas  moins  nul. 
Par  exemple ,  s'il  fe  trouve  qu'une  maifon 
de  campagne  qu'on  avoit  louée  ,  ait  été 
confumée  par  le  feu  fans  qu'on  en  fût 
rien  de  part  ni  d'autre  ,  on  n'eft  tenu  à  rien  , 
&  l'engagement  tombe. 

Il  eft  clair  encore  que  perfonne  ne  peut 
s'engager  validement  à  une  chofe  illicite  ; 
mais  il  n'y  a  que  les  choies  illicites  en  elles- 
mêmes  ,  fbit  de  leur  nature  ou  à  caufe  de 
la  prohibition  des  loix  civiles  entre  conci- 
toyens qui  les  connoifïent ,  qui  aient  la 
vertu  de  rendre  nulle  une  convention,  d'ail- 
leurs revêtue  des  qualités   requifes. 

Il  n'efl  pas  moins  certain  que  l'on  ne 
fauroit  s'engager  validement,  au  fujet  de 
ce  qui  appartient  à  autrui ,  ou  de  ce  qui 
eft  déjà  engagé  à  quelqu'autre  perfonne. 

Il  y  a  des  engagemens  abfolus  &  des  enga- 
gemens  conditionnels  ;  c'eft-à-dire  ,  que 
l'on  s'engage  ou  abfoîument  &  fans  ré- 
fèrve  ,  ou  en  forte  que  l'on  atrache  l'effet 
&  la  validité  de  l'engagement  à  quelque 
événement ,  qui  eft  ,  ou  purement  fortuit, 
ou  dépendant  de  la  volonté  humaine  ;  ce 
qui  a  lieu  fur-tout  en  matière  de  fimple 
promeffe. 

Enfin,  on  s'engage  non-feulement  par 
fbi-même ,  mais  encore  par  l'entremife  d'un 
tiers  que  l'on  établit  pour  interprète  de 
notre  volonté  ,  &  porteur  de  notre  parole 
auprès  de  ceux  à  qui  l'on  promet  ou  avec 
qui  l'on  traite  ;  lorfqu'un  tel  entremetteur 
©u  procureur  a  exécuté  de  bonne  foi  & 
exactement  la  commiflïon  qu'on  lui  avoit 
donnée  ,  on  entre  par-là  dans  un  engage- 
ment valide  envers  l'autre  partie  ,  qui  a 
regardé  ce  procureur ,  &  qui  a  eu  lieu  de  le 
regarder ,  comme  agiiTant  en  notre  nom  & 
par  notre  ordre. 

Voilà  des  principes  généraux  de  droit 
«naturel  fur  les  engagemens.  Leur  obferva- 
tion  eft  fans  contredit  un  des  plus  grands 
<&  des  glus    inconteftables    devoirs  de   la 


E  N  G  4$r 

morale.  Si  vous  demandez  à  un  chrétien 
qui  croit  des  récompenfes  &  des  peines 
après  cette  vie ,  pourquoi  un  homme  doit 
tenir  fon  engagement ,  il  en  rendra  cette 
raifon  ,  que  Dieu  qui  eft  l'arbitre  du  bon- 
heur &  du  malheur  éternel  nous  le  recom- 
mande. Un  difcipîe  d'Hobbes  à  qui  vous 
ferez  la  même  queflion ,  vous  dira  que  le 
public  le  veut  ainfi ,  &  que  le  Léviathan 
vous  punira  fi  vous  faites  le  contraire.  Enfin 
un  philofbphe  païen  auroit  répondu  à  cette 
demande ,  que  de  violer  fa  promeffe  ,  c'étoit 
faire  une  chofe  déshonnête  ,  indigne  de 
l'excellence  de  l'homme  &  contraire  à  la 
vertu  ,  qui  élevé  la  nature  humaine  au  plus 
haut  point  de  perfection  où  elle  foit  capable 
de  parvenir. 

Cependant  quoique  le  chrétien ,  le  païen , 
le  citoyen,  reconnoiffent  également  par 
différens  principes  le  devoir  indifpenfable 
des  engagemens  qu'on  contracte  ;  quoique 
l'équité  naturelle  &  la  feule  bonne  foi  obli- 
gent généralement  tous  les  hommes  à  tenu- 
leurs  engagemens  ,  pourvu  qu'ils  ne  foient 
pas  contraires  à  la  religion ,  à  la  morale  ; 
la  corruption  des  mœurs  a  prouvé  de  tout 
temps  que  la  pudeur  &  la  probité  n'étoient 
pas  d'afîêz  fortes  digues  pour  porter  les 
hommes  à  exécuter  leurs  promeffes.  Voilà 
l'origine  de  tant  de  loix  au  fujet  des  con- 
ventions dans  tous  les  pays  du  monde. 
Voilà  ce  qui,  dans  le  droit  François,  accable 
la  juftice  de  tant  de  claufes,  de  conditions 
&  de  formalités  fur  cet  article,  que  les 
parchemins  inventés  avec  raifon  pour  faire' 
convenir  ou  pour  convaincre  les  hommes- 
de  leurs  engagemens  ,  ne  font  malheureu- 
fement  devenus  que  des  titres  pour  fe  rui- 
ner en  procédures ,  &  pour  faire  perdre  le 
fond  par  la  forme.  Si  les  hommes  font  jus- 
tes ,  ces  formules  font  d'ordinaire  inutiles  ;  ; 
s'ils  font  injuftes  ,  elles  le  font  encore  très- 
fouvent ,  l'injuftice  étant  plus  forte  que 
toutes  les  barrières  qu'on  lui  oppofe.  Aufîl 
pouvons-nous  juftement  dire  de  nos  enga- 
gemens ce  qu'Horace  difok  de  ceux  de  fon 
temps  :• 

.  ■  .      .  Jidie  Ci  eut  g, 

Nodofi  tabulas  centum  ,    mille    adde.  entends  , 

Ejj'ugiet  tamen  h&c  fcelerutus  vincula  Proteus. 

LU.  H.  Sat.  3.  69. 

Arùde  deM.lechemliemEjA  uco  URT, 


4*1  E  N  G 

ENGAGEMENT,  (Jurifpr.)  Il  y  a  des  en* 
gagemens  fondés  fur  la  nature  ;  tels  que  les 
devoirs  réciproques  du  mariage  ,  ceux  des 
pères  &  mères  envers  les  enfans  ,  ceux  des 
enfans  envers  les  pères  &c  mères  ,  &  autres 
femblables  qui  réfultent  des  liaifons  de 
parenté  ou  alliance  ,  &  des  ientimens  d'hu- 
manité. 

D'autres  font  fondés  fur  la  religion;  tels 
que  l'obligation  de  rendre  à  Dieu  le  culte 
qui  lui  efl  dû  ,  le  refpect  dû  à  fes  minif- 
tres  ,    la  charité  envers  les  pauvres. 

D'autres  engagemens  encore  iont  fondés 
fur  les  loix  civiles;  tels  font  ceux  qui  con- 
cernent les  devoirs  reipectiis  du  fouverain 
&  des  fujets  ,  &  généralement  tout  ce  qui 
concerne  différens  intérêts  des  hommes  , 
foit  pour  le  bien  public,  foit  pour  le  bien 
de  quelqu'un  en  particulier. 

Les  engagemens  de  cette  dernière  claffe 
réfultent  quelquefois  d'une  convention  ex- 
preife  ou  tacite  ;  d'autres  fe  forment  fans 
convention  dire  de ,  avec  la  perfonne  qui  y 
eft  intéreffée  ,  mais  en  vertu  d'un  contrat 
fait  avec  la  jumee,  comme  les  engagemens 
des  tuteurs  &  curateurs  :  d'autres  ont  lieu 
abiolument  fans  aucune  convention  ;  tels 
que  les  engagemens  réciproques  des  cohé- 
ritiers &c  colégataires  qui  fe  trouvent  avoir 
quelque  chofe  de  commun  enfemble,  fans 
aucune  convention:  d'autres  encore naiflent 
d'un  délit  ou  quafi-délit,  ou  d'un  cas  for- 
tuit :  dkiutres  enfin  nahTent  du  fait  d'autrui, 
tels  que  les  engagemens  des  pères  par  rap- 
port aux  délits  &  quafi-délits  de  leurs  en- 
fans ;  &  ceux  des  maîtres  ,  par  rapport  aux 
délits  &  quafi-délits  de  leurs  efclaves  ou 
domeftiques  ;  &  [es  engagemens  dont  peu- 
vent être  tenus  ceux  dont  un  tiers  a  géré 
les  affaires  à  leur  infu. 

Tous  ces  difiërens  engagemens  font  vo- 
lontaires ou  involontaires  :  les  premiers 
font  ceux  qui  réfultent  d'une  convention 
expreffe  ou  tacite  :  les  autres  font  ceux  qui 
naiffent  d'un  délit  ou  quafi-délit ,  d'un  cas 
fortuit. 

Enfin ,  toutes  fortes  d' engagemens  font 
fimples  ou  réciproques  :  les  premiers  n'o- 
bligent que  d'un  côté  :  les  autres  font  fynal- 
-lagmatiques  ,  c'eft-à-dire ,  obligatoires  des 
deux  côtés.  Voy.  Contrat  ù  Obliga- 
tion ;  voye\  aujji  l'auteur  des  loix  civiles  , 


E  NG 

en  fbn  traité  des  loix  9  chap.  ij&fuiv,  Ôf 
liv.  II  de  la  première  partie.  (A) 

Engagement  d'un  Bien  :  ce  terme, 
pris  dans  lefens  le  plus  étendu  ,  peut  s'ap- 
pliquer à  tout  acl:e  par  lequel  on  oblige  un 
bien  envers  une  autre  perfonne  ,  comme  à 
titre  de  gage  ou  d'hypothèque.  Voy.  GAGE 
^Hypothèque. 

Ce  même  terme  engagement  lignifie  auffi 
l'acte  par  lequel  on  en  cède  à  quelqu'un 
la  jouiflànce  pour  un  temps. 

Il  y  a  deux  fortes  d: 'engagemens  pour  les 
biens. 

Les  uns  font  faits  par  le  débiteur  au  pro- 
fit du  créancier ,  pour  fureté  de  fa  créance; 
&  ces  engagemens  fe  font  en  deux  ma- 
nières différentes  ;  favoir,  par  forme  d'an- 
tichrefe  ,  ou  par  forme  de  contrat  pignoratif. 

F".Antichrese  &  Contrat  pigno- 
ratif. 

L'autre  forte  d'engagement  eit  celle  qui 
contient  un  efpece  d'aliénation  faite  fous 
la  condition  expreffe  ou  tacite ,  que  l'an- 
cien propriétaire  pourra  exercer  la  faculté 
de  rachat,  foit  pendant  un  certain  temps  , 
ou  même  à  perpétuité. 

Les  ventes  à  faculté  de  réméré ,  &  les 
baux  emphythéotiques  ,  ne  font  proprement 
que  des  engagemens. 

Mais  ,  dans  l'ufage  ,  on  ne  donne  guère 
ce  nom  qu'aux  antichrefes  ,  contrats  pi- 
gnoratifs ,  &  aux  aliénations  que  le  roi  fait 
en  certains  cas  de  quelques  portions  du 
domaine  de  la  couronne.  Voy.  ENGAGE- 
MENT du  Domaine.  (A) 

Engagement  du  Domaine  de  la 

COURONNE,  cil  un  contrat  par  lequel  le 
roi  cède  à  quelqu'un  un  immeuble  dépen- 
dant de  fon  domaine  ,  fous  la  faculté  de 
pouvoir  ,  lui  &  fes  fucceffeurs  ,  le  racheter 
à  perpétuité  toutes  fois  &  quantes  que  bon 
leur  femblera. 

L'étymologie  du  mot  engagement  vient 
de  gage  ,  &  de  ce  que  l'on  a  comparé  ces 
fortes  de  contrats  aux  engagemens  ou  an- 
tichrefes ,  que  le  débiteur  fait  au  profit  de 
fon  créancier. 

Il  y  a  néanmoins  cette  différence  entre 
Rengagement  ou  antichrefe  que  fait  un  dé- 
biteur ,  &  l'engagement  du  domaine  du  roi , 
que  le  premier,  dans  les  pays  où  il  eff  permis, 
ne  peut  être  tait  qu'au  profit  du  créancier  , 


E  N  G 

lequel  ne  gagne  pas  les  fruits  ;  ils  doivent 
être  imputés  fur  le  principal ,  X engagement 
n'étant  à  Ton  égard  qu'une  fimple  fureté  : 
au  lieu  que  X engagement  du  domaine  du.  roi 
peut  être  fait  tant  à  prix  d'argent ,  que  pour 
plufieurs  autres  caufes;  &  l'engagif te  gagne 
les  fruits  jufqu'au  rachat ,  fans  les  imputer 
fur  le  prix  du  rachat  ,  au  cas  qu'il  lui  en 
foit  dû. 

Le  domaine  de  la  couronne ,  (oit  ancien 
ou  nouveau ,  grand  au  petit,  eir.  inaliénable 
de  fa  nature  ;  c'elt  pourquoi  les  a&es  par 
lefquels  le  roi  cède  à  quelqu'un  une  portion 
de  fon  domaine  ,  ne  font  confédérés  que 
comme  des  engagemens  avec  faculté  de  ra- 
chat. 

Ce  grand  principe  a  été  long-temps  ignoré: 
les  engagemens  du  domaine  proprement  dit 
étoient  cependant  déjà  connus  dès  l'an  131 1, 
comme  il  paraît  par  une  ordonnance  de 
Philippe-le-Bel  ;  mais  on  admettoit  aufll 
alors  plufieurs  autres  manières  d'aliéner  le 
domaine  ;  favoir ,  la  concefîîon  à  titre  d'a- 
panage ,  l'affiette  des  terres  pour  les  dots  & 
douaires  des  reines  &  filles  de  France  ,  & 
Finféodation  qui  étoit  alors  différente  de 
Y  engagement. 

Préfèntement  les  apanages  ne  pafient  plus, 
comme  autrefois  ,  à  tous  les  héritiers  maies 
ou  femelles  indiftinâement  j  ils  font  re- 
verfibles  à  la  couronne  à  défaut  d'hoirs 
rçâles. 

Les  terres  du  domaine  ne  font  plus  données 
purement  &  fimplement  en  mariage  ,  mais 
feulement  en  paiement  des  deniers  dotaux  , 
&  comme  un  engagement  ou  efpece  de  vente 
à  la  faculté  de  rachat.  Les  terres  données 
pour  le  douaire  des  reines ,  ne  font  qu'en 
ufufruit  :  ainfi  il  n'y  a  point  d'aliénation. 

Les  inféodations  du  domaine  faites  à  prix 
d'argent-,  ou  pour  récompense  de  fervices 
réels  &  exprimés  dansl'aéle  avant  l'ordon- 
nance de  1566  ,  ne  font  pas  fujettes  à  ré- 
vocation comme  les- Amples  dons.  Il  y  a 
d'autres  inféodations.  du  domaine  qui  ont 
été  faites  depuis  cette  ordonnance  ,  en  conr 
féquence  des  édits  du  mois  d'avril  1574  , 
mars  1587  ,  feptembre  159 1  ,  4  feptembre 
&  23  oclobre  1592.,  25  février  1594.  , 
mars  1619,  mars  163  5,  mars  1639  , 
feptembre  1645  ,  décembre  1052.,  avril 
1^67,   1669;  7    avril  1672,  mars  &  19 


E  N  G  4.6  i 

juillet  169?  ,  13  mars  ,  3  avril  &  4  fep- 
tembre 1696  ,  13  août  1697  y  avril  1702, 2. 
avril  &  l6  feptembre  1703  ,  août  1708  y 
&  9  mars  171$  :  mais  quoique  plufieurs 
de  ces  édits  &  déclarations  aient  ordonné 
la  vente  des  domaines  à  titre  d'inféodation 
&  de  propriété  incommutables  &  à  perpé- 
tuité ,  on  tient  pour  maxime  que  toutes 
ces  inféodations.raites  moyennant  finance  y 
&  qui  emportent  diminution  du  domaine , 
en  quelque*  termes  qu'elles  foient  conçues  , 
ne  font- toujours  que  des  engagemens  fujets. 
au  rachat  perpétuel ,  comme  il  elî  dit  par. 
les  édits  de  1574  ,  1 587  ,  &  plufieurs  autres 
édits  &  déclarations  pofiérieurs  :  à  plus  forcer 
raifon  quand  les  inféodations  participent  d^ 
l'engagement,  &  qu'elles  font  faites  en  rentes. 
&  en  argent. 

On  diffingue  néanmoins- les.  engagemens, 
qui  font.  Faits  à  titre,  d'inféodation ,  de  ceux, 
qui.  ne  font   point  faits  à  c#  titre,,  &  que, 
l'on  appelle  engagemens.  Jim  pies.  Les  pre- 
miers donnent  aux  feigneurs  engagifles  un 
droit  un  peu  plus  étendu;  ilsjouiffentçi/a/z 
damini,  des  domaines  qui  leur  font  engagés, 
&  participent  à  certainsrr  droits  de  fief  &; 
honorifiques  :  au  lieu  que   les  fimples  en-* 
gagiffes.ne  font  proprement  que  des  créais 
ciers  anrichréfiftes ,  quijouiffent  du  domaine 
engagé  pour  l'intérêt,  de  l'argent  qu'ils  ont. 
prêté  au  roi;  durefte.?.ceux  qui  ont  acquis  : 
un  bien  du  domaine  à;  titre  d'inféodation  , 
ne  font  toujours  .qualifiés  que  di  engagifles 
comme  les. autres ,  ainfi  qu'on  le  voit  dans 
tous  les  édits  &  déclarations,  intervenus  fut 
cette  matière  depuis.  1667.. 
;     Qn  ne  doit  pas  confondre  avec  les  engage** 
mens  ,  J£s  inféodations  des  domaines  du  roi,, 
lorfqu'elles  font  faites , fans  aucun  paiement 
de  finance,,  fous. la.  condition  par  l'inféo- 
dataire  d'améliorer    le    domaine    inféodé.^ 
comme  de  défricher  ou  deifécher  un  terrain, 
d'y  bâtir  ou  planter  ,  &c.  &  fous  iaréferve. 
de  la ..  lu.zeraineté  ,  emportant  foi  &;  hom- 
mage -,  droits-  feignenriaux  &;  féodaux  ;  on 
de  la  directe ,  cens-  &.  furçens  ,.  emportant 
lods   &    ventes,  fa'fine r'..  &  autres   droits 
dus  aux  mutations  des  fiefs  ou  des  rorures  y 
fuivant  qu'ils  font    fixés  par  les. coutumes, 
oufb'pulés  par  les. contrats  d'inféodation. 

Ce     qui    a  donné   lieu    quelquefois    de 
confondre  ces  fortes  d' inféodations  avec. les 


4*4  E  N  G 

engagemens  ,  efl  que  par  difFérens  édits  qui 
ont  ordonné  l'aliénation  des  domaines  du 
roi  à  titre  Rengagement ,  pour  accréditer 
ces  engagemens,  on  les  a  aflîmilés  aux  inféo- 
dations  ,  en  ordonnant  que  les  engagiftes 
jouiroient  des  domaines  engagés  à  titre  d'in- 
féodation ;  on  y  a  même  fou  vent  ajouté  la 
réferve  au  roi  y  de  la  fuzeraineté  &  de  la 
directe.  La  plus  grande  partie  des  aliéna- 
tions des  juflices  a  été  faite  à  ce  titre  d'in- 
féodation  &  fous  ces  référées  ;  &  quoiqu'il 
y  ait  eu  des  finances  payées  lors  de  ces 
aliénations ,  on  doute  encore  fi  l'on  doit 
confidérer  les  aliénations  de  ces  juifices  , 
faites  depuis  plus  d'un  fiecle  fous  la  réferve 
de  la  fuzeraineté  &  du  reflbrt ,  comme  des 
aliénations  des  autres  portions  utiles  du 
domaine  du  roi.  Si  on  admettoit  un  pareil 
principe ,  on  expoferoit  la  plus  grande  par- 
tie des  propriétaires  des  terres  &  fiefs  à  être 
privés  de  leur?  juflices  ,  dans  lefquelles  le 
roi  auroit  droit  de  rentrer  comme  n'étant 
poifédées  qu'à  titre  d'engagement  :  ce  qui 
auroit    bien  des  inconvéniens. 

Sans  entrer  dans  cette  queflion  y  il  efl 
confiant  que  toutes  ces  aliénations  des  por- 
tions des  domaines  du  roi ,  faites  fans 
finance  &  au  feul  titre  d'inféodation  ,  fous 
Ja  réferve  de  la  fuzeraineté  ,  de  la  féodalité  , 
jde  la  directe  ,  cenfive  &  furcens ,  empor- 
tant droits  feigneuriaux  ,  lods  &  ventes  aux 
mutations ,  ne  font  point  comprifes  dans  la 
clafie  des  engagemens  des  domaines. 

L'objet  de  Pinféodation  efl:  toujours  ,  que 
l'inféodataire  étant  propriétaire  incom- 
mutable  améliorera  le  domaine  inféodé  ,  & 
jque  par  ces  améliorations,  les  droits  qui  feront 
payés  au  roi ,  lors  des  ventes  &  autres  mu- 
tations ,  deviennent  fi  cOnfidérables  ,  que  le 
roi  foit  plus  qu'indemnifé  de  la  valeur  du 
fonds  qu'il  a  inféodé. 

H  y  a  lieu  de  préfumer  que  c'cfl  par  des 
inféodations  que  fe  font  faits  les  établiffe- 
mens  des  fiefs  ,  de  la  directe  ,  &  des  cen- 
fives;  toutes  les  directes  qui  appartiennent 
au  roi  fur  les  maifons  de  la  ville  de  Paris , 
ne  proviennent  que  d'inféodations  faites  des 
terrains  qui  appartenoient  à  fa  majeflé  ,  & 
qui  ont  été  par  elle  inféodés.  Sans  remonter 
aux  temps  reculés  ,  il  a  été  fait  dans  le  der- 
nier fiecle  plufîeurs  de  ces  inféodations  par 
|e  roi ,  de  femblables  terrains  ;  tels  que  font 


E  N  G 

ceux  que  l'on  comprend  fous  la  dénomina- 
tion d'île  du  Palais  ,  où  font  fitués  la  rue 
Saint-Louis  ,  la  rue  de  Harlay  ,  le  quai  des 
Orfèvres  ,  la  place  Dauphine  ,  les  falles 
neuves  du  Palais,  les  cours  qui  les  envi- 
ronnent^ appellées  l'une  hcourNeuve,  l'autre 
la  cour  de  la  Moignon  :  tous  ces  terrains  ont 
été  concédés  à  titre  d'inféodation ,  fous  la 
réferve  de  directe  &  de  cenfives  :  toutes  les 
fois  que  les  propriétaires  ont  été  inquiétés 
pour  taxes,  ou  fous  d'autres  prétextes, 
comme  détempteurs  de  terrains  du  domaine 
du  roi  aliénés  ,  il  ont  été  déchargés  par  des 
arrêts  du  conleil.  . 

Les  inféodations  ne  peuvent  donc  en 
général  être  mifes  dans  la  claiîe  des  enga- 
gemens du  domaine ,  que  quand  elles  font 
faites  moyennant  finance  ,  &  qu'elles  em- 
portent une  véritable  aliénation  &  diminu- 
tion du  domaine. 

Toute  aliénation  du  domaine  &  droits 
en  dépendans ,  à  quelque  titre  qu'elle  foit 
faite  ,  excepté  le  cas  d'apanage  ou  d'échange, 
n'eil  donc  véritablement  qu'un  engagement , 
foit  que  l'acle  foit  à  titre  Rengagement^  ou 
à  titre  d'inféodation  ;  que  ce  foit  à  titre  de 
vente  ,  donation  ,  bail  à  cens  ou  à  rente  , 
bail  emphytéotique  ,  ou  autrement  :  & 
quand  même  le  titre  porteroit  que  c'eft  pour 
en  jouir  à  perpétuité  &  incommutablement  , 
fans  parler  de  la  faculté  de  rachat;  cette 
faculté  y  efl  toujours  fous-entendue  ,  & 
elle  eff  tellement  inhérente  au  domaine  du 
roi ,  qu'on  ne  peut  y  déroger  ,  &  qu'elle 
efl  imprefcriptible  comme  le  domaine. 

L'ordonnance  de  Blois,arf.  JJ3&  JJ4> 
diflingue  à  la  vérité  la  vente  du  domaine 
d'avec  le  fimple  engagement  :  mais  il  eft 
fenfible  que  les  principes  de  cette  matière 
n'étoient  point  encore  développés  alors 
comme  il  faut;  &  félon  les  principes  qui 
réfultent  des  ordonnances  poflérieures  ,  il 
eft  confiant  que  l'aliénation  du  domaine  , 
faite  à  titre  de  vente ,  ne  peut  pas  avoir  plus 
d'effet  que  celle  qui  eft  faite  fimplement  à 
titre  d'engagement.  « 

L'engagiilc  a  même  moins  de  droit  qu'un 
acquéreur  ordinaire  à  charge  de  rachat.  En 
effet  celui  qui  peut  faire  tous  les  actes  de 
propriétaire  julqu'à  ce  que  le  rachat  foit 
exercé  ,  &  ce  quand  le  temps  du  rachat 
eff  expiré,  il  devient  propriétaire   incom- 

mutable  : 


E  N  G 

mutable  :  au  lieu  que  l'engagifte  du  do- 
maine n'eft  en  tout  temps  qu'un  fimple 
acquéreur  d'ufufruit ,  qui  a  le  privilège 
de  tranfmetrre  Ton  droit  à  [es  héritiers  ou 
ayans-caufe. 

La  propriété  du  domaine  engagé  demeu- 
rant toujours  pardevers  le  roi  ,  il  s'enluit 
par  une  conféquence  naturelle  ,  que  l'enga- 
gifte ne  doit  point  de  foi  &  hommage  ,  ni 
de  droits  feigneuriaux ,  foit  pour  la  pre- 
mière acquifition  ,  foit  pour  les  autres  mu- 
tations qui  furviennent  de  la  part  du  roi , 
ou  de  celle  de  l'engagifte.  Quelque  claufe 
qu'il  y  ait  au  contraire  dans  Rengagement, 
les  chambres  des  comptes  ne  doivent  jamais 
admettre  les  engagiftes  à  l'hommage  des 
domaines  engagés  ,  fi  ce  n'eft  par  rapport 
aux  juftices  ;  comme  on  l'a  expliqué  ci- 
devant  pour  les  autres  engagemens  :  cela 
ieroit  d'une  trop  dangereufe  conféquence  , 
&  la  chambre  des  comptes  de  Paris  ne 
s'écarte  jamais  de  ce   principe. 

Il  ne  peut  pas ,  comme  l'apanager ,  fè 
qualifier  duc  ,  comte  ,  marquis  ,  ou  baron 
d'une  telle  terre  ,  mais  feulement  feigneur 
par  engagement  de  cette  terre  ,  fi  ce  n'eft 
que  Rengagement  contint  permifïïon  de 
prendre  ces  qualités.  « 

Quand  le  chef-lieu  d'une  grande  fei- 
gneurie  eft  engagé  ,  les  mouvances  féodales 
qui  en  dépendent ,  &  la  juftice  royale  qui 
eft  attachée  au  chef-lieu  ,  &  tous  les  droits 
honorifiques ,  demeurent  réfervés  au  roi  ; 
la  juftice  s'y  rend  toujours  en  fon  nom  :  on 
y  ajoute  feulement  en  fécond  celui  du  fei- 
gneur engagifte ,  mais  celui-ci  n'a  point 
collation  des  offices ,  il  n'en  a  que  la  nomi- 
nation ,  &  les  officiers  font  toujours  offi- 
ciers royaux;  s'il  fait  mettre  un  poteau  en 
figne  de  juftice  ,  les  armes  du  roi  doivent 
y  être  marquées:  il  peut  feulement  mettre 
les  fiennes  au  defTous.  Il  n'a  point  droit  de 
litre ,  ou  de  ceinture  funèbre  ;  il  ne  peut 
recevoir  les  foi  &  hommage  ,  aveux  & 
déclarations  ,  ni  donner  les  enfaifinemens  : 
il  a  feulement  tous  les  droits  utiles  du  do- 
maine engagé  ,  excepté  les  portions  qui  ont 
été  aliénées  aux  officiers  du  domaine  ,  an- 
térieurement aux  engagemens ,  conformé- 
ment à  plufieurs  réglemens  ,  &  notamment 
à  l'édit  du  mois  de  décembre  1743. 
,  Mais  quand  le  roi  engage  feulement  quel- 
Tome  Xll. 


E  N  G  465 

'  que  dépendance  du  chef-lieu  de  la  feigneu- 
rie ,  &  qu'il  engage  auffi  la  juftice  ,  alors 
c'eft  une  nouvelle  jumce  feigneuriale  qui 
s'exerce  au  nom  du  feigneur;  il  a  la  colla- 
tion des  offices  ,  &  tous  les  droits  utiles 
&  honorifiques  ,  à  l'exception  néanmoins 
des  droits  qui  font  une  iuite  des  mouvan- 
ces du  chef-lieu,  lefquelles  dans  ce  cas  de- 
meurent réfervées  au  roi ,  conformément 
à  l'édit  du   15  mai  171 5. 

Les  droits  de  patronage ,  droits  honori- 
fiques ,  droits  de  retrait  féodal ,  ne  font 
point  comptés  au  nombre  des  droits  utiles; 
de  forte  que  l'engagifte  ne  les  a  point ,  à 
moins  qu'ils  ne  lui  aient  été  cédés  nommé- 
ment. 

Tout  contrat  d'engagement  doit  être  re- 
giftré  en  la  chambre    des  comptes. 

Les  acquifitions  que  l'engagifte  fait  dans 
la  mouvance  du  domaine  qui  lui  eft:  en- 
gagé ,  foit  parla  voie  de  retrait  ,  ou  autre- 
ment ,  ne  font  point  réunies  au  domaine. 

L'engagifte  peut ,  pendant  fa  jouifTance  , 
fous-inféoder  ,  ou  donner  à  cens  ou  rente 
quelque  portion  du  domaine  qu'il  tient  par 
engagement  :  mais  en  cas  de  rachat  de  la 
part  du  roi ,  toutes  ces  aliénations  faites 
par  l'engagifte  font  révoquées ,  &  le  do- 
maine rentre  franc  de  toute  hypothèque  de 
l'engagifte. 

Cependant  jufqu'au  rachat ,  l'engagifte 
peut  difpofèr  comme  bon  lui  femble  du 
domaine  ;  il  eft  confidéré  comme  propre 
dans  fa  fucceffion  ;  le  fils  aine  y  preni  fon 
droit  d'ainefïè  ;  le  domaine  engagé  peut 
être  vendu  par  l'engagifte  ,  fès  héritiers  ou 
ayans-caufe  ;  il  peu:  être  faifi  &  décrété  fur 
eux  :  mais  tout  cela  ne  préjudicie  point  au 
rachat. 

Tant  que  Rengagement  fubfifte  ,  l'enga- 
gifte doit  acquitter  les  charges  du  domaine; 
telles  que  les  gages  des  officiers ,  &  autres 
preftations  annuelles  ,  pour  fondation  ou 
autrement ,  entretenir  les  bâtimens ,  pri- 
fons  ,  ponts  ,  chemins  ,  chauffées  ,  fournir 
le  pain  des  prifonniers  ,  payer  les  frais  de 
leur' tranfport ,  &  généralement  tous  les 
frais  des  procès  criminels  où  il  n'y  a  point 
de  partie  civile  ;  gages  d'officiers ,  rentes , 
revenant-bons ,  décharges  &  épices  des 
comptes  des  domaines  :  mais  cet  édit  n'a 
pas  été  par-tout  pleinement  exécuté.  L'édit 

N  n  ri 


466  E  N  G 

d'o&obre  170$  a  ordonné  que  les  enga- 
giftes  rembourferoienr  les  charges  locales  , 
telles  que  le  paiement  des  fiefs  &  aumônes  ; 
à  l'effet  de  quoi  il  efr.  obligé  d'en  remettre 
le  fonds  au  receveur  des  domaines  &  bois, 
lequel  rapporte  au  jugement  de  fon  compte 
les  pièces  jufrificatives  de  l'acquittement 
deldites  charges. 

Loyfeau  ,  en  fon  traite'  des  offices  }  & 
Chopin  en  fon  traité  du  domaine,  ont  parlé 
des  engagemens  ;  mais  quoique  ces  auteurs 
aient  dit  d'excellentes  chofes ,  il  faut  pren- 
dre garde  que  leurs  principes  ne  font  pas 
Toujours  conformes  au  dernier  état  de  la 
jurifprudence  fur   cette  matière. 

On  peut  aufli  voir  ce  que  Guyot  en  a 
dit  en  ion  traité  des  fiefs  y  tome  VI y  & 
en  Ççs  obfervations  fur  les  droits  honorifi- 
ques. Vcye\  Domaine.  (A) 

Engagement, f.  m.  (Hift.  mod.)  nom 
donné  aux  vœux  des  anciens  chevaliers 
dans  leurs  entreprifes  d'armes.  Je  n'en  dirai 
qu'un  mot  d'après  M.  de  Sainte  -  Palaye  , 
&  feulement  pour  crayonner  une  des  plus 
Cngulieres  extravagances  dont  l'homme  foit 
capable. 

Les  chevaliers  qui  formoient  des  entre- 
prifes d'armes  ,  foit  courtoifes ,  foit  à 
outrance,  c'efî-à-dire ,  meurtrières ,  char- 
geoient  leurs  armes  de  chaînes  ,  ou  d'au- 
tres marques  attachées  par  la  main  des 
dames,  qui  leur  accordoient  fouvent  un 
baifer ,  moitié  oui ,  moitié  non  ,  comme 
celui  que  Saintré  obtint  de  la  fienne. 

Cette  chaîne  ou  ce  figne  ,  quel  qu*il  fût, 
qu'ils  ne  quittoient  plus,  étoit  le  gage  de 
l'entreprife  dont  ils  juroient  l'exécution  , 
quelquefois  même  à  genoux  ,  fur  les  Evan- 
giles. Ils  fe  préparaient  enfuite  à  cette 
exécution  par  des  abftinences,  &  par  des 
actes  de  piété  qui  fe  faifoient  dans  une 
e*glife  où  ils  fe  confefïbient ,  &  dans  la- 
quelle ils  dévoient  envoyer  au  retour  ,  tan- 
tôt lesarmes  qui  les  avoient  fait  triompher  , 
tantôt  celles  qu'ils  avoient  remportées  fur 
leurs  ennemis. 

On  pourroit  faire  remonter  l'origine 
de  ces-  efpeces  d'enchaînemens  jufqu'au 
temps  de  Tacite ,  qui  rapporte  quelque 
chofe  de  femblable  des  Caftes  dans  fes 
mœurs  des  Germains.  Je  crois  pourtant 
qu'il  yaut  mieux  la  borner  à  des   {iecles 


ENG 

poftérieurs ,  où  les  débiteurs  infolvables 
devenant  efclaves  de  leurs  créanciers ,  & 
proprement  efclaves  de  leur  parole,  comme 
nous  nous  exprimons  ,  portoient  des 
chaînes  de  même  que  les  autres  fèrfs ,  avec 
cette  feule  diftinâion ,  qu'au  lieu  de  fers 
ils  n'avoient  qu'un  anneau  de  fer  au  bras. 
Les  pénitens  ,  dans  les  pèlerinages  auxquels 
ils  fe  vouoient  ,  également  débiteurs  en- 
vers Péglifè,  portèrent  aufli  des  chaînes 
pour  marque  de  leur  efclavage  ;  &  c'efl 
de  là  fans  doute  que  nos  chevaliers  en 
avoient  pris  de  pareilles ,  pour  acquitter 
ce  vœu  qu'ils  faifoient  d'accomplir  leurs 
entreprifes  d'armes. 

Ces  entreprifes  une  fois  attachées  fur  l'ar- 
mure d'un  chevalier  ,  il  ne  pouvoit  plus 
fe  décharger  de  ce  poids  qu'au  bout  d'une- 
ou  de  plufieurs  années ,  fuivant  les  condi- 
tions du  vœu,  à  moins  qu'il  n'eût  trouvé 
quelque  chevalier  qui ,  s'offrant  de  faire 
arme  contre  lui ,  le  délivrât  en  lui  levant 
fon  emprife  ,  c'eft-à-dire  ,  en  lui  ôtant  les 
chaînes  ou  autres  marques  qui  en  tenoient 
lieu,  telles  que  des  pièces  différentes  d'une 
armure,,  des  vifieres  de  heaumes  ,  des. 
gardes-bras,  des  rondelles ,  &c 

-Vous  trouverez  dans  Olivier  de  la  Mar- 
che y  les  formalités  qui  s'obfervoient   pour- 
lever  ces  entreprifes,  &  les  engagemens  des 
chevaliers.  On  croit  lire  des    contes  arabes, 
en  lifant  l'hiftoire  de  cet  étrange  fanatifme 
des  nobles  ,  qui  régna  fi  long-temps  dans* 
le  midi  de  l'Europe ,  &  qui  n'a  ceflé   dans, 
un  royaume   voifin,  que  par  le  ridicule  - 
dont   le    couvrit  un  nom?r,e    de  lettres ,. 
Michel  Cervantes  Saavedra,   lorfqu'il  mit 
au  jour  ,  en  1605  ,  fon   incomparable  ro- 
man de  dom  Quichote.  Voye\  EcUYER,, 
CHEVALIER,  àcles  mémoires  deM.  de 
Sainte-Palaye  ,  dans  le  recueil  de  V acadé- 
mie des  Belles-Lettres.  Article  deM.  le 
chevalier  de  Jauco  ur t. 

Engagement,  c'eft  dans  Y  An  mili- 
taire, un  acte  que  figne  un  particulier  ,  par  ; 
lequel  il  s'engage  pour  fervir  dans  les  trou- 
pes, en  qualité  defoldat  ou  de  cavalier.  Tout- 
engagement  doit  être  au  moins  defix  ans  y  à: 
peine  de  caffation  contre  les  officiers  qui 
en   auront   fait   pour  un   moindre  temps.. 
Voyei  DÉSERTEUR.  (  Q  ) 

ENGAÇE&ENX  p'UN    Matxlot  i 


E  N  G 

(Marine)  c'efl:  la  convention  qu'il  fait  avec 
le  capitaine  ,  ou  le  maître  d'un  navire , 
pour  le    cours  du    voyage.  (Z) 

Engagement  des  Marchandi- 
ses ,  {Comm.)  eu1  une  efpece  de  commerce 
ou  de  négociation  très-commune  à  Amster- 
dam ,  &  qui  fe  fait  ordinairement  lorfque 
Je  prix  des  marchandifes  diminue  consi- 
dérablement ,  ou  qu'il  y  a  apparence  qu'il 
augmentera  de  beaucoup  dans  peu.  Dans 
ces  deux  cas ,  les  marchands  qui  ont  befoin 
d'argent  comptant ,  &  qui  cependant  veu- 
lent éviter  une  perte  certaine,  en  donnant 
■à  trop  bas  prix  ce  qui  leur  a  coûté  fort 
crier ,  ou  s'affurer  du  grain  qu'ils  efperent 
de  l'augmentation  de  leurs  denrées ,  ont 
recours  à  V engagement  de  leurs  marchan- 
difes qui  fe  fait  en  la  manière  fuivante. 

Le  marchand  qui  veut  les  engager , 
s'adrefîe  à  un  courtier  ,  &  lui  en  donne 
une  note.  On  convient  de  l'intérêt ,  qui 
eft  ordinairement  depuis  trois  ou  trois  & 
demi ,  jufqu'à  fix  pour  cent  par  an  ,  félon 
l'abondance  ou  la  rareté  de  l'argent  ;  on 
règle  ce  qu'il  en  doit  coûter  pour  le  ma- 
gasinage ,  &c.  L'accord  fait ,  le  courtier  en 
écrit  l'obligation  fur  un  fceau ,  c'eft-à-dire  , 
fur  un  papier  fcellé  du  fceau  de  l'état ,  à 
peu  près  comme  ce  que  nous  appelions 
du  papier  timbre  y  dans  une  forme  à  peu 
près  femblable  à  la  fuivante  ,  que  Jean- 
Pierre  Ricard ,  dans  fon  traité  du  Négoce 
d'Amfierdam  ,  donne  comme  une  formule 
de  ces  fortes  Rengagement ,  &  dans  laquelle 
il  fupporte  que  les  marchandifes  engagées 
font  huit  mille  livres  de  café ,  valant  lors 
de  l'engagement  vingt  fous  la  livre ,  qu'on 
engage  fur  le  pié  de  vingt-cinq  fous  la 
livre ,  pour  fix  mois ,  à  raifon  de  quatre 
pour  cent  d'intérêt  par  an,  &  à  trois  fous 
par  balle  par  mois  de  magafinage. 

Formule  d'un  engagement  de  marchandifes. 

«  Je  fouffigné  ,  confefïê  par  la  préfente , 

»   devoir  loyalement  à  M.  NN la 

9*  fomme  de  dix  mjlle  florins ,  argent  cou- 

n  rant ,  pour  argent  comptant  reçu  de  lui 

»  à  ma  fatisfadion  ;   laquelle  fomme    de 

>y  dix  mille  florins  je  promets  payer  en 

»  argent-courant,  dans  fix  mois  après  la  date 

tt  de  la  préfente ,  franc  &  quitte  de  tous 


E    N    G  467 

»  frais  audit  Sieur  NN ou  au  porteur 

»  de  la  préfenre,  avec  intérêt  d'icelle ,  à 

V»  raifon  de  quatre  pour  cent  par  an  ;  & 

»  en  cas  de  prolongation ,  juf  qu'au  paie- 

»  ment  effectif  du  capital  &  de  l'intérêt, 

»  engageant  pour  cet  effet  ma  perfonne  & 

n  tous  mes  biens,  fans  exception  d'aucun, 

«  les  foumettant  à  tous  juges  &  droits. 

»  En  foi  de  quoi  j'ai  figné  la  préfente  de 

»  ma  propre  main.  A  Amflerdam  ,  le  2 

a  novembre  1718.  J.  P.  R. 

On  ajoute  enfuite  : 

f>  Et  pour  plus  grande  affurance  du  con- 
r>  tenu  ci-defïus ,  j'ai  délivré  &  remis   au 

n  pouvoir  dudit  Sieur  NN comme  un 

»  gage  volontaire  ,  feize  balles  de  café , 
»  marquées  /.  P.  R.  de  numéro  1  à  16 , 
a  pefant  huit  mille  livres  ou  environ  ,  def- 
»  quels  je  le  rends  &  fais  maître  dès  à  pré- 
»  fent,  l'autorifant  de  les  vendre  &  faire 
n  vendre  comme  il  trouvera  à  propos  , 
»  même  fans  en  demander  aucune  permifc 
a  fion  en  jufïice  ,  fi  je  ne  lui  paie  pas  la 
n  fufdite  fomme ,  avec  les  intérêts  &  les 
»  frais ,  au  jour  de  l'échéance  ;  &  au  cas 
».  de  prolongation ,  jufqu'à  fon  entier  rem- 
»  bourfement.  Promettante  plus  de  lui 
»  payer  trois  fous  par  livre  à  chaque  fois 
»  que  le  café  pourra  baiffer  de  deux  ou 
ft  trois  fous  par  livre  ,  &  trois-  fous  par 
fi  chaque  balle  par  mois  pour  le  magafi- 
»  nage ,  &  tous  autres  frais  qu'il  pourra 
»  faire  fur  lefdites  balles ,  l'aPr-nchiflant 
a  bien  expreflement  de  la  perte  ou  dom- 
fi  mage  qui  pourroit  arriver  audit  café, 
»  foit  par  eau  ,  foit  par  feu  ,  par  vol ,  ou 
a  par  quelqu'autre  accident  prévu  ou  im- 
f>  prévu.  A  Amfterdam ,  ce  2.  novembre 
»  1718.  J.P.R.» 

Quand  l'intérêt  efl  trop  haut ,  comme 
de  fix  pour  cent  par  an  ,  on  fe  garde  bien 
de  le  fpécifier  dans  l'obligation  ,  parce  qu'il 
eft  ufuraire  ;  mais  on  met  qu'il  fera  payé  à 
un  demi  par  mois ,  ce  qui  revient  au 
même  ,  mais  qu'on  tolère  ,  parce  que  l'em- 
prunteur eft  cenfé  pouvoir  retirer  fa  mar- 
chandife  tous  les  mois. 

Si  un  emprunteur  veut  retirer  fa  mar- 

chandife  avant  le  terme    ftipulé ,  il  n'en 

paie  pas  moins  l'intérêt  convenu  pour  tout 

le  temps ,  parce  qu'en  ce  cas  on  fuppofe 

Nnn  2 


-v 


ENG 

qu'il  trouve  fur  fa  marchandife  un  béné- 
fice confidérable  qui  fuffit  pour  payer  l'in- 
teret. 

Si  l'on  convient  d'une  prolongation  ,  on 
en  fait  mention  au  bas  de  l'obligation. 
Enfin  file  prêteur,  après  avoir  averti  l'em- 
prunteur ,  veut  avoir  fon  argent  a  terme  , 
&  que  celui-ci  ne  paie  pas  ,  les  marchan- 
difes  peuvent  être  vendues  par  autorité  de 
juftice,  en  faveur  du  premier,  jufqu'à  con- 
currence du  rembourfement  de  la  fomme 
prêtée  &  des  intérêts  ,  l'excédant  du  prix 
qu'on  en  retire  tournant  au  profit  de  celui 
qui  a  engagé  la  marchandife.  Dictionnaire 
de  Comm.  de  Trévoux  yÙ de  Chambers.  (G) 

ENGAGEMENT  ,  en  fait  Refcrime ,  c'eft 
l'effort  réciproque  des  deux  épées  qui  fe 
touchent.  Il  y  a  engagement ,  lorfqu'un 
efcrimeur  pl?ce  le  fort  ou  le  talon  de  fon 
épée  fur  le  foible  de  celle  de  fon  ennemi , 
&  la  force  de  façon  qu'il  ne  peut  plus  la 
détourner. 

ENGAGER,  verbe  ad.  mettre  en  gage. 
(  Commerce.  ) 

ENGAGER  ,  (Comm.)  fignifieauffi  dif- 
pofer  d'une  chofe  :  foi  engagé  mes  fonds. 

ENGAGER  ,  {Cemm.)  joint  au  pronom 
perfonnel  ou  réciproque/^  y  veut  quelque- 
fois dire  s  endetter y  quelquefois  entrer  dans 
une  affaire  y  dans  une  fociété  y  d'autres  fois 
cautionner  quelqrfun  ,  &  fouvent  prendre 
parti  avec  un  maître. 

Dans  toutes  ces  fignifications  ,  on  dit  en 
termes  de  commerce  y  qu'un  marchand  s'eft 
engagé  de  tous  cotés  ,  qu'on  s'engage  dans 
une  entreprife ,  qu'un  jeune  homme  s'eft 
engagé  en  qualité  d'écrivain  avec  la  com- 
pagnie des  Indes ,  qu'un  tel  s'eft  engagé 
de  dix  mille  écus  pour  tirer  fon  afTocié 
d'affaire ,  qu'un  compagnon  s'eft  engagé 
chez  un  maître  pour  tel  temps  &  à  telles 
conditions.  Diclionn.  de  Comm.  de  Tré- 
voux y  &  de  Chambers.  (G) 

ENGAGER,  (Efcrime.)  c'eft  faire  tou- 
cher fon  épée  à  celle  de  l'ennemi.  On  dit 
engage^  quarte  &  tire\  quarte  y  ou  engage^ 
quarte  &  tire\  tierce  ;  &c.  On  entend  au  AI 
par  engager  ,  faifir  du  fort  ou  du  talon  de 
(on  épée  le  foible  de  celle  de  l'ennemi ,  de 
manière  qu'il  ne  puiffe  plus  détourner 
l'épée  de  fon    adverfaire   de  fa  direction . 

Voye\  Engagement. 


ENG 

ENGAGISTE,  {Jurifprud.)  eft  celuî 
qui  jouit  d'un  bien  à  titre  Rengagement  : 
il  y  a  deux  fortes  Rengagifies. 

Les  uns  qui  jouifTent  d'un  bien  par  forme 
d'antichrefe  pour  fureté  de  leurs  créances. 

Les  autres  font  ceux  qui  jouifTent  d'un 
domaine  de  la  couronne  à  titre  Rengage- 
ment. 

Uengagifie  qui  jouit  à  titre  R  antichrefe  9 
peut  retenir  le  fonds  qui  lui  a  été  engagé 
jufqu'a  ce  que  le  débiteur  lui  ait  payé  tou- 
tes les  fommes  qu'il  lui  doit ,  même  au 
delà  du  prix  de  l'engagement. 

Aucune  vente  ,  foit  pure  &  fimple  ,  ou 
à  faculté  de  rachat ,  ou  Amplement  des 
fruits ,  ne  peut  préjudicier  au  droit  acquis 
antérieurement  à  Yengagifie. 

Suivant  le  droit  romain,  Yengagifie  peut 
ftipuler  qu'il  retiendra  les  fruits  de  l'héri- 
tage, pour  lui  tenir  lieu  des  intérêts  de 
fès  créances ,  ce  qui  s'oblerve  au  parle- 
ment de  Touloufe;  mais  au  parlement  de 
Paris  cela  n'eft  jamais  permis,  à  moins  que 
les  fruits  de  l'héritage  ne  fufTent  fixes  & 
certains  ;  comme  fi  c'eft  une  rente  en 
argent  ,  auquel  cas  Yengagifie  feroit  tenu 
d'imputer  l'excédant ,  s'il  y  en  a  ,  fur  le 
principal. 

Ce  ne  font  pas  feulement  les  fruits 
perçus  par  Yengagifie  dont  il  doit  rendre 
compte ,  mais  auili  ceux  qu'il  a  pu  per- 
cevoir. 

Il  eft  de  fon  devoir  de  jouir  comme  un 
bon  père  de  famille ,  &  par  conféquent 
de  faire  toutes  les  réparations:  mais  auffi 
en  cas  de  rachat ,  il  eft  en  droit  de  répéter 
toutes  les  dépenfes  utiles  &  nécefîaires 
qu'il  a  faites  à  la  chofe  engagée  ;  & 
jufqu'à  ce  qu'il  en  foit  rembourié ,  il  peut 
retenir  le  bien  engagé.  A  l'égard  des 
dépenfes  voluptuaires  ,  il  ne  peut  les  répé- 
ter ,  à  moins  qu'il  ne  les  eût  faites  de 
l'ordre  du  débiteur. 

Les  cas  fortuits  ne  font  pas  à  la  charge 
de  Pengagifte  ,  niji  culpa  cafum  prœcejjït. 

Uengagifie  ne  peut  par  aucun  temps 
prefcrire  le  fonds  contre  le  débiteur  ,  à 
moins  que  l'engagement  ne  fût  coloré  du 
nom  de  vente  d  faculté  de  rachat  3  auquel 
cas  il  pourroit  prefcrire  par  trente  ans. 

Il  peut  aufli  ,  par  une  jouifîance  de 
trente  ans,  prefcrire  l'hypothèque  contre 


E  N  G 

les    créanciers   antérieurs    de    Ton   débi- 
teur. 

S'il  vend  ,  comme  propriétaire  ,  le  bien 
à  lui  engagé  ,  le  tiers-acquéreur  pourra 
prefcrirede  Ton  chef,  n'ayant  pas  fuccédé 
à  Ton  vendeur  à  titre  d'engagement. 

Les  créanciers ,  l'oit  antérieurs  ou  poflé- 
rieurs  à  l'engagement,  ne  peuvent  faire 
faifir  fur  Yengagifle  les  fruits  du  fonds 
engagé  par  leur  débiteur  ;  ils  ne  peuvent 
s'en  prendre  qu'au  fonds  par  la  voie  de  la 
faifie  réelle. 

Tant  que  Yengagifle  n'a  pas  encore  pref- 
crit  l'hypothèque ,  le  créancier  antérieur 
peut  agir  directement  fur  le  fonds  enga- 
gé ,  fans  erre  obligé  de  difeuter  les  autres 
biens  du  débiteur  ;  mais  les  créanciers  pos- 
térieurs au  contrat  d'engagement  ne  peu- 
vent dépolféder  Yengagifle  qu'en  le  rem- 
bourfant  de  fon  principal ,  frais  &  loyaux- 
coûts. 

Pour  favoir  quel  peut  être  l'effet  du 
;  pacte  commhToire  à  l'égard  de  Yengagifle  } 

'l'oyei  Pacte  commissoire. 

y°ye\ff-  depignorat.  act.  Ù  de  pign.  & 
hypoth.  lib.  I.  &  cod.  etiam  ob  chirograph. 
pecun.pign.  retin.pojf.  De'cif.  deFromen- 
tal ,  au  mot  Engagement.   {A) 

Engagiste  du  Domaine,  efl  celui 
qui  tient  à  titre  d'engagement  ,  c'efl-à- 
dire  ,  fous  faculté  perpétuelle  de  rachat  , 
quelque  portion  du  domaine  de  la  cou- 
ronne. 

Lorfque  le  domaine ,  ainfi  aliéné  ,  efl 
tenu  &  cédé  en  fief,  celui  qui  en  jouit  efl 
ordinairement  qualifié  defeigneur-engagiflef 
ou  engagifle  iimplement  ;  mais  quand  le 
domaine  efl  cédé  en  roture  ,  le  pofTefïeur 
ne  peut  prendre  d'autre  titre  que  celui  d' en- 
gagifle. Voye\  ,  ci-devant  ,  ENGAGE- 
MENT du  Domaine.  {A) 

ENGALADE,  f.  m.  {Teinture.)  c'efl 
l'action  de  teindre  ou  de  préparer  une 
étoffe  avec  la  noix  de  gale ,  ou  le  rodoul , 
ou  le  fonic.  On  donne  cet  apprêt  aux 
étoffes  qui  doivent  être  mifes  en  noir  ;  il 
confïfle  à  les  faire  bouillir  dans  une  décoc- 
tion de  ces  ingrédiens  ;  on  ule  enfuite  de 
la  couperofe.  On  éprouve  Yengalade  par  le 
débouilli. 

ENGASTREMITHE,£2VG^<S,r.R/- 
MYTHUS  ou  ENGASTREMANDE , 


E   N   G  4*., 

f  m.  «j  fetT^t^vBf^  ,  perfonne  qui  parle  fans 
ouvrir  la  bouche }  ou  fans  dejferrer  les 
lèvres  ;  de  manière  que  le  fon  de  la  pa- 
role fêmble  retentir  dans  le  ventre  &  en 
fortir. 

Le  nom  diengaflremithe  efl  compofé  du 
Grec  iv ,  dans  y  yaçno ,  ventre  >  &  ^.D-}©- 
parole.  Les  Latins  diient ,  par  la  même  rai- 
fon ,  ventriloquus  ,  quafiex  ventre  loquens. 

Voye\  Ventriloques. 

Les  philofophes  anciens  font  fort  divifes 
fur  le  fujet  des  engaflremith.es  ;  Hippocrate 
parle  de  leur  état  comme  d'une  maladie. 
D'autres  prétendent  que  c'efl  une  efpece 
de  divination ,  &  en  donnent  l'origine  & 
la  première  invention  à  un  certain  Euriclus 
dont  perfonne  n'a  jamais  rien  fu  ;  d'autres 
l'attribuent  à  l'opération  ou  à  la  poffeffion 
d'un  efprit  malin  ,  &  d'autres  à  l'art  &  au 
méchanifme. 

Les  plus  fameux  engaflremithes  ont  été 
les  pythies  ou  les  prêtrefles  d'Apollon  ,  qui 
rendoient  les  oracles  de  l'intérieur  de  leur 
poitrine ,  fans  proférer  une  parole ,  fans 
remuer  la  bouche  ou  les  lèvres.  Voyez^ 
Pythie. 

S.  Chryfofrome  &  (Ecumenius  foifc 
exprefTément  mention  de  certains  hommes 
divins  que  les  Grecs  appelloient  engaflri- 
mandri ,  dont  les  ventres  prophétiques 
rendoient  des  oracles.  Voye\  Oracle. 

M.  Scott,  bibliothécaire  du  roi  dePrufîê, 
foutient ,  dans  une  difTertation  qu'il  a  faite 
fur  l'apothéofe  d'Homère ,  que  les  engaflre- 
mi  thés  des  anciens  n'etoient  autre  chofè  que 
des  poètes  ,  qui ,  lorfque  les  prê  trèfles  ne 
pouvoient  parler  en  vers ,  fuppléoient  à  leur 
défaut ,  en  expliquant  ou  rendant  en  vers 
ce  qu'Apollon  difoit  dans  la  cavité  du  baflin 
qui  étoit  placé  fur  le  facré  trépié.  Voyez 
Trépié. 

Léon  Allatius  a  fait  un  traité  exprès  fur 
les  engaflremithes  ,  qui  a  pour  titre  de  en- 
gaftremitis  fyntagma.  Die!,  de  Trévoux 
Ù  Chambers. 

Il  efl  très-vraifemblable  que  les  prétendus 
ventriloques  n'etoient  que  des  fourbes  ; 
parce  que  le  méchanifme  de  la  voix  ne 
comporte  pas  que  l'on  puifTe  prononcer 
des  paroles  ,  fans  que  l'air  ,  qui  efl  modifié 
pour  en  produire  le  fon  ,  forte  par  la  bou- 
che &  par  le  nez ,  fur-tout  par  la  première 


47°  E  N  G 

de  ces  deux  voies  :  d'ailleurs ,  en  fuppofant 
même  qu'il  y  ait  moyen  déparier  en  retirant 
l'air  dans  les  poumons ,  le  Ion  retentiroit 
dans  la  poitrine  &  non  pas  dans  le  ventre  , 
ainli  ceux  qui  produiraient  cette  voix  arti- 
fîcieule  ,  feraient  improprement  nommés 
ventriloques ,  parce  qu'il  ne  pourrait  jamais 
?fe  faire  qu'ils  panifient  parler  du  ventre. 
Voye\  Voix. 

On  pourrait  donner  le  nom  cYengaflre- 
mithe  ou  ventriloque  auxenfans  que  quel- 
ques auteurs  prétendent  avoir  fait  des  cris 
dans  le  ventre  de  leurs  mères.  On  trouve 
parmi  les  obfervations  fur  la  phyfique 
générale  {vol.  II)  ,  un  extrait  du  journal 
des  favans  {répub.  des  lettres  ,  août  i  686 ', 
tom.  VII)  ;  dans  lequel  on  attelle  un 
fait  de  cette  efpece  ,  &  on  ajoute  que  , 
quelque  extraordinaire  que  foit  ce  phé- 
nomène ,  on  en  lit  plufieurs  exemples  dans 
le  livre  intitulé,  Medicina feptentrionalis 
çollatitia. 

Mais  ces  prétendus  faits  font-ils  croya- 
bles, dès  que  l'on  efl  bien  allure  que  l'en- 
fant ne  refpire  point  &  ne  peut  refpirer 
.dans  la  matrice  ,  où  il  eft  toujours  plongé 
dens  l'eau  de  l'amnios ,  fans  autre  air  que 
celui  qui  efl  réfolu  en  fes  élémens  dans  la 
fubflance  du  fluide  aqueux ,  qui  n'a  par 
conféquent  aucune  des  propriétés  nécefîâi- 
res  pour  produire  des  fons?  Si  la  chofe 
.dont  il  s'agit  efl  jamais  arrivée,  ce  ne  peut 
être  qu'après  l'écoulement  de  cette  eau  & 
ia  communication  établie  de  l'intérieur  des 
membranes  avec  l'atmofphere  ,  de  manière 
que  l'air  ait  pu  pénétrer  en  mafTe  jufque 
dans  les  poumons  de  l'enfant  ,  &  le  faire 
refpirer  avant  qu'il  foit  forti  de  la  matri- 
ce :  mais  ,  dans  ce  cas  ,  il  faut  qu'il  en 
ibrte  bientôt  pour  furvivre  :  autrement 
les  membranes  flottantes,  venant  à  s'appli- 
quer à  fa  bouche  &  à  fon  nez ,  pour- 
raient le  fuffoquer  avant  qu'il  fut  forti  du 
ventre  de  fa  mère.  Voye\  RESPIRATION, 
Fxetus.  (d) 

ENGEL,  (Dodmafl.)  poids  fidif  ufité 
en  Angleterre.  Voye\  Poids. 

ENGELURE,  f.  f.  (Médecine.)  eu 
une  efpece  d'enflure  inflammatoire  qui 
fùrvient  en  hiver  ,  &  qui  affecte  particu- 
lièrement les  talons ,  les  doigts  des  pies 
$c  des  mains  j  &,   dans   les   pays   bien. 


E  N  G 

froids ,  le  bout  du  nez  même  &  les  lobe* 
des  oreilles.  Les  Grecs  appellent  cette  ma- 
ladie xil!J-*K0V  ?  de  £*¥**  hyems  ;  les 
Latins  pernio.  Les  François  lui  donnent 
le  nom  de  mule  y  lorfqu'ellë  a  fon  fiege  au 
talon. 

La  caufe  prochaine  de  cette  maladie  efl , 
comme  celle  de  l'inflammation  en  général , 
l'empêchement  du  cours  libre  des  fluides 
dans  les  vaifîèaux  de  ces  parties  :  cet  em- 
pêchement efl,  dans  les  engelures,  Y  effet  du 
iroid  ,  qui  reflèrre  les  folides  &  qui  con- 
denfè  les  fluides.  Quoique  la  chaleur   du 
corps    humain    en  famé  furpafiè  celle  de 
l'air  qui  l'environne  ,    même  pendant   les 
plus  grandes  chaleurs  de   l'été  ,  félon  ce 
que  prouvent  les  expériences  faites  à   ce 
fujet  par  le  moyen  du  thermomètre ,  & 
qu'il  faille  par  conféquent ,  pour  que'  les 
parties  de  notre  corps  foient  engourdies 
par    le   froid  ,    qu'il    foit    bien    violent  ; 
cependant    comme    le    mouvement    des 
humeurs  &  conféquemment  la  chaleur,  efl 
moins  confidérable ,  tout  étant  égal  dans 
les  extrémités  ,  dans  les  parties  qui  font  le 
plus    éloignées    du    cœur    que    dans    les 
autres ,  il  s'enfuit  que  ces  parties  doivent 
être  à  proportion  plus  fufceptibles  de  ref- 
fentir  les  effets  du  froid  ;  les  vaifîèaux  ren- 
dus moins  flexibles  par  cette  caufe ,  agifîènt 
moins  fur  le  fang ,  qui  n'efl  fluide  que  par 
l'agitation  qu'il    éprouve    de  l'action    des 
folides  ;  &  celle-ci    étant    diminuée  ,   il 
s'épaiflît  &  circule  avec  peine  :  d'ailleurs  , 
les   parties    aqueufes    qui    lui   fervent  de 
véhicule ,  fe  figent  &  fe  gèlent ,  pour  ainfl 
dire  ,  par  l'abfence  des  particules  ignées  , 
&  peut-être  auffi  par  la  pénétration  des  par- 
ticules frigorifiques    qui  remplifîènt  leurs 
pores ,  &  leur  font  perdre  la  mobilité  qui 
leur  efl  ordinaire ,  d'où  réfùlte   une  caufe 
fuffifànte  d'inflammation.  Voye\  FROID  , 

Glace. 

Le  tempérament  pituiteux ,  les  hu- 
meurs naturellement  épaifîès  ,  la  pléthore  , 
le  peu  de  foin  à  fe  garantir  des  rigueurs 
de  l'hiver  par  les  vêtemens  &  autres 
moyens ,  le  pafîâge  fréquent  du  chaud 
au  froid ,  font  les  caufes  qui  difpofènc 
aux  engelures-,  les  enfans  &  les  jeunes 
perfonnes  y  font  plus  fujets  que  les  au- 
tres ,  à  caufe  de  la  vifeofité  dominante  dans 


EN  G 

îeurs'fluides ,  &  de  la  débilité  de  leurs  (6- 
lides. 

La  pâleur  des  parties  mentionnées  ,  fui- 
vie  de  chaleur  y  de  démangeaifon ,  de 
cuiflbn  même  ,  qui  font  très-incommodes  ; 
la  rougeur  &  la  tenfion  qui  accompagnent 
cette  affection  ,  qui  n'a  lieu  qu'en  temps 
froid,  ne  laiffe  aucun  doute  fur  la  nature  & 
caufe  du  mal. 

Les  engelures  n'expofent  ordinairement 
à  aucun  danger ,  cependant  ,  fi  on  n'y 
apporte  promptement  remède ,  elles  de- 
viennent difficiles  à  guérir  ;  elles  exulcerent 
fouvent  les  parties  où  elles  ont  leur  fiege  ; 
elles  peuvent  même  attirer  la  fuppuration  , 
la  gangrené  &  le  fphacele  ,  que  l'on  voit 
fouvent ,  dans  les  pays  du  nord  ,  furvenir 
en  très-peu  de  tempsj;  &  la  corruption  fait 
des  progrès  fi  rapides ,  qu'elles  tombent 
&  fe  détachent  entièrement  ;  enforte  que 
les  effets  du  froid  fur  le  corps  humain  , 
dans  ces  cas ,  font  prefque  femblables  à 
ceux  du  feu  actuel  qui  les  détruit  fubite- 
ment.  Les  engelures  de  cette  malignité  font 
très-rares  dans  ces  climats  :  celles  qui  fe 
voient  ordinairement  ,  qu'elles  foient  ulcé- 
rées ou  non  ulcérées ,  difpofent  les  parties 
à  en  être  affectées  tous  les  hivers;  ou  plutôt 
les  perfonnes  qui  en  ont  été  attaquées  par 
une  difpôfition  des  humeurs  ,  y  deviennent 
fujettes  pendant  prefque  foute  leur  vie  , 
lorfque  cette  caufe  prédifponente  fubfifle 
toujours. 

Tous  ceux  qui  font  dans  ce  cas  ne  doi- 
vent donc  pas  moins  chercher  à  fe  préfèr- 
ver  de  cette  incommodité  ,  qu'à  s'en  guérir 
lorfqu'elle  a  lieu  :  dans  cette  vue  on"  doit 
s'expofer  le  moins  qu'il  eft.  poflible  au 
froid  ,  &  s'en  garantir,  pour  ce  qui  regarde 
les  pies ,  par  de  bons  chauffons  de  lin  ou 
de  laine  humectés  d'efprit  de  vin  ;  on 
peut  aufîi  en  porter  de  peaux  de  lièvre 
ou  autres  femblables^  on  peut  encore  ap- 
pliquer fur  les  parties  un  emplâtre  defenfif 
tel  que  celui  de  diapalme  ,  auquel  on 
joint  le  bol ,  l'huile  rofat  &  le  vinaigre; 
Turner-  dit  s'en  erre  bien  trouvé  pour  lui-» 
même. 

On  doit  obferver  de  ne  pas  fe  préfenter 
tout  à  coup  à  un  grand  feu  ,  lorfqu'on 
fé  fent  les  extrémités  affectées  d'un  grand 
froid  ,  parce.qu'on  met  trop,  tôt   en  mou- 


E  N  G  471 

vement  les  humeurs  condenfées  ,  qui ,  ne 
pouvant  pas  couler  librement  dans  leurs 
vaiffeaux  ,  les  engorgent  davantage  ,  cau- 
fent  des  douleurs  violentes  ,  &  accélè- 
rent par-là  l'inflammation  &  quelquefois 
la  mortification.  Il  eft  convenable  ,  dans 
ce  cas ,  de  ne  réchauffer  les  parties  froides 
que  par  degrés ,  de  les  laver  pour  cet 
effet  dans  de  l'eau  tiède  ,  pour  relâcher  les 
folides ,  ouvrir  les  pores,  détremper  les 
fluides, 

On  eft'dans  l'ufage  ,  parmi  les  habitans 
des  pays  feptentrionaux ,  lorfqn'ils  viennent 
de  s'expofer  au  froid,  de  ne   pas    entrer 
dans  les  étuves  qu'on  ne  fe  foit   frotté  les 
pies  ,  les   mains ,  le   vifage  &  les  oreilles 
avec  de  la  neige  ;  cette  pratique ,  qui  pafïê 
pour  un  fur  préfervatif  contre  les  engelures, 
fèmbleroit  confirmer  l'opinion  des  phyfi- 
ciens  ,  qui  attribuent  la   gelée   à   quelque* 
chofe  de  plus  que  l'abfence  ou  la  diminu-- 
f.on  des  particules  ignées;  favoir  ,à  des  cor-- 
pufcules  aigus,  qui  pénètrent  les  fluides   & 
fixent   le   mouvement  de  raréfaction   qui" 
établit  leur  liquidité.  La  neige,  employée 
dans  ce  cas ,  ne  femble  pouvoir  produire 
d'autre  effet  que  d'attirer  au  dehors  ces 
aiguillons  frigorifiques.  Voye\{\xx  cela  ce 
qu'en  dit  le  baron  Wanfwieten  ,  dans  fon^ 
commentaire  fur  des  aphorifmes  de  Boer- 
haave,  dans  le  chapitre  de  la  gangrené  :  on^ 
trouve  aufîi  dans  les  œuvres  de  Guillaume* 
Fabrice,  prax.  lib.  v,part.  /,  de  très-belles : 
obfervationsà  cefujet,  qu'il  feroit trop  long 
de  rapporter  ici- 

Pour  ce  qui  eft  de  la  curation  des  en-- 
gelures,  lorfqu'elles  font  formées,  &  que 
la  peau  n'eft  cependant  ni  ulcérée  ni    ou-- 
verte ,  la    première  attention  qu'on   doit 
avoir  eft  d'employer  les  remèdes  convena- 
bles pour  réfoudre  ou  donner   iffue  ,    par 
les  voies  dej  la   tranfpiration    à  l'humeur 
arrêtée  :  on  fe    fert  pour  cet  effet  d'une 
fomentation  appropriée,  appliquée   fur  la? 
partie  affectée  avec  des  morceaux  de  fla- 
nelle. Quelques  auteurs  confèillent  la  fau-- 
mure  de  bœuf  ou    de  cochon  ,  ou  l'eau: 
faiée  Amplement ,  le  jus  ou  la  décoction- 
de  navets,  qu'ils  regardent"  prefque  comme 
un  fpécifique  contre  le  mal  dont  il  s'agit. 
La  pulpe  de  rave,   cuite  fous  la  braife  & 
aPRU(iyée  chaudement  j  produit  le  même 


47*  ENG 

effet  que  le  remède  précédent  :  l'huile  de 
pétrole ,  dont  on  frotte  la  partie  malade  , 
peut  fervir  auffi  de  remède  ,  tant  pour  pré- 
ierver  que  pour  guérir  :  l'encens  formé  en 
liniment  avec  la  graiffe  de  porc  ,  efl  auili 
tort  recommandé. 

Lorfqueles  engelures  viennent  à  s'ouvrir, 
s'ulcérer  ,  on  doit  les  panier  avec  l'onguent 
pompholix  ou  l'onguent  blanc  de  Rhalis  : 
mais ,  de  quelque  remède  qu'on  fe  ferve 
dans  ce  cas,  il  y  a  certaines  engelures  (  fur- 
tout  celles  des  enfans  qui  ne  peuvent  s'em- 
pêcher de  marcher*  de  courir,)  qui  ne 
peuvent  être  guéries  avant  le  retour  de  la 
faifon  où  la  chaleur  commence  à  le  faire 
fentir. 

Si  la  gangrené  fuccede  à  l' exulcération  , 
elle  doit  être  traitée  félon  les  règles  pref- 
crites  dans  les  cas  de  gangrené  en  général. 
Voyei  Gangrené. 

Si  elle  furvient  fubitement  après  que 
V engelure  efl  formée  ,  &  qu'elle  foit  conii- 
dérable  ,  le  commentateur  de  Boerhaave 
ci-defTus  cité  recommande  très-fort  de  ne 
pas  fe  preffer  d'employer  des  remèdes  fpiri- 
rueux,  qui  rendroient  le  mal  plus  confî- 
dérable  en  hâtant  le  fphacele  :  toujours  fondé 
fur  l'expérience  des  peuples  du  Nord  ,  il 
confeille  de  frotter  la  partie  gangrenée  avec 
de  la  neige  ,  ou  de  la  plonger  dans  l'eau 
froide  pour  en  tirer  les  corpufcules  frigo- 
rifiques ,  &  d'employer  enfuite  les  moyens 
propres  à  rétablir  la  circulation  des  humeurs 
&  la  chaleur  dans  la  partie  affectée  ,  tels 
que  les  frictions  douces  ,  les  fomentations 
avec  le  lait  dans  lequel  on  ait  fait  une  dé- 
coction de  plantes  aromatiques  ,  &  de  faire 
ufer  enfuite  au  malade  ,  tenu  chaudement 
dans  le  lit  ,  de  quelques  légers  fudorifi- 
ques  ,  tels  que  l'infufion  du  bois  fafîàfras 
prife  en  grande  quantité  ,  &c.  Voye\  Sen- 
nert ,  Turner  fur  les  autres  différens  re- 
mèdes qui  peuvent  convenir  dans  cette  ma- 
ladie, (d) 

ENGEN ,  (GéogrSmod.)  ville  de  Suabe, 
en  Allemagne;  elle  appartient  au  comte 
de  Furfkmberg  :  elle  efl  fituée  fur  un 
ruiffeau. 

ENGENCEMENT  ,  f.  m.  en  Peinture, 
fe  dit  des  draperies  ou  autres  ajuftemens  , 
ou  d'un  afïèmblage  d'objets  qui  fe  trou- 
vent rarement  réunis ,  &  dont  la  compo- 


E  NG 

fîtion  efl  à  la  fois  finguliere  &  piquante.' 
On  dit  :  ces  choies  font  belles  ,  finguliére- 
ment  engence'es  ;  Yengencement  des  drape- 
ries ,  des  draperies  bien  engence'es  ,  fingu- 
liérement  engence'es.  (R) 

ENGENDRER  ,  v.  ad.  (  Phyfiq.)  dé- 
figne  l'action  de  produire  fon  femblable 
par  voie  de  génération.  V.  GÉNÉRATION. 

Ce  terme  s'applique  auffi  à  d'autres  pro- 
ductions de  la  nature  ;  c'efl  ainfi  qu'on  dit 
que  les  météores  font  engendrés  dans  la 
moyenne  région  de  l'air.  V.  MÉTÉORES , 
&c.  Voyez  auffi  CORRUPTION. 

En  Géométrie  ,  on  fe  fert  du  mot  en- 
gendré ,  pour  défigner  une  ligne  produite 
par  le  mouvement  d'un  point  ,  une  fur- 
face  produite  par  le  mouvement  d'une  ligne, 
un  folide  produit  par  le  mouvement  d'une 
furface  ,  ou  bien  encore  pour  défigner  une 
ligne  courbe  produite  dans  une  furface 
courbe  par  la  fection  d'un  plan.  Ainfi  on  dit 
que  les  fections  coniques  font  engendrées 
dans  le  cône.  Voye\  CONIQUES  &  GÉNÉ- 
RATION. 

On  dit  auffi  qu'une  courbe  eft  engen- 
drée par  le  développement  d'une  autre. 
Voy.  Développée.  On  apropofé  à  cette 
occafîon  de  trouver  les  courbes  qui  s  engen- 
drent elles-mêmes  par  leur  développement. 
Voici  une  folution  bien  limple  de  ce  pro- 
blême. i°.  Soit  que  la  courbe  développée 
s'engendre  elle-même  dans  une  fituation 
directe  ou  dans  une  fituation  renverfée-, 
il  efl  évident  que  la  développée  de  la  dé- 
veloppée fera  précifément  fituée  delà  même 
manière  que  la  développante.  2°.  Le  petit 
côté  de  la  développante  fera  parallèle  au 
petit  côté  qui  lui  correipond  dans  la  déve- 
loppée de  la  développée  (que  j'appelle/owj-- 
dévcloppée;  )  une  figure  très-iimple  peutai- 
fémertt  le  faire  voir.  Donc  ,  puifque  la  dé- 
veloppante &  la  fous-développée  font  fem- 
blables  &  égales  (  hyp.  )  ,  &  qu'putre  cela 
leurs  petits  côtés  correfpondans  font  paral- 
lèles ,  il  efl  aifë  d'en  conclure  que  ces 
petits  côtés  font  égaux  ;  or ,  nommant  d  s 
le  petit  côté  de  la  développante  ou.  courbe 
cherchée  ,  &  R  le  rayon  de  la  développée  y 
il  efl  aifé  de  voir  que  le  rayon  ofculateur 

de    cette   développée  fera  -f-    jt    j  lavoir 

— fi  la   courbe    fe  développe  dans   une 

fituation 


E  N  G 

fituation  renverfée ,  &  +  fi  elle  fe  déve- 
loppe dans  une  firuatîon  directe.  Donc, 
puilque  le  petit  côte  de  la  fous-développée 
eft  égal  à  d s ,  &  que  ce  petit  côté  eft  égal  à 
la  différence  du  rayon  ofculateur  ,  on  aura  a 
{+RdJ)  =  ds,ik+RdR-==sds  + 
ad  s  ,  &c  +  R  R=s  s  +  ias^bh;  c'eft 

i  équation  générale  des  courbes  qui  s1  en- 
gendrent elles-mêmes  par  leur  développe- 
ment. Voye^  le  refie  au  mot  OSCULA- 
TEUR. 

Si  l'on  vouloit  que  la  courbe  généra- 
trice fut  non  pas  égale ,  mais  femblable  à 
la  courbe  engendrée  ,  en  ce  cas  la  différence 


4- 


■  Rd  R 


devroit    être    en   raifon    cons- 


tante avec  ds.  Cela  fe  prouve  comme  dans 
le  cas  précédent.  On  aura  donc  ZL R  R  = 
m**-{-cs+F.  (O) 

t  ENGERAGARIA,  (Geogr.)  petite  ville 
d'Allemagne ,  dans  le  cercle  de  Weftpha- 
lie  ,  &  dans  le  comté  de  Ravensberg  ,  qui 
appartient  au  roi  de  Pruffe.  Elle  eft  fort 
ancienne  ,  &  la  tradition  porte  que  Wit- 
tikind  le  Grand  y  faifoir  fa  réfidence  ordi- 
naire. L'on  prétend  aufïï  favoir  que  Mat- 
thilde  ,  douairière  de  Henri  l'Oifeleur  ,  en 
aimoit  le  iejour.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai ,  c'eft 
que  dans  fon  églife  paroiiliale  ,  fe  voit  un 
monument  élevé  par  l'empereur  Charles  IV, 
l'an  1377  ,  à  la  mémoire  de  Wittikind  , 
dont  les  05  .d'ailleurs  font  dépofés  dans 
l'églife  de  S.  Jean  d'Herford  ,  &  que  fai- 
sant partie  dans  le  XIIe.  fiecledes  dépouilles 
de  Henri  le  Lion  ,  mis  au  ban  de  l'em- 
pire ,  elle  a  palTé  dès-lors  en  di  ver  [es  mains 
qui  l'ont  affez  maltraitée  ,  n'ayant  plus  au- 
jourd'hui le  château  ,  les  murs  &  les  folles 
qu'elle  avoit  autrefois.  Elle  eft  cependant 
encore  le  chef-lieu  d'un  affez  grand  bail- 
liage. (  D.G.) 

ENGERBER  ,  v.  ad.  (  Agricult.  )  il 
ie  dit  du  blé  après  avoir  été  moiffonné  ; 
c'eft  mettre  les  javelles  en  gerbe  :  il  fe  dit 
aufli  des  muids  ou  tonneaux  vuides  ;  les 
engerber ,  c'eft  les  mettre  les  uns  fur  les 
autres  ,  comme  on  voit  les  gerbes  dans  une 
grange. 

ENGHIEN  ou  ANGUIN ,  (  Géogr.  ) 
ville  du  comté  de  Hainaut ,  dans  les  Pays- 
Bas.  Long,  zi  ,  .40  i  latit.   AO  ,  40. 
Tome   XII. 


E  N  G  473 

ENGIA  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  de  Grèce , 
fituée  dans  une  île  de  même  nom.  Cette 
île  a  cinq  lieues  de  long  fur  trois  lieues  de 
large.  Il  y  a  le  golfe  d'Angia.  Long.  41  y 
44  ;  lat.  57  ,  45. 

ENGIN  ,  f.  m.  (  Méchaniq.  )  machine 
compofée  ,  dans  laquelle  il  en  entre  plufieurs 
autres  {impies  ,  comme  des  roues ,  des  vis, 
des  leviers  ,  &c.  combinés  enfemble  ,  & 
qui  fert  A  enlever  ,  à  lancer  ,  ou  à  foutenir 
un  poids  ,  ou  à  produire  quelqu'autre  effet 
confidérable  ,  en  épargnant  ou  du  temps 
ou  de  la  force.   Voye\  MACHINE. 

Il  y  a  des  engins  d'une  infinité  de  fortes  : 
les  uns  font  propres  à  la  guerre ,  comme 
autrefois  les  balliftes  ,  les  catapultes  ,  les 
feorpions  ,  les  béliers  ,  Ùc.  Ces  machines 
étoient  fort  en  ufage  parmi  les  anciens  ,  Se 
elles  avoient  beaucoup  de  force  ;  on  ne 
s'en  fert  plus  aujourd'hui  depuis  l'invention 
de  la  poudre.  D'autres  lèrvent  dans  les  arts  , 
comme  des  moulins ,  des  grues ,  des  pre£- 
foirs.  Voye\  MOULIN  ,  ROUE  ,  PRES- 
SOIR ,  Pompe  ,  ùc. 

Le  mot  d'engin  n'eft  plus  guère  en  ufage  ,' 
du  moins  dans  le  fens  qu'on  vient  de  lui 
donner  ,  c'eft-à-dire  ,  de  machine  com- 
pofée ;  celui  de  machine  tout  court  a  pris 
fa  place ,  &  on  ne  fe  fert  guère  du  mot.engin 
que  pour  défigner  des  machines  fimples  ? 
comme  le  levier  ,  encore  s'en  fert-on  rare- 
ment. (  O  ) 

ENGIN  ,  (  Arts  méchaniq.  )  il  fe  dit 
en  général  de  toute  machine  qui  fert  à  enle- 
ver ,  à  porter  ,  à  traîner. 

En  Pêche  y  il  fe  dit  de  toutes  fortes  de 
filets. 

En  ChaJJe ,  il  fe  dit  de  l'équipage  nécef- 
faire  en  filets  &  autres  outils  pour  la  prifè 
de  quelques  oifeaux. 

Dans  les  Mines  ,  il  fe  dit  de  toutes  les 
machines  employées  à  vuider  les  eaux  ,  à 
enlever  les  matières  hors  de  la  mine  ,  &c. 
Voye\  V article  ARDOISE. 

ENGIN  ,  en  Architecture  ,  machine  en 
triangle ,  compofée  d'un  arbre  foutenu  de 
fès  arcs-boutans  ,  &  potence  d'un  faucon- 
neau par  le  haut  ,  laquelle  par  le  moyen 
d'un  treuil  à  bras  qui  dévide  un  cable ,  en- 
levé les  fardeaux.  Le  gruau  n'eft  différent 
de  V engin  ,  que  par  fa  pièce  de  bois  d'en 
haut  appellée  gruau ,  qui  eft  pofée  en  ram- 

Ooo 


474  ENG 

pant   pouf  avoir  plus,  de  volée.  Voici  les 
pièces  de  Y  engin. 

i°.  La  folle.  2°.  La  fourchette.  3°.  Le 
poinçon.  4°.  La  jambette.  5°.  Les  moifes. 
6°.  Le  treuil  ou  tour.  7°.  Les  bras.  8°.  Le 
ranchet  ou  efcalier.  9°.  Les  ranches  ou 
chevilles.  io°.  La  fellette.  n°.  Les  liens 
12°.  Le  fauconneau  ou  étourneau.  130.  Les 
poulies.  14.0;  Le  chable.  15°.  Pièce  de  bois 
à  monter.  160.  Le  hallement.  170.  Lever- 
boquet.  Voye\  les  figures  de  la.Pl.  du  Char- 
pentier. Voye\  Grue  ,   &c. 

ENGIN,  e_n  terme  d'Aiguillier  Ù  de  Clou- 
tier  d'épingle  ;  il  fe  dit  d'une  planche  cou- 
verte de  clous  d'épingles  plus  ou  moins  forts, 
&  plantés  de  diftance  en  diftance,  entre  les- 
quels on  tire  le  fil  de  fer  pour  le  redreifer. 
Voye\  Tirer. 

ENGISOME,  f.m.  (  Chirurgie)  efpece 
de  fradure  du  crâne  ,  dans  laquelle  l'une. 
des  deux  extrémités  de  l'os  fracturé  avance 
intérieurement  lur  la  dure-mere  ,  &  l'autre 
extrémité  s'élève  extérieurement  faifant  le 
pont-levis.  Dans  ce  cas ,  fi  l'on  a  pu  avec 
des  pincettes  convenables  faire  l'extra&ion 
de  la  pièce  d'os ,  on  traite  le  trépan  acci- 
dentel comme  s'il  étoit  artificiel ,  ayant  foin 
d'emporter  avec  le  couteau  lenticulaire  toutes 
les  inégalités  contre  leiquelles  la  dure-mere 
pourroit  heurter  dans  les  mouvemens  que  le 
cerveau  lui  imprime  :  fi  au  contraire  la 
portion  d'os  engagée  fous  le  crâne  y  &  pref- 
fànt  la  dure-mere,  formoit  une  embarrure , 
il  faudroit  appliquer  une  couronne  de  tré- 
pan ,  &  même  en  multiplier  l'application, 
s'il  étoit  néceifaire ,  pour  dégager  cette  pièce 
d'os  &  en  permettre  F  extraction.  Voye\ 
Embarrure  ù  Trépan.  {Y) 

ENGLANTÉ  ,.adj.  enfermes  deBlafon, 
fe  dit  d'un  écu  chargé  d'un  chêne ,  dont 
le  gland  eft  d'un  autre  émail  que  l'arbre. 

Mitîirinen  en  Bretagne ,  d'argent  au  chêne 
de  fynople  englamé  d'or  ,  au  canton  dextre 
de  gueules .  chargé  de  deux  haches  d'armes 
adoflees  d'argent. 

ENGLECERIE  ,  f.  f.  (;  fftft.  );terme  fort 
fignificatif  chez  les  anciens  Ànglois  ,  quoi- 
qu'à  préfènt  il  ne  foit  guère  en  ufage  :  il 
fignifioit  proprement  laqualité  qu'un  homme 
«voit  d'être  Ànglois. 

Autrefois  quand  un  homme  étoit  tué  ou 
afTaffiné  en  fecret  r  on  le  lèputoit  francigent 


E  N   G 

(  ce  qui  comprenoit  toutes  fortes  d'étrangers,. 
&  particulièrement  les  Danois  )  ;  cette  im- 
putation fubfiftoit  jufqu'à  ce  que  l'on  eût 
prouvé  fon  englecerie  ,  c'eft- à-dire  ,  jufqu'à. 
ce  que  l'on  eût  démontré  qu'il  étoit  naturel 
Anglois. 

Voici  l'origine  de  cette  coutume.  Le  roi 
Canut  ayant  conquis  l'Angleterre  ,  renvoya, 
à  la  requête  des  nobles  ,  fon  armée  en  Dane- 
marck ,  &  ne  réferva  qu'une  garde  de  Danois 
pour  fa  perfonne  :  il  fit  une  loi  qui  portoit 
que  fi  un  Anglois  tuoit  un  Danois  ,  on  lui 
feroit  fon  procès  comme  à  un  meurtrier  ;  ou 
s'il  arrivoir  que  le  meurtrier  prît  la  fuite  ,  le 
village  où  le  feroit  commis  le  meurtre  feroit 
obligé  de  payer  à  l'échiquier  66  marcs.  Sui- 
vant cette  loi ,  toutes  les  fois  qu'il  fe  cora- 
mettoit  quelque  meurtre,  il  falloit  prouver 
que  l'homme  afîàiïiné  étoit  Anglois  ,  afin 
que  le  village  ne  lût  pas  chargé  de  l'amende 
des  66  marcs.  Chambers.  (G) 

ENGONASIS  ,.  en  Afironomie  ,  eft  le 
nom    qu'on    donne  à  Hercule  ,  l'une  des-, 
confteliations  boréales..  Voyex  HERCULE». 
(O) 

ENGORGEMENT  ,  f.  m.  fe  dit,  en- 
Médecine,  des  vaifTeaux  du  corps  humain 
remplis  ,  dif  rendus  par  des  fluides  trop  abon- 
dans  ou  trop  épais  pour  pouvoir  y  couler 
avec  facilité.  V engorgement  a  lieu  dans  toute 
forte  d'obitruclions.  Voye-{  OBSTRUC- 
TION., (d) 

Engorgement  ,  (Jardinage)  fe  dit- 

quand  il   fe  fait   des  obftrudions   dans  la- 
nourriture   d'un    arbre    par    lurabondance: 
d'humeurs;   alors  la  fève  s'engorge,  elle 
s'arrête  ,  &  eft  interceptée  dans  fon  cours  , . 
(oit  par  quelque  vice  qui  lui  eft  particulier  ,, 
foit  par  trop  de  plénitude  dans  les  conduits  ; 
ce  qui  arrive  quand  on  ne  coupe  point  par 
derrière   la  ligature  de  la   greffe.  Cet  acci- 
dent caufe  alors  un  engorgement ,  une  obf— 
trudion  ,  &  c'eft  ce  qu'on  appelle  ftrangula- 
don  ou  étranglement,  qui  fait  périr  la  greffe 
en  peu  de  temps.  (K) 

Engorgement  ,(Hydr.  )  fè  dit  d'une- 
conduite  où  il  eft  entré  affez  d'ordures  pour 
la  boucher.  On  y  remédie  en  ôtant  les  tam- 
pons ,  les  robinets,  &  lâchant  toute  l'eau, 
qui  entraîne  ces  ordures.  (  K  ) 

ENGORGER  ,  en  termes  et  Artificiers  9. 
c'eft.  remplir  de  compofition  le  trouvuide. 


E  N  G 

ou  l'ame  qu'on  a  la  fiée  à  l'orifice  d'un  jet  ,  ' 
ou  tel  autre  artifice.  Dici.  de  Trévoux. 

ENGOULE  ,  adj.  terme  de  B la/on  ,  qui 
fe  dit  des  bandes  ,  croix  ,  fautoirs  ,  &  autres 
pièces  ,  dont  les  extrémités  entrent  dans  la 
gueule  d'un  lion  ,  d'un  léopard  ,  d'un  dra- 
gon ,  &c.  comme  les  armoiries  de  Gui- 
chenon.  Il  y  a  auffi  des  mufles  de  lions  qui 
engoulent  le  calque  ,  comme  dans  les  an- 
ciennes armoiries  des  ducs  de  Savoie. 

Touar  en  Efpagne  ,  d'azur  à  la  bande 
d'or  enjoulée  de  deux  têtes  de  lion  de 
même. 

ENGOURDISSEMENT  ,  fubff.  m. 
(  Médecine  )  ce  terme  eft  employé  pour 
lignifier  la  diminution  de  la  faculté  d'exer- 
cer le  fentiment  attaché  à  toute  la  iurface 
du  corps  ;  dans  ce  lens  ,  Y  engourdijjement 
eff  particulièrement  une  lélion  du  ta& , 
torpor. 

Il  peut  être  caufé  par  le  froid  ,  qui  refferre 
tellement  la  peau  &  les  houppes  nerveules  , 
que  le  fluide  qui  coule  dans  les  nerfs  des 
parties  afFeclées  ,  ne  peut  pas  parvenir  jufqu'à 
leurs  extrémités  ,  en  forte  que  le  racl  fem- 
i>le  fe  faire  avec  Tinterpolition  d'un  corps 
étranger.  U 'engourdijjement  de  cette  efpece 
eft  auffi  quelquefois  l'effet  de  la  compreilïon 
àes  nerfs  qui  le  diftribuent  à  un  membre , 
comme  dans  le  cas  où  on  eff  alîîs  fur  une 
cuiffe  dans  une  lituation  gênée  ;  elle  empê- 
che le  cours  libre. du  fluide  dans  ces  nerfs  , 
d'où  doit  réfulter  nécessairement  le  défaut , 
ou  au  moins  la  diminution  du  fentiment  & 
même  du  mouvement  de  cette  partie.  C'eff 
par  cette  raifon  que  l'inflammation  des  reins 
caufe  auffi  quelquefois  Y  engourdijjement  des 
cuiiîes. 

Si  Y  engourdijjement  eff  général ,  &  que 
l'exercice  du  fentiment  &  du  mouvement 
ne  puifîe  fe  faire  que  très  -  imparfaitement  , 
c'eft  alors  l'effet  d'un  vice  dans  le  cerveau  , 
qui  diminue  la  diffribution  du  fluide  ner- 
veux ;  c'eff  fouvent  un  avant  -  coureur  de 
l'apoplexie  dans  les  perfonnes  qui  n'étoient 
pas  malades  auparavant.  Hippocrate ,  vij. 
coac.prceJ.Jec7.  z.  Voye\  APOPLEXIE.  Ce 
peut  être  auffi  une  paralylie  imparfaite. 
Voye\  Paralysie. 

V engourdijjement  &  la  furdité  qui  fur- 
viennent  dans  les  maladies  aiguës  ,  lbnt  un 
très-mauvais  fjgne  ,  félon  l'auteur  des  pré- 


E  N  G  475 

fages  des  cos ,  à  moins  qu'ils  ne  foient  caufés 
par  un  dépôt  critique  de  la  matière  mor- 
bifique  fur  le  principe  des  nerfs  ,  &  dans 
ce  cas -là  même,  c'eff  un  fymptome  fâ- 
cheux. 

L'engourdifîement ,  torpor  ,  peut  auflî 
être  accompagné  d'une  forte  de  {èntiment 
douloureux  ,  comme  on  l'éprouve  par  l'at- 
touchement d'un  corps  élaffique  actuelle- 
ment agité  par  de  très-promptes  &  très- 
nombreufès  vibrations  :  l'effet  que  l'on  attri- 
bue à  la  torpille  eff  auffi  de  cette  nature  „ 
&  provient  vraifemblablement 'd'une  caufe 
approchante.    Voye\  TORPILLE. 

Engourdissement  ,  fe  dit  auffi  de 
l'efprit ,  Jiupor  ,  &  dans  ce  fens  il  peut 
prefque  fignifier  la  même  chofe  que  Yanaf- 
taifie  de  Boerhaave ,  injiit.  méd.  Jymptoma- 
tolog.  §.  8 59  ;  il  en  eff  comme  le  premier 
degré.  C'elt  une  affection  du  Jenforium 
commune ,  qui  le  rend  moins  propre  à  re- 
cevoir les  impreflions  qui  conffituent  les 
fenlations  internes ,  ou  à  les  tranfmettre  à 
l'ame  les  ayant  reçues  ;  Y  engourdijjement 
de  l'efprit  eff  auffi  un  fymptome  très-funeffe 
dans  les  maladies  aiguës ,  félon  Hippocrate 
dans  les  coaques,  3j4-->  d'autant  plus  qu'elles 
deviennent  mortelles  ,  lans  qu'on  s'en  ap- 
perçoive  pour  ainfi  dire  ,  le  malade  paroif- 
fant  Amplement  être  dans  un  état  tran- 
quille. Voye\  Sensation,  (d) 

ENGRENER  un  cheval.  (  Manège  , 
Maréchall.  )  C'eff  ajouter  à  fa  nourriture 
ordinaire  ,  des  alimens  coniiffant  dans  les 
grains  des  végétaux  qui  lui  font  propres. 
On  ne  fauroit  être  trop  circonfpect  eu  égard 
à  la  quantité  de  grains ,  quand  il  s'agit  de 
l'entretien  des  poulains  ,  du  rérablifTement 
des  chevaux  qui  ont  été  malades  &  qui  en 
ont  été  privés  pendant  quelque  temps  ,  &c. 

Voye\  Nourriture,  (e) 

ENGRAIS  ,  f.  m.  (  Econ.  rufiique.  )  On 
comprend  fous  ce  nom  toutes  les  chofes 
qui  ,  répandues  fur  la  terre ,  fervent  à  la. 
féconder  ,  comme  font  les  fumiers  ,  les 
terres  ,  &c. 

Les  engrais  font  en  général  la  plus  grande 
refîburce  qu'ait  l'agriculture.  Ils  iuppléent , 
jufqu'à  un  certain  point ,  aux  défauts  des 
labours ,  &  corrigent  même  l'intempérie 
des  faifons.  C'eff  un  objet  de  dépenfe  ; 
mais  ce  qu'il  en  coûte  eff  pour  le  cultivateur 

Ooo  a 


47^  E  N  G 

un  fonds  placé  au  plus  haut  intérêt  ;  ufure 
honnête  que  les  loix  &  les  mœurs  dcvroient 
encourager  de  concert. 

Quelques  écrivains  qui  ont  traité  de  l'a- 
griculture ,    ont    paru  vouloir   alîoiblir  la 
néceffité  des  engrais.  Ils  difent  que  les  plan- 
tes fe  nourrifTant  des  parties  les  plus  déliées 
de  la  terre ,  il  fufïit  de  les  atténuer  pour 
rendre  celle-ci  féconde.  Ils  ajoutent  que  le 
fumier  le  fait  par  fermentation  ,  mais  qu'on 
y  parvient  beaucoup  plus  fûrement  par  la 
fréquence  des  labours  ;  que  la  charrue  brife 
mé-chaniquement  les  molécules  à  une  plus 
grande  profondeur    &    beaucoup    mieux. 
Nous  connoifTons  dans  toute  fon  étendue 
l'utilité  des  labours  ;  &  nous  favons  que  la 
divifion  des  molécules  de  la  terre  efl  nécef- 
faire   à  fa  fécondité  :  mais   cette    divifion 
qu'opèrent  les  labours,   ne  peut  erre   que 
momentanée  ;  une  pluie  longue  &  violente 
l'anéantit.  Quelque  bien  labourée  qu'ait  été 
une  terre  ,  fi  l'on  y  feme  du  blé  fans  l'avoir 
filmée  ,  on  la  trouvera  totalement  affaiffée 
à  la  fin  de  l'hiver  ,   &  ordinairement  les 
racines  du  blé  feront  à  la  fuperficie.    Un 
entrais  ,  par  fa  fermentation  continuelle , 
l'auroit  défendue  de  raïFaiiîèment.  Il  eff  diffi- 
cile de  fe  perfùader  qu'une   divifion  faite 
méchaniquement  puiffe  fournir  aux  plantes 
afléz  de  parties  déliées  pour  leur  nourriture. 
Une    production    continuelle    doit   épuifer 
ces  parties ,  &  les  engrais  en  réparent  l'é- 
puifement  :  on  doit  attendre  d'autant  plus 
iurement  ce   bien   de    ceux  qu'an  emploie 
le  plus ,  comme  font  les  fumiers ,  qu'eux- 
mêmes  ne  iont  que  les  parties  un  peu  alté- 
rées des  plantes ,  qu'ils  aident  à  reproduire. 
Ils  contiennent   des  fels  §c  des  huiles  qui 
fûrement ,  indépendamment  de  leur  action , 
concourent ,  avec  la  terre  proprement  dite  y 
à  la  nourriture  des  plantes. 

Parmi  les  engrais  que  l'expérience  a  mis 
en  ufage  ,  il  en  eff  dont  l'effet  dure  un 
grand  nombre  d'années.  Nous  ne  connoif- 
ibns  en  France  que  la  marne  qui  foit  de  ce 
genre.  Les  Anglois  ont  de  plus  leurs  glajfes , 
dont  l'efïèt  eft  excellent ,  &  que  peut-être 
nous  pourrions  avoir  comme  eux..  Nous 
oiôns  même  a.Turer,  fans  avoir  fait  là- 
defTus  d'expériences  diredes  ,  que  le  mé- 
lange de  certaines  glaifes  réufliroit  dans  nos 
terres  légères  &  chaudes,   Tout  mélange 


E  N  G 

de  terres  de  différente  nature  a  toujours  eîî 
des  effets  fi  heureux ,  que  le  fuccès  de  celui* 
là  paroît  démontré  :  il  n'efl  quefHon  que 
d'éprouver  fi  nous  avons  ici ,  comme  en 
Angleterre  ,  des  mines  de  glaife  à  portée 
des  terres  auxquelles  elles  conviendroient. 
L'éloignement  rendroit  la  dépenfe  excefllve» 
Voyei  Culture. 

La  marne  eft  une  e(pece  de  terre  blan- 
châtre &  crétacée ,  qui  fe  trouve  quelque- 
fois prefque  à  la  fuperficie ,  mais  plus  (bu- 
vent  à  une  afîez  grande  protondeur.    Elis 
contient  beaucoup  de  fels  :  de  leur  quantité 
dépend  en  partie   la  durée   de  fon  effet  ; 
mais  elle   dépend  aufîî  de  la  qualité  de  la 
terre.  Les  laboureurs  difent  r  de  certaines 
terres  ,    qu'elles     ufent   leur    marne    plus 
promptement   que    d'autres.    La    durée  la 
plus  ordinaire  eff  entre  dix- huit  &  vingt- 
cinq  ans  ;  il    efl  rare  que  cette  impreflion. 
de  fécondité  fe  fafTe   fèntir  jufqu'à  trente.. 
La  marne  convient  à  toutes  les  terres  froi- 
des ,  &  elle  eu  fur-tout  excellente  dans  les 
terres  ap,pellécs  blanches,  qui  iont  très-com- 
munes. La  chaleur  &  l'activité  qu'elle  leur- 
communiqué  les  rend  auflî  propres  à  rap- 
porter du  Mé  qu'aucune  terre  q^e  ce  foit. 
Il  n'efl  pas  poflible   de  déterminer  d'une 
manière  pré-cile  la  quantité  de  marne  dont 
un  arpent  a  befoin  ,  puiique  cela  dépend  r 
&  de  là  qualité,    &  de  celle  de  la-  terre  : 
cependant    on  peut  l'évaluer  *\- peu-près  ù 
quatre  cents  minots.  mefure  de  Paris  ,  pour- 
un  arpent  à  vingt  pies  pour  perche  ;   c'efè 
une  quantité  moyenne  fur  laquelle  on  peur 
le  régler ,  mais,  en  confultant  toujours  l'ex- 
périence, pour    chaque  endroit.    Les  cl:.;:; 
excès  doivent  être  évités  avec  le  plus  grand 
foin  ;  ne  pas  marner*  aifez  ,  c'efl  s'expoier  à; 
recommencer  bientôt  une  dépenfe  confidé- 
rable.  Il  y  auroit  encore  plus  de  danger  à 
marner    trop.    L'effet    de    cet  engrais  eft 
d'échauffer  ;  il  brûleroit  fi  l'on  paifoit  cer~ 
taines  bornes,. 

Pendant  les  deux  premières  années  après: 
qu'une  terre  efl  marnée  ,  on  doit  y  femer  de 
l'avoine  ;  les  récoltes  de  ce  grain  équivalent 
alors  à  des  récoltes  ordinaires  de  blé,  foit 
par  leur  abondance  ,  foit  par  le  peu  de 
frais  qu'exige  la-  culture  :  d'ailleurs  ,  le 
blé  n'y  réufïiroit  pas  dans  ces  premiers, 
momens  du  feu  de  la  marne.  La  ferment 


E  N  G 

tation  qu'elle  excite  le  laifTeroit  trop  long- 
temps verd  ;  il  mûriroit   tard  ,  &  par  là 
feroit  expofé  à  la  rouille  ,  qui  eff  un  des 
plus  grands  maux  que   le  blé  ait  à  crain- 
dre. L'avoine  ,  au  contraire  ,  court  moins 
de  rifque  à  proportion  de  ce  qu'elle  mûrit 
plus  tard.  Après  deux  récoltes  de  ce  dernier 
grain  ,  on  peut  en  faire  deux  très-bonnes 
de  blé  ,   fans  qu'il  foit  befoin  d'employer 
d'autre  engrais.  Cependant  quelques  labou- 
reurs ,  qu'on  ne  peut  qu'approuver  ,  crai- 
gnant d'épuifer  trop  t&t  leurs  terres  ,  y  r  - 
pandent  du  fumier  en  petite  quantité  ,  &  du 
fumier  le  moins  chaud  ,  pour  tempérer  un 
peu  le  feu  de  la  marne  :    quatre   ou   cinq 
années  étant  pafïées  ,,  on  reprend  le  cours 
de  la  culture  ordinaire ,  &  une  terre  mar- 
née devient  alors  dans  le    cas   de    toutes 
celles  qui  n'ont  jamais  eu  befoin  de  l'être. 
Le  bon  effet  de  la  marne  fe  fait  fentir  , 
comme  nous  l'avons  dit ,  pendant  u»n  temps 
plus  ou  moins  long  ;  mais  un  inconvénient 
auquel  il  faut  s'attendre  ,  c'eff  que  la  terre 
devient  plus  flérile  à  la  fin   que  fi  on  ne 
l'avoit  pas  contrainte  à  cet  effort  de  fécon- 
dité :  il  eff  peut-être  dans  la  nature  qu'une 
fermentation  extraordinaire  foit  fuivie  d'un 
repos  proportionné.    Quoi  qu'il  en  foit ,  il 
eff  aifé  de  diffinguer  une  terre  marnée  trop 
anciennement  :    Ion    afpect   eff    triffe  :    la 
pluie  ,  qui  femble  ouvrir  toutes  les  autres 
terres  ,  bat  celle-ci  &  en  rapproche  toutes 
les  parties  ;  le  foieii  la  durcit  plus  qu'il  ne 
l'échauffé  ;    les  mauvaifes  herbes ,  &  iur- 
tout   le  pavot  fauvage  ,    y  dominent  ;  le 
grain  y  jaunit.  Il  n'eil  pas  poffible  de  la 
rnéconnoître  à  ces  marques  de  fférilité.   Le 
remède  le  trouve   dans  la  marne  même  , 
&  alors  elle  devient  absolument  néceflaire  : 
cela  fait  dire  à  quelques  laboureurs  qu'elle 
enrichit  le  père  &  ruine  les  enfans.  On  peut 
dire  aufli  qu'elle  paie  d'avance  avec  ufure 
ce  qu'il  en  coûte  pour  la  renouveller.  Nous 
devons  ajouter    ici  qu'avec  l'aide,  des  fu- 
miers ,  on  prolonge  pendant  plufieurs  an- 
nées l'effet  de  la  marne  ;  mais  il  faut  ne 
pas  les  épargner,  &  lavoir  s'exécuter  fur 
la  dépenfe  :  cette  prolongation  eif   même 
utile  à  la  terre  ,,  &  la  pratique  en  eff  à  con- 
cilier. Enfin  ,  lorlqu'on  renouvelle  la  mar- 
ne ,  ce  ne  doit  pas  être  fans  y  apporter 
«les.  précautions  :  elle  feroit  pour  une  terre 


E  N  G  477 

ainfi  épuiiec ,  ce  que  font  certains  remèdes 
actifs  pour  un  eftomac  ufé  ;  ils  ne  le  rani- 
ment d'abord  que  pour  le  lai  fier  bientôt 
plus  languifïant.  Il  eff  donc  prefque  nécef- 
faire  de  donner  du  repos  à  la  terre  ,  avant 
de  la  marner  une  féconde  fois  :  mais ,  afin 
que  ce  temps  de  repos  ne  foit  pas  perdu  , 
on  peut  y  femer  de  la  luzerne  ,  du  fain- 
foin ,  &ç.  comme  nous  le  dirons  ci-defîbus 
en  parlant  des  terres  fatiguées  de  rapporter 
du  grain. 

De  tous  les  engrais  ,  les  fumiers  font 
ceux  dont  fufage  eff  le  plus  généralement 
reçu;  mais  tous  ne  font  pas  indifféremment 
propres  à  toutes  fortes  de  terres.  Le  fumier 
de  mouton  ,  fur-tout  celui  qui  eff  ramaffë 
dans  le  fond  de  la  bergerie ,  doit  être  ré- 
fervé  pour  les  terres  froides  &  médiocre- 
ment fortes.  Le  fumier  de  cheval  pour  les 
terres  froides  &  fortes  en  même  temps. 
Le  fumier  de  vache  eff  le  meilleur  engrais- 
des  terres  chaudes  &  légères  :  ces  différent 
fumiers  ,  mêlés  &  confommés  enfemble  , 
conviennent  aux  terres  d'une  qualité 
moyenne  entre  celles-là  ,  &  ce  font  les 
plus  communes.  Le  plus  chaud  de  tous  les 
fumiers  eff  celui  que  donnent  les  pigeons  ; 
mais  il  n'eff  jamais  poffible  de  s'en  pro- 
curer beaucoup  :  il  ne  convient  non  plus 
qu'aux  terres  extrêmement  froides.  Loin 
d'en  couvrir  la  terre ,  comme  on  doit  faire 
des  autres  fumiers,  on  le  feme  légèrement 
avec  la  main  ;  fa  chaleur  en  rendroit  la  quan- 
tité dangereufe. 

Le  parcage  des  moutons  a  ceh  d'avan- 
tageux ,  que  Y  engrais  eff  porté  fur  les 
terres  par  ces  animaux  mêmes.  Par  cette 
raifon  ,  il  eff  à  préférer  à  tous  les  autres, 
pour  tous  les  endroits  éloignés  de  la  ferme  ,, 
&  où  la  dépenfe  des  charrois  feroit  gran- 
de. Dans  quelques  provinces  r  les  labou- 
reurs intelligens  empruntent  les  moutons, 
de  ceux  qui  ne  le  font  pas.  Ils  achètent  le 
droit  de  les  faire  vivre  pendant  un  certain 
temps  fur  leurs  terres ,  &  l'abondance  des. 
récoltes  eff  toujours  le  fruit  de  cette  loca- 
tion. 

Une  terre  fumée  habituellement  confèrve 
plus  long-temps  le  principe  de  fa  fécondité 
que  celle  qui  ne  l'efl  qu'en  panant  ;  mais.,, 
en  général ,  on  ne  peut  guère  évaluer  qu'à 
deux  ou  trois  ans  la  durée  des  effets  dj$ 


478  E  N  G 

fumier.  On  fume  ordinairement  fur  la  | 
jachère  ;  on  en  recueille  le  premier  fruit  j 
par  une  abondante  moiffon  de  blé  :  celle 
d'avoine  ou  d'orge  qui  la  fuit  fe  fent  en- 
core des  bons  effets  de  Y  engrais.  Après  cela 
on  laiffe  une  année  de  repos  à  la  terre  , 
pour  la  façonner  &  la  fumer  de  nouveau  , 
avant  de  lui  redemander  une  récolte  de 
blé.  C'eft  là  le  train  commun  de  la  cul- 
ture pour  la  plus  grande  partie  des  terres  ; 
mais  cette  année  que  l'on  voit  perdue  , 
peut  être  employée  dans  les  terres  grafîès 
par  elles-mêmes  ,  ou  dans  celles  qui  ont 
été  bien  engraiffées  ;  .on  peut  ,  on  doit 
même  y  femer  des  pois  ou  de  la  vefce , 
qui  donnent  un  fourrage  excellent  :  ces- 
plantes  extirpent  l'herbe  ,  rendent  la  terre 
légère  fans  fépuifèr  beaucoup  ,  &  la  dif- 
pofent  ,  peut-être  mieux  que  les  labours  , 
à  recevoir  la  femence  du  blé.  Les  pois 
ou  la  vefce  étant  recueillis ,  un  feul  la- 
bour ,  avec  un  léger  engrais  y  devient  une 
préparation  {uffiiante.  Une  attention  nécef- 
faire  dans  ce  cas-là ,  &  toutes  les  fois  que 
l'on  fume  fur  le  dernier  labour  d'une  jachè- 
re ,  c'eft  de  n'employer  que  du  fumier  pref- 
qu'entiérement  confommé  :  s'il  étoit  trop 
cru  ,  il  tiendroit  d'abord  foulevées  les  parties 
de  la  terre  ;  elle  s'affaifTeroit  enfuite  pendant 
l'hiver  ,  &  laiiferoit  à  découvert  les  racines 
du  blé. 

Si  les  fumiers  ne  font  pour  les  terres 
qu'un  engrais  paifager ,  on  peut  dire  auffi 
que  c'eft  celui  dont  les  effets  font  les  plus 
heureux  &  les  plus  furs.  Il  n'arrive  prefque 
jamais  que  la  récolte  foit  mauvailè  dans 
une  terre  fumée  affidument  &  depuis  long- 
temps ;  on  ne  s'apperçoit  pas  non  plus 
que  la  fermentation  excitée  par  le  fumier 
étant  preffée  ,  les  terres  foient  moins  ferti- 
les qu'auparavant ,  comme  nous  l'avons 
remarqué  de  la  marne.  Celle-ci  ne  fait  guère 
que  mettre  en  mouvement  les  parties  de 
Ja  terre  ;  le  fumier ,  outre  fon  action , 
augmente  fes  parties  propres  à  nourrir , 
de  toutes  les  tiennes.  On  ne  peut  donc 
aflez  chercher  les  moyens  de  procurer  à 
{es  .terres  une  grande  quantité  de  cet  en- 
grais. Outre  Ion  excellence  ,  c'eft  celui 
qui  fe  trouve  le  plus  aifément  fous  la  main 
4e  tous  les  cultivateurs  :  les  engrais  dis- 
pendieux ,    &   dont   l'effet  eft    durable, 


E  N  G 

comme  eft  la  marne ,  &  comme  pour- 
raient être  les  glaifes  ,  devraient  être  réler- 
vés  aux  foins  des  propriétaires.  Les  fumiers 
doivent  être  l'objet  &  la  reffource  des 
fermiers,  parce  qu'ils  en  retirent  prompte- 
ment  le  fruit.  L'augmentation  du  bétail 
entraîne  celle  du  fumier  ,  &  les  fumiers , 
à  leur  tour ,  procurent  des  récoltes  qui 
mettent  à  même  de  nourrir  une  plus 
grande  quantité  de  bétail.  Les  Anglois 
nous  ont  donné  fur  ce  point  l'exemple  le 
plus  encourageant:  depuis  que  les  pâturages 
artificiels  ont  multiplié  chez  eux  ks  trou- 
peaux &  les  engrais  ,  leurs  moilfons  font 
augmentées  à  un  point  dont  on  douteroit , 
fi  l'on  pouvoit  fe  réfuter  aux  témoins  qui 
en  font  foi.  Nous  le  favons  ;  &  les  moyens 
qui  ont  été  employés  font  connus  de  tout 
le  monde  ;  mais  l'ignorance  eft  moins  à 
craindre  ,  dans  ce  genre  ,  que  la  langueur. 
Un  foufÏÏe  de  vie  répandu  fur  la  pratique 
pénible  de  ce  qu'on  lait ,  développerait  des 
connoiflances  qui  ne  font  étouffées  que  par 
le  peu  d'intérêt  qu'on  trouve  à  les  em- 
ployer. Dans  tous  les  arts  ,  une  routine 
languiffante  eft  le  partage  du  plus  grand 
nombre  des  praticiens  :  l'activité ,  l'induf- 
trie  en  diftinguent  quelques  -  uns  ;  &  ce 
font  elles  qui  paroifîènt  multiplier  les 
reftôurces  entre  leurs  mains.  Il  en  eft 
ainfi  dans  l'agriculture  :  un  laboureur  at- 
tentif trouvera  des  moyens  d'engraifîèr 
(es  terres ,  qui  ,  quoique  rarement  em- 
ployés ,  n'en  font  pas  moins  connus  de 
tout  le  monde,  &  fon  exemple  ne  réveil- 
lera peut-être  pas  la  ftupidité  de  fes  voi- 
fins. 

La  marne  ne  convient  pas  à  toutes  les 
terres  ;  V engrais  des  fumiers  eft  nécessaire- 
ment borné  ;  certaines  terres  n'acquer- 
raient ,  avec  beaucoup  de  dépenfe ,  qu'une 
fécondité  médiocre.  Il  fuppléera  de  diffé- 
rentes manières  au  défaut  des  fumiers. 
Nous  avons  dit  que  le  mélange  des  terres 
étoit  excellent.  La  campagne  en  offre  quel- 
quefois des  morceaux  qui  reftent  inutiles 
par  la  négligence  des  laboureurs.  On  cher- 
che de  l'or  en  fouillant  dans  le  fein  de  la 
terre  :  on  y  trouveroit  des  richelTes  plus 
réelles  ,  en  répandant  fur  fa  fuperficie  la 
I  plus  grande  partie  des  terres  que  l'on  tire 
>  du  fond.   Toutes ,  excepté  le  fable  pur  > 


E  N  G 

«reviennent  d'excellens  engrais  ;  celles  même 
qui  paroiffent  fîériles ,  comme  la  craie , 
ont  leur  utilité.  Sur  les  terres  froides  elle 
fait  prefque  l'effet  de  la  marne  :  des  par- 
ties de  ruines  ,  celles  qui  peuvent  fe  dif- 
foudre  feront  le  même  effet  fur  les  mêmes 
terres  ,  &  les  fertiliferont  pendant  quelques 
années.  Tout  le  monde  fait  que  ces  amas 
d'ordures  qui  incommodent  les  villes  peu- 
vent enrichir  les  campagnes  :  il  faut  feule- 
ment que  ceux  qui  les  emploient  les  laif- 
fent  fermenter  en  dépôt  pendant  quelques 
temps ,  avant  de  les  répandre  fur  les  terres. 
Il  eff  néceffaire  aufli  ,  dans  l'ufàge  de  cet 
engrais ,  de  multiplier  les  labours.  Il  con- 
tient les  graines  d'une  infinité  de  plantes 
qui  couvriroient  la  terre  fi  on  ne  les  arrê- 
tait-pas.  Outre  les  chofes  qui  font  commu- 
nes à  tous  les  pays  ,  il  en  eft  quelques-unes 
qui  font  particulières  à  chaque  endroit. 
Toutes  les  cendres ,  celle  de  tourbe  ,  celle 
de  charbon  de  terre  ,  celle  de  bruyère , 
font  d'excellens  engrais.  Dans  quelques 
provinces  ,  on  brûle  la  terre  même  ,  ou  du 
moins  le  gazon  qui  la  couvre  ;  &  la  prati- 
que en  a  des  effets  très-heureux.  Le  marc 
d'olives  eff  une  reffource  dans  les  pays  où 
elles  croiffent.  On  peut  dire,  en  général, 
que  les  fecours  ne  manquent  guère  à  l'ac- 
tivité qui  les  cherche ,  &  à  l'induffrie  qui 
les  fait  valoir.  Les  plus  mauvaifes  terres  ne 
ieront  pas  toujours  incultes  pour  l'homme 
intelligent.  Leur  défrichement  lui  donnera  , 
pendant  plufieurs  années ,  des  récoltes  affez 
Bonnes,  au  moins  en  menus  grains  :  fi  elles 
ont  un  peu  de  fond  ,  il  prolongera  cette 
fécondité  par  la  culture  ;  fi  elles  en  man- 
quent ,  il  attendra  qu'un  nouveau  repos 
leur  ait  donné  de  nouvelles  forces.  Il  y  a 
des  lieux  où  l'on  ne  fait  rapporter  les  terres 
que  tous  les  deux  ans  ;  mais  cette  oifiveté 
périodique  eff  un  grand  mal ,  &  ne  peut 
être  envifagée  comme  une  refîburce  que 
quand  toutes  les  autres  manquent.  Nous 
avons  dit  qu'il  y  en  avoit  une  également 
fûre  &  avantageufe  pour  les  bonnes  terres 
^puifées  ;  favoir  ,  le  changement  de  plantes. 
Nous  fommes  bien  éloignés  de  vouloir  dé- 
cider ici  fi  les  plantes  fè  nourrhTent  indiffé- 
remment de  tous  les  fucs  ;  ou  fi  ,  avec 
Beaucoup  de  principes  communs  ,  chaque 
©lante  n'en   a.  pas  de   particuliers  qui  ne 


E  N    G  479 

paffent  jamais  dans  d'autres.  Nous  favons 
feulement  que  les  plantes  qui  vont  cher- 
cher leur  nourriture  à  une  grande  profon- 
deur,  comme  la  luzerne  ,  le  fainfoin,  le 
trèfle  ,  fervent  de  repos  &  d'engrais  à  la 
terre  fatiguée  de  rapporter  du  grain.  Ces 
plantes  donnent  beaucoup  d'herbe  ,  &; 
d'une  herbe  excellente  pour  les  beffiaux. 
La  luzerne  demande  une  terre  qui  ait 
beaucoup  de  fond  ,  &  elle  y  dure  juf- 
qu'à  quinze  ans.  Le  fainfoin  exige  moins 
de  profondeur  ,  &  ne  va  guère  julqu'à 
dix  ans.  Le  trèfle  ne  dure  tout  au  plus 
que  trois  ans  :  auffi  ne  le  feme-t-on 
ordinairement  qu'avec  de  la  graine  de 
luzerne.  Il  donne  de  l'herbe  pendant 
que  celle-ci  croît  en  racines  ,  &  il  meurt 
lorfqu'elle  devient  en  état  de  produire. 
Le  temps  étant  arrivé  auquel  ces  plan- 
tes commencent  à  languir  ,  on  défriche 
la  terre  ,  &  elle  eff  améliorée.  Sa  vigueur 
eff  telle  qu'il  faut  prendre  les  mêmes  pré- 
cautions que  pour  une  terre  marnée  ,  & 
y  faire  deux  ou  trois  récoltes  d'avoine 
confécutives  ,  avant  que  d'y  femer  du: 
blé. 

Voilà  tout  ce  qu'il  eff  elfentiel  de  la- 
voir fur  Y  engrais  des  terres.  Les  prés  mé- 
ritent une  attention  particulière  ;  ils  en  ont 
qui  leur  font  fpécialement  propres.  Les 
prés  fur  lefquels  on  peut  détourner  l'eau 
des  rivières  ,  trouvent  dans  cette  eau  feule 
un  engrais  plus  fur  &  meilleur  qu'aucun 
autre.  Il  eff  fur-tout  excellent ,  fi  cette  eau- 
eff  un  peu  limoneufe.  On  la  répand  ordi- 
nairement vers  le  15  d'avril  pour  la  pre- 
mière fois,  &  dans  les  premiers  jours  de 
mai  pour  la  féconde.  On  ne  fait  alors  qu'ar- 
rofer  les  prés  ;  mais  il  n'eff  pas  inutile  de 
les  noyer  tout-à-fait  pendant  l'hiver  ,  &c 
d'y  lailfer  féjourner  l'eau  pendant  quelques 
jours.  Cette  précaution  fait  périr  entière— - 
ment  les  taupes ,  les  mulots  ,  &  tous  les 
infectes  qui- nuifent  à  la  racine  de  l'herbe. 
Il  ne  faut  cependant  jamais  rifquer  cette 
inondation  fans  être  fur  de  pouvoir  retirer 
l'eau  dès  qu'on  le  voudra.  Loin  de  técon-, 
der  les  prés  ,-  elle  les  détruiroit  par  un  trop" 
long  fejour.  Il  eff  fi  peu  difpendieux  de 
procurer  cet  engrais  aux  prés  voifins  des 
rivières  ,  que  c'eff  un  foin  rarement  né- 
gligé. -  Arrofer  les  prés , .  c  eff  les  fertilifer 


4So  ENG 

fûrement  :  retirer  l'eau  d'un  grand  nombre 
de  marais ,  ce  feroit  en  faire  Jurement  des 
prés  fertiles  ;  mais  cette  opération  exige 
ordinairement  beaucoup  plus  de  dépenie 
&  d'induftrie  que  l'autre.  Dans  les  lieux 
où  cela  eft  facile  ,  on  ne  peut  que  con- 
cilier aux  particuliers  de  s'y  prêter.  Dans 
ceux  où  l'objet  feroit  important  &  l'opéra- 
tion trop  difpendieufe,  un  a/antage  auffi 
fur  mériteroit  peut-être  l'attention  &  le 
concours  du  gouvernement.  Nous  avons 
fait  fentir  l'influence  que  les  pâturages  ont 
fer  toute  l'agriculture  ,  par  la  multiplication 
des  troupeaux  &  des  engrais.  Souvent  une 
feule  chauffée  pourrait  faire  d'un  marais 
inutile  &  mal-fain  ,  une  prairie  féconde 
&  un  étang  bien  empoifibnné. 

Les  prés  ont  cet  avantage  fur  les  terres , 
que  r engrais  eft  la  feule  culture  qu'ils  de- 
mandent. Dans  tous  les  lieux  voifins  des 
grandes  villes  ,  où  la  confommation  des. 
fourrages  eft  fûre  ,  on  les  regarde  comme 
précieux  ;  mais  ils  le  font  auflï  dans  les 
endroits  les  plus  reculés  ,  par  toutes  les 
reflburces  que  fournit  le  bétail  qu'ils  nour- 
rifTent. 

Les  terres  de  toute  efpece  ,  excepté  le 
fable  pur ,  font  un  très-bon  engrais  pour 
les  prés.  Nous  n'entendons  parler  ici  que 
des  terres  proprement  dites  ;  il  n'eft  pas 
d'ufage  d'y  répandre  de  la  marne  ni  de  la 
craie.  Nous  croyons  cependant  que  dans 
les  prés  extrêmement  froids ,  ces  deux  en- 
grais mis  en  petite  quantité  pourraient 
réuffir  ;  mais  nous  n'avons  pas  d'expérien- 
ces là-deflus.  Le  parcage  àes  moutons  eft 
excellent  dans  les  prés  un  peu  froids,  & 
le  fumier  de  vache  dans  ceux  qu'on  appelle 
haut-prés.  Le  parcage  qui ,  comme  nous 
l'avons  dit  ,  eft  très-utile  aux  terres ,  nous 
paraît  avoir  encore  du  côté  de  l'abondance 
un  meilleur  effet  pour  les  prés.  Nous  difons 
du  côté  de  l'abondance  ,  parce  que  tous  les 
fumiers  ,  &  fur-tout  celui  des  moutons , 
donnent  la  première  année  ,  au  fourrage , 
une  odeur  &  un  goût  qui  rebute  le  bétail 
au  premier  abord  ;  mais  il  s'y  accoutume 
peu  à  peu.  L'abondance  doit  d'ailleurs  être 
le  premier ,  &  peut-être  le  feul  objet  des 
cultivateurs.  En  voilà  affez  pour  que  l'on 
foit  inftruit  de  l'importance  dont  les  engrais 
font  dans  l'agriculture  ,  6c  de  la  manière 


ENG 
dont  ils  doivent  être  employés.  Les  jardins 
de  fleurs ,  les  potagers  ,  les  ferres  où  l'on 
force  un  grand  nombre  de  plantes  à  croître 
(bus  un  ciel  étranger  ,  ont  auffi  des  prépa- 
rations Ôl  engrais  qui  leur  font  propres  ; 
mais  nous  n'entrerons  point  ici  dans  les 
détails  de  cette  culture  particulière.  Cet  ar- 
ticle eft  de  M.  lelloy,  lieutenant  des  chajfes 
de  Ver failles. 

ENGRAISSER  un  cheval.  (  Manège , 
Maréchall.  )    Voye\  NOURRITURE. 

§,  ENGRELE  ,  ÉE  ,  (  terme  de  Blafon.  ) 
fe  dit  du  chei"  ,  du  pal  ,  de  la  bande  ,  de  la 
croix  y  du  fautoir,  &c.  bordés  de  petites 
dents  à  intervalles  creux  &  arrondis. 

Ce  terme  vient  du  Latin  gracilis  ,  délié  , 
mince  ,  délicat  ,  les  pointes  étant  très- 
petites  en  comparaifon  de  celles  du  den- 
ché. 

De  Montjouvent ,  en  Brefle  ;  de  gueules 
au  fautoir  engrêlé  d'argent. 

De  la  Queilie,  en  Anjou  ;  de  fable  à  la 
croix  engrêlée  d'or. 

Ramade  de  Tranfet ,  en  Auvergne  ;  de 
jinople  à lafafee  engrêlée  d'or. {G.  D.  L,  T.) 

ENGRELURE ,  C  f.  (  Blafon.  )  petit 
liftel  de  filet  engrêlé  qui  fe  poie  au  long  d» 
bord  fupérieur  de  l'écu. 

De  Saint-Chamans  du  Pécher ,  en  Li- 
mofin  ;  de  Jinople  à  trois  fafees  d'argent  ; 
en  chef  une  engrêhtre  de  même. 

Henri  de  Saint-Chamans  ,  gouverneur  de 
Therouene  ,  de  Verdun  &  de  Mariem- 
bourg  ,  lieutenant  de  roi  en  Limofin  ,  a 
porté  le  premier  ,  au  haut  de  l'écu  de  {es 
armes  cette  engrelure  ,  qu'il  demanda  à 
Henri  II ,  pour  marque  d'honneur  ,  après 
avoir  défendu  vaillamment  cette  place  en 
i$$3  ,  contre  une  armée  formidable  qui 
fut  obligée  de  fe  retirer. 

Ses  defeendans  ont  depuis  porté  cette 
engrelure  ,  comme  un  trophée  de  la  valeur 
martiale  de  leur  ancêtre.  (  G.  D.  L.  T.  ) 

*  Engrelure  ,  f.  f.  (  Dentelle.  )  C'efl 
ainfi  qu'on  appelle  le  pie  de  la  dentelle. 
\] engrelure  fe  lait  en  même  temps  que  la 
dentelle.  Voye\  Part.  DENTELLE. 

On  donne  le  même  nom  à  une  efpece 
d'ouvrage  qui  fe  fait  comme  la  dentelle 
au  fufeau ,  avec  le  fil  de  Malines  &  fur  le 
couffin  ,  qui  a  depuis  la  largeur  la  plus  pe- 
tite juiqu'à  la  plus  grande  de  la  dentelle. 

Oa 


E  N  G 

On  fè  fèrt  à-,  cette  dernière  engrelure , 
ibit  pour  redonner  un  pié  à  la  dentelie 
lorfqu  elle  pallè  par  cet  endroit ,  f>ii  pour 
lui  fervir  de  monture ,  foit  pour  uair  deux 
dentelles ,  &c. 

ENGRENAGE  ,  f.  m.  (  Horlogerie.  )  M 
générai  ,  lignifie  en  méchanijuc  la  manière 
dont  les  dents  d'une  roue  entrent  dans  les 
ailes  d'un  pignon  ,  &  dont  elles  agiftent  fur 
ces  ailes  pour  le  faire  tourner.  Voy.  Dent  , 
Roue  ,  Pignon  ,  Aile  ,  &c 

C'eft  une  chofe  d'une  grande  importance 
<lans  les  machines ,  que  la  perfection  des 
engrenages.  Car  s'ils  ne  font  pas  faits  avec 
précifion  ,  il  en  réfulte  de  grands  frotte- 
mens ,  beaucoup  d'ufure  ,  &;  quelquefois 
même  des  arrêts.  Comme  ceci  eft  traité 
plus  au  long  à  Y  article  Dent  ,  nous  y  ren- 
voyons. 

Deux  grands  défauts  qu'on  doit  éviter 
dans  un  engrenage  ,  c'eft  qu'il  foit  trop  fort 
ou  trop  foible.  Dans  le  premier  cas,  les 
dents  de  la  roue  font  fujettes  à  quoter , 
c'eft-à-dire  ,  que  les  deux  pointes  de  deux 
dents  voifines  vont  toucher  les  deux  faces 
oppofées  des  deux  ailes  du  pignon  \  de  forte 
que  ni  la  roue ,  ni  le  pignon  ne  peuvent 
fe  mouvoir.  Dans  le  fécond  ,  les  extrémités 
des  ailes  du  pignon  font  fujettes  à  toucher 
&  à  arc-bouter  lorfqu'elles  fe  préfeutent  à 
la  dent  qui  les  doit  pouffer  ;  d'où  il  réfulte 
très-fouvent  des  arrêts  :  il  eft  à  propos 
même  de  remarquer  que  c'eft  le  défaut  le 
plus  ordinaire  des  engrenages.  Ces  deux 
défauts  ont  encore  un  autre  inconvénient  j 
c'eft  qu'il  eft  impofïible  que  la  roue  mené 
le  pignon  uniformément ,  avantage  très- 
important  dans  un  engrenage  ;  car  fans  cela , 
dans  une  montre  par  exemple  ,  les  roues 
agiifant  fur  les  pignons  ,  tantôt  plus ,  tan- 
tôt moins  avantageufement  ,  on  eft  forcé 
d'employer  une  puiffance  capable  de  vain- 
cre les  réftftances  des  frottemens ,  &c.  dans 
les  cas  les  plus  désavantageux  de  l'action 
des  roues  fur  les  pignons  ,  &  par  confé- 
quent  fupérieure  ,  &  quelquefois  de  beau- 
coup ,  à  celle  que  l'on  auroit  employée  fi 
cette  action  s'étoit  faite  uniformément. 
Voye[  Chute  ,  Engrener. 

Les  engrenages  font  fiijets  à  varier,  & 
fur-tout  à  devenir  plus  foibles  ,  par  l'ufure 
des  trous  dans  lefquels  roulent  les  pivots 
Tome  XII. 


E  N  G  481 

des  roues  &  des  pignons  j  mais  c'eft  à  quoi 
m  doit  tâcher  de  remédier  par  la  dilpofi- 
don  relpetHve  de  ces  roues.  Voye[  Ca- 
libre. (  T  ) 

*  ENGRENAGE  ,  {machine  à  Horloger.) 
C'eft  une  machine  à  l'aide  de  laquelle  , 
uns  roue  à  dents  étant  donnée  de  pofi- 
tion  ,  011  trouve  tous  les  points  fur  lefquels 
le  centre  d'une  autre  roue  étant  placé  , 
elles  feront  l'une  avec  l'autre  un  engrenage 
déterminé.  Voyez-en  la  defeription  à  la  tête 
de  la  planche. 

ENGRENER  la  pompe,  (  Marine.)  c'eft 
faire  monter  dans  la  pompe  l'eau  qui  refte 
au  fond  du  vahTeau ,  pour  faire  fortir  de- 
hors ce  qui  peut  être  refté.  (Z) 

Engrener  ,  voye[  Eng rainer. 

ENGRENER ,  v.  neut.  (  Horlogerie.  )  fe 
dit  en  méchanique  ,  de  la  manière  dont  les 
dents  d'une  roue  entrent  dans  les  ailes  d'un 
pignon  ,  &  de  celles  dont  elles  agiffent  fur 
ces  ailes  pour  le  faire  tourner.  V.  Roue  , 
Dent,  Pignon  ,  Aile,  Encrenage, 
Machine  a  engrenage  ,  &c. 

On  dit  qu'une  roue  engrené  trop  lorfque 
la  quantité  dont  {es  dents  entrent  dans  les 
ailes  de  fbn  pignon  eft  trop  grande  }  6c  au 
contraire  qu'elle  n  engrené  pas  affez  lorfque 
cette  quantité  eft  trop  petite.  Voye[  En- 
grenage ,  Dent  ,  &c.  (  T  ) 

ENGROSSIR,  verbe  aét.  en  terme  de 
Boyaudier.  C'eft  l'action  d'aflèmbler  les 
cordes  à  boyau  en  paquets  de  douze  douzai- 
nes chacun. 

ENGUAMBA  ,  f.  m.  {Hijl.  nat.  botan.) 
arbre  qui  croît  dans  l'Amérique  feptentrio- 
nale  ,  dans  la  province  de  Mechoacan , 
dans  un  terrain  pierreux  :  (es  feuilles  font 
longues  &  découpées  :,  les  fleurs  en  font 
verdâtres  &  attachées  les  unes  aux  autres 
en  bouquets  }  le  fruit  eft  noir  &  plein  de 
graines  dont  on  tire  une  huile  d'une  cou- 
leur jaune  très-propre  à  la  guérifon  des 
plaies.  Hubner ,   diclionn.   univerfel. 

ENGUICHÉ  ,  adje£t.  terme  de  Blafon. 
Il  fe  dit  du  col  &  des  trompes  dont  l'em- 
bouchure eft  d'un  émail  différent. 

Bafe  en  Danemarck,  d'azur  à  la  fafee 
d'argent ,  chargée  d'un  cor  de  chaife  de 
tynople  ,    lié  ,   virole  &  enguiché  d'or. 

ENGUICHURE  ,  f.  f.  (  Vénerie.  )  c'eft 
l'entrée  de  la  trompe. 

PPP 


4Si  E  N  H 

ENGYSCOPE  ,  f.  in.  (  optique.  )  ma- 
chine qui  eft  plus  connue  fous  le  nom  de 
microfcope.  Ce  mot  vient  des  mots  Grecs 
a-Ki^To/jcctt  ,  je  vois  ,  &  îyyùt  ,  proche  , 
parce  que  Yengyfcope  ou  micro fcope  fert  à 
faire  diftinguer  des  objets  fort  petits  qu'on 
ne  verroit  pas  à  la  vue  fimple  ,  &  qu'on 
approche  de  l'œil  en  mettant  Yengyfcope 
ou  la  loupe  entre  deux/ 

Il  fembîe  que  le  télefcope  ou  lunette 
d'approche  qui  fert  à  rapprocher  les  objets  , 
incriteroit  encore  mieux  le  nom  iï en gy fcope 
que  le  microfcope.  Au  refte  ce  mot  n'eft 
prèfque  plus  en  ufige.  Voyc^  Loupe  , 
Microscope  ,  Télescope.  (0) 

ENHARMONIE  ,  figmfîe  tutti  ,  ou 
tous  ,   comme  en  mélodie  ,  folo  ,  ou  feul. 

ENHARMONIQUE  ,  adj.  pris  fubft. 
(  Mufique.  )  un  des  trois  genres  de  la  mu- 
lique  des  Grecs  ,  appelle  aufîi  très-fréquem- 
ment harmonie  par  Ariftoxene  &  fes  feâa- 
teurs. 

Il  réfultoit  d'une  divifion  particulière  des 
tétracordes  ,  félon  laquelle  l'intervalle  qui 
fe  trou  voit  entre  le  lichanos  ou  la  troiiieme 
corde  ,  &  la  mefe  ou  la  quatrième ,  étant 
d'un  diton  ou  d'une  tierce  majeure  ,  il  ne 
reftoit  pour  achever  le  tétracorde  qu'un 
femi-ton  à  partager  en  deux  intervalles  j 
fàvoir,  de  l'hypate  à  la  parypate,  &  de  la 
parypate  au  lichanos.  Nous  expliquerons 
au  mot  Genre  ,  la  manière  dont  fe  faifoit 
cette  divifion. 

Le  genre  enharmonique  étoit  le  plus  doux 
des  trois  au  rapport  d'Ariftide  Quintilien  j 
il  paffoit  pour  très-ancien  ,  &  la  plupart 
<\es  auteurs  en  attribuent  l'invention  à 
Olympe.  Mais  Ton  tétracorde ,  ou  plutôt 
ion  diateffaron  de  ce  genre  ,  étoit  compofé 
feulement  de  trois  cordes  \  &  ce  ne  fut 
qu'après  lui  qu'on  s'avifa  d'en  inférer  une 
quatrième  entre  les  deux  premières  ,  pour 
faire  la  divifion  dont  je  viens  de  parler. 

Ce  genre  fi  merveilleux  ,  fi  loué  des 
anciens  auteurs  ,  ne  demeura  pas  long- 
temps en  vigueur.  Son  extrême  difficulté 
le#  fit  bientôt  abandonner  des  mufîciens  , 
&:  Plutarque  témoigne  que  de  fou  temps 
il  étoit  entièrement  hors  d'ufage. 

Nous  avons  aujourd'hui  une  efpece  de 
genre  enharmonique  entièrement  différent 
de  celui  des  Grecs.  II  coufifte  comme  les 


E  N  H 

deux  autres  ,  dans  une  progreflîon  parti- 
culiere-  de  l'harmonie  qui  engendre  dans 
les  parties  des  intervalles  enharmoniques  en 
employant  à  la  fois  ,  entre  deux  notes  qui 
font  à  un  ton  l'une  de  l'autre ,  le  diefe  de 
l'inférieure  &  le  bémol  de  la  fupérieure. 
Mais  quoique  félon  la  rigueur  des  rapports  , 
ce  diefè  &  ce  bémol  duffent  former  un  in- 
tervalle entre  eux  ,  cet  intervalle  fe  trouve 
nul,  au  moyen  du  tempérament  ,  qui ,  dans 
Je  fyftême  établi ,  fait  fervir  le  même  fon 
à  ces  deux  ufages  :  ce  qui  n'empêche  pas 
qu'un  tel  paffage  ne  produife ,  par  la  force 
de  la  modulation  &  de  l'harmonie ,  une 
partie  de  l'effet  qu'on  cherche  dans  les 
tranfitions  enharmoniques. 

Comme  ce  genre  eft  affez  peu  connu , 
&  que  nos  auteurs  fe  font  contentés  d'en 
donner  quelques  notions  trop  générales  , 
nous  croyons  devoir  l'expliquer  ici  un  peu 
plus  clairement. 

Il  faut  d'abord  remarquer  que  l'accord 
de  feptieme  diminuée  ,  eft  le  feul  fur  le- 
quel on  puiffe  pratiquer  des  partages  en- 
harmoniques  ,  &  cela  ,  en  vertu  de  cefte 
propriété  fînguliere  qu'il  a  de  divifer  jufte 
l'ocfave  entière  en  quatre  intervalles  égaux. 
Qu'on  prenne  dans  les  quatre  fons  qui 
compofent  cet  accord  ?  celui  qu'on  voudra 
pour  fondamental  ,  on  trouvera  toujours 
également  que  les  trois  autres  fons  forment 
fur  celui-ci  un  accord  de  feptieme  dimi- 
nuée. Or  ,  le  fon  fondamental  de  l'accord 
de  feptieme  diminuée  eft  toujours  une  note 
fenfible  ,  de  forte  que  fans  rien  changer  à 
cet  accord  ,  on  pourroit  le  faire  fervir  fuc- 
ceiTîvement  fur  quatre  différentes  fonda- 
mentales, c'eft  «à-dire  ,  fur  quatre  différen- 
tes notes  fèiifiblcs. 

Suppofbns  l'accord  fur  ut  diefe  ,  dans  le 
ton  naturel  de  ré  :  car  cet  accord  ne  peut 
avoir  lieu  que  dans  le  mode  mineur  :,  fup- 
pofons  ,  dis-je  ,  l'accord  de  feptieme  dimi- 
nuée fur  ut  diefe,  note  fenfible  :  fi  je  prends 
la  tierce  mi  pour  fondamentale  ?  elle  de- 
viendra note  fenfible  à  fon  tour  ,  &  annon- 
cera par  conféquent  le  mode  mineur  de  fa  : 
or  ,  cet  ut  diefè  refte  bien  dans  l'accord 
pris  de  cette  manière  ?  mais  c'eft  en  qua- 
lité de  ré  bémol ,  c'eft-à-dire  ,  de  fîxieme 
note  du  ton-,  &  de  feptieme  diminuée 
de  la  note  fenfible  j  ainfi  cet  ut  diefe  qui  * 


ËNH 

Comme  note  fenfible  ,  étoit  obligé  de  mon- 
ter dans  le  ton  de  ré ,  devenu  ré  bémol 
dans  le  ton  de  fa  ,  efl  obligé  de  ciefcendre 
comme  fèptieme  diminuée  :  voilà  une  tran- 
fition  enharmonique.  Si  au  lieu  de  la  tierce  , 
ou  prend  la  faufîe  quinte /o/,  dans  le  même 
accord  ,  pour  nouvelle  note  fenfible  ,  Y  ut 
diefe  déviendra  encore  ré  bémol  en  qualité 
de  quatrième  note  :  autre  paffage  enharmo- 
nique. Enfin  ,  fi  l'on  prend  pour  note  fenfi- 
ble la  feptieme  diminuée  elle-même  au  lieu 
de  fi  bémol  ,  il  faudra  néceffairement  la 
confidérer  comme  la  diefe  j  ce  qui  fait  un 
troifîeme  paffage  enharmonique  fur  le  même 
accord. 

A  la  faveur  donc  de  ces  deux  différentes 
manières  d'envifager  fucceffivemenfle  même 
"accord ,  on  paffe  d'un  ton  à  un  autre  qui  en 
paroît  fort  éloigné  ,  on  donne  aux  par- 
ties des  progrès  différens  de  celui  qu'elles 
auroieut  dû  avoir  en  premier  lieu  j  &  ces 
paffages  ménagés  à  propos  font  capables , 
non  feulement  de  furprendre  ,  mais  de  ra- 
vir l'auditeur  quand  ils  font  bien  rendus  : 
le  mal  eft  qu'il  faut  changer  fi  brufquement 
d'idées  fur  les  mêmes  notes  ,  &  les  appli- 
quer à  des  modulations  fi  différentes ,  à 
des  rapports  fi  éloignés ,  que  ce  genre  paroît 
abfolument  impraticable  pour  les  voix  telles 
qu'elles  font  drefîées  par  la  mufique  d'au- 
jourd'hui. ,G*eft  du  moins  de  quoi  l'on  a 
vu  ,  il  y  a  plufieurs  années ,  un  exemple 
mémorable  à  l'opéra  de  Paris.  (S) 

Quart  de  ton  enharmonique.  On  appelle 
aiufi  la  différence  du  femi- ton  majeur  \\ au 
fèmi-ton  mineur  ||  ^  ou  pour  parler  plus 
exactement,  quoique  d'une  manière  diffé- 
rente des  mufîciens  ordinaires ,  c'eft  le 
rapport  de  \\  à  \\  ,  c'eft- à- dire  ,  de  125 
à  128.  Voici  comment  on  forme  ce  quart 
de  ton.  Soit  la  baffe  fondamentale  par  tier- 
ces majeures  ,  ut ,  mi ,  fol  M,  ïk  au  deffus 
d'elle  ce  chant  ut ,  mi ,  fi  u  ?  on  trou- 
vera que  le  fi  diffère  de  'Xut  d'un  quart 
de  ton  enharmonique.  Voye[  mes  élémens  de 
mufique  ,  p.  87. 

M.  Rameau  obfèrve  ,  i°.  que  le  genre 
diatonique ,  qui  eft  le  plus  fîmple  &  le  plus 
facile  de  tous ,  vient*  de  la  progrefîion  de 
la  baffe  fondamentale  par  quintes  :,  pro- 
grefîion qui  eft  en  effet  la  plis  fimple  & 
la  plus  immédiatement  indiquée  par  la  na- 


E  N  H  A%5 

ture.  Voyei  Echelle  ,  Diatonique  & 
Gamme. 

2°.  Que  le  genre  chromatique  ou  le  fèmi- 
ton  mineur  qui  eft  le  plus  fimple  après  le 
précédent ,  vient  de  la  progreiîion  de  la 
baffe  fondamentale  par  tierces  majeures  } 
progrefîion  aufîi  indiquée  par  la  nature  , 
mais  moins  naturelle  néanmoins  que  lapro- 
grefTion  par  quintes.  Voye[  HARMONIE. 
En  effet ,  fi  on  forme  cette  baffe  fonda- 
mentale ut  mi ,  on  pourra  mettre  au  deffus 
ce  chant  fol  fol  %  ,  qu'on  trouvera  former 
un  femi-ton  mineur.  30.  Enfin  ,  le  genre  en- 
harmonique le  moins  naturel  des  trois  a 
fbn  origine  dans  une  baffe  ut  mi  fol  |t ,  dont 
les  âdax  extrêmes  ut  ,  fol  ag,  qui  donnent 
le  quart  de  ton  enharmonique ,  forment  une 
progrefîion  non  naturelle.  (0) 

Diatonique  enharmonique.  On  appelle 
ainfi  un  chant  qui  procède  par  une  fiiite 
de  fèmi-tons  tous  majeurs  ,  qui  fe  fucce- 
dent  immédiatement  :,  ce  chant  eft  diato- 
nique parce  que  chaque  femi-ton  y  eft 
majeur  (  voye\  Diatonique  &  Chro- 
matique )  \  &  il  eft  enharmonique  ,  parce 
que  deux  femi-tons  majeurs  de  fuite  for- 
ment un  ton  trop  fort  d'un  quart  de  ton 
enharmonique.  Pour  former  cette  efpece  de 
chant ,  il  faut  faire  une  baffe  fondamentale 
qui  monte  alternativement  de  quinte  &  de 
tierce,  comme  fa  ut  mi  fi ,  &  cette  baffe 
donnera  le  chant  fa  mi  mi  ré  yfc  ,  où  tous 
les  femi-tons  font  majeurs.  Une  partie  du 
trio  des  parques  de  Topera  d'Hyppolite  eft 
dans  ce  genre}  mais  il  n'a  jamais  pu  être 
exécuté  à  l'opéra  \  il  l'avoit  été  ailleurs  par 
des  muficiens  très-habiles  &  de  bonne  vo- 
lonté ,  &  M.  Rameau  affure  que  l'effet  en 
eft  fiirprenant.  (0) 

Chromatique  enharmonique.  On  appelle 
ainfi  un  chant  qui  procède  par  une  fuite  de 
femi-tons  mineurs  ,  qui  fe  fuccedent  im- 
médiatement. Ce  chaut  eft  chromatique, 
parce  que  chaque  femi-ton  y  eft  mineur 
{roye{  CHROMATIQUE)  }  il  eft  enharmo- 
nique, parce  que  les  deaxfemi-tcns  mineurs 
confëcutifs  forment  un  ton  trop  foible  d'un 
quart  de  ton  enharmonique.  Pour  former 
cette  efpece  de  chant  ,  il  faut  avoir  une 
baffe  fondamentale  compofëe  de  tierces 
nineufes  &  majeures  en  cette  forte  ,  ut 
ut  la  ut  )$(  ut  ,  &  mettre,  au  deifus  ce 
Ppp  2 


4S4  E  N  H 

chant  mi  b  mi  mi  mi  mi  U  j  o°  trouvera 
par  le  calcul  que  mi  b  y  mi  ,  mi ,  mi ,  mi  %■ 
forment  des  femi-tons  mineurs.  M.  Rameau 
nous  apprend  qu'il  avoit  fait  dans  ce  genre 
de  mufique  un  tremblement  de  terre  au 
fécond  acle  des  Indes  galantes  en  173  5,  mais 
qu'il  fut  fi  mal  fervi  qu'il  fut  obligé  de  le 
changer  en  une  mufique  commune.  Voyei 
mes  é lé  mens  de  Mufique  ,  p.  91  ,  92 ,  93  , 
&  116.  (0) 

ENHARNACHER ,    HARNACHER , 
(  Manège ,  Maréchal!.  )  mettre  les  harnois 
fur  le  corps  d'un  cheval ;  exprefîions  fyno- 
»  nymes.  VoyefflL ARNACHER.  {e) 

ENHENDÉ  ,  adj.  terme  de  Blafon.  On 
appelle  croix  enhendée  celle  dont  le  pié  eft 
enhendé  ,  c'eft- à-dire  ,  refendu  ,  du  mot 
Efpagnol  enhendido  ,  qui  fignifie  la  même 
chofe.  Ces  croix  à  refente  font  communes 
en   Allemagne. 

ENHUCHE.   (Marine.)    Voyn    Hu- 
che. 

ENHYDRUS,  f.  m.   {Hijl.  natur.  Mi- 
néralogie. )    Ce  mot  eft   compofé    de    iv 
in ,  &  de  vS'm ,  aqua  :  quelques  natur.alift.es 
désignent  par  ce  mot  une  œtite  ou  pierre 
d'aigle  qui  contient    de  l'eau..  \Jenhydrus 
eft  donc  une  pierre  qui  refîemble  parfaite- 
ment aux  autres    pierres  d'aigle  qui  font 
ferrugineufès  :  elle  eft  de  différentes  gran- 
deurs &  varie  pour  la  figure ,  eft  compofée 
de  plufieurs  couches  ou  enveloppes  appli- 
quées les  unes  fur  les  autres  \  les  couches 
extérieures    font   d'un  jaune   d'ocre  }    la 
couche   qui  tapiffe  l'intérieur    eft  prefque 
toujours  noirâtre  ,   &  plus  compacte  que 
les    couches    extérieures.   Lorfqu'on  cafTe 
cette  pierre  ,  on  trouve  qu'elle  a  une  cavité 
comme  les  autres  aetites  j  avec  cette  diffé- 
rence ,  qu'il  en  fort  une  liqueur  qui  eft  or- 
dinairement épahTe ,    &  quelquefois  blan- 
châtre comme  de  la  crème  ,  dont  elle  a  à- 
peu-près  la  confiftance  :   mais   ce  cas  eft 
rare  }  elle  eft  plus  communément  d'un  blanc 
bleuâtre  ou  limpide,  lorfqu'elle  n'a  point 
été  falie  par  la  matière  ocracée    dont   la 
pierre  eft  compofée  ;  cette  liqueur  eft  fou- 
vent  entièrement  infipide  ,  cependant  elle 
a  quelquefois  un  goût  ferrugineux  &  aftrin- 
gent  ,  &  même   nauféeux.  Il  y  a  de  ces 
pierres  en  Angleterre  &  ailleurs.  ( — ) 
ENIF  ,  (  AJlron.  )  étoile  de  la  troificme 


E  N  I 

grandeur ,  fituée  à  la  bouche  de  Pégaze ,  que 
l'on  appelle  auffi  Enf  &  Afpheras.  Elle  eft 
défignée  par  la  lettre  s  dans  nos  catalogues  ; 
fon  afcenfion  droite  ,  en  1750  ,  étoit  3i2d 
58'  17"  ,  8c  fa  déclinaifon  8*44'  31"  bo- 
réal. (  M.  de  za  Lande.  ) 

ENJABLER,  v.  a&.  terme  de  Tonnelier. 
C'eft  enfoncer  les  futailles  ou  y  mettre  des 
fonds  ,  en  arrêtant  les  douves  d'enfonçures 
dans  la  rainure  qui  règne  tout  autour  du 
jable  en  dedans.  Foy^JABLE. 

ENJALER  une  ancre  ,  (  Marine.  )  c'eft 
attacher  à  l'ancre  deux  pièces  de  bois  qu'on 
appelle  jas  ,  &  les  empâter  enfèmble  vers 
l'organeau.  Le  jas  fêr.t  à  contrebalancer  dans 
l'eau  la  patte  de  l'ancre  pour  la  faire  tom- 
ber fur  fon  bon  côté  :  quelques  matelots 
difèut  enjauler  une  ancre.  Voye\  Jas.  (Z) 

ENJAMBEMENT  ,  f.  m.  (  Poéfie.  )' 
conftru&ion  vicieufè ,  principalement  dans 
les  vers  alexandrins.  On  dit  qu'un  vers  en- 
jambe fur  un  autre  ,  lorfque  la  penfée  du 
poète  n'eft  point  achevée  dans  le  même 
vers,  &  ne  finit  qu'au  commencement  ou. 
au  milieu  du  vers  fûivant.  Ainfi  ce  défaut 
exifte  toutes  les  fois  qu'on  ne  peut  point 
s'arrêter  naturellement  à  la  fin  du  vers  alexan- 
drin  pour  en  faire  fèntir  la  rime  &  la  penfée , 
mais  qu'on  eft  obligé  de  lire  de  fuite  & 
promptement  l'autre  vers  ,  à  caufe  du  fens 
qui  eft  demeuré  fùfpendu.  Les  exemples 
n'en  font  pas  rares  :   en  voici  un  feul. 

Craignons  qu'un   Dieu  vengeur  ne  lance 

fur  nos  têtes 
La  foudre  inévitable. 

Il  y  a  ici  un  enjambement ,  parce  que  le 
fens  ne  permet  pas  qu'on  fe  repofe  à  la  fin 
du  premier  vers. 

Ce  n'eft  pas  affez  d'éviter  ï enjambement 
d'un  vers  à  l'autre ,  il  faut  de  plus  éviter 
$  enjamber  du  premier  hémiftiche  au  fécond  ; 
c'eft-à-dire  ,  que  fi  l'on  porte  un  fens  au 
delà  de  la  moitié  du  vers ,  il  ne  faut  pas 
l'interrompre  avant  la  fin ,  parce  qu'alors 
le  vers  paroît  avoir  deux  repos  &  deux  cé- 
fures  }  ce  qui  eft  très-défagréable.  Il  eft 
encore  bien  moinspermis  ^enjamber,  d'une 
ftance.  à  l'autre.  Voye%  les  auteurs  fur  la 
verfification  Françoife. 

Mais  fi  X enjambement  eft  défendu  dans  les 


E  N  I 

vers  alexandrins  ,  comme  nous  venons  de  \ 
le  dire ,  il  cft  autorifé  dans  les  vers  de  dix 
fyllabes  ,  &  il  y  produit  même  quelquefois 
un  agrément ,  parce  que  cette  efpece  de  vers 
faite  pour  la  poéfie  familière  foufFre  quel- 
ques licences,  &  ne  veut  pas  être  alfujettie  à 
une  trop  grande  gêne. 

Les  poètes  du  fiecle  paffé  ne  s'embarraf- 
fbient  guère  de  laifler  enjamber  leurs  vers  les 
uns  fur  les  autres  j  c'eft  à  Malherbe  le  pre- 
mier à  qui  l'on  doit  la  correction  de  ce  dé- 
faut de  la  verfificntion.  Parcefage  écrivain  , 
par  ce  guide  fidèle ,  dit  Defpréaux  , 

Les  fiances  avec  grâce  apprirent  a  tomber, 
Et  le  vers  fur  le  vers  nofia  plus  enjamber. 

Article  de  M.  le  chevalier  DE  Javcourt. 

ENIGME  ,  f.  m.  &  plus  fouvent  f.  (Littér. 
Poéfie.)  c'étoit  chez  les  anciens  une  fentence 
myftérieufè  ,  une  proposition  qu'on  donnoit 
à  deviner  ,  mais  qu'on  cachoit  fous  des 
termes  obfcurs ,  &  le  plus  fouvent  contra- 
dictoires en  apparence.  \J  énigme,  parmi  les 
modernes  ,  eft  un  petit  ouvrage  ordinaire- 
ment en  vers ,  où  fans  nommer  une  chofe  , 
on  la  décrit  par  fês  caufes  ,  {es  effets  &  Ces 
propriétés  ,  mais  fous  des  termes  &  des  idées 
équivoques  pour  exciter  l'elprit  à  la  décou- 
vrir. 

Souvent  V énigme  eft  une  fuite  de  com- 
paraifons  qui  cara&ériiènt  une  chofe  ,  par 
des  noms  tirés  de  plufieurs  fujets  différens 
entr'eux  qui -refîemblent  à  celui  de  Y  énigme 
chacun  à  fa  manière ,  &c  par  des  rapports 
particuliers.  Quelquefois  pour  la  rendre  plus 
difficile  à  deviner  ,  on  Tembarraflè  ,  en  mê- 
lant le  ftyle  (impie  au  ftyle  figuré  ,  en  em- 
pruntant des  métaphores  ,  ou  en  perfonni- 
fiant  exprès  le  fujet  de  V énigme  afin  de  don- 
ner le  change. 

En  général  ,  pour  conftituer  la  bonté  de 
nos  énigmes  modernes  ,  il  faut  que  les  traits 
employés  ne  puiflènt  s'appliquer  tous  enfêm- 
ble  qu'à  une  feule  chofe ,  quoique  féparé- 
ment  ils  conviennent  à  plufieurs. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  rapporter  les  au- 
tres règles  qu'on  preferit  dans  ce  jeu  litté- 
raire, parce  que  mon  defTein  eft  bien  moins 
d'engager  les  gens  de  lettres  à  y  donner 
leurs  veilles  ,  qu'à  les  détourner   de  fem- 


E  N  I  4$s 

blables  puérilités.  Qu'on  ne  dife  point ,  en 
faveur  des  énigmes  ,  que  leur  invention  eft 
des  plus  anciennes ,  &  que  les  rois  d'Orient 
fe  font  fait  très-long-temps  un  honneur  d'en 
compofer  &  d'en  réfoudre  ;  je  répondrois 
que  cette  ancienneté  même  n'eft  ni  à  la 
gloire  des  énigmes ,  ni  à  celle  des  rois  orien- 
taux. 

Dans  la  première  origine  des  langues 
les  hommes  furent  obligés  de  joindre  le 
langage  d'action  à  celui  des  fons  articulés  , 
&  de  ne  parler  qu'avec  des  images  fenfi- 
bles.  Les  connohTances ,  aujourd'hui  les 
plus  communes  ,  étoient  fl  fubtiles  pour 
eux  ,  qu'elles  ne  pouvoient  fe  trouver  à 
leur  portée  qu'autant  qu'elles  fè  rappro- 
choient  des  fens:  Enfiiite  ,  quand  on  étudia 
les  propriétés  des  êtres  pour  en  tirer  des 
allufions  ,  on  vit  paroître  les  paraboles 
&  les  énigmes  ,  qui  devinrent  d'autant  plus 
à  la  mode  ,  que  les  fages  eu  ceux  qui  le 
donnoient  pour  tels ,  crurent  devoir  cacher 
au  vulgaire  une  partie  de  leurs  connokTan- 
ces.  Par-là  ,  le  langage  imaginé  pour  la 
clarté  fut  changé  en  myftei  es  :  le  ftyle  dans 
lequel  ces  prétendus  fages  renfermoieat 
leurs  inftru&ions  ,  étoit  obfcur  &  énigma- 
tique  }  peut-être  par  la  difficulté  de  s'expri- 
mer clairement ,  peut-être  aufîî  à  deifein 
de  rendre  les  connoiflances  d'autant  plus 
eftimables  qu'elles  feroient  moins  commu- 


nes. 


On  vit  donc  les  rois  d'Orient  mettre 
leur  gloire  dans  les  propofitions  obficures  , 
&  fè  faire  un  mérite  de  compofer  &  de 
réfoudre  des  énigmes.  Leur  fageffe  confiftoit 
en  grande  partie  dans  ce  genre  d'étude. 
Un  homme  intelligent  ,  dit  Salomon,  par- 
viendra à  comprendre  un  proverbe ,  à  pé- 
nétrer les  paroles  des  fages  &  leurs  fientences 
obficures.  C'étoit  -  chez  eux  l'ufage  pour 
éprouver  leur  fagacité  ,  de  fè  préfenter  ou 
de  s'envoyer  les  uns  aux  autres  des  énigmes, 
&  d'y  attacher  des  peines  &  des  récom- 
penfès. 

Ent^e  plufieurs  exemples  que  je  pourrais 
alléguer  ,  je  n'en  rapporterai  qu'un  fèul  tiré 
de  l'écriture  fainte  ,  tk  je  me  fèrvirai  de  la 
traduction  des  théologiens  de  Louvain  r 
quoiqu'en  vieux  langage  ,  parce  que  je  «'ai 
préfèntemeut  que  cette  traduction  fous  les 
yeux.  Voici   les  propres  paroles  du  texte 


kf*  E  N  I 

{'acte ,  c/iap.  xjv  du  livre  des  juges ,  verf.  1 2 
6»  fuivans. 

Samfôn  dit  :  /e  vtfz/s  proposerai  quelques 
propofitions  :  que  fi  vous  me  baille[la  folu- 
tiôn dedans  les  fept  jours  dé  convive ,  je  vous 
donnerai  trente  fines  chemifes  6>  autant  de 
robes. 

Verf.  13.  Mais  fi  vous  ne  pouve^me  bailler 
la  folutiôn  ,  Vous  rué  donnerez  trente  fines 
chemifes  &  autant  de  robes.  Le f quels  lui  ré- 
pondirent i  Propofie  ta  propofition  ,  afin  que 
?  ayons. 

Verf  14.  Et  il  leur  dit  :  De  celui  qui  man- 
geoit  efiforti  la  viande  ,  &  du  fort  ejl  venu  la 
douceur.  Et  ne  purent  par  trois  jours  donner 
la  folutiôn  de  la  propofition. 

Verf.  1 5.  Et  quand  lé  feptieme  jour  fut 
venu  ,  ils  dirent  à  la  femme  de  Samfon  : 
Flatte  ton  mari  ,  &  lui  perfuade  qu'il 
te  déclare  quelle  chofe  fighifie  la  propofi- 
tion. 

Verf.  17.  Et  ainfi  tous  les  jours  de  convive 
elle*pleuroit  devant  lui  ;  &  finalement  au  fep- 
tieme jour ,  comme  elle  le  molefioit  ,  /'/  lui 
expofa  ,  laquelle  incontinent  le  fit  favoir  à 
ceux  de  fon  peuple. 

Verf.  18.  Et  iceux  lui  dirent  au  feptieme 
jour  devant  le  foleil  couchant  :  Quelle  chofe 
efl  plus  douce  que  le  miel  ,  &  quelle  chofe 
ejl  plus  forte  que  le  lion  ?  Lors  Samfon 
leur  dit  :  Si  vous  rieujfie'?  labouré  avec  ma 
génijfe  ,  vous  ri  euffie\point  trouvé  ma  propo- 
fition. 

Un  fàvant  jurifconfulte  met  cette  énigme 
au  rang  des  gageures  ,  en  matière  de  jeux 
d'efprit  j  &  il  pourroit  bien  avoir  rai  (on  \ 
car  il  y  a  une  ftipulation  de  part  &  'd'au 
tre  de  trente  fines  chemifes  &  autant  de 
robes.  Cependant  les  Philiftins  a»irent*de 
mauvaife  foi  ,  en  obligeant  la  femme  de 
Samfon  de  tirer  de  la  bouche  de  fon  mari 
l'explication  de  Yénigme  ,  &  à  la  leur  ap- 
prendre ,  au  lieu  de  la  deviner  par  eux- 
mêmes. 

Au  refte  ,  dans  notre  fïecle  ,  Yénigme 
propofée  par  Samfon  ne  feroit  point 
dans  les  règles ,  parce  qu'elle  11e  rouloit 
pas  fur  une  chofe  ordinaire  ou  un  événe- 
ment commun  ,  mais  fur  un  fait  parti- 
culier ,  c'eft-  '  -dire  ,  fur  un  de  ces  cas  qu'il 
eft  ordinairement  prefque  impofîîble  de  de- 
viner. 


EN  î 

Quoiqu'il  en  foit  ,  dans  ce  temps -la  on 
n'étoit  pas  fi  fcrupuleux  \,  on  ne  cherchoit 
gu  a  attraper  ceux  à  qui  ou  préfèntoit  des 
énigmes  à  expliquer  :  &  c'eft  un  fait  fi 
vrai ,  que  l'intelligence  des  énigmes  ou  des 
fcntences  cbfcures  ,  devint  un  proverbe 
parmi  les  Hébreux  pour  fignifier  Kadreflè 
à  tromper  ,  comme  on  le  peut  conclure 
du  portrait  que  Daniel  fait  d'Antiochus 
Epiphanés.  «  Lorfque  les  iniquités  fè 
»  feront  accrues  ,  dit- il  ,  il  s'élèvera  un 
»  roi  qui  aura  l'impudence  fur  le  front  , 
»  &  qui  comprendra  les  feutences  obfcu- 
»   res.  » 

Le  voile  myftérieux  de  cette  forte  de 
fageife  la  rendit ,  comme  il  arrivera  tou- 
jours ,  le  plus  eftimé  de  tous  les  talens  : 
c'eft  pourquoi  ,  dans  un  pfeaume  où  il 
s'agit  d'exciter  fortement  L'attention  ,  le 
pfalmifte  débute  en  ces  termes  :  «  Vous , 
»  peuples  ,  écoutez  ce  que  je  vais  dire. 
P  Que  tous  les  habitans  de  la  terre"  , 
»  grands  &  petits  ?  riches  &*  pauvres  ,  prê- 
»  tent  l'oreille  5  ma  bouche  publiera  la  fa- 

»  geffe je  découvrirai  fur  la  harpe  mon 

»   énigme.  » 

Outre  les  caufes  que  nous  avons  rap- 
portées ,  qui  contribuèrent  à  conferver 
long-temps  les  énigmes  en  vogue  ,  je  croi- 
rois  volontiers  que  l'ufage  des  hiéroglyphes 
y  concourut  auffi  pour  beaucoup  :  en 
effet,  quand  on  vint  à  oublier  la  lignifi- 
cation des  hiéroglyphes  ,  on  perdit  peu-à- 
peu  ,  quoique  très-lentement  ,  l'ufage  des 
énigmes. 

Enfin  ',  elles  reparurent  lorfqu'on  devoit 
le  moins  s  y  attendre  ,  je  veux  dire  dans 
le  xvij  fiecle  j  &  ce  n'eft  pas ,  ce  me  fem- 
ble  ,  par  cet  endroit  qu'il  mérite  le  plus 
qu'on  le  vante.  U  eft  vrai  qu'on  habilla 
pour  lors  en  Europe  les  énigmes  avec  plus 
d'art  ,  de  fineffe  &  de  goût ,  qu'elles  ne 
l'avoient  été  dans  l'Afie  :  on  les  fournit  ? 
comme  tous  les  autres  poè'mes  ,  à  des  loix 
&  à  des  règles  étroites ,  dont  le  père  Menef- 
trier  même  a  publié  un  traité  particulier. 
Mais ,  quelque  décoration  qu'on  ait  donnée 
aux  énigmes  ,  elles  ne  feront  prefque  jamais 
que  de  folles  dépenfes  d'efprit ,  des  jeux  de 
mots  ,  des  écarts  dans  le  langage  &  dans  les 
idées. 

Les  gens  de  lettres  un  peu  diftingués  du 


E  N  K 

ïïecle  païTé  ,  qui  ont  eu  la  foijblefTe  de 
donner  dans  cette  mode,  &  de  le  laiffer 
entraîner  au  torrent ,  feroient  bien  hon- 
teux aujourd'hui  de  lire  leurs  noms  dans 
la  Jifte  de  toutes  fortes  de  gens  oififs  ,  & 
de  voir  qu'un  temps  a  été  qu'ils  fë  fai- 
saient un  honneur  de  deviner  des  énigmes  , 
&  plus  encore  d'annoncer  à  la  France 
qu'ils  avoient  eu  allez  d'efprit  pour  expri- 
mer ,  fous  un  certain  verbiage  ,  fous  un 
jargon  myftérieax  &  des  termes  équivo- 
ques, une  flûte  ,  une  flèche  ,  un  éventail, 
une  horloge. 

Mais  il  faut  bien  fe  garder  de  confondre 
de  telles  inepties  avec  les  énigmes  d'un  au- 
tre genre  5  j'entends  ces  fameux  problêmes 
de  la  géométrie  tranfcendante  ,  qui  ,  for  la 
fin  du  même  fiecle ,  exercèrent  des  génies 
d'un  ordre  Supérieur.  La  folution  de  ces 
dernières  fortes  d'énigmes  peut  avoir  de 
grands  ufages  5  elle  demande  du  moins 
beaucoup  de  fagacité  ,  &  prouve  qu'on  s  eft 
rendu  familière  la  connonTance  de  cette 
géométrie  ûiblime  ,  dont  Newton  a  la 
gloire  d'être  le  premier  inventeur.  Article 
de  M.  le  chevalier  de  Jaucovrt. 

ENJOLIVER,  v.  a&.  {Ans  méchaniq.  ) 
c'eft  répandre  fur  le  fond  d'un  ouvrage  de 
perits  ornemens  qui  lui  ôtent  fa  lourdeur  & 
fà  fimplicité. 

ENJOUEMENT  ,  f.  m.  (  Moral.  ) 
c'eft  la  gaieté  de  l'efprit.  Il  naît  d'une 
imagination  riante ,  qui  badine  &:  plaifante 
fur  les  objets  qui  l'exercent.  Cette  qualité 
annonce  ordinairement  un  homme  qui  a 
beaucoup  de  connoilîance,  &  qui  eft  maître 
de  fa  matière.  Les  hommes  d'un  efprit 
enjoué  font  de  bonne  compagnie  ,  &  font 
defîrés  dans  toutes  les  fociétés.  Les  per- 
fonnes  de  ce  caractère  ont  rarement  des 
chagrins  ,  c'eft-à-dire  ,  que  ce  qui  eft 
un  fujet  d'affliction  pour  les  autres  ,  les 
affecte  fort  peu ,  ou  du  inoins  pas  long- 
temps. (+)  M 

ENISKILLING,  {Géogr.  mod.)  ville 
de  la  province  d'Ulfter  en  Irlande  \  elle 
appartient  au  comte  de  Fermanagh  :  elie 
eft  fîtuée  fur  le  lac  Earne.  Long.  9  ,  55  •■, 
Lu.  54,   18. 

ENKAFATRAHE  ,  f.  m.  (  Ilift.  nat. 
bot.  )  c'efl  le  nom  d'un  arbre  qui  fe  trouve 
daus  lue   de  Madagafcar ,   dont   le  bois 


E  N  K  4H7 

eft  verdâtre  &  rempli  de  veines  ;  on  dit 
qu'il  répand  une  odeur  fort  agréable  & 
fèmblable  à  celle  de  la  rofe.  On  prétend 
qu'en  l'écrafant  fur  une  pierre  avec  de 
l'eau  ,  &  appliquant  ce  mélange  extérieu- 
rement fur  le  cœur  ou  fur  la  poitrine  , 
c'eft  un  remède  fouverain  contre  les  foi- 
blefTes  <k  palpitations.  Hubner ,  diclionn. 
univerfel. 

ENKELEUSTIQUE  ,  (Mujtq.  desanc.) 
Maxime  de  Tyr  rapporte  qu'il  y  avoit  un 
mode  enkéleujtique  propre  à  ceux  qui  pour- 
fuivoient  l'ennemi.  (F.  D.  C.) 

ENKIOPING  ,  ENECOPIA  ,  (Géogr.) 
ville  du  royaume  de  Suéde  ,  dans  i'Upland 
&  dans  la  capitainerie  d'Upfal ,  for  un  ter- 
rain fertile.  Elle  eft  fort  ancienne  ,  ayant 
été ,  fous  le  paganifme  ,  le  fiege  ordinaire 
des  rois  de  Fierdhundra  , .  tributaires  du 
fouverain  général  du  pays  ,  qui  réfidoit 
dans  Upfal.  Divers  défaftres ,  tels  qu'incen- 
dies ,  invafions  d'ennemis  ,  lui  ont  fait  per- 
dre beaucoup  de  la  fplendeur  qu'elle  peut 
avoir  eue  :  elle  étoit  encore  fous  la  papauté  , 
ornée  d'églifès  &  de  fondations ,  dont  elle 
n'étale  plus  aujourd'hui  que  les  ruines.  Sa 
place  à  la  diète  eft  la  quarante-neuvième 
dans  l'ordre  des  villes.  Long.  34  ,  5  j  lau 
59  ,    5o.    (  D.  G.  ) 

ENKISTÉ  ,  ÉE  ,  adj.  terme  de  Chirur- 
gie^ ce  qui  eft  renfermé  dans  un  kifte  , 
c'eft-à-dire  ,  dans  une  membraue  ou  iffue 
en  forme  de  poche.  On  appelle  tumeurs 
enkifiées  ,  abcès  enkiftés  ,  des  tumeurs.  & 
des  abcès  qui  font  enveloppés  d'une  mem- 
brane ;  tels  fout  l'athéome  ,  le  méliceris  , 
le  ftéatome  ,  &c.  Ce  mot  eft  formé  du 
Grec  «V  ->  in  1  en ,  dans  j  &  de  y\  s-is ,  cyjlis , 
foc  ,  vefïïe. 

La  membrane  qui  fait  cette  poche  n'eft  pas 
nouvellement  formée  dans  la  partie  ,  comme 
011  pourroit  le  déduire  de  la  théorie  de  quel- 
ques auteurs  .fur  cette  maladie.  On  connoît 
un  tiiïu  folléculeux  qui  fépare  tGutes  les 
parties  les  unes  des  autres  ,  &  qui  en  eft 
le  lien.  S'il  fe  fait  un  amas  contre  nature 
d'une  humeur  quelconque  daus  une  de 
ces  cellules  ,  par  fon  accroiffement  il  éten- 
dra les  parois  de  cette  cellule  ,  &  les  collera 
aux  parois  membraneufes  des  cellules  cir- 
convoifincs  qu'il  oblitérera.  C'eft  ainft  que 
commence  le  kifte  y  toujours  formé  par  la 


488  ENK 

cohérence  de  plufieiirs  feuillets  de  la  mem- 
brane cellulaire.  A  mefure  que  la  tumeur 
augmente  ,  la  poche  membraneufe  s'épaiflit 
par  la  réunion  d'un  plus  grand  'nombre  de 
feuillets.  Le  kifte  eft  formé  de  la  fubftance 
préexiftente  de  la  partie.  Ces  connoiffances 
juftifient  le  dogme  pratique  des  anciens. 
L'expérience ,  qui  eft  la  même  dans  tous 
les  fiecles  aux  yeux  des  bons  obfervateurs  , 
leur  avoit  montré  que  pour  la  guérifoii  de 
ces  fortes  de  tumeurs  T  il  ne  falloit  pas 
fe  contenter  de  les  ouvrir ,  mais  qu'il  fal- 
loit extirper  la  poche  ou  fac  qui  renfermoit 
la  matière.  Pour  y  parvenir  ,  on  fait  com- 
munément une  incifion  cruciale  aux  tégu- 
mens  de  la  tumeur  \  on  les  diffeque  fans 
intéreffer  le  kifte  ,  qu'on  emporte  en  tota- 
lité ,  s'il  eft  pofllble.  Ses  adhérences  à  quel- 
ques parties  qu'il  feroit  important  de  ména- 
ger ,  eft  une  raifon  pour  s'abftenir  d'une  dif- 
fèftion  trop  recherchée.  Alors  on  attend  de 
la  fuppuration ,  la  chute  ou  plutôt  le  détache- 
ment de  la  portion  membraneufe  qui  refte  du 
kifte.  Quand  les  humeurs  enkiftées  font  d'un 
volume  confïdérable  ,  l'extirpation  ,  fuivant 
la  méthode  décrite  ,  feroit  une  plaie  énorme. 
Si  le  kifte  n'eft  pas  trop  épais ,  on  peut ,  par 
un  procédé  plus  doux  ,  fe  contenter  de  fen- 
dre la  tumeur  des  deux  côtés ,  bi.  de  pafler 
une  bandelette  de  lin^e  effilé  en  forme  de 
féton  ,  d'une  ouverture  à  l'autre  j  pour  con- 
duire dans  tout  le  trajet  les  médicamens  né- 
ceftaires  pour  faire  fuppurer  le  kifte. 

Il  y  a  des  pierres  enkiftées  dans  la  vefïîe. 
M.  Houftet  ,  de  l'académie  royale  de  Chi- 
rurgie ,  a  donné  ,  dans  le  premier  volume 
des  mémoires  de  cette  compagnie  ,  des 
obfervations  particulières  qu'il  a  jointes  à 
celles  qui  avoient  été  communiquées  pré- 
cédemment à  l'académie  ,  fur  cette  ma- 
tière. L'exiftence  de  ces  fortes  de  pierres 
eft  conftatée  *,  &  fauteur  rend  fon  mémoire 
aufti  utile  qu'il  eft  curieux ,  en  traitant  des 
opérations  qu'on  peut  tenter  ,  &:  de  celles 
qui  ont  été  pratiquées  pour  faire  l'extraction 
de  ces  pierres. 

La  fig.  4  de  la  planche  V  de  Chirurgie,  re- 
préfente  une  veflie  ouverte  par  fa  partie 
antérieure ,  derrière  les  os  pubis  qui  font 
renverfés  en  devant  :  on  y  voit  une  pierre 
logée  dans  une  cellule  formée  par  la  mem- 
brane interne  de  la  veflie.  (  Y  ) 


ENL 

ENL ARMER,  v.  a&.  (  Chaffe  &  Pêche  ) 
On  dit  ,  enLrmer  un  filet  ;  c'eft  un  terme 
dont  fe  fèivent  ceux  qui  font  des  filets 
propres  pour  la  pèche  ou  pour  la  chaffe  5 
&  ce  n'eft  a;ur^  choie  que  pratiquer  de 
grandes  mailies  à  côté  du  filet  avec  de  la 
ficelle. 

ENLASSER  %  v.  ad.  (  Chargent.  )  c'eft, 
après  que  les  tenons  &  mortonès  font 
faits  ,  percer  un  trou  au  travers  pour  les 
cheviller. 

ENLASSURE ,  £  f.  (  Charpent.  )  c'eft  le 
trou  percé  avec  le  "laceret  à  travers  des  mor- 
toifes  &c  des  tenons  ,  pour  les  cheviller  en- 
semble. 

ENLAYER  ou  ENLOYER  ,  déférer  le 
ferment ,  (Jurijpr.)  Dans  X article  153  de  la 
très- ancienne  coutume  de  Bretagne ,  le  fer- 
ment eft  appelle  lai  ou  loi  \  d'où  font  vernis 
les  termes  enlayer  &  enloyer  ,  pour  dire 
déférer  le  ferment  ;  termes  qui  étoient  fort 
ufités  dans  l'ancien  ftyle  judiciaire  de  la 
province  ,  &  qui  le  font  encore  dans  les 
jurifdi&ions  inférieures  ,  même  dans  quel- 
ques fieges  royaux  &  préfidiaux.  Voyc{  les 
arrêts  du  parlement  de  Bretagne ,  par  Frain, 
tom.  II ,  plaid.  112  ,  pag.  689.  {A) 

ENLEVÉ  ,  adjeô.  (  Blafon.  )  Il  fe  dit 
des  pièces  qui  paroiftent  enlevées ,  comme 
aux  armoiries  d'Anglure  en  Champagne  , 
qui  font  d'or  à  pièces  enlevées  à  angles  ou 
croiftàns  de  gueules,  foutenant  des  grelots 
d'argent  dont  tout  l'écu  eft  femé. 

AngJure  en  Champagne  ,  d'or  à  pièces 
enlevées  à  angles  ou  en  croiffans  de  gueules, 
foutenant  des  grelots  d'argent  dont  tout 
l'écu  eft  femé. 

ENLEVEMENT  ,  f.  m.  (Jurifpr.)  fe 
dit  d'une  voie  de  fait  dont  on  ufe  pour 
ravir  quelqu'un  ou  s'emparer  de  quelque 
chofe.  Uenlévement  des  perfonnes  eft  plus 
communément  nommé  rapt  ou  crime  de 
rapt.   Voye\  Rapt. 

Enlèvement  fignifie  aun^quelquefois  tranf- 
port  :  par  exemple  ,  les  adjudicataires  des 
coupes  de  bois  doivent  enlever  les  bois 
coupés  dans  le  temps  porté  par  le  marché. 
Une  partie  faille  s'oppofe  à  ï enlèvement  de 
fes  meubles  ,  en  donnant  bon  &  folvable 
gardien.  (A) 

ENLEVER  les  chaudrons  ,  terme  de 
Chaudronniers  ;   c'eft  en  faire  le  fond  avec 

le 


E  N  L 

c  marteau  fond.  On  donne  cette  façon  fur 

a  grande  bigorne. 

Enlever  y  fignifie  auîîî  redreffer  un  chau- 
dron y  en  ôter  les  bojfès  ;  ce  qu'on  fait 
avec  le  marteau  de  buis  &  l'enclumeau. 

ENLEVER  ,  en  terme  d'Éperonnier  }  fe 
dit  de  l'action  de  féparer  fur  l'enclume  ,  a 
coup  de  marteau  ,  la  branche  d'un  mors  , 
d'un  barreau  de  fer  de  dix  à  onze  lignes 
d'épaiffeur.  Cette  branche  s'appelle  bran- 
che d'enlevure  ,  parce  qu'elle  eft  effective- 
ment enlevée  de  ce  barreau  :  on  enlevé 
aulli  du  même  barreau  l'embouchure  du 
mors  ;  &  cette  embouchure  s'appelle  enle- 
vure  pour  la  même  railon.  On  enlevé  ces 
parties  d'un  mors  au  moyen  d'un  cifeau 
appelle  tranche  ,  que  l'on  frappe  fur  le 
barreau  à  demi-chaud  pour  les  en  féparer. 
Voye\  Tranche. 

ENLEVER,  terme  de  Serrurier  &  de 
Taillandier  ;  c'eft  d'une  barre  de  fer  en 
faire  la  pièce  commandée  ;  &  au  lieu  de 
dire  forger  une  clef,  une  cognée,  ils  uifent 
enlever  une  clef,  une  cognée. 

Enlever  la  meute  ,  (  Vénerie) 
c'eft,  iorlqu'au  lieu  de  biffer  châtier  les 
chiens  ,  on  les  entraîne  par  le  plus  court 
chemin  au  lieu  où  un  chafieur  a  vu  le  cerf, 
&  où  on  retrouve  la  voie. 

ENLEVURE  ^C.f.i  Ouvriers  en  fer.  ) 
Tous  les  ouvriers  en  fer  donnent  ce  nom  à 
toute  pièce  forgée  ,  lorfqu'elle  eft  féparée 
de  la  barre  dont  on  l'a  tirée. 

ENLIER,  v.  act.  en  Architecture  ,  c'eft 
dans  la  conftruetion  engager  les  pierres  & 
les  briques  enfemble  en  élevant  les  murs  ; 
en  forte  que  les  unes  foienr  pofées  fur  leur 
largeur  Comme  les  carreaux  ,  &  les  autres 
fur  leur  longueur  ainfi  que  les  boutifiès  , 
pour  faire  liaifon  avec  le  garni  ou  remplif- 
fage.  (P) 

ÏNLIGNER ,  (  Charpent.  )  c'eft  donner 
à  une  pièce  de  bois  exactement  la  même 
forme  qu'à  une  autre;  en  forte  que  mifes 
bouta  bout,  l'une  ne  paroifTe  que  la  Con- 
tinuation de  l'autre  :  cela  s'appelle  e  aligner  4 
parce  qu'on  dirpofé  les  bois  à  cet  ctat  en 
fè  fervant  de  la  règle  ou  du  cordeau  pour 
tracer  les  lignes. 

ENLISSERONNÉ ,  (  Rubannier.  )  Voy. 
Lisserons. 

ENLOYEK,  (Jàrifpt.)   éft  là  ffiême- 
Tome  XII. 


E  N   L  4R9 

chofe  qvLenlayer.  Voye^,  ci-devant,  En- 
LAYER.  (A) 

ENLUMINER  ,  v.  ad.  c'eft  l'art  dé 
mettre  des  couleurs  à  la  gomme  avec  lé 
pinceau  ,  fur  les  eftampes  &  les  papiers  dé 
tapifferie  ;  &  par  conféquent  l'enlumineur 
&  l'enlumineufe  eft  celui  &  celle  qui  f 
travaillent  :  ces  ouvriers  &  ouvrières  y  appli- 
quent aufîî  quelquefois  de  l'or  &  de  l'ar- 
gent moulu  ;  c'eft  ce  qu'ils  appellent  re- 
hauffer }  &  ils  le  brunifîènt  avec  la  dent  de 
loup.  L'enluminure  eft  libre ,  &:  n'a  point 
de  maîtrife  ;  c'eft  en  quelque  façon  une 
dépendance  de  la  gravure  ;  &  l'enlumi- 
neur peut  tenir  boutique  ouverte  ,  &  vendre 
des  eftampes  &  des  papiers  de  tapifterie. 
Ces  commerçans  s'honorent  du  titre  dé 
graveurs  en  bois  ,  ou  en  cuivre  ,  ou  d'i- 
mages }  quoique  fouvent  ils  n'aient  jamais 
manié  le  burin  ,  ni  la  pointe.  Article  de  M. 
Papillon. 

ENMANCHE  ,  adj.  c'eft-A-dire,  entre: 
dans  la  Manche.  (  Marine.  )  Les  naviga- 
teurs fe  fervent  de  ce  terme  ,  lorfqu'ils  en- 
trent dans  ce  canal  qui  fépare  la  France  dé 
l'Angleterre  ,  que  l'on  appelle  la  Manche. 

ENNEACORDE  ,  inftfumcnt  des  an- 
ciens ,  qui  avoir  neuf  cordes. 

ENNEADÉCATSRIDE  ,  f.  f.  en 
Chronologie  ,  eft  un  cycle  ou  période  de 
dix-neuf  années  folaires.  Voye^  CYCLE. 
Ce  mot  eft  Grec,  formé  â'evvttt ,  neuf  y 
Atjfp  ,  dix  ,    &  W  r  ,  année.  .    . 

.Tel  eft  le. cycle  lunaire  inventé  par  Mc- 
thon  ,  à  la  fin  duquel  la  lune  revient  à-peu- 
pres  au  même  point  d'où  elle  eft  partie; 
c'eft  pour  cette  raifon  que  les  Athéniens, 
les  Juifs  ,  &  dTaUtres  peuples  qui  ont  voulu 
accommoder  les  mois  lunaires  avec  l'année 
fblairé  ,  fè  font  fêrvis  de  ïennéadécàtéride  , 
en  faifant,  pendant  dix-neuf  ans  ,  lept  ans 
de  treize  mois  lunaires  ,  &  les  autres  d$ 
douze. 

Vennéadéaitéfide  des  Juifs  eft  propre- 
ment un  cycle  de  dix-neuf  années  lunaires  , 
qui  commencent  à  molad  tohu  ,  c'eft-à-dife , 
à  la  nouvelle  lune  que  les  juifs  fuppofent 
être  arrivée  un  an  avant  la  création.  Cha- 
cirrre  des  3e ,  6e  ,  8« j  n%  itf\  \^  7 19c  j 
&£.  années  de  ce  cycle  font  emboiiimiquv'.  , 
ou  de  383  jours  2.1    heures ,  &c   les  autre* 

Qqq 


45)0  E  N  N 

«ommunes,  ou  de  354  jours  huit  heures. 
Voye\  An.  \S  ennéadécatéride  des  Juifs  cft 
donc  de  6939  jours  16  heures.  D'où  il 
s'enfuit  que  ïennéadécatéride  des  Juifs 
diffère  de  Yennéadécatéride  julienne,  ou  de 
dix-neuf  années  juliennes  d'environ  deux 
heures;  car  dix-neuf  années  juliennes  font 
6939  jours  dix-huit  heures.  Wolf ,  élemen. 
de  Chronoî.  &  Chambers.  Voye\  Embo- 
IISMIQUE.  (  O) 

ENNÉAGONE,  f.  m.  en  Géométrie; 
figure  de  neuf  angles  ,  &  de  neuf  côtés. 
Voye\  POLIGONE.  Ce  mot  efr.  formé  de 
hv:et ,  neuf,  &  ymia ,  angle. 

Pour  tracer  dans  un  cercle  Yennéagone 
régulier  ,  il  ne  s'agit  que  de  divifer  en  trois 
parties  égales  l'angle  au  centre  du  triangle 
équilatéral  :'  ainfi  ce  problême  fe  réduit  à 
celui  de  la  trifecHon  de  l'angle.  Voye\ 
Trisection. 

Un  ennéagone  ,  en  Fortification  ,  fignifie 
une  place  qui  a  neuf  bâfrions.  Voye\  FOR- 
TERESSE. (O) 

ENNEEMIMERIS  ,  (  Belles-Lettres.  ) 
efl:  une  efpece  de  céfure  d'un  vers  Latin  , 
où  après  le  quatrième  pie  il  y  a  une  fyl- 
Iabe  irréguliere  qui  finit  le  mot ,  &:  qui  aide 
à  former  le  pié  qui  fait  dans  le  mot  d'après  , 
comme  dans  cet  exemple  : 

Ule  latus  niveum  molli  fultus  hyacinthe 
qu'on  feande  ainfi: 

Ule  la\tus  n'fve\um  mol\li  ful\tus  hya\cinth\>. 

où  il  faut  remarquer  que  la  fyllabe  tus , 
brève  de  fa  nature ,.  devient  longue  en  vertu 
de  la  céfure.  Voye%  CÉSURE.  Ce  mot  eff 
très-peu  en  ufage.  (  G  ) 

ENNEMI ,  f.  m.  (  Droit  des  Gens. }  ce- 
lui qui  nous  fait  la  guerre ,  ou  à  qui  nous 
la  faifons ,  en  conféquence  d'un  ordre  du 
fouverain.  Tous  les  autres  contre  qui  on 
prend  les  armes  ,  font  qualifiés  de  brigands  , 
de  voleurs  ou  de  cerf  aires.  Au  refte ,  on  ne 
regarde  pas  feulement  comme  ennemis  ceux 
qui  nous  attaquent  actuellement  fur  mer 
ou  fur  terre ,  mais  encore  ceux  qui  font 
des  préparatifs  pour  venir  nous  attaquer  , 
&  qui  drefîènt  des  batteries  contre  nos 
jports,  nos  villes  &  nos  citadelles,  quoi- 


E  N  N 

qu'ils  ne  foient  pas  encore  aux  mains  avec 


nous. 


Il  efl  certain  que  l'on  peut  tuer  inno- 
cemment un  ennemi  ;  je  dis  innocemment , 
tant  félon  la  jufiiee  extérieure  de  toutes  les 
nations  ,  que  ielon  la  jufiiee  intérieure  & 
les  loix  de  la  confeience.  En  effet ,  le  but 
de  la  guerre  veut  de  nécefllté  que  l'on  ait 
ce  pouvoir  ;  autrement  ce  feroit  en  vain  que 
l'on  prend  roi  t  les  armes ,  &  que  les  loix 
de  la  nature  le  permettroient. 

Mais  le  pouvoir  de  tuer  Yennemi  s'étend- 
il  fur  tous  les  fujets  j)e  cet  ennemi  ,  fur  les 
vieillards  ,  les  femmes  ,  les  enfans. . . .  ? 
Dans  les  cas  où  il  eu  permis  d'ôter  la  vie 
à  un  ennemi ,  peut-ron  employer  indiffé- 
remment toutes  fortes  de  moyens ,  le  fer ,  le 
feu  ,  larufe,  le  poifon  ...  ?  Peut-on  pro- 
fiter du  miniftere  d'un  traître  pour  fe  dé- 
faire de  notre  ennemi ,  lorfque  ....  ? 

Je  frémis  j  &  pour  couper  court  à  toutes 
ces  queffions  ,  &  à  d'autres  femblabîes  ,  je. 
répons  en  général  &  en  particulier  ,  que 
l'on  ne  fauroit  trop  limiter ,  trop  adoucir 
les  droits  cruels  de  la  guerre  ;  je  répons  y. 
dis—je ,  que  l'on  ne  fauroit  trop  infpirer ,  ni 
étendre  trop  loin  les  principes  de  la  mo- 
dération ,;  de  l'honneur  ,  de  la  générofité,. 
&  fi  l'on  peut  parler  ainfi  ,  de  l'humanité 
même  dans  les  propres  actes  d'hoflilité , 
que  les  ufages  de  la  guerre  les  plus  reçus 
paroifîént   autorifer. 

A  l'égard  des  vieillards  ,.  des  femmes  & 
des  enfans  ,  loin  que  le  droit  de  la  guerre. 
exige  que  l'on  poufTe  la  barbarie  jufqu'à 
les  tuer  ,  c'efl  une  pure  cruauté ,  une  atro- 
cité d'en  ufer  ainfi  ;  même  lorfque  le  feu 
de  l'action  emporte  le  foldat ,.  pour  ainfi 
dire,  malgré  lui  à  commettre  des  aclions 
d'inhumanité;  comme,  par  exemple,  dans 
le  dernier  afîaut  à  la  prife  d'une  ville  , 
qui  par  fa  réfifiance  a  extrêmement  irrité 
les  troupes. 

Je  dis  plus  :  le  droit  des  gens  efr  fondé 
fur  ce  principe  ,  que  les  diverfes  nations 
doivent  fe  •  faire  dans  la  paix  autant  de 
bien  ,  &  dans  la  guerre  le  moins  de  mal 
qu'il  eff  poffible  ,  fans  nuire  à  leurs  véri- 
tables intérêts  :  c'eff  pourquoi ,  tant  qu'on 
peut  l'éviter ,  les  loix  même  de  la  guerre 
demandent  que  l'on  s'abffienne  du  carnage , 
&  que.  l'on  ne  répande  pas  dufang  fans  une 


EN  N. 

prenante  aécefïité.  L'on  ne  doit  donc  ja- 
mais ôter  la  vie  à  ceux  qui  demandent  quar- 
tier ,  à  ceux  qui  fe  rendent ,  a  ceux  qui  ne 
font  ni  d'un  âge  ni  d'une  profcfîlon  à  porter 
les  armes  ,  &  qui  n'ont  d'autre  part  à  la 
guerre  que  de  fe  trouver  dans  le  pays  ou  le 
parti  ennemi.  En  un  mot  ,  le  droit  de  la 
guerre  ne  va  pas  au  delà  de  notre  propre 
confervation.  Un  état  fait  la  guerre  ,  parce 
que  fa  confervation  efl  jufle  ;  mais  nous 
n'avons  plus  de  droit  de  tuer  ,  dès  que 
nous  ne  fommes  plus  dans  le  cas  de  la  dé- 
fenfe  naturelle  &  de  notre  propre  confer- 
vation vis-à-vis  de  V ennemi. 

L'on  comprend ,  à  plus  forte  raifon ,  que 
les  droits  de  la  guerre  ne  s'étendent  pas  juf 
qu'à  autorifèr  ni  à  fouffrir  les  outrages  con- 
tre l'honneur  des  femmes  ;  car  outre  qu'un 
tel  attentat  ne  fait  rien  ni  à  notre  conferva- 
tion ,  ni  à  notre  défenfe ,  ni  à  notre  fureté  , 
ni  au  maintien  de  nos  droits  ,  il  révolte  la 
nature ,  &  ne  peut  fêrvir  qu'à  fatisfaire  la 
brutalité  du  foldat ,  qu'il  faut  au  contraire 
réprimer  &  punir  très-févérement. 

Qu'on  ne  s'imagine  pas  auffi  que  les 
moyens  d'ôter  la  vie  à  V ennemi  foient  indif- 
Férens.  Les  coutumes  reçues  chez  les  peu- 
ples civilifés  ,  regardent  comme  une  exécra- 
ble lâcheté,  non  feulement  de  faire  don- 
ner à  Y  ennemi  quelque  breuvage  mortel , 
mais  d'empoifonner  les  fources  ,  les  fon- 
taines ,  les  puits  ,  les  flèches  ,  les  épées  ,  les 
dards ,  les  balles  ,  &  toutes  autres  efpeces 
d'armes.  Les  nations  qui  fe  font  piquées  de 
générofité,  ne  fe  font  point  écartées  de  ces 
iortes  de  maximes.  On  fait  que  les  confuls 
Romains  ,  dans  une  lettre  qu'ils  écrivirent 
à  Pyrrhus  ,  lui  marquèrent  qu'il  étoit  de 
l'intérêt  de  tous  les  peuples  qu'on  ne  donnât 
point  d'exemples  ,  difFérens  de  ceux  qu'ils 
pratiquoient  à  fon  égard. 

C'efl  une  convention  tacite  dont  l'intérêt 
des  deux  partis  exige  également  l'obferva- 
tion;  ce  font  de  jufles  aflurances  que  les 
hommes  fe  doivent  refpeftivement  pour 
leur  propre  intérêt  ;  &  certainement  il  efl 
de  l'avantage  commun  du  genre  humain 
que  les  périls  ne  s'augmentent  pas  à  l'in- 
fini. 

Ainfi ,  pour  ce  qui  regarde  la  voie  de 
l'afTaflinat ,  facile  à  exécuter  par  l'occafion 
jl'ua  traître  ,  je  ne  dis  pas  qu'on  fuborne- 


ENN  4Pr 

roit,  mais  qui  viendroit  s'offrir  de  lui- 
même  par  haine ,  par  efpérance  de  fa  for- 
tune ,  par  fanatifme ,  ou  par  tout  autre 
motif  poffible  ;  aucun  homme ,  aucun 
fouverain ,  qui  aura  la  confeience  un  peu 
I  délicate  ,  n'embraffera  cette  indigne  ref- 
i  fource  ,  quelque  avantage  qu'il  puiffe  s'en 
promettre.  L'état  d'hoflilité  qui  difpenfe 
du  commerce  des  bons  offices  ,  &  qui  au- 
torife  à  nuire  ,  ne  rompt  pas  pour  cela 
tout  lien  d'humanité  ,  &  n'empêche  point 
qu'on  ne  doive  éviter  de  donner  lieu  à 
quelque  mauvaife  adion  de  M  ennemi ,  ou 
de  quelqu'un  des  fiens.  Or ,  un  traître 
commet  fans  contredit  une  action  égale- 
ment honteufe  &  criminelle ,  à  laquelle 
il  n'efl  pas  permis  de  condefeendre. 

Il  n'efl  pas  plus  permis  de  manquer  da 
foi  à  un  ennemi  : 

Optimus  Me 
Militii ,  cui  poftremum   efl  ,  primumque  tueri 
Inter folU fidem.      Punie,  Ub.  V1V \v.  169* 

c'efl-à-dire ,  (<  le  guerrier  qui  efl  homme 
»  de  bien  ,  n'a  rien  tant  à  cœur  que  de 
»  garder  religieufement  fa  parole  à  Yenne- 
>y  mi.  »  Belle  fentence  de  Sillius  Italicus  , 
écrivain  de  mérite ,  &  digne  conful  de 
Rome  î 

D'ailleurs  ,  fuivant  la  remarque  de  Cicé- 
ron  ,  tout  le  monde  chérit  cette  difpofi- 
tion  d'efprit  qui  porte  à  garder  la  foi ,  lors 
même  qu'on  trouveroit   fon  avantage  à  y 
manquer.  N'y  a-t-il  pas  entre  les  ennemis  y 
quels  qu'ils  foient ,  une  fbciété  établie  par 
la  nature  ?   N'efl-ce  pas   de  cette  fociété 
fondée  fur  la  raifon  &  la  faculté  de  parler 
qui  font  communes  à  tous  les  humains  , 
que  réfulte  l'obligation  inaltérable  de  tenir 
les  promefîès  qu'ils  fe  font  faites  ?  C'efl  la 
foi  publique ,  dit  Quintilien ,   qui  procure 
à  deux  ennemis ,  pendant  qu'ils  ont  encore 
les  armes  à  la  main  ,  le  doux  repos  d'une 
trêve  :  c'efl  elle  qui  afTûre  aux  villes  rendues 
les  droits  qu'elles  fè  font  réfervés  :  enfin  , 
c'efl  elle  qui  efl  le  lien  le  plus  ferme  &  le 
plus  facré  qui  foit  parmi  les  hommes. 

Voilà  ce  que  je  crois  d'efTêntiel  à  obfèr- 
ver  touchant  les  bornes  qu'il  faut  mettre 
aux  droits  de  la  guerre  fur  les  perfonnes  des 
ennemis  >*  &  quant  à  ce  qui  regarde  leurs 

Qqq2 


49i  E  N  N 

biens  ,  j'en  ai  parlé  au  mot  DÉGÂT.  Ce  font 
les  mêmes  principes  d'humanité  &  de  rai- 
ions  d'intérêt  ,  qui  doivent  conduire  les 
hommes  à  ces  deux  égards  ;  s'ils  violent  ces 
principes  fans  pudeur  &  fans  remords  ,  tout 
eft  perdu;  les repréfailles  feront  affreufes  , 
Jes  cris  &  les  gémiflemens  fe  perpétueront 
de  race  en  race  ,  &  des  flots  de  fang  inon- 
deront la  terre.  Article  de  M.  le  Chevalier 
DE  J AU  COURT. 

ENNEMI  ;  en  Peinture  ;  on  appelle  cou- 
leurs ennemies  y  celles  qui  s'accordent 
mal ,  &  qui  ne  peuvent  fubfifter  enfemble 
fans  offenfér  la  vue  ,  on  fans  fe  détruire  en 
très-peu  de  temps.  Le  bleu  &  le  vermil- 
lon font  des  couleurs  ennemies  ;  leur  mé- 
lange produit  une  couleur  aigre  ,  rude  ,  & 
défagréable. 

Les  habiles  peintres  fe  font  quelquefois 
un  jeu  de  vaincre  les  difficultés  qu'on  pré- 
tend réfulter  de  l'affociarion  des  couleurs 
ennemies  :  ce  qui  feroit ,  chez  les  ignorans  , 
une  témérité ,  qui  ne  produiroit  que  des 
effets  mauffades ,  devient ,  chez  les  habi- 
les ,  une  hardiefTe  louable,  qui  n'enfante 
que  des  prodiges.  Diclionn.  de  Peint.  (R) 

ENNUI ,  f.  m.  (  Morale  philofoph.  )  ei- 
pece  de  déplaifir  qu'on  ne  fauroit  définir  : 
ce  n'eft  ni  chagrin  ,  ni  trifteffe  ;  c'eft  une 
privation  de  tout  plaifir  ,  caulée  par  je  ne 
fais  quoi  dans  nos  organes  ou  dans  les  ob- 
jets du  dehors  ,  qui  au  lieu  d'occuper  notre 
ame  ,  produit  un  mal-ailé  ou  dégoût ,  au- 
quel on  ne  peut  s'accoutumer.  Uennui  eft 
le  plus  dangereux  ennemi  de  notre  être,  & 
le  tombeau  des  paffions  ;  la  douleur  a  quel- 
que chofe  de  moins  accablant ,  parce  que 
dans  les  intervalles  elle  ramené  le  bonheur 
&  l'efperance  d'un  meilleur  état  :  en  un 
mot ,  \'ennui  eft  un  mal  fi  fingulier ,  fi 
cruel  ,  que  l'homme  entreprend  fouvent 
les  travaux  les  plus  pénibles  ,  afin  de  s'épar- 
gner la  peine  d'en  être  tourmenté. 

L'origine  de  cette  trifte  &  fâcheufe 
fenfation  vient  de  ce  que  l'ame  n'efl  ni  afTez 
agitée  ,  ni  affez  remuée.  Dévoilons  ce 
principe  de  V ennui  avec  M.  l'abbé  du  Bos , 
qui  l'a  mis  dans  un  très-beau  jour,  en  inf- 
îruifant  les  autres  de  ce  qui  fe  parlé  en  eux  , 
&  qu'ils  ne  font  pas  en  état  de  démêler , 
faute  de  favoir  remonter  à  la,  fource  de  leurs 
propres  aJffè&ions* 


E  N  N 

L'ame  a  (es  befoins  comme  le  corps ,  & 
l'un  de  les  plus  grands  befoins  eft  d'être 
occupée.  Elle  l'eft  par  elle-même  en  deux 
manières  ;  ou  en  fe  livrant  aux  impreffions 
que  les  objets  extérieurs  font  fur  elle  ,  & 
c'eft  ce  qu'on  appelle  fentir  ;  ou  bien  en 
s'entretenant  par  des  fpéculations  fur  des 
matières  ,  foit  utiles  ,  foit  curieufes  ,  foie 
agréables ,  &  c'eft  ce  qu'on  appelle  réflé- 
chir &  méditer. 

La  première  manière  de  s'occuper  efl 
beaucoup  plus  facile  que  la  féconde  :  c'eft 
auflî  l'unique  reflburce  de  la  plupart  des 
hommes  contre  V ennui  ;  &  même  les  per- 
fonnes  qui  favent  s'occuper  autrement  font 
obligées^  pour  ne  point  tomber  dans  la 
langueur  qui  fuit  la  durée  de  l'occupation  , 
de  iè  prêter  aux  emplois  &  aux  plaifirs  du 
commun  des  hommes.  Le  changement  de 
travail  &  de  plaifir  remet  en  mouvemenc 
les  efprits  qui  commencent  à  s'appefantir  : 
ce  changement  femble  rendre  à  l'imagina- 
tion épuifée  une  nouvelle  vigueur. 

Voilà  pourquoi  nous  voyons  les  hommes 
s'embarraffer  de  tant  d'occupations  frivoles 
&  d'affaires  inutiles  ;  voilà  ce  qui  les  porte 
à  courir  avec  tant  d'ardeur  après  ce  qu'ils 
appellent  leur  plaifir  y  comme  à  fe  livrer 
à  des  parlions  dont  ils  connoiffent  les  fuites 
fâcheufes  ,  même  par  leur  propre  expé- 
rience. L'inquiétude  que  les  affaires  cau- 
fent ,  ni  les  mouvemens  qu'elles  deman- 
dent ,  ne  fauroient  plaire  aux  hommes  par 
eux-mêmes.  Les  parlions  qui  leur  donnent 
les  joies  les  plus  vives  ,  leur  caufent  auffî 
des  peines  durables  &  douloureufes  ;  mais 
les  hommes  craignent  encore  plus  Yennui 
qui  fuit  l'inaclion  ,  &  ils  trouvent ,  dans  les 
mouvemens  des  affaires  &  dans  Fivreffe  des 
paffions ,  une  émotion  qui  les  remue.  Les 
agitations  qu'elles  excitent  ,  fe  réveillent 
encore  durant  la  folitude  ;  elles  empêchent 
les  hommes  de  fe  rencontrer  tête-à-tête, 
pour  ainfidire,  avec  eux-mêmes,  fans  être 
occupés  ,  c'eft-à-dire  ,  de  fe  trouver  dans 
l'affiiclion  ou  dans  Yennui, 

Quand  dégoûtés  de  ce  qu'on  appelle  le 
moncle ,  ils  prennent  la  réfolution  d?y  re- 
noncer ,  il  eft  rare  qu'ils  puiffent  la  tenir. 
Dès  qu'ils  ont  connu  l'inaction  ,  dès  qu'ils 
ont  comparé  ce  qu'ils  fouffroient  par  l'em- 
i  !  barras  des  affaires  &  par  l'inquiétude  ck& 


ENN 

panions  arec  Vennui  de  l'indolence  ,  ils 
viennent  à  regretter  l'état  tumultueux  dont 
ils  éroient  fi  las.  On  les  accule  fouvent  à 
tort  d'avoir  fait  parade  d'une  modération 
feinte  ;  lorfqu'its  ont  pris  le  parti  de  la 
retraite  ,  ils  étoient  alors  de  bonne  foi  : 
mais  comme  l'agitation  exceffive  leur  a  fait 
fouhaiter  une  pleine  tranquillité  ,  un  trop 
grand  loifir  leur  a  fait  regretter  le  temps 
où  ils  étoient  toujours  occupés.  Les  hommes 
font  encore  plus  légers  qu'ils  ne  font  difiî- 
mulés  ;  &  fouvent  ils  ne  font  coupables 
que  d'incon fiance  .,  dans  les  occafions  où  on 
les  accufe  d'artifice.  "  Je  crois  des  hom- 
t)  mes  plus  mal  aifément  la  confiance, 
»  que  toute  autre  chofe  ,  &  rien  plus  ai- 
»  fément  &  plus  communément  que  lin- 
h  confiance  ,  »   dit  Montagne. 

En  effet ,  l'agitation  où  les  parlions  nous 
tiennent,  même  durant  la  folitude  ,  efl  fi 
vive  ,  que  tout  autre  état  efl  un  état  de 
langueur  auprès  de  cette  agitation.  Ainfi 
nous  courons  ,  par  infime!  ,  après  les 
objets  qui  peuvent  exciter  nos  pafîîons  , 
quoique  ces  objets  fanent  fur  nous  des 
impreflions  qui  nous  coûtent  fouvent 
des  nuits  inquiètes  &  des  journées  plei- 
nes d'amertume  :  mais  les  hommes  ,  en 
général  ,  fouflfrent  encore  plus  à  vivre 
fans  pallions  que  les  parlions  ne  les  font 
foufrrir. 

L'ame  trouve  pénible ,  &  même  fouvent 
impraticable  la  féconde  manière  de  s'oc- 
cuper ,  qui  confifle  à  méditer  &  à  réflé- 
chir ,  principalement  quand  ce  n'efl  pas  un 
fèntiment  actuel  ou  récent  qui  efl  le  fujet 
des  réflexions.  Il  faut  alors  que  l'ame  faffe 
des  efibrts  continuels  pour  fuivre  l'objet  de 
fon  attention  ;  &  ces  efforts  *  rendus  fou- 
vent infructueux  par  la  difpofition  pré- 
fente  des  organes  du  cerveau  ,  n'aboutif- 
fent  qu'à  une  contention  vaine  &  ftérile, 
où  l'imagination  trop  allumée  ne  préfente 
plus  diltin  clément  aucun  objet;  &  une 
infinité  d'idées ,  fans  liaifon  &  fans  rap- 
port ,  s'y  fuccedent  tumultueufement  l'une 
à  l'autre.  Alors  l'efprit ,  las  d'être  tendu  , 
le  relâche  ;  &  une  rêverie  morne  &  lan- 
guiffante ,  durant  laquelle  il  ne  jouit  pré- 
cifément  d'aucun  objet ,  efl  l'unique  fruit 
des  efforts  qu'il  a  faits  pour  s'occuper  lui- 
même- 


ENN  495 

Il  n'efl  perfonne  qui  n'ait  éprouvé  Ven- 
nui de  cet  état ,  où  l'on  n'a  pas  la  force 
de  penfer  à  rien  ;  &  la  peine  de  cet  autre 
état  où,  malgré  foi  ,  on  penfe  à  trop  de 
chofes  ,  fans  pouvoir  fe  fixer  à  fon  gré 
fur  aucune  en  particulier.  Peu  de  perfon- 
nes  même  fonr  allez  heureufes  pour  n'é- 
prouver que  rarement  un  de  ces  états  , 
&  pour  être  ordinairement  à  elles-mêmes 
une  bonne  compagnie.  Un  petit  nombre 
peut  apprendre  cet  art ,  qui ,  pour  me  fer- 
vir  de  l'expreflion  d'Horace  ,  fait  vivre  en 
amitié  avec  foi-même  ,  quod  te  tibi  reddat 
amicum. 

Il  faut ,  pour  en  être  capable  ,  avoir  un 
certain  tempérament  qui  rend  ceux  qui 
l'apportent  en  naifiânt  très-redevables  à  la 
Providence  ;  il  faut  encore  s'être  adonné 
dès  la  jeunefîe  à  des  études  &  à  des  occu- 
pations ,  dont  les  travaux  demandent  beau- 
coup de  méditation  :  il  faut  que  l'efprit 
ait  contracté  l'habitude  de  mettre  en  ordre 
fes  idées  ,  &  de  penfer  fur  ce  qu'il  lit  ; 
car  la  lecture  où  l'efprit  n'agit  point ,  & 
qu'il  ne  foutient  pas  en  faifant  des  ré- 
flexions fur  ce  qu'il  lit  ,  devient  bientôt 
fujette  à  Vennui.  Mais  à  force  d'exercer  fon 
imagination ,  on  la  domte  ,  &  cette  faculté 
rendue  docile  fait  ce  qu'on  lui  demande. 
On  acquiert ,  à  force  de  méditer ,  l'habitude 
de  tranfporter  à  fon  gré  fa  penfée  d'un  objet 
fur  un  autre  ,  ou  de  la  fixer  fur  un  certain 
objet. 

Cette  converfation  avec  foi-même  met 
ceux  qui  la  favent  faire  à  l'abri  de  l'état 
de  langueur  &  de  mifere  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  Mais  comme  on  l'a  dit , 
les  perfonnes  qu'un  fang  fans  aigreur  & 
des  humeurs  fans  venin  ont  prédeflinées 
à  une  vie  intérieure  fi  douce ,  font  biea 
rares  ;  la  fituation  de  leur  efprit  efl  même 
inconnue  au  commun  des  hommes  , 
qui ,  jugeant  de  ce  que  les  autres  doivent 
foufïrir  de  la  folitude,  par  ce  qu'ils  en 
fouffrent  eux-mêmes  ,  penfent  que  la  foli- 
tude efl  un  mal  douloureux  pour  tout  Im- 
monde. 

Puifqu'il  efl  fi  rare  &  comme  impofïible 
de  pouvoir  toujours  remplir  l'ame  par  la- 
feule  méditation ,  &  que  la  manière  de  l'oc- 
cuper ,  qui  eft  celle  de  femir  en  fe  livrant' 
,  aux  pallions   qui  nous  affectent  j  efl  unie. 


45>4  ENN 

reflburce  dangereufe  &  funefte ,  cherchons 
contre  Y  ennui  un  remède  praticable  à  por- 
tée de  tout  le  monde ,  &  qui  n'entraîne 
aucun  inconvénient  ;  ce  fera  celui  des  tra- 
vaux du  corps  réunis  A  la  culture  de  l'es- 
prit ,  par  l'exécution  d'un  plan  bien  con- 
certé que  chacun  peut  former  &  remplir 
de  bonne  heure  ,  fuivant  Ton  rang  ,  fa  pofi- 
tion  ,  fon  âge  ,  fon  fexe  ,  fon  caradere  & 
Ces  talens. 

Il  eft  aifé  de  concevoir  comment  les 
travaux  du  corps ,  même  ceux  qui  fem- 
blent  demander  la  moindre  application  , 
occupent  Pâme  ;  &  quand  on  ne  conce- 
vroit  pas  ce  phénomène ,  l'expérience  ap- 
prend qu'il  exifte.  L'on  fait  également  que 
les  occupations  de  l'efprit  produifent  alter- 
nativement le  même  effet.  Le  mélange  de 
ces  deux  efpeces  d'occupations,,  fournif- 
fant  un  objet  qu'on  remplit  avec  foin  cha- 
que jour  ,  mettra  les  hommes  à  couvert 
jdes  amertumes  de  l'ennui. 

Il  faut  donc  éviter  l'inaction  &  I'oifiveté , 
tant  par  remède  que  pour  fon  propre  bon- 
heur. La  Bruyère  dit  très-bien  que  ï ennui 
/eft  entré  dans  le  monde  par  la  parefïe ,  qui 
a  tant  de  part  à  la  recherche  que  les  hom- 
mes font  des  plaifirs  de  la  fociété ,  c'eft- 
à-dire  ,  des  fpectacles ,  du  jeu ,  de  la  table, 
des  vifites  &  de  la  converfation.  Mais  celui 
qui  s'eft  fait  un  genre  de  vie  dont  le  tra- 
vail eft  à  la  fois  l'aliment  &  le  foutien 
a  afîez  de  foi-même ,  &  n'a  pas  befoin  des 
plaifirs  dont  je  viens  de  parler  pour  chafîèr 
X ennui ,  parce  qu'alors  il  ne  le  connoît 
point.  Ainfi  le  travail  de  toute  efpece  eu 
le  vrai  remède  à  ce  mal.  Quand  même  le 
travail  n'auroit  point  d'autre  avantage  ; 
/quand  il  ne  feroit  pas  le  fonds  qui  manque 
le  moins ,  comme  dit  la  Fontaine ,  il  por- 
teroit  avec  lui  fa  récompenfe  dans  tous  les 
états  de  la  vie  ,  autant  chez  le  plus  puifîànt 
monarque  que  chez  le  plus  pauvre  labou- 
reur. 

Qu'on  ne  s'imagine  point  que  la  puif- 
fance ,  la  grandeur  ,  la  faveur  ,  le  crédit , 
le  rang ,  les  richefTes  ,  ni  toutes  ces  chofes 
jointes  enfèmble  ,  puifïènt  nous  préferver 
de  Y  ennui  ,•  on  s'abuferoit  groffiérement. 
Pour  convaincre  tout  le  monde  de  cette 
vérité ,  fins  nous  attache*  à  la  prouver  par 
|Jês  réflexions  philofophiques  qui  nous  mé- 


ENN 

neroient  trop  loin  ,  il  nous  fuffira  de  parler 
d'après  les  faits ,  &  de  tranferire  ici ,  des 
anecdotes  dujieclede  Louis  XIV ,  un  feul 
trait  d'une  des  lettres  de  madame  de  Main- 
tenon  à  madame  de  la  Maifonfort:  il  efl 
trop  inftruclif  &  trop  frappant  pour  n'y  pas 
renvoyer  le  le&eur. 

"  Que  ne  puis-je ,  dit  madame  de  Main- 
»  tenon  ,  vous  peindre  l'ennui  qui  dévore 
»  les  grands ,  &  la  peine  qu'ils  ont  à  rem- 
»  plir  leurs  journées  ?  Ne  voyez-vous  pas 
»  que  je  meurs  de  trifteffè  dans  une  for- 
»  tune  qu'on  auroit  eu  peine  à  imaginer  ? 
»  Je  fuis  venue  à  la  plus  haute  faveur  , 
»  &  je  vous  protelle  ,  ma  chère  fille  , 
f>  que  cet  état  me  laifïe  un  vuide  af- 
»  freux.  »  Elle  dit  un  autre  jour  au  comte 
d'Aubigné  fon  frère  :  "  Je  ne  peux  plus 
»  tenir  à  la  vie  que  je  mené  ;  je  voudrois 
»  être  morte.  »  On  fait  quelle  réponfe  il 
lui  fit. 

Je  conclus  que  fi  quelque  chofè  étoit 
capable  de  détromper  les  hommes  du 
bonheur  prétendu  des  grandeurs  humai- 
nes ,  &  les  convaincre  de  leur  vain  ap- 
pareil contre  X ennui  ;  ce  feroit  ces  trois 
mots  de  madame  de  Maintenon  :  Je 
n'y  peux  plus  tenir  ;  je  voudrois  être 
morte.  Article  de  M.  le  chevalier  de 
J AU  COURT. 

ENO  ,  ENOS  ,  jENOS  ,  (  Ge'ogr. 
mod.  )  ville  de  la  Romanie  dans  la  Tur- 
quie Européenne  ;  elle  efl  fituée  proche  du 
golfe  de  même  nom.  Long.  43  >  5°  i  lat* 
40  ,  46. 

ÉNONCÉ ,  f.  m.  {Logique  &  Géométrie. ) 
Ce  mot  s'applique  aux  propofitions  &  aux 
termes  dans  lefquels  elles  font  préfentées. 
Ainfi  on  dit ,  cette  propofition  eft  obfcure 
dans  fon  énonce'  y  voici  dénoncé  de  la  pro- 
pofition ,  &c.  (  O  ) 

ENONCIATION  ,  f.  £ .  (  Logique.  ) 
expreffion  fimple  d'une  chofe  en  termes 
d'affirmation  ou  de  négation. 

Les  philofophes  fcolaftiques  diftinguent 
ordinairement  trois  opérations  de  l'efprit  ; 
Pappréhenfion  ou  perception ,  dénonciation 
ou  jugement,  &  le  raifonnement.  Voye\ 
ces  mots. 

Enonciation  9  en  Logique  ,  lignifie  la 
même  chofè  que  propofition.  Voye\  PRO- 
POSITION. 


E  N  P 

*ENOPTE  ,  f.  m.  (  Hifl.anc.)  c'étoit 
dans  les  repas  une  efpece  d'infpe&eur  qui 
veilloit  à  ce  que  chacun  bût  également  ; 
apparemment  afin  que  le  bon  fens  s'afFoi- 
blifîant  dans  chacun  en  même  propor- 
tion ,  il  n'y  eût  pas  la  moitié  d'une 
table  enivrée  qui  fervît  d'amufement  &  de 
fpeclacle  à  l'autre  moitié  qui  feroit  refrée 
fobre. 

*ENOPTROMANTIE,  {.{.{Divin.) 
efpece  de  divination  par  le  miroir.  Ce  miroir 
magique  montroit  les  événemens  à  venir  ou 
paflës  ,  même  à  celui  qui  avoit  les  yeux 
bandés.  h'énoptromant  étoit  un  jeune  gar- 
çon ou  une  Femme.  Les  Theflaliennes  écri- 
voient  leurs  réponles  fur  le  miroir  en  ca- 
ractères de  fang  ;  &  ceux  qui  les  avoient 
confultées  ,  lifoient  leurs  de/lins  ,  non  fur 
le  miroir  ,  mais  dans  la  lune  ,  qu'elles  fe 
vantoient  de  faire  defcendre  du  ciel  :  ce 
qu'il  faut  entendre  apparemment  ,  ou  du 
miroir  même  qu'elles  faifoient  prendre 
pour  la  lune  aux  fuperftitieux  qui  recou- 
roient  à  cette  forte  d'incantation ,  ou  de 
Fimage  de  la  lune  qu'elles  leur  montroient 
dans  ce  miroir. 

ENORCHIS,  f.  f.  (  Hifi.  nat.  Minéra- 
logie. )  Les  naturalises  ont  donné  ce  nom 
à  une  pierre  dont  la  figure  reflTemble  aux 
tefticules  ;  ordinairement  ce  n'eft  autre 
chofe  que  deux  pyrites  fphériques  join- 
tes enfemble  par  un  de  leurs  cotés  ;  ce- 
pendant il  y  en  a  qui  font  feules  &  déta- 
chées: celles-là  font  communément  de  la 
groflêur  d'un  œuf  de  pigeon  ,  &  contien- 
nent intérieurement  une  autre  pierre  qui  eu 
adhérente  à  l'enveloppe  intérieure  ,  &  dont 
elle  remplit  la  capacité.  Cette  efpece  d'énor- 
chis  eu  d'un  gris  de  Gendre  à  l'extérieur  ; 
la  pierre  intérieure  eft  d'une  couleur  obf- 
cure  &  foncée ,  &  n'eft  point  luifante.  Boëce 
de  Boot  la  regarde  comme  une  efpece  de 
géode  y  &  dit  qu'il  s'en  trouve  près  de 
Prague  en  Bohême.  ( — ) 

ENPOINTER,  v.  aÔr  en  terme  d*E- 
pinglier  y  fe  dit  de  l'action  de  faire  la  pointe 
cFune  épingle ,  fans  avoir  égard  à  fa  finefîe  , 
bl  à  Tébauchage.  On  fe  fert,  pour  enpoin- 
ter  les  épingles  ,  d'une  meule  d'acier  tail- 
ladée fur  toute  fa  furface.  Voye\  MEULE 
Cette  meule  eil  plus  ou  moins  grofîê  ,  félon 
q,u£  l'on  fait  defïus  les  pointes  fines  ou  les 


E  N  Q_  49  j 

grones.  Voye\  Pointes  Fines  &  Poin- 
tes GROSSES.  Voye\  V article  EPINGLE. 

ENQUERE ,  v,  acl.  (  terme  de  Blafon.  ) 
On  nomme  armes  en  enquere  celles  dont 
les  pièces  de  métal  font  fur  un  champ 
de  métal  ,  ou  celles  qui ,  étant  de  cou* 
leur,  fe  trouvent  fur  un  champ  de  cou- 
leur. 

Armes  à  enquere  fe  dit  auili  d'un  chef 
de  métal  chargé  de  pièces  pareillement  de 
métal ,  ou  de  celui  qui ,  étant  de  couleur  , 
eil  chargé  de  pièces  de  couleur. 

Ce  terme  vient  du  vieux  verbe  Gau- 
lois enquere  ,  s'enquérir  ,  s'informer  ;  parce 
que  les  armoiries  de  métal  fur  métal  i 
ou  de  couleur  fur  couleur  ,  étant  contre 
l'ufage  de  l'art  héraldique ,  donnent  occa~ 
fion  de— demander  pourquoi  on  les  porte 
ainfi. 

Bourbon  de  Bu  Met  deChalus,  à  Paris;: 
d'azur  ,  à  trois /leurs  de  lis  d'or  y  un  bâton 
de  gueules  péri  au  centre  de  Vécu\  au  chef 
d' argent  chargé  d' une  croix  potencée  d'or  y. 
cantonné  de  quatre  croifettes  de  même.  Ar- 
mes à  enquere.  (  G.  D.  L.  T.  ) 

ENQUETE ,  f.  fi  inquijztio  y  ou  fuivanr 
l'ancien  ftyle  du  palais  inquiefia  (  Jurifpr.  ) 
efl  un  procès-verbal  rédigé  par  ordre  &  en 
préfence  d'un  juge  ou  commiffaire ,  con-- 
tenant  des  dépofitions  de  témoins  fur  des 
faits  dont  quelqu'un  veut  avoir  la  preuve  , 
foit  par  cette  voie  feule  ,  foit  pour  faire 
concourir  cette  preuve  teftimoniale  avec 
quelque  preuve  par  écrit. 

Autrefois  fous  le  terme  d'enquête  on< 
comprenoit  également  les  enquêtes  propre-- 
ment  dites  ,  c'eft-à-dire  ,  celles  qui  fe  font 
en  matière  civile  ,  &  les  informations  qui 
font  des  efpeces  d'enquêtes  en  matière  cri-^ 
minelle;  mais  préfentement  on  ne  donne 
le  nom  d'enquête  à  ces  fortes  d'actes,  qu'en 
matière  civile. 

L'ufage  des  enquêtes  y  ou  du  moins  de 
la  preuve  par  témoins  ,  eft  de  tous  les 
temps  &  de  tous  les  pays  •;_  mais  les  forma- 
lités des  enquêtes  ne  font  pas  par-tout  uni-^ 
formes  ,  &  elles  ont  foufïèrt  plufieurs  chan-~ 
gemens  en  France. 

Les  enquêtes  font  verbales  ou  par  écrit  t 
les  premières  font  la  même  chofe  que  ce^ 
qu'on  appelle  enquête  fommaire.  Voyez  r 
,  ci-après  ,  ENQUETE  SOMMAIRE,- 


4î)5  E  N  Q. 

On  appelle  enquêtes  par  écrit  ,  celles 
qui  ont  été  ordonnées  par  un  jugement  en 
vertu  duquel  elles  font  rédigées  avec  toutes 
les  formalités  ordinaires. 

Ces  formalités  ont  été  réglées  par  l'or- 
donnance de  1667,  tit.  xxij  ,  fuivant  le- 
quel dans  les  matières  où  il  échet  de  faire 
enquête  ,  le  même  jugement  qui  les  ordonne 
doit  contenir  lesfairs  dont  les  parties  pour- 
ront refpedivemcnt  informer  (ans  autres 
interdits  &  réponfes  ,  jugemens  ni  com- 
mi liions.  Voye\  INTERDITS. 

Lorlque  ['enquête  efl  taire  au  même  lieu 
où  le  jugement  a  été  rendu  ,  ou  dans  la 
diliance  de  dix  lieues ,  elle  doit  être  com- 
mencée dans  la  huitaine  du  jour  de  la 
lignification  du  jugement  faite  à  la  partie 
ou  à  fon  procureur  ,  &  achevée  dan?  la 
huitaine  fuivante.  Si  la  diflance  efl  plus 
grande ,  le  délai  augmente  d'un  jour  pour 
dix  lieues;  le  juge,  peut  néanmoins  ,  fi  le 
cas  le  requiert ,  donner  une  autre  huitaine 
pour  La  confection  de  1 'enquête ,  fans  que 
le  délai  puifïè  être  prorogé. 

Après  que  les  reproches  ont  été  fournis 
contre  les  témoins  ,  ou  que*  le  délai  d'en 
fournir  efl  paMé  ,  on  porte  la  cauiè  à  l'au- 
dience ,  fans  faire  aucun  ade  ou  procédure 
pour  la  réception  de  Yenquête, 

Il  n'efl  plus  d'ufage  comme  autrefois  de 
faire  la  publication  de  V enquête  ,  c'eft-à- 
dire  ,  d'en  faire  la  ledure  publique  à  l'au- 
dieace  ;  la  communication  deVenqucte  tient 
lieu  de  cette  publication  ;  on  ne  fournit 
plus  auflî  de  moyens  de  nullité  par  écrit 
après  les  reproches  ,  iauf  à  lespropofer  en 
l'audience  ou  par  contredits  ,  fi  c'efl  en 
procès  par  écrit. 

Si  Y  enquête  d'une  partie  n'eft  pas  achevée 
dans  les  délais  de  l'ordonnance  ,  l'autre  par- 
tie peut  pourfuivre  l'audience  fur  ua  fim- 
ple  ade  ,  fans  qu'il  foit  befoin  de  faire  dé- 
clarer l'autre  partie  forclofe  de  faire  enquê- 
te ,  comme  cela  fe pratiquoit  autrefois;  ce 
qui  efl  abrogé  par  l'ordonnance. 

Les  témoins  doivent  être  affignés  à  per- 
fonnes  ou  domicile ,  pour  dépofer  ,  &  les 
parties  au  domicile  de  leur  procureur  ,  pour 
voir  prêter  ferment  aux  témoins  :  cela  fe 
fait  en  vertu  d'ordonnance  du  juge ,  fans 
commiflion  du  greffa. 

Le  jour  &  l'heure  four  comparoir  doivent 


*t*d 


E  N  Q^ 

être  marqués  dans  les  affignations  données 
aux  témoins  &  aux  parties  ;  &  fi  les  affignés 
ne  comparent  ,  on  diffère  d'une  autre 
heure ,  après  laquelle  les  témoins  préfens 
prêtent  ferment  &  font  ouis;  à  moins  que 
les  parties  ne  confentent  la  remife  à  un  au- 
tre jour. 

**Les  témoins  doivent  comparoir  à  l'heure 
de  l'aflignation ,  ou  au  plus  tard  dans  l'heure 
fuivante  ,  à  peine  de  dix  livres  ,  au  paiement 
de  laquelle  ils  peuvent  être  contraints  par 
faifie  &  vente  de  leurs  biens  ,  mais  non  pas 
par  emprifonnement  ,  à  moins  que  cela 
ne  fût  ainfi  ordonné  par  le  juge  ,  en  cas  de 
manifeffe  défobéifîance.  Les  ordonnances 
des  juges  font  exécutoires  contre  les  té- 
moins ,  noriobflant  oppofition  ou  appel- 
lation ;  celles  des  commilTaires-enquêteurs 
le  font  aufii  pour  la  peine  de  dix  livres 
feulement. 

Soit  que  la  partie  compare ,  ou  non  , 
au  jour  indiqué  ,  le  juge  ou  commiMairc 
prend  le  ferment  des  témoins  qui  font  pré- 
fens ,  &  procède  à  la  confedion  de  Y  enquête  y 
nonobfrant  &  fans  préjudice  de  toutes  op- 
pofitions  ou  appellations  ,  fauf  au  défaillant 
a  ptopofer  Ces  reproches  ou  moyens  après 
Yenquête. 

Si  le  juge  fait  Y  enquête  dans  le  lieu  de  fa 
réfidence  ,  &  qu'il  foit  réeufé  ou  pris  à 
partie  ,  il  efl  tenu  de  furfeoir  jufqu'à  ce  que 
les  réeufations  &  prifes  à  parties  aient  été 
jugées. 

L'édit  de  novembre  1^78  ,  &  une  décla- 
ration du  14  décembre  1580,  avoienteréé 
des  adjoints  aux  enquêtes  ,  dont  la  fonc- 
tion étoit  d'afîifter  aux  enquêtes  :  mais 
l'ordonnance  de  1667  a  fupprimé  la  fonc- 
tion de  ce*  adjoints;  &  la  déclaration  du 
mois  de  novembre  1717  a  pareillement 
fupprimé  les  fubitituts-adjoints  ,  qui  avoient 
été  créés  en  1696. 

Le  juge  ou  commifîaire  ,  en  quelque 
cour  ou  jurifdidion  que  ce  foit ,  doit  re- 
cevoir lui-même  le  ferment  &  la  dépofition 
d.e  chaque  témoin ,  fans  que  le  greffier  ni 
autre  puiffe  les  recevoir  ,  ni  les  rédiger 
par  écrit  hors  la  préfence  du  juge  ou  com- 
mifîaire. 

On  doit  faire  mention  au  commence- 
ment de  la  dépofition  ,  du  nom  ,  furnom  , 
âge  ,   qualité ,  &  demeure  du  témoin  ,  dit 

ferment 


E  N  Q 

ferment  par  lui  prêté  ;  s'il  eft  fervireur ,  pa- 
rent ou  allié  de  l'une  ou  l'autre  des  par- 
ties ,  &  en  quel  degré. 

Les  témoins  ne  peuvent  dépofer  en  la 
préfence  des  parties;  ni  même  en  préfence 
des  autres  !  témoins  ,  excepté  lorfque  les 
enquêtes  fe  font  à  l'audience;  hors  ce  cas , 
ils  doivent  être  ouis  chacun  féparémènt , 
uns  qu'il  y  ait  aufll  perfonne  que  le  juge 
ou  commiffaire  ck  le  greffier  qui  écrit  l'en- 
quête. 

La  dépofition  achevée ,  on  la  doit  lire  au 
témoin,  ck  l'interpeller  de  déclarer  fi  elle 
contient  vérité  ;  s'il  y  pifrfifte ,  il  doit  ligner 
fa  déposition,  ou  s'il  ne  peut  le  faire,  il 
doit  le  déclarer,  ck  on  en  doit  faire  men- 
tion fur  la  minute  ck  fur  la  groffe. 

Le  juge  ou  le  commiffaire  doit  faire 
écrire  tout  ce  que  le  témoin  veut  dire  tou- 
chant le  fait  dont  il  s'agit  entre  lés  parties 
fans  en  rien  retrancher. 

Si  le  témoin  augmente  ,  diminue  ou 
change  quelque  chofe  à  fa  dépofition,  on 
doit  l'écrire  par  apoftilles  ck  renvois  en 
imrge ,  qui  doivent  être  fignés  par  le  juge 
&  le  témoin  s'il  fait  ligner.  On  n'ajoute  point 
foi  aux  interlignes  ,  ni  même  aux  renvois 
qui  ne  font  point  fignés  ;  &  fi  le  témoin 
ne  fait  pas  figner,  on  en  doit  faire  men- 
tion ,  comme  il  a  déjà  été  dit. 

Le  juge  doit  demander  au  témoin  s'il 
requiert  taxe  ;  èk  fi  elle  eft  requife ,  le  juge 
la  doit  faire  eu  égard  à  la  qualité ,  voyage,, 
&  (éjour  du  témoin. 

Tout  ce  qui  a  été  dit  jufqu'ici  doit  être 
obfervé  à  peine  de  nullité. 

L'ordonnance  défend  en  outre  aux  parties 
de  faire  ouir,  en  matière  civile  ,  plus  de 
dix  témoins  fur  un  même  fait ,  ck  aux  juges 
ou  commiffaires  d'en  entendre  un  plus 
grand  nombre  ;  autrement  la  partie  ne  peut 
prérendre  le  rembourfement  des  frais  qu'elle 
aura  avancés  pour  les  faire  ouir,  encore  que 
tous  les  dépens  lui  fuffent  adjugés  en  fin 
de  caufe. 

Le  procès-verbal  ^enquête  doit  être  fom- 
maire ,  ck  ne  contenir  que  le  jour  ck  l'heure 
des  afiîgnations  données  aux  témoins  pour 
dépofer,  ck  aux  parties  pour  les  voir  jurer  ; 
le  jour  ck  l'heure  des  afiîgnations  échues  ; 
leur  comparution  ou  défaut  ;  la  preftation 
de  ferment  des  témoins,  û  c'eft  en  lapré- 
Tome,  XII* 


E  N  Q  497 

f  fence  ou  abfence  de  la  partie  ;  le  jour  de 
chaque  dépofition  ;  le  nom  ,  furnom,  âge  , 
qualité  ck  demeure  des  témoins  ;  les  réqui- 
sitions des  parties ,  ck  les  a  êtes  qui  en  feront 
accordés. 

Les  greffiers  ou  autres  qui  ont  écrit  l'en- 
quête ck  le  procès-verbal ,  ne  peuvent  pren- 
dre d'émolumens  que  pour  l'expédition  de 
la  grofle ,  félon  le  nombre  de  rôles ,  au 
cas  que  Y  enquête,  ait  été  faite  au  lieu  de  leur 
demeure,  èk  fi  elle  a  été  faite  ailleurs,  ils 
ont  le  choix  de  prendre  leurs  journées,  qui 
font  taxées  aux  deux  tiers  de  celles  du  juge 
ou  commiffaire. 

Les  expéditions  ck  procès  -  verbaux  des 
enquêtes  ne  doivent  être  délivrés  qu'aux 
parties  ,  à  la  requête  defquelles  ^enquête 
a  été  faite.  Voye^  ENQUÊTE  D'OFFICE. 

Ceux  que  l'on  prend  pour  greffiers  en 
des  commiffions  particulières ,  n'ayant  point 
de  dépôt,  doivent  remettre  la  minute  des 
enquêtes  èk  procès-verbaux  aux  greffes  des 
jurifdi&ions  où  le  différend  eft  pendant, 
trois  mois  après  la  commiffion  achevée  ; 
autrement  ils  peuvent  y  être  contraints  , 
fauf  à  eux  de  prendre  exécutoire  de  leur 
falaire  contre  la  partie.   Voye\_  l'art.  25. 

L'ufage  qui  s'obfervoit  autrefois  d'en- 
voyer des  expéditions  des  enquêtes  dans  un 
fac  clos  èk  fcellé  ,  a  été  abrogé  par  l'ordon- 
nance ,  de  même  que  les  publications  èk 
réceptions  d'enquête  ,  èk  tous  jugemens  por- 
tant que  l'on  donnera  moyens  de  nullité 
par  rapport  aux  reproches  que  l'on  peut 
fournir  contre  les  témoins.  Voye\  RE- 
PROCHES. 

Si  celui  qui  a  fait  X enquête  refufe  ou  né- 
glige d'en  faire  lignifier  le  procès- verbal  èk 
donner  copie ,  l'autre  partie  pourra  le  fom- 
mer  par  un  fimple  exploit  de  le  faire  dans 
trois  jours ,  après  quoi  il  pourra  lever  le 
procès-verbal  ;  6k  le  greffier  fera  tenu  de 
lui  en  délivrer  expédition  ,  en  lui  repré- 
fentant  l'acte  de  fommation  èk  lui  payant 
fes  falaires  de  la  grolfe  ,  dont  il  fera  délivré 
exécutoire  contre  la  partie  qui  en  devoit 
donner  copie. 

La  partie  quia  fourni  des  reproches  ,  ou 
renoncé  à  en  fournir,  peut  demander  copie 
de  X enquête  ;  èk  en  cas  de  refus ,  ['enquête 
doit  être  rejetée,  ÔC  l'on  procède  au  juge- 
ment. 

Rrr 


498  ENQ 

Si  celui  contre  qui  Yenquête  a  été  faite  en 
veut  prendre  avantage  ,  il  peut  la  lever  en 
fatisfaifant  à  ce  qui  a  été  dit  dans  l'article 
précédent. 

Celui  qui  levé  ainfî  l' enquête  au  refus  de 
fon  adverfaire  d'en  donner  copie ,  a  huitaine 
pour  lever  procès-verbal ,  6c  autant  pour 
lever  Yenquête  ;  &  fi  elle  a  été  faite  hors  du 
lieu  où  le  différend  eft  pendant ,  on  donne 
un  autre  délai  à  raifon  d'un  jour  pour  dix 
lieues. 

Ces  délais  de  huitaine  ne  font  que  pour 
les  cours  &  pour  les  bailliages  ,  fénéchauf- 
fées  &  préfidiaux  -,  dans  les  autres  lièges , 
chaque  délai  n'eft  que  de  trois  jours. 

Avant  de  pouvoir  demander  copie  du 
procès-verbal  de  fa  partie ,  il  faut  donner 
copie  du  fien  ;  il  en  eft  de  même  pour 
Yenquête. 

Celui  qui  a  eu  copie  du  procès-verbal  & 
de  X enquête  ,  ne  peut,  en  caufe  principale 
ou  d'appel,  faire  ouir  à  fa  requête  aucun 
témoin ,  ni  fournir  des  reproches  contre 
ceux  de  fa  partie. 

Si  Yenquête  a  été  ordonnée  à  l'audience 
fans  appointer  les  parties,  les  enquêtes  doi- 
vent être  rapportées  à  l'audience  pour  y 
être  jugées  fur  un  fimple  acle.. 

Lorfque  Yenquête  eft  déclarée  nulle  par 
la  faute  du  juge  ou  commiffaire,  on  en 
fait  une  nouvelle  aux  dépens  du  juge  ou 
commiffaire  y  dans  laquelle  la  partie  peut 
faire  ouir  de  nouveau  les  mêmes  témoins. 
Vcye^  Commissaire-Enquêteur,  & 

ci-après  ENQUETEUR  ,  PREUVE  PAR  TÉ- 
MOINS ,  Reproches,  Témoins  ;  Franc. 
Marc,  tome I ,  quefi.  901  ;  le  Traité  de  la 
preuve  par  témoins ,  de  Danty  ;  la  Biblio- 
thèque de  Bouchel ,  au  mot  témoins  ;  le 
Traité  des  enquêtes  &  témoins ,  de  Guillaume 
Jaudin ,  inférés,  dans  Bouchel ,  loc.  cit.  (A) 

Enquête  d'examen  a  futur  ,  étoit 
celle  qui  fe  faifoit  d'avance  &  avant  la  con- 
teftation  en  caufe ,  même  avant  que  le  pro- 
cès fût  commencé ,  lorfqu'on  craignoit  le 
dépériflement  de  la  preuve,  foit  que  les  té- 
moins fuffent  vieux  ,  ou  valétudinaires,  ou 
fur  le  point  de  s'abfenter. 

Cette  forme  de  procéder  avoit  été  îrrée 
par  les  docteurs  &  praticiens  ,  tant  du  droit 
civil  que  du  droit  canonique,  notamment 


ENQ 

de  furtis  ,  /.  3  ,  §  duœ  ,  ff.  de  Carboniano 
ediclo  ,  &  des  décrétales  j  iuivantle  chapitre 
quoniam  5  ,  in  princip.  extra  ;  ut  lue  non 
contefl.  &  cap.  cum  dileclœ  ,  4  ext.  de  con~ 
Jirm.  utilit.vel  inutilit. 

Elle  fut  auffi  autorifée  par  les  anciennes 
ordonnances ,  comme  il  paroît  par  celle  de 
Charles  VIII,  de  l'an  1493,  art.  58 ,  qui 
défend  néanmoins  d'en  faire  en  matière  de 
récréance  ;  &  la  raifon  eft  que  cette  pro- 
cédure n'avoit  lieu  qu'en  matière  civile  t, 
&  non  en  matière  bénéficiale  ou  crimi- 
nelle. 

Quand  le  procès  étoit  déjà  commencé  , 
il  falloit  affigner  la  partie  pour  voir  prêter 
ierment  aux  témoins. 

Lorfqu'on  vouloit  faire  enquête  avant  qu'il 
y  eût  procès  commencé ,  il  falloit  des  lettres- 
en  chancellerie  adrefTantes  au  juge  pour 
faire  ouir  témoins  ;  &  dans  ce  cas  le  juge 
tenoit  fa  procédure  clofe  ck  fecrete  julqu'à 
ce  qu'il  fût  néceftaire  de  la  produire  :  mais 
la  partie  qui  avoit  fait  faire  cette  enquête 
de  voit  former  fa  demande  dans  un  an  au 
plus  tard ,  à  compter  de  la  confection  de 
V enquête,  autrement  Yenquête  étoit  nulle; 
à  l'égard  du  défendeur  qui  avoit  fait  une 
telle  enquête  pour  appuyer  fa  .défenfe  jl'e*r-- 
quête  àuxoit  trente  ans. 

Les  inconvéniens  qu'on  a  reconnus  dans 
cette  procédure  prématurée  ,  qui  excitoit. 
fouvent  une  prévention  dans  l'efprit  des 
juges,  ont  été  caufe  qu'elle  a  été  abrogée: 
par  l'ordonnance  de  1667,  tit.  xiij. 

Les  auteurs  qui  en  parlent,  (om  le  flyle- 
du  parlement ,  à  la  fin  ;  Joannes  Ferrarius  s< 
cap.  quando  teftes  pred.  ad  atern.  rei  mem*. 
Mafuer,  inprax.  tit.  de  teftibus ;  Imbert,, 
en/es  infiit.Jor.  liv.  I,ck.  xliv  ;  Papon  ,  en: 
fes  notes,  liv.  X,  titre  def  lettres  incid» 
RebufT.  tract,  de  cauf.  benef.  art.  2  ,  glojf.- 
unic.  n.  8  \  Bornier,  fur  ^ordonnance  de- 

Enquête  ou  Information  :  ces  ter- 
mes étoient  autrefois  fouvent  confondus ;iL 
y  a  encore  certaines  enquêtes  civiles  que  l'on: 
qualifie  ^information,  telle  que  l'informa- 
tion de  vie  &  mœurs.  (A) 

Enquête  justificative  ;  quelques 
praticiens  donnent  ce  nom  à  Yenquête  que 
i'accufé  fait  pour  prouver  fon  innocence  ,. 


de  la  loi  ^o,ff..ad.  legt  aquiliam  9J.;3  2  ,jf.    lorfqu'oo  l'a  admis  à  la  preuve  de  fes  faits 


E  N  Q 

juftificatifs.  Voyei  la  pratique  de  Mafuer , 
p.  292 ,  &  Faits  justificatifs.  (A) 

Enquête  d'office  eft  une  information 
que  le  juge  ordonne  &  fait  de  fon  propre 
mouvement  &  fans  y  être  provoqué  par 
perfonne  ,  pour  inftruire  fa  religion  fur 
certains  faits  qui  ont1  rapport  à  quelque 
affaire  dont  la  connoiffance  lui  appartient: 
quoique  ces  fortes  d'enquêtes  fe  fartent  à  la 
xequête  du  miniftere  public  ,  on  ne  laiffe 
pas  de  les  appeller  toujours  enquêtes  d'office , 
pour  dire  qu'il  n'y  a  point  de  partie  privée 
qui  les  ait  demandées. 

Les  avis  de  parens  &c  amis  que  le  juge 
ordonne  à  l'occafion  des  tu  telles,  curatelles, 
émancipations  ,  interdictions  ,  font  des 
enquêtes  d'office ,  lorfqu'il  n'y  a  aucun  pa- 
rent qui  les  provoque. 

C'eft  aufîi  une  enquête  d'office  ,  lorfque 
ie  juge  avant  de  procéder  à  l'enrégiftrement 
de  quelques  ftatuts ,  privilèges  ,  Se  lettres- 
patentes  ,  ordonne  qu'il  fera  informé  de  la 
commodité  ou  incommodité  de  ce  dont  il 
s'agit  ;  ce  que  l'on  appelle  vulgairement 
Une  enquête  de  commodo  velincommodo. 

Ces  fortes  ^enquêtes  font  quelquefois 
qualifiées  iï  information ,  comme  celle  qui 
fe  fait  de  l'âge  &  des  vie  &  mœurs  d'une 
perfonne  qui  fe  préfente  pour  être  reçue 
dans  quelque  fonction  publique  ;  ce  que 
l'on  appelle  communément  une  information 
de  vie  &  mœurs. 

Il  y  a  des  formalités  preferites  pour  les 
enquêtes  ordinaires  ,  qui  paroiffent  inutiles 
pour  les  enquêtes  d'office  ,  quoique  l'ordon- 
nance ne  le  dife  point;  par  exemple,  on  ne 
peut  pas  afligner  la  partie  pour  voir  prêter 
ferment  aux  témoins  ,  n'y  ayant  point  de 
contradicteur  dans  ces  fortes  à! enquêtes. 

Le  terme  à! enquête  a" office  n'eft  guère 
ufité  qu'en  matière  civile  :  cependant  quel- 
ques auteurs  l'appliquent  aufli  en  matière 
criminelle  aux  informations  qui  fe  font  à  la 
requête  du  miniftere  public  feul ,  fans  qu'il 
y  ait  de  partie  civile  privée.  Vbye£  lefiyle 
de  Cayron ,  pag.  221. 

L'ordonnance  de  1667  >  tUre  XXI)  >  arl*-~ 
de  24,  fait  mention  de  ces  fortes  d'enquêtes, 
&  ordonne  qu'elles  feront  feulement  déli- 
vrées à  la  partie  publique  qui  les  aura  fait 
feire.  Voyei  auffi  Loifeau ,  des  offices  , 
liv.I,ch.  iv,n.s>.(A) 


E  N  Q  499 

Enquêtes  du  Parlement.  Voyt^ 
Parlement  à  l'article  Chambre  des 
Enquêtes. 

Enquêtes  ou  Pièces.  On  comprenoit 
anciennement  fous  le  terme  à? enquêtes, 
non  -  feulement  les  enquêtes  proprement 
dites ,  mais  généralement  toutes  fortes  de 
titres  Se  pièces  qui  fervoient  à  la  prçuve 
des  faits.  ÇA  ) 

Enquêtes  ou  Procès  ;  ces  termes 
étoient  autrefois  fynonymes ,  fur-tout  pour 
les  affaires  de  fait  &  procès  par  écrit ,  dont 
la  décifîon  dépendoit  des  titres  &  pièces 
que  l'on  comprenoit  alors  fous  le  terme 
^enquêtes  :  il  eft  dit  dans  des  lettres  de 
Philippe  de  Valois ,  du  mois  de  juin  1338, 
&  dans  d'autres  du  roi  Jean ,  du  mois  de 
janvier  1351 ,  qu'il  ne  fera  point  fait  d'en- 
quête en  matière  criminelle  qu'après  l'infor- 
mation ;  ce  qui  fe  rrouve  expliqué  encore 
plus  clairement  dans  d'autres  lettres  du  roi 
Jean  ,  du  12  janvier  1354,  où  il  eft  dit,  non 
obflante  quodproceffus feu  inquefioz  inchoatœ 
fuerint  in  nofira  dicta  curia  parlamenti. 
On  trouve  encore  quelque  chofe  de  fem- 
blable  dans  des  lettres  du  mois  de  mai  1358, 
données  par  le  dauphin,  qui  fut  depuis  le 
roi  Charles  V.  (A) 

Enquêtes  de  sang  ,  fignifioit  autrefois 
information  en  matière  criminelle  ;  elles 
étoient  ainfî  nommées  à  caufe  que  dans 
ces  matières  elles  tendent  fouvent  à  faire 
infliger  à  l'accufé  quelque  peine  qui  em- 
porte effufton  de  iang.  L'ordonnance  de 
Philippe  V,  dit  le  long,  du  mois  de  dé- 
cembre 1320  ,  pour  le  parlement  ,  porte 
que  les  enquêtes  feront  remifes  en  trois  hu- 
ches ou  coffres  ;  favoir  ,  en  l'une  les  en- 
quêtes à  juger,  en  l'autre  les  enquêtes  ju- 
gées, &  en  la  troifieme  les  enquêtes  de 
fang.  (A) 

Enquête  SECRETE;les  informations  en 
matière  criminelle  étoient  quelquefois  ainfî 
nommées,  parce  qu'une  des  principales 
différences  qu'il  y  a  entre  ces  fortes  de 
preuves  &  les  enquêtes  civiles ,  c'eft  que 
les  informations  font  pièces  fecretes.  (A  ) 

Enquête  sommaire  eft  celle  qui  fe 
fait  fommairement  &fans  beaucoup  de  for- 
malité ,  lorfque  le  juge  entend  les  témoins  à 
l'audience ,  comme  il  fe  pratique  dans  les 
matières  fommaires. 

Rrr  2 


5oo  ENQ 

L'ordonnance  de  1667,  lit.  xvij,  art.  8, 
dit  que  fi  les  parties  Te  trouvent  contraires 
en  faits  dans  les  matières  fommaires ,  6c 
que  la  preuve  par  témoins  en  foit  reçue, 
les  témoins  feront  ouis  en  la  prochaine  au- 
dience ,  en  la  préfence  des  parties  fi  elles 
comparent  ,  finon  en  abfence  des  défail- 
lans  ;  6c  que  néanmoins  ,  à  l'égard  des 
cours ,  des  requêtes  de  l'hôtel,  6c  du  palais 
6c  des  préfidiaux  ,  les  témoins  pourront 
être  ouis  au  greffe,  par  un  confeiller  ,  le 
tout  fommairement ,  fans  frais ,  &  fans 
que  le  délai  puifTe  être  prorogé. 

L'article  9  ajoute  que  les  reproches  feront 
propofés  à  l'audience  avant  que  les  témoins 
foient  entendus ,  fi  la  partie  en  préfente  ; 
qu'en  cas  d'abfence ,  il  fera  pafté  outre  à 
l'audition  ,  &  qu'il  fera  fait  mention  fur  le 
plumitif  ou  par  le  procès  -  verbal ,  fi  c'eft 
au  greffe ,  des  reproches  &  de  la  dépofition 
des  témoins.  Voyt^  aujji  l'article  2J  de 
l'ordonnance.  (A) 

Enquêtes  par  turbes  ,  éroit  une  ef- 
pece  d'acte  de  notoriété  ou  information 
que  les  cours  fouveraines  ordonnoient  quel 
quefois ,  lorfqu'en  jugeant  un  procès  il  fe 
trouvoit  de  la  difficulté,  foit  fur  une  cou 
tume  non  écrite ,  foit  fur  la  manière  cfufer 
pour  celle  qui  étoit  rédigée  par  écrit,  ou 
fur  le  ftyle  d'une  jurifdicYton  ,  ou  enfin 
concernant  des  limites  ou  une  longue  pof- 
feffion ,  ou  fur  quelqu'autre  point  de  fait 
important. 

On  les  appelloit  ainfi  ,  parce  que  les. dé- 
positions étoient  données/7£r  turbas ,  6c  non 
l'une  après  l'autre  ,  comme  il  fe  pratique 
dans  les  enquêtes  ordinaires  6c  dans  les  in- 
formations. 

Ces  fortes  ^enquêtes  ne  pou  voient  être 
ordonnées  que  par  les  cours  fouveraines  ; 
les  préfidiaux  même  n'en  pouvoient  pas 
ordonner. 

La  cour  ordbnnoit  qu'un  confeiller  fe 
tranfporteroit  dans  la  jurifdiétion  principale 
de  la  coutume  ou  du  lieu. 

Le  commiftaire  y  faifoit  affembler ,  en 
vertu  de  l'arrêt,  les  avocats,  procureurs 
6c  praticiens  du  bailliage  ;  il  leur  donnoit 
les  faits  6c  articles  ;  6c  les  turbiers  après 
être  convenus  de  leurs  faits ,  envoyaient 
au  commifTaire  leur  avis  au  déclaration  par 
un  député  d'entr'eux. 


ENQ 

Chaque  turbe  devoit  être  compofée  stî 
moins  de  dix  témoins  ;  &  il  falloir  du 
moins  deux  turbes  pour  établir  un  fait, 
chaque  turbe  n'étant  comptée  que  pour  un  , 
fuivant  les  ordonnances  de  Charles  VII, 
en  1446, article  22; de  Louis XII, en  1498, 
article  1  3  ;  de  François  I,  en  1535,  chap. 
pij ,  articles  4  &  y. 

Ces  enquêtes  occafionoient  de  grands 
frais;  elles  étoient  fouvent  inutiles  à  caufe 
de  la  diverfité  des  opinions ,  6c  toujours 
dangereufes  à  caufe  des  factions  qui  s'y 
pratiquoient;  c'eft  pourquoi  elles  ont  été 
abrogées  par  l'ordonnance  de  1667,  th.  xiij. 

Il  y  en  a  cependant  eu  depuis  une,  con- 
firmée par  un  arrêt  du  confeil ,  du  7  fep- 
tembre  1669;  mais  elle  avoit  été  ordonnée 
dès  1666 ,  6c  il  y  avoit  eu  arrêt  en  I66S'-, 
qui  avoit  permis  de  la  continuer. 

Préfentement  lorfqu'il  s'agit  d'établir  un.: 
ufage  ou  un  point  de   jurifprudence ;  on. 
ordonne  des  actes  de  notoriété  ,  ou  bien 
on  emploie  des  jugemens  qui  ont  été  ren- 
dus dans  des  cas  femblables  à  celui  dont  il 
s'agit.  Fbyet Notoriété. (-<4) 

Enquête  verbale.  Voye\  Enquête 
sommaire- 
Enquête  VIEILLE  ,  c'eft-à-dire  ,  une 
enquête  faite  anciennement  avec  d'autres 
parties  :  elle  ne  laiffe  pas  de  faire  preuve 
quand  elle  eft  en  bonne  forme;  mais  étant 
res  inter.  alios  acla ,  elle  n'a  pas  la  même 
force  que  celle  qui  eft  faite  contre  la  même 
partie.  Voyeç  Peleus  ,  quefi.  46.  (A) 

ENQUÊTEURS  ,  f.  m.  pi.  (Jurifp.) 
font  des  officiers  établis  pour  faire  les  en- 
quêtes 6c  informations;  on  lés  appelle  au ffi 
examinateurs  ,  parce  qu'ils  font  l*èxamen 
des  comptes  ,  &  ces  deux  titres  font  ordi- 
nairement précédés  de  celui  de  commif- 
faire  ,  parce  que  ces  offices  ne  font  propre- 
ment que  des  commuions  particulières 
établies  pour  décharger  le  juge  d'une  partie 
de  î'inftruction.  Ce  qui  concerne  ces  offi- 
ciers a  déjà  été  expliqué  aux  mots  COM- 
MISSAIRE au  Chatelet  &  Commis- 
saires -Enquêteurs  ,  auxquels  nous 
renvoyons.  (A  ) 

Enquêteurs  des  forets  ,  inquifito" 
resforejlarum  ,  étoient  des  commiffaires  en- 
voyés par  le  roi  dans  les  provinces,  pour 
,  ccnnoirre  des  abus  qui  fe  commettoient 


ENR 

«ferre  ftifage  ou  exploitation  des  bois.  Il  y 
a  dans  le  tabulaire  de  S.  Victor,  à  Paris, 
(ckap.xii/.)  un  jugement  fort  ancien  ,  dont 
la  date  ne  peut  fe  lire,  rendu  par  Me.  Phi- 
lippe le  Convers,  tréforier  de  S.  Etienne 
de  Troyes ,  clerc  du  roi ,  &  Guillaume  de 
Saint-Michel ,  enquêteurs  des  forêts.  ÇA) 

ENQUIS  ,  ad).  ÇJurifprud.)  Ce  terme 
qui  vient  &  enquérir ,  fignifie  à  peu  près  la 
même  chofe  qu'interrogé.  Il  eft  ufité  prin- 
cipalement dans  les  enquêtes  ;  le  procès- 
verbal  dit ,  en  parlant  d'un  témoin  ,  enquis 
de  fes  nom  ,  furnom  ,  âge  &  qualités  ,  a 
répondu  ,  &c.  Voyt\  ENQUÊTE.  ÇA) 

ENRAYER,  v.  neut.  ( Manège, Maré- 
chal.) exprefîion  en  ufage ,  en  parlant  d'une 
voiture  quelconque  à  deux  ou  à  quatre 
roues  ,  pour  défigner  l'action  de  fixer  une 
ou  deux  d'entr'elles ,  de  manière  que  la  voi- 
ture étant  mife  en  mouvement ,  elles  de- 
meurent immobiles,  &  gliflentfur  leterrain 
au  lieu  d'y  rouler. 

Cette  précaution  eft  extrêmement  pru- 
dente ,  lorfqu'il  eft  queftion  de  defcendre 
une  montagne  rapide.  Par  ce  moyen ,  on 
foulage  considérablement  les  chevaux  qui 
pourroient  fuccomber  fous  le  poids  du 
fardeau  qui  les  pouffe ,  &  qu'ils  font  obligés 
de  retenir  avec  une  force  qui  met  à  des 
épreuves  cruelles  leurs  reins  &  leurs  jar- 
rets. On  conçoit,  fans  doute  j  les  acci- 
dens  qui  pourroient  arriver,  fi  ce  même 
poids ,  à  la  chute  duquel  ils  s'oppofent  , 
î'emportoit  fur  leur  réfiftance.  Voye^  En- 
RAYURE.  (e) 

ENRAYURE,  f.  f.  (Manège,  Maré- 
chal.) On  appelle  de  ce  nom  toute  corde  , 
toute  longe ,  tout  lien  deftiné  à  enrayer  une 
voiture.  Une  fimple  corde  propre  à  tout 
autre  ufage,  eft  nommée  ainfi,  lorfquon 
s'en  fert  à  cet  effet.  Communément  celles 
qui  y  font  confacrées  ,  font  repliées  en 
boucle  à  l'une  de  leurs  extrémités  ;  on  les 
paiTe  d'abord  dans  un  des  brancards ,  &c 
on  les  y  fixe,  en  introduifant  l'extrémité, 
ncoi  repliée  dans  l'anneau  fait  à  l'autre. 
Après  les  y  avoir  fermement  arrêtées',  on 
fait  plufieurs tours,  enembraffantdeux  rais 
de  la  roue  ck  le  même  brancard  en  avant 
de  la  bande  de  cette  même  roue ,  &  l'on 
termine  toutes  ces  circonvolutions  par  un 
double  noeud  coulant.  II. en  eft  d'autres 


•ENR  501 

que  Ton  pafTe  de  même  dans  le  brancard; 
mais  l'extrémité  qui  répond  aux  roues  eft 
garnie  d'un  crochet  de  fer  très-gros  &  très- 
fort  que  Ton  accroche  à  un  rais  feulement. 
Celle-ci  eft  plus  ordinairement  faite  d'un 
cuir ,  ayant  la  même  force  que  les  traits  des 
harnois  ;  on  arrête  ce  cuir  par  le  moyen 
d'une  boucle*  au  brancard  qu'il  embraffe , 
tandis  que  le  crochet  attaché  à  ce  cuir  par 
le  moyen  d'un  anneau  de  fer  ,  tient  pareil- 
lement à  un  des  rais. 

h'enrayure  ordinaire  des  voituriers  ,  des 
charretiers  &  des  rouliers ,  confifte  dans  une 
grande  perche  qu'ils  attachent  par  un  bout 
à  l'extrémité  poftérieure  du  brancard,  en; 
arrière  de  la  bande  de  la  roue ,  &  à  l'extré- 
mité antérieure  en  avant  de  la  même  bande , 
pour  que  cette  même  perche ,  par  fpn  appui 
force  contre  les  jantes  de  la  roue,  occa- 
fione  un  frottement  qui  tient  lieu  dé. 
Yenrayure  ,  &  fatigue   moins  le    rouage. 

O) 

ENRAYURES,  f.  f.  Ipl.    Ç Charpente.) 
c'eft  l'affemblage  de  toutes  les  pièces  qui'< 
compofent  une  ferme. 

ENREGISTREMENT  ,T.  m.  (Juri/p.) 
fignifie  en  général  la  tranfcription  d'un  aclt- 
dans  un  regiflre  ,  foit  en  entier  ou  par" 
extrait.  Cette  formalité  a  pour  objet  decon-r 
ferver  la  teneur  d'un  afte  dont  il  peut  im- 
porter au  roi,  ou  au  public,  ou  à  quelque 
particulier ,  d'avoir  connoiflance. 

Les  marchans  &  négocians ,  banquiers  & 
agens  de  change,  font  obligé,  fuivant  l'or- 
donnance du  commerce ,  d'avoir  des  livres 
ou  regiftres  ,.&  d'y  enregistrer •  (  ou  écrire  ) 
tout  leur  négoce.,  leurs  lettres  de  change, 
dettes  aftives  &paffives. 

On  enregistre  les  baptêmes  ,  mariages  & 
fépultures,  vêtures,  profeflions  en  religion, 
en  infcrivant  les  adtes  fur  des  regiftres  pur 
blics  deftinés  à  cet  effet. . 

Les  a&es  fujets au  contrôle, infinuation,- 
centième  denier  ou  autre  droit,  font  enrê~ 
giftrés  ,  c!eft-à-dire  ,  tranfcrits  en  entier  ou 
par  extrait  fur  les  regiftres  deftinés  pour  ces 
formalités. 

On  enrégifire  aufli  les  faifies  réelles ,  lés  - 
criées ,  les  fubftitutions,  des  bulles  &  pro — 
yifions,  &c.ÇA) 

ENREGISTREMENT  des  ordonnances,^ 


502  ENR 

édits ,  déclarations  ck  autres  lettres-paten- 
tes ,  pris  dans  le  fens  littéral ,  n'eft  autre 
chofe  que  la  tranfcription  de  ces  nouveaux 
xéglemens  que  le  greffier  des  jurifdi&ions  , 
foit  fupérieures  ou  inférieures ,  fait  fur  les 
regiftres  du  tribunal ,  en  conféquence  de  la 
vérification  qui  en  a  été  faite  précédemment 
par  les  tribunaux  fupérieurs  qui  ont  le 
droit  ck  le  pouvoir  de  vérifier  les  nouvelles 
loix. 

Néanmoins ,  dans  l'ufage ,  on  entend 
aufli  par  le  terme  tf  enrégijlrement  la  véri- 
fication que  les  cours  font  des  nouvelles 
ordonnances;  l'arrêt  ou  jugement  qui  en 
ordonne  Y  enrégijlrement  ;  l'admiflion  qui 
<eft  faite  en  conféquence,  par  le  greffier, 
du  nouveau  règlement  au  nombre  des 
minutes  du  tribunal  ;  le  procès  -  verbal 
qu'il  dreffe  de  cet  enrégijlrement  ;  la  men- 
tion qu'il  en  fait  par  extrait  fur  le  repli 
des  lettres  :  on  confond  fouvent  dans  le 
difcours  toutes  ces  opérations  ,  quoiqu'elles 
ibient  fort  diffc rentes  les  unes  des  autres. 

La  vérification  eft  un  examen  que  les 
cours  font  des  lettres  qui  leur  font  adref- 
fees  par  le  roi ,  tant  pour  vérifier  ,  par 
les  formules  nationales ,  fi  le  projet  de  loi 
qui  eft  préfenté  eft  émané  du  prince, 
ou  fi  au  contraire  les  lettres  ne  font  point 
iuppofées  ou  falfifiées ,  que  pour  déli-r 
-bérer  fur  la  publication  ck  enrégijlrement 
d'icelles ,  ck  confentir  ,  au  nom  de  la 
nation ,  que  le  projet  de  loi  foit  regiftré  ck 
exécuté ,  au  cas  qu'il  y  ait  lieu  de  l'approu- 
ver. 

L'arrêt  8  enrégijlrement  eft  le  jugement 
qui ,  en  conféqaence  de  la  vérification  qui 
a  été  faite ,  ck  du  confentement  donné  à 
l'exécution  de  la  loi,  ordonne  qu'elle  fera 
anife  au  nombre  des  minutes  du  tribunal ,  ck 
tranfcrite  dans  {es  regiftres. 

L'admiflion  du  nouveau  règlement  au 
nombre  des  minutes  du  tribunal ,  6k  qui  eft 
Je  véritable  enrégijlrement ,  a  pour  objet  de 
marquer  que  la  loi  a  été  vérifiée  ck  reçue  , 
ck  en  même  temps  de  conftater  cette  loi, 
en  la  confervant  dans  un  dépôt  public  où 
.elle  foit  permanente,  ck  où  l'on  puifle  re- 
courir au  befoin,  ck  vérifier  fur  l'original 
la  teneur  de  (qs  difpofitions.  Elle  eft  diffé- 
rente de  la  tranfcription  qui  fe  fait  4e  ce 


ENR 

même  règlement  fur  les  regiftres  en  par- 
chemin, pour  mieux  en  aflurer  la  conser- 
vation. 

Le  procès-verbal  $  enrégijlrement  eft  la 
relation  que  fait  le  greffier  de  ce  qui  s'eft 
pafte  à  l'occafion  de  la  vérification  ck  enré- 
gijlrement ,  ck  de  l'admiflion  qui  en  a  été 
faite  en  conféquence  du  nouveau  règlement 
entre  les  minutes  du  tribunal. 

La  mention  de  Y  enrégijlrement  que  le 
greffier  met  fur  le  repli  des  lettres ,  eft  un 
certificat  fommaire   par   lequel    il  attefte 

I  qu'en  conféquence  de  l'arrêt  de  vérifica- 
tion ck  enrégijlrement ,  il  a  mis  le  règlement 
au  nombre  des  minutes  ck  regiftres  du  tri- 
bunal. 

La  tranfcription  fur  les  regiftres  en  par- 
chemin n'eft  qu'une  fuite  de  Yenrégijlrementy 
ck  une  opération  qui  ne  fe  fait  quelquefois 
que  long-temps  après ,  pour  la  police  du 
greffe  ck  pour  fuppléer  au  befoin  la  minute 
du  règlement. 

On  conçoit ,  par  ce  qui  vient  d'être  dit , 
combien  la  vérification  eft  différenre  de  la 
fimple  tranfcription  qui  fe  fait  dans  les 
regiftres  ;  mais  comme  le  ftyle  des  cours  , 
lorfqu'elles  ontlvérifié  une  loi ,  eft  d'ordon- 
ner qu'elle  fera  regiftrée  dans  leur  greffe  , 
il  eft  arrivé  de  là  que ,  dans  l'ufage  ,  lorf- 
qu'on  veut  exprimer  qu'une  loi  a  été  vérifiée, 
on  dit  communément  quelle  a  été  enrégif- 
trée ;  ce  qui,  dans  cette  occafion ,  ne  figni- 
fie  pas  Amplement  que  la  loi  a  été  inférée 
dans  les  regiftres  ;  on  entend  principale- 
ment par-là  que  la  vérification  qui  pré- 
cède néceflairement  cet  enrégijlrement  a  été 
faite. 

Toutes  les  différentes  opérations  dont 
on  vient  de  parler,  fe  rapportent  à  deux 
objets  principaux  ;  l'un  eft  la  vérification 
du  nouveau  règlement  ,  l'autre  eft  fon 
admiflion  dans  les  regiftres  du  tribunal  : 
c'eft  pourquoi  l'on  fe  fixera  ici  à  deux 
objets  ,  c'eft-à-dire ,  que  l'on  expliquera  , 
d'abord  ce  qui  concerne  Y  enrégijlrement , 
en  tant  qu'il  eft  pris  pour  la  vérification  , 
ck  enfuite  Y  enrégijlrement  en  tant  qu'il 
fignifie  l'admiflion  ou  tranfcription  du  ré-» 
glement  dans  les  minutes  ck  regiftres  du 
tribunal. 

Avant  d'expJiquer  de  quelle  manière  on 
procède  à  la  vérification  ck  enrégijlrement 


EN  R 

<fune  loi  il  eft  à  propos  de  remonter  à 
l'origine  des  vérifications  &  enrégiflremens , 
&  de  rappeller  ce  qui  fe  pratiquoit  aupara- 
vant pour  donner  aux  nouvelles  loix  le 
caractère  d'autorité  néceffaire  pour  leur  exé- 
cution. 

On  a  toujours  eu  l'attention ,  chez  tou- 
tes les  nations  policées  ,  de  faire  examiner 
les  nouvelles  loix  que  le  prince  propofe  , 
par  ceux  qu'il  a  lui-même  chargés  du 
foin  de  les  faire  exécuter.  La  loi  viij ,  au 
code  de  legibus ,  fait  mention  que  les  nou- 
velles loix  doivent  être  propofées  en  pré- 
fence  de  tous  les  grands  officiers  du  pa- 
lais &  des  fénateurs.  Vopifcus  dit  de 
l'empereur  Probus  qu'il  permit  aux  féna- 
teurs ut  leges  quas  ipfe  ederet  fenatûs-con- 
fulùs  propriis  confecrarent  ;  ce  qui  reffem- 
ble  parfaitement  à  nos  arrêts  tfenrégiftre- 
ment. 

En  France ,  on  a  pareillement  toujours 
reconnu  la  néceflité  de  faire  approuver 
les  nouvelles  loix  par  la  nation ,  ou  par 
les  cours  fouveraines  qui  la  repréfentenr 
en  cette  partie,  &  qui  étant  dépositai- 
res de  l'autorité  royale  ,  exercent  à  cet 
égard  un  pouvoir  naturel ,  émané  du  roi 
même  par  la  force  de  la  loi",  c'eft  ainfi 
que  s'expliquoit  le  chancelier  Olivier , 
dans   un  difeours  fait    au   parlement  en 

rW-  .  - 

Il  eft  vrai  que  jufquau  treizième  flecle 
il  n'eft  point  parlé  de  vérifications  ni  â'en- 
régiftremens  ;  mais  il  y  avoit  alors  d'autres 
formes  équipollenres. 

Sous  les  deux  premières  races  ,  lorfque 
nos  rois  vouloient  faire  quelque  loi  nou- 
velle ,  ils  la  propofoient  ou  faifoient  pro- 
poser par  quelque  perfonne  de  confidé- 
ration  ,  dans  un  de  ces  parlemens  géné- 
raux ou  affemblées  de  la  nation  ,  qui  fe 
renoient  tous  les  ansr  d'abord  au  mois  de 
mars  ,  &  que  Pépin  transféra  au  mois  de 
mai. 

Ces  affemblées  étoient  d'abord  compofées 
de  toute  la  nation ,  des  grands  &  du  peu- 
ple ;  mais  fous  ce  nom  de  peuple  on  ne 
comprenoit  que  les  Francs  ,  c'eft-à-dire , 
ceux  qui  compofoient  originairement  la  na- 
tion Françoife  ,  ou  qui  étoient  defeendus 
d'eux,  ck  ceux  qui  étoient  ingénus,  c'eft- 
à*-dire ,,  libres,. 


E  N  R  505 

Chacun  dans  ces  affemblées  avoit  droit 
de  fuffrage  :  on  frappoit  fur  fes  armes  pour 
marquer  que  l'on  agréoit  la  loi  qui  étoit 
propofée  ;  ou  ,  s'il  s'élevoit  un  murmure 
général ,  elle  étoit  rejetée. 

Lorfque  l'on  écrivit  ck  que  l'on  réforma 
la  loi  falique  fous  Clovis,  cette  affaire  fut 
traitée  dans  un  parlement,  de  concert  avec 
les  Francs ,  comme  le  marque  le  préambule 
de  cette  loi  :  Clodoveus  unà  cum  Francis- 
pertraclavit  ut  ad  titulos  aliquid  amplihs 
adderet  ;  c'eft  aufli  de-là  qu'on  lui  donna 
le  nom  de  pacte  de  la  loi  falique.  On  voir  j'- 
en effet ,  que  ce  n'eft  qu'un  compote 
d'arrêtés  faits  fucceflivement  dans  les  dif* 
férens  parlemens  :  elle  porte  ,  entr'autres 
chofes  ,.  que  les  Francs  feroient  juges  les 
uns  des  autres  avec  le  prince  ,  ck  qu'ils 
décerneroient  enfemble  les  loix  à  l'avenir, 
félon  les  occasions  qui  fe  préfenteroient, 
foit  qu'il  fallût  garder  en  entier  ou  réfor- 
mer les  anciennes  coutumes  venues  d'Alle- 
magne. 

Aufli  Childebert  en  ufa-t-il  de  cette  forte, 
lorfqu'il  fit  de  nouvelles  additions  à  cette 
loi  :  Childtbertus  traclavit  ,  eft-il  dit ,  cum 
Francis  fuis.     ■ 

Ce  même  prince ,  dans  un  décret  qui 

contient  encore  d'autres  additions  ,  déclare 

•qu'elles  font  le  réfultat  d'un  parlement  com- 

pofé  des  grands  ck  des  personnes  de  toutes 

conditions  ;  ce  qui  ne  doit  néanmoins  être 

entendu  que  de perfonnes  franches  cklibres: 

Cum  nos  omnes  ,  calendis  Mardi ,  (  con- 

gregatij  de  quibufeumque  conditionibus  , 

\  una  cum  noftris  optimatibus  pertrac7avimus0 

Ces  additions  furent  même  faites  endiffé- 

•rens  parlemens  ;  l'une  eft  datée  du  champ  de 

Mars  d'Atigny ,  l'autre  du  champ  de  Mars 

fuivant ,  une  autre  du  champ  de  Mars  tenu 

à  Maeftricht,  &c. 

Les  autres  loix  anciennes  furent  faites  de 
la  même  manière  :  celle  des  Allemands, 
par  exemple  ,  porte  en  titre,  dans  les  an- 
ciennes éditions ,  qu'elle  a  été  établie  par 
fes  princes  ou  juges,  ck  même  par  tout  le' 
peuple  :  Quœ  temporibus  Clotarii  régis ,. 
uriâ  cum  principibus  fuis  ,  idfunt  34  *pif~\ 
copis ,  &  3  4  ducibus ,  &  y 2.  comitibus  ,pefc 
cœtero  populo  conftituta  eft. 

Oh  lit  aufli  dans  la  loi  des  Bavarois  ,- 
q&i    fut  dreffée   par  Thierry,  ck  revue 


5^4  ENR 

fuccefnVernent  par  Childeberf,  Clotaire  & 
Dagobert ,  qu'elle  fut  réfolue  par  le  roi 
&  Tes  princes  ,  &  par  tout  le  peuple  : 
Hoc  decretum  eft  apud  regcm  &  principes 
ejus ,  &  apud  cunclum  popuLum  chrif- 
tianum,  qui  intrà  regnum  Mervengorum 
confiant. 

Toutes  les  autres  loix  de  ce  temps  font 
mention  du  contentement  général  de  la 
nation  ,  à  peu  près  dans  les  mêmes  ter- 
mes :  Placuit  atquc  convenu  inter  Francos 
&  eorum  proceres  ;  ita  convenu  &  placuit 
leudis  noftris.  Ce  terme  leudis  comprenoit 
slors  ,  non  -  feulement  les  grands ,  mais  , 
en  général ,  tous  les  Francs  ,  comme  il 
eft  dit  dans  Yappendix  de  Grégoire  de 
Tours  ,  in  univerjîs  leudis  ,  tam  jublimi- 
bus  quàm  pauperibus.  Pour  ce  qui  eft 
de  l'ancienne  formule  ,  ita  placuit  &  con- 
tenu nobis  ,  il  eft  vifible  que  c'eft  de  là 
qu'eft  venue  cette  claufe  de  ftyle  dans 
les  lettres-patentes ,  car  tel  efl  notre  plai- 
fir ,  &c. 

Les  affemblées  générales  de  la  nation 
«étant  devenues  trop  nombreufes ,  on  n'y 
admit  plus  indiftincîement  toutes  les  per- 
fonnes  franches  :  on  aflembloit  les  Francs 
'dans  chaque  province  ou  canton  pour 
avoir  leur  fuffrage  ,  &  le  vœu  de  chaque 
affemblée  particulière  étoit  enfuite  rap- 
porté par  des  députés  à  l'afTemblée  géné- 
Tale  ,  qui  n'étoit  plus  compofée  que  des 
•grands  du  royaume  ,  &  des  autres  per- 
sonnes qui  avoient  caractère  pour  y  aiîlf- 
*er  ,  tels  que  les  premiers  fénateurs  ou 
•confeillers. 

C'eft  ainft  que  Charlemagne ,  l'un  de 
nos  plus  grands  &  de  nos  plus  puiftans 
monarques ,  en  ufa ,  lorfqu'il  voulut  faire 
tune  addition  à  la  loi  falique  ;  il  ordonna 
que  Ton  demanderoit  l'avis  du  peuple  , 
&c  que  s'il  confentoit  à  l'addition  nouvelle- 
ment faite ,  chaque  particulier  y  mît  fon 
-feing  ou  fon  fceau  :  Ut  populus  interro- 
gctur  de  capitulis  quee  in  lege  noviter  addita 
funt ,  &  pofiquam  omnes  confenferint  fuf- 
£riptiones  vel  manu  firmationes  fuas  in 
ipjis  capitulis  faciant.  Cette  ordonnance 
-frit  inférée  dans  la  loi  falique  ,  &  autorifée 
jde  nouveau  par  Charles  le  Chauve ,  lequel 
iaiit  inférer  dans  îepitome  qu'il  donna  de 


ENR 

Plufieurs  des  capitulâmes  de  Charles  le 
Chauve  portent  pareillement  qu'ils  ont  été 
faits  ex  confenfu  populi  &  conftitutione  ré- 
gis ,  notamment  ceux  des  années  844  &  864. 

C'eft  donc  de  ces  affemblées  générales  de 
la  nation  que  fe  font  formés  les  anciens  par- 
lem ans  tenus  fous  la  féconde  race ,  lefquels  , 
d'ambulatoires  qu'ils  étoient  d'abord  ,  furent 
rendus  (ëdentaires  à  Pans  fous  la  troifieme 
race ,  du  temps  de  Philippe-le-Bel. 

Lorque  les  pademens  généraux  furent 
réduirs  aux  feuls  grands  du  royaume  ,  & 
autres  perfonnes  qui  avoient  caractère  pour 
y  aflifter,  tous  les  Francs  étoient  cenfés  y 
délibérer  par  l'organe  de  ceux  qui  les  y  re- 
préfentoient. 

Les  nouvelles  ordonnances  étoient  alors 
délibérées  en  parlement,  le  roi  y  féant,  ou 
autre  perfonne  qualifiée  de  par  lui ,  c'eft- 
à-dire,  qu'elles  étoient  dreftées  dans  le  par- 
lement même,  au  lieu  que  dans  la  fuite  on 
en  a  rédigé  le  projet  dans  le  confeil  du 
roi. 

La  délibération  en  parlement  tenoit  lieu 
de  la  vérification  &  enregistrement ,  dont 
l'ufage  a  été  introduit  depuis.  Cette  déli- 
bération étoit  d'autant  plus  néceflaire  pour 
donner  force  aux  nouvelles  loix  ,  que  fui- 
vant  la  police  qui  s'obfervoit  alors  pour  les 
fiefs  >  les  barons  ou  grands  vaffaux  de  la 
couronne  qui  étoient  tous  membres  du 
parlement,  étoient  chacun  maîtres  de  leurs 
domaines ,  qui  coinpofoient  au  moins  les 
deux  tiers  du  royaume  ;  ils  s'étoient  même 
arrogé  le  droit  d'y  faire  des  réglemens  :  ÔC 
le  roi  n'y  pouvoitrien  ordonner  que  de  ieur 
confentement ,  c'eft  pourquoi  il  en  eft  fait 
mention  dans  plufieurs  ordonnances  qui 
dévoient  avoir  lieu  dans  les  terres  de  ces 
barons. 

Tels  font  deux  établifTemens  ou  ordon- 
nances faites  par  Philippe- Augufte;  l'une 
du  premier  mai  1209,  touchant  les  fiefs  du 
royaume  ,  où  il  eft  dit  que  le  roi ,  le  duc  de 
Bou  rgogne  ,  les  comtes  de  Nevtrs ,  de  Bou- 
logne &  de  Saint-Paul ,  le  féigneur  de  Dom- 
pierre ,  &  plufieurs  autres  grands  du  royau- 
me ,  convient  unanimement  de  cet  éta- 
blifTement  :  convenerunt  6*  ajfenfu  publico 
formaverunt  ,ut  à  primo  die  maii  in  pofte- 
rum  itajît  de  feodqlibus  tenementis.  L  autre 
ordonnance,  qui    eft  fans  date  ,  eft  un 

accord 


ENîl 

accord  entre  le  roi ,  les  clercs  Se  les  ba- 
rons. 

On  trouve  auflî  un  ctablifTement  de 
Louis*"VIII  ,  en  1223  ,  où  il  dit  :  Noveritis 
quod per  voluntatem  &  qffenfum  archiepifeo- 
porum  ,  epifeoporum  ,  comitum  ,  baronum  & 
militum  regni  Franciœ....  fccimusjlabilimen- 
tumper  Judœos. 

Joinville  ,  en  fbn  hiftoire  de  S.  Louis  , 
fait  mention  des  parlemens  que  tenoit  ce 
prince  pour  faire  les  nouveaux  établijfemens. 
Il  fuffît  d'eu  donner  quelques  exemples  , 
tels  que  fon  ordonnance  du  mois  de  mai 
1246  ,  où  il  dit  :  Hcec  autem  omnia...  de 
commuai  confdio  &  ajfenfu  diclorum  baronum 
&  militum.  ,  volumus  &  prœcipimus  ,  &c... 
&  ce  qu'il  fit  touchant  le  cours  des  efterlins,,- 
à  la  fin  de  laquelle  il  eft  dit  ,facla  fuit  hœc 
ordinatio  in  parlamento  omnium  Sanclorum  , 
anno  Dominimillefimo  ducentejimofexagejimo 
quinto. 

Le  règne  de  «-Philippe  III,  dit  le  Hardi, 
nous  offre  une  foule  d'ordonnances  faites 
par  ce  prince  en  parlement  ,  notamment 
celles  qu'il  fit  aux  parlemens  de  l'Afceuiion 
en  1272  ,  de  l'oâave  de  la  ToufTaint  de  la 
même  année  ,  de  la  Pentecôte  de  l'année 
£u  i  vante  ,  de  l'AfTomption  eu  1274,  de  la 
ToufTaint  ou  de  Noël  en  1275 ,  de  l'Epipha- 
nie en  1277  ,  &  de  la  ToufTaint  en  1283. 
Les  ordonnances ,  ainfi  délibérées  en  parle- 
ment ,  étoient  regardées  en  quelque  forte 
comme  fbn  ouvrage,  de  même  que  fesarrêts; 
c'eft  pourquoi  on  les  inferivoit  au  nombre 
des  arrêts  de  la  cour,  comme  il  eft  dit  à  la 
fin  des  ordonnances  de  1283  :  Hcec  ordina- 
tio regijlrata  eft  inter  judicia  ,  confdia  &  ar- 
refta  expedita  in  parlamento  omnium  Sanclo- 
rum ,  anno  Domini  1283.  La  même  chofefe 
trouve  à  la  fin  d'une  ordonnance  de  1287 , 
&  aufîi  de  deux  autres  de  1327  &  de  1331 , 
&  de  plufieurs  autres.  . 

Pfiilippe-le-Bel  fit  aufîi  plufieurs  ordon- 
nances en  parlement  dans  les  années  1287 , 
1288  ,  1290  ,  1291  ,  1296.  La  première  de 
ces  ordonnances ,  qui  eft  celle  de  1287  , 
commence  par  ces  mots  ,  ceft  t  ordonnance 
faite  par  la  cour  de  notre  feigneur  le  Roi  & 
de  fon  commandement  ;  &  à  la  fin  il  eft  dit 
quelle  fut  faite  au  parlement,  &  qu'elle  fe- 
roit  publiée  en  chaque  baillie  en  la  première 
afîife,  &c. 

Tome  XII. 


ENR  5o5 

A  la  fin  de  celle  de  1288  ,  il  eft  dit  qua 
fi  quelqu'un  y  trouve  de  la  difficulté  ,  ou 
confultera  la  cour  du  roi  &  les  maîtres  (  du 
parlement.  ) 

Il  s'en  trouve  aufîi  plufieurs  du  même 
prince,  faites  en  parlement  depuis  qu'il  eut 
rendu  cette  cour  fédentaire  à  Paris  en  1302  \ 
entr'autres  celle  du  3  octobre  1303  ,  faite 
avec  une  partie  feulement  des  barons^ 
parce  que  ,  dit  Philippe-le-Bel ,  il  ne  pou- 
voit  pas  avoir  à  ce  confeil  &  à  cette  délibé- 
ration les  autres  prélats  &  barons  fi-tôt  que 
la  nécefîité  lerequesroit  j  &  les  barons  dans 
leur  fbufeription  s'énoncent  ainfi  :  nous, parce 
que  ladite  ordonnance  nous  femble  convenable 
& profitable  a  la  befogne  ,  &  ft  peu  greveufe... 
q-ue-mdne~9fa  doit  refufir^-nousy  c&nfcmmis^. 
L'ordonnance  de  ce  prince  du  28  février 
1308  ,  deux  autres  du  jeudi  avant  les  Ra- 
meaux de  la  même  année  ,  &  une  autre  du 
premier  mai  1 3 1 3  ,  font  faites  eu  plein  par- 
lement. 

Il  s'en  trouve  de  fèmblables  de  Philippe  VI 
dit  de  Valois ,  des  24  juillet  1333  ,  10  juillet 
1336,  17  mai  1345  ,  <k  après  la  St.  Martin 
d'hiver  en  1 347. 

Il  y  a  encore  bien  d'autres  ordonnances  du 
temps  de  ces  mêmes  princes ,  lefquelles  fu- 
rent aufîi  délibérées  en  parlement ,  quoique 
cela  n'y  fbit  pas  dit  précifément ,  mais  il  eft 
aifé  de  le  reconnoître  a  l'époque  de  ces  or- 
donnances ,  qui  font  prcfque  toutes  datées 
des  temps  voifins  des  grandes  fêtes  auxquels 
on  tenoit  alors  Je  parlement. 

On  trouve  encore  ,  du  temps  de  Charles 
VI,  un  exemple  de  lettres  du  5  mars  1388  , 
qui  furent  données  en  parlement. 

Quelques  -  uns  croient  que  l'on  en  ufa 
ainfi  jufqu'au  règne  du  roi  Jean  ,  par  rap- 
port à  la  manière  de  former  les  nouvelles 
loix  dans  l'aftëmblée  du  parlement,  &  que 
ce  fut  ce  prince  qui  changea  cet  ufage  par 
une  de  Tes  ordonnances  ,  portant  que  les 
loix  ne  fbroient  plus  délibérées  au  parle- 
ment ,  lorfque  l'on  en  formoit  le  projet. 
Le  chancelier  Olivier  ,  dans  un  difeours 
qu'il  prononça  au  parlement  eu  1559  ,  cite 
cette  ordonnance  fans  la  dater  i  il  y  a  appa- 
rence qu'il  avoit  en  vue  l'ordonnance  faite 
le  27  janvier  1359  ,  pendant  la  captivité  du 
roi ,  par  Charles  ,  régent  du  royaume  ,  & 
qui  fut  depuis  le  roi  Charles  V  j    il  dit 

S  £C 


5c£  E  N  R 

(  art.  29  )  que  dorénavant  il  ne  fera  plus 
aucune  ordonnance,  ni  n'o&roiera  aucun  pri- 
vilège, que  ce  ne  foit  par  délibération  de 
CGiix  de  fon  confeil. 

Mais  l'ufagc  de  former  les  nouvelles  or- 
donnances dans  le  confeil  du  roi  eft  beau- 
coup plus  ancien  que  celle  de  1 3  59  ;  il  s'étoit 
introduitpeu-à-peu  dès  le  temps  de  Philippe 
jyi ,  &  de  fes  fucceifeurs.  La  plupart  des 
nouvelles  ordonnances  commencèrent  à  être 
délibérées  dans  le  confeil  du  roi ,  qui  étoit 
au  fil  appelle  le  grand  confeil  du  roi  ,  &  On 
les  envoyoit  enfùite  au  parlefnent  pour  les 
vérifier  &  enrégiflrer  ,  comme  ilfe  pratique 
encore  présentement. 

Il  faut  néanmoins  prendre  garde  que  , 
dans  les  premiers  temps  où  les  ordonnances 
commencèrent  à  être  délibérées  dans  le  con- 
feil ,  plufieurs  des  ordonnances  qui  font  dites 
faites  ainfï ,  par  le  roi  ou  fon  confeil ,  ou  par 
le  confeil  le  roi  préfent  ,  ne  lailfoient  pas 
detre  délibérées  en  parlement,  attendu  que 
le  roi  tetioit  fouvent  fou  confeil' en  parle- 
ment. C'eft  ainfi  que  l'ordonnance  de  Phi- 
lippe IJI,  dit  le  Hardi ,  touchant  "les  amor- 
tiffemens  qui  feroient  accordés  par  les  pairs, 
commence  par  ces  mots:  ordinatum  fuit per 
confilium  de  régis,  regeprœfente  ;  ce  qui  n'em- 
pêche pas  qu'elle  n'ait  été  faite  au  parlement 
de  l'Epiphanie  en  12^77. 

On  a  déjà  vu  que  dès  l'année  1283  ,  il  eft 
fait  mention  d'cnrégiflrement  au  bas  de  quel- 
ques ordonnances.  Ii  eft  vrai  que  la  plupart 
de  celles  où  cette  mention  fe  trouve  avoient 
été  délibérées  en  parlement  •-,  de  forte  que 
cet  enrégift  rement  exprimé  parle  mot  regif 
trata,  fe  rapportoit  moins  à  une  vérification 
telle  qu'on  l'entend  aujourd'hui  par  le  terme 
cenrégi/lrement ,  qu'à  une  fimple  tranferip- 
tion  de  la  pièce  fur  les  regiftres  ;  la  délibé- 
ration faite  en  parlement  tenoit  lieu  de  véri- 
fication. 

La  plus  ancienne  ordonnance  que  j'aie 
trouvée  du  nombre  de  celles  qui  n'avoient 
pas  été  délibérées  en  parlement ,  &  où  il 
foit  fait  mention  d'un  enrégift rement  qui 
emporte  en  même  temps  la  vérification  de 
la  pièce  ,  c'eft  l'ordonnance  de  Philippe  de 
Valois ,  du  mois  d'octobre  1 3 34 s  touchant 
la  régale.  Ce  prince  mande  à  fès  amés  & 
féaux  les  gens  qui  tiendront  le  prochain 
parlement  j  &.  aux  gens  des  comptes  3  que 


ENR 

à  perpétuelle  mémoire  ils  fafTent  ces  préfèn- 
tes  enrégiflrer  es  chambres  du  parlement  &c 
des  comptes  ,  tk  garder  pour  original  au 
tréfor  des  chartres. 

On  lit  aufîi  au  bas  des  lettres  du  même 
prince  ,  du  10  juillet  1336  ,  concernant 
l'évêque  d'Amiens  ,  lecla  per  cameram ,  re- 
gifîrata  in  curia  parlamenti  in  libro  ordinU- 
tionum  regiarum ,  fol.  50 ,  anno  nono.  Ce 
mot  lecla  fait  connoître  qu'il  étoit  dès-lors 
d'ufage  de  faire  la  lecture  &  publication  des 
lettres  avant  de  les  enrégiflrer  :  celles-  ci  à 
la  vérité  ,  furent  données  en  parlement.  Et 
les  autres  mots  regiftrata....  in  libro  ordina- 
tionum  ,  juftifient  qu'il  y  avoit  déjà  des  re- 
giftres particuliers  deftinés  à  tranferire  les 
ordonnances. 

L'ufage  de  la  lecture  &  publication  qui 
précède  Yenrégijïrement ,  continua  de  s'affer- 
mir fous  les  règnes  fuivans.  Il  paroît  par 
une  ordonnance  du  roi  Jean  ,  du  mois  de 
mai  1355,  par  laquelle  il  confirme ,  pour  la 
féconde  fois ,  celle  de  Philippe-le-Bel ,  du 
23  mars  1302  ,  pour  la  réformation  du 
royaume.  Il  eft  fait  mention  au  bas  de  ces 
lettres  ,  qu'elles  ont  été  lues  &  publiées  fo- 
lemnellement  en  parlement ,  en  préfènee 
de  l'archevêque  de  Rouen  ,  chancelier  ,  de 
plufîeurs  autres  prélats  ,  barons  ,  préfidens , 
&  confeillers  du  roi  au  parlement ,  &  en 
préfeuce  de  tous  ceux  qui  voulurent  s'y 
trouver}  ce  qui  juftifie  que  cette  lecture  fè 
faifoit  publiquement. 

Charles  V  ,  dans  une  ordonnance  du  14 
août  1374  ,  mande  aux  gens  de  fon  parle- 
ment ,  afin  que  perfonne  ne  prétende  caufè 
d'ignorance  de  ladite  ordonnance ,  de  la  faire 
publier  &  regiflrer  tant  à  ladite ,  cour  ,  que 
dans  les  lieux  principaux  &  accoutumés  des 
fënéchauffées  dont  cette  ordonnance  fait 
mention. 

Dans  le  même  mois  fut  enregistrée  la  fa- 
meufè  ordonnance  qui  fixe  la  majorité  des 
rois  de  France  à  l'âge  de  quatorze  ans.  Il 
eft  dit  qu'elle  fut  lue  &  publiée  en  la 
chambre  du  parlement  ,  en  préfence  du 
roi  tenant  fon  lit  de  juftice  ,  &  en  pré- 
feuce de  plufieurs  notables  perfonnages, 
dont  les  principaux  font  dénommés;  qu'elle 
fat  écrite  &  mife  dans  les  regiftres  du  par- 
lement ,  Se  que  l'original  fut  mis  au  tréfor 
des  chartres, 


ENR 

On  trouve  encore  beaucoup  d'autres 
exemples  ôHenrégijlremens  du  même  règne  : 
mais  nous  nous  contenterons  d'en  rap- 
porter encore  un  du  temps  de  Charles  VI , 
dont  il  eft  parlé  dans  fon  ordonnance  du  5 
février  1388  ,  touchant  le  parlement }  le  roi 
lui-même  ordonne  aux  gens  de  fon  parle- 
ment que  cette  préiènte  ordonnance  ils  faf- 
feut  lire  &  publier  ,  &  icelle  enrégiftrer  à 
fin  de  perpétuelle  mémoire. 

Il  feroit  inutile  de  rapporter  d'autres 
exemples  plus  récens  de  femblables  enré- 
gijiremens ,  cette  formalité  étant  devenue 
dès-lors  très-commune. 

La  forme  des  vérifications  &  enrégif- 
tremens  fut  donc  ainfi  fubftituée  au  droit  dont 
le  parlement  avoit  toujours  joui  ,  de  con- 
courir avec  le  fouverain  à  la  formation  de 
la  loi.  Le  parlement  conferva  pour  les  véri- 
fications la  même  liberté  de  fufFrages  qu'il 
avoit ,  lorique  les  ordonnances  étoient  dé- 
libérées en  parlement  3  &  fi  le  régent ,  dans 
fon  ordonnance  du  27  janvier  1359,  n'a 
pas  expliqué  que  cette  liberté  étoit  confèr- 
vée  au  parlement,  c'eft  que  la  chofe  étoit 
affez  fènfîble  d'elle-même  ,  étant  moins  un 
.droit  nouveau  qu'une  fuite  du  premier  droit 
de  cette  compagnie.  C'eût  été  d'ailleurs 
une  entreprife  impraticable  à  ce  prince, 
fur-tout  dans  un  temps  de  régence  ,  d'abro- 
ger entièrement  des  ufages  aufll  anciens  que 
précieux  pour  la  nation  &:  pour  les  intérêts 
même  du  roi  }  on  ne  peut  préfumer  une  telle 
idée  dans  un  prince ,  encore  entouré  de 
vafTairx  ,  qui  difputoient  de  puilfance  avec 
leur  fouverain  :  ce  fut  afTez  pour  le  régent 
d'affranchir  le  roi  de  l'efpece  d'efclavage  où 
étoient  fes  prédéceffeurs  de  ne  pouvoir  for- 
mer le  projet  d'aucune  loi  fans  le  concours 
du  parlement  \  il  fe»  contenta  de  recouvrer 
la  vraie  '  prérogative  du  fceptre  ,  &  dont 
nos  premiers  rois  ufoient  ,  en  dirigeant 
feuls  ou  avec  leur  confeil  particulier ,  les 
loix  qu'ils  propofoient  enfuite  aux  champs 
de  mars  &  de  mai. 

Le  roi  Jean  ,  &  Charles  fon  fils,  en 
qualité  de  régent  du  royaume  ,  envoyèrent 
donc  leurs  loix  toutes  drefTées  au  parle- 
ment ,  qui  les  vérifia  &  enrégiftra  avec 
toute  liberté  de  fufFrages.  On  fit  des  re- 
montrances félon  l'exigence  des  cas  ,  pour 
juftifier  les  motifs  de  fon  refus ,  ainfi  que 


E  N  K  5o7 

cela  s'eft  toujours  pratiqué  depuis  :  en  quoi 
nos  rois  ont  de  leur  part  fuivi  cette  belle 
parole  que  Cafiiodore  rapporte  de  Thierri , 
roi  d'Italie  ,  pro  œquitate  fervanda  etiam 
nobis  patimur  contradici. 

Uenrégijlrement  des  nouvelles  ordonnan- 
ces n'eft  ptfs  comme  l'on  voit  un  fimple 
cérémonial  ;  &  en  inférant  la  loi  dans  les 
regiftres,  l'objet  n'eft  pas  feulement  d'en 
donner  connoilfance  aux  magiftrats  &  aux 
peuples ,  mais  de  lui  donner  le  caractère  de 
loi ,  qu'elle  n'auroit  point  fans  la  vérifica- 
tion &  enrégijirement ,  lefqueîs  fe  font  en 
vertu  de  l'autorité  que  le  roi  lui-même  a 
confiée  à  fon  parlement. 

Pour  être  convaincu  de  cette  vérité ,  il 
fùffit  de  rapporter  deux  témoignages  non 
fufpe&s  à  ce  fujet  5  l'un  de  Louis  XI  , 
lequel  difoit  que  c'eft  la  coutume  de  pu- 
blier au  parlement  tous  accords  \  qu'autre- 
ment ils  fèroient  de  nulle  valeur"  :  l'autre 
de  Charles  IX  ,  lequel  en  1561  faifoit  dire 
au  pape  par  fon  ambaffadeur  ,  qu'aucun 
édit ,  ordonnance ,  ou  autres  actes  n'ont 
force  de  loi  publique  dans  le  royaume  , 
qu'il  n'en  ait  été  délibéré   au  parlement. 

Nos  rois  en  parlant  de  l'examen  que  les 
cours  font  des  nouveaux  réglemens  qui  leur 
font  préfentés  ,  l'ont  eux-mêmes  fouvent 
qualifié  de  vérification  ou  enrégijirement 
comme  termes  fynonymes. 

C'eft  ainfi  que  Charles  régent  du  royaume, 
&  qui  fut  depuis  le  roi  Charles  V  ,  s'expli- 
que dans  une  ordonnance  du  dernier  novem- 
bre 1358  j  il  défend  aux  gens  des  comptes 
qu'ils  ne  pafîènt ,  vérifient ,  ou  enrégijlrent 
en  la  chambre  aucunes  lettres  contraires  à 
cette  ordonnance. 

L'ordonnance  de  Rouiîîllon  ,  article  35, 
porte  que  les  vérifications  des  cours  de 
parlement  fur  les  édits ,  ordonnances  & 
lettres-patentes ,  feront  faites  en  François. 

Celle  qui  fut  faite  au  mois  d'octobre 
pour  la  Bretagne ,  porte  que  la  cour  pro- 
cédera en  toute  diligence  à  la  vérification 
des  édits  &  lettres-patentes. 

L  edit  d'Henri  IV ,  du  mois  de  janvier 
1 597  ,  art.  2  ,  veut  que  fi-tôt  que  les  édits 
&  ordonnances  ont  été  renvoyés  aux  cours 
fbuveraines  ,  il  foit  promptement*  procédé 
à  la  vérification  ,   &c. 

Il  eft  vrai  que  pour  l'ordinaire  ,    dan» 
S  f  f  2 


<o8  ENR 

radreiTe  qui  eft  faite  des  lettres  aux  cours  , 
le  roi"  leur  mande  feulement  qu'ils  aient 
à  les  faire  lire  ,  publier  &  enrégijirer  :  mais 
cela  eft  très-naturel ,  parce  que  quand  il 
envoie  une  loi  ,  il  préfilme  qu'elle  eft 
bonne,  &£  que  la  vérification  ne  fera  au- 
cune difficulté  :  d'ailleurs  ,  la  lecture -même 
qu'il  ordonne  être  faite  du  règlement ,  efl 
pour  mettre  les  membres  de  la  compagnie 
en  état  de  délibérer  fur  la  vérification.. 

Les  ordonnances ,  édits  ,  déclarations  , 
&.  autres  lettres- patentes  contenant  règle- 
ment général  j  ne  font  point  enrégifirées  au 
ccnfèil  du  roi ,  attendu  que  ce  n'eft  pas 
une  cour  de  juftice  \  elles  ne  font  adreflèes 
par  le  roi  qu'aux  cours  fouveraines  &  aux 
eonfèils  fupérieurs  qui  font  les  mêmes  fonc- 
tions. 

Lorfqu'on  les  adreffe  à  différentes  cours  , 
elles  font  d'abord  vérifiées  &  enrégifirées  au 
parlement  de  Paris  5  c'eft  une  des  préroga- 
tives de  ce  parlement  :  c'eft  pourquoi 
Charles  IX  ,  ayant  été  déclaré  majeur  à  13 
ans  &  jour  au  parlement  de  Rouen  en  1 563  , 
Je  parlement  de  Paris  nenrégifira  cette  dé- 
claration qu'après  d'itératives  remontrances , 
fondées  fur  le  droit  qu'il  a  de  vérifier  les 
édits  avant  tous  les  autres  parlemens  &  au- 
tres cours. 

Les  ordonnances  &:  les  édits  font  enré- 
gifîrcs  toutes  les  chambres  afîèmblées  \  &  fi 
c'eft  dans  une  compagnie  fèmeftre ,  on 
aflèmble  pour  cet  effet  les  deux  femeftres. 
Les  déclarations  données  en  interprétation  ] 
de  quelque  édit,  font  ordinairement  enrégif- 
irées par  la  grand'chambre  feule  ,  apparem- 
ment pour  en  faire  plus  prompte  expédition  , 
&  lorfqueles  déclarations  font  moins  de  nou- 
velles loix  ,  qu'une  fuite  néceffaire  &  une 
fîmple  explication  de  loix  déjà  enrégifirées. 
Il  y  a  quelquefois  de  nouveaux  réglemens 
qui  ne  font  adreflès  qu'à  certaines  cours , 
qu'ils  concernent  feules  :  mais  quand  il 
«agit  des  réglemens  généraux  ,  ils  doivent 
être  enrégiflrés  dans  tous  les  parlemens  & 
confeils  feuverains. 

On  les  fait  aufli  enrégijirer  dans  les  autres 
cours  fouveraines  ,  lorfqu'il  s'agit  de  ma- 
tières qui  peuvent  être  de  leur  compétence. 
C'eft  aiiîfî  que  dans  une  ordonnance  de 
Charles  V  ,  du  24  juillet  1364,  il  eft  dit 
que  ces  lettres  feront  publiées  par-tout  où  J 


ENR 

î  il  appartiendra,  ck  enrégifirées  en  h  chnmbre 
des  comptes  ot  en  celie  du  trèfor  à  Paris. 
Quand  on  refufbit  $  enrégijirer  des  lettres 
à  la  chambre  des  comptes ,  on  les  mettoit 
dans  une  armoire  qui  étoit  derrière  la  porte 
de  la  grand'chambre  (  c'étoit  apparemmert 
le  grand  bureau.)  ,  avec  les  autres  chartes 
refufées  &  non  expédiées ,  &  l'on  en  faifoit 
mention  en  marge  de?  lettres.  Il  y  en  a  un 
exemple  dans  des  lettres  de  Charles  V  ,  du 
mois  de  mars  1372.  La  chambre  ayant  re- 
fîne en  1595  ai  enrégifîrer  un  édit  portant 
création  de  receveurs  provinciaux  des  par- 
ties cafuelles ,  ordonna  qu'il  feroit  informé 
contre  ceux  qui  adminiftrent  mémoires  6c 
inventions  dédits  préjudiciables  à  la  gran- 
deur &  autorité  du  roi  \  elle  fit  le  21  juin 
des  remontrances  à  ce  fujet  ,  &:  ledit  fut 
retiré. 

Les  généraux  des  aides  ,  dès  les  premiers 
temps  de  leur  établiifement ,  enrégifiroient 
au/fi  les  lettres  qui  leur  éteient  adreffées  ^ 
tellement  que  Charles  V  ,  par  une  ordon- 
nance du  i3  novembre  1372,  défend  au 
receveur- général  de  payer  iur  aucunes  let- 
tres ou  mandemeus,  s'ils  ne  font  vérifiés  en 
la  chambre  ou  ailleurs  ,  où  les  généraux  fe- 
ront affemblés  }  &  il  eft  dit  que  dorénavant 
les  notaires  mettront  es  vérifications  le  lieu 
où  elle  aura  été  faite  j  qu'en  toutes  lettres 
&  mandemens  refufés  en  la  chambre  (  des 
généraux  )  ,  il  fera  écrit  au  dos  figné  des 
notaires  ,  que  les  lettres  ont  été  refufées , 
&  cela  quand  même  les  généraux  au  lieu 
de  les  refufer  abfoiument ,  prendront  un 
long  délai  pour  faire  réponfe  j  &  il  or- 
donne ,  non  pas  que  les  lettres  mêmes  y 
mais  que  la  teneur  (c'eft  à-dire  la  fùbftance) 
des  lettres  fera  enregiflrée  en  la  chambre  ; 
ce  qui  fignifie  en  cet  endroit  que  l'on  fera; 
mention  de  ces  lettres  fur  le  legiftre ,  8c 
que  l'on  y  expliquera  au  long  les  caufes  du 
refus. 

La  cour  des  aides  qui  tire  fbn  origine  de 
ces  généraux  des  aides ,  eft  pareillement  en 
polfefîion  de  vérifier  èc  enrégijirer  toutes 
les  ordonnances  ,  édits  ,  déclarations ,  & 
autres  lettres  qui  lui  font  adreftées  ,  Se 
d'en  envoyer  des  copies  aux  fîeges  de  fou 
reflbrt  ,  pour  y  être  lues  ,  publiées ,  &.  ri~ 
gijirées. 

L'ordounance  de  Moulins  3  &  l'cdit  du 


ENR  ENR.  je? 

mois  de  janvier  1 597 ,  enjoignent  aux  cours     qu'elles  ont  été  vues  ,  corrigées  &  lues  en 
de  procéder  inceffamment  à  la  vérification  '  pcrïeminî.   La  porTefiien   des  cours  à  cet 
des   ordonnances  , 
ceffantes.  L'ordonnance 


toutes  autres  affaires 
de  160J  njoute 
même  la  vifite  &  jugement  des  procès  cri- 
minels ,  ou  affaires  particulières  des  com- 
pagnies. 

Mais  comme  il  peut  échapper  à  nos  rois 
de  ligner  des  ordonnances  dont  ils  n'au- 
roient  pas  d'abord  reconnu  le  défaut ,  ils 
ont  pluiïeurs  fois  défendu  eux-mêmes  aux 
cours  d'enrégifirer  aucunes  lettres  qui  fè- 
roient  fcellées  contre  la  difpofition  des  or- 
donnances. Il  y  a  entre  autres  des  lettres 
de  Charles  VI,  du  15  mai  1403  ,  pour  la 
révocation  des  dons  faits  fur  le  domaine  , 
qui  font  défenfes  aux  gens  des  comptes  & 
tréfbriers  à  Paris,  préfens  &  à  venir  ,  fup- 
pofé  qu'il  fût  fcellé  quelques  lettres  con- 
traires à  celles-ci ,  d'en  pqfjer  ni  vérifier 
aucunes  ,  quelques  mandemens  quils  euffent 
du  roi  ,  fait  de  bouche  ou  autrement. ,  fans 
en  avertir  le  roi  ou  la  reine  ,  lés  oncles  & 
frères  du  roi ,  les  autres  princes  du  fang, 
&  gens  du  cenfeil. 

Charles  IX  ,  par  fou  édit  du  mois  d'oc- 
tobre î  562  ,  pour  la  Bretagne  ,  dit  q*ue 
fi  la  cour  trouvoit  quelque  difficulté  en  la 
vérification  des  'édits  ,  elle  enverra  prompte- 
ment  fes  remontrances  par  écrit ,  ou  députera 
gens  pour  les  faire, 

La  même  choie   eft  encore  portée  dans 
plufîeurs  autres  déclarations  poftérieures. 

Le  parlement  &  les  autres  cours  ont , 
dans  tous  les  temps ,  donné  au  roi  des 
preuves  de  leur  attachement,  en  s'oppo- 
fant  à  la  vérification  des  ordonnances ,  édits , 
&  déclarations  ,  qui  étoient  contraires  aux 
véritables  intérêts  de  S.  M.  ou  au  bien  pu- 
blic }  &  pour  donner  une  idée  de  la  fer- 
meté du  parlement  dans  ces  occauons  ,  il 
fïifrît  de  renvoyer  à  ce  que  le  premier  pré- 
fident  de  la  Vacquerie  répondit  à  Louis  XI, 
comme  on  peut  le  voir  dans  Pafquier ,  en 
f(s  recherches  ,  liv.  VI  ,    chap.  xxxiv. 

Lorfque  les  nouveaux  réglcmens  adref 
£és  aux  cours  font  feulement  fufceptibles 
de  quelque  explication  ,  les  cours  les  enré- 
gi firent  avec  des  modifications.  On  en  trouve 
des  exemples  dès  le  temps  du  roi  Jean  , 
notamment  à  la  fin  de  deux  de  £es  ordon- 
nances du  mois  d'avril  13  61 3  où  il  eft  dit 


égard  eft  confiante ,  &  leur  droit  a  été  re- 
connu en  différentes  occafions ,  notamment 
•  par  un  règlement  duconfeil,   du   16  juin 
1644. 

Les  particuliers  ne  peuvent  pas  former 
oppofition  "à  Xcnrégi fi  rement  des  ordonnan- 
ces ,  édits  &  déclarations ,  ni  des  lettres- 
patentes  portant  règlement  général ,  mais 
feulement  aux  lettres  qui  ne  concernent 
que  l'intérêt  de  quelques  corps  ou  particu- 
liers. 

Le  procureur-général  du  roi  peut  aufll 
s'oppofer  d'office   à  Yenrégifirement  des  let- 
tres-patentes obtenues  par  des  particuliers  , 
ou  par  des  corps  &  communautés ,  lorfque 
l'intérêt  du  roi  ou  celui  du  public  s'y  trouve 
compromis.  On  trouve  dès  1390  une  oppo- 
iitiou de  cette  efpece  formée  à  Yenrégifire- 
ment de  lettres-patentes  ,   du  mois  de  Juki 
de  ladite  année  ,  à  la  requête  du  procureur- 
général  du  roi ,  lequel  fit  propofer  fes  rai- 
fons  à  la  cour  par  l'avccat  dû  roi  ;    il  fut 
plaidé  fur  fon  oppofition  ,  &   l'affaire  fut 
appointée.  Le  chapitre  de  Paris  qui  avoit 
obtenu  ces  lettres ,   fe  retira  pardevers  le 
roi ,  &  en  obtint  d'autres  ,  par  lefquelles 
le   roi  enjoignit  au  parlement  d'enrégifirer 
les  premières.  Le  procureur-général  du  roi 
s'oppofa  encore   à  Yenrégifirement    de  ces 
nouvelles  lettres  \  &  lui  &  le  chapitre  ayant 
fait  un  accord  fous  le  bon  plaiiir  du  par- 
lement ,   &  étant  .convenus    de  certaines 
modifications,  le  parlement  enrégifira  les 
lettres  à  la  charge  des  modifications. 

Quoique  les  particuliers  ne  puiffent  pas 
former  oppofition  à  Yenrégifirement  des  or- 
donnances ,  édits  ,  déclarations  ,  cette  voie 
eft  néanmoins  permifè  aux  compagnies  qui 
ont  une  forme  publique ,  lorfque  la  loi  que 
l'on  propofe  paroit  bleffer  leurs  droits 
ou  privilèges.  Cela  s'eft  vu  plufîeurs  fois 
au  parlement. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  forme  en  laquelle 
fè  fait  dans  les  cours  Yenrégifirement ,  c'eft- 
à-dire  ,  l'infcription  des  nouveaux  réglcmens 
fur  les  regiftres  ,  c'eft  une  dernière  opéra- 
tion qui  eft  toujours  précédée  de  la  leclure 
&:  vérification  des  réglemens  \  elle  étoit  auffi 
autrefois  précédée  de  leur  publication  3  qui 
fe  faifoit  à  l'audience» 


5io  E  N  R 

H  paroît  que  dès  le  temps  de  la  féconde 
race  ,  les  comtes  auxquels  on  envoyoit  les 
nouveaux  réglemens  pour  les  faire  publier 
dans  leur  fiege  ,  en  gardoient  l'expédition 
dans  leur  dépôt  ,  pour  y  avoir  recours  au 
befoin}  mais  il  y  avoit  dès-lors  un  dépôt 
en  chef  dont  tous  les  autres  n'étoient  qu'une 
émanation  :  ce  dépôt  étoit  dans  le  palais 
du  roi. 

En  effet,  Charles  le  Chauve  ordonna  en 
803  que  les  capitulaires  de  fon  père  feroient 
derechef  publiés  j  que  ceux  qui  n'en  au- 
roient  pas  de  copie  enverroient ,  félon 
l'ufage  ,  leur  commiffaire  &  un  greffier , 
avec  du  parchemin  ,  au  palais  du  roi  , 
pour  en  prendre  copie  fur  les  originaux 
qui  feroient  ,  dit- il  ,  pour  cet  effet  tirés  de 
armario  noflro  ,  c'eft-à-dire  ,  du  tréfor  des 
Chartres  de  la  couronne  :  ce  qui  fait  con- 
noître  que  l'on  y  mettoit  alors  l'original 
des  ordonnances.  C'eft  ce  dépôt  que  Saint 
Louis  fit  placer  à  côté  de  la  fainte  chapelle, 
où  il  eft  préfentement ,  &  dans  lequel  fe 
trouve  le  regiftre  de  Philippe-Augufte  ,  qui 
remonte  plus  haut  que  les  regiftres  du  par- 
lement ,  &  contient  plusieurs  anciennes 
ordonnances  de  ce  temps. 

L'ancien  mauufcrit  de  la  vie  de  Saint 
Louis  ,  que  l'on  conferve  à  la  bibliothèque 
du  roi  ,  fait  meutiôn  que  ce  prince  ayant 
fait  plufieurs  ordonnances  ,  les  fit  enregis- 
trer ôt  publier  au  châtelet.  C'eft  la  première 
fois  que  l'on  trouve  ce  terme  ,  enrégiftrer  , 
pour  exprimer  l'infcription  qui  fe  faifoit  des 
réglemens  entre  les  a&es  du  tribunal }  ce 
qui  vient  de  ce  que  jufqu'alors  on  n'ufoit 
point  en  France  de  regiftres  pour  écrire  les 
a&es  des  tribunaux}  on  les  écrivoit  fur  des 
peaux  ,  que  l'on  rouloit  enfuite  j  &  au  lieu 
de  dire  les  minutes  &  regiftres  du  tribunal , 
on  difoit  les  rouleaux  ,  rotula  ;  &  lorfque 
l'on  iufcrivoit  quelque  chofe  fur  ces  rou- 
leaux ,  cela  s'appelloit  inrotulare  ,  comme 
il  eft  dit  dans  deux  ordonnances ,  l'une  de 
Philippe-Augufte  ,  de  l'an  12 18  ,  art.  6  j 
l'autre  de  Louis  VIII ,  du  mois  de  novem- 
bre 1223.  On  trouve  cependant  au  troifîeme 
regiftre  des  olim  ,  fol.  151  &  152 ,  en  fuite 
de  deux  arrêts  ,  ces  termes  ,  ita  regiftratum 
in  rotulo  iftius  parlamenti.  Ainfi  la  mention 
que  l'on  faifoit  d'un  arrêt  fur  les  rouleaux , 
s'appelloit  aufîi  enrégijlrement. 


E  N  R 

Etienne  Boileau  ,  prévôt  de  Paris  fous 
S.  Louis  ,  fut  le  premier  qui  fit  écrire  eu 
cahiers  ou  regiftres ,  les  a&es  de  fa  jurif- 
dicKon. 

Jean  de  Montluc ,  greffier  du  parlement, 
fit  de  même  un  regiftre  des  arrêts  de  cette 
cour,  qui  commence  en  ii5<5:  cet  ufage 
fut  continué  par  les  fucceffeurs. 

Le  plus  ancien  regiftre  de  la  chambre 
des  comptes  ,  appellç  regiftre  de  S.  Juft , 
du  nom  de  celui  qui  l'a  écrit,  fait  mention 
qu'il  a  été  copié  par  Jean  de  Saint- Juft  , 
clerc  des  comptes  ,  fur  l'original  à  lui  com- 
muniqué par  Robert  d'Artois. 

Cet  établiftement  de  regiftres  dans  tous 
les  tribunaux  a  donné  lieu  d'appeller  enré- 
giftrement ,  l'infcription  qui  eft  faite  fur  ces 
regiftres  ,  des  réglemens  qui  ont  été  véri- 
fiés par  les  cours  :  &  dans  la  fuite  on  a  auffi 
compris ,  fous  le  terme  d'enrégiftrement  , 
la  vérification  qui  précède  l'infcription  fur 
les  regiftres  ,  parce  que  cette  infcriptiou 
fuppofe  que  la  vérification  a  été  faite. 

Dans  les  premiers  temps  où  le  parlement 
fut  rendu  fédentaire  à  Paris ,  il  ne  portoit 
guère  dans  fes  regiftres  que  fes  arrêts  ,  ou 
les  ordonnances  qui  avoient  été  délibérées  ; 
c'eft-à-dire  ,  dreflées  dans  le  parlement 
même  :  c'eft  de  là  qu'au  bas  de  quelques- 
unes  il  eft  dit  ,  regiftrata  eft  inter  judicia  , 
confilia  &  arrefta  expedita  in  parlamento  + 
comme  on  l'a  déjà  remarqué  ,  en  parlant 
d'une  ordonnance  de  1283.  Le  dauphin 
Charles ,  qui  fut  depuis  le  roi  Charles  V  , 
dans  une  ordonnance  qu'il  fit  au  mois  de 
mars  1356,  en  qualité  de  lieutenant- géné- 
ral du  royaume ,  pendant  la  captivité  du 
roi  Jean,  dit,  art.  14,  qu'il  feroit  fait 
une  ordonnance  du  nombre  de  gens  qui 
tiendroient  la  chambre  du  parlement ,  les 
enquêtes  &  requêtes  ,  6-c.  &  que  cent 
ordonnance  tiendroit  ,  feroit  publiée  &  re- 
giftrée.  Le  parlement  faifoit  infèrire  ces 
ordonnances  dans  fes  regiftres,  comme 
étant  en  quelque  forte  fon  ouvrage  ,  auiîi- 
bien  que  fes  arrêts. 

Quoiqu'il  y  eût  alors  plufieurs  ordon- 
nances qui  n'étoient  pas  infcrites  dans  fes 
regiftres  ,  il  ne  laiifoit  pas  de  les  vérifier 
toutes  ,  ou  de  les  corriger  ,  lorfqu'il  y 
avoit  lieu  de  le  faire.  L'expédition  originale 
qui  avoit  été  ainfi  vérifiée,  étoit  inife  au 


ENR 
Kombrc  des  acles  du  parlement  ^  en  fuite 
il  faifoit  publier  la  nouvelle  ordonnance  à 
la  porte  de  la  chambre  ,  ou  à  la  table  de 
marbre  du  palais  :  on  en  pubîioit  auffi  a  la 
fenêtre,  qui  eft  apparemment  le  lieu  où 
Yon  délivre  encordes  arrêts.  Voye-^  Publi- 
cation. 

Lorfque  l'ufage  des  vérifications  com- 
mença à  s'établir  ,  on  ne  faifoit  pas  re- 
gistre de  cet  examen ,  ni  de  la  publication 
des  ordonnances  ^  de  forte  que  l'on  ne  con- 
noît  guère  fi  celles  de  ces  temps  ont  été 
vérifiées  ,  que  par  les  corrections  que  le 
parlement  y  faiibit ,  lorfqu'il  y  avoit  lieu  , 
ou  par  les  notes  que  le  fècretaire  du  roi , 
qui  avoit  expédié  les  lettres  ,  y  ajoutoit  quel- 
quefois. 

Mais  bientôt  on  fit  regiftre  exact  de  tout 
ce  qui  fe  pafToit  à  l'occafion  de  la  vérifica- 
tion &  enrégifirement ,  comme  cela  fe  prati- 
que encore  aujourd'hui. 

Pour  parvenir  à  la  vérification  d'une  loi , 
on  en  remet  d'abord  l'original  en  parche- 
min ,  &  fcellé  du  grand  fceau  ,  entre  les 
mains  du  procureur-général ,  lequel  donne 
fes  concluions  par  écrit  :,  la  cour  nomme 
un  confeiller  ,  qui  en  fait  le  rapport  en  la 
chambre  du  coufeil  :  fur  quoi  ,  s'il  y  a  lieu 
à  ïenrégijfrement ,  il  intervient  arrêt  ,  en 
ces  termes  :  «  Vu  par  la  cour  1  edit  ou  dé- 
»  claration  du  tel  jour ,  figné  ,  fcellé  ,  &c. 
»  portant  ,  &c.  vu  les  conclurions  du  pro- 
»  cureur-général  ,  &:  oui  ■  le  rapport  du 
»  confeiller  pour  ce  commis }  la  matière 
»  imfe  en  délibération  ,  la  cour  a  ordonné 
»  &  ordonne  que  1  edit  ou  déclaration  fera 
»  enrégifiré  au  greffe  d'icelle  ,  pour  être 
»  exécuté  félon  fa  forme  &  teneur,  ou  bien 
»  pour  être  exécuté  fous  telles  &  telles 
»  modifications.  »  Cet  arrêt  d'enrégifire- 
ment  renferme  en  fbi  la  vérification  &  appro- 
bation de  la  loi  ,  qu'il  ordonne  être  re- 
giftrée'}  &  c'eft  fans  doute  la  raifon  pour 
laquelle  on  confond  la  vérification  avec  Ycn- 
régifirement. 

Le  grefiier  fait  mention  de  Yenrégifire- 
ment  fur  le  repli  des  lettres  ,  en  ces  termes  : 
«  Regiftre  ,  oui  le  procureur-général  du 
»  roi ,  pour  être  exécuté  félon  fa  forme  & 
»  teneur  ,  ou  bien  fuivant  les  modifications 
■»  portées  par  l'arrêt  de  ce  jour^JFaiten  parle- 
»  meut  le,,,,  figné,  tel,  &c.  b  C'eft  pro-i 


ENR  5it 

prement  un  certificat ,  ou  atteftation  ,  que 
le  greffier  met  fur  le  repli  des  lettres  de 
Y  enrégifirement  ,  qui  a  été  ordonné  par 
l'arrêt. 

Outre  ce  certificat ,  le  greffier  fait  un 
procès-verbal ,  foit  de  l'aflèmbléc  des  cham- 
bres, fi  c'eft  un  edit  ,  ou  ce  l'alfemblée 
de  la  grand'chambre  feule  ,  fi  c'eft  une  dé- 
claration dont  elle  faffe  feule  Yenrégifire- 
ment  :  ce  procès-verbal  fait  mention  que 
la  cour  a  ordonné  Y  enrégifirement  de  tel 
édit  ,  pour  être  exécuté  fèion  fa  forme  & 
teneur  ,  ou  avec  certaines  modifications. 

Auffi-tôt  que  l'arrêt  de  vérification  & 
enrégifirement  eft  rendu  ,  &  que  le  proecs- 
verbaï  en  eft  drelî'é  ,  le  greffier  fait  tirer 
une  expédition  en  papier  timbré ,  fur  l'ori- 
ginal en  parchemin ,  de  l'ordonaance ,  édit , 
déclaration  ,  ou  autres  lettres  que  l'on  a 
enrégifiré  s  :  au  bas  de  cette  expédition  ,  il 
fait  mention  de  Y  enrégifiré  ment ,  de  même 
que  fur  l'original ,  &  ajoute  feulement  ce 
mot,  collationné  ,  c'eft- à-dire  ,  comparé 
avec  l'original ,  &:  il  ligne.  Cette  expédi- 
tion ,  qui  doit  fèrvir  de  minute  ,  &  l'arrêt 
&  le  procès-verbal  d 'enrégifirement  font 
placés  par  le  greffier  entre  les  minutes  de 
la  cour  }  &  Y  enrégifirement  eft  cenfe^accom- 
pli  dès  ce  moment ,  quoique  la  traufeription 
de  ces  mêmes  pièces  fur  les  regiftres  eu 
parchemin  ,  défîmes  à  cet  effet  ,  ne  fè 
fafîe  quelquefois  que  plufieurs  années  après  : 
car  cette  tranfcripîion  fur  les  regiftres  eu 
parchemiu  n'eft  pas  le  véritable  enrégifire- 
ment y  c'eft  feulement  une  opération  pref- 
critc  par  la  police  du  greffe  j  &  les  regiftres 
des  ordonnances  ne  font  que  des  groffes  , 
ou  copies  des  minutes  ,  un  peu  moins  au- 
thentiques que  l'original  ,  &  faites  pour 
le  fuppléer  au  befein  :  c'eft  pourquoi  ,  fans 
attendre  cette  tranfcripîion ,  qui  eft  cenfee 
faite  dans  le  temps  même  de  la  vérification , 
le  greffier  met ,  comme  on  l'a  dit ,  fur  le 
repli  de  l'original  ,  &  fur  l'expédition  des 
lettres  qui  ont  été  vérifiées  ,  fou  certificat  de 
la  vérification  &  enrégifirement. 

Ces  différentes  opérations  faites  ;  le  gref- 
fier remet  l'original  des  lettres  enrégiflrécs  à 
M.  le  procureur-général,  lequel  le  renvoie  à 
M.  le  chancelier  ,  ou  au  fècretaire  d  état 
qui  les  lui  a  adrefîées  \  &  au  bout  de  quel- 
que temps  ,  le  fecretaire  d'état  qui  a  ce 


5ii  E  N  R. 

département ,  envoie  les  ordonnances  tnri- 
giflrées  dans  le  dépôt  des  minutes  du  con- 
fèil  ,  qui  eft  dans  le  monaftere  des  reli- 
gieux Auguftins  ,  près  la  place  des  Vic- 
toires. 

Autrefois  les  arrêts  de  vérifications  &  en- 
régiftremens  ,  &  les  certificats  d'iceux  fe 
rédigeoient  en  Latin:  cet  uiage  avoit  même 
continué  depuis  rordonnance  de  1539  ,  qui 
enjoint  de  rédiger  en  François  tous  les  juge- 
mens  &  actes  publics  :  le  certificat  cXenré- 
giflrement  ,  qui  fe  met  fur  le  repli  des 
pièces  j  étoit  conçu  en  ces  termes  :  Uclq  , 
publicata  &  regiftrata  ,  audito  &  requirente 
procuratore  gencrali  régis  ,  &c.  Mais  Char- 
les IX ,  par  fon  ordonnance  de  Roufîillon  , 
article  35  ,  ordonna  que  les  vérifications 
des  édits  &  ordonnances  fèroient  faites  en 
François. 

Depuis  ce  temps ,  le  greffier  mettoit  ordi- 
nairement fon  certificat  en  ces  termes  :  lu  , 
publié  &  régi fl  ré ,  &c.  on  difoit  publié ,  parce 
que  c'étoit  alors  la  coutume  de  publier  tous 
les  arrêts  à  l'audience  ,  comme  cela  fè  pra- 
tique encore  dans  quelques  parlemens  :  mais 
dans  celui  de  Paris  on  ne  fait  plus  cette 
publication  à  l'audience  ,  à  moins  que  cela 
ne  foit  porté  par  l'arrêt  de  vérification  j  au- 
quel cas ,  le  greffier  met  encore  dans  fon 
certificat }  lu  *  publié  &  regiftré  :  quand  il  n'y 
a  pas  eu  de  publication  à  l'audience  ,  le  cer- 
tificat du  greffier  porte  feulement  que  le  rè- 
glement a  été  regiftré  ,  oui  ,  &  ce  requérant 
le  procureur-général  du  roi  ,  &c. 

Ces  fortes  de  certificats  du  greffier  ,  ou 
mention  qui  eft  faite  fur  le  repli  des  lettres 
de  la  vérification  &  enrégiftranent ,  ércient 
cl'ufage  dès  le  temps  de  Philippe  de  Valois , 
comme  on  le  voit  fur  les  lettres  du  10  juillet 
1336,  dent  on  a  déjà  parlé  ,  où  on  lit  ces 
mots  :  Iccla  per  cameram  ,  regiftrata  in  curia 
parlamenti  ,  in  libro  ordinatior.um  .  fol.  50  , 
in  anno  no  no.  Ces  termes  ,  in  anno  no  no  , 
femblent  annoncer  que  ce  livre  ,  eu  regiftré 
des  ordonnances  ,  étoit  commencé  depuis 
neuf  années  \  ce  qui  rementeroit  jufqu'en 
132.8  ,  temps  où  Philippe  de  Valois  monta 
fur  le  trône.  Ou  ne  connoît  point  cependant 
de  regiftré  particulier  des  ordonnances  qui 
remonte  fî  haut. 

Les    plus   anciens    regiflres   du   parle- 
ment ,  appelles  les  olim  ,  contiennent  ,   il 


E  N  R 

eCt  vrai  ,  des  ordonnances  depuis  1252. 
jufqu'en  1273  :  mais  ces  regiftres  n'étoient 
pa>  deftiués  uniquement  pour  les  enré- 
giflrermns  ;  ils  contiennent  aufîî  de?  arrêts 
rendus  entre  particuliers  ,  &  des  procé- 
dures. 

Mais  ,  peu  de  temps  après ,  on  fit  au 
parlement  des  regiftres  particuliers  pour  les 
enté  g  ijî  remens  des  ordonnances  ,  édits  ,  dé- 
clarations &  lettres-patentes ,  que  l'on  a  ap- 
pelles regijlres  des  ordonnances. 

Le  premier  de  ces  regiftres  ,  coté  A ,  & 
intitulé  ordinationcs  antiquœ  ,  commence 
en  1337  :  il  contient  néanmoins  quelques 
ordonnances  antérieures  ,  dont  la  plus 
ancienne  ,  ce  font  des  lettres-patentes  de 
St.  Louis  ,  du  mois  d'août  1229  ,  qui 
confirment  les  privilèges  de  l'univerfité  de 
Paris. 

Quand  on  tranferit  une  pièce  dans  les 
regiflres  du  tribunal,  en  coniéquence  du 
jugement  qui  en  a  ordonné  Venrégijîrement^ 
elle  doit  y  être  copiée  toute  au  long  ,  avec 
le  jugement  qui  en  ordonne  Yenrégiflrementy 
&  non  pas  par  extrait  feulement,  ni  avec  des 
&  cœtera. 

Ce  fut  fur  ce  fondement  que  le  re&eur 
&  l'univerfité  de  Paris  expoferent  ,  par 
requête  au 'parlement  en  1551  ,  que  quel- 
qu'un de  leurs  fuppôts  ayant  voulu  lever 
un  extrait  du  privilège  accordé  en  1336 
aux  écoliers  étudians  en  l'univerfité  ,  il 
s'éteit  trouvé  quelques  omiffions  faites  fous 
ces  mots  &  cœtera  ,  pour  avoir  plutôt  fait , 
par  celui  qui  fit  le  regiftré  :,  que  ces  omif- 
fions étoient  de  conféquence  }  &  que  fl 
l'original  du  privilège  fe  perdoit ,  le  recours 
au  regiftré  ne  feroit  pas  fur  j  c'eft  pourquoi 
ils  fupplierent  la  cour  d'ordonner  que  ce 
qui  étoit  ainfi  imparfait  fur  ie  regiftré,  par 
ces  mots  ,  &  cœtera  ,  fût  rempli  par  colla- 
tion qui  fe  feroit  du  regiftré  à  l'original. 
Sur  quoi  la  cour  ayant  ordonné  que 
l'original  feroit  mis  pardevers  deux  con- 
feillers  de  la  cour  ,  pour  le  collationner 
avec  le  regiftré  :  oui  le  rapport  defdits 
confeillers ,  la  cour,  par  arrêt  du  18  août 
1552  ,  ordonna  que  l'original  du  pri- 
vilège feroit  de  nouveau  en régi/tré  dans 
les  regiftres  d'icelle  ,  pour  être  ,  par  le 
greffier ,  délivré  aux  parties  qui  le  requer- 


roicnt. 


Les 


E   N  R 

Les  arrêts  de  vérification  ou  enrégiflre- 
ment ,  faits  au  parlement  ,  portent  ordinai- 
rement >  que  copies  collationnées  du  nou- 
veau règlement  8c  de  Parrêt  ,  feront  en- 
voyées aux  bailliages  ôc  fénéchau  fiées  du 
reiîbrt  ,  pour  y  être  lues  ,  publiées  8c  enré- 
giftrées  :  l'arrêt  enjoint  au  fubftitut  du  pro- 
cureur-général du  roi  d'y  tenir  la  main  ,  8c 
d'en  certifier  la  cour  dans  un  mois ,  fuivant 
ledit  arrêt. 

PLe  procureur- général  de  chaque  parle- 
ment envoie  des  copies  collationnées  des 
nouveaux  réglemens  à  tous  les  bailliages  , 
fénéchauftees  8c  autres  juftices  royales  ref- 
fortiflàntes  nuement  au  parlement. 

A  1  égard  des  pairies  du  reftbrt ,  quoi- 
que régulièrement  elles  duflènt  tenir  du 
juge  royal  la  connoiflance  des  nouveaux 
réglemens  ,  néanmoins  ,  pour  accélérer  , 
M.  le  procureur-général  leur  en  envoie 
aufïî  directement  des  copies  collation- 
nées. 

Si  Yenrégiflrement  eft  fait  en  la  cour  des 
aides  ,  l'arrêt  de  vérification  porte  que  l'on 
enverra  des  copies  collationnées  aux  élec- 
tions 8c  autres  Aeges  du  reflbrt. 

Lorfque  les  nouveaux  réglemens ,  qui 
ont  été  vérifiés  par  les  cours ,  font  envoyés 
dans  les  fieges  de  leur  reflort  pour  y  être 
enrégiflrés  ,  cet  enrégiflrement  s'y  fait  fur  les 
conclufions  du  miniitere  public  ,  de  même 
que  dans  les  cours  ;  mais  avec  cette  diffé- 
rence ,  que  les  cours  ont  le  droit  de  dé- 
libérer fur  la  vérification ,  8c  peuvent  ad- 
mettre le  projet  de  règlement ,  ou  le  refu- 
ler  ,  s'il  ne  paroît  pas  convenable  aux  in- 
térêts du  roi  ou  au  bien  public  :  au  lieu 
que  les  juges  inférieurs  font  obligés  de  fe 
conformer  à  l'arrêt  de  vérification ,  8c  en 
conféquence  de  rendre  un  jugement  por- 
tant que  la  nouvelle  loi  fera  infcrite  dans 
leurs  regiftres  ,  purement  8c  fimplement , 
fans  pouvoir  ajouter  aucunes  modifica- 
tions ;  en  forte  que  cet  enregistrement 
n'eu;  proprement  qu'une  fîmple  tranfcrip- 
tion  dans  leurs  regiftres  ,  8c  non  une  véri- 
fication. 

Il  faut  néanmoins  obferver  que  ,  dans 

les  provinces  du  refïort  qui  ont  quelques 

i        privilèges  particuliers ,  les  juges  inférieurs 

i        pourraient  faire  des  repréfentations  au  par- 

I       lement  avant  d'enrégifirer  ,  fi  le  nouveau 


ENR  ÎI3 

T  règlement  etoit  contraire  à  leurs  privilèges. 
Du  refte  ,  les  juges  inférieurs  n'ont  pas 
droit  de  délibérer  fur  le  fond  de  Yenrégif- 
trement  \  mais  ils  ont  la  liberté  de  délibérer 
fur  la  forme  en  laquelle  l'envoi  des  nou- 
veaux réglemens  leur  eft  fait ,  c'eft-à-dire  , 
d'examiner  ii  cette  forme  eft  légitime  & 
régulière.  Ils  peuvent  auiïi  ,  après  avoir 
procédé  à  Yenrégifh-ement  de  la  nouvelle  loi , 
faire  fur  cette  loi  (  s'il  y  a  lieu  pour  ce  qui 
les  concerne)  ,  fiire  des  repréfentations  au 
parlement  ,  ou  autre  cour  dont  ils  relèvent , 
qu'ils  adrefient  au  procureur-général. 

Il  paroît  même  ,  fuivant  l'ordonnance 
de  Charles  VII,  de  1453  ,  art.  66  &  6j  , 
8c  l'ordonnance  de  Louis  XII ,  du  iz  dé- 
cembre 1499  ,  que  les  juges  inférieurs 
peuvent ,  en  certains  cas ,  fufpendre  l'exé- 
cution des  loix  qu'on  leur  envoie ,  en  re- 
préientant  les  inconvéniens  qui  peuvent  en 
rélulter  ,  relativement  à  leurs  provinces  8c 
aux  réglemens  antérieurs. Ces  cas,  félon  les 
ordonnances  de  Charles  VII  8c  de  Louis 
XII ,  font  lorfque  les  loix  qui  leur  font  en- 
voyées peuvent  être  contraires  aux  ordon- 
nances ,  8c  produire  du  trouble  dans  le  royau- 
me ;  tel  que  feroit ,  par  exemple  ,  quelque 
établiflement  tendant  à  anéantir  la  forme 
du  gouvernement. 

Au  châtelet  de  Paris  ,  les  nouvelles  or- 
donnances font  enrégiflrées  fur  un  regiftre 
particulier ,  appelle  regiftre  des  bannières  ;  ce 
qui  lignifie  la  même  choie  que  regiftre  des 
publications. 

Tous  les  juges  auxquels  le  procureur- 
général  envoie  des  copies  collationnées  des 
nouveaux  réglemens ,  font  obligés  d'envoyer 
dans  le  mois  un  certificat  de  Y  enregistrement. 
Depuis  environ  3  5  ans  s  il  eft  d'ufige  de 
garder  tous  ces  certificats  dans  les  minutes 
du  parlement ,  pour  y  avoir  recours  au  be- 
foin  ,  8c  connoitre  la  date  de  Yenrégijtrement 
dans  chaque  iiege. 

Les  nouvelles  ordonnances  doivent  être 
exécutées  ,  à  compter  du  jour  de  la  vérifi- 
cation qui  en  a  été  faite  dans  les  cours  fou- 
veraines;ou  après  le  délai  qui  eft  fixé  par 
l'ordonnance  ou  par  l'arrêt  d'-'nrégijtrcment , 
comme  cela  fe  fait  quelquefois  ,  afin  que 
chacun  ait  le  temps  de  s'inftruire  de  la 
loi. 

Elle  doit  auiïî  être  exécutée  à  compter 
Ttt 


5i4  E  N  R 

du  même  jour ,  pour  les  provinces  du  reflort , 
te  non  pas  feulement  du  jour  qu'elle  y  a  été 
enrégifiée  par  les  juges  inférieurs.  Néan- 
moins s'il  s'agit  de  quelque  difpoiition  qui 
doive  être  obfervée  par  les  juges  ,£  officiers 
ou  particuliers  ,  la  loi  ne  les  ta  que  du  jour 
qu'ils  ont  pu  en  avoir  connoiflance  ;  comme 
on  voit  que  la  novelle  66  de  Juftinien,  iur 
l'observation  des  conftitutions  impériales , 
avoit  ordonné  que  les  nouvelles  loix  feroient 
obfervées  àConftantinjpledans  deux  mois, 
à  compter  de  leur  date  ;  6c  à  l'égard  des 
provinces  ,  à  deux  mois  après  Pinfmuation 
qui  y  feroit  faite  de  la  loi  :  ce  temps  étant 
.  iuffifant ,  dit  la  novelle,  pour  que  la  loi 
fût  connue  des  tabellions  6c  de  tous  les 
fujets. 

Il  n'eft  pas  d'ufage  de  faire  enrégijïrer  les 
nouveaux  régîemens  dans  les  juftices  fei- 
gneuriales ,  ni  de  leur  en  envoyer  des  copies, 
ces  juftices  étant  en  trop  grand  nombre  , 
pour  que  1  on  puiffe  entrer  dans  ce  détail  : 
de  forte  que  les  orïiciers  de  ces  juftices  font 
pi  éfw  mes  inftruits  des  nouveaux  régîemens 
pan  la  notoriété  publique  ,  Se  par  Venrégif- 
trement  fait  dans  le  iiege  royal  auquel  elles 
teflortiflènr. 

Sur  les  enr-égiflremens  des  ordonnances, 
vcyc7  Martianus  Capella  ,  lib.  I,  par:,  xv  ; 
Cujas ,  lié.  I ,  cbferv.  cap.  xix  ;  la  Roche- 
flavin  ,  des  parlernens  ,liv.  XIII \ch.  xxyiij; 
Pafquier  ,  recherch.  de  la  France  ,  liv.  VI , 
ck.  xxxiv  ;  Papon ,  liv.  IV ,  tit  vj  ,  n.  %2  ; 
Bouchel ,  bibliothèque  du  Droit  François  au 
mot  loix.  {A) 

Emb.Egistrem.ent  des  privilèges  cuper- 
mijftws pour  Vimpreffion  des  livres.  Les  privi- 
lèges que  le  roi  accorde  pour  l'imprefik>n 
des  livres  ,  Se  les  permiiïions  (impies  du 
fceau .,  doivent  être  enrégiflrés  à  là  chambre 
fyndicale  de  la  librairie,  par  les  fyndic 
ôc  adjoints  ,  dans  le  terme  de  trois  mois , 
à  compter  du  jour  de  l'expédition.  C'elt 
une  des  conditions  auxquelles  ces  lettres 
font  accordées  i  6e  faute  de  la  remplir, 
elles  deviennent  nulles.  Ce  règlement  paraît 
avoir- ïînguliérement  pour  objet  de  mettre 
tous  propriétaires  d'ouvrages  littéraires  à 
l'abri  du  préjudice  auquel  ils  pourraient 
erre  expofés  par  les  Hirprifes  faites  à  la  re- 
ligion du  roi  ,  dans  l'obtention  des  privi- 
lèges ou  permiiïions  fîmples ,  en  ce  que  , 


E  N  R 

i°.  il  met  les  fyndic  6c  adjoints  de  la  librairie 
en  état  d'arrêter  ces  lettres  dXenrégifircment , 
s'ils  jugent  qu'elles  (oient  préjudiciables  aux 
intérêts  de  quelque  tiers  ;  2°.  en  ce  qu'il 
fournit  aux  particuliers  auxquels  elles  font 
préjudiciables ,  le  moyen  de  s'bppofer  judi- 
ciairement à  leur  enrégijlrement ,  6c  d'en 
demander  le  rapport.  Pour  entendre  com- 
ment &c  dans  quelles  circonftances  ces  lettres 
peuvent  être  préjudiciables  à  un  tiers  ,  il 
faut  néceflàirement  lire  dans  le  prêtent  vo- 
lume le  mot  Droit  de  copie  \  nous  y  avons 
expliqué  dans  un  allez  grand  détail  quels 
font  les  droits  des  auteurs  6c  des  libraires 
fur  les  ouvrages  littéraires ,  6c  guel  a  été 
l'efprit  de  la  loi  dans  l'établilfement  des 
privilèges.  Nous  y  renvoyons  pour  éviter 
les  longueurs  6c  répétitions. 

ENREGISTRER.  Voye^  Enregistre- 
ment. 

ENRENER  ,  v.  a£fc.  (  Maneg.  Maréch.) 
terme  par  lequel  on  exprime  relativement 
aux  chevaux  de  carroflé  ,  de  chaife  6c  de 
charrette  ,  l'action  d'arrêter  &  de  nouer  les 
rênes. 

Elles  font  fixées  ,  pour  les  chevaux  de 
carroftè  ,  par  le  moyen  de  deux  bouts  de 
cuir  placés  fur  le  milieu  du  coulîinet;  pour 
le  cheval  de  brancard  ,  par  le  moyen  d'une 
courroie,  qu'on  nomme  la  trou  Hure  ,  6c 
qui  parlé  dans  un  trou  pratiqué  à  cet  eftet 
dans  l'arçon  de  devant  ;  tandis  qu'à  l'égard 
des  chevaux  de  charrette  elles  montent  par 
deflus  la.  croifée  du  collier ,  6c  s'uniilent  à 
une  longe  de  cuir  garnie  d'un  culeron  ,  6c 
qui  fert  de  croupière. 

Rien  n'eft  plus  capable  d'endurcir  la 
bouche  des  chevaux  ,  de  leur  rendre  l'ap- 
pui lourd  ,  6c  de  leur  endommager  les 
barres,  que  de  les  enrêner  trop  court.  Ceft 
fans  doute  par  cette  confidération  ,  6c  pour 
remédier  aux  inconvéniens  qui  naiflent  de 
la  confiance  avec  laquelle  les  cochers  gênent 
6î  contraignent  leurs  chevaux  en  les  enré- 
nant ,  que  l'on  a  imaginé  ,  depuis  quelque 
temps  ,  de  placer  un  anneau  carré  à  chaque 
arc  du  banquet.  Les  rênes  paflent  dans  ces 
anneaux;  Se  comme  elles  ne  peuvent  alors 
tirer  le  bas  des  branches  en  arrière  ,  lorfque 
le  cheval  s'sppuie  ,  ou  badine  avec  (on 
mors ,  le  point  de  réfiftance  de  la  gour- 
mette n'a  plus  lieu ,  6c  les  parties  de  la  bou- 


ENR 

clie ,  fur  lesquelles  porte  l'embouchure ,  font 
extrêmement  foulagées.  Je  préférerais  néan- 
moins un  bridon  à  ces  anneaux  ;  8c  je  crois 
qu'il  feroit  plus  fur  &  plus  avantageux  de 
débarraflèr  entièrement  l'embouchure  ,  ou 
le  mors  ,  de  toute  afeion  des  rênes. 

Les  cochers  qui  enr/neroient  trop  court 
de  jeunes  chevaux  ,  s'expo  feraient  à  des 
accidens  qui  les  puniroient  peut-être  de 
leur  imprudence   8c   de  leur  opiniâtreté. 

On  s'eft  encore  fervi  de  l'exprelïion  d'e/z- 
rener  ,  en  parlant  de  l'arrangement  &  de 
la  divifîon  des  guides ,  8c  pour  diftinguer  , 
à  cet  égard  ,  notre  manière  de  celle  des 
Italiens.  Selon  l'ufàge  François  ,  chaque 
guide  eft  divifée  en  deux  fur  le  dos  de  cha- 
que cheval  ;  elle  pafle  par  deux  anneaux 
unies  fur  le  couflinet.  Les  branches ,  ou  les 
longes  de  dedans ,  font  diftribuées  de  façon 
quelles  vont,  en  fe  croifant ,  fe  boucler; 
lavoir  ,  celle  qui  part  du  cheval  hors  la 
main  ,  à  la  branche  de  dedans  du  mors  du 
cheval  qui  eft  fous  la  main  ;  8c  celle  qui  part 
de  celui-ci  ,  à  la  branche  de  dedans  du 
mors  de  l'autre  :  par  ce  moyen  le  cocher  , 
agilîant  de  la  guide  droite  ,  opère  fur  le 
cheval  hors  la  main  ,  qui  fe  trouve  mu  en 
ce  fens  ,  parce  qu'il  y  eft  attiré  ,  ainfî  que 
le  cheval  fous  la  main  ,  par  la  branche  de 
dedans  de  cette  guide  :  mais  alors  les  im- 
prelTions  de  la  main  du  cocher  fe  manifef- 
tent  fur  les  deux  boucles  enfemble  ;  8c  s'il  y 
a  en  elles  inégalité  de  légèreté,  de  fenfibilité 
8c  de  force ,  celle  en  qui  rélîde  le  bon  tem- 
pérament 8c  la  finefle  ,  ne  peut  que  iouffrir 
des  efforts  que  demande  néceflairement 
l'autre. 

La  méthode  des  Italiens  obvie  à  cette 
difficulté.  Il  n'eft  parmi  eux  aucune  com- 
munication des  branches  des  guides  ;  cha- 
cune d'elles  n'eft  relative  qu'à  la  bouche 
d'un  feul  &  même  cheval  :  telle  eft  la  pre- 
mière différence  que  nous  offre  leur  manière. 
La  (econde  confîfte  dans  deux  courroies  qui 
fe  croifent  d'un  cheval  à  l'autre  :  chacune 
de  ces  courroies  eft  arrêtée  ,  par  l'une  de  fes 
extrémités ,  à  la  branche  de  dedans  du  mors 
de  chaque  cheval ,  8c  va  fe  terminer ,  favoir , 
celle  qui  eft  fixée  à  la  branche  du  mors  du 
cheval  hors  la  main  ,  à  un  anneau  placé  à 
côté  du  couffinet  du  cheval  fous  la  main  , 
&  vice  verfd  ;  en  forte  que   l'un  8c  l'autre 


s'attirent  réciproquement ,  félon  les  opéra- 
tions du  cocher,  dont  la  main  peut  influer 
fur  ch?que  bouche  féparément. 

Il  faut  convenir  néanmoins  que  dans  le 
nombre  prodigieux  des  cochers  qui  ont 
adopté  cette  pratique ,  il  en  eft  peu  qui ,  vu 
leur  ignorance ,  ne  nous  y  biffent  apperce- 
voir  d'autres  inconvéniens ,  qu'il  feroit  fans 
cloute  trop  long  de  détailler  ici ,  8c  parmi 
lefqueîs  les  hommes  les  moins  clairvoyans 
ont  dû  remarquer  ceux  qui  remirent  d'un 
écartement  confidérable  ,  qui  mettant  les 
chevaux  hors  de  la  ligne  fur  laquelle  ils 
devraient  tirer  ,  augmente  8c  multiplie  lé 
poids  de  la  maflè  qu'ils  traînent;  les  oblige, 
en  leur  demandant  une  force  plus  grande , 
de  fe  précipiter  fur  les  épaules  ;  contraint 
celle  de  dehors  à  pouffer  beaucoup  plus 
que  l'autre  contre  le  poitrail  ;  place  ,  pat 
conféquent  ,  chaque  cheval  de  travers  ,. 
&c  (E) 

EN-REPOS  S  (  terme  de  Blàfon.)  fe 
dit  du  cerf,  du  lion  8c  de  quelques  autres 
animaux  fauvages  qui  fe  repofènt  ayant  le 
ventre  à  terre  :  on  excepte  le  lièvre  qui ,  en 
pareille  fituation  ,  eft  dit  en  forme. 

De  Bertrand  de  Moleville ,  de  Montef- 
quieu  ,  en  Languedoc  ;  d'or  au  cerf  en-repos 
de  gueules  ,  au  pié  d'un  arbre  definople;  au 
chef  d'azur  chargé  d'une  étoile  d'argent  à 
côté  de  deux  befans  du  champ  de  Vécu.  (  G. 
D.  L.  T.  ) 

ENRIMER  ,  en  terme  d'Epinglier  ,  ç'eft 
pou  fier  le  poinçon  directement  au  deffus 
de  l'enclume  ,  en  approchant  ou  écartant 
la  boîte ,  plus  ou  moins  ,  avec  le  pouffe  - 
broch'e.  Voye^  Broche  &  Pousse-bro- 
che. 

ENROLEMENT,  f.  m.  (Art.milit.). 
action  de  lever  ,  d'engager  ,   de  prendre 
■^es  hommes  ,  pour  fervir  dans  les  troupes 
de  terre  ,  ou  dans  les  armées  navales. 

Les  Romains  faifoient  leurs  enrèlemens 
avec  beaucoup  de  précautions  &  de  forma- 
lités. Il  n'étoit  pas  permis  à  tous  les  citoyens 
de  porter  les  armes  ;  8c  pour  être  enrôlé  au 
fervice  de  la  république  ,  il  falloir  avoir 
certaines  qualités  dont  on  ne  difpcnfoit  que 
dans  des  occafions  importantes  ,  8c  qui  de- 
mandoient  des  fecours  prompts  8c  extraor- 
dinaires. 

Les  prépofés  aux  enrolemens  faifoient  uh 
Ttti 


5i6  ENR 

éxaiiien  rigoureux  des  perfonnes  qui  fe  pré- 
fentoient  pour  être  enrôlées.  (Liv.  II \  §.  z  , 
jf.  dere  militari.).  Ils  s'informoient  d'abord 
de  la  naiifance  de  chacun  \  car  il  n'y  avoit 
que  des  hommes  libres  à  qui  il  fût  permis 
de  porter  les  armes  ,  &  les  efclaves  en 
étoient  exclus.  Il  falloir  donc  prouver  fa 
liberté  par  des  témoignages  non  fufpe&s , 
8c  de  plus  il  falloit  établir  le  lieu  de  fa 
naiflance. 

On  avoit  auiïî  beaucoup  d'attention  à  la 
taille  ;  8c  tous  ceux  à  qui  elle  manquoit , 
étoient  rejetés  de  l'honneur  de  fervir.  De 
là  vient  que  lorfqu'on  vouloit  louer  un 
homme ,  on  difoit  qui!  avoit  une  taille 
militaire  i.e'eft  ce  qui  n'a  pas  échappé  à 
Lampride  dans  (on  éloge  de  l'empereur  Sé- 
vère. Cette  taille  militaire  eft  marquée 
par  une  loi  qui  eft  dans  le  code  théodo- 
fien  ,  au  titre  de  tyronibus  \  elle  nous  ap- 
prend qu'alors  un  ioldat  devoit  avoir  cinq 
pies  fept  pouces ,  quinque  psdibus  &  feptem 
unciii.  ujualibus. 

Vegece  a  remarqué  que  du  temps  de 
Marius  on  nenrôloit  que  des  gens  de  cinq 
pies  dix  pouces ,  parce  que  dans  le  grand 
nombre  qui  fe  préfentoit ,  on  pouvoit  choi- 
fir  ;  mais  depuis  Ce  temps-là  il  fallut  rabat- 
tre de  cette  mefure  ,  les  hommes  étant  de- 
venus rares  par  les  guerres  civiles  ,  le  luxe  , 
la  débauche,  8c  le  changement  de  gouver- 
nement. 

Cependant  l'on  ne  connoifloit  point  en- 
core ce  moyen  nouveau  ,  8c  contraire  à 
toutes  les  loix  de  l'humanité  ,  d'enrôler  par 
la  force  ,  l'a  fraude ,  le  ftratagêrne ,  8c  pa- 
reilles horreurs  fur  lefquelles  ,  dans  quel- 
ques pays  ,  lès  princes  8c  les  miniftres  fer- 
ment les-  yeux  en  temps  de  guerre.  «  Les 
«  hommes  ,  dit  la  Bruyère  ,  font  au  fou- 
«  verain  comme  une  monnoie  ,  dont  il 
»  acheté  une  place  ,  ou  une  victoire.  S'il 
»  fait  en  forte  qu'il  lui  en  coûte  moins  , 
»  s'il  épargne  les  hommes  ,  il  reflemble  à 
a'  celui  qui  marchande  ,  8c  qui  connoît 
»  mieux  qu'un  autre  le  prix  de  l'argent.  » 
Auffi  tout  profpere  fous  un  tel  fouve- 
rain  ,  8c  dans  une  monarchie  où  l'on  con- 
fond les  intérêts  de  l'état  avec  ceux  du 
monarque.  Or ,  j'ajoute  ici  que  les  intérêts 
de  l'état  s'oppofent  à  la  violence  8c  à 
l'artifice  dans  les  enrôkmçns  ;  non-feule- 


ENR 

ment  parce  que  de  telles  pratiques  bîeflênt 
les  droits  de  l'humanité  ,  mais  de  plus 
parce  que  la  peine  capitale  portée  contre 
les  déferteurs ,  devient  alors  une  injuftice 
qui  révolte  la  nature.  Voye^  Déserteur. 
Article  de  M.  le  chevalier  DE  JaucoURT. 
^  ENROUEMEMT  ,  f.  m.  (  Médecine.  ) 
Ce  terme  eft  ordinairement  employé  pour 
lignifier  la  maladie  même  ,  dont  il  n'en: 
proprement  qu'un  fymptome.  Cette  mala- 
die eft  une  efpece  de  fluxion  catarreufe  , 
qui  a  fon  fiege  dans  le  larynx  ,  la  trachée- 
artère  ,  8c  principalement  dans  les  parties 
qui  conftituent  l'organe  de  la  voix. 

Ces  parties  étant  engorgées  ou  enduites 
d'une  trop  grande  quantité  d'humeurs  pir 
tuiteufes  >,  c'eft-à-dire  ,  de  la  mucoiité  na- 
turelle trop  épaifïie  5  ont  leurs  furfaces- 
inégalement  tuméfiées ,  mal  unies  ,  en  forte 
qu'elles  rendent  les  collifions  de  l'air  rudes , 
8c  fur-tout  les  vibrations  de  la  glotte  lour- 
des j  lentes ,  très-peu  8c  défagréablemcnt 
fbnores ,  d'où  réfulte  le  fymptome  dont  il 
s'agit  3  l'enrouement  ,  mot  qui  vient  du 
Latin  ravis  ,  dont  on  a  formé  raucitas  x. 
raucedo ,  voix  rauque. 

Ce  défaut  peut  aufii  être  produit  par  le 
relâchement  des  mufcles  qui  fervent  à  ten- 
dre les  cordes  vocales  qui  forment  les  bords 
de  la  glotte  ,  8c  par  le  deïlechement  ou  Et 
trop  grande  tenîion  de  ces  mêmes  cordes. 
Vcye^  Voix. 

Pour  ce  qui  eft  du  traitement  de  cette 
maladie ,  (î  la  caufe  eft  catarreufe  ,  il  eft: 
le  même  que  celui  du  cataire  en  général  , 
de  l'enchifrenement  dont  il  a  été  fait  mei> 
fion  ci-devant ,  8c  du  rhume  ?  voye^  Ca- 

TARRE     ,     ENCHIFRENEMENT   ,      RHUME.. 

;  Si  le  relâchement  des  mufcles  du  larynx 
qui  caufe  ['enrouement ,  dépend  de  la  fibre- 
lâche  en  général  ,  les  remèdes  contre  ce 
vice  univerfel  conviennent  aufii  contre  lé 
particulier  dont  il  eft  ici  queftion  :  voye^ 
Fibre  >  Leucophlegmatie.  Si  ce  relâ- 
chement eft  un  effet  de  la  paralyiie  ,  il: 
n'eft  pas  fufceptible  d'une  cure  particulière  : 
voye^  Paralysie.  Le  deftechement  8c  là 
roideur  de  la  glotte  n'ëft  pas  ordinairement 
un  vice  propre  a  cette  partie  ;  il  tient  a 
celui  des  lolides  en  général ,  qui  eft  de  là 
même  nature  :  on  peut  de  plus  employer 
Ja  vapeur  de  décodions  des  plantes  émoi- 


ENS 

lientes  ,  reçue  dans  la  bouche  ouverte  ,  & 
dirigée  vers  la  trachée-artere  par  de  fré- 
quentes infpirations  ,  par  lefquelles  l'air  , 
chargé  de  cette  humidité  médicamenteufe, 
eft  lbuvent  appliqué  aux  parties  viciées. 
Si  la  tendon  Ipafmodique  ,  hyftérique  ou 
mélancolique ,  ou  de  toute  autre  efpece , 
produit  {'enrouement ,  il  ne  peut  être  traité 
que  par  les  remèdes  propres  contre  les  ma- 
ladies dont  il  eft  un  fymptome  >  voye^ 
Spasme  ,  Hystéricite  ,  Mélancolie, 
Manie,  &c.  La  voix,  devenue  rauque 
par  un  accès  de  colère  ,  fe  guérit  par  le 
repos  du  corps  8c  de  l'elprit ,  ou  par  les 
anodyns.  (  d  ) 

;'  ENROUILLER,v.neut.  (Jardinage.) 
fè  dit  d'un  pré  où  le  torrent  a  pénétré  8c 
a  couvert  l'herbe  :  ce  qui  s'appelle  enrouiller 
t herbe.  (  K  ) 

ENROULEMENT  ,  f.  m.  (Jardinage.) 
que  quelques-uns  appellent  rouleau  ,  eft 
une  plate-bande  de  buis  ou  de  gazon  con- 
tournée en  ligne  fpirale.  Cet  ornement  fe 
confond  avec  les  maflifs  8c  les  volutes  des 
parterres.  (K) 

ENS  ,  (  Chymie.  )  Paracelfe  8c  fes^  dif- 
ciples  ont  donné  à  ce  mot  différentes  ligni- 
fications ;  ils  l'ont  employé  fur-tout  pour 
exprimer  la  force ,  la  puiflance  d'un  agent , 
&c.  ou  pour  déligner  les  parties  d'un  corps 
dans  lefquelles  réfident  proprement  leur 
efficacité  ou  leur  vertu  médicinale.  C'eft 
dans  le  premier  fens  que  Paracelfe  emploie 
ce  mot  dans  les  expreiTîons  fuivantes ,  ens 
Dei ,  ens  ajlrorum ,  ens  naturale  ,  &c.  qui 
font  familières  à  cet  auteur  ;  ôc  dans  le  lè- 
cond,  qu'il  faut  prendre  l'ens  primum  des 
minéraux  ,  des  animaux  ,  des  végétaux  ,.  8c 
l'ens  appropriatum  de  ces  derniers. 

C'eft  à  cet  ens  primum  des  végétaux  que 
les  difciples  de  Paracelfe  ,  &  fur-tout  notre 
célèbre  le  Febvre,  ont  attribué  tant  de  vertus, 
celle  enrr 'autres  de  rajeunir  ,  ou  de  renou- 
veller  le  corps ,  auxquelles  M.  Boyle  ,  tout 
porté  qu'il  étoit  à  douter  en  chymie ,  paroît 
avoir  ajouté  foi ,  mais  fur  lefquelles  au  con- 
traire nous  avons  poufte  aujourd'hui  notre 
incrédulité  jufqu'à  un  point  où  elle  eft  peut- 
être  auftî  peu  (âge  que  la  confiance  aveugle 
dtes  philo fophes.  (b) 

Ens  Veneris.  Boyle  a  célébré  fous 
ce  nom.  un  remède  çhyrnique,  qui  n'eft  autre 


ENS-  517 

chofe  que  la  chaux  douce  du  vitriol  (  ou 
le  réildu  de  fa  diftillation  leffivé  avec  de 
l'eau  bouillante  jufqu'à  infipidité  )  ,  fubli- 
mée  avec  partie  égale  de  fel  ammoniac.  Le 
produit  de  cette  fublimation  eft  un  mélange 
de  fleurs  de  mars  8c  de  fleurs  de  cuivre  >  car 
Boyle  demande  ,  pour  cette  opération ,  un 
vitriol  de  mars  très-cuivreux.  Ce  remède 
n'eft  abfolument  d'aucun  ufage  parmi  nous  ? 
8c  c'eft  avec  raifon  que  nous  l'avons  rejeté  , 
des  expériences  réitérées  nous  ayant  démon- 
tré que  l'ufage  intérieur  du  cuivre  n'étoit  j a- 
mais  exempt  de  danger.  Voye^  Cuivre,  (b) 

Ens  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  de  la  haute 
Autriche  ,  en  Allemagne  3  elle  eft  lîtuée 
dans  le  pays  6c  fur  la  rivière  à* Ens.  Long. 
32,  ,  %%  ;  lat.  48  ,   1%. 

*  ENSABATÉS  ,  adj.  pris  fubft.  (  Hijf, 
ecclefiajl.  )  hérétiques  Vaudois  qui  parurent 
dans  le  treizième  liecle.  Ils  prétendoient  que1 
le  ferment  étoit  toujours  illicite  ;  qu'on  ne 
devoit  de  l'obéi (îànce  à  aucun  fupérieur  Ce- 
culier  ou  eccîefiaftique  ,  8c  que  tout  châti- 
ment infligé  pour  caufe  de  religion  ,  étoit 
un  acte  de  tyrannie.  On  les  appella  Enfab'atésy 
d'une  marque  que  les  plus  parfaits  portoient' 
fur  le  haut  de  leurs  fouliers  ,  8c  qu'ils  appel- 
loient  fabbatas. 

ENSADA  ou  ENZADA  ,  f.  m.  (  Hi(î. 
nat.  botan.  )  nom  qu'on  donne  aux  Indes 
à  l'arbre  des  Banians.  Voye^  cet  article. 

ENSAISïNEMENT,  Cm.(Jurifprud.) 
lignifie  mife  en  pojfejj/on  civile.  Enfaifiner  un 
contrat ,  c'eft  mettre  l'acquéreur  en  failîne  , 
c'eft-à-dire,  enpoflelfion  de •  l'héritage  fur 
lequel  le  contrat  lui  accorde  quelque  droit. 

La  formalité  de  \'enf ai  finement  vient  de' 
ce  que  par.  l'ancien  ufage  du  chatelet  de' 
Paris  8c  de  toute  la  pré  voté  ,  8c  dans  plu- 
lieurs  autres  provinces  coutumieres,  aucune' 
faifie  ou  pofleffion  n'étoit  acquife  de  droit 
ni  de  fait  fans  qu'il  y  eût  dëvejl  8c  vejl ,. 
.c'eft-à-dire  ,  qu'il  falloit  que  le  vendeur 
fe  fut  deflàifi  entre  les  mains  du  feigneur- 
cenfier,  8c  que  ce  même  feigneur  eûrenfuite 
invefti  l'acquéreur  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  lui 
eût  donné  la  faifine  ou  poflelïîon  ,  d'où  eft 
.  venu  le  terme  à'ènfaifinement ,  lequel  néan- 
moins ne  s'applique  qu'aux  miles  en  polîèl-- 
llon  des  biens  en  roture  ;  car  la  même  for- 
malité à  l'égard  desfiefs  s'appelle  inféodation.- 

Quoique  l'enfaijineme/it  ne  foit  en  effet 


p$  E  N  S 

qu'une  mi  Te  en  poUefTion  civile  &  flcUve, 
il  croit  néanmoins  autrefois  coulioeré  comme 
une  mife  en  pofleiïion  réelle  8c  de  fait  ,  ou 
du  moins  on  doit  entendre  par-là  qu'il  étoit 
'nécefïaire  pour  autorifer  le  vendeur  à  le 
deflàifir,  8c  1  acquéreur  à  prendre  poiîef- 
fion. 

On  étoit  obligé  de  prendre  du  feigneur 
{'enfaifinement  du  temps  que  les  coutumes 
notoires  du  châtelet  furent  rédigées  ,  c 'eft- 
à-dire  ,  depuis  l'an  13C0  iufqu'en  1387. 
Suivant  Y  art.  j%  de  ces  coutumes ,  aucun 
ne  pouvoit  être  propriétaire  s'il  n'étoit  en- 
faifiné  réellement  &  de  fait  par  le  feigneur 
ou  par  Cqs  gens.  Cet  article  exceptoit  néan- 
moins le  bail  à  cens ,  parce  que  ce  bail  étant 
fait  par  le  feigneur  même  ,  invertit  fufïïfam- 
ment  le  preneur  ,  fans  qu'il  foit  befoin  de 
prendre  autre  faifine. 

On  payoit  dès-lors  douze  deniers  parifis 
pour  la  faifine  ou  enfaifinement  ,  quel  que 
fût  le  prix  de  la  vente;  &  ce  droit  étoit 
appelle  en  Latin  revefritura  ,  comme  on 
voit  dans  des  lettres  de  St.  Louis ,  du  mois 
de  mars  12.63. 

Quelques  feigneurs  prétendoient  avoir 
droit  de  prendre  cinq  fous  pour  Yenfaifine- 
ment ,  comme  le  dit  l'auteur  du  grand  cou- 
tumier  :  le  roi ,  1  evêque  de  Paris ,  les  abbés 
de  Sainte-Geneviève  ,  de  Saint-Magloire  8* 
de  Saint-Denis ,  prétendoient  être  en  poflef- 
ilon  de  recevoir  cinq  fous  pour  {a.  faifine.  M 
y  eut  des  oppofîtions  faites  à  ce  lujet,  lors 
des  deux  réda&ions  de  la  coutume  de  Paris; 
mais  cette  prétention  n'a  pas  prévalu ,  &  le 
droit  de  faifine  îfeft  encore  communément 
que  de  douze  deniers  parifis. 

L'obligation  de  prendre  faifine  tomba 
bientôt  en  non-ufage  du  moins  dans  la 
prévoté  de  Paris  ;  car  l'auteur  du  grand 
coutumier  ,  qui  écrivoit  fous  le  règne  de 
Charles  VI ,  en  parlant  des  lettres  de  fai- 
fine ou  enfaifinement  que  l'on  prenoit  du 
feigneur  ou  de  fon  bailli  ou  député  ,  ajoute, 
fi  ainfi  efi  que  le  vendeur  fe  veuille  faire  en- 
faifiner  ;  car  par  la  coutume  de  la  prévôté 
de  Paris  il  ne  prend  faifine  qui  ne  veut  , 
8c  le  feigneur  ne  reçoit  que  les  ventes  ;  ce 
qui  fut  adopté  dans  plufieurs  coutumes ,  &c 
notamment  dans  celle  de  Paris ,  rédigée  d'à 
en  15 10,  réformée  en  1580,  dans  celles 
de    Meaux  ,  Sens  ,  Auxerre ,   Étampes  , 


E  N  S 

Montfort ,  Dourdan ,  Mantes  ,  Senlis  & 
Montargis. 

^  La  coutume  de  Clermont  eft  la  feule  qui 
ait  retenu  l'ancien  ufage  d'obliger  l'acqué- 
reur de  fe  faire  enfaifiner  :  l'art.  114  de 
cette  coutume  porte  que  quand  aucun  a 
acquis  quelque  héritage  roturier  ,  il  ne  fe 
peut  mettre  audit  héritage  fans  faifine  du 
feigneur  ,  fur  peine  de  foixante  fous  parifis 
d'amende. 

Dans  les  autres  coutumes ,  qui  n'ont  au- 
cune difpofïtion  à  ce  fujet  ,  l'acquéreur 
eft  réputé  mis  en  poflèiTion  civile  par  le 
feul  effet  des  claufes  du  contrat,  par  lefquelles 
le  vendeur  fe  deflàiiit  au  profit  de  l'acqué- 
reur ;  &  ce  dernier  n'a  pas  befoin  d'autre 
titre  pour  prendre  poilcflion  réelle  &  de 
fait  ;  il  peut  pareillement  difpofer  de  l'hé- 
ritage de  le  revendre  ,  quoiqu'il  n'ait  point 
fait  enfaifiner  fon  contrat. 

Le  feigneur  ne  peut  faifir  pour  être  payé 
du  droit  à' enfaifinement  ;  il  a  feulement 
une  action  pour  s'en  faire  payer,  au  cas 
que  l'acquéreur  ait  pris  faifine ,  &  non 
autrement. 

Il  eft  néanmoins  avantageux  à  l'acquéreur 
de  faire  enfaifiner  fon  contrat  ,  parce  que 
Tannée  du  retrait  lignager  ne  court  que  du 
jour  de  {'enfaifinement  ;  8c  que  Ci  le  contrat 
n'eft  pas  enfaifiné  ,  l'action  en  retrait  dure 
trente  ans  ;  8c  comme  le  feigneur  a  une 
action  pour  fe  faire  exhiber  le  contrat  d'ac- 
quiiition  8c  pour  être  payé  des  lods  Ôc  ven- 
tes ,  on  ne  manque  guère  de  faire  enfaifiner 
le  contrat  ,  en  payant  les  droits  feigne  u- 
riaux. 

U 'enfaifinement  fe  met  en  marge  du  con- 
trat ,  8c  fe  donne  fous-feing  privé.  Il  peut 
être  donné  par  le  fermier  ou  receveur  du 
feigneur  ,  ou  autre  ayant  charge  de  lui. 
Toute  la  formalité  confifte  en  ces  mots , 
enfaifiné  l'acquéreur  au  préfent  contrat ,  &c. 

Le  feigneur  ne  doit  pas  refufer  Y  enfai- 
finement à  l'acquéreur  qui  le  demande  ,  en 
payant  par  celui-ci  le  droit  de  douze  de- 
niers pour  h  faifine  ,  8c  tous  les  droits  qui 
font  dus  au  feigneur,  tant  pour  la  dernière 
acquifîtion  que  pour  les  précédentes  :  fi  le 
feigneur  refufoit  mal-à-propos  {'enfaifine- 
ment ,  l'acquéreur  peut  le  pourfuivre  de- 
vant le  juge  fupérieur  de  celui  du  feigneur. 
Voye^  Brodeau  fur  l'article  82.  de  la  coutume 


E  N  S 

de  Paris,  Se  les  autres  commentateurs  des 
coutumes  au  titre  des  cenjives.  {A) 

Ensaisinement  de  Rentes  consti- 
tuées eft  une  formalité  qui  fe  pratique 
dans  quelques  coutumes  ,  comme  Seniis , 
Clermont  Se  Valois  ,  pour  donner  la  pré- 
férence aux  contrats  de  rentes  enfaifinés  , 
fur  ceux  qui  ne  le  font  point  :  cet  enfaifi- 
nemznt  eft  différent  du  nauijfement.  Voye-^ 
Coutumes  de  Saisine  ,  Mise  de  Fait, 
Nantissement  ,  Rentes  constituées  , 
Saisine.  (  A  ) 

Ensaisinement  des  Actes  d'aliéna- 
tion des  Biens  domaniaux  ,  eft  une  for- 
malité établie  par  arrêt  du  conieil  d'état , 
du  7  août  1703.  ,  qui  ordonne  qu'a  l'ave- 
nir tous  les  contrats  de  vente  ,  échanges , 
adjudications  par  décret  ,  licitations  ,  & 
autres  aétes  rranilatifs  de  propriétés  de  terres 
Se  héritages  tenus  en  fief  ou  en  roture , 
tant  des  domaines  qui  (ont  es  mains  de 
S.  M.  que  de  ceux  qui  font  engagés  ,  fe- 
ront enfizifinês  par  les  receveurs  généraux 
des  domaines  Se  bois  ;  Se  que  ceux  qui  pof- 
fedent  depuis  168  5  ,  feront  tenus  de  faire 
enfaifiner  leurs  titres  de  propriété  dans 
les  temps  prescrits  ,  Se  fous  les  peines  por- 
tées par  les  arrêts. 

Ce  même  enfaifinement  a  été  ordonné 
par  déclaration  du  23  juin  170 y  ,  foit  que 
Y  enfaifinement  ait  lieu  par  la  coutume  ou 
non. 

La  perception  des  droits  pour  cet  enfai- 
finement 'st  été  réglée  par  plu  heurs  arrêts  du 
confeil  des  31  janvier  1708,  &  premier 
novembre  1735.  Voye^  au  (fi  les  édits  de 
décembre  170 1  &  1727,  fur  la  même  ma- 
tière. (  A  ) 

ENSANGLANTÉ ,  adj.  terme  de  Blafon , 
qui  fe  dit  du  pélican  Se  autres  animaux 
iànglans. 

Du  Coin  en  Bretagne ,  dJor  au  pélican 
d'azur  avec  fa  piété  ,  le  tout  enfanglaméde 
gueules. 

ENbEïGNE  ,  f.  m,  (Jîifl.anc.  &  mod.  ) 
figne  militaire  fous  lequel  fe  rangent  les 
foidars ,  félon  les  différens  corps  dont  ils 
font  ,  ou  les  différens  partis  qu'ils  fui- 
\»enr. 

©ans  la>  première  antiquité,  les  en  feignes 
militaires  furent'  aufii  fcnpîcs  due  l'éroient 
les  premières  armes,  <k"  les  diverfes nations 


EN  S 


5i9 


ou  partis  ,  pour  fè  reconnoître  dans  les 
combats  ,  employèrent  pour  fignal  des 
choies  très-communes,  comme  des  bran- 
ches de  verdure ,  des  oifeaux  en  plume  , 
des  têtes  d'animaux  ,  des  poignées  de  foin 
mifes  au  haut  d'une  perche  :  mais  àmefure 
qu'on  fe  perfectionna  dans  la  manière  de 
s'armer  Se  de  combattre  ,  on  imagina  des 
enfhigrzcs  ou  plus  folides  ou  plus  riches  ,  Se 
chaque  peuple  voulut  avoir  les  fiennes  ca- 
ractérifées  par  des  fymboles  qui  lui  fuirent 
propres.  Les  Grecs  ,  par  les  termes  géné- 
riques de  ri'uÇihov  Se  de  tgoKvjfAA  ,  Se  les 
Latins  par  ceux  de  fignum  Se  de  vexilîum  , 
dé/ignaient  toutes  fortes  à'enfeignes  ,  foit 
qu'elles  fu lient  en  figure  de  relief,  foit 
qu'elles  fufîent  d'étoffe  unie,  peinte  ou  bro- 
dée :  néanmoins  chaque  enfeigne ,  d'une 
forme  particulière ,  avoit  fon  nom  propre , 
tant  pour  la  donner  à  connoitre  fous  fa 
forme,  que  pour  montrer  à  quelle  efpece 
de  milice  elle  convenoit. 

Le  nom  à3 enfeigne  eft  donc  générique; 
Se  parmi  nous  ce  genre  fe  fubdivife  en  deux 
efpeces ,  drapeau  pour  l'infanterie  ,  Se  éten- 
dard pour  la  cavalerie. 

Les  Juifs  eurent  des  e nfe ignés ,  chacune 
des  douze  tribus  d'Iiraël ,  ayant  une  cou- 
leur à  elle  affectée  ,  avoit  un  drapeau  de 
cette  couleur  ,  fur  lequel  on  voyoit  ,  à  ce 
qu'on  prérend ,  la  figure  ou  le  fymbole  qui 
déiîgnoir  chaque  tribu  ,  félon  la  prophétie 
de  Jacob.  L'hcriture  parle  fouvent  du  lion 
de  la  tribu  de  Juda ,  du  navire  de  Zabu- 
lon  ,  des  étoiles  Se  du  firmament  d'IiLichar. 
Mais  quoique  chaque  tribu ,  eût  (onen  feigne , 
on  prétend  que  fur  les  douze  il  y  en 
avoit  quatre  prédominantes  ;  favoir  ,  celle 
de  Juda ,  où  l'on  voyoit  un  lion  ,  celles  de 
Ruben  ,  de  Dan  Se  d'Ephraïm  ,  fur  les- 
quelles on  voyoit  des  figures  d'hommes , 
d'aigles ,  d'animaux.  L'exiftcnce  des  enfei- 
gne* ,  chez  les  Hébreux  ,  eft  arteftée  pir 
l'Ecriture:  finguli  per  turmas  ,  Jigna  atque 
vexilla  ca(lrametabuntur  filii  Ifra'èl  ,  dit 
Moyfe  ,  enap.  ij ,  des  nombres.  Mais  la  re- 
préTenration  d'hommes  Se  d'animaux  fur 
ces  enfe'gnes ,  n'eft  pas  également  prou- 
vée ,  elle  paraît  même  directement  con- 
traire à  la  défenfe  que  Dieu  ,  dons  les  Écri- 
tures", réitère  fi  fouvent  aux  ïiraélites  da 
faire    des    figures,  Gn    croit  qu'après    le 


520  E  N  S 

captivité  de  Babylone  ,  leurs  drapeaux  ne 
furent  plus  chargés  que  de  quelques  let- 
tres qui  formoient  des  fentences  à  la  gloire 
de  Dieu. 

Il  n'en  étoit  pas  de  même  des  nations 
idolâtres  ;  leurs  enfeignes  ou  drapeaux  por- 
taient l'image  de  leurs  dieux  ou  des  fym- 
boles  de  leurs  princes.  Ainfi  les  Egyptiens 
eurent  le  taureau  ,  le  crocodile  ,  &c.  Les 
Aflyriens  avoient  pour  enfeignes,  des  co- 
lombes ou  pigeons  ;  parce  que  le  nom  de 
leur  farneufe  reine  Sémiramis ,  originaire- 
ment Chemirmor ,  fignifie  colombe.  Jérémie  , 
chap.  xhj  ,  pour  détourner  les  Juifs  d'entrer 
en  guerre  avec  les  Aflyriens  ,  leur  confeille 
de  fuir  devant  l'épée  de  la  colombe ,  à 
facie  gladïi  coiumbœ  fugiamus ,  ce  que  les 
commentateurs  ont  entendu  des  drapeaux 
des  Chaldéens. 

Chez  les  Grecs ,  dans  les  temps  héroï- 
ques ,  c'étoit  un  bouclier ,  un  cafque  ou 
une  cuira  (Te  au  haut  d  une  lance  ,  qui  fer- 
voient  à' enfeignes  militaires.  Cependant  Ho- 
mère nous  apprend  qu'au  fiege  de  Troye  , 
Agamemnon  prit  un  voile  de  pourpre  ,  ôc 
î'éleva  en  haut  avec  la  main ,  pour  le  faire 
remarquer  aux  foldats ,  ôc  les  rallier  à  ce 
lignai.  Ce  ne  fut  que  peu  à  peu  ques'in- 
troduifit  l'ufage  des  enfeignes  avec  les  de- 
vifes.  Celles  des  Athéniens  étoient  Mi- 
nerve ,  l'olivier  Se  la  chouette  ;  les  autres 
peuples  de  la  Grèce  avoient  au  (fi  pour  en- 
feignes ,  ou  les  figures  de  leurs  dieux  tuté- 
laires  ,  ou  des  fymboles  particuliers  élevés 
au  bout  d'une  pique.  Les  Corinthiens 
portoient  un  pégafe  ou  cheval  ailé ,  les 
Mefleniens  la  lettre  greque  m  ,  ôc  les  La- 
cédémoniens  le  A,  qui  étoit  la  lettre  ini- 
tiales de  leur  nom. 

Les  Perfes  avoient  pour  enfeigne  princi- 
pale une  aigle  d'or  au  bout  d'une  pique , 
placée  fur  un  chariot  ,  ôc  la  garde  en 
étoit  confiée  à  deux  officiers  de  la  première 
diftinction  ,  comme  on  le  voit  à  la  bataille 
de  Thymbrée  fous  Cyrus  ;  Ôc  Xénophon , 
dans  la  Cyropédie  ,  dit  que  cette  enfeigne 
fut  en  ufage  fous  tous  les  rois  de  Perfe. 
Les  anciens  Gaulois  avoient  auiTî  leurs  en- 
feignes ,  ôc  juroient  par  elles  dans  les 
ligues  Se  les  expéditions  militaires  :  on  croit 
qu'elles  repréfentoient  des  figures  d'ani- 


E  N  S 

maux,  8c  principalement  le  taureau  ,  le 
lion  ôc  l'ours. 

Il  n'en  efl  pas  de  même  de  celles  des 
Romains  ;  à  ces  premières  enfeignes  grof- 
fïeres ,  ces  manipules  ou  poignées  de  foiri  , 
qu'ils  portoient  pour  lîgnaux  lorfqu'ils 
n'étoient  encore  qu'une  troupe  de  brgands, 
ils  fubftituerent ,  félon  Pline  ,  des  figures 
d'animaux  ;  comme  de  '  loup  ,  de  cheval , 
de  fanglier  ,  de  minotaure  ;  mais  Marius 
les  réduifit  toutes  à  l'aigle  ,  fi  connue  fous 
le  nom  d'aigle  Romaine. 

Elles  furent  d'abord  en  relief ,  les  unes 
d'or  ,  les  autres  d'argent ,  d'airain ,  ou  de 
bois.  Une  légion  étoit  divifée  en  cohortes, 
la  cohorte  en  manipules ,  Ôc  le  manipule  en 
centuries.  Chaque  cohorte  étoit  comman- 
dée par  un  tribun  ;  il  en  étoit ,  pour  ainfi 
dire  ,  le  colonel.  C  étoient  ces  officiers  qui 
avoient  feuls  le  droit  d'avoir  une  aigle  dans 
la  cohorte  que  chacun  d'eux  commandoir. 
Il  n'y  avoit  que  deux  aigles  par  légi\m  ,  & 
les  enfeignes  des  autres  cohortes  étoient 
d'une  autre  forme.  Les  aigles  des  légions 
étoient  d'argent ,  à  l'exception  de  la  pre- 
mière aigle  de  la  première  légion  ,  qui  , 
dans  une  armée  confulaire  ou  impériale  , 
étoit  d'or.  Cette  aigle  d'or  étoit  regardée 
comme  {'enfeigne  principale  de  la  nation  , 
ôc  comme  un  fymbole  de  Jupiter  qu'elle 
reconnoiflbit  pour  protecteur.  Les  autres 
enfeignes  inférieures  aux  aigles  ,  telles  que 
celles  des  manipules  ôc  des  centuries  ,  n'é- 
toient que  d'airain  ou  de  bois. 

Les  enfeignes  Romaines ,  inférieures  aux 
ailes,  étoient  compoféesdepluiieurs  médail- 
lons mis  les  uns  fur  les  autres ,  attachés  ou 
cloués  fur  le  bois  d'une  pique ,  ôc  furmontés 
par  quelques  fignessfoit  d'une  main,  fymbole 
de  la  juftice  ;  foit  d'une  couronne  ,  de  lau- 
rier ,  fymbole  de  la  vi&oire.  Une  enfeigne 
à  médailles  en  contenoit  depuis  une  jufqu'à 
cinq  ou  fîx ,  fur  lefquelles  fe  voyoient  le  mo- 
nogramme des  quatre  lettres  majufcules  S. 
P.  Q.  R.  ôc  les  portraits  des  empereurs  , 
tant  du  prince  régnant  que  de  celui  de  fes 
prédécefïeurs  qui  avoit  créé  le  corps  à  qui 
appartenoit  \' enfeigne.  Elles  contenoient  aufïî 
l'emblème  ou  l'image  du  dieu  que  ce  corps 
avoit  choiii  pour  fbn  dieu  tutélaire  :  mais 
les  enfeignes  d'infanterie  étoient  chargées 
de  plus   de  médaillons   que  celles  de  la 

cavalerie. 


E  N  S 

cavalerie.  Voye^  nos  Planches  d'antiquités. 

Dans  toutes  les  enfeignes ,  au  deflbus  de 
la  partie  en  relief ,  étoit  un  petit  morceau 
d'étoffe  appelle  labarum  ,  qui  pendoit  en 
forme  de  bannière  ,  8c  qui  fervoit ,  foit  par 
fa  couleur ,  foit  par  fon  plus  ou  moins  de 
grandeur  ,  à  faire  distinguer  le  manipule  ou 
la  centurie  à  qui  Yenfeigne  appartenoit. 

Quoique  l'aigle  d'or  n'eut  pas  de  laba- 
rum du  temps  de  la  république ,  il  paroît 
qu'elle  en  a  eu  fous  les  empereurs  ,  du 
moins  du  temps  de  Conftantin  ;  car  on 
fait  qu'après  la  converfîon  de  ce  prince  au 
Chriftianifme ,  les  enfeignes  romaines  chan- 
gèrent de  devifes  ;  au  lieu  des  emblèmes 
ou  des  figures  des  dieux  empreintes  fur  les 
médaillons,  on  grava  des  croix.  Si  la  légion 
eonferva  une  de  les  aigles  ,  l'autre  fut  fup- 
primée  ,  &  l'une  des  deux  enfeignes  fur- 
montée  d'une  croix.  De  plus  ,  le  prince  & 
les  fuccefleurs  fe  donnèrent  une  enfeigne  de 
corps  ou  d'accompagnement  de  leurs  per- 
fonnes  dans  les  batailles  ;  on  la  nomma 
labarum  :  elle  étoit  d'une  riche  étoffe  ,  8c 
en  forme  d'une  bannière ,  fur  laquelle  étoit 
brodé  en  pierreries  le  monogramme  de  Jefus- 

Chrift ,  ainfl  figuré  \c   ,  8c  qu'on  avoit 

fubftitué  à  celui-ci  S.  P.  Q.  R.  On  ne 
portoit  le  labarum  à  l'armée  que  quand 
l'empereur  y  étoit  en  perfonne.  Julien 
l'apoftat  rétablit  le  labarum  dans  fa  pre- 
mière forme  ,  8c  mit  dans  tous  les  autres 
drapeaux  la  figure  de  quelque  divinité  du 
paganifme  :  mais  cette  innovation  ne  dura 
pas  plus  long-temps  que  le  règne  de  ce 
prince ,  8c  le  labarum  de  Conftantin  fut  re- 
mis en  honneur. 

En  temps  de  paix ,  les  légions  qui  n'é- 
toient  point  campées  fur  les  frontières ,  dé- 
pofbient  leurs  enfeignes  au  tréfor  public  , 
qui  étoit  dans  le  temple  de  Saturne  ,  8c 
on  les  en  tiroir  quand  il  falloit  ouvrir  la 
campagne.  On  ne  pafîbit  pas  devant  les 
aigles  fans  les  faluer  ,  8c  on  mettoit  auprès , 
comme  dans  un  afyle  afluré  ,  le  butin  8c  les 
prifonniers  de  guerre  ;  les  officiers  8c  les 
foldats  y  portoient  leur  argent  en  dépôt , 
8c  le  porte-aigle  en  étoit  le  gardien.  Après 
une  victoire  on  les  ornoit  de  fleurs  8c  de 
lauriers  ,  &  l'on  brûloir  devant  elles  des 
parfums  précieux. 
Tome  XI I. 


E   N  S  pi 

A  l'exemple  des  Grecs  8c  des  Romains  , 
&  pour  la  même  fin  ?  les  nations  qui  fe 
font  établies  en  Europe  fur  les  débris  de  la 
puiffance  romaine  ,  ont  eu  des  enfeignes 
dans  leurs  armées.  Nous  parlerons  ici  prin- 
cipalement de  celles  des  François  ,  dont  le 
nombre  ,  la  couleur  &  la  forme  n'ont  pas 
toujours  été  les  mêmes.  Ce  que  nous  en 
dirons  eft  extrait  du  commentaire  qu'a 
donné  fur  cette  matière  M.  Beneton. 

En  remontant  jufqu'à  l'établifTèment  de 
notre  monarchie  ,  on  voit  que  les  François 
qui  entrèrent  dans  les  Gaules  avoient  des 
enfeignes  chargées  de  divers  (ymboles.  Les 
Ripuairès  avoient  pour  fymbole  une  épée 
qui  défi gnoit  le  dieu  de  la  guerre  ,  8c  les 
Sicambres  une  tête  de  bœuf ,  qui ,  félon 
cet  auteur ,  défignoit  Apis  dieu  de  l'Egypte , 
parce  que  ces  deux  nations  étoient  originai- 
rement defeendues  des  Egyptiens  8c  des 
Troyens,  fî  on  l'en  croit.  Quoi  qu'il  en 
foit ,  on  convient  affez  communément  que 
nos  premiers  rois  portoient  des  crapauds 
dans  leurs  étendards. 

Depuis  la  converfîon  de  Clovis  au  chrif- 
tianifme 3  la  nouvelle  religion  ne  permet- 
tant plus  ces  fymboles  qui  fe  reffentoient 
de  l'idolâtrie,  ce  prince  ne  voulut  plus  que 
fa  nation  fût  défignée  que  par  une  livrée 
prife  de  la  religion  qu'il  fuivoit.  Ainfi  Yen- 
feigne ou  la  bannière  de  faint  Martin  de 
Tours ,  qui  fut  le  premier  patron  de  la  Fran- 
ce ,  8c  qui  étoit  d'un  bleu  uni ,  fut  pour  les 
troupes  le  premier  étendard  ,  comme  le 
labarum  l'avoit  été  pour  les  Romains  depuis 
la  converfîon  de  Conftantin.  Dans  le  même 
efprit  on  avoit  coutume  de  porter  dans  les 
armées  des  châfïes  8c  des  reliquaires.  Mais 
outre  ces  enfeignes  de  dévotion  deftinées  à 
exciter  la  piété ,  il  y  avoit  encore  des  en- 
feignes de  politique  faites  pour  exciter  la 
valeur  ,  c'eft-à-dire  ,  des  enfeignes  ordi- 
naires. 

Augufte  Galland  a  cru  que  ce  qui  étoit 
porté  autrefois  dans  nos  armées  fous  le  nom 
de  chape  de  S.  Martin ,  étoit  effectivement  le 
manteau  de  ce  faint  attaché  au  haut  d'une 
pique  pour  fervir  d'enfeigne.  Mais  par  le 
mot  cappa ,  il  faut  entendre  ce  qui  eft 
lignifié  par  capfa  ,  c'eft-à-dire ,  une  châfîe  , 
un  coffret  renfermant  des  reliques  de  faint 

Vvv 


5ii  E  N  S 

Martin  ,  qu'on  pouvoir  porter   à  l'armée 
fuivant  l'uiage  de  ce  temps-là.  La  véritable 
enfeigne  étoit  une  bannière  bleue  faite  com- 
me nos  bannières  d'églife.   La  cérémonie 
d'aller  lever  la  bannière  de  S.  Martin  de 
deffus  le  tombeau  du  faint ,  où  elle  étoit 
mife  ,  quand  il  étoit  queftion  de  la  porter 
à  la  guerre  ,  étoit  précédée  d'un  jeûne  ôc 
de  prières.  Les  rois  faifoient  fouvent  cette 
levée  eux-mêmes  ;  &  comme  il  ne  conve- 
noit  pas  à  un  général  de  porter  continuelle- 
ment une  enfeigne  .  ils  la  confioient  à  quel- 
que grand  feigneur  ,   duc  ,  comte  ,   ou 
'  baron  pour  la  porter  pendant  l'expédition 
pour  laquelle   on  la  portoit.    Les  comtes 
d'Anjou ,  comme  advoués  de  l'églife   de 
S.  Martin  de  Tours  ,  avoient  ordinaire- 
ment cette  commifïion.  Voye[  Advoué. 
La  dévotion  envers  S.  Martin  ayant  peu 
à  peu  diminué  ,  ôc  les  rois  depuis  Hugues 
Capet ,  ayant  fixé    leur  féjour    à  Paris  , 
S.  Denis ,  patron  de  leur  capitale  ,  devint 
bientôt  celui   de  tout   le    royaume  ;  ôc  le 
comté  de  Vexin  ,  dont  le  comte  étoit  l'ad- 
voué  de  l'abbaye  de   S.  Denis ,  ayant  été 
léuni  à  la  couronne  par  Louis  le  Gros,  ce 
prince  mit  la  bannière  de  S.  Denis  au  même 
crédit  &  au  même  rang  qu'avoit  eu  celle 
de  S.  Martin  fous  fes  prédécefleurs.  On  la 
nomma  V oriflamme  ;  elle  étoit  rouge  ,  cou- 
leur affectée  aux  martyrs  :   quelques-uns 
ont  prétendu  qu'elle  étoit  chargée  de  flam- 
mes d'or  ,  6c  que  de  là  étoit  venu  Ton  nom  ; 
mais  c'eft  une  tradition  peu  fondée.  L'ori- 
flamme coniîftoit  en  un  morceau  d'étoffe 
de  foie  couleur  de  feu ,  monté  fur  un  bâton 
qui  faifoit  la  croix  au  haut  d'une  lance  ; 
l'étoffe  de  l'oriflamme  ie  terminoit  en  pointe , 
ou  ,  félon  des  auteurs ,  étoit  fendue  par  le 
bas  comme   pour  former  une   flamme  à 
plufieurs  pointes.  En  temps  de    guerre  , 
avant  que  d'entrer   en  campagne ,  le  roi 
alloit  en  grande  pompe  à  S.  Denis  lever 
cet  étendard  ,  qu'il  confioit  à  un  guerrier 
diftingué  par  fa  naiflance  &  par  fa  valeur , 
chargé  de  garder  cette  enfeigne ,  &  de  la  rap- 
porter à  l'abbaye  à  la  fin  de  la  guerre  ;  mais 
les    derniers   porte-oriflammes  négligèrent 
cette  dernière  cérémonie  ,  ôc  la  retinrent 
chez  eux.  On    croit  communément  que 
l'oriflamme  difparut  à  la  bataille  d'Azin- 
coun  3  fous  Charles  YI  >  du  moins  depuis 


E  N  S 

cette  époque  il  n'en  eft  plus  mention  dans 
nos  hiftoriens. 

Mais  dans  le  temps  même  que  cette  en- 
feigne étoit  le  plus  en  honneur  dans  nos 
armées,  ôc  qu'on  la  portoit  à  leur  tête 
gardée  par  une  troupe  de  cavalerie  d'élite  , 
il  y  avok  encore  deux  enfeignes  principales  j 
(avoir  ,  la  Bannière  ou  l'étendard  de  France  , 
qui  étoit  la  première  enfeigne  féculiere  de 
la  nation  ,  ôc  qui  tenoit  la  tête  du  corps 
de  troupes  le  plus  diftingué  qu'il  y  eût  alors 
dans  l'armée  ;  2°.  le  pennon  royal ,  qui  étoit 
une  enfeigne  faite  pour  être  inféparable  de 
la  perfonne  du  roi.  SucceiTïvement  les 
différens  corps  de  troupes  ,  infanterie  ôc 
cavalerie  ,  ôc  leurs  div liions  ont  eu  leurs 
enfeignes  ,  qu'on  a  nommées  bannières  ,  p en- 
nons ,  fanons  ,  gonfanons  ,  drapeaux  ,  éten- 
dards, guidons. 

La  bannière  >  qui  vient  du  mot  ban  ou 
pan  ,  ôc  celui-ci  depannus  en  latin ,  drap  ou 
étoffe,  étoit  commune  à  la  cavalerie  ôc  à 
l'infanterie ,  ôc  de  la  même  forme  que  nos 
bannières  d'églife  ,  avec  cette  différence 
que  celles  des  fantallins  étoient  plus  gran- 
des que  celles  des  gens  de  cheval  ;  qu'elles 
étoient  tout  unies  ,  au  lieu  que  celles  de 
la  cavalerie  étoient  chargées  de  chiffres ,  de 
devifes.  La  bannière  de  France  étoit  auiîî 
plus  remarquable  que  les  autres  par  fa  gran- 
deur ;  elle  étoit  d'abord  d'une  étoffe  bleue 
unie  ,  qu'on  chargea  de  fleurs  de  lis  d'or , 
quand  elles  eurent  été  introduites  dans  les 
armoiries  de  nos  rois.  On  nomma  les  plus 
grandes ,  bannières  gonfanons.  Depuis  ,  le 
morceau  d'étoffe  qui  compofoit  la  bannière 
fut  attaché  au  bois  de  la  pique  par  un  de 
fes  côtés }  fans  traverfe  ,  comme  on  le  voit 
aux  drapeaux  d'aujourd'hui  qui  ont  fuc- 
cédé  aux  bannières  de  l'infanterie  ,  comme 
l'étendard  ôc  le  pennon  aux  bannières  de 
cavalerie.  Le  pennon  ou  fanon  étoit  un  mor- 
ceau d'étoffe  attaché  le  long  de  la  pique 
aufîî-bien  que  l'étendard  ,  mais  avec  cette 
différence  que  celui-ci  étoit  carré,  ôc  l'autre 
plus  étroit ,  plus  alongé  ,  ôc  terminé  en 
pointe.  Il  y  avoit  des  pennons  à  plus  de 
pointes  les  uns  que  les  autres.  Le  pennon 
d'un  banneret  fuzerain  ,  par  exemple ,  n'a- 
voit  qu'une  pointe,  ôc  les  pennons  des  banne- 
rets  fes  vaflàux  en  avoient  deux.  De  plus  > 
parmi  les  chefs  de  pennonies  rangées  fous 


E  N  S 

une  bannière  ,  quelques-uns  étaient  cheva- 
liers ,  d'autres  n'étaient  que  bacheliers  ou 
écuyers ,  &c  les  pennons  marquoient  la  dii- 
rinction  de  tous  ces  grades  ;  ce  qui  mon- 
troit  des  pennons  à  une ,  à  deux ,  à  trois 
pointes. 

Sous  Charles  VII ,  le  changement  arrivé 
dans  notre  ancienne  gendarmerie  ,  dont  on 
forma  des  compagnies  d'ordonnance  ,  en 
introduisit  aufli  dans  toutes  les  enj~cign.es  \ 
les  bannières  Se  les  pennons  disparurent 
pour  faire  place  aux  drapeaux  de  l'infan- 
terie ,  aux  étendards  Se  aux  guidons  de  la 
gendarmerie  ,  tk  aux  cornettes  de  la  cava- 
lerie légère. 

Le  drapeau  qui  vient  encore  de  pannus 
ou  pennus  ,  d'où  l'on  a  fait  par  corruption 
pellus ,  pelletus ,  pellum  ,  drappellum  ,  Se  nos 
ancêtres  drapel  ,  eft  un  morceau  d'étoffe 
carré ,  cloué  par  un  de  fes  côté$  fur  le 
bois  d'une  pique.  L'ufage  d'y  mettre  des 
croix  avoit  commencé  au  temps  des  croi- 
fàdes ,  Se  ces  croix  furent  rouges  dans  les 
enfeignes  de  France  jufqu'au  teriîps  de  Char- 
les VI.  C'étoit  alors  la  couleur  de  la  nation  : 
mais  les  Anglois  qui  avoient  juSqu'alors 
porté  dans  leurs  enfeignes  la  croix  blanche 
ayant  pris  la  rouge  à  caufe  des  prétendus 
droits  qu'ils  croyoient  avoir  au  royaume  de 
France  ,  Charles  VII  ,  qui  n'était  alors 
que  dauphin  ,  changea  la.  croix  rouge  des 
enfeignes  de  fa  nation  en  une  croix  blanche  ; 
Se  pour  marquer  plus  intelligiblement  qu'il 
établifloit  cette  couleur  pour  être  détbr- 
mais  celle  de  la  nation  ,  il  Ce  donna  à  lui- 
même  une  enfeigne  toute  blanche  qu'il 
nomma  cornette  ,  Se  la  donna  pour  enfeigne 
à  la  première  des  compagnies  de  gendar- 
merie qu'il  créa  ,  Se  c'eft  ce  qu'on  nomma 
la  cornette  blanche. 

Depuis  qu'il  y  a  des  croix  fur  les  enfei- 
gnes ,  la  couleur  dont  eft  cette  croix  mon- 
tre la  nation  à  qui  appartient  {'enfeigne  \ 
pour  le  fond  fur  lequel  eft  placée  la  croix  , 
il  fait  partie  de  l'uniforme  de  la  troupe  à 
qui  eft  Y  enfeigne.  A  mefure  que  les  corps 
militaires  qui  fubiiftent  aujourd'hui  ont  été 
créés ,  le  premier  commandant  de  chacun 
de  ces  corps  a  eu  occafion  de  leur  commu- 
niquer fa  livrée  dans  fes  enfeignes  ;  ce  qui  a 
tenu  lieu  d'uniforme  jufqu'à  ce  que  l'on  ait 
imaginé  l'uniforme  des  habits. 


E  N  S  yi5 

Depuis  Charles  VII  jufqu'à  François  I , 
il  n'y   eut  en  France  que    deux    enfeignes 
royales    blanches  ;  lavoir ,  la  cornette  de 
France  ou  la  cornette  blanche  dont  nous 
venons  de  parler  ,  Se  la  cornette  royale  q  ui 
étoit  comme  l'étendard  de  corps  du  prince  , 
qu'on  portoit  auprès  de  lui  ,  foit  dans  les 
batailles  ,  Se  quelquefois  en  temps  de  paix 
dans  les  grandes  folemnités  ,    comme  aux 
entrées  publiques  ,  &c.    Mais   depuis  les 
guerres  du  Calvinifme  ,  outre  les  cornettes 
blanches  des  généraux  d'armée  à  qui  le  roi 
accordoit  cette  prérogative  par  diftinétion  , 
il  y  eut  en  France  ,  fur-tout  fous  Char- 
les IX  ,  autant  à! enfeignes  blanches  qu'il  y 
avoit  de  colonels-généraux  des  différentes 
milices.  En  ce  temps-là   l'infanterie  Fran- 
çoife  étoit  partagée  fous   deux  colonels  ; 
lavoir ,  celui  de  l'infanterie  qui  étoit  dans 
le  royaume  ,  Se  celui  de  l'infanterie  qui 
étoit  en  Italie ,  qu'on  appelloit  colonel  de 
V infanterie  de  delà  les  monts.  Chacun  de  ces 
colonels  avoit  fon  drapeau  blanc  :  le  colo- 
nel des  Suifles  au  fer  vice  de  la  France  avoit 
le  lien ,  Se  les  colonels  des  Lanfquenets  Se 
des  Corfes  avoient  aufïi  les  leurs.  Chaque 
colonel    mit  fon  drapeau  blanc    dans  (a 
compagnie  colonelle  ;  Se  par  la  fuite  lors- 
que l'infanterie  fut  enrégimentée ,  le  colo- 
nel-général  voulut  avoir    une  compagnie 
dans  chaque  régiment ,  Se  que  cette  com- 
pagnie eût  un  drapeau    blanc  ;  ce  qui  le 
pratique  encore  aujourd'hui  pour  toutes  les 
compagnies  colonelles  ,  quoique  la  charge 
de  colonel-général  de  l'infanterie  ne  fub- 
lïfte  plus  ;  le  droit  du  drapeau  blanc  a  pafle 
de  la  compagnie  colonelle    générale  à  la 
compagnie  colonelle  ,  la  première  ayant  été 
fupprimée  ,    chaque   meftre-de-camp   ou 
colonel  d'un  corps  particulier  s'étant  à  cet 
égard  arrogé  les  prérogatives  du  colonel- 
général  ;  ulage  qui  a  commencé  fous  Henri 
III ,  vers  l'an  158c. 

Les  enfeignes  de  la  cavalerie  ont  été 
nommées  étendards  Se  guidons  ,  au  lieu  de 
bannière  Se  pension  ,  en  forte  que  l'étendard 
eft  au  guidon  ce  que  la  bannière  étoit  au  ' 
pennon  ;  cependant  cette  difti  notion  ne 
fubfifte  plus ,  parce  que  l'étendard  eft  com- 
mun à  tous  les  corps  de  cavalerie  :  ainfî 
l'on  dit  un  étendard  de  cavalerie  Se  un  gui- 
don de  gendarmerie  >  mais  dans  cette  der- 
V  v  v  2 


5i4  E  N   S 

niere  troupe ,  c'eft  la  charge  qu'on  nomme 
guidon  8c  non  pas  Venfeigne  ,  on  la  nomme 
étendard  comme  dans  les  autres  corps  :  ces 
deux  enfeignes  avoient  tiré  leur  nom  par 
fîmilitude  de  l'action  à  laquelle  elles  font 
propres.  Le  guidon  eft  propre  à  guider  8c 
à  conduire  ,  l'étendard  eft  fait  pour  être 
vu  étendu  \  car  il  eft  attaché  à  fà  lance  de 
foutien  ,  de  manière  à  paraître  tel ,  foit  au 
moyen  du  vent ,  ou  par  le^moyen  d'une 
verge  de  fer  à  laquelle  le  chiffon  qui  fait 
proprement  l'étendard  ,  peut  être  attaché 
comme  il  l'étoit  autrefois  :  un  étendard 
ainfi  envergé  reftoit  bien  étendu  au  haut 
de  fà  pique  ,  &c  il  tournoit  tout  d'une 
pièce  comme  une  girouette.  Depuis  l'intro- 
duction de  la  cornette  blanche  royale  3  le 
premier  régiment  de  cavalerie  a  pris  une 
cornette  blanche  pour  fa  compagnie  colo- 
nelle ,  &  outre  cela  il  fe  nomme  la  cornette 
Manche  }  comme  on  a  autrefois  défïgné  les 
compagnies  de  cavalerie  par  le  nom  de 
,  cornettes  ;  ainfi  l'on  difoit  qu'il  y  avoit  dans 
une  armée  ioo  cornettes  de  cavalerie  , 
pour  figni fier  ioo  compagnies. 

Les  étendards  des  dragons  ont  quelque 
reffemblance  avec  les  anciens  pennons  3  en 
ce  qu'ils  font  plus  longs  que  ceux  de  la 
cavalerie  ,  &  fe  terminent  en  double 
pointe.  Les  étendards  font  chargés  d'armes 
ou  de  devifes  &  de  légendes  en  broderie. 
Les  enfeignes  d'infanterie  ne  font  qu'une 
grande  pièce  de  fort  taffetas  ,  avec  une 
croix  dont  les  bras  s'étendent  jufqu'aux 
bords  ;  le  fond  eft  un  champ  peint  de 
couleurs  différentes  ,  avec  des  fleurs  de  lis 
femées  fans  nombre  dans  quelques-uns , 
dans  d'autres  une  couleur  pleine  ,  8c  dans 
quelques  autres  encore  des  flammes  de  di- 
verfes  couleurs  comme  dans  les  drapeaux 
des  Suiifes. 

Dans  l'infanterie  ,  l'officier  qui  porte  le 
drapeau  s'appelle  en  feigne  ,  8c  dans  la  cava- 
lerie ,  celui  qui  porte  l'étendard  s'appelle 
cornette.  Chaque  bataillon  a  trois  drapeaux 
dans  l'infanterie  ,  la  cavalerie  a  deux  éten- 
dards par  efeadron  ,  6c  les  dragons  n'en 
ont  qu'un  ,  il  s'appelle  drapeau  lorfque  les 
dragons  font  en  bataillon  ,  8c  étendard 
lorfqu'ils  font  en  efeadron.  Quand  l'armée 
eft  rangée  en  bataille  ,  tous  les  étendards 
font  à  la  première  ligne ,  portés  chacun  fur 


E  N  S 

le  front  de  leurs  efeadrons  ;  8c  à  droite  Se 
à  gauche  du  porte-étendard  font  deux  ca- 
valiers qu'on  choifit  parmi  les  plus  braves 
pour  le  défendre  ,  8c  empêcher  que  l'en- 
nemi ne  s'en  faififïe.  Chaque  étendard 
porte  d'un  côté  un  foleil  d'or  brodé  ,  avec 
la  devife  de  Louis  XIV  ,  necpluribus  impar  s 
en  letrres  d'or  ,  8c  de  l'autre  la  devife  du 
régiment. 

Il  y  a  à  chaque  drapeau  8c  chaque  éten- 
dard un  morceau  de  taffetas  noué  entre 
l'étoffe  de  l'étendard  ou  drapeau  8c  le  bout 
de  la  lance  :  on  appelle  ce  morceau  de  taf- 
fetas la  cravate  >  fa  couleur  eft  ordinaire- 
ment celle  de  la  nation  à  laquelle  appartient 
Venfeigne  8c  la  troupe  ;  comme  la  France  , 
blanc  ;  l'Efpagne  ,  rouge  \  l'Empereur  , 
verd  ;  Bavière  ,  bleu  -,  Hollande  ,  jaune,  &c. 

Chaque  nation  a  aufïi  fes  enfeignes  parti- 
culières. 

Les  enfeignes  des  Turcs ,  comme  celles 
de  toutes  les  autres  nations ,  fout  attachées 
à  une  lance  dont  l'extrémité  paflè  au  deiîus 
de  l'étendard  même. 

Leurs  étendards  ,  en  général  ,  font  d'une 
étoffe  de  foie  de  diverfes  couleurs  ,  chargée 
d'une  épée  flamboyante  ,  environnée  de 
caractères  Arabes  en  broderie  ;  une  grofle 
pomme  dorée  ,  attachée  au  bout  de  la 
lance  ,  8c  furmontée  d'un  croifïànt  d'ar- 
gent ,  termine  l'étendard  ;  ce  qui  ,  félon 
eux  ,  repréfente  le  Soleil  8c  la  Lune.  Si  au 
defîous  de  la  pomme  dorée  8c  autour  de 
la  lance ,  il  n'y  a  que  de  gros  floccons  de 
queue  de  cheval  à  longs  crins ,  teints  de 
diverfes  couleurs  ,  on  appelle  ces  étendards 
tongs.  L'étendue  du  commandement  règle 
le  nombre  de  ces  queues  \  plus  on  a  droit 
d'en  faire  porter  devant  foi,  &  plus  on  a 
d'autorité.  On  dit ,  un  bâcha  a  deux  queues , 
un  bâcha  à  trois  queues  ,  pour  fignifier  que 
celui-ci  a  plus  de  pouvoir  que  le  premier. 

Le  principal  étendard  des  Turcs  eft  celui 
qu'ils  appellent  l'étendard  du  prophète  ,  (bit 
que  ce  foit  celui  de  Mahomet  même  ,  ou 
quelque  autre  fait  à  fon  imitation.  Il  eft 
verd.  Les  Turcs  fuppofent  que  le  falavat 
ou  confeflîon  de  foi  mahométane ,  y  étoit 
autrefois  écrit  en  lettres  noires  ;  mais  il  y  a 
long-temps  que  toute  cette  écriture  eft 
effacée  :  pour  toute  infeription  on  y  voit  le 
mot  akm  au  bout  de  la  lance.  Il  paroît 


E  N  S 

déchiré  en  beaucoup  d'endroits  ;  aufïi ,  pour^ 
le  ménager  ,  ne  le  déploie-t-on  jamais.  On 
le  porte  roulé  autour  d'une  lance  devant 
le  grand -feigneur ,  ôc  il  demeure  ainfiexpoié 
jufqu'à  ce  que  les  troupes  fe  mettent  en 
marche.  AufTi-tôt  que  l'armée  eft  arrivée 
à  ion  premier  campement ,  on  met  l'éten- 
dard  dans  une  caifle  dorée ,  où  fe  conier- 
vent  aufïi  l'alcoran  8c  la  robe  de  Mahomet  ; 
êc  toutes  ces  chofes  chargées  fur  un  cha- 
meau ,  précèdent  le  fultan  ou  le  grand-vifir. 
Autrefois  cet  étendard  étoit  en  il  grande 
vénération ,  que  lorfqu'il  arrivoit  quelque 
iedirion  à  Conftantinople  ou  dans  l'armée , 
il  fuffiioit  de  l'expofer  à  la  vue  des  rebelles 
pour  les  faire  rentrer  dans  le  devoir. 

Le  chevalier  d'Arvieux  ,  tome  IV,  en 
décrivant  la  marche  dugrand-feigneur  pour 
fe  rendre  à  l'armée  ,  dit  qu'entre  deux  tongs 
qui  le  précédoient  ,  étoit  un  autre  cavalier 
qui  portoit  un  grand  drapeau  de  toile  ou 
d'étoile  de  laine  verte  ,  fimple  ôc  ians  or- 
nement ,  que  le  haut  de  la  pique  où  il  étoit 
attaché  ,  étoit  garni  d'une  boîte  d'argent 
doré  en  forme  d'un  as  de  pique ,  qui  ren- 
fermoit  un  alcoran  ;  ôc  que  ce  drapeau  uni 
Ôc  fans  ornement ,  qui  repréfentoit  la  pau- 
vreté &c  la  iimplicité  dont  Mahomet  faifoit 
profeffion  ,  étoit  fuivi  de  deux  autres  fort 
grands  de  damas  rouge  ornés  de  paflages 
de  l'alcoran  dont  les  lettres  étoient  formées 
de  feuilles  d'or  appliquées  à  l'huile  ,  après 
lequel  fuivoit  un  troifieme  de  toile  ou  d'é- 
toffe de  laine  légère  ,  tout  rouge  ôc  fans 
ornement ,  qui  eft  l'étendard  de  la  maifon 
impériale. 

Sept  grands  étendards  ou  tongs  précè- 
dent le  grand-feigneur  lorfqu'il  va  en  cam- 
pagne. Tous  les  gouverneurs  de  provinces 
ont  auffi  leurs  étendards  particuliers,  comme 
des  fymboles  de  leur  pouvoir ,  qui  les  ac- 
compagnent dans  toutes  leurs  cérémonies  , 
qu'ils  placent  dans  un  lieu  remarquable 
de  leur  logis  ,  ôc  en  guerre  à  la  porte  de 
leur  tente. 

S'il  eft  queftion  de  lever  une  armée ,  tous 
les  particuliers  fe  rangent  fous  l'étendard 
du  fanjac ,  chaque  fanjac  fous  celui  du  bâcha, 
ôc  chaque  bâcha  fous  celui  du  beglerbeg. 
On  arbore  aufîi  à  Conftantinople  les  queues 
de  cheval  en  différens  endroits  ,  pour  mar- 
que de  déclaration  de  guerre.  Les  bâchas 


E  N   S  515 

ui  ne  font  point  d'un  rang  inférieur  aux 
viiîrs ,  quoiqu'ils  ne  foient  pas  honorés  de 
ce  titre ,  ont  deux  queues  de  cheval  ,  un 
alem  verd  ,  ôc  deux  autres  étendards,  aufïi- 
bien  que  les  princes  de  Moldavie  ôc  de  Va- 
lachie  ;  un  beg ,  ou  fanjac  a  les  mêmes  mar- 
ques d'honneur ,  excepté  qu'il  n'a  qu'un 
tong.  L'alem  ou  grand  étendard  du  grand- 
vifir,  quand  il  eft  à  la  tête  des  troupes  , 
eft  beaucoup  plus  diftingué  que  ceux  des 
autres  officiers-généraux.  Celui  qu'on  trouva 
devant  la  tenze  du  grand-vifir  à  la  levée  du 
fiege  de  Vienne  en  1683  ,  étoit  de  crin 
de  cheval  marin  travaillé  à  l'aiguille  ,  brodé 
de  fieurs  ôc  de  cara&eres  Arabefques.  La 
pomme  étoit  de  cuivre  doré ,  ôc  le  bâton 
couvert  de  feuilles  d'or.  Celui  que  le  roi 
de  Pologne  envoya  à  Rome  pour  marque 
de  cette  victoire  ,  étoit  encore  plus  riche. 
Le  milieu  de  cet  étendard  étoit  de  brocard 
d'or  à  fond  rouge  ;  le  tout  de  brocard  , 
argent,  ôc  verd  ,  Ôc  les  lambrequins  de 
brocard  incarnat  ôc  argent.  On  y  voit  ces 
paroles  brodées  en  lettres  Arabes  ,  la  illahe 
Ma  allah  Mahamet  refulalkh;  ce  qui  fignifie, 
/'/  n'y  a  point  d'autre  Dieu  que  le  ÇeulDieu  , 
&  Mahomet  envoyé  de  Dieu.  On  lifoit  encore 
dans  les  rebords  d'autres  caractères  Arabes , 
qui  iignifloient ,  plaife  à  Dieu  nous  cjjijler 
avec  un  fecours  puijfant  ;  c'efl  lui  qui  a  mis 
un  repos  dans  h  coeur  des  fidèles  pour  fortifier 
leur  foi.  Le  bâton  de  l'étendard  étoit  fur- 
monté  d'une  pomme  de  cuivre  doré  ,  avec 
des  houppes  de  foie  verte. 

Les  étendards  ou  drapeaux  desjanniiTaires 
font  fort  petits  ,  ôc  mi-partis  de  rouge  Ôc 
de  jaune  ,  furchargés  d'une  épée  flam- 
boyante en  forme  d'un  éclat  de  foudre  , 
vis-à  «'3  d'un  croulant.  Ceux  des  fpahis 
font  rouges,  ôc  ceux  des  felictarlis  font  jau- 
nes. Tous  les  étendards  des  provinces  font 
à  la  garde  d'un  officier  nommé  émir  alem  > 
c'eft-à-dire  ,  chef  des  drapeaux.  Il  a  aufïi 
la  garde  de  ceux  du  fultan  ,  qu'il  précède 
immédiatement  à  l'armée  ,  fiifant  porter 
devant  lui  une  cornette  mi -partie  de 
blanc  ôc  de  verd  ,  pour  marque  de  fa 
dignité. 

Parmi  les  Tartares  Mongouîs  ,  ou  orien- 
taux ,  chaque  tribu  a  ion  ki  ou  étendard , 
qui  confifte  en  un  morceau  d'étoffe  appelle 
kitaïka,-  qui  eft  d'une  aune  en  carré  ,  atca- 


5l6  E  N  S 

ché  à  une  lance  de  douze  pies  de  haut. 
Chez  les  Tartares  Mahometans  chaque 
ki  a  une  fentence  particulière  avec  fon  nom 
écrit  en  Arabe  fur  cette  enfeigne  ;  mais  chez 
les  Tartares  idolâtres ,  tels  que  les  Kalmouts, 
chaque  horde  ou  tribu  a  un  chameau,  un 
cheval ,  ou  quelque  autre  animal ,  &  encore 
quelque  autre  marque  diftindive  ,  pour 
reconnoître  les  ramilles  d'une  même  tribu. 
Les  Tartares  Européens  ont  auiTî  des  dra- 
peaux 8c  étendards  ,  chargés  de  figures  &c 
de  fymboles  ,  tels  que  celui  d'un  kam  des 
Tartares  de  Crimée ,  pris  par  les  Mofco- 
vkes  en  1738  ,  il  étoit  verd  ,  portant  une 
main  ouverte  .  deux  cimeterres  croifés ,  un 
croiflànt ,  &  quelques  étoiles,  &:  le  bouton 
d'en  haut  étoit  garni  de  plumes.  Guer  , 
Mœurs  des  Turcs  ,  tome  IL  ;  mémoire  du 
chevalier  d'Arvieux  ,  tome  IV  \  Beneton  , 
comm.  fur   les  enfeignes. 

,  Les  Sauvages  de  l'Amérique  ont  aufTî  des 
efpeces  &  enfeignes.  Ce  font  ,  dit  le  P.  de 
Charlevoix  dans  Ton  journal  d'un  voyage 
d'Amérique  ,  de  petits  morceaux  d'écorce 
coupés  en  rond  „  qu'ils  mettent  au  bout 
d  une  perche  ,  8c  fur  le  (quels  ils  ont  tracé 
la  marque  de  leur  nation  ,  ou  de  leur 
village.  Si  le  parti  eft  nombreux  ,  chaque 
famille  ou  tribu  a  fon  enfeigne  avec  fa  mar- 
que diftinélïve  ,  qui  leur  fert  à  fe  recon- 
noître 8c  à  fe  rallier.  (  G  ) 

Enseigne  de  Vaisseau  ,  (  Marine.  ) 
c'eft  un  officier  qui  a  rang  après  le  lieute- 
nant ,  8c  qui  lui  doit  obéir  ;  mais  en  fon 
ablènce  ,  {'enfeigne  fait  les  fonctions  de 
lieutenant.  (  Z  ) 

Enseigne  de  Poupe,  (  Marine)  c'eft 
le  pavillon  qui  fe  met  fur  la  poupe.  Ven- 
feigne  de  poupe  dans  les  vailfeaux  Fi*  nçois 
eft  blanche  pour  les  vaifleaux  de  guerre , 
8c  bleue  pour  les  vaiffeaux  marchands.  (  Z  ) 
Enseigne  ,  f.  f.  petit  tableau  pendu  à 
une  boutique  de  marchand  ,  ou  à  une 
chambre  d'ouvrier  pour  le  déligner.  L'on 
appelle  encore  enfeigne ,  un  tableau  qu'on 
met  fous  l'auvent  d'une  boutique  ,  8c  qui 
tient  toute  fa  longueur. 

ENSEIGNEMENT,    f.  m.    (Jurifp.) 

font  les  preuves  que  l'on  donne  de  quelque 

chofe  ,  tant  par  titres  &   pièces  que  par 

d'autres  indications.    Voy.  Preuve.  \A) 

ENSELLÉ,  adj.  {Manège  &  Maréch.) 


E  N  S 
cheval  enfellé  :  on  défigne  par  ce  mot  un 
cheval  dont  le  dos  au  lieu  d'être  uni  8c 
égal  dans  toute  fon  étendue  ?  creufe  dans 
fon  milieu  ,  8c  y  eft  ,  vu  cette  efpece  de 
concavité  ,  infiniment  plus  bas  que  par- tout 
ailleurs. 

Les  chevaux  ainii  conformés  ont ,  il  eft 
vrai ,  l'encolure  haute  8c  relevée  ,  la  tête 
bien  placée ,  l'avant-main ,  tout  le  bout  de 
devant  beau  ;  nombre  d'entr'eux  ont  de  la 
légèreté  :  mais  il  en  eft  aufti  beaucoup  qui 
font  foibles  8c  qui  fe  lalTent  aifément. 

Il  eft  extrêmement  difficile  d'ajufter  la 
felle  qu'on  leur  deftine  ,  8c  l'on  eft  contraint 
de  charpenter  les  arçons  différemment  , 
pour  les  approprier  à  leur  tournure  défec- 
tueufe.  Voye^  Selle,  (e) 

ENSEMBLE  ,  (  Peint.  )  Voici  un  mot 
dont  la  lignification  ,  vague  en  apparence , 
renferme  une  multitude  de  loix  particulières 
impofées  aux  artiftes  ,  premièrement  par 
la  nature  ,  ou ,  ce  qui  revient  au  même  , 
par  la  vérité  ;  8c  enfuite  par  le  raifonne- 
ment ,  qui  doit  être  l'interprète  de  la  nature 
8c  de  la    vérité. 

\Jenfemble  eft  l'union  des  parties  d'un 
tout. 

\Jenfemble  de  l'univers  eft  cette  chaîne 
prefque  entièrement  cachée  à  nos  yeux  , 
de  laquelle  réfulte  Fexiftence  harmonieufè 
de  tout  ce  dont  nos  fens  jouifTent.  Uenfem- 
ble  d'un  tableau  eft  l'union  de  toutes  les 
parties  de  l'art  d'imiter  les  objets;  enchaîne- 
ment connu  des  artiftes  créateurs  ,  qui  le 
font  fevir  de  bafe  à  leurs  productions;  tiffu 
myftérieux, -invifibleà  laplupartdes  fpec- 
tateurs ,  deftinés  à  jouir  feulement  des 
beautés  qui  en  réfultent. 

L'enfemble  de  la  composition  dans  un 
tableau  d'hiftoire  eft  de  deux  efpeces  , 
comme  la  compofition  elle-même ,  8c  peur 
fe  divifer  parconféquent  en  enfemble  pittoref- 
que ,  8c  en  enfemble  poétique. 

Les  acleurs  d'une  feene  hiftorique  peu- 
vent ,  fans  doute  ,  être  fixés  dans  les  ou- 
vrages des  auteurs  qui  nous  l'ont  tranimife. 
La  forme  du  lieu  où  elle  fe  paftè  ,  peut 
aufîi  fe  trouver  très-exaérement  déterminée 
par  leur  récit  :  mais  il  n'en  reftera  pas  moins 
au  choix  de  l'artifte  un  nombre  infini  de 
combinaifons  que  peuvent  éprouver  entre 
eux  les  perfonnages  elfentiels  8c  les  objets 


E  N  S 

décrits.  Ceft  au  peintre  à  créer  cet  enfemble 
pittcrefque  ;  Ôc  je  crois  qu'on  doit  moins 
craindre  de  voir  s'épuifer  la  variété  dans  les 
comportions  ,  que  le  talent  d'embraffer 
toutes  les  combinaifons  qui  peuvent  le  pro- 
duire. 

Celle  des  combinaifons  pofïibles  à  la- 
quelle on  s'arrête,  eft  donc  dans  un  tableau 
ion  enfemble  p.  ttorefque  ;  il  eft  plus  ou  moins 
parfait  •>  félon  que  l'on  a  plus  ou  moins  réufîi 
à  rendre  les  grouppes  vraifemblables ,  les 
attitudes  juftes ,  les  fonds  agréables ,  les  dra- 
peries naturelles  ,  les  acceffoires  bien  choifis 
ôc  bien  difpofés. 

L 'enfemble  poétique  exige  à  fon  tour  cet 
intérêt  général  ,  mais  nuancé  ,  que  doivent 
prendre  à  un  événement  tous  ceux  qui  y 
participent.  L/efprit ,  l'ame  des  fpeitateurs 
veulent  être  fatisfaits ,  ainfi  que  leurs  yeux  ; 
ils  veulent  que  les  fentimens  dont  l'artifte 
a  prétendu  leur  faire  paffer  l'idée  ,  aient  dans 
les  figures  qu'il  repréfente  ,  une  liaifon  ,  une 
conformité ,  une  dépendance  ,  enfin  ,  un 
enfemble  qui  exifte  dans  la  nature.  Car 
dans  un  événement  qui  occafione  un  con- 
cours de  perlonnes  de  difFérens  âges  ,  de 
différentes  conditions ,  de  difFérens  fexes , 
le  fentiment  qui  réfulte  du  fpectacle  pré- 
fent ,  femblable  à  un  fluide  qui  tourbil- 
lonne ,  perd  de  fon  a&ion  en  s'étendant 
loin  de  ion  centre  :  outre  cela  ,  il  emprunte 
fes  apparences  différentes  de  la  force ,  de  la 
foiblelîe ,  de  la  feniibiîité  ,  de  l'éducation , 
qui  font  comme  différens  milieux  par  lef- 
quels  il  circule. 

De  cette  multitude  d'obligations  qu'im- 
potent les  loix  de  Y  enfemble  ,  on  juge  bien 
que  la  couleur  revendique  les  droits. 

Son  union  ,  fon  accord  ,  fa  dégradation 
ïnfenfible  forment  fon  enfemble  ;  le  clair- 
obfcur  compofe  le  dm  des  gouppes  de 
lumière  ôc  d'ombre  ,  ôc  de  l'enchaînement 
de  (es  mafîes  :  mais  ce  fujet  mérite  bien 
que  l'on  confulte  les  articles  qui  font  plus 
particulièrement  deftinés  à  les  approfondir  : 
ainfî  je  renverrai  entr'autres ,  pour  l'expli- 
cation plus  étendue  de  ce  genre  à' enfemble  , 
au  mot  Harmonie  ,  qui  l'exprime. 

La  couleur  a  des  tons  ,  des  proportions , 
des  intervalles  ;  il  n'eft  pas  étonnant  que  la 
peinture  emprunte  de  la  mufîque  le  mot 
harmonie ,  qui  exprime  fi  bien  l'effet  que 


EN  S  527 

produifent  ces.  différens  rapports  :  ôc  la 
mufîque  ,  à  fon  tour ,  peut  adopter  le  mot 
coloris  ,  en  nommant  ainfî  cette  variété  de 
ftyle  qui  peut  l'affranchir  d'une  monotonie , 
à  laquelle  il  femble  qu'elle  s'abandonne 
parmi  nous. 

Si  je  ne  me  fuis  arrêté  qu'à  des  réflexions 
générales  fur  le  mot  enfemble  ,  on  doit  fentir 
que  je  l'ai  fait  pour  me  conformer  à  l'idée 
que  préfente  ce  terme  :  cependant  il  devient 
d'une  lignification  moins  vague  &  plus 
connue  ,  lorfqu'il  s'applique  au  deiïïn.  Il 
eft  plus  communément  employé  par  les 
artiftes  :  ôc  de  cet  ufàge  plus  fréquent 
doit  naturellement  réfulter  une  idée  plus 
nette  ôc  plus  précife  :  aufïî  n'eft-il  pas  d'é- 
levé qui  ne  fâche  ce  qu'on  entend  par  Yen  - 
femble  d'une  figure  ,  tandis  que  peut-être 
fe  trouveroit-il  des  artiftes  qui  auraient 
peine  à  rendre  compte  de  ce  que  lignifie 
enfemble  poétique  ÔC   enfemble  pittorefque. 

Cet  ufage  plus  ou  moins  fréquent  des 
termes  de  Sciences  ôc  d'Arts ,  eft  un  nés 
obftacles  les  plus  difficiles  à  vaincre  pour 
parvenir  à  fixer  les  idées  des  hommes  fur 
leurs  différentes  connoiffances.  Les  mots 
font-ils  peu  ufîtés,onne  connoît  pas  affezleur 
lignification.  Le  deviennent  -  ils  ,  bientôt , 
ils  le  font  trop  :  on  les  détourne ,  on  en 
abufe  au  point  qu'on  ne  fauroit  plus  en  faire 
l'ufage  méthodique  auquel  ils  font  deftinés. 
Mais  fans  m'arrêter  à  citer  des  exemples 
trop  faciles  à  rencontrer  ,  je  reviens  au 
mot  enfemble.  Lorfqu'il  s'agit  d'une  figure , 
c'eft  l'union  des  parties  du  corps  ôc  leur 
correfpondance  réciproque.  On  dit  un  bon 
ou  un  mauvais  enfemble  j  par  conféquent  le 
mot  enfemble  ne  fîgnifie  pas  précifément  la 
perfection  dans  le  deflin  d'une  figure  ,  mais 
feulement  l'affemblage  vraifemblable  des 
parties  qui  la  compofent. 

Uenfemble  d'une  figure  eft  commun  ÔC 
à  la  figure,  ôc  à  l'imitation  qu'on 'en  fait. 
Il  y  a  des  hommes  dont  on  peut  dire  qu'il 
font  mal  enfemble  ;  parce  que  ,  difgraciés 
dès  leur  naiilance,  leurs  membres  font 
effectivement  mal  affemblcs.  Mais  n'eft-il 
pas  étonnant  que  l'extravagance  des  modes 
ôc  l'aveuglement  des  prétentions  aient  fou- 
vent  engagé  pluiîeurs  de  ces  êtres  indéfinif- 
fables  qu'on  nomme  petits-maîtres ,  à  défi- 
'  gurer  un  enfemble  quelquefois  très-parfait , 


51^  E  N  S 

ou  au  moins  paffable ,  dont  ils  étalent  doués , 
pour  y  fubltituer  une  figure  décompofée 
qui  contredit  défagréablement  la  nature  ? 

Les  grâces  font  plus  refoectées  par  la 
peinture  ;  &c  il  on  ne  leur  facrifie  pas  tou- 
jours ,  au  moins  a-t-on  toujours  pour  objet 
d'obtenir  leur  aveu  par  la  peift-ction  de 
Venfembh.  Les  Grecs  qui ,  entr'autres  avan- 
tages ,  ont  fur  nous  celui  de  nous  avoir 
précédés  ,  ont  fait  une  étude  particulière 
de  ce  qui  doit  conftituer  la  perfection  de 
Y  enfemble  d'une  figure. 

Ils  ont  trouvé  dans  leur  goût  pour  les 
arts ,  dans  leur  émulation  ,  dans  les  ref- 
lources  de  leur  efprit ,  Se  dans  les  ulages 
qu'ils  pratiquoient  ,  des  facilités  &c  des 
moyens  qui  les  ont  menés  à  des  fuccès 
que  nous  admirons.  Je  reprendrai  ce  fil  , 
qui  me  conduiroit  infenfiblement  à  parler 
des  proportions  ,  Se  de  la  grâce  ,  aux  mots 
Proportion,  Grâce;  voye^aufji  Beau; 
Se  je  .me  contenterai  de  dire  que  la  juftefle 
de  Y  enfemble  dépend  beaucoup  de  la  con- 
noiflànce  de  l'anatomie  ,  puifqu'il  eft  l'effet 
extérieur  des  membres  mis  en  mouvement 
par'  les  mufcles  Se  les  nerfs ,  6c  fou  tenus, 
dans  ce  mouvement ,  par  les  os  qui  font 
la  charpente  du  corps. 

L'effet  du  tout  enfemble  eft  ,  comme  on 
le  fent  bien ,  le  réfultat  des  enfembles  dont 
je  viens  de  parler ,  comme  le  mot  cjfit 
général  eft  le  réfultat  des  effets  particuliers 
de  chacune  des  parties  de  l'art  de  peindre , 
dont  on  fait  ufage  dans  un  tableau.  Voye^ 
Effet  ,  voye^  Tout-ensemble.  Cet  article 
eft  de  M.   IVatelet. 

Ensemble  ,  f.  m.  en  Architecture  ,  fe  dit 
de  toutes  les  parties  d'un  bâtiment ,  qui , 
étant  proportionnées  les  unes  avec  les  au- 
tres ,  forment  un  beau  tout  ;  ce  qu'on  en- 
tend quelquefois  auifi  par  maffe  :  on  dit , 
la  matfe  d'un  tel  édifice  ,  ou  bâtiment, 
fait  un  bel  enfemble.  (  P) 

Ensemble  ,  (  Mufiq.  )  Ce  n'eft  guère 
qu'à  l'exécution  que  ce  terme  s'applique 
dans  la  mufique  ,  lorfque  les  concertans 
font  fi  parfaitement  d'accord  x  (oit  pour 
l'intonation  ,  foit  pour  la  mefure  ,  qu'ils 
femblent  être  tous  animés  d'un  même 
efprit ,  &  que  l'exécution  rend  fidellement 
à  l'oreille  tout  ce  que  l'œil  voit  fur  la  par- 
tition. 


E  N  S 

\J  enfemble  ne  dépend  pas  feulement  de 
l'habileté  avec  laquelle  chacun  lit  fa  partie  , 
mais  de  l'intelligence  avec  laquelle  il  en 
fent  le  caractère  particulier  ,  &  la  liaifon 
avec  le  tout  ;  foit  £our  phrafer  avec  exac- 
titude ,  foit  pour  fuivre  la  précifion  des 
mouvemens  ,  foit  pour  (aifir  le  mouvement 
8c  les  nuances  des  forts  &  des  doux  ;  foit 
enfin  pour  ajouter  aux  ornemens  marqués  , 
ceux  qui  font  fi  nécefïairement  fuppofés  par 
l'auteur  ,  qu'il  n'eft  permis  à  perfonne  de  les 
omettre.  Les  muficiens  ont  beau  être  ha- 
biles ,  il  n'y  a  cY  enfemble  qu'autant  qu'ils 
ont  l'intelligence  de  la  mufique  qu'ils  exé- 
cutent ,  Se  qu'ils  s'entendent  entr'eux  : 
car  il  feroit  impofïible  de  mettre  un  par- 
fait enfemble  dans  un  concert  de  lourds  , 
ni  dans  une  mufique  dont  le  ftyle  feroit 
parfaitement  étranger  à  ceux  qui  l'exécutent. 
Ce  font  fur-tout  les  maîtres  de  mufique 
conducteurs  Se  chefs  d'orcheftre ,  qui  doi- 
vent guider  ou  retenir  ou  prefïer  les  mu- 
ficiens pour  mettre  par-tout  Y  enfemble  ;  & 
c'eft  ce  que  fait  toujours  un  bon  premier 
violon  par  une  certaine  charge  d'exécution 
qui  en  imprime  fortement  le  caractère 
dans  routes  les  oreilles.  La  voix  récitante 
eft  aflujettie  à  la  bafle  &  à  la  mefure;  le 
premier  violon  doit  écouter  Se  fuivre  la 
voix  :  la  fymphonie  doit  écouter  &c  fuivre 
le  premier  violon  :  enfin ,  le  clavecin  ,  qu'on 
fuppofe  tenu  par  le  compofiteur  ,  doit  être 
le  véritable  Se  premier  guide  de  tour. 

En  général ,  plus  le/  ftyle  ,  les  périodes, 
les  phrafes ,  la  mélodie  Se  l'harmonie  ont 
de  caractère  ,  plus  X'enfemble  eft  facile  à 
faifir  ;  parce  que  la  même  idée  imprimée 
vivement  dans  tous  les  efprits  préfide  à 
toute  l'exécution.  Au  contraire  ,  quand  la 
mufique  ne  dit  rien  ,  Se  qu'on  n'y  fent 
qu'une  fuite  de  notes  fans  liaifon  ,  il  n'y 
a  point  de  tout  auquel  chacun  rapporte 
fa  partie  ,  Se  l'exécution  va  toujours  mal. 
Voilà  pourquoi  la  mufique  françoife  n'eft 
jamais  enfemble.  (S) 

Ensemble  ,  (Art  militaire.)  U  enfemble 
dans  la  tactique  ,  c'eft  l'exacte  exécution  des 
mêmes  mouvemens ,  de  la  même  manière  , 
Se  dans  le  même  temps. 

Ainfi  ,  X'enfemble  dans  la  marche  d'une 
troupe  ,  où  d'un  bataillon  ,  c'eft  l'union  de 
tous  les  hommes  du  bataillon  ,  qui  doivent 

agir 


E  N  S 

agir  comme  s'ils  étoient  mus  par  une  feule 
Se  même  caufe  qui  agirait  également  fur 
chacun  d'eux.  Une  troupe  dont  tous  les 
foldats  marchent  bien  enfemble ,  garde  tou- 
jours Ton  même  arrangement  :  Tes  rangs  Se 
fes  files  font  toujours  en  ligne  droite ,  Se 
aucune  des  parties  ne  va  ni  plus  vite  ni 
plus  lentement  que  l'autre. 

Cer  enfemble  eft  d'une  grande  utilité  dans 
les  mouvemens  des  troupes  ;  mais  les  foldats 
ne  peuvent  l'acquérir  que  par  un  exercice 
fréquent.  (Q) 

Ensemble,  (Manège.)  Uenfemble  n'eft 
autre  chofe  que  la  fituation  d'un  cheval 
exactement  contre  -  balancé  fur  fes  quatre 
membres.  Mettre  un  cheval  enfemble ,  c'eft 
l'obliger  à  rafïembler  les  parties  de  fbn  corps 
Se  fes  forces ,  en  les  distribuant  également 
fur  fes  quatre  jambes ,  Se  en  les  réunifiant 
pour  ainfi  dire.  On  prononce  fans  celle 
le  mot  à! enfemble  dans  nos  manèges;  peu 
d'écuyers  font  en  état  de  le  définir.  On 
verra  toute  l'étendue  de  fa  lignification  à 
Y  article  Union.  («) 

ENSEMENCER ,  v.  a&.  On  die  enfe- 
mencer  une  terre,  un  potager,  une  pépi- 
nière quand  on  la  fait  labourer,  fumer, 
Se  qu'on  y  a  femé  les  plantes  convenables. 
V.  Semence.  (R) 

ENSINIER ,  v.  act.  c'eft  chez  les  Ton- 
deurs de  draps  un  terme  qui  fîgnifie  graijfer 
légèrement  une  étoffe  avec  du  fain-doux , 
pour  la  rendre  plus  aifée  à  être  frifée. 

ENSISHEIM  ,  (  Géographie  moderne.  ) 
ville  de  la  haute  Alface,  en  France.  Elle 
eft  fîtuée  fur  l'Ill.  Long.  25 ,  2,  15;  lat. 
47  >  5l .  *. 

ENSKIRKEN  ,  (  Géographie  moderne.  ) 
ville  de  Weftphalie ,  en  Allemagne.  Elle 
appartient  au  duché  de  Juliers.  Long.  23 , 
£&  ;  lat.  £o ,  $8. 

ENSOÛ AILLE,  f.  f.  terme  de  rivière, 
petite  corde  fervant  à  retenir  le  bout 
de  la  croflè  du  gouvernail  d'un  bateau 
foncet. 

*  ENSOUFRER ,  v.  ad.  c'eft  expofer 
les  laines  au  fbufre.  L'endroit  où  on  les 
expofe  s'appelle  Venfoufroir.  Cette  prépara- 
tion fe  donne  à  tous  les  ouvrages  en  laine 
blanche.  Pour  cet  effet ,  on  prend  une  ter- 
rine bien  verniflee;  on  en  couvre  le  fond 
de  cendres;  on  forme  fur  ces  cendres  un 
Tome  XII. 


EN  S  5i9 

I  petit  bûcher  de  bâtons  de  foufre.  On  prend 
les  ouvrages  au  fortir  de  la  fouloire  pour 
les  bonnetiers ,  les  couverturiers  ,  les  dra- 
piers, &c.  en  un  mot,  pour  tous  les  ou- 
vriers en  laine.  On  palïe  dans  un  des  bouts 
un  petit  bout  de  fil  en  boucle  ;  on  palîè  la 
boucle  dans  des  cordes  tendues ,  auxquelles 
les  ouvrages  relient  fufpendus.  On  met  le 
feu  au  foufre  :  la  vapeur  du  foufre  leur 
donne  une  blancheur  éclatante ,  Se  les  rend 
plus  faciles  à  peigner.  Mais  il  faut  bien  ob- 
ferver  que  la  terrine  foit  de  terre  vernillee , 
Se  non  pas  de  fer  :  le  foufre  détache ,  félon 
toute  apparence  ,  des  particules  qui  em- 
pêchent le  blanchiment;  car  il  eft  d'expé- 
'rience  que  cet  effet  en  produit. 

ENSTHAL,  (Géog.)  quartier  du  duché 
de  Styrie,  dans  le  cercle  d'Autriche,  en 
Allemagne.  C'eft  un  des  plus  montueux  de 
la  contrée  ;  cependant  on  y  trouve  les  villes1 
de  Bruck  fur  laMuerh,  Se  de  Rotenmann, 
avec  treize  bourgs  tenant  marché ,  une 
abbaye  Se  trois  couvens.  (D.  G.) 

*  ENSUPLE,  ENSUBLE,  ENSOU- 
BLE ,  ENSOUPLE  ,  f.  f.  terme  général 
d'Ourd/Jfage.  Tous  les  métiers  des  manu- 
facturiers en  loie ,  en  laine ,  en  fil ,  &c.  ont 
des  enfuples.  Ce  font  deux  rouleaux  de 
bois  ,  dont  l'un  eft-  placé  au  devant  du 
métier ,  &  l'autre  au  derrière.  La  chaîne 
eft  portée  fur  ces  rouleaux  ;  elle  fe  déroule 
de  deffus  Venfuple  de  derrière ,  à  mefure 
que  l'étoffe  fe  fabrique  ;  Se  l'étoffe  fabri- 
quée s'enroule  fur  celle  de  devant. 

Nous  allons  donner  la  defeription  des- 
enfuples  du  manufacturier  en  foie ,  du  ru- 
banier,  du  frifeur  d'étoffe,  du  rapiflier  Se 
du  tifïèrand  ;  celles  du  gazier  ,  du  drapier 
Se  des  autres  ouvriers  ourdillèurs ,  en  dif- 
férent peu  ;  Se  d'ailleurs  nous  en  parlons 
aux  articles  de  leur  métier.  Voye^  Drap, 
Gaze  ,   &c. 

Enfuple  de  devant ,  partie  du  métier  de 
l'étoffe  de  foie.  \J  enfuple  de  devant  le  mé- 
tier eft  un  rouleau  de  6  à  7  pouces  de 
diamètre ,  d'environ  3  pies  de  longueur. 
Il  a  une  chanée  d'environ  2  pies ,  de  ?  de 
pouce  de  large ,  fur  autant  de  profondeur , 
dans  laquelle  entrent  la  verge  Se  le  com- 
pofteur.  Il  a  à  un  bout  un  cercle  de  fer 
qui  eft  coché ,  pour  fervir  à  faire  la  chaîne 
tuante ,  au  moyen  du  chien  de  fer  qui 

X  xx 


550  E  N  S 

mord  dans  les  cochées  dudit  cercle,  Il' eft 
de  plus ,  8c  du  même  côté,  percé  à  double  ; 
8c  au  moyen  de  ces  trous ,  dans  lefquels 
entre  la  cheville  de  fer ,  on  tourne  Yenfuple 
avec  la  cheville,  à  force  d'hommes,  &  on 
dévide  l'étoffe  à  mefure  qu'elle  fe  fabrique. 

Enfuple  de  derrière.  U  enfuple  de  derrière 
eft  un  rouleau  de  bois  de  7  pouces  de 
diamètre,  8c  d'environ  4  pies  de  long.  Il 
eft  percé  à  double  d'un  coté,  8c  il  avoit 
jadis  de  l'autre  un  nerf  de  bceuf  cloué 
tout  autour,  pour  fixer  la  corde  du  va-- 
let  ;  mais  les  enfuples  d'aujourd'hui  ont 
des  moulures  qui  tiennent  lieu  du  nerf  de 
beeuf  dont  on  parle. 

Enfuple  de  velours  uni.  Uenfuple  du  ve- 
lours uni  eft  foite  comme  celle  des  autres 
étoffes;  il  n'y  a  de  différence  que  dans  la 
ebanée,  qui  eft  plus  large  à  l'embouchure, 
&  qui  perce  Yenfuple  d'outre  en  outre. 

Enfuple  de  velours  façonné.  \Jenfuple  de 
velours  façonné  eft  faire  comme  celles  ci- 
deiTus ,  avec  cette  différence ,  qu'il  n'y  a 
point  de  chance  ;  8c  pour  contenir  l'étoffe 
à  mefure  qu'elle  fe  fabrique  ,  ces  fortes 
d'enfuples  font  garnies  de  petites  pointes 
de  fer  très-aiguës ,  qui  entrent  dans  l'étoffe 
à  mefure  qu'elle  fe  roule  deiïus. 

Enfuple 'de  poil,  h' enfuple  de  poil  eft  faite 
comme  Yenfuple  de  derrière  ,  décrite  ci- 
deffus ,  avec  la  feule  différence ,  qu'elle  eft 
de  moitié  plus  petite ,  &c  que  les  deux 
bouts  font  proportionnés  au  rayon  ,  dont 
l'ouverture  eft  ordinairement  très -petite. 

L'enfuple  de  devant  eft  une  pièce  de  bois 
ronde ,  d'environ  4  ou  5  pouces  de  dia- 
mètre, de  toute  la  largeur  du  métier  :  elle 
eft  terminée  à  fes  deux  bouts  par  deux 
petits  tourillons  qui  entrent  dans  deux  pe- 
tites mortoifes  pratiquées  dans  les  deux 
harres  de  long  du  métier.  La  même  enfuple 
«  eft  traverfée  diamétralement  du  coté  de  la 
main  droite  de  Touvrier ,  à  $  ou  6  pouces 
de  fon  extrémité ,  par  deux  menus  bâtons , 
dont  les  bouts  faiilans  fervent  à  faire  rouler 
ladite  enfuple ,  k>rfque  l'ouvrier  tire  fa  tirée. 
Il  eft  bon  de  dire  que  lorfque  l'on  fait 
quelque  ouvrage  extrêmement  lourd  ,  ces 
deux  bâtons  croifés  fe  trouvent  répétés  à 
l'autre  bout  de  Uenfuple  ;  ce  qui  fait  que 
l'ouvrier ,  par  cette  double  force  réunie , 
.vient  plus  aifément  à  bout  de  tirer  fa  tirée. 


E  N  S 
Cette  enfuple  a  encore  à  fon  bout  à  main 
gauche ,  une  roue  dentelée  :  il  y  a  un  trou 
carré  pratiqué  dans  le  centre  de  cette  roue , 
&  qui  fert  à  la  tenir  fixée  fur  la  pièce  , 
aulTi  carrée,  de  Yenfuple  qui  lui  fert  d'axe. 
Cette  roue  ne  doit  pas  être  fixée  à  demeure 
dans  ce  tenon  ,  attendu  que  fi  l'on  vouloit 
que  Yenfuple  enroulât  en  dellbus,  au  lieu 
d'enrouler  defllis,  il  n'y  auroit  qu'à  retour- 
ner cette  roue,  dont  les  dents,  fe  trouvant 
en  fens  contraire ,  arrêteront  Yenfuple  du 
coté  que  l'on  jugera  nécefïaire.  Cette  roue 
eft  rendue  ftable ,  8c  fixe  Yenfuple ,  au 
moyen  d'une  petite  pièce  de  bois ,  appellée 
chien ,  attachée  fur  la  barre  de  long ,  du 
côté  de  la  roue  que  l'on  décrit ,  dont  la 
mâchoire  engrenant  dans  les  dents  de  la 
roue ,  du  fens  oppofé  à  fon  tirage ,  l'em- 
pêche de  dérouler.  L'ufage  de  cette  enfuple 
eft  de  recevoir  l'ouvrage  fait ,  à  mefure 
que  l'ouvrier  tire  ce  que  l'on  appelle  tirée. 
Voy.  Tire. 

Ensuple,  (Rubanier.)  eft  une  pièce  de 
bois  faite  au  tour  :  les  bouts  .qui  la  ter- 
minent font  menus,  pour  entrer  dans  les 
échancrures  des  potenceaux  :  les  moulures 
fervent ,  par  leur  éminence ,  à  retenir  les 
cordes  des  contre-poids,  8c  les  empêcher 
de  glifler.  Il  y  a  une  entaille  pratiquée 
dans  le  corps  de  Yenfuple  ,  pour  recevoir 
le  vergeon ,  pafle  lui-même  dans  les  foies 
de  la  pièce.  Lorfque  ce  vergeon  eft  placé 
dans  cette  entaille  ,  on  glifïe  fur  lui  deux 
ficelles ,  nommées  bracelets ,  qui  font  entor- 
tillées 8c  nouées  fur  Yenfuple  :  ces  ficelles 
venant  fur  ce  vergeon  ,  le  retiennent  & 
l'empêchent  de  fortir  de  fa  place  ,  confé- 
qutmment  les  foies  de  la  chaîne  fe  dé- 
roulent de  defllis  les  enfuples,  jufqu'à  ce 
que  le  vergeon  ainfi  arrêté  par  les  ficelles 
ci-deflus  dites ,  qui  fervent  à  le  retenir  , 
Yenfuple  ne  pourra  plus  dérouler  :  pour 
lors  on  fe  fert  de  la  corde  à  encorder , 
qu'il  faut  voir  à  fon  lieu.  L'ufage  des  en- 
fuples eft  de  porter  tout  ce  qu'on  appelle 
chaîne. 

Ensuple,  {Drapier.)  eft  une  partie  de 
la  machine -à  frifer  ,  fur  laquelle  tourne 
l'étoffe  en  fortant  de  defîous  les  tables. 
Elle  eft  garnie  de  cardes  de  fer ,  pour  em- 
pêcher l'étoffe  de  fe  chiffonner  fous  les 
tables ,  8c  foutenue  par  un  châilis  fur  le 


E  N  T 

devant ,  dans  deux  petits  collets  à  chaque 
montant.  L'enfuple  le  termine  à  droite  par 
un  hériflbn  ,  qui  reçoit  fon  mouvement 
d'une  petite  lanterne  placée  vis-à-vis.  V. 

HÉRISSON. 

Ensuple  ,  cfpece  de  gros  8c  long  cy- 
lindre ou  rouleau  de  bois,  placé  en  large 
fur  le  derrière  du  métier  de  ceux  qui  tra- 
vaillent de  la  navette  ,  tels  que  font  les 
tiflèrands  ,  ti (leurs  ou  tiiliers  ,  &c.  On 
l'appelle  auffi  rouleau.  V.  Basse-Lissé. 

Ensuple,  pièce  du  métier  des  tijferands; 
c'eft  un  gros  cylindre  ou  rouleau  de  bois 
long  ,  placé  en  large  fur  le  derrière  du 
métier  ,  fur  lequel  les  fils  qui  compofent 
la  chaîne  d'une  toile  font  roulés,  &  d'où 
on  les  déroule  à  meiure  que  la  toile  fe 
fabrique.  Cette  enfuple  eft  percée ,  par  les 
deux  bouts ,  de  plufieurs  trous ,  dans  les- 
quels on  introduit  un  bâton ,  appelle  le 
bachelier ,  pour  l'arrêter  de  l'empêcher  de 
fe  dérouler. 

ENTABLEMENT,  f.  m.  du  latin  tabu- 
latum  y  plancher ,  (  Architecture.  )  Sous  ce 
mot  on  entend  la  partie  qui  couronne  la 
colonne  ou  le  pilaftre.  Il  a ,  félon  Vignole , 
le  quart  de  l'ordre;  félon  Palladio,  le  cin- 
quième ;  8c  félon  Scamozzi ,  entre  le  quart 
&  le  cinquième.  Les  autres  commentateurs 
de  Vitruve  font  aullî  d'avis  difFérens;  mais 
les  trois  que  nous  citons  font  le  plus  géné- 
ralement approuvés,  8c  peuvent  être  em- 
ployés avec  fuccès  fuivant  ces  trois  mefures, 
félon  qu'ils  couronnent  un  édifice  qui  a 
plus  ou  moins  d'étendue,  plus  ou  moins 
d'élévation ,  ou  qui  doit  être  apperçu  d'un 
point  de  diftance  plus  ou  moins  éloigné. 

\J  entablement  eft  nommé  improprement , 
par  Vitruve  &  Vignole,  ornement  :  il  ne 
faut  pourtant  pas  confondre  ces  deux 
mots;  car  Vtntablement ,  qui  eft  une  partie 
eftentielle  de  l'ordre ,  eft  lui-même  fufeep- 
tible  d'ornement ,  en  plus  ou  moins  grande 
quantité,  félon  qu'il  appartient  à  un  ordre 
viril  ou  délicat.  On  dit  :  cet  entablement 
couronne  bien  cet  édifice  ;  les  ornemens 
qui  y  font  appliqués  font  d'un  beau  choix  : 
les  ornemens  font  donc  les  parties  de  dé- 
tail de  Y  entablement  ;  celui-ci  en  eft  la  to- 
talité. 

U  entablement  en  général  eft  compofé  de 
trois  parties;  favoir,  de  l'architrave.,  de  la 


E  N  T  J3, 

frife  &  de  la  corniche.  (  Voye^  Archi- 
trave, Frise  &  Corniche.)  Le  rapport 
le  plus  parfait  que  l'on  puifle  donner  à  ces 
trois  membres,  eft  de  faire  en  forte  que 
l'architrave  foit  à  la  frife  ce  que  la  frife 
eft  à  la  corniche.  Les  entablemens  tofean 
&  ionique  de  Vignole  font  difpofés  ainfi  ; 
dans  le  premier ,  l'architrave  a  1 1  pouces , 
la  frife  14,  &  la  corniche  16;  dans  le 
fécond ,  l'architrave  1  module  4 ,  la  frife 
1  module  ?,  ôc  la  corniche  1  module  i  ; 
les  autres  entablemens  de  cet  auteur  font 
moins  réguliers.  Plufieurs  architectes  font 
leur  corniche  égale  à  leur  architrave  :  Ser- 
lio  fait  les  trois  membres  de  l'entablement 
tofean  égaux.  (Voyelle  Parallèle  de  M.  de 
Cambrai.  )  Rien  n  eft  plus  propre  à  diriger 
le  goût  que  de  conftater  les  rapports  qu'on 
doit  obferver  entre  les  parties  ôc  le  tout , 
non-feulement  dé  l'entablement  dont  nous 
parlons ,  mais  auiîi  de  l'ordre  en  général , 
qui  nécessairement  doit  donner  le  ton  à 
toute  la  décoration  d'un  édifice ,  foit 
qu'on  y  emploie  les  ordres  ,  foit  qu'on 
veuille  feulement  n'en  emprunter  que  l'ex- 
preflion.  (P) 

Pour  remonter  à  la  première  origine 
&  à  la  nature  de  l'entablement ,  concevons 
qu'un  homme  de  bon  fens  ait  entrepris 
de  fe  faire  un  abri ,  un  couvert ,  avant  que 
l'archite&ure  fût  réduite  en  art.  Il  aura 
commencé  par  élever  deux  rangs  de  piliers 
ou  de  colonnes  d'égale  hauteur,  l'un  fur 
le  devant ,  l'autre  fur  le  derrière  de  fon 
emplacement.  Au  defîus  de  chaque  rarg^e 
de  colonnes  il  aura  couché  une  poutre 
horizontale  ,  qui  fèrve  à  lier  les  têtes  des 
colonnes,  8c  à  fouteninles  poutres  longi- 
tudinales qui  doivent  aller. d'un  rang  à 
l'autre;  celles-ci  forment  la  bafe  de  fon 
couvert,  8c  pour  achever  fon  abri,  il  n'a 
plus  qu'à  clouer  fur  ces  poutres  un  plan- 
cher bien  ferré  ;  mais  afin  de  mieux  ga- 
rantir la  tête  des  poutres,  il  aura  imaginé 
de  faire  déborder  les  planches  en  dehors  : 
telle  eft  l'origine  de  l'entablement. 

Ainfi  l'entablement  a  trois  parties  indif- 
penfables  ou  elfentielles  :  i°.  l'architrave 
ou  la  poutre  principale  qui  porte  immé- 
diatement fur  les  chapiteaux  des  colonnes, 
8c  les  lie  enfemble  ;  2.0.  la  frife  qui  re* 
préfente  l'efpace  occupé  par  les  têtes  dei 

Xxxi 


53* 


EN  T 


poutres   longitudinales,  portant   fur  l'ar- 
chitrave ,  &  l'intervalle  que  ces  têtes  de 
poutres  laiftent  entre  elles;  30.  la  corniche 
qui ,  repréfentant  la  faillie  des  planches , 
forme  le  couronnement  de  l'édifice  entier 
pour  le  mettre  à  lJabri  des  eaux  du  toit. 
Lorfque    enfuite  on   ne  fe  borna  plus 
dans  les   bitimens   au  iïmple  néceflàire , 
qu'on  commença  à  y  introduire  le  beau , 
on  imagina  divers  ornemens  pour  chacune 
de  ces  trois  parties  de  l'entablement ,  ôc  on 
leur  affigna  des  proportions  &  des  déco- 
rations différentes  dans  chaque  ordre  d'ar- 
chitecture. L'entablement  devint  une  partie 
eifentielle  de  Tordre,  il  en  fit  le  couron- 
nement ,  comme  le  chapiteau  fait  celui  de 
la  colonne  ;  en  forte  que  lorfqu'on  fubf- 
titua  la  pierre  au  bois,  ôc  lors  même  que 
les  colonnes  n'avoient  ni  poutres,  ni  pla- 
fonds à  foutenir,  on  a  néanmoins  toujours 
repréfenté  au  dehors  un  entablement ,  pour 
cbferver  la  régularité  &c  la  beauté  de  Ten- 
femble. 

Mais  dans  ces  cas-là  même ,  où  \ enta- 
blement ôc  les  colonnes  fur  lefquelles  il  porte 
ne  font  qu'un  (impie  ornement ,  comme 
lorsque  les  pilaftres  tiennent  au  mur ,  il  ne 
faut  jamais  perdre  de  vue  l'origine  de  l'en- 
tablement,  pour  ne   pas  tomber  dans  des 
fautes  abfurdes  qui  bleflent  l'œil  du  con- 
noiiTeur.  Il  eft  clair ,  par  la  nature  du  lujet , 
que  l'architrave  doit  régner  en  ligne  droite 
ôc  horizontale,  tout  le  long  de  la  façade, 
puifqu'elle  repréfenté  une  poutre  réellement 
couchée  fur  les  chapiteaux  des  colonnes. 
Cependant  des  architectes ,  d'ailleurs  cé- 
lèbres ,   commettent  fouvent  la  faute  de 
brifer  l'architrave  ,  ou  même  de  l'inter- 
rompre tout-à-fait,  pour  haufler  davantage 
une  ou  deux  fenêtres;  de  forte  qu'en  ces 
endroits  ,  les  têtes  des  poutres  femblent  ne 
porter  fur  rien.  C'eft  un  défaut  qu'on  ne 
remarque  dans  aucun  des  édifices  de  la  belle 
antiquité  :  tous  les  entablemens  des  anciens 
Grecs  font  entiers  ,  ôc   fuivant  la  droite 
horizontale,  fans  coupure  ni  brifure.  On 
n'apperçoit    ces   brifures    qu'aux    édifices 
conftruits  fous  les  empereurs  Romains  des 
iîecles  poftérieurs  au  beau  fiecle  d' Augufte. 
\J  entablement  eft  néceflàire  même  dans 
les  bâtimens  qui  n'ont  ni  colonnes  ni  pi- 
lâtes. Une  bande  tirée  fous  les  poutres 


E  N  T 

de  l'étage  fupérieur  tient  lieu  de  l'archi- 
trave ;  ôc  les  têtes  des  poutres  forment  la 
frife  ;  enfin ,  pour  couronner  le  bâtiment 
ôc  le  garantir  des  eaux  du  toit,  on  fait 
une  corniche  faillante  compoféc  de  diverles 
moulures.  Ainfi  les  mailons  le  plus  fim- 
plement  bâties ,  ont  un  entablement  ;  mais 
pour  l'ordinaire  ,  à  caufe  que  les  parties  en 
font  peu  diftinguées  ,  ôc  que  la  corniche 
femble  le  confondre  avec  l'architrave  ,  il 
prend  le  nom  de  corniche  ou  de  corniche 
architravée. 

Quoique  l'entablement  ne  foit  qu'une 
bien  petite  partie  du  bâtiment,  il  ne  con- 
tribue cependant  pas  peu  à  l'embellir  ou 
à  le  défigurer.  Un  entablement  écrafé ,  ÔC 
dont  la  corniche  a  peu  de  faillie ,  donne 
un  air  mefquin  ôc  chétif  à  une  grande 
façade.  C'eft  une  petite  tête  fur  une  figure 
colofiale.  Si ,  d'un  autre  côté ,  l'entablement 
eft  trop  grand  ôc  trop  lourd,  il  menace 
d'affaifTer  le  bâtiment.  Il  faut  ici  un  œil 
jufte  qui  fâche  faifir  la  belle  proportion; 
elle  eft  différente  dans  les  différens  ordres 
d'architecture  ,  ôc  les  architectes  ne  font 
pas  non  plus  entièrement  d'accord  fur  les 
mefures  des  parties  &  de  Tenfemble.  Gold- 
mann ,  dont  nous  adoptons  ici  les  propor- 
tions ,  donne  dans  les  cinq  ordres  à  l'en- 
tablement la  hauteur  de  quatre  modules.  Il 
eft  rare  que  de  bons  architectes  réduifent 
cette  hauteur  à  trois  modules  ;  quelques-uns 
au  contraire,  comme  Barozzi  ôc  Cataneo, 
la  portent  jufqu'à  cinq  dans  Tordre  Co- 
rinthien ôc  dans  le  compofîte.  On  n'eft  pas 
plus  d'accord  fur  la  hauteur  6c  la  faillie 
des  membres  que  de  Tenfemble. 

Dans  les  ordres  inférieurs ,  Goldmann 
afîigne  à  chacune  des  trois  parties  de  l'en- 
tablement  une  même  hauteur;  favoir,  1  -j 
du  module.  Dans  les  ordres  fupérieurs , 
l'architrave  a  de  hauteur  1  $ ,  la  frife  1  t?  , 
Se  la  corniche  1  j  de  module.  Les  faillies 
de  l'architrave  &c  de  la  frife  n'égalent  pas 
la  hauteur  de  ces  parties.  Mais  la  corniche, 
deftinée  à  couronner  &  à  garantir  le  bâti- 
ment, a  une  faillie  plus  forte  de  1  î  jufqu'à 
2  |  de  module. 

Dans  la  plupart  des  ordres,  l'architrave 

eft  divifée  dans  fa  hauteur  en  deux  ou  trois 

;  bandes  ,  dont  la  plus  haute ,  ôc  qui  a,  la 

1  plus  grande  faillie ,   eft  couronnée  d'ua 


E  N  T 

filet  ou  de  deux  mowlures.  La  frife  eft  ou 
plate ,  ou  ornée  de  Sculpture  en  bas  reliefs , 
ou  de  triglyphes  qui  repréfentent  les  têtes 
des  poutres,  elle  .1  aufïi  un  petit  couronne- 
rneni:  à  fa  partie  fupérieure.  Quant  à  la 
corniche  ,  chaque  architecte  la  décore  à  fa 
xnanieie;  &  Ton  ne  finirait  point  fi  on 
vouloit  décrire  toutes  les  variétés  dont 
elle  eft  fufceptible.  {Cet  article  ejî  tiré  de 
la  Théorie  générale  des  Beaux-Arts  de  M. 
SULZER.) 

ENTAILLER,  v.  ad.  {Manège.)  Quel- 
ques-uns ont  très-mal-à-propos  confondu  ce 
mot  avec  celui  à' acculer ,  8c  ont  employé 
cette  dernière  expreffion  dans  le  fèns  qui  na- 
turellement ne  convient  qu'à  la  première. 
Nous  expliquerons  ici  la  différence  de  la 
fignification  de  l'une  Se  de  l'autre. 

Tout  cheval  tntablé  eft  celui  dont  les 
hanches  devancent  les  épaules  ,  lorfqu'il 
manie  de  deux  piftes  ,  tant  fur  les  voltes 
que  fur  les  changemens  de  main ,  larges 
ou  étroits. 

Cette  faufïe  pofition  précipite  le  devant 
8c  le  derrière  dans  une  contrainte  ,  qui 
non  -  feulement  s'oppofe  à  toute  juftefïe  , 
mais  qui  eft  capable  de  eau  fer  de  vérita- 
bles défordres.  Les  épaules,  d'une  part, 
trop  en  dehors ,  8c  de  l'autre ,  les  hanches 
trop  rapprochées  du  dedans  ou  du  centre, 
ne  jouiflent  plus  de  cette  liberté  mutuelle 
&  néceflàire  qu  elles  fe  communiquent  ou 
Ce  ravifTent  toujours  réciproquement ,  at- 
tendu l'intimité  de  leur  rapport  &  de  leur 
correfpondance  :  dès-lors  l'animal  ne  fau- 
loit  avancer,  ainfi  qu'il  le  doit,  un  pas  à 
chaque  temps  ;  au  contraire ,  il  (è  refterre , 
il  fe  rétrécit  du  derrière  ;  &  fi  on  ne  le  tire 
de  cette  fituation  forcée,  il  eft  impofïible 
qu'enfin  il  ne  s'accule. 

Ce  défaut ,  qui  fe  rencontre  dans  une 
multitude  étonnante  de  chevaux ,  eft  na- 
turel ou  accidentel  :  naturel ,  quand  on 
peut  en  aceufer  l'animal  ;  accidentel ,  quand 
il  a  pour  principe  des  leçons  prématurées , 
peu  réfléchies ,  administrées  fans  jugement, 
ou  quand  il  n'eft  que  momentané  ,  &  qu'il 
ne  peut  être  imputé  qu'à  une  faute  pafla- 
gere  du  cavalier.  On  ne  doit  donc  point 
être  furpris  qu'un  cheval  foible  de  reins , 
dont  les  jarrets  n'ont  point  de  folidité  & 


E  N  T  53J 

derrière  eft  en  proie  à  quelque  douleur  , 
ainfi  que  celui  qui  eft  hé  avec  une  fi  forte 
lifpofition  à  s'unir  ,  que  la  nature  l'a  en 
quelque  façon  conftruit  pour  être  ra- 
mingue  ,  rentable  fouvent  8c  facilement. 
Nous  devons  l'être  encore  moins  de  le 
voir  tomber  dans  ce  vice,  lorfque,  fans 
avoir  égard  à  fon  peu  de  fouplefle  ,  à  la 
nécefïité  de  le  déterminer ,  de  le  réfoudre , 
de  l'élargir  avec  foin  fur  les  voltes  fimples 
8c  par  le  droit  (  voye^  Élargir  ) ,  &  fans 
penfer  à  l'obligation  de  perfectionner  fon 
appui ,  8c  de  parer  à  l'incertitude  de  fes 
hanches  faufles  ou  trop  légères,  on  a  cher- 
ché à  l'aflujettir  pécipitamment  8c  tout- 
à-coup  ainfi  que  le  pratiquent  encore  au- 
jourd'hui nombre  de  maîtres ,  qui  fe  per- 
fuadent  que  les  aides  forcées  des  jambes , 
8c  même  les  châtimens  redoublés  font 
la  feule  voie  &c  l'unique  moyen  d'engager 
le  derrière  à  accompagner  le  devant  de 
l'animal  ,  qu'ils  mettent  indiftinctement. 
fur  deux  piftes.  Dans  le  premier  cas ,  le 
cheval  Rentable  fans  doute,  à  raifon  de  fà 
foiblefîe  ou  des  maux  qu'il  relient  ;  8c  fi 
ion  derrière  fe  refterre  plutôt  qu'il  ne* 
s'élargit ,  ce  n'eft  que  parce  que  l'épaule 
ne  recevant  pas  de  ce  même  derrière  les 
fecours  dont  elle  auroit  befoin  pour  em- 
braffer  beaucoup  de  terrain  5  8c  étant  trop 
retenue  fur  le  dehors  ,  la  hanche  de  ce 
même  côté  eft  furchargée ,  8c  par  confé- 
quent  l'animal  eft  obligé  de  jeter  fon  extré- 
mité poftérieure  dans  le  fens  contraire  ; 
c'eft-à-dire  ,  dans  celui  où  il  eft  plus  libre 
8c  moins  contraint.  Dans  le  fécond  cas,  il 
ne  falfifie  fa  ligne  que  par  la  mauvaife  ha- 
bitude qu'on  lui  a  fuggérée  ;  8c  l'on  peut 
dire  qu'il  ne  rentable  que  pour  avoir  été 
trop  entablé. 

Il  fufrît  de  connoître  la  fource  de  ce 
mouvement  faux  8c  défordonné ,  pour  être 
inftruit  des  moyens  d'y  remédier.  Le  der- 
rière du  cheval  fe  meut  toujours  dans  le 
fens  oppofé  à  celui  où  fe  meut  le  devant  :  ce 
principe  eft  d'autant  plus  confiant,  qu'il  eft 
tiré  de  la  îtructure  de  l'animal.  Or,  lors- 
qu'il s'agira  de  maintenir  la  croupe  en  li- 
berté, ou  de  l'afïujettir  proportionnément 
à  la  capacité  du  cheval  8c  au  genre  d'ac- 
tion à  laquelle  je  le  follicite  ,  je  détermi- 


nent atteints  de  divers  maux,  8c  dont  le]  nerai  toujours  plus  ou  moins  l'épaule  A 


534  E  N  T 

félon  ce  genre  d'action  Se  fon  pouvoir  : 
pour  cet  effet  je  croiferai  plus  ou  moins 
ma  rêne  de  dehors ,  en  la  portant  en  de- 
dans; Se  l'épaule  étant  conftamment  libre, 
le  derrière  ne  fera  jamais  trop  allervi.  De 
plus ,  fi  les  hanches  tendoient ,  attendu  la 
grande  facilité  que  je  leur  conferve,  à  s'éloi- 
gner du  centre  ,  plutôt  qu'à  s'en  approcher, 
c'eft-à-dire ,  à  s  élargir  plutôt  qu'à  fe  réter- 
cir,  je  les  foutiendrois ,  non  d'abord  avec 
ma  jambe  de  dehors ,  mais  en  croifant  ma 
rêne  de  dedans  en  dehors ,  &  en  mettant,  en 
fécond  lieu,  ma  rêne  de  dehors  à  moi,  &  je 
n  approcherais  ma  jambe  qu'autant  que  les 
effets  réfultans  de  ma  main  f  eroient  impuif- 
fans. 

Mais  il  n'eft  pas  queftion  ici  d'indiquer  les 
moyens  de  commencer  à  mettre  un  cheval 
fur  deux-piftes ,  ce  détail  appartient  à  l'article 
qui  concerne  les  voltes  ou  ieschangemensde 
main  :  je  ne  dois  donc  me  propofer  dans  ce- 
lui-ci, que  de  rechercher  les  voies  de  corriger 
l'animal  qui  rentable.  De  quelque  caufe  que 
provienne  le  rétréci ffement  defon  derrière , 
on  y  obviera  ,  i°.  par  le  fecours  de  la  rêne  de 
dehors,  qui  étant  croifée,  renverfèra  l'épaule 
en  dedans  ;  i°.  par  celui  delà  rêne  de  dedans 
à  foi  ;  3°.  enfin  par  celui  de  la  jambe  de 
ce  même  côté,  appliquée  avec  plus  ou 
moins  de  ménagement  au  corps  du  che- 
val. Ces  trois  aides  feront  employées  dans 
l'ordre  où  je  les  décris  :  elles  ne  doivent 
être  mifes  en  ufage  que  fucceiîîvement  ; 
car  réunies  &  données  enfemble,  elles  le 
furprendroient  inévitablement.  Il  eft  néan- 
moins des  chevaux  qui  ne  peuvent  être 
réduits  à  l'obéifîànce  que  par  les  châtimens 
Se  par  le  fer  ;  tels  font  les  chevaux  ramin- 
gues ,  colères ,  obftinés  ,  6c  dans  lefquels 
cette  habitude  eft  invétérée.  Il  eft  bon , 
après  avoir  laflë  Se  épuifé  fa  patience ,  d'en 
venir  prudemment  aux  actes  de  rigueur  ; 
mais  on  ne  fauroit  traiter  avec  trop  de  dou- 
ceur Se  trop  d'égard  ,  ceux  qui  ont  une 
débilité  naturelle,  puifque  l'exécution  leur 
coûte  plus  qu'à  d'autres,  Se  ceux  qui 
montrent  beaucoup  d'ardeur  Se  de  viva- 
cité, parce  qu'on  courroit  rifque  de  les 
gendarmer  Se  de  les  confirmer  dans  leur 
vice  ,  plutôt  que  de  les  en  guérir.  Durefte, 
la  méthode  la  plus  afliirée ,  relativement 
au  cheval  qui    sentabk  3  conféquemment 


E  NT 

aux  faulTes  leçons  qu'il  a  reçues ,  eft  de  le  re- 
mettre aux  premiers  principes  de  l'école ,  Se 
de  les  lui  faire  entendre.  Lorfqu'on  l'aura 
conduit ,  &c  qu'on  l'aura  fait  palier  avec  or- 
dre par  tous  ceux  qui  peuvent  le  préparer  à 
décrire  des  voltes  ou  des  changemens  de 
main  larges  Se  étroites ,  en  obfervant  les 
hanches ,  on  tentera  de  le  faire  palier  fur 
ces  différentes  formes  de  terrain  :  s'il  perfé- 
vere  dans  fon  rétréci ilement ,  Se  s'il  fe  relfent 
toujours  des  anciennes  imprefïîons ,  on  le 
châtiera  félon  fon  naturel  Se  fon  inclination  : 
on  le  foutiendra,  on  l'attaquera  diferétement 
avec  la  jambe  de  dedans,  on  le  fera  mar- 
cher quelques  pas  par  le  droit  ;  Se  lorf- 
que  les  hanches  leront  élargies,  on  l'arron- 
dira de  nouveau  ,  ou  on  le  rappellera  fur  une 
diagonale.  J'obferverai  encore  que  les  che- 
vaux sentablent  plus  fréquemment  dans  les 
changemens  de  main ,  lorfqu'ils  font  larges , 
que  lori qu'ils  font  étroits  ;  la  longueur  de  la 
ligne  fatigue  ceux  qui  (ontfoibles ,  Se  révolte 
les  autres. 

En  coupant  ou  en  interrompant  fouvent 
la  marche  du  cheval  qui  travaille  de  deux 
piftes ,  pour  ne  le  faire  cheminer  que  fur 
une  feule  Se  droit  devant  lui ,  Se  en  pafTant 
alternativement  de  l'une  à  l'autre  de  ces 
actions  ,  on  eft  en  quelque  façon  afluré  de 
l'empêcher  enfin  de  s'entabler.  Il  eft  même 
à  propos  ,  lor (qu'il  Rentable  avec  précipi- 
tation, &  qu'il  jette  violemment  fon  derrière 
en  dedans  ,  de  le  pincer  vivement  du  talon 
du  même  côté  ,  Se  de  profiter  du  port  ou  de 
la  fituation  actuelle  de  fon  épaule  en  dehors, 
pour  le  contre-changer.  Au  bout  de  quelques 
pas  on  le  remet  par  le  droit  ;  on  le  fait  rentrer 
enfuite  fur  la  ligne  oblique  ;  Se  on  le  contre- 
change  de  nouveau  lorfqu'il  commet  la 
même  faute. 

Si  le  terme  à'entabler  ,  de  sentabler ,  eft 
uniquement  reftreint  à  la  feule  fignification 
du  rétrecijfement  du  derrière,  quel  fera  le 
fens  dans  lequel  nous  emploierons  celui 
à' acculer  ,  de  s'acculer  ?  Il  me  femble  que 
cette  queftion  eft  facile  à  réfoudre ,  d'au- 
tant plus  que  ce  dernier  mot  préfente  en 
quelque  forte  à  l'efprit  l'idée  de  l'action 
même  qu'il  défigne.  Suppofons  que  par 
une  caufe  quelconque  les  jambes  antérieu- 
res foient  tellement  rejetées  en  arrière  ,  ou 
les  jambes  poftérieures  tellement  rejetées 


E  N  T 

eti  avant  ,  que  les  pies  de  derrière  outre- 
paflènt  le  centre  de  gravité  de  l'animal ,  il 
eft  certain  que  dès-Tors  les  hanches  étant 
non-feulement  furchargées,  ain(i  que  les 
jarrets  ,  mais  étant  hors  de  leur  point  de 
force  3c  de  foutien ,  elles  fléchiront  de 
manière  que  le  cheval  s'accroupira ,  s'il 
m'eft  permis  de  rn  exprimer  ainfi  ;  &  voilà 
ce  que  nous  appelions  en  général  être  acculé. 
Que  s'il  demeurait  un  certain  intervalle  de 
temps  dans  cette  faufilé  position ,  fa  chute 
en  arrière  ferait  inévitable.  Les  chevaux 
qui  ont  peu  de  reins,  des  jarrets  foibles 
8c  mous,  8c  dont  le  derrière  pèche  par 
quelque  maladie  ,  font  plus  fujets  à  s'accu- 
ler que  les  autres.  Lortque  pour  élargir  le 
derrière  du  cheval  qui  s'entable ,  8c  pour 
renverfer  l'épaule  en  dedans ,  nous  agitions 
de  la  main  ,  de  manbre  que  Perret  de  notre 
rêne  de  dehors  qui  ne  croife  point  allez, 
contraint  la  partie  que  nous  voudrions  dé- 
gager, nous  acculons  l'animul.  Nous  Yen- 
tablons  8c  Y  acculons  encore  en  même  temps, 
quand  nous  le  renfermons  fi  fort,  que 
aune  part  la  fujécion  dans  laquelle  il  eft, 
l'oblige  de  fe  reflerrer  du  derrière  ,  &  de 
l'autre  de  reculer  du  devant ,  ce  même 
derrière  étant  immobile  8c  fixé  en  dedans. 
Enfin,  tout  cheval  peut  être  acculé  dans 
les  piliers ,  au  parer ,  au  reculer ,  &c.  Voyez 
ces  mots  à  leur  place.  On  conçoit  d'avance 
qu'il  ne  peut  être  tiré  de  cet  état  chancelant 
8c  incertain  ,  qu'autant  que  les  pies  anté- 
rieurs acquerront  la  liberté  de  s'éloigner 
de  ceux  de  derrière  ;  ou  qu'enfin  ceux  de 
derrière  ,  par  un  effort  que  n'accompagne 
jamais  la  grâce,  parviendront  eux-mêmes  à 
fe  dégager,  (e) 

*ENTACAGE  ,  f.  m.  (  Manuf.  en  ve- 
lours. )  c'eft  un  aftèmblage  de  différentes 
baguettes,  qui  fe  place  en  une  chanée  ou 
logement  pratiqué  à  l'enfuple  de  devant 
des  métiers  à  velours. 

Cette  enfuple  étoit ,  avant  l'invention  de 
cette  machine  ingénieufe ,  garnie  de  petites 
pointes  qui  pafloient  à  travers  le  velours , 
8c  qui  le  tenoient  appliqué  fur  l'enfuple. 
On  étoit  obligé  d'employer  ces  pointes  au 
velours ,  parce  que  fi  l'on  eût  enroulé  cette 
étoffe  fur  elle-même  ,  comme  les  autres  , 
foif  poil  fe  ferait  écrafé ,  n'aurait  pu  fe 
redreflèr,  8c  l'étoffe  eût  été  gâtée  ;  mais 


ENT  ni 

d'un  autre  côté  les  pointes  Pérailloient ,  la 
cribloient  de  petits  trous  ,  ôcnuifoient  beau- 
coup à  fa  qualité.  Ce  fut  ce  qui  détermina 
un  ouvrier  à  chercher  un  remède  à  ces 
inconvéniens  ;  de  il  trouva  Yentacage  ,  qui 
confifte  à  faire  faire  plufieurs  tours  au  ve- 
loufs ,  fur  des  baguettes  auxquelles  fon 
envers  eft  toujours  appliqué ,  8c  contre 
lefquelles  il  eft  fi  fortement  retenu  par  le 
feul  frottement ,  qu'on  déchirerait  plutôt 
l'étoffe- que  de  l'en  féparer.  Entre  ces  ba- 
guettes il  y  en  a  à  la  vérité  une  de  fer 
allez  large ,  8c  dont  la  furface  eft  toute 
hachée ,  afin  d'augmenter  le  frottement 
par  ces  inégalités.  On  trouvera  à  Yarticle 
Velours,  une  description  plus  détaillée 
de  cette  invention.  En  attendant  nous  pro- 
pofons  à  ceux  qui  voudront  fentir  tout  le 
mérite  de  cette  invention ,  de  réfoudre  ce 
problême  de  Méchanique  :  Subflituer  aux 
pointes  de  l'enfuple  ,  une  machine  telle  que 
l'étoffe  [oit  tenue  fortement  &  également  ten- 
due fur  toute  fa  largeur  ,  fans  la  p.rcer  de 
trous  ni  écrafer  fon  poil. 

ENTAILLE,  f.  f.  en  Architecture  ;  c'eft 
une  ouverture  qu'on  fait  pour  joindre  quel- 
que chofe  avec  une  autre.  Les  entailles  fe 
font  carrément  de  la  demi  -  épailleur  du 
bois  ,  par  embrévent  a  queue  d'aronde ,  en 
adenty  Ôcc.  ainti  que  les  atlemblages.  On 
fait  des  entailles  dans  les  incruftations  de 
pierre  ou  de  marbre,  pour  y  placer  les 
morceaux  poftiches.  On  fait  encore  des  en- 
tailles à  queue  d'arotide,  pour  mettre  un 
tenon  de  nœud  de  bois  de.chêne  ,  ou  un 
crampon  de  fer  ou  de  bronze  incrufté  de 
ton  épaiffeur  ,  pour  retenir  un  fil  dans  un 
quartier  de  pierre  ,  ou  dans  un  bloc  de 
marbre.  (  P  ) 

Entailles,  {Lutherie.)  ce  font  dans 
le  fommier  de  l'orgue ,  ces  vuides  ou  mor- 
toifes  que  l'on  fait  aux  longs  ■cotés  du 
châfïis ,  pour  recevoir  les  barres  qui  for- 
ment les  gravures.  Voye^  Sommier  de 
grand  Orgue. 

Entailles,  ce  font  aufïl  les  ouvertures 
que  l'on  fait  derrière  les  tuyaux  de  mon- 
tre ,  pour  les  amener  à  leur  ton.  Ce  font 
de  grands  trous  ,  dont  l'ufage  eft  de  déter- 
miner la  longueur  du  tuyau  ,  lorfqu'on  l'a 
fait  plus  long  qu'il  ne  faut  pour  remplir  la 
face  du  fuft  d'orgue.  XJentailk  ou  ouver- 


lit  E  N  T 

ture  inférieure ,  qui  met  le  tuyau  à  Ton  ton, 
a  plu fieurs  fentes  à  fa  parcie  inférieure  ,  qui 
forment  plufieurs  lambeaux  qu'on  note  pas 
tout- à- fait ,  ôc  avec  lefquels  ,  comme  avec 
les  oreilles ,  on  accorde  les  tuyaux.  Voye{ 

Oreilles. 

ENTAILLOIRS  droits  ôc  courbes  , 
(Luth.  )  font  des  outils  ou  efpeces  de  petites 
équoines ,  dont  les  fadeurs  de  mufettes  fe 
fervent  pour  féparer  en  deux  les  éminences 
qu'ils  ont  réfervées  au  dehors  des  chalu- 
meaux ,  pour  fervir  de  tenons  aux  clefs. 
Voye^  Musette. 

ENTALINGUER,  (Mar.  )  voye^  Ta- 

LINGUER. 

*  ENTAMER,  v.  act.  au  phyfique  , 
c'eft  féparer  d'un  corps  qu'on  confidere 
comme  un  tout ,  une  partie  qu'on  regarde 
comme  la  première ,  qu'on  appelle  \' enta- 
mur  e.  Au  figuré,  il  eft  fynonyme  à  commen- 
cer ;  ainfi  entamer  une  négociation  ,  c'eft  la 
commencer. 

Entamer  ,  (Manège.)  terme  que  nous 
employons  en  divers  fens. 

Entamer  un  cheval ,  ou  commencer  à  lui 
faire  comprendre  les  premières  leçons  du  ma- 
nège ,  exprefïions  fynonymes  :  ce  cheval  n'ejl 
ûu'ejitatné. 

Entamer  une  vclte ,  un  changement  de  main, 
fe  dit  pour  défigner  l'inftant  où  l'on  com- 
mence cette  volte  ou  ce  changement  de  main: 
Vous  naveipasfaifi  les  temps  jufies  par  lef- 
quels vous  dévièrent  amer  votre  changement  de 

main. 

fc  Entamer  fe  dit  encore  en  parlant  du  ter- 
rain que  l'animal  embrafle ,  ■  &  de  la  jambe 
qui  précède ,  ou  qui  eft  la  première  à  l'em- 
braûef.  Au  galop  à  droite  la  jambe  de 
devant  du  hors  -  montoir  ,  &  au  galop  la 
jembe  de  devant  du  montoir  ,  doivent 
entamer.  Vcye[  Galop.  C'eft-à  dire,  qu'à 
l'un  la  jambe  droite  doit  précéder  la  gau- 
che ,  Ôc  qu'à  l'autre  la  jambe  gauche  doit 
devancer  la  droite,  (e) 

ENT AMURE  ,  f.  f .  (  Chirurgie.)  d< Vi- 
llon de  continuité  qui  fe  fair  avec  les  înftru- 
mens  tranchans ,  tant  fur  les  parties  dures 
que  fur  les  parties  molles. 

Les  anciens  ont  diftingué  cinq  manières 
de  faire  une  entamure  fur  les  parties  dures  y- 
favoir ,  en  trouant  ou  trépanant ,  en  raclant, 
en  feiant ,  en  limant  &  en  coupant. 


ENT 

|      On  troue  ou  on  trépane  avec  un  initra- 

I  ment  tranchant  en  forme  de  feie  ronde  , 

i   appelle  trépan.   On  racle  avec  un  inltru- 

I  ment  nommé  rugine  ;  cette  opération  em- 

\  porte   la  .luperficie  des  os  corrompus;  ce 

j  qui  rend   plus  prompt  l'effet  des  remèdes 

|  appliqués.    On  feie   les   os    des    membres 

i  qu'on  doit    amputer.  On  lime    les   dents 

'  pour  les  féparer  ,  pour  les  rendre  égales, 

|  Ôc  pour  en  emporter  la  carie.  On  coupe , 

avec  des  tenailles  incifives ,   les  extrémités 

des  os   caftes  ,    dont  les   pointes  peuvent 

piquer  certaines  parties.  On  coupe  les  os , 

même  dans  leur  continuité  ,  lorrqu'on  ne 

peut  les  feier  ,    ou  les  féparer  dans   leur 

contiguïté.   Voye^    Trépan  ,    Rugine  , 

Scie  ,  Lime   ù  Tenailles  incisives    en 

Chirurgie. 

Les  anciens  ont  aufïî  diftingué  douze 
manières  de  faire  une  entamure  aux  partie 
molles  ;  i'aplotomie  ,  la  phlf  botomie  ,  l'ar- 
tériotomie ,  l'oncotomie  ,  le  catacafmos  , 
le  périérefe ,  l'hypo'patifme  ,  le  périfei- 
thiline  ,  l'encopé  ,  l'acrotériafme  ,  l'an- 
géiotomie  ,  ôc  la  lithotomie.  La  définition 
de  tous  ces  mots,  que  nous  allons  ajouter 
ici  contre  notre  coutume  ,  ne  tiendra  guère 
plus  d'e'pace  que  la  désignation  des  ren- 
vois. 

L'nplotomie  eft  une  fïmple  ouverture 
faite  à  une  partie  molle  ;  la  phlébotomie 
eft  l'ouverture  d'une  veine;  l'artériotomie, 
celle  d'une  artère  ;  ôc  l'oncotomie ,  celle 
d'un  abcès.  Le  catacafmos  eft  ce  qu'on 
appelle  en  François  feanfication  ;  il  y  en  a 
de  trois  fortes  ;  favoir ,  la  moucheture  ,  qui 
ne  va  pas  au  delà  de  la  peau  ;  l'inciiion , 
qui  pénètre  jusqu'aux  mufcles;  Ôc  la  tail- 
lade ,  qui  va  jurqu'aux  os.  La  périérefe  eft 
une  espèce  d'incifion  que  les  anciens  fai- 
f oient  autour  des  grands  abcès;  l'hypofpa- 
tilme  eft  une  incifion  qu'ils  pratiquoient 
au  devant  de  la  tête  ,  ôc  qui  pénétroit  juf- 
qu'à  l'os  ;  le  périfcithifme  eft  une  incifion 
circulaire  qu'ils  con^nuoient  depuis  une 
tempe  jufqu'à  l'autre,  &  qui  pénétroit  jus- 
qu'à l'os.  La  cruauté  de  ces  trois  efpeces 
d'opérations ,  ôc  leur  peu  de  fuccès  ,  les 
ont  prorcrires.  L'encopé  eft  l'amputation 
d'une  petite  partie ,  par  exemple ,  d'un 
doigt  ;  l'acrotériafme  eft  l'amputation  d'un 
membre  confidérable ,  par  exemple  ,  d'une. 

jambe  j 


ENT 

jambes  ;  l'angéiotomic  eft.  l'ouverture  d'un 
vaiflèau  ;  la  lichotomie  eft  une  ouverture 
qu'on  fait  à  la  veffie  pour  en  tirer  une  pierre. 
Principes  de  Chirurgie.  Article  de  M.  le  Che- 
valier DE  JaUCOURT. 

E nt amure  ,  en  Architecture  :  ce  mot 
fè  dit  des  premières  pierres  d'une  carrière 
nouvellement  découverte.  (  P  ) 

ENTE  ,  ENTER  K  ENTURE  ,  (  Jar- 
dinage, )  eft  la  même  chofe  que  greffer. 
Voye^ Greffe.  ( K) 

§  ENTÉ  en  pointe ,  (  Blafon.)  fè  dit  d'une 
entaille  au  bas  de  l'écu  ;  elle  eft  tracée  par 
deux  portions  de  cercle  rentrantes,  qui  s'é- 
tendent aux  angles  inférieurs  ,  s'y  joignent , 
s'élèvent  fur  la  pointe  du  même  écu  3  & 
le  terminent  en  angle  aigu  curviligne. 

Maillé  Brezé  en  Normandie  ,  fafcé ,  enté , 
ondoyé  d'or  8c  de  gueules. 
•  Poufïèmotthe  de  l'Etoile  ,  de  Thierfan- 
ville  de  Montbrifeuil  ,  à  Paris  ;  d'azur  à 
trois  lis  au  naturel  ;  enté  en  pointe  de  fable 
à  une  étoile  d'or.  Cet  enté  en  pointe  eft  une 
fubftitution  ,  depuis  le  8  février  1651  , 
qu'un  de  cette  famille  devint  héritier  (  du 
coté  maternel  )  de  François  de  l'Etoile. 
(  G.  D.  L.T.) 

ENTÉES  ,  f.  f.  (F<We.)Cefontdes 
fumées  de  cerf  ou  de  biche  ,  dont  deux 
ne  font  qu'une  ,  8c  qui  peuvent  fe  feparer 
fans  fe  rompre. 

ENTER  ,  v.  aét.  en  Architecture  ,  fè  dit 
de  deux  pièces  de  bois  afïèmblées  bout  à 
bout ,  pofees  perpendiculairement  comme 
des  poteaux-corniers  &  autres.  (P) 

Enter 
oifèau    a  une  penne  froiflée  ,    rompue  , 
albrenée  ,  la  rejoindre  à  une  autre.  H  le 
dit  auffi  de  la  penne    qu'on  racommode 
à  l'aiguille  ou  au  tuyau. 

ENTES  ,  f.  f  .  (  Chajfe  )  peaux  d'oifèaux 
remplies  de  foin  ou  de  paille ,  qu'on  fiche 
à  un  piquet  planté  en  terre  ,  pour  fèrvir 
d'appâts  aux  autres  oifeaux  ,  8c  les  attirer 
dans  les  rets  qu'on  leur  a  tendus. 

ENTENDEMENT  ,  f.  m.  *  (Logique.  ) 
n'eft  autre  chofe  que  notre  ame  même  , 
en  tant  qu'elle  conçoit  ou  reçoit  des  idées. 


ENT  537 

Quand  je  dis  affirmation ,  négation  ,  dejîr, 
contentement  ,  ennui ,  approuver  ,  &c.  je  ne 
prononce  point  des  mots  deftitués  de  lens  ; 
cependant  je  ne  me    repréfente  point  ce 
dont  je  çarle  fous  aucune  forme  corporelle. 
La  puiflance  que  nous   avons    de   penfèr 
ainfî ,  s'appelle  {'entendement ,  ou  la  faculté 
intelleâuelle.  A  la  vérité  ,  dans   le    temps 
même  que   l'entendement   pur  s'exerce  ÔC 
s'applique  fur  fes  idées  ,  l'imagination  pré- 
fente  auffi  fes    images   8c  fes  fantômes  : 
mais  bien-loin  de  nous  aider  par  fes  foins  , 
elle  ne  fait  que  nous  retarder  8c  nous  trou- 
bler. Il  faut  donc  mettre  une  grande  diffé- 
rence entre  les  idées   de  l'entendement ,  8è 
les  fantômes  de  l'imagination.  L'entende- 
ment conçoit  avec  netteté  j   mais  dans  ce 
que  l'imagination  préfente  ,  il  n'y  a  le  plus 
fbuvent  que  confufion.  Je  comprends  fort 
bien  ce   que   c'eft  qu'une  figure    formée 
de  no  ou  de   124  côtés  égaux  :  j'en  dé- 
montrerai la  génération  8c  les  propriétés  : 
mais  la  peinture  que  l'imagination  s'en  fait , 
n'eft  point  diftin&e.    L'entendement  déter- 
mine tous  ces  côtés  ,  &  les  compte  nette  - 
ment  ;  l'imagination  n'oferoit  l'entrepren- 
dre ,  elle  n'en  fauroit  venir  à  bout.  L'en- 
tendement 8c  l'imagination  ont  l'un  8c  l'au- 
tre   des    idées   fort  claires  d'un  triangle  j 
vmais  celle  de  l'imagination  eft  plus  vive 
&  plus  frappante  ,  parce  qu'elle  eft  accom- 
pagnée de  feniations.  Quant  à  une  figure 
de  120  côtés  ,  celle  que  l'imagination  pré- 
fente eft  confufè.  Lorfque  dans  une  hiftoire 
l'on  me  parle  de   50  bataillons  8c  de 


J3 
(  Fauconn.  )   c'eft  lorsqu'un  1  efeadrons  ,   ces  deux  nombres  font  très- 

précifement  conçus  par  mon  entendement, 
mais  l'imagination  s'embrouille ,  &  ce  qu'elle 
conçoit  ,  elle  fe  le  repréfenteroit  de  même  , 
fî  ce  détail  avoit  été  compofé  d'autres  nom- 
bres. 

Non- feulement  l'entendement  fe  forme 
des  idées  précifes  de  ce  que  l'imagination 
ne  préfente  que  très-confufément ,  il  en 
rectifie  de  /plus  les  contradictions.  L'ima- 
gination ne  fe  repréfentera  jamais  les  Anti- 
podes que  renverfés  ;  mais  ^entendement 
fe  convainc  qu'un  homme  n'a  point  cette 


(*)  Defcartes,  Arnauld  ,  Pafcal,  Mallebranche  ,  érc.  ont  trouvé  une  différence  effentielle  entre 
l'intelligence  &  l'imagination.  Par  la  première  ,  notre  efprit  conçoit  un  objet  indépendamment  de 
"'image  qu'il  peut  s'en  former  ;   par  la  féconde  ,  il  fe  repréfente  cette  image. 

1  orne  XII.  Yyy 


538  E  N  T 

hcuation  ,  dès  que  fes  pies  font  plus  près 
que  fa  tête  du  centre  de  la  terre.  Voye{ 
Antipodes. 

L'efprit  a  d'autant  plus  d'étendue ,  qu'il 
peut  penfer  à  un  plus  grand  nombre  de 
ehofes  à  la  fois  ,  parler  plus  rapidement 
d'une  penfée  à  une  autre ,  de  en  parcourir  un 
grand  nombre  comme  d'un  feul  coup- 
d'ceil  ;  de  même  qu'un  bras  eft  plus  ro- 
bufte  ,  lorfqu'il  agit  avec  plus  de  prompti- 
tude ,  ôc  qu'il  foutient  une  plus  grande 
quantité  de  poids  en  même  temps.  Or ,  il 
en  eft  de  la  force  de  l'entendement ,  comme 
de  celle  du  corps  ,  elles  croi lient  l'une  & 
l'autre  par  l'exercice  ,  mais  par  un  exercice 
modéré ,  réglé ,  &dont  les  efforts  s'augmen- 
tent infenfîblement.  Un  efprit  qui  réitéra 
dans  l'inaction ,  demeurera  toujours  étroit  ; 
&  celui  qui  entreprendra  tout  à  la  fois  un 
trop  grand  nombre  de  ehofes ,  &  fe  por- 
tera d'abord  aux  plus  difficiles  ,  loin  de 
redoubler  fes  forces ,  les  affoiblira  ôc  courra 
rifque  de  les  perdre  entièrement.  Il  faut 
donc  aller  par  ordre  ,  c'eft-à-dire  ,  com- 
mencer par  le  plus  aifé ,  des  connoiflànces 
les  plus  (impies  ne  palier  jamais  tout  d'un 
coup  aux  plus  difficiles  ?  mais  s'avancer  par 
degrés  des  Amples  à  celles  qui  ne  font  que 
tant  foit  peu  compofées  ,  ôc  de-là  s'élever 
à  d'autres  un  peu  plus  difficiles  à  démê- 
ler ,  &c.  Il  n'en  faut  jamais  quitter  aucune 
fans  l'avoir  distinctement  comprife ,  ôc  fe 
l'être  rendue  familière.  Quand  on  étudie 
les  Mathématiques  avec  cette  précaution , 
les  démonftrations  les  plus  compliquées  ne 
font  guère  plus  de  peine  que  les  plus  /im- 
pies n'en  faifoient  au  commencement.  Un 
enfant  n'attend  pas  fîx  ans  pour  compter 
jufqu'à  trois  ;  qu'on  lui  apprenne  à  dire  3 
ôc  1  c'eft  4  ,  4  &  1  c'eft  5  ;  qu'un  quart- 
d'heure  après  on  le  lui  falfe  répéter ,  il  n'a 
plus  befoin  d'effort  pour  compter  jufqu'à 
cinq.  Qu'on  mette  toujours  des  intervalles 
entre  les  progrès  qu'on  lui  fera  faire  ,  la 
féconde  dizaine  le  fatiguera  encore  un  peu; 
dès  qu'il  fera  venu  à  20  ,  on  lui  rendra 
familiers  peu  à  peu  les  noms  des  dizaines 
jufqu'à  100  ;  &  dès  qu'il  faura  remplir 
l'intervalle  de  20  à  30  ,  il  faura  remplir  les 
autres  jufqu'à  cent.  Voyelles  articles  Evi- 
dence ,  Sensations  ,  où  l'on  expofe  ôc 
Von  déduit  ,  par  une  méthode  philofophi- 


E  N  T 

que  ,  l'origine  ôc  le  progrès  de  nos  idées  , 
c'eft-à-dire  ,  des  opérations  de  notre  en- 
tendement. Cet  article  ejl  tiré  des  papiers  de 
M.  FoRMEY. 

ENTENDRE  LE  NUMERO,  (Com- 
merce. )  c'eft  en  terme  de  commerce  ,  con- 
noître  le  véritable  prix  d'une  marchandife , 
caché  fous  la  marque  que  le  marchand  a  cou- 
tume d'y  mettre ,  ôc  dont  il  n'y  a  que  lui  ôc 
les  garçons  qui  aient  la  clef.  V.  Numéro  , 
Chiffre  &  Marque.  Diâionn.  de  Com- 
merce ,  de  Trévoux ,  &  Chambers.  (G) 

Entendre  les  Talons  ,  (  Manège.  ) 
Voye^  Fuir  les  Talons. 

ENTENNES  ,  f.  f.  (Marine.)  Les c«- 
tennes  d'une  machine  à  mater  font  trois 
mâts  plantés  fur  le  côté  de  la  machine  ,  où 
font  frappées  les  caliournes  qui  fervent  à 
élever  les  mâts.  (Z) 

ENTENTE  ,  f.  f.  On  dit ,  en  Peinture  , 
ce  tableau  eft  bien  entendu  ,  eft  d'une  belle 
entente  ;  c'eft-à-dire  ,  que  l'ordonnance  en 
eft  bien  entendue  ,  qu'il  eft  conduit  avec 
beaucoup  d'entente ,  foit  pour  la  difpofition 
du  fujet ,  foit  pour  les  expre fiions ,  le  con- 
trarie ,  ou  la  diftribution  de  lumières.  En- 
tente fe  dit  aufïi  d'une  partie  d'un  tableau 
feulement  :  ce  grouppe  ,  cette  figure  font 
d'une  belle  entente  de  lumière ,  de  contrarie, 
Ùc.  Diclionn.  de  Peint.  (R) 

ENTER ,  f.  f.  (  Bas  au  métier.  )  c'eft  dou- 
bler le  fil  fur  un  certain  nombre  d'aiguilles 
Voye-^  à  l'article  Bas  au  Métier  ■>  com- 
ment Venture  fe  pratique.  Les  réglemens 
veulent  que  les  entures  aient  au  moins 
fîx  mailles  ,  &  foient  doubles  ôc  bien 
nettes. 

ENTÉRINEMENT  ,  f.  f.  (  furifprud.) 
fîgnifie  la  difpofition  d'un  jugement  ,  qui 
donne  un  plein  ôc  entier  effet  à  quelque 
a£te  qui  ne  pouvoit  valoir  autrement.  Ce 
terme  vient  du  mot  Gaulois  entérin  ,  qui 
fignifioit  entier  ,  &  entérinement ,  qui  figni- 
fîoit  entièrement.  On  difoit fief enter in ,  pour 
fief  entier.  On  demande  en  juflice  l'entéri- 
nement des  lettres  de  refeifion  ,  &c  des  let- 
tres de  requête  civile  ;  8>c  lorfquelles  pa- 
roifïent  bien  fondées  ,  le  juge  en  ordonne 
l'entérinement ,  c'eft-à-dire ,  la  pleine  ôc  en- 
tière exécution.  Ce  terme  paroît  propre  pour 
exprimer  l'exécution  qui  eft  ordonnée  de 
certaines  lettres  du  prince  ;  pour  lesftatutSj, 


E   N  T 

tranfactions  ,  fcntences  arbitrales  ,  on  fe  fert 
du  terme  A' homologation.  {A) 

ENTÉROCELE  ,  f.  f.  en  Chirurgie  , 
hernie  ou  defcente  des  inteftins  dans  le  pli 
de  laine.  Le  mot  eft formé  du  Grec \v\ipov , 
intejîin  ,   ÔC  mm  ,   tumeur. 

C'eft  ordinairement  l'inteftin  iléon  qui 
forme  la  tumeur  herniaire  dont  il  eft  quef- 
tion. 

La  caufe  prochaine  de  X'entérocele  eft  la 
relaxation  ou  l'extenlion  de  la  partie  infé- 
rieure du  péritoine  ,  qui  pafte  alors  à  tra- 
vers l'anneau  du  mufcle  oblique  externe. 
Ses  caufes  éloignées  font  les  grands  efforts  , 
les  exercices  trop  rudes  ,  la  toux  violente , 
le  fréquent  vomilîement  ,  les  cris ,  &c.  ce 
qui  fait  que  les  enfans  y  font  plus  fujets 
que  les  autres.  Voye^ Hernie.  (Y) 

ENTÉROÉPIPLOCELE  ,  f.  f.  {Chirur- 
gie. )  tumeur  au  pli  de  l'aine  ,  formée  par 
l'inteftin  &  l'epiploon.  Koye^  Hernie. 

Ses  caufes  font  les  mêmes  que  celles  de 
l'cntérocele.  Foye^ENTÉROCELE.  {Y} 

ENTÉROÉPIPLOMPHALE  ,  f.  fém. 
(  Chirurgie.  )  efpece  d'exomphale  ou  de 
hernie  ,  dans  laquelle  les  inteftins  ôc  l'épi- 
ploon  forment  une  tumeur  au  nombril. 
Voye[  Exomphale. 

Ce  mot  eft  compofe  de  ivjtfov ,  intejîin , 
Wittmov  ,    épiploon  ,  ÔC  o^xhof  3   nombril. 

ENTERO-HYDROMPHALE ,  f.  fém. 
en  Chirurgie  ,  efpece  d'exomphale  dans  la- 
quelle ,  outre  le  déplacement  de  l'inteftin 
qui  lui  eft  commun  avec  l'exomphale  ,  il  fe 
ramafle  encore  une  quantité  d'humeur 
aqueufe.  Vbye[  Exomphale. 

Ce  mot  eft  formé  du  Grec  selspoe ,  in- 
tejîin y  vJlap  ,  aqua  ,  eau  ,  férofîté  ,  ôc  de 
cy.<t>*K@- >  nombril.  {Y) 

ENTEROLOGIE  ,  f.  fém.  (  Anatomie.) 
mot  compofé  de  »1«pw  ,  intejîin  >  vifçere  3 
ôc  hôy@- ,  fermo  ,  difcours  ;  c'eft  propre- 
ment un  traité  des  vifceres ,  quoique  ce 
mot  s'entende  généralement  des  vifceres 
des  trois  cavités ,  de  la  tête  ,  de  la  poitrine , 
ôc  du  bas-ventre.  Voyer  Viscère,  (i) 

ENTÉROMPHALE ,  f.  f .  (  Chirurgie.) 
efpece  d'exomphale ,  dans  laquelle  les  in- 
teftins fbrtent  de  leur  place  ,  ôc  forment 
une  tumeur  dans  le  nombril.  Voy.  Exom- 
phale. 


E  N  T  535» 

Ce  mot  eft  formé  du  Grec  «pjg/w ,  Utejlia^ 
ÔC  èf/.<p<tKoi  ,  nombril.   (  Y) 

ENTÉROTOMIE  ,  f.  fém.  opération  de 
Chirurgie ,  incifîon  à  Pinteftin  pour  en  ti- 
rer des  corps  étrangers.  Cette  opération 
eft  un  remède  extrême  ,  qu'on  ne  doit  em- 
ployer que  dans  des  cas  où  il  pourroit  en- 
core donner  quelque  efpérance  ,  &  où  , 
faute  d'y  recourir ,  la  mort  eft  inévitable. 

L'expérience  nous  fournit  la  preuve  de 
la  poiîibilité  de  cette  opération  dans  la 
guérifon  des  plaies  des  inteftins.  L'entérctc- 
mie  peut  être  très-néceflaire  dans  pîufieurs 
circonftances ,  &  principalement  dans  l'opé- 
ration de  la  hernie  ,  lorlque  des  corps  étran- 
gers fe  feront  glifles  dans  la  portion  étran- 
glée de  l'inteftin  ,  &  qu'ils  en  empêcheront 
la  réduction  :  dans  ce  cas ,  il  faudra  retenir 
Pinteftin  au  bord  de  la  plaie  ,  pour  éviter 
l'épanchement  qui  pourroit  arriver  il  on  le 
replaçoit  dans  le  ventre  après  cette  opéra- 
tion. 

M.  Hevin  a  traité  de  la  poiîibilité  Se  de 
la  néceflité  de  Y entérotomie  ,  dans  un  mé- 
moire fur  les  corps  étrangers  de  l'cejîo- 
phage  ,  inféré  dansle  premier  volume  de  ceux 
de  l'académie  royale  de  Chirurgie.  (Y) 

ENTERRAGE  ,  f.  m.  terme  de  Fonde- 
rie ,  eft  un  maiïif  de  terre  dont  on  remplit 
régulièrement  la  folle  autour  du  moule  , 
pour  le  rendre  plus  folide  ôc  l'entretenir 
de  tous  côtés.  On  remplit  les  galeries  jus- 
qu'à l'effleurement  du  deiTus  des  grais  ,  au 
deflbus  de  la  grille  ,  avec  du  moellon  ma- 
çonné avec  du  plâtre  mêlé  de  terre  cuite 
pilée.  On  comble  la  foffe  avec  de  la  terre 
mêlée  de  plâtre  ,  qu'on  bat  avec  des  pi- 
lons de  cuivre  pour  la  rendre  plus  ferme. 

ENTERREMENT  ,  f.  m.  (Jurifprud.) 

Voye^  SÉPULTURE. 

Enterrement  ,  f.  m.  (  Police.)  Le  par- 
lement de  Paris  a  rendu ,  le  21  mai  1765  , 
un  arrêt  qui  défend  d'enterrer  à  l'avenir  , 
non-feulement  dans  les  églifes ,  mais  dans 
l'enceinte  de  la  ville.  Il  eft  bien  furprenant 
que  cet  arrêt,  un  des  plus  utiles  que  le 
parlement  ait  jamais  rendus  ,  n'ait  point 
eu  d'exécution  :  nous  croyons  devoir  l'in- 
férer ici ,  ne  fût-ce  que  pour  le  conferrer  , 
ôc  pour  engager ,  s'il  eft  poffible  ,  les  ma- 
giftrats  à  foire  ceftèr  ce  fléau  de  l'huma- 
nité. 

Yyy  1 


540  E  N  T 

il  Vu  par  la  cour  la  requête  préfentée  par 
3,  le  procureur-général  du  roi ,  contenant 
„  qu'en  exécution  de  l'arrêt  de  la  cour 
,,  du  ix  mars  17653  les  différentes  pa- 
>}  roifles  de  cette  ville  de  Paris  lui  ont 
j ,  envoyé  leurs  mémoires  concernant  les 
3,  fépultures,  l'évaluation  du  nombre  des 
,,  enterremens  annuels  ,  la  nature  du  fol , 
Si  l'étendue  8c  l'ancienneté  des  cimetie- 
3,  res  j  les  avis  de  diverfes  fabriques ,  que 
3,  les  commifTaires  au.  châtelet  lui  ont  re- 
„  mis  ,  8c  leurs  divers  procès  -  verbaux  ; 
„  qu'enfin  ,j  les  officiers  du  châtelet  ont 
„  donné  leurs  avis  fur  ces  mêmes  objets  ; 
3,  que  d'après  l'examen  de  toutes  ces 
,,  pièces  ,  le  procureur-général  du  roi  fe 
3,  croit  en  état  de  propoier  à  la  cour  fes 
,,  réflexions,  &  le  moyen  de  remédier  aux 
,,  inconvéniens  de  tout  genre,  qui  paroif- 
,,  fent  réfulter  de  l'ufage  actuel  d'enter- 
„  rer  les  corps  des  défunts  dans  i'inté- 
3,  rieur  de  la  ville  ;  ufage  qui  ne  doit  Ion 
„  origine  qu'à  l'agrandiiîement  de  cette  ca- 
,,  pitale  ,  qui,  en  s'étendant ,  a  renfermé 
j,  la  plupart  des  cimetières  dans  l'enceinte 
,,  de  fes  limites ,  que  d'ailleurs  le  nombre 
„  des  habitans  de  chaque  paroifle  s'eft  fi  fort 
,,  augmenté  par  l'élévation  des  maifons, 
,,  que  les  lieux  deftinés  aux  inhumations  fe 
,,  font  trouvés  trop  refièrrés ,  &  par- là 
„  font  devenus  fort  à  charge  à  tout  leur 
„  voifînage  ;  que  c'eft  ce  qui  eft  établi 
3,  par  le  plus  grand  nombre  des  aétes 
3,  qui  feront  remis  fous  les  yeux  de  la 
3,  cour*;  qu'elle  y  verra  que  dans  la  plu- 
3,  part  des  grandes  paroifles  ,  &  fur-tout 
3,  de  celles  qui  font  au  centre  de  la  ville , 
,,  les  plaintes  font  journalières  fur  l'infec- 
3,  tion  que  répandent  aux  environs  les  ci- 
3,  metieres  de  ces  paroifles  ,  principale- 
3,  ment  lorfque  les  chaleurs  de  l'été  aug- 
3,  mentent  les  exhalaifons;  qu'alors  la  pu- 
a,  tréfaction  eft  telle  ,  que  les  alimens  les 
3,  plus  néceflaires  à  la  vie ,  ne  peuvent  fe 
3,  conferver  quelques  heures  dans  les  mai- 
,,  fons  voifines  lans  s'y  corrompre  ;  ce 
„  qui  provient  ou  de  la  nature  du  fol 
„  trop  engraifié  pour  pouvoir  confommer 
,,  les  corps,  ou  du  peu  d'étendue  du  ter- 
,,  rain  pour  le  nombre  des  enterremens 
,3  annuels  ;  ce  qui  néceflite  de  revenir 
„  trop  fouvem  au  même  endroit ,  8c  peut- 


EN  T 

„  être  aufïi  du  peu  d'ordre  de  ceux  qui, 
„  prépofés  au  foin  d'enterrer  les  morts, 
,,  n'ont  ni  l'attention  ni  l'exactitude  né- 
,,  ceflaires  pour  ne  pas  rouvrir  trop  tôt 
,,  les  mêmes  fépultures  :  que  la  cour  de- 
,,  meurera  d'autant  plus  pénétrée  de  ces 
„  inconvéniens  ,  qu'elle  remarquera ,  avec 
„  fatisfaction ,  que  plufieurs  fabriques  , 
„  fenfibles  aux  plaintes  réitérées  des  pa- 
„  roifïiens  ,  s'étoient  déjà  déterminées  à 
,,  fupprimer  leurs  cimetières  actuels,  8c  que 
„  dès  avant  lbn  premier  arrêt ,  elles  avoient 
„  entr'elles  pris  des  arrangemens  pour  ac- 
„  quérir  en  commun  ,  hors  de  la  ville  , 
,,  un  terrain  propre  à  cet  ufage  ,  8c  allez 
„  étendu  pour  le  befoin  de  ces  paroifles , 
„  eu  égard  au  nombre  de  leurs  habitans  ; 
„  que  dans  telles  circonftances  le  procu- 
„  reur-général  du  roi  eftime  qu'il  ne  s'a- 
„  git  que  d'étendre  un  plan  fî  naturel  8c 
„  ii  facile  à  remplir -,  qu'il  propofera  donc 
„  à  la  cour  ,  d'un  côté ,  de  fupprimer  de 
„  l'enceinte  de  la  ville  les  cimetières , 
„  afin  que  la  loi  ,  étant  générale  ,  de- 
,,  vienne  d'une  exécution  plus  facile,  8c 
,,  de  l'autre ,  de  placer  au  dehors  de  la 
,,  ville  fept  ou  huit  cimetières  communs 
,-  à  plufïeurs  paroifles  d'un  même  arron- 
„  diflèment ,  afin  de  diminuer  le  nombre 
,,  de  ces  établiflèmens ,  8c  de  trouver  plus 
„  facilement  des  terrains  qui  y  foient  con- 
„  venablès. 

3,  La  cour  ordonne,  i°.  qu'aucunes  in- 
„  humations  ne  feront  plus  faites  ,  à  l'ave- 
„  nir  ,  dans  les  cimetières  actuellement 
„  exiftans  dans  cette  ville ,  ious  aucun 
„  prétexte  que  ce  puiflè  être ,  8c  fous  telle 
„  peine  qu'il  appartiendra,  &ceàcomp- 
,,  ter  du  premier  janvier  prochain ,  fauf 
„  néanmoins  dans  ceux  qui  feront  excep- 
„  tés  par  l'article  1 9  ci-après  ;  i°.  que  les 
„  cimetières ,  actuellement  exiftans ,  de- 
,,  meureront  dans  l'état  où  ils  font,  fans 
„  que  l'on  puifle  en  faire  aucun  ufage 
3,  avant  le  temps  8c  efpace  de  cinq  an- 
„  nées  3  à  compter  dudit  jour  premier  jan- 
„  vier  prochain  ;  après  lequel  temps  il  fera 
,,  procédé  à  la  vifite  deidits  terrains  par  les 
„  officiers  de  police  ,  8c  par  les  médecins 
„  8c  chirurgiens  du  châtelet ,  pour  leur 
„  avis  communiqué  aux  curés  8c  marguil- 
,3  liers  de  chaque  paroifle  ;  8c  dans  le  cas 


E  N  T 

ï,  où  les  officiers  ôc  médecins  eftimeroient 


qu'on  pourroit  faire  ufage  defdits  ci- 
}i  metieres ,  fe  pourvoir  par  lefdits  curés 
3,  Ôc  marguilliers  vers  le  fupérieur  ecclé- 
9?  fiaftique ,  pour  obtenir  de  lui  la  per- 
„  million  d'exhumer  les  corps  Ôc  ofïe- 
„  mens  avant  de  remettre  lefdits  terrains 
„  dans  le  commerce.  30.  Qu'aucunes  fé- 
a,  pultures  ne  feront  faites  à  l'avenir  ou 
,,  accordées  dans  les  églifes  ,  foit  paroif- 
„  fiales  ,  foit  régulières ,  fi  ce  n'eu,  celles 
,,  des  curés  ou  fupérieurs  décédés  en  pla- 
3,  ce  ,  à  moins  qu'il  ne  foit  payé  à  la  fa- 
}j  brique  la  fomme  de  deux  mille  livres 
„  pour  chaque  ouverture  en  icelles  ;  ôc 
,,  que  quant  aux  fépultures  dans  les  cha- 
,,  pelles  ôc  caveaux ,  elles  ne  pourront 
33  avoir  lieu  que  pour  les  fondateurs  ou 
j,  leurs  repréfentans,  &c  pour  ceux  des  fa- 
„  milles  qui  en  font  propriétaires,  ou  font 
„  dans  une  poffefïion  longue  ôc  ancienne 
33  d'y  avoir  leurs  fépultures ,  &ce  à  la 
,,  charge  d'y  mettre  les  corps  dans  des 
33  cercueils  de  plomb  Se  non  autrement. 
3,  40.  Qu'il  fera  fait  choix  de  fept  à  huit 
3,  terrains  différens  propres  à  recevoir  ôc 
33  confommer  les  corps,  ôc  fîtués  hors  de 
,,  la  ville  au  fortir  des  fauxbourgs,  aux 
s,  endroits  les  plus  élevés  ôc  afïez  étendus 
„  pour  l'ufage  des  paroifîes  de  chaque 
,,  arrondifîement ,  ainli  qu'il  fera  'fixé  par 
„  l'article  1 1  ci-après  ;  ôc  à  cet  effet  or- 
,,  donne  que  le  roi  fera  très-humblement 
,,  fupplié  de  vouloir  bien  déroger  à  la  dé- 
33  claration  du  31  janvier  1 690 ,  regiftrée 
„  le  6  février  audit  an  ,  ôc  à  l'édit  du 
„  mois  d'août  1 749  ,  concernant  les  gens 
3,  de  main-morte ,  regiftré  le  2  feptem- 
33  bre  audit  an.  ye.  Que  chacun  defdits 
„  cimetières  fera  clos  de  murs  de  dix  pies 
„  d'élévation  dans  tout  le  pourtour  ;  ôc 
33  que  dans  chacun  d'iceux  il  y  aura  une 
3,  chapelle  de  dévotion  ,  ôc  un  logement 
,3  de  concierge  ,  fans  qu'on  y  puifïè  conf- 
j,  truire  autres  bâtimens ,  ni  même  met- 
„  tre  dans  l'intérieur  aucune  épitaphe,  fi 
3,  ce  n'eft  fur  lefdits  mûrs  de  clôture  ,  ôc 
,3  non  fur  aucunes  fépultures.  6°.  Que  les 
33  enterremens  fe  feront  comme  par  le 
„  paffé  ,  mais  qu'après  les  prières,  finies  dans 
„  l'églifè ,  les  corps  feront  portés  dans  le 
„  lieu  du  dépôt  y  ou  chapelle  mortuaire  3 


E  N  T  541 

tel  qu'il  fera ,  ci-après ,  indiqué ,  article 
1  o  ,  pour  un  certain  nombre  de  pa- 
roifîes de  chaque  arrondifîement ,  fans 
que  fous  aucun  prétexte  ,  l'on  puiffe  y 
accorder  de  fépulture  particulière ,  non 
plus  que  dans  le  cimetière  commun. 
7°.  Que  les  bières  ou  ferpillieres  feront 
marquées  d'une  lettre  alphabétique  indi- 
cative de  la  paroiffe ,  ôc  d'un  numéro  , 
qui  porté  également  à  la  marge  de  l'ex- 
trait mortuaire  de  chaque  défunt ,  indi- 
quera que  le  corps  y  eft  renfermé  ;  ôc 
les  corps  feront  accompagnes  lors  du 
tranfport  au  dépôt  ,  d'un  eccléfiaftique 
de  la  paroiffe  d'où  le  tranfport  fera  fait , 
ôc  y  demeureront  jufqu'au  lendemain 
matin.  8°.  Il  reftera  toujours  audit  lieu 
de  dépôt  ,  l'un  des  eccléfîaftiques  qui 
y  aura  accompagné  les  corps,  jufqu'au 
moment  où  »l'on  viendra  les  lever  pour 
les  tranfporter  au  cimetière  commun 
de  chaque  arrondifîement  ,  pour  prier 
Dieu  pour  les  défunts  ;  à  l'effet  de  quoi 
il  fera  bâti  dant  le  dépôt  de  chaque 
arrondiffement  une  ou  deux  chambres 
pour  ledit  eccléfiaftique  ;  ôc  fera  ledit 
eccléfiaftique  pris  alternativement  dans 
chaque  paroifle  de  l'arrondifïement  , 
ôc  nommé  par  le  curé  de  la  paroifle. 
9°.  Tous  les  jours  à  deux  heures  du 
matin  ,  depuis  le  premier  avril  jufqu'au 
premier  octobre ,  Ôc  à  quatre  heures  du 
matin  ,  depuis  le  premier  octobre  juf- 
qu'au premier  avril ,  on  ira  lever  les 
corps  qui  auront  été  portés  audit  dépôt , 
ôc  ils  feront  tranfportés  dans  un  ou  plu- 
fieurs  chars  couverts  de  draps  mortuai- 
res ,  attelés  de  deux  chevaux  ,  allant 
toujours  au  pas ,  au  cimetière  commun 
de  l'arrondifïement.  Le  conducteur  du- 
dit  chariot  fe  rendra  d'abord  au  pre- 
mier des  dépôts  de  l'arrondifïement  qui 
fera  fur  la  route  ,  ôc  ira  fucceiïivement 
à  chacun  des  dépôts  ,  ôc  ledit  chariot 
fera  toujours  accompagné  d'un  ecclé- 
fiaftique ou  deux  au  plus ,  qui  feront 
choifis  alternativement  dans  chaque  pa- 
roiffe de  l'arrondifïement ,  ôc  nommés 
par  les  curés  de  chaque  paroiffe  de  l'ar- 
rondifïement ;  le  chariot  fera  précédé 
d'autant  de  lanternes  qu'il  y  aura  de 
dépôts  dans  l'arrondiflèment  ;  ôc   les 


54i  E  N  T 

„  porteurs  d'icelles  chargeront  le  chariot , 
,,  Si  aideront  en  roure  en  cas  d'accident; 
,,  ils  feront  en  même  temps  les  fofToyeurs 
,,  du  cimetière  commun.  io°.  Quecha- 
„  que  entrepôt  où  feront  dépofés  les  corps 
,y  en  attendant  qu'ils  foient  portés  au  ci- 
„  metiere  commun  ,  fera  un  lieu  fermé  , 
„  à  la  hauteur  de  fix  pies  au  moins , 
,,  de  murailles  garnies  au  de  (Tu  s  de  bar- 
,,  reaux  de  fer  de  quatre  pies  de  haut 
„  dans  tout  le  pourtour  ;  &  terminé  par 
,,  une  voûte  ouverte  dans  (on  fommet. 
,,  n°.  &iz°.  Ces  deux  articles  contiennent 
„  des  détails  de  règlement  relatifs  aux  dif 
„  fer  entes  paroijfes.  i  $°.  Que  la  dépenfe 
„  à  faire  pour  l'acquifition  des  terrains 
„  8c  bâtimens  qui  devront  fervir  aux 
„  nouveaux  cimetières  ,  fera  fupportée 
,,  par  chaque  paroifle  du  même  arrondif- 
,,  fement ,  à  proportion  du  nombre  des 
„  fépultures  annuelles  qu'elles  peuvent 
,,  avoir ,  &  au  marc  la  livre  de  la  fomme 
„  totale  qui  aura  été  employée  aux  dé- 
„  penfes  fufdites  du  cimetière  de  leur 
„  arrondiffement.  140.  Que  les  paroiffèsde 
,,  chaque  arrondifTement  feront  tenues  de 
„  contribuer ,  dans  la  même  proportion  de 
,,  l'article  précèdent ,  à  la  dépenfe  8c  en- 
J3  tretien  ,  gages  8c  appointerons ,  (oit 
„  des  eccléfiaftiques  8c  luminaires ,  foit 
„  du  char,  des  chevaux,  du  concierge  & 
„  des  fofToyeurs  ,  foit  du  cimetière  com- 
„  mun  ,  foit  du  lieu  du  dépôt  particulier 
„  à  aucune  des  paroiflès  de  chaque  ar- 
3)  rondiifement ,  8c  généralement  à  toute 
33  dépenfe  commune,  de  quelque  nature 
,,  qu'elle  puifle  être.  150.  Que  pour  fup- 
„  porter  lefdites  charges ,  il  fera  payé  , 
„  par  les  héritiers  ou  les  repréfentans  les 
„  défunts,  à  la  fabrique  'de  chaque  pa- 
„  roiife  ,  un  fupplément  de  fix  livres  par 
„  chaque  enterrement  des  grands  orne- 
33  mens ,  8c  de  trois  livres  pour  chacun 
„  des  autres,  fiufceuxde charité 8c demi- 
3,  charité,  peur  raifon  defquelsil  ne  fera 
3,  rien  perçu  ,  non  plus  que  pour  ceux 
3J  qui,  en  payant  le  double  des  frais  or- 
33  dinaires  en  tout  genre  ,  voudraient  faire 
„  porter  directement  les  corps  de  leurs 
J}  parens  au  cimetière  commun  ,  (ans  que 
3}  pour  ce ,  l'on  y  puifle  ouvrir  aucune 
)3  fbffe  particulière ,  s'il  n  eft  préalable  - 


E  N  T 

„  ment  payé  la  fomme  de  trois  cents 
„  livres  qui  fera  employée  aux  dépenfes 
,,  communes  des  paroiffes  de  l'arrondif- 
„  fement  ;  &  qu'il  fera  réfervé  à  cet  effet 
„  un  terrain  de  huit  pies  au  pourtour 
„  intérieur  des  murailles  de  chaque  cime- 
„  tiere  ,  dans  lequel  efpace  ne  pourra 
„  être  ouverte  aucune  foffe  commune. 
„  1 6°.  Que  la  fofïe  commune  de  chacun 
„  des  huit  cimetières  fera  renouvellée  au 
„  plus  tard  trois  fois  dans  l'année ,  8c  l'an- 
„  cienne  comblée  ;  quand  même  elle  ne 
„  feroit  pas  remplie  ;  favoir  ,  une  fois 
,,  depuis  odobre  jufqu'en  avril  ,  8c  deux 
,,  fois  depuis  le  premier  avril  jufqu'au 
„  premier  odobre.  170.  Que  l'ouverture 
,,  de  la  fofïe  générale  fera  couverte  8c  fer- 
„  mée  par  un  affemblage  de  bois ,  fur 
„  lequel  fera  attachée  une  grille  de  fer 
„  fermant  avec  un  cadenas.  1 8°.  Défend 
„  au  concierge  8c  à  tous  autres  de  planter 
,,  aucuns  arbres  ou  arbrifîcaux  dans  lefdits 
„  cimetières.» V. l'art. Cimetière.  (A.A.) 

ENTERRER  LES  FUTAILLES, 
(Marine)  ,  c'eft- à-dire,  les  mettre  en  partie, 
ou  les  enfoncer  un  peu  dans  le  left  du  vaif- 
feau.  (Z) 

ENTETER ,  verb.  ad.  c'eft  ,  en  termes 
d'Epinglier ,  attacher  la  tête  à  l'anfe  ,  de 
manière  qu'elle  paroifïe  y  avoir  été  foudée. 
Cela  fe  fait  dans  le  métier  entre  le  poinçon 
8c  l'enclume.  Voye^  Métier  ,  Poinçon, 
Enclume  ,  Epingle. 

ENTHLASIS,  f.f.  (  Chirurgie.)  efpece 
de  fradure  du  crâne  faite  par  l'inftrument 
contondant ,  dans  laquelle  l'os  eft  brifé  en 
plufieurs  pièces  avec  dépreilîon  ,  8c  plu- 
rieurs  fentes  qui  fe  croifent.  Ce  mot  eft 
Grec  ,  ïv$KA7tt ,  collifio  ,  infraclio ,  fradure 
à  plufieurs  pièces  ,  du  verbe  kvdhâa  ,  in- 
fringo  ,  je  brife.  Voye-^  Trépaner.  (  Y) 

ENTHOUSIASME ,  f.  mafe.  ( Philof.  ù 
Belles-Lettres.)  Nous  n'avons  point  de  dé- 
finition de  ce  mot  parfaitement  fatisfaifante: 
je  crois  cependant  utileau  progrès  des  beaux- 
arts  qu'on  en  cherche  la  véritable  lignifica- 
tion ,  8c  qu'on  la  fixe  ,  s'il  eft  poflible. 
Communément  on  entend  par  enthoujiafme, 
une  efpece  de  fureur  qui  s'empare  de  l'efprit 
8c  qui  le  maîtrife  ,  qui  enflamme  l'imagi- 
nation ,  l'élevé  ,  8c  la  rend  féconde.  C'eft 
un  tranfport ,  dit  -  on  ,  qui  fait  dire  ou 


E  NT 

faire  des  ehofes  extraordinaires  &  furpre- 
nantes  :  mais  quelle  eft  cette  fureur  &c  d'où 
paît-elle  ?  quel  eft  ce  tranfport ,  &  quelle 
eft  la  caufe  qui  le  produit  ?  C'eft  là ,  ce 
me  femble  ,  ce  qu'il  auroit  été  néceilaire 
de  nous  apprendre  ,  8c  dont  on  a  cepen- 
dant paru  s'occuper  le  moins. 

Je  crois  d'abord  que  ce  mouvement  qui 
élevé  l'efprit  8c  qui  échauffe  l'imagination  , 
n'eft  rien  moins  qu'une  fureur.  Cette  dé- 
nomination impropre  a  été  trouvée  defang- 
froid ,  pour  exprimer  une  caufe  dont  les 
effets  (  quand  on  eft  dans  cet  état  paifible  ) 
ne  fàuroient  manquer  de  paroïtre  fort 
extraordinaires.  On  a  cru  qu'un  homme 
devoit  être  tout- à- fait  hors  de  lui-même  , 
pour  pouvoir  produire  des  chofès  qui  met- 
toient  réellement  hors  d'eux-mêmes  ceux 
qui  les  voyoient  ou  qui  les  entendoient  : 
ajoutez  à  cette  première  idée  Yenthoujiafme 
feint  où  vrai  des  prêtres  du  paganifme ,  que 
la  charlatanerie  les  engageoit  à  charger  de 
grimaces  8c  de  contorfion  ,  8c  vous  trou- 
verez l'origine  de  cette  faufîè  dénomination. 
Le  peuple  avoit  appelle  ce  dernier  enthou- 
fiafme  ,  fureur  prophétique  ;  8c  les  pédans 
de  l'antiquité  (autre partie  du  peuple  peut- 
être  encore  plus  bornée  que  la  première  ) 
donnèrent  à  leur  tour  à  la  verve  des  poètes, 
dont  il  n'eft  pas  donné  aux  efprits  froids 
de  pénétrer  la  caufe  ,  le  nom  fuperbe  de 
fureur  poétique. 

Les  poètes  flattés  qu'on  les  crût  des  êtres 
infpirés  ,  n'eurent  garde  de  détromper  la 
multitude  ;  ils  afiurerent  dans  leurs  vers  , 
au  contraire  ,  qu'ils  l'étoient  en  effet  ,  Se 
peut-être  le  crurent-ils  de  bonne  foi  eux- 
mêmes. 

Voilà  donc  la  fureur  poétique  établie  dans 
le  monde  comme  un  rayon  de  lumière 
tranfeendante  ,  comme  une  émanation  fu- 
blime  d'en  haut ,  enfin  comme  une  infpi- 
ration  divine.  Toutes  ces  exprelïions  en 
Grèce  8c  à  Rome  étoient  fynonymes  aux 
mots  dont  nous  avons  formé  en  François 
celui  à'enthoufafme. 

Mais  la  fureur  n'eft  qu'un  accès  violent 
de  folie ,  &  la  folie  eft  une  abfence  ou  un 
égarement  de  la  raifon  ;  ainfi  lorfqu'on  a 
défini  l'enthoufiafme ,  une  fureur  ,  un  tranf- 
port ,  c'eft  comme  fi  l'on  avoit  dit  qu'il 
eft  un  redoublement  de  folie  3  par  conféquent 


E  N  T  î4} 

incompatible  pour  jamais  avec  la  raifon. 
C'eft  la  raifon  feule  cependant  qui  le  fait 
naître  ;  il  eft  un  feu  pur  qu'elle  allume  dans 
les  momens  de  fa  plus  grande  fupériorité. 
Il  fut  toujours  de  toutes  fes  opérations  la 
plus  prompte  ,  la  plus  animée.  Il  fuppofe 
une  multitude  infinie  de  combinaifons  pré- 
cédentes ,  qui  n'ont  pu  fe  faire  qu'avec 
elle  &  p?r  elle.  Il  eft  ,  fi  on  ofe  le  dire  , 
le  chef-d'œuvre  de  la  raifon.  Comment 
peut  -  on  le  définir  comme  on  définiroit  un 
accès  de  folie  ? 

Je  fuppofe  que  ,  fans  vous  y  être  attendu, 
vous  voyiez  dans  fbn  plus  beau  jour  un 
excellent  tableau.  Une  furprife  fubitevous 
arrête ,  vous  éprouvez  une  émotion  géné- 
rale ,  vos  regards  comme  abfbrbés  reftent 
dans  une  forte  d'immobilité  ,  votre  ame 
entière  fe  raflemble  fur  une  foule  d'objets 
qui  l'occupent  à  la  fois  ;  mais  bientôt 
rendue  à  fbn  activité  ,  elle  parcourt  les 
différentes  parties  du  tout  qui  l'avoit  frap- 
pée ,  fa  chaleur  fe  communique  à  vos  fens, 
vos  yeux  lui  obéiffent  8c  la  préviennent  : 
un  (ea  vif  les  anime  ;  vous  appercevez  , 
vous  détaillez,  vous  comparez  les  attitudes, 
les  contraries ,  les  coups  de  lumière  ,  les 
traits  des  perfonnages  ,  leurs  pallions ,  le 
choix  de  l'action  repréfentée,  l'adre fie ,  la 
force ,  la  hardiefle  du  pinceau  ;  8c  remar- 
quez que  votre  attention  ,  votre  furprife  , 
votre  émotion  ,  votre  chaleur  feront  dans 
cette  circonftanceplus  ou  moins  vives,  félon 
le  différent  degré  de  connoiflances  anté- 
rieures que  vous  aurez  acquis  ,  &  le  plus 
ou  le  moins  de  goût ,  de  délicatefïe ,  d'ef- 
prit ,  de  fenlîbilité,  de  jugement ,  que  vous 
aurez  reçu  de  la  nature. 

Or  ,  ce  que  vous  éprouvez  dans  ce  mo- 
ment eft  une  image  (imparfaire  à  la  vérité, 
mais  fufïifante  pour éclaircir mon  idée,) 
de  ce  qui  fe  patîè  dans  l'ame  de  l'homme 
de  génie  ,  lorfque  la  raifon  ,  par  une  opé- 
ration rapide  ,  lui  préfente  un  tableau  frap- 
pant 8c  nouveau  qui  l'arrête,  l'émeut,  le 
ravit ,  8c  l'abforbe. 

Obfervez  que  je  parle  ici  de  l'ame  d'un 
homme  de  génie  ;  parce  que  j'entends  par 
le  mot  génie ,  l'aptitude  naturelle  à  rece- 
voir ,  à  fentir  ,  à  rendre  les  imprefïions 
du  tableau  fuppofe.  Je  le  regarde  comme 
le  pinceau  du  pintre ,  qui  trace.les  figures 


544  E  N  T 

fur  la  toile  ,  qui  les  crée  en  effet,  mais  qui 
eft  toujours  guidé  par  des  infpirations  pré- 
cédentes. Dans  les  livres ,  comme  dans  la 
converfation ,  on  commence  à  partir  du 
pinceau ,  comme  s'il  étoit  le  premier  mo- 
teur. Le  ftyle  figuré  chez  des  peuples  inf- 
truits ,  tels  que  le  nôtre ,  devient  infènfi- 
blement  le  ftyle  ordinaire  ;  3c  c'eft  par  cette 
raifon  que  le  mot  génie  ,  qui  ne  déiigne  que 
l'inftrument  indifpenfable  pour  produire , 
a  été  fucceffivement  employé  pour  exprimer 
la  caufe  qui  produit. 

Obfervez  encore  que  je  n'ai  point  em- 
ployé le  mot  imagination ,  qu'on  croit 
communément  la  ïource  unique  de  Ven- 
thoufiafme  ;  parce  que  je  ne  la  yois  dans 
mon  hypothefe  que  comme  une  des  caufes 
fécondes  ,  Ôc  telle  (  pour  m'aider  encore 
d'une  comparaifon  prife  de  la  peinture  )  , 
telle ,  dis- je  ,  qu  eft  la  toile  fous  la  main 
du  peintre.  L'imagination  reçoit  le  deflïn 
rapide  du  tableau  qui  eft  préfenté  à  l'ame  , 
ôc  c'eft  fur  cette  première  efquiflè  que  le 
génie  diftribue  les  couleurs. 

Je  parle  enfin  ,  dans  la  définition  que  je 
propofe ,  d'un  tableau  nouveau  ;  car  il  ne 
s'agit  point  ici  d'une  opération  froide  ôc 
commune  de  la  mémoire.  Il  n'eft  point 
d'homme  à  qui  elle  ne  rappelle  lbuvent 
les  différens  objets  qu'il  a  déjà  vus:  mais 
cène  font  là  que  de  foibles  efquiflès  qui 
paftènt  devant  fon  entendement ,  comme 
des  ombres  légères  ,  fans  furprendre ,  affec- 
ter ,  ou  émouvoir  fon  ame ,  ne  fuppo- 
fent  que  quelques  fènfations  déjà  éprou- 
vées ,  &  point  de  combinaifbns  précédentes. 
Ce  n'eft  là  peut  -  être  qu'un  des  apanages 
de  l'inftind  ;  j'entends  développer  ici  un 
des  plus  beaux  privilèges  de  la  raiibn. 

Il  s'agit  donc  d'un  tableau  qui  n'a  point 
encore  été  vu ,  d'un  tableau  que  la  raifon 
vient  de  créer ,  d'une  image  toute  de  feu 
qu'elle  préfente  tout-à-coup  à  une  ame  vive, 
exercée ,  ôc  délicate  ;  l'émotion  qui  la  îaifit 
eft  en  proportion  de  fa  vivacité ,  de  Ces  con- 
noiflances ,  de  fa  délicateflè. 

Or  ,  il  eft  dans  la  nature  que  l'ame  n'é- 
prouve point  de  fentiment ,  fans  former 
le  defir  prompt  ôc  vif  de  l'exprimer  ;  tous 
fes  mouvemens  ne  font  qu'une  fucceflion 
continue  de  fentimens  ôc  d'exprefïions  ; 
elle  eft  comme  le  cœur,  dont  le  jeu  ma- 


E  N  T 

chinai  eft  de  s'ouvrir  fans  celte  pour  rece- 
voir ôc  pour  rendre  :  il  faut  donc  qu'à 
l'afped  fubit  de  ce  tableau  frappant  qui 
occupe  l'ame  ,  elle  cherche  à  répandre  au 
dehors  l'imprefllon  vive  qu'il  fait  fur  elle. 
L'impulfion  qui  l'a  ébranlée ,  qui  la  rem- 
plit ,  Ôc  qui  l'entraîne  ,  eft  telle  que  tout 
lui  cède  ,  ôc  qu'elle  eft  le  fentiment  prédo- 
minant.  Ainfi ,  fans  que  rien  puiflè  le  dif- 
traire   ou  l'arrêter  ,    le   peintre  faifît  fon 
pinceau  ,  ôc  la  toile  fe  colore  ,  les  figures 
s'arrangent ,  les  morts  revivent  ;  le  cifeau 
eft  déjà  dans  la  main  du  fculpteur ,  ôc  le 
marbre  s'anime  ;  les  vers  coulent  de  la  plume 
du  poète  ,  ôc  le  théâtre  s'embellir  de  mille 
acfjons  nouvelles  qui   nous  intérefïènt  ôc 
nous  étonnent  ;  le  muficien  monte  la  lyre, 
ôc  l'orcheftre  remplit  les  airs  d'une  harmo- 
nie fublime  ;  un  ipe&acle   inconnu  ,  que 
le  génie  de  Quinault  a  créé ,  Ôc  qu'elle  em- 
bellit ,  ouvre  une  carrière  brillante  aux  arts 
divers   qu'il  raflèmble  ;    des  mafures   dé- 
goûtantes difparoiftent ,  Ôc  la  fuperbe  façade 
du  Louvre  s'élève  ;  des  jardins  réguliers  ôc 
magnifiques  prennent  la  place  d'un  terrain 
aride  ,   ou  d'un  marais  empoifonné  ;  une 
éloquence  noble  Ôc  mâle ,  des  accens  dignes 
de  l'homme  font  retentir  le  barreau ,  nos 
tribunes ,  nos  chaires  ;  la  face  de  la  France 
change  ainfi  rapidement  comme  une  belle 
décoration  de  théâtre  ;  les  noms  des  Cor- 
neille ,  des  Molière  ,  des  Quinault ,  des 
Lully  ,    des    Lebrun  ,  des   Bolfuet ,  des 
Perrault ,  des  le  Nôtre  ,  volent  de  bouche 
en  bouche  ,  ôc  l'Europe  entière  les  répète 
Ôc  les  admire  :  ils  font  déformais  des  mo- 
numens  immuables  de  la  gloire  de  notre 
nation  ôc  de  l'humanité. 

h'enthoujiafme  eft  donc  ce  mouvement 
impétueux  ,  dont  l'ellbr  donne  la  vie  à 
tous  les  chefs  -  d'œuvre  des  arts ,  ôc  ce 
mouvement  eft  toujours  produit  par  une 
opération  de  la  raifon  aufïi  prompte  que 
fublime.  En  effet  ,  que  de  connoiffances 
précédentes  ne  fuppofe-t-il  pas  !  que  de 
combinaifons  i'inftruc~t.ion  ne  doit-elle  pas 
avoir  occafionées  !  que  d'études  antérieu- 
res n'eft-il  pas  nécellàire  d'avoir  faites  ! 
de  combien  de  manières  ne  faut-il  pas  que 
la  raifon  fe  foit  exercée  ,  pour  pouvoir 
créer  tout-à-coup  un  grand  tableau  auquel 
rien  ne  manque,  ôc  qui  paroît  toujours 

à 


E  N  T 

à  l'homme  de  génie  ,  à  qui  il  fêrt  cîe  mo- 
dèle ,  bien  fùpérieur  à  celui  que  fbn  enthou- 
fiafme  lui  fait  produire  !  D'après  ces  ré- 
flexions puifées  dans  une  métaphyftque 
peu  abftraite  ,  &  que  je  crois  fort  certaine  , 
j'oferois  définir  l'enthouiîafme  une  émotion 
vive  de  famé  à  tafpecl  d'un  tableau  neuf 
&  bien  ordonné  qui  la  frappe  ,  &  que  la 
raifon  lui  préfente. 

Cette  émotion ,  moins  vive  à  la  vérité  , 
mais  du  même  caractère  ,  fe  fait  fentir  à 
tous  ceux  qui  font  à  portée  de  jouir  des 
diverfès  productions  des  beaux  -  arts.  On 
ne  voit  point  fans  enthoufiafme  une  tragédie 
intéreifante  ,  un  bel  opéra ,  un  excellent 
morceau  de  peinture  ,  un  magnifique  édi- 
fice ,  &c.  ainfi  la  définition  que  je  pro- 
pofe  paroît  convenir  également ,  &  à  ïen- 
thoujiafme  qui  produit  ,  &  à  ïenthoufiafme 
qui  admire. 

Je  crains  peu  d'objections  de  la  part  de 
ceux  que  l'expérience  peut  avoir  éclairés , 
fur  le  point  que  je  traite  \  mais  ce  tableau 
fpirituel  ,  cette  opération  rapide  de  la 
raifon  ,  cet  accord  mutuel  entre  l'àme  & 
les  fens  ,  duquel  naît  l'exprefîion  prompte 
des  impreffions  qu'elle  a  reçues  ,  paraîtront 
chimériques  peut-être  à  ces  efprits  froids  , 
qui  fe  fou  viennent  toujours  ,  &  qui  ne 
créeront  jamais. 

Pourquoi ,  diront-ils ,  dénaturer  les  cho- 
fes  ?  à  quoi  bon  des  fyftêmes  nouveaux  ? 
On  a  cru  jufqu'ici  ïenthoufiafme  une  ef- 
pece  de  fureur ,  l'idée  reçue  vaut  bien 
la  nouvelle  ,  &  quand  l'ancienne  feroit  une 
erreur,  quel  défavantage  en  réfulteroit-il 
pour  les  arts  ?  Les  grands  poètes ,  les  bons 
peintres  ,  les  muficiens  excellens  qu'on  a 
crus  &  qui  fe  font  crus  eux  -  mêmes  des 
gens  iufpirés,  ont  étéauffi  loin  fans  tant  de 
métaphysique  :  on  refroidit  l'efprit  ,  on 
sffoiblit  le  génie  par  ces  recherches  incer- 
taines ou  au  moins  inutiles  des  caufes  j 
contentons  -  nous  des  effets.  Nous  favons 
que  les  gens  de  génie  créent  \  que  nous 
importe  de  lavoir  comment  ?  Quand  on 
aura  découvert  que  la  raifon  eft  le  premier 
moteur  àes  opérations  de  leur  ame  ,  &  non 
l'imagination  ,  qu'on  en  a  crue  chargée 
jufqu'à  préfent ,  penfè-t-on  qu'on  donnera 
du  génie  ou  du  talent  à  ceux  à  qui  la  nature 
aura  refufé  un  don  fi  rare  ? 
Terne  XII. 


.   ENT     .*  ■      M 

A  ces  objections  générales  je  répondrai , 
i°.  qu'il  n'eft  point  d'erreur  dans  les  arts  , 
de  quelque  nature  qu'elle  foit  ,  qu'il  ne 
paroiife  évidemment  utile  de  détruire. 

2°.  Que  celle  dont  il  s'agit  eft  infiniment 
préjudiciable  aux  artiftes  6c  aux  arts. 

3°.  Que  c'eft  applanir  des  routes  qui  font 
encore  allez  difficiles  ,  que  de  chercher  , 
de  trouver ,  d'établir  les  premiers  principes. 
Les  règles  n'ont  été  faites  que  fur  le  mé- 
chanifme  des  arts  j  &.  eu  paroifTant  les 
gêner  ,  elles  les  ont  guidés  juftru'au  point 
heureux  où  nous  les  voyons  aujourd'hui. 
Que  s'il  eft  poffible  de  porter  des  lumiè- 
res nouvelles  fur  leur  partie  purement  Spiri- 
tuelle ,  fur  le  principe  moteur  duquel  dé- 
rivent toutes  leurs  opérations,  elles  devien- 
dront dès-lors  auffi  fûres  que  faciles.  Il  en 
eft  des  arts  comme  de  la  navigation  j  on  ne 
courait  les  mers  qu'en  tâtonnant  avant  la 
découverte  de  la  bouffole. 

4°.  Ne  craignons  point  d'affoiblir  l'efprit, 
ou  de  refroidir  le  génie  en  les  éclairant.  Si 
tout  ce  que  nous  admirons  dans  les  pro- 
ductions des  arts  eft  l'ouvrage  de  la  raifon  , 
cette  découverte  élèvera  lame  de  l'artifte  , 
en  lui  donnant  une  opinion  plus  glorieufe 
encore  de  l'excellence  de  fon  être  }  &  de 
cette  élévation  attendez  de  nouveaux  mi- 
racles ,  fans  en  craindre  un  plus  grand  or- 
gueil. La  vanité  n'eft  le  grand  reifort  que 
des  petites  âmes  }  le  génie  en  fuppofe  tou- 
jours une  fupérieure. 

5°.  Les  mots  d'imagination  ,  de  génie  , 
d'efprit ,  de  talent ,  ne  font  que  des  termes 
trouvés  pour  exprimer  les  différentes  opé- 
rations de  la  raifon  :  il  en  eft  d'eux  à -peu- 
près  comme  des  divinités  inférieures  du 
paganifme  :  elles  n'étoient  aux  yeux  des 
fages,  que  des  noms  commodes  pour  expri- 
mer les  divers  attributs  d'un  Dieu  unique  j 
l'ignorance  feule  de  la  multitude  leur  fit  par- 
tager les  honneurs  de  la  divinité. 

69.  Si  ïenthoufiafme  ,  à  qui  feul  nous 
fbmmes  redevables  des  belles  productions 
des  arts ,  n'eft  dû  qu'à  la  raifon  comme 
caufe  première  }  li  c'eft  à  ce  rayon  de  lu- 
mière plus  ou  moins  brillant ,  à  cette  éma- 
nation plus  ou  moins  grande  d'un  Etre 
fùprême ,  qu'il  faut  rapporter  conftamment 
les  prodiges  qui  forteut  des  mains  de  l'hu- 
manité j  dès-lors  tous  les  préjugés  nuifibles 

Z  z  z 


54*  E  N  T 

à  la  gloire  des  beaux-arts  font  pour  jamais 
détruits  ,  &  les  nrtiftes  triomphent.  Ou 
pourra  déformais  être  poète  excellent  , 
fans  ceffer  de  palier  pour  un  homme 
fage  '■)  un  muficien  fera  fublime,  fans  qu'il 
foit  indifpenfablement  réputé  pour  fou. 
On  ne  regardera  plus  les  nommes  les  plus 
rares  comme  des  individus  prefqu'inutiles  , 
peut-être  même  s'imaginera-t-on  un  jour 
qu'ils  peuvent  penfer  ,  vivre  ,  agir  comme 
îe  refte  des  hommes.  Ils  auront  alors  plus 
d'encouragement  à  efpérer  ,  &  moins  de 
dégoûts  à  foutenir.  Ces  têtes  légères ,  or- 
gueilleufes  &  bruyantes  ,  ces  automates 
lourds  &:  dédaigneux  qui  décident  en  maî- 
tres dans  la  fociété ,  feront  peut-être  à  la 
fin  perfuadés  qu'un  artifte  ,  qu'un  homme 
de  lettres  tiennent  dans  l'ordre  des  chofes 
un  rang  fupérieur  à  celui  d'un  intendant 
qui  les  a  fubjugués  &  qui  les  mine  ,  d'un 
vil  complaifant  qui  les  amrne  &  qui  les 
joue  ,  d'un  caifiier  qui  leur  refufè  leur  ar- 
gent pour  le  faire  valoir  à  fon  profit ,  même 
d'un  fècretaire  qui  fait  mal  leur  befogne , 
&  très-adroitement  fa  fortune. 

Au  refte  ,  foit  que  la  vérité  triomphe 
enfin  de  l'erreur  ,  foit  que  le  préjugé 
plus  puiffant  demeure  le  tyran  perpétuel 
des  opinions  contemporaines  ,  que  nos 
illuftres  modernes  fe  confolent  &  fe  raffu- 
rent  ;  les  ouvrages  du  dernier  fiecle  font 
regardés  maintenant  fans  contradiction  , 
comme  des  chefs  -  d'œuvre  de  la  raifon 
humaine,  &  il  n'eft  pas  à  craindre  qu'on 
ofè  prétendre  qu'ils  ont  été  faits  fans  en- 
thoujiafme :  tel  fera  le  fort  ,  dans  le  fiecle 
prochain  ,  de  tors  ces  divers  monumens 
glorieux  aux  arts  &  à  la  patrie  ,  qui  s'élè- 
vent feus  uos  yeux.  La  multitude  en  eft 
frappée  ,  il  eft  vrai  ,  fans  les  apprécier  ; 
Jes  demi-connoiffeurs  les  difeutent  fans  les 
fèntir  :  on  s'en  occupe  moins  long-temps 
aujourd'hui  que  d'une  parodie  fans  efprit  , 
dent  on  n'a  pas  honte  de  rire  :  qu'importe  , 
en  feront-ils  moins  un  jour  l'école  &:  l'ad- 
miration de  tous  les  efprits  &  de  tous  les 
âges  ? 

Mais  la  définition  que  je  propofe  con- 
vieiît-elle  à  toute  forte  à'enthoufiafme  &  à 
toutes  les  efpeces  de  talens  ?  Quel  eft  le 
tableau  ,  dira-t-on  peut-être  ,  que  la  raifon 
peut  offrir  à  pejudre  à  l'art  du  mufiçieii  l 


EN  T 

Il  ne  s'agit  là  que  d'un  arrangement  géo- 
métrique de  tons  ,  &c.  L'éloquence  d'ail- 
leurs eft  fublime  fans  entkoujlafme  ,  &  il 
faut  fupprimer  de  cet  article  tout  ce  qui 
a  été  dit  des  orateurs  du  fiecle  dernier. 

Je  répons ,  i°.  qu'il  n'exifte  point  de 
mufique  digne  de  ce  nom  ,  qui  n'ait  peint 
une  ou  plufieurs  images  :  fon  but  eft 
d'émouvoir  par  l'expreilion  ,  &  il  n'y  a 
point  d'expreiîion  fans  peinture.  Voye\  la 
queftion  plus  au  long  aux  art.  EXPRESSION  , 
Musique  ,  OpÉRA. 

2°.  Mettre  en  doute  Yenthoufafme  de 
l'orateur  ,  c'eft  vouloir  faire  douter  de 
l'exiftence  de  l'éloquence  même  ,  dont 
l'objet  unique  eft  de  l'infpirer.  Ce  difeours 
qui  vous  émeut ,  qui  vous  intéreffe  ou  qui 
vous  révolte  }  ces  détails ,  ces  images  fuc- 
cefîives  qui  vous  attachent  ,  qui  ouvrent 
votre  cœur  d'une  manière  infenfible  à  celui 
des  fentimens  que  l'on  veut  vous  infpirer , 
tout  cela  ifeft  &  ne  peut  être  que  l'effet 
de  l'émotion  vive  qui  a  précédé  dans  l'a  me 
de  l'orateur  celle  qui  fe  glifle  dans  la  vôtre. 
On  fait  une  déclamation  ,  une  harangue  , 
peut  -  être  même  un  difeours  académique 
fans  enthoufiafme  ;  mais  ce  n'eft  que  de  lui 
qu'on  peut  attendre  un  bon  fermon  ,  un 
plaidoyer  tranfeendant  ,  une  oraifon  funè- 
bre qui  arrache  des  larmes.  Voye[  Elo- 

CUTION. 

Je  finis  cet  article  par  quelques  obfèr- 
vations  utiles  aux  vrais  talens  ,  &  que  je 
fiipplie  tous  ceux  qui  s'érigent  en  juges 
fouverains  des  arts  de  me  permettre. 

Sans  enthoujiafme  point  de  création  ,  Se 
fans  création  les  artiftes  &  les  arts  rampent 
dans  la  foule  des  choies  communes.  Ce 
ne  font  plus  que  de  froides  copies  retour- 
nées de  mille  petites  façons  différentes  : 
les  hommes  difparoiflënt  ,  on  ne  trouve 
plus  à  leur  place  que  des  Anges  &  des 
perroquets. 

J'ai  dit  plus  haut  qu'il  y  a  deux  fortes 
d'enthoujiajmes  ;  l'un  qui  produit ,  l'autre 
qui  admire  ;  celui-ci  eft  toujours  la  fuite 
&:  le  falaire  du  premier  ,  &  la  preuve  cer- 
taine qu'il  a  été  un  enthoufiafme  véritable. 

Il  y  a  donc  de  faux  enthoufajmes.  Un 
homme  peut  fe  croire  des  talens  ,  du  gé- 
nie ,  &  n'avoir  que  des  réminifeences  ,, 
une  facilité  maUieureufe  %  &  un  peuçMufc 


ENT 

ridicule  9    qui    en  eft  prefque  toujours  la 
fuite  ,   pour  tel  genre  ou  tel  art. 

Il  n'eft  point  à'enthoufiafme  fans  génie  , 
c'eft  le  nom  qu'on  a  donné  à  la  raifon  au 
moment  qu'elle  le  produit  }  ni  fans  talens  , 
autre  nom  qu'on  a  donné  à  l'aptitude  natu- 
relle de  l'ame  à  recevoir  Xenthoufiafme  &  à 
le  rendre.  Voye^  Génie  ,  Talens. 

Venthoufiafme  plonge  les  hommes  privi- 
légiés qui  en  font  fufceptibles  ,  dans  un 
oubli  prefque  continuel  de  tout  ce  qui  eft 
étranger  aux  arts  qu'ils  profeffent.  Toute 
leur  conduite  eft  en  général  fi  peu  reffem- 
blaute  avec  ce  que  nous  regardons  comme 
les  manières  d'être  ,  adoptées  dans  la  fb- 
ciété ,  qu'on  fe  trouve  porté ,  prefque  fans 
le  vouloir  ,  à  les  regarder  comme  des  ef- 
peces  iingulieres  \  ce  n'eft  rien  moins  qu'à 
Ja  raifon  qu'on  attribue  ce  qu'on  appelle 
leurs  bizarreries  ou  leurs  écarts  \  de  là  tous 
les  préjugés  établis  ,  &  que  l'inftruétion  a 
bien  de  la  peine  à  détruire.  Mais  a-t-on 
vu  encore  quelque  efpece  d'hommes  par- 
faite ?  en  trouve-t-on  beaucoup  qui  portent 
une  raifon  fupérieure  dans  plufieurs  genres  ? 
qu'il  nous  fuffile  de  dire  qu'on  rencontre 
communément  dans  les  vrais  talens  une 
bonne  foi  comme  naturelle ,  une  franchise 
de  caradtere  ,  &  fur-tout  l'antipathie  la 
plus  décidée  pour  tout  ce  qui  a  l'air  d'in- 
trigue ?  d'artifice  ,  de  cabale.  Penfè-t-on 
que  ce  foit  là  un  des  moindres  ouvrages 
de  la  raifon  ?  Aufti  lorfque  vous  verrez  un 
homme  de  lettres  ,  un  peintre  ,  un  mufi- 
cien  fouple  7  rampant ,  fertile  en  détours  , 
adroit  courtifan  ,  ne  cherchez  point  chez 
lui  ce  que  nous  appelions  le  vrai  talent. 
Peut-être  aura-t-il  des  fuccès  :  il  en  eft  de 
paffagers  que  la  cabale  procure.  Ne  foyez 
point  iùrpris  de  le  voir  envahir  toutes  les 
places  de  fon  état  ,  &  celles  même  qui 
paroifTent  lui  être  le  plus  étrangères  ^  il  a 
la  forte  de  mérite  qui  les  donne  :  mais  un 
nom  illuftre  ,  une  gloire  pure  &  durable  , 
cette  confédération  flatteufe  ?  apanage  ho- 
norable des  talens  diftingués ,  ne  feront 
jamais  fon  partage.  La  charlatanerie  trompe 
les  fots ,  entraîne  la  multitude  ,  éblouit 
les  grands  :,  mais  elle  ne  donne  que  des 
îouillànces  de  peu  de  durée.  Pour  produire 
des  ouvrages  qui  relient ,  pour  acquérir 
une  gloire  que  la  poftérité    confirme ,  il 


ENT  547 

faut  des  ouvrages  6c  des  fuccès  qui  réfîf- 
teiit  aux  efforts  du  temps  ,  &  à  l'examen 
des  fages  ;  il  faut  avoir  fenti  un  enthow- 
fiafme  vrai  ,  &  l'avoir  fait  paffer  dans  tous 
les  efprits }  il  faut  que  le  temps  l'entre- 
tienne ,  &  que  la  réflexion ,  loin  de  l'étein- 
dre ,  le  juftifie. 

Il  eft  de  la  nature  de  Xenthoufiafme  de  fè 
communiquer  &  de  fe  reproduire  }  c'eft 
une  flamme  vive  qui  gagne  de  proche  eu 
proche  ,  qui  fê  nourrit  de  fon  propre  feu  , 
&  qui ,  loin  de  s'afïoiblir  en  s'étendant  , 
prend  de  nouvelles  forces  à  mefure  qu'elle 
fè  répand  &  fe  communique. 

Je  fuppofe  le  public  affemblé  pour  voir 
la  repréfentation  d'un  excellent  ouvrage  ; 
ia  toile  fe  levé  ,  les  adfceurs  paroifTent  , 
l'action  marche ,  un  tranfport  général  in- 
terrompt tout- à-coup  le  fpeclacle }  c'efl 
Xenthoufiafme  qui  fè  fait  fentir,  il  aug- 
mente par  degrés  ,  il  pafTe  de  l'ame  des 
acteurs  dans  celle  des  fpecfateurs  j  &  re- 
marquez qu'à  mefure  que  ceux-ci  s'échaufi- 
fent  ,  le  jeu  des  premiers  devient  plus  ani- 
mé j  leur  feu  mutuel  eft  comme  une  balle 
de  paume  que  l'adreflè  vive  &  rapide  des 
joueurs  fè  renvoie  \  c'eft  là  où  nous  devons 
toujours  être  fûrs  d'avoir  du  plaifir  en  pro- 
portion de  la  fènfibilité  que  nous  mon- 
trons pour  celui  qu'on  nous  donne. 

Dans  ces  fpeclacles  magnifiques  ,  au 
contraire ,  que  le  zèle  le  plus  ardent  pré- 
pare ,  mais  où  le  refpedt,  lie  les  mains , 
vous  éprouvez  une  efpece  de  langueur  à- 
peu-près  vers  le  milieu  de  la  repréfenta- 
tion \  elle  augmente  par  degrés  jufqu'à  la 
fin ,  &  il  eft  rare  que  l'ouvrage  le  plus  fait 
pour  émouvoir  ne  vous  laiife  pas  dans  un 
état  tranquille.  La  caufe  de  cette  forte  de 
phénomène  eft  dans  l'ame  de  l'adleur  & 
du  fpedtateur.  On  ne  verra  jamais  de  re- 
préfentation parfaite  ,  fans  cette  chaleur 
mutuelle  qui  entretient  la  vivacité  de  celui 
qui  repré fente ,  &  le  charme  de  ceux  qui 
l'écoutent  }  c'eft  un  méchanifme  confiant 
établi  par  la  nature.  Uenthoufiafme  de  ce 
genre  le  plus  vif  s'éteint ,  s'il  ne  fe  commu- 
nique. 

Il  y  a  en  nous  une  analogie  fecrete  entre 

ce  que    nous   pouvons  produire  &  ce  que 

nous  avons  appris.  La  raifon  d'un  homme 

de  génie  clécompofe    les  différentes  idées 

Zzz  z 


54»  E  N  T 

qu'elle  a  reçues  ,  Se  les  rend  propres ,  5c 
en  forme  un  tout ,  qui ,  s'il  eft  permis  de 
s'exprimer  ainfï  ,  prend  toujours  une  phy- 
lîonomie  qui  lui  eft  propre  :  plus  il  acquiert 
de  connohTances ,  plus  il  a  raffemblé  d'i- 
dées j  &  plus  fes  momens  à'entàou/iafme 
font  fréquens  ,  plus  les  tableaux  que  la  rai- 
fon  préfente  à  foa  ame  font  hardis ,  no- 
bles ,  extraordinaires ,  &c. 

Ce  n'eft  donc  que  par  une  étude  aflldue 
&  profonde  de  la  nature ,  des  parlions , 
des  chefs-d'œuvre  des  arts  ,  qu'on  peut  dé- 
velopper ,  nourrir  ,  réchauffer  ,  étendre  le 
génie.  On  pourroit  le  comparer  à  ces 
grands  fleuves  ,  qui  ne  paroilfent  à  leur 
fburce  que  de  foibles  ruiiîèaux  :  ils  cou- 
lent ,  Serpentent ,  s'étendent  :,  &.  les  torrens 
des  montagnes  ,  les  rivières  des  plaines  fe 
mêlent  à  leur  cours ,  groftiffent  leurs  eaux , 
ne  font  qu'un  feul  tout  avec  elles  :  ce  n'eft 
plus  alors  un  léger  murmure ,  c'eft  un  bruit 
impofant  qu'ils  excitent  :,  ils  roulent  ma- 
jeftueufement  leurs  flots  dans  le  fein  de  l'o- 
céan ,  après  avoir  enrichi  les  terres  heu- 
reufès  qui  ont  été  arrofées.  Voilà  l'examen 
philofophique  de  X  enthoufiafme  ;  voyez  à 
ïarticle  ECLECTISME  un  abrégé  hiftorique 
de  quelques-uns  de  fes  effets.  (S) 

ENTHOUSIASTE,  f.  m.  (  Phihf.  & 

Seaux-Arts.  )  perfonne  qui  eft  dans  J'en- 
ihoufîafme.  Voye\  ENTHOUSIASME. 

Ce  mot ,  féparé  du  Sens  qu'on  lui  donne 
dans  les  beaux-arts ,  fè  prend  Souvent  en 
mauvaiSè  part  pour  défîgner  un  fanatique. 
Voyei  Fanatique.  (G) 

*  ENTHOUSIASTES  ,  f.  m. pi.  {Hijf. 
eccl.  )  nom  d'anciens  fe&aires ,  les  mêmes 
que  ceux  qui  ont  été  appelles  Majjalienk , 
Enchites.  Ou  leur  avoit  donné  ce  nom  ,  à 
ce  que  dit  Théodoret ,  parce  qu'étant  agités 
du  démon ,  ils  croyoient  avoir  de  vérita 
ibles  inipirations.  On  donne  encore  aujour- 
d'hui le  nom  REnthoufiajles  aux  Anabap- 
tiftes  ,  aux  Quakers  ou  Trembleurs ,  qui 
iè  croient  remplis  d'une  inspiration  divine  , 
&  Soutiennent  que  la  fainte  Ecriture  doit 
£wc  expliquée  par  les  lumières  de  cette  inS- 
piration.  Voye{  Quaker  ,  ô>c.  (G) 

*  ENTHRONISTIQUE ,  adjeft,  pris 
fiibft.  (  Hiji.  eccl.  )  fomme  d'argent  déter- 


E  NT 

minée  que  les  eccléfiaftiques  du  premier 
ordre  étoient  obligés  de  payer  pour  être 
inftallés. 

ENTHYMEME ,  f.  m.  {Logique.)  eft 
un  argument  qui  ne  comprend  que  deux 
proportions  ,  l'antécédent ,  &  le  confé- 
quent  qu'on  en  tire.  Il  faut  cependant 
obfcrver  que  c'eft  un  Syllogifme  parfait 
dans  l'efprit  >  mais  imparfait  dans  l'expref- 
Sïon ,  parce  qu'on  y  Supprime  quelqu'une 
des  propositions  ,  comme  trop  claire  &:  trop 
connue  ,  &  comme  étant  facilement  fup- 
pléée  par  l'efprit  de  ceux  à  qui  on  parle. 
Cette  manière  d'argument  eft  fi  commune 
dans  les  difcours  &  dans  les  écrits ,  qu'il 
eft  rare  ,  au  contraire  ,  qu'on  y  exprime 
toutes  les  proportions.  L'efprit  humain 
eft  flatté  qu'on  lui  laiflë  quelque  chofe  à 
fuppléer  }  fa  vanité  eft  fatisfaite  qu'on  Se 
remette  de  quelque  chofe  à  Son  intelli- 
gence :  d'ailleurs  ,  la  fuppreiîion  d'une  pro- 
position ,  affez  claire  pour  être  Suppoiée  , 
en  abrégeant  le  difcours  ?  le  rend  plus  fort 
&  plus  vif.  Il  eft  certain  ,  par  exemple ,  que 
Si  de  ce  vers  de  la  Médée  d'Ovide ,  qui 
contient  un  enthymeme  très- élégant , 

Servare potui  ?  perde re  an  pojfim  rogas  ? 

on  en  avoit  fait  un  argument  en  forme , 
toute  la  grâce  eu  feroit  ôtée  :  &:  la  raifon 
en  eft  ,  que  comme  une  des  principales 
beautés  d'un  difcours  eft  d'être  plein  de 
feus  ,  &  de  donner  occafion  à  l'efprit  de 
former  une  penfée  plus  étendue  que  n'eft 
l'expreffion  ,  c'en  eft  au  contraire  un  des 
plus  grands  défauts  d'être  vuide  de  fens , 
&  de  renfermer  peu  de  penfées ,  ce  qui 
eft  prefque  inévitable  dans  les  Syllogifmes 
philofophiques ,  où  la  même  penfée  eft 
pefamment  renfermée  dans  trois  proposi- 
tions. C'eft  ce  qui  rend  ces  fortes  d'argu- 
meus  Si  rares  dans  le  commerce  des  hom- 
mes \  parce  que  ,  fans  même  y  faire  ré- 
flexion ,  on  s'éloigne  de  ce  qui  ennuie  , 
&  l'on  fe  réduit  à  ce  qui  eft  précifément 
néceffaire  pour  Se  faire  entendre. 

II  arrive  aufli  quelquefois  que  l'on  ren- 
ferme les  deux  proportions  de  ï enthymeme 
dans  une  feule  proposition  ,  qu'Ariftote 
appelle  pour  ce  Sujet  fentence  enthyméma- 


EN  T 

tique.  Tel  cft  ce  vers  qu'il  cite  lui-même 
d'Euripide  ,  fi  je  ne  me  trompe  : 

Mortel  ,    ne  garde  pas  une  haine  immortelle. 

Tel  eft  encore  ce  vers  de  Racine  : 

Mortelle  ,fubijftl  le  fort  d'une  mortelle. 

Voyei  Logique,  Syllogisme.  Article  de 

M.  FORMEY. 

*  ENTICHITES  ,  f.  m.  pi.  {WJl.  eccl.) 
eft  le  nom  .qu'on  a  donné  à  certains  lèc- 
tateurs  de  Simon  le  Magicien  ,  dans  le 
premier  fiecle.  Ils  célébroient  des  facrifi- 
ces  abominables,  dont  la  pudeur  défend 
de  rapporter  la  matière  8c  les  circonftances. 

(G) 

ENTIENGIE  ,  f.  f.  {Hijl.  nat.  Ornitho- 
logie.) oifeau  d'Afrique  qui  fe  trouve  dans 
le  royaume  de  Congo  ,  8c  dont  la  peau 
eft  de  différentes  couleurs  8c  mouchetée. 
On  raconte  ,  entr'autres  merveilles  de  cet 
oifeau  ,  que  lorfqu'il  pofe  le  pié  a  terre 
il  meurt  auffi-tôt  :  ce  qui  fait  qu'il  vole 
d'arbre  en  arbre  ,  ou  fe  foutient  dans  l'air. 
Il  eft  environné  de  petits  animaux  noirs  , 
que  les  habitans  du  pays  nomment  embis^ 
ou  embas ,  qui  l'accompagnent  comme  des 
fatellites  quand  il  vole  :  on  prétend  qu'il 
y  en  a  dix  qui  le  précèdent  ,  8c  autant 
qui  le  fùivent.  Sa  peau  eft  regardée  comme 
une  chofè  fi  précieufe ,  qu'il  n'eft  permis 
d'en  porter  qu'au  roi  ,  8c  aux  princes  à 
qui  il  accorde  cette  prérogative.  Les  au- 
tres rois  du  pays  ,  tels  que  ceux  de  Loango , 
Cacongo  8c  Goy ,  envoient  des  ambaiTades 
folemnelles  à  celui  de  Congo  ,  pour  en  ob- 
tenir des  peaux  de  cet  oifeau.  Hubner ,  Dicl. 
.^univ. 

ENTIER,  adj.  {Géométrie.)  Nombre  en- 
tier. V.  Nombre. 

-  Entier  ,  adj.  {Manège.)  Un  cheval  eft 
dit  entier  ,  lorfque  ,  parfaitement  réfolu  & 
déterminé  en  avant  8c  par  le  droit  ,  il 
pèche  par  le  défaut  d'une  franchife  abso- 
lue ,  en  refufànt  de  tourner  à  l'une  ou  à 
l'autre  main,  ou  à  toutes  les  deux  enfemble. 

Quelques  auteurs  ont  cherché  dans  le 
plus  ou- le  moins  d'obftination  de  l'animal  , 
les  raifons  d'une  diftin£r.ion  qu'ils  ont  faite , 
mais  qui  n'a  pas  été  généralement  adoptée  : 


ENT  54p 

ils  fondent  en  effet  la  différence  qu'ils  nous 
propofent ,  fur  la  rélîftance  que  le  cheval 
oppofe  au  cavalier  qui  le  follicite  à  l'action 
dont  il  s'agit.  Si  l'animal  obéit  enfin  ,  8c 
cède  à  la  force  ,  ils  le  nomment  entier  ; 
mais  s'il  ne  peut  être  vaincu  ,  s'il  perfifte 
dans  fa  défobéiffance  ,  s'il  fe  précipite  en 
avant ,  ou  du  côté  oppofé  à  celui  fur  lequel 
on  veut  le  mouvoir ,  ils  le  déclarent  rétif  fur 
les  voltes. 

Je  ne  prévois  point  les  avantages  que 
nous  pourrions  tirer  de  la  confidération 
de  ces  dénominations  diverfes  \  8c  il  fèroit 
aifez  fùperflu  d'élever  ici  une  difpute  de 
mots.  Que  l'opiniâtreté  du  cheval  foit  plus 
ou  moins  invincible  ,  le  vice  étant  toujours 
le  même  ,  il  nous  fera  fans  doute  plus  utile 
d'en  rechercher  les  caufês  ,  8c  d'examiner 
quels  peuvent  être  les  moyens  de  l'en  cor- 
riger. 

En  général ,  tous  les  chevaux  fê  por- 
tent plus  naturellement  8c  plus  volontiers 
à  la  main  gauche  qu'à  la  main  droite. 
Les  uns  ont  attribué  cette  inclination  8c 
cette  facilité  ,  à  la  fituatiou  du  poulain 
dans  le  ventre  de  la  mère  \  ils  ont  pré- 
tendu qu'il  y  eft  entièrement  plié  du  côté 
gauche  :  les  autres  ont  foutenu  que  le 
cheval  ,  fe  couchant  le  plus  fouvent  fur 
le  côté  droit ,  contracte  l'habitude  de  plier 
le  cou  8c  la  tête  à  la  main  oppofée.  Il  me 
paroît  plus  fimple  de  rapporter  la  plus 
grande  liberté  dont  il  eft  queftion  ,  à 
l'habitude  dans  laquelle  font  les  palefre- 
niers d'aborder  8c  d'approcher  l'animal  du 
côté  gauche  dans  toutes  les  cccafions  , 
foit  qu'il  s'agiftè  de  l'attacher  ,  de  le  bri- 
der ,  de  le  feller  ,  ou  de  lui  diftribuer  le 
fourrage  :  ainfî  toutes  ces  raifons  font  fuf- 
fifantes  pour  nous  autorifer  à  penfer  que  , 
s'il  lui  eft  plus  libre  de  tourner  à  cette 
main  ,  il  ne  doit  la  franchife  qu'il  témoi- 
gne à  cet  égard  ,  qu'aux  foins  que  nous 
avons  de  la  favorifer  nous-mêmes.  Une 
des  plus  fortes  preuves  qu'on  en  puifîe  don- 
ner encore  ,  eft  la  rareté  des  chevaux  qui 
ont  plus  de  pente  à  fè  porter  fur  la  main 
droite  :  il  en  eft  néanmoins  ,  &  l'expérience 
nous  a  appris  que  ceux-ci  font  d'une  nature 
plus  rebelle  \  il  faut  beaucoup  de  temps  8c 
de  patience  pour  les  réduire  8c  pour  les 
fbumettre. 


S^o  E  N  T 

Lorfque  la  réfiftance  du  cheval  entier 
provient  d'une  douleur  où  d'une  foiblelfe 
occafionée  par  quelques  maux  qui  affec- 
tent quelques  parties  ,  les  reflources  de 
l'art  font  impuilfantes ,  à  moins  qu'on  ne 
puiiîè  rendre  à  ces  mêmes  parties  leur  in- 
tégrité &  leur  force  :  àinn  dans  un  cas 
où  un  accident  à  un  pié  ,  à  une  épaule  , 
à  une  jambe  ,  l'obligera  à  refufer  de  fe 
prêter  fur  le  côté  fenfible  ,  &  où  un  effort 
de  reins  ,  une  courbe  ,  des  éparvins ,  &c. 
l'empêchant  de  s'appuyer  fans  crainte  fur 
les  jarrets  ,  le  porteront  à  redouter  l'action 
de  tourner  dans  le  fens  où  il  ne  pourroit 
que  foufTrir  ,  il  cft  aifé  de  concevoir  que 
la  première  tentative  à  laquelle  on  doit  fe 
livrer  ,  eft  celle  qui  tendra  à  la  cure  &:  à 
la  guérifbn  des  unes  ou  des  autres  de  ces 
maladies^  J'avoue  qu'il  eft  cependant  des 
moyens  de  foulager  les  parties  fouffrantes  , 
&  de  diminuer  le  poids  dont  elles  doivent 
être  chargées  dans  les  mouvemens  divers 
qu'on  imprime  à  l'animal  \  mais  tout  che- 
val ,  dans  lequel  de  pareils  défauts  fubfif- 
tent  ',  ne  peut  jamais  jouir  de  cette  facilité, 
d'où  dépendent  &  fou  exacte  obéifîance  , 
&  la  grâce  &  la  jufteffe  de  fon  exécu- 
tion. 

Quoiqu'il  foit  certain  que  tous  les  che- 
vaux ne  naiffent  pas  avec  une  même  dif- 
pofition  dans  les  membres  ,  une  même 
ibupleftè,  une  même  aptitude  &une  même 
inclination  ,  il  en  eft  très-peu  qui  foient 
naturellement  entiers.  Ils  n'acquièrent  ce 
vice  que  conféquemment  à  de  mauvaifes 
leçons  j  &  il  fuffiroit  d'envifager  les  actions 
de  la  plupart  de  ceux  qui  les  exercent , 
pour  en  dévoiler  les  caufes  les  plus  ordi- 
naires ,  &  de  pratiquer  le  contraire  de 
ces  mêmes  actions  ,  pour  en  diftraire 
l'animal. 

Notre  première  attention  ,  quand  il  s'agit 
de  commencer  à  gagner  le  confèutement 
des  poulains ,  ainfi  que  des  chevaux  faits , 
doit  être  de  les  déterminer  en  avant ,  in- 
fenliblement  &  avec  douceur  :  lorfqu'ils 
feront  habitués  à  fuivre  les  lignes  droites , 
iùr  lefquelles  nous  les  faifons  cheminer  , 
&:  qu'ils  feront  accoutumés  aux  objets 
qu'ils  peuvent  rencontrer  fur  ces  mêmes 
lignes  ,   nous  pourrons  les  en  détourner 


E  N  T 

légèrement  ;  c'eft-ù-dire  ,  non  en  les  por* 
tant  tout-à-coup  far  une  autre  ligne  droite, 
mais  en  attirant  peu -à -peu  leurs  épau- 
les ,  ou  en  dedans  ,  ou  en  dehors  ,  fi 
rien  ne  nous  gêne  ,  de  (.elles  qu'ils  décri- 
voieut  }  de  manière  qu'ils  en  tracent  une 
diagonale  ,  fur  laquelle  nous  les  maintien- 
drons quelque  temps  ,  pour  leur  en  faire 
reprendre  toujours  de  nouvelles.  On  doit 
remarquer  qu'en  en  ufant  ainfi  ,  nous  leur 
fuggérerons ,  fans  les  révolter  par  des  mou- 
vemens forcés  ,  &  fans  qu'ils  s'en  apper- 
çoivent  ,  une  action  directement  oppofée 
à  celle  des  chevaux  entiers  ,  qui  ne  fe 
défendent  &  ne  fe  fouftraient  aux  effets 
de  notre  main  ,  qu'en  refufant  de  s'élar- 
gir du  derrière  ,  &:  qu'en  roidiflant  & 
en  préfentant  la  croupe  dans  le  fens  où 
nous  voudrions  mouvoir  leur  avant-main. 
De  cette  leçon  fur  les  diagonales  ,  on 
revient  à  celles  par  lefquelles  nous  avons 
débuté  :  à  celles-ci  ou  fubftitue  d'autres 
lignes  droites  ,  fur  lefquelles  on  entre  en 
tournant  à  moitié  l'animal  :  enfin  ,  on  le 
j  travaille  fur  les  cercles  larges  ,  que  l'on 
refferre  toujours  par  gradation  ,  félon  fon 
plus  ou  moins  de  foupleffe  &  de  volonté , 
&  l'on  parvient  ,  par  ce  moyen  ,  à  le 
rendre  également  libre  &  obéilFant  à  tou- 
tes mains.  Mais  fi  ,  d'une  part  ,  cette 
diftributien  variée  du  terrain  dégage  le 
cheval  de  toute  contrainte  ,  &  accroît 
fans  ceffe  en  lui  la  facilité  d'exécuter ,  il 
faut  néceffairement  que  ,  de  l'autre  ,  le 
cavalier  ,  par  la  précipitation  &  la  finefTe 
avec  laquelle  il  agira  ,  obvie  à  la  trop 
grande  fujétion  &  à  la  furprife  ,  qui  ne 
naiffent  que  trop  fouvent  des  aides  fortes 
&  précipitées  \  car  l'action  violente  de  la 
main  &:  des  jambes  eft  une  des  princi- 
pales fburces  de  l'obftination  de  l'animal: 
une  impreffion  fubite  fur  les  barres  l'étonné 
&  le  blelfe  }  la  tenfion  forcée  &  conti- 
nuée de  la  rêne  ,  jufqu'au  moment  où  il 
devroit  fè  rendre  ,  l'engage  plutôt  à  fe 
roidir  contre  la  main  ,  qu'à  en  reconnoî- 
tre  le  pouvoir.  Il  eft  donc  de  la  dernière 
importance  que  le  cavalier,  tenant  les  rê- 
nes fëparées  dans  l'une  &  l'autre  de  fes 
mains  ,  attire  la  tête  fur  le  côté  où  il  fe 
propofe  de  le  tourner  ,  non  dans  un  fèul 
&,  même  temps  ,  6c  par  un  feul  &  même 


E  N  T 

mouvement,  mais  en  l'y  incitant  imper- 
ceptiblement &  à  diverfes  reprifes  \  c'eft- 
à  -  dire ,  e;i  diminuant  ]e  premier  effort 
fuivi  &  augmenté  de  la  main  ,  &.  en  re- 
venant fucceffivemeiit  à  ce  même  point 
d'effort ,  qui  ne  doit  nullement  être  con- 
tredit par  aucun  effet  de  la  rêne  oppofée  , 
puifque  cet  effet  ne  tendroit  qu'à  dé- 
truire celui  de  la  rêne  qui  eft  chargée 
d'opérer. 

Les  actions  des  jambes  ne  contribuent 
pas  moins  à  lùfciter  la  révolte  du  cheval 
&  à  le  confirmer  ,  quand  elles  font  faites 
mal-à-propos ,  fans  befoin  ,  ou  avec  trop 
de  dureté  &  de  rigueur.  i°.  Bien  -  loin 
d'aider  l'animal ,  elles  hâteront  fes  dé/or- 
dres ,  &  les  lui  fuggéreront ,  lorfqu'elles 
s'effectueront  fur  l'arriere-main  ,  de  ma- 
nière à  le  déterminer  dans  le  fens  où  le 
cavalier  veut  mouvoir  l'épaule  :  ce  qui 
arriveroit ,  par  exemple  ,  fi  la  jambe  gau- 
che étoit  approchée  du  corps  ,  lorfque  la 
rêne  droite  eft  tirée  &  éloignée  du  corps 
du  cheval ,  dans  l'intention  de  le  tourner 
de  ce  même  côté  ,  &c.  car  ,  en  ce  cas ,  le 
port  de  la  croupe  à  droite  feroit  le  réfultat 
de  l'appui  de  cette  jambe  \  &  il  eft  incon- 
teftable  que  l'animal  ne  peut  obéir  à  la 
main  qui  le  tourne  ,  que  fon  extrémité 
poftérieure  ne  fbit  follicitée  du  côté  con- 
traire. Si ,' en  fécond  lieu,  quoique  nous 
trouvions  dans  la  foumiiîion  de  l'animal 
des  raifons  de  ne  point  recourir  à  d'autre 
puiffance  que  celle  de  notre  main  ,  nous 
nous  fervons  indifféremment  de  la  jambe  :, 
car  ,  que  ne  peuvent  pas  la  routine  & 
l'habitude  ?  ou  fi  l'aide  qui  en  partira 
eft  violente  &  peu  modérée  ,  il  n'eft  pas 
douteux  que  ces  mouvemens  inutiles  & 
iadiferets  feront  naître  dans  le  cheval  une 
crainte  capable  de  lui  infpirer  à  la  fin  la 
haine  &  l'averfion  de  la  volte  ;  ainfi ,  en 
réfumant  en  peu  de  mots  tous  les  détails 
dans  lefquels  je  vieus  d'entrer  ,  pour  in- 
diquer les  voies  de  réfoudre  l'animal  aux 
deux  mains ,  on  verra  que  l'oii  ne  doit  , 
dans  prefque  toutes  les  circonftances  ,  ac- 
eufèr  de  fon  irréfolution  ,  i°.  que  la  force 
&  la  dureté  de  la  main  du  cavalier  }  z°.  la 
fauffe  application  ou  la  rigueur  des  aides 
qu'il  a  employées  j  30.  le  peu  d'attention 
«ju'ijl  a  eu  de  faire  pafTer  kfèniiblemeiit  t 


E  N  T  î5i 

le  cheval  d'une  aétion  aifée  à  une  action 
plus  difficile  ,  en  diverflfîant  fes  leçons  , 
&  en  lui  faifant  parcourir  différentes  li- 
gnes }  40.  l'ignorance  avec  laquelle  il  a 
exigé  de  lui ,  en  le  rétrecifîant  &.  en  le 
tournant  ,  pour  ainfi  dire  ,  de  côté  & 
d'autre  fur  lui  -  même  ,  des  mouvemens 
dont  il  ne  peut  être  vraiment  &  franche- 
ment fufceptible  ,  qu'autant  qu'il  a  été  en 
quelque  façon  affoupi ,  &c. 

Les  mêmes  règles  preferites  pour  pré- 
venir le  défaut  dont  il  s'agit  ,  doivent 
être  mifes  en  ufage  pour  y  remédier  , 
eu  égard  aux  chevaux  qui  l'ont  con- 
tracté :  j'ajouterai  néanmoins  ici  quelques 
réflexions. 

Il  faut ,  lorfqu'on  fe  propofe  de  com- 
battre ce  vice  ,  tâcher  de  reconnoître  d'où 
il  procède ,  &  étudier  le  caractère  de  l'ani- 
mal :  les  meilleurs  moyens  de  le  vaincre  , 
font  ceux  qui  font  les  moins  contraires  à 
fon  naturel  :  on  ne  rifque  rien  de  le  ra- 
mener par  la  douceur  ,  on  rifque  tout  lors- 
qu'on tente  de  le  fubjuguer  par  les  châti- 
mens  :  s'il  eft  mélancolique  &  flegmatique, 
il  perd  le  courage  &  la  vigueur  }  s'il  eft 
colère ,  s'il  eft  aclif ,  il  fe  défefpere.  Il 
s'agit  donc  de  réformer  avec  patience  la 
mauvaife  habitude  qu'il  a  prifè ,  &  de  fe 
perfuader  fur-tout  que  fon  obftination  aug- 
mente toujours  par  la  nôtre.  On  doit  en- 
core éviter  de  lui  fuggérer  le  defir  de  fe 
défendre  :  travaillons  -  le  d'abord  par  le 
droit ,  &  fur  le  côté  où  il  eft  libre  3  la  faci- 
lite de  cette  main  pourvoira  à  celle  de 
l'autre  ,  &  nous  l'attirerons  ,  avec  le  temps  , 
fur  celle  à  laquelle  il  refufe  d'obéir  :  plions- 
le  dans  une  feule  &  même  place  à  cette 
même  main  ;  tirons  l'encolure  de  cet  état 
de  roideur  dans  lequel  elle  peut  être  :,  pré- 
férons les  leçons  clu  pas  dans  lefquelles  il. 
nous  eft  plus  aifé  de  dominer  le  cheval  & 
de  fortifier  fa  mémoire  j  contraignons-le  , 
en  un  mot ,  de  perdre  jufqu'au  moindre 
fbuvenir  de  fes  déréglemens  ,  par  la  voie 
des  careffes  j  &  enfin,  fi  nous,  y  femmes 
forcés  ,  par  des  moyens  rigoureux  ,  dont 
l'ufage  ne  devroit  néanmoins  appartenir  qu'à? 
de  véritables  maîtres,  (e) 

ENTIERCEMENT ,  i.  m.  (Jwifpr.)- 
terme  de  coutume  qui  fîgnifie  enlèvement 
d'une  chofe  mobilière  &  mife  en  main  tierce-^ 


55*  £  N  T 

ainfî  que  le  dit  Dumoulin -fur  l'a/'/.  454  de 
la  coutume  d'Orléans. 

Cet  ufage  eft  fort  ancien  *,  car  on  trouve 
dans  les  loix  faliques  &  ripuaires  ,  Ôc  dans 
les  capitulaires  de  Charlemagne  &  de  fes 
enfans  ,  intertiare  &  res  intertiata  ,  pris 
dans  le  même  fèns  que  l'on  entcird  ici  Yen- 
tiercement. 

La  coutume  d'Orléans  ,  art.  454  ,  dit 
que  la  chofe  mobilière  étant  vue  à  l'œil , 
c'eft-à-dire  ,  reconnue  dans  un  marché  , 
foire  ou  place  publique  ,  peut  être  cn- 
tiercée  ,  fauf  le  droit  d'autrui ,  c'eft-à-dire  , 
que  fans  qu'il  foit  bcfoin  de  permiflion  de 
juftice  ,  ei'e  peut  -être  enlevée  &  mile  eu 
main  tierce. 

Ce  droit  de  fuite  s'exerce  ordinaire- 
ment par  ceux  auxquels  on  a  volé  ou 
détourné  quelque  meuble  ,  comme  un 
cheval  qu'en  auroit  détourné  d'une  mé- 
tairie ,  &  que  l'on  retrouve  expofé  en  vente 
dans  un  marché  ou  foire  publique. 

Pour  entiercer  une  chofe  dérobée  ou  per- 
due ,  il  faut  la  faire  voir  à  l'huiflier  ou  fer- 
gent,  lequel  peut  enfuite  l'enlever ,  comme 
le  dit  la  coutume. 

Lorfque  des  meubles  ont  été  vendus  en 
juftice  ,  ou  dans  une  foire  ou  marché  ,  il 
n'y  a  plus  lieu  à  \  entier  cernent. 

Celui  fur  qui  la  chofe  eft  entzerce'e ,  & 
ceux  qui  peuvent  y  avoir  intérêt ,  ont  le 
droit  de  s'oppofer  à  X  entier  cernent  ;  &  fur 
l'oppofition  ,  c'eft  à  celui  qui  entierce,  comme 
étant  demandeur,  à  prouver  que  la  chofe 
Jui  appartient. 

Lorfqu'un  créancier  ,  en  faifant  faifir  & 
arrêter  les  meubles  &  effets  de  fon  débi- 
teur, reconnoît  parmi  les  meubles  faifis 
quelques  effets  appartenans  à  lui  faififtant, 
alors ,  fuivant  le  même  article  454 ,  il 
peut  à  cet  égard  convertir  fa  faille  en  tn- 
tiercement ,  pourvu  que  la  chofe  ait  été 
vue  à  l'œil  par  le  fèrgent  qui  a  fait  la 
faifie. 

Au  furplus,  X article  445  défend  à  tous 
fergens  &  autres  perfonnes  d'entrer  en  la 
maifon  d'autrui  pour  faire  entiercer  &  en- 
lever les  biens  étant  en  icelle ,  fans  autorité 
de  juftice  :  la  préfence  du  juge  eft  même 
quelquefois  néceflàire.  Voye-{  la  coutume  de 
Dunois ,  art.  93  ,  &  le  glojf,  de  Lauriere  au 
mot  EHtiercement,  (  A  ) 


ENTOILAGE  ,  Ç  m.  (  Commerce.)  On 
donne  en  général  ce  nom  dans  tous  les 
ajuftemens  en  linge  ,  en  dentelle,  &c.  à 
tout  ce  qui  fert  de  foutien  ou  de  monture  à 
quelque  autre  partie  de  rajuftemcnt  d'un 
travail  plus  fin ,  plus  délicat ,  &  plus  pré- 
cieux. L'entoilage  a  lieu  dans  les  tours  de 
gorge  ,  les  garnitures  ,  les  manchettes ,  &c 
C'eft  ou  de  la  mouflèîine  qui  foutient  de 
la  dentelle ,  ou  une  dentelle  moins  belle  qui 
en  foutient  une  plus  belle  ,   6  c. 

ENTOILER,  v.  au.  c'eft  coller  fur 
une  toile  une  eftampe  ,  une  thefe ,  un 
défini  j  pour  cet  effet ,  on  palîè  de  la  colle 
faite  avec  de  l'eau  &  de  la  farine  bouillie 
fur  une  toile  tendue  fur  un  châflîs  ,  fur 
laquelle  on  applique  l'eftampe  ou  deflui 
qu'on  veut  y  coller  ,  après  quoi  on  met 
un  papier  deffus  ,  fur  lequel  on  frotte 
en  appuyant  ,  pour  que  la  colle  prenne 
bien  par-tout ,  &  qu'il  ne  refte  point  de 
vent.  (  R  ) 

ENTOIRS  ,  (  Jardinage.  )  Voye^  GREF- 
FOIRS. 

ENTOISER  ,  v.  a&.  terme  de  Maçon.' 
nerie  ,  c'eft  arranger  carrément  des  maté- 
riaux ,  comme  moellons  &  plâtras  ,  pour 
enfuite  en  mefîirer  le  cube.  (  P  ) 

ENTONNER,  v.  aét.  en  Mufique,  c'eft 
former  jufte  avec  la  voix  les  fbns  &  les 
intervalles  que  l'on  s'eft  propofés.  Les  con- 
fonnances  Amples  &  les  petits  intervalles 
font  faciles  à  entonner  ;  mais  il  y  a  plus  de 
difficulté  à  entonner  de  grands  intervalles  , 
fur-tout  quand  ils  font  diftonans  ,  parce 
qu'alors  la  glotte  fe  modifie  fclon  des  rap- 
ports plus  grands  &  plus  compofés. 

Entonner  eft  encore  commencer  le  chant 
d'une  hymne  ,  d'un  pfeaume  ,  d'une  an- 
tienne ,  pour  en  donner  le  ton  à  tout  le 
chœur.  (  S  ) 

ENTONNER  ,  terme  d'économie  rufti- 
que  ,  de  marchand  de  vin  &  de  brajfeur  y 
c'eft  remplir  les  tonneaux  de  vin  &  de 
bière. 

ENTONNERIE  ,  f.  f.  terme  de  Braf- 
feur  ;  c'eft  un  lieu  placé  au  defîbus  des 
cuves  ,  où  font  rangés  des  tonneaux 
qu'on  remplit  de  bière  à  mefure  qu'elle 
fe  fait. 

ENTONNOIR ,    f.    m.    (  Anatomie.  ) 
'.  cavité  ou  fouette  affez  profonde  ,   qu'on 

découvre 


E  N  T  E  N  T  553 

découvre  dans  la  partie  inférieure  du  troi-    que  ceux   que   les    diffections    démontrent 


fieme  ventricule  du  cerveau  ,  &  dont  l'on 
verture  évafée  ,  le  retrécifîânt  infcniible- 
ment ,  aboutit  à  la  glande  pituitaire  ,  qui 
eft  logée  dans  la  cavité  de  la  {elle  turci- 
que.  L'entonnoir  a  ,  dit-on  ,  deux  ouver- 
tures ;  l'une  ,  qu'on  appelle  aujourd'hui 
ouverture  antérieure  commune ,  parce  qu'elle 
communique  avec  les  ventricules  latéraux  ; 
&  l'autre ,  qu'on  nomme  ouverture  com- 
mune pofle'rieure  ,  parce  qu'elle  communi- 
que au  cervelet ,  fuivant  l'hypothelè  géné- 
ralement reçue. 

Mais  ces  deux  ouvertures  de  Y  entonnoir , 
&  les  communications  qu'on  lui  attribue  , 
font-elles  bien  certaines?  Du  moins  tout 
le  monde  n'en  convient  pas.  M.  Lieutaud, 
par  exemple  ,  croit  s'être  affuré  du  con- 
traire par  les  adminiftrations  multipliées  ; 
cet  anatomifte  ,  loin  d'admettre  aucune 
cavité  dans  l' entonnoir ,  a  trouvé  que  cette 
partie  du  troifieme  ventricule  du  cerveau 
(  qu'il  nomme  tige  pituitaire  ,  à  caufe  de 
là  folidité  )  eft  une  elpece  de  cylindre  de 
deux  à  trois  lignes  de  hnuteur ,  formé  par 
la  fubftance  cendrée  ,  &  recouvert  de  la 
pie-mere.  Il  a  encore  obfervé  que  ce  cy- 
lindre eft  nourri  dans  fon  axe  par  de  très- 
petits  vaiffeaux  ,  lefquels  communiquent 
avec  ceux  de  la  glande  pituitaire  ,  qui 
reçoit  cette  colonne  ou  qui  la  foutient.  (  *  ) 

Je  ne  prétends  point  ici  que  M.  Lieu- 
taud ait  raifon ,  &  que  les  autres  anato- 
raiftes  foient  dans  l'erreur  ;  je  ne  décide 
rien  entre  les  maîtres  de  l'art  ,  moi  qui 
ne  fuis  qu'un  écolier.  Je  dis  feulement 
que  tout  ce  qui  regarde  la  ftrudure  des 
diverfes  parties  du  cerveau ,  eft  entière- 
ment  fujet  à    un    nouvel   examen  ,    non 


de  découvrir  quelque  chofe  de  leurs  fonc- 
tions ,  puilque  la  nature  a  pris  à  tâche  de 
nous  en  voiler  le  myftere  ,  mais  parce 
qu'il  eft  important  de.  n'établir  pour  faits 


clairement  à  tout  le  monde  ,  fans  aucune 
contradiction.  Auflî  nous  garderons -nous 
bien  d'expofer  dans  ce  livre  des  opinions 
anatomiques,  fans  tracer  en  même  temps 
l'hiftoire  des  doutes  &  des  incertitudes. 
Article  de  M.  le  Chev.  DE  Ja  uco  ur  t. 

ENTONNOIR,  inft  rumen  t  de  Chirurgie 
dont  on  fe  fert  pour  conduire  le  cautère 
actuel  fur  l'os  unguis  dans  l'opération  de 
la  fiftule  lacrymale  ,  afin  d'en  détruire  la 
carie.  Cet  entonnoir  eft  d'acier ,  fon  pavil- 
lon a  fept  lignes  de  diamètre ,  fon  extré- 
mité inférieure  deux  &  demie  ;  cette  ex- 
trémité eft  taillée  en  talut  pour  s'accom- 
moder au  plan  incliné  de  l'os.  La.  Ion-, 
gueur  de  ï'inftrument  eft  d'environ  un 
pouce  &  demi  ;  on  le  tient  avec  un  man- 
che plat  de  la  même  matière ,  foudé  fur 
le  côté  du  p'avillon.  On  ne  fe  fert  plus 
du  cautère  actuel ,  ni  par  conféquent  de 
Yentonnoir  dans  cette  maladie  ,  à  caufe 
de  l'inflammation  &  d'autres  accidens 
fâcheux  qui  en  réfultent.  Voye\  FISTULE 
LACRYMALE.  (  Y) 

ENTONNOIR,  (  Pharmacie^  Chymie.) 
Outre  l'ufage  ordinaire  de  Yentonnoir  qui 
eft  connu  de  tout  le  monde  ,  il  y  en  a 
encore  plufieurs  autres  ,  foit  en  pharmacie  , 
foit  en  chymie  ;  on  s'en  fert  très-commo- 
dément pour  filtrer  ,  ou  ,  pour  mieux  dire, 
pourfoutenir  les  filtres  (  voye^FlLTRE  ,  ) 
&  pour  féparer  les  huiles  eiîentielles  de 
l'eau  qui  les  a  accompagnées  dans  la  diftila- 
tion ,   &c.   Voye\  HUILE  ESSENTIELLE. 

Les  entonnoirs  dont  on  fe  fert  plus  com- 
munément dans  les  laboratoires  ,  font  de 
verre,  &  ce  font  en- effet  les  meilleurs 
pour    la  filtration  des  fels  ,   des  fucs    de 


parce  qu'il  faut  efpérer  ,  en  s'y  dévouant ,    plantes  ,  de  fruits  ,  du  petit  lait ,  &c.  Ceux 


qui  font  faits  d'étain  ou  de  fer-blanc  peu- 
vent fervir  en  bien  des  cas  ,  mais  il  taut 
avoir  foin  de  n'y  point  fihrer  des  liqueurs 
qui  pourroient  les    attaquer.  Ceux  de  fer- 


(*)  C'eft  Ridley,  qui  a  découver:  que  Yentonnoir  eft  fol:de:la  chofe  eft  allez  difficile  à  mettre  au 
net.  Nous  nous  ibmmes  fervis  du  gel  ,  &  il  nous  a  paru  qu'il  n'y  a  en  efier  aucune  ca-vicé  dans  ce 
prétendu  entonnoir.  L'anatomie  nous  fournit  dans  les  poiilons  de  quoi  appuyer  une  conjecture  :  ces 
animaux  ont  une  g'.an-.e  pituitaire  placée  comme  dans  l'homme  ;  il  en  fort  comme  un  filet  nerveux 
qui  s'unit  au  nerf  olfactif.  Dans  l'homme  ,  la  glande  pituitaire  a  dans  le  pofîéneur  cie  fes  lobes  de  la 
fubftance  coïticale  ,  &  dans  l'antérieur  ,  de  la  moelle  ;  cela  promet  bien  la  production  d'un  filée 
nerveux.  L'entonnoir  ne  feroic-il  pas  ce  filet  même  recouvet  de  la  pie-mere  ,.  que  les  deux  fubitances 
de  la  glande  ont  produit,  &  qui  va  s'unir  au  cerveau.  La  pie-mere  qui  accompagne  le  prétendit 
entonnoir,  s'épanouit,  &  recouvre  la  glande  pituitaire.  {H,D.  Ç.J 

Tome  XII.  Aaaa 


554  ENT 

blanc  font  les  plus  mauvais  ,  ils  font  trop 
fujets  à  la  rouille  ,  aufîi  s'en  fert-on  fort 
peu.  On  doit  toujours  leur  préférer  les 
entonnoirs  de  verre  :  ces  derniers  ,  à  la  vé- 
rité, font  fortfyj^fs  à  fe  cafler;  &  fouvent 
même  ,  fans  qu'on  les  touche  ,  ils  fe  fendent 
d'eux-mêmes  d'un  bout  à  l'autre,  quel- 
quefois en  ligne  droite ,  quelquefois  en  fpi- 
rale  :  ils  ne  Ibnt  pas  pour  cela  hors  d'état  de 
fervir,  on  rapproche  exactement  leurs  par- 
ties ,  &  avec  du  blanc  d'œuf  &  de  la 
chaux  éteinte  à  l'air ,  on  fait  une  pâte  li- 
quide ,  qui ,  étendue  fur  du  linge  y  &  ap- 
pliquée de  diftance  en  diflance  fur  les  fê- 
lures ,  les  contient  ,  &  met  Yentonnoir 
en-  état  de  fervir  comme  auparavant.  Voye\ 

.Vaisseaux  chymiques. 

\J  entonnoir  effaullî  mis  en  ufage  pour 
porter  la  fumée  de  certains  remèdes  fur 
les  dents  ,  dans  l'anus  &  'dans  le  vagin. 
Voye\  SUFFUMIGATION.    {b) 

Entonnoir  ,  (  An  mil.  )  dans  l'artil- 
lerie ,  efl  Pincavation  ou  l'efpece  de  trou 
que  les  mines  font  en  fautant  ou  en  jouant.  On 
l'appelle  ainfi  ,  à  caufe  de  fa  reffemblance 
à  un  entonnoir  renverfé.    V.  MlNE.  (Q) 

ENTONNOIR,  en  terme  de  Blanchijferie, 
eff  un  pot  de  cuivre  évafé  ,  ayant  un  bec 
&  un  manche  :  il  n'eff  guère  d'ufage  dans 
les  blanchiilerics. 

ENTONNOIR  ,  infiniment  de  Tonnelier, 
c'cfl  un  vaiffeau  fait  ordinairement  de 
fer-blanc  ,  en  forme  de  cône  ,  à  la  pointe 
duquel  efl  un  cou  plus  ou  moins  long  , 
fuivant  l'ufage  auquel  on  le  deftine  :  on 
-s'en  fert  pour  entonner  du  vin  dans  des 
futailles. 

Il  y  a  deux  fortes  d'entonrïoirs  :  de  pe- 
tits ,  pour  tirer  le  vin  en  bouteilles  ;  & 
de  grands ,  pour  remplir  les  tonneaux  de 
vin  fans  le  troubler.  Ceux-ci  ont  un  long 
cou  bouché  par  l'extrémité  ,  mais  garni 
de  petits  trous  dans  fa  longueur. 

ENTORSE  ,  f.  f.  terme  de  Chirargit , 
mouvement  dans  lequel  une  articulation 
cil  forcée  ,  fans  que  les  os  fouffrent  de 
déplacement  fenfible.  Les  mouvemens  des 
articulations  ne  peuvent  être  portes  au 
delà  des  bornes  naturelles ,  fans  que  les 
•  ligamens  ,  deftinés  à  borner  ces  mouve- 
mens ,  ne  foient  forcément  alongés^  ou 
rompus.  Ces  extenfions  violentes  >  &  les 


ENT 

ruptures  plus  ou  moins  confidérables  des 
tendons  &  même  des  muicles ,  occafio- 
nent  plus  ou  moins  d'accidens  ,  parmi  les- 
quels la  douleur  &  le  gonflement  fe  ma- 
nifestent d'abord.  Les  entorfes  du  pic  font 
les  plus  communes  ;  elles  lbnt  la  fuite  des 
faux  pas.  Les  douleurs  font  très-vives  ,  & 
l'inflammation  proportionnée  à  la  iènfïbi- 
lité  des  parties  affeclées  &  à  l'effort  qu'elles 
ont  fouffert.  La  rupture  des  ligamens  & 
des  capfules  articulaires  occafione ,  afïez 
fouvent ,  l'épanchement  de  la  fynovie  ,  dont 
l'altération  peut  ulcérer  les  parties  ,  carier 
les  os ,  &  produire  des  maladies  très-lon- 
gues ,  fouvent  incurables  &  même  mortelles. 

Pour  prévenir  ces  fâcheux  accidens  ,  il 
faut ,  s'il  eil  poflible  ,  dans  l'inflant  que 
Yentorfe  efl  arrivée  ,  plonger  la  partie  dans 
un  leau  d'eau  très  -  froide.  Ce  répercuilif 
empêche  l'épanchement  de  la  fynovie , 
prévient  l'inflammation ,  &  appaife  la  dou- 
leur. 

Si  l'on  n'a  pas  employé  ce  moyen  fur 
le  champ  ,  il  faut  faigner  copieufement , 
preferire  une  diète  févere  ,  tenir  le  ventre 
libre  ,  &  appliquer  fur  la  partie  des  linges 
trempés  dans  des  liqueurs  fpiritueufes  , 
coupées  avec  des  décodions  réfolutives. 
On  met  enluite  des  cataplafmes  fortihans 
de  mie  de  pain  &  de  vin.  Quand  les  ac- 
cidens ibnt  parlés  ,  on  met  la  partie ,  fi 
c'efl  la  main  ou  le  pié  ,  dans  le  ventre 
ou  dans  la  gorge  d'un  boeuf  ou  autre 
animal  nouvellement  tué.  On  fait  des  dou- 
ches de  différentes  efpeces  ;  &  s'il  cil  bc- 
foin  ,  on  a  recours  aux  eaux  minérales  de 
Bourbon  ,  Bourbonne  ,  Barege  ,  Aix-la- 
Chapelle  ^  Ù.  Voye\  les  Maladies  des  os 
de  M.  Petit.  (  Y) 

ENTORSE  ,  (  Manège  >  Maréchal/.) 
maladie  commune  à  l'homme  &  au  che- 
val,  &  qui  quelquefois  efl  fi  rebelle  dans 
l'un  &  dans  l'autre  ,  qu'elle  efl  en  quelque 
façon  l'opprobre  dç  ceux  à  qui  le  traite- 
ment efl  confié. 

On  entend  par  le  terme  tfentorfe  tout 
mouvement  dans  lequei  l'articulation  efl 
forcée  ,  fans  cependant  que  les  os  fouffrent 
de  déplacement  fenfible. 

Quoiqu'elle  (bit  infiniment  moins  dan- 
gereufe  que  la  luxation ,  elle  peut  être 
accompagnée  d'accidens  très-graves.    Le* 


ENT 

plus  fâcheufes  font  celles  des  parties  qui 
ont  un  grand  nombre  de  ligamens  capa- 
bles de  s'oppofer  au  déplacement  ,  d'au- 
tant plus  que  ces  ligamens  doivent  avoir 
beaucoup  (ourTert  >  &  qu'il  a  fallu  un  grand 
effort  pour  vaincre  leur  réfillance.  Ajou- 
tons que  non-feulement  elles  font  d'autant 
plus  funeftes  ,  que  les  articles  font  munis 
de  ligamens  plus  multipliés  ;  mais  que  les 
fuites  en  font  terribles ,  fi  ces  articulations 
font  encore  recouvertes  de  plufieurs  ten- 
dons >  qui  ,  de  même  que  leur  gaine  ,  ne 
peuvent  être  violemment  diftendus  qu'il 
ne  lurvienne  de  vives  douleurs  ,  &  une 
inflammation  proportionnée  à  la  fenfibi- 
lité  des  parties  affe&ées.  La  fynovie ,  cette 
humeur  dont  l'ufage  cft  de  lubréfier  & 
de  faciliter  le  mouvement ,  s'amafïànt  en- 
fuite  dans  ces  gaines  ,  augmente  beaucoup 
les  douleurs  ,  tant  par  la  diffenfion  &  l'é- 
cartement  de  ces  mêmes  gaines  ,  que  par  la 
compreflion  des   tendons. 

Les  fymptomes  de  ïentorfe  font  la  clau- 
dication y  l'action  de  traîner  la  partie  fouf- 
frante  ,  la  chaleur ,  la  dureté  &  le  gon- 
flement caufés  par  l'inflammation  de  tou- 
tes les  parties  diftendues  ,  &  fur -tout 
conféquemmenr.  à  l'amas  de  la  fynovie 
qui ,  rompant  auffi  quelquefois  les  gaines  , 
s'épanche  dans  tout  le  voifinage  de  l'ar- 
ticle ,  &  forme  même  des  tumeurs  dans 
lefquelles  on  trouve  une  fluctuation  fen- 
fible. 

Ses  caufes  font  conftamment  externes , 
&  font  renfermées  dans  le  nom  que  nous 
lui  donnons  relativement  aux  chevaux  , 
c'efl-à-dire  ,  dans  celui  de  mémarchure  , 
terme  qui  nous  en  offre  fur  le  champ 
une  idée.  En  effet ,  un  cheval  fait  un  faux 
pas  ,  il  pofe  le  pie  à  faux  dans  un  lieu 
raboteux  ,  il  le  trouve  pris  dans  une  or- 
nière ,  &  l'arrache  fur  le  champ  avec 
force  ,  il  fe  le  détourne  entre  des  pavés  ; 
ce  qui  arrive  fréquemment  par  la  faute 
des  palefreniers  ,  qui  tournent  l'animal 
trop  court  ;  &  l'on  conçoit  que  dès-lors 
il  pewt  en  réfulter  une  entorfe  plus  ou 
moins  formidable  ,  félon  le  plus  ou  le 
moins  d'extenfion  des  tendons  &  des  li- 
gamens dans  l'articulation  du  boulet  , 
ou  dans  celle  du  paturon,  ou  dans  celle 
de  la  couronne.   Je  dois  encore  obferver 


ENT  555 

que  celles  dont  font  atteintes  les  unes  & 
les  autres  de  ces  parties  dépendantes  des 
extrémités  poflérieures  ,  font  toujours  plus 
à  craindre  que  celks  qui  arrivent  à  ces 
articles  des  colonnes  qui  foutiennent  Pa- 
vant-main ,  parce  que  les  premières  étant 
extrêmement  travaillées  dans  toutes  les 
différentes  actions  de  l'animal  ,  les  hu- 
meurs y  affluent  avec  plus  d'abondance  , 
&  en  rendent  toujours  les  maladies  plus 
compliquées  &  plus  difficiles  à  vaincre. 

En  général  ,  la  marche  du  maréchal 
dans  le  traitement  de  celle  -  ci  doit  être 
différente  félon  le  temps  &  fes  degrés. 
Les  remèdes  répercufîifs  ,  reflrinctifs ,  con- 
viennent dans  ces  commencemens  ,  parce 
qu'ils  préviennent  l'épanchement  qui  pour- 
roit  fe  faire  ,  &  rendent  aux  parties  leur 
ton  naturel  ;  ainfi  on  peut  mener  le  che- 
val à  l'eau  ,  appliquer  ,  fur  le  lieu  affecté , 
des  linges  trempés  dans  de  l'eau  &  du  ri- 
naigre ,  &c. 

Dans  le  cas  où  il  y  a  des  inflammation , 
douleur  ,  épanchement ,  il  faut  nécefTàire- 
ment  faigner  à  la  jugulaire  ,  appliquer  en 
forme  de  cataplafmes  des  réfolutifs  doux 
&  qui  ne  crifpent  pas  ,  tels  que  celui  des 
rofes  de  provins  bouillies  avec  du  gros 
fon  dans  du  gros  vin  ,  &c.  &  les  réité- 
rer foir  &  matin  :  j'ai  été  quelquefois 
obligé  de  mêler ,  avec  ces  mêmes  rôles , 
des  plantes  émollientes ,  &  je  ne  fuis  par- 
venu fouvent  à  la  guérilbn  de  ces  maux, 
fréquemment  opiniâtres ,  que  par  les  ap- 
plications répétées  de  ces  derniers  médica- 
mens  employés  lans  mélange. 

J'ai  de  plus  eu  à  combattre  des  dépôts 
enlùire  de  l'acrimonie  6k  de  la  perverlion 
des  humeurs  :  j'ai  été  forcé  d'en  hâter  la 
fuppuration  par  les  mêmes  émolliens  , 
ou  par  l'onguent  fuppuratif  y  &  de  leur 
frayer  enfuite  une  iffue  ,  en  pratiquant 
une  ouverture  avec  le  fer  plutôt  qu'avec 
le  feu  ,  par  la.  raifon  que  la  plaie  en  étoit 
plus  aifement  guérie. 

Enfin  ,  les  humeurs  ayant  acquis  dans 
d'autres  cireonftances  ,  &  après  des  fautes 
encore  commifes  par  des  maréchaux  ,  un 
caractère  d'induration  ,  j'ai  eu  recours 
aux  emplâtres  tondans  ,  tels  que  le  dir— 
chylon  ,  celui  de  mercure  ,  de  mucilage  , 
dont  j'ai  fait  ufàge  féparement  ,  ou  en  les 
Aaaai 


556  E  N  T 

mêlant  les  uns  &  les  autres  avec  beau- 
coup de  iuccès. 

.,  Dans  tout  le  traitement  de  cette  ma- 
ladie ,  l'animal  doit  .jouir  du  repos  ;  cepen- 
dant ,  dans  ce  dernier  cas  d'endurciffe- 
ment  ,  quelques  mouvemens  modérés  fa- 
voriferont  l'atténuation  &  la  réfolution  de 
l'humeur.  (  e  ) 

*  ENTORTILLER  ,  v.  act.  couvrir 
en  tout  ou  en  partie  une  choie  avec  une 
autre  qui  fait  plufieurs  tours  fur  celle-ci. 
On  prend  ce  mot  au  phyjique  &  au  moral. 
On  dit  un  difcours  entortillé  ;  le  lierre 
s'entortille  fur  toutes  Les  plantes  qui  lui 
font  poi/mes. 

ENTOURER  ,  v.  aét  en  terme  de  Met- 
teur en  œuvre  ;  c'eft  l'action  d'environner 
une  pierre  de  plufieurs  autres  qui  font 
plus  petites  qu'elle.  On  dit  entouré  double , 
lorfque  ce  rang  de  petites  pierres  efl  dou- 
blé, jy entourer  ,  on  a  fait  le  fubflantif 
entourage. 

ENTOURNURE  ,  f.  m.  (  Couturière.) 
Vove%  Remonture. 

§  ENTR' ACTE,  f.  m.  (Belles-Lettres.) 
On  appelle  ainft  l'intervalle  qui  ,  dans  la 
repréiéntation  d'une  pièce  de  théâtre  ,  en 
fépare  les  actes  ,  &  donne  du  relâche  à  l'at- 
tention des  fpeclateurs- 

Chez  les  Grecs  ,  le  théâtre  n'étoit  prefque 
jamais  vuide  :  l'intervalle  d'un  acte  à  l'autre 
ctoit  occupé  par  les  chœurs. 

Un  des  plus  précieux  avantages  du  théâtre 
moderne  ,  c'eft  le  repos  abfolu  de  Yentr'acle. 
De  toutes  les  licences  qu'on  eft  convenu 
d'accorder  aux  arts,,  pour  leur  faciliter  les 
moyens  de  plaire  ,  c'eft  peut-être  la  plus 
heureufe  ,  &  celle  dont  on  eft  le  mieux 
dédommagé. 

Obfervons  d'abord  que  Yentr'acle  n'eft 
un  repos  que  pour  les  fpectateurs  ,  &  n'en 
efl  pas  un  pour  l'action.  Les  perfonnages  font 
cenfés  agir  dans  l'intervalle  d'un  acte  à 
Pautrë  ;  &  tandis  qu'en  effet  l'acteur  va 
refpirer  dans  la  couliilè  ,  il  faut  qu'on  le 
croie  occupe.  Ainfi  le  poëte  ,  dans  le  plan 
de  fa  pièce ,  en  divifant  fon  action  ,  doit 
la  diflribuer  de  façon  qu'elle  continue  d'un 
acte  à  l'autre ,  &:  que  l'on  fâche,  ou  que 
l'on  fùppofe  ce  qui  fe  pafîê  dans  l'inter- 
valle ;  à-peu-près  comme  un  architecte 
&lpoic.  dans  ion  plaa  les  vuides   &  les  | 


E  N  T 

pleins  y  ou  plutôt  comme  un  peintre  ha- 
bile deffme  tout  le  corps  qui  doit  être  à 
demi  voilé. 

Rien  de  plus  fimple  que  cette  règle  ;  & 
on  la  néglige  fouvent. 

Il  eft  ailé  de  fentir  à  préfent  quelle  efl 
la  facilité  que  Yentr'aBe  donne  à  l'action  , 
foit  du  côté  de  la  vraifemblance  ,  foit  du 
côté  de  l'intérêt. 

Il  y  a  dans  la  nature  une  infinité  de  chofes 
dont  l'exécution  eft  impofïïble  fur  la  feene  , 
&  dont  l'imitation  manquée  détruiroit  toute 
illufion.  C'eft  dans  Yentr'acîe  qu'elles  fè 
paffent  :  le  poëte  le  fuppofe ,  le  Ipectateur 
le  croit. 

L'action  théâtrale  a  fouvent  des  longueurs 
inévitables  ,  des  détails  froids  &  languifîans  , 
dont  on  ne  peut  la  dégager  ;  &  le  fpecta- 
teur  qui  veut  être  continuellement  ému  ou 
agréablement  occupé ,  ne  redoute  rien  tant 
que  ces.  feenes  ftériles.  Il  veut  pourtant  que 
tout  arrive  comme  dans  la  nature ,  &  que 
la  vraiiemblance  amené  l'intérêt  ;  or  ,  le 
poëte  les  concilie  en  n'expoiant  aux  yeux: 
que  les  icenes  intérefîantes  ,  &  en  déro- 
bant dans  Yentr'acie  toutes  celles  qui  lan- 
guiroient. 

Enfin  ,  par  la  même  raifon  que  l'on  doit 
préfenter  aux  yeux  tout  ce  qui  peut  con- 
tribuer à  l'effet  que  l'on  veut  produire, 
lequel,  foit  dans  le  pathétique ,  foit  dans 
le  ridicule  ,  efl  toujours  le  plaifir  d'être 
ému  ou  d'être  amufé ,  on  doit  dérober  à 
la  vue  tout  ce  qui  nous  déplaît ,  ou  ce  qui 
nous  répugne  ;  car  l'impreflion  du  tableau 
étant  beaucoup  plus  forte  que  celle  du 
récit,  nous  rend  plus  cher  ce  qui  nous 
flatte ,  mais  auffi  plus  odieux  ce  qui  nous 
bleffe.  Or  ,  le  poëte  qui  doit  prévoir  & 
l'un  &  l'autre  effets  ,  jettera  dans  ï 'entr 'ac7è 
ce  qui  a  befoin  d'être  affoibli  ou  voilé  par 
l'expreffion  ,  &t  préfentera  fur  la  feene  ce 
qui  doit  frapper  vivement. 

Un  avantage  encore  attaché  à  Yentr'acïe  , 
c'eft  de  donner  aux  événemens  qui  fe  paffent 
hors  du  théâtre  un  temps  idéal  ,  un  peu 
plus  long  que  le  temps  réel  du  fpectacle. 
Comme  le  mouvement  mefure  la  durée ,. 
celle  d'une  action  préfente  aux  yeux  ne  peut 
nous  échapper  'y  au  lieu  que  d'une  action 
abfente  ,  &  dont  nous  ne  fommes  plus  oc- 
cupés ,  nous,  ne  comptons  point  les  momeas» 


E   N  T 

Voilà  pourquoi  nous  pouvons  accorder  à  ce 
qui  fe  pafTe  hors  de  la  icene  un  temps  moral 
beaucoup  plus  long  que  l'intervalle  d'un 
acte  à  l'autre.  Mais  cette  licence  fuppofe 
ce  que  nous  avons  dit  ailleurs  ,  que  l'on 
regardera  Yentr'acîe  comme  une  abfence 
totale  de  l'action  ,  &:  même,  du  lieu  de 
l'action. 

La  première  convention  faite  en  faveur 
de  l'art  dramatique  a  été  ,  que  le  fpectateur 
feroit  cenfé  abfènt  ;  car  imaginer  que  le 
public  eft  aflemblé  dans  une  place  ,  &  qu'il 
voit  de  là  ce  qui  fe  pafle  dans  le  cabinet 
d'Augufte  ou  dans  le  ferrail  du  fultan ,  c'eft 
une  abfurdité  puérile  :  il  faut  pour  cela 
fuppofer  un  des  quatre  murs  abattus  ;  & 
alors  même ,  le  moyen  de  concevoir  que 
1  acteur  étant  vu  ,  ne  verrait  pas  de  même  , 
&  agiroit  comme  s'il  étoit  fèul  ? 

Le  fpectateur  n'en1  donc  préfent  à  l'ac- 
tion que  par  la  penfée  ,  &  le  {pectacle  n'en1 
fuppofé  fe  pafler  que  dans  fon  efprit.  Cette 
hypothefe  étoit  (ans  doute  une  chofè  hardie 
à  propofer ,  fi  on  l'eût  propofée.  Mais  comme 
elle  éroit  indifpenfable  ,  on  en  efl  convenu 
fnême  fans  le  lavoir. 

Ce  n'eft  donc  rien  propofer  de  nouveau  , 
que  de  vouloir  qu'à  la  fin  de  chaque  acte 
l'idée  du  lieu  difparoirTè  ,  &  que  notre 
illufion  détruite  nous  rende  à  nous-mêmes 
en  un  lieu  totalement  diftinct  de  celui  de 
l'action  ;  en  forte  ,  par  exemple ,  qu'au 
fpe&acle  de  Cinna ,  quand  les  acteurs  font 
fur  la  feene  ,  nous  foyons  en  efprit  à  Rome  , 
&  que  l'acte  fini ,  l'illufion  cefTant ,  nous 
nous  retrouvions  ^  Paris.  Ces  mouvemens 
de  la  penfée  font  aufll  ailes  que  rapides  ;  & 
l'inftant  de  lever  &  de  baifîer  la  toile  les 
produit  naturellement. 

Cela  pofé ,  la  conféquence  immédiate  & 
néceifaire  qu'on  en  doit  tirer ,  c'eft  que  la 
toile  ,  qui  détruit  l'enchantement  du  (pec- 
tacle ,  devrait  tomber  toutes  les  fois 
que  le  charme  efl  interrompu.  Ne  fût- 
•ce  même  que  pour  pacher  le  befoin  qu'on 
a  quelquefois  de  baîfTer  la  toile  ,  il  feroit  à 
fouhaiter  qu'on  la  baifiat  toujours  ,  dès 
qu'un  acte  feroit  fini  :  l'iîlufion  y  gagne- 
-roit  ,  les  moyens  de  la  produire*  feroient 
plus  fimples  &  en  plus  grand  nombre;  on 
ne  verrait  plus  ce  jeu  des  machines  qui- 
n'eft  plus  étonnant,  &  qui  devient  rifible 


E   N'T  557 

quand  le  .mouvement  eft  manqué  ;  on  ne 
verrait  plus  des  valets  de  théâtre  venir 
ranger  ou  déranger  les  lièges  du  lenat 
Romain  ;  l'œil  &  l'oreille  ne  feroient  pas 
en  contradiction  ,  comme  lorfqu'on  entend 
des  violons  jouer  un  menuet  près  des  tentes 
d'Agamemnon  ,  ou  à  la  porte  du  capitolc  ; 
&  le  coup-dlceil  d'un  changement  fubit  de 
décoration  feroit  réfervé  pour  le  fpectacle 
du  merveilleux.  Voye\  ACTE  ,  UNITÉS  , 
POEME  DRAMATIQUE  ,  (  M.  MAR- 
MONTEL.  ) 

§ENTR'ACTE,  (  Mufiq.)  Ventr'actt 
eft  manifestement  deftiné  non-feulement 
au  repos  des  acteurs ,  mais  encore  à  celui 
des  fpectateurs  &  à  fournir  au  poëte  un 
temps  pendant  lequel  il  puifîe  fuppofer 
qu'il  s'ell  paifé  quelque  chofè  ,  qui  n'auroit 
pu  ,  fans  inconvénient ,  fe  palier  fur  la  feene , 
ou  qui  aurait  alongé  inutilement  le  fpectacle. 
C'en1  ainii  que  dans  ¥  Alexandre  de  Racine  , 
Porus  eft  battu  dans  l'intervalle  du  qua- 
trième acte  au  cinquième.  Si  le  principe 
qu'on  vient  d'avancer  eft  jufte ,  il  eft  clair 
que  le  théâtre  doit  refter  abfolument  vuide 
pendant  Ventr'acle  ;  car  il  eft  fait  pour  r«- 
pofèr  ,  non  -pour  diftraire  l'attention  du 
fpectateur ,  que  rien  ne  doit  détourner  de 
la  fituation  où  l'a  laifté  la  fin  de  l'acte  pré- 
cédent. (  f.  p.  c.y 

Mais  quoique  le  théâtre  refte  vuide  dans 
Yentr'acle  ,  ce  n'eft  pas  à  dire  que  la  mufî- 
que  doive  être  interrompue  ;  car  à  l'opéra 
où  elle  fait  une  partie  de  l'exiftence  des 
chofès ,  le  (ens  de  l'ouie  doit  avoir  une 
telle  liaifon  avec  celui  de  la  vue ,  que  tant 
qu'on  voit  le  lieu  de  la  lcene  ,  on  entende 
l'harmonie  qui  en  eft  fuppofée  inféparable  , 
afin  que  fon*  concours  ne  paroifîè  enfuite 
étranger  ni  nouveau  fous  le  chant  des 
acteurs. 

La  difficulté  qui  fe  préfente  à  ce  fujet 
eft  de  favoir  ce  que  le  muficien  doit  dicter 
à  i'orcheftre  quand  il  ne  fe  paffe  plus  rien 
fur  la  feene  ;  car  fi  la  fymphonie  ,  ainfi 
que  toute  la  mufique  dramatique  ,  n'eft 
qu'une  imitation  continuelle  ,  que  doit-elle 
dire  quand  perfonne  ne  parle  ?  Que  doit- 
elle  faire  quand  il  n'y  a  plus  d'action  ï 
Je  répons  à  cela,  que,  quoique  le  théâtre 
{oit  vuide  ,  le  eccur  des  fpectateurs  ne  l'eft 
pas  ;  il  a  dû  leur  reiier  une  forte  impreiiiua 


5  5  S  ENT 

de  ce  qu'ils  viennent  de  voir  6c  d'en- 
tendre. C'eit  à  l'orcheftre  à  nourrir  &  «à 
foufenir  cette  impreflion  durant  Yentr'acîe  , 
afin  que  le  fpectateur  ne  fe  trouve  pas 
au  début  de  l'acte  fuivant  ,  aufll  froid 
qu'il  l'étoit  au  commencement  de  la  pièce  , 

6  que  l'intérêt  l'oit,  pour  ainli  dire,  lié 
dans  fon  ame  comme  les  événemens  le 
font  dans  l'action  repréfentée.  Voilà  com- 
ment le  muficien  ne  ceffe  jamais  d'avoir 
un  objet  d'imitation  ,  ou  dans  la  fituation 
des  perfonnages  ,  ou  dans  celle  des  fpec- 
tateurs.  Ceux-ci  n'entendant  jamais  fbrtir 
de  l'orcheftre  que  l'exprefTion  desfentimens 
qu'ils  éprouvent ,  s'identifient ,  pour  ainfi 
dire  ,  avec  ce  qu'ils  entendent  ,  &  leur 
état  eft  d'autant  plus  délicieux  ,  qu'il 
règne  un  accord  plus  parfait  entre  ce 
qui  trappe  leurs  fens  &  ce  qui  touche  leur 
cœur. 

L'habile  muficien  tire  de  fon  orcheftre 
un  autre  avantage  pour  donner  à  la  repré- 
fentation  tout  l'effet  qu'elle  peut  avoir  ,  en 
amenant  par  degrés  le  fpectateur  oifif  à  la 
fituation  d'ame  la  plus  favorable  à  l'effet 
des  feenes  qu'il  va  voir  dans  l'acte  fuivant. 

La  durée  de  Yentr'ac7e  n'a  .pas  de  mefure 
fixe  ;  mais  elle  eft  fuppofée  plus  ou  moins 
grande  ,  à  proportion  du  .temps  qu'exige  la 
partie  de  l'action  qui  fe  pafîe  derrière  le 
théâtre.  Cependant  cette  durée  doit  avoir 
des  bornes  de  fuppofition  ,  relativement  à 
la  durée  hypothétique  de  l'action  totale  , 
&  des  bornes  réelles,  relatives  à  la  durée 
de  la  repréfentarion. 

Ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  d'examiner  fi  la 
règle  des  vingt-quatre  heures  a  un  fonde- 
ment luffifant,  &  s'il  n'eft  jamais  permis 
de  l'enfreindre.  Mais  fi  l'on  veut  donner 
à  la  durée  fuppofée  d'un  entr'acîe  ,  des 
bornes  tirées  de  la  nature  des  choies ,  je 
ne  vois  point  qu'on  en  puifTe  trouver  d'au- 
tres que  celles  du  temps  durant  lequel  il 
ne  fè  fait  aucun  changement  fenfible  & 
régulier  dans  la  nature ,  comme  il  ne  s'en 
lait  point  d'apparent  fur  la  feene  durant 
Yentiacle.  Or  ,  ce  temps  eft  ,  dans  fa  plus 
grande  étendue ,  à  peu  près  de  douze 
heures  ,  qui  font  la  durée  moyenne  d'un 
jour  ou  d'une  nuit.  Pafîe  cet  efpace  ,  il 
n'y  a  plus  de  poffibilité  ni  d'illufion  dans 
la  durée  fuppofée  de  Ycntr'aâfe. 


ENT 

Quant  à  la  durée  réelle,  elle  doit  être* 
comme  je  l'ai  dit,  proportionnée,  &  à  la 
durée  totale  de  la  repréfentation  ,  &  à  la 
durée  partielle  &  relative  de  ce  qui  fe  pafîe 
derrière  le  théâtre.  Mais  il  y  a  d'autres 
bornes  tirées  de  la  fin  générale  qu'on  fe 
propofe  ;  lavoir ,  la  mefure  de  l'attention  : 
car  on  doit  bien  fe  garder  de  faire  durée 
Yentiacle  jufqu'à  laiffer  ie  fpectateur  tom- 
ber dans  l'engourdiflcment  &  approcher 
de  l'ennui.  Cette  mefure  n'a  pas,  au  refte  , 
une  telle  préafion  par  elle-même  ,  que  ie 
muficien  qui  a  du  feu ,  du  génie  &  de 
I'ame  ,  ne  puiile  ,  à  l'aide  de  Ion  orcheftre  , 
l'étendre  beaucoup   plus  qu'un  autre. 

Je  ne  doute  pas  même  qu'il  n'y  ait  des 
moyens  d'abufer  le  fpectateur  fur  la  durée 
effective  de  Yentr'acle  ,  en  la  lui  faifant 
eftimer  plus  ou  moins  grande  par  la  ma- 
nière d'entrelacer  les  caractères  de  la  fim- 
phonie  :  mais,  il  eft  temps  de  finir  cet 
article  qui  n'eft  déjà- que   trop   long.  (S) 

ENTRAGE  ,  f.  m.  (  JuriJ "prudence.  ) 
lignifie  quelquefois  entrée  ou  commence- 
ment de  pojjejjion  &  jouijjance  ;  plus  fou- 
vent  il  fignifie  un  droit  en  argent  que  le 
nouveau  pofTeiïeur  eft  obligé  de  payer  au 
ieigneur  ;  il  en  eft  parlé  dans  la  coutume 
de  Nivernois,  titre  xxij  y  art.  8  ;  Bour- 
bonnois,  art.  2.7/},  &  44'Z.  Voye\  ISSUE. 

(*) 

ENTR AIGUËS,  {Géographie   mod.) 

ville  du  comté  du  Rouergue  en  France  ; 
elle  eft  fituée  à  l'endroit  où  la  Truyere  fe 
jette  dans  le  Lot. 

ENTRAILLES,  f.  f.  plur.  (Anatom.) 
intefiins  ,  boyaux.  Avoir  les  entrailles 
échauffées  y  rafraîchir  les  entrailles.  Il  fè 
prend  quelquefois  dans  un  lèns  plus  gé- 
néral ,  pour  tous  les  vilceres ,  toutes  les 
parties  renfermées  dans  le  corps  des  nom-» 
mes  &  des  animaux.  L' infpection  des  en- 
trailles des  victimes  a  aidé  à  connoître  la 
jtruclure  du  corps  fain. 

L'obligation  des  victimes  étoit  une  cérjé- 
monie  religieufe  de  nos  premiers  parens  , 
comme  on  le  voit  par  l'hiftoire  d'Abel 
dans  la  Genefe  ,  &  par  les  plus  anciennes 
fables  de  l'âge  d'or.  On  auroit  cru  dé»- 
plaire  à  la  divinité ,  &  ne  pouvoir  appaifer 
fa  colère  ,  fi  la  victime  eût  été  fouillée  de 
la  moindre  maladie  ;  c'eft  pourquoi  nous 


E    N  T 

lifons  dans  le  Lévitique  ,  qu'on  n^immoloit 
que  les  animaux  les  plus  fains  &  les  plus 
purs ,  &  c'eft  ainli  que  les  prêtres  com- 
mencèrent à  s'appliquer  à  connoître  les 
marques  diftinctives  de  la  fànté  &  de 
la  maladie.  Voye\  ANATOMIE.  Charn- 
iers. (L) 

*  Entrailles  ,  (  Myth&l.  )  c'étoient 

les  parties  des  animaux  que  les  arufpïces 
coniùltoient  particulièrement.  Il  faut  voir 
avec  quelle  impiété  Cicéron  parle  de  cette 
pratique  de  fa  religion.  Il  fuit  de  fon  dis- 
cours que  l'infpedion  ejes  entrailles  efï  la 
dernière  des  extravagances  ;  &  que  ceux 
qui  en  font  chargés  ,  font  aûez  commu- 
nément des  impofteurs.  C'eft  à  cette  oc- 
•cafion  qu'il  rapporte  un  mot  de  Caton  , 
■qui  auroit  pu  avoir  lieu  dans  une  infinité 
•d'autres  cas  ,  fi  la  prévention  n'eût  point 
fafeiné  les  yeux  &  les  efprits.  Caton  difoit 
"  qu'il  étoit  toujours  étonné  qu'un  arufpice 
ti  qui  en.  rencontroit  un  autre  ,  ne  fe  mît 
w   pas  à  rire. 

ENTRAIT,  f.m.  (Charpenterie.)  efï 
une  poutre  fur  laquelle  portent  les  folives 
des  galetas  ,  &  les  arbaleflriers. 

Entrait  (  double) ,  il  fe  dit  de  ceux 
qui  font  dans  les  enrayures. 

§  ENTRAVAILLÉ,  ée  ,  (terme  Je 
Blafon.  )  fe  dit  du  dauphin ,  de  la  bille  , 
de  l'aigle  ,  du  îion  &  des  autres  animaux 
qui  fe  trouvent  entrelacés  dans  des  cotices  , 
:bureles  &  autres  pièces  de  longueur. 

De  Quenazret  ,  en  Bretagne  ;  burelé 
d'argent  &  de  gueules  à  deux  biffes  d'azur 
affrontées,  entrav  aillée  s  dans  les  bure  les  , 
de  manière  que  la  deuxième  &  la  quatrième 
du  fécond  émail  brochent  fur  les  bijfes.  (  G. 
D.  L.   T.) 

ENTRAVER  un  Cheval  ,  (Manège, 
Maréch.  )  lui  mettre  des  entraves  ;  expref- 
fions  également  ufitées  dans  un  feul  & 
même  fens.  Voye\  ENTRAVES. 
•  ENTRAVER,  v.  neut.  (Faucon.)  c'eft 
raccommoder  les  jets  de  l'oifeau,  de  forte 
qu'il  ne  peut  fe  déchapero  mer. 

ENTRAVES  ,  f.  f.  (  Manège ,  Miréch.  ) 
efpece  de  liens  par  le  fecours  defquels 
nous  pouvons  nous  aflurer  &  nous  rendre 
maîtres  des  chevaux  ,  foit  qu'il  s'agiiïe 
de  les  retenir  dans  les  pâturages,  ou  de 
,ieur    ycer    la     liberté  ,    dans     l'écurie  , 


E  N  T  5^9 

d'élever  leurs  pies  de  devant  fur  l'auge 
ou  contre  les  râteliers  ;  foit  que  nous 
foyons  dans  l'obligation  de  les  afTujettir 
ou  de  les  abattre  pour  leur  faire  quelque 
opération. 

Les  entraves  dont  nous  faifons  ufage 
dans  le  premier  cas  ,  font  compofées  de 
deux  entravons  qui  font  unis  par  des  an- 
neaux ou  par  une  chaîne  de  frr ,  ou  quel- 
quefois par  une  lanière  non  moins  forte 
que  celles  qui  forment  les  entravons.  Voy. 
ÊNTRAVON.  On  doit  avoir  la  précaution 
d'en  délivrer  l'animal ,  pour  lui  lailfer  plus 
de  liberté  lorfqu'il  veut  fe  coucher.  Il  efi 
bon  aufli  de  faire  attention  que  les  jam- 
bes du  cheval  entravé  très-long-temps , 
peuvent  infenfiblement  s'arquer ,  &  que 
fouvent  par  cette  même  raifon  l'animai 
devient  panard. 

Dans  le  fécond  cas  ,  nous  n'employons 
que  des  entravons  non  unis  ,  mais  fépa- 
rés  ;  nous  les  fixons  ,  ainfi  que  les  premiè- 
res entraves ,  dans  le  pli  des  paturons  des 
quatre  jambes  enfemble  ,  ou  d'une  ou  de 
deux  feulement ,  félon  le  befoin  ,  en  ob- 
fervant  de  les  boucler  de  façon  que  les 
boucles  foient  en  dehors.  Lorlque  notre 
intention  eft  d'empêcher  uniquement  le 
cheval  de  ru^r ,  nous  ne  mettons  nos  en- 
travons qu'aux  extrémités  poflérieures  , 
&  nous  pafTons  une  corde  de  chaque  coté  , 
dans  l'anneau  dont  doit  être  pourvu  cha- 
cun d'eux.  Nous  croifons  enfuite  chacune 
de  ces  cordes  ou  de  ces  longes  fous  le 
ventre  de  l'animal  ,  &  nous  les  arrêtons 
fermement  par  une  feule  boucle  coulante, 
qu'il  nous  eft  facile  de  défaire  prompte- 
ment ,  aux  deux  côtés  de  l'encolure ,  & 
à  des  anneaux  de  fer  dont  eft  garni  un. 
collier  de  cuir  que  nous  avons  paffé 
fur  la  tèît  &  fur  l'encolure  du  che- 
val. Ell-il  queftion  de  l'abattre  &  de  le 
renverfer  ,  les  quatre  paturons  feront  faifis- 
àes  entravons;  nous  attacherons  une  longe 
à  l'anneau  de  l'un  de  ceux  de  devant , 
nous  en  ferons  paffer  l'autre  extrémité  dans 
celui  de  l'autre  entravon  de  ce  même  de- 
vant ,  &  eniuîte  dans  les  deux  anneaux 
de  ceux  de  derrière  :  nous  repaierons  une 
féconde  fois  dans  le  premier  anneau  au- 
quel la  longe  eft  attachée  ;  après  quoi 
plulieurs  hommes  réunifiant  leurs  forces , 


5<To  Ê  N  T 

tireront  cette  longe  ,  &  rapprocheront 
ainfi.  les  pies  de  l'animal ,  qui  ne  pourra 
s'oppofer  à  fa  chute.  C'eft  ainfi  que  nous 
devons  nous  précautionner  contre  les  efforts 
qu'il  feroit  pour  nous  réfifter  ,  &  nous 
mettre  en  garde  contre  les  coups  dont  il 
pourroit    nous    atteindre. 

L'animal  étant  renverfé,  nous  le  pla- 
çons dans  la  iituation  la  plus  convenable 
à  l'opération  que  nous  avons  deffein  de 
pratiquer.  Au  furplus  ,  en  indiquant  les 
moyens  de  le  foumettre  en  conléquence 
des  liens  dont  il  s'agit,  je  n'ai  pas  décrit 
ce  que  font  la  plupart  des  maréchaux 
dans  ces  fortes  de  cas  :  j'en  ai  dit  affez 
pour  inffruire  fur  ce  qu'ils  devroient 
faire.  (  e  ) 

ENTRAVESTISSEMENT  DE 
SANG  ,  (  Jurif prudence.  )  ou  RAVES  - 
TISSEMENT  DE  SANG,  dans 
les  coutumes  de  Cambrai ,  Bethune  ,  Arras 
&  Bapaume  ,  eff  la  fuccefiîon  qui  a  lieu  au 
profit  du  furvivant  des  conjoints. 

Entraveflifjement par  lettres  ,  eff  la  fuc- 
ceffion qui  a  lieu  en  vertu  d'une  fentence 
du  juge.  Il  en  eff  fait  mention  dans  la 
coutume  particulière  de  Collœue  ,  fous 
Artois.  (A) 

ENTRAvON,  f.  m.  (Manège,  Ma- 
réchall.  )  n'eff  autre  chofe  que  la  partie  de 
l'entrave  qui  entoure  précifément  le  patu- 
ron du  cheval.  Voye\  ENTRAVER.  Il  eft 
fait  d'un  cuir  fort  &  épais  ,  d'une  lar- 
geur proportionnée  à  fon  ufage  ,  &  muni 
d'une,  boucle  fervant  à  l'attacher  &  à  le 
fixer ,  ainfi  que  d'un  anneau  de  fer  ,  lorf- 
qu'il  n'eff  point  dcltiné  à  compléter  des 
entraves.  On  a  de  plus  l'attention  de  le 
rembourrer  dans  fa  furface  intérieure , 
afin  qu'il  ne  puiffe  caufèr  aucune  exco- 
riation,   (e) 

ENTREBAS  ou  DEMI -CLAIRES 
VOIES  ,  (  Manufacture  en  Drap.  )  défaut 
du  drap  ,  qui  vient  de  ce  que  la  chaîne 
n'eff  pas  au fli  ferrée  dans  un  endroit  qu'elle 
le  doit  être ,  foit  parce  qu'elle  a  été  mal 
diffribuée  ,  ou  qu'il  y  manque  un  fil ,  ou 
que  le  fil  eff  trop  foible. 

ENTREBATTES,  f.  f.  (Manufacture 
en  Drap.  )  c'eft  dans  les  étoffes  de  fayette- 
rie  ,  qui  fè  fabriquent  à.  Beauvais ,  une 
des   marques  du   maître,  fans   laquelle  il 


E  N  T 

eft  défendu  de  vendre  l'étoffé.  Ce  terme 
fè  dit  auffi  de  deux  barres  ou  bandés 
qu'on  fait  à  chaque  bout  de  la  pièce  ,  avec 
une  trame  de  couleur  différente  de  celle 
de  l'étoffé. 

ENTRECHAT  ,  f.  m.  (  Danfe.  )  c'eft 
un  faut  léger  &  brillant  ,  pendant  lequel 
les  deux  pies  du  danfeur  fe  croifent  rapi- 
dement ,  pour  retomber  à  la  troifieme  pofi- 
tion.    Voyei  POSITION. 

JJ  entrechat  fe  prend  en  marchant ,  ou 
avec  un  coupé.  Le  corps  s'élance  en  l'air , 
&  les  jambes  paflent  également  à  la  troi- 
fieme pofition. 

Il  n'eff  jamais  entrechat  qu'il  ne  foit 
formé  à  quatre  ;  on  le  paffe  à  lix  ,  à  huit  , 
à  dix  ,  &  on  a  vu  des  danfeurs  allez  vigou- 
reux pour  le  palier  à  douze. 

Ce  dernier  n'eff  point  &  ne  fauroit 
jamais  être  théâtral  ;  on  n'ufe  pas  même 
au  théâtre  de  celui  à  dix.  Quelque  vi- 
gueur qu'on  puiffe  fùppofer  au  danfeur  , 
les  pafïages  alors  font  trop  rapides  pour, 
qu'ils  puilént  être  apperçus  par  les  fpe&a- 
teurs. 

Les  excellens  danfeurs  fe  bornent  pour 
l'ordinaire  à  fix  ,  &  le  pafTent  rarement 
à  huit.    Dupré  fe  bornoit  à  fix. 

\J entrechat  emploie  deux  mefures  ;  la 
première  fert  au  coupé  ;  la  féconde  à 
l'élancement  du  corps,  au  battement  & 
au  tomber. 

Il  fe  fait  de  face ,  en  tournant ,  &  de 
côté  ;  &  on  lui  donne  alors  ces  noms 
differens. 

Deruel ,  danfeur  de  l'opéra  du  dernier 
fiecle  ,  faifoit  la  cabriole  en  montant ,  & 
V entrechat  en  tombant. 

Peu  de  danfeurs ,  même  fameux  alors , 
faifoient  V entrechat ,  pas  même  celui  à 
quatre  ,  qu'on  appelle  improprement  demi- 
entrechat. 

J'ai  vu  naître  les  entrechats  des  danfeu- 
fes  ;  mademoifelle  Salley  ne  l'a  jamais  fait* 
fur  le  théâtre  ;  mademoifelle  Camargo  le 
faifoit  d'une  manière  fort  brillante  à  qua- 
tre ;  mademoifelle  Lany  eff  la  première 
danfeufe  en  France  qui  l'ait  pafïé  au  théâtre^ 
a  fix. 

J'ai  entendu  dans  les  commencemens  de 
grands  murmures  fur  l'agilité  de  la  danfè 
moderne:  Ce  ne  fi  pas  ainfi ,  difoit-on, 

que 


ENT 

que  tes  femmes  derroiem  clanfcr.  Que  de- 
vient la  décence  ?  O  temps  !  à  mœurs  !  Ah, 
la  Prévôt  !  la  Prévôt .  .  .  !  Elle  avoit  les 
pies  en  dedans  &  âes  jupes  longues, 
que  nous  trouverions  encore  aujourd'hui 
trop  courtes.  (B) 

*  ENTRE-COLONNE,  (Architec- 
ture. )  On  appelle  entre-colonne  la  diilance 
d'une  colonne  à  l'autre  dans  les  colonnades 
ou  périftiles.  Cette  diilance  n'cft  point 
arbitraire  ;  mais  les  artiftes  ne  font  pas 
d'accord  fur  la  quantité  qu'elle  doit  avoir. 

Vitruve  diiïingue  cinq  efpeces  Centre- 
colonnes  ,  qu'il  nomme  pycnoftile ,  fyflile , 
eujlile  ,  diafhle  &  arœoftile  ,  le  pycnoftile 
eft  le  plus  petit  des  entre-colonnes  ;  Vitruve 
ne  lui  donne  que  trois  modules.  Comme 
lesentre-cclonnes  des  ordres  légers  doivent 
être  moins  grands  que  ceux  des  ordres 
maflirs,  celui-ci  convient  aux  ordres  co- 
rinthien &  compofite  ;  c'eft  fur  cette  pro- 
portion qu'eft  fait  le  périilile  de  l'églife 
de  (aint  Pierre  à  Rome ,  &  on  l'a  remar- 
quée dans  les  ruines  de  quelques  édifices 
de  Palmyre.  Le  fyflile  a  quatre  modules , 
fuivant  Vitruve ,  ou  feulement  trois  mo- 
dules &  demi ,  fuivant  d'autres  qui  lui 
ont  donné  cette  proportion  pour  l'accom- 
moder à  l'ordre  corinthien.  L'euihle  a 
quatre  modules  &  -demi.  Vitruve  regarde 
cette  proportion  ,  qui  tient  le  milieu  entre 
le  pycnoftile  &  l'arasoftile  ,  comme  la  plus 
convenab'e  à  la  folidité  &  à  la  beauté  de 
l'architecture.  Le  même  auteur  donne  fix 
modules  au  diafhle ,  &  huit  modules  à 
I'araeoftile:  quelques-uns  môme  ont  donné 
jufqu'à  dix  modules  à  ce  dernier  ;  dis- 
tance excefllve  qui  ne  convient  à  aucune 
efpece  d'ordre  ,  quelque  maffif  qu'il  puiflé 
être. 

Vignole  &  Scamozzy  ,  s' éloignant  des 
proportions  données  par  Vitruve  ,  ont 
établi  d'autres  règles  qu'ils  ont  cru  plus 
propres  aux  difFérens  ordres.  Voici  le  fyf- 
tême  de  Vignole. 

Il  veut  que  dans  l'ordre  tofcan  il  y  ait 
quatre  modules  deux  tiers  d'intervalle  entre 
le  fût  d'une  colonne  &  celui  de  l'autre , 
cinq  modules  &  demi  dans  l'ordre  dorique 
quatre  modules  &  demi  dans  l'ionique  ; 
&  quatre  modules  deux  tiers  dans  le  corin- 
thien &  le  compofite,  comme  dans  le 
Tome  XIL 


ENT  56c 

tofcan.  On  voit  que  cet  architecte  n'a  au- 
cun égard  au  plus  ou  moins  de  légèreté  de 
l'ordre ,  puiiqu'il  donne  des  intervalles 
égaux  aux  ordres  les  plus  éloignés  les 
uns  des  autres ,  tels  que  le  corinthien  ôc 
le  tofcan. 

Scamozzy  donne  fix  modules  aux  entre- 
colonnes  de  r 'ordre  tofcan:  c'eft  le  diafhle 
de  Vitruve  ;  cinq  modules  &  demi  pour 
les  entre-colonnes  doriques;  cinq  pour  les 
ioniques  ;  quatre  Se  demi  pour  les  com- 
pofites  :  proportion  de  l'euftiledeVitruve  ; 
&  quatre  modules  aux  corinthiens  ,  ce 
qui  eft  encore  le  lyftiîe  des  anciens.  Ces 
proportions  font  préférables  à  celles  dp 
Vignole  ;  elles  conviennent  mieux  à  la  na- 
ture des  ordres.  Scamozzy  établit  une  autre 
règle  particulière  qui  regarde  les  façades: 
il  veut  que  Y  entre-colonne  du  milieu  d'une 
façade  loit  plus  grand  que  ceux  qui  font  à 
droite  &  à  gauche  ;  par  exemple ,  dans 
l'ordre  dorique  ,  Ventre-colonne  du  milieu 
doit  avoir  ,  félon  lui ,  un  frigliphe  &  un 
métope  de  plus  que  lés  autres ,  &  un 
mutule  dans  les  ordres  ionique ,  compofite 
&  corinthien. 

Quelle  que  foit  la  proportion  que  l'ar- 
chitecte adopte  pour  les  entre-colonnes , 
il  doit  avoir  égard  à  l'entablement  des 
ordres  qui  preferit  certaines  lujétions  dont 
il  n'eft  pas  permis  de  s'écarter  en  aucune 
circonftance.  L'ordre  tofcan  efl  le  feul  qui 
s'exécute  (ans  difficulté  ,  parce  qu'on  n'y 
efl  gêné  par  aucun  ornement  :  il  furEt  que 
l'entablement  foit  folidement  établi ,  c'eft- 
à-dire ,  qu'il  n'ait  pas  trop  de  portée.  Dans 
les  ordres  ionique  ,  compofite  &  corin- 
thien, on  doit,  en  réglant  les  entre-colonnes, 
faire  une  jufte  diftribution  des  modillons 
&  des  denticules  ;  mais  principalement 
des  modillons  ,  obfervant  comme  une 
règle  indifpenfable  qu'il  y  en  ait  un  qui 
réponde  à  plomb  au  milieu  de  chaque 
colonne.  Comme  du  relie  l' architecte  efl 
maître  de  placer  tant  les  modillons  que  les 
denticules  à  la  diftance  qu'il  veut  les  uns  âes 
autres  ,  c'eft  à  fon  goût  à  proportionner 
fi-bien  la  grandeur  ,  la  faillie  &  l'elpace  de 
ces  ornemens ,  qu'ils  cadrent  avec  les  entre- 
colonnes ,  &  avec  le  tout  enfemble  de 
l'ordre ,  fans  qu'il  y  ait  rien  de  con- 
traint. 

Bbbfe 


56i  E  N  T 

Toute  la  difficulté  femble  donc  réfervée 
pour  l'ordre  dorique  :  d'abord  les  entre- 
colonnes  ne  doivent  avoir  ni  moins  d'un 
-triglyphe,  ni  plus  de  cinq  ,  en  ne  comp- 
tant que  ceux  qui  font  fur  le  vuide  ,  & 
non  ceux  qui  portent  à  plomb  fur  les 
colonnes  ;  enfuite  cet  ordre  demande  que 
les  métopes  foient  carrés.  Tout  artifle 
qui  s'écartera  de  ces  deux  règles  ,  fera 
juflement  blâmé.  Il  feroit  bien  plus  blâma- 
ble encore  de  fupprimer  ces  ornemens  qui 
caraclerifent  l'ordre  dorique. 

Outre  les  entre-colonnes  dont  on  vient 
de  parler  ,  les  modernes  en  ont  inventé  un 
fixieme  qu'on  nomme  colonnes  couplées  , 
parce  qu'elles  font  deux  à  deux  fort  près 
l'une  de  l'autre  ;  mais  on  obferve  les 
règles  précédentes  entre  chaque  couple. 
Telle  efl  la  belle  colonnade  du  Louvre. 

Les  colonnes  ainfi  couplées  n'ont  qu'un 
piédeftal  commun ,  parce  que  ces  deux 
colonnes  devant  être  aufli  près  l'une  de 
l'autre  qu'il  fe  peut ,  les  bafes  &  les  cor- 
niches de  leurs  piédeflaux  ,  fi  elles  en 
avoient  chacune  un  ,  le  confondaient  en- 
semble ;  ce  qui  leroit  choquant  à  la  vue. 
Quelquefois  encore  toutes  les  colonnes  d'un 
périfHie  ,  foit  couplées  ou  non  couplées , 
ont  un  piédeftal  commun  qui  règne  fur 
toute  la  longueur  du  périflile,  &  qui  n'eit 
ordinairement  qu'à  hauteur  d'appui  :  alors 
on  a  coutume  de  remplir  l'intervalle  d'une 
colonne  à  l'autre ,  par  urebaluftrade  qui  lie 
en  femble  toutes  les  parties  qui  fervent  de 
fbubafTement. 

Enfin ,  il  y  a  une  autre  maniéré  de  cou- 
pler les  colonnes  qui  donne  beaucoup  de 
légèreté  à  l'ordonnance  ;  c'efl  de  ne  les 
l  éloigner  l'une  de  l'autre  qu'autant  qu'il 
efl  néceffaire  pour  leur  donner  à  chacune 
un  piédeftal  particulier  dont  les  bafes  & 
les  corniches  s'approchent  (ans  (e  confon- 
dre. Cette  manière  efl  même  preferite  pour 
deux  colonnes  élevées  fur  deux  autres  ,  car 
autrement  chaque  colonne  fupérieure  ne 
feroit  plus  à  plomb  fur  chaque  coionne 
inférieure, fi  les  plus élevéesétoient  couplées 
comme  les  plus  baflès. 
•  ENTRE-COUPE,  f.  f.  {Coupe  clés 
pierres.)  intervalle  vuide  entre  deux  voûtes 
qui  font  Tune  fur  l'autre ,  en  forte  que  la 
douille  de  la  fupérieure  enveloppe  l'extrados. 


E  N  T 

de  l'inférieure  ,  laquelle  efl  quelquefois 
ouverte  ,  comme  au  dôme  des  Invalides  à 
Paris. 

On  fait  fouvent  des  entre-coupes  pour 
fuppléer  à  la  charpente  d'un  dôme  ,  en 
élevant  une  voûte  pour  la  décoration  exté- 
rieure au  defïùs  de  la  première ,  qui  pa- 
roîtroit  trop  écrafée  au  dehors  ,  comme 
à  S.  Pierre  de  Rome  &  en  plulieurs  autres 
églifes  d'Italie.  (D) 

ENTRE-COUPER  (S'),SE  COUPER, 
S'ENTRE-TAILLER  ,  v.  pail".  Manège, 
Maréchall.  exprefïions  qui  ne  fignilient 
qu'une  feule  &  même  chofe ,  &  par  le 
moyen  defquelles  nous  defignons  Paétiorï 
du  cheval  qui  en  cheminant  s'atteint  à  la 
partie  latérale  interne  du  boulet ,  &  quel- 
quefois à  fa  portion  poftérieure. 

Les  caufes  de  ce  vice  font ,  i°.  la  foi- 
blefle   naturelle:    l'animal   dont  les    reins 
feront  foibles  &  les  membres  peu  propor- 
tionnés ,    s' entre-coupe ra   infailliblement. 
2.0.  Un  vice  de  formation  :  tout  cheval  mal 
planté  &    défe&ueufement    fitué    fur    les 
jambes  ,  foit  qu'il  fbit  ferré  ,   foit  qu'il  foie, 
cagneux  ou  panard  [voye\  JAMBES)  ,  ioic 
enfin  qu'il  foit  crochu  en  dedans  ou  en, 
dehors  {voye\  Jarrets)  ,  ne  pourra  que 
fe  couper.  30.  La  laflitude:    aufli  voyons- 
nous  que  nombre  de  chevaux  s'entre-tail- 
lent  à  la  fuite  d'un  long  voyage.    40.  La. 
parefïè  :  ainfi  les  barbes  ,  dont  l'allure  efl 
communément    froide,    sy entre  -  coupent 
quand  on  les  mené  en  main.  50.  Le  dé- 
faut d'habitude  de  cheminer  :  car  des  pou- 
lains qui  n'ont  pas  été  exercés  ,  fe  coupent 
&   même  s'attrapent  dans  les  commence- 
mens  qu'on  les  travaille.  6°.  Enfin ,  une 
vieille  ,   une    mauvaife    ferrure ,    ou   des 
rivets  qui   débordent ,  puilqu'il  efl  incon- 
teftable  que  la  fource  la  -plus  ordinaire  de 
Yeiuie-taillure ,  efl  dans  l'impéritie  ou  dans  . 
la  négligence  du  maréchal. 

Il  faut  au  iurplus  confidérer  qu'il  y.  a 
une  très-grande  différence  entre  un  cheval 
qui  s* entre-taille,  &  un  cheval  qui  s'attrape: . 
celui  qui  s'entre-taille  y  fe  rrappe  toujours 
au  même  lieu  ;  il  y  a  communément  eiv- 
tamure  ou  plaie  ,  &  le  poil  s'y  montre 
toujours  hériité  :  celui  qui  s'attrape  .s'at- 
teint au  contraire  &  fe  heurte  en  différens 
endroits  ;&  comme  la  partie  contufe  n' efl 


E  N  T 

pas  toujours  la  même ,  le  heurt  n'y  fait  pas 
■■d'impreflion  vifible  &  apparente.  Selon  le 
plus  ouïe  moins  de  fenfibilité  dans  la  partie 
fur  laquelle  a  porté  le  coup ,  l'animal  boite 
le  pas  qui  fuit,  &  ne  boite  plus  après  en 
avoir  cheminé  quelques  autres.  Quand  il 
eft  las  ,  il  bronche  en  s'attrapant  ;  il  tombe 
même  ,  fi  fon  allure  eft  preffée  ,  ou  s'il 
galope.  Ce  défaut  doit  faire  rejeter  un 
cheval  ;  il  eft  d'autant  plus  efîèntiel ,  qu'il 
eft  comme  impoffible  d'y  remédier.  Il  pro- 
vient de  l'action  des  jambes  qui  fe  croifènt 
fans  cefîe  ;  &  il  eft  certain  que  fi  la  bonne 
école  n'a  pu  rien  opérer  ;  il  n'eft  produit 
que  par  une  grande  foiblefle,  contre  laquelle 
tous  les  fecours  de  l'art  feront  toujours 
impuiffans. 

Il  n'en  eft  pas  ainfi  de  V  entre-taillure  ; 
on  peut  y  obvier  par  la  voie  de  la  fer- 
rure ,  foit  que  l'animal  s'entre-taille  d'un 
pié  ,  de  deux ,  ou  de  tous  les  quatre  en- 
semble. Voye\  Ferrure,  (e) 
f  ENTRE-COURS,  f.  m.  (Jurifprud.) 
étoit  anciennement  une  fociété  contrac- 
tée entre g  deux  feigneurs,  au  moyen  de 
laquelle  les  fujets  d'un  feigneur  ,  qui  al- 
loient  demeurer  ou  fè  marier  dans  la  terre 
d'un  autre  feigneur ,  devenoient ,  eux  & 
leurs  enfans  ,  fujets  de  ce  dernier  feigneur. 
C'eft  ainfi  que  le  terme  $  entre-cours  eft 
entendu  dans  quelques  anciennes  charrres, 
<lont  le  glojfaire  de  Ducange  fait  mention 
au  mot  inter-curfus  :  à  quoi  fe  rapporte 
encore  le  chap.  45  des  coutumes  de 
Beauvoifis  ,  par  Beaumanoir. 

Il  arrivoit  fouvent  par-là  qu'un  rotu- 
rier qui  étoit  franc  dans  un  lieu  ,  deve- 
noit  ferf  dans  un  autre ,  parce  qu'en  tranf- 
férant  fon  domicile  dans  un  lieu  où  les 
fujets  du  feigneur  étoient  ferfs ,  &  y  de- 
meurant par  an  &  jour  ,  le  feigneur  du 
lieu  en  acqueroit  la  laifine ,  &  l'homme 
franc  devenoit  de  même  condition  que 
les  autres  fujets  ferfs.  Pour  parer  à  cet 
inconvénient ,  quelques  feigneurs  faifoient 
entr'eux  des  fociétés  par  rapport  à  leurs 
fujets  ,  fuivant  lefquelles  les  fujets  de  l'un 
pouvoient  librement ,  &  fans  danger  de 
perdre  leur  franchise ,  aller  demeurer  dans 
la  feigneude  de  l'autre  feigneur ,  &  même 
s'y  marier  avec  une  perfonne  ferve  ou 
iùjette  de  ce  feigneur.  Ces  fociétés  furent 


E  N  T  563 

aufîz  nommées  entre-cours  ,  &  le  droit  qui 
en  réfultoit  en  faveur  des  fujets  ,  fut 
appelle  droit  d'entre-cours. 

Au  moyen  de  cet  entre-cours  y  l'homme 
franc  ou  bourgeois  qui  pafToit  d'une  fei- 
gneurie  dans  une  autre  ,  devenoit  bien 
l'homme  ou  fujet  du  dernier  feigneur  ; 
mais  il  confervoit  fa  franchife. 

II  y  avoit  pareil  entre-cours  entre  les 
comtes  de  Champagne  &  les  comtes  de 
Bar  ,  comme  il  fe  voit  dans  les  articles  j8 
6"  7,9  de  la  coutume  de  Vitry. 

Le  premier  de  ces  articles  porte  que 
par  Y  entre-cours  gardé  &  obfervé  entre 
les  pays  de  Champagne  &  Barrois,  quand 
aucun  homme  ou  femme ,  né  du  Bar- 
rois,  vient  demeurer  au  bailliage  de  Vi- 
try ,  il  eft  acquis  de  ce  même  fait  au  roi , 
&  lui  doit  fa  jurée  ,  comme  les  autres 
hommes  &  femmes  de  jurée  demeurant 
audit  bailliage;  que  le  roi  eft  en  pofTef- 
fion  &  faifine  de  la  lever  ainfi  fur  eux  ; 
&  que  quand  tels  hommes  ou  femmes 
nés  en  Barrois ,  &  demeurant  au  bailliage 
de  Vitry ,  vont  de  vie  à  trépas  fans  héri- 
tier légitime  demeurant  avec  eux  audit 
pays  ,  &  qui  foit  régnicole  à  l'heure  de 
leur  trépas  ,  le  roi  repréfente  l'héritier 
abfent  ,  leur  fuccede ,  &  prend  leurs 
biens  au  moyen  dudit  entre-cours. 

U  article  fuivant  porte  que  pareillement 
fi  quelqu'un  du  comté  de  Champagne 
va  demeurer  au  duché  de  Bar ,  il  eft  ac- 
quis au  feigneur  duc  ,  au  moyen  dudit 
entre-cours  ;  que  s'il  y  décède  ,  Ces  enfans 
nés  avec  lui  audit  pays  &  duché  au  jour 
de  fon  trépas,  ne  fuccedent  en  fes  biens 
afiis  &  fkués  audit  bailliage  ,  mais  qu'ils 
appartiennent  au  roi  par  droit  d'attrayere  , 
qui  repréfente  lefdits  enfans  abfens;  mais 
s'il  y  avoit  des  héritiers  prochains  ,  de-  • 
meurant  au  bailliage  de  Vermandois  ,  tels 
héritiers  lui  fùccéderoient. 

Les  feigneurs  dérogeoient  aufiî  au  droit 
de  main-morte >  par  rapport  au  mariage 
de  leurs  ferfs  ;  &  par  ics  traités  d'entre- 
cours  qu'ils  faifoient  entr'eux  à  ce  fujet , 
le  fèrf  de  l'un  pouvoit  librement ,  &  fans 
peine  de  for-mariage ,  fe  marier  avec 
une  perfonne  ferve  d'un  autre  feigneur. 
Voye\  le  glojfaire  de  Lauriere  ,  au  mot 
entre-cours, 

Bbbb  1 


564  ENT 

On  trouve  des  exemples  de  ces  entre- 
cours }  tant  par  rapport  au  domicile  que 
pour  les  mariages ,  dans  l'hiftoire  de 
Verdun  ,  aux  preuves  }  pag.  i  5  &  1$. 

Le  droit  d'entre-cours  eft  quelquefois 
appelle  parcours  y  quoique  ce  dernier  terme 
s'applique  plus  ordinairement  aux  conven- 
tfons  qui  ont  trait  à  la  réciprocité  du  pâ- 
turage entre  deux  feigneuries.  Voye\  PAR- 
COURS. (A) 

ENTRE-DUERO-E-MINHO,  (Ge'og. 
mod.)  c'eft  une  des  provinces  du  Portu- 
gal ;  elle  a  environ  dix-huit  lieues  de  lon- 
gueur fur  autant  de  largeur.  Brague  en 
tft  la  capitale. 

ENTRE-DEUX ,  f.  m.  (Drap.)  il  fe  ' 
dit    de   quelques    endroits  d'une    étoffe , 
où  elle  n'a   pas  été  tondue  aflez  ras.  On 
ne    répare  ce  défaut  qu'en  y  repartant  la 
force. 

ENTRÉE  ,  f.  f.  (Grammaire.)  fe  dit 
généralement  au  fimple,  de  toute  ouver- 
ture qui  conduit  du  dehors  d'un  lieu  au 
dedans  de  ce  lieu.  Ce  mot  fe  prend  au 
figuré  ,  pour  le  commencement ,  le  début. 

EtrÉE  ,  fedit,  en  Aftronomie ,  du 
moment  auquel  le  foleil  ou  la  lune  com- 
mence à  parcourir  un  des  fignes  du  zodia- 
que. Ainû  on  dit  Ventrée  du  Soleil  ou  de 
la  Lune  dans  le  Bélier,  dans  le  Taureau, 

&c.  Voye\  Signe  ,  Soleil  ,  &c. 

On  fe  fert  auilî  du  mot  entrée  dans  ces 
phrafes  :  Ventrée  de  la  Lune  dans  V ombre  , 
dans  la  pénombre  ,  &c.  Voye\  ECLIPSE. 

ENTRÉES ,  f.  f.  pi.  (ffifi.  anc.)  privilège 
accordé  à  des  particuliers  d'être  admis 
auprès  des  rois  &  des  princes  ,  dans  certains 
temps  &  à  certaines  heures. 

La  coutume  des  rois ,  des  princes ,  & 
des  grands  feigneurs ,  de  distinguer  leurs 
courtifans  &  les  perfonnes  qui  leur  font  atta- 
chées par  les  différentes  entrées  qu'ils  feur 
donnent  chez  eux  ,  eft  une  coutume  fort 
ancienne.  Séneque  ,  dans  fon  livre  IV,  des 
bienfaits,  chap.  xxiv.  nous  inllruit  que 
C.  Gracchus  &  Livius  Drufus  }  tribuns  du 
peuple ,  en  furent  les  auteurs  à  Rome. 
«  Parmi  nous  ,  dit-il ,  Gracchus  &  après 
»  lui  Livius  Drufus  ,  ont  commencé  à  fé- 
w  parer  la  foule  de  leurs  amis  &  de  leurs 
»  courtifans ,  en  recevant  les  uns  en  parti- 


ENT 

»  culier  ,  les  autres  avec  plusieurs  ,  &  les 
»   autres  avec  tout  le  monde.  » 

Les  premiers  étoient  appelles  propiores y 
ou  primi  amici ,  ou  primai  admijjionis  ;  les 
amis  de  la  première  entrée  :  les  féconds , 
fecundi  amici ,  ou  fecundee  admijjionis  ,  les 
amis  de  la  féconde  ;  &  les  derniers ,  infe- 
riores  amici  3  ou  ultimœ  admijjionis  ;  les 
amis  qui  n'avoient  que  les  dernières  en- 
trées. 

Cet  ufage  qui  avoit  été  long-temps  in- 
terrompu ,  &  qui  ne  fubfiftoit  point  à  la 
cour  d'Augufte  ,  fut  rétabli  par  Tibère  , 
qui,  comme  Suétone  nous  l'apprend,  par- 
tagea fa  cour  en  ces  trois  claiTes  ,  &  appella 
la  dernière  la  clajje  des  Grecs  ,*  parce  que 
les  Grecs  étoient  des  gens  dont  on  faiibic 
alors  peu  de  cas  ,  &  qui  n'entroient  que 
les  derniers  chez  cet  empereur. 

La  coutume  dont  je  parle  fe  perdit 
encore  après  Tibère  ;  elle  fut  renou- 
vellée  par  d'autres  empereurs ,  &  elle  prit 
enfin  de  fi  fortes  racines  fous  Conftantin , 
qu'elle  s' eft  toujours  conlervée  depuis ,  & 
qu'il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'on  la  laide 
tomber  :  au  fond  ,  il  eft  bien  jufte  que 
les  princes  aient  la  même  prérogative  & 
la  même  liberté  que  fe  donnent  les  parti- 
culiers ,  de  recevoir  différentes  perfonnes 
chez  eux  à  différentes  heures ,  les  unes 
plutôt ,  les  autres  plus  tard  ,  félon  qu'elles 
leur  font  ou  agréables  ,  ou  néceffaires.  Ce- 
pendant aujourd'hui  ce  qu'on  appelle  en- 
trées dans  les  cours  de  l'Europe  ,  eft  u» 
privilège  Spécialement  attaché  à  certains 
emplois  &  à  certaines  charges  ,  d'entrer  à 
certaines  heures  dans  la  chambre  des  rois  , 
quand  les  autres  n'y  entrent  pas.  C'eft 
donc  un  droit  que  donne  la  charge  ,  & 
non  la  perlonne  ;  c'eft  une  pure  étiquette 
qui  ne  prouve  point  de  confiance  particu- 
lière du  prince  dans  ceux:  qui  jouiffenf, 
de  ce  droit.  Voye\  V article  ÉTIQUETTE. 
(de  Jaucovrt) 

ENTRÉE,  (Hifl.  mod.)  réception  folem- 
neîîe  qu'on  fait  aux  rois  &  aux  reines 
lorfqu'iis  entrent  la  première  fois  dans  les 
villes ,  ou  qu'ils  viennent  triomphans  de 
quelque  grande  expédition. 

Ces  fortes  de  cérémonies  varient  fui  van  t 
le  temps ,  les  lieux ,  les  nations  ;  mais 
elles  font  toujours  un  monument  des  ufages 


E  N  T 

des  difïerens  peuples,  &  de  la  diverfité 
de  ces  ulages  dans  une  même  nation  , 
lefquels  font  communément  un  excellent 
tableau  de  caractère  :  c'étoit  ,  par  exem- 
ple ,  un  ipeclacle  fîngulier  que  l'appareil 
de  décorations  profanes  &  de  mafearades 
de  dévotion  qui  le  voyoit  en  France  aux 
entrées  des  rois  &  des  reines  ,  dans  le  xv 
fiecle.  L'auteur  des  effai s  fur  Paris,  qui 
parurent  dans  l'année  (1754,  in-iz.) 
en  donne  une  efquiffe  tirée  d'après  l'hii- 
toire ,  qu'il  fuffira  de  rapporter  pour 
exemple  :  il  feroit  trop  long  de  tranlcrire 
ici ,  même  par  extrait  ,  ce  que  j'ai 
recueilli  fur  cette  matière  avant  &  depuis 
Charles  VIL 

Comme  les  rois  &  les  reines  (  dit  l'au- 
teur dont  je  viens  de  parler  )  failoient  leurs 
entrées  par  la  porte  Saint-Denis  ,  on 
tapifleit  toutes  les  rues  fur  leur  palTage  ,  & 
on  les  couvroit  en  haut  avec  des  étoffes  de 
/oie  &  des  dr?ps  camelotés  ;  des  jets  d'eaux 
cle  lenteurs  parfumoient  l'air ,  le  lait  &  le 
vin  coûtaient  de  piuiieurs  fontaines.  Les 
députés  des  fix  corps  de  marchands  por- 
toient  le  dais.  Les  corps  de  métiers  (ùivoient 
à  cheval,  repréfentant  en  habits  de  caradere 
les  fept  péchés  mortels;  lesfept  vertus  ,  foi , 
■cfpérance  ,  charité  ,  juitice  ,  prudence  , 
force  ,  &  tempérance  ;  la  mort ,  le  purga- 
toire ,  Tenter  &  le  paradis. 

Il  y  avoir  de  diftance  en  dillance  des 
théâtres  où  des  acteurs  pantomimes  ,  mêlés 
avec  des  chœurs  de  mufique ,  repréien- 
foient  des  hiftoires  de  l'ancien  &  du  nou- 
veau teftament,  le  facrifice  d'Abraham  , 
le  combat  de  David  contre  Goliath  ,  l'â- 
neffe  de  Balaam  prenant  la  parole  pour  la 
porter  à  ce  prophète  ,  des  bergers  avec 
leurs  troupeaux  dans  un  bocage ,  à  qui 
l'ange  annonçoit  la  naifïance  de  Notre- 
Seigncur  ,  &  qui  chantoient  le  Gloria  in 
exceljis  Deo }  &c.  &  pour  lors  le  cri  de 
joie  étoit  Noël  y  Noël.  Voye\  Comédie 

SAINTE. 

A  Y  entrée  de  Louis  XI,  en  146 1  ,  on 
imagina  un  nouveau  fpectacle  :  Devant  la 
fontaine  du  Ponceau,  dit  Malingre, p.  2.08 
de/es  antiquités  &  annales  de  Paris  (ou- 
vrage plus  pafTable  que  ceux  qu'il  a  publiés 
depuis)  étoient  plujieurs  belles  filles  en 
fy  renés  toutes  nuesjlefquclles  en  f ai/ara  voir 


E    N     T  565 

leur  beaufein  ,  chantoient  de  petits  motets 
de  bergerettes  >  fort  doux  &  charmans. 

Il  paroît  qu'à  Ventrée  de  la  reine  Anne 
de  Bretagne  ,  on  poufla  l'attention  jufqu'à 
placer  de  dillance  en  diibnce  ,  de  petites 
troupes  de  dix  ou  douze  perfonnes,  avec 
des  pots-de-chambre  pour  les  dames  & 
demoiiéiies  du  cortège  qui  en  auroient 
befoin. 

Ajoutez  fur-tout  à  ces  détails ,  la  des- 
cription curieufe  que  le  P.  Daniel  a  donnée 
dans  Ion  hiiloire  de  France ,  de  Ventrée  de 
Charles  Vil,  &  vous  conviendrez  en  raf- 
lemblant  tous  les  faits  ,  que  quoique  ces 
fortes  de  réjouifiànces  ne  ibient  plus  du 
goût ,  de  la  politefîe  ,  &  des  mœurs  de 
notre  fiecle  ,  cependant  elles  nous  prouvent 
en  général  deux  chofes  qui  fubiiiîent  tou- 
jours les  mêmes;  je  veux  dire  i°.  la  paf- 
fion  du  peuple  François  pour  les  fpedacles 
quels  qu'ils  foient ,  1°.  Ton  amour  &  fbn 
attachement  inviolable  pour  nos  rois  &  pour 
nos  reines. 

Je  ne  parle  pas  ici  des  cérémonies  d'entrées 
de  princes  étrangers  ,  légats  ,  ambafTadeurs, 
miniitres  ,  Ùc.  ce  n'eil  qu'une  vaine  éti- 
quette de  cérémonial  dont  toutes  les  cours 
paroifîènt  laffes  ,  &  qui  finira  quand  la 
principale  de  l'Europe  jugera  de  fon  in- 
térêt de  montrer  l'exemple,  {de  Jau- 

COURT.) 

ENTRÉE  ,  (Jurifp.)  lignifie ,  dans  cette 
matière  ,  acquijition ,  prife  depojpj/ion.  On 
appelle  deniers  d'entrée ',  ceux  qui  (ont  payés 
par  le  nouveau  propriétaire  au  précédent , 
pour  entrer  en  jouiiiance.  V.  DENIERS. 
Entrage  cil  ce  qui  fe  paie  au  feigneur  pour 
le  droit  d'entrée  ,  c'ell-à-dire ,  pour  la  mu- 
tation. (A) 

Entrée, (Comm.)dro\t  ou  impôt  qu'on 
levé  au  nom  du  fouverain  fur  les  marchan- 
difes  qui  entrent  dans  un  état,  loit  par  terre> 
foit  par  mer  ,  fuivant  le  tarif  qui  en  ell 
drefle ,  &  qui  doit  être  affiché  en  lieu 
apparent  dans  les  bureaux  où  l'on  exige  ces 
droits. 

Les  droits  d'entrée  le  paient  auili  enFrance 
fur  les  marchandifes  qui  entrent  dans  les 
provinces  qui  font  réputées  étrangères  ,  & 
il  y  en  a  d'autres  encore  qui  fe  lèvent  à 
l'entrée  de  quelques  villes. 

Lorfque  le  droit  d'entrée  de  quelque  mar- 


1&6  E  'N  T 

chandife  n'eft  pas  réglé  par  le  tarif ,  on  le 
rpaie  par  efhmation  ,  c'efl-à-dire  ,  à  propor- 
tion de  ce  qu'une  autre  marchandife  ,  a 
peu  près  de  même  qualité ,  a  coutume  de 
payer. 

Les  droits  d'entrée  fe  paient,  y  compris  les 
caifïès ,  tonneaux  ,  ferpilieres  ,  cartons  , 
pailles  ,  toiles  &  autres  emballages  ,  à  la 
réferve  des  drogueries  &  épiceries  ,  fur 
ielquelles  les  emballages  font  déduits. 

Tous  fortes  de  marchandiies  ne  peu- 
vent entrer  en  France  par  toutes  fortes  de 
villes  &  de  ports  ,  même  en  payant  les 
droits ,  mais  lèulement  pour  certaines  mar- 
chandiies par  les  lieux  qui  leur  (ont  mar- 
qués, ou  par  les  ordonnances  ,  ou  par  les 
arrêts  du  confeil ,  comme  les  drogueries  & 
-épiceries  par  la  Rochelle  ,  Rouen  &  Calais , 
Bordeaux  ,  Lyon  &  Marfeilïe;  les  chevaux, 
par  Dourlens ,  Peronne ,  Amiens ,  &c.  les 
manufactures  étrangères,  par  Saint-Valéry, 
Calais  ,  Ùc.  &  ainfi  de  quelques  autres. 

Les  peines  contre  ceux  qui  veulent  faire 
entrer  des  marchandifes  en  fraude ,  font  la 
confifeation  de  ces  marchandiies  ,  &  des 
équipages  &  harnois,  &  une  amende  flatuée 
par  les  arrêts  &  ordonnances.  Voye\  Con- 
TREBANDE,  DROIT  &  TARIF.  Dicl.  de 
Corn  m.  de  Trév.  &  Chamb.  (G) 

ENTRÉE  ,  {Comm.)  terme  de  teneur  de 
livres  en  parties  doubles.  L' 'entrée  du  grand 
livre,  c'en1  l'état  des  débiteurs  &  créditeurs 
portés  par  la  balance  ou  le  bilan  du  livre 
précédent.  Voye\  LIVRES.  (G) 

ENTRÉE  ,  (Danfe.)  air  de  violon  fur 
lequel -les  divertifîêmens  d'un  aé'te  d'opéra 
entrent  fur  le  théâtre.  On  donne  aufli  ce 
nom  à  la  danfe  même  qu'on  exécute.  Ce 
font  ordinairement  les  chœurs  de  danfe  qui 
paroiflènt  fur  cet  air  ;  c'eft  pour  cette  raifon 
.-qu'on  les  nomme  corps  d'entrée.  Ils  en 
danfent  un  commencement  ;  un  danfeur 
eu  une  danfeufè  danfe  un  commencement 
&  une  fin  ,  &  les  chœurs  reprennent  la 
dernière  fin.  Chaque  danfe  qu'un  danfeur 
•ou  une  danfèufe  exécute  ,  s'appelle  auffi 
entrée.  On  lui  donne  encore  le  nom  de  pas. 
Voye\  Pas.  Un  maître  fort  fupérieur,  avec 
qui  j'ai  conféré  fouvent  fur  cette  matière, 
rn'a  confié  un  réfultat  de  fes  obfer-yations, 
^qui  peut  être  fort  utile  à  l'art.  Le  voici. 
vDgnsxoiue  entrée  -de  danfe  ,,  le  danfeur , 


E  N  T 

a  qui  on  fuppofe  de  la  vigueur  &  de  l'ha- 
bileté ,  a  trois  objets  principaux  &  indif- 
penfables  à  remplir.  Le  premier  ,  les  con- 
traries perpétuels  de  la  force  &  de  la  grâce, 
en  oblervant  que  la  grâce  fuive  toujours 
les  coups  de  vigueur.  Le  lecond  ,  l'efprit  de 
l'air  que  les  pas  doivent  rendre  ;  car  il  n'efl 
point  d'air  de  danlè,  quelque  plat  que  le 
mufîcien  puiffe  le  faire ,  qui  ne  préfente 
une  forte  d'cfprit  particulier  au  danfeur 
qui  a  de  l'oreille  &  du  goût.  Le  froifieme  , 
de  former  toujours  fa  danfe  dé  pas  ,  &  de 
ne  les  facrifier  jamais  aux  fàuts  :  ceux-ci 
font  plus  ailes  à  faire  que  les  autres.  Le 
mélange  fage  de  tous  les  deux  forme  la 
danfe  agréable  &  brillante. 

Chaque  partie  féparée  des  ballets  an- 
ciens étoit  nommée  entrée.  Dans  les  mo- 
dernes ,  on  a  conlèrvé  ce  nom  à  chacune 
des  actions  féparées  de  ces  poèmes.  Ainfî 
on  dit  :  l'entrée  de  Tibulle  dans  les  fêtes 
Greques  &  Romaines  eff.  fort  ingénieu- 
fe  ,  c'eff.  une  des  meilleures  entrées  de 
ballet  que  nous  ayions  à  l'opéra.  Vroye\ 
Ballet. 

Ce  nom  qu'on  donne  encore  aux  di- 
verfes  parties  de  ces  fortes  d'ouvrages  , 
doit  faire  connoître  aux  commençans ,  & 
quelle  eft  l'origine  de  ce  genre  difficile, 
tk  quelle  doit  être  leur  coupe  pour  qu'ils 
foient  agréables  au  public;  c'eft  lur-tout 
cette  méchantque  très-peu  connue  qui 
paroît  fort  aifee ,  &  qui  fourmille  de 
difficultés  qu'il  faut  qu'ils  étudient  Voyei^ 

Coupe. 

Il  feroit  ridicule  que  l'on  y  fît  com- 
mencer l'action  dans  un  lieu ,  &  qu'on  la 
dénouât  dans  un  autre.  Le  temps  d'une 
entrée  de  ballet  doit  être  celui  de  l'action 
même.  On  ne  fuppofe  point  des  inter- 
valles ;  il  faut  que  l'action  qu'on  veut  ' 
repréfenter  fe  patte  aux  yeux  du  fpecla- 
teur,  comme  fi  elle  étoit  véritable.  Quant  à 
fa  durée ,  on  juge  bien  que  puilque  le  ballet 
exige  ces  deux  unités  ,  il  exige  à  plus 
forte  raifon  l'unité  d'action  :  c'eff  la  feule 
qu'on  regarde  comme  indifpenfable  dans 
le  grand  opéra  ;  on  le  diipenie  de  deux 
autres.  Uentrée  de  ballet  y  au  contraire  , 
eu  aftreinte  à  toutes  les  trois.  Voye\ 
Ballet,  Opéra,  Poème  lyri-* 
que.  (B) 


E  NT 

ENTRÉE  ,  {Serrurerie)  c'eft  l'ouver- 
ture par  laquelle  la  clef  entre  dans  la 
ferrure. 

ENTRE -FERS  ou  ENTRE  DEUX 
.FERS,  {Commerce.)  il  fe  dit,  dans  le  poids 
des  marchandifes  ,  de  l'arrêt  ou  du  repos 
de  la  lance  ou  du  fléau"*  exactement  au 
milieu  de  la  chape  ;  fi  la  lance  ou  le  fléau 
incline  un  peu  de  l'un  ou  de  l'autre  côté 
des  deux  plats  de  la  balance  ,  on  dit  aiors , 
que  le  trait  eft  forcé.  Il  faut  que  le  trait 
fort  ou  forcé  loir  du  côté  de  la  mar- 
chandife  ,  c'eft-à-dire  ,  que  h  màrchan- 
difei'emporte  un  peu  en  pefanteur  fur  fon 

ENTRE-FESSON,  voye^  PÉRINÉE. 

ENTRE-H1VERNER  ,  {Agriculture.) 
c'en1  donner  un  labour  aux  champs  pen- 
dant l'hiver.  Comme  ce  travail  eit  fait 
entre  les  temps  de  gelée  qui  le  luccedent 
dans  cette  faifon  ,  le  mot  entre  -hiverner 
peut  avoir  été  deftiné  à  exprimer  qu'on 
laboure  entre  les  difFérens  hivers  qui  fe 
fùivent  de  la  forte.  (  Hr  ) 

ENTREJÛU,  f.  m.  (  Jurif prudence.) 
terme  ulité  dans  quelques  coutumes  & 
anciens  titres ,  pour  exprimer  un  certain 
efpace  néceflaire  pour  donner  cours  à  l'eau. 
Suivant  la  coutume  de  Berri  ,  tom.  xvjy 
article  z  ,  chacun  peut  en  fon  héritage  , 
par  lequel  pafle  aucun  fleuve  ou  rivière 
non  navigable  ni  publique  ,  faire  édifier 
moulin,  pourvu  que  le  lieu  foit  difpofë 
pour  ce  faire  ;  à  favoir  qu'il  y  ait  faut  & 
entre j ou  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  y  ait  de  l'es- 
pace pour  faire  une  abée  ou  lanciere  par 
où  l'eau  puhTe  avoir  cours  quand  le  mou- 
lin ne  va  pas.  Vqye^ÇujaSyObferpat.  2.4, 
chap.  xx'w.  &  le  gloJJ'aire  <&  Lauriere  , 
au  mot  Entre jou.  Voyez  ju/TTLanciERE. 
(A) 

ENTRELAS,  f.  m.  en  Architecture  , 
ornement  compote  de  iifteaux  &  de  fleu- 
rons liés  &  croifés  les  uns  avec  les  autres, 
qui  fe  taille  fur  les  moulures  &.  dans  les 
frifes,  (P) 

Entrelas    d'appui  ,  {Sculpture.  ) 

ornemens  à  jour ,  de  pierre  ou  de  marbre  , 

qui  fervent  quelquefois  au  lieu  de   baluP 

.très  pour'  remplir   les  appuis  évuidés  des 

tribunes  ,  balcons  ,   &  rampes  d'efcalier. 

&.1 


ENT  567 

ENTRELACÉ ,  adj.  en  terme  de  Bla- 
fon  ,  fe  dit  de  trois  croiflans ,  de  trois  an- 
neaux, &  autres  chofes  femblables  ,  pafïees 
les  unes  dans  les  autres. 

Bourgeois  en  Bourgogne,  d'azur  à  trois 
annelets  entrelacés  l'un  dans  l'autre  en 
triangle  d'or. 

ENTRE-LIGNE  ,  f.  f.  ou ,  comme  on 
dit  ordinairement ,  INTERLIGNE  ,  c'eft 
l'efpace  qui  eft  entre  deux  lignes  d'ecricure. 
On  ne  doit  rien  ajouter  dans  les  acles 
entre-lignes;  il  eft  plus  convenable  de  faire 
des  renvois  &  apoftilles  en  mar^e  :  en  tout 
cas,  les  entre-lignes  ou  interligne- .  .-.e  font 
valables  qu'autant  qu'ils  font  approuvés 
parles  parties,  notaires  &  témoins.  (A) 

ENTREMETS,  f  m.{HiJl.  moderne.) 
Le  mot  entremets  s'eft  dit  pendant  long- 
temps au  lieu  de  celui  à' intermède  ,  dans 
nos  pièces  de  théâtre  ;  entremets  de  la  tra- 
gédie de  Sophonisbe  dans  les  œuvres  de 
Baïf  ;  il  fignifioit  une  efpece  de  fpeclacle 
muet  ,  accompagné  de  machines  ;  une  re- 
préfentation  comme  théâtrale  où  l'on  voyoit 
des  hommes  &"  des  bêtes  exprimer  une 
action  ;.  quelquefois  des  bateleurs  &  au- 
tres gens  de  cette  efpece  y  faifoient  leurs 
tours. 

Ces  ^divertiiffemens  avoient  été  imaginés 
pour  occuper  les  convives  dans  l'intervalle 
des  fervices  d'un  grand  feftin  ,  dans  l'entre- 
deux  d'un  mets  ou  fervice  à  un  autre  mets  \ . 
d'ouïe  vaot  entremets  a  pafle  dans  nos  ta- 
bles pour  défigner  iimplemenr  le  fervice 
particulier  qui  eft  entre  le  rot  &  le  fruit,, 
&  les  divertifïemens  fe  font  évanouis. 

Ces  divertifïemens  anciens  ,  qui  méri- 
toient  bien  mieux  le  nom  d'entremets  que 
le  fervice  de  nos  tables  honoré  aujourd'hui  ■ 
de  cette  qualification  ,  éroient    des  ipeéta- 
cles  fort  finguliers  qu'on  donnoit  du  temps 
de  l'ancienne  chevalerie  ,  le  jou^d'tin  ban- 
quet, pour  rendre,  la  fête  plus  magnifique 
&:  plus  iolemnelle.  Il  laut  lire  tout  ce  qui 
concerne  ces  fêtes  dans  Yhiftoire  de  la  che- 
valerie de  M.  de  Saint-Palaye  ;  il  en  parle 
avec  autant  de   connoifïànce    que  s'il  eût  ' 
vécu  dans  ces  temps-là  ,  &  qu'il  eût  écrit 
fon  ouvrage  en  ailiftant  aux  banquets  des  ■ 
preux  chevaliers. 

On  voyoit  paronre  dans  la  falle  divérfès  - 
décorations  ,  des  machines  .,  des  figures  • 


$£8  E   N   T 

d'hommes  &  cPanimaux  extraordinaires  , 
des  arbres  ,  des  montagnes  y  des  rivières  , 
une  mer  ,  des  vaiflêaux  ;  tous  ces  objets 
entremêlés  de  perfonnages  ,  d'oifeaux  ,  & 
d'autres  animaux  vivans  ,  ctoient  en  mou- 
vement dans  la  falle  ou  fur  la  table  ,  & 
repréfentoient  des  actions  relatives  à  des 
entreprifes  de  guerre  &  de  chevalerie  ,  fur- 
tout  à  celles  des  croifades. 

Il  eft  vraifemblable  que/ufage  des  en- 
tremets dans  les  banquets  ,  V étoit  introduit 
avant  le  règne  de  fàint  Louis  :  suffi  furent- 
ils  employés  aux  noces  de  fon  frère  Ro- 
bert, à  Compiegne  ,  en  12.37.  Une  chroni- 
que manuferite  de  S.  Germain  fait  une 
ample  defeription  des  entremets  qui  fe  vi- 
rent au  feflin  que  Charles  V  donna,  en 
1378,  au  roi  des  Romains,  fils  de  l'empe- 
reur Charles  de  Luxembourg  ,  que  les 
indhpofïtions  empêchèrent  de  s'y  trouver. 
Mais  rien  n'efï  plus  curieux  que  le  détail 
que  Matthieu  de  Couci ,  &  Olivier  de  la 
Marche  nous  ontlahTé  delà  fête  donnée 
à  Lille  ,  en  1453  ?  Par  Philippe  le  Bon  , 
duc  de  Bourgogne  ,  à  'toute  là  cour  &  à 
toute  la  noblelfc  de  (es  états ,  pour  la  croi- 
fade  contre  les  Turcs  qui  venoient  d'ache- 
ver la  conquête  de  l'empire  d'Orient  par 
la  prife  de  Conitantinople.  Je  pourrois 
citer  un  grand  nombre  d'autres  repréfen- 
tations  femblables  ,  qui  furent  long-temps 
à  la  mode  dans  nos  cours  ,  mais  ces  cita- 
tions feroient  inutiles  après  les  exemples 
que    nous  venons  de  rapporter. 

On  vit  encore  les  relies  de  cette  an- 
cienne magnificence  au  mariage  du  prince 
de  Navarre  ,  en  1572. ,  avec  la  fœur  du  roi; 
de  même  qu'à  la  fuite  d'un  autre  teftin  , 
que  la  reine  donna  l'année  fuivante  au  duc 
d'Anjou  ,  roi  de  Pologne.  Le  goût  de  ces 
plaifirs  s'eft  confervé  à  Florence  jufqu'en 
1600 ,  fuMmt  la  defeription  du  banquet 
donné  dans  cette  ville  pour  le  mariage  de 
Marie  de  Médicis  avec  Henri   IV. 

Enfin  la  mode  des  entremets  s'évanouit 
entièrement  au  commencement  du  xvij 
fiecle.  Louis  XIV  fit  fuccéder  d'autres 
magnificences ,  mieux  entendues  ,  dignes 
de  lui ,  &  qui  ont  auffi  ceffé.  Elles  ont 
été  remplacées  par  un  genre  de  luxe  plus 
général ,  plus  voluptueux  ,  qui  fe  répète 
journellement ,  &  qui  préfente  à  nos  yeux 


E  N  T 

'  toute  la  moîlefle  ou  l'ennui  des  Si  Santés. Ar- 
ticle de  M.  le  chevalier  n  e  Ja  uco  ur  t. 
ENTREMETTEUR  ,  f.  m.  dans  le 
Commerce ,  elf  un  médiateur  qui  intervient 
entre  deux  marchands,  pour  faciliter  quel- 
que marché  ou  négociation. 

Les  commerçans  fe  fervent  plus  ordi- 
nairement du  terme  d'agent  de  change  ,  fi 
c'efî  pour  des  remifes  d'argent  ou  autres 
affaires  de  banque  ;  &  de  celui  de  courtier 
lorfqu'il  s'agit  d'achat  ou  de  vente  de  mar- 
chandifes.  Voye\  AGENT  DE  CHANGE  & 
COURTIER.  Dictionnaire  du  Commerce, 
de  Trévoux y  &  de    Charniers.  (G) 

ENTREMISES  ,  f.  f.  (Manne)  ce  font 
de  petites  pièces  de  bois  ,  qui  étant  pofées 
dans  un  vaiilèau  entre  les  autres  ,  les  tien- 
nent fujettes  &  fervent  auffi  à  les  renfor- 
cer. Voye\9PL  iV^fig.  1  ,  n.  zzy,\cs 
entremifes  du  lecond  pont  au  milieu  enrre 
les  caillebotis  ;  n.  z  48  ,  entremifes  du 
gaillard  derrière  au  milieu  entre  les  caille- 
botis. 

Entremifes  emmorto:  fées  dans  les  équil- 
letes  ,  &  régnant  le  long  des  ferre  -  bou- 
quieres. 

Entremifes  Ce  dit  auffi  de  certaines  pie- 
ces  de  bois  qui  font  pofées  entre  les  ta- 
quets ou  fuleaux  du  cabeflan  ,  pour  [es 
tenir.   (Z) 

ENTRE-NERF,  f,  m.  pi.  {Reliure.) 
ce  font  les  efpaces  que  laiflênt  entr'eux  , 
fur  le  dos,  les  ficelles  auxquelles  les  livres 
font  coufus.  On  remplit  les  entre-nerfs  de 
dorure.  Voye\  DORER. 

ENTRE-PLANTER ,  v.  aâ.  (Agri- 
culture.) c'eft  planter  du  cherclu  à  la  place 
des  ieps  qui  ont  manqué. 

ENTRE-POINTILLÉ,  adj.  il  fe  dit, 
che\  les  Graveurs  en  bois  ,  des  tailles  entre 
leiquelle.s  il  y  a  du  pointillé.  Tailles  entre- 
pointillés.  (Papillon.) 

ENTREVAUX  ,  (Géographie.)  ville 
de  Provence  ,  en  France  ;  elle  efl  fituée 
fur  le  Var.  Long.  £.4  y  4.6  ,  lat.  44.  z. 

ENTR'OUVERT  ,  adj.  (Manege^Ù 
Maréchallerie.)  cheval  qui  a  fait  un  eiFort 
violent.    Voye\  ECART. 

ENTR'OUVERTURE  ,  f.  f.  (Manège 
^Maréchallerie.)  terme  par  lequ  el  on  dé- 
fignela  maladie  qui  réfulte  d'un  violent 
écart.  Voyez  ECART,  (e) 

ENTRE-PAS,. 


E  NT 

ENTRE-PAS ,  f.  m.  (Manège.)  allure  | 
défe&ueufè  ,  train  rompu  du  cheval.  Voye\ 
Manège,  (e) 

ENTRE-PILASTRE,  f.  m.  en  Archi- 
tecture ,  c'eft  l'efpace  qui  eft  entre  deux 
pilaftres.  (P) 

ENTREPOSER ,  v.  ad.  (Commerce.) 
mettre  des  marchandifes  dans  un  magafin 
d'entreDÔt.   Voye^  ENTREPÔT.  (P) 

-ENf  REPOSEUR  ,  f.  m.  (Commerce) 
commis  qui  a  foin  d'un  magafin  ou  d'un 
bureau  d'entrepôt. 

L'auteur  du  dictionnaire  de  commerce 
obferve  que  ce  terme  eft  nouveau  ,  &  ne 
le  trouve  dans  aucun  ade  public  avant  la 
déclaration  du  roi,  du  10  octobre  1723  , 
qui  accordant  à  la  compagnie  des  Indes 
l'exploitation  de  la  vente  exclufive  du 
café  ,  porte  qu'elle  pourra  établir  des  ma- 
gafins ,  bureaux  &  entrepôts ,  &  y  pré- 
pofer  tels  receveurs  ,  gardes-magafins  ,  & 
entrepofeurs  ,  en  tel  nombre  &  dans  telles 
villes  &  lieux  qu'elle  jugera  "néceffaire. 
Dicl.  de  Comm.  de  Tre'v.&Chambers.  (G) 
ENTREPOT,  f.  m.  (Commerce)  lieu 
de  réferve  où  l'on  dépofe  quelque  chofe 
qui  vient  du  dehors ,  &  où  on  le  garde 
pendant  quelque  temps  pour  l'en  tirer  & 
pour  l'envoyer   ailleurs. 

Villes  d'entrepôt ,  font  des  villes  dans 
lesquelles  arrivent  des  marchandifes  pour 
y  être  déchargées  ,  mais  non  pas  vendues , 
&  d'où  elles  paffent  aux  lieux  de  leur  def- 
tination ,  en  les  chargeant  fur  d'autres  voi- 
tures ,  foit  par  terre  ,  foit  par  eau.  Srnyrne 
eft  la  principale  ville  du  Levant  où  les 
François ,  les  Anglois ,  les  Hollandois ,  & 
les  autres  nations  font  t entrepôt  de  leurs 
magafins  pour  la  Perfe  &  Les  états  du 
grand-feigneur.  Batavia  eft  V entrepôt  de  la 
compagnie  de  Hollande,  pour  le  com- 
merce des  Indes  orientales.  Nous  avons 
en  France  plufieurs  villes  d'entrepôt,  tant 
pour  les  marchandifes  qui  viennent  de  l'é- 
tranger ,  que  pour  celles  du  royaume  qui 
doivent  palier  dans  les  états  voiflns. 

CommiJJîonnaires  d'entrepôt;  ce  font  des 
fadeurs  qui  rélident  dans  les  villes  d'entre- 
pôt ,  où  ils  ont  foin  de  retirer  les  marchan- 
difes qui  arrivent  pour  leurs  commettans, 
&  de  les  leur  faire  tenir.  Voye\  COMMIS- 
SIONNAIRE. 

Tome   XII. 


ENT  5£<> 

Magafin  d'entrepôt ,  eft  un  magafin  établi 
dans  quelques  bureaux  des  cinq  greffes 
fermes  ,  en  conféquenc%  de  l'ordonnance 
de  1664  &  de  celle  de  1684. ,  pour  y  rece- 
voir les  marchandifes  deftinées  pour  les- 
pays  étrangers.  Les  villes  où  il  y  a  de  ces 
fortes  de  magafins  ,  font  la  Rochelle  ,  In- 
grande,  Rouen,  le  Havre -de- Grâce  , 
Dieppe,  Calais,  Abbeville  ,  Guiie  ,  Troyes, 
&c  Saint-Jean  de  Lofne.  Les  étrangers  &  les 
François  ont  également  droit  d'y  interpofer 
leurs  marchandifes  ,  qui  rie  font  fujettes  à 
aucun  droit  d'entrée  &  de  fortie ,  pourvu 
qu'elles  (oient  transportées  hors  du  royaume 
dans  fix  mois  ,  par  les  mêmes  lieux  par  les- 
quels elles  font  entrées. 

Ces  magafins  font  fermés  à  deux  clefs  , 
dont  une  refte  entre  les  mains  du  fermier, 
l'autre  en  celles  d'un  député  des  marchands. 
Pour  y  interpofer  des  marchandifes,  les 
négocians  ou  voituriers  doivent  repréfenter 
leurs  lettres  de  voiture  ou  connoiflemens 
au  commis,  avec  la  déclaration  en  détail 
de  ce  qui  eft  contenu  dans  les  ballots  & 
paquets ,  pour  en  être  fait  la  vérification  & 
être  enfuite  (celles  &  plombés.  Aucune 
marchandée  ne  peut  ètreinterpofée,  à  moins 
que  la  deftination  n'en  foit  faite  par  lefdites 
lettres  de  voiture  &  connoiflemens  ,  & 
elle  ne  peur  être  enfuite  vendue  dans  le 
royaume ,  à  peine  de  confifeation  &  de  cinq 
cents  livres  d'amende. 

Tout  autre  magafin  d'entrepôt ,  hors  ceux 
qui  font  marqués  ci-defîùs ,  font  défendus 
dans  les  quatre  lieues  proche  les  frontières 
de  la  ferme  ,  &  dans  les  huit  lieues  près  de 
la  ville  de  Paris,  à  peine  de  confifeation 
&  de  trois  cents   livres  d'amende. 

Entrepôt,  fe  prend  auili  pour  une  per- 
fonne  interpofe'e.  Ecrire  par  entrepôt ,  c'eft 
écrire  par  le  moyen  d'une  perlonne  dont 
on  eft  convenu  avec  fon  correfpondant. 
Dictionnaire  de  commerce,  de  Trévoux  &  de 
Chambers.  (G) 

Entrepôt  de  Tabac.  C'eftle  lieu  où 
l'on  vend  le  tabac.  Le  tabac  eft  une  herbe 
originaire  des  pays  chauds  ,  ammoniacale  , 
acre,  cauftique ,  narcotique  venéneufe  , 
laquelle  cependant  ,  préparée  par  l'art  ,  eft 
devenue  dans  le  cours  d'un  fiecle  ,  par  la 
bizarrerie  de  la  mode  &  de  l'habitude ,  la 
plante  la  plus  cultivée ,  la  plus  recherchée, 
Cccc 


57o  E  N  T 

&  l'objet  des  délices  de  prefque  tout  le 
monde  qui  en  fait  ufage  ,  foit  par  le  nez  , 
en  poudre  ;  Toit  en  fumée  ,  avec  des  pipes  ; 
foit  en  machicatoife  ,  foit  autrement. 

On  ne  la  connoît  en  Europe  ,  que  depuis 
la  découverte  de  l'Amérique  ,  par  les  Efpa- 
gnols  ;  &  en  France  ,  depuis  Tan  1560.  On 
dit  qu'Hermandès  de  Tolède  eft  un  des 
premiers  qui  l'aient  envoyée  en  Efpagne  & 
en  Portugal.  Les  auteurs  la  nomment  en 
latin  nicotiana,  petun^m,  tabacum,  &c.  Les 
Américains  qui  habitent  le  continent ,  l'ap- 
pellent petun  ,  &  ceux  des  îles  ,  y  oit. 

Les  François  lui  ont  suffi  donné  fucce- 
livement  diflérens  noms.  Premièrement ,  ils 
l'appellerent  nicotiane  ,  de  Jeai>Nicot ,  am- 
bafîàdeur  de  François  II ,  auprès  de  Sébas- 
tien ,  roi  de  Portugal,  en  1 5 59 ,  1560  & 
1^61  ;  miniftre  connu  des  favans  par  divers 
ouvrages  ,  &  principalement  par  fon  dic- 
tionnaire François-Latin  ,  in- fol.  dont  notre 
langue  ne  peut  fe  palier.  Il  envoya  cette 
plante  de  Portugal  en  France  ,  avec  de  la 
graine  pour  en  fèmer ,  dont  il  fit  prêtent  à 
Catherine  de  Médicis ,  d'où  vient  qu'on  la 
nomma  herbe  à  la  reine.  Cette  princefie  'ne 
put  cependant  jamais  la  faire  appeller  mé- 
dicée.  Enfuite  on  nomma  le  tabac  ,  herbe 
du  grand-prieur ,  à  caufe  du  grand-prieur 
de  France  de  la  maifon  de  Lorraine ,  qui 
en  ufoit  beaucoup  ;  puis  V herbe  de  fainte- 
croixy  &  X herbe  de  tournabon  y  du  nom  des 
deux  cardinaux ,  dont  le  dernier  étoit  nonce 
en  France  ,  &  l'autre  en  Portugal  ;  mais 
enfin ,  on  s'eft  réduit  à  ne  plus  l'appeller 
que  tabac ,  à  l'exemple  des  Efpagnols ,  qui 
nommo;ent  tabaco  l'inftrument  dont  ils  fe 
fervoierft   pour  former  leur  petun. 

Sa  racine  eft  annuelle  ;  fon  calice  eft  ou 
long  ,  tubuleux ,  &  partagé  en  cinq  quar- 
tiers longs  &  aigus  ;  ou  ce  calice  eft  court, 
large,  &  partagé  en  cinq  quartiers  obtus. 
Sa  fleur  eft  monopétale  ,  en  entonnoir ,  dé- 
coupée en  cinq  fegmens  aigus  &  profonds, 
étendus  en  étoile  ;  elle  a  cinq  étamines  ;  fon 
fruit  eft  membraneux  ,  oblong  ,  ron- 
delet ,  &  divifé  par  une  cloifan  en  deux  cel- 
lules. 

On  compte  quatre  efpeces  principales  de 
tabac  ;  [avoir  ,  i°.  nicotiana  major ,  lati- 
folia ,  C.  B.  P.  en  François  grand  tabac, 
grand  pîtun  \  2/°,  nicotiana  major  3  augufti 


E  N  T 

folia,  I.R.B.  C.B.  P.  30.  nicotiana  minor, 
C.  B.  P.  40.  minor  yfoliis  rugojioribus . 

La  première  efpece  poufïê  une  tige  à  la 
hauteur  de  cinq  ou  fix  pies  ,  grolïê  comme 
le  pouce ,  ronde  ,  velue ,  remplie  de  moelle 
blanche.  Ses  feuilles  font  très-larges  épaiflès, 
moliaiiès ,  d'un  verd  fàle ,  d'environ  un 
pié  de  long  ,  fans  queue  ,  velues ,  un  peu 
pointues  ,  nerveufes  ,  glutineufes  au  tou- 
cher ,  d'un  goût  acre  &  brûlant.  Ses  fleurs 
croiflènt  au  iommet  des  tiges  ;  elles  font 
d'un  rouge  pâle,  divifées  par  les  bords  en 
cinq  fegmens ,  &  reflèmblant  à  de  longs 
tubes  creux.  Ses  vaiflèaux  féminaux  font 
longs  ,  pointus  par  le  bout,  divifés  en  deux 
loges,  &  pleins  d'un  grand  nombre  de 
petites  femences  brunes.  Sa  racine  eu 
fibreufe ,  blanche,  d'un  goût  fort  âcie. 
Toute  la  plante  a  une  odeur  fort  nauiëa- 
bonde.  Cette  efpece  diminue  confiderable- 
ment  en  léchant,  &  comme  on  dit  aux 
iles  ,  à  la  pente  ;  cette  diminution  cil  caufe 
que  les  Anglois  en  font  moins  de  cas  que 
de  la  féconde  efpece.  En  échange  ,  c'eft 
celle  qu'on  préfère  pour  la  culture  en  Alle- 
magne, du  coté  d'Hanovre  &  de  Stras- 
bourg ,  parce  qu'elle  eft  moins  délicate. 

La  féconde  efpece  diffère  de  la  précé- 
dente ,  en  ce  que  fes  feifilles  -font  plus 
étroites  ,  plus  pointues  ,  &  attachées  à  leur 
tige  par  des  queues  afiez  longues  ;  fon  odeur 
eft  moins  forte ,  fa  fumée  plus  douce  & 
plus  agréable  au  fumeur.  On  cultive  beau- 
coup cette  efpece  dans  le  Bréfd ,  à  Cuba, 
en  Virginie  &  en  d'autres  lieux  de  l'Amé- 
rique ,  où  les  Anglcis  ont  des  établi  fïèmens. 

La  troifieme  efpece  vient  des  colonies 
Françoifes ,  dans  les  Indes  occidentales ,  & 
elle  réuflit  fort  bien  dans  nos  climats. 

La  quatrième  efpece  ,  nommée  petit 
tabac  Anglois  ,  eft  plus  baffe  &  plus  petite 
que  les  précédentes.  Ses  tiges  ,  rondes  & 
velues ,  s'élèvent  à  deux  ou  trois  pies  de 
hauteur.  Ses  feuilles  inférieures  font  affez 
larges,  ovales,  émoufîees  par  la  pointe, 
&  gluantes  au  toucher  ;  elles  font  plus  pe- 
tites que  les  feuilles  des  autres  efpeces  de 
tabacs  ;  celles  qui  croiffent  fur  les  tiges  , 
font  auiïï  plus  petites  que  les  inférieures, 
&  font  rangées  alternativement.  Ses  fleurs 
font  creufes*  &  en  entonnoir  ;  leurs  feuilles 
font  divifées  par  le  bord  en  cinq  fegmens  j 


E  N  T 

elles  font  d'un  verd  jaunâtre,  &  placées 
dans  des  calices  velus.  Ce  tabac  a  la  femence 
plus  grofle  que  la  première  efpece  ;  cette 
îemence  fe  forme  dans  des  vaiifeaux  fémi- 
naux  ;  on  la  feme  dans  des  jardins  ,  &  elle 
.fleurit  en  juillet  &  en  août. 

Toutes  les  nicotianes  dont  on  vient  de 
parler,  font  cultivées  dans  les  jardins  bo- 
taniques par  curiofité  ;  mais  le  tabac  fe 
cultive  pour  Pillage  en  grande  quantité 
dans  plufieurs  endroits  de  l'Amérique  ,  lur- 
rout  dans  les  îles  Antilles  ,  en  Virginie ,  à 
la  Havane  ,  au  Bréiil  ,  auprès  de  la  ville  de 
Comana  ,  &  c'efl  ce  dernier  qu'on  nomme 
tabac  de  Verine. 

Le  tabac  croît  auffi  par-tout  en  Perfe  , 
particulièrement  dans  la  Sufiane  ,  à  Hama- 
dan  ,  dans  la  Caramanie  déferte  >  &  vers  le 
fem  Perfique;  ce  dernier  cil  le  meilleur. 
On  ne  fait  point  fi  cette  plante  efl  origi- 
naire du  pays  ,  ou  fi  elle  y  a  été  tranfportée. 
On  croit  communément  qu'elle  y  a  paffé 
d'Egypte  ,  &  non  pas  des  Indes  orientales. 
II  nous  vient  du  tabac ,  du  levant  ,  des 
côtes  de  Grèce  &  l'Archipel ,  par  feuilles 
attachées  enfemble.  Il  s'en  cultive  auffi  beau- 
coup en  Allemagne  &  en  Hollande.  Avant 
que  fa  culture  fut  prohibée  en  France  ,  elle 
y  étoit  très-commune ,  &  il  réuffifïbit  à 
merveille  ,  particulièrement  en  Guienne  , 
du  côté  de  Bordeaux  &  de  Clerac  ,  en 
Bearn  ,  vers^  Pau  ;  en  Normandie  ,  aux  en- 
virons de  Léry  ;  &  en  Artois ,  près  Saint- 
Paul. 

On  ne  peut  voir,  fans  furprife,  que  la 
poudre  ou  la  fumée  d'une  herbe  vené- 
neufe  ,  foit  devenue  l'objet  d'une  fenfation 
délicate  prefque  univerfelle  :  l'habitude  y 
changée  en  pafïîon  ,  a  promptement  excité 
un  zèle  d'intérêt  pour  perfectionner  la  cul- 
ture &  la  fabrique  d'une  chofe  fi  recher- 
chée ;  &  la  nicotiane  efl  devenue,  par  un 
goût  général,  une  branche  très-étendue  du 
commerce  de  l'Europe  ,  &  de  celui  d'Amé- 
rique. 

A  peine  fut-elle  connue  dans  les  jardins 
des  curieux,  que  divers  médecins,  ama- 
teurs des  nouveautés  ,  l'employèrent  inté- 
rieurement &  extérieurement  à  la  guérifon 
des  maladies.  Ils  en  tirèrent  des  eaux  dif- 
îilées  ,  &  de  l'huile  par  infufion  ou  par 
délation  ;  ils  en  prép.îfërcnt  ac's  lirons  & 


ENT  J7l 

des    onguens,    qui   fubfifîent    encore  au- 
jourd'hui. 

Ils  la  recommandèrent  en  poudre  ,  en 
fumée,  en  machicatoire,  en  errhine,pour 
purger ,  difoient-ils ,  le  cerveau  ,  &  le  dé- 
charger de  fa  pituite  furabondante.  Ils 
louèrent  fes  feuilles  appliquées  chaudes 
pour  les  tumeurs  œdémateufes  y  les  dou- 
leurs de  jointures  ,  la  paralyfie  ,  les  furon- 
cles ,  la  morfure  des  animaux  venimeux  ; 
ils  recommandèrent  auffi  ces  mêmes  feuilles 
broyées  avec  du  vinaigre ,  ou  incorporées 
avec  des  graines  en  onguent ,  &  appliquées 
à  l'extérieur  pour  les  maladies  cutanées  ; 
ils  en  ordonnèrent  la  fumée  ,  dirigée  dans 
la  matrice  ,  pour  les  fufFocations  utérines  ; 
ils  vantèrent  la  fumée  ,  le  fuc  &  l'huile  de 
cette  herbe  ,  comme  un  remède  odontal- 
gique  ;  ils  en  prefcrivirent  le  firop  dans  les 
toux  invétérées  ,  l'allume ,  &  autres  mala- 
dies de  la  poitrine.  Enfin ,  ils  inondèrent  le 
public  d'ouvrages  compofés  à  la  louange 
de  cette  plante  ;  tels  font  ceux  de  Monardes, 
d'Everhartus ,  de  Néander,   &c. 

Mais  plufieurs  autres  médecins  ,  éclairés 
par  une  théorie  &  une  pratique  plus  fa- 
vante ,  penferent  bien  différemment  des 
propriétés  du  tabac  pour  la  guérifon  des 
maladies;  ils  jugèrent,  avec  raifon,  qu'il 
n'y  avoit  prefque  point  de  cas  où  fon  ufage 
dût  être  admis.  Son  âcreté  ,  fa  cauflicité , 
fa  qualité  narcotique  le  prouvent  d'abord . 
Sa  laveur  nauféabonde  efl  un  figne  de  fa 
vertu  émétique  &  cathartique  ;  cette  faveur, 
qui  efl  encore  brûlante  &  d'une  acrimonie 
qui  s'attache  fortement  à  la  gorge,  montre 
une  vertu  purgative  très-irritante.  Mais  en 
même  temps  que  la  nicotiane  a  ces  quali- 
tés,, fon  odeur  fétide  indique  qu'elle  agit 
par  flupéfa&ion  furies  efprits  animaux,  de 
même  que  le  flramonium ,  quoiqu'on  ne 
puifïê  expliquer  comment  elle  poflède  à  la 
fois  une  vertu  flimulante  &  fomnifere  ; 
peut-être  que  fa  narcoticite  dépend  de  la 
vapeur  huileufe  &  fubtile  dans  laquelle  fon 
odeur  confifle. 

.Sa  poudre  forme,  par  la  feule  habitude, 
une  titillation  agréable  fur  les  nerfs  delà 
membrane  pituitaire.  Elle  y  excite  ,  dans  le 
commencement ,  des  mouvemens  convul- 
fifs  ,   cnfuiteune  fenfation  plus  dôu'e,  & 


m-eat 


H  Ê 


pot 

c 


572  E  N  T 

touillement,  que  cette  poudre  {bit  plus 
aiguifée  &  plus  pénétrante.  C'eft  ce  qui  a 
engagé  des  détailleurs,  pour  débiter  leur 
tabac  aux  gens  qui  en  ont  fait  un  long  ufage  , 
de  le  fufpendre  dans  des  retraits,  afin  de 
le  rendre  plus  acre  >  plus  piquant ,  plus 
fort  ;  &  il  faut  avouer  que  l'analogie  eft 
bien  trouvée.  D'autres  le  mettent  au  ka- 
rabé  pour  l'imbiber  tout  d'un  coup  d'une 
odeur  ammoniacale ,  capable  d'affecîer  l'or- 
gane ufé  de  l'odorat. 

La  fumée  du  tabac  ne  devient  un  plaifir 
à  la  longue  ,  que  par  le  même  méchanifme  ; 
mais  cette  habitude  eft  plus  nuifible  qu'utile. 
Elle  prive  l'eftomac  du  fuc  falivaire  qui  lui 
eft  le  plus  néceuaire  pour  la  digeftion  ;  aufli 
les  fumeurs  font-ils  obligés  de  boire  beau- 
coup pour  y  remédier  ,  &  c'eft  par  cette 
raifon  que  le  tabac  fupplée  dans  les  camps 
à  la  modicité  des  vivres  du  malheureux 
foldat. 

La  m&chication  du  tabac  à  les  mêmes  in- 
convéniens  ,  outre  qu'elle  gâte  l'haleine  , 
les  dents ,  &  qu'elle  corrode  les  genci- 
ves. 

Ceux  qui  fe  font  avifés  d'employer  pour 
remède  le  tabac  en  petits  cornets  dans  les 
narines ,  &  de  l'y  laifîèr  pendant  le  fommeil , 
ont  bientôt  éprouvé  le  mauvais  effet  de 
cette  herbe  ;  car  fcs  parties  huileufes  &  fub- 
tiles ,  tombant  dans  la  gorge  &  dans  la 
trachée-artere  ,  caufent  au  réveil ,  des  toux 
feches  &  des  vomiffemens  violens. 

Quant  à  l'application  extérieure  des 
feuilles  du  tabac ,  on  a  des  remèdes  beau- 
coup meilleurs  dans  toutes  les  maladies  , 
pour  lefquelles  on  vante  l'efficace  de  ce  to- 
pique. Sa  fumigation  eft  très-rarement 
convenable  dans  les  fufTocations  de  la  ma- 
trice. 

L'huile  du  tabac  irrite  fouvent  le  mal 
des  dents  ;  &  quand  elle  le  diflïpe,  cen'eft 
qu'après  avoir  brûlé  le  nerf  par  {a  caufticité. 
Si  quelques  pcrfonnes  ont  appaifé  leurs 
douleurs  de  dents ,  en  fumant  la  nico- 
tiane ,  ce  font  des  gens  qui  ont  avalé  de  la 
fumée  ,  &  qui  s'en  font  enivrés.  On  ne  per- 
fuadera  jamais  aux  Phyficiens  qui  con- 
noiffent  la  fabrique  délicate  des  poumons , 
que  le  firop  d'une  plante  acre  &  caufti- 
que  fbit  recommandable  dans  les  maladies 
de  la  poitrine. 


ENT 

La  décoction  des  feuilles  de  tabac  eft  ua 
vomitif,  qu'il  n'eft  guère  permis  d'em- 
ployer ,  foit  de  cette  manière ,  foit  en 
remède  ,  que  dans  les  cas  les  plus  pref- 
fàns ,  comme  dans  l'apoplexie  &:  la  lé- 
thargie. 

L'huile  diftilée  de  cette  plante  eft  un  fi 
puiffant  émétique ,  qu'elle  excite  quelque- 
fois le  vomiilement ,  en  mettant  pendant 
quelque  temps  le  nez  fur  la  fiole  dans 
laquelle  on  la  garde.  Un  petit  nombre  de 
gouttes  de  cette  huile  injedées  dans  une 
plaie  ,  caufe  des  accidens  mortels ,  comme 
l'ont  prouvé  des  expériences  faites  fur 
divers  animaux  ,  par  Harderus  &  Redi. 

Si  quelque  recueil  académique  contient 
des  obièrvations  ridicules  à  la  louange  du 
tabac ,  ce  font  aflurément  les  mémoires  des 
curieux  de  la  nature  ;  mais  on  n'eft  pas  plus 
fàtisfait  de  celles  qu'on  trouve  dans  la 
plupart  des  auteurs  contre  l'ufage  de  cette 
plante.  Un  Pauli ,  par  exemple  ,  nous  allure 
que  le  tabac  qu'on  prend  en  fumée ,  rend 
le  crâne  tout  noir.  Un  Borrhy  }  dans  une 
lettre  à  Bartholin ,  lui  mande  qu'une 
ptrfonne  s'étoit 'tellement  defïéchée  le  cer- 
veau à  force  de  prendre  du  tabac ,  qu'après 
«  fa  mort  on  ne  lui  trouva  dans  la  tête  qu'un 
grumeau  noir ,  compofé  de  membranes. 
Il  eft  vrai  que  dans  le  temps  de  tous  ces 
écrits,  le  tabac  avoit  allumé  une  guerre 
civile  entre  les  médecins,  pour  ou  contre 
(on  ufage  ,  &  qu'ils  employèrent  fans  fcru- 
pule,  le  vrai  &  le  f;ux  pour  faire  triom- 
pher leur  parti.  Le  roi  Jacques  lui-même  , 
fe  mêla  de  la  querelle  ;  mais  fi  Ion  règne 
ne  fut  qu'incapacité  ,  fon  érudition  n'étoit 
que  pédanterie.    (D.  J.) 

Culture  du  tabac.  Ce  fut  vers  l'an  iÇio 
que  les  Eîpagnols  trouvèrent  cette  plante 
dans  le  Jucatan  ,  province  de  la  Terre- 
Ferme  \  &  c'eft  de  là  que  fa  culture  a 
paffé  à  Saint  -  Domingue ,  à  Mariland  , 
&  à  la  Virginie.. 

Vers  l'an  1560,  Jean  Nicot  ,  à  fon 
retour  de  Portugal,  préfenta  cette  plante 
à  Catherine  de  Médicis  ;  ce  qui  fit  qu'on 
I'appella  la  nicotiane.  Le  cardinal  de  Sainte- 
Croix  &  Nicolas  Tornaboni  la  vantèrent 
en  Italie  fous  le  nom  iïherbe  fainte ,  que 
les  Efpagnols  lui  avoient  donné  à  caufe  de 
les  vertus.  Cependant  l'herbe  fainte ,  loin 


E  N  T 

d'être  également  accueillie  de  tout  le  monde*,* 
alluma  la  guerre  entre  les  favans  ;  les  igno- 
rans  en  grand  nombre  y  prirent  parti ,  &  les* 
femmes  même  fe  déclarèrent  pour  ou  con- 
tre une  choie  qu'elles  ne  connoirîoient  pas 
mieux  que  les  affaires  férieufes  qui  fe  pal- 
foient  alors  en  Europe  ,  &  qui  en  changè- 
rent  toute  la   face. 

On  fit  plus  de  cent  volumes  à  la  louange 
ou  au  blâme  du  tabac,  un  Allemand  nous 
en  a  confervé  les  titres.  Mais  malgré  les 
adverlaires  qui  attaquèrent  l'ufàge  de  cette 
plante ,  fon  luxe  feduifît  toutes  les  nations  , 
&  fe  répandit  de  l'Amérique  jufqu'au 
Japon. 

Il  ne  faut  pas  croire  qu'on  le  combattit 
feulement  avec  la  plume  ;  les  plus  puiffans 
monarques  le  profcrivirent  très-févércment. 
Le  grand  duc  de  Mofcovie ,  Michel  Féde- 
rowits  ,     voyant    que    la  capitale  -  de  les 
états  ,  bâtie  de  maiions  de  bois ,  avoit  été 
prefque  entièrement  confumée  par   un  in- 
cendie ,    dont    l'imprudence   des    fumeurs 
qui   s'endormoient    la  pipe  à  la    bouche  , 
fut  la  caufe  ,  défendit    l'entrée  &  l'ufage 
du  tabac  dans  Ces  états  ;  premièrement  fous 
peine   de   la  baflonade,   qui   efl    un  châ- 
timent très-cruel    en   ce  pays-là;    enfuite 
fous  peine  d'avoir  le  nez  coupé  ;  &  enfin  , 
de  perdre  la  vie.  Amurath  IV  ,    empereur 
des  Turcs ,  &  le  roi  de  Perfe  Scach-Sophi 
firent  les  mêmes  défenfes  dans  leurs  em- 
pires &  fous  les  mêmes  peines.  Nos  mo- 
narques d'occident ,    plus  rufés  politiques  , 
chargèrent  de  droits  exorbitans  l'entrée  du 
tabac    dans    leurs   royaumes,  &  laifïèrent 
établir  un    ufage   qui  s'ef^  à  la  fin  changé 
en    nécefllté.   On  mit  en  France  en   1629 
trente  fous  par  livre  d'impôt  fur  le  pétun , 
car  alors  le  tabac   s'appelloit  ainfi  ;  mais 
comme   la    confommation  de  ce   nouveau 
luxe  efl  devenue  de  plus  en  plus  confidé- 
rable,  on  en  a  multiplié   proportionnelle- 
ment les  plantations  dans  tous  les  pays  du 
monde.    On    peut  voir   la    manière   dont 
elles  fe  font  à  Ceylan  ,  dans  les    Tranfacl. 
philof.  n°.  zy$  ,  p.  z  14$  &  fuiv.  Nous 
avons  fur- tout  des  ouvrages  précieux  écrits 
en  Anglois  ,    fur  la  culture    du    tabac  en 
Mariland  &  en  Virginie  ;  en  voici  le  précis 
fort  abrégé. 

On  ne'connoû  en  Amérique  que  quatre 


r         i        .       E    N   T  '7Î 

fortes  de  tabacs  ;  le  pétun ,  le  tabac  à  lan- 
gue ,  le  tabac  d'amazone  ,  &  le  tabac  de 
Verine  ;  ces  quatre  elpeces  fleurirent  & 
portent  toutes  de  la  graine  bonne  pour  fe 
reproduire ,  toutes  les  quatre  peuvent  croître 
à  la  hauteur  de  5  ou  6  pies  de  haut  ,  & 
durer plufieurs  années,  mais  ordinairement 
on  les  arrête  à  la  hauteur  de  deux  pies  ,  & 
on  les  coupe  tous  les  ans. 

Le  tabac  demande  une  terre  gralîe  , 
médiocrement  forte ,  unie  ,  profonde ,  & 
qui  ne  foit  pas  fujette  aux  inondations  ;  les 
terres  neuves  lui  font  infiniment  plus  pro- 
pres que  celles  qui  ont  déjà  fervi. 

Après  avoir  choifi  fon  terrain  ,  on  mêle 
la  graine  du  tabac  avec  fix  fois  autant  de 
cendre  ou  de  fable ,  parce  que  fi  on  la  fe- 
moit  feule  ,  fa  petiteife  la  feroit  pouffer 
trop  épais ,  &  il  feroit  impoflible  de  tranf- 
planter  la  plante  fans  l'endommager.  Quand 
la  plante  a  deux  pouces  d'élévation  hors 
de  terre  ,  elle  efl  bonne  «à  être  tranfplantée. 
On  a  grand  foin  de  farder  les  couches ,  & 
de  n'y  laifler  aucunes  mauvaifes  herbes  , 
dès  que  l'on  peut  diflinguer  le  tabac  ;  il  doit 
toujours  être  feul  &  bien  net. 

Le  terrain  étant  nettoyé  ,  on  le  partage 
en  allées  diflantes  de  trois  pies  les  unes  des 
autres  ,  &  parallèles ,  fur  lefquelles  on 
plante  en  quinconce  des  piquets  éloignés 
les  uns  âes  autres  de  trois  pies.  Pour  cet 
effet,  on  étend  un  cordeau  divifé  de  trois 
en  trois  pies  par  des  nœuds ,  ou  quelques 
autres  marques  apparentes ,  &  l'on  plante 
un  piquet  en  terre  à  chaque  nœud  ou 
marque. 

Après  qu'on  a  achevé  de  marquer  les 
nœuds  du  cordeau ,  on  le  levé ,  on  l'étend 
trois  pies  plus  loin  ,  obfervânt  que  le 
premier  nœud  ou  marque  ne  correfponde 
pas  vis-à-vis  d'un  des  piquets  plantés  ,  mais 
au  milieu  de  l'efpace  qui  fe  trouve  entre 
deux  piquets ,  &  on  continue  de  marquer 
ainfi  tout  le  terrain  avec  des  piquets ,  afin 
de  mettre  les  plantes  au  lieu  des  piquers , 
qui  ,  de  cette  manière  ,  fe  trouvent  plus 
en  ordre  ,  plus  ailées  à  farder ,  &  éloignées 
les  unes  des  autres  fuffifamment  pour  pren- 
dre la  nourriture  qui  leur  efl  nécefîaire. 
L'expérience*  fait  connoître  qu'il  efl  plus  4 
propos  de  planter  en  quinconce  ,  qu'en, 
carré  ,  &  que  les  plantes  ont  plus  d'elpacs 


574  ENT 

pour  étendre  leurs  racines  ,  &  pouffer 
les  feuilles ,  que  fi  elles  faifoient  des  carrés 
parfaits. 

II  faut  que  la  plante  ait  au  moins  fix 
feuilles  pour  pouvoir  être  tranfplantée.  Il 
faut  encore  que  le  temps  fort  pluvieux  ou 
tellement  couvert,  que  Ton  ne  doute  point 
•que  la  pluie  ne  (bit  prochaine  ;  car  de 
tranfplanter  en  temps  fec  ,  c'eft  rifquer  de 
perdre  tout  fon  travail  &  (es  plantes.  On 
levé  les  plantes  doucement ,  &  fans  en- 
dommager les  racines.  On  les  couche  pro- 
prement dans  des  paniers  ,  &  on  les  porte 
à  ceux  qui  doivent  les  mettre  en  terre.  Ceux- 
<\  font  munis  d'un  piquet  d'un  pouce  de 
diamètre ,  &  d'environ  quinze  pouces  de 
longueur  ,  dont  un  bout  eft  pointu,  & 
l'autre    arrondi. 

Ils  font  avec  cette  efpece  de  poinçon  un 
trou  à  la  place  de  chaque  piquet  qu'ils 
lèvent ,  &  y  mettent  une  plante  bien  droite  , 
les  racines  bien  étendues  :  ils  l'enfoncent 
jufqu'à  l'oeil ,  c'eïl-à-dire  ,  jufqu'à  la  naif- 
fance  des  feuilles  les  plus  baffes  ,  &  pref- 
fent  mollement  la  terre  autour  de  la  racine, 
afin  qu'elle  foutienne  la  plante  droite  fans 
îa  comprimer.  Les  plantes  ainfi  miles  en 
ferre,  &  dans  un  temps  de  pluie,  ne  s'ar- 
rêtent point ,  leurs  feuilles  ne  fouffrent  pas 
la  moindre  altération  ,  elles  reprennent 
en  24  heures  ,  &  profitent  à  merveille. 

Un  champ  de  cent  pas  en  carré  contient 
environ  dix  mille  plantes  :  on  compte  qu'il 
faut  quatre  perfonnes  pour  les  entretenir  , 
&  qu'elles  peuvent  rendre  quatre  mille 
livres  pefant  de  tabac ,  félon  la  bonté  de 
la  terre ,  le  temps  qu'on  a  planté  ,  &  le  foin 
qu'on  en  a  pris  ;  car  H  ne  faut  pas  s'imaginer 
qu'il  n'y  a  plus  rienàfaire,  quand  la  plante 
eft  une  fois  en  terre.  Il  faut  travailler  fans 
celTe  à  farder  les  mauvaifes  herbes ,  qui 
confbmmeroient  la  plus  grande  partie  de 
fa  nourriture.  Il  faut  l'arrêter ,  la  rejeton- 
ner  ,  ôter  les  feuilles  piquées  de  vers  ,  de 
chenilles ,  &  autres  infectes  ;  en  un  mot 
avoir  toujours  les  yeux  &  les  mains  defîùs 
jufqu'à  ce  qu'elle  foit  coupée. 

Lorfque  les  plantes  font  arrivées  à  la 
hauteur  de  deux  pies  &  demi,  ou  environ  , 
&  avant  qu'elles  fieuriiTent ,  on  les  arrête  , 
c'eft-à-dire  ,  qu'on  coupe  le  fommet  de 
chaque    rke-,  pour   IVnpecljer  de  croître 


ENT 

*  de  fleurir  ;  &  en  même  temps  on  arrache 
les  feuilles  les  plus  baffes ,  comme  plus  dif- 
T^ofées  à  toucher  la  terre ,  &  à  fe  remplir 
d'ordures.  On  ôte  aufli  toutes  celles  qui 
font  viciées ,  piquées  de  vers  ,  ou  qui  ont 
quelque  difpofition  à  la  pourriture  ,  &  on 
fè  contente  de  laifîer  huit  ou  dix  feuilles 
tout  au  plus  fur  chaque  tige  ,  parce  que  ce 
petit  nombre  bien  entretenu  rend  beau- 
coup plus  de  tabac  >  &  d'une'  qualité  infi- 
niment meilleure  ,  que  fi  on  laifîoit  croître 
toutes  celles  que  la  peinte  pourroit  produire. 
On  a  encore  un  foin  particulier  d'ôter  tous 
les  bourgeons  ou  rejetons  que  la  force  de 
la  fève  fait  pouffer  entre  les  feuilles  &  la 
tige  ;  car  outre  que  ces  rejetons  ou  feuilles 
avortées  ne  viendroient  jamais  bien ,  elles 
artireroient  une  partie  de  la  nourriture  des 
véritables  feuilles  qui  n'en  peuvent  trop 
avoir.  * 

Depuis  que  les  plantes  font  arrêtées  juf- 
qu'à leur  parfaite  maturité,  il  faut  cinq  à 
fix  femaines  ,  félon  que  la  faifon  eu  chaude  , 
que  le  terrain  eft  expofé  ,  qu'il  efî  fec  ou 
humide.  On  vifite  pendant  ce  temps-là , 
au  moins  deux  ou  trois  fois  la  femaine  , 
les  plantes  pour  les  rejetoner^,  c'eft-à-dire  , 
en  arracher  tous  les  rejetons  ,  fauffes  tiges 
ou  feuilles  ,  '  qui  naiffent  tant  fur  la  tige 
qu'à  fon  extrémité  ,  ou  auprès  des  feuilles.  • 

Le  tabac  eu  ordinairement  quatre  mois 
ou  environ  en  terre ,  avant  d'être  en  état 
d'être  coupé.  On  connoît  qu'il  approche 
de  fa  maturité  ,  quand  fes  feuilles  com- 
mencent à  changer  de  couleur ,  &  que 
leur  verdeur  vive  &  agréable ,  devient  peu 
à  peu  plus  obfcmre  :  elles  penchent  alors 
vers  la  terre  ,  comme  fi  la  queue  qui  les 
attache  à  la  tige  ,  avoit  peine  à  foutenir 
le  poids  du  fuc  dont  elles  font  remplies  : 
l'odeur  doute  qu'elles  avoient ,  fe  fortifie  , 
s'augmente ,  &  fe  répand  plus  au  loin. 
Enfin  ,  quand  on  s'apperçoit  que  les  feuilles 
caffent  .plus  facilement  lorfqu'on  les  ploie  , 
c'eft  un  ligne  certain  que  la  plante  a  toute 
la  maturité  dont  elle  a  bèfqin ,  &  qu'il  eu 
temps  de  la  couper. 

On  attend  pour  cela  que  la  rofée  foit 
tombée ,  &  que  le  foleil  ait  defîeché  toute 
l'humidité  qu'elle  avoit  répandue  fur  les 
feuilles  :  alors  on  coupe  les  plantes  par  le 
nié,  Quelques-uns  les  coupent  entre  deux 


EN  T 

terres ,  c'efl-à-dire ,  environ  un  pouce  au 
défions  de  la  fuperficie  de  la  terre  ;  les  au- 
tres à  un  pouce  ou  deux  au  defTûs  ;  cette 
dernière  manière  eft  la  plus  ufitée.  On 
laiffe  les  plantes  ainfi  coupées  auprès  de 
leurs  fiauches  le  relie-  du  jour ,  &  on  a 
foin  de  les  retourner  trois  ou  quatre  fois, 
afin  que  le  foleil  les  échauffe  également 
de  tous  les  côtés.,  qu'il  confomme  une  par- 
tie de  leur  humidité  ,  &  qu'il  commence, 
à  exciter  une  fermentation  néceffaire.  pour 
mettre  leur  fûc  en  mouvement. 

Avant  que  le  foleil  fe  couche ,  on  les 
tranfporte  dans  la  café  qu'on  a  préparée  pour 
les  recevoir  ,  fans  jamais laiffer  paffer  la  nuit 
à  découvert  aux  plantes  coupées  ,  parce  que 
la  rofée  qui  eft  très-abondante  dans  ces  cli- 
mats chauds  ,  rempliroit  leurs  pores  ou- 
verts par  la  chaleur  du  jour  précédent , 
&  en  arrêtant  le  mouvement  de  la  fermen- 
tation déjà  commencée  ,  elle  difpoferoit 
la  plante  à  la  corruption  &  à  la  pourri- 
ture. 

C'efl  pour  augmenter  cette  fermenta- 
tion que  les  plantes  coupées  &  apportées 
dans  la  café ,  font  étendues  les  unes  fur 
les  autres ,  &  couvertes  de  feuilles  de  ba- 
lifier  amorties,  ou  de  quelques  nattes, 
avec  des  planches  par-deflus  ,  &  des  pierres 
pour  les  tenir  en  iujétion  :  c'eft  ainfi  qu'on 
les  laiffe  trois  ou  quatre  jours ,  pendant 
lelquels  elles  fermentent,  ou  pour  parler 
comme  aux  îles  Françoiies,  elles  reffuent; 
après  quoi  on  les  fait  lécher  dans  les  cafés 
ou  fueries. 

On  y  conflruit  toujours  ces  maifons  à 
portée  des  plantations  ;  elles  font  de  différ- 
rentes  grandeurs  ,  à  proportion  de  l'éten- 
due des  plantations  ;  on  les  bâtit  avec  de 
bons  piliers  de  bois  fichés  en  terre  &  bien 
traverfcs  par  des  poutres  &  poutrelles  ,  pour 
fou  tenir  le  corps  du  bâtiment.  Cette  car- 
cafîe  faite  ,  on  la  garnit  de  planches ,  en 
les  pofant  l'une  fur  l'autre  ,  comme  l'on 
borde  un  navire  ,  fans  néanmoins  que 
ces  planches  foient  bien  jointes  ;  elles  ne 
font  attachées  que  par  des  chevilles,  de 
bois. 

La  couverture  de  la  mai  (on  eft  aufiî 
couverte  de  planches  ,  attachées  l'une  fur 
l'autre  fur  les  chevrons  ,  de  manière  que 
la  pluie  ne  puiffe  entrer  dans  la  maifon .  : 


E  N  T  575 

&  cependant  on  obferve  de  laiffer  une  ou- 
verture entre  le  toit  &  le  corps  du  bâti- 
ment ,  en  forte  que  l'air  y  parte  fans  que 
la  pluie  y  entre ,  parce  qu'on  entend  bien 
que  le  toit  doit  déborder  le  corps  du  bâ- 
timent. On  n'y  fait  point  de  fenêtres  ,  on 
y  voit  affez  clair,  le  jour  y  entrant  futli-' 
iàmment  par  les  portes  &  parles  ouver- 
tures pratiquées  entre  le  toit  &  le  corps 
du  bâtiment. 

Le  fol  ordinaire  de  ces  maifons  eft  la 
terre  même;  mais  comme  on  y  pofe  les 
tabacs ,  &  que  dans  des  temps  humides  îa 
fraîcheur  peut  les  humecter  &  ks  corrom- 
pre, il  efl  plus  prudent  de  faire  des  plan- 
chers ,  que  l'on  forme  avec  des  poutrelles 
&  des  planches  chevillées  par-defïï:s.  La 
hauteur  du  corps  du  bâtiment  efl  de  quinze 
à  feize  pies  ,  celle  du  toit  juiqu'au  faîte 
de  dix  à  douze  pies. 

En  dedans  du  bâtiment ,  on  y  place  en 
travers  de  petits  chevrons  qui  font  chacun 
de  deux  pouces  &  demi  en  carré  ;  le  pre- 
mier rang  efl  pofé  à  un  pie  &    demi ,  ou' 
deux  pies  au  deffous  du  faîte ,  le  deuxième 
rang  à  quatre  pies  &    demi  au  deffous  , 
le  troifieme  de  même,  &c.  jufqu'à  la  hau- 
teur de  l'homme  :  les  chevrons  font  ranges 
à  cinq  pies  de    diltance  l'un    de  l'autre 
ils  fervent  à  pofer  les  gaulettes  auxquelles; 
on  pend  les  plantes  de  tabac. 

Dès  que  le  tabac  a  été  apporté  dans  des  - 
civières  à  la  fuerie;  on  le  fait  rafraîchir 
en  étendant  fur  le  plancher  des  lits  de  trois 
plantes*  couchées  l'une  fur  l'autre.  Quand 
il  s'eff  rafraîchi  environ  douze  heures ,  on 
paffe  dans  le  pie  de  chaque  plante  une 
brochette  de  bois ,  d'une  façon  à  pouvoir 
être  accrochée  &  tenir  aux  gaulettes  ,  & 
tout  de  fuite  on  les  met  ainfi  à  la  pente 
en  obfervant  de  ne  les  point  prefîêr  l'une 
contre  l'autre.  On  laiffe  les  plantes  à  la 
pente  jufqu'à  ce  que  les  feuilles  foient  bien 
lèches;  alors  on  profite  du  premier  temps 
humide  qui  arrive ,  &  qui  permet  de  les 
manier  fans  les  brifer.  Dans  ce  temps  fa<- 
vorable  on  détache  les  plantes  de  la  pente  , 
&  à  mefure  on  arrache  les  feuilles  de  la 
tige  ,  pour  en  former  des  manoques  ;  cha- 
que manoque  efl  compofée  de  dix  à  douze ' 
feuilles  ,  &'  elle  fe  lie  avec  une  feuille» 
Quand  la  manoque  n'a  point  d'humidité^ , 


V*  ENT 

&  qu'elle  peut  être  preflee ,  on  la  met  en 
boucaux. 

Le  tabac  fort  de  Virginie  fe  cultive  en- 
core avec  plus  de  foin  que  le  tabac  ordi- 
naire ,  &  chaque  manoque  de  ce  tabac  fort 
n'eft  compofee  que  de  quatre  à  fix  feuilles  , 
fortes ,  grandes  ,  &  qui  doivent  être  d'une 
couleur  de  marron  foncé;  on  voit  par  là, 
qu'on  fait  en  Virginie  deux  fortes  de  raa- 
noques  de  tabac ,  qu'on  nomme  première 
&  féconde  forte. 

Quant  au  merrain  des  boucaux ,  on  fè 
fert  pour  le  faire  du  chêne  blanc,  qui  eft 
un  bois  fans  odeur  ;  d'autres  fortes  de  bois 
font  également  bons  ,  pourvu  qu'ils  n'aient 
point  d'odeur.  On  diftribue  le  bois  en  mer- 
rain ,  au  moins  fix  mois  avant  que  d'être 
•  employé.  Les  boucaux  fe  font  tous  d'une 
même  grandeur  ;  ils  ont  4  pies  de  haut 
fur  31  pouces  d«  diamètre  dans  leur  mi- 
lieu ;  ils  contiennent  <>  ou  600  liv.  de  tabac 
feulement  preffés  par  l'homme,  &  jufqu'à 
ioco  livres  lorfqu'ils  font  preffës  à  lapreffe  ; 
les  boucaux  du  tabac  fort  pefent  encore 
davantage. 

Telle  eft  la  culture  du  tabac  que  les 
fermiers  de  France  achètent  des  Anglois 
pour  environ  quatre  millions  chaque  année. 
Il  eft  vrai  cependant  que  quand  le  revenu 
du  tabac  feroit  ,  comme  on  l'a  dit .  pour 
eux  de  quarante  millions  par  an ,  il  ne  fur- 
pafTeroit  pas  encore  ce  que  la  Louifiàne 
mife  en  valeur  pour  cette  denrée  ,  produi- 
roit  annuellement  à  l'état  au  bout  de  quinze 
ans  ;  mais  Jamais  les  tabacs  de  la  Louifiane 
ne  feront  cultivés  &  achetés  fans  la  liberté 
du  commerce.  (  Le  chevalier  de  Jau- 
COVRT.  ) 

f  ENTREPRENDRE  ,  v.  ad.  (  Gramm.) 
c'eft  en  général  fe  charger  de  la  réuffite 
d'une  affaire  ,  d'un  négoce  ,  d'une  manu- 
facture ,  d'un  bâtiment ,  &c.  La  compagnie 
de  l'Aflicnte  a  entrepris  la  fourniture  des 
nègres  pour  l'Amérique  Efpagnole.  Le  fieur 
Cadeau  eft  le  premier  qui  ait  entrepris  en 
France  la  manufacture  des  draps  façon  de 
Hollande.  Ce  maître  maçon  a  entrepris  ce 
bâtiment ,  &  doit  le  rendre  la  clef  à  la  main. 
Voye\  Entrepreneur.  (  G  ) 

ENTREPRENEUR  ,  f.  m.  (  Gramm.  ) 
il  fe  dit  en  général  de  celui  qui  le  charge 
d'un  ouvrage  ;  on  dit  un  entrepreneur  de 


ENT 

manufactures ,  un  entrepreneur  deMtimensT' 
pour  un  manufacturier  ,  un  maçon.   Voye\ 

Manufacturier,  Maçon. 
Entrepreneur  en 'Bâtiment, 

eft  celui  qui  fe  charge,  qui  entreprend  ,  & 
qui  conduit  un  bâtiment  pour  certaine 
fomme ,  dont  il  eft  convenu  avec  le  pro- 
priétaire ,  foit  en  bloc  ou  à  la  toifè.  (  P  ) 

Entrepreneur  ,  (  Manne.  )  c'eft  ce- 
lui qui  s'engage  à  faire  fabriquer  &  fournir 
un  vahTeau  tout  conftruir,  aux  termes  d'un 
certain  devis  qui  fe  fait  entre  lui  &  l'ache- 
teur ,  pour  le  prix  dont  ils  font  conve- 
nus. (  Z  ) 

*  ENTREPRISE,  f.  f.  (  Gramm.  ) 
c'eft  en  général ,  ou  le  deffein  d'exécuter 
quelque  chofe  ,  ou  l'exécution  même  de 
ce  deffein.  On  dit  d'un  homme ,  qu'il  ne 
voit  pas  tous  les  dangers  de  fon  entreprife  ; 
que  [on  entreprife  lui  a  réujfi;  qu'il  y  agagne' 
cent  mille  e'cus.  Entreprife  ,  dans  un  autre 
fèns  ,  eft  fynonyme  à  ufurpation ,  comme 
dans  ces  phrafes  :  la  puiffance  civile  peut 
former  des  entreprifes  fur  la  puiffance  eccle'- 
fiaflrque  ;  la  puiffance  ecclefiaflique  peut  for- 
mer des  entreprifes  fur  la  puiffance  fouve- 
raine.  Le  même  terme  a  lieu ,  félon  la  même 
lignification  ,  dans  les  arts  &  métiers.  Si  les 
maîtres  de  quelque  communauté  s'immif- 
çoient  de  faire  des  ouvrages  qui  fufïênt  du 
reffort  d'une  autre  communauté;  comme  fi 
les  orfèvres  vouloient  débiter  des  pincettes  de 
fer  j  ce  qui  appartient  auxferruriers  ;  ces  for- 
tes iï  entreprife  s  occafioneroient  infaillible- 
ment de   grandes  conteftations. 

Entreprise  ,  (  An.  Milit.  )  c'eft ,  à 
la  guerre  ,  la  réfolution  que  l'on  prend 
d'exécuter  quelque  opération  ,  comme  de 
combattre  ,  de  faire  un  fiege  ,  &c. 

11  Quand  une  entreprife  a  été  une  fois 
»  réfolue  dans  un  confeil  de  guerre  ,  il  eft 
yy  d'une  extrême  conféquence  que  les 
»  officiers  &  les  fbldats  même  ignorent 
»  le  pour  &  le  contre  ;  car  il  y  en  a  tou- 
»  jours  un  fort  grand  nombre  qui  comptent 
a  les  avis  plutôt  qu'ils  ne  les  pefent.  Sou- 
»  vent  dans  les  confeil  s  ce  ne  font  pas 
»  les  plus  fages  qui  font  les  plus  écoutés 
»  &  qui  décident,  mais  ceux  qui  font  à 
»  la  tête ,  à  qui  il  eft  permis  de  faire  &  de 
»  dire  tout  ce  qui  leur  plaît  :  outre  que 
M  l'on  a  de  l'éloignement    dans  ces  fortes 

»  d'affemblées 


E  N  T 

w  d'afîembîées  pour  tout .  ce  qui  tend  à 
?>  éviter  ou  retarder  le  combat  ,  7de  peur 
w  qu'on  ne  doute  de,  leur  courage.  Il  ira- 
m  porte  donc  que  ceux  qui  ont  été  d'un 
»  fentiment  contraire  ,  paroifTent  approu- 
«  ver  ce  qui  s'y  eft  déterminé  ,  quelque 
»  mauvais  qu'il  puiffe  être  ;  il  faut  qu'ils  le 
»  maintiennent  publiquement  ;  ce  qui  fait 
»»  que  le  général ,  ou  celui  qui  en  eft  l'au- 
«  teur  ,  perd  cette  crainte  que  caufe  ordi- 
»  nairement  le  doute  où  l'on  eft  de  ne  pas 
«  réunir.  »  Comment,  fur  Polybe  y  de  M. 
le  chevalier  Folard  ,  tom.  IV y  pag.  i  6 'z. 

L'objet  de  l'auteur  dans  ces  réflexions 
efl  d'empêcher  ,  loriqu'un  général  a  une 
fois  pris  un  parti  qu'on  croit  dangereux  , 
&  dont  on  ne  peut  pas  le  diftraire  ,  de  lui 
donner  ,  ainfi  qu'aux  officiers  &  aux  foldats 
de  l'armée  ,  aucune  inquiétude  fur  l'événe- 
ment ;  parce  que ,  comme  il  l'obferve  avec 
beaucoup  de  raifon,  la  vérité  qui  frappe  , 
&  à  laquelle  on  fe  refufe,  nous  laijfe  fouvent 
dans  une  fufpenjion  d'efprit  &  une  efpece 
de  crainte  de  ne  pas  réujjir  9  qui  efl  toujours 
dangereufe.  (O)  ' 

ENTRER  DANS  LES  COINS  ,  en  teK 
me  de  Manège  y  ledit  du  cavalier lorfqu' il 
tourne  fon  cheval  dans  les  quatre  coins  du 
manège  ,  en  fuivant  exactement  la  muraille. 

ENTRE-SABORS,  f.  m.  {Marine.) 
bordages  qui  font  entre  les  ouvertures  des 
fabors  ,  ou  dans  la  diftance  des  fabors. 
Voye\  Bordages.  (Z) 

ENTRE -SOL  ,  f.  m.  petites  pièces 
pratiquées  au  deflus  d'un  petit  appartement 
à  rez-de-chauflee  ,  ou  au  premier  étage 
d'un  bâtiment  ,  pour  fe  procurer  quelques 
gardes-robes  ou  cabinets  de  plus  dans  un 
château  ou  maifon  de  plaifance.  Ces  entre- 
fols (ont  quelquefois  deftinés  aufti  à  faire  de 
petits  appartenons  d'hiver  pour  les  maîtres  , 
lorfque  la  cage  du  bâtiment  eft  peu  fpa- 
cieufè ,  tels  que  font  ceux  que  l'on  a  prati- 
qués au  château  de  Marly  pour  Mefdames 
&  madame  la  Dauphine;  quelquefois  aufll 
on  y  pratique  des  bains  ,  des  cabinets  de 
toilette  ,  Ùc.  Les  entre-fols  doivent  être 
dégagés  par  des  efcaliers  qui  rendent  leur 
communication  facile  avec  les  appartemens 
d'en  bas  &  avec  ceux  d'en  haut ,  en  obfer- 
vant  qu'ils  foient  éclairés ,  foit  en  lanternes , 
foit  en  abat-jours  ou  autrement. 
Tome  XII, 


ENT  m 

Quelquefois  âuffi  on  pratique  des  entre- 
fols fans  néceffité  de  logement ,  mais  feule- 
ment pour  corriger  la  trop  grande  élévation 
des  planchers  ,  qui ,  dans  une  pièce  d'un 
petit  diamètre ,  deviendront  délagréables  ; 
ce  qu'on  ne  peut  fouvent  éviter  à  caufe 
de  la  grandeur  des  pièces  de  fociété  ,  de 
parade  ,   Ùc.    Voyez  FAUX-PLANCHER. 

ENTRE-TAILLES  ,  fubft.  f-  mot  ima- 
giné dans  les  principes  de  la  Gravure  en. 
bois  y  pour  déiigner  des  tailles  plus  nour- 
ries à  certains  endroits  que  dans  le  refte 
de  leur  longueur  ;  c'eft  ce  que  les  graveurs; 
au  burin  ^appellent  tailles  rentrées  celles  fe 
font  ordinairement  à  deux  fois  ,  c'eft-à- 
dire ,  que  l'on  repafîe  un  burin  plus  gros 
dans  chaque  taille  pour  la  rendre  plus  épaifïc 
où  il  eft  nécefTaire  ,  tandis  que  celle  de  bois 
entre-taillé  doit  être  gravée  du  premier 
coup  comme  il  faut  qu'elle  refte ,  étant 
pour  ainfi  dire  par  endroit  une  taille  entée 
fur  une  autre.  Voy.  à  V article  GRAVURE 
EN  BOIS  la  façon  de  pratiquer  les  entre- 
tailles. Mellan ,  très-habile  graveur  au  bu- 
rin ,  &  qu'aucun  autre  n'a  ofé  imiter  dans 
fà  manière  de  graver ,  ne  formoit  tes  om- 
bres que  par  des  tailles  rentrées  ;  ce  qu'il 
faifoit  d'un  même  coup  de  burin  ,  tant  il 
pofTédoit  parfaitement  le  deflin  :  ainfi  les 
graveurs  en  bois  trouveront  dans  fes  ou- 
vrages des  entre-tailles  de  toutes  façons: 
la  fainte  Face  couronnée  d'épines  ,  de 
grandeur  naturelle  ,  eft  un  de  {es  morceaux 
les  plus  admirables.  La  taille  commençant 
au  bout  du  nez  ,  allant  toujours  en,  tour- 
nant fans  difeontinuer  ,  &  embraffant  toute 
la  grandeur  de  l'eftampe  ,  forme  les  yeux , 
la  bouche ,  les  cheveux ,  la  couronne ,  le 
linge  ,  &  jufqu'aux  gouttes  de  fang  ,  parles 
feules  forces  ou  gras  de  cette  taille  rentrée 
à  propos  aux  endroits  néceflaires  :  c'eft  un 
miracle  de  l'art.  François  Chauveau  ,  aufS 
célèbre  graveur  en  cuivre  ,  eft  celui  qui  a  le 
mieux  approché  de  la  manière  de  Mellan  ; 
on  le  peut  voir  dans  les  planches  du  carrou- 
fel ,  &  dans  celles  qu'il  a  faites  pour  plu- 
fieurs  romans  &  poèmes  ,  tels  que  le*Cyrus, 
la  Cléopatre ,  la  Clélie,  S.  Louis  ou  la 
fainte  couronne  recpnquife ,  Alaric  ,  Clovis 
I  &  autres.  (Papillon.  ) 
*      ENTRE-TAILLES,feditdanslaGra^wrc 

Dddd 


J7S  ENT 

en  bois  }  des  tailles  ménagées  &  faites  entre 
d'autres  tailles  ,  &  ordinairement  plus  fines 
&  plus  courtes  que  les  autres  ;  c'efl  ce  que 
les  graveurs  en  cuivre  appellent  entre-deux  , 
ou  également  entre-tailles  :  elles  fervent  , 
tant  dans  l'une  que  dans  l'autre  gravure  , 
à  donner  du  brillant  aux  étoffes  ,  à  l'eau  , 
aux  métaux  ,  &c.  Voye\  à  V article  GRA- 
VURE EN  BQIS  ,  la  manière  de  les  exé- 
cuter. (  Papillon.  ) 

ENTRETAILLER  (  S'  ) ,  S'ENTRE^ 
COUPER  ,  SE  COUPER  (  Man&e , 
Maréchall.  )  termes  fynonymes,  V,  s'En*- 
TRE-COlfPER. 

ENTRETAILLURE ,  f.  f.  (Manège, 
Maréchall.  )  c'efl*  ainfi  que  quelques  per- 
sonnes appellent  les  écorchures  ,  ou  les 
éroiiôns  &  les  plaies  ,  qui  font  une  fuite 
des  heurts  &  des  frottemens  du  fer  ,  ou 
du  pié  de  l'animal  contre  le  boulet  de  la 
jambe  voifine  de  celle  qui  efl  en  action  , 
lorfqu'il  chemine  &  qu'il  s'entaille  (  voye \ 
s'EnTRE-COUPER  ).Ces  bleffures  deman- 
dent à-peu-près  le  même  traitement  que 
celles  qui  naifïent  de  l'enchevêtrure  (voye^ 
Enchevêtrure  ).  Mais  on  doit  avoir 
attention  d'entourer  &  de  garnir  la  partie 
Méfiée ,  d'un  cuir  capable  de  la  défendre 
de  rimpreffion  des  nouveaux  coups  que  le 
cheval  pourroir  fè  donner  en  travaillant  ; 
il  efl  même  nombre  de  gens  qui  pour  pré- 
venir Ventretaillure  y  ont  à  cet  effet  la  pré- 
caution d'employer  une  efpece  de  botte 
allez  défagréable  à  la  vue  ,  incommode 
pour  les  chevaux  dans  les  commencemens  , 
mais- qui  néanmoins  efl  d'une  réelle  uti- 
lité, (e) 

ENTRETENU,  adj.  terme  de  Blafon  , 
il  fe  dit  de  plufieurs  clefs  &  autres  chofes 
liées  enfetnble  par  leurs  anneaux. 

Clugny  ,  en  Bourgogne  ,  d'azur  à  deux 
clefs  d'or  ,  adoffées  en  pals  ,  &  entretenues 
par  le  bas. 

ENTRETOÏSE,  {.{.(Charpent.)  il  fe 
dit  en  général  d'une  pièce  de  bois  placée 
entre  deux  autres ,  &  afïemblée  avec  elles 
à  renon  &  mortoife. 

U  entre  toi  fe  forme  chaflis  ,  &  produit  le 
même  effet  dans  les  ouvrages  de  charpente  , 
que  ce  qu'on  appelle  traverfe  dans  les  ou- 
vrages de  menuifçrie.  V&jre\  l'article  Tra- 
verse, 


E  N  V 

ENTRETOÏSE  ,  terme  de  Charron;  c'eft 
un  morceau  de  bois 'qui  furmonte  les  deux 
moutons  de  derrière)  &  qui  y  efl  enchâffë 
par  des  mortoifès  ,  &  qui  les  tient  en 
état. 

ENTREVAL  ,  f.  m.  (  Jurifp.  )  quafi in- 
terrallum  9  terme  ancien  qui  fè  trouve  dans 
quelques  coutumes  pour  exprimer  l'efpace 
qui  efl  entre  deux  maiibns.  Voye\  la  cou- 
tume  de  S.  Sever  y  tit,  4-  bâtir  mai fons  > 
article  z.   (A) 

ENTURE  ,  f.  f.  Voyei  les  articles, 
Enter  &  Bas  au  métier. 

ENTURES  ,  (  Carrier.  )  c'efl  ainfl  qu'on, 
appelle  les  différentes  pièces  de  bois  don* 
l'échelle  des  carriers  efl  compofée.  Le  nom-» 
bre  des  entures  efl  d'autant  plus  grand  ,  que- 
la  carrière  efl  plus  profonde  ;  la  première 
des  entures  efl  la  plus  grande,  elle  a  dix 
pies  ;  les  autres  font  moins  hautes. 

ENVELOPPE,  f.f.  (Gram.)  fediten 
général  de  tout  ce  qui  fërt  de  couverture 
artificielle  à  quelque  chofe  ;  ainfi  le  papier 
ou  la  toile  qui  fert  à  empaqueter  &  à  cou-- 
vrir  des  marchand ifes ,  en  efl  une  enve- 
loppe. On  appelle  même,  papier  d 'enveloppe 
&  toile  d'enveloppe  ,  certaines  fortes  de 
papier  &  de  toile  qui  fervent  A  cet  ufage. 

ENVELOPPE  :  les  arbres  ,  les  graines  ont 
plufieurs  enveloppes  qui  changent  de  déno-«. 
mination. 

Enveloppe  ,  parmi  les  Bourjiers  ,  eu 
le  morceau  de  cuir  qui  couvre  le  bois  d'une 
cartouche. 

ENVELOPPÉE  ,  f.  f.  ou  Sillon,; 
terme  de  fortification  ,  par  lequel  on  ex- 
prime une  efpece  d'ouvrage  conflruit  dans 
le  fofTé  ,  pour  en  diminuer  la  largeur,. 
Voyt\ Villon.  (  Q)  • 

ENVELOPPEMENT,  (Co/n/ra.)aôion 
d'envelopper.  Ce  terme  n'efl  guère  en  ufage, 

*  ENVELOPPER  ,  v.  aft.  c'efl  couvrir 
une  chofe  d'une  autre  qui  s'applique  exac- 
tement fur  la  première ,  en  conféquence 
de  fa  flexibilité.  Il  fe  dit  au  fimple  &  au. 
figuré» 

Envelopper  ,  (Gramm.)  c'efl  couvrir 
d'une  enveloppe  de  papier  ,  de  toile  ou 
de  carton  ,  pour  conièrver  ou  mettre  en 
paquet. 

•EN VERGER  ,  v.  ad.  che\  les  B oise- 
liers ;  c'efl  garnir  les  foufflets  de  plufieurs 


E  N  V 

verge*  ou  baguettes  de  bois ,  qui  font  ©our-  ' 
bées  félon  la  forme  des  foufflets  ,    &  fur 
lefquelles  s'applique  le  cuir  qui  les  couvre. 

ÉNVERGER  ,  dans  les  Manufactures  de 
foie  ;  c'efl  faire  croifer  les  fils  de  foie  fur 
fes  doigts ,  de  manière  que  l'un  ne  puiflfe 
pas  paîfer  devant  l'autre  ,  pour  les  difpofer 
enfuite  fur  des  chevilles. 

On  enverge  auffi  les  femples  ,  le  rame  , 
le  corps  ,  &e.  &  le  terme  enverge r  n'a  pas 
une  acception  autre  ,  que  quand  il  s'agit 
des  fils  de  foie. 

ENVERGER  UNE  CORDE  ,  terme  de 
rivière  ;  c'eft  la  porter  au  deifus  d'un  pont , 
pour  le  pafîage  d'un  bateau.  Il  y  a  un  offi- 
cier envergeur  de  corde  au  pont-royal. 

ENVERGEURE  dun  oifeau  ,  (Hifl. 
nat.  )  c'eft  la  longueur  qu'occupent  tes 
ailes  déployées. 

ENVERGEURE  ,  terme  de  la  Fabrique 
des  étoffes  de  foie.  Les  envergeures  font  de 
petits  bouts  de  ficelle  très-fine  &  très-dou- 
ce ,  qui  fervent  à  enverger  les  chaînes  avant 
de  les  lever  de  deffus  l'ourdiffoir. 

Le  même  mot  fe  dit  aufîï  des  ficelles  de 
foie  ou  de  fil  qu'on  pafle  dans  les  deux 
féparations  des  fils  de  foie ,  &c.  quand  on 
les  a  envergés. 

ENVERGUER  UNE  VOILE  oaEN- 
VERGUER  LES  VOILES,  (Marine.) 
c'efl  attacher  &  placer  les  voiles.  Envergue* 
tout  proche  de  la  vergue  y  fans  laiffer  de 
jour  entre  deux.  (Z) 

ENVERGURE,  f.ri.  (Marine.)  c'eft 
la  pofition  ou  Fanprtiment  des  vergues 
avec  les  mâts  &  les  voiles.  Ce  mot  fe  dit 
auffi  de  la  largeur  des  voiles  ;  ce  qui  s'en- 
tend par  navire  qui  a  beaucoup  d'envergure  , 
&  navire  qui  a  peu  $  envergure.  (Z) 

*  ENVERS  ,  f.  m.  (Gramm.)  On  donne 
généralement  ce.  nom  à  la  face  la  moins 
belle  ou  la  moins  commode  dans  tout  ou- 
vrage où  l'on  diftingue  deux  faces  ,  dont 
l'une  efl  ou  plus  belle  ou  plus  commode 
que  l'autre  ;  ainfi  le  drap  a  fon  envers  y 
dont  le  côté  oppofé  s'appelle  Y  endroit.  S'il 
•arrive  que  l'ouvrage  foit  auffi  beau  ou  auffi 
commode  à  Y  envers  qu'à  l'endroit ,  alors 
on  dit  qu'il  a  deux  envers-, On.  diroit  plus 
exactement  qu'il  efl  fan»  envers  ,  ou  qu'il  a 
deux  endroits. 

ENVERSAIN ,  f.   m.  (  Mfinufacl.  en 


E  N  V  579 

drap.  )  étoffés  qu'on  nomme  autrement 
cordillats  de  Crefl.  Voye^  CORDILLA.TS. 
•  ENVIE  ,  f.  f .  (  Morale.  )  inquiétude 
de  l'ame  ,  caufée  par  la  confidération  d'un 
bien  que  nous  defirons ,  &  dont  jouit  une 
autre  perfonne. 

1  II  réfulte  de  cette  définition  de  M.  Xocke , 
que  Y  envie  peut  avoir  plufieurs  degrés  ; 
qu'elle  peut  être  plus  ou  moins  malheu- 
reufe ,  &  plus  ou  moins  blâmable.  En  gé- 
néral  elle  a  quelque  choie  de  bas ,  car  d'or- 
dinaire cette  fombre  rivale  du  mérite  ne 
cherche  qu'à  le  rabaifîer  ,  au  lieu  de  tâcher 
de  s'élever  jufqu'à  lui  :  froide  &  lèche  fur 
les  vertus  d'autrui ,  elle  les  nie  ,  ou  leur 
refufe  les  louanges  qui  leur  font  dues. 

Si  elle  fe  joint  à  la  haine  ,  toutes  deux 
fe  fortifient  l'une  l'autre ,  &  ne  font  re~ 
oonnoiffables  entr'elles ,  qu'en  ce  que  la 
dernière  s'attache  à  la  perfonne ,  &  la  pre- 
mière à  l'état ,  à  la  condition  ,  à  la  for- 
tune ,  aux  lumières  ou  au  génie.  Toutes 
deux  multiplient  les  objets  ,  &  le«  rendent 
plus  grands  qu'ils  ne  font  ;  mais  Y  envie  eif. 
en  outre  un  vice  pufillanime  ,  plus  digne  de 
mépris  que  de  reffentiment. 

Sans  rafïèmbler  ici  ce  que  les  auteurs  ont 
dit  d'excellent  fur  cette  paillon  ,  il  fuffiroit, 
pour  fe  préferver  de  fa  violence ,  de  confi- 
dérer  l'envieux  dans  fes  chagrins ,  ùs  ref- 
fources  &  Ces  délices.  • 

Les  objets  qui  donnent  le  plus  de  fatif- 
fa&ion  aux  âmes  bien  nées  ,  lui  caufent 
les  plus  vifs  déplaifirs  ,  &  les  bonnes  qua- 
lités de  ceux  de  fon  cfpece  lui  deviennent 
ameres  :  le  jeunefle ,  la  beauté ,  la  valeur , 
les  talens ,  le  favoir  ,  &c.  excitent  fa  dou- 
leur. Trifie  état ,  d'être  bleffé  de  ce  que  l'on 
ne  peut  s'empêcher  de  goûter  &  d'eftimer 
intérieurement  ! 

Les  reffources  de  Y  envie  fe  bornent  à  ces 
petites  taches  &  à  ces  légers  défauts  qui  fe 
découvrent  dans  les  perfonnes  les  plus 
illuftres. 

Sa  joie  &  fes  délices  font  à-peu-près 
femblâbles  à  celles  d'un  géant  de  roman , 
qui  met  fa  gloire  à  tuer  des  hommes ,  pour 
orner  de  leurs  membres  les  murailles  de 
fon  palais. 

On  ne  fauroit  trop  préfenter  les  malheu- 
reux effets  de  Y  envie  y  lorfqu'elle  porte  les 
gens    en    place   à    regarder  comme  leurs 
Dddd  1 


ffo  E  N  V 

rivaux  &  comme  leurs  ennemis  ,  ceux  dont 
les  confeils  pourraient  les  aider  à  remplir 
leur  ambition.  Agéfilas ,  en  mettant  Lylàn- 
dre  à  la  tète  de  Tes  amis  ,  fournit  un  exemple 
f  enfible  de  fa  fageffe. 

U'envie  eft  particulièrement  la  ruine  des 
républiques.  Tandis  que  les  Achéens  ne*< 
portèrent  point  d'envie  à  celui  qui  étoit 
le  premier  en  mérite-,  &  qu'ils  lui  obéi- 
rent ,  non-feulement  ils  le  maintinrent 
libres  au  rnilieu  de  tant  de  grandes  villes , 
de  tant  de  grandes  puiffances  ,  &  de  teint 
de  tyrans  ,  mais  de  plus ,  par  cette  fage 
conduite  ,  ils  affranchirent  &  fauverent  la 
plupart  des  villes  greques. 

Quoi  qu'il  en  foit  des  efFets  de  l'envie 
contre  les  gens  vertueux  dans  toutes  iortes 
de  gouvernemens  ,  Pindare  dit  avec  rai- 
fon  que  pour  Pappailrr  il  ne  faut  pas 
abandonner  la  vertu  ;  ce  feroit  acheter 
trop  cher  la  paix  avec  cette  paffion  lâ- 
che &  maligne ,  d'autant  plus  qu'elle  il- 
luflre  fon  objet  ,  lorsqu'elle  travaille  à 
Pobfcurcir  :  car  à  mefure  qu'elle  s'acharne 
iur  le  mérite  fupérieur  qui  la  blefTe  ,  elle 
rehaufîe  l'éclat  de  l'hommage  involontaire 
qu'elle  lui  rend  ,  &  manifefte  davantage 
la  balTèlTe  de  Famé  qu'elle  domine.  C'eit 
ce  qui  faifoit  dire  à  •  Thémifîocle  ,  qu'il 
n'envioit  point  le  fort  de  qui  ne  fait 
point  d'envieux  ;  &  a  Cicéron  ,  qu'il 
«voit  toujours  été  dans  ce  fentiment ,  que 
Y  envie  'acquife  par  la  vertu ,  étoit  de  la 
gloire.  Article   de.  M.    le  chevalier  de 

J AU  COURT. 

Envie,  (Médec.)  çS'ovfy.  Cette  affec- 
tion de  l'ame  ,  qui  confifte  dans  une 
maligne  trilteiTe  que  l'on  reffent  en  con- 
sidérant les  avantages  d'autrui  ,  foit  par 
rapport  aux  qualités  de  Fefprit ,  foit  par 
rapport  à  la  fortune  ;  cette  baffe  &  vile 
paffion,  qui  rend  l'humeur  chagrine  ,  & 
n'ocupe  que  des  chofes  qui  paroifïènt 
très-défagréables  &  très-fâcheufes  ,  relati- 
vement à  fon  objet  ,  peut  être  tellement 
exceilive  ,  qu'elle  eonftitue  une  forte  de 
délire  mélancolique  ,  &  qu'elle  peut-  pro- 
duire les  mêmes  effets  que  cette  maladie, 
&  fur-tout  la  maigreur  ,  l'atrophie  ;  parce 
que  les  envieux  iont  rêveurs  ,  éprouvent» 
àes  ennuis  mortels,  des  agitations  conti- 
nuelles, des  infomnies  j  perdent  l'appétit, 


E  N  V 

&  tombent  dans  un  état  de  langueur  qui 
eft  le  plus  fouvent  accompagné  de  fièvre 
lente  ,  &c.  C'eft  ce  que  donne  à  entendre 
fort  judicieufement  la  defeription  que,  font 
les  poètes  de  V envie.  Entr'autres  traits  qui  la 
caraclérifent  ,  félon  eux  ,  c'eft  un  ferpene 
qui  lui  ronge  le  fein.  Ils  donnent  à  entendre- 
par-là  que  fi  elle  fait  du  mal  ,  elle  n'en 
reifent  pas  moins  ,  &  qu'elle  porte  ren- 
fermé en  elle-même  le  fùpplice  de  fa  mé- 
chanceté. 

Lorfque  Y  envie  eft  pouffée  à  ce  degré  qui 
la  rend  ii  nuifible  à  l'économie  animale ,. 
qu'elle  peut  être  regardée  comme  une  vraie 
maladie ,  il  faut  la  traiter  comme  l'affection 
hypocondriaque.  Les  bains  domeftiques,  les 
eaux  minérales  ,  le  laitage,  les  anodyns  peu- 
vent produire  de  bons  effets  ;  mais  à  ces 
remèdes  phyfiques  ,  il  convient  de  joindre 
les  remèdes  moraux  ,  que  la  philoibphie  & 
la  religion  fourniffent ,  pour  tacher  de  gué- 
rir Tel  prit  en  même  temps  que  Fon  travaille 
à  changer  la  dnfpofition  du  corps  :  fans 
ceux-ci ,  ceux-là  font  ordinairement  ineffi- 
caces. Voye\  Mélancolie  ,  Manie  , 
&  autres  aftèdions  fpirituelles. 

Envie  ,  en  fbus-entendant  déréglée  ,  eff 
suffi  le  nom  que  l'on  donne  communément 
à  la  dépravation  du  fentiment,  qui  porte 
naturellement  l'homme  à  manger,  à  ufer 
des  chofes  qui  doivent  fervir  à  fa  nourri- 
ture. Cette  dépravation  confifte  dans  un 
defir  immodéré  de  prendre  des  alimens  fo- 
lides  ou  fluides  d'une  efpece  particulière , 
de  bonne  ou  de  mauvaifè  qualité ,  qui  ne 
font  pas  d'ufage  ou  de  failon ,  préférable- 
ment  à  tous  autres,  ou  d'employer  comme 
alimens  ,  des  matières  ablurdes  ,  niîifibles 
par  elles-mêmes  ,  par  la  difpofition  des  per- 
sonnes qui  en  ufent.  Cet  appétit  dépravé  a 
reçu  indiflindement  de  quelques  auteurs, 
tels  que  Rivière,  le  nom  depica,  6c celui 
de  malaria. 

Les  affections  désignées  par  ces  différens 
termes,  ne  différent,  félon  eux,  que  par 
Pintenfité  &  la  durée.  D'autres  font  d'avis , 
avec  Sennert ,  qu'il  convient  de  diftinguer 
deux  efpeces  de  dépravations  de  l'appétit  ; 
d'appeller  pica  celle  qui  excite  ceux  qui  en 
font-  affectés ,  tantèiommes  que  femmes  ,  à 
manger  des  chofes  d'une  nature  abfolument 
différente ,  &  contraire  même  à  celle  des 


E  N  V 

alimens ,  comme  de  la  craie ,  des  charbons , 
des  excrémens ,  &c.  &  de  donner  le  nom  de 
malaria  à  celle  qui  affecte  plus  particulière- 
ment les  femmes  groffes ,  &  ne  leur  fait  fou- 
haiter  de  manger  que  des  chofes  ordinaires 
&  de  bonne  qualité  ,  mais  avec  une  ardeur 
&  une  impatience  à  fe  les  procurer  ,  qui 
tiennent  de  la  paffion  ,  &  qui  font  quelque- 
fois fi  démefurées ,  que  celles  qui  éprouvent 
ces  fentimens ,  tombent  dans  la  iangueur 
&  dans  l'abattemenf  de  corps  &  d'elprit, 
qui  dégénère  en  une  vraie  mélancolie  ;  ou 
qu'elles  (ont  agitées  par  ce  violent  defir ,  au 
point  de  faire  une  fauife  couche  fi  elles  ne 
font  pas  iarisfaires. 

La  dépravation  d'appétit  de  la  première 
efpece  ,  eft  commune  parmi  les  filles  &  les 
femmes  ;  les  enfans  des  deux  fexes  y  font 
fort  lùjets  :  les  hommes  en  font  très-rare- 
ment afkctés.  Il  ne  confie  prefque  par  aucun 
exemple  que  les  vieillards  aient  éprouvé 
cette  forte  d'indifpofition.  On  ne  voit  guère 
que  les  femmes  greffes  qui  aient  des  envies 
paffionnées  pour  certains  alimens  plutôt 
que  pour  d'autres  ,  ce  qui  leur  arrive  ordi- 
nairement pendant  les  premiers  mois  de  la 
groifefTe  ;  mais  elles  ne  font  pas  moins  fu- 
jettes  au  vice  d'appétk  de  la  première  ef- 
pece ,  pour  lequel  elles  ont  une  diipofition 
cfui  leur  eft  commune  avec  toutes  les  per- 
fonnes  de  leur  fexe. 

Le  fentiment  naturel  qui  nous  porte  à 
prendre  la  nourriture  convenable  pour  cor- 
riger le  vice  que  contractent  nos  humeurs , 
lorfqu'elles  ne  £>nt  pas  renouvellées ,  & 
pour  réparer  les  §ertes  qui  fe  font  par  l'ac- 
tion de  la  vie ,  tant  des  parties  folides  que 
des  parties  fluides  de  notre  corps  ;  ce  fen- 
timent qui  fert  le  plus  à  exciter  nos  fens 
pour  la  confervation  de  notre  individu  , 
nous  fait  avoir  naturellement  en  horreur 
tout  ce  qui  eft  connu  de  nature  à  pouvoir 
nuire  à  l'économie  animale ,  étant  pris  en 
forme  d'alimens*  &  il  nous  fait  aufîi  ré- 
pugner à  manger  des  chofes  qui  ne  font 
pas  d'ufage  ,  dans  la  crainte  qu'elles  ne 
foient  pas  fàlutaire^  :  ainfi  le  fentiment  con- 
traire ,  qui  porte  à  faire  ufage  des  chofes- 
abfurdes,  de mauvaife qualité,  ou  de  celles 
que  l'on  n'emploie,  pas  ordinairement  pour 
fé  nourrir  ,  ne  peut  pas  être  produit  par 
une  diipofition  naturelle  des  organes ,  dont 


E  N  V  i8r 

la  fonction  eft  d'exciter  à  manger.  On  ne 
peut  pas  même  attribuer  la  caufé  prochaine 
de  la  dépravation  de  l'appétit ,  au  vice  des 
humeurs  falivaires  ,  ftomacales  ,  &  autres 
de  telle  ou  de  telle  nature  ,  parce  qu'il  eft 
certain  que  ce  vice  fuppofé ,  de  quelque 
nature  qu'il  puiflè  être  ,  ne  peut  fuffire 
pour  déterminer  par  lui-même  cette  dépra- 
vation., telle  que  l'obfervation  l'a  fait  con- 
noitre  ,  fans  qu'il  s'y  joigne  une  autre  con- 
dition efTentielle  pour  l'établir. 

Lorfqu'il  s'eft  pafTé  un  certain  temps 
depuis  que  l'on  a  pris  de  la  nourriture  ,  on 
fe  fent  porté  à  en  prendre  de  nouveau. 
L'homme  le  plus  appliqué  à  l'étude ,  occupé 
des  plus  profondes  méditations  ,  peut ,  à 
la  vérité ,  s'abftenir  de  manger  pendant  un- 
temps  confidérable  ;  mais  il  éprouve  enfin  y 
même  contre  fon  gré ,  &  quelque  réfblu- 
tion  qu'il  ait  formée  de  prolonger  encore 
l'abftinence  ,  l'aiguillon  de  la  faim  qui  le 
preffe ,  l'inquiète ,  l'importune  par  quelque 
caufe  que  ce  foit ,  jufqu'à  ce  qu'il  ait  pris 
des  alimens.  Le"  corps  ,  la  machine  ont  des 
droits  dont  il  n'eft  pas  au  pouvoir  de  la- 
volonté  de  les  fruftrer.  Voye^  Faim. 

Cependant ,  quel  que  puiife  être  le  vice 
des  organes  ou  des  fucs  digeftifs  ,  foit  dans 
la  bouche,  foit  dans  l'eftomac  ,  qui  con- 
courent à  exciter  ce  fentiment  falutaire  ,  il 
pourra  bien  former  une  caufe  déterminante 
de  la  dépravation  de  l'appétit  ;  mais  il  ne 
fera  pas  fuffifant  pour  la  produire  immé- 
diatement. Il  n'y  a  vraifemblabiement  que 
la  léfion  de  l'imagination  (  d'où  naît  un 
defir  ardent  de  telle  ou  telle  chofè  ,  ab-  ■ 
furde  ,  nuifible,  ou  de  quelque  aliment  de 
bonne  qualité  ,  mais  qui  n'eft  pas  de  faifôn 
qu'il  eft  fouvent  impofiible  de  trouver  ). 
que  l'on  puifTe  regarder  comme  la  caufe 
prochaine  de  ce  vice  dans  la, faculté  conçu-- 
pifcible.  L'expérience  des  perfonnes  qui  ont 
été  affectées  de  cette  indifpofition  ,  l'obfer- 
vation que  l'on  a  faite  de  ce  qui  peut  la  pro- 
duire, prouvent  conitamment  que  l'on  ne 
peut  en  imputer  la: caufe  efficiente  qu'à  la 
léfion  de  l'imagination. 

Il  eft  fouvent  arrivé  à  des  perfonnes  fu£- 
ceptibles  de  la  dépravation  d'appétit ,  â^eri' 
contracter  le  vice  &  l'habitude  même,, 
d'après  une  trop  forte  application  à  confi- 
dérer  dans  un  tableau  quelque  chofe  qy.ï 


58i  E  N  V 

pût  être  l'objet  de  cette  dépravation.  On  ne 
peut  pas  dire  avec  fondement  ,  que  dans 
ce  cas  l'humeur  viciée  reflue  dans  la  bouche 
ou  dans  l'eftomac  ,  précifément  à  caufe  de 
l'attention  que  l'on  donne  à  regarder  -une 
peinture.  On  ne  peut  pas  dire  non  plus  que 
la  caufe  de  cette  afTèéfion  efr  engendrée 
fubitement  à  cette  occafion  ,  fi  on  la  tait 
confiffer  dans  le  vice  de  quelque  humeur 
ou  de  quelque  organe  que  ce  puiffe  être; 
l'imagination  ne  s'ell  tournée  à  defirer  ar- 
demment telle  ou  telle  chofe  ,  que  confé- 
quemment  à  ce  que  cette  chofe  lui  a  été 
préfentée  dans  ce  tableau  :  il  ne  paroît  pas 
que  l'on  puilTe  rendre  autrement  raifon  de 
ce  phénomène  ,  d'autant  plus  que  ce  defir 
immodéré  des  chofes  abfurdes  ou  autres , 
qui  conftitue  la  dépravation  de  l'appétit , 
fubfifte  quelquefois  pendant  long-temps , 
comme  un  objet  fixe  de  délire  ,  qui  dé- 
tourne l'efprit  de  toute  autre  peniée ,  qui 
ne  l'occupe  que  de  la  chofe  defirée ,  foit 
pour  fe  la  procurer  ,  foit  pour  s'en  fournir 
&  en  continuer  l'ufage  ;  en  forte  que  cette 
affection  peut  fe  faire  lentir  prefque  fans 
relâche  ,  ou  au  moins  par  des  retours  très- 
fréquens. 

Elle  eff  tellement  de  la  nature  des  ma- 
ladies qui  dépendent  principalement  du  vice 
•de  l'imagination  ,  que  l'on  a  lbuvent  guéri 
des  perfonnes  qui  avoient  l'appétit  dépravé  , 
•en  éloignant  foigneulement  tout  ce  quipou- 
voit  rappeller  ou  fixer  l'idée  de  l'objet  de 
cet  appétit  ,  en  évitant  même  d'en  faire 
mention  ,  &  en  ne  préfentant  que  de  bons 
alimens  ,  qui  puffent  effacer  l'idée  des  mau- 
vais dont  on  étoit  occupé. 

On  ne  doit  pas  être  furpris  de  voir  les 
femmes ,  fur-tout ,  très-fujettes  à  cette  efpece 
de  maladie  fpirituelle ,  fi  l'on  fait  attention  à 
ce  qu'elles  ont  des  organes  beaucoup  plus 
délicats  &  plus  fenfibles  que  les  hommes  ; 
qu'elles  mènent  ordinairement  une  vie  plus 
fédentai  e  ;  qu'elles  ont  l'imagination  plus 
vive  ;  qu'elles  éprouvent  ,  pour  la  plupart , 
de  fréquens  dérangemens  dans  leurs  fonc- 
tions ,  à  caufe  du  flux  menftruel  ,  dont  la 
diminution  &  la  fiippreffion  ,  foit  à  l'égard 
d^6  filles  par  maladie  ,  foit  à  l'égard  des 
femmes  par  la  grofTefTe  ,  font  des  change- 
mens  dans  ïa  circulation  du  fang  ,  qui  , 
après  avoir  croupi  dans  les  -vaiflèaux  uté- 


E  N  V 

rins  ,  reflue  dans  la  maffe  des  humeurs  >" 
s'y  mêle  ,  &  la  corrompt  de  manière  qu'il 
s'enfuit  bien  des  troubles  dans  l'économie 
animale ,  que  l'on  ne  fauroit  attribuer  à  la 
feule  quantité  du  fang  excédante  par  le 
défaut  d'évacuation  périodique  ,  puifque 
les  taignées  répétées  ,  qui  en  enlèvent  plus 
qu'il  n'en  efr.  retenu  de  trop ,  ne  font  pas 
le  plus  fouvent  ceffer  ces  defordres.  Voye\ 
Opilation  ,  Grossesse. 

Il  réfulte  par  confequent  de  toutes  ces 
difpofitions ,  que  les  perfonnes  du  fexe  lont 
plus  fulceptibles  d'engendrer  de  mauvaiies 
humeurs  ,  &  de  fournir  matières  aux  caufes 
déterminantes  &  prochaines  qui  peuvent 
produire  la  dépravation  de  l'appétit.  C'efl 
dans  cette  idée  que  Rivière  dit  que  les 
humeurs  dominantes  peuvent  être  de  na- 
ture à  déterminer  la  fantaiiie  à  defirer  des 
chofes  abfurdes,  &c.  ainfi  il  femble  par-M 
reconnoitre  les  mêmes  cauies  des  envies  , 
que  celles  qui  viennent  d'être  établies. 

Si  quelques  hommes  fe  trouvent  avoir 
des  difpofitions  approchantes  de  celles  que 
l'on  obferve  dans  les  femmes  ,  ils  font  auffi 
fujets  qu'elles  à  l'affection  dont  il  s'agit  ; 
c'eft  pourquoi  on  en  a  vu  d'un  tempéra- 
ment délicat  reffentir  comme  elles  tous  les 
effets  de  la  depravation.de  l'appétit.  C'eft 
par  k  même  raifon  que  quelques  jeunes 
garçons  ont  aufli  des  envies  >  des  fantaifies 
de  manger  certains  alimens  ,  ou  autres 
chofes  qu'ils  prennent  comme  alimentaires.: 
mais  il  n'efr  pas  aufli  ailé  de  rendre  railbn 
d'un  pareil  vice  dans  le»  vieillards  ,  qui 
n'efr.  pas  fans  exemple*  on  en  trouve  un 
entr'autresdansManget ,  Bibl.  méd.pract. 
tome  III y  à  l'égard  d'un  artifan  d'un  âge 
afïez  avancé,  à  qui  il  étoit  arrivé plufieurs 
fois  d'éprouver  une  dépravation  d'appétit 
bien  marquée  ,  &  des  vomiifemens  très- 
fréquens  &  très-farigans  ,  toutes  les  fois 
que  fa  femme  devenoit  enceinte.  Ces 
fymptomes  nepouvoientetre  vraifemblable- 
roent  qu'une  fuite  de  la  lefi-on  de  l'ima- 
gination de  cet  homme  ,  dont  la  fènfibilité 
lur  l'état  de  là  tanme  ,  qui  étoit  fans  doute 
la  première  affectée ,  changeoit  la  difpofi- 
tion  des  fibres  de  fon  cerveau  ,  &  érablif- 
foit  la  caufe  prochaine  d'une  forte  de  dé- 
lire mélancolique  concernant  les  alimens  , 
i  tel   que  celui'  de   fa  femme.  Il  n'eif.  pAs 


E  N  V  E  N  V  5g5 

d'ailleurs  rare  ,  quant  au  vomifTem^nt  de  |  blés  ',  telles  que  du  poivre  en  grande  quan- 
tité. Nicolas  Florentin  ,  fermon  V ,  tract. 
IV y  cap.  xxxvj  y  dit  en  avoir  vu  une  qui 
en  avoit  mangé  près  de  vingt  livres  ,   fans 


cet  homme ,  que  des  perfonnes  fe  Tentent 
des  naufées  &  vomiffent  même  en  voyant 
vomir  quelqu'un. 

La  dépravation  de  l'appétit  peut  être 
facilement  diftinguée  de  toute  autre  ma- 
ladie ,  par  les  lignes  caractériftiques  ,  men- 
■  tionnés  dans  la  définition  de  cette  maladie , 
fous  le  nom  d'envie.  La  différence  des  ei- 
peces  de  cette  affection  a  auffi  été  fuffi- 
famment  établie  au  commencement  de  cet 
article  :  ainfi  lorfque  des  femmes  greffes 
n'ont  des  envies  que  pour  des  alimens 
d'ufage  ordinaire  ,  cette  dépravation  d'ap- 
pétit,  qui  ne  confifte  que  dans  le  defir 
immodéré  ,  &:  fouvent-  hors  de  iaifon  ,  de 
ces  alimens ,  doit  être  diftinguée  par  le 
nom  de  maucia  ,  du  vioUnt  defir  des 
chofes  abfurdes  ,  qui  conftitue  la  maladie 
appellee  pica  :  celle-là  fe  change  fouvent 
en  celle-ci.  En  effet  ,  on  voit  journelle- 
ment des  fçmmes  enceintes  qui  ont  les 
fantaifies  les  plus  fîngulieres  :  plufieurs  fou- 
haitent  de  mordre  des  animaux,  d'étrangler 
des  oifeaux  avec  les  dents  ;  quelques-unes 
mangent  même  des  animaux  vrvans.  Drin- 
cavel  rapporte  de  fa  mère ,  qu'elle  avoit 
mangé  des  écreviffes  crues.  Foreftus  ,  liv. 
VIII ,  obfervation  7  ,  fait  mention  de 
plufieurs  femmes  enceintes  ,  qui  avoient 
dévoré  des  anguilles  vivantes  :  il  parle  auffi 
d'une  qui  avoit  mangé  toute  la  peau  d'une 
brebis  avec  fa  laine.  Il  eft  même  arrivé , 
ièlon  Langius,  lib.  II,  epift.  IZ,  qu'une 
femme  grofTe  avoit  eu  une  forte  envie  de 
mordre  le  bras  d'un  jeune  boulanger ,  & 
qu'il   avoit  fallu   la  fatisfaire  ,  à   quelque 

Enx  que  ce  fût ,  pour  éviter  qu'elle  ne  fe 
leifât.  Une  autre  ,  félon  le  même  auteur  , 
avoit  eu  une  fantailie  de  cette  efpece  ,  bien 
plus  violente  encore  ;  c'étoit  de  fe  nourrir 
de  la  chair  de  fon  mari  :  quoiqu'elle  l'ai- 
mât tendrement ,  elle-  ne  laiffa  pas  de  le 
tuer,  pour  affouvir  fon  cruel  appétit;  & 
après  avoir  mangé  une  partie  de  fon  corps  , 
elle  fala  le  refte  ,  pour  le  conferver  &  s'en 
raffafier  à  plufieurs  repfifes.  Ce  font  là  des 
exemples  très.-rares  ,  au  moins  s'ils  font 
bien  certains. 

Mais  ce  qui  arrive  plus  communément , 
c'eft  que  les  femmes  groffes  aient  des  envies 
de  manger  des  choies  abfurdes  &  nuiii- 


que  cet  excès  la  fît .  avorter  :  d'autres 
mangent  du  linge,  de  la  chaux  ,  du  cuir, 
des  excrémens  même ,  félon  fobfervation 
de  Borelli ,  cent.  III,  obferv.  z  ;  d'autres , 
des  cendres,  du  charbon  ,  de  la  craie,  du 
fel  ,  du  vinaigre  ,  &c.  &  ne  prennent 
aucun  bon  aliment  avec  goût ,  pendant 
qu'elles  ufent  avec  avidité  de  ces  différentes 
ordures. 

La  plupart  de  ces  chofes  font  auffi  l'ob- 
jet de  l'appétit  dépravé  des  filles  ;  mais  il 
eft  rare  qu'elles  fment  auffi  exceffives  dans: 
leurs  deiirs  déréglés  que  les  femmes  grof- 
fes :  la  dépravation  de  l'appétit  dans  les 
filles  eft- toujours  accompagnée  d'un  vice 
ds  humeurs  ,  qui  pèche  par  fa  quantité 
ou  par  fa .  qualité  ,  qui  difpofe  le  plus  fou- 
vent à  la  fuppreûion  des  règles ,  ou  en 
eft  une  fuite.  Ce  vice  eft  différent ,  félon 
la  différence  des  objets  abfurdes  de  l'ap- 
pétit dépravé  :  ce  vice  dominant  fe  fait 
connoître  par  les  naufées ,  les  vomifîê- 
mens ,  les  douleurs  que  les  perfonnes  af- 
fe&ées  rapportent  à  feftomac  ,  la  pâleu* 
du  vifage  ,  &  autres  lymptomes  qui  dé- 
pendent de  ce  vice  ,  dont  il  n'eft  d'ailleurs 
pas  poilible  de  déterminer  précifément  la 
nature  particulière ,  qui  fait  varier  le  goût 
|  pour  l<°s  différentes  matières  qui  font  l'objet 
de  l'appétit  dépravé. 

II.  eft  plus  aifé  de  juger  des  fuites  que 
peut  avoir  cette  biïcà'ion ,  &  de  prévoir 
fi  elle  fe  terminera  par  le  rérablifïèment  de 
la  fanté  ,  ou  par  la  mort  ;  ou  fi  elle  dégéné- 
rera en  quelque  autre  maladie.  Lorfqu'elle 
eft  fimple  ,  il  n'y  a  rien  à  en  craindre  , 
quand  même  elle  auroit  duré  depuis  long- 
temps. Les  obftruâions  ,  la  cachexie  ,  les 
pâles  couleurs  ,  l'hydropifie  ,  ■  la  fièvre 
lente ,  &c.  font  les  maladies  auxquelles 
elle  fç  trouve  fouvent  jointe ,  &  qu'elle 
peut  auffi  produire  par  les  effets  de  la 
mauvaife  nourriture.  Les  femmes  encein- 
tes font  ordinairement  délivrées  du  mala* 
cia  y  &  même  du  pica  ,  environ  le  qu;>. 
trieme  mois  de  leur  groffeffe  ,  parce  qu$ 
l'enfant  qu'elles  portent  dans  leur  fein  ,  a 
alors  acquis   allez  d'aecroiffement   pou^ 


4^4 


E  N  V 


confumer  toute  la  partie  furabondante  des  | 
humeurs  qui  ie  portent  à  la  matrice  ;  par 
conféquent  elle  n'eft  plus  dans  le  cas  d'y 
engorger  les  vaiflêaux ,  d'y  croupir ,  de 
refluer  dans  la  mafTe  &  d'y  produire  les 
-mauvais  effets  mentionnés.  Si  la  déprava- 
tion de  l'appétit  fubfifte  au  delà  du  qua- 
trième mois  ,  elle  /  devient  dangereufe  , 
parce  qu'elle  dépend  d'une  autre  caufe  que 
la  fîmple  grofîefle  ,  &  qu'elle  prive  le 
fœtus  de  la  nourriture  ;  alors  elle  ne  peut 
qu'être  extrêmement  nuifible  à  la  mère  & 
  l'enfant.  On  a  vu  différentes  fortes  d'en- 
vies terminées  par  la  mort  :  mais  ,  dans 
ces  cas ,  elles  n'étoient  pas  {impies  ;  elles 
ji'étoient  que  des  fymptomes  de  maladies 
plus  confidérables  ,  qui  font  devenues  mor- 
telles ,  fans  qu'on  pût  en  accufer  les  envies 
dont  elles  étoient  accompagnées. 

On  doit  en  général  fe  propofer  deux 
objets  dans  la  curation  de  l'appétit  dépra- 
vé ;  lavoir ,  de  corriger  l'erreur  de  l'ima- 
gination ,  &  le  vice  dominant  du  corps  : 
ii  c'eft  l'eiprit  qui  eff  le  plus  affeclé  ,  le 
médecin  doit  y  faire  beaucoup  d'atten- 
tion ,  &  s'appliquer  particulièrement  à  le 
remettre  en  bon  état  ,  par  des  remèdes 
moraux  :  s'il  y  a  indice  de  mauvais  lues 
abondans  dans  les  premières  ou  dans  les 
iecondes  voies  ,  on  doit  faire  en  forte  qu'ils 
foient  évacués  ,  ou  qu'ils  changent  de  qua- 
lité &  s'améliorent  :  il  faut  prefque  tou- 
jours- ,  dans  cette  affection ,  traiter  en 
même  temps  le  corps  &  Tefprit.  Après 
avoir  employé  les  remèdes  généraux  ,  félon 
qu'ils  font  indiqués ,  on  doit  enfuite  avoir 
recours  aux  altérans  appropriés  au  vice 
dominant  des  humeurs  ;  &  comme  elles 
(ont  le  plus  fouvent  épaiffes  ,  groffieres  & 
difpofées  à  former  des  obftru&ions ,  on 
fait  ufage  avec  fuccès  de  légers  apéritifs, 
rendus  plus  actifs  par  degpé  ,  fous  diffé- 
rentes formes.  Les  eaux  minérales  ,  celles 
de  Balaruc  ,  fur-tout ,  comme  purgatives  , 
&  celles  de  Vais  comme  altérantes  ,  ou 
toutes  autres  de  nature  approchante  ,  font 
très-recommandées  dans  ce  cas.  Si  le  fang 
pèche  par  acrimonie ,  comme  lorfqu'il  a 
contracté  ce  vice  par  l'ufage  exceflif ,  qui 
a  précédé  ,  du  poivre  ,  du  fel ,  de  la  chaux , 
&:  autres  choies  femblables,  après  avoir 
rempli  les  préalables  convenables  ,  on  doit 


E  N  V 

employer  les  humedans,  les  rafraîchifîans 
&  les  adouciffans  ,  auxquels  on  pourra 
affocier  efficacement  les  légers  apéritifs  , 
les  laitages  ,  &  les  eaux  minérales  aci- 
dulés. 

On  appelle  aufli  envie  des  taches  ou 
autres  chofes  contre  nature  ,  qui  paroi£- 
fent  fur  le  corps  des  enfans  nouveau- 
nés  ,  que  l'on  attribue  au  pouvoir  de 
l'imagination  des  femmes  enceintes  ,  d'im- 
primer fur  le  corps  des  enfans  renfermés 
dans  leur  fein  ,  les  figures  des  objets  qui 
les  ont  frappées  particulièrement ,  enfuite 
des  fantaifies  qu'elles  ont  eues  pour  cer- 
taines chofes  ,  fans  pouvoir  fe  fatisfaire  ; 
ce  qui  a  fait  donner  proprement  le  nom 
d'envie  à  ces  défeduofités.  C'eft  mal-à- 
propos  qu'elles  font  nommées  ainfi ,  lors- 
qu'elles font  réputées  une  fuite  de  la 
crainte ,  de  la  frayeur ,  ou  de  tout  autre 
fentiment  de  l'ame ,  qui  n'eff  point  agréa- 
ble :  ces  marques  font  appellées  des 
Latins  d'une  manière  plus  générique  » 
noevi  y  &  des  Grecs    (tt'ikoi  ,  arnihoyctTA, 

Voye\  Fœtus  ,  Grossesse  ,   Imagi- 
nation, (d) 

*  Envie  ,  (  Mythologie.  )  Les  poètes 
Grecs  ou  Romains  en  ont  fait  une  divi- 
nité infernale  :  ils  ont  dit  qu'elle  a*oit 
les  yeux  louches  ,  le  corps  décharné  ,  le 
front  pâle  ,  l'air  inquiet ,  la  tète  coëffée 
de  ferpens  ,  &c. 

ENVIEUX,  JALOUX,  fynonymes. 
Voici  les  nuances  par  lefquelles  ces  mots 
différent.  i°.  On  eft  jaloux  de  ce  qu'on 
pofîede,  &  envieux  de  ce  que  poiTedent 
les  autres  :  c'eff  ainfi  qu'un  amant  eff  ja- 
loux de  fa  maîtrette ,  un  prince  jaloux  de 
fon  autorité.  2.°.  Quand  ces  deux  mots 
font  relatifs  à  ce  que  poffedent  les  autres  , 
envieux  dit  plus  que  jaloux  :  le  premier 
marque  une  difpofition  habituelle  &  de 
caradere  ;  l'autre  peut  défigner  un  fenti- 
ment pafTager  :  le  premier  défigne  aufli  un 
fentiment  aduel  plus  fort  que  le  iècond. 
On  peut  être  quelquefois  jaloux  fans  être; 
naturellement  envieux  y  la  jaloujie  y  fur- 
tout  au  premier  mouvement ,  eff  un  fen- 
timent dont  on  a  quelquefois  peine  à  fc 
défendre  :  Y  envie  eft  un  lentement  bas  , 
qui  ronge  &  tourmente  celui  qui  en  eff 
pénétré.  (O) 

ÉNUMÉRATION. 


ENU 
ENUMÉRATION.  (  Art  poétique.  ) 
Cette  figure  de  rhétorique  eft  admirable 
en  poéfie  ,  parce  qu'elle  raffembîe  ,  dans 
un  langage  harmonieux  ,  les  traits  les  plus 
frappans  d'un  objet  qu'on  veut  dépeindre  , 
afin  de  perfuader  ,  d'émouvoir  &  d'entraî- 
ner l'efprit ,  fans  lui-donner  le  temps  de  fe 
reconnoitre.  Je  n'en  citerai  qu'un  feul 
exemple ,  tiré  de  la  tragédie  d'Athalie. 

Jehu  ,   qu  avoit  choififa  fagejft  profonde  ; 
Jehu  ,  fur   qui  je  vois  que  votre  efpoir  je 
fonde. 

D'un  oubli  trop  ingrat  a  payêfes  bienfaits. 
Jehu  laiffe  d'Achab  Vaffreufe  fille  en  paix  ; 
Suit  des  roisd'Ifraël  les  prophanes  exemples, 
Du  vildieu  de  f  Egypte  a  confervé  les  temples. 
Jehu  ,  fur  les  hauts  lieux  ,  ofant  enfin  off'iir 

Un  téméraire  encens    que    Dieu  ne  peut 

foufrir , 
N*a ,  pour  fer  vir  fa  caufe  &  venger  fe  s  in~ 

JUres>   - 
Ni  lecteur  ajje{  droit  ,  ni  les  mains  affe-^ 

pures* 
Article  de  M.  le  Chevalier  de  Jau court. 

ENUMÉRATION  ,  DÉNOMBREMENT  , 
(Hift.  a  ne.  )l'action  décompter  ou  de  marquer 
le  nombre  des  chofes.  Voy.  Numération. 

Au  temps  de  la  naiflance  de  Notre- 
Seigneur  ,  Céfar-Augufte  avoit  ordonné 
qu'on  fit  le  dénombrement  du  monde  ,  ou 


E  NV  s$S 

millions  foixante- trois  mille.  Pan  746  on 
fit  encore  le  dénombrement  des  citoyens 
romains  ,  qui  fe  trouva  monter  à  quatre 
millions  deux  cens  trente-trois  mil'e.  L'an 
766  ,  qui  fut  le  dernier  de  la  vie  d'Au- 
gufte  ,  ce  prince  fit  avec  Tibère  un  autre 
dénombrement  des  citoyens  romains  ,  donc 
le  nombre  fe  trouva  monter  à  quatre  mil- 
lions cent  trente-fept mille  perfonnes.  Clau- 
de fit  un  nouveau  dénombrement  l'an  48 
de  Jefus-Chrift  ;  &  fuivant  le  rapport  de 
Tacite  ,  les  citoyens  romains  répandus 
dans  tout  l'empire,  fe  trouvoient  monter 
alors  à  fix  millions  foixante- quatre  mille  , 
quoique  d'autres  repréfentent  ce  nombre 
comme  beaucoup  plus  grand.  Une  mé- 
daille de  Claude  très-rare  marque  plus 
précifément  le  dénombrement  fait  par  Clau- 
de ,  qu'elle  appelle  ojlenfio ,  &  qu'elle  fait 
monter  à  fept  millions  de  perfonnes  en  état 
de  porter  les  armes  .  fans  parler  des  armées 
qui  étoient  fur  pie  ,  &  qui  montoient  à 
cinquante  légions ,  cinquante  fept  cohor- 
tes &  foixante  foldats.  Après  cette  é numé- 
ration ,  nous  n'en  trouvons  plus  jufqu'à 
celle  de  Vefpafien  ,  qui  a  été  la  der- 
nière. Voye{  (article  DÉNOMBREMENT- 
Chambers.  (G) 

*  ENVOI  ,  f.  m.  (  Gramm.  )  adion 
par  laquelle  on  fait  transporter  une  chofe 
(d'un  lieu  à  un  autre.  On  dit  faire  un  envoi 
de  marchandifes  par  terre  ou  par  eau  , 
faire  un  envoi  de   lettres  de  change  par  un 


plutôt  du  peuple  de  fon  empire  ;  quoique  courier  ou  par  un   exprès.  (G) 


d'habiles  auteurs  croient  que  ce  cenfus  ou 
dénombrement ,  dont  parle  S.  Luc,  ne  s'é- 
tendit pas  fur  tout  l'empire  ,  mais  qu'il 
fut  particulier  à  la  Judée.  Voye^  Perizo- 
nius ,  de  cenfu  judaïco  ,  &  Berger  ;  de  viis 
militaribus. 

On  étoit  à  Rome  dans  Pufage  de  faire 
le  dénombrement  de  toutes  les  familles.  Ce 
fut  Servius  Tullius  qui  fit  le  premier,  le- 
quel ne  fe  trouva  comprendre  que  80  mille 
hommes  :  Pompée  &  Craffus  en  firent  un 
fécond  ,  qui  fut  de  400  mille  hommes: 
celui  de  Céfar  ne  fut  que  de  100  mille 
hommes  ;  ainfi  la  guerre  civile  avoit  fait 
périr  300  mille  citoyens  romains. 

Sous  Augufte  ,  en  l'an  715  ,  les  ci- 
toyens romains ,  dans  toute  l'étendue  de 
l'empire  ,  fe  trouvèrent  monter  à  quatre 
Tome   XI h 


ENVOIE  ,  (  Marine.  )  terme  de  com- 
mandement que  l'on  fait  au  timonnier  de- 
pouffer  la  barre  du  gouvernail ,  pour  met- 
tre le'vaifleau  vent  devant.  (Z) 

*  EN  VOILER  ,  (s')  v.  paiT.  (  Art. 
méchan.  )  il  fe  dit  de  tout  corps  qui  venant 
à  fe  tourmenter  ,  fe  fléchit  &  dont  les 
parties  qui  étoient  auparavant  dans  un 
même  plan  ,  fe  trouvent  dans  des  plans 
difFérens.  S'envoiler  eft  fynonyme  à  fe  dé- 
jeter ;  les  planches  senvoilent  par  l'action 
de  l'humidité  ,  les  lames  fe  dé  jettent  à  la 
trempe. 

^  ENVOYÉ  ,  adj.  pris  fubft.  (H//?,  mod.  ) 
fe  dit  d'une  perfonne  députée  ou  envoyée 
exprès  pour  négocier  quelque  affaire  avec* 
un  prince  étranger  ou  quelque  république». 
Voye{  Ministre. 

Eeee- 


s%6  EN  Y 

Les  miniftres  qui  vont  de  la  cour  de 
France  ou  de  celle  d'Angleterre ,  à  Gènes , 
vers  les  princes  d'Allemagne  ,  &  autres 
petits  princes  &  états ,  n'ont  point  la  qua- 
lité d: '  ambaffadeurs  ,  mais  de  (impies  envoyés. 
Joignez  à  cela  que  ceux  que  quelques  grands 
princes  envoient  à  d'autres  de  même  rang, 
par  exemple!  l'Angleterre  à  l'empereur  , 
n'ont  fouvent  que  le  titre  d'envoyé  ,  lorfque 
le  fujet  de  leur  commifïion  n'eft  pas  fort 
important.  Voyez  AMBASSADEUR. 

Les  envoyés  font  ou  ordinaires  ou  extra- 
ordinaires. Voye{ Ordinaire  &  Extra- 
ordinaire. 

Les  uns  &  les  autres  jouiiTent  de  toutes 
les  prérogatives  du  droit  des  gens  aufli- bien 
que  les  ambafladeurs ,  mais  on  ne  leur  rend 
pas  les  mêmes  honneurs.  La  qualité  d'en- 
voyé extraordinaire  ,  fuivant  l'obfervation 
de  Wiquefort ,  eft  très-moderne,  &  même 
beaucoup  moins  ancienne  que  celle  de  réfi- 
dent.  Les  miniftres  qui  en  ont  été  revêtus , 
ont  voulu  d'abord  fe  faire  confidérer  pref- 
que  comme  des  ambaffadeurs  ,  mais  on  les 
a  mis  depuis  fur  un  autre  pie. 

La  cour  de  France  en  particulier  déclara 
en  1654  ,  qu'on  ne  feroit  plus  à  ces  minif- 
tres l'honneur  de  leur  donner  les  carroffes 
du  roi  &  de  la  reine  pour  les  conduire  à 
l'audience,  &  qu'on  ne  leur  accorderoit 
plus  divers  autres  honneurs. 

Juftiniani  ,  le  premier  envoyé  extraordi 
naire  de  la  république  de  Venife  à  la  cour 
de  France,  depuis  que  les  honneurs  y  ont 
été  réglés  ,  prétendit' fe  couvrir  en  parlant 
au  roi ,  &  cela  lui  fut  refufé.  Le  roi  déclara 
même  à  cette  occafion  qu'il  n'entendoit 
point  que  Y  envoyé  extraordinaire  qui  eft  de 
fa  part  à  Vienne  ,  fût  regadé  autrement 
qu'un  réfident  ordinaire.  Depuis  ce  temps , 
on  a  traité  de  la  même  manière  ces  deux 
efpeces  de  miniftres.  Voyc^  Wiquefort  , 
Champ.  &  leDiâionn.  de  Trévoux.  (G) 

ENVOYER  ,  v.  ad.  (  Gramm.  )  faire 
l'envoi  d'une  chofe.  La  campagnie  des  In- 
des envoie  tous  les  ans  un  certain  nombre 
de  vaiffeaux  aPondichery. 

*ENYALIUS,(  Mnhol.)  furnom 
qu'on  donnoit  à  Mars  ,  fils  de  Bellonne , 
qu'on  apoeloit  aufti  Nia. 
■    ENYÈD  ,  (  Géogr.  )  ville  d'Hongrie  , 
dans  la  Tïanfylvanie  ,  au  diftrict  de  Weif- 


ENZ 

fenbourg.  Elle  eft  peuplée  de  ré'formé's  en 
tr'autres  qui  y  jouiiTent  d'un  collège  pour 
l'éducation  de  la  jeunefle  ,  &  l'on  trouve 
fréquemment  dans  fes  environs  des  mé- 
dailles romaines.  {D.G.) 

ENYO  ,  (  Mythol.)  Quelques  auteurs; 
difent  que  le  dieu  Mars  portoit  Je  nom 
d'Enyalius ,  parce  qu'il  étoit  fils  de  Jupiter 
&  d'Enyo  ,  dédie  de  la  guerre.  Stace  dit 
qu'£/2jopréparoit  les  armes,  les  chevaux 
&  le  char  de  fon  fils  ,  lorfqu'il  alloit  au 
combat.  Phurnutus  ,  dans  fon  traité  De 
natura  Deorum ,  rapporte  que  les  auteurs 
varient  fur  l'origine  &  les  fondions  d'Enyo  : 
les  uns  difant  qu'elle  étoit  mère  ,  les  au- 
tres foutiennent  qu'elle  étoit  fille  ,  dautres 
enfin  attellent  qu'elle  étoit  fimple  nourrice 
du  dieu  Mars  ;  mais  il  ajoute  que  tous  les 
mythologiftes  s'accordent  à  dire  qu'Enyo 
en  grec  lignifie  qui  donne  ,  qui  excite  le 
courage  ,  la  valeur  &  la  fureur  dans  le 
cœur  des  combattans.  L'interprète  de  Ly- 
cophron  dit  qu'Enyo  ,  fœur  de  Gorgones  , 
étoit  une  épithete  que  l'on  donnoit  à  Ju- 
non.  Héfiode,  dans  fa  Théogonie  ,  attefte 
quEnyo  étoit  fille  dePhorcynos  &de  Ceto 
&  par  conféquent  qu'elle  étoit  fœur  des 
Phorcynides.  On  lit  dans  Paufanias 
qu'Enyo  ainfi  que  Paîlas  préfidoient  à  la 
guerre  ,  &  la  dirigeoient.  (  V.  A.  L.  ) 

ENZ  ,  (  Géogr.  )  rivière  du  duché  de 
Wirtemberg  ,  dans  le  cercle  de  Souabe , 
en  Allemagne.  Elle  naît  au  pié  des  mon- 
tagnes de  la  Forêt  Noire,  reçoit  le  Nngold  , 
&  tombe  dans  le  Necker  :  fon  cours  eft  na- 
vigable jufqu'affezprès  de  fa  fource.  (D.G  ) 

ENZERSDORF  ,  (Géograp.  )  ville 
d'Allemagne,  dans  la  baffe- Autriche  ,  dans 
le  quartier  inférieur  du  Manharfberg  ,  au 
bord  du  Danube  :  elle  a  un  château  d'une 
certaine  importance  ,  &  elle  appartient 
aux  évêques  de  Freyfingue.  (  D.  G.  ) 

*  ENZINA  ,  nom  Efpagnol  qui  ligni- 
fie chêne.  Ainfi  l'ordre  d'en^ina  ou  l'ordre 
du  chêne  ,  eft  le  même.  La  marque  dif- 
tinclive  de  cet  ordre  étoit  une  croix  rouge 
fur  un  chêne. 

E  O 

EOLE,  (MyiKd.)  C'eft  le  roi  ,ou 
pour  mieux  dire,  le  dieu  des  vents  ;  car  ,Yui- 


E  O  L 

vant  la  remarque  du  P.  Sanadon  ,  les  vents 
paroiflenc  dans  la  Mythologie  comme  des 
efpeces  des  petits  génies ,  volages ,  inquiets 
&  mutins  ,  qui  femblent  prendre  plaifir  à 
bouîeverfer  l'univers.  Ce  font  eux  qui  ont 
donné  entrée  à  la  mer  au  milieu  des  terres , 
qui  ont  détaché  quantité  d'illes  du  conti- 
nent ,  &  qui  ont  caufé  une  infinité  d'autres 
ravages  dans  la  nature. 

Pour  prévenir  de  pareilles  fentreprifes 
dans  la  fuite,  la  fable  les  reflerra  dans  de 
certains  pays ,  particulièrement  dans  les  ifles 
éoliennes  ,  aujourd'hui  les  ifles  de  Lipari ,  en- 
tre l'Italie  &  la  Sicile  ;  &  en  conféquence 
la  même  fable  leur  donna  un  roi  nommé 
Eole. 

Ce  nouveau  monarque ,  ou  plutôt  ce 
nouveau  dieu  ,  a  joué  un  grand  rôle  dans 
la  Poéfîe  ,  pour  élever  les  tempêtes ,  ou  pour 
les  calmer.  UlyfTe  s'adreffe  à  lui  dans  Ho- 
mère ,  pour  en  obtenir  une  heureufe  navi- 
gation :  mais  dans  Virgile  ,  la  reine  même 
des  dieux  ne  dédaigne  pas  d'implorer  fon 
fecours,pour  traverfer  l'érablifTementde  la 
colonie  troyenne  en  Italie  ,  &  l'on  peut 
dire  que  le  roi  des  vents  a  la  gloire  de  com- 
mencer le  nœud  de  cette  grande  adion 
dans  l'Enéïde. 

C'eft  lui  qui  ,  dans  un  antre  vafte  & 
profond  ,  tient  tous  les  vents  enchaînés  ;il 
les  gouverne  par  fa  puifTance  ;  &  fe  tenant 
aflls  fur  la  montagne  la  plus  haute  ,  il  ap- 
paife  à  fa  volonté  leur  fuire  ,  s'oppofe  à 
leurs  efforts ,  les  arrête  dans  leurs  prifons  , 
ou  les  met  en  liberté  :  s'il  ceflbit  un  mo- 
ment de  veiller  fur  eux  ,  le  ciel  ,  la  terre  , 
la  mer  ,  tous  les  élémens  feroient  con- 
fondus. 

Celfafedet  (Eolus  arce 

SceptfW  tenens  ,  mollitque  animos  ,  &  tem- 
pérât iras  ; 

Ni  faciat ,  maria  ,  ac  terras ,  ccelumque 
profundum 

Quippe  feront  rapidi  fecum  ,  vert^ntqueper 
auras. 

^Eneïd.  lib.  I.  v.  $x.  &  feqit.. 

Junon  ,  pour  l'engager  à  fervir  fa  colère , 
lui  offre  en  mariage  une  des  quatorze  nym- 
phes de  fa  fuite  ,  &  la  plus  belle  de  toutes , 
en  un  mot  Déjopée  : 


E  O  L  5S7 

Sunt   mihi  bis   feptem   prceftandi  cor  pore 

nymphce  : 
Quarum  ,  quac  forma  pulcherrima  ,  Dejo- 

peiam. 
Connubio    jungam   ftabili  ,     propriamque 

dicabo  : 
Omnes  ut  tecum  meritis  pro  talibus  annos 
Exigat ,  &  pulchrâ  faciat  te  proie  parentem. 

A  ces  mots ,  Eole  enfonce  fa  lance  dans 
le  flanc  de  la  montagne,  &  Pentr'ouvre  : 
tous  les  vents  à  l'inftant  fortent  impétueu- 
fement  de  leurs  cavernes,  &  fe  répandent 
fur  la  terre  &  fur  la  mer. 

Hcec  ubi  diâa  ,  cavum   converfâ  cufpide 

montem 
Impulit  in  latus.  At  venu ,  velut  agrnine 

fado  , 
Quâ  data  porta  ,  ruunt ,   &  terras  turbine 

perflant. 

Alors  s'élève  une  tempête  afTreufe  ,  donc 
il  faut  lire  la  peinture  admirable  dans  le 
poème  même  ,  car  elle  n'a  point  de  rapport 
direct  à  cet  article.  Voye^  encore  fur  Eole  t 
Diodore  de  Sicile  ,  lib.  V.  Strabon  ,  lib  I. 
Ovide  ,  Mêtamorph.  lib.  XI.  Pline  ,  lib.  HT. 
c.  jx.  Bochard  ,  l'abbé  Banier  ,  les  DiSionn. 
de  Mythologie.   (  De  JaucouRT.) 

EOLIE  ou  EOLIDE ,  f.  f.  (  Géogr.  ) 
contrée  de  l'Aile  mineure  ,  qui  s'appela 
Myfie  ,  avant  que  les  Eoliens  yinfTent  l'ha- 
biter &  lui  donner  leur  nom.  Elle  eft  fituée 
fur  la  mer  Egée  ,  au  midi  de  la  Troade  , 
&  au  feptentrionde  l'Ionie,  entre  ces  deux 
pays. 

.  EOLIEN  ou  EOLIQUE  ,  adj.  (  terme 
2s  Gramm.  )  nom  d'un  des  cinq  dialectes 
de  la  langue  grecque.  Voye^  Grec  &  Dia- 
lecte. 

Il  fut  d'abord  en  ufage  dans  la  Béotie  , 
d'où  il  pafTa  en  Eolie.  C'eft  dans  ce  dialecte 
que  Sapho  &  Alcée  ont  écrit. 

Le  dialeâe  éolien  rejette  fur-tout  l'accent 
rude  ou  âpre.  Du  refte  il  s'accorde  en  tanc 
de  chofes  avec  le  dorique  ,  qu'on  ne  fait 
ordinairement  de  ces  deux  qu'un  feul  dia- 
lede.  C'eft  pourquoi  la  plupart  des  gram- 
mairiens ne  comptent  que  quatre  différens 
dialectes  grecs  ,  quoiqu'il  y  en  ait  réelle- 
ment cinq  ,  en  en  faifant  deux  de  \éolittt 
Eeee  2. 


588  EOL 

&  du  dorique.  Toy^DORIQUE  &  DIALEC- 
TE. (G) 

EOLIEN  ,  en  Mufique  ,  eft  le  nom  que  les 
anciens  donnoient  à  un  de  leurs  modes  ou 
tons  ,  duquel  la  corde  fondamentale  étoit 
immédiatement  au-deffus  de  celle  du  mode 
phrygien.  Voyt^  MODES  &  Ton. 

Le  mode  éolien  e'toit  grave,  au  repport  de 
Laïus.  "  Je  chante  ,  dit-il ,  Cérès&  fa  fille 
»  Mélibée  époufe  de  Pluton  ,  fur  le  mode 
éolien  ,  rempli  de  gravité.  »  {s) 

*  EOLIENS  ,  f.  m.  pi.  {Géogr.  Hift.  anc.) 
peuplesde  Grèce  ,  ainfi  appelés  d'Eole  fils 
d'Helien.  Ils  pafterent  dans  l1  Afie  mineure ,  { 
&  s'établirent  dans  la  Myfie  ,  dont  ils  chan-  [ 
gèrent    le  nom   en   celui   d'Eolie.   Voye[\ 
Eolie. 

*EOLIENNES  ,  adj.pris  fubft.(  Géogr. 
anc.  Mythol.  )  ce  font  aujourd'hui  les  ijles 
de  Lipari.  Les  volcans  répandus  dans  la 
principale  ,  avoient  donné  lieu  aux  prêtres 
d'en  faire  l'antre  de  Vulcain  ,  &  d'y  placer 
fes  forges  ;  ce  fut  de-là  qu'elle  s'appella  ; 
Vulcanie. 

ENVOYER,  Voyez  Avoyer. 

E  O  L I PYL  E ,  f.  m.  (  Phyf.  )  inftru- 
ment  hydraulique  qui  confifte  dans  une 
boule  de  métal  creufe  ,  ayant  un  cou  ou  un 
tuyau.  Cette  boule  étant  remplie  d'eau  & 
expofée  au  feu  ,  il  fort  par  le  tuyau  un  vent 
violent.  Defcartes  &  d'autres  fe  font  fervis 
de  cet  inftrument  pour  expliquer  la  caufe 
&  la  génération  du  vent  ;  c'eft  pourquoi  il 
eft  appelé  éolipyle ,  comme  qui  diroit  pila 
JEoli,  boule  d;Eo!e  ;  parce  queEole  étoit 
le  dieu  des  vents.  On  voit  la  forme  de  cet 
inftrument  (  PL  de  Phifiq.  fig.  z8  )  A  eft 
la  boule  pofée  fur  des  charbons  ardens  B  , 
&  C  eft  fon  cou  ,  par  lequel  fort  le  vent  ou 
la  vapeur.  On  écrit  ordinairement  éolipyle , 
comme  on  prononce  ;  on  devoit  écrire 
ceolipyle  ,  fuivant  l'étymologie  :  mais  il 
vaut  encore  mieux  fe  conformer  à  la  pro- 
nonciation. 

Quelquefois  le  cou  de  Yéolipyle  eft  joint 
à  la  boule  par  une  vis  ;  ce  qui  elt  plus  com- 
mode ,  parce  qu'alors  on  a  plus  de  facilité 
à  remplir  d'eau  la  cavité.  S'il  n'y  a  pas  de 
vis  ,  on  peut  la  remplir  de  la  manière  fui- 
vante  :  faites  chauffer  la  boule  jufqu'à  ce 
qu'elle  foit  rouge  ,  &  jettez-la  dans  un  vaif- 
feau  plein  d'eau  ;  l'eau  entrera  par  le  tuyau, 


EOL 

&  remplira  environ  les  deux  tiers  de  la 
cavité. 

Si  on  .met  enfuite  Yéolipyle  fur  le  feu ,  ou 
devant  le  feu  ,  enforte  que  l'eau  &  le  vaif- 
feau  s'échauffent  beaucoup;  l'eau  étantalorç 
raréfiée  &  convertie  en  vapeur,  s'échappera 
avec  beacoup  de  bruit  &  de  violence  j  mais 
par  bonds  ,  Se  non  pas  d'une  manière  égale 
&  uniforme. 

"  En  mettant  Yéolipyle  fur  un  brafier 
bien  allumé  ,  »  dit  M.  Formey  ,  d'après  la 
plupart  des  phyftciens ,  dans  un  article  qu'il 
nous  a  communiqué  fur  ce  fujet  ;  »  le  feu  y 
»  dilate  l'air  ,  allant  &  venant  au- travers 
»  des  pores  de  la  boule  ,  fans  aucun  acci- 
»  dent  fenfible  ;  parce  que  l'air  qu'il  chaffe 
»  trouve  à  s'échapper  par  la  fortie  du  gou- 
»  lot.  Si  cette  boule  rougie  par  le  feu  eft 
»  plongée  dans  l'eau  ,  l'air  dilaté  qui  y  de- 
»>  meure  fe  refterre  aux  approches  de  celle- 
»  ci.  Le  vafe  fe  trouve  peu  à-peu  rempli 
«  d'eau  &  d'air  ,  par  portions  à-peu-près 
«  égales.  Remettez  pour  lors  Yéolipyle  fur 
»  les  charbons  en  y  enfonçant  un  peu  le 
»  petit  bout ,  &  en  tournant  à  l'air  I'ou- 
y>  verture  du  goulot ,  que  l'eau  remplit  par 
»  ce  moyen  fans  s'écouler  ;  dès  que  le  bra- 
»  fier  fera  vivement  allumé,  lefeuquifem- 
w  bloit  ne  pas  agir  fur  l'intérieur  de  cette 
»  poire  quand  elle  étoit  fans  eau  ,  &  que 
n  rien  ne  le  retenoit,  commence  par  y  dila- 
»  ter  l'air.L'air  débande  tous  fes  refTorts  con- 
»  tre l'eau  qui  l'enveloppe  ;  celle-ci ,  quoi- 
»  que  naturellement  fans  activité  ,  étant 
»  fortement  pouffée  en  tout  fens  &  en  mê- 
;>  me  temps  reflerrée  de  toutes  parts  par  les 
t}  parois  du  vaiffeau ,  ne  trouve  que  l'iffue 
»  du  goulot  vers  laquelle  fe  tourne  toute  la 
n  furie  du  feu  &  de  l'air,  &  par  conféquenc 
»  de  l'eau.  L'eau  en  fort  malj^ré  la  peti- 
»  tefte  de  l'iffue,  &  malgré  la  rCTiftance  de 
«  l'air  extérieur  ,  en  s'éiançant  à  quinze  & 
»  à  vingt  pies  de  diftance.  Ainfi  le  feu  qui 
»  s'entretient  paisiblement  fous  une  marte 
«  de  cendre  par  la  liberté  que  mille  petits 
n  fentiers  lui  laiffent  de  s'échapper  à  l'air 
»  &  d'en  tirer  quelque  fecours,  vient-il  à 
»  recevoir  autour  de  lui  quelques  gouttes 
w  d'eau  ,  il  les  étend  ,  il  les  foùleve  , 
»  &  fouleve  avec  elles  la  braife  &  la 
«  cendre.  C'eft  par  cette  raifon  que  le  feu 
n  fouttrrain  qui  étant  fculrouleroit  autour 


EOL 
'y?  ou  au  travers  d'un  petit  caillou  fans  le  dé- 
g»  placer  ,  fe  joignant  à  l'air  &  à  l'eau,  fou- 
n  levé  des  malles  énormes  ,  ébranle  les  ré- 
y>  gions ,  perce  les  terres ,  &  fait  voler  les 
n  rochers.  Quand  le  feu  fécondé  de  l'air  , 
7>  pouffe  devant  lui  des  furfaces  d'élémens 
y/durs  &  maflifs  ,  comme  le  fel  &  l'eau  , 
•»  qui  ne  peuvent  être  reçus  par  les  ouver- 
v  tures  qui  livreroient  paffage  au  fer ,  il  fait 
pi  alors  des  ravages  épouvantables  &  il 
7>  renverfe  ,  brife ,  ou  diffipe  parce fecours 
7)  ce  qu'il  auroit  traverfé  par  un  écoulement 
7)  continuel  étant  feul.  Ainfi  quoique  l'élaf- 
7)  ticité  du  feu  ne  foit  pas  toujours  fenfible , 
7f  elle  eft  toujours  réelle  ,  &  c'eft  de  cette 
7>  élafticité  modifiée  ou  fécondée  par  les 
7>  autres  élémens  ,  qu'on  peut  déduire  les 
9)  différentes  actions  du  feu.  »  M.  Formey 
»>  cite  ici  le  fpeâacle  de  la  nature ,  tome  IV. 

Cette  expérience  de  Yéolipyle  eft  une  des 
plus  fortes  preuves  quepuiffent  alléguer  en 
faveur  de  leur  fentiment ,  ceux  qui  croient 
que  l'air  eft  la  principale  caufe  de  l'ébulii- 
tion  des  fluides.  Il  paroît  vraifemblable  au 
premier  coup-dœil ,  que  le  vent  de  Yéoli- 
pyle eft  produit  par  l'air  renfermé  dans  l'eau. 
Mais  lorfqu'on  remplit  d'eau  Yéolipyle ,  il 
n'y  avoit  prefque  point  d'air ,  &  l'eau  qu'on 
a  fait  entrer  ne  contient  qu'une  dixième 
partie  d'air  ;  une  fi  petite  quantité  d'air  peut- 
elle  être  la  matière  de  ce  fouffle  impétueux  ? 
De  plus,  lorfque  le  vent  eft  dans  fa  plus 
grande  force  ,  plongez  le  cou  de  Yéolipyle 
dans  un  vaiffeau  plein  d'eau  froide  ,  on  ne 
voit  point  paroître  à  la  furfaceles  bulles  que 
ce  vent  devroit  produire ,  s'il  étoit  produit 
lui-même  par  l'air.  Donc  ,  conclut-on  ,  la 
caufe  du  vent  de  Yéolipyle  eft  la  même  que 
celle  de  l'ébullition  ,  la  vapeur  de  l'eau  di- 
latée 13  ou  14000  fois  au  delà  de  fon  état 
naturel.  Cette  dernière  raifon  eft-el!ebien 
convaincante  ?  car  quand  ce  feroit  la  vapeur 
de  l'eau  qui  produiroit  le  fouffle  de  Yéoli- 
pyle ,  pourquoi  cettevapeur  expofée  dans 
l'eau  froide  ne  produiroit- elle  pas  des  bulles 
d'air  à  !a  furface ,  comme  on  prétend  qu'elle 
en  produit  dans  l'ébullition  ?  Fbye^EBU LO- 
TION ,  &  les  mém.  acad.  zj^.M.Muffchen- 
brock  ,  ejfais  de  Phyf.  art.  8jo  ,  paroît 
aufîi  attribuer  le  fouffle  àeYéolipyleï  lava- 
peur  de  l'eau.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  voilà  les 
raifons  de  part  &  d'autre  ,  fur  lefquelles 


EOL  5S$ 

on  peut  juger  ,  &  fur  lefquelles  on  fera 
peut-être  encore  mieux  de  fufpendre  fon 
jugement. 

La  vapeur  ou  l'air  qui  fort  de  Yéolipyle 
a  une  chaleur  fenfible  près  dé  l'orifice  ;  mais 
à  quelque  diftance  delà  elle  eft  froide  , 
comme  nous  l'obfervons  dans  notre halaine. 
On  ne  convient  pas  de  la  caufe  de  ce  phé- 
nomène. Les  partifans  des  corpufcules  l'ex- 
pliquent en  difant,  que  le  feu  qui  eft  con- 
tenu dans  la  vapeur  raréfiée  ,  quoique  fuffi- 
fant  pour  fe  faire  fentir  près  de  l'orifice ,  s'en 
débarrafle  enfuite  ,  &  devient  infenfibîe 
avant  que  d'être  arrivé  à  l'extrémité  de  la 
vapeur.   Voye%  Feu. 

Les  philofophes  méchaniciens  d'un  autre 
côté  prétendent  que  la  vapeur  en  fortant  de 
la  boule  ,  a  une  forte  de  mouvement  circu- 
laire en  quoi  confifte  proprement  la  chaleur; 
&  qu'à  mefure  qu'elle  s'éloigne  de  la  boule  , 
ce  mouvememt  diminue  de  plus  en  plus  par 
la  réaction  de  l'air  contigu ,  jufqu'à  ce  qu'en- 
fin la  chaleur  devient  infenfibîe.  Voye^ 
Chaleur.  Pouf  nous,  qui  ne  nous  flattons 
pas  de  favoir  en  quoi  confifte  la  chaleur  & 
le  froid,  &qui  croyons  tous  Iesphyficiens 
aufh*  peu  avancés  que  nous  fur  ce  point ,  nous 
avouons  fans  peine  que  la  caufe  de  ce  phé- 
nomène nous  eft  inconnue  ,  ainfi  que  bien 
d'autres. 

Quelques  auteurs  ont  propofé  différens 
ufages  de  Yéolipyle.  i°.  Ils  croient  qu'on 
pourroit  l'employer  au  lieu  de  foufflet  pour 
fouffler  le  feu  ,  lorfqu'on  a  befoin  d'une 
très-grande  chaleur.  zQ.  Si  on  ajuftoit  une 
trompette  ,  un  cor  ,  ou  quelqu'autre  inf- 
trument  fonore  au  cou  de  Yéolipyle ,  il  pour- 
roit les  faire  fonner.  $°.  Si  le  cou  étoit  tour- 
né perpendiculairement  en-haut  ,  &  pro- 
longé par  le  moyen  d'un  tube  ou  cylindre 
creux  qu'on  y  adapteroit ,  &  qu'on  mît  une 
boule  creufe  fur  l'orifice  du  tube,cette  boule 
feroit  élevée  en  l'air  &  y  feroit  foutenue 
en  voltigeant,  tantôt  plus  haut,  tantôt  plus 
bas ,  comme  dans  un  jet  d'eau.  Voye[  FON- 
TAINE. 40.  L'éolipyle  étant  rempli  d'une  eau 
de  fenteur  ,  au  lieu  d'eau  fimple ,  pourroit 
fervir  à  parfumer  une  chambre.  Tous  ces 
ufages ,  comme  l'on  voit  ,  ne  font  pas  fort 
importans  ;  quelques-uns  feroient  tout  aa 
plus  curieux.  (0) 

EONES ,  Foyei  Eons. 


j-$a  E  O  N 

EONIKNTS  ,  f.  m.  p!.  (  JE/?,  'eccl  ) 
on  appela  ainfi  dans  le  xij  fiecle  les  fecta- 
teurs  d'Eon  de  l'Etoile  ,  gentilhomme  bre- 
ton ,  qui  abufant  de  la  manière  dont  on 
prononçoit  alors  ces  paroles ,  per.  eum  (  on 
prononçoit  eon  )  qui  venturus  e(l  judicare 
vivos  ù  mortuos  ,  &c.  prétendoit  qu'il  étoit 
le  Fils  de  Dieu  ,  devant  juger  un  jour  les 
vivans  &  les  mors.  Cette  héréfie  ,  ou  plu- 
tôt cette  ridicule  extravagance  ,  ne  mérite 
de  place  dans  l'hiftoire  que  par  le  trouble 
qu'elle  caufa.  Plufieurs  fectateurs  de  cet 
Êon  fe  îâifTerent  brûler  vifs  ,  plutôt  que 
de  renoncer  à  une  fi  étrange  folie.  O  mife- 
rashominum  mentes  !  Mais  notre  liecîe  que 
nous  croyons  fi  éclairé  ,  eft-il  plus  fage  ? 
Voye{  CONVULSIONN  AIRES.  (O) 

EONS  ou  EONES  ,  (  Théologie.  ) 
mot  tiré  du  grec  «**  ,  qui  &r\gmÇ\.Q  Jiecle  , 
éternité.  Voye[  SlECLE. 

Quelques  anciens  hérétiques  ont  attaché 
une  autre  idée  au  mot  aon  ;  &  partant  des 
principes  da  la  philofophie  de  Planton  , 
qu'ils  entendoient  mal  ,  ils  donnèrent  de 
la  réalité  aux  idées  que  ce  piîofophe  avoit 
imaginées  en  Dieu  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'ils  les 
perfonnifierent  ,  &  les  diftinguerent  de 
Dieu  même  ,  prétendant  qu'il  les  avoit 
produites  les  unes  mâles  &  les  autres  fe- 
melles Voye{ Idée  &  Platonisme. 

Ils  appeloient  ces  idées  éons  ou  éones  ; 
&  de  leuraflemblage  complet  ilsformoient 
la  Divinité  ,  qu'ils  nommoient  wA^a^*  ; 
c'eft-à-dire  ,  plénitude» 

A  commencer  dès  Simon  le  Magicien  , 
tous  les  hérétiques  des  premiers  fiecles  trou- 
vant la  doctrine  de  l'Eglife  trop  fimple  ,  & 
à  force  de  vouloir  relever  plus  haut  le  Dieu 
qu'ils  reconnohToient  pour  fouverain  , 
avoient  ainft  confondu  les  idées  corporelles 
avec  les  fpirituelles ,  &  formé  une  fcien- 
ce  myftérieufe  quTs  appeloient  Gnofe  , 
qui  leur  fit  donner  à  tous  en  général  le  nom 
de  Gnofliques  ,  c'eft-à-dire  ,  plus  parfaits  ou 
plus  éclairés  que  le  commun  des  hommes. 

u  L'hiréfiarque  Valentin  qui  parut  vers 
«  l'an  134  de  J.C.  rafinant ,  dit  M.  Fleury , 
t>  fur  ceux  qui  l'avoient  précédé ,  déduifoit 
«  une  longue  généalogie  de  plufieurs  Eones 
v>  ou  Aiones  \  il  en  faifoit  des  perfonnes. 
»  Le  premier  &  les  plus  parfait  étoit  dans 
»  une  profondeur  in  vifible&  inexplicable, 


E  O  R 

»3  &îlîe  nom  moit  Proon  ,  préexiflant  J 
»  &  de  plufieurs  autres  noms;  mais  plus 
»  ordinairement  Bythos  ,  c'eft-à-dire  pro- 
n  fondeur.  Il  étoit  demuré  plufieurs  iiecles 
n  inconnu  en  filence  &  en  repos ,  ayant 
»  avec  lui  feulement  Enoïa ,  c'eft-à-dire 
?>  la  penfée ,  que  Valentin  nommoit  auftï 
»  Charis ,  grâce  ,  ou  Sigé  ,  filence ,  & 
»  dont  il  faifoit  la  femme.  Enfin  Bythos 
»  avoit  voulu  produire  le  principe  de  tou- 
yy  tes  chofes,.&avec  Sigé  il  avoit  engen- 
»  dré  Nous  ,  fon  fils  unique  ,  femblable 
n  &  égal  à  lui ,  feul  capable  de  le  com- 
»  prendre.  Ce  fils  étoit  le  père  &  le  prin- 
»  cipe  des  toutes  chofes.N«~yj  en  grec  intel- 
»  ligence ,  mais  il  eft  du  genre  mafculin  „ 
»  c'eft  pourquoi  les  Valentiniens  en  fai- 
»  foient  un  fils  ;  &  quoiqu'il  fût  unique  , 
»  ils  lui  donnoient  une  fœur  Aletheïa , 
»  c'eft-à-dire ,  la  vérité.  Ces  deux  premiers 
»  couples  Bythos  &C  Sigé  ,  Nous  &  Ale- 
t>  theïa  ,  formoient  un  quarré  qui  étoit 
m  comme  la  racine  &  le  fondement  de 
n  tout  le  fyftême  :  car  Nous  avoit  engen- 
»  dré  deux  autres  perfonnages  ou  Eones  , 
>y  Logos  &  Zoé  ,  le  verbe  &  la  vie  ,  &  ces 
»  deux  en  avoient  encore  produit  deux 
»  autres  ,  Anthropos  &  Ecclefia  ,  l'homme 
»  &Péglife. 

»  Le  Verbe  &  la  Vie  ,  continue  le  me. 
»  me  auteur  ,  voulant  glorifier  le  père  > 
»  avoient  encore  produit  dix  autres ,  éones  y 
»  c'eft-à-dire  cinq  couples  ;  car  ilsétoient 
»  toujours  deux  à  deux.  L'Homme  &  I'E- 
»  glife  avoient  produit  douze  autres  éones,. 
»  entre  lefquelles  étoit  le  paraclet ,  la  foi  > 
»  l'efpérance  ,  la  charité.  Les  deux  der- 
>j  niers  étoient  Tdetos  ,  le  parfait  ,  & 
»  Sophia  y  la  fagelTe.  Voilà  les  trente  éones , 
»  qui  tous  enfemble  faifoient  le  pleroma. 
y>  ou  plénitude  invifible  &  fpirituelle.  » 
H:ft.  eccléf.tom.  I.liv.  III.  pag.  443.  &444» 

Ces  hérétiques  croyoient  trouver  claire- 
ment tout  cela  dans  quelques  pafTages  de 
l'Ecriture,  auxquels  ils  donnoient  des  ex- 
plications allégoriques  &  forcées.  En  voilà 
plus  qu'il  n'en  faut  fur  ces  extravagances» 
(G). 

*  EORIES  ,  adj.  pris  fubft.  (  Myth.  ) 
fêtes  que  les  Athéniens  céîébroient  en 
l'honneur  d'Erigone,  qui  avoit  attiré  par 
fes  prières  une  fâcheufe  malédiction  fur  Us 


EPA 
filles  des  Athéniens  ;  parce  qu'ils  avoïent 
néglige  de  venger  la  mort  d'Icare  fonpere. 
te  ciel  permit  que  les  filles  des  Athéniens 
devinrent  amoureufes  d'hommes  qui  ne 
répondirent  point  à  leur  pafïion  ,  &  qu'el- 
les s'en  pendifTent  de  défefpoir.  On  con- 
fultalà-deflus  l'oracle  d'Apollon  ,  qui  or- 
donna les  fêtes  éories  aux  mânes  d'Erigo- 
ne  ;  &  les  filles  des  Athéniens  continuèrent 
apparemment  d'aimer  ,  &  quequefois  de 
n'être  point  aimées  ,  mais  ne  s'en  pendi- 
rent plus. 

E  P 

^*  EPACHTES,  f.  f.  (JE/?,  anc.  ) 
fêtes  que  les  Athéniens  célébroient  en 
l'honneur  de  Cérès,  &  en  commémoration 
de  la  douleur  qu'elle  refTentit  de  l'enlève- 
ment de  Proferpine  fa  fille.  Le  mot  èpachtes 
«ft  compofé  de  eV«  ,fur  ,  &  *%toç  ,  douleur. 

EP  AC  T  E  ,  f.  f.  en  Chronologie  ,  eft 
proprement  l'excès  du  mois  folaire  fur  le 
mois  fynodique  lunaire  ,  ou  de  l'année  fo- 
laire fur  l'année  lunaire  de  douze  mois  Yy- 
nodiques ,  ou  de  piu (leurs  mois  folaires  fur 
autant  de  mois  fynodiques ,  &  de  plufieurs 
années  folaires  fur  autant  de  douzaines  de 
mois  fynodiques. 

Les  épaâes  font  donc  ou  annuelles  ,  ou 
menftruelles.  Les  épaâes  menjlruelles  font 
ies  excès  du  mois  civil ,  ou  du  mois  du  ca- 
lendrier furie   mois  lunaire.  Voye{  Mois. 

Suppofons  par  exemple  qu'il  y  ait  nou- 
velle Lune  le  premier  de  Janvier  ;  puifque 
le  mois  lunaire  efl  de  29J  1  ih  44  '  3  ",  &  que 
ïe  mois  de  Janvier  contient  3  ù  ,  Yépaâe 
menfiruelle  eft  donc  de  1  j  1  ih  1  j  '  57". 

Les  épaâes  annuelles  font  l'excès  de  l'an- 
née folaire  fur  la  lunaire.  Voye[  An. 

Ainfi  comme  l'année  julienne  eft  de  36  f  j 
6h  ,  &  que  l'année  lunaire  eft  de  354)  Sh 
48'  38''  ,  Yépaâe  annuelle  eft  de  loi  2ih  1 1  ' 
21",  c'eft-à-dire  ,  de  près  de  1  îi  ;  &  par 
conféquent  lV/w<?e  de  deux  ans  fera  de  2aj  ; 
celle  de  trois  ans  de  3  31  ,  ou  plutôt  de  trois, 
puifque  trente  jours  font  un  mois  embolif- 
mique  ou  intercalaire.  Voye[  EMBOLISMI- 
QUE.  Parla  même  raifon  Yépaâe  de  qua- 
tre ans  fera  de  14J  ,  &  ainfl  des  autres  ;  & 
par  conféquent  Yépjâe  de  chaque  dix-neu- 
vieme  année  deviendra  trente  ou  zéro. 
D'où  il  s'enfuit  que  la  vingtième  épaâcYeta 


E  P  A  m 

encore  1 1  ,  &  qu'ainfi  le  cycle  des  épaâes 
expire  avec  le  nombre  d'or  ,  ou  le  cycle 
lunaire  de  dix-neuf  ans  ;  &  recommence 
encore  dans  le  même  temps ,  comme  on  le 
voit  dans  la  table  fuivante. 


Nomb. 
d'or. 


Epacies, 


Nombr 
d'or. 


Epaâes, 


Nombr 
d'or. 


Epacies. 


I 

xj. 

7 

xvij . 

13 

xxiij 

2 

XX1J. 

8 

XXV11J. 

14 

JV. 

3 

11J. 

9 

jx. 

M 

XV. 

4 

xjv. 

10 

XX. 

16 

XXV). 

5 

XXV. 

il 

1. 

17 

Vllj. 

6 

vj. 

il 

XI). 

18 

XJX. 

19 

XXX. 

De  plus,  comme  les  mois  lunaires  revien- 
nent les  mêmes  tous  les  1 9  ans ,  c'eft-à-dire, 
qu'après  cette  période  ifs  recommencent 
aux  mêmes  jours  ;  de  même  la  différence 
entre  l'année  lunaire  &  l'année  folaire ,  re- 
vient la  même  après  dix-neuf  ans  ;  &  com- 
me il  faut  toujours  ajouter  cette  différence 
à  l'année  lunaire  ,  pour  la  concilier  avec 
l'année  folaire ,  ou  la  rendre  égale  à  l'an- 
née folaire  on  appelle  ces  différences ,  qui 
appartiennent  refpectivement  à  chaque 
année  du  cycle  lunaire  ,  épaâe  annuelle  , 
ou  Hmplement  épaâe.  Ainfi  le  mot  épaât 
lignifie ,  dans  i'ufage  ordinaire^  le  nom- 
bre qu'il  faut  ajoutera  l'année  lunaire,  pour 
la  faire  correfpondre  à  la  folaire. 

C'eft  fur  ce  rapport  mutuel  entre  le 
cycle  de  la  Lune  &  le  cycle  des  épaâes  , 
qu'eft  fondée  la  règle  qui  enfeigne  à  trou- 
ver Yépaâe  convenable  à  une  année  quel- 
conque du  cycle  lunaire  ;  elle  confifte  à 
multiplier  l'année  donnée  du  cycle  lunaire 
par  onze  ;  &  fl  le  produit  eft  moindre  que 
30  ,  il  indique  lui-même  Yépaâe  cherchée  ; 
s'il  eft  plus  grand  que  trente  ,  il  faudra  le 
divifer  par  30  ,  &  ce  qui  refte  après  la 
diviflon  fera  Yépaâe.  Par  exemple  je  veux 
connoître  Yépaâe  de  l'année  171 1  :  comme 
c'eft  la  troifleme  année  du  cycle  lunaire  , 
il  s'enfuit  de-là  que  3  eft  Yépaâe  de  cette 
même  année  171 2  ;  car  11  X  3  =  33  ;  & 
3  3  étant  divifé  par  30  ,  on  trouve  3  pour 
refte  de  la  diviflon ,  c'eft-a-dire  ,  pour 
Yépaâe,  Il  faut  remarquer  qu'il  s'agit  ici 


S9*  E  P    A 

de  Vépaâe  julienne  ;  le  nombre  3  ,  qui  mul- 
tiplie 11  dans  le  calcul  précédent  ,  indique 
que  Tannée  17 12  eft  la  troifieme  du  cycle 
lunaire  :  or  nous  avons  vu  ci  deffus  que  la 
première  année  du  cycle  lunaire  a  1 1  d'é- 
paâe ,  la  féconde  22  ou  2  fois  1 1  ,  la  troi- 
fieme 33  ou  3  fois  11  ,  &  ainfi  de  fuite. 
Nous  enfeignerons  plus  bas  à  trouver  Vépaâe 
grégorienne.  Voye^  CYCLE. 

On  peut  trouver  par  le  moyen  de  Vépaâe 
à  quel  jour  d'un  mois  &  d'une  année  don- 
née ,  doit  tomber  la  nouvelle  lune  ;  on 
en  vient  à  bout  en  cette  forte.  On  ajoute 
Vépaâe  de  l'année  donnée  au  nombre  de 
mois ,  à  compter  depuis  mars  inclufive- 
ment  ;  fi  la  fomme  eft  moindre  que  30 ,  il 
faudra  la  fouftraire  de  $0  ;  fi  elle  eft  plus 
grande  ,  il  la  faudra  fouftraire  de  60 ,  &  le 
refte  marquera  dans  les  deux  cas  le  jour  de 
la  nouvelle  lune. 

Si  on  cherche  la  nouvelle  lune  pour  les 
mois  de  janvier  &  de  mars  ,  alors  il  ne 
faudra  rien  ajouter  à  Vépaâe  ;  fi  c'eft  pour 
février  ou  avril ,  il  ne  faudra  ajouter  que 
l'unité. 

Par  exemple ,  je  veux  connoître  à  quel 
jour  de  décembre  eft  tombée  la  nouvelle 
lune  en  l'année  171 1  ,  dont  Vépaâe  étoit 
q.2  ;  je  trouve  par  les  règles  précédentes 
que  ce  doit  avoir  été  le  18  décembre  ;  car 
22+  10  =  52,  &  60  — 32  =  28.  Voy. 

Lune. 

La  railbn  de  cette  pratique  eft  évidente. 
Uépaâe  étant  2z  par  Thypothefe  ,  la  lune 
a  22  jours  au  premier  de  mars ,  à  peu  près 
23  au  premier  d'avril ,  24  au  premier  de 
mai  ,  &c.  car  puifque  Vépaâe  croît  de  1 1 
jours  par  an  ,  on  peut  fuppofer  qu'elle 
croît  à  peu  près  d'un  jour  chaque  mois  , 
depuis  mars  jufqu'en  décembre.  Donc  au 
premier  décembre  la  lune  331  jours ,  c'eft-à- 
dire,  la  nouvelle  lune  a  2  jours.  Donc  pour 
avoir  la  nouvelle  lune  de  décembre  ,  il  faut 
de  30  ôter  2 ,  ou  ce  qui  eft  la  même  chofe , 
32  de  60. 

Ayant  ainfi  trouvé  le  jour  auquel  tombe 
îa  nouvelle  lune  ,  il  eft  aifé  de  conclure  de 
là  quel  eft  l'âge  de  la  lune  pour  un  jour 
donné.  Voy.  LUNE  &  AGE. 

Il  y  a  d'ailleurs  pour  cela  une  autre  règle 
particulière,  &  que  voici. 

Il  faut  ajouter  enfemble  Vépaâe  de  Pan- 


E   P  A 

T  née  ,  le  nombre  de  mois  depuis  mars  îrr- 
clufivement ,  &  le  jour  donné  dans  le  mois. 
Si  le  total  eft  moins  que  3o ,  il  marquera 
l'âge  de  la  lune  ;  s'il  eft  plus  grand  que 
30  ,  il  faudra  le  divifer  par  30 ,  &  le  refte 
de  la  divifion  montrera  l'âge  de  la  lune  9 
c'eft-à-dire  ,  combien  il  s'eft  écoulé  de 
jours  depuis  la  nouvelle  lune.  Cette  méthode 
ne  peut  jamais  être  fujette  à  un  feul  jour 
d'erreur. 

Par  exemple,  fi  l'on  demande  quel  étoit 
l'âge  de  la  lune  le  31  décembre  de  l'année 
171 1 ,  on  trouvera  par  cette  règle  que  la 
lune  avoit  trois  jours  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il 
s'étoit  écoulé  trois  jours  depuis  la  nouvelle 
lune  ;  car  iz+  10+  31  =  63  ,  &  63  étant 
divifépar30,  il  refte  3;  ce  qui  convient 
exactement  avec  la  règle  précédente  ,  pan 
laquelle  on  a  trouvé  que  la  nouvelle  lune 
étoit  arrivée  la  même  année  le  28  dé.- 
cembre. 

On  peut  encore  abréger  cette  pratiqua 
par  le  moyen  d'une  table ,  où  Ton  marque- 
ra les  épaâes  ,  &  qui  fera  voir  tout  d'un 
coup  le  jour  de  la  nouvelle  lune.  Voici 
comment  cette  table  eft  formée.  On  écrit 
de  fuite  tous  les  mois ,  chacun  avec  le 
nombre  des  jours  qu'il  contient  ;  on  met 
au  premier  janvier  le  nombre  30  ou  *  9 
au  fécond  du  même  mois  le  nombre  29  , 
au  troifieme  le  nombre  28  ,  &  ainfi  de 
fuite  jufqu'à  1  inclufivement  :  après  quoi 
on  recommence  le  même  ordre  ,  &  on 
forme  de  cette  manière  une  fuite  de  douze 
mois  lunaires  &  de  quelques  jours»,  avec 
cette  précaution  qu'on  met  les  nombres 
25  &  24  au  même  jour  dans  les  mois  pairs 
lunaires. 

La  raifon  de  cette  pratique  eft  que  les 
mois  lunaires  font  alternativement  de  30 
6k  de  29  jours.  Par  le  moyen  de  cette  ta- 
ble ,  on  trouvera  facilement  la  nouvelle 
lune  de  chaque  mois  ;  car  il  n'y  aura 
qu'à  chercher  le  jour  du  mois  auquel  efl 
jointe  Vépaâe  de  l'année  propofée.  Cepen- 
dant il  y  a  encore  une  précaution  à  pren- 
dre ;  car  il  faut  distinguer  entre  Vépaâe 
julienne  &  la  grégorienne  :  la  différence 
de  ces  deux  épaâes  vient  de  ce  que  l'an- 
née julienne  commence  plus  tard  que  l'an- 
née grégorienne  de  1 1  jours  ;  c'eft  pour- 
quoi  après   avoir    trouvé  ,  comme  nous 

l'avons» 


E  P  A 

l'avons  enfeigné ,  Yépacle  julienne ,  onôtera 
il  de  cette  épacle  ,  qu'on  augmentera  de 
30  jours  s'il  eft  néceifaire  ,  &  on  aura 
Yépacle  grégorienne.  Ainfi  on  trouvera  que 
Yépacle  grégorienne  de  1712  eft  22}  &cles 
nouvelles  Lunes  dans  l'année  171 2  ,  nou- 
veau ftyle  ,  fe  trouveront  11  jours  plus  tard 
dans  chaque  mois  ,  que  dans  l'année  ju- 
lienne, comme  cela  doit  être  en  effet.  Nous 
ne  mettrons  point  ici  cette  table ,  qu'on  peut 
voir  dans  un  grand  nombre  d'ouvrages  ,  en- 
tr'autres  dans  les  élémens  de  Chronologie  de 
Wolf,  dans  le  traité  du  calendrier  de  M. 
Rivard,  &c. 

Il  fè  trouve  par  un  hafard  heureux ,  que 
le  nombre  des  jours  dont  l'année  grégo- 
rienne diffère  de  l'année  julienne  ,  eft  préci- 
fément  le  même  que  le  nombre  des  jours 
dont  l'année  folaire  furpaffe  l'année  lunai- 
re :  car  il  arrive  par-là  que  Yépacle  grégo- 
rienne pour  une  année  ,  eft  la  même 
que  Yépacle  julienne  de  l'année  précé- 
dente. 

Il  faut  obferver  que  comme  le  cycle  de 
dix-neuf  années  anticipe  fur  les  nouvelles 
Lunes  d'un  jour  en  312  ans  ,  de  même 
auffi  le  cycle  des  épacles  n'a  pas  toujours 
lieu ,  la  proemptofè  diminuant  les  différen- 
tes épacles  d'un  jour  en  3 12  ans.  ^.Proemp- 
TOSE. 

Il  faut  donc  pour  avoir  les  épacles  ,  dimi- 
nuer alors  d'une  unité  celles  qu'on  devroit 
avoir  par  la  règle  ci-deffus.  Ainfi  Yépacle 
que  donne  alors  le  calendrier  n'eft  pas 
exacte  \  de  forte  que  fî  elle  eft  22  fuivant  le 
calendrier,  il  faudra  prendre  21  ,  parce 
«Tue  la  nouvelle  Lune  au  lieu  de  tomber  au 
jour  du  mois  où  eft  marqué  22  ,  tombe  au 
jour  précédent  :  c'eft  pourquoi  au  bout  de 
ce  temps  l'ordre  des  épacles  change  ,  &  au 
bout  de  312  autres  années  il  change  encore, 
&  ainfî  de  fuite.  Une  autre  raifon  qui  fait 
changer  le  cycle  des  épacles  dans  le  calen- 
drier grégorien  ,  c'eft  que  fur  quatre  an- 
nées fëculaires  ,  il  y  en  a  trois  qui  ne  font 
point  biffextiles  \  de  forte  que  ces  années- 
là  les  nouvelles  Lunes  au  lieu  de  tomber 
au  jour  marqué  dans  le  calendrier  ,  tom- 
bent le  jour  d'après  :  car  fi  le  10  de  Mars  , 
par  exemple  ,  il  doit  y  avoir  nouvelle 
.Lune  ,  en  fuppofant  l'année  augmentée 
Tome  XII, 


E  P  A  J9, 

a  un  jour  ,  cette  nouvelle  Lune  ne  tom- 
bera que  le  11  ,  en  fuppofant  que  cette 
année  ne  foit  point  ainli  augmentée.  Voye{ 
Métemptose.  On  a  donc  été  obligé  de 
former  deux  autres  tables  pour  les  épacles  , 
dont  nous  allons  tâcher  de  donner  une 
idée. 

Voici  comment  on  conftruit  la  première. 
On  écrit  d'abord  horizontalement ,  les  uns 
à  côté  des  autres ,  tous  les  nombres  d'or  fuc- 
cetfifs,  3,4,  5,  6,  7,  8,9,  10,  11,  12, 

*3  ?  I4)i5 ?j6,.  17 1  i8j  *9r**.*5  enfuite 
fous  le  premier  chiffre  3  ,  on  écrit  dans  une 
colonne  verticale  les  chiffres  30  ou  *  ,  29  , 
28,27,  ^c*  jusqu'à  1  inclufivement  j  puis 
à  côté  de  chacun  de  ces  chiffres  on  écrit 
horizontalement  ,  fous  les  chiffres  des  nom- 
bres d'or ,  les  chiffres  des  épacles  ,  en  fuppo- 
fant que  la  première  épacle  foit  le  nombre 
qui  eft  le  plus  à  gauche  dans  chaque  rangée 
horizontale  :  ainfi  à  côté  de  30  ,  ou  de  *  , 
on  écrit  les  épacles  11,  22,  3,  14,  &c.  à 
côté  de  29  on  écrit  les  épacles  10  ,  21  ,  2  , 
13  ,  &c.  &  ainfi  de  fuite.  On  peut  voir  cette 
table  dans  les  élémens  de  Chronologie  de  Wolf 
déjà  cités. 

Outre  cette  table ,  on  en  forme  une  fé- 
conde par  le  moyen  de  laquelle  on  voit  quel 
doit  être  le  cycle  des  épacles  pour  chaque 
fiecle  :>  Se  cette  table  fe  voit  encore  dans  les 
élémens  de  Chronologie  de  Wolf  :  ainfî  011 
voit  que  le  cycle  des  épacles  pour  le  fiecle 
où  nous  fommes  eft  22 ,  3  ,  14 ,  &c.  c'eft-à- 
dire  que  l'année  dont  le  nombre  d'or  eft  3  , 
a  pour  épacle  grégorienne  22,  que  l'année 
fuivante  a  pour  épacle  grégorienne  ,  3  ,  &c. 
Ce  même  ordre  durera  dans  le  fiecle  qui 
fuivra  celui-ci  :,  mais  en  1900  il  changera  7 
êc  l'ordre  des  épacles  dans  ce  fiecle  &  dans 
les  trois  autres  confécutifs ,  fera  21,  2 ,  13, 
24 ,  &c.  &  ainfi  de  fuite.  V.  auffi,  fur  cette 
matière,  Y  abrégé  du  calendrierpat  M.  Rivard, 
Ôc  le  grand  ouvrage  que  prépare  M.  Couci- 
cault  ancien  échevin  ,  8c  que  nous  croyons 
fous  preffe.  Ce  dernier  ouvrage  nous  a  paru 
fait  avec  beaucoup  d'intelligence  ,  de  foin  , 
&c  de  détail» 

Par  l'ordre  des  cycles  des  épacles ,  il  pa- 
raît que  le  même  cycle  peut  avoir  à  la  fois 
les  épacles  24  8c  25  :,  comme  on  le  verra  fa- 
cilement dans  le  cycle  qui  commence  par 
lç  nombre  24  ,  dans  celui  qui  commença 
Ffff 


594  E  P  A 

par  Je  nombre  10  ,  &c.  Or  nous  avons  dit 
ci-deffus  que  dans  le  calendrier  des  épaâes 
on  met  les  nombres  24  &  25  au  même  jour  , 
&  cependant  les  nouvelles   lunes  ne  peu- 
ve  it  tomber  au  même  jour  dans  le  cours 
de  dix-neuf  ans.  Pour  obvier  à  l'erreur  qui 
pourroit  réfulter  de-là  ,  on  écrit  dans  tous 
les  mois  pairs  lunaires  les  nombres  26  8*25 
à  côté  l'un  de  l'autre  ,   mais  le  dernier  en 
plus  petit  caractère  \  &  toutes  les  fois  que 
les  épaâes  24  Se  25  fe  trouvent  enfèmble 
dans  le  même  cycle ,  alors  il  faut  fe  fervir 
de  Xépaâe  25  ,  écrite  en  petit  caractère  5  & 
on  ne  doit  point  craindre  de  confufion  de 
la  combinaifon  des  évades  24,    25  ,  26, 
parce  que  ces  trois  épaâes  ne  peuvent  ja- 
mais fe  trouver  enfèmble  dans  un  même 
cycle.  A  l'égard  des  épaâes  26  &  25  ,  lorf 
qu'elles  fe  rencontrent  dans  un  même  cy- 
cle, il  faut  fe  fervir  de  Xépaâe  25  ,  qui  eft 
jointe  au  même  jour  avec  24.  Enfin  dans 
ce  même  calendrier  on  met  Xépaâe  19  au 
dernier  Décembre  ,  avec  Xépaâe  20  *,  parce 
que  la  nouvelle  Lune  tombe  au  dernier  Dé- 
cembre toutes  les  fois  que  Yépacle  19  répond 
au  nombre  d'or  19.  De  plus  ,  les  épaâes  font 
difpofées  de  manière   qu'elles  donnent   la 
nouvelle  Lune  environ  un  jour  trop  tard  \ 
la  raifon  que  Clavius  apporte  de  cette  dif 
position  ,  c'eft  qu'il  vaut  mieux  que  les  épac- 
zes  donnent  les  nouvelles  lunes ,  &  par  con- 
féquent  les  pleines  Lunes ,  trop  tard  ,  que 
trop  tôt ,  afin  qu'on  ne  foit  point  en  rifque 
de  célébrer  la  fête  de  Pâque  avant  la  pleine 
Lune ,  ce  qui  feroit  contraire  au  décret  du 
concile  de  Nicée. 

Cependant  quelque  foin  que  le  pape  Gré- 
goire XIII  ,  &  les  aftronomes  dont  il  s'eft 
fèrvi ,  aient  employé  pour  la  détermination 
des  nouvelles  Lunes  par  les  épaâes ,  &  pour 
fixer  la  Pâque  ,  il  faut  avouer  que  la  mé- 
thode de  trouver  ainfi  les  nouvelles  Lunes 
n'a  pas  toute  l'exactitude  qu'on  pourroit 
defîrer.  En  premier  lieu  ,  la  fixation  de  l'é- 
quinoxe  du  printemps  au  2 1  de  Mars  ,  eft 
fautive  ,  puifque  cet  équinoxe  peut  arriver 
quelquefois  le  19  ,  &  quelquefois  le  23  , 
comme  nous  l'avons  remarqué  dans  Yarticle 
Calendrier.  On  trouve  de  plus  dans  le 
tome  IV  des  œuvres  de  M.  Jean  Bernoul- 
li  ?  imprimées  à  Laufanne  en  1743  ',  une 
pièce  curieufe  fur  ce  fujet ,  ou  l'on  voit  I 


E  P  A 

l'erreur  dans  laquelle  Xépaâe  peut  induire 
quelquefois.  En  1724  ,  fuivant  le  calcul  de 
ce  favant  géomètre  ,  la  vraie  pleine  Lune 
pafchale  a  dû  tomber  le  fàmedi  8  avril  à 
4I1  n'  du  foir ,  l'équinoxe étant  arrivé  le  20 
Mars.  Or  fuivant  le  calcul  par  Xépaâe ,  on 
trouve  que  la  pleine  Lune  pafchale  de  1724 
a  dû  tomber  le  9  Avril ,  qui  étoit  un  diman- 
che }  de  forte  que  par  la  règle  établie  ,  Pâ- 
que n'a  été  que  le  16  avril ,  au  lieu  qu'il 
auroit  dû  être  le  9.  La  même  chofe  eft  ar- 
rivée en  1744,  où  Pâque  s'eft  trouvé  8  jours 
plus  tard  qu'il  n'auroit  dû  être  :  car  on  verra 
dans  les  almanachs  de  cette  année-là  ,  que 
la  pleine  Lune  pafchale  eft  arrivée  le  famedi 
28  Mars  ,  ainfi  Pâque  devoit  être  le  len- 
demain 29  \  au  lieu  que  par  le  calcul  de 
Xépaâe  ,  la  pleine  Lune  n'a  dû  être  que  le 
29 ,  qui  étoit  un  dimanche  ,  ce  qui  a  fait 
remettre  Pâque  au  5  Avril  fuivant.  Il  en 
arrivera  autant ,  félon  M.  Bernoulli  ,  en 
1778  &  1798 ,  par  l'erreur  d^Xépaâe.  Voy* 
Paque. 

Dans  la  préface  de  Y  art  de  vérifier  les  da- 
tes ,  p.  38  &  f.  on  trouvera  des  obfervations 
utiles  fur  l'ufage  du  calcul  des  épaâes  pour  la 
chronologie ,  &  pour  les  dates  des  ancienï 
titres.  (O) 

Addition  à  l'article  précédent, 

ÉPACTES  ,  (  Ajlronom.  )  nombres  de 
jours ,  d'heures  ,  de  minutes  &  de  fécondes 
dont  les  aftronomes  font  des  tables ,  &  qui 
fervent  à  préparer  les  calculs  des  éclipfes. 
On  en  trouve  les  tables  dans  le  P.  Riccioli, 
Afiron.  reform.  page  60  j  dans  M.  de  la 
Hire  ,  dans  M.  Cafîini ,  Tables  Afiron.  p* 
58  j  dans  les  Ephémérides  du  P.  Hell  , 
pour  1764  j  &  dans  nos  Tables  de  la  lune  y 
imprimées  en  1771  à  la  fuite  de  notre  Af- 
tronomie. 

Les  épaâes  aftronomiques  dont  nous  nous 
fervons  pour  trouver  les  nouvelles  Lunes 
moyennes  ?  ne  font  autre  chofe  que  l'âge  de 
la  Lune  au  commencement  de  l'année ,  ou  le 
nombre  de  jours  qui  reftoit  depuis  la  dernière 
conjonction  moyenne  de  l'année  précé- 
dente jufqu'au  commencement  de  l'année 
actuelle  \  fi  elle  eft  biffextile  ,  ou  à  la  veille  , 
fi  c'eft  une  année  commune.  Par  exemple  > 


EP  A 

il  y  a  «u  conjon&ion  moyenne  le  16  Dé- 
cembre 1761 ,  à  ih  14'  14"  ,  temps  moyen  , 
la  longitude  moyenne  du  foleil  étant  alors 
égale  à  celle  de  la  Lune  :  depuis  ce  moment- 
là  jufqu'au  3 1  Décembre  à  midi ,  pour  le- 
quel font  calculées  les  époques  des  années 
communes  ,  il  y  a  quatre  jours  ,  22k  45' 
46"  j  c'eft-là  ce  qu'on  appelle  Xépacle  aftro- 
nomique  de  1762.  Cette  épacle  étant  retran- 
chée de  29  jours  I2h  44'  3",  révolution 
moyenne  de  la  Lune  au  foleil ,  nous  apprend 
que  la  première  conjonction  moyenne  de 
1761,  arriva  le  24  Janvier  à  13*»  58'  17" 
de  temps  moyen  ,  puifque  4  jours  22^  qui 
reftent  de  l'année  précédente  avec  24  jours 
13(1  du  mois  de  Janvier  ,  font  l'intervalle 
de  29  jours  I2*1  qu'il  doit  y  avoir  d'une 
conjonction  à  l'autre. 

Pour  calculer  Y  épacle  d'une  année ,  il 
ftiffit  donc  de  retrancher  la  longitude 
moyenne  du  foleil  de  celle  de  la  Lune  ,  & 
de  convertir  le  refte  en  temps  lunaire  à 
raifon  de  120  u'  17"  par  jour,  qui  eft  la 
différence  des  mouvemens  diurnes  du  fo- 
leil &  de  la  Lune.  Ainfi  l'époque  du  foleil 
pour  1762  ,  eft  9J  100  6'  14"  j  &  celle  de  1 
la  Lune  nj  100  25'  45",  fuivant  les  pre- 
mières Tables  de  Mayer  :  celle  du  foleil 
étant  retranchée  de  cette  dernière  ,  il  refte 
2j  00  19'  31"  ,  qui  répondent  à  4  jours 
2  2  li  45'  46"  de  temps  :  ces  4  jours  font  Xé- 
pacle de  1762  ,  parce  qu'il  a  fallu  4  jours  à 
la  Lune  pour  s'éloigner  du  foleil  de  2  lignes  , 
&  qu'au  moment  de  l'époque  de  1762  ,  il 
y  avoit  quatre  jours  que  la  conjonction 
étoit  palfée. 

Epaâes  de  mois.  1J  épacle  du  mois  de  Jan- 
vier eft  zéro  ;  car  puifque  Xépacle  de  l'an- 
née marque  l'âge  de  la  Lune  le  3 1  Décem- 
bre ,  &que  nous  appelions  \éro  le  3 1  Décem- 
bre, il  n'y  a  rien  à  ajouter  pour  le  mois  de 
Janvier.  \J  épacle  de  Février  fera  l'âge  de  la 
Lune  au  commencement  de  Février,  en  fup- 
pofaut  que  la  Lune  ait  commencé  le  3 1  Dé- 
cembre \  c'eft  donc  l'excès  de  3 1  jours  fur 
une  lunaifon  entière,  ou  un  jour  iih  15' 
58"  ,  &  ainfi  des  autres  mois. 

Exemple.  On  demande  la  conjonction 
moyenne  du  mois  d'Avril  1764  j  on  ajou- 
tera enfcmble  les  nombres  tirés  de  la  table 
des  épacles  aftronomiques. 


E  P  A 

Epacle  de  l'année  1700  , 
Changement  pour  60  ans  , 
Pour  4  ans , 
Pour  le  mois  d'avril , 


92  lK$o'53" 

3     7  16    9 
14    o     1   38 

1     9  47  5r 


Somme  à  ôter  ,  28   14  56  31 

Révolution  entière  ,  29  12  44     3 

Conjonction  moyenne ,  c'eft- 
à-dire  ,  le  31  Mars  à  2ih.       o  2ih47'32" 

L'orfque  le  jour  de  la  conjonction  moyenne 
fè  trouve  zéro  ,  comme  dans  l'exemple  pré- 
cédent ,  il  faut  prendre  le  dernier  jour  du 
mois  précédent  \  car  tant  qu'il  n'y  a  que 
zéro  de  jours  pour  le  mois  d'Avril ,  on  ne 
peut  pas  dire  que  nous  foyons  en  Avril , 
car  on  compte  1  aufii-tôt  que  le  mois  com- 
mence. 

M.  Halley  avoit  donné  une  fuite  d'éclip- 
Ces  ,  depuis  1701  jufqu'à  1718  ,  pour  fer- 
vir  à  trouver  les  autres  éclipfes  par  la  pé- 
riode de  1 8  ans  }  mais  les  éditeurs  y  ajou- 
tèrent une  table  des  conjonctions  moyen- 
nes ,  que  M.  Pound  avoit  conftruite  ,  &c 
que  l'on  peut  voir  dans  le  premier  volume 
des  Tables  de  Halley,  à  Paris,  chez  Bailly , 
//z-8°.  en  1754  :  elle  revient  à-peu-près  au 
môme  que  celle  des  épacles  ;  mais  on  y 
a  joint  des  tables  d'équations  ,  pour  trou- 
ver à-peu-près  les  conjonctions  vraies.  Il  y 
en  a  de  femblables  dans  le  Calendarium  im- 
primé à  Berlin  pour  1749.  (  M.  de  la 
Lande.  ) 

* EPACTROCELE  ,  f.  m.  (Hijf.anc.) 
bâtiment  léger  à  l'ufage  des  pirates  anciens. 
Ce  mot ,  compofé  du  grec ,  fignifie  bâti- 
ment chargé  de  butin. 
%  EPAGNEULS  ,  f.  m.  pi.  (  Vénerie.  ) 
Voye^t  article  Chiens.  Les  chiens  épagneuls 
ou  efpagnols  font  plus  chargés  de  poil  que 
les  braques ,  &  conviennent  mieux  dans  les 
pays  couverts  '-,  ils  chaffent  de  gueule  ,  ôc 
forcent  le  lapin  dans  les  brouftailles  :  quel- 
quefois ils  rident ,  &  fùivent  la  pifte  de  la 
bête  fans  crier.  Ils  font  bons  aufîi  pour  la 
plume  ,  &  chaffent  le  nez  bas. 

*  EPAGOGES ,  f.  m.  (  Hift.  anç.)  ma- 
giftrats  d'Athènes  ,  inftitués  pour  juger  les 
différends  qui  furveuojent  entre  les  mar- 
chands. 

EPAGOxMENES  ,  adj.  pi.  (  Hift.  anc.  & 
Ckronol.  )  On  appelloit  ainfi  les  cinq  jours 
qu'on  ajoutoitàla  fin  de  l'année  égyptienne  t 
Ffff  2 


596  E  P  A 

dont  chaque  tnois  avoît  trente  jours  :  ces 
cinq  jours  ajoutés  faifoient  365.  Voye\  An. 

{0) 

EP AILLER,  v.  adt.  (Bijoutier,  Metteur 
en  œuvre  ,  Orfèvre ,  &c.  )  c'eft  avec  l'échope 
à  épailler  (  dont  nous  avons  décrit  la  forme  ) , 
enlever  de  l'or  toutes  les  faletés ,  doublu- 
res &:  porures  qui  proviennent  de  la  fonte 
ou  du  mal-forgé.  Quand  l'or  eft  à  une  cer- 
taine épaifTeur  ,  on  enlevé  à  l'échope  plate 
toute  la  fuperficie  \  enfuite  on  le  ploie  & 
reploie  avec  un  marteau  de  bois.  Cette 
courbure  découvre  toutes  les  cavités  qui 
ibnt  dans  l'or  ,  &  on  les  enlevé  avec  l'é- 
chope à  épailler.  L'or  étant  plus  fujet  aux 
faletés  que  l'argent ,  à  caufe  de  fon  alliage  , 
cette  opération  eft  de  plus  grande  confé- 
quenec  pour  le  Bijoutier  que  pour  tout  au- 
tre artifte  ,  d'autant  plus  que  le  poli  de 
l'or  demande  une  grande  netteté  dans  le 
métal. 

*  EPAIS  ,  adj.  C  Gramm.  )  Il  fe  prend  ou 
relativement  à  la  dimenfion  ,  ou  relative- 
ment au  nombre ,  ou  relativement  à  la  con- 
fîftance.  Dans  le  premier  cas  on  dit  un  livre 
épais  ,  un  bloc  épais  ;  dans  le  fécond  on  dit 
des  bataillons  épais  ;  dans  le  troifîeme  on 
dit  une  encre  épaijfe ,  un  vin  épais ,  &c.  Il 
fe  prend  a'ufli  au  figuré ,  &  l'on  dit  un  homme 
épais  ,   une  mâchoire  épaijfe. 

Un  livre  épais  eft  celui  qui  contient  un 
trop  grand  nombre  de  feuillets  ,  eu  égard 
à  fon  format }  car  un.  in-folio  pourroit  être 
trop  mince  avec  le  même  nombre  de  feuil- 
lets qu'un  in- 11  trop  épais  :  d'où  l'on  voit 
que  le  mot  épais  eft  un  terme  relatif.  Le 
fubftantif  d'épais  eft  épaijfeur.  Si  la  dimen- 
fion d'un  corps  qu'on  aura  appellée  fa  lar- 
geur ,  eft  parallèle  à  l'horizon  ,  fon  épaif 
leur  fera  perpendiculaire  à  fa  largeur. 

Epais  ,  adje£f.  en  Mujique  :  genre  épais 
ou  denje ,  ttvkvk  j  eft  ,  félon  la  définition 
d'Ariftoxene  ,  celui  où  dans  chaque  tétra- 
corde  la  fomme  des  deux  premiers  interval- 
les eft  toujours  moindre  que  le  troifîeme: 
ainfi  le  genre  enharmonique  eft  épais  j  parce 
que  les  deux  premiers  intervalles  ,  qui 
font  d'un  quart  de  ton  chacun  ,  ne  for- 
ment enfembîe  qu'un  femi-ton  '■,  fomme 
beaucoup  moindre  que  le  troifîeme  inter- 
valle ,  qui  eft  une  tierce  majeure.  Le  genre 
chromatique  eft  aufîi  un  genre  épais  ;  'car 


EP  A 

fes  deux  premiers  intervalles  ne  forment 
qu'un  ton  ,  moindre  encore  que  la  tierce 
mineure  qui  fuit.  Mais  le  genre  diatonique 
n'eft  point  épais  ,  car  fès  deux  premiers  in- 
tervalles forment  un  ton  &  demi  5  fomme 
plus  grande  que  le  ton  qui  fuit.  Voy.  Té- 
TRACORDE  ,  GENRE,    &c.  {S) 

EPAISSISSANT  ,  (  Thérapeutique.  ) 
Vovei  Incrassant. 

^  ÈPAISSISSEMENT  ,  f.  m.  (  Médec.  ) 
fe  dit  ordinairement  des  humeurs  du  corps 
humain  qui  ont  trop  de  coufiftance. 

Toutes  les  parties  élémentaires  qui  conf- 
tituent  le  compofé  des  corps  fluides ,  ont 
une  certaine  force  de  cohéfion  entr'elles  5 
il  en  eft  par  conféquent  de  même  de  ceux 
qui  fe  trouvent  dans  les  animaux  :  &  peur 
que  ceux-ci  puilfent  couler  dans  la  cavité 
des  plus  petits  conduits ,  il  eft  néceffaire 
que  les  molécules  qui  y  font  portées  fous 
une  forme  t  plus  ou  moins  volumiueufe  , 
fe  fépareut  les  unes  des  autres ,  pour  pou- 
voir palier  chacune  en  particulier  avec  un 
diamètre  proportionné  à  celui  du  caual  \ 
il  faut  par  conféquent  que  les  puiffances 
qui  font  mouvoir  ces  malles  fluides  ,  &  les 
pouffent  vers,  les  dernières  filières  des  vaif- 
feaux  ?  aient  une  force  fupérieure  à  celle 
de  la  cohéiîon  des  molécules ,  qui  les  tient 
unies  entr'elles  jufqu'à  un  certain  point  r 
&  leur  donne  le  degré  de  confiftance  con- 
venable à  leur  nature  &  à  leurs  ufages. 

S'il  arrive  donc  par  quelque  caufe  que 
ce  foit ,  que  la  cohéfion  des  parties  élé- 
mentaires qui  compofent  les  humeurs  du 
corps  humain  ,  foit  augmentée ,  de  ma- 
nière que  ne  pouvant  pas  être  féparées  les 
unes  des  autres  par  l'action  du  cœur  Se 
des  vaiifeaux  ,  ces  particules  reftent  unies  ; 
&  que  confervant  un  volume  trop  confî- 
dérable ,  refpeéfivement  à  la  capacité  des 
vaiifeaux  dans  lefquels  elles  doivent  être 
diftribuées  ,  elles  trouvent  de  la  réfiftance 
à  couler  dans  leurs  extrémités  ,  elles  y 
caufènt  des  engorgemens .  des  obftru&ions, 
de  différente  nature ,  félon  la  différence 
des  humeurs  épaifîîes.  La  plupart  d'entr'el- 
les ,  comme  le  fang ,  la  lymphe  ,  n'étant 
fluides  que  par  accident ,  c'eft-à-dire  ,  à 
caufe  des  parties  aqueufès  qui  entrent  dans: 
leur  composition  ,  qui  leur  fervent  de- 
véhicule  ,    &  du   mouvement  de  la  via 


E  P  A 

faifte  ,  qui  s'oppofe  continuellement  à  leur 
concrétion  ,  fout  par  conféquent  naturelle- 
ment très-dtfpofées  à  contracter  ce  vice  ,  & 
à  devc.ur  par-là  moins  propres  à  circuler  ,  à 
être  diftribuées  dans  leurs  vaiffeaux  refpec- 
tifs.  Le  mouvement  &  le  repos  ,  la  chaleur 
&:  le  froid ,  lu  force  tk  la  foiblefle  du  corps, 
favonfe.it  également  cette  difpofition  ,  & 
prodft  ifeat  ïépaiffîjfment  de  ces  différens 
Suides  :  comme  au;îi  bien  d'autres  cauiès  , 
telles  que  les  coagulans  acides ,  fpiritueux  :. 
les  vifqueux ,  les  huileux  mêlés  avec  la  malle 
des  humeurs. 

Ainfi  ou  doit  employer  pour  corriger 
Ce  vice  ,  des  moyens  aulfi  différens  que  les 
caufes.  Si  le  fan  g  trop  épais  occafione  des 
engorgemens  inflammatoires  dans  le  pou- 
mon ,  dans  le  foie  ,  la  faignée  &.  lés  dé- 
layans  font  les  remèdes  que  l'on  met  en 
ufage  avec  fuccès  dans  ce  cas  :  ce  même 
traitement  ne  ponrroit  que  produire  de 
très-mauvais  effets ,  fi  on  l'employoit  pour 
combattre  lavifeofité  pituiteufe.  F.  Sang,  & 
fes  vices;  OBSTRUCTION,  INFLAMMATION. 

w 

EPANADIPLOSE  ,  f.  î.  figure  de  dic- 
tion |  ÏTruvetii-TKaTtu  Ce  mot  eft  compofé 
de  la  prépofïtion  M  ,  &  de  avet£i-r\aTi<  , 
redupticatio.  R.  JVtaoo?  ,  duplex.  Il  y  a  ana- 
diplofe  &  épanadiplofe  ;  ce  font  deux  efpeces 
de  répétitions  du  même  mot*  Dans  J'anadi- 
plofe  ,  le  mot  qui  finit  une  propofition  ,  eft 
répété  pour  commencer  la  propofition  fui- 
vante  ; 

.     .     .     Sequitur  pulcherrimus  Afîûr , 
Ajlur  equo  fidens.  /Eueid.  I.  X.  v.  180. 

&:  dans  Ovide ,  au  fécond  livre  des  Métam. 
v.  106. 

....  Silvce  cum  montibus  ardent  j 
Ardet  Athos  ,  Taurufque  ,  &c. 

&  en  françois ,  Henriade  ,  liv.  I. 

Il  apperçoit  de  loin  le  jeune  Teligny; 
Teligny^  dont  f  amour  a  mérité  fa  file» 

au  lieu  que  dans  Y  épanadiplofe  le  même  mot 
qui  commence  une  propofition,  eft  répété 
pour  finir  le  fens  total  : 

Ambo  florentes  œtatibus  ,  Arcades  ambo. 
'  Yirg.  ég.  7. 


E  P  A  597 

&  Ovide  ,  au  liv.  11.  desFajtes^v.  135.  dit  : 

Una  dies  Fabios  ad  bellum  miferat  omnes  j 
Ad  bellum  miffos  perdidit  una  dies. 

On  trouve  le  dyftique  fnivant  dans  deux  an- 
ciennes inferiptions  rapportées  par  Gruter  j 
l'une  au  r.  /.  p.  615  ,  &  l'autre  au  t.  II.  p* 
912. 

Balnea  ,  vina  ,   Venus  ,  corrumpunt  cor* 

pora  noflra  ; 
Sed  vitamfaciunt  balnea  ,  vina ,  Venus. 

]~?  épanadiplofe  eftauffi  nommée  épanaplefe 
par  Donat  ôl  par  quelques  autres  grammai- 
riens. 

Pour  moi  je  trouve  qu'il  fùfîît  d'obfèr- 
ver  qu'il  y  a  répétition  ,  &  de  fentir  la 
grâce  que  la  répétition  apporte  au  dis- 
cours ,  ou  le  dérangement  qu'elle  caufe. 
Il  eft  d'ailleurs  bien  inutile  d'appeller  la 
répétition  ,  ou  anadiplofe  ,  ou  épanadiplofe, 
félon  les  diveries  combiuaifons  des  mots 
répétés.  Ceux  qui  fe  fout  donné  la  peine 
d'inventer  ces  fortes  de  noms  fur  de  pa- 
reils fondemens  ,  ne  font  pas  ceux  qui  ont 
le  plus  enrichi  la.  république  des  lettres. 
(G) 

EPANCHEMENT  ,  f.  m.  {Médec.)  Ce 
terme  eft  employé  à-peu-près  dans  le  même 
fèns  quejfu/ion  ,  extravafation  ;  il  femble  ce- 
pendant plus  particulièrement  affecté  pour 
exprimer  l'écoulement  confidérable  d'un 
fluide  dans  quelque  efpace  du  corps  humain 
qui  n  eft  pas  deftiné  à  en  contenir  ,  comme 
lorique  la  fé/ofité  du  fang  fort  de  fes  vai£ 
féaux ,  &  fe  répand  dans  la  cavité  du  bas- 
ventre  :  d'où  réfulte  une  hydropifie  afeite  y 
&c  V.  Effusion  ,  Extra vasation  ,  Hy- 
dropisie  ,  &c.  {d) 

EPANNtLEK,  v.  a£t.  terme  de  Sculptu- 
re; c'eft  couper  à  pans.  Le  fculpteur-ftatuai- 
re  ,  après  avoir  déterminé  la  baie  du  bloc 
de  marbre  qu'il  veut  employer  ,  &  avoir  faiç 
faire  le  lit  pour  la  plinthe ,  épannele  le  bloc  j 
c'eft-à-dire  qu'après  avoir  définie  avec  le 
crayon  fur  ce  bloc  ,  &  arrêté  les  mafiês 
principales  de  fon  lu  jet ,  il  fait  donner  plu- 
iïeurs  traits  de  feie  ou  de  cifeau  pour  jeter 
en  bas  les  fuperfluités  ,  &  dégager  de  fa 
maffe  la  tête ,  les  bras  &  autres  parties,  fui- 
vant  fon  modèle  ,  &  les  traits  qu'il  a  formés 
fui  le  marbre.  Cette  opération  3  qui  rend  le 


pS  E  P  A 

bloc  plus  maniable  &plus  aifé  à  manœuvrer, 
fe  fait  alternativement  fur  fes  quatre  faces. 
Voyei  Lit,  Plinthe,  Bloc  ,  &  Sculp- 
ture. 

EPANORTHOSE,  f.  f.  {Belles-Leur.) 
figure  de  Rhétorique ,  par  laquelle  l'orateur 
rérracle  ou  corrige  quelque  chofe  de  ce  qu'il 
a  déjà  avancé ,  tk  qui  lui  paroît  trop  foible: 
il  y  ajoute  quelque  chofe  de  plus  énergi- 
que ,  &  de  plus  conforme  à  la  pafîion  qui 
l'occupe  ou  le  tranfporte.  Voye\  CORREC- 
TION. 

Cicéron  emploie  cette  figure  dans  fon 
Oraifon  pour  Caelius  ,  lorfqu'il  dit  :  Oftul- 
titiam  !  ftultitiamne  dicam  ?  an  impudentiam 
fingularem  ?  tk  dans  fa  première  catilinaire  : 
Quanquam  quid  loquor?  te  ut  ulla  res  /ran- 
ge t  ?  tu  ut  unquam  te  corrigas  ?  tu  ut  ullam 
fugam  me  dit  ère  ?  tu  ut  ullum  exiliumcogitesl 
utinam  tibi  illam  mentem  dii  immor taies  do- 
utaient ! 

Ainfi  Térence  ,  dans  fon  heautontimoru- 
menos ,  fait  dire  au  vieiilard  Mcnedeme  : 

Filium  unicum  adolefcentulum 
Habeo.  Ah  !  quid  dixi  habere  me  ?  imb 

habui ,  Chrême  ; 
Nunc  habeam  ,   nec-ne ,  incertum  eft.  (G) 

EPANOUIE,  IE ,  adj.  (terme de  Blafon.) 
fè  dit  des  lis  ,  des  rofes ,  des  tulipes  ,  &  au- 
tres fleurs  fur  leurs  tiges  ,  qui  paroiflent  en- 
tièrement ouverts  tk  dans  une  parfaite  croif 
fànce. 

Epanouie  ,  fe  dit  aufll  d'une  fleur  de  lis  , 
dont  le  fleuron  fupérieur  eft  ouvert ,  tk  qui  a 
des  boutons  entre  les  fleurons  des  côtés  : 
telle  que  la.  fleur  de  lis  de  Florence ,  qui  eft 
de  gueules  en  un  champ  d 'argent. 

Veraiiy  de  Varenne  à  Paris  ^d'argent  à  la 
rofe  épanouie  de  gueules  ;  la  tige  ,  les  feuilles 
&  les  épines  de  f/nople.t{  G^D.  L.  T.) 

EPANOUIR  (s') ,  Gram.  il  fe  dit  de  l'ac- 
croifîémentqui  fuit  lafortie  du  bouton  d'une 
fleur  \  ce  bouton  forti  ,  la  fleur  commence 
à  fe  former  parl'épanouiflèment  du  bouton. 
Il  fe  dit  aufïî  de  la  fleur  ,  lorlqu'dle  a  pris 
toute  fa  beauté  tk  toute  fon  étendue  :  cette 
fleur  eft  entièrement  épanouie.  Il  fè  prend 
quelquefois  a&ivement  tk  paiîivement ,  & 
l'on  dit  :  vous  vous  épanouijfe^  épanouijfe^ 
yotre  cœur. 

JEPARCHA  ,   (  Mufiq.  des  anc.  )  Pol- 


E  P  A 

lux  ,  Onomaft.  liv.  IV.  chap.  9  ,  nous  ap* 
prend  que  Xéparcha  étoit  une  des  parties  du 
mode  des  cithares  ,  fuivant  la  divifion  de 
Terpandre  :  c'étoit  apparemment  le  pré- 
lude ,  car  c'eft:  ce  que  fîgnifie  le  mot  éparcha, 
(F.D.C.) 

EPARCHEIA,  {Mufiq.  des  anc.)  c'étoit 
la  féconde  partie  du  monde  des  cithares, 
fuivant  la  divifion  de  Terpandre ,  Pollux  , 
Onomaft.  liv.  IV,  chap.  9.  Ueparcheia ,  com- 
mencement ,  étoit  probablement  le  commen- 
cement même  du  mode  ,  puifqu'il  fuivoit 
Xéparcha  ou  prélude.  V.  EPARCHA.  (  Mufiq. 
des  anc.  )   {F.D.C.) 

EPARER ,  v.  neut.  {Manège.)  terme  par 
lequel  nous  défignons  l'action  d'un  cheval 
qui  détache  fes  ruades  avec  une  telle  force  r 
que  fes  jarrets  parfaitement  tk  vigoureufe- 
ment  étendus,  font  fouvent  entendre  un  bruit 
à- peu-près  femblable  à  celui  d'un  léger  coup 
de  fouet. 

Cette  action  eft  principalement  requifè 
dans  l'air  des  caprioles  ,  tk  le  diftingue  des. 
airs  relevés  que  nous  nommons  croupades 
&  ballotades.  V.  RELEVÉS  {airs.)  {e) 

EPARGNE  ,  f.  f.  {Morale)  fîgnifie  quel- 
quefois le  tréfor  du  prince  ,  tréforierde  l 'épar- 
gne ,  les  deniers  de  f  épargne ,  &c. 

Epargne  en  ce  fens  n'eft  plus  'guère 
d'ufàge  j  on  dit  plutôt  aujourd'hui  tréfor, 
royal. 

Epargne  ,  la  loi  de  t'épargne  ,  expreftion 
employée  par  quelques  phyficiens  moder- 
nes ,  pour  exprimer  le  décret  par .  lequel 
Dieu. règle  de  la  manière  la  plus  fimple  tk 
la  plus  confiante  tous  les  mouvemens ,  toutes 
les  altérations  ,  tk  les  autres  changemens 
delà  nature.  V.  Action,  Cosmologie  , 
&c. 

Epargne  ,  dans  le  fens  le  plus  vulgaire  , 
eft  une  dépendance  de  l'économie  ;  c'eft 
proprement  le  foin  &  l'habileté  néceflaires 
pour  éviter  les  dépenfes  fuperflues ,  tk  pour 
faire  à  peu  de  frais  celles  qui  font  indifpen- 
fabjes.  Les  réflexions  que  l'on  va  lire  ici  , 
auroient  pu  entrer  au  mot  Economie  , 
qui  a  un  fens  plus  étendu  ,  tk  qui  embraffe 
tous  les  moyens  légitimes  ,  tous  les  foins 
néceflaires  pour  confèrver  tk  pour  accroî- 
tre un  bien  quelconque ,  tk  fur- tout  pour 
le  difpeufèr  à  propos.  C'eft  en  ce  fens  que 
l'on  4^  économie  d'une  famille  ,   économie 


E  P  A 

des  abeilles  ,  économie  nationale.  Au  refte 
les  termes  d'épargne  &  d'économie  énon- 
cent à-peu-près  la  même  idée  }  &  on  les 
emploiera  indifféremment  dans  ce  cl  if 
cours ,  fuivant  qu'ils  paroîtront  plus  con- 
venables pour  la  jufteffe  de  l'expreffion. 

L'épargne  économique  a  toujours  été 
regardée  comme  une  vertu  ,  &  dans  le 
Paganifme  ,  &  parmi  les  Chrétiens  j  il 
s'eft  même  vu  des  héros  qui  l'ont  constam- 
ment pratiquée  :  cependant ,  il  faut  l'a- 
vouer ,  cette  vertu  eft  trop  niodefte  ,  ou  , 
fi  l'on  veut ,  trop  obfcure  pour  être  effen- 
tielle  à  l'héroïfme  j  peu  de  héros  font  ca- 
pables d'atteindre  jufque-là.  L'économie 
s'accorde  beaucoup  mieux  avec  la  politi- 
que j  eile  en  eft  la  bafe ,  l'appui ,  &  l'on 
peut  dire  en  un  mot  qu'elle  en  eft  infé- 
parable.  En  effet,  le  miniftere  eft  pro- 
prement le  foin  de  l'économie  publique  : 
aufli  M.  de  Sully,  ce  grand  miniftre, 
cet  économe  fi  fage  &  fi  zélé ,  a-t-il 
intitulé  {es  mémoires  ,  Economies  royales , 
&c. 

L 'épargne  économique  s'allie  encore  par- 
faitement avec  la  piété  ,  elle  en  eft  la  com- 
pagne fidèle  }  c'eft-là  qu'une  ame  chré- 
tienne trouve  des  relfources  affurées  pour 
tant  de  boanes  œuvres  que  la  charité 
prefcrit. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  il  n'eft  peut-être  pas 
de  peuple  aujourd'hui  moins  amateur  ni 
moins  au  fait  de  l'épargne ,  que  les  Fran- 
çois }  &  en  conféquence  il  n'en  eft  guère 
de  plus  agité  ,  de  plus  expofé  aux  chagrins 
&  aux  miferes  de  la  vie.  Au  refte  ,  l'indif- 
férence ou  plutôt  le  mépris  que  nous  avons 
pour  cette  vertu  ,  nous  eft  infpiré  dès  l'en- 
fance par  une  mauvaife  éducation  ,  &  fur- 
tout  par  les  mauvais  exemples  que  nous 
voyons  fans  ceflè.  On  entend  louer  per- 
pétuellement la  fomptuofité  des  repas  & 
des  fêtes  ,  la  magnificence  des  habits  , 
des  appartenons  ,  des  meubles  ,  &c.  Tout 
cela  eft  repréfenté  ,  non  feulement  comme 
le  but  &  la  récompenfe  du  travail  &  des 
talens ,  mais  fur-tout  comme  le  fruit  du 
goût  &  du  génie  ,  comme  la  marque  d'une 
ame  noble  &  d'un  efprit  élevé. 

D'ailleurs ,  quiconque  a  un  certain  air 
d'élégance  &  de  propreté  dans  tout  ce  qui 
l'environne  j  quiconque  fait  faire  les  hoa- 


E   P    A  x        5cr9 

neurs  de  fa  table  &  de  fa  maifon  ,  paffe  à 
coup  sûr  pour  homme  de  mérite  &  pour 
galant  homme  ,  quand  même  il  manque- 
rait effentiellement  dans  le  refte. 

Au  milieu  de  ces  éloges  prodigués  au 
luxe  &  à  la  dépenfe  ,  comment   plaider  la 
caufe  de   l'épargne  ?    Aufli  ne   s'avifè-t-on 
pas  aujourd'hui   dans  un  difeours  étudié  y 
clans  une  inftruétion  ,  dans  un  prône  ,   de 
recommander  le  travail ,  l'épargne ,  la  fruga- 
lité ,  comme  des  qualités  eftimables  &  utiles. 
Il  eft  inoui  qu'on  exhorte  les  jeunes  gens  à 
renoncer  au  vin ,  à  la  bonne-chere ,  à  la  paru- 
re ,  à  favoir  fe  priver  des  vaines  fuperfluités, 
à  s'accoutumer    de  bonne  heure  au  fimple 
néceflaire.    De   telles  exhortations  paraî- 
traient baffes  &  mal-fbnnantes }  elles  font 
néanmoins  bien  conformes   aux  maximes 
de  la  fageffe ,  &  peut-être   fèroient-elles 
plus  efficaces  que  toute  autre  morale  ,  pour 
rendre   les    hommes    réglés    &  vertueux. 
Malheureufèment  elles   ne  font  point  à  la 
mode  permi  nous  ,  on  s'en  éloigne  même 
tous  les  jours  de  plus  en  plus  j  par-tout  on 
infinue  le  contraire  ,  la   molleffe    &  les 
commodités   de  la   vie.    Je    me  fouviens 
que  dans  ma  jeuneffe  on  remarquoit  avec 
une  forte  de  mépris  les  jeunes  gens  trop 
occupés    de   leur  parure  \   aujourd'hui  on 
regarderoit  avec  mépris  ceux  qui  auraient 
un   air  fimple  &  négligé.  L'éducation  de- 
vrait   nous  apprendre    à    devenir  des  ci- 
toyens utiles ,  fobres ,  défintéreffés  ,  bien- 
faifans  :    qu'elle   nous  éloigne  aujourd'hui 
de  ce  grand  but  !  elle  nous  apprend  à  mul- 
tiplier nos  befoins  ,    &  par-là  elle  nous 
rend  plus  avides  ,  plus  à  charge  à  nous- 
mêmes  ,    plus   durs    &  plus  inutiles    aux 
autres. 

Qu'un  jeune  homme  ait  plus  de  talent 
que  de  fortune  ,  on  lui  dira  tout  au  plus 
d'une  manière  vague  ,  qu'il  doit  fbnger 
tout  de  bon  à  fon  avancement  j  qu'il  doit 
être  fidèle  à  fès  devoirs  ,  éviter  les  mau- 
vaifes  compagnies,  la  débauche  ,  &c.  mais 
on  ne  lui  dira  pas ,  ce  qu'il  faudrait  pour- 
tant lui  dire  &  lui  répéter  fans  ceflè  ,  que 
pour  s'affurer  le  néceifaire  &  pour  s'avan- 
cer par  des  voies  légitimes  ,  pour  devenir 
honnête  homme  &  citoyen  vertueux  ,  utiles, 
à  foi  &  à  fa  patrie  ,  il  faut  être  courageux; 
&  patient  %  travailler  fans  relâche  %  éviter 


£oo  E  P  A 

la  dépenfe  ,  méprifer  également  la  peine  & 
le  plaifîr  ,  &  fe  mettre  enfin  au  deifus  des 
préjugés  qui  favorifent  le  luxe  ,  la  difîipa- 
tion  &  la  mollefïë. 

On  connoît  aflèz  l'efficacité  de  ces 
moyens  :  cependant  comme  on  attache 
m  al- à-propos  certaine  idée  de  bafleffe  à 
tout  ce  qui  fent  Yépargne  &.  l'économie  , 
on  n'oferoit  donner  de  femblabks  confeils  , 
on  croiroit  prêcher  l'avarice  j  for  quoi  je 
remarque  en  parlant ,  que  de  tous  les  vices 
combattus  dans  la  morale  ,  il  n'en  eft  pas 
de  moins  déterminé  que  celui-ci. 

On  nous  dépeint  fouvent  les  avares  comme 
des  gens  fans  honneur  &  fans  humanité  , 
gens  qui  ne  vivent  que  pour  s'enrichir  , 
&  qui  facrifient  tout  à  la  paiîion  d'accu- 
muler 5  enfin  comme  des  infenfés  ,  qui, 
au  milieu  de  l'abondance  ,  écartent  loin 
d'eux  toutes  les  douceurs  de  la  vie  ,  & 
qui  fe  refufent  jufqu'au  rigide  néceffaire. 
Mais  peu  de  gens  fè  reconnoiffent  à  cette 
peinture  affreufe  }  &  s'il  falîoit  toutes  ces 
circonftances  pour  conftituer  l'homme  ava- 
re ,  il  n'en  feroit  preique  point  fur  la  terre. 
Il  fùffit  pour  mériter  cette  odieufe  qualifi- 
cation ,  d'avoir  un  violent  defir  des  ri- 
chefTes  ,  &  d'être  peu  fcrupuleux  fur  les 
moyens  d'en  acquérir.  L'avarice  n'eft  point 
effentiellement  unie  à  la  léfine ,  peut-être 
même  n'eft-elle  pas  incompatible  avec  le 
fafte  &  la  prodigalité. 

Cependant ,  par  un  défaut  de  jufteffe , 
qui  n'eft  que  trop  ordinaire ,  on  traite 
communément  à' avare  l'homme  fobre, 'at- 
tentif &  laborieux ,  qui  ,  par  fon  travail 
&  fes  épargnes ,  s'élève  infenfiblement  au 
deffus  de  fes  femblablesç,  mais  plût  au  ciel 
que  nous  enflions  bien  des  avares  de  cette 
efpece  !  la  fociété  s'en  trouveroit  beaucoup 
mieux  ,  &  l'on  n'elfuieroit  pas  tant  d'in* 
juftice  de  la  part  des  hommes.  En  géné- 
ral ,  ces  hommes  relTerrés  ,  fi  l'on  veut , 
mais  plutôt  ménagers  qu'avares  ,  font  pref- 
que  toujours  d'un  bon  commerce  }  ils  de- 
viennent même  quelquefois  compatiflàns  ; 
&  fi  on  ne  les  trouve  pas  généreux ,  on  les 
trouve  au  moins  allez  équitables.  Avec 
eux  enfin  on  ne  perd  prefque  jamais  ,  an 
lieu  qu'on  perd  le  plus  fouvent  avec  les 
difîipateurs.  Ces  ménagers  en  un  mot  font 
dans  le  fyftême  d'une  honnête  épargne ,  à 


ep  A 

laquelle  nous  vrodiguons  mal-à-propoa  le 
nom  d'avance. 

Les  anciens  Romains  plus  éclairés  que 
nous  fur  cette  matière  ,  étoient  bien  éloi- 
gnés d'en  ufer  de  la  forte  }  loin  de  regar- 
der lu  parcimonie  comme  une  pratique  baflc 
ou  vicieufe  ,  erreur  trop  commune  parmi 
les  François  ,  ils  l'identifioient ,  au  contrai- 
re ,  avec  la  probité  la  plus  entière }  ils  ju- 
geoient  ces  vertueufes  habitudes  tellement 
inféparables ,  que  l'exprefïion  connue  de 
vir  frugi  ,  fignifioit  tout-à-la -fois  ,  chez 
eux  ,  ?  homme  fobre  &  ménager  ,  l  honnête 
homme  &  /' homme  de  bien. 

L'Efprit-Saint  nous  prélente  la  même 
idée }  il  fait  en  mille  endroits  l'éloge  de 
l'économie  ,  &  par-tout  il  la  diftingue  de 
l'avarice.  Il  en  marque  la  différence  bien 
fenfïble ,  quand  il  dit  d'un  côté  qu'il  n'eft 
rien  de  plus  méchant  que  l'avarice  ,  ni  rien 
de  plus  criminel  que  d'aimer  l'argent  , 
(  Eccléfîaji.  x.  9.  10.  )  &  que  de  l'autre  il 
nous  exhorte  au  travail ,  à  Y  épargne  ,  à  la 
fobriété ,  comme  aux  feuls  moyens  d'en  • 
richiffement }  lorfqu'il  nous  repréfente  l'ai- 
fance  &  la  richeflè  comme  des  biens  de- 
firables  ,  comme  les  heureux  fruits  d'une 
vie  fobre  &  laborieufe.      # 

Allez  ,  dit-il  au  pareffeux  ,  allez  à  la 
fourmi ,  &  voyez  comme  elle  ramaffe  dans 
l'été  de  quoi  fubfifter  dans  les  autres  fai- 
fons.  Prov.  vj.  6. 

Celui ,  dit-il  encore  ,  qui  eft  lâche  & 
négligent  dans  fon  travail ,  ne  vaut  guère 
mieux  que  le  diiîlpateur.  Prov.  xviij.  9. 

Il  nous  allure  de  même  ,  que  le  paref- 
feux qui  ne  veut  pas  labourer  pendant  la 
froidure ,  fera  réduit  à  mendier  pendant 
l'été.  Prov.  xx.  4. 

Il  nous  dit  dans  un  autre  endroit  :  pour 
peu  que  vous  cédiez  aux  douceurs  du  re- 
pos ,  à  l'indolence ,  à  la  parefîe ,  la  pauvreté 
viendra  s'établir  chez  vous  &  s'y  rendra  la 
plus  forte  :  mais  ,  continue-t-  il ,  fi  vous 
êtes  a&if  &  laborieux  ,  votre  moiffou  fera 
comme  une  fource  abondante  ,  8c  la  di- 
fette  fuira  loin  devons.  Prov.  vj.  10.  ir. 

Il  rappelle  une  féconde  fois  la  même 
leçon  ,  en  difant  que  celui  qui  laboure  fon 
champ  fera  rafîàfié  }  mais  que  celui  qui 
aime  l'oifiveté  fera  furpris  par  l'indigence. 
Prov,  xxviij.   19. 

I) 


E  l'A 

II  nous  avertit  en  même  temps  ^  que 
l'ouvrier  fujet  à  l'ivrognerie  ne  deviendra 
jamais  riche.  Eccléjîajliq.   xjx.  z . 

Que  quiconque  aime  le  vin  &  la  bonne 
chère  ,  non-feulement  ne  s'enrichira  point , 
mais  qu'il  tombera  même  dans  la  mifere. 
Prov.  xx j.   1 7. 

Il  nous  dérend  de  regarder  le  vin  lors- 
qu'il brille  dans  un  verre  ,  de  peur  que 
cette  liqueur  ne  fafîè  fur  nous  des  impref- 
fions  agréables  mais  dangereufes  ;  &  qu'en- 
fuite  femblable  à  unTerpent  &  à  un  bafilic, 
elle  ne  nous  tue  de  fon  poifon.  Prov.  xxiij. 

3*.  3Z- 

Retranchez  ,  dit-il ,  ailleurs ,  retranchez 
le  vin  à  ceux  qui  font  chargés  du  miniftere 
public  ,  de  peur  qu'enivrés  de  cette  boif- 
fon  traîtreflê  ,  ils  ne  viennent  à  oublier  la 
juftice ,  &  qu'ils  n'altèrent  le  bon  droit  du. 
pauvre.  Prov.  xxxj.   4.  $. 

Contentez-vous  ,  dit-il  encore  ,  du  lait 
de  vos  chèvres  pour  votre  nourriture  ,  & 
qu'il  fourniffe  aux  autres  befoins  de  votre 
maifon  ,    &c.  Prov.  xxvij.   zj. 

Que  d'inftrucHon  &  d'encouragement  à 
Y  épargne  &  aux  travaux  économiques ,  ne 
trouve-t-on  pas  dans  l'éloge  qu'il  fait  de 
la  femme  forte  !  il  nous  la  dépeint  comme 
une  mère  de  famille  attentive  &  ména- 
gère ,  qui  rend  la  vie  douce  à  fon  mari  & 
lui  épargne  mille  follicitudes  ;  qui  forme 
des  entreprifes  importantes  ,  &  qui  met 
elle-même  la  main  à  l'œuvre  ;  qui  fe  levé 
avant  le  jour  pour  diftribuer  l'ouvrage  &  la 
nourriture  à  fes  domeftiques  ;  qui  augmente 
fon  domaine  par  de  nouvelles  acquittions  ; 
qui  plante  des  vignes  ;  qui  fabrique  des 
étoffes  pour  fournir  fa  maifon  "Se  pour 
commercer  au-dehors  ;  qui  n'a  d'autre  pa- 
rure qu'une  beauté  fimple  &  naturelle  ; 
qui  met  néanmoins  dans  l'occafion  les  ha- 
bits les  plus  riches  ;  qui  ne  profère  que  des 
paroles  de  douceur  &  de  fagefïè  ;  qui  eft 
enfin  compatiffante  &  fecourable  pour  les 
malheureux.  Prov.  xxxj.  zo.  z  z.  z  z.  z%. 
24.  z  5.  &c. 

A  ces  préceptes  ,  à  ces  exemples  d'éco- 
nomie fi  bien  tracés  dans  les  livres  de  la 
Sagefîè  ,  joignons  un  mot  de  S.  Paul ,  & 
confirmons  le  tout  par  un  trait  d'épargne 
que  J.  C.  nous  a  laifle.  L'apôtre  écrivant  à 
Thimothée  ,  veut  entr'autres  qualités ,  dans 
Tome  XII. 


E  P  A  Goi 

les  évêques  ,  qu'ils  foient  capables  d'élever 
leurs  enfans  &  de  régler  leurs  affaires  do- 
meftiques ,  en  un  mot  qu'ils  foient  de  bons 
économes  ;  en  effet ,  dit-il  ,  s'ils  ne  favent 
pas  conduire  leur  maifon ,  comment  con- 
duiront-ils les  affaires  de  l'Eglife  ?  Si  quis 
autem  domui  fuce  prceejfe  nefeity  quomodd 
Ecclejice  Dei  diligentiam  habebit .?  I.  épître 
à  Timothée  ,   ch.  iij.  f.  4.  £. 

Le  Sauveur  nous  donne  aufli  lui-même  une 
excellente  leçon  d'économie,  lorfqu'ayant 
multiplié  cinq  pains  &  deux  poifTons  au  point 
de  rafTafier  une  foule  de  peuple  qui  le  fui- 
voit  ,  il  fait  ramaffer  enfuite  les  morceaux 
qui  reffent  &  qui  remplifTent  douze  corbeil- 
les ,  &  cela  ,  comme  il  le  dit ,  pour  ne  rien 
laiûer  perdre  :  colligite  quœ  fuperaverunc 
fragmenta  ne  pereant.  Jean  ,  vj.   z  z. 

Malgré  ces  autorités  fi  refpeâables  & 
fi  facrées  ,  le  goût  des  vains  plaifirs  & 
des  folles  dépenfes  eff  chez  nous  la  paffion 
dominante  ,  ou  plutôt  c'eft  une  efpece  de 
manie  qui  poflêde  les  grands  &  les  petits  , 
les  riches  &  les  pauvres  ,  &  à  laquelle 
nous  facrifions  fouvent  une  bonne  partie  du 
nécefîaire. 

Au  refte  ilfaudroit  n'avoir  aucune  expé- 
rience du  monde  ,  pour  propofer  férieufe- 
ment  l'abolition  totale  du  luxe  &  des  fuper- 
fluités  ;  auffi  n'eff-ce  pas  là  mon  intention. 
Le  commun  des  hommes  eff  trop  foible  , 
trop  efclave  de  la  coutume  &  de  l'opinion  % 
pour  réfiffer  au  torrent  du  mauvais  exem- 
ple ;  mais  s'il  eff  impoffible  de  convertir  la 
multitude ,  il  n'eft  peut-être  pas  difficile  de 
perfuader  les  gens  en  place  ,  gens  éclairés  & 
judicieux  ,  à  qui  l'on  peut  repréfenter  l'abus 
de  mille  dépenfes  inutiles  au  fond  ,  &  dont 
la  fuppreffion  ne  gêneroit  point  la  liberté 
publique  ;  dépenfes  qui  d'ailleurs  n'ont  pro- 
prement aucun  but  vertueux  ,  &  qu'on 
pourrait  employer  avec  plus  de  fagefïè  & 
d'utilité  :  feux  d'artifice  &  autres  feux  de 
joie  ,  bals  &  feffins  publics  ,  entrées  d'am- 
baffadeurs ,  &c.  que  de  momeries  ,  que  d'à- 
mufèmens  puériles  ,  que  de  millions  prodi- 
gués en  Europe ,  pour  payertribut  à  la  cou- 
tume !  tandis  qu'on  eft  preffé  de  befoins 
réels  ,  auxquels  on  ne  fàuroit  fàtisfaire  , 
parce  qu'on  n'eft  pas  fidèle  à  l'économie 
nationale. 

Mais  que  dis-je  !  on  commence  à  fè^tii* 

Gggg 


£oi  E  P  A  E  P  A 

la  futilité  de  ces  dépenfes  ,  &  notre  minif-  |  »   dres  ;  ce  qui  eft ,  dit- on  ,  le  préfent  ordî- 


tere  l'a  déjà  bien  reconnue  ,  lorfque  le  ciel 
ayant  comblé  nos  vœux  par  la  nahTance  du 
duc  de  Bourgogne  ,  ce  jeune  prince  fi  cher 
à  la  France  &  à  l'Europe  entière,  on  a  mi  eux 
aimé  pour  exprimer  la  joie  commune  dans 
cet  heureux  événement ,  on  a  mieux  aimé  ,- 

.  dis-je  ,  allumer  de  toutes  parts  le  flambeau 
de  l'hymenée,  &  préfenter  aux  peuples  fes 

,ris  &  fes  jeux  pour  favorifer  la  population 
par  de  nouveaux  mariages  ,  que  de  faire , 
Suivant  la  coutume  ,  des  prodigalités  mal 
entendues ,  que  d'allumer  des  feux  inutiles 
&  difpendieux  qu'un  inftant  voit  briller  & 
s'éteindre. 

Cette  pratique  fi  raifonnsble  rentre  par- 
faitement dans  la  penfée  d'un  fage  fuédois  , 
qui  donnant  une  fomme  ,  il  y  a  deux  ans  , 
.pour  commencer  un  établifïêment  utile  à  fa 


ccrivoit  à  ce  fujet  :  "  Plût  au  ciel  que  la 
9>  mode  pût  s'établir  parmi  nous  ,  que  dans 
?>  tous  les  événemens  qui  caufent  PalégrefTe 
9>  publique  ,  on  ne  fît  éclater  fa  joie  que 
9>  par  des  a&es  utiles  à  lafociéré!  on  ver- 
*>  roit  bientôt  nombre  de  monumens  hono- 
*>  râbles  de  notre  raifbn  ,  qui  perpétueraient 
9>  bien  mieux  la  mémoire  des  faits  dignes 
py  de  paffer  à  la  poflérité  ,  &  feroient  plus 
9>  glorieux  peur  l'humanité  que  tout  cet 
9)  appareil  tumultueux  de  fêtes  ,  de  repas  , 
9)  de  bals ,  &  d'autres  divertifTemens  ufités 
9)  en  pareilles  occafions.  »  Galette  de 
France ,  8  Décembre  ZJS3-  Suéde. 

La  même  propofition  eft  bien  confirmée 
par  l'exemple  d'un  empereur  de  la  Chine 
qui  vivoit  au  dernier  fiecle  ,  &  qui  dans  l'un 
des  grands  événemens  de  fon  règne,  défen- 
dit à  l'es  fujets  de  faire  les  réjouifîances  or- 
dinaires &  confacrées  par  l'ufage  ,  foit  pour 
leur  épargner  des  frais  inutiles  &  mal  pla- 
cés ,  foit  pour  les  engager  vraifemblable- 
jnent  à  opérer  quelque  bien  durable  ,  plus 
glorieux  pour  lui-même  ,  plus  avantageux 
à  tout  fon  peuple  ,  que  des  amufemens  fri- 
voles &  paffagers  ,  dont  il  ne  refte  aucune 
utilité  fenfible» 

Voici  encore  un  trait  que  je  ne  dois  pas 
oublier  :  "  Le  miniftere  d'Angleterre  ,  dit 
v  une  gazette. . .  .de  l'année  1754  ,  a  fait 
f>  compter  mille  guinées  à  M.  Wal  ,  ci- 
»  deyant  ambafiadeur  d'Efpagne  à  Lon- 


»  naire  que  l'état  fait  aux  miniftres  étran- 
»  gers  en  quittant  la  Grande-Bretagne.  » 
Qui  ne  voit  que  mille  guinées  ou  mille  louis 
forment  un  préfent  plus  utile  &  plus  raifon- 
nable  que  ne  feroit  un  bijou  ,  uniquement 
deftiné  à  l'ornement  d'un  cabinet  ? 

Après  ces  grands  exemples  d'épargne  po- 
litique ,  oferoit-on  blâmer  cet  ambaffadeur 
hollandois  ,  qui  recevant  à  fon  départ  d'une 
cour  étrangère  le  portrait  du  prince  enrichi 
de  diamans  ,  mais  qui  trouvant  bien  du 
vuide  dans  ce  préfent  magnifiqqe  ,  demanda 
bonnement  ce  que  cela  pouvoit  valoir. 
Comme  on  l'eut  afîuré  que  le  tout  coûtoit 
quarante  mille  écus  :  que  ne  me  donnoit- 
on  ,  dit-il ,  une  lettre-de-change  de  pareille 
fomme  à  prendre  fur  un  banquier  d'Amfter- 
dam?  Cetti  naïveté  hollandoife    nous  "fait 


patrie,  s'exprimoit  ainfi  dans  une  lettre  qu'il"  rire  d'abord;    mais  en  examinant  la  choie 


de  près  ,  les  gens  fenfés  jugeront  apparem- 
ment qu'il  avoit  raiion  ,  &  qu'une  bonne 
lettre  de  quarante  mille  écus  eft  bien  plus 
de  fervice  qu'un  portrait. 

En  fuivant  le  même  goût  d'épargne  y  que 
de  retranchemens  ,  que  d'inftitutions  utiles 
&  praticables  en  plufieurs  genres  difFércns  ! 
Que  d'épargnes  poflibles  dans  l'adminiftra- 
tion  delà  juftice,  police  &  finances,  puis- 
qu'il feroit  aiié  ,  en  Amplifiant  les  régies  & 
les  autres  affaires ,  d'employer,  à-  tout  cela 
bien  moins  du  monde  qu'on  ne  fait  à  pré- 
fent !  Cet  article  eft  afTez  important  pour 
mériter  des  traité»  particuliers  ;  nous  en 
avons  fur  cela  plufieurs  qu'on  peut  lire  avec 
beaucoup  de  fruit. 

Que  d'épargnes  poflibles  dans  la  cîifci- 
plinedenos  troupes  ,  &  que  d'avantages  on 
en  pourroit  tirer  pour  le  roi  &  pour  l'état , 
fi  l'on  s'attachoit  comme  les  anciens  à  les 
occuper  utilement  !  J'en  parlerai  dans  quel- 
qu'autre  occafion. 

Que  d'épargnes  poffibles  dans  la  police 
des  Arts  &  du  Commerce,  en  levant  les 
obftacles  qu'on  trouve  à  chaque  pas  fur  le 
tranfport  &  le  débit  des  marchandifes  & 
denrées  ,  mais  fur-tout  en  rétabliflant  peur- 
à-peu  la  liberté  générale  des  métiers  &  né- 
goces ,  telle  qu'elle  étoit  jadis  en  France  , 
&  telle  qu'elle  eft  encore  aujourd'hui  en  plu- 
fieurs états  voifins  ;  fupprimant  par  confé- 
quent  les  formalités  onéreufes  des  brevets 


E  P  A 

d'apprentifîâge  ,  maîtrifes  &  réceptions  ,  & 
autres  femblables  pratiques  ,  qui  arrêtent 
l'activité  des  travailleurs  ,  fouvent  même  qui 
les  éloignent  tout-à-fait  des  occupations 
utiles  ,  &  qui  les  jettent  eniuite  en  des  ex- 
trémités funeftes  ;  pratiques  enfin  que  l'ef- 
prit  de  monopole  a  introduites  en  Europe  , 
&  qui  ne  le  maintiennent  dans  ces  temps 
éclairés  que  par  le  peu  d'attention  des  légii- 
lateurs.  Nous  n'avons  déjà  ,  tous  tant  que 
nous  fommes  ,  que  trop  de  répugnance  pour 
les  travaux  pénibles  ;  il  ne  faudroit  pas  en 
augmenter  les  difficultés  ,  ni  taire  naître  des 
occaiions  ou  des  prétextes  à  notre  pareflê. 

De  plus,  indépendamment  des  maîtriies, 
il  y  a  parmi  les  ouvriers  mille  ufages  abu- 
fifs  &  ruineux  qu'il  faudroit  abolir  impi- 
toyablement ;  tels  font ,  par  exemple  ,  tous 
droits  de  compagnonage  ,  toutes  fêtes  de 
communauté  ,  tous  irais  d'afîemblée ,  je- 
tons ,  bougies  ,  repas  &  buvettes  :  occa- 
lions perpétuelles  de  fainéantife  ,  d'excès  & 
de  pertes  ,  qui  retombent  nécefTairement  fur 
le  public  ,  &  qui  ne  s'accordent  point  avec 
l'économie  nationale.  • 

Que  <S! épargnes  poflibles  enfin  dans  l'exer- 
cice de  la  religion  ,  en  lupprimant  les  trois 
quarts  de  nos  têtes  ,  comme  on  l'a  fait  en 
Italie  ,  dans  l'Autriche,  dans  les  Pays-Bas  , 
&  ailleurs  :  la  France  y  gagneroit  des  mil- 
lions tous  les  ans  ;  outre  que  l'on  épargne- 
rait bien  des  trais  qui  le  font  ces  jours-là 
dans  nos  églifes.  Qu'on  pardonne  iur  cela 
les  détails  fuivans  ,  à  un  citoyen  que  l'amour 
du  bien  public  anime. 

Quel  foulagement  &  quelle  épargne  pour 
le  public  ,  fï  l'on  retranchoit  la  diftribution 
du  pain-bénit  !  C'cll  une  dépenfe  des  plus 
inutiles  ,  dépenfe  néanmoins  confidérable 
&  qui  fait  crier  bien  des  gens.  On  dit  que 
certains  officiers  des  paroi  fies  font  fur  cela 
de  petites  concuflions ,  ignorées  fans  doute 
de  la  police  ,  &  que  la  loi  n'ayant  rien  fixé 
là-defîùs,  ils  rançonnent  les  citoyens  impu- 
nément félon  qu'ils  les  trouvent  plus  ou 
moins  faciles.  Quoi  qu'il  en  foit ,  il  efl  dé- 
montré par  un  calcul  exact.  ,  que  le  pain- 
bénit  coûte  en  France  plulieurs  millions  par 
an  ;  il  n'eft  cependant  d'aucune  néceiltté  , 
il  y  a  même  des  contrées  dans  le  royaume 
où  l'on  n'en  donne  point  du  tout  :  en  un 
mot,  il  ne  porte  pas  plus  de  bénédiction 


E  P  A  £03 

que  l'eau  qu'on  emploie  pour  le  bénir;  &c 
par  conféquent  on  pourroit  s'en  tenir  à 
l'eau  qui  ne  coûte  rien  ,  &  fupprimer  la 
dépenfe  du  pain  -  bénit  comme  onéreufe  à 
bien  du  monde. 

Après  avoir  indiqué  la  fuppreffion  du 
pain-bénit ,  je  ne  crois  pas  devoir  épargner 
davantage  la  plupart  des  quêtes  ufitées  parmi 
nous ,  &  fur-tout  la  location  des  chaifès. 
Tous  négoces  font  défendus  dans  le  temple 
du  feigneur  ;  lui  -  même  les  a  proferits 
hautement  ,  &  je  ne  vois  rien  dans  l'é- 
vangile fur  quoi  il  ait  parlé  avec  tant  de 
force.  Domus  mea  domus  orationis  ejî  y 
vos  autem  feciflis  illam  fpeluncam  latro- 
num.  Luc  ,  xjx.  46°.  lime  femble  que  c'eff 
une  leçon  &  pour  les  pafteurs  &  pour  les 
magifîrats. 

Rien  de  plus  indécent  que  de  vendre  la 
place  à  l'égîife  ;  MM.  les  eccléfiaffiques  ont 
grand  foin  de  s'y  mettre  à  l'aife  &  propre- 
ment ,  afîis  &  à  genoux  :  il  conviendrait 
que  tous  les  fidèles  y  fufTent  de  même  com- 
modément ,  &:  fans  jamais  financer.  Pour 
cela  il  y  faudroit  mettre  des  bans  appro- 
priés à  cette  fin  ,  bans  qui  rempliraient  la 
nef  &  \ts  côtés  ,  &  n'y  iaifTeroient  que  de 
fimples  pafïàges.  J'ai  vu  quelque  chofe  d'ap- 
prochant dans  une  province  du  royaume  , 
mais  beaucoup  mieux  en  Angleterre  &c  en 
Hollande  ,  où  l'on  efl  afîis  dans  les  tem- 
ples fans  ayeuns  frais  ,  &  faos  être  inter- 
rompus par  des  mendians  ,  par  des  quê- 
teurs ,  ni  par  des  loueurs  de  chaifes.  En  quoi 
les  Proteflans  nous  donnent  un  bel  exemple 
à  fuivre  ,  fi  nous  étions  allez  raifonnablcs  , 
aflèz  défintéreflés  pour  cela. 

Mais  ,  dira-t-on  fans  doute ,  cette  re- 
cette retranchée  ,  comment  fournir  aux  dé- 
pendes ordinaires  ?  en  voici  le  moyen  sûr 
&  facile  ,  c'eft  de  retrancher  tout-à-fait  une 
bonne^partie  de  ces  dépenfes ,  &  de  modé- 
rer ,  comme  il  efl  pofhble  ,  celles  que  l'on 
croit  les  plus  indifpenfables.  Quelle  nécef- 
fité  d'avoir  tant  de  chantres  &  autres  offi» 
ciers  dans  les  paroifïes  ?  A  quoi  bon  tant  de 
luminaire  ,  tant  d'ornemens  ,  tant  de  clo- 
ches ,  Ùc.  Si  l'on  étoit  un  peu  raifonnable  , 
faudroit-il  tant  d'étalage  ,  tant  de  cire  &  de 
fbnnerie  pour  enterrer  les  morts  ?  On  en 
peut  dire  autant  de  mille  autres  fuperfluités 
onéreufes ,  &  qui  dénotent.plus  dans  les  uns 


604  E  P  A 

l'amour  du  lucre  ,  dans  les  autres  l'amour 
du  faite  ,  que  le  zèle  de  la  religion  &  de  la 
vraie  piété. 

Au  furpius  il  n'eft  pas  pofTible  que  de 
{impies  particuliers  remédient  jamais  à  de 
pareils  abus  ,  chacun  fent  la  tyrannie  de  la 
coutume  ,  chacun  même  en  gémit  dans 
fon  particulier  ;  cependant  tout  le  monde 
porte  le  joug.  L'homme  enîant  craint  la 
cenlùre  &  le  qu'en  dira-t-on  ,  &  perfonne 
n'oie  réfifter  au  torrent.  C'efr.  donc  au 
gouvernement  à  déterminer  une  bonne  fois, 
fùivant  la  différence  des  conditions  ,  tous 
frais  funéraires  ,  frais  de  mariage  &  de 
baptême ,  Ùc.  &  je  crois  qu'on  pourroit , 
au  grand  bien  du  public  ,  les  réduire  à-peu- 
près  au  tiers  de  ce  qu'il  en  coûte  aujour- 
d'hui ;  enforte  que  ce  fût  une  règle  conf- 
iante pour  toutes  les  familles  ,  &  qu'il  fût 
abfolument  défendu  aux  particuliers  &  aux 
curés  de  faire  ou  de  fouffrir  aucune  dépenfe 
au-delà. 

Quelques  politiques  modernes  ont  fage- 
ment  obfervé  que  le  nombre  iurabondant 
des  gens  d'églife  étoit  vifiblement  contraire 
à  l'opulence  nationale ,  ce  qui  eft  principa- 
lement vrai  des  réguliers  de  l'un  &  de  l'au- 
tre fexe.  En  effet ,  excepté  ceux  qui  ont  un 
miniftere  utile  &  connu  ,  tous  les  autres 
vivent  aux  dépens  des  vrais  travailleurs  , 
fans  rien  produire  de  profitable  à  la  iociété  ; 
ils  ne  contribuent  pas  même  à  leur  propre 
fubfiftance  ,  f rages  confumere  nati  ;  Hor. 
/.  /.  ep.  ij.  v.  &$.  &  bien  qu'iflus  la  plupart 
des  conditions  les  plus  médiocres  ,  bien 
qu'aflîijettis  par  état  aux  rigueurs  de  la  péni- 
tence ,  ils  trouvent  moyen  d'éluder  l'anti- 
que loi  du  travail ,  &  de  mener  une  vie 
douce  &  tranquille  fans  être  obligés  d'efïuyer 
la  fueur  de  leur  vifage. 

Pour  arrêter  un  fi  grand  mal  politique  , 
il  ne  faudroit  admettre  aux  ordres  gjue  le 
nombre  de  fujets  nécefïaires  pour  le  fervice 
de  l'égliie.  A  l'égard  des  reclus  qui  ont  un 
miniftere  public  ,  on  ne  peut  que  louer  leur 
zèle  à  remplir  leurs  fondions  pénibles  ,  & 
on  doit  les  regarder  comme  des  fujets  pré- 
cieux à  l'état.  Pour  les  autres  qui  n'ont  pas 
d'occupations  importantes  ,  il  paroîtroit  à- 
propos  d'en  diminuer  le  nombre  à  l'avenir  , 
&  de  chercher  des  moyens  pour  les  rendre 
plus  utJes. 


E  P  A 

Voilà  plufieurs  moyens  &  épargne  que  les 
politiques  ont  déjà  touchés  ;  mais  en  voici 
un  autre  qu'ils  n'ont  pas  encore  effleuré  ,  &: 
qui  eft  néanmoins  des  plus  inréreflans  :  je 
parle  des  académies  de  jeu ,  qui  font  vifi- 
blement contraires  au  bien  national  ;  mais 
je  parle  fur-tout  des  cabarets  fi  multipliés , 
fi  nuifibles  parmi  nous ,  que  c'eii  pour  le 
peuple  la  caufe  la  plus  commune  de  ia  mi- 
fere  &  de  fes  défordres. 

Les  cabarets ,  à  le  bien  prendre,  font  une 
occafion  perpétuelle  d'excès  &  de  pertes  ;  & 
il  feroit  très-utile  ,  dans  les  vues  de  la  reli- 
gion &  de  la  politique,  d'en  fupprimer  la 
meilleure  partie  à  mefure  qu'ils  viendroient 
à  vaquer.  Il  ne  feroit  pas  moins  important 
de  les  interdire  pendant  les  jours  ouvrables  à 
tous  les  gens  établis  &  connus  en  chaque 
paroifle';  de  les  fermer  févérement  à  neuf 
heures  du  foir  dans  toutes  les  faifons  ,  &  de 
mettre  enfin  les  contrevenans  à  une  bonne 
amende  ,  dont  moitié  aux  dénonciateurs  , 
moitié  aux  infpe&eurs  de  police. 

Ces  réglemens ,  dira-t-on  ,  bien  qu'utiles 
&  raifonnabées  ,  diminueroient  le  produit 
des  aides  ;  mais  premièrement  le  royaume 
n'eft  pas  fait  pour  les. aides  ,  les  aides  au 
contraire  font  faites  pour  le  royaume  ;  elles 
font  proprement  une  reffource  pour  fubve- 
nir  à  fes  beibins  :  fi  cependant  par  quelque 
occafion  que  ce  puiflè  être  ,  elles  devenoient 
nuifibles  à  l'état ,  il  n'eft  pas  douteux  qu'il 
ne  fallût  les  rectifier  ou  chercher  des  moyens 
moins  ruineux,  à-peu-près  comme  on  change 
ou  qu'on  cette  un  remède  loriqu'il  devient 
contraire. 

D'ailleurs  les  réglemens  propofés-  ne  doi- 
vent point  alarmer  les  financiers  ,  par  la 
grande  raifon  que  ce  qui  ne  fè  confomme- 
roit  pas  dans  les  cabarets  ,  fe  confommeroit 
encore  mieux  &  plus  univerfellement,  dans 
les  maifons  particulières ,  mais  pour  l'or- 
dinaire fans  excès  -&  fans  perte  de  temps  ; 
au  lieu  que  les  cabarets ,  toujours  ouverts  , 
dérangent  fi  bien  nos  ouvriers  ,  qu'on  ne 
peut  d'ordinaire  compter  fur  eux  ,  ni  voir 
la  fin  d'un  ouvrage  commencé.  Nous  nous 
plaignons  fans  ceffe  de  la  dureté  des  temps  ; 
que  ne  nous  plaignons-nous  plutôt  de  notre 
imprudence  ,  qui  nous  porte  à  faire  &  à 
tolérer  des  dépenfes  &  des  pertes  fans 
nombre. 


E  ?  A 

Autre  propofition  qui  tient  à  Vepargne 
publique  ,  ce  feroit  de  fonder  des  monts  de 
piété  dans  toutes  nos  bonnes  villes  ,  pour 
faire  trouver  de  l'argent  fur  gage  &  fans  in- 
térêt ;  fi  ce  n'eft  peut-être  qu'on  pourroit 
tirer  deux  pour  cent  par  année  ,  pour  four- 
nir aux  frais  de  la  régie.  On  fait  que  les 
prêteurs-ufuraires  font  très-nuifibles  au  pu- 
blic ,  &  qu'ainfi  l'on  éviteroit  bien  des  per- 
tes fi  l'on  pouvoit  fe  pafTer  de  leur  miniftere. 
Il  feroit  donc  à  fouhaiter  que  les  âmes  pieu- 
lés  &  les"  cœurs  bienfaifans  fongeafTent  fé- 
rieufement  à  effectuer  les  fondations  favora- 
bles dont  nous  parlons.       • 

Outre  la  commodité  générale  d'un  em- 
prunt gratuit  &  facile  pour  les  peuples  ,  je 
regarde  comme  l'un  des  avantages  de  ces 
établiflemens  ,  que  ce  feroient  autant  de  bu- 
reaux connus  où  l'on  pourroit  dépofer  avec 
confiance  des  fommes  qu'on  n'eft  pas  tou- 
jours à  portée  de  placer  utilement ,  &  dont 
on  eft  quelquefois  embarrafle.  Combien 
d'avares  qui ,  craignant  pour  l'avenir  ,  n'o- 
fent  fe  défaire  de  leur  argent;  &  qui  mal- 
gré leurs  précautions  ,  ont  toujours  à  redou- 
ter les  vols  ,  les  incendies^,  les  pillages  ,  &c. 
Combien  d'ouvriers ,  combien  de  domefti- 
ques  &  d'autres  gens  ifolés  ,  qui  ayant  épar- 
gné une  petite  fomme  ,  dix  piftoles  ,  cent 
écus  ,  plus  ou  moins  ,  ne  favent  actuelle- 
ment qu'en  faire  ,  &  appréhendent  avec  rai- 
fon  de  les  dîffiper  ou  de  les  perdre?  Je  trouve 
donc  qu'il  feroit  avantageux  dans  tous  ces 
cas  de  pouvoir  dépofer  sûrement  une  fomme 
quelconque  ,  avec  liberté  de  la  retirer  à  fon 
gré.  Par-là  on  feroit  circuler  dans  le  public 
une  infinité  de  fommes  petites  ou  grandes 
qui  demeurent  aujourd'hui  dans  l'inaction. 
D'un  autre  côté  ,  les  particuliers  dépofans 
éviteroient  bien  des  inquiétudes  &  des  filou- 
teries ;  outre  qu'ils  feroient  moins  expofés  à 
prêter  leur  argent  mal-à-propos  ,  ou  à  le 
dépenfer  follement.  Ainfi  chacun  retrouve- 
roit  fes  fonds  ou  fes  épargnes  y  lorfqu'il  fe 
préfenteroit  de  bonnes  affaires ,  &  la  plu- 
part des  ouvriers  &  des  domeftiques  devien- 
droient  plus  économes  &  plus  rangés. 

Cette  habitude  d'économie  dans  les  moin- 
dres fujets  eft  plus  importante  qu'on  ne  croit 
au  bien  général  ;  &  c'eft  en  quoi  nous  fom- 
mes fort  au-defîous  des  nations  voifines  , 
qui  prefque  toutes  font  plus  accoutumées 


E  P  A  £0y 

que  nous  à  V épargne  &  aux  attentions  éco- 
nomiques. Voici  fur  cela  un  trait  qui  eft 
particulier  aux  Anglois  ,  &  qui  mérite  d'ê- 
tre rapporté.  On  afTure  donc  qu'il  y«a 
chez  eux  ,  dans  la  plupart  des  grandes  mai- 
fons  ,  ce  qu'ils  appellent  afaving-man  y 
c'efl-à-dire  un  domel^que  attentif  &  ména- 
ger qui  veille  perpétuellement  à  ce  que  rien 
ne  traîne ,  à  ce  que  rien  ne  fe  perdre  ou 
ne  s'égare.  Son  unique  emploi  eft  de  roder 
à  toute  heure  dans  tous  les  recoins  d'une 
grande  maifon  ,  depuis  la  cave  jufqu'au  gre- 
nier ,  dans  les  cours  ,  écuries  ,  jardins  ,  & 
autres  dépendances  ,  de  remettre  en  fon  lieu 
tout  ce  qu'il  trouve  déplacé  ,  &  d'emporter 
dans  fon  magafin  tout  ce  qu'il  rencontre 
épars  &  à  l'abandon ,  de  la  ferraille  de  toute 
efpece  ,  des  bouts  de  planche  &  autres  bois , 
des  cordes  ,  du  cuir  ,  de  la  chandelle  ,  toute 
forte  de  hardes  ,  meubles ,  ufteniiles  ,  ou- 
tils ,  &c. 

Outre  une  infinité  de  cho fes  ,  chacune 
de  peu  de  valeur  ,  mais  dont  l'enfemble  eft 
important ,  &  dont  cette  économie  prévient 
la  perte  ,  il  conferve  aufli  bien  fou  vent  des 
chofes  de  prix  ,  que  des  maîtres  ,  des  do- 
meftiques ou  des  ouvriers  laiflènt  traîne? 
par  oubli ,  ou  par  quelque  autre  raifon  q;;e 
ce  puifTe  être.  Sa  vigilance  réveille  l'atten- 
tion des  autres  ,  &  il  devient  par  état  l'an- 
tagonifte  de  la  fripponnerie  &  le  réparateur 
de  la  négligence.  ', 

J'ai  déjà  marqué  ci-devant  qu'il  n'étorc 
ici  queftion  que  d'épargne  publique  ,  &  que 
je  ne  touchois  prefque  point  à  la  conduite 
des  particuliers.  Plufieurs  néanmoins  ne 
m'ont  oppofé  que  de  prétendus  inconvé- 
niens  contre  la  fupprefiion  totale  de  notre 
luxe ,  ce  qui  n'attaque  point  ma  thefe ,  & 
porte  par  confequent  à  faux  :  cependant 
je  tacherai  de  répondre  à  l'objection  , 
comme  fi  je  lui  trouvois  quelque  fondement 
folide. 

Si  l'on  fuivoit ,  dîf-on  y  tant  de  projets 
de  perfection  &  de  réfermes  ;  que  d'un  côté 
l'on  fupprimât  les  dépenfes  inutiles  ;  que  de 
l'autre ,  on  fe  livrât  de  toutes  parts  à  des 
entreprifes  fructueufes  ;  en  un  mot  ,  que 
l'économie  devînt  à  la  mode  parmi  les 
François  ,  on  verroit  bientôt ,  à  la  vérité  , 
notre  opulence  fenfiblement  accrue  ;  mais 
que  fercit-on  de  tant  de  richefies  accumu- 


6o6 


E  P  A 


lées  ?  D'ailleurs  la  plupart  des  fujets  ,  moins 
employés  aux  arts  de  fomptuofité ,  n'au- 
roient  guère  de  part  à  tant  d'opulence ,  & 
languiraient  apparemment  au  milieu  de 
l'abondance  générale. 

Il  eft  aile  de  répondre  à  cette  difficulté. 
En  effet ,  fi  l'épargne  économique  s'établif- 
fbit  parmi  nous  ;  qu'on  donnât  plus  au  né- 
ce  flaire  &  moins  au  fuperflu  ;  il  fe  feroit , 
j'en  conviens  ,  moins  de  dépenfes  frivoles 
&  mal  -  placées  ,  mais  aufli  s'en  feroit -il 
beaucoup  plus  de  raifonnables  &  de  ver- 
tueufes.  Les  riches  &  les  grands  ,  moins 
obérés ,  paieraient  mieux  leurs  créanciers  ; 
d'ailleurs  plus  puiflans  &  plus  pécunieux  , 
ils  auroient  plus  de  facilité  à  marier  leurs 
enfans  ;  au  lieu  d'un  mariage  ,  ils  en  fe- 
raient deux  ,  au  lieu  de  deux ,  ils  en  feroient 
quatre ,  &  l'on  verroit  ainfi  moins  de  ren- 
verfement  &  moins  d' extinctions  dans  les 
familles.  On  donnerait  moins  au  faite  ,  au 
caprice  ,  à  la  vanité  ;  mais  on  donneroit  plus 
à  la  juftice ,  à  la  bienfaifance  ,  à  la  véritable 
gloire  ;  en  un  mot  ,  on  emploierait  beau- 
coup moins  de  fujets  à  des  arts  ftériles , 
arts  d'amufement  &  de  frivolités  ,  mais 
beaucoup  plus  à  des  arts  avantageux  &  né- 
cessaires ;  &  pour  lors  ,  s'il  y  avoit  moins 
d'artifans  du  luxe  &  des  plaifirs  ,  moins  de 
domeftiques  inutiles  &  défœuvrés  ,  il  y  au- 
rait en  récompenfe  plus  de  cultivateurs  ,  & 
d'autres  précieux  inltrumens  de  la  véritable 
richefle. 

Il  eft  démontré ,  pour  quiconque  réflé- 
chit ,  que  la  différence  d'occupation  dans 
les  fujets  produit  l'opulence  ou  la  difètte 
nationale  ,  en  un  mot  le  bien  ou  le  mal  de 
la  fbciété.  On  lent  parfaitement  que  li  quel- 
qu'un peut  tenir  un  homme  à  les  gages  ,  il 
lui  fera  plus  avantageux  d'avoir  un  bon  jar- 
dinier que  d'entretenir  un  domeftique  de 
parade.  Il  y  a  donc  des  emplois  infiniment 
plus  utiles  les  uns  que^s  autres  ;  &  fi  l'on 
occupoit  la  plupart  des  hommes  avec  plus 
d'intelligence  &  d'utilité  ,  la  nation  en  fe- 
roit plus  puiflante  ,  &  les  particuliers  plus 
a  leur  aiiè. 

D'ailleurs  la  pratique  habituelle  de  IV- 
pargnc  produifant ,  au  moins  chez  les  ri- 
ches ,  une  lurabondance  de  biens  qui  ne  s'y 
trouve  prefque  jamais ,  il  en  réfulteroit  pour 
les  peuples  un  foulagement  fenfible  ,   en  ce 


E  P  A 

que  les  petits  alors  feroient  moins  inquiétés 
&  moins  foulés  par  les  grands.  Que  le  loup 
ceffe  d'avoir  faim  ,  il  ne  défblera  pas  les 
bergeries. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  les  proportions  &  les 
pratiques  énoncées  ci-deflus  nous  paraî- 
traient plus  intérefîantes  ,  li  une  mauvaife 
coutume  ,  fi  l'ignorance  &  la  molleffe  ne 
nous  avoient  rendus  indifférais  fur  les  avan- 
tages de  Y  épargne  ,  &  fur-tout  fi  cette  habi- 
tude précieufe  n'étoit  confondue  le  plus 
fouvent  avec  la  fordide  avarice.  Erreur 
dont  nous  avons  un  exemple  connu  dans  le 
jugement  peu  "favorable  qu'on  a  porté  de 
nos  jours  d'un  citoyen  vertueux  &  déiin- 
térefle  ,  feu  M.  Godinot ,  chanoine  de 
Rheims. 

Amateur  paffionné  de  l'agriculture  ,  il 
confacroit  à  l'étude  de  la  Phyfique  &  aux 
occupations  champêtres  tout  le  loifir  que 
lui  laifToit  le  devoir  de  fa  place.  Il  s'attacha 
fpécialement  à  perfectionner  la  culture  des 
vignes  ,  &  plus  encore  la  façon  des  vins , 
&  bientôt  il  trouva  l'art  de  les  rendre  û  iii- 
périeurs  &  fi  parfaits  ,  qu'il  en  fournit  dans 
la  fuite  à  tous  les  potentas  de  l'Europe  ;  ce 
qui  lui  donna  moyen  ,  dans  le  cours  d'une 
longue  vie  ,  d'accumuler  des  fommes  pro- 
digieufès  ,  fommes  dont  ce  philofophe 
chrétien  méditoit  de  longue -main  l'uiage 
le  plus  noble  &  le  plus  digne  de  fa  bien- 
faifance. 

Du  refte ,  il  vivoit  dans  la  plus  grande 
fimplicité ,  dans  la  pratique  fidèle  &  cons- 
tante d'une  épargne  vifible  ,  &  qui  fembloit 
même  outrée.  Aufli  les  efprits  vulgaires 
qui  ne  jugent  que  fur  les  apparences  ,  & 
qui  ne  connoifloient  pas  (es  grands- defleins  , 
ne  le  regardèrent  pendant  bien  des  années 
qu'avec  une  forte  de  mépris  ;  &  ils  conti- 
nuèrent toujours  fur  le  même  ton  ,  jufqu'à 
ce  que  plus  inflruits  &  tout-à-fait  fubjugués 
par  les  établiflèmens  &  les  conftructions 
utiles  dont  il  décora  la  ville  de  Rheims ,  & 
fur-tout  par  les  travaux  immenfes  qu'il  en- 
treprit à  les  frais  pour  y  conduire  des  eaux 
abondantes  &  falubres  qui  manquoient  au- 
paravant ,  ils  lui  prodiguèrent  enfin  avec  le 
refre  de  la  France  le  tribut  d'éloges  & 
d'admiration  qu'ils  ne  pouvoient"  refufer  à 
ion  généreux  patriotifme. 

Un  fi  beau  modèle  touchera  fans  doute 


E  P  A 

le  cœur  des  François ,  encouragés  d'ailleurs 
par  l'exemple  de  plufieurs  fociétés  établies 
en  Angleterre  ,  en  Ecofîe  &  en  Irlande  , 
fociétés  uniquement  occupées  de  vues  éco- 
nomiques ,  &  qui  de  leurs  propres  deniers 
font  tous  les  ans  des  largeffes  confidérables 
aux  laboureurs  &  aux  artiftes  qui  le  diflin- 
guent  par  la  fupériorité  de  leurs  travaux  & 
de  leurs  découvertes.  Le  même  goût  s'efl 
répandu  jufqu'en  Italie.  On  apprit  l'an  parlé 
le  nouvel  établiffement  d'une  académie 
d'Agriculture  à  Florence. 

Mais  c'efl  principalement  en  Suéde  que 
la  fcience  économique  femble  avoir  fixé  le 
liège  de  Ton  empire.  Dans  les  autres  con- 
trées elle  n'eft  cultivée  que  par  quelques 
amateurs  ,  ou  par  de  foibles  compagnies 
encore  peu  accréditées  &  peu  connues  :  en 
Suéde  ,  elle  trouve  une  académie  royale 
qui  lui  efl  uniquement  dévouée  ;  qui  efl 
formée  d'ailleurs  &  foutenue  par  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  favant  &  de  plus  diflingué 
dans  l'état  ;  académie  qui  écartant  tous  ce 
qui  n'eft  que  d'érudition  ,  d'agrément  & 
de  curiofité  ,  n'admet  que  des  obfervations 
&  des  recherches  tendantes  à  l'utilité  phy- 
lîque  &  fenfible. 

C'eft  de  ce  fonds  abondant  que  s'enrichit 
le  plus  fouvent  notre  journal  économique , 
production  nouvelle,  digne  parfon  objet  de 
toute  l'attention  du  miniftere ,  &  qui  l'em- 
porteroit  par  Ion  utilité  fur  tous  nos  recueils 
d'académies  ,  fi  le  gouvernement  commet- 
toit  à  la  direction  de  cet  ouvrage  des  hom- 
mes parfaitement  au  fait  des  feiences  &  des 
arts  économiques  ,  &  que  ces  hommes  pré- 
cieux ,  animés  &  conduits  par  un  fupérieur 
éclairé  ,  ne  fuflent  jamais  à  la  merci  des 
entrepreneurs  ,  jamais  fruilrés  par  confé- 
quent  des  jufles  honoraires  fi  bien  dûs  à  leur 
travail. 

Ce  feroit  en  effet  une  vue  bien  conforme 
à  la  juftiee  &  à  l'économie  publique  ,  de 
ne  pas  abandonner  le  plus  grand  nombre 
des  fujets  à  la  rapacité  de  ceux  qui  les  em- 
ploient ,  &  dont  le  but  principal ,  ou  pour 
mieux  dire  unique  ,  efl  de  profiter  du  labeur 
d'autrui  fans  égard  au  bien  des  travailleurs. 
Sur  quoi  j'obferve  que  dans  ce  conflit  d'in- 
térêts le  gouvernement  devroit  abroger  toute 
conceffionde  droits  privatifs,  fermer  l'oreille 
à  toute  repréfentation ,  qui  colorée  du  bien 


E  P  A  607 

public  ,  eft  au  fond  fuggérée  par  l'efprit  de 
monopole  ,  &  qu'il  devroit  opérer  fans 
ménagement  ce  qui  efl  équitable  en  foi  , 
&  favorable  à  la  franchife  des  arts  &  du 
commerce. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  nous  pouvons  féliciter 
la  France  de  ce  que  parmi  tant  d'académi- 
ciens livrés  à  la  manie  du  bel  efprit ,  mais 
peu  touchés  des  recherches  utiles  ,  elle 
compte  des  génies  fupérieurs ,  des  hommes 
confommés  en  tout  genre  de  feiences  ,  les- 
quels ont  toujours  allié  la  beauté  du  flyle  , 
les  grâces  même  de  l'éloquence  avec  les 
études  les  plus  folides  ,  &  qui  s'étant  con- 
facrés  depuis  bien  des  années  à  des  travaux 
&  à  des  eiiâis  économiques ,  nous  ont  en- 
richis ,  comme  on  fait  y  des  découvertes  les 
plus  intéreffantes.  # 

Il  paroît  enfin  que  depuis  la  paix  de 
1748  ,  le  goût  de  Y  économie  publique  gagne 
infenfiblement  l'Europe  entière.  Les  princes 
aujourd'hui  ,  plus  éclairés  qu'autrefois  y 
ambitionnent  beaucoup  moins  de  s'agran- 
dir par  la  guerre.  L'hifloire  &  l'expérience 
leur  ont  également  appris  que  c'efl  une  voie 
incertaine  &  deflruélive.  L'amélioration  de 
leurs  états  leur  en  préfente  une  autre  plus 
courte  &  plus  affurée  ;  auffi  tous  s'y  li- 
vrent comme  à  l'envi  ,  &  ils  paroifîènt 
plus  difpofés  que  jamais  à  profiter  de  tant 
d'ouvrages  publiés  de  nos  jours  fur  le  com- 
merce ,  la  navigation  ,  &  la  finance ,  fur 
l'exploitation  des  terres  ,  fur  l'établifièment 
&  le  progrès  des  arts  les  plus  utiles  ;.dif- 
pofitions  favorables  ,  qui  contribueront  à 
rendre  les  fujets  plus  économes  ,  plus  fains  , 
plus  fortunés  ,  &  je  crois  même  plus 
vertueux. 

En  effet ,  la  véritable  économie  égale- 
ment inconnue  à  l'avare  &  au  prodigue  , 
tient  un  jufle  milieu  entre  les  extrêmes  op- 
pofés  ;  &  c'efl  au  défaut  de  cette  vertu  fi 
déprimée ,  qu'on  doit  attribuer  la  plupart 
des  maux  qui  couvrent  la  ime  de  la  terre. 
Le  goût  trop  ordinaire  des  amulemens  , 
des  fuperfluités  &  des  délices  entraîne  la 
mollefîe  ,  Foiliveté  ,  la  dépenfe  ,  &  fou- 
vent  la  difette  ,  mais  toujours  au  moins 
la  foif  des  richeffes  ,  qui  deviennent  d'au- 
tant plus  néceflaires  qu'on  s'affujettit  à 
plus  de  befoins  ;  ce  qui  produit  enfuite  les 
artifices   &   les  détours  ,   la  rapacité  >  la 


€c*  E  P  A 

violence  ,  &  tant  d'autres  excès  qui  vien- 
nent de  la  même  fource. 

Je  prêche  donc  hautement  Yépargne 
publique  &  particulière  ;  mais  c'eft  une 
épargne  fage  &  défintéreflee  ,  qui  donne 
du  courage  contre  la  peine  ,  de  la  fermeté 
contre  le  plailir  ,  &  qui  cil  enfin  la  meil- 
leure refîburce  de  la  bienfaifance  &  de  la 
générofité  ;  c'efi  cette  honnête  parcimonie 
ii  chère  autrefois  à  Pline  le  jeune  ,  &  qui 
le  mettoit  en  état  ,  comme  il  le  dit  lui- 
même  ,  de  faire  dans  une  fortune  médio- 
cre ,  de  grandes  libéralités  publiques  & 
particulières.  Quidquid  mihi  pâte r  tuus  de- 
huit  y  acceptum  tibi  ferri  jubeo;  neceftquod 
verearis  ne  fit  mihi  ifia  onerofa  donatio. 
Sunt  quidem  omninb  nobis  modicae  facilitâ- 
tes y  dignitas  fumptuofa  ,  reditus  pr opter 
conditionem  agellorum  nefcio  minor  an  in- 
certior;  fed  quod ceffat  ex  reditu,  frugalitate 
fuppletur  ,  ex  quâ  v  élut  à  fonte  liber  alitas 
nojlra  decurrit.  Lettres  de  Pline ,  livre  II. 
lettre  jv.  On  trouve  dans  toutes  ces  lettres 
mille  traits  de  bienfaifance.  Voye\  fur-tout 
liv.  III.  lett.  xj.  liv.  IV.  lett.  xiij.  &c. 

Rien  ne  devroit  être  plus  recommandé 
aux  jeunes  gens  que  cette  habitude  ver- 
tueufe  ,  laquelle  deviendrait  pour  eux  un 
préfervatif  contre  les  vices.  C'eft  en  quoi 
l'éducation  des  anciens  étoit  plus  conlé- 
quente  &  plus  raifonnable  que  la  nôtre.  Ils 
accoutumoient  les  enfans  de  bonne  heure 
aux  pratiques  du  [ménage  ,  tant  par  leur 
propre  exemple  que  par  le  pécule  qu'ils  leur 
accordoient ,  &  que  ceux-ci ,  quoique  jeu- 
nes &  dépendans  ,  faifoient  valoir  à  leur 
profit.  Cette  légère  adminiftration  leur  don- 
noit  un  commencement  d'application  &  de 
follieitude  ,  qui  devenoit  utile  pour  le  refte 
de  la  vie. 

Que  nous  penfons  là-defïus  différem- 
ment des  anciens  !  on  n'oferoit  aujourd'hui 
tourner  les  jeunes  gens  à  l'économie  ;  &  ce 
fèroit ,  comm#  l'on  penfe  ,  n'avoir  pas  de 
fentiment  que  de  leur  en  infpirer  l'eftime  & 
le  goût.  Erreur  bien  commune  dans  notre 
fiecle  ,  mais  erreur  funeffe  qui  nuit  infini- 
ment à  nos  mœurs.  On  a  fondé  en  mille 
endroits  àcs  prix  d'éloquence  &  de  poéfie  ; 
qui  fondera  parmi  nous  des  prix  d'épargne 
&  de  frugalité  ? 

Au  refte  ;  ces  proportions  n'ont  d'autre 


E   P   A 

but  que  d'éclairer  les  hommes  fur  leurs 
intérêts  ,  de  les  rendre  plus  attentifs  fur  le 
nécefiaire  ,  moins  ardens  fur  le  fuperflu  , 
en  un  mot  d'appliquer  leur  induftrie  à  des 
objets  plus  fructueux  ,  &.  d'employer  un 
plus  grand  nombre  de  fujets  pour  le  bien 
moral  ,  phylïque  &  fenfible  de  la  fociété. 
Piût  au  ciel  que  de  telles  mœurs  priffent 
chez  nous  la  place  de  l'intérêt ,  du  luxe  & 
des  plaifirs  ;  que  d'ailance ,  que  de  bonheur 
&  de.  paix  il  en  réfulteroit  pour  tous  les  ci- 
toyens !   Cet  article  eftde  M.  Fa  iguet. 

EPARGNE,  (Hydr.)  Voye^  Aju- 
tage. 

EPARGNE  ,  {Gravure  en  bois.  )  Ou- 
vrage fait  à  taille  d'épargne  :  c'eft  une  ma- 
nière de  graver  ou  entailler  le  bois ,  les 
pierres  ,  les  métaux  ,  Ùc.  qui  fe  dit  lors- 
qu'on taille  &  qu'on  enlevé  le  fonds  de 
la  matière  ,  &  qu'on  n  épargne  &  qu'on  ne 
lailTe  en  relief  que  les  parties  qu'on  veut 
faire  paroitre  à  la  vue  ,  ou  qui  doivent 
marquer  &  imprimer  :  anaglyphum  fcul- 
pere  y  incidere  :  ainli  les  gravures  en  bois 
font  taillées  ou*  gravées  en  épargne.  Car 
au  lieu  que  dans  la  gravure  en  cuivre  ou 
taille  douce  ,  les  traits  ou  lignes  qui  doivent 
paroître  ,  font  gravées  en  creux  dans  le 
métal ,  &  que  les  blancs  relient  relevés  fur 
la  planche  :  au  contraire  ,  dans  les  tailles 
ou  gravures  en  bois ,  les  blancs  font  en- 
foncés ,  creufés  &  vuidés  ,  &  les  traits  & 
lignes  qui  doivent  paroître  ,  font  élevés  & 
épargnés  :  d'où  l'on  doit  concevoir  la  lon- 
gueur &.  la  précifion  que  demande  cette 
efpece  de  gravure. 

*  ÉPARS.  (  Gram.  )  Il  fe  dit  en  gé- 
nérai d'un  grand  nombre  d'objets  de  la 
même  efpece  ,  diftribués  fur  un  efpace 
beaucoup  plus  grand  que  celui  qu'ils  de- 
vroient  naturellement  occuper  :  ainfi  épars 
elf  encore  .un  terme  relatif  ;  &  les  deux 
termes  de  la  comparaifon  font  le  nombre  &: 
le  lieu ,  ou  les  diilances  des  objets  les  uns 
à  l'égard  des  autres. 

EPARTS ,  f.  m.  pi.  terme  de  Charron  9 
font  des  morceaux  de  bois  plat ,  de  l'épaif- 
feur  d'un  bon  pouce ,  longs  environ  de  cinq 
pies  ,  qui  joignent  les  deux  limons  &  les 
afluiettilTent  à  pareille  diffance  :  c'eft  deflûs 
les  éparts  que  l'on  afïujettit  les  planches  du 
fond. 

EPARVIN 


E  P  A 

EPARVIN  ou  EPERVIN -,  f.  m. 

(  Manège.  Maréchal.  )  rumeur  qui  affecte  les 
jarrets  ,  ôc  qui  ne  doit  être  regardée  que 
comme  un  gonflement  de  Péminence  ofleu- 
fe  qui  eft  à  la  partie  latérale  interne  &  fu- 
périeure  de  l'os  du  canon  :  les  anciens  ont 
donné  à  cette  éminence  le  nom  d'éparv/n 
ou  d'épervin  ;  ôc  c'eft  en  conféquence  de 
cette  dénomination  que  l'on  a  appelle  ainii 
la  tumeur  dont  il  s'agit ,  ôc  fur  laquelle  je 
ne  peux  me  dilpenfer  de  m'étendre  dans 
cet  article. 

Prefque  tous  les  auteurs  ont  diftingué 
trois  fortes  à'éparvins  ;  Véparvinfec ,  Vépar- 
vin  de  bœuf  \  ôc  Yéparvin  calleux. 

Par  Véparvinfec  ils  ont  prétendu  défîgner 
une  maladie  qui  confifte  dans  une  flexion 
convulfive  ôc  précipitée  de  la  jambe  qui  en 
eft  attaquée  lorfque  l'animal  marche.  Ce 
mouvement  irrégulier  que  nous  exprimons, 
d'un  commun  accord  ,  par  le  terme  harper  , 
eft  très-vifible  dès  les  premiers  pas  que  fait 
le  cheval ,  ôc  continue  jufqu'à  ce  qu'il  foit 
échauffé  ;  après  quoi  on  ne  l'apperçoit 
plus  :  iî  néanmoins  la  maladie  eft  à  un  cer- 
tain période  ,  l'animal  harpe  toujours.  Un 
cheval  crochu  avec  ce  défaut  doit  être  ab- 
folument  rejeté  :  ceux  dans  les  deux  jam- 
bes defquels  il  fe  rencontre  ,  n'ont  pas  été 
rebutés  ôc  proferits  des  manèges  ,  quand 
ils  ont  eu  des  qualités  d'ailleurs  ;  parce 
qu'au  moyen  de  ces  deux  prétendus  épar- 
vins  ,  leurs  courbettes  ont  paru  plus  trides , 
ôc  leurs  battues  plus  fbnores.  On  doit  en- 
core obferver  que  ce  mal  ne  fufeite  aucune 
claudication  ;  ôc  s'il  arrive  que  l'animal 
boice  au  bout  d'ua  certain  temps  ,  c'eft 
en  conféquence  de  quelqu'autre  maladie 
qui  furvient  au  jarret  ,  fatigué  par  la  con- 
tinuité de  l'action  forcée  qui  réfulte  delà 
flexion  convulfive  dont  j'ai  parlé. 

On  ne  doit  chercher  la  raifon  de  cette 
flexion  que  dans  les  mufcles  mêmes  qui 
fervent  à  ce  mouvement  ;  c'eft-à-dire  , 
dans  les  mufcles  fléchifleurs  ,  ou  dans  les 
nerfs  qui  y  aboutifïent  ;  car  les  nerfs  font 
les  rênes  ,  par  le  moyen  defquelles  les  corps 
font  mus ,  tournés  ôc  agités  en  divers  fens , 
&  ce  n'eft  qu'à  eux  que  les  parties  doivent 
véritablement  leur  action  ôc  leur  jeu. 
C'eft  aufïi  dans  leurtenfion  irréguliere  ,  & 
dans  la  circulation  précipitée  des  efprits 
Tome  XII. 


E  P  A  6o$ 

animaux  ,  que  nous  découvrons  le  princi- 
pe ôc  la  fource  des  convuliions  ôc  des  mou- 
vemens  convullifs  :  mais  alors  ces  mouve- 
mens  fe  remarquent  indiftinctement  dans 
plufieurs  parties  ,  &  ont  lieu  de  différentes 
manières  ôc  en  toutes  fortes  de  temps  ; 
tandis  qu'ici  ils  fe  manifeftent  conftam- 
ment  ,  ôc  toujours  dans  les  leuls  mufcles 
fléchifleurs  de  la  jambe  ,  &  qu'ils.ne  font 
fenfibles  qu'autant  que  l'animal  chemine. 
Or  pour  déterminer  quelque  chofe  dans 
une  matière  auffi  abftraite  ôc  aufïi  embar- 
raflànte  ,  je  dirai  que  cette  maladie  arri- 
vera ,  lorfqu'en  conféquence  d'un  exercice 
violent  ôc  réitéré  ,  ces  mufcles,  &  même 
le  tiflu  des  fibres  nerveufes  qui  en  font 
partie  ,  auront  fouffert  une  diftention  telle 
qu'il  en  réfulteraune  douleur  plus  ou  moins 
vive  ,  au  moindre  mouvement  de  con- 
traction qu'ils  feront  follicités  de  faire  j 
ôc  c'eft  précifément  cette  douleur  que  l'a- 
nimal reflènt  dans  le  moment  qui  l'obligé 
à  hâter  ,  à  précipiter  ion  mouvement  ,  à 
harper  :  que  fi  la  maladie  n'eft  pas  parve- 
nue à  un  degré  confidérable  ,  cette  fen- 
lation  douloureufè  n'exiftera  que  pendant 
les  premiers  mouvemens  ,  c'eft-à-dire  dans 
les  premiers  inftans  où  ces  muicles  entre- 
ront en  contraction  ,  après  lefquels  elle 
cédera  ,  ôc  l'action  de  la  partie  s'opérera 
dans  l'ordre  naturel  ,  comme  fî  l'on  pou- 
voit  dire  que  les  fibres  fouffrantes  s'accou- 
tument ôc  fe  font  à  ce  mouvement.  Nous 
avons  un  exemple  de  cette  diminution  ôc 
de  cette  ceffation  de  fenlibilité  ôc  de  dou- 
leur dans  certains  chevaux  qui  boitent  de 
l'épaule  ,  ôc  qui  "font  droits  après  un  cer- 
tain temps  de  travail  ,  c'eft-à-dire  lorfque 
cette  partie  eft  échauffée. 

Il  eft  donc  de  toute  impoffibilité  d'afïï- 
gner  raifonnablement  à  cette  maladie  une 
place  dans  le  jarret  ou  dans  les  parties  qui 
l'environnent.  1  °.  Son  fiege  n'eft  point  ap- 
parent ,  ôc  elle  ne  s'annonce  par  aucun 
ligne  extérieur.  i°.  J'ai  vu  trois  chevaux  har- 
per du  devant ,  au  moment  où  ils  fléchiC- 
fent  le  genou.  $°.  Dans  ce  cas  l'animal 
boiteroit  infailliblement  ,  ôc  retarderoit 
fon  action  ,  loin  de  la  hâter.  Que  le  jeu 
d'une  articulation  quelconque  foit  en  effet 
traverfé  par  quelque  obftacle  d'où  puiflè 
réiulter  une  impreiïion  doulourenfe  ;  qu'il 

Hhhh 


6io  E  P  A 

y  ait  dans  le  jarret  une  courbe  accrue  à 
un  certain  point  ;  qu'un  oflelet  ou  bou- 
let gêne  ôc  contraigne  les  tendons  dans 
leur  parTage  ,  le  cheval ,  pour  échapper  à 
la  douleur  ,  ôc  pour  diminuer  la  longueur 
du  moment  où  il  la  relient  ,  ne  précipitera 
point  Ion  mouvement  ,  ou  s'il  le  précipite  , 
ce  ne  fera  qu'en  fe  rejetant  prompte  - 
ment  fur  la  partie  qui  n'eft  point  affectée  , 
pour  foulager  celle  qui  fouffre ,  ôc  non  en 
hâtant  ôc  en  forçant  l'action  à  laquelle  il 
é;oit  déterminé.  C'eft  aufîi  ce  qui  me  con- 
firme dans  l'idée  que  je  me  fuis  formée  des 
caufes  de  la  flexion  convullîve  dont  il  eft 
queftion.  Le  premier  moment  de  la  con- 
traction des  mufcles  eft  l'inftant  de  la  dou- 
leur ,  &  la  preuve  en  eft  palpable ,  fi  l'on 
fait  attention  qu'avant  l'influx  des  efprits 
animaux  qui  produifent  la  contraction  , 
les  fibres  dans  une  fltuation  ordinaire  n'é- 
toient  point  agitées ,  ôc  l'animal  ne  fouf- 
froit  point  :  or  iï  le  premier  moment  de  la 
contraction  eft  celui  de  la  douleur  ,  il  faut 
donc  conclure  que  le  fiege  du  mal  eft  dans 
la  partie  qui  fe  contracte ,  c'eft-à-dire  dans 
la  portion  charnue  des  mufcles  ,  &  non 
dans  les  tendons  qui  font  fimplement  tirés 
par  le  moyen  de  la  contraction ,  ainfi  que 
les  autres  parties  auxquelles  ces  mufcles 
ont  leurs  attaches  ;  ôc  conféquemment  cette 
flexion  convullîve  ,  ce  mouvement  irrégu- 
lier &  extraordinaire  ne  peut  être  imputé 
à  un  vice  dans  les  jarrets. 

Les  deux  autres  efpeces  d'éparvin  peu- 
vent véritablement  affecter  cette  partie  , 
mais  les  idées  que  l'on  a  conçues  jufqu'ici 
ne  font  pas  exactement  diftinctes. 

Le  premier  eft  appelle  éparvin  de  bœuf  y 
parce  que  les  bœufs  d'un  certain  âge  ,  ôc 
après  un  certain  temps  de  travail ,  y  font 
extrêmement  fujets.  Dans  ces  animaux  , 
félon  la  direction  que  j'en  ai  faite  moi- 
même  ,  on  apperçoit  une  tumeur  humorale 
d'un  volume  extraordinaire  ,  fituée  à  la 
yartie  latérale  interne  du  jarret  ,  &c  qui  oc- 
cupe preique  toute  cette  portion  :  elle  eft 
produite  par  des  humeurs  lymphatiques 
arrêtées  dans  les  ligamens  de  l'articulation  , 
&c  notamment  dans  le  ligament  capfulaire. 
Cette  humeur  molle  dans  fon  origine ,  mais 
s'endurcifïant  par  fon  féjour ,  devient  pîa- 
treufe  >  de  manière  que  la  tumeur  qu'elle 


E  P  A 

forme  efl  extrêmement  dure.  Il  s'agiroit 
donc  de  favoir  fi  dans  le  cheval  c'eft  cette 
même  tumeur  que  l'on  appelle  éparvin  : 
pour  cet  effet  confidérons-en  la  fltuation , 
le  volume  ôc  la  coniiftance  ,  foit  dans  fon 
principe  ,  foit  dans  fes  progrès.  Quant  à  fa 
fltuation,  elle  occupe  ,  ainfi  que  je  viens  de 
le  remarquer  ,  toute  la  partie  latérale  in- 
terne du  jarret  :  fon  volume  eft  donc  plus 
confîdérable  dans  le  bœuf  que  dans  le  che- 
val ,  ôc  fon  fiege  n'eft  pas  précifément  le 
même  ,  puifque  nous  ne  lui  en  afTignons 
d'autre  dans  celui-ci  que  l'éminence  qui 
eft  à  la  partie  latérale  interne  &c  fupérieure 
du  canon.  Quant  à  fa  confîftance  ,  j'avoue 
ingénuement  que  jamais  Y  éparvin  ne  m'a 
paru  mol  dans  fon  commencement  ôc  lors 
de  fa  naiflance  :  ainfi ,  fans  prétendre  nier 
la  pofïibilité  de  l'exiftence  de  cette  tumeur 
humorale  dans  le  jarret  du  cheval ,  fi  elle 
s'y  rencontre  ,  je  l'envifagerai  comme  une 
tumeur  d'une  nature  qui  n'a  rien  de  par- 
ticulier, &qui  peut  arriver  indiftinctement 
à  d'autres  parties. 

Je  nommerai  par  conféquent  feulement 
éparvin  la  tumeur  ou  le  gonflement  de  l'é- 
minence ofleufe  même  dont  j'ai  parlé  ;  ôc 
dans  le  cas  où  le  jarret  fesa  affecté  d'une 
tumeur  pareille  à  celle  qui  fe  montre  quel- 
quefois furlejarretdu  bœuf,  jelaconfidére- 
rai  comme  une  maladie  totalement  diffé- 
rente de  Yéparviny  foit  qu'elle  foit  molle,  foit 
qu'elle  foit  endurcie  ;  parce  que  ce  qui  ca- 
ractérife  Y  éparvin  eft  fa  fltuation  ,  ôc  que 
dans  la  maladie  que  je  reconnois  pour 
telle ,  je  ne  vois  de  gonflement  qu'à  la  por- 
tion de  l'os  du  canon ,  -que  l'on  a  nommée 
ainfi  ;  ôc  c'eft  un  mal  dont  le  fiege  ,  ainfi 
que  celui  de  la  courbe  ,  eft  dans  l'os  même. 

La  courbe  n'eft  en  effet  autre  chofe 
qu'une  tumeur  ou  un  gonflement  du  tibia  : 
elle  eft  fituée  fupérieurement  à  Y  éparvin  ,  à 
la  partie  interne  inférieure  de  cet  os  ;  c'eft- 
à-dire  ,  qu'elle  en  occupe  le  condile  de  ce 
même  côté ,  ôc  elle  en  fuit  la  forme ,  puif- 
qu'elle  eft  oblongue  ôc  plus  étroite  à  fa  par- 
tie fupérieure  ôc  à  fon  origine  qu'à  fa  par- 
tie inférieure.  Le  gonflement  ,  en  augmen- 
tant ,  ne  peut  que  gêner  l'articulation  ;  ce 
qui  produit  infenfiblement  ôc  peu-à-peu 
la  difficulté  du  mouvement  :  il  contraint 
l  aulïi  les  tendons  ôc  les  ligamens  qui  l'en- 


E  P  A 

vironnent  ;  ce  qui ,  outre  la  difficulté  du 
mouvement  ,  excitera  8c  occaiionera  la 
douleur.  Aufïî  voyons-nous  que  l'animal 
qui  eft  attaqué  de  cette  maladie  boite  plus 
ou  moins  ,  félon  les  degrés  8c  les  progrès 
du  mal  :  la  jambe  eft  roide ,  la  flexion  du 
jarret  n'eft  point  racile ,  &c  il  fouffre  ,  de 
manière  enfin  qu'elle  eft  prefque  entière- 
ment interrompue  ;  cette  indifpoficion  dé- 
génère alors  en  faufle  anchylofe.  Il  faut  en- 
core obferver  qu'elle  paroît  fou  vent  accom- 
pagnée d'un  gonflement  au  pli  du  jarret  , 
à  l'endroit  où  furviennent  les  varices  :  mais  , 
en  premier  lieu  ,  ce  gonflement  peut  n'ê- 
tre qu'une  tenfion  plus  grande  de  la  peau; 
tenlion  quiréfulte  de  l'élévation  formée  par 
la  courbe  ou  par  la  tumeur  de  l'os  :  en  fé- 
cond lieu  ,  il  peut  être  une  fuite  du  gêne- 
ment  de  la  circulation. 

Le  véritable  éparvin  8c  la  courbe  ont  un 
même  principe  ;  les  caufes  en  font  com- 
munément externes ,  8c  peuvent  en  être  in- 
ternes ,  quelquefois  les  unes  8c  les  autres  fe 
réunifient. 

Les  premières  feront  des  coups ,  un  tra- 
vail violent  8c  forcé  ;  8c  les  fécondes  feront 
produites  par  le  vice  de  la  ma  (le. 

Les  coups  donneront  lieu  à  ces  tumeurs 
ou  à  ces  gonflemens ,  parce  qu'ils  occafio- 
neront  une  dépreffion  ,  qui  fera  fuivie  de 
l'extravafion  des  fucs  &  de  la  perte  de  la 
folidité  des  fibres  offeufes  :  -ces  fucs  répan- 
dus ,  non-feulement  la  partie  déprimée  fe 
relèvera  ,  mais  elle  augmentera  en  volume  , 
félon  l'abord  des  liqueurs. 

Le  trop  grand  exercice  ,  un  travail  vio- 
lent 8c  forcé  contribueront  aufTi  à  leur  ar- 
rêt 8c  à  leur  ftagnation  :  i°.  pa  rie  frotte- 
ment fréquent  de  ces  os  ,  avec  lesquels  ils 
font  articulés  ;  frottement  fuffifant  pour 
produire  le  gonflement  :  i°.  par  la  difpofi- 
tion  que  des  humeurs  éloignées  du  centre 
de  la  circulation  ,  8c  obligées  de  remonter 
contre  leur  propre  poids ,  ont  à  féjourner  , 
fur-tout  celles  qui  font  contenues  dans  des 
veines  8c  dans  des  canaux  qui  ne  font  point 
expofés  à  l'action  des  mufcles;  action  ca- 
pable d'en  accélérer  le  mouvement  progref- 
Iif  8c  le  cours  ,  8c  telles  font  celles  qui  font 
dans  les  os  8c  dans  les  extrémités  inférieu- 
res de  l'animal. 

Enfin  iî  à  défaut  des  caufes  externes  nous 


E  P  A  6u 

croyons  ne  devoir  accufer  que  le  vice  du 
fang  ,  nous  trouverons  que  des  fucs  épaiilis 
ne  pourront  que  s'arrêter  dans  les  petites 
cellules  qui  compofent  les  têtes  ou  le  riflu 
fpongieux  des  os  ,  qu'ils  écarteront  les  fibres 
oiïeufes  à^nefure  qu'ils  s'y  accumuleront , 
qu'ils  s'y  durciront  par  leur  féjour;  &de-là 
l'origine  8c  l'accroiflèment  de  la  courbe  8c 
de  \' éparvin  ,  lorfque  ces  tumeurs  ne  re- 
connoiflènt  qne  des  caufes  internes. 

L'une  8c  l'autre  cèdent  à  l'efficacité  des 
mêmes  médicamens.  Si  elles  font  le  réful- 
tat  de  ces  dernières  causes  ,  on  débutera 
par  les  remèdes  généraux ,  c'eft-à-dire  par 
la  faignée  ,  le  breuvage  purgatif  ,  dans  le- 
quel on  fera  entrer  X'aquila  alka  :  on  mettra 
enluite  l'animal  à  l'ufagedu  crccus  métallo- 
rum  ,  à  la  dofè  d'une  once  ,  dans  laquelle 
on  jettera  quarante  grains  d'éthiops  miné- 
ral ,  que  l'on  augmentera  chaque  jour  de 
cinq  grains  ,  jufqu'à  la  dofe  de  fbixante. 

A  l'égard  du  traitement  extérieur  ,  bor- 
né jufqu'à  préient  à  l'application  inutile 
du  cautère  actuel ,  application  qui  n'outre- 
paflant  pas  le  tégument ,  ne  peut  rien  con- 
tre une  tumeur  réfïdente  dans  l'os  ;  on 
aura  foin  d'exercer  fur  le  gonflement  un 
frottement  continué  s  par  le  moyen  d'un 
corps  quelconque  dur  ,  mais  îilîe  8c  poli  , 
afin  de  commencer  à  divifer  l'humeur  re- 
tenue. Auffi-tot  après  on  y  appliquera  ua 
emplâtre  d'onguent  de  vigo  ,  au  triple  de 
mercure  ,  &  on  y  maintiendra  cet  emplâ- 
tre avec  une  plaque^de  plomb  très-mince  , 
qui  fera  elle-même  maintenue  par  une  li- 
gature ,  ou  plutôt  par  un  bandage  fait  avec 
un  large  ruban  de  fil  :  on  renouvellera  cet 
emplâtre  tous  les  trois  jours ,  8c  ces  tumeurs 
s'évanouiront  8c  fe  réfoudront  incontefta- 
blement.  Il  eft  bon  de  rafer  le  poil  qui  les 
recouvre  ,  avant  d'y  fixer  le  réiblutif  que 
je  preferis ,  &  dont  j'ai  conftamment  éprou- 
vé les  admirables  [effets. 

Le  même  topique  doit  être  employé  dans 
le  cas  où  ces  gonflemens  devroient  leur 
naiflànce  aux  caufes  externes  ;  la  faignée 
néanmoins  fera  convenable  ;  mais  on  pour- 
ra Ce  difpenfer  d'ordonner  la  purgation  , 
le  crocus  metallorum  ,  8c  l'éthiops  minéral. 

La  cure  de  la  tumeur  humorale ,  en  fup- 
pofant  qu'elle  fe  montre  dans  le  cheval , 
n'aura  rien  de  différent  de  celle  de  toutes 

Hhhhz 


*n  EPA 

les  autres  tumeurs  :  ainfi ,  enfuite  des  remè- 
des généraux  ,  &  après  avoir  ,  lelon  l'in- 
flammation Se  la  douleur  ,  eu  recours  aux 
anodyns  ,  aux  émolliens  ,  on  tentera  les 
réfolutifs.  Si  néanmoins  la  tumeur  fedil- 
pofe  à  la  fuppurarion  ,  8c  parent  fuir  la 
voie  première  que  nous  avons  voulu  lui 
indiquer  ,  on  appliquera  des  fuppurans , 
après  quoi  on  procédera  à  fon  ouverture  : 
8c  Ci  elle  incline  à  fe  terminer  par  indura- 
tion ,  on  ufera  des  émolliens  ,  qui  feront 
fuivis  par  degrés  des  médicamens  deltinés 
à  réfoudre  ,  lorfqu'on  s'appercevra  de  leurs 
effets  ,  &c.  On  ne  doit  point  auffi  oublier 
le  régime  que  nous  avons  preferit  en  parlant 
des  maladies  qui  demandent  un  traitement 
intérieur  8c  méthodique. 

Celui  du  prétendu  éparvin  fec  ,  que 
jJai  démontré  n'exifter  en  aucune  façon 
dans  le  jarret ,  n'eft:  pas  encore  véritable- 
ment connu.  J'ai  vainement  eu  recours  à 
tous  les  remèdes  innombrables  que  j'ai 
trouvés  décrits  dans  les  ouvrages  des  au- 
teurs anciens  8c  modernes  de  toutes  les 
nations  ,  &  qu'ils  conseillent  dans  cette 
circonftance  ,  aucun  d'eux  ne  m'a  réufli  : 
j'y  ai  lubftitué  ,  conformément  à  la  laine 
pratique  s  les  topiques  ,  les  médicamens 
gras ,  adouciffans  3  émolliens  :  j'ai  employé 
enfuite  la  graille  de  cheval,  la  graillé  hu- 
maine ,  la  graiffe  de  blaireau  ,  de  caftor  , 
de  vipères  ,  auxquelles  j'ai  ajouté  les  hui- 
les diîfcilées  de  rbue  ,  de  lavande ,  de  mar- 
jolaine ,  de  mufeade  ,  de  romarin ,  8c  que 
j'ai  cherché  à  rendre  plus  pénétrantes  , 
en  les  aiguifant  avec  quelques  gouttes  de 
fel  volatil  armoniac  y  tous  mes  efforts  n'ont 
eu  aucun  fuccès.  Quelquefois  cette  mala- 
die ,  qui  d'ailleurs  n'influe  en  aucune  façon 
fur  le  fond  de  la  lanté  de  l'animal ,  a  paru 
céder  à  ces  remèdes  j  mais  leur  efficacité 
n'a  été  qu'apparente  )  8c  l'aétion  de  harper 
n'a  celle  que  pour  quelque  temps.  Je  ne 
peux  donc  point  encore  indiquer  des  mo- 
yens sûrs  pour  la  vaincre  ;  mais  j'efpere  que 
les  expériences  auxquelles  je  me  livre  (ans 
ceiîe  ,  aux  dépens  de  tout  ,  8ç  fans  efpoir 
d'autre  récompenfe  que  celle  d'être  utile  , 
m'en  fuggéreront  d'autres  ,  que  je  publie- 
rai dans  mes  Elémens  d'Hippiatrique  :  ce 
n'eft  que  du  travail  8c  du  temps  que  nous 
devons  attendre  les  découvertes,  (e) 


EPA 

L'objet  de  V Hippiatrique  ejf  maintenant 
d'une  telle  importance  ,  qu'après  avoir  vu  ce 
que  M.  Bour gelât  penfe  de  /'éparvin  ,  on  ne 
fera  pas  fâché  de  trouver  a  la  fuite  defes  idées 
celles  qui  nous  ont  été  communiquées  par  M. 
Genfon, 

Cefl  un  avantage  bien  précieux  pour  V  En- 
cyclopédie y  d'avoir  pu  fe  procurer  en  même 
temps  fur  cette  matière  les  fecours  &  les  lumiè- 
res des  deux  hommes  de  France  qui  la  connoif- 
fent  le  mieux. 

Ceux  pour  qui  l'objet  de  f  Hippiatrique  efl 
intéreffant ,  trouveront  ici  de  quoi  fefatisf aire  ; 
&  les  hommes  qui  courent  la  même  carrière 
remarqueront  ,  dans  ce  que  nous  allons  ajou- 
ter de  M.  Genfon ,  un  exemple  de  cette  équité  , 
avec  laquelle  il  feroit  toujours  à  fouhaiter 
qu'on  fe  traitât  réciproquement ,  autant  pour 
l'intérêt  de  tart  que  pour  l'honneur  de  l'hu- 
manité. 

Les  différens  fymptomes  de  V éparvin  ont 
fait  divifer  cette  maladie  en  plusieurs  efpe- 
ces  :  les  uns  prétendent  en  diltinguer  trois  , 
X éparvin  de  bœuf ,  \' éparvin  fec  ,  8c  {'éparvin 
calkux  :  les  autres  n'en  admettent  que  de 
deux  ;  Y  éparvin  fec ,  8c  \' éparvin  calleux.  Les 
plus  expérimentés  n'en  reconnoiflent  qu'un 
proprement  dit  ,  qui  eft  le  calleux.  C'cft  , 
comme  on  l'a  vu  par  ce  qui  précède  ,  le 
fentiment  de  M.  Eourgelat ,  que  l'expérien- 
ce nous  a  confirmé.  On  entend  par  X épar- 
vin de  bœuf  y  une  tumeur  offeufe  ,  fembia- 
ble  à  celle  qui  fe  trouve  au  jarr<-t  de  cet  ani- 
mal \  mais  nous  pouvons  attefter  avec  M. 
Bourgelat  ,  que  nous  n'avons  jamais  rien 
trouvé  de  la  nature  de  cet  éparvin  dans  le 
jarret  du  cheval.  On  entend  par  éparvin  fec , 
un  mouvement  convulfif  que  le  jarret  du 
cheval  éprouve  ,  mais  qu'il  faut  diftinguer 
de  X éparvin  ,  comme  ayant  des  caufes ,  des 
accidens ,  8c  un  liège  différent. 

Quoique  V éparvin  calleux  ou  la  tumeur 
ofTeuie  contre  nature  ,  qu'on  déligne  par  ce 
nom  ,  tire  fa  caufè  principale  des  violentes 
extenlïons  que  le  jarret  du  cheval  a  {buffertes, 
dont  nous  parlerons  dans  la  fuite  ,  elle  en 
reconnoit  encore  d'autres  qui  font  internes 
ou  héréditaires ,  comme  une  mauvaife  con- 
formation des  os ,  des  ligamens ,  des  muf- 
cles  ;.  d'où  rélultent  des  jarrets  étroits  3  mal- 
fa"its ,  crochus  ,  trop  ou  trop  peu  arqués. 
Cette  difformité  dans  le  cheval  vient  le 


E  P  A 

plus  fouvent  de  l'étalon  ou  de  la  jument  qui 
l'ont  produit  ,  8c  Y  éparvin  eft  prefqu  inié- 
parable  de  ce  vice  de  conformai? ion  ;  les  par- 
ties qui  en  font  affe&ées  n'ayant  point  leur 
jufte  proportion  ni  le  degré  de  foîidité  , 
font  peu  propres  à  fbutenir  le  poids  énorme 
du  cheval,  encore  moins  à  rélifter  aux  dif- 
férens  mouvemens  que  Ton  lui  fait  fiire 
dans  de  certains  cas  ;  d'où  s'enfuit  que  le 
fuc  nourricier  des  os  prelTé  par  ia  tenfion 
&  la  colliiion  des  parties  encore  tendres  , 
s'épanche  fur  la  furface  fup-rieure  latérale 
8c  interne  du  canon.  Ce  fuc  ie  durcit ,  8c 
gêne  plus  ou  moins  le  mouvement  du  jar- 
ret ,  félon  qu'il  eft  plus  ou  moins  proche  de 
l'articulation.  Tantôt  cette  concrétion  of- 
fèule  ioude  ie  canon  avec  quelques-uns  des 
os  voiiins  ;  pour  lors  elle  fait  boiter  l'animal 
dès  le  commencement  de  la  formation  de 
la  tumeur,  8c  de  tous  les  temps.  Tantôt 
cette  tumeur  nefait  que  pincer  l'.-rticulation: 
dans  ce  cas  l'animal  boite  jusqu'à  ce  que 
la  furface  intérieure  de  la  tumeur  étant  ufée 
par  le  frottement  de  l'os  voifîn ,  laiflè  un 
mouvement  libre  à  l'articulation  ;  &  c'eft 
alors  qu'on  dit  improprement  que  Y  éparvin 
eft  forti. 

Ce  qu'on  appelle  proprement  éparvin  fec, 
eft  comme  nous  l'avons  dit,  un  mouve- 
ment convulfif  dans  les  jarrets  du  cheval. 
M.  Eourgelar  en  fixe  le  liège  dans  les  muf- 
cles  fléchiiTeurs ,  propres  aux  jarrets  de  cet 
animal ,  8c  la  caufe  dans  la  diftenfion  de 
ces  parties  organiques ,  8c  des  nerfs  qui  en- 
trent dans  leur  compoiition  :  mais  nous 
croyons  que  le  iiege  en  eft  aum*  dans  les  li- 
gamens  du  jarret ,  car  ces  parties  qui  atta- 
chent les  os  enfemble,  ne  font  pas  fimples  , 
&  deftiuées  feulement  à  les  aflujettir ,  com- 
me l'ont  imaginé  les  anciens.  Ces  ligamens 
font  des  parties  compofées ,  qui  par  leur 
vertu  élaftique  contribuent  bien  plus  au 
mouvement  des  membres,  que  lesmufcles  : 
or  les  petits  tuyaux  qui  les  compofent  étant 
fort  ferrés  8c  fort  étroits,  pour  peu  que  leur 
calibre  vienne  à  changer  dans  les  mouve- 
mens violens  que  l'animal  éprouve ,  les  ef- 
prits  animaux  qui  patient  dans  les  pores  de 
ces  tuyaux  rétrécis ,  font  effort  pour  chan- 
ger 8c  redrefîer  ces  petits  tubes ,  8c  les  re- 
mettre dans  l'état  où  ils  étoient  ;  ce  qui  ne 
peut  s'exécuter  ians  caufer  à  cette  partie  un 


E  P  A  61$ 

mouvement  convulfif  que  nous  appelions 
liarptr  ou   troujfer. 

Il  eft  inutile  de  propofer  des  remèdes  pour 
ces  genres  de  maladies  ,  puifque  la  cure  en 
eft  jufqu'a  préfent  inconnue.  Ceux  qui  fe 
flattent  d'avoir  guéri  les  éparvins ,  s'appro- 
prient mal-à -propos  les  effets  de  la  nature  , 
qui  feule ,  pendant  leurs  trairemens  inutiles, 
travaille  par  le  frottement  à  lever  l'obftacle 
que  la  tumeur  oppofe  à  l'articulation  ;  aufîî 
ces  cures  prétendues,  n'arrivent  -  elles  que 
dans  les  cas  où  V éparvin  eft  fuperflciel ,  c'eft- 
à-diredans  le  cas  où  le  frottement  fufîît  pour 
rendre  aux  parties  voilines  la  liberté  de  leur 
mouvement.  Mais  le  vrai  remède  pour  IV- 
parvin ,  eft  d'en  connoître  ,  d'en  prévenir 
8c  éviter  les  caufes  primitives.  Ces  caufes 
font ,  i°;  dans  la  génération  du  poulain.  20. 
dans  l'éducation,3°.dansle  maquignonage, 
4°.  dans  l'ufage  que  l'on  fait  des  chevaux. 

EfLyons  de  combattre  tous  ces  abus ,  de 
faire  fentir  pourquoi  les  éparvins  font  plus 
communs  aux  chevaux  en  ce  temps  -  ci , 
qu'ils  ne  l'étoient  autrefois,  Ôc  d'où  vient 
que  les  beaux  8c  bons  chevaux  font  fî  rares 
de  nos  jours.  i°.  De  l'abondance  des  bons 
chevaux  avant  que  les  abus  en  euflent  altéré 
l'efpece  ,  réfultcir  que  l'on  pouvoit  faire  fa- 
cilement choix  des  bons  étalons  8c  jumens 
propres  à  multiplier  :  on  ne  les  employoit 
point  à  la  .propagation  qu'ils  n'eufîent  at- 
teint l'âge  de  fixou  fept  ans ,  8c  par-làpref- 
que  tous  les  poulains  étoient  bien  confor- 
més. 2°.  Le  particulier  qui  avoit  des  pou- 
lains ,  ne  trouvant  à  les  vendre  qu'à  un  cer- 
tain âge ,  ne  s'emprefïbit  point  de  les  dref- 
fer  :  ces  jeunes  fojetsainfl  ménagés ,  acqué- 
roient  clans  toutes  leurs  parties ,  8c  nommé- 
ment au  jarret ,  un  parfait  degré  de  foîidité, 
qui  les  garantifloit  des  éparvins.  $°.  Les 
maquignons  du  temps  paffé  ignoroient  la 
méthode  de  mettre  continuellement  leurs 
chevaux  fur  les  hanches  ;  ignorance  avanta- 
geufe  pour  la  confervation  des  jarrets  de 
ces  animaux,  qui fembîent aujourd'hui  n'ê- 
tre faits  que  pour  fervir  de  victime  à  ces 
pernicieux  écuyers ,  qui  les  îacrifient  à  leur 
cupidité.  40.  Anciennement  le  travail  que 
l'on  failoit  faire  aux  chevaux ,  étoit  des  plus 
modérés  ;  ceux  de  earroilè  étoient  menés 
tranquillement ,  &  ceux  de  [die  avaient  dans 
toutes  leur 's parties  la  banne  conformation  &la 


tfi4  E  P  A 

foUdité  nécejfairepour  foutenir  les  courfcs  aux- 
quelles en  lesdeftinoit.  Il  réfultoit  de  cette 
propagation  ,  de  cette  éducation  ,  de  cette 
ignorance  des  maquignons ,  '&  de  cet  em- 
ploi opportun  ,  que  l'elpece  s'en  conlervoit 
dans  la  beauté  ôc  la  bonté. 

i°.  Aujourd'hui  les  propriétaires  des  pou- 
lains ,  pour  peu  qu'ils  î  oient  beaux  &  bien 
faits  ,  avant  l'âge  de  trois  ans  en  veulent 
tirer  de  la  race  avant  de  les  vendre ,  &  les 
emploient  non-feulement  à  la  propagation  , 
mais  encore  au  travail.  Cette  avare  écono- 
mie les  ruine  ,  rant  mâles  que  femelles  ;  & 
les  parties  qui  fourFrent  le  plus  dans  ces  jeu- 
nes chevaux  ,  font  les  jarrets ,  où  il  fe  forme 
des  éparvins ,  comme  il  eft  aifé  de  le  com- 
prendre en  fe  rappellant  les  caufes  immé- 
diates de  cette  maladie.  2°.  Avant  de  les 
vendre  on  veut  les  rétablir  3  ou  ,  pourmieux 
dire  ,  continuer  de  les  ufer ,  en  les  montant 
&  les  raiîemblant  pour  leur  donner  plus  de 
grâce ,  &  pour  féduire  les  demi  -  connoif- 
léurs.  3°.  les  marchands  qui  les  achètent, 
contribuent  encore  à  leur  ruiner  les  jarrets, 
en  les  mettant  continuellement  fur  la  mon- 
tre ,  un  énorme  fouet  à  la  main.  Un  garçon 
qui  les  tient  vigoureufementaflujettis,  ar- 
mé d'un  bridon  long  de  branche  de  plus 
d'un  pié ,  enlevé  le  cheval  pardevant ,  tan- 
dis que  le  maître  qui  eft  pt?.r  derrière  ,  le 
fuftige  fans  pitié.  L'animai  ne  fait  à  qui  ré- 
pondre ;  on  diroit ,  à  voir  ces  réformateurs 
de  la  nature ,  qu'ils  veulent  accoutumer  ces 
animaux  à  marcher  lurles  deux  pies  de  der- 
rière ,  comme  les  linges  :  or  eft-il  pofïîble 
que  les  chevaux  qui  ont  tout  au  plus  qua- 
tre ans ,  comme  prefque  tous  ceux  que  les 
marchands  vendent  aujourd'hui ,  (oient  en 
état  de  fupporter  jufqu'à  vingt  fois  par  jour 
ces  cruels  exercices  ,  fans  que  leurs  jarrets 
foient  affe&és  &  éparvins  ?  40.  Enfin  ,  au- 
trefois les  chevaux  mouroient  fans  être 
ulés  ,  ils  le  font  aujourd'hui  avant  d'être 
formés.  On  fait  à  quels  exercices  ils  font 
deftinés ,  fur-tout  les  plus  fringans  &  les 
plus  beaux  :  autrefois  le  maître  étoit  efclave 
de  fon  cheval ,  aujourd'hui  le  cheval  eft  ef- 
clave du  maître  ;  ufage  plus  raifonnable  , 
mais  plus  pernicieux  aux  chevaux.  De  ces 
différences  réfulte  la  raifon  pour  laquelle 
les  chevaux  finiflbient  autrefois  leur  car- 
rière fans  éparvins ,  au  lieu  qu'ils  en  ont  fou- 


E  P  A 

vent  aujourd'hui  avant  même  de  la  com- 
mencer. Ce  font  les  éparvins  qui  font  la  di- 
letce  des  bons  chevaux ,  &  cette  difètte  à 
fon  tour  occaiîone  les  éparvins.  Cet  article 
eft  de  M.  G  en  s  on. 

^  EPAUFRURE  ,  f.  f.  en  Architeclure  ; 
c'eft  l'éclat  du  bord  du  parement  d'une 
pierre  ,  emporté  par  un  coup  de  têtu  mal 
donné  :  ôc  encornure  ,  c'eft  un  autre  éclat 
qui  fe  fait  à  l'arrête  de  la  pierre  lorfqu'on 
la  taille  ,  qu'on  la  conduit ,  qu'on  la  monte, 
on  qu'on  la  pôle.  (  P  ) 

*  ÉPATÉ  ,  adj.  (  Gramm.)  fedit  en  gé- 
néral de  toute  partie  d'un  corps  qui  a  moins 
de  faillie  qu'elle  n'en  doit  avoir ,  en  forte 
que  fon  aplatifîement  lui  donne  alors  la 
hgure  d'un  pié  de  pot  qui  a  peu  de  hauteur, 
eu  égard  à  ià  baie.  On  dit  que  le  nez  des 
Nègres  eft  épaté.    Voyc^  Nègre. 

Epate  ,  (  Metteur  en  œuvre.)  On  appelle 
fertiffure  épatée ,  celle  dont  la  circonférence 
eft  plus  large  d'en-basque  d'en-haut.  On 
emploie  ces  fortes  de  fertiffures  aux  pierres 
roboles  &  inégales ,  pour  mafquer  leurs 
inégalités  &  groftir  leur  étendue. 

EPAVES ,  f  f.  pi.  (  Jurifp.  )  font  les  cho- 
fes  mobiliaires  égarées  ou  perdues,  dont  on 
ignore  le  légitime  propriétaire. 

Quelques-uns  tirent  l'origine  de  ce  terme 
du  grec  «Havo  ta  ,  qui  lignifie  chofes  éga- 
rées &  perdues. 

Mais  il  paroît  que  ce  mot  vient  plutôt 
du  latin  expavefeere ,  parce  que  les  premiè- 
res chofes  que  l'on  a  conlidérées  comme 
épaves  ,  étoient  des  animaux  effarouchés 
qui  s'enfuyoient  au  loin ,  expavefacla  ani- 
malia. 

On  a  depuis  compris  fous  le  terme  d' épa- 
ves ,  toutes  les  chofes  mobiliaires  perdues, 
&  dont  on  ne  connoît  point  le  véritable 
propriétaire. 

Il  y  a  même  des  perfonnes  qu'on  appelle 
épaves ,  &  épaves  foncières  Ù  immobiliaires  , 
comme  on  le  dira  dans  les  fubdivifïons  fui- 
vantes  ;  mais  communément  le  terme  d'é- 
paves ne  s'entend  que  de  chofes  mobiliaires, 
telles  qu'animaux  égarés ,  ou  autres  chofes 
perdues. 

En  Normandie  on  les  appelle  chofes  gay* 
ves.   Voyc^  Gayves. 

Les  biens  vacans  font  difFérens  des  épa- 
ves 3  en  ce  que  ces  fortes  de  biens  font 


EP  A 

ordinairement  des  immeubles  ,  ou  une  uni- 
versalité de  meubles,  &  que  d'ailleurs  on  en 
connoît  l'origine  ,  &  le  dernier  proprié- 
taire qui  n'a  point  d'héritier  connu  ;  au  lieu 
que  les  épaves  font  des  choies  dont  on  ignore 
le  propriétaire. 

Il  y  a  auflTi  beaucoup  de  différence  entre 
un  tréfor  8c  une  épave.  Le  tréfor  eft  vêtus 
pecunice  depojitio  ,  cujus  mcmoria  non  ex  ta  t. 
L'épave  efl:  toute  chofè  mobiliaire  qui  fe 
trouve  égarée  8c  perdue  :  l'un  8c  l'autre  fe 
règlent  par  des  principes  différens.  Voye^ 
Trésor. 

Les  loix  romaines  veulent  que  ceux  qui 
trouvent  quelques  beftiaux  égarés*  les  raflent 
publier  par  affiches ,  afin  de  les  rendre  à 
ceux  qui  les  réclameront  juftemenr. 

Dans  notre  ufage  les  épaves  appartiennent 
au  feigneur  haut-jufticier,  8c  non  au  pro- 
priétaire du  fonds  où  elles  font  trouvées , 
ni  même  au  feigneur  féodal ,  ni  au  feigneur 
moyen-jufticier. 

Celui  qui  trouve  une  épave ,  efl  obligé 
d'en  faire  la  déclaration  au  feigneur  haut- 
jufticier  dans  les  vingt  -  quatre  heures  :  la 
coutume  de  Nivernois  l'ordonne  ainfi. 

Après  la  déclaration  de  celui  qui  a  trou- 
vé l'épave  y  le  feigneur  doit  la  faire  publier 
par  trois  dimanches  confécutifs,  afin  qu'elle 
puifîe  être  réclamée.  Ces  publications  fe 
raifoient  autrefois  au  prône  ;  mais  depuis 
1  edit  de  1695  ,  toutes  publications  pour  ces 
fortes  d'affaires  temporelles  doivent  être  fai- 
tes par  un  huifïîer  à  la  porte  de  l'églife. 

La  plupart  des  coutumes  donnent  au  pro- 
priétaire de  S  épave  quarante  jours  pour  la 
réclamer  ,  à  compter  du  jour  de  la  pre- 
mière publication,  en  juftifiant  par  lui  de 
Ion  droit ,  8c  en  payant  les  frais  de  garde 
8c  autres. 

Les  publications  faites  8c  les  quarante 
jours  expirés,  le  feigneur  haut-jufticier  ne 
devient  pas  encore  de  plein  droit  proprié- 
taire de  Y  épave  3  il  faut  qu'elle  lui  foit  adju- 
gée en  juftice ,  comme  l'ordonne  la  coutu- 
me d'Orléans ,   article  156. 

Après  l'expiration  des  quarante  jours  ,  8c 
l'adjudication  faite  en  bonne  forme  au  fei- 
gneur ,  le  propriétaire  de  l'épave  n'eft  plus 
recevable  à  la  réclamer. 

On  n'exige  pas  tant  de  formalités ,  ni  de 
délais ,  quand  l'épave  eft  de  peu  de  valeur  >  ) 


E  P  A  615 

ou  qu'il  s'agit  de  quelque  animal  dont  la 
nourriture  abforberoit  le  prix.  La  coutume 
de  Sens  ,  article  z  1  ,  permet  en  ce  cas  de 
la  faire  vendre  après  la  première  quinzaine, 
&  après  deux  criées  ou  proclamations,  à  la 
charge  de  garder  l'argent  pour  le  rendre  au 
propriétaire. 

On  diftingue  plusieurs  fortes  d'épaves , 
dont  il  fera  parlé  dans  les  fubdivi fions  fui- 
vantes. 

.  Les  coutumes  qui  contiennent  quelques 
difpofitions  fur  cette  matière ,  fontMeaux, 
Melun,  Sens,  Montfort,  Mantes,  Senlis, 
Troyes ,  Chaumont ,  Châlons ,  Chauny  , 
Boulonois  ,  Artois  ,  les  deux  Bourgognes , 
Nivernois,  Monrargis ,  Orléans,  Lodunois, 
Dunois ,  Amiens,  Auxerre ,  Grand-Perche, 
Bourbonnois ,  Auvergne ,  la  Marche ,  Poi- 
tou ,  Bordeaux  ,  Montreuil ,  Beauquefne  , 
Peronne ,  Berry,  Cambray ,  S.  Pol  fous  Ar- 
tois ,  Bar  ,   Lille ,  Hefdin  ,  Lorraine. 

Les  auteurs  qui  traitent  des  épaves  ,  font 
Bouthillier  ,  en  fa  fomme  rurale  ;  Conan  , 
en  les  commentaires  de  droit  civil ,  lib.  III. 
cap.  de  thefauris  &  rébus  adefpotis  ;  Bacquet, 
des  droits  dejujlice ,  ch.  xxxiij.  le  glojf.  de  M. 
de  Lauriere  ;  5c  les  commentateurs  des  coutu- 
mes dont  on  a  parlé.  (  A  ) 

Epaves  d'Abeilles  ou  Avettes,  font 
des  eflàims  de  mouches  à  miel  qui  viennent 
fe  pofer  dans  le  fonds  de  quelqu'un  ,  &  ne 
font  pourfuivies  par  perfonne.  Ces  épaves 
appartiennent  au  feigneur  haut-jufticier  du 
fonds  où  les  mouches  font  venues  fe  pofer, 
8c  non  pas  au  premier  occupant ,  ni  même 
au  propriétaire  du  fonds.  Voye^  la  coutume 
de  Tours  ,  art.  ij  &  A4,  la  coutume  locale 
de  Preully  ,  reffort  de  Tours  ;  celle  de  Lo- 
dunois ,  ch.j.  art  13.  8c  ch.  iij.  art. 3,  An- 
jou ,  art.  îz.  Maine  ,  art.  23.  Ce  dernier 
article  porte  que  les  épaves  des  avettes ,  non- 
obftant  qu'elles  foient  mouvantes,  tenant 
8c  étant  en  aucun  arbre ,  ou  autrement  affi- 
les au  fief  d'aucun  ,  appartiennent  pour  le 
tout  au  feigneur  du  fonds  où  elles  font  afïï- 
fes ,  fi  ledit  feigneur  du  fonds  y  a  juftice  fon- 
cière en  nuejfe  ;  8c  s'il  n'a  juftice  en  fon 
fonds,  elles  lui  appartiennent  pour  la  moi- 
tié ,  8c  au  jufticier  en  nuejfe  pour  l'autre 
moitié.  Mais  fi  lëfdites  avettes  font  pourfui- 
vies avant  qu'elles  foient  encore  logées  8c 
pris  leur  nourriffement  audit  lieu  où  elks 


6i€  E  P  A 

font  aiîîfes ,  celui  à  qui  elles  appartiennent 
les  peut  pourfuivre  ,  &  les  doit  avoir  com- 
me lîennes.  {A) 

Epaves  d'Aubains.  En  quelques  coutu- 
mes ,  comme  Vermandois  8c  autres  ,  on 
appelle  épaves  les  hommes  8c  femmes  nés 
hors  le  royaume  en  pays  fi  lointain ,  que 
Ton  ne  peut  avoir  connoifïance  du  lieu  de 
leur  naifîance  ;  à  la  différence  de  ceux  dont 
le  lieu  de  la  naifïance'eft  connu  ,  que  Ton 
appelle  fimplement  aubains  ou  étrangers. 
Fbye^Bacquet,  du  droit  d'aubaine  ,  première 
partie  ,  ch.  jv.  n° .  zo.  (A) 

Epaves  d'Avettes  ou  Abeilles  ,  voye^ 
ci-devant  Epaves  d'Abeilles. 

Epave  eu  destrier  ,  qu'on  devroit 
écrire  dextrier  ,  efl  le  droit  qui  appartient 
au  feigneur  baron ,  d'avoir  à  titre  d'épave  le 
dejirier  ou  grand  cheval  de  guerre  ,  appelle 
auffi  courfier  ou  cheval  de  lance  ,  qui  fe  trou- 
ve égaré  fur  fa  terre  ,  fans  être  réclamé  par 
celui  auquel  il  appartenoit  :  les  coutumes 
d'Anjou,  art.  47.  8c  Maine  art.  55.  lui 
attribuent  ce  droit.  Voye^  la  note  de  Bo- 
dreau/i/r  les  articles  de  la  coutume  du  Maine. 
(A) 

Epave  du  Faucon,  efl  le  droit  qui  ap- 
partient au  feigneur  baron  dans  les  coutu- 
mes d'Anjou  8c  du  Maine  ,  de  prendre  à 
titre  d'épave  tout  faucon  ou  autre  oifeau  de 
leurre  ou  de  proie  qui  fe  trouve  égaré  dans 
fa  terre  ,  fans  être  réclamé  par  celui  auquel 
il  appartenoit.  Voye^  la  coutume  d'Anjou , 
art.  47 '.  8c  celle  du.  Maine  art.  55.  8c  Bo- 
dreau/i/r  cet  article.  {A) 

Epaves  foncierfs  ,  (ont les  immeubles 
qui  échéent  au  feigneur  à  titre  d'épave  ,  pour 
droit  de  bâtardife  ou  de  déshérence.  Quel- 
ques coutumes  y  comprennent  aufïi  les  im- 
meubles délaifles  par  les  aubains;  mais  dans 
l'ufage  ces  fortes  d'épaves  aubaniales  appar- 
tiennent au  roi  ,  8c  non  au  feigneur  ,  quoi 
qu'en  difent  au  contraire  la  coutume  d'An- 
jou ,  art.   10.8c  celle  du  Maine  ,  art.  1 1 . 

U) 

Epaves  marines  ou  maritimes  ,  lont 
tous  les  effets  que  la  merpoufTe  8c  jette  à 
terre  ,  qui  fe  trouvent  fur  les  bords ,  8c  ne 
font  réclamés  par  aucun  légitime  proprié- 
taire. 

On  les  nommoit  en  vieux  langage  harpes 


E  P  A 

prendre.  Ce  nom  leur  fut  donné  ,  parce  que 
ces  fortes  d'épaves  appartiennent  au  roi  ou 
aux  feigneurs  des  lieux  ,  félon  les  différentes 
coutumes;  8c  que  les  officiers  des  juflices 
royales  ou  feigneuriales  les  peuvent  faire 
prendre  8c  enlever. 

Les  poifïbns  qui  viennent  échouer  ,  ou 
qui  font  pou  (les  par  la  violence  des  flots  fur 
les  bords  de  la  mer  3  font  du  nombre  des 
épaves  maritimes  ;  perfonne  ne  peut  les  ré- 
clamer ,  fi  ce  n'efl  le  roi  ou  le  feigneur  , 
félon  la  coutume  du  lieu.  Le  droit  naturel 
qui  donne  au  premier  occupant  les  poiiîons 
qui  font  péchés  8c  pris  dans  les  eaux  ,  cefïe 
à  l'égard  de  ceux-ci ,  attendu  que  ce  n'efl: 
point  par  l'effet  d'aucune  induflrie  que  le 
premier  occupant  les  peut  avoir  en  fa  pof- 
fefïion. 

Les  jugemens  d'Oleron  ,  qui  font  partie 
des  anciennes  coutumes  de  la  mer ,  ne  com- 
prennent au  nombre  des  épaves  maritimes 
que  les  poifïbns  à  lard  ,  tels  que  les  balei- 
nes ,  veaux  marins ,  &c.  Il  efl  dit  que  le  fei- 
gneur en  doit  avoir  fa  part ,  fuivant  la  cou- 
tume du  pays ,  8c  non  en  autre  poiflbn  ;  que 
fi  un  navire  trouve  en  pleine  mer  un  poiflbn 
à  lard  ,  il  fera  totalement  à  ceux  qui  l'ont 
trouvé,  s'il  n'y  a  pourfuite  ;  8c  que  nul  fei- 
gneur n'y  doit  prendre  part  ,  encore  qu'on 
l'apporte  à  fa  terre  :  qu'en  toutes  chofes 
trouvées  à  la  cote  de  la  mer ,  lefquelles  au- 
trefois ont  été  poUedées  ,  comme  vin ,  huile 
8c  autres  marchandifes ,  quoiqu'elles  aient 
été  jetées  8c  délaiflees  des  marchands  ,  8c 
qu'elles  doivent  être  au  premier  occupant  ; 
toutefois  la  coutume  du  pays  doit  être  gar- 
dée ,  comme  des  poifTons;  que  s'il  y  a  pré- 
fbmption  qu'ils  foient  d'un  navire  qui  ait 
péri ,  en  ce  cas  le  feigneur  ou  l'inventeur  ne 
doivent  rien  prendre  pour  les  retenir ,  mais 
en  doivent  faire  du  bien  aux  pauvres  nécef- 
fkeux  ;  qu'autrement  ils  encourent  le  juge- 
ment de  Dieu.  Foye^  Clairac  fur  les  juge- 
mens  d'Oleron  ,  ch.  xxxvj. 

La  coutume  de  Normandie,  chap.  xxiij. 
appelle  varech  ce  que  l'on  appelle  ailleurs 
épaves  maritimes.  Voye^  Varech. 

L'ordonnance  de  la  Marine  du  mois 
d'Août  j  68 1  ,  ch.  vij.  déclare  les  dauphins , 
eflurgeons  ,  faumons&  truites  être  poifïbns 
royaux ,  8c  en  cette  qualité  appartenir  au 


marines  ,  du  gaulois  harpir  ,  qui  fignifioit    roi ,  quand  ils  font  trouvés  échoués  fur  le 

bord 


EP  A 

bord  de  la  mer  ,  en  payant  les  falaires  de 
ceux  qui  les  auront  rencontrés  Semis  en  lieu 
de  fureté. 

Les  baleines ,  marfouins ,  veaux  de  mer, 
thons,  fouffleurs  &  autres  poiffons  à  lard, 
échoués  &  trouvés  fur  les  grèves  de  la  mer, 
doivent  ,  fuiyant  la  même  ordonnance  , 
être  partagés  comme  épaves ,  de  même  que 
les  effets  échoués. 

Mais  lorfque  les  poifTons  royaux  &  à  lard 
ont  été  pris  en  pleine  mer  ,  ils  appartien- 
nent à  ceux  qui  les  ont  péchés  ;  fans  que 
les  receveurs  du  roi ,  ni  les  feigneurs  parti- 
culiers, &  leurs  fermiers  y  puifTent  pré- 
tendre aucun  droit  ,  fous  quelque  prétexte 
que  ce  foit.  (A) 

Epave  mobiliaire  ,  eft  celle  qui  con- 
fiée dans  quelque  effet  mobiliaire ,  comme 
un  animal  ,un  poiiïon  ,  &c.  Ces  fortes  d'é- 
paves font  furnommées  mobiliaires  ,  pour 
les  diftinguer  des  épaves  foncières ,  qui  con- 
fiaient en  immeubles.  Il  en  eft  parlé  dans  la 
coutume  de  Tours,  art.  47  &  52;  &  en  la 


coutume  locale  de  Maizieres  ,  reffort  de 
Tours  ;  Lodunois,  ch.  ij ,  art.  9,  ch.  iij  ,aft. 
1  ;  Anjou  ,  art.  40 ,  41 ,  1 50  ;  le  Maine  ,  art. 
46,  48,  183  ;  Blois,  art.  26  &  32.  (A) 

Epaves  de  Personne,  eft  la  même 
chofe  qu'épaves  dy  aubains  ^  ce  qui  ne  s'en- 
tend que  de  ceux  dont  le  lieu  de  la  naif- 
fance  n'eft  point  connu.  Voye\  ci-devant 
Epave  d'Aubain.  Voye^  aujji  ci-devant 
Enfans  exposés.  ÇA) 

Epave  de  Rivière  :  on  appelle  ainfi 
tout  ce  qui  eft  trouvé  abandonné  fur  les 
rivières ,  foit  par  naufrage,  débordement , 
inondation  ,  chute  de  pont ,  ou  autres  acci- 
dens  ,  &  qui  n'eft  point  réclamé  par  le 
légitime  propriétaire. 

L'ordonnance  des  eaux  &  forêts,  tit. 
xxxj  de  la  pêche,  art.  16,  veut  que  toutes 
les  epav.es  qui  feront  pêchées  fur  les  fleuves 
ck  rivières  navigables ,  foient  garrées  fur 
terre  ,  &  que  les  pêcheurs  en  donnent  avis 
aux  fergens  &  gardes-pêche  ,  qui  feront 
tenus  d'en  donner  procès-verbal,  &  de  les 
donner  en  garde  à  des  perfonnes  folvables, 
qui  s 'en  «chargeront,  dont  le  procureur  du 
roi  prendra  communication  au  greffe  , 
aufli-tôt  qu'il  y  aura  été  porté  par  le  fergent 
ou  garde-pêche ,  &  qu'il  en  foit  fait  lecture 
i  la  première  audience  :  fur  quoi  le  maître 
Tome  XII, 


E  P  A  £i7 

particulier,  ou  fon  lieutenant ,  doit  ordonner 
que  fî  dans  un  mois  les  épaves  ne  font  de- 
mandées &  réclamées ,  elles  feront  vendues 
au  profit  du  roi ,  au  plus  offrant  &c  dernier 
enchériffeur ,  &  les  deniers  en  provenant 
mis  es  mains  des  receveurs  de  S.  M.  fauf 
à  les  délivrer  à  celui  qui  les  réclamera ,  un 
mois  après  la  vente ,  s'il  eft  ainft  ordonné 
en  connoiffance  de  caufe. 

L'article  fuivant  défend  de  prendre  & 
enlever  les  épaves  fans  la  permiiîion  des 
officiers  des  maîtrifes",  après  la  reconnoif- 
fance  qui  en  aura  été  faite  ;  &:  qu'elles 
auront  été  adjugées  à  celui  qui  les  aura 
réclamées.  (AJ 

EPAVITÉ  ,  f.  f.  {Jurifpr.)  fe  dit  en 
quelques  coutumes ,  pour  aubaine  ;  de  mê- 
me que  les  aubains  ou   étrangers  y   font 
appelles  épaves.  La  coutume  de  V\uy,art. 
72 ,  dit  qu'épavité  ne  gît  en  noblefte ,  d'au- 
tant que ,  fuivant  cette  coutume ,  les  nobles 
nés  Se  demeurant  hors  le  royaume,  doivent 
fuccéder  à  leurs  parens  décédés  dans   le 
royaume,  ou  ailleurs,  en  tous  leurs  biens 
meubles  ou  immeubles ,  nobles  ou  roturiers. 
Mais  Bacquet ,  en  fon  traité  du  droit  d'au' 
baine,  ck.  xxx ,  dit  que  cette  coutume  ne 
préjudicie  point  aux  droits  que  le  roi  a  fur 
la  fuccefîion  des  aubains.  Suivant  les  ordon- 
nances du  duc  de  Bouillon ,  art.  617  ,  le 
droit  d'épavité  appartient  audit  fleur  duc  , 
par  le  décès  d'un  étranger  qui  n'eft  point 
fon  fujet ,  &  a  délaiffé  des  biens  meubles 
ou  immeubles,  en  fes  terres  &  feigneuries, 
&  il  eft  dit  qu'il  a  quitté  &  remis  ce  droit 
aux  bourgeois  de  Sedan.   Voye^  EPAVES 
&  Aubaine.  (A) 

EPAULARD,  f.  m.  orca  ,  (Hift.  nat. 
Ichthiol.)  poiffon  cétacée,  que  l'on  appelle 
dorgue  en  Languedoc.  Il  eft  prefque  rond. 
Il  a,  comme  le  dauphin,  un  conduit  pour 
tirer  l'air ,  &  il  lui  reftemble  par  le  mufeau  , 
les  nageoires  &  la  queue  :  mais  il  eft 
vingt  fois  plus  gros.  Ses  dents  font  lar- 
ges &c  pointues  ;  il  mord  la  baleine  ,  & 
la  fait  mugir  comme  un  taureau  &  fuir  fur 
les  côtes ,  ce  qui  eft  très-favorable  aux  pê- 
cheurs :  auffi  empêchent-ils  autant  qu'ils 
peuvent  qu'on  ne  bleffe  les  épaulards.  Ron- 
delet ,  hifioire  des  poiffons  ,  Liv.  XVI.  ch. 
ix.  Voye^  POISSON.  (7) 
EPAULE,  f.  f.  (Anat.)  partie  double 
Iiii 


618  .EPA, 

au  corps  humain  ,  fituée  à  l'extrémité  fupé- 
rieure,  &  qui  eft  compofée  de  deux  pièces 
ofleufes; l'une  antérieure  appellée  clavicule, 
&  l'autre  poftérieure  dite  omoplate.  Voye\ 
Clavicule,  Omoplate. 

On  fait  que  c'eft  principalement  de  l'o- 
moplate que  dépendent  les  différentes  atti- 
tudes de  Y  épaule;  car  la  clavicule  ne  fait  que 
fuivre  les  mouvemens  de  l'omoplate,  en 
bornant  néanmoins  ces  mouvemens  dans 
certaines  attitudes  :  aiuTi  la  clavicule  n'a 
d'autre  mufcle  que  le  fouclavier ,  tandis  que 
l'omoplate  en  a  cinq  considérables  qui  fer- 
vent à  la  lever ,  à  fabaiffer ,  à  la  porter  en- 
arriere  ,  à  la  ramener  en  devant ,  en  un  mot 
à  tous  les  mouvemens  de  Yépaule. 

Les  épaules  font  plus  hautes  ou  plus  baf- 
fes ,  plus  larges  ou  plus  étroites  dans  diffé- 
rentes perfonnes  ,  ce  qui  dépend  des  deux 
pièces  qui  forment  cette  partie  :  mais  par 
leur  fubftance  cartilagineufe  Se  flexible 
dans  la  première  enfance ,  elles  font  fufeep- 
tibîes  de  prendre  de  mauvaifes  conforma- 
tions ,  comme  de  s'arrondir  ou  de  fe  voû- 
ter ,  de  pro'duire  Xengon  cernent ,  &  même 
de  contracter  une  inégalité  de  hauteur  ; 
trois  difformités  principales  qui  gâtent  entiè- 
rement la  beauté  de  la  taille.  Indiquons 
donc  les  moyens  de  prévenir  ou  de  corriger 
ces  fortes  de  défauts,  d'après  les  bons  au- 
teurs d'Orthopédie. 

Les  épaules  s'arrondiffent  ck  fe  voûtent 
en  les  ferrant  pardevant  ,  en  creufant  la 
poitrine,  ou  amenant  les  bras  fur  l'eftomac, 
comme  font  quelques  perfonnes  dans  leurs 
prières  ,  s'imaginant  que  cette  pofture  eft 
elTentielle  à  la  dévotion  :  il  faut  au  con- 
traire ,  pour  éviter  une  vouifure  ,  qui  ne 
croît  que  trop  avec  l'âge,  engager  les  en- 
fans  à  avancer*  la  poitrine  en  devant ,  à 
retirer  les  épaules  en  arrière ,  à  porter  leurs 
coudes  fur  les  hanches. 

Une  féconde  précaution  néceffaire  pour 
conferver  aux  enfans  le  dos  plat,  c'eft  de 
les  empêcher,  quand  ils  font  affis  ,  qu'ils 
ne  fe  renverfent  fur  leur  fiege ,  &  les  obli- 
ger de  fe  tenir  à  plomb  fur  leur  féant  :  en 
effet ,  quand  on  eft  affis  renverfé,  le  dos 
prend  néceffairement  une  courbure  creufe 
en  dedans. 

Une  troifleme  précaution  ,  c'eft  de  faire 
enforte  que  la  tablette  du  fiege  fur  laquelle 


E  P  A 

les  enfans  s'afTeient ,  au  lieu  d'être  enfon- 
cée dans  le  milieu,  foit  abfolument  plate; 
parce  que  quand  on  eft  aflis  dans  un  enfon- 
cement, l'effort  que  l'on  fait  naturellement 
ck.  fans  deffein  pour  ramener  le  corps  à  l'é- 
quilibre ,  oblige  la  taille  à  fe  voûter  encore 
davantage  :  c'eft  cependant  dans  des  fieges 
enfoncés  que  l'on  afîîed  les  enfans  dès  leurs 
plus  tendres  années  ,  au  lieu  de  leur  donner 
des  fauteuils  ou  des  chaifes  dont  le  fiege 
foit  d'une  planche  de  bois  bien  unie.  On 
peut  remédier  à  l'enfoncement  des  chaifes 
ou  fauteuils  de  paille  dans  lefquels  on  aflied 
les  enfans,  en  mettant  fous  cet  enfonce- 
ment une  vis  de  bois  qui  monte  &  defeende, 
fur  laquelle  fera  pofée  une  petite  planche  ; 
enforte  qu'en  tournant  lavis  félon  un  certain 
fens,  elle  pouffe  la  planche,  &  élevé  en 
haut  la  paille  qui  eft  fous  la  chaife.  Com- 
me cette  vis  doit  porter  fur  quelque  chofe 
qui  lui  ferve  d'appui  ,  on  la  pofe  fur  le 
milieu  d'une  petite  traverfe  de  bois  ,  dont 
on  cloue  en  -  bas  les  deux  bouts  à  deux 
bâtons  de  la  chaife. 

Enfin ,  une  quatrième  précaution  eft  de 
coucher  l'enfant  pendant  la  nuit  le  plus  à 
plat  qu'il  fera  poftible  ;  &  fi  une  de  fes  épau- 
les ie  trouve  plus  groffe  que  l'autre  ,  on  le 
fera  coucher  fur  le  côté  oppofé  à  cette  épau- 
le,  parce  que  Yépaule  fur  laquelle  on  fe  cou- 
che s'élève  toujours  fur  la  furface  du  dos. 

Paifons  à  la  féconde  difformité  ,  qui 
confifte  dans  l'engoncement ,  c'eft-à-dire  , 
dans  le  cou  enfoncé  dans  les  épaules. 

Les  nourrices  ,  les  fevreufes,  les  gouver- 
nantes ,  qui  fufpendent  fans  cefte  un  en- 
fant par  la  lifiere  en  le  foulevant  en  l'air, 
l'expofent  à  avoir  le  cou  enfoncé  dans 
les  épaules.  Les  maîtres  ou  les  maîtreffes 
à  lire  èk  à  écrire  ,  qui  font  manger ,  lire  , 
ou  écrire ,  dans  leurs  penfions  ,  un  enfant 
fur  une  table  trop  haute ,  &  qui  monte  au 
deffus  des  coudes  de  l'enfant  ("au  lieu  qu'elle 
doit  être  deux  doigts  plus  baffe  ,J  l'expo- 
fent pareillement  à  avoir  le  cou  enfoncé 
dans  les  épaules. 

Cet  inconvénient  eft  difficile  à  éviter 
dans  les  écoles  publiques,  où  il  n'y  a  d'or- 
dinaire qu'une  même  table  pour  tous  les 
enfans  de  quelque  taille  qu'ils  foient  :  ainfî 
cette  table  proportionnée  feulement  pour 
quelques-uns,  fe  trouve  trop  haute  ou  trop 


E  P  A 

baffe  pour  un  grand  nombre  d'autres  ;  alors 
ceux  pour  qui  la  table  eft  trop  haute ,  font 
obligés  d'élever  les  épaules  plus  qu'il  ne 
faut  ,  ce  qui  à  la  longue  les  rend  engon- 
cés ;  &C  ceux  pour  qui  la  table  eft  trop  baffe, 
font  obligés  de  fe  voûter  &  d'avancer  les 
épaules  en  arrière  ,  ce  qui  ne  peut  que  con- 
tribuer à  les  leur  arrondir.  Mais  dans  les 
maifons  domeftiques ,  les  enfans  qui  man- 
gent à  la  même  table  que  leurs  pères  & 
neres ,  ne  feront  point  expofés  aux  incon- 
véniens  dont  on  vient  de  parler  ,  dès  qu'on 
leur  donnera  des  fieges  proportionnés  à  la 
hauteur  de  la  table  ,  avec  un  marche-pié 
pour  appuyer  les  jambes.  # 

Un  autre  moyen  feroit  de  ne  point  affeoir 
les  enfans  dans  des  fieges ,  ou  dans  des  rou- 
lettes qui  ont  des  accoudoirs  un  peu  hauts-; 
parce  que  de  pareils  accoudoirs  fur  lefquels 
les  enfans  s'appuient  toujours  ,  leur  font 
néceffairement  lever  les  épaules.  Le  remè- 
de ,  fi  le  défaut  eft  contracté ,  confifte  à  fe 
fervir  des  avis  que  nous  venons  de  donner, 
&  à  y  joindre  tous  les  moyens  qui  peuvent 
tendre  à  mettre  les  deux  épaules  au  niveau, 
où  elles  doivent  être  à  l'égard  de  la  partie 
inférieure  du  cou. 

Parlons  à  préfent  du  furjettement  d'une 
épaule  au  deffus  de  l'autre,  ou  de  l'inégalité 
de  leur  hauteur ,  qui  fait  que  l'une  s'élève 
trop ,  ou  que  l'autre  baiffe  trop. 

Un  bon  moyen  pour  corriger  un  enfant 
qui  levé  ou  qui  baiffe  trop  une  épaule  ,  c'en1 
de  lui  mettre  quelque  choie  d'un  peu  loud 
fur  ?  épaule  qui  baiffe,  &  de  ne  point  tou- 
cher à  celle  qui  levé  ;  car  le  poids  qui  fera 
fur  Yépaule  qui  baiffe  ,  la  fera  lever  ,  & 
obligera  en  même  temps  celle  qui  levé  à 
baiffer. 

Uépaule  qui  porte  un  fardeau  ,  monte 
toujours  plus  haut  que  celle  qui  n'eft  pas 
chargée  ;  ôc  alors  la  ligne  centrale  de  toute 
la  pefanteur  du  corps  &:  du  fardeau ,  paffe 
par  la  jambe  qui  foutient  le  poids  :  fi  cela 
n'étoit  pas ,  le  corps  tomberoit  ;  mais  la 
nature  y  pourvoit,  en  faifant  qu'une  égale 
partie  de  la  pefanteur  du  corps  fe  jette  du 
côté  oppoféàcelui  qui  porte  le  fardeau,  & 
produit  ainfi  l'équilibre  ;  car  alors  le  corps 
eft  obligé  de  fe  pancher  du  côté  qui  n'eft 
pas  chargé ,  &  de  s'y  pancher  jufqu'à  ce  que 
ce  côté  non  chargé  participe  au  poids  du 


EPA  6i9 

fardeau  qui  fe  trouve  de  l'autre  côté  :  d'où 
il  réfulte  que  Vépaule  chargée  fe  hauffe, 
Sc.que  celle  qui  ne  l'eft  pas  fe  baiffe.  Cette 
méchanique  de  la  nature  démontre  l'erreur 
de  ceux  qui ,  pour  obliger  un  enfant  à  baif- 
fer Vépaule  qui  levé  trop ,  lui  mettent  un 
plomb  fur  cette  épaule,  s'imaginant  que  ce 
poids  la  lui  fera  baiffer;  c'eft  au  contraire  le 
vrai  moyen  de  la  lui  faire  lever  davantage. 

On  peut  fe  contenter ,  au  lieu  de  lui 
mettre  un  poids  fur  ['épaule  qu'on  veut  faire 
lever  ,  de  faire  porter  par  l'enfant,  avec  la 
main  qui  eft  du  côté  de  cette  épaule  ,  quel- 
que chofe  d'un  peu  pefant;  il  ne  manquera 
point  alors  de  lever  Vépaule  de  ce  côté-là, 
&  de  baiffer  l'autre  :  ce  dernier  expédient 
eft  fur-tout  d'une  grande  utilité ,  quand  un 
enfant  a  la  taille  considérablement  plus  tour- 
née d'un  côté  que  de  l'autre  ;  car  dans  ce 
cas  ,  foit  qu'on  lui  faffe  porter  quelque  poids 
fous  le  bras ,  ou  qu'on  lui  faffe  lever  par 
exemple  une  chaife ,  un  tabouret ,  avec  la 
main  qui  eft  du  côté  vers  lequel  fa  taille 
penche  ,  il  ne  manquera  point  de  fe  pen- 
cher du  côté  oppofé.  Un  autre  moyen,  c'eft 
d'amufer  l'enfant  ,  en  l'exerçant  à  porter 
une  petite  échelle  faite  exprès;  enforte  qu'il 
la  foutienne  d'une  épaule  qu'il  pofera  fous 
un  échelon  ;  Vépaule  fur  laquelle  fera  l'é- 
chelon ,  lèvera  ,   ôt  l'autre  baillera. 

Nous  venons  de  dire  que  lorfqu'on  fou- 
leve  d'un  bras  une  chaife  ou  un  tabouret,. 
Vépaule  de  ce  côté-là  hauffe,  &  l'autre  baiffe. 
Mais  il  faut  obferver  que  fi  l'on  porte  avec 
la  main  pendante  un  vafe  qui  ait  une  anfe 
pofée  de  niveau  avec  le  bord  du  vafe ,  & 
que  l'on  porte  ce  vafe  par  l'anfe ,  enforte 
i°.  que  le  fécond  doigt  entre  dans  l'anfe  &C 
la  foutienne  par  le  haut ,  i9.  que  le  doigt 
du  milieu  aille  fous  l'anfe  &  en  foutienne  le 
bas,  30.  que  le  pouce  paffe  fur  l'anfe,  ÔC 
que  le  pouce  appuyant  en  cet  endroit  fur  le 
bord  du  vafe  même  ,  entre  un  peu  dans  le 
vafe;  alors  Vépaule  du  bras  qui  porte  le  vafe 
ne  fe  hauffe  pas  comme  dans  les  cas  précé- 
dens,  mus  fe  baiffe  au  contraire  :  ainfi  c'eft 
un  autre  moyen  dont  on  peut  facilement 
fe  fe  vir  à  l'égard  d'une  jeune  perfonne  qui 
levé  trop  une  épaule* 

Voici  deux  autres  expédiens  très-fîmples 
6k  très-ailés.  Premier  expédient.  Si  l'enîant 
levé  trop  une  épaule  ,   faites-le  marcher 
liii  2     ; 


6io  EP  A 

appuyé  de  ce  côté-là  fur  une  canne  fort 
baffe;  6k  fi  au  contraire  il  la  baiffe  trop,  don-^ 
nez-lui  une  canne  un  peu  haute  ;  enfuite 
lorfqu'il  voudra. fe  repofer,  faites-le  affeoir 
dans  une  chaife  à  deux  bras ,  dont  l'un  (bit 
plus  haut  que  l'autre,  enforte  que  le  bras  haut 
frit  du  côté  del' épaule  qui  baille  ,  6k  l'autre 
du  côté  de  celle  qui  levé.  Deuxième  expé- 
dient. Comme  perfonne  n'ignore  que  lors- 
qu'on fe  carre  d'un  bras  ,  c'eft-à-dire  qu'on 
plie  le  bras  en  forme  d'anfe  ,  en  appuyant 
le  poing  fur  la  hanche  du  même  zoiè^V  épaule 
de  ce  côté-là  levé,  &  l'autre  baiffe  ,  6k  que 
fi  l'on  couche  alors  l'autre  bras  le  long  du 
corps,  enforte  qu'il  pende  jufqu'à  l'endroit 
de  la  cuiffe  auquel  ii  peut  atteindre,  Vépaule 
de  ce  côté-là  baiffera  encore  davantage  : 
fervez-vous  de  ce  moyen  fimple ,  6k  répé- 
tez-le, pour  rectifier  dans  un  enfant  le  dé- 
faut de  X épaule  qui  levé  ou  qui  baiffe  trop. 
'  Enfin,  quelquefois  un  enfant  panche  trop 
X épaule  fur  un  des  côtés ,  foit  le  gauche  , 
foit  le  droit  ;  s'il  penche  trop  Vépaule  du 
côté  gauche ,  faites-le  foutenir  iur  le  pié 
droit  ;  car  fe  foutenant  alors  fur  ce  pié  à 
l'exclufion  de  l'autre,  qui  dans  ce  temps- 
la  demeure  oifif,  il  arrivera  néceffairement 
que  l'épaule  droite  qui  ie voit  trop  ,  baiffera, 
ck  que  ï'épaule  gauche  qui  baifToit  trop, 
lèvera:  cela  fe  fait  naturellement  en  vertu 
de  l'équilibre  ,  fans  quoi  le  corps  feroit  en 
rilque  de  tomber ,  parce  que  quand  on  fe 
Soutient  fur  un  leul  pié  ,  la  jambe  oppofée, 
qui  alors  eft  un  peu  pliée  ,  ne  foutient  point 
le  corps ,  elle  demeure  fans  action  ck  com- 
me morte  »  ainfi  qu'on  le  voit  dans  les  en- 
fans  qui  jouent  à  cloche-pié  ;  de  forte  qu'il 
faut  néceffairement  que  le  poids  d'en-haut 
qui  por:e  fur  cette  jambe ,  renvoie  le  cen- 
tre de  fa  pefanteur  iur  la  jointure  de  l'autre 
jambe  qui  foutient» le  corps.  Si  donc  l'en- 
fant penche  trop  Vépaule  fur  le  côté  droit , 
dites-lui  de  fe.  foutenir  fur  le  pié  gauche  ; 
s'il  la  p'enche  trop  fur  le  côté  gauche,  dites- 
lui  de  fe  foutenir  fur  le  pié  droit. 

Je  laiffe  à  imaginer  d'autres  moyens  ana- 
logues à  ceux-  ci ,  ck  de  meilleurs  encore  ; 
je  remarquerai  feulement  que  tous  ceux 
que  nous  avons  indiqués  demandent  pour 
le  fuccès  une  longue  continuation  ,  guidée 
par  des  regards  attentifs  de  la  part  des  pe- 
ies  ck  des  mères  fur  leurs  enfans ,  ck  ce  n'eft 


E  P  A 

pas  communément  la  branche  de  l'éduca-- 
tion  dont  ils  font  le  moins  occupés;  il  eft 
vrai  cependant  que  malgré  Fintérêt  qu'ils  y 
prennent ,  l'art  orthopédique  le  plus  favant 
ne  corrige  les  difformités  des  épaules  que 
dans  ces  premières  années  de  l'enfance,  où 
les  pièces  cartilagineufes  qui  cempofent  les 
épaules  ,  font  encore  tendres  ck  flexibles. 

Au  refte ,  l'Anatomie,  la  Chirurgie,  ck  la 
Méchanique  ,  fe  prêtent  de  mutuels  fecours 
pour  guérir  les  graves  accidens  auxquels 
cette  partie  du  corps  humain  fe  trouve  ex- 
pofée.  D'un  autre  côté  la  phyfiologie,  Tan- 
tîim  feientiarum  cognatio  ,juncluraquepol- 
letl  tâche  d'expliquer  les  caufes  de  quelques 
fymptomes  fînguliers,  que  le  hazard  offre 
quelquefois  à  nos  regards  furpris ,  ck  pour 
en  citer  un  feul  exemple  ,  c'eft  par  les  lu- 
mières de  cette  feience  qu'on  peut  com- 
prendre pourquoi  l'on  a  vu  des  perfonnes 
qui  ,  après  avoir  été  bleiTées  à  Vépaule,  ont 
perdu  tout-à-coup  l'ufage  de  la  parole ,  ck 
ne  l'ont  recouvert  que  par  la  guérifon  de  la 
plaie.  Ce  phénomène  dépend  de  la  com- 
munication d'un  des  mufcles  de  l'os  hyroïde- 
avec  l'épaule  ;  ce  mufcle  quia  deux  ventres 
ck  un  tendon  au  milieu  eft  le  coracohyoï- 
dien  ,  qu'on  pourroit  nommer  à  plus  jufte 
titre  omoplato-hyoîdien  ,  parce  qu'il  a  fort 
atache  fixe  à  la  côte  fupérieure  de  l'omo- 
plate, ck  finit  à  la  corne  de  l'os  hyoïde*. 
:(de  J AU  COURT.) 

Epaule  ,  (  Manège.)  partie  de  l'avant- 
main  du  cheval. 

Accoutumés  à  n'envifâger  cet  animal  que 
par  le  dehors  ck  par  la  fuperficie,  nous  avons 
jufqu'à  préfent  compris  dans  la  dénomina- 
tion de  Vépaule,  toute  l'étendue  qui  fe 
trouve  depuis  la  fommité  du  garrot  jufqu'à 
la  portion  fupérieure  de  la  jambe.  On  a 
donc  indiftincîement  confondu  cette  partie,, 
qui  n'eft  proprement  compofée'que  de  l'o- 
moplate ,  avec  le  bras  qui  eft  formé  par 
l'humérus  ;  ck  par  une  fuite  de  cette  erreur ,, 
on  a  donné  à  la  partie  réfultante  du  cubi- 
tus ,  le  nom  de  bras ,  tandis  qu'elle  devoit 
être  appelle  V avant  bras.. 

11  importoit  cependant  effentiellement  à, 
ceux  qui  s'érigent  en  connoiffeurs  ,  6k  qui; 
font  profefîion  de  dreffer  des  chevaux, 
ainfi  qu'aux  perfonnes  qui  fe  livrent  au  trai- 
tement de  leurs  maladies,  de  fe  former  une. 


EP  A 

idée  jufte  de  la  ftru&ure  de  cet  animal. 
Comment  en  effet  décider  de  la  franc hife 
&  de  la  beauté  de  fes  mouvemens,  fi  on 
ignore  d'où  ils  doivent  partir?  comment 
juger  de  la  pofïibilité  des  actions  qu'on  lui 
demande  ,  6k  mettre  enjeu  fes  reiïbrts,  fi 
l'on  n'a  acquis  la  connoiûance  du  lieu  6k  de 
l'efpece  des  articulations  ,  à  la  faveur  def- 
quelles  fes  parties  doivent  fe  mouvoir  :  d'ail- 
leurs, s'il  arrive  fréquemment  des  écarts, 
des  entre-ouvertures  ,  &c.  comment  y  re- 
médier dès  qu'on  fera  hors  d'état  de  s'orien- 
ter en  quelque  façon ,  relativement  aux  diffé- 
rens  articles,  6k  de  parlerdesligamens  ,  des 
mufcles  ,  des  cartilages ,  de  la  fynovie  ,  ck 
des  vaiffeaux  des  parties  qui  fouffrent? 

Ces  confédérations  m'ont  fuggéré  la  di- 
vifion  que  j'ai  faite ,  ck  dont  je  m'écarte- 
rois  indifcrétement ,  fi  je  ne  rapportois 
aux  bras  toutes  les  obfervations  qui  ont  été 
adoptées  ck  qui  ont  paru  me  concerner  que 
X épaule  :  ainfi  je  dirai  que  le  bras  ne  doit 
point  être  recouvert  par  des  mufcles  trop 
épais  6k  trop  charnus ,  ck  que  cette  partie 
doit  conféquemment  être  petite,  plate,  li- 
bre ,  mouvante.  Pour  diftinguer  fi  elle  eft 
douée  des  deux  premières  qualités,  il  furfit 
de  confidérer  iç.  cette  faillie  vifib'e  formée 
par  l'articulation  de  l'humérus  avec  l'omo- 
plate ,  faillie  que  l'on  appelle  encore  la 
pointe  de  l'épaule  ;  le  mufcle  commun  re- 
couvre cette  articulation  :  or  fi  ce  mufcle  eft 
d'une  épaiffeurconfîdérable,  cette  partie  au 
lieu  d'être  plate  fera  groffe,  ronde ,  ck  char- 
nue ,  ck  dès-lors  le  cheval  ferapefant,  il  fe 
laflera  aifément,  il  bronchera ,  les  jambes 
de  devant  étant  en  quelque  façon  furchar- 
gées,  ne  pourront  être  que  bientôt  ruinées; 
la  groffeur  démefurée  des  os  articulés ,  peut 
encore  occafioner  ce  défaut.  On  examine- 
ra ,  en  fécond  lie»,  le  vuide  ou  l'interfection 
qui  eft  entre  le  mufcle  commun  ck  le  grand 
pectoral.  Cette  interfection  marque  la 
féparation  du  bras  ck  du  poitrail ,  6k  le 
grand  pectoral  forme  cette  élévation  qui 
eft  à  la  partie  antérieure  de  la  poitrine 
de  l'animal  :  or  fi  le  repli  ou  ph  que  nous 
appercevons  ordinairement ,  6k  que  je 
nomme  interfection ,  n'eft  point  diftinct ,  s'il 
n'eft  point  apparent ,  attendu  le  trop  de 
chair  ou  l'épaiffeur  des  mufcles ,  il  en  réful- 
tera  que  le  cheval  fera  chargé  ck  ne-  fera 


E  P  k  6n 

propre  qu'au  tirage.  Enfin  ,  en  fuppofant 
de  la  contrainte  dans  le  mouvement  de 
cette  partie ,  l'animal  ne  marchera  jamais 
agréablement  6k  fûrement  ;  parce  que  fon 
action  ne  partant  en  quelque  forte  que  de 
la  jambe ,  elle  fera  hors  de  la  nature  de  celle 
à  laquelle  le  membre  mu  étoit  deftiné , 
6k  fera  inévitablement  privée  de  fermeté, 
de  folidité  6k  de  grâce.  Aufîi  voyons-nous 
que  tels  chevaux  fe  fatiguent  aifément ,  pe- 
fent  à  la  main  ,  6k  rafent  continuellement  le 
tapis. 

Ce  défaut  de  liberté  peut  fe  réparer  par 
l'art  6k  par  l'exercice  ,  pourvu  que  cette  par- 
tie ne  foit  que  nouée  6k  entreprife  ;  mais  fi 
elle  fe  trouve  chevillée ,  ou  froide ,  oudeffér 
chée ,  ce  feroi't  une.  témérité  que  de  former 
une  pareille  efpérance. 

On  reconnoîtra  qu'elle  eft  chevillée ,  à 
un  défaut  de  jeu  que  les  meilleures  leçons 
ne  fauroient  lui  rendre.  J'entends  par  défaut 
de  jeu,  une  inaction  véritable ,  qui  n'a  fa 
fource  que  dans  la  conformation  défectueufe 
de  l'animal ,  dont  les  bras  font  tellement 
ferrés ,  qu'ils  femblent  attachés  l'un  à  l'autre 
par  une  cheville. 

Nous  difons  qu'elle  eft  froide,  Iorfqu'e'le 
eft  dépourvue  de  fentiment  6k  de  mouvez 
ment.  Il  eft  rare  qu'on  y  remédie  avec  erri* 
cacité ,  à  moins  qu'on  ne  tente  cette  cure 
dès  le  commencement  6k  dès  l'origine  du 
mal.  Il  provient  de  pîufieurs  caufes.  Pre- 
mièrement, de  la  ftructure  naturelle  du 
cheval  ;  ainfi  celui  dans  lequel  cette  partie 
fera  trop  décharnée ,  fera  plus  fujer  à  cette 
froideur ,  que  celui  dans  lequel  elle  fera 
exactement  proportionnée.  Que  l'on  con- 
fidere  ,  en  effet ,  que  les  mufcles  font  les  or- 
ganes du  mouvement,  &  que  de  leur  feule 
petitefie  naît  le  décharnement  dont  il  s'a- 
git ;  comme  ils  ne  peuvent  être  plus  petits, 
qu'autant  que  leur  tifTu  eft  compofé  d'une 
moins  grande  quantité  de  fibres ,  ou  que  ces 
fibres  font  plus  minces,  dès-lors  la  force  ne 
peut  être  que  moins  grande  dans  la  partie  , 
qui  deviendra  néceffairement  débile  après 
un  certain  temps  de  travail.  On  obfervera 
néanmoins  que  dans  ce  cas  il  n'y  a  que  dif- 
culté  de  mouvement ,  fans  douleur. 

Une  féconde  caufe ,  eft  que  le  paffage  fubit 
de  la  chaleur  au  froid.  Un  cheval  fue;  loin 
de  lui  abattre  la  fueur ,  on  lelaiffe  refroidir,- 


6u  E  P  A 

Dès-lors  les  pores  fe  refferrent,  5c  en  con- 
féquence  de  ce  refferrement  ck  de  cette 
conftri&ion ,  la  tranfpiration  eft  intercep- 
tée. Cette  humeur  arrêtée  ne  peut  que  con- 
tra£ter  de  mauvaifes  qualités  ck  un  caractère 
d'acrimonie ,  par  le  moyen  duquel  elle  picote 
les  membranes  de  l'articulation  ck  des  muf- 
cles  ;  ce  qui  donne  lieu  à  la  douleur ,  à  la 
roideur,  ck  à  la  difficulté  du  mouvement 
dans  cette  partie. 

Une  troifieme  caufe  fera  encore  le  féjour 
de  l'animal  dans  un  lieu  trop  humide.  En  ce 
cas  les  vaiiTeaux  fe  relâcheront  infenfible- 
ment  ,  principalement  les  vaiffeaux  lym- 
phatiques ,  dans  lefquels  le  cours  des  li- 
queurs eft  toujours  plus  lent.  Ce  relâche- 
ment produira  un  engorgement  qui  fera 
dans  les  ligamens  de  l'article  ,  où  ces  vaif- 
feaux lymphatiques  font  en  plus  grand 
nombre.  De  là  la  douleur  ck  la  difficulté  dans 
le  mouvement ,  comme  nous  le  voyons  dans 
les  rhumatifmes  ;  que  fi  quelquefois  nous 
appercevons  de  l'enflure,  c'eft  que  l'engor- 
gement eft  plus  confidérable  ,  ck  qu'il  oc- 
cupe le  tiffu  cellulaire  ou  les  membranes  des 
mufcles. 

Enfin  ,  une  quatrième  caufe  que  l'on 
peut  admettre  ck  reconnoître,eft  unobftacle 
quelconque  dans  la  circulation  des  efprits 
animaux.  Leur  cours  étant  intercepté,  la 
diaftole  ck  la  fyftole  des  artères ,  ainfi  que 
la  conftru&ion  des  mufcles ,  ne  peuvent  que 
diminuer  :  ce  font  néanmoins  autant  d'a- 
gens  nécelTaires  pour  aider  au  fuc  nour- 
ricier à  fe  porter  dans  les  parties  les  plus 
intimes;  aura*  l'expérience  démontre-t-elle 
que  ces  mouvemens  étant  diminués  ck  abolis 
par  la  continuation  de  l'interception ,  cette 
partie  tombe  bientôt  dans  l'atrophie  6k  dans 
le  defféchement. 

Ce  defféchement  peut  provenir  du  défaut 
d'exercice.  Ainfi ,  par  exemple  ,  fi  nous 
fuppofons  un  effort ,  ou  un  écart ,  ou  quel- 
que mal  confidérable  à  un  pié ,  il  eft  conf- 
tant  que  l'animal ,  tant  que  la  maladie  fub- 
fiftera  dans  toute  fa  force,  ne  fauroit  mou- 
voir la  partie  affectée.  Or  s'il  ne  peut  la 
mouvoir ,  ck  que  la  maladie  foit  longue ,  la 
circulation  ne  s'y  fera  jamais  parfaitement  ; 
parce  que  les  liqueurs  ne  pénétreront  plus 
dans  les  dernières  ck  dans  les  plus  petites 
ramifications  des  vaiffeaux ,  ck  que  c'eft  pré- 


ET  A 

cifément  dans  ces  mouvemens  les  plus  ténus 
que  s'exécure  la  nutrition. 

Les  fignes  auxquels  on  reconnoîtra  que 
la  partie  dont  il  s'agit  eft  froide  ou  prife  , 
font  le  défaut  ou  la  difficulté  du  mouve- 
ment; quelquefois  la  douleur  que  l'animal 
refTenr,  ck  la  difficulté  du  mouvement  tout 
enfemble,  félon  la  différence  des  caufes  de 
la  froideur.  Les  fymptomes  du  defféchement 
font  une  inégalité  manifefte,  ck  qui  frappe 
dès  qu'on  examine  les  deux  bras  en  même 
temps;  leur  diminution  apparence  ck  (en" 
fîble  ,  ainfi  que  l'impoffibilité  de  les  mou- 
voir, lorfque  l'une  ck  l'autre  s'atrophient, 
ce  qui  n'arrive  que  rarement. 

Il  eft  certain  que  fi  Ton  prévient  les  pro- 
grès de  ces  maladies  par  des  réfolutifs  fpi- 
ritueux  ck  aromatiques ,  ck  par  un  exercice 
modéré ,  on  pourra  attirer  dans  ces  parties 
les  fucs  qui  les  entretiennent  ck  qui  les 
nourriffent ,  ck  elles  feront  bientôt  rani- 
mées; mais  dès  que  le  mal  eft  ancien  rnos 
tentatives  font  infruétueufes.  On  ne  peut 
en  effet ,  fe  livrer  raifonnablement  à  l'elpoir 
de  faire  circuler  des  liqueurs  dans  des  vaif- 
feaux totalement  obftrués  &  oblitérés.  J'ai 
dit  que  la  nutrition  s'exécute  dans  les  der- 
nières ck  dans  les  plus  petites  ramifications. 
Imaginons  donc  une  partie  privée  depuis 
long-temps  de  la  faculté  d'agir  ,  la  circu- 
lation s'y  rallentira;  ck  les  liqueurs  ne  par- 
venant plus  dès  -  lors  dans  les  dernières 
fériés  des  canaux,  ces  mêmes  canaux ,  na- 
turellement élaftiques  ck  difpofés  par  con- 
féquent  à  la  contraction  ,  fe  refierreront 
infenfiblement  ck  s'oblitéreront  à  la  fin.  Or 
par  quel  moyen  rouvrira-t-on  aux  fluides 
cette  voie,  qui ,  une  fois  fermée,  leur  eft  à 
jamais  interdite  ?  C'eft  affurément  tenter 
l'impoffible  ck  faire  profeffion  d'ignorance , 
que  de  l'entreprendre. 

L'epaute  ou  l'omoplate  peut  être  portée 
en  avant,  en  arrière,  en  haut;  elle  peut 
être  encore  rapprochée  de^  côtes.  A  l'égard 
du  bras  ou  de  l'humérus  joint  avec  l'omo- 
plate par  une  articulation  très-libre,  c'eft- 
à-dire,  par  genou,  il  peut  fe  mouvoir  en 
tout  fens,en  avant,  en  arrière,  en  de- 
dans ,  en  dehors  ,  ck  en  rond  ,  en  manière 
de  pivot ,  ck  en  manière  de  fronde.  La  libre 
exécution  de  tous  les  mouvemens  permis 
à  Tune   ck  à  l'autre  de  ces  parties ,  eft 


E  P  A 

fans  doute  ce  que  tous  les  auteurs  qui  ont 
écrit  fur  le  manège,  &t  principalement  le 
duc  de  Newkaftle  ,  ont  appelle  lafouplejje 
des  épaules. 

La  néceflité  de  les  faciliter  à  l'animal  a 
été  regardée  ,  avec  raifon ,  par  cet  écrivain 
illuftre  ,  comme  la  bafe  de  toutes  les  actions 
auxquelles  nous  pouvons  folliciter  l'animal  ; 
&  ce  n'eft  fans  doute  qu'à  la  force  &  à  la 
folidité  de  cette  maxime ,  toujours  préfente 
à  fon  efprit ,  que  nous  devons  une  toule  de 
répétitions  fur  ce  point  ,  qui  rendent  fon 
ouvrage  prolixe  fans  le  rendre  plus  inftruc- 
tif.  Je  tâcherai  d'éviter  ce  défaut,  &  de  ne 
pas  mériter  ce  reproche. 

Dès  que  nous  connoiiïbns  les  mouve- 
mens  àorxtY  épaule  &.  le  bras  font  capables, 
&  dès  que  nous  fommes  convaincus  , 
qu'affouplir  les  parties  d'un  cheval  quel- 
conque ,  n'eft  autre  chofe  que  leur  faire  ac- 
Suérir  par  l'habitude  la  liberté  de  fe  mouvoir 
ans  tous  les  fens  qui  leur  font  pofïibles,  il  eft 
aifé  de  juger  par  les  effets  qui  peuvent  réful- 
ter  des  leçons  que  nous  donnons  à  l'animal , 
de  celles  qui  font  les  plus  propres  Scies  plus 
convenables  à  notre  objet. 

Toute  action  en-avant,  en-arriere  ck  par 
le  droit,  opère  nécessairement  la  flexion, 
l'élévation  ,  l'extenfion  ,  l'abaiffement ,  & 
le  port   en-arriere  des  omoplates  ck  des 
humérus ,  qui  font  les  principaux   ck  les 
uniques  agens  d'où  dépend  réellement  la 
translation  de  l'animal  d'un  lieu  à  un  autre. 
ÇVoye\  MANEGE. )  Ainfi  le  pas ,  le  recu- 
ler ,  èk  principalement  le  trot  déterminé 
ck  délié  ,  qui  excite  fes  parties  à  de  grands 
mouvemens ,  font  des  moyens  très-effica- 
ces pour  les  dénouer  ck  pour  en  faciliter 
le  jeu  dans  les  uns  ck  dans  les  autres  de 
ces  fens;  ces  allures  fur  des  cercles,  ou 
qrjoi  qu'il  en  foit  en  tournant  pour  repren- 
dre d'autres  lignes  droites  ,  influent  encore 
fur  elles  relativement  au  mouvement  cir- 
culaire dont  le  bras  eft  doué ,  mais  elles 
ne  fufcitent  pas  ce  même  mouvement  dans 
toute  fon  étendue  ;  ck  leur  impreffion  n'é- 
tant que  foible  ck  légère,  ck  ne  pouvant 
animer  tous  les  relions  qui  l'effectuent ,  l'a- 
nimal ne  fauroit  acquérir  l'entière  facilité 
par  cette  voie. 

Le  duc  de  Newkaftle  eft  le  premier  qui 


E  P  A  623 

diverfes  leçons  à  donner  fur  les  cercles  lar- 
ges ck  d'une  pifte;  je  ne  me  propofe  ici  j 
ni  de  les  extraire ,  ni  d'apprécier  fa  méthode. 
M.  de  la  Gueriniere  ,  à  l'imitation  de  la, 
Broue,  a  préléré  les  leçons  données  fur  les 
quarrés,  ck  admet  celles  des  voltes,  qu'il 
blâme  d'ailleurs,  parce  qu'il  croit  qu'elles 
mettent  le  cheval    fur  le   devant  ,    dans 
la    circonftance    où.    pour   éviter  la    trop 
grande  fujétion  de  ce  qu'il  nomme  Yépaule 
en  -  dedans  ,  l'animal  y  porte  trop  cette 
même  épaule  ou  y  jette  la  croupe;  ainfi, 
d'un  côté  il  improuve  la  pratique  des  cer- 
cles ;  ck  de  l'autre ,  il  la  préfente  comme  une 
reffource  dans  le  cas  où  la  pratique  des 
quarrés  porte  l'animal  à  fe  défendre.  C'eft: 
fans  doute  d'après  fa  propre  expérience, 
que  M.  de  la  Gueriniere  a  connu  que  la 
tête  dedans,  la  croupe  dehors,  contraint 
ck  aiTe.rvit  beaucoup  moins  le  cheval  qui 
trace  une  figure  ronde ,  que  la  tête  dedans 
ck  la  croupe  dehors  fur  des  lignes  droites  ; 
ck  c'eft  apparemment  auffi   d'après  cette 
vérité  dont  il  s'eft  convaincu  ,  qu'il  veut 
bien  permettre  de  recourir  au  cercle  pour 
procurer  aux  chevaux  la  première  fouplefle. 
Sans  m'abandonner  à  l'examen  de  tous  les 
raifonnemens  auxquels  il  fe  livre  ,  6k  fans 
perdre  un   temps  précieux  à   marquer  les 
contradictions  qui  en  réfultent ,  il  me  fuffit 
que  l'action  fur  la  volte  foit  moins  pénible, 
moins  difficile  à  l'animal ,  pour  que  je  lui 
donne  la  préférence  fur  toute  autre. 

On  ne  doit  point  oublier  que  mon  unique 
intention  eft  d'aflbuplir  l'omoplate  &  l'hu- 
mérus ,  6k  que  je  ne  dois  avoir  à  préfent 
d'autre  but  que  de  folliciter  le  mouvement 
en  rond,  dont  le  bras  principalement,  ou 
fon  articulation  fphéroïde ,  eft  fufceptible; 
pénétré  de  l'importance  dont  il  eft  de  ne 
travailler  d'abord  toutes  les  proportions  dont 
la  machine  entière  eft  formée,  que  féparé- 
ment  6k  non  enfemble  ,  (voye\  ENCOLU- 
RE ,  )  mon  premier  foin  fera  de  divifer  er> 
quelque  façon  celles  que  j'ai  déjà  mifes 
en  jeu  ,  6k  celles  que  je  me  propofe  de 
dénouer  ici,  des  côtes  de  la  croupe,  fur 
lefquelies  je  ne  dois  encore  rien  entrepren-_ 
dre  directement,  6k  que  je  ne  contraindrai 
dans  mtt  opérations  ,  qu'autant  que  leur 
connexion  avec  la  tête  ,  l'encolure,  &  les 


sous  en  a  ouvert  une,  en  nous  indiquant  [épaules pourra  m'y  obliger. 


614  E  P  A 

Les  leçons  parlefquelles  j'ai  provoqué  les 
flexions  latérales  du  cou  &  le  port  de  la  tête 
de  côté  &  d'autre  ,  m'offrent  tous  les 
moyens  de  parvenir  à  mes  vues.  Je  trouve 
en  elles  non -feulement  l'avantage  que  je 
defire,  eu  égard  à  l'action  circulaire,  mais 
celui  d'augmenter  la  facilité  du  pli ,  dont 
ces  deux  premières  parties  ont  déjà  con- 
tracté l'habitude  ;  &  c'eft  ainfi  qu'une  feule 
route  me  conduit  à.  tout  ,  affure  toujours 
de  plus  en  plus  mes  fuccès  ,  &  que  j'ôte, 
en  un  mot ,  tout  prétexte  &  toute  idée  de 
défenfe  à  l'animal,  puifque  je  ne  le  foumets 
à  l'obéiflance  que  par  la  liberté  que  je  lui 
donne  d'obéir. 

Détournez  légèrement ,  au  moyen   du 
port  de  la  rêne  de  dehors  en-dedans,  &cde 
l'approche  de  la  jambe  de  ce  même  dedans , 
fi  la  rêne  déterminante  a  befoin  de  ce  Ce- 
cours  ,  le  cheval  dont  l'encolure  eft  pliée  , 
&  qui  par  le  droit  ck  au  pas  regarde  dans 
le  centre,  (voyq;  ENCOLURE,)  à  l'effet 
de  lui  faire  décrire  des  cercles  d'une  étendue 
proportionnée  à  fon  plus  ou  moins  de  dif- 
pofition  ck  de  volonté.  Auflî-tôt  qu'il  a 
quitté  la  ligne  droite  fur  laquelle  il  che- 
minoit,  augmentez  fubitement  l'aftion  de 
la  rêne  de  dedans  à  vous,  &  maintenant 
la  rêne  de  dehors  dans  un  degré  de  ten- 
don ,  non  auffi  fort ,  mais   feulement  en 
raifon  du  foutien  qui  doit  en  réfulter;  croi- 
fez-îa  imperceptiblement  &  pour  féconder 
amplement  celle  qui  plie,  Dans  cet  état  Ci 
vous  parccairez  la   ligne  de  la  volte ,  en 
élargiffant  infenfiblement  le  cheval,  il  eft. 
certain  que  fa  jambe  de  dedans  dans  cha- 
cune de  fes  foulées  fe  trouvera  précifément 
au-devant  de  la  pifte  de  la  jambe  de  dehors 
fa  voifine  ;  or  elle  ne  peut  s'y  placer  qu'au- 
tant que  les  parties  fupérieures  dont  elle  eft 
une  dépendance,    &  auxquelles  elle  doit 
{es  mouvemens ,  font  rapprochées  du  corps 
de  l'animal  ,  &  mues  dans  un  fens  oblique  ; 
d'où  nous  devons  conclure  que  cette  leçon 
convient    parfaitement   à    notre    projet  , 
puifqu'elle  fufcite  d'ans  l'humérus  &  dans 
l'omoplate  une  partie  de  l'action  que  nous 
nous  proposons  de  leur  imprimer ,  &  que 
cette  même  action  n'apportant  aucun  chan- 
gement dans  la  pifte  du  derrière, -ne  trou- 
ble en  aucune  manière  l'ordre  des  jam- 
bss  poftérieures,  dont  la  marche  s'erfec- 


E  P  A 

tue  fans  qu'elles  fe  refferrent  ou  fe  retré- 
ciffent. 

Le  cheval  habitué  à  cheminer  aux  deux 
mains ,  librement  &  dans  cette  pofition  où 
il  aura  été  entretenu  par  la  puiiTance  conf- 
tamment  combinée  des  deux  rênes  confiées 
à  une  main  habile ,  &  par  des  aides  mo- 
dérées de  la  jambe  de  dedans ,  fi  elles  ont 
été  néceffaires ,  le  cavalier  pourra  tenter 
de  porter  les  parties  qu'il  doit  dénouer  à 
faire  un  plus  grand  effort.  Il  croifera  donc 
la   rêne  de  dehors ,  dont  il  cherchera  à 
aiïurer  par  l'approche  de  fa  jambe  de  de- 
dans ,  de  façon   que  la  jambe  de  dehors 
du  cheval  avoifine  davantage  le  centre ,  &C 
foit  dans   une  oppofition   plus   ou  moins 
forte,  félon  les  progrès  de  l'animal,  avec 
l'extrémité  antérieure   de   dedans;  alors, 
&  dans  chacun  des  inftans   où  la  jambe 
dirigée  vers  la  volte  fera  pofée  ou  dans  fon 
appui ,  &  où  l'autre  extrémité  fera  élevée 
ou  dans  fon  foutien,  (voyq;  Manège.  ) 
il  croifera  la    rêne  de    dedans  qui  opère 
principalement  le  pli  par  fa  tendon,  &  qui 
opérera  encore,  par  fon  obliquité,  le  port 
de  cette  même  extrémité  vers  le  dehors  Se 
au-delà  de  la  pifte  qu'elle  marquoit ,  lorf- 
que  l'une  8>t  l'autre  étoient  moins  affujet- 
ties  ;  ainfi  au  lieu  de  fe  placer  fimplement 
dans  fa  battue  au-devant  de  la  jambe  de 
dehors ,  elle  chevalera  &c  parfera  fur  cette 
même  jambe.  Or  fi  dans  la  première  ac- 
tion nous  avons  obfervé  que  l'omoplate  &c 
l'humérus  accompîiiToient    une  partie   du 
mouvement  que   notre  unique  deifein  eft 
de  folliciter ,  il  eft  vifible  que,  dans  celle- 
ci  ,  qui  demande  de  la  part  du  maître  qui 
travaille  une  précifion ,  une  jufteffe  &  une 
attention  finguliere ,  nous  obtenons  de  l'a- 
nimal tout  ce  qu'il   peut  nous  accorder  , 
&  tout  ce  que  nous  devons  en  attendre, 
dès    qu'en  nous  conformant   fcrupuleufe- 
ment  à  cette  fage  maxime  qui  nous  aftreint 
à  détacher ,  pour  ainfi  dire  ,  du  corps  du 
cheval  les  parties  que  nous  voulons  aflbu- 
plir  ,  avant  d'entreprendre  de  les  mettre 
toutes  enfemble  &  d'accord  ,  nous  nous 
bornons  à  n'exercer  ici  que  le  bras  &  IV- 
paulc ,  indépendamment  des  côtés  &  <\es 
hanches  ,  de  la  fouplefie  defquelles  nous 
ne  fommes  point  encore  occupés. 

J'avoue  que  les  extrémités  poftérieures 

reçoivent 


E  P  A 

reçoivent  néanmoins  dans  ce  dernier  cas 
une  impreflion  dont  je  ne  peux  douter  , 
puifque  je  vois  que  la  jambe  de  derrière  de 
dedans  eft  preffée  &  rapprochée  de  la  jam- 
be de  derrière  de  dehors ,  &  que  leur  pifte 
eft  à-peu-près  marquée  comme  celle  des 
jambes  antérieures ,  fur  les  premiers  cer- 
cles que  j'ai  aflignés  ;  mais  ce  rétrecifîe- 
ment  eft  inévitable  ,  puifqu'il  n'eft  pas 
poflible  de  défunir  abfolument  le  derrière 
du  devant ,  &  d'interdire  entr'eux  une  re- 
lation qui  ne  pourroit  ceffer  qu'enfuite  d'une 
•  disjonction  entière  &  réelle  ;  la  croupe  n'é- 
prouve qu'une  légère  contrainte  ,  &  non 
une  gêne  dont  l'animal  puiflè  foufFrir  &  fe 
gendarmer.» 

Tel  eft  aurïï  le  point  auquel  nous  de- 
vons nous  arrêter.  Engager  lùr  ces  mêmes 
cercles  le  devant,  &  chaffer  les  hanches  , 
ainfi  que  le  prefcrit  le  duc  de  Newkaftle 
dans  fa  leçon  de  la  tête  de  dedans ,  de  la 
croupe  de  dehors  ,  ou  exécuter  cette  même 
leçon  fur  les  quarrés  ,  félon  le  vœu  de  M. 
la  Gueriniere  ,  (qui ,  s'il  n'avoit  pas  jugé  à 
propos  de  couper  une  phrafe  du  premier 
par  un  &c.  n'auroit  pu  déguifer  que  les 
cercles  ne  mettent  un  cheval  fur  le  devant 
que  par  la  faire  du  cavalier  qui  néglige  de 
le  foutenir  ,  )  ce  feroit  travailler  à  la  fois , 
de  l'aveu  même  de  l'un  &  de  l'autre,  non- 
feulement  les  épaules  ,  mais  les  côtés  &  la 
croupe  ,  (ans  parler  de  la  tête  &  de  l'enco- 
lure ,  pour  l'arlbuplhTement  defqueiles  nous 
ne  trouvons  dans  leur  ouvrage  aucune  le- 
çon particulière. 

Que  l'on  réfléchifïe  fans  partialité  fur 
l'entreprife  de  faire  mouvoir  enfemble  & 
tout-à-coup  une  foule  de  reflbrts ,  dont  la 
force  naturelle  prouve  la  difficulté  de  vain- 
cre la  roideur ,  tandis  que  tous  nos  efforts  , 
pour  les  mettre  en  jeu,  ne  peuvent  s'im- 
primer directement  que  fur  une  partie  foi- 
ble  ,  délicate  ,  &  auffi  fenfible  que  la  bou- 
che ;  &  l'on  jugera  dès-lors  fainement  du 
mérite  d'une  méthode  que  j'admirerois ,  fi 
je  ne  confultois  que  le  préjugé  ,  le  nombre 
de  fedateurs  qu'elle  a  eus ,  &  la  multitude 
de  partiians  qu'elle  a  encore,  (e) 

EPAULE  ,  {Maréchallerie.)  Cette  partie 
du  cheval  eft  fu jette  à  beaucoup  d'infirmités, 
comme  entre-ouverture  ,  écart ,  ou  effort 
d'épaule,  &c. 

Tome  XIL 


E  P  A  €i5 

Pour  mieux  expliquer  la  caufe  ,  les  effets 
de  ces  genres  de  maladies  ,  il  eft  impor- 
tant de  développer  la  compofition  anato- 
mique  de  la  partie  qui  en  eft  le  fiege. 

lfépaule  du  cheval  renferme  dans  fa 
compofition  des  os  ,  des  cartilages ,  des  li- 
gamens ,  des  mulcles ,  des  vaifîêaux  fan- 
guins ,  lymphatiques  &  herveux  ;  la  peau 
fert  d'enveloppe  à  toutes  ces  parties  orga- 
niques. 

Le  premier  des  os  eft  l'omoplate  ,  qui  a 
prefque  la  figure  triangulaire ,  dont  deux 
angles  font  fupérieurs ,  l'un  antérieur ,  &: 
le  iècond  poftérieuf,  qui  eft  plus  obtus: 
le  troifteme  eft  antérieur-inférieur.  Cet  os 
a  deux  fortes  de  connexions  ;  la  première 
fe  tait  par  fyfarcofe  ,  avec  les  vertèbres  du 
garrot  ,  au  moyen  d'une  forte  membrane 
ligamenteufe  qui  attache  &  aflujettit  à  cette 
partie  les  deux  angles  fupérieurs  de  cet  os  , 
qu'on  nomme  paleron  ;  ce  ligament  &  les 
mufcles  qui  lui  font  propres  ,  l'attachent 
aux  os  voifins  :  l'autre  articulation  fe  fait 
par  artrodie  avec  l'humérus  ,  l'omoplate 
aylnt  à  fon  angle  antérieur-inférieur  une 
cavité  glenoïde  qui  reçoit  la  tête  de  l'hu- 
mérus. Cette  cavité  eft  induite  d'un  carti- 
lage qui  facilite  le  mouvement  :  elle  a  un 
bord  ligamenteux  qui  la  rend  plus  profon- 
de &  plus  capable  d'embraffer  la  tête  de 
l'humérus  ,  &  en  fortifie  l'articulation. 

Le  dernier  des  os  eft  l'humérus  ;  il  eft 
articulé  par  fes  deux  extrémités ,  par  celle 
d'en-haut  avec  l'omoplate  par  artrodie  , 
(  on  appelle  vulgairement  cette  articula- 
tion la  pointe  de  Y  épaule  >  )  &  par  celle 
d'en-bas  doublement  ,  favoir  par  ginglime 
avec  le  cubitus  ,  &  par  artrodie  avec  le  ra- 
dius. Le  cubitus  eft  adhérent  au  radius  au- 
deftbus  de  l'apophyfe  olecrane,  partie  où 
le  cheval  fe  blefîe  ,  quand  il  fe  couche  en 
vache. 

Ces  articulations  font  recouvertes  de 
forts  ligamens  membraneux  ,  qui  pren- 
nent leur  attache  aux  extrémités  des  os  ar- 
ticulés ,  qu'ils  tiennent  fortement  jointes 
enfemble  ,  afin  qu'ils  ne  puifîênt  fortir  dé 
leur  place  :  ils  ont  feulement  la  liberté 
d'exécuter  leurs  divers  mouvemens. 

L'omoplate  fait  fes  différens  mouve- 
mens ,  au  moyen  de  cinq  mufcles  qui 
font  le  trapèze  ,  le  rhomboïde  ,  le  rele- 
Kkkk 


éi6  E  P  A 

veur  propre  ,  le  petit  pecloral ,  &  le  grand 
dentelé ,  qui  prend  ion  origine  de  la  bafe 
de  l'omoplate. 

L'humérus  efl  la  partie  de  l'épaule  du 
cheval  qui  exécute  les  plus  forts  mouve- 
mens :  ces  mouveœens  font  faits  par  le 
moyen  de  plufieurs  mufcles ,  qui  font  le 
deltoïde  ,  le  (us-épineux  ,  le  latiilimus  ,  le 
grand  rond  ,  le  grand  pectoral ,  le  coracoï- 
dien  ,  le  fous-épineux  ,  le  petit  rond  ,  &  le 
fous-fcapulaire. 

On  lait  que  les  mufcles  ont  deux  fortes  de 
mouvemens  ,  celui  de  contraction  ,  &  ce- 
lui d'extenfion ,  d'où  fuivent  tous  les  di- 
vers mouvemens  que  nous  voyons  faire  à 
l'animal.  On  peut  y  en  ajouter  un  troifie- 
me  ,  qu'on  appelle  mouvement  tonique  , 
qui  fe  fait  lorfque  plufieurs  mufcles  agiiîent 
de  concert ,  &  tiennent  une  partie  ferme 
&  bandée. 

Or  la  caufe  principale  de  l'effort  8 épaule 
vient  de  ce  que  l'un  de  ces  mouvemens  a 
été  exécuté  avec  violence  par  cet  organe  , 
foit  antérieurement ,  foit  pofférieurement , 
foit  latéralement ,  ou  dans  un  fens  oblique  : 
les  fibres  nerveufes  ,  les  tendineufes ,  les 
petits  tuyaux  fanguins  &  lymphatiques  qui 
entrent  dans  la  compofition  des  mufcles ,  & 
qui  fe  font  trouvés  les  uns .  en  contraction  , 
&  les  autres  en  extenfion  dans  ces  mouve- 
mens forcés,  en  font  plus  ou  moins  affec- 
tés ;  ce  qui  produit  un  effort  d'épaule ,  ou 
entre-ouverture  ,  ou  disjonction  de  cette 
partie ,  plus  ou  moins  difficile  à  guérir  , 
félon  le  cas.  Si  les  parties  qui  compofent 
ces  mufcles  n'ont  fubi  que  de  légers  tirail- 
îemens ,  &  qu'on  y  apporte  un  prompt  fe- 
cours  ,  quoique  le  cheval  en  boite ,  on  le 
guérit  facilement  ;  on  appelle  cette  mala- 
die faux  écart }  ou  effort  a' épaule Jimple  : 
fi  au  contraire  la  fecouffe  a  été  affez  tumui- 
tueule  pour  déranger  le  tiffu  cellulaire  des 
mufcles  ,  rompre  &  déchirer  fes  parties  or- 
ganiques ,  les  liquides  ne  pouvant  circuler 
que  difficilement ,  fi  on  n'y  apporte  un 
prompt  fecours  ,  la  partie  s'obfhue  ,  la  ma- 
ladie devient  fouvent  incurable,  &  pour- 
iors  on  l'appelle  disjonction  d'épaule  ou  en- 
tre-ouverture ;  fauffe  dénomination  qu'on  a 
donnée  ù  beaucoup  de  maladies  qui  font 
boiter  le  cheval ,  &  dont  on  ne  .connoît 
point  la  caufè.  Ce  n'eil  pas  que  l'éloigné- 


E  P  A 

ment  de  l'épaule  foit  impoŒible  ;  maïs 
cet  accident  conflitue  un  autre  genre  de 
maladie  que  celle  que  l'on  a  entendue 
fous  le  nom  Centre-ouverture  ou  disjonction 
d'épaule. 

L'entre-ouverture  ou  disjon#ion  des  os 
de  l'épaule  proprement  dite  ,  efl  un  des  plus 
hineftes  accidens  qui  puiilènt  arriver  au 
cheval  ;  voici  les  lignes  fymptomatiques 
qui  le  caradérilent  :  i°.  une  grande  dou- 
leur qui  fait  boiter  cet  animal  à  ne  pouvoir 
pofer  le  pié  à  terre  :  2°.  une  tumeur  qui 
s'étend  quelquefois  fur  toute  cette  extré- 
mité ,  &  qui  empêche  le  cheval  de  fe  cou- 
cher :  3°.  la  perte  du  boire  &  du  manger  : 
4°-  un  grand  battement  de  flancs  qui  iùp- 
pofe  toujours  la  fièvre  :  enfin  quelquefois 
la  fourbure  ,  d'où  fuit  affez  communément 
la  néceflité  de  faire  tuer  le  cheval. 

Cure  pour  l'écart  ou  effort  d'épaule  Jimple. 
On  faigne  le  cheval  à  la  veine  céphalique  , 
qu'on  appelle  communément  l'ars  3  &  l'on 
fait  une  charge  de  ion  iang  fur  toute  la 
partie  aiîligée  :  •  cinq  ou  fix  heures  après  la 
iaignée ,  on  emploie  des  médicamens  ré- 
folutifs  ,  pour  difliper  les  obftruCtions  ,  & 
donner  aux  liqueurs  nourricières  du  mou- 
vement ,  &  les  volatilifcr.  Ces  médicamens 
font  l'efprit  de  térébenthine  ,  d'afpic  ou  la- 
vande ,  l'huile  de  pétrole ,  le  baume  de  fio- 
ravanti  ou  de  Pérou  ,  le  tout  mêlé  avec 
l'eiprit-de-vin  camfré  &  appliqué  fur  la 
partie  :  on  a  foin  de  les  faire  pénétrer  par 
des  frictions  avec  la  main ,  d'expofer  le 
cheval  ,  fi  c'eft  en  été ,  au  grand  foîeil  ; 
en  hiver  on  préfente  une  pelle  de  fer  bien 
chaude  auprès  de  la  partie  ,  dans  la  même 
intention  :  on  attache  le  cheval  à  deux  lon- 
ges , l'une  au  râtelier,  &  l'autre  à  la  man- 
geoire, afin  qu'il  ne  puifliç  point  fe  cou- 
cher de  neuf  jours ,  pendant  leiquels  on  le 
laijfe  à  la  diète ,  favoir  à  la  paille  ,  au  fon 
mouillé  donné  en  petite  quantité  ,  &  à  l'eau 
blanche. 

Si  le  cheval  n'eft  point  guéri  au  bout  de 
ce  temps  ,  ou  qu'il  lui  reffe  quelque  foi- 
blefié  à  cette  partie  ,  on  fe  fert  d'un  bain  , 
pour  y  faire  deux  fois  par  jour  des  fomen- 
tations un  peu  chaudes.  Ce  bain  doit  être 
compofé  avec  les  herbes  aromatiques  & 
émollientes  ;  favoir  ,  le  feordium  ,  l'ab- 
fynthe ,  la  fauge ,  le  romarin  ,  la  graine  de 


E  P  A 

genièvre  piîée  ,  les  fommités  de  milleper- 
tuis ,  de  camomille ,  de  bouillon  blanc  ,  du 
thym  &  du  pouillot  ,  &c,  on  fait  bouillir 
pendant  une  heure  le  tout  dans  de  la  lie 
de  vin  ,  &  dans  du  vin  ,  au  défaut  de  la 
lie. 

Si  l'effort  d'épaule  eu  ancien ,  il  demande 
des    remèdes  plus    forts  ,    qui  foient   ca- 
pables   de    réfoudre    les  liqueurs  arrêtées 
dans   le  tiffu  cellulaire  des  mufcles.   Ces 
médicamens  font  les  baumes   du   Pérou  , 
mêlés  avec  l'eiprit-de-vin  camfré  ,  l'efprit 
de  genièvre ,  l'efprit  de  ver  de  terre  ,  de  fel 
ammoniac  ou  d'urine  ;  ou  ,  à  la  place   de 
cette  compofition  ,  on  fe'fervira  de  l'em- 
plâtre  de   gomme  diiTous  dans  l'huile  de 
tartre ,  appliqué  un  peu  chaud  fur  la  par- 
tie affligée.    Si  ces  médicamens  ne  réuffif- 
(ent  point  ,  on  fait  au  cheval  un  cautère 
entre  ["épaule    &  le  fternum  ,  qu'on  laiffe 
couler   pendant  l'efpace  de   dix  à  douze 
jours  ,  &  plus  ,  li  le  cas  l'exige  :  on  (e  fert 
auffi  du  féron  ,  qu'on  lui  applique  tantôt  à 
une  partie  de  V épaule  }  tantôt  à  une  autre. 
Pour  dernier  remede  on  y  met  le  feu  en 
baies  ou  en  pointes  ;  on  y  applique  uty  fi- 
roëne   pardeffus  le    feu  ,  qu'on  laifîê  juf- 
qu'à  ce  qu'il  tombe  :  enfin  on  fait  prome- 
ner le  cheval  en  main  pendant  un  certain 
temps,  pour  donner  la  facilité  à  la  nature 
de  rétablir  les  forces  dans  cette  partie  :  car 
l'effort  d'épaule  ,  quoique  fimple  ,  devient 
fouvent  incurable  par  l'empreffement  que 
l'on  a  de  vouloir  fe  lervir  trop  tôtde  l'animal, 
&  de  l'erreur  où  l'on  eff.  en  le  croyant  guéri: 
il  peut  l'être  en  effet  pour  de  certains  petits 
ufages  ;  car  tel   cheval  eff  droit  d'un  écart 
pour  rouler  doucement,  qui  ne  le  feroit 
pas  pour  pouffer  un  relai  de  quatre  ou  fix 
lieues  fur  le  pavé,  mené  vivement:  de  mê- 
me fi  c'efi  un  cheval  de  felle  ,  il  peut  être 
droit   pour  un  voyageur  qui  ne  va  qu'au 
pas  ,  &  il  ne  le  feroit  pas  fi  on  le  menoit  à 
la  chaffe  ou  à  quelqu'autre  exercice  fembla- 
ble.  On  peut  conclure  de-là  que  la  guérifon 
de  cet  accident  dépend  autant  du  ménage- 
ment que  l'on  doit  avoir  pour  le  cheval , 
que  des  remèdes  qu'on  lui  adminiftre. 

Les  épaules  des  chevaux  font  fujettes  à  un 
autre  genre  de  maladie  ,  que  nous  allons 
divifer  en  trois  eipeces  différentes  ,  qui  ont 
chacune  leur  caufe  particulière ,   &  quel- 


E  P  A  6ij 

quefois  plufieurs  enfemble  :  on  les  a  fouvent 
confondues  fous  une  même  dénomination. 
On  appelle  cette  forte  de  maladie  tantôt 
épaule  s  froide  s  ou  emreprifes ,  tantôt  épaules 
chevillées  ^  tantôt  épaules  étroites  ou  ferrées. 
i°.  On  doit  entendre  d'un  cheval  qu'il  a 
les  épaules  froides  ,  lorfque  Ces  parties  étant 
bien  conformées  ,  fans  aucune  apparence 
d'accident ,  il  ne  laiffe  pas  de  boiter  ,  au 
fbrtir  de  l'écurie ,  des  deux  jambes  de  de- 
vant ,  comme  s'il  étoit  fourbu  ,  jufqu'à  ce 
qu'il  foit  échauffé  par  le  travail ,  du  moins 
quand  ces  parties  font  engourdies  à  un  cer- 
tain degré.  2°.  On  doit  dire  que  cet  animal  a 
les  épaules  chevillées  ,  lorfqu'il  a  ces  parties 
fort  grofîès ,  fort  larges  &  fort  charnues , 
ainfi  que  le  garrot.  3°-  Un  cheval  a  les  épau- 
les étroites  ou  ferrées ,  lorfqu'il  a  ces  parties 
fi  près  l'une  de  l'autre  ,  qu'à  peine  peut-il 
marcher  fans  croifer  les  jambes. 

Ces  deux  derniers  défauts  font  des  vices 
de  conformation  ,  oppofés  l'un  à  l'autre  : 
ils  caufent  pour  l'ordinaire  au  cheval  la 
même  infirmité  que  l'accident  que  nout 
venons  de  défigner  fous  le  nom  d'épaules 
froides  ou  entrepnfes. 

En  remontant  à  la  première  caufe  de  cet 
accident ,  nous  allons  faire  fentir  pourquoi 
les  chevaux  anglois,  &  fur-tout  les  che- 
vaux de  felle ,  font  plus  fujets  à  cette  ma- 
ladie que  ceux  des  autres  nations. 

Dans  les  courfes  violentes  qu'on  fait  faire 
à  un  cheval,  avant  qu'il  ait  atteint  l'âge  & 
les  forces  propres  à  réliffer  à  ces  fatigues  , 
telles  que  les  Anglois  en  fontfoutenir  à  leurs 
chevaux ,  les  mufcles  &  les  ligamens  n'ayant 
peint  encore  acquis  la  confiflance  néceiiai- 
re  pour  fupporrerles  extenfions  que  ces  par- 
ties éprouvent  dans  ces  mouvemens  forcés  , 
il  arrive  que  ces  ligamens  &:  ces  mufcles  fe 
relâchent  ;  la  fynoyie  perd  fa  fluidité  ;  les 
petits  vaiffeaux  lymphatiques  &  les  petits 
cordons  nerveux  fe  diftendent  ;  la  lymphe 
ne  pouvant  plus  circuler  dans  (es  petits 
tuyaux,  non  plus  que  les  efprits,  (s'il en 
exifie  réellement ,  )  les  fibres  perdent  de 
leur  mouvement  &  de  leur  reflort  ,  faute 
d'être  tenus  bandés  &  raccourcis  par  l'élaf- 
ticité  des  nerfs  ;  &  l'animal  cfl  perclus.  Cet 
accident  augmente  encore  par  lepafïage  du 
chaud  au  froid ,  après  ces  violens  exercices  ; 
alors  les  corpufcules  de  l'air  s'infinuant  dans 
Kkkk  2 


4z8  E  P  A 

les  pores  de  la  peau  ,  que  la  chaleur  a  dila- 
tés ,  coagulent  la  lymphe ,  &  caiifent  des 
obftrudions  dans  toute  la  fubftance  des 
mufcles  &  des  ligamens  de  l'épaule  :  d'où 
fuit  que  la  férofité  ne  pouvant  plus  être 
contenue  dans  (es  petits  tuyaux  y  s'épan- 
che ,  ne  circule  que  difficilement  &  ac- 
quiert cette  acidité  qui  caufe  une  éré- 
thifme  aux  fibres  membraneuies  ,  ce  qui 
gêne  le   mouvement. 

Mais  comme  l'obirruâion  ne  fè  fait  que 
par' degrés,  l'afFoibliffement  &  l'engourdif- 
fement  qu'elle  caufe  ne  font  pas  tout-à- 
coup  fienfibles  :  quelque  palliatif  même  ,  & 
un  travail  modéré  ,  fait  difparoître  pour  un 
temps  cette  léfion  dans  les  épaules  des  che- 
vaux ;  de  forte  que  celui  qui  a  envie  de  les 
acheter  n'en  peut  rien  appercevoir.  En  effet 
quel  eft  le  connoiffeur  qui  peut  deviner 
qu'un  cheval  périra  par  les  épaules ,  lorfqu'il 
voit  ces  parties  bien  conformées  &  libres 
en  apparence-,  &  que  l'animal  eff  d'ailleurs 
gai  ,  vigoureux  ,  potelé  ?  car  malheureufe- 
ment  l'acquéreur  n'a  point  la  liberté  de  le 
travailler  affez  pour  le  tâter  à  fond  ,■  &  de 
le  voir  le  lendemain  troter  après  qu'il  efi 
pefroidk  II  ne  peut  donc  que  l'acheter  au 
hafard  ,  à  moins  qu'il  n'oblige  le  marchand 
à  lui  donner  le  temps  de  l'éprouver  &  de  le 
connoître  ;  précaution  que  celui-ci  a  inté- 
rêt d'éluder  ,  mais  qu'on  a  encore  plus  d'in- 
térêt à  prendre.  Au  défaut  dé  cet  examen  , 
quand  on  vient ,  après  l'avoir  acquis,  à  le- 
faire  travailler  un  peu  fort ,  on  commence 
par  degrés  à  s'appercevoir  de  la  foibleffe 
des  épaules,  tantôt  d'un  côté ,  tantôt  de 
l'autre,  &  quelquefois  des  deux  en  même 
temps  :  enfin  le  cheval  s'engourdit  telle-r 
ment ,  &  va  fi  près  du  tapin  ,  qu'il  bronche 
à  chaque  infiant ,  &  devient  par  fucceflion 
des  temps  fi  perclus,  qu'il  paroît  comme 
fourbu  au  fortir  de  l'écurie. 

On  voit  par  cet  expofé  ,  i°.  pourquoi  lès 
chevaux  anglois  font  plus  fujets  que  d'au- 
tres à  avoir  les  épaules  froidesou  entreprifes: 
2,  .  quel  danger  on  court  en  les  achetant, 
puifque  l'on  n'a  pas  le  temps  de  les  éprou- 
ver à  fond.  Pour  être  convaincu  de  ce  dan-_ 
ger  ,  il-  fuffit  de  voir  qu'entre  ceux  que.  l'on 
acheté  pour  les  remontes  des  écuries- roya- 
les ,  qui  font  fans  contredit  choifis-,  foignés 
&  montés  par  d'exçellens  écuy.ers,  cepen- 


E  P  A 

dant  iî  en  çû  beaucoup  qui  périffent  par  ces 
parties  ,  fans  que  tout  l'art  &  toute  l'expé- 
rience poffible  ait  pu  les  faire  prévoir  dans 
les  achats. 

Cette  maladie  reconnoît  encore  pour 
caufe  féconde  ,  le  trop  de  repos  donné  au 
cheval ,  nommément  au  cheval  anglois  , 
qui  a  prefque  toujours  fubi  ces  violens  exer- 
cices dès  fa  tendre  jeuneffe  :  car  les  muf- 
cles &  les  ligamens  reflanf  long-temps  dans 
l'inaction  ,  après  ces  courfes  outrées ,  de— 
viennent  roides  &  inflexibles;  parce  que  le' 
fuc  nourricier  que  leurs  fibres  fatiguées  & 
difîendues  reçoivent  en  cet  état ,  remplit 
leurs  petires  cellules,  s'y  épaiflit,  s'y  con- 
denfe  ,  &  comprime  les  petits  cordons  ner- 
veux ,  ce  qui  prive  ces  parties  organiques 
de  leur  foupleffe  naturelle ,  ainfi  que  de- 
leur  élafhcité  ;  d'où  réfulte  cet  engour-. 
diffement  qu'on  appelle  épaule  froide  ou 
cntreprife. 

Le  défaut  des  épaules  chevillées  eft ,  corn-- 
me  nous  l'avons  dit ,  un  vice  de  conforma-. 
Bon  de  ces  parties  :.car  il  réfulte  néceflàire-. 
ment  qu'un  cheval  qui  a  les  épaules  &  le. 
garrot  fort  gros  &  fort  charnus  ,  doit  avoir- 
le  mouvement  moins  libre  que  celui  qui  a* 
ces  parties  bien  faites  &  bien  conformées  ; 
car  les  mufcles  &  les  ligamens  propres  ;i 
mouvoir  ces  parties  étant  enveloppées  de- 
chair  &  de  graiffe ,  n'exécutent  qu'avec  peine- 
leurs  divers  mouvemens. 

Les  épaules  ferrées  &  étroites  font  de  me-- 
me  un  vice  de  conformation  ,  car  un  che-- 
val  qui  eft  fort  ferré  &  fort  étroit  des  épau-. 
les  a  par.  conféquent  le  flernum  très-étroit  : 
les  omoplates  &  les  humérus  appliqués  Se 
collés  fur  le  fiernum  laiffent  fi  peu  de  dis- 
tance d'un  avant-bras  à  l'autre ,  qu'àpcine: 
l'animal  peut  troter  ou  galoper  fans  fe  étof- 
fer les  jambes  &   fe  couper  ;  ce  vice  fait- 
tomber  les  épaules  du  cheval  dans  un  amai-. 
grifîement    total.   Cette   efpece  d'atrophie 
influe  non  feulement  fur  les  graiffes ,   mais- 
encore  fur  les  mufcles,  furies  ligamens  & 
furies  articulations  ;  ces  parties  n'étant  pas. 
affez  enduites  par  un  nouveau  fuc  nour-. 
cier  ,  deviennent  fi  feches  &  fi  arides ,  qu'el-u 
les  ne  peuvent  que  difficilement  agir. 

On  voit,  par  ce  que  nous  venons  de  dire: 
de  ces  maladies,  que  celles  qui  font  pro-* 
duitçs  par  vice  de.  conformation  font  incu-*. 


E  P  A 

rablcs-';  elles  ont  feulement  feryi ,  &  fer- 
vent encore  de  règle  prefque  générale  ,  pour 
prédire  ce  qui  doit  réfulter  de  l'un  ou  l'au- 
tre. Quoique  cette  règle  fouffre  des  excep- 
tions ,  il  eft  toujours  très-prudent  de  ne 
point  s'en  écarter  ,  fur-tout  dans  l'achat 
des  chevaux  de  (elle  ,  &  encore  plus  de  ceux 
qu'on  deftine  à  la  chalfe  &  à  des  exercices 
violens. 

Nous  finiffons  à  regret  l'article  de  ces 
maladies  particulièrement  de  celle  des  épau- 
les froides  ou  entreprifes  ,.  fans  pouvoir 
indiquer  aucun  fpécifique  propre  à  la  vain- 
cre: on  a  fait  mille  tentatives  infru&ueuf es 
qui  n'annoncent  que  trop  notre  infuffi- 
fance  à  la  guérir  :  on  y  a  eflayé  quantité  de 
remèdes  internes  &  externes  ;  les  internes 
font  les  fondans ,  les  fudorifiques  ,  les  diuré- 
tiques, les  panacées  mercurielles  &  anti- 
moniales ;  &  pour  remèdes  externes ,  les 
fomentations  ,  les  frictions ,  les  emplâtres., 
les  onguens  ,  les  fêtons ,  les  cautères  poten- 
tiels &  actuels ,  &  tout  cela  fort  inutile- 
ment ;  car  fi  quelques  chevaux  entrepris 
des  épaules  fe  font  trouvés  guéris  ,  on  doit 
plutôt  l'attribuer  au  repos  modéré-  qu'on 
leur  a  donné  ,  qu'aux  remèdes  ;  mais  nous 
dirons  de  cette  maladie  ce  que  nous  avons 
dit  de  l'éparvin ,  que  le  bon  moyen  de  la 
guérir  c'eft  de  ne  pas  la.caufer.  Cet  article 
efi  de  M.  G  EN  S  ON. 

Epaule  ,  en  terme  de  Fortification-,  eft 
la  partie  du  baftion  où  la  face  &  le  flanc 
fe  joignent  enfemble ,  &  où  ils  font  un  an-, 
gle  qu'on  appelle  Y  angle  de.  l'épaule. .  Voye\ 
Bastion.  (Q) 

Epaule  de  Mouton  ,  (  Chargent.  ) 
la  plus  grande  des  coignées  dont  fe  fervent 
ces  ouvrier*  pour  drefler  &.  équarrir  leurs 
bois. 

Epaule  d'un  Vaisseau  ,  (Marine.  ) 
virures  de  l'avant:  ce  font  les:  parties  du 
bordage  qui  viennent  de  l'éperon  vers  les 
hauts  bans  de  mifene  ,.  où  il  fe  forme  une 
rondeur  qui  foutient  le.  vaifTeau  fur  l'eau. 

ÉPAULÉE,  fi  f.  en  Maçonnerie.  Ce 
terme  a-  lieu  ;  lorfqu'un ,  bâtiment ,  au  lieu 
d'être  levé  de  luite  &  de  niveau  ,  eft  repris 
par  redens  ,  c*eft-à-dire  à  diverfes  reprifes 
ou  à  divers  temps  ,  comme  cela  fe  pratique 
quand,  on  travaille  par  fous-œuvre.  (P) 


E  P  A  6i9 

EPAULEMENT,  f.  m.  en  terme  de 
Fortification  y  eft  un  ouvrage  ou  une  élé- 
vation de  terre  qui  fert  à  couvrir  du  canon 
de  l'ennemi.  Ainfi  on  appelle  épaulement 
tout  parapet  à  l'abri  duquel  on  peut  faire 
le  fervice  ;  c'eft  pourquoi ,  dans  l'artille- 
rie ,  le  parapet  des  batteries  eft  appelle 
épaulement.    Voye\  BATTERIE. 

C'eft  encore  la  partie  avancée  d'un  flanc 
couvert ,  non  arrondi.   Voyei^  ORILLON- 

Il  étoit  autrefois  d'ufage  de  faire  des  épau~  . 
lemens  dans  les  fieges  pour  couvrir  la  cava- 
lerie du  canon  de  l'affiégé  :  mais  cette  cou* 
tume  ne  fubfifte  plus.  (  Q  ) 

EPAULEMEMT  ,  (  Charpente.  )  fert  à 
couvrir  un  des  côtés  de  la  mortoife  ,  &  il 
fe  lait  en  recran  d'un  côté ,  d'environ  ur> 
pouce  ,  de  la  largeur  du  tenon. 

EPAULER  un  Cheval  ,  (  Manège  „ 
Maréchall.  )  c'eft  occafioner  dans  l'une  ou* 
l'autre  de  fes  épaules  un  mal  qui  le  rend  in- 
capable de  fervice.  Ce  mot  pris  néanmoins» 
dans  fon  véritable  fens ,  ne.  doit  être  appli- 
qué que  dans  le  cas  où  ce  mal  eft  incurable  , 
(bit  par  fa  propre  nature ,  foit  par  fes  pro- 
grès communément  favorifés  par  ceux  à> 
qui  le  traitement  en-  eft  dévolu.  Ainii  un. 
cheval  épaulé  eft  véritablement  un  chevaL 
inutile  ,  qui  ne  fera  jamais   d'aucun  ufage*. 

(0 

SPAULIERES, f.  f.  pi.  {Basaumé-- 
tier.  )  parties  du  métier  à  faire  des.  bas*. 
Voye\  V article  BAS  AU  MÉTIER. . 

*  EPAULIES  ,  f,  m.  pi.  c'eft  ainfi  que; 
les  Grecs  appelloient  le  lendemain  des  no— ■ 
ces.  Ce  jour  les  parens  &  les  conviés  fai-- 
foient  des  préfens  aux  nouveaux  mariés^ 
On Tappelloit  épaulie ,  de  ce  que  lepoufe- 
n'habitoit  la  maifon  de  fon  époux.que  de  ce* 
jour.  On  donnoit  le  même  nom  aux  pré*- 
fens  ,  fur-tout  aux  meubles  que  le*  mari  re— - 
cevoit  de  fon.  beau-pere..  Ces  préfens  fe? 
tranfportoient  publiquement  &  en  cérémo-- 
nie  ;  un  jeune  homme ,  vêtu  de  blanc  &: 
portant  à  la  main  un  flambeau  allumé  , , 
précédoit  la  marche» . 

•  *EPEAUTRE,  f..m.  (Agriculture.) 
efpece  de  froment  dont  le  grain  eft  petitj 
&  plus  brun  qu'au  froment  ordinaire.  Om 
en  diftingue  de  deux  fortes-;  le  fimple  ,  &: 
celui  qui  a  double  bourre  &  toujours  deux: 
grains    dans   chaque  gouiTe*  Oa.  en,  hic. 


6$o  EPE 

du  pain  qui  n'eft  pas  défâgréabic  au  goût, 
mais  qui  eft  lourd  à  l'eftomac.  Les  anciens 
en  compofoient  leur  jromentée  ,  efpece  de 
bouillie  qu'ils  ont  beaucoup  vantée  ;  & 
l'on  en  fait  aujourd'hui  en  quelques  endroits 
de  la  bière.  Vépeautre  eft  un  grain  moyen 
entre  le  froment  &  l'orge.  La  plante 
refTemble  beaucoup  à  celle  du  froment  ; 
elle  a  le  tuyau  plus  mince  ,  l'épi  plat  & 
uni ,  le  grain  jeté  feulement  de  deux  côtés, 
&  une  barbe  longue  &  déliée.  On  donne 
le  nom  çYépeautre  à  une  efpece  de  feigle 
blanc. 

*  EPECHER|POILE  ,  (  Fontainesfalan- 
tes.  )  c'eft  à  la  fin  d'une  remandure , 
(  Voye\  Remandure  ,  )  puifèr  le  refte 
de  la  muire,  (  Voye\  MuiRE,)  qui  fè 
trouve  au  fond  de  la  poîle ,  &  la  porter  aux 
cuves  ou  réfervoirs ,  pour  y  fortifier  les 
eaux  foibles.   Voye\  SALINE. 

EPÉE  7[.f.  (  Efcrime.  )  arme  ofFenfive 
qu'on  porte  au  côté ,  enfermée  dans  un  four- 
reau ,  qui  perce  ,  pique  &  coupe  ,  &  qui  eft 
en  ufage  chez  prefque  toutes  les  nations. 
Elle  eft  compofee  d'une  lame ,  d'une  garde  , 
d'une  poignée  &  d'un  pommeau  :  à  quoi 
l'on  peut  ajouter  la  tranche  de  la  garde , 
le  fourreau  ,  le  crochet  &  le  bout.  Voye\ 
Garde  ,  Fourreau. 

La  lame  eft  un  morceau  de  fer  ou  d'acier 
qui  a  deux  tranchans  ,  deux  plats  ,  une 
pointe  ,  &  la  foie.  « 

Le  tranchant  (  en  terme  d'efcrime  le 
vrai  tranchant y)  eft  la  partie  delà  lame 
avec  laquelle  on  fe  défend  ;  c'eft  celui  qui 
eft  du  côté  gauche  de  la  lame  ,  quand  on 
a  Yépée  plachée  dans  la  main. 

Le  faux  tranchant  ,  eft  celui  dont  on  fait 
rarement  ufàge,  &  qui  eft  du  côté  droit  de 
la  lame. 

Le  tranchant  fe  divife  en  trois  parties , 
qu'on  appelle  le  talon ,  lef&ible  ,  &  le  fort. 

Le  talon ,  eft  le  tiers  du  tranchant  le  plus 
près  de  la  garde. 

Le  foible  ,  eft  le  tiers  du  tranchant  qui 
fait  l'extrémité  de  la  lame. 

Le  fort ,  eft  le  tiers  du  tranchant  qui  eft 
entre  le  foible  &  le  talon. 

Le  plat ,  eft  la  partie  de  la  lame  qui  eft 
entre  les  deux  tranchans. 

La  pointe  ,  eft  la  partie  de  la  lame  avec 
laquelle   on  perce  l'ennemi. 


EPE 

La  foie  ,  eft  la  partie  de  la  lame  qui  en- 
file la  garde ,  la  poignée  ,  &  le  pommeau. 

La  garde  ,  eft  la  partie  de  ïe'pe'e  qui  ga- 
rantit la  main. 

La  poignée  ,  eft  la  partie  de  Yépée  avec 
laquelle  on  la  tient. 

Le  pommeau  ,  eft  la  partie  de  Yépe'e  à 
l'extrémité  de  laquelle  on  rive  la  foie  ,  & 
où  elle  eft  attachée. 

Les  maîtres  en  fait  d'armes  divifent  en- 
core ,  Yépée  en  trois  parties ,  la  haute  ,  la 
moyenne  &  la  baffe ,  &  en  fort ,  mi-fort 
&  foible.  Le  fort  de  Yépée  eft  la  partie  la 
plus  proche  de  la  garde.  Le  mi-fort  gît  au 
milieu  &  aux  environs  de  la  lame,  &  le 
foible  eft  le  refte  qui  va  julqu'à  la  pointe. 
Ils  divifent  de  même  le  corps  en  trois  , 
dont  la  partie  haute  comprend  la  tête  ,  la 
gorge  &  les  épaules  ;  la  moyenne ,  la  poi- 
trine ,  l'eftomac  &  le  ventre  fupérieur  ;  & 
la  baffe  ,  le  ventre  inférieur  &  au  défaut 
jufque  vers  le  milieu  des  cuiffes.  Voye% 
Escrime. 

Ëpée  a  deux  mains  ou  efpadon  ,  eft  une 
large  épe'e  qu'on  tient  à  deux  mains  ,  & 
qu'on  tourne  11  vite  &  li  adroitement ,  qu'on 
en  demeure  toujours  couvert. 

Il  y  a  des  épées  quarrées  ,  il  y  en  a  de 
plates  ,  de  longues  &  de  courtes. 

Lesfauvages  du  Mexique  ,  dans  le  temps 
que  les  Efpagnols  y  abordèrent  pour  la  pre- 
mière fois ,  n'avoient  que  des  épc'es  de  bois  , 
dont  ils  fe  fervoient  avec  autant  d'avan- 
tage que  nous  des  nôtres. 

En  Efpagne  ,  la  longueur  des  épées  eft 
fixée  par  autorité  publique.  Les  anciens 
chevaliers  donnoient  des  noms  à  leurs 
épées  :  celle  de  Charlemagne  s'appelloit 
joyeufe  ,  celle  de  Roland  durandal ,  &c. 

Les  épées  dans  les  premiers  temps  de  la 
troifieme  race  de  nos  rois  dévoient  erre 
larges  ,  fortes ,  &  d'une  bonne  trempe  , 
pour  ne  point  fe  cafTer  fur  les  cafques  &  fin- 
ies cuiraffes ,  quifaifoient  tant  de  réfiftance  ; 
&  telle  fut  celle  de  Godefroy  de  Bouillon  , 
dont  quelques  hiftoires  de  croifades  difenr , 
qu'il  fendoit  un  homme  en  deux.  La  même 
chofe  eft  racontée  de  l'empereur  Conrad  au 
fiege  de  Damas. 

M.  Ducange  dit  que  ces  faits,  tout  in- 
croyables qu'ils  paroiftènt ,  ne  lui  femble- 
rent  plus  tout-à-fait  hors  de  vraifèmblance 


E   P  E 

depuis  qu'il  eut  vu  à  Saint  Faron  de  Meaux 
une  épée  antique  que  l'on  dit  avoir  été  celle 
d'Ogier  le  Danois ,  lî  fameux  du  temps  de 
Charlémagne  ,  au  moins  dans  les  romans  , 
tant  cette  épée  cil  pelante  ,  &  tant  par  can- 
ïequent  elle  fuppolbit  de  force  dans  celui 
qui  la  manioit.  Le  P.  Daniel  qui  l'a  taire 
peler  ,  dit  qu'elle  pefe  cinq  livres  &  un 
quarteron.  Hïftoire  de  la  milice  francoife. 
M.  le  maréchal  de  Puyfegur  prétend  que 
Y  épée  efl  une  arme  inutile  &  embarralfante 
au  foldat.  Voye\  ARMES.  (Q) 

ÉPÉE  ,  (Art  militaire.)  On  ne  s'arrê- 
tera point  ici  à  parcourir  toutes  les  nations 
de  l'antiquité  qui  fe  fervoient  de  Y  e'pee  , 
ni  à  décrire  les  différentes  formes  qu'elles 
lui  donnoient.  On  fe  contentera  de  remar  - 
quer,  comme  l'ont  déjà  fait  plufieurs  au- 
teurs ,  qu'il  y  avoit  des  épies  courtes ,  for- 
tes ,  qui  frappoient  d'eftoc  &  de  taille  , 
telles  quetoient  celles  des  Efpagnols  ,  que 
les  Romains  empruntèrent  d'eux  ,  &  avec 
lefquelles  ,  dit  Tite-Live  ,  ils  coupoient 
des  bras  entiers ,  enlevoient  des  têtes  ,  & 
failoient  des  bleflùres  terribles  (a).  Il  y 
en  avoit  de  longues  &  fans  pointe  ,  qui  ne 
fervoient  qu'à  frapper  de  taille  ,  comme 
étoient  celles  des  Gaulois  ,  qui  ,  quoique 
plus  braves  que  les  Romains ,  ne  les  défi- 
rent prefque  jamais^  parce  que  leur  igno- 
rance &  leur  aveuglement  ne  leur  per- 
mirent pas  de  reconnoître  le  défaut  de 
leurs  armes  ,  &  de  prendre  celles  de  leurs 
ennemis. 

Les  François  fous  la  première  race  ,  dès- 
lors  comme  aujourd'hui  pleins  de  vigueur 
&  d'impétuofité  ,  portoient ,  outre  leurs 
francifques  (b)  &  leurs  javelots  ,  des  e'pe'es 
courtes  &  tranchantes  qui  les  rendoient 
très-redoutables  dans  toutes  (ortes  d'atta- 
ques. Il  y  eut  quelques  changemens  dans 
leurs  armes  fous  la  féconde  race ,  du  moins 
on  leur  donna  des  arcs  &  des  flèches  ,  mais 
pour  cela  on  ne  leur  ôta  pas  Yépée.    On 


E  P  E  6$x 

remarque  feulement  que  depuis  il  y  eut 
quelques  variations  dans  la  forme  &  les 
dimenfions  de  cette  arme. 

Il  cil  certain  que  tant  qu'on  ne  quitta 
pas  4'armure  complète  ,  1  es  épées  dévoient 
être  larges  ,  fortes  ,  &  d'une  excellente 
trempe  ,  pour  ne  point  fe  cafîer  fur  les 
calques  ,  les  cuiraifes  ,  &c.  qui  faifoient 
tant  de  refiflance  ;  &  telle  fans  doute  fut 
celle  de  Godefroy  de  Bouillon  ,  dont  les 
hiffo'res  des  croifades  nous  difent  qu'il 
fendoit  un  homme  en  deux.  Le  P.  Daniel , 
(  Hïftoire  de  la  Milice  franpoife  y  tome  I y 
liv.  VI y  chip.  4.  )  qui  cite  les  merveilles 
de  cette  épée  ,  rapporte  que  la  même  chofè 
efl  racontée  de  l'empereur  Conrad  au  fiege 
de  Damas.  Il  ajoute  que  ces  fairs ,  tout 
incroyables  j  qu'ils  paroifîent ,  ne  femble- 
rent  plus  fi  fort  hors  de  vraifemblance  à 
Ducange  ,  depuis  qu'il  eut  vu  à  Saint 
Faron  de  Meaux  une  épe'e  antique ,  qu'on 
dit  avoir  été  celle  d'Ogier  le  Danois,  fi 
fameux  du  temps  de  Charlémagne  ;  tant 
il  la  trouva  pelante  ;  &  tant  par  confé- 
quent  il  fuppofoit  de  force  dans  celui  qui 
la  manioit.  Il  efl  probable  que  ces  fortes 
d' épée  s  étoient  plus  longues  que  celles  qui 
étoient  le  plus  généralement  en  ufage  dans 
ce  temps-là  ,  afin  d'avoir  plus  de  coups  &: 
faire  de  telles  exécutions.  En  effet,  félon 
le  même  auteur  ,  celle  d'Ogier  a  trois  pies 
un  pouce  de  lame  ,  trois  pouces  de  lar- 
geur vers  la  garde  ,  &  un  pouce  &  demi 
vers  la  pointe  ;  la  garde  efï  de  fept  pouces 
de  longueur ,  &  elle  pefe  cinq  livres  un 
quart.  (  Hïftoire  de  la  Milice  francoife  y 
tome  I }  liv.  VI ,  chap.  4.  ) 

Les  épées  du  temps  de  S.  Louis  étoient , 
comme  celles  des  Francs  ,  courtes  &  tran- 
chantes des  deux  côtés  :  c'eft  ce  que  nous 
apprenons  par  la  relation  de  la  bataille  de 
Benevent ,  où  Charles  d'Anjou  ,  frère  de 
S.  Louis ,  défit  Mainfroi  fon  compétiteur 
pour   le   royaume   de    Sicile  ,    rapportée 


(  a  )  Gludio   lliftanienfi  detruncata.  corpor.%  brachtis  abfcijfis  ,  aut  totâ  cervice  deje&â  ,   divtfa  * 
eorpore  capita  ,  patentia.jue  vifeera  ,   &  fœditatem  œliam  vulnerum  viderunt  ;  Liv.  lib.  XXXI  n.  34. 

(è)  C'étoit  une  hache  d'arme  ,  nommée  Frttncifque ,  du  nom  de  la  nation.  Le  fer  de  cette  hache  f . 
félon  Procope,  étoit  gros  &  à  deux  tranchans  ;  le  manche  étoit  de  bois  ,  &  fort  court.  «Au  moment, 
>j  dit  cet  auteur  ,  en  parlant  de  l'expédition  que  les  François  tirent  en  Italie  fous  Theodebert  I ,  roi 
oj  de  la  France  Auftrafienne  ,  qu'ils  entendent  le  lignai,  ils  s'avancent  ,&  au  premier  afïaut,  dès 
»  qu'ils  fon:  à  portée  ,  ils  lancent  leur  hache  contre  les  boucliers  de  l'ennemi  ,  les  cafTent ,  &  puis 
fautant  Véfée  à  la  maiu  fur  leur  homme  ils  le  tuent.  Hift-  de  lu  mil.franf.  par  Daniel ,  xom.  1.  chap.  1. 


6ht  E  P  E  E  P  E 

par   ie  Père  Daniel.    Sous  le    rcgne    de  '  les  premiers  François  s'en  fervoient  très- 


François  I ,  félon  du  Bellai ,  Langey  & 
Montluc,  elles  étoient  plus  longues  que 
celles  des  anciens  François.  En  un  "mot,  il 
femble  qu'on  peut  dire  que  dans  ces  temps 
déjà  reculés  ,  comme  dans  ceux  cAui  les 
précédèrent  ,  il  y  eut  des  épées  de  toutes 
les  formes  &  de  différentes  longueurs.  Il  y 
en  avoit  de  courtes  nommées  bracquemart } 
qui  avoient  de  la  pointe  6c  étoient  à  double 
tranchant  ;  il  y  en  avoit  de  larges ,  nom- 
mées fiocades  ;  il  y  en  avoit  d'autres  qui 
étoient  fans  pointe ,  &  taillantes  feule- 
ment d'un  côté.  Il  y  en  avoit  enfin  des  unes 
&c  des  autres ,  dont  on  ne  pouvoit  fe  fervir 
qu'avec  les  deux  mains  ,  &  qu'on  nom- 
moit  efpadons  ;  telle  eft  celle  de  Henri  IV  , 
qui  eft  au  tréfor  des  médailles  du  roi. 
Les  gendarmes  portoient  auili  quelquefois 
de  grands  coutelas  tranchans  pour  couper 
les  bras  maillés  &  trancher  les  morillons. 
Ibul 

Du  temps  de  Louis  XIII ,  les  moufquetai- 
res  &  les  piquiers  avoient  des  épées  d'une 
moyenne  grandeur.  Une  ordonnance  de 
Louis  XIV  ,  du  16  mars  1676  ,  dit  qu'ou- 
tre les  piques ,  fufils  &  moufquets ,  les  fol- 
dats  feront  armés  chacun  d'une  bonne  épe'e  , 
mais  elle  n'en  détermine  pas  les  dimen- 
lions.  Les  dernières  épées  qu'on  donna  à 
notre  infanterie  avoient  vingt-fix  pouces 
de  lame  avec  un  talon  de  deux  pouces  ; 
croient  à  deux  tranchans  jufqu'à  la  pointe  , 
terminées  en  langue  de  carpe  ,  (  règlement 
du  1  <)  janvier  1  j^j  )  &  avoient  une  mon- 
ture de  cuivre  ;  mais  elles  étoient  d'une 
mauvaife  trempe.  Ce  n'eft  que  depuis,  le 
commencement  de  la  guerre  dernière  qu'on 
a  négligé  de  les  porter,  &  qu'infenfiblement 
elles  ont  été  fupprimées. 

Uepe'e  ,  comme  on  en  peut  juger  par  le 
précis  hiftorique  qu'on  vient  d'en  faire  ,  eft 
une  arme  fort  ancienne  ,  &  dont  toutes  les 
nations  ont  connu  l'ufage  (  a  ).  Cette 
arme ,  plus  fimple ,  plus  maniable  &  plus 
forte  qu'aucune  autre  ,  fut  en  quelque  forte 
le  principal  infiniment  de  la  grandeur  des 
Romains.  On  a   déjà  fait  remarquer  que 


avantageufement  :  &  nous  favons  que  ceux 
de  la  troilieme  race  ,  notamment  fous  les 
règnes  de  faint  Louis ,  de  François  I ,  de 
Henri  IV  ,  de  Louis  XIII ,  en  faifoient  tout 
autant.  On  pourroit  citer  différens  exemples 
tirés  de  l'hifbire  de  ces  temps-là  ;  mais 
nous  en  avons  de  bien  plus  récentes  ,  qui 
prouvent  que  la  nation  ,  toutes  les  fois 
qu'on  lui  en  a  fourni  l'occafion  ,  a  fu  faire 
uf âge  de  Y  épe'e  avec  la  même  vigueur ,  la 
même  vivacité  &  le  même  fuccès. 

A  la  bataille  de  Caflèl ,  en  1677  (  Victoi- 
res mémorables  des  François  )  ,  deux  corn* 
pagnies  de  moufquetaires ,  ayant  à  leur  tête 
MM.  de  Forbin  &  de  Jauvelle ,  mirent  pié 
à  terre  &  attaquèrent,  Y  épe'e  à  la  main, 
deux  bataillons  des  gardes  du  prince  d'O- 
range ,  qui  étoient  environnés  de  haies  , 
ayant  un  large  fofTé  devant  eux.  Ces  com- 
pagnies franchirent  le  foffé  malgré  le  feu 
des  ennemis  ,  taillèrent  en  pièces  tout  ce 
qui  leur  fit  réfiftance  ,  ék  prirent  le  refte 
prifonnier  avec  le  commandant. 

A  la  bataille  de  StafFarde  ,  en  1690  , 
quatre  régimens  de  la  féconde  ligne  que  le 
marquis  deFeuquieres  fit  avancer  pour  fou- 
tenir  la  première ,  attaquèrent ,  Yépée  à  la 
main  ,  des  caflines  couvertes  de  haies ,  de 
fofTés  &  de  chevaux  de  frife  ,  &  les  em- 
portèrent malgré  le  feu  des  ennemis.  "  La 
»  vigueur  avec  laquelle  ces  régimens  don- 
nèrent ,  dit  Moreau  de  Brafêy ,  qui  étoit 
à  cette  action ,  &  dont  nous  en  avons  un 
détail  très-circonftancié ,  ranima  les  ren- 
tes des  régimens  de  la  première  ligne , 
&  tous  enfêmble  ils  ébranlèrent  l'armée 
ennemie  ,  l'attaquèrent  de  toutes  parts  , 
&  enfin  la  mirent  en  fuite,  (b)  » 
La  brigade  des  gardes  ,  au  combat  de 
Steinkerque  ,  en  1692  ,  fit  une  charge , 
Yépée  à  la  main  ,  qui  ne  fut  pas  moins  dé- 
crive que  celles  qu'on  vient  de  citer.  Voici 
comment  le  maréchal  de  Luxembourg  ra- 
conte cette  glorieufe  action.  «  Les  enne- 
»  mis  étant  lords  des  bois  ,  &  étant  venus 
»  fort  près  de  nous  pofer  les  chevaux  de 
»   frife  ,  derrière  lefquels  ils  faifoient  un 


(  a  )  On  en  attribue  l'invention  à  Tubalcain ,  fils  de  Lamech  ,  qui  commença  le  premier  à  forger 
l'airain  &  le  fer  ,1'an  du  monde  130. 

(£)  Journal  de  la  campagne  de  Piedmont  fous  le  commandement  de  M.  Catinxt ,  en  I690.  Par  M. 
Moreau  de  Brafey,  Capitaine  au  régiment  de  la  Sarre ,  Paris  169t. 

m   feu 


E  P  E 

»  feu  très-confidérable  ,  tout  le  monde  d'u- 
>»  ne  commune  voix  ,  propofa  de  mettre 
w  nos  meilleures  pièces  en  œuvre  8c  de  fai- 
»>  re  avancer  la  brigade  des  gardes.  L'or- 
»  dre  ne  lui  fut  pas  plutôt  donné  qu'elle 
»  marcha  avec  une  fierté  qui  n'étoit  inter- 
»  rompue  que  par  la  gaieté  des  officiers  8c 
»  des  foldats  ;  eux-mêmes ,  aufïi-bicn  que 
»  tous  les  généraux  ,  furent  d'avis  de  n'al- 
»  1er  que  l'épée  à  la  main  ,  8c  c'eft  comme 
»  cela  qu'ils  marchèrent.  Les  gardes-Suil- 
»  les,  imitateurs  des  François, marchèrent 
»  avec  la  même  gaieté  8c  la  même  har- 
»  diefle.  Reinold  vint  propofer  de  n'aller 
«  que  l'épée  à  la  main  5  8c  Vaguenair  dit 
j»  que  c'étoit  la  meilleure  manière.  Tout 
»  auilî-tôt  il  vola  au  centre  de  fon  ba- 
»  taillon  ,  8c  le  mena  à  la  même  hau- 
»  teur  que  les  gardes  ,  droit  aux  ennemis , 
»  qui  ne  purent  tenir  contre  la  conte- 
»»  nance  auilî  hardie  qu'avoit  cette  bri- 
»  gade  ;  je  dis  contenance  ,  parce  qu'elle 
»  ne  tira  pis  un  feul  coup  ;  mais  la  vigueur 
3>  avec  laquelle  elle  alla  aux  ennemis ,  les 
«  furprit  afTez  pour  qu'ils  ne-filîent  qu'au- 
»  tant  de  réfiftance  qu'il  en  falloir  pour 
»  être  joints ,  8c  en  morne  temps  tués  de 
»  coups  d'épée  8c  de  pique ,  tous  les  gar- 
»  des  étant  entrés  dans  les  bataillons  en- 
**  nemis  (  a)  » 

S'il  eft  vrai  ,  comme  on  le  penfé  géné- 
ralement ,  que  les  armes  blanches  font  plus 
propres  qu'aucune  autre  à  l'humeur  im- 
pétueufe  des  François  :  s'il  eft  reconnu 
qu'on  ne  peut  fe  pafler  de  la  p:que  ,  ou  à 
fa  place  du  fu  fil -pique  ,  ni  du  fufil ,  il 
n'y  a  perlonne  qui  ne  doive  admettre  avec 
ces  armes  la  néceffité  de  l'épée  ,  d'autant , 
qu'outre  les  occasions  générales  qu'on 
peut  avoir  de  s'en  fervir  ,  il  en  eft  de 
particulières  où  elle  eft  préférable  au  fufil 
avec  fa  bayonnette  ;  telles  font  les  attaques 
de  poftes ,  les  efealades  ,  les    furprifes  de 


E  P  E  653 

nuit ,  8c  toutes  les  actions  où  l'on  peut 
faire  porter  le  fufil  en  bandoulière,  (b) 

A  la  défenfe  de  Luzerne  ,  en  1690  , 
par  le  marquis  de  Feuquieres ,  contre  un 
détachement  de  l'armée  du  duc  de  Savoie  , 
le  régiment  de  Quinfon  ,  qui  gardoit  un 
pofte  hors  de  la  ville  ,  ayant  été  attaqué 
8c  vivement  pouffé  par  les  Barbets  ,  celui 
de  Poudins ,  placé  pour  le  (butenir ,  s'avança 
l'épée  à  la  main  ,  fonça  fur  les  ennemis  ,  les 
tailla  en  pièces  ,  &  reprit  le  pofte  d'où 
Quinibn  avoit  été  chafte.  Journal  de  la  cam- 
pagne de  Piedmont, 

M.  de  Maizeroy  dit  qu'il  a  vu  un  jour 
un  capitaine  de  grenadiers  charge  de  l'at- 
taque d'un  pofte  dans  les  montagnes  de 
Gênes ,  faire  mettre  le  fufil  en  bandoulière 
à  fa  troupe  ,  la  mener  le  fabre  à  la  main  , 
8c  réuffir  à  fouhait.  Traité  de  tactique  ,  T. 
I  y  chap,  I ,  art.  IV. 

En  fe  décidant  à  rendre  l'épée  à  l'infan- 
terie ,  on  ne  croit  pas  qu'on  puifle  donner 
une  forme  plus  avantageufe  à  cette  arme  , 
que  celle  dont  on  fait  mention  à  la  fin  de 
l'article  Fusil-Pique.  On  en  fait  fabriquer 
une  fuivant  les  dimenfions  propofées  qu'on 
a  trouvée  ttès-maniable  8c  d'un  très-grand 
efter. 

On  fe  difpenfe  de  rapporter  ici  les  rai- 
fons  qui  ont  fait  fupprimer  l'épée  dans 
l'infanterie  ,  parce  qu'en  totalité  elles  ne 
valent  pas  mieux  que  celles  qu'on  a  eues 
pour  quitter  la  pique  ,  8c  qu'il  eft  aifé  de 
ïentir  qu'elles  n'ont  rien  de  fblide.  (  M.  D. 
L.R.) 

Epee  ,  (  Art  milit.  Antiq.  )  Plufieurs  ha- 
biles généraux  ont  regardé  l'épée  ÔC  le  labre 
que  portent  les  ioldats  comme  inutiles  8c 
incommodes  ,  depuis  l'ufage  de  la  bayo- 
nette.  Car  ,  dit  M.  le  maréchal  de  Pu/lc- 
gur  ,  dans  fon  Art  de  la  guerre  ,  "  comme 
»  on  les  porte  en  travers  ,  dès  que  les  fol- 
»  dats  touchent  à  ceux  qui  font    à  leur 


(a)  Lettre  du  Maréchal  de  Luxembourg  au  Roi  fur  ce   qui  s'efl  pajfé  au  combat  de  Steenkerque. 
H'iftoire  milit.  de  Flandre. 

(  b  )  Tout  le  monde  convient  que  les  François  font  plus  redoutables  dans  toutes  efpeces  d'attaques 
qu'aucune  des  nations  contre  Jefquelles  ils  font  ordinairement  la  guerre.  Mais  comme  il  n'eft  pas  fans 
exemple  que  cette  impétuofité,  qui  leur  eft  naturelle,  n'ait  été  ralentie  &  rebutée  par  quelque  obf- 
tacle  ,  ou  par  quelque  incident  inopiné  ;  je  crois  que  le  mélange  des  armes  leur  eft  abfolument  né- 
.ceffaire.  Rien  ne  feroit  plus  propre  à  fortifier  leur  audace,  afïurer  leur  choc  ,  à  le  rendre  même 
encore  plus  terrible  :  avec  la  confiance  qu'ils  auroient  dans  leurs  armes  ,  lorfque  la  fortune  ne 
leur  feroit  pas  favorable  ,  on  auroit  bîen  moins  de  peine  à  les  ranimer  &  à  en  tirer  parti. 
Tome  XII.  LUI 


^34  E  P  E 

>•>  droite  de  à  leur  gauche  ,  en  fe  remuant 
»  &  en  fe  tournant  ,  ils  s'accrochent  tou- 
»  jours.  »  Un  homme  feul  même  ne  peut 
aller  un  peu  vite  ,  qu'il  ne  porte  la  main 
à  la  poignée  de  Ton  épée ,  de  peur  qu'elle 
ne  palle  dans  Tes  jambes ,  Se  ne  le  fafTè 
tomber  ;  à  plus  forte  raifon  dans  les  com- 
bats ,  fur-tout  dans  des  bois  ,  haies  ou  re- 
tranchemens,  les  foldats  pour  tirer  étant 
obligés  de  tenir  leurs  fufils  des  deux  mains. 
Mais  ces  raifons  font-elles  folides  ?  Voyez 
l'article  précédent.  (-+-) 

La  plupart  des  armes  &  des  épées  ro- 
maines que  l'on  a  découvertes  dans  les  an~ 
ciens  monumens ,  font  faites  avec  environ 
cinq  parties  de  cuivre  de  une  partie  de  fer 
fondues  enfemble.  M.  le  comte  de  Cay- 
lus ,  dans  le  premier  volume  //z-40.  de  [es 
Jlecueils  des  antiquités  égyptiennes  ,  étruf- 
ques  ,  greques  &  romaines  ,  dit  qu'il  pré- 
fume que  les  armes  des  anciens  étoient  faites 
avec  de  la  mauvaife  mine  de  fer  qui  étoit 
mêlée  de  cuivre ,  &que  les  romains  préfé- 
raient cette  matière  ,  parce  que  les  armes  fe 
rouilloient  moins  facilement ,  &  parce  que 
le  cuivre  étoit  plus  commun  que  le  fer.  Ce 
/avant  prouve  par  des  expériences  ,  qu'il 
eft  poiïible  de  donner  au  cuivre  ,  par  le 
moyen  de  la  trempe ,  un  degré  de  dureté 
à-peu-près  égale  à  celle  de  l'acier. 

Dans  le  6 1 e.  Tableau  de  la  colleclion  des 
pitture  antiche  d'Ercolano  ,  on  voit  que  Per- 
fée ,  qui  va  pour  délivrer  Andromède  ,  a 
une  épée,  recourbée  ,  qui  relîemble  à  une 
faux  ,  conformément  à  la  defeription  que 
donne  le  poë'te  Ovide ,  dans  le  IVe.  livre  des 
Métamorphoses.  Quelques  auteurs  anciens 
appelloient  cette  épée  ielum  uncum  ,  dard 
crochu.  Tfetfées  ,  iùr  Licophron,  v.  836 , 
dit  que  Perfée  préfenta  la  tête  de  la  Gor- 
gone au  monftre  marin  ,  &  le  frappa  d'une 
arme  tranchante  tk  crochue  :  il  fépara 
une  partie  de  fon  corps  3  tandis  que  l'au- 
tre partie  fut  pétrifiée.  Les  Turcs  fe  fer- 
vent encore  aujourd'hui  de  fibres  un  peu 
courbés ,  dont  la  partie  tranchante  eft  dans 
la  partie  concave.  Il  eft  évident  que  des 
êpées  ou  des  fabres  de  cette  efpece  ont  de 
grands  inconvéniens.  L'épée  des  anciens 
étoit  ordinairement  courte  ,  à-peu-près 
comme  nos  couteaux  de  chafie.  L'on  en  a 
trouvé  plufeurs  dans    Herculane   :  l'on 


E  P   E 

en  voit  la  repréfentation  fur  quantité  de 
médailles  ,  de  bas-reliefs ,  &c.  La  forme  des 
épies  a  beaucoup  varié  depuis  huit  fiecles. 
M.  le  comte  d'Olan  dans  Avignon  ,  & 
quantité  de  perfonnes  dans  Paris  tk  dans 
Rome  ,  ont  formé  des  cabinets  de  curio- 
lité  ,  compofés  d'armes  anciennes.  La  for- 
me des  épées  8c  des  fabres  a  moins  varié 
dans  la  Chine  8c  dans  le  Japon  :  on  peut  , 
à  ce  fujet  ,  confulter  les  ouvrages  qui  con- 
cernent l'art  militaire  des  Chinois.  Le  peu- 
ple terrible  nommé  Macaffar  ,  qui  habite 
près  de  Siam  ,  a  en  ufage  depuis  plufieurs 
iiecles  ,  de  ne  porter  pour  toute  arme 
qu'une  épée  très-courte  ,  ou  plutôt  un  long 
poignard  qu'ils  nomment  cric.  La  ceinture 
à  laquelle  ils  attachent  ce  poignard  ,  (èrt  à 
envelopper  le  bras  gauche ,  qui  devient  par 
ce  moyen  un  boucher.  (  V.  A.  L.  ) 

EpÉe  ,  f.  f.  enfis  ,  is  ;  gladius  ,  ii  :  (  ter- 
me de  Blafon.  )  arme  offeniive  ,  meuble  qui 
fe  trouve  en  beaucoup  d'armoiries. 

L'épée  paroît  dans  l'écu  avec  une  lame  , 
une  garde  ,  une  poignée  8c  un  pommuau  ; 
tk  n'a  point  ordinairement  de  branche  à  la 
poignée. 

L'épée  eft  le  plus  fouvent  la  pointe  en- 
haut  lorfqu'elle  eft  feule. 

Une  épée  peut  être  pofée  en  bande  ,  eîi 
fafee ,  &c. 

Deux  épées  fe  pofent  en  fautoir  ,  les 
pointes  en  haut ,  quelquefois  en  bas. 

L'épée  dont  la  lame  eft  d'un  émail  ,  la 
garde ,  la  poignée  8c  le  pommeau  d'un  au- 
tre émail ,  eft  dite  garnie. 

Les  anciens  chevaliers  donnoient  des 
noms  à  leurs  épées  :  celle  de  Roland  s'ap- 
pelloit  durandale  ;  celle  d'Olivier  ,  haute- 
clerc  ;  celle  d'Ogier  ,  courtin  ,  8c  celle  de 
Renaut  flamberge. 

L'épée  j  la  principale  arme  de  la  guerre  , 
eft  le  fymbolede  la  noblefle,  du  courage, 
de  l'intrépidité  8c  de  la  victoire. 

De  Villeneuve  de  la  Crofille  ,  de  Lan- 
rafous ,  Diocefe  de  Lavaur ,  du  Croufillat 
ôc  de  Beauville  à  Touloufe  ;  de  gueules  à 
une  épée  d'argent  pofée  en  bande  la  pointe 
en  bas. 

D'Aguilhac  de  Soulages  de  Malmont  y 
en  Gevaudan  ;  de  gueules  a  deux  épées  d'ar- 
gent en  fautoir  ,  au  chefeoufu  d'agir  charge 
de  trois  étoiles  d'or* 


E  P  E 

De  Ravignan  en  Champagne  ;  d'azur  à 
deux  épées  d'argent  garnies  d'or  3  pajjees  en 
fautoir. 

Épée ,  (  Hijf.  mod.)  ordre  de  chevalerie  , 
autrefois  en  honneur  dans  l'île  de  Chypre  , 
où  il  fut  inftitué  par  Guy  de  Lufignan  , 
qui  eut  cette  île  en  échange  du  Royaume 
de  Jérufalem  ,  qu'il  céda  à  Richard  ,  roi 
d'Angleterre ,  en  1191.  Les  chevaliers  de 
cet  ordre  portoient  un  collier  compolé  de 
cordons  ronds  de  foie  blanche  ,  liés  en  lacs 
d'amour  ,  entremêlés  de  lettres  S  formées 
d'or.  Au  bout  du  collier  pendoit  un  ovale 
où  étoit  une  épée  ayant  la  lame  émaillée 
d'argent ,  la  garde  croifetée  &c  fleurdelifée 
d'or  ,  &c  pour  devife  ces  mots  ,  fecuritas 
regni.  La  première  cérémonie  s'en  fît  en 
1195,  par  le  roi  Guy  de  Lufignan  ,  qui  con- 
féra cet  ordre  à  lbn  frère  Amaury  ,  conné- 
table de  Chypre  ,  de  à  trois  cents  barons 
qu'il  établit  dans  fon  nouveau  royaume. 
Favin ,  théat.  d'honn.  &  de  chevalerie.  (  G  ) 

*  Epées.  (  Hiji.  mod.  )  L'ordre  des  deux 
épées  de  J.  Ç.  ou  les  chevaliers  du  Chrift 
des  deux  épées  ;  ordre  militaire  de  Livonie 
ck  de  Pologne  en  1 1 97.  Dans  ces  temps  où 
l'on  croyoit  fuivre  l'efprit  de  l'Evangile  ôc 
fe  fanctifier ,  en  forçant  les  hommes  d'em- 
brafler  le  Chriftianifme  ,  Bertold  ,  fécond 
évêque  de  Riga  ,  engagea  quelques  gentils- 
hommes qui  revenoient  de  la  croîfade  ,  de 
parler  en  Livonie  ,  Se  d'employer  leurs  ar- 
mes à  l'avancement  de  la  religion  ;  mais  ce 
projet  ne  fut  exécuté  que  par  Albert  fon 
frère  ,  chanoine  de  Rheims  3  &  fon  CucœC- 
ieur.  La  troupe  de  nos  foldats  convertifleurs 
fut  érigée  en  ordre  militaire.  Vinnus  en  fut 
le  premier  grand-maître  en  1103.  Ils  por- 
toient dans  leurs  bannières  deux  épées  en 
fautoir.  Ils  s'oppoferent  avec  fuccès  aux  en- 
treprifes  des  idolâtres. 

Epee  romaine  ,  (  Manège  ,  Maréchal!.  ) 
On  nomme  ainfi  un  épi ,  qui  dans  quelques 
chevaux  règne  tout  le  long  de  l'encolure  , 
près  de  la  crinière  ,  tantôt  de  deux  côtés  , 
tantôt  d'un  feul.  Je  ne  rechercherai  point 
les  raifbns  qui  lui  ont  mérité  cette  dénomi- 
nation ,  &par  lefquelles  il  a  pu  fe  rendre 
digne  de  l'eftime  &  du  cas  infini  qu'on  en 
fait.  Il  feroit  à  fouhaiter  que  les  préjugés 
qui  nous  maîtrifent  dans  notre  art ,  ne  nous 
euifent  pas  aveuglés  jufqu'au  point  de  ne 


E  P  E  6ÎV 

nous  foire  envifager  que  certains  jeux  de  la 
nature  ,  &  de  nous  donner  de  l'éloignement 
pour  tous  les  travaux  qui  pouvoient  nous 
faire  connoître  ,  ôc  admirer  les  opérations 
qu'elle  veut  bien  ne  pas  dérober  à  notre 
foible  vue.  (e  ) 

Epees  ,  (  Marine.  )  Voye^  Barres  de 
Virevaut. 

Epee  ,  terme  de  Cordier  ;  c'eft  un  inftru- 
ment  de  buis ,  long  d'un  pié  Se  large  de 
deux  pouces ,  dont  cet  ouvrier  fe  fert  pour 
battre  la  (angle  qu'il  fabrique.  C'eft  pro- 
prement le  battant  du  métier  à  fangle.  On 
l'appelle  épée  ,  parce  qu'il  a  la  forme  d'un 
coutelas. 

Epee  ,  en  terme  de  Diamantaire  ,  eft  le 
lien  de  fer  qui  unit  le  bras  avec  le  coude  de 
l'arbre  de  la  grande  roue.  Ce  lien  eft  com- 
pofé  de  plufieurs  pièces  de  fer  ,  dont  deux 
s'aflemblent  à  charnière ,  elles  entourent  le 
coude  de  l'arbre  de  la  grande  roue  j  elles 
font  alfujetties  l'une  contre  l'autre  par  le 
moyen  d'un  anneau  dans  lequel  palle  un 
coin  qui  ferre  les  platines  l'une  contre  l'au- 
tre. Enre  les  deux  platines  on  en  introduit 
une  troilleme  ,  que  l'on  aiïujettit  entre  les 
deux  premières  par  le  moyen  de  deux  an- 
neaux ferrés  avec  des  coins.  Cette  troilieme 
barre  eft  percée  d'un  trou ,  dans  lequel  paflè 
un  boulon  qui  traverfe  le  bras  de  bas  en 
haut ,  où  il  eft  retenu  par  une  cheville  ou 
clavette  qui  l'empêche  de  reflortir.  Ce 
mouvement  imprimé  au  "bras  ,•  fe  commu- 
nique par  le  moyen  de  Y  épée  au  coude  qui 
fait  mouvoir  l'arbre  &  la  roue  qui  eft  mon- 
tée deftus. 

Epee  ,  (  Manufacl.  en  foie.  )  c'eft  une  des 
parties  du  chevalet  à  tirer  les  foies.  Voye^ 
l'art.  Soie. 

EPEICHE  ,  f.  f.  (  Hifi.  nat.  Ornith  )  cul- 
rouge  ,picus  varias  major ,  oifeau  de  la  grof- 
feur  du  merle  ,  ou  un  peu  plus  gros.  La  fe- 
melle pefoit  trois  onces  ;  elle  avoit  neuf  pou- 
ces de  longueur  depuis  la  pointe  du  bec  juf- 
qu'à  l'extrémité  de  la  queue  >  &  feulement 
huit  jufqu'au  bout  des  ongles  :  l'envergeure 
étoit  d'un  pié.  Le  bec  a  un  pouce  8e  plus  de 
longueur  ;  il  eft  droit ,  de  couleur  noire  , 
épais  à  fa  racine  ,  &c  pointu  à.  l'extrémité. 
Les  ouvertures  des  narines  font  recouvertes 
par  des  poils  noirâtres  ;  l'iris  des  yeux  eft 
rouge ,  fa  langue    reflemble    à  celle   du 

Llllz 


6$<$  EPE 

pic-verd.  Le  mâle  a  au-deflous  du  fommet 
de  la  tête  une  belle  bande  rouge  8c  tranf- 
verfale.  La  gorge  8c  la  poitrine  de  la  femelle 
font  d'un  blanc-fale  ou  jaunâtre  ;  les  plumes 
du  bas-ventre ,  qui  fe  trouvent  fous  La  queue , 
font  d'une  belle  couleur  rouge  ,  ce  qui  fait 
donner  à  cetoifeau  le  nom  de  cul-rouge.  Les 
plumes  qui  entourent  la  bafe  de  la  pièce  fu- 
périeure  du  bec  ,  les  yeux  8c  les  oreilles  font 
blanches  :  la  couleur  de  la  tête  8c  du  dos  eft 
noire.  Il  y  a  fur  les  épaules  une  tache  blan- 
che ,  8c  on  voit  une  large  bande  noire  qui 
s'étend  depuis  les  coins  de  la  bouche  jus- 
qu'au dos  ,  &c  qui  eft  coupée  au  deflous  de 
la  tète  par  une  autre    ligne    tranfveriale. 
Chaque  aile  a  vingt  grandes  plumes  ;  la 
première  eft  très-courte  :  elles  font  routes 
de  couleur  noire  ,  &  elles  ont  des  taches 
figurées  en  demi-cercle.  Les  plumes  inté- 
rieures des  ailes  forment  une  partie  de  la 
tache  blanche  des  épaules  ,  dont  il  vient 
d'être  fait  mention.  Les  plumes  qui  recou- 
vrent les  ailes  à  l'extérieur ,  ont  une  ou  deux 
taches  en  demi-cercle  ,  la  bafe  de  l'aile  eft 
blanche  :  la  queue  a  trois  pouces  8c  demi 
de  longueur  :  elle  eft  compofée  de  douze 
plumes  ;  les  deux  du  milieu  font  fort  roi- 
des ,  pointues ,  recourbées ,  &c  plus  longues 
que  les  autres.  Toutes  les  plumes  paroiflent 
fourchues  à  l'extrémité  }  parce  que  le  tuyau 
ne  s'étend  pas  jufqu'au  bout  :  la  plume  ex- 
térieure de  chique  côté  eft  noire  ,  à  l'excep- 
tion d'une  tache  blanche  qui  fe  trouve  fur 
les  bords  extérieurs  :  les  deux  fuivantes  font 
noires  par  le  bas ,  8c  le  refte  eft  blanc ,  avec 
deux  taches  noires  ;  celle  du  deflus  coupe 
tranfverfalement  toute  la  plume ,  8c  l'autre 
ne  s'étend  que  fur  les  barbes  intérieures  :  la 
couleur  noire  monte  plus  haut  dans  la  qua- 
trième plume  que  dans  la  troifieme  -,  8c  la 
partie  fupérieure  ,  qui  eft  blanche  ,  n'a 
qu'une  tache  noire  :  la  cinquième  eft  noire 
prefqu'en  entier  ;  elle  n'a  qu'une  tache  blan- 
che faite  en  demi-cercle  vers  la  pointe ,  qui 
eft  d'un  blanc  roufïatre  :  les  deux  plumes  du 
milieu  font  entièrement  noires.  Mais  ces 
couleurs  varient  fouvent.  Les  doigts  font 
de  couleur  plombée  :  il  y  en  a  deux  en- 
arriere  ,  comme  dans  les  autres  pics  :  ceux 
de  devant  font  joints  enfemble  jufqu'à  la 
première  articulation.    Ces  oifeaux  vivent 
d'infe&es.  Wil^igh,  0/7w'M,F,Oiseàv.(  JJ 


EPE 
*  EPÈLER,/.  a&.(  Gramm.  )  k  kconâ 

pas  de  l'art  de  lire.  Le  premier  eft  de  con- 
noitre  les  lettres  ;  le  fécond  ,  d'en  former 
des  fyllabes  ,  ou  d'épeler  ;  le  troifieme  ,  d'af- 
fembler  des  fyllabes ,  8c  de  lire.  Ce  fécond 
pas  eft  très-difficile  ,  grâce  au  défordre  de 
notre  orthographe.  Voye^  Alphabet. 

EPENTHESE ,  f.  f.  terme  de  Gram.  RR. 
*«  y  îv  ,  in  ,  ii^fJLi  ,  peno.  C'eft  une  figure 
de  diction  qui  fe  fait  lorfqu'on  infère  une 
lettre  ou  même  une  fyllabe  au  milieu  d'un 
mot  :  c'eft  une  liberté  que  la  langue  latine 
accordoit  à  fes  poètes ,  foit  pour  alonger 
une  voyelle ,  foir  pour  donner  une  fyllabe 
de  plus  à  un  mot.  Notre  langue  eft  plus 
difficile.  Ainfi  Lucrèce  ayant  befoin  de  ren- 
dre longue  la  première  fyllabe  de  religio  a 
a  redoublé  17  :. 

Tantùm  relit gio  potuit  fuadere  malorum. 

Lucrèce ,  lib.  I. 

Virgile  ayant  befoin  de  trouver  un  dac- 
tyle dans  alitum  3  au  lieu  de  dire  régulière- 
ment aies  ,  alitis  ,  &  au  génitif  pluriel  ali- 
tum 3  a  dit  alnuum  : 

Alituum  y  pecudumque  genus  fopor  altus 
habzbat.  j£neïd.  lib.  VII,  v.  xj. 

AiiTUUMpro  ALITUM  ,  metri  caufd , 
addidu  fyllabam  }  dit  Servius  fur  ce  vers  de 
Virgile. 

Juvenal  a  dit  induperator  pour  imperator  : 

Homanus  ,   Graïufque ,  ac  barbarus  in~ 
duperator.  Juven;  fat.  x.  v.   îj8% 

8c  au  vers  %y  de  la  quatrième  fatire  ,  il  dit  : 

Quales  tune  epulas  ipfum  glutéjfe  putemus 
Induper atorem , 

On  trouve  auffi  relliquias  pour  reliquias. 
Ce  font  autant  d'exemples  de  Vépenthefe.  (F) 

EPERIES  ,  (  Géogr.  mod.  )  ville  de  la 
haute  Hongrie  \  c'eft  la  capitale  du  comté 
de  Saros  :  elle  eft  fituée  fur  la  Tarza, 
Long.  :?#  ,  36  ,  lat.  48.  50. 

EPÈRLÀN  ,  f.  m.  eperlanus  ,  (  Hijl.  nat. 
Iclyol,  )  poiftbn  ajnii#  nommé  ,  parce  qu'il 


E  P  E 

a  une  belle  couleur  de  perle.  Il  fe  trouve 
aux  embouchures  des  rivières  qui  fe  jet- 
tent dans  l'Océan.  Il  y  en  a  de  deux  for- 
tes ,  Tune  eft  dans  la  mer  ,  fur  les  rivages  ; 
l'autre  dans  les  rivières.  Uéperlan  reflèm- 
ble  aux  petits  merlans  :  fa  longueur  ne  va 
guère  au-delà  d'un  demi-pié  :  il  a  le  corps 
mince  &z  rond ,  tk  la  bouche  grande  & 
garnie  de  dents.  Ses  nageoires  fontfem- 
blables  à  celles  des  faumons  ;  la  dernière 
du  dos  eft  ronde  &  épailfe.  La  chair  de 
Yéperlan  eft  tranfparente  ,  &  a  une  odeur 
de  violette  :  on  le  pêche  à  la  fin  de  Tété 
&au  commencement  de  l'automne.  Rond, 
hijl.  des  poijfons.  Voye^ Poisson.  (  I) 

Eperlan  ,  (  Diète.  )  Il  nourrit  médio- 
crement ,  tk.  fe  digère  facilement  ;  il  eft 
eftimé  apéritif,  6c  propre  pour  la  pierre 
&:  pour  la  gravelle. 

On  ne  remarque  point  qu'il  produifè 
de  mauvais  effets ,  il  contient  beaucoup 
d'huile  &  de  fel  volatil. 

Il  convient  en  tout  temps  ,  à  toute  forte 
d'âge  &  de  tempérament. 

*  EPERLIN  ,  f.  m.  {Fontaines falantes.  ) 
C'eft  ainfi  qu'on  appelle  dans  les  fontaines 
falantes  ,  des  rouleaux  de  bois  d'un  pouce 
&  demi  de  diamètre  ou  environ  ,  qu'on 
établit  entre  les  bourbons  &  la  poile ,  pour 
la  contenir ,  &  réfifter  autant  qu'il  eft  po£- 
fible  aux  efforts  du  feu, 

EPERON  ,  f.  m.  (  Manège.  )  \J  éperon 
eft  une  pièce  de  fer  ,  ou  une  forte  d'ai- 
guillon ,  quelquefois  à  une  feule  pointe  , 
communément  à  plufieurs ,  dont  chaque 
talon  du  cavalier  eft  armé  ,  &  dont  il  fe 
fert  comme  d'un  inftru ment  très-propre  à 
aider  le  cheval  dans  de  certains  cas  ,  &c 
le  plus  fouvent  à  le  châtier  dans  d'autres. 

Il  n'eft  pas  douteux  que  les  anciens  i 
avoient  des  éperons  ,  &c  qu'ils  en  faifbient 
ufage.  Les  Grecs  les  appelloient  KÎvrçov  * 
t»  Kivrça  i%\u&Tffiiv  ,  calcari  cruentare*  ! 
Virgile  ,  ainfi  que  Silius  Italicus  ,  nous  les  I 
désignent  par  cette  exprefïion  3ferraid  cake  : 

Quadrupedemque  citum  ferratâ  çalcefatigat  - 

dit  le  premier  i 
&  le  fécond  : 

Ferratâ  calce ,  atqut  effusâ  largus  fiabenâ 
Çunclantem  impetkbc:  equum% 


E  P  E  637 

Térence  en  fait  aufli  mention  ,  contra 
jiimulum  ut  cakes.  Cicéron  encore  caracté- 
rife  cet  inftrument  par  le  mot  de  calcar , 
il  l'emploie  même  dans  un  fens  métapho- 
rique ,  tel  que  celui  dans  lequel  Ariftote 
parloit  de  Callifthene  »Sc  de  Theophrafte  , 
lorfqu'il  difoit  que  le  premier  avoit  befoin 
d'aiguillon  pour  être  excité  ,  &  l'aune  d'un 
frein  pour  le  retenir.  Il  paroit  donc  que 
l'ufage  des  éperons  pris  dans  le  fens  natu- 
rel ,  étoit  anciennement  très-fréquent  : 
nous  n'en  voyons  cependant  aucune  trace 
dans  les  monumens  qui  nous  reftent ,  & 
fur  lefquels  le  temps  n'a  point  eu  de  prife  \ 
mais  on  doit  croire  ,  après  les  autorités 
que  nous  venons  de  rapporter  ,  que  cette 
armure  ne  confiftant  alors  que  dans  une 
petite  pointe  de  fer  fortant  en-arriere  du 
talon,  on  a  négligé  de  la  marquer  &c  de 
la  repréfenter  fur  les  marbres  &c  fur  les 
bronzes. 

Le  père  de  Montraucon  eft  de  ce  îenti- 
ment  :  nous  trouvons  dans  (on  ouvrage 
une  gravure  qui  nous  offre  l'image  d'un 
ancien  éperon.  Ce  n'eft  autre  chofe  qu'une 
pointe  attachée  à  un.  demi-cercle  de  fer 
qui  s'ajuftoit  dans  la  caliga  ,  ou  dans  le 
campagus ,  ou  dans  Yocrea  ,  chauflures  en 
ufage  dans  ces  temps,  &  qui  tantôt  étoient 
fermées  &  tantôt  ouvertes.  A  une  des  ex- 
trémités du  demi-cercle  étoit  une  forte  de 
crochet  qui  s'inféroit  d'un  côté.  Le  moyen 
de  cette  infertion  ne  nous  eft  pas  néan- 
moins connu.  L'aurre  bouc  étoit  terminé 
par  une  tête  d'homme- 

Autrefois  les  éperons  étoient  une  mar- 
que de  diftinétion  dont  les  gens  de  la 
cour  étoient  même  jaloux.  Plufieurs  ecclé- 
fiaftiques  ,  peu  empreffés  d'édifier  le  peuple 
parleur  modeftie,  en  portoient,à  leur  imita- 
tion ,  fans  doute  pour  s'attirer  des  homma- 
ges que  les  perfonnes  fenfées  leur  refui- 
foient  ,  &  qu'elles  leur  auroient  plutôt, 
rendus  en  faveur  du  foin  avec  lequel  ils 
fe  feroient  tenus  dans  les  bornes  de  leur 
état ,  qu'eu  égard  à  ces  vains  ornemens 
dont  ils  fe  paroient.  Louis  le  Débonnaire 
crut  devoir  réprimer  en  eux  cette  vanité 
puérile ,  qui  cherche  toujours  à  fe  faire 
valoir  &  à  fe  faire  remarquer  par  de  pe- 
tites choies.  Des  évêques  afïèmblés  qui 
penfoierit ,  comme  Fléchier  3  que  tout  ce 


638  E  P   E 

qui  n'a  que  le  monde  pour  fondement  ,  fe 
diffipe  &  s'évanouit  avec  le  monde,  condam- 
nèrent &c  réprouvèrent  hautement  ces  té- 
moignagnes  d'orgueil  dans  des  hommes 
deftinés  à  prêcher  l'humilité  ,  non -feule- 
ment par  leurs  difcours  ,  mais  par  leur 
exemple. 

Ce  qui  fait  le  plus  de  honte  à  l'huma- 
nité ,  eft  l'attention  de  le  befoin  que  l'on 
eut  dans  tous  les  fiecles  de  s'annoncer 
plutôt  par  fes  titres  que  par  fon  mérite. 
L'éperon  doté  établifloit  la  différence  qui 
règne  entre  le  chevalier  ôz  l'écuyer ,  celui- 
ci  ne  pouvoir  le  porter  qu'argenté.  Je 
ne  fais  (i  la  grofleur  de  ce  fer  ,  Ôc  l'énor- 
me longueur  du  collet,  étoit  encore  une 
preuve  de  bravoure  Se  une  marque  d'hon- 
neur accordée  aux  grands  hommes  de 
guerre  *,  en  ce  cas  ,  à  en  juger  par  les  épe- 
rons dont-on  a  décoré  les  talons  de  Gatta 
Mêla  général  Vénitien  ,  dans  fa  ftatue 
élevée  vis-à-vis  la  porte  de  l'églife  de  S. 
Antoine]  de  Padoue  ,  on  devroit  le  regar- 
der comme  infiniment  fupérieur  en  ce 
genre  aux  grand  Condé  ,  aux  Luxem- 
bourg ,  aux  Eugène  ,  aux  maréchaux  de 
Turenne  &  de  Saxe.   Fbyeç  Eperonnier. 

ÉPERON  ,  f.  m.  (  terme  de  Blafon.  ) 
meuble  qui  repréfente  X éperon  de  l'ancien 
chevalier. 

De  Rofîeres  en  Franche-Comté  ;  de  fable 
a  trois  éperons  d'or. 

Gautier  d'Ortigues  de  Valabre ,  en  Pro- 
vence \  d'azur  à  deux  éperons  d 'or  ,  au  chef 
d'argent  chargé  de   trois  étoiles  de  gueules. 
(G.D.L.T.) 

Eperon  ,  (Hijt.  mod.)  nom  d'un  ordre 
de  chevalerie  établi  par  le  pape  Pie  IV  ,  l'an 
i  féo.  Les  chevaliers  portent  une  croix  tif- 
fue  de  filets  d'or.  Le  pape  Innocent  XI  le 
conféra  à  Pambalïadeur  de  Venife  ,  le  3  Mai 

1677- 

Autrefois  lorfqu'on  dégradoit  un  che- 
valier de  Yéperon  ,  ou  autre  ,  on  le  faifoit 
botter  &  prendre  fes  éperons  dorés ,  Se  on 
les  lui  brifbit  fur  les  talons  à  coups  de  hache. 
Voye{  le  roman  de  Garin  ,  manuferit. 

Li  éperon  li  foit  copé  parmi 

Près  del  talon ,  au  franc  acier  ferbi. 

V°yel  Chevalier. 


E  P  E 

Eperons,  dans  la  Fortification  ,  (ont  des 
folides  de  maçonnerie  joints  au  revêtement , 
qui  le  mettent  plus  en  état  de  réfifter  à  la 
pouflée  des  terres  du  rempart.  Koje^CoN- 
tre-forts.  (  q  ) 

Eperon  ,  Poulaine,  Cap,  Avantage, 
(  Mar.  )  ces  noms  ont  la  même  lignifica- 
tion -,  mais  les  deux  derniers  ne  font  guère 
en  ufage. 

L'éperon  ou  la  poulaine  eft  un  allemblage 
de  plu fieurs  pièces  de  bois  ,  qu'on  pofe 
en  faillie  au-devant  du  vaifleau  ,  qui  fert 
à  ouvrir  les  eaux  de  la  mer  ,  8c  à  aflujettir 
le  mât  de  beaupré  par  des  cordages ,  qu'on 
nomme  des  Heures.  On  y  place  plu  fieurs 
poulies  ,  pour  palier  des  manœuvres.  Voye^ 
Marine  ,   Plane.  I.  l'éperon  côté  N. 

L'éperon  fait  une  (aillie  en-avant  du  corps 
du  vaifleau  ,  à  prendre  de  l'étrave  ,  que  les 
conftrucreurs  règlent  fur  la  nature  du  bâti- 
ment. Pour  les  vaifleaux  ,  ils  prennent  la 
douzième  partie  de  l'étrave  à  Fétambord , 
qui  leur  fert  à  fixer  la  fortie  de  Yéperon 
au-dehors  de  l'étrave  :  pour  les  frégates , 
la  treizième  partie  ;  pour  les  corvettes ,  la  qua- 
torzième. Par  exemple  ,  un  vaifleau  de 
quatre-vingt-dix  canons,  de  168  pies  de 
longueur,  aura  14  pies  pour  la  fortie  de 
l'éperon  ;  une  frégate  de  28  canons,  de  iji 
pies  3  pouces  de  longueur ,  aura  7  pies  9 
pouces  2  lignes  de  fortie  de  Yéperon. 

Il  eft  bon  de  raccourcir  Yéperon  &  de  di- 
minuer fa  pefanteur  le  plus  qu'il  eft  poiTible. 
Les  conftrucreurs  d'aujourd'hui  le  font 
beaucoup  plus  court  que  les  anciens  ;  ils  le 
reftreignent  à  ce  qui  eft  néceffaire  pour 
aflujettir  le  beaupré,  .&  pour  placer  les  pou- 
lies qui  fervent  à  orienter  la  mifaine  ,  ainfî 
que  toutes  les  autres  voiles  d'avant  qui  font 
de  grand  ufàge  ,  fur-tout  pour  faire  arriver 
les  vaifleaux  :  car  c'eft  l'opération  à  laquelle 
la  plupart  fe  refufent  le  plus. 

L'éperon  eft  compofé  d'un  grand  nombre 
de  pièces  ,  dont  la  fîtuation  fe  verra  beau- 
coup plus  aifément  en  renvoyant  aux  figu- 
res. Voye^  Planches  IV >  figure  1.  Les  prin- 
cipales font  la  gorgere  ou  taillemer  ,  cotée 
1 03  ;  les  aiguilles  cY  éperon ,  n°.  1 84  ;  la  frife , 
185-  ;  la  courbe  capucine  du  gibelot ,  i  S  6  ', 
alonge  de  gibelot ,  1 87  ;  les  porte-vergues , 
188;  les  courbâtons  de  portes-vergues  > 
185  ;  vaigre'de  caillebotis  d'éperon  ,  190» 


E  P  E  E  P  E  659 

caillobotis  d'éperon  ,    189;  traverfms  à'é-  }  énorme ,  placée  au  bout  d'un  manche  de 


peron  ,  192.  i  courbe  de  la  poulame  ,15)4; 
herpès  ,  195. 

On  pourroit  entrer  dans  le  dérail  parti- 
culier de  la  grandeur  &c  des  proportions  de 
chacune  de  ces  pièces  ;  mais  cela  feroit  très- 
long  ,  &  ici  de  peu  d'utilité  :  on  peut  en 
cas  de  befoin  avoir  recours  à  l'excellent  traité 
de  la  conjiruâion  des  vaijf^aux  de  M. 
Duhamel.  (Zj 

Eperon,  (Hydraulique.)  eft  le  même 
que  arc-boutant.  On  s'en  fert  pour  foutenir 
les  murs  des  terralles  contre  la  pouilée  des 
terres ,  ou  quand  on  conftruk  un  bailin  ou 
un  aqueduc  dans  des  terres  rapportées. 
Voye^  Arc-boutant.  (K) 

EPERONNÉ  ,  ad).  (  Manège.  )  ne  fe  dit 
plus  qu'avec  le  mot  botté.  Je  luis  botté  &c 
éperenné  ;  ce  qui  lignifie,  il  y  a  des  éperons 
aux  bottes  que  je  viens  de  mettre.  V.  Botte. 

ÉPERONNIER  ,  f.  m.  (Art.  Méchaniq.) 
artifan  qui  forge  ,  qui  conftruit  &c  qui  vend 
des  éperons ,  des  mors  de  toute  eipece ,  des 
maftigadours  ,  des  filets  ;  des  bridons  ,  des 
caveçons ,  des  étriers  ,  des  étrilles  ,  des  bou- 
cles de  harnois,  &c.  Les  éperonniers  peu- 
vent dorer  ,  argenter  ,  étamer  ,  vernir  , 
mettre  en  violet  ou  en  couleur  d'eau  leurs 
ouvrages.  Ils  ont  encore  le  droit  de  faire 
toutes  fortes  de  boucles  d'acier  poli  poar 
ceintures  ,  porte-manchons  ,  jarretières  , 
iouliers ,  ùc.  mais  communément  ils  ne  le 
livrent  pas  à  ce  genre  de  travail. 

L'art  de  l'éperonnier  ,  prefque  auffi  an- 
cien que  l'ufage  de  monter  à  cheval  ,  ne 
fut  pas  auiïi  compote  dans  l'ancien  temps 
qu'il  l'eft  aujourd'hui.  Les  anciens  fe  conten- 
toient  d'armer  leur  talon  d'une  petite  pointe 
de  fer  pour  hâter  la  marche  des  «chevaux 
paretfeux  ;  tels  étoient  ceux  dont  font  men- 
tion les  auteurs  de  la  plus  haute  antiquité. 
On  voit  même  dans  une  gravure  de  l'anti- 
quité expliquée  du  père  Montfaucon  ,  que 
les  éperons  des  anciens  n'étoient  qu'une 
pointe  attachée  à  un  demi-cercle  de  fer  qui 
s'ajuftoit  dans  les  chauilures  qui  étoient  pour 
lors  en  ufage.  Dans  nos  anciens  manèges 
on  fe  fer  voit  autrefois  d'un  aiguillon  pour 
faire  hauflér  le  derrière  du  cheval  dans  les 
fauts  ,  mais  comme  cette  méthode  décou- 
ir.geoit  certains  chevaux  ,  les  rendoit  rétif- 


bois  ,  qu'on  abandonna  encore  pour  la  rem- 
placer par  les  éperons  que  nous  connoif- 
fons. 

Les  éperonniers  ont  droit  de  dorer ,  ar- 
genter .  étamer  ,  vernir  ,  mettre  en  violet 
ou  en  couleur  d'eau  leurs  ouvrages.  Ils  peu- 
vent auffi  faire  toutes  fortes  de  boucles 
d'acier  ;  mais  ordinairement  ils  ne  fe  livrent 
pas  à  ce  genre  de  travail. 

L'éperon  eft  une  pièce  de  fer  ,  ou  une 
forte  d'aiguillon  ,  quelquefois  à  une  feule 
pointe  ,  communément  à  plufieurs ,  dont 
chaque  talon  du  cavalier  eft  armé ,  &  dont  il 
fe  fert  comme  d'un  inftrument  propre  à 
aider  le  cheval  dans  de  certains  cas,  &  le  plus 
fouvent  à  le  châtier  dans  d'autres. 

L'éperon  «peut  être  fait  dans  toute  forte 
de  métal.  Il  doit  erre  ébauché  à  la  forge  :  fini 
à  la  lime  douce y  s'il  eft  de  fer  ,  ôc  enfuite 
doré ,  argenté  ou  étamé  ,  &  bruni  ;  s'il  eft: 
d'autre  métal ,  on  le  mettra  en  couleur  Se 
on  le  brunira  de  même  :  c'eft  le  moyen 
de  le  défendre  plus  long-temps  contre  les 
impreiïïons  qui  peuvent  en  ternir  l'éclat  , 
&c  hâter  fa  deftrudion. 

On  fait  des  éperons  de  différentes  fa- 
çons ;  mais  les  plus  commodes  &  les  plus 
en  ufàge  font  ceux  qu'on  appelle  éperons 
brijés  ,  &  dans  lefquels  on  diftingue  le 
collier  ,  les  branches  ,  le  collet  &  la  molette. 
Le  collier  eft  cette  efpece  de  cerceau 
qui  embrafte  le  talon.  Il  y  a  des  éperon- 
niers qui  l'appellent  le  corps  de  l'éperon» 
Les  branches  qu'ils  nomment  alors  les 
bras  ,  font  les  parties  de  ce  même  collier  , 
qui  s'étendent  des  deux  cotés  du  pié  jufquer 
fous  la  cheville.  Le  collet  eft  la  tige  qui 
femble  fortir  du  collier  ,  &  qui  fe  pro- 
longe en  arrière.  Enfin  la  molette  n'eft  autre 
choie  que  cette  forte  de  roue  qui  eft  en- 
gagée comme  une  poulie  dans  le  collet 
refendu  en  chappe  ,  &  qui  eft  refendue 
elle-même  en  plufieurs  dents  pointues. 

Le  collier  &  le  collet ,  de  quelquefois  les 
branches ,  font  tirés  de  la  même  pièce  de 
métal ,  par  la  forge  ou  par  le  même  jet  de 
fonte.  Ce  collier  &:  ces  branches  doivent 
être  plats  en  dedans  ,  les  arrêtes  doivent 
en  être  exactement  abattues  &  arrondies. 
Quant  à  la  furface  extérieure  elle  peut  être 
eu  vicieux  ,  on  lui  fubftitua  une  molette  »  à  cotes  a  à  filets  i  ou  ornée  d'autres,  mou.- 


640  E  P  E 

lures.  La  largeur  du  collier  doit  être  de 
cinq  ou  fix  lignes  à  Ton  appui  fur  le  talon , 
&  doit  diminuer  infenfîblement  ,  de  ma- 
nière qu'elle  fok  réduite  à  deux  ou  trois 
lignes  à  l'extrémité  de  chaque  branche.  Cet 
appui  doit  être  fixé  à  l'origine  du  talon  , 
directement  au  -  deifous  de  la  faillie  du 
tendon  d'Achille. 

Du  refte  ,  il  eft  néceffaire  que  le  col- 
lier 8c  les  branches  foient  fur  deux  plans 
ditférens  ?  c'eft-à-dire  que  le  collier  em- 
brafle  parfaitement  le  talon  ;  8c  que  les 
branches  foient  légèrement  rabaiflees  ,  au- 
deflbus  de  la  cheville  ,  fans  qu'elles  s'écar- 
tent néanmoins  de  leur  parallélifme  avec  la 
plante  du  pie  ;  parallélifme  qui  fait  une 
partie  de  la  grâce  de  l'éperon.  Elles  doi- 
vent de  plus  être  égales  ,  dans  leurs  plis 
&  en  toutes  chofes  ,  dans  la  même  paire 
d'éperons  ;  mais  elles  font  fouvent  terminées 
diversement  dans  différentes  parties.  Dans 
les  unes  ,  elles  finiffent  par  une  platine 
quarréede  dix  lignes  ;  cette  platine  efl:  verti- 
cale ,  &  refendue  en  une  ,  8c  plus  fréquem- 
ment en  deux  claffes  longues  ,  égales, 
parallèles  8c  horizontales  ,  au  travers  def- 
quelles ,  dans  ce  cas  ,  une  feule  courroie 
paffe  de  dedans  en  dehors  ,  8c  de  dehors 
en  dedans  pour  ceindre  enfuite  le  pié  & 
pour  y  affujettir  l'éperon.  Dans  les  autres  , 
chaque  carne  de  leurs  extrémités  donne 
naifîançe  à  un  petit  œil  de  perdrix  qui  eft 
plat.  Le  fupérieur  eft  plus  éloigné  de  l'ap- 
pui que  l'inférieur  ,  quoiqu'ils  fe  touchent 
en  un  point  de  leur  circonférence  extérieure. 
Dans  chaque  œil  de  la  branche  intérieure 
eft  affemblé  mobilement  ,  par  S  fermée  , 
ou  par  bouton  rivé  ,  un  membret  à 
crochet ,  ou  à  bouton.  Dans  l'œil  infé- 
rieur de  la  branche  extérieure  eft  aflem- 
blé de  même  un  autre  membret  femblable 
aux  deux  premiers  :  l'œil  fupérieur  de  cette 
même  branche  porte ,  par  la  chappe  à  S 
fermée  ou  à  bouton  rivé  ,  une  boucle  à 
ardillon.  Les  deux  membrets  inférieurs  fai- 
iifTent  une  petite  courroie  qui  palfe  fous 
le  pié  ,  8c  que  ,  par  cette  raifon  ,  on  ap- 
pelle le  fous  -  pié  :  ces  deux  membrets 
faififlent  cette  courroie  par  ces  bouts  qui  font 
jefendus  en  boutonnières  ,  tandis  que  le 
membret  fupérieur  8c  la  boucle  en  faififlent 
:jne  autre  fort  large  dans  fbn  milieu,  qui; 


E  P  E 

pafTant  fur  le  coup-de-pié  ,  doit  être  ap^ 
pellée  le  fus-pié.  En  engageant  le  bout  plus 
ou  moins  avant  dans  la  boucle  ,  on  affu- 
jettit  plus  ou  moins  fermement  l'éperon. 

Le  membret  à  S  eft  le  plus  commun  ; 
il  eft  banni  des  ouvrages  de  prix.  Ce  n'eft 
autre  chofe  qu'un  morceau  de  fer  long 
d'environ  vingt  lignes  contourné  en  S. 

Le  membret  à  bouton  eft  plus  recher- 
ché ;  c'eft  une  petite  lame  de  métal  arron- 
die par  plan  à  fes  deux  extrémités  ;  elle  eft 
ébauchée  du  double  ,  plus  épaiffe  qu'elle 
ne  doit  refter. 

Dans  la  conftruction  de  l'éperon  en  gé- 
néral ,  la  forme  de  la  molette  eft  ce  qui 
mérite  le  plus  d'attention.  Il  ne  s'agit  pas 
d'eftropier  ,  de  faire  des  claies  au  cheval  , 
d'en  enlever  le  poil;  il  îuffit  qu'il  puiilè 
être  fenfîble  à  l'aide  8c  au  châtiment  ,  8c 
que  l'inftrument  deftiné  à  cet  ufage  foit  tel 
que  ,  par  (on  moyen  ,  on  puiile  remplir 
cet  objet.  Une  molette  refendue  en  un 
grand  nombre  de  petites  dents  devient  une 
feie.  Une  molette  à  quatre  pointes  eft  dé^ 
fectueufe ,  en  ce  que  l'une  de  ces  pointes 
peut  entrer  jufqu'à  ce  que  les  côtés  des  deux 
autres  ,  en  portant  fur  la  peau ,  l'arrêter  t  ; 
fî  elle  eft  longue  ,  elle  atteindra  jufqu'au 
vif;  fi  elle  eft  courte  ,  il  faut  que  les  trois 
autres  le  foient  auili  ;  8c  dès  lors  fi  elles  fe 
préfentent  deux  enfemble  ,  elles  ne  font 
qu'une  imprefïion  qui  eft  trop  légère.  La 
molette  à  cinq  pointes  n'excède  pas  deux 
lignes. 

Les"eperons  étoient  autrefois  une  marque 
de  diftinction  ,  dont  les  gens  de  la  cour 
étoient  même  jaloux.  Plufieurs  eccléfîafti- 
ques  ,  peu  empreffés  à  édifier  le  peuple  par 
leur  modeftie  ,  en  portaient  à  leur  imita- 
tion. En  8 1 6  ,  Louis  le  Débonnaire  crut 
devoir  réprimer  cette  vanité  puérile  ,  qui 
cherche  toujours  à  fe  faire  valoir  8c  à  fe 
faire  remarquer  par  de  petites  chofes. 

Au  polijjoir ,  ou  brunijfoir  près ,  dont  les 
éperonniers  fe  fervent  pour  polir  8c  brunir 
leurs  ouvrages  étamés  ,  leurs  outils  font 
les  mêmes  que  ceux  des  ferruriers.  Le  polif- 
foir  eft  compofé  de  deux  pièces  principales , 
de  l'archet  8c  de  celle  qu'on  nomme  le  polif- 
foir.  L'archet  eft  de  fer ,  il  eft  long  d'un  pié  8c 
demi ,  eft  recourbé  par  les  deux  bouts  f 
dont  l'un  eft  emmanché  dans  du  bois  pour 


EPE 

lui  fervir  de  poignée,  &  l'autre  eft  fait  en 
"crochet  pour  y  recevoir  un  piton  à  queue  ; 
au  milieu  de  l'archet  eft  le  pohffoir  qui  eft 
une  petite  pièce  d'acier  ou  de  ter  bien  acé- 
rée ,  large  par  en  bas  de  deux  pouces ,  5c 
longue  de  trois  ,  qui  eft  rivée  à  l'archet  , 
ck  qui  le  traverfe. 

Lorfqu'on  veut  fe  fervir  de  cet  outil,  on 
enfonce  la  queue  du  piton  de  l'archet  dans 
,un  trou  d'un  morceau  de  bois ,  qu'on  ap- 
pelle bois  à  polir ,  6k  qui  eft  engagé  dans 
un  étau  :  alors  l'ouvrier  prend  de  la  main 
droite  le  manche  de  l'archet ,  &  de  la  gau- 
che l'ouvrage  qu'il  veut  polir,  6k  qui  eft 
appuyé  fur  l'extrémité  arrondie  du  bois  , 
6k  ne  ceffe  d'y  paffer  le  poliffoir  qui  tient 
à  l'archet,  jufqu'à  ce  que  l'ouvrage  étamé 
ait  ce  brillant  qu'on  appelle  poli  ou  bru- 
niffure. 

La  communauté  des  maîtres  éperonniers 
de  la  ville  6k  fauxbourgs  de  Paris  eft  fort 
ancienne.  Quoiqu'il  n'y  ait  pas  long-temps 
qu'elle  y  foit  cQnnue  fous  ce  nouveau  nom; 
elle  eft  la  même  que  celle  des  fell;ers-lor- 
miers,  qui  anciennement  étoit  compofée 
de  lormiers-éperonniers  ,  dont  1  etab'uffe- 
ment  de  la  maîtrife  remonte  au  douzième 
Éecle. 

Pour  être  reçu  maître  dans  cette  com- 
munauté ,  qui  eft  aujourd'hui  compofée  à 
Paris  de  vingt -trois  maîtres,  il  faut  faire 
apprentiffage  pendant  quatre  années  ,  ck 
fervir  cinq  autres  années  chez  les  maîtres 
■en  qualité  de  compagnon. 

EPERVIER ,  f.  m.  (Hift.  nat.  Ornith.) 
tûccipiter ,  fringillarius ,  feu  recentiorum 
ni  fus  ;  oifeau  de  proie ,  gros  comme  un 
pigeon.  Il  a  près  de  treize  pouces  de  lon- 
gueur depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'ex- 
trérrité  de  la  queue  ,  ck  Tenvergeure  eft  de 
deux  pies.  Le  bec  eft  court ,  crochu ,  6k 
<le  couleur  bleue  ,  excepté  la  pointe  qui  eft 
noire.  La  mâchoire  fupérieure  a  fur  fa  bafe 
une  membrane  de  couleur  livide  ,  ck  de 
;chaque  côté  une  forte  d'appendice  pointu 
-qui  iè  îrouve  au-deffous  des  narines;  elles 
font  oblongues  :  le  palais  eft  bieu,  la  lan- 
gue épaifté  ck  noirâtre  :  les  yeux  font  de 
médiocre  grandeur;  Piris  eft  jaune  ,  ck  les 
.fourciis  font  fort  avancés.  Le  fommet  de 
la  tête  eft  brun  ;  le  derrière  de  la  tête  ,  ck 
la  partie  qui  eft  au-deffus  des  yeux ,  font 
.  Tome   XII, 


EPE  f4Y 

tachés  de  blanc  :  le  dos,  les  épaules  ,  les 
ailes  6k  le  deffous  du  cou  font  bruns,  excepté 
quelques  plumes  des  ailes  les  plu*  proches 
du  dos  ,  qui  ont  des  taches  blanches.  Le 
deffous  du  cou  ,  la  poitrine  ,  le  ventre  ,  les 
côtés,  le  deffous  des  ailes  font  colorés  de 
blanc  6k  de  brun  par  bandes  tranfverfafes, 
6k  alternativement  b'anches  6k  brunes  :  les 
blanches  font  les  plus  larges.  Les  ailes 
pliées  font  bien  moins  longues  que  la  queue  ; 
elles  ont  vingt-quatre  grandes  plumes.  L'a 
queue  a  près  de  deux  palmes  de  longueur; 
elle  eft  compofée  de  douze  plumes,  6k 
traverfée  par  cinq  ou  fix  bandes  noirâtres  : 
la  pointe  de  fes  plumes  eft  blanche.  Les 
cuiffes  font  groffes  ,  les  jambes  minces  6k 
jaunâtres ,  6k  les  doigts  également  longs  ; 
l'extérieur  eft  attaché  à  celui  du  milieu  par 
une  membrane  jufqu'à  la  première  articula- 
tion. Les  ongles  font  noires.  La  femelle  pond 
cinq  œufs  qui  font  blancs;  il  y  a  vers  le 
gros  bout  une  efpece  de  couronne  formée 
par  des  taches  rouges.  Cet  oifeau,  quoique 
de  groffeur  médiocre ,  eft  très-fort  6k  très- 
courageux  ;  on  le  dreffe  pour  la  chaffe. 
Willugh.  Ornith.  Voye\  OlSEAU.  (I) 

EPERVIER  ,  f.  m.  (  terme  de  blafon.) 
oifeau  de  proie  affez  commun  dans  les 
armoiries.  Il  eft  l'hiéroglyphe  de  la  chaffe 
au  vol. 

Chaperonné  fe  dit  du  chaperon  qu'il  a 
fur  la  tête  ;  longé,  des  liens  de  fes  jambes  ; 
grilleté,  des  grillets  qui  y  font  attachés  , 
lorfqu'ils  font  d'émail  différent. 

Perché  fe  dit  de  Yéperi'ier  fur  un  bâton. 

Fleuriau  de  Frefne ,  à  Paris;  d'azur  à 
V épervier  -d' argent  chaperonné  de  gueules  , 
longé ,  gri/Jqfé  &  perché  d'or. 

Autric  de  Beaumettes,  de  Sainte-Croix  , 
en  Provence  ;  de  gueules  à  cinq  éperviers 
d'or,  longés  de  fable  ,  grille  tés  d'argent. 

De  Kergu  ,  en  Bretagne  ;  d'argent  à 
V  épervier  de  fable ,  longé  &  grilleté  d'or. 
(  H.  D.  L.  T.  ) 

*  EPERVIER  DU  FURET,  terme  de  Pêche; 
forte  de  filet  avec  lequel  on  prend  le  poif- 
fon  dans  les  rivières.  C'eft  un  grand  fac 
de  rets  dont  la  forme  eft  conique ,  6k  dont 
les  mailles  ont  onze  lignes  en  quarté.  Le 
bord  inférieur  de  ce  filet  eft  garni  de 
plomb  :  le  tout  eft  retenu  par  une  corde 
i  fixée  au  fommet  du  cône.  On  pofe  ce  fi.et 
M  m  mm 


64i  E  P  H 

fur  l'épaule,  comme  un  manteau  à  l'efpa- 
gnole ,  ck  de  l'autre  bras  on  le  jette  à  l'eau, 
enforte  qu'il  fe  développe,  ck  que  les  plom- 
mées  forment  un  cercle  qui  fait  couler  le 
fileta  fond,'ck  le  difpofent  en  tombant 
en  une  efpece  de  voûte  fous  laquelle  le 
poiffon  fe  trouve  renfermé  fans  en  pouvoir 
fortir.  On  retire  enfuite  le  filet  par  fon  cor- 
don ,  ôk  les  plombs  dont  l'extrémité  infé- 
rieure eft.  garnie ,  fe  réunifient  ck  empê- 
chent le  poiffon  de  fortir  pendant  qu'on 
retire  le  filet. 

La  pêche  avec  Yépervier  eft  défendue  par 
l'ordonnance  de  1669. 

EPETER  ,  v.  act.  (Jurifpr.J  quajîap- 
petere  ,  eft  un  ancien  terme  de  coutumes 
quifignifie  empiéter  fur  l'héritage  d' autrui. 
Voyez  la  coutume  de  Troyes ,  art.  /j  o  ; 
Pithou y«r  cet  article.  (A) 

EPHA,  f.  m.  {Hift.  anc.)  mefure  gre- 
que  qui  étoit  en  ufage  parmi  les  Hébreux. 
Voye\  Mesure. 

L'epha  étoit  la  mefure  la  plus  commune 
parmi  les  anciens  Juifs  ,  par  laquelle  fe 
régloient  les  autres.  On  croit  que  cette 
mefure  réduite  à  celle  des  Romains ,  con- 
tenoit  quatre  boiffeaux  ck  demi  :  chaque 
boiffeau  de  grain  ou  de  farine  pefoit  vingt 
livres  :  ainfi  Yepha  pefoit  quatre-vingt-dix 
livres.  Le  docteur  Arbuthnot  réduit  Yepha 
à  trois  picotins  ou  pintes  d'Angleterre. 

L'Ecriture  vante  l'hofpitalité  de  Gédéon, 
pour  avoir  fait  cuire  un  epha  de  farine 
pour  un  ange  feul  ;  ce  qui  auroit  pu  fuffire 
à  la  nourriture  de  quarante-cinq  hommes 
pendant  un  jour.  Chambers.  (G) 

EPHEBEUM,  f.  m.  (Littéral.)  LV 
phebeum  étoit  une  pièce  pfjFticuliere  du 
gymnafe  où  les  jeunes  gens  qui  n'avoient 
pas  atteint  leur  feizieme  année,  ck  qu'on 
nommoit  éphebes  par  cette  raifon,  s'aftem- 
bloient  de  grand  matin  pour  y  prendre  les 
exercices  dans  le  particulier  ck  fans  avoir 
de  fpectateurs.  Rien  ne  manquoit  parmi 
les  Grecs,  èk  les  Romains  pour  procurer 
tous  les  fecours  nécefiaires  à  la  jeuneffe  qui 
vouloir  s'inftruire  ck  fe  perfectionner  dans 
les  exercices.  Nous  pourrions  prendre  dans 
Vitruve  une  idée  de  la  grandeur  des  édi- 
fices publics  deftinés  à  cette  branche  de 
l'éducation ,  de  leur  nombre  ,  de  leurs  di- 
Yeifes  parues  ck  de  leur  diftribution  ;  mais  J  s'élèvent  fur  un  angle  fort  ouvert:  on  ne 


E  P  H 

nous  ne  lifons  ni  Vitruve  y  ni  les  auteurs 
d'antiquités.  Nous  croyons  en  voyant  nos 
collèges  ck  nos  académies ,  que  nous  avons 
des  merveilles  inconnues  aux  fiecles  parlés. 
Combien  fouvent  ck  à  combien  d'égards 
peut-on  nous  dire  :  «  ô  Athéniens  !  vous 
»  n'êtes  que  des  enfans ,  vous  penfez  com- 
»  me  des  enfans.  article  de  M.  le  Che- 
valier DE   JAUCOURT. 

EPHEDRA  ,  (  Botan.  )  en  Anglois  , 
horfe-tail  ;  en  Allemand  ,  fceroffchwant^. 

Caractère  générique. 

Il  fe  trouve  des  fleurs  mâles  6k  des  fleurs 
femelles  fur  des  individus  différens  :  les 
premières  font  raffemblées  en  chatons 
écailleux  ,  ck  fous  chaque  écaille  eft  une 
fleur  apétale  ,  pourvue  de  fept  étamines 
qui  font  jointes  fous  la  forme  d'une  co- 
lonne. Les  fleurs  femelles  ont  un  périan- 
'he  compofé  de  cinq  rangs  de  feuilles  cou- 
chées alternativement  fur  .les  divifions  de 
la  rangée  inférieure  ;  elles  n'ont  point  de 
pétales  ,  ck  renferment  deux  embryons 
ovoïdes,  qui  deviennent  enfuite  des  baies 
de  même  figure ,  contenant  chacune  deux 
femences. 

Efpeces. 

Ephedra  à  pédicules  oppofés  ck  à  cha- 
tons doubles. 

Ephedra  pedunculis  oppojîtis  ,  amentis 
geminis.  Hort.  ClifF. 

Shrubby  horfe-tail  with  oppojite  foot  t 
(lalks  and  the  twin  katkins. 

Nous  cultivons  deux  elpeces  à'ephedra  9 
qui  ne  différent  que  par  leur  (rature  ck 
par  leur  couleur-,  l'une  étant  bien  plus 
baffe  que  l'autre  ,  ck  d'un  verd  plus  pâle. 
Du  moins  n'avons-nous  pas  eu  lieu  de  dis- 
tinguer entre  elles  jufqu'à  préfent  des  dif- 
férences plus  importantes. 

Ces  arbriffeaux  font  très-finguliers  ;  ils 
pouffent  de  leur  pié  nombre  de  jets  filifor- 
mes femblables  au  fcirpe  ,  ck  recouverts 
d'une  écorce  verte  :  environ  de  deux  eri 
deux  pouces  il  fe  trouve  fur  ces  jets  une 
articulation  ou  genou  de  couleur  rouiilée, 
d'où  partent  un  ,  deux  ou  trois  filets  qui 


E  P  H  E  P  H  643 

voit  fur  cet  arbriffeau  rien  qui  reiîemble  à  f  de  lentigines  ,  que  leur  donnent  les  Latins. 


des  feuilles  ;  ce  qui  fait  foupçonner  que 
les  bourgeons  en  font  l'office,  c'eft-à-dire, 
qu'ils  font  pourvus  d'organes  d'imbibition 
&  de  tranfpiration.  Vephedra  croît  de  lui- 
même  fur  les  rochers ,  au  bord  de  la  mer, 
au  midi  de  la  France  6k  en  Efpagne  :  il 
réfifte  très-bien  au  froid  des  climats  fepten- 
trionaux  delà  France;  on  peut  le  planter, 
pour  fa  fingularité  ,  fur  les  devants  des 
bofquets  d'hiver  :  on  le  multiplie  au  prin- 
temps par  les  furgeons  qu'il  pouffe  à  quel- 
que diftance  de  fon  pie  :  il  aime  une  ferre 
un  peu  fraîche,  qui  ait  de  la  confiftance. 
Il  reffemble  infiniment  à  la  prêle  :  fon  fruit, 
lorfqu'il  eft  mûr  ,  a  un  goût  aigrelet,  fucré 
ck  agréable  ;  on  le  confeille  pour  tempérer 
l'ardeur  de  la  bile. 

Comme  nous  ne  connoiffons  pas  du  tout 
les  autres  efpeces  tranfcrites'par  M.  Duha- 
mel du  Monceau ,  nous  nous  contenterons 
de  les  copier  :  les  deux  efpeces  que  nous 
poffédons ,  font  fes  numéros  2  &  3. 

On  trouve  de  plus  dans  cet  auteur,  n°. 
I  ,  ephedra  five  anabajis.  Bellon.  Infi.  mas 
&  fœmina. 

N°.  4.  Ephedra  Hifpanica  arbore/cens  , 
tenuijjimis  &  denfïjjimis  foliis.  Infi.  mas 
&  fœmina. 

N°.  5.  Ephedra  Cretica  tenuioribus  & 
Tarioribus  Jlagcllis.  Cor.  Infi. 

N°.  6.  Ephedra  petiolis  fcepe  pluribus, 
amends  folitariis.  Gmel.  Flor.  Sib. 

Cette  dernière  eft  fort  baffe ,  6k  forme 
une  forte  de  gazon.  M.  Duhamel  dit  que 
les  autres  peuvent  être  tondues  au  cifeau, 
&  qu'on  en  fait  de  belles  boules.  (M.  le 
Baron  DE   TsCHOUDl.) 

EPHELIDE,  f.  f.  (Médecine.)  i;mt  , 
mot  compofé  de  la  prépofîtion  gVi  ,  qui 
dans  ce  cas  a  la  lignification  de  par ,  6k 
d'wAio* ,  foleil.  C'eft  le  nom  que  les  Grecs 
ont  donné  aux  taches  rouffes,  noires ,  fans 
élévation,  qui  furviennent  à  la  peau  des 
parties  qui  retient  habituellement  décou- 
vertes ,  fur-tout  au  vifage. 

Ces  taches  font  ordinairement  l'effet 
du  foleil  ,  à  l'ardeur  duquel  on  a  refté  ex- 
po fé  ;  elles  font  quelquefois  accompagnées 
d'àpreté  ,  de  rudeffe  dans  1  epiderme  ;  quel- 
ques-unes ont  la  figure  6k  l'étendue  d'une 
lentille  ;  elles  font  diftinguées  par  le  nom 


Celles  de  cette  efpece  peuvent  être  produi- 
tes par  la  feule  application  de  l'air  chaud  , 
ou  par  la  réverbération  des  rayons  du  fo- 
leil :  (Voyei  Lentille.)  d'autres  font 
étendues  fur  toute  la  furface  des  parties 
qui  ont  été  expofées  à  l'acYion  immédiate 
de  cet  aftre  ;  elles  forment  ce  qif  on  appelle 
le  hâte ,  morphxa  folaris.  Voye^  Hale. 

On  comprend  encore  parmi  les  èphéli- 
des  ,  mais  improprement ,  certaines  taches 
brunes ,  quelquefois  rougeâtres,  qui  affec- 
tent le  vifage  6k  le  front  ,  fur- tout  des 
femmes  groffes,  &  même  des  filles.  On 
n'a  pu  être  autorifé  à  les  nommer  ainfi  , 
que  par  la  reffemblance  qu'on  a  cru  leur 
trouver  avec  les  véritables  èphèlides\  les 
fauffes  dont  il  s'agit  proviennent  de  caufe 
interne ,  6k  principalement  de  la  fuppref- 
fion  des  règles ,  par  la  groffeffe ,  ou  par 
maladie  :  le  fang  qui  fe  porte  à  la  matrice 
ayant  croupi  dans  les  finus,  6k  étant  reporté 
dans  la  maffe  des  humeurs  avec  les  mau- 
vaifes  qualités  qu'il  y  a  contractées ,  caufe 
beaucoup  de  trouble  dans  l'économie  ani- 
male ,  6k  fournit  qulquefois  aux  colatoi- 
res  de  la  peau  des  fucs  viciés  qui  les  engor- 
gent ,  6k  occafionent  ces  changemens  de 
couleur  qui  la  tachent.  Hippocrate  regar- 
doit  ces  fortes  âièphilides  comme  des  fignes 
de  groffeffe  :  mais  ils  font  très-équivoques  ; 
elles  fe  diflipent  quelquefois  vers  le  quatriè- 
me mois  avec  les  autres  fymptomes  qu'elle  s 
produit  ;  d'autres  fois  elles  paroiffent  & 
difparoiffent  à  diverfes  reprifes  pendant  le 
cours  de  neuf  mois ,  ck  ne  font  entièrement 
détruites  que  par  l'accouchement  :  il  en  eft 
même  qui  fubfiftent  après  l'accouchement, 
ck  deviennent  ineffaçables.  Dans  les  filles 
elles  ne  font  parfaitement  emportées  que 
par  la  ceffation  de  la  fuppreffion  dés  règles 
qui  les  a  fait  naître. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  manière  de  trai- 
ter les  fauffes  éphélides  ;  elle  doit  être  bor«- 
née  aux  topiques  pour  les  femmes  encein- 
tes :  on  confeiile  l'ufage  des  graines  de  lau- 
rier réduites  en  poudre  ,  après  en  avoir  ôté 
l'écorce ,  6k  mêlées  avec  du  miel  en  forme 
d'onguent ,  dont  on  oint  le  vifage  :  l'émul- 
fion  des  graines  de  chanvre  ,  dont  on' lave 
la  partie  affeclée  ,  eft  auftî  employée  avec 
fuccès  dans  ce  cas.  On  recommande  ,  pour 
Mm  mm  2. 


644  E  P  H 

les  filles ,  de  frotter  les  taches  avec  un  îinge 
imbu  du  fuc  qui  découle  d'une  racine  de 
buglofe  coupée  6k  exprimée,  dans  le  temps 
du  flux  menftruel  ;  car  il  faut,  avant  tout , 
qu'il  foit rétabli, pour  que  ce  remède  puiiTe 
être  de  quelque  utilité."  Voyt\  Tache. 
(d) 

EPHEMERE,  f.  f.  (Hift.nat.  Tnfectolog.) 
mufca  ephemera ,  infecte  qui  meurt  pref- 
qu'auflitôt  qu'il  eft  transformé  en  mouche; 
la  plupart  vivent  à  peine  une  demi-heure 
ou  une  heure  dans  cet  état  :  celles  qui  y 
reftent  depuis  le  coucher  du  foîeil  jufqu'à 
l'aurore  du  lendemain  ,  parlent  pour  avoir 
vécu  long  ^temps.  On  en  diftingue  grand 
nombre  cï'efpeces ,  elles  reffemblent  beau- 
coup à  des  papillons  ;  mais  il  n'y  a  point 
de  poufliere  fur  leurs  ailes  comme  fur  celles 
des  papillons  ;  e!les  font  fort  tranfparentes 
ck  très-minces.  Les  éphémères  ont  quatre 
ailes ,  deux  en  dtflus  6k  deux  en  deflous , 
les  ailes  iupérieures  font  de  beaucoup  plus 
grandes  que  les  inférieures.  Le  corps  eft 
alongé  ,  6k  compofé  de  dix  anneaux  :  il 
fort  du  dernier  une  queue  beaucoup  plus 
longue  que  tout  le  refte  de  l'animal ,  6k 
formée  par  deux  ou  trois  filets  extrême- 
ment fragiles. 

Ces  infectes  vivent  dans  l'eau  pendant 
un ,  deux  ou  trois  ans  fous  la  forme  de 
ver,  6k  enfuite  de  nymphe  ,  avant  que  de 
fe  transformer  en  mouche.  En  les  confidé- 
rant  dans  ces  différens  états ,  leur  vie  eft 
longue  relativement  à  celle  des  infectes; 
STmême  on  a  donné  le  nom  à' éphémère 
à  des  mouches  qui  vivent  pendant  quelques 
jours  après  leur  métamorphofe.  Le  ver  ne 
diffère  de  la  nymphe  qu'en  ce  que  celle-ci 
a  feulement  de  plus  que  le  ver,  des  four- 
reaux d'aile  fur  le  corcelet.  L'un  6k  l'autre 
«on  fix  jambes  écaiileufès  attachées  au  cor- 
celet. La  tête  eft  triangulaire  6k  un  peu 
applat;e;.il  y  a  deux  gros  yeux  ordinaire- 
ment bruns  ,  6k  un  filet  graine  au  côté 
intérieur  de  chaque  œil.  La  bouche  eft  gar- 
nie de  dînts  ,  6k  le  corps  compofé  de  dix 
anneaux,  dont  les  premiers  font  plus  gros 
que  les  derniers.  La  partie  poftérieure  du 
corps  eft  terminée  par  trois  filets  qui  for- 
ment une  longue  queue  :  ces  filets  font 
écartés  les  uns  des  autres  ,  6k  bordés  des 
deux  côtés  par  une   frange  de  poils.  Ces 


infectes  ont  une  teinte  plus  ou  moins  (e>A~ 
cée  de  couleur  brune  ,  jaunâtre  ou  blan- 
châtre. Ils  reftent  dans  des  trous  creufés  en 
terre  au  deflous  de  la  furface  de  l'eau  d'une 
rivière  ,  ou  d'une  autre  eau  moins  cou- 
rante ;  les  uns  n'en  fortent  que  très-rare- 
ment, d'autres  plus  fouvent  :  ceux-ci  na- 
gent dans  l'eau  ,  6k  marchent  fur  les  corps 
qu'ils  y  rencontrent,  ou  fe  tiennent  cachés 
fous  des  pierres,  &c.  Lorfqu'onlesobferve 
de  près  ,  on  voit  le  long  du  corps ,  de  cha- 
que côté  ,  des  fortes  de  petites  houppes  qui 
ont  un  mouvement  fort  rapide  ,  &  qui 
tient  lieu  d'ouies  à  ces  animaux. 

Comme  les  infectes  qui  doivent  fe  trans- 
former en  mouches  éphémères ,  ne  nagent 
que  très  -  rarement  dans  l'eau  ,  il  faut  , 
quand  on  les  veut  voir,  les  chercher  dans 
une  terre  compacte,  où  ils  font  les  trous  : 
la  confiftance  de  cette  terre  approche  de 
celle  de  la  glaife.  Lor.que  les  eaux  de  la 
Seine  6k  de  la  Marne  ne  font  pas  hautes  y. 
on  voit  fur  les  bords  de  ces  rivières  ,  juf- 
qu'à deux  ou  trois  pies  au  deflus  du  niveau 
de  l'eau  ,  la  terre  criblée  de  ces  trous  ,. 
dont  les  ouvertures  ont  deux  ou  trois  lignes 
de  diamètre  ;  ils  font  vuides,  les  infectes 
les  ont  abandonnés  lorfqu'ils  fe  font  trou-*- 
vés  à  fec,  6k  ont  fait  d'autres  trous  plus  bas 
dans  la  terre  que  l'eau  baigne;  il  y  en  a 
jufqu'à  plufîeurs  pies  au  deflous  de  la  fur- 
face  de  l'eau.  Ces  trous  font  dirigés  hori- 
zontalement; ils  ont  deux  ouvertures  plar 
cées  l'une  à  côté  de  l'autre ,  de  forte  que 
!  la  cavité  du  trou  eft  femblable  à  celle  d'un 
tuyau  coudé.  L'infecte  entre  par  l'une  des 
ouvertures ,  6k  fort  par  l'autre  :  la  capacité 
du  trou  eft  proportionnée  au  volume  de 
foncorps  dans  les  différens  degrésd'accrpif- 
fement.  La  transformation  de  la  nymphes 
en  mouche  eft  très-prompte;  celle-ci  quitte 
fon  fourreau  avec  beaucoup  de  facilité  : 
quelques-unes  prennent  leur  efîbr  avant  que 
de  s'en  être  entièrement  dégagées,  6k  em- 
portent leur  dépouille  qui  tient  encore  à 
leur  queue. 

Lé  temps  de  l'apparition  des  mouches 
éphémères  n'eft  pas  toujours  le  même  pous 
toutes  les  efpeces  de  ces  mouches.  C'eft 
vers  la  fêfe  de  faint  Jean  qu'elles  paroiflenr, 
dans  des  pays  plus  froids  que  le  nôtre.  A 
Paris  on  les  voit  vers  la  mi-Août  >  quel- 


E  P  H 

quefois  plutôt ,  &  d'autres  fois  plus  tard,  j 
Sur  le  Rhin  ,  la  Meufe  ,  &c.  les  éphémères  j 
commencent  à  voler  environ  deux  heures  j 
avant  le  coucher  du  foleil.  Sur  la  Seine  & 
la  Marne  on  n'en  voit  que  dans  le  temps 
où  le  foleil  eft  prêt  à  fe  coucher;  elles  ne 
viennent  en  grand  nombre  que  lorfqu'il  a 
difparu  :  alors  il  s'élève  en  l'air  une  prodi- 
gieufe  multitude  de  ces  infectes;  ils  vo- 
lent fi  près  les  uns  des  autres  ,  que  Ton  ne 
voit  que  des  éphémères  autour  de  foi ,  fur- 
tout  fi  l'on  tient  une  lumière.  Elles  s'y  por- 
tent de  toutes  parts  ;  elles  décrivent  des 
cercles  tout  autour  &  en  tout  fens  ;  elles 
fe  répandent  par-tout  en  un  inftant  ;  elles 
tombent  comme  les  flocons  de  la  neige  la 
plus  abondante  ,  la  furface  de  l'eau  en  eft 
couverte  ;  la  terre  en  eft  jonchée  fur  les 
bords  de  la  rivière ,  où  elles  s'amoncelent , 
&  forment  une  couche  d'une  épaiffeur 
conficlérable. 

En  17 î8,  le  19  Août,  cette  grande  af- 
fluence  d  éphémères  ne  dura  fur  la  Marne  à 
Charenton,  que  depuis  neuf  heures  jufqu'à 
neuf  heures  ck  demie;  leur  nombre  dimi- 
nua peu-à-peu,  &r_  fur  les  dix  heures  on 
n'en  appercevoit  plus  que  quelques-unes  qui 
voloient  fur  la  rivière  :  on  en  avoit  déjà  vu 
le  jour  précédent.  Le  20,  ces  infectes  pa- 
rurent en  auflî  grand  nombre  que  le  19  ; 
le  21  il  y  en  eut  à  peine  le  tiers  ;  le  22  on 
en  vit  moins  :  mais  quoiqu'il  fît  moins 
chaud  que  les  jours  précédens,  &  qu'il  tom- 
bât de  la  pluie  ,  elles  parurent  à  la  même 
heure.  Les  quatre  ou  cinq  jours  fuivans  en 
en  vit  encore,  mais  leur  nombre  diminuoit 
de  jour  en  jour  :  les  premières  s'étoient 
montrées  chaque  jour  entre  huit  heures  &c 
un  quart  Se  huit  heures  &  demie.  En  1739  , 
les  éphémères  vinrent  dès  le  6  Août;  mais 
elles  ne  parurent  que  vers  les  neuf  heures 
ÔC  demie ,  ou  les  neuf  heures  trois  quarts. 
Il  y  en  eut  beaucoup  moins  cette  année  que 
la  précédente.  Les  Pêcheurs  regardent  les 
(éphémères  comme  une  manne  qui  iert  de 
nourriture  aux  poilTons  ,  Se  ils  prétendent 
que  cette  manne  ne  tombe  que  pendant 
trois  jours.  En  effet  ces  infectes  ne  paroi f- 
ient  que  pendant  trois  jours  en  grand; 
abondance.  La  plupart  fe  noyèrent  dans  la 
liviere,  6>c  les  autres  relièrent  furies  bords 
prefque  fans  mouvement,  entaffées  lesunes 


E^H  645 

fur  les  autres,  ck  moururent  bientôt;  à 
peine  s'en  trouva-t-il  qui  vécufient  jufqu'au 
lever  du  foleil.  Elles  avoient  plus  de  deux 
pouces  de  longueur  ,  en  y  comprenant  les 
filets  de  la  queue.  Les  ailes  étoient  bl  niches 
lorfqu'elles  ne  fe  touchoient  pas ,  &  d'un 
blanc-fale  ou  rougeâtre  lorfqu'elles  étoient 
appliquées  l'une  fur  l'autre.  Les  mâles  ont 
un  des  filets  de  la  queue  plus  court  que  les- 
deux  autres. 

Dès  que  les  femelles  ont  quitté  leur  dé- 
pouille ,  elles  font  prêtes  à  pondre  ;  après 
avoir  pris  leur  vol,  elles  dépofent  leurs  œufs 
dans  le  premier  endroit  où  elles  fe  trouvent 
en  tombant  ,  ou  en  fe  pofant  foit  fur  la  fur- 
face  de  l'eau,  foit  fur  la  terre.  La  ponte  eft 
raite  en  un  moment ,  quoique  le  nombre 
des  œufs  foit  très-grand.  Ils  étoient  arran- 
gés dans  chaque  femelle  de  façon  qu'ils 
formoient  deux  grappes  compofées  de 
grains  qui  fe  touchoient  ;  la  longueur  de 
chacune  étoit  de  trois  lignes  &  demie  ou 
quatre  lignes  ,  êf  le  diamètre  d'environ 
une  demi-ligne  ou  urie  ligne  :  il  y  avoit 
fept  ou  huit  cents  œufs  dans  les  deux  grap- 
pes. Y! éphémère  vole  à  fleur  d'eau,  &  s'ap- 
puie fur  l'eau  par  le  moyen  des  filets  de  la 
queue;  lorfqu'elle  pond,  les  grappes  fortent 
de  l'infecte  toutes  les  deux  à  la  fois,  &C 
tombent  au  fond  de  l'eau  qui  les  diflout  , 
de  façon  que  les  œufs  fe  féparent  ck'fe 
difperfent  fur  le  fond  de  la  rivière.  On  n* 
fait  pas  combien  de  temps  ils  y  reftent 
avant  que  les  vers  en  fortent  :  on  ne  fait  pas 
bien  non  plus  fi  les  éphémères  s'accouplent, 
ou  fi  le  mate  féconde  les  œufs  après  la 
ponte.-  Mém.  pour  fervir  à  l'iiifloire  des 
Infçiles,  tome  FI.   Voyti  INSECTE.  (I) 

ÉPHÉMÈRE,  adj.  (Médecine.)  ce  terme 
eft  grec,  £<pi>.?f&v,  compofé  de  la  prépofi- 
tion  brfc,  auns  ,  &  vft.fa, ,  jour;  ainfi  il  eft 
employé  pour  fignifier  ce  qui  fe  pafte  dans 
un  jour,  dans  l'efpace  de  24  heures  ;  c'eft 
aufîi  l'étjrmologie  du  mot  éphémeride  ,  qui 
a  la  même  lignification ,  &  qui  eft  quelque- 
fois employé  en  Médecine  au  lieu  de  calen- 
drier. Voy.  ÉPHÉMÉRIDES. 

Ephémère  eft  une  épithete  que  les  Méde- 
cins donnent  à  une  foi  te  de  fièvre,  qui  fait, 
ion  cours  dans  l'efpace  d'un  jour;  c'eft  celle 
que  Gahen  appelle  tf$4«(«f  «ruftTo? ,  &  les 
Latins  jebris   diaria  ;   quelques-uns  ont 


é46  E  P  H 

improprement  étendu  la  fignification  àz  fiè- 
vre éphémère  à  celle  donr  le  cours  eft  pro- 
longé jufqu'au  troifieme  jour  inclusivement, 
qu'il  eft  plus  convenable  de  ranger  Ample- 
ment parmi  les  fièvres  continues  non  putri- 
des. Voye\  Fièvre  putride. 

La  fièvre  éphémère  doit  aufli  être  regar- 
dée comme  continue  ,  puifqiùi  eft  de  ion 
caractère  que  l'agitation  fébriie  qui  la  conf- 
titue  ,  étant  commencée  ,  ne  celle  pas  que 
la  maladie  ne  Toit  terminée  ;  enforte  que 
dans  l'efpace  de  temps  qu'elle  dure  ,  elle 
parcourt  les  quatre  degrés  que  l'on  obferve 
dans  toute  forte  de  fièvre  ;  favoir  ,  le  prin- 
cipe ,  l'accroiflement ,  l'état ,  la  déclinai- 
son :  mais  celle  -  ci  n'eft  pas  une  maladie 
aiguë,  parce  qu'elle  n'eft  pas  accompagnée 
d'un  grand  changement ,  foit  dans  les  par- 
ties foîides ,  foit  dans  les  fluides,  ck  qu'elle 
ne  produit  pas  par  conféquent  un  grand 
dérangement  dans  les  fondions  ;  ainfi  la 
fièvre  éphémère  proprement  dite  eft  dif- 
tinguée  de  la  fuece  ou  fueur  angloife ,  qui  eft 
le  nom  que  l'on  donne  à  une  forte  de  fièvre 
qui  a  régné  en  Angleterre  à  différentes  re- 
paies ,  pendant  les  deux  derniers  fiecles  , 
dont  le  principal  fymptome  étoit  une  fueur 
fi  abondante ,  qu'elle  -faifoit  périr  la  plupart 
de  ceux  qui  en  étoient  attaqués  en  moins 
d'un  jour ,  ck  quelquefois  en  peu  d'heures  ; 
celle-ci  eft  de  {'efpece  des  fièvres  malignes 
très-aiguës  :  (i  on  lui  donne  le  nom  ^éphé- 
mère ,  on  doit  lui  joindre  1  epiîhete  àepefii- 
itnt'ullty  (voye^  Suete  ou  Sueur  AN- 
gloise  ,  Fièvre  maligne,  Peste.) 
La  fièvre  éphémère  diffère  de  toute  autre 
fièvre  continue,  par  le  peu  de  trouble  qu'elle 
caiife  dans  l'économie  animale  ,  ck  par  fa 
courte  durée  :  le  défaut  de  retour  la  diftin- 
gue  des  fièvres  intermittentes. 

Elle  eft  le  plus  fouvent  caufée  par  quel- 
que abus  des  chofes  qu'on  appelle  dans  les 
écoles  non-naturelles  ,  comme  lorfque  la 
perfonne  qui  en  eft  affeétée  s'eft  expofée 
à  l'ardeur  du  foîeil ,  ou  a  fait  un  exercice 
violent ,  ou  a  trop  bu  ou  trop  mangé  ,  ou 
qu'elle  a  fait  des  veilles  exceftives ,  ou  s'eft 
livrée  à  un  trop  grand  travail  d'efprit ,  à 
quelque  accès  de  coiere  ,  &c.  Quelqu'une 
de  ces  caufes  étant  récente  ,  ck  n'ayant 
pas  vicié  notamment  la  ma fTe  des  hu- 
meurs ,  ck  n'y  ayant  produit  qu'un  épaif-  , 


EPH 

fiiïement  ,  ou  une  raréfaction  ,  ou  une 
conftri&ion  des  vaiffeaux  plus  confidéra- 
bles  ;  le  iang  trouvant  coniëquemment  un 
peu  de  réfiftance  à  parcourir  les  extrémi- 
tés artérielles ,  il. s'excite  par  la  caufe  géné- 
rale ,  qui  détermine  toutes  les  fièvres  de 
quelque  efpece  qu'elles  foient ,  un  mouve- 
ment fébrile ,  qui  tend  à  faire  cefler  l'obf- 
tacle  ,  à  détruire  le  vice  dominant  ;  6k 
attendu  qu'il  n'eft  pas  de  nature  à  réfifter 
beaucoup  ,  il  cède  bientôt ,  ck  la  fièvre  fe 
termine. 

^  Cette  fièvre  éphémère  n'eft  point  précé- 
dée par  le  dégoût  des  alimens  ,  ni  par  la 
laftitude  fpontanée  ,  ni  par  aucun  friffon 
ou  tout  autre  avant-coureur  des  fièvres  de 
toute  efpece  ;  elle  furvient  prefque  fubite- 
ment  fans  aucun  fâcheux  fymptome  ,  &c. 
il  ne  fe  fait  aucun  changement  dans  les 
urines  ,  ck  elle  finit  fouvent  fans  aucune 
évacuation  fenfible  ,  ck  quelquefois  par  de 
fortes  moiteurs  ou  des  fueurs  légères  fans 
mauvaife  odeur,  ou  par  quelque  douce  éva- 
cuation ,  par  le  vomifTement  ou  par  la  voie 
des  felles  ;  tel  eft  le  caractère  confiant  de 
cette  fièvre  :  cependant  il  n'eft  pas  facile 
de  la  connoître  dans  fon  principe  ,  &  de 
s'afTurer  qu'elle  n'eft  quéphémere  ,  parce 
qu'il  arrive  fouvent  que  les  fièvres  continues 
fimples  de  plusieurs  jours ,  6k  même  les  pu- 
trides ,  commencent  de  la  même  manière 
6k  ne  fe  montrent  qu'imparfaitement,  at- 
tendu que  la  matière  morbifique  eft  d'abord 
trop  tenace ,  ne  fe  développe  dans  les  pre- 
mières voies  ou  dans  le  fangque  peu-à-peu, 
ck  n'occafione  quelquefois,  qu'après  quel- 
ques jours ,  les  fymptomes  qui  caraciéri- 
fent  la  maladie;  par  conféquent  les  fièvres 
de  cette  efpece  en  impofent  fouvent  dans 
leur  commencement,  ck  paroiffent  être  ou 
une  fièvre  éphémère ,  ou  une  fièvre  continue 
fimple.  On  eft  cependant  fondé  à  regarder 
une  fièvre  commençante  ,  comme  étant  de 
I'efpece  de  ces  dernières ,  lorfqu'el'e  eft 
produite  dans  une  perfonne  qui  étoit  bien 
laine  auparavant,  par  une  caufe  légère  ;lor£» 
que  les  fymptomes  n'ont  rien  de  violent,  ck 
que  les  évacuations  critiques,  s'il  s'en  faitde 
fenfibles ,  fuivent  de  près;  ck  enfin  lorfque 
le  pouls  redevient  naturel  ck  abfolument 
tranquille  d'abord  après  la  fin  de  la  fièvre  : 
toutes  ces  conditions  étant  réunies,  on  ne 


ÊPH 

rîfque  guère  de  fe  tromper  dans  le  juge- 
ment que  l'on  porte  fur  la  nature  de  la 
maladie. 

La  fièvre  éphémère  ,  telle  qu'elle  vient 
d'être  décrite ,  n'eft  jamais  accompagnée 
d'aucun  danger  :  cependant  le  médecin  doit 
prudemment  attendre  que  la  fièvre  tende  à 
fa  fin ,  avant  de  dire  Ton  fentiment  fur  la 
nature  de  l'événement,  puifqu'il  peut  être 
trompé  dans  la  connoiflance  de  la  maladie , 
comme  il  a  été  dit  ci-deflus  ;  &  s'il  y  a  le 
moindre  foupçon  de  fièvre  intermittente,  il 
faut  encore  plus  fufpendre  fon  jugement, 
pour  ne  pas  compromettre  fa  réputation  & 
l'honneur  de  l'art.M.Wanfwietem  dit  qu'il  a 
vu  des  perfonnes  qui  étoient  fujettes  à  avoir 
deux  ou  trois  fois  l'année  un  accès  de  fièvre 
éphémère ,  fans  y  donner  occafion ,  mais 
vraifemblablement  par  un  amas  de  bile , 
dont  l'évacuation  étant  faite  par  un  doux 
vomiiïement ,  tout  mouvement  &£  tout 
fymptome  fébrile  ceffoient ,  ils  recouvroienr 
la  fanté. 

Il  fuit  de  ce  qui  a  été  dit  jufqu'ici  de  la 
fièvre  éphémère  ,  qu'elle  peut  être  regardée 
comme  falutaire,  Se  que  la  curation  en  efl 
facile  :  elle  fe  diflipe  mêmefouvent  fans  au- 
cun fecours,  6k  elle  fe  termine  promptement 
de  fa  nature,  pourvu  qu'elle  n'en  change 
pas  par  un  mauvais  traitement,  &  qu'on  ne 
la  rafle  pas  dégénérer  en  une  autre  efpece 
de  fièvre  de  mauvaife  qualité. 

Il  fuffit  donc,  pour  la  cure  de  cette  fiè- 
vre, que  le  malade  s'abflienne  absolument 
de  manger,  qu'il  ne  prenne,  pour  toute 
nourriture  pendant  vingt- quatre  heures, 
que  du  bouillon  de  viande,  très -léger,  en 
petite  quantité,  &  même  qu'il  fe  borne  à 
boire  beaucoup  de  tifanne  d'orge  ou  de  pe- 
tit-lait ,  pour  délayer  &:  détremper  la  mafTe 
des  humeurs  ;  qu'il  obferve  de  fe  livrer  au 
repos  du  corps  &  de  l'efprit.  La  faignée  eft 
très-rarement  employée  dans  cette  efpece 
de  fièvre ,  &  ce  n'eft  que  dans  le  cas  où  les 
fymptomes  font  violens ,  où  le  malade  fe 
plaint  beaucoup  de  douleur  de  tête;  mais 
alors  il  y  a  lieu  de  craindre  que  ia  fièvre  ne 
devienne  aiguë ,  &  ne  fe  termine  pas  auffi- 
tôt  que  la  nature  de  1' 'éphémère  le  comporte  : 
c'eft  ce  dont  on  ne  tarde  pas  à  être  inftruit 
par  la  continuation  de  la  fièvre  &  les  nou- 
veaux fymptomes  qui  fur  viennent ,  ou  par] 


EPH  647 

'  une  forte  de  ce  nation  qui  annonce  d'avance 
le  retour  de  la  fièvre  par  un  accès  prochain. 
Voye^  Fièvre  continue,  intermit- 
tente. Çd) 

EPHÉMÉREUTE,  f.  m.  ÇHift.  anc.J 
prêtredesThéraDeutes.  ^.Thérapeutes. 
§  ÉPHÉMÉR1DE  ,  f.  f .  (  Aftron.  )  en 
grec  ieny.tfi\ ,  livre  qui  contient  pour  cha- 
que jour  les  lieux  des  planètes  fk  les  cir- 
conftances  des  mouvemenscélelles.  Voye^ 
Tables  astronomiques. 

Les  plus  anciennes  éphémérides  dont  il 
foit  parlé   dans  l'hiftoire  de  l'aflxonomie  , 
font  celles  qui  furent  calculées  par  Regio- 
montanus ,  &  qui  s'étendent  depuis  l'année 
1475  jufqu'à  IS05;  on  y  trouve  les  lieux 
des  planètes,  les  afpe&s,  les  latitudes  & 
éclipfes  :  elles  fureut  dédiées  à  Mathias ,  roi 
de  Hongrie  ,  qui  fit  préfent  à  l'auteur  de  huit 
cents  écus  d'or  :  elles  furent  reçues  par  les 
favans    avec    tant    d'ernpreffement  ,    que 
chaque  exemplaire  fe  vencloit  douze  écus 
d'or ,  duodecim  aurds  :  toutes  les  nations 
de  l'Europe  s'empreiïbient  de  les  faire  ve- 
nir ,  fuivant   le  témoignage   de   Ramus , 
SchoL  mathem.  liv.  II ,  p.  65  :  elles  furent 
imprimées  à  Nuremberg  en  1474,  &  ceft  le 
fécond  ouvrage  d'aftxonomie,  du  moins  que 
je  fâche  ,  qui  ait  été  imprimé  :  le  Poème  de 
Manilius  l'avoit  été  l'année  précédente  au 
même  endroit.  S'il  y  a  eu  des  éphémérides 
plus  anciennes  que  celles  de  Régiomonta- 
nus  ,  elles  étoient  fi  informes  &  font  fi  peu 
connues  ,  qu'il  eft  inutile  d'en  faire  ici  men- 
tion. On  conferve  à  la  bibliothèque  du  roi 
de  France  des  éphémérides  de  l'an  1441  , 
Journal  des  favans ,   i~ji,page  347.  On 
imprima  en  1 494 ,  à  Vienne ,  des  éphémérides 
pour  les  années  1494  &  1 500  ,  d'Augelus  : 
en  1499  ,  on  imprima  celles  de  Stofîer,  qui 
vont  jufqu'à    l«J$i;  en   1532,  celles  de 
Schoner  ;  en  1  «5  3 3  ,  celles  de  Gauricus,  qui 
vont  jufqu'à  l'année  155 1  ;  en  1^57,  celles 
deLeovitius,  qui  vont  jufqu'à  l'année  1606, 
ck  qui  forment  un  très  -  grand  &  gros  vo- 
lume in-folio  ;  en  1580,  celles  de  Magini, 
qui  vont  jufqu'à  l'année  1610,  &  eniùite 
jufqu'à  l'année  1630;  en  1580,  celles  de 
Msftlinus,  qui  vont  jufqu'à  l'année  1 590;  en 
1581,  celles  de  Stadius,  qui  vont  jufqu'à 
l'année  1606  ;  en   159^ ,  celles  d'Origan  , 
qui  vont  jufqu'à  Tannée  1630,  ck  qu'il pro- 


6*4S  EPH 

longea  jufqu'à    l'année   1655.    ^n  *fc*ïi 

Argoli  fît  imprimer  à  Rome  des  êphémérides 
qui  s  étendent  jufqu'à  l'année  1640  ,  & 
qu'il  prolongea  enfuite  jufqu'à  l'année 
1700;  en  1634,  on  publia  celles  d'Eufta- 
•chius  ,  qui  ont  été  prolongées  jufqu'en 
1665. 

Je  ne  parle  pas  de  beaucoup  d'autres  êphé- 
mérides qui  renfermoient  moins  d'années  , 
&r  qui  iont  par  conféquent  moins  remarqua- 
bles ,  comme  celles  de  Hecker  ,  Kirch  , 
Montanari ,  "Wlng,  Gadburi ,  Mezavachi , 
Pirati ,  Smi ,  Carelli ,  Ulac  ,  Duliris  ,  &c. 
mais  je  ne  puis  pafTer  fous  (ilence  celles  de 
Kepler,  depuis  16 17  jufqu'en  1630  ,  q-ii 
étant  calculées  fur  des  tables  beaucoup  plus 
exactes  que  celles  dont  on  avoit  fait  ufage 
jufqu'alors ,  tont  une  époque  dans  l'aftro- 
jiomie. 

Celles  de  Malvafia ,  imprimées  à  Modene 
en  1662I,  s'étendent  de  1661  à  1666  :  elles 
«voient  auffi  le  mérite  d'être  faites  avec  un 
loin  tout  particulier,  &  le  célèbre  Caflini 
ies  enrichit  de  (es  oblërvations  &c  de  fes 
tables. 

Noël  Duret  de  Montbrifon  fut  le  pre- 
mier François  qui  calcula  des  êphémérides  , 
&  publia  en  1641  les  années  1637— 1700  , 
fous  ce  titre  :  Novce  motuum  cœlefiium 
£phemerides  Richelianae. 

Lorfque  l'académie  des  feiences  de  Paris 
vit,  en  1700,  que  les  êphémérides  d'Ar- 
goli  finiiïoieiit,  eile  chargea  M.  de  la  Hire 
le  fik  de  les  continuer;  mais  il  ne  calcula 
<me  les  années  1701- — 1703.  Dans  le  même 
temps  M.  de  Beaulieu  en  calcula  d'autres , 
qui  s'étendent  de  1700  à  171  5.  MM.  Lieu- 
taud  ,  Defplaces  &  Bomie  firent,  par  ordre 
de  l'académie  ,  celles  de  1704  ck  de  1705  , 
auxquelles  cependant  M.  Lieutaud  mit 
ion  nom  ;  M.  Defplaces  fit  les  années  1706 
**~ijo8,  &  M.  Bomie  les  années  1709. — 
•171 1;  mais  il  copia  entièrement,  ôt  jufqu'aux 
fau.es,  celles  de  Beaul;eu. 

Les  êphémérides  de  Beaulieu  furent  con- 
tinuées par  Defplaces  ,  qui  commença  par 
1715  ,  &  continua  jufqu'en  1744,  en  don- 
nant chaque  fois  un  volume  pour  dix  ans, 
M.  l'abbé  de  la  Caille  continua  les  êphémé- 
rides de  Defplaces ,  &  donna  le  quatrième 
volume  pour  1745-^-4754  :  il  a  été  fuivi 
$p  d.eux  autres  ,  qui  vont  julqu'en  1774. 


E  P  H 

Le  feptieme ,  dont  je  me  fuis  chargé  à  la 
mort  de  M.  l'abbé  de  la  Caille ,  eft  actuel- 
lement fous  prefiTe  ;  mais  j'ai  employé  pour 
cet  ouvrage  le  fecours  de  plufieurs  calcu- 
lateurs. 

Cette  fuite  $  êphémérides  françoifesa  été 
imitée  p^r  l'académie  de  l'mftitut  de  Bo- 
logne. M.  Manf.  edi  ,  aidé  de  quelques 
autres  calculateurs,  commença  en  1726, 
&  continua  jufqu'en  1750  :  M.  Zanotti 
en  a  donné  la  Alité  julqu'en  1774,  &  il  tra- 
vaille à  la  continuation.  J'ai  voulu  diflua- 
der  ce  célèbre  agronome  d'un  travail  in- 
grat,  &  qui  fe  faifoit  déjà  en  France;  il 
m'a  répondu  que  c'étoit  une  fondation  de 
l'infti tut, qu'on  ne  pouvoit  fe  difpenfer  de 
remplir. 

La  ConnoiJfan.ee  des  temps  eft  un  livre 
analogue  aux  êphémérides  ,  ck  que  l'acadé- 
mie fait  calculer  chaque  année  depuis  1679» 
pour  I'ufage  des  aftronomes  &  des  naviga- 
teurs ,  avec  beaucoup  plus  de  détail  ôcplus 
d'exactitude  que  les  êphémérides  :  nous  en 
avons  parlé  ailleurs.  L'année  1774  eft  ac- 
tuellement fous  prefTe  ;  j'y  ai  mis  les  diftan- 
ces  de  la  lune  aux  étoiles,  pour  i'ufage  de 
la  marine. 

Les  Ephémérides  agronomiques  du  père 
Hell ,  publiées  à  Vienne  chaque  année  de- 
puis 1757  ,  font  un  ouvrage  du  même  genre 
que  la  ConnoiJJance  des  temps  ,  dans  lequel 
il  y  a  même  plus  de  détail.  J'ai  repréfenté 
quelquefois  à  l'auteur  combien  je  regrettois 
le  temps  qu'il  employoit  à  ces  fortes  de 
calculs ,  inutiles  pour  la  plupart  pendant 
l'année  ,  &  qui  ne  font  plus  rien  firôt  qu'elle 
eft  parlée ,  tandis  qu'il  refte  un  ii  grand 
nombre  d'observations  anVonomiques  à  cal- 
culer,  d'elémens  à  déterminer  ou  à  perfec- 
tionner, pour  occuper  le  lotfîr  de  ce  grand 
aftronome. 

)c  ne  dirai  pas  la  même  chofe  du  Nauti- 
cal  Almanach  qui  fe  puolie  à  Londies  de- 
puis 1767  ,  pour  I'ufage  de  la  marine  ; 
tout  ce  qui  inté;efie  cet  article  important 
de  l'adminiftration,  mérite  tous  nos  foins, 
&  ce  n'eft  p'us  un  temps  perdu  pour  les 
aftronomes  qui  s'en  occupent  :-mais  pour 
rendre  ce  livre  véritablement  utile  à  la  ma- 
rine ,  il  falloit  p.endre  ,  comme  on  l'a  fait, 
des  moyens  qui  ne  font  point  au  pouvoir 
]  des   particuliers  ,    6c    qui    exigeoient    les 

fecours 


E  P  H 
fecours  de  l'Etat.  Quatre  calculateurs  répan- 
dus dans  différents  endroits  de  l'Angleterre , 
envoient  leurs  calculs  à  un  cinquième  , 
pour  les  comparer  &  les  vérifier  :  ils  ont 
chacun  foixante  &  quinze  guinées;  &  tous 
les  calculs  importans  de  la  lune  font  faits 
deux  fois  avec  la  précifion  des  fécondes 
pbur  midi  &  pour  minuit,  avec  les  diitan- 
ces  de  la  lune  au  foleil  &  aux  étoiles  de 
trois  en  trois  heures  pour  tous  les  jours , 
foit  à  l'orient  foit  à  l'occident  de  la  lune. 
Avec  cette  immenfe  quantité  de  calculs  , 
on  peut  efpérer  d'avoir  la  longitude  fur  mer , 
â  un  demi-dégré  près ,  toutes  les  fois  qu'on 
aura  obfervé  avec  l'odant  de  réflexion  la 
diftance  de  la  lune  au  foleil  ou  à  une  étoi- 
le: M.  Maskelyne,  aftronome  royal  d'An- 
gleterre ,  eft  chargé  de  la  direction  de  ce 
travail. 

Cette  forte  àtéphémérides  pour  Tufage  de 
la  marine,  avoit  été  projettée  en  France 
par  Morin,  fous  le  cardinal  de  Richelieu. 
Le  P.  Léonard  Duliris  ,  recollet ,  publia 
une  éphéméride  maritime  ,  en  1655  }  en  un 
volume  in-folio  ,  qui  s'étendoit  à  vingt 
ans.  M.  Pingre  ,  en  1754,  entreprit  de  cal- 
culer l'état  du  ciel ,  dans  lequel  il  donna  y 
pour  l'ufage  de  la  marine  ,  les  longitudes 
&  les  latitudes  de  la  lune  pour  midi  &  pour 
minuit ,  les  afcenfions  droites ,  les  paflà- 
ges  au  méridien  ,  les  mouvemens  horaires  , 
&c.  il  a  continué  jufqu'en  1757  ces  calculs 
qui  font  immenfes  pour  un  ieul  aftrono- 
me ,  &  dont  on  paroiffoit  dans  la  marine 
ne  pas  faire  afïez  d'ufage  pour  dédommager 
raftronome  du  facrifice  de  fon  temps  ;  mais 
le  gouvernement  d'Angleterre  a  compris 
qu'il  falloit  commencer  par  offrir  ce  fe- 
cours aux  navigateurs  d'une  manière  con- 
tinue &  non  interrompue ,  quoiqu'il  dût 
en  coûter ,  fi  l'on  vouloit  efpérer  de  les 
déterminer  à  en  faire  ufage.  On  ne  s'eft 
point  laffé  de  faire  cette  dépenfe  ,  &  déjà 
on  en  recueille  les  fruits  :  l'académie  royale 
de  marine  de  Breft  a  fait  réimprimer  les 
calculs  du  Nautical  Almo-nach  ,  &  je  les  ai 
moi-même  inférés  dans  la  ConnoiJJance  des 
temps  pour  1774-  (  M.  delà  Lande.  ) 

*  ÉPHÉMÉRIES ,  f.  f.  pi.  (  Hift.  anc.  ) 

Les  prêtres  des  Juifs  étoient  diftribués  en 

éphéméries  :  il  y  en  avoit  huit ,  quatre  des 

defcendans  d'Eleazar  ,  quatre  de  ceux  d'I- 

Tomt  XII 


.  E  P  H  6*49 

thamar.CettedivifionétoitcelledeMoyfe, 
félon  quelques  auteurs  ;  d'autres  prétendent 
qu'il  en  avoit  inftitué  feize ,  auxquelles  Da- 
vid en  avoit  ajouté  huit.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain ,  c'eft  qu'il  y  avoit  fous  ce  roi  vingt- 
quatre  éphéméries  de  prêtres ,  feize  de  la  pot 
térité  d'Eleazar,  huit  de  celle  d'Ithamar  : 
chaque  éphémérie  vaquoit  au  fervice  divin 
pendant  une  femaine.  \]  éphémérie  étoic 
fous-divifée  en  fix  familles  ou  maifons ,  qui 
avoient  chacune  leur  jour  &  leur  rang  ,  ex- 
cepté le  jour  du  fabbat,  qui  occupoit  Yéphé- 
mérie  entière.  Un  prêtre ,  pendant  fa  fe- 
maine de  fervice ,  ne  pouvoit  coucher  avec 
fa  femme ,  boire  du  vin ,  ou  fe  faire  rafer  , 
&c.  la  famille  ou  maifon  de  fervice  ne  bu- 
voit  point  de  vin ,  pas  même  pendant  la 
nuit.  Comme  les  prêtres  étoient  répandus 
dans  toute  la  contrée  ,  ceux  dont  la  femai- 
ne approchoit  fe  mettoient  en  chemin  pour 
Jérufalem  ;  ils  fe  faifoient  rafer  en  arrivant, 
ils  fe  baignoient  enfuite  :  ceux  qui  demeu- 
raient trop  loin  reftoient  chez  eux ,  où  ils 
s'occupoient  à  lire  l'écriture  dans  les  fyna- 
gogues ,  à  prier ,  à  jeûner  :  leur  abfence  ne 
caufoit  aucun  trouble  dans  le  fervice  divin  , 
|  parce  qu'une  ephe'me'rie  étoit  fouventde  plus 
de  cinq  mille  hommes  ;  d'où  l'on  voit  que 
fous  David  le  temple  étoit  deflèrvi  par  cent 
vingt  mille  hommes  &  davantage.  Ceux 
qui  fe  rendoient  à  Jérufalem  entroient  dans 
le  temple  le  foir  que  leur  fervice  commen- 
çoit  :  lorfque  Pholocaufte  du  foir  étoit  of- 
fert ,  &  que  tout  étoit  difpofé  pour  le  fer- 
vice du  lendemain ,  Y  ephe'me'rie  en  exercice 
fortoit  &  faifoit  place  à  la  fuivante.  Tout 
le  corps  des  lévites  étoit  aufîi  divifé  en 
éphéméries  ,  &  Yéphémérie  en  familles  ou 
maifons  :  ces  éphéméries  faifoient  le  fervice 
divin  dans  le  même  ordre  que  les  prêtres  : 
&  dans  les  grandes  folemnités  les  fix  mai- 
fons des  lévites  étoient  occupées  ainfi  que 
celles  des  prêtres. 

■*  EPHEMERIUS  ,  f.  m.  (  Hijl  anc.  ) 
C'eft  ainfi  qu'on  appelloit ,  dans  l'églife 
grecque ,  l'eccléfiaftique  qui  veilloit  à  ce  que 
\qs  heures  fufïènt  chantées  régulièrement , 
à  ce  que  les  jeunes  choriftes  furTènt  leur 
chant ,  &  que  tout  fe  fît  en  ordre. 

On  donnoit  encore  ce  nom  en  quelques 
endroits  à  ceux  qui  afliftoient  les  patriar- 
ches &  les  évêques ,  qui  ne  les  quittoient  ni 
Nnnn 


4$ê  EP  H 

le  jour  ni  la  nuit ,  &  qui ,  témoins  afîidus  j 
de  leurs  mœurs  &  de  leur  conduite,  pou-  | 
voient  en  répondre  dans  l'occafion. 

EPHEMERUM,  l  m.(Hift.nat.Bot.) 
genre  de  plante  à  rieurs  liliacées  ,  compo- 
sées de  trois  pétales  &  foutenues  par  un  ca- 
lice diviféen  trois  parties.  Le  piftil  devient 
dans  la  fuite  un  fruit  oblong  ,  qui  efl  parta- 
gé en  trois  loges ,  &  qui  renferme  des  fe- 
mences  femblables  à  des  grains  de  froment. 
Tournefort.  Inft.  reiherb.  V.  PLANTE.  (7) 
EPHESE  ,  (  Géogr.  &  Hift.  anc.  )  ville 
maritime  de  l'Afie  mineure ,  nommée  pré- 
fentQmentAjafaloue  par  les  Turcs ,  auxquels 
elle  appartient. 

Cette  ville  jadis  û  célèbre,  dit  M.  de 
Tournefort,  le  plus  exact  de  tous  les  écri- 
vains qui  en  ont  parlé  ;  cette  ville  fi  fameufe 
par  fon  temple  ,  qui  y  attiroit  des  étrangers 
dé  toutes  parts  ;  cette  ville  qui  a  produit 
tant  d'hommes  illuftres  &  d'artiftes  célè- 
bres ,  entr'autres,  à  ce  qu'on  croit ,  Par- 
rhafius  ;  enfin  cette  ville  qui  fe  glorifioit 
d'être  la  métropole  de  toute  l'Afie,  n'eft 
plus  qu'un  miférable  village  bâti  de  boue , 
parmi  de  vieux  marbres  caffés.  Ce  village 
encore  n'eft  habité  que  par  une  trentaine 
de  familles  grecques  ,  qui  certainement  , 
comme  M.  Spon  le  remarque ,  ne  font  pas 
capables  d'entendre  les  épkres  que  S.  Paul 
leur  a  écrites. 

Nous  avons  peu  de  villes  dont  il  relie  au- 
tant de  médailles  ;  les  unes  nous  apprennent 
qu'elle  fut  néocore  deDiane,tant  que  le  tem- 
ple de  cette  DéeiTe  fubfifta ,  &  quatre  fois 
néocore  des  Céfars  ;  les  autres ,  qu'elle  fut 
bâtie  à  l'occafion  d'un  fanglier  ;  la  plupart  re- 
préientent  Diane ,  ou  chaiTerefle ,  ou  à  plu- 
sieurs mamelles ,  ou  parée  de  fes  attributs. 

L'origine  de  cette  ville ,  fes  anciens  noms, 
&  ceux  de  fes  fondateurs ,  ne  nous  intéref- 
fent  guère  aujourd'hui  ;  mais  il  n'eft  pas 
inutile  de  dire  que  pendant  les  guerres  des 
Athéniens  &  des  Lacédémoniens  ,  Ephèfe 
avoit  la  fageffe  de  vivre  en  bon  accord  avec 
les  deux  parti» ,  &  que  le  jour  de  la  naiftànce 
d'Alexandre,  les  devins  de  la  cité  fe  mirent 
à  crier  que  le  deftru&eur  de  l'Afie  étoit  venu 
au  monde. 

On  n'oublie  point  que  ce  deftru&eur  fe 
rendit  à  Ephèfe  après  la  bataille  du  Grani- 
que,  &  qu'il  y  rétablit   la  démocratie  ; 


EPH 
que  la  place  fut  prife  par  Lyiimachus,  ï'un 
de  fes  fucceiTeurs  ;  qu'enfuite  Antigonus  eut 
l'adrefTe  de  s'en  emparer,  &  qu'il  y  pilla  les 
tréfors  de  Polyfperchon. 

On  ne  fauroit  encore  oublier  qu'Annibal 
vint  s'aboucher  à  Ephèfe  avec  Antiochus , 
pour  y  prendre  enfemble  des  mefures  con- 
tre les  Romains  ;  que  ce  fut  dans  cet  endroit 
que  fe  commit  le  mafïacre  effroyable  des 
mêmes  Romains ,  par  les  ordres  de  Mithri- 
date ,  &  que  Scipion  ,  beau-pere  de  Pom- 
pée ,  s'empara  des  tréfors  du  temple  ,  fans 
crainte  &  fans  fcrupule.  ' 

Perfonne  n'ignore  aufîi  quelle  fut  la  ma- 
gnificence des  fêtes  que  Lucullus  y  donna  ; 
le  voyage  exprès  d' Augufte,  de  Pompée  &  de 
Cicéron  dans  cette  ville  ;  fur-tout  celui  de 
Cicéron ,  qui  mandoit  à  fes  amis  qu'il  ne 
faifoit  aucun  pas  dans  la  Grèce  fans  y  trou- 
ver de  nouveaux  fujets  d'admiration. 

Enfin  l'on  fait  que  Tibère  ,  pendant  fon 
règne,  fit  rebâtir  cette  métropole,  &  qu'a- 
vant lui  on  y  avoit  dreiTé  des  temples  à  Ju- 
les-Céfar  &  à  la  ville  de  Rome  ;  tous  ces  évé- 
nemens  renouvellent  les  grandes  idées  qu'on 
afucées  dans  fa  jeuneiTe  de  l'hiftoire  an- 
cienne :  mais  rien  n'eft  fi  confolant  pour 
ceux  qui  font  chrétiens,  que  de  fuivre  S. 
Paul  &  S.  Jean  à  Ephèfe ,  d'y  voir  ce  pre- 
mier fonder  l'églife  $  Ephèfe  ,  &  y  établir 
Timothée  pour  évêque  :  il  eft  vrai  que  cet 
établiffement  ne  fut  pas  de  longue  durée  , 
les  perfécutions  fuccederent ,  lesPerfes  pil- 
lèrent cette  ville  dans  le  troifieme  liecle ,  & 
les  Scythes  ne  l'épargnèrent  pas  quelque 
temps  après. 

Enfin  au  bout  d'un  grand  nombre  de  ré- 
volutions, Ephèfe  s"1  eiï  vue  tomber  entre  les 
mains  de  Mahomet  I ,  &  elle  eft  reftée  de- 
puis ce  temps-là  foumife  à  l'empire  otto- 
man. Son  port,  au  fujet  duquel  on  avoit 
autrefois  frappé  tant  de  médailles,  n'eft  à 
préfent  qu'une  rade  découverte  que  perfon- 
ne ne  fréquente  :  tout  fon  commerce  a  paffé 
tant  à  Smyrne  qu'à  Scaîanova.  Plus  de  vef- 
tiges  de  cette  ville  &  de  fon  temple;  l'églife 
de  S.  Jean  a  été  convertie  en  mofquée  ,  & 
les  blocs  de  marbre  qui  reftoient  des  ruines 
à' Ephèfe  ,  ont  été  tranfportés  à  Conftanti- 
nople  pour  fervir  à  la  conftrudion  des  mof- 
quées  royales.  Article  de  M.  le  Chevalier 
DE  JAU COURT, 


E  P  H 

EPHESE  (  Temple  d'  )  Hlfl.  anc.  temple 
fuperbe  à  l'honneur  de  Diane  ,  bâti  près 
à'Ephèfe ,  &  quia  été  plufieurs  fois  détruit 
&  réédifié.  Traçons-en  fuccindement  l'hif- 
toire  ,  dont  la  plupart  des  écrivains  moder- 
nes ont  confondu  les  faits. 

Le  premier  temple  que  les  Ephéfiens  dref- 
ferent  à  l'honneur  de  Diane ,  n'étoit  qu'une 
efpece  de  niche  creufée  dans  le  tronc  d'un 
ormeau  ,  où  apparemment  la  figure  de  la 
déeiTe  étoit  placée.  Ce  n'eft  par  fans  doute 
de  cet  ouvrage  qu'entend  parler  Pindare  _, 
lorfqu'il  avance  que  les  Amazones  firent 
édifier  le  temple  d'Epkèfe  dans  le  temps 
qu'elles  faifoient  la  guerre  à  Théfée. 

Le  temple  de  Pindare  n'étoit  pas  non  plus 
cette  merveille  du  monde,  ce  fuperbe  édi- 
fice dont  Cherfiphron  fut  l'architecte  ,  & 
qui  fut  conftruit  aux  dépens  des  plus  puif- 
fantes  villes  d'Afie  :  Pline  remarque  que  la 
première  invention  de  mettre  des  colonnes 
fur  un  piédeftal ,  &  de  les  orner  de  chapi- 
teaux &  de  vafes ,  fut  pratiquée  dans  ce 
temple. 

Il  avoit  425  pies  de  long  fur  220  pies  de 
large  :  on  y  voyoit  127  colonnes  ,  dont  les 
rois  d'Afie  avoient  fait  la  dépenie ,  &  ces 
colonnes  portoient  chacune  60  pies  de  haut  : 
il  y  en  avoit  trente-fix  couvertes  de  bas- 
reliefs  ,  &  parmi  celles-ci  il  s'en  trouvoit 
une  de  la  main  de  Scopas.  Les  portes  étoient 
de  cyprès  toujours  luifant  &  poli  ;  la  char- 
pente étoit  de  cèdre  ,  &  la  ftatue  de  Diane 
étoit  d'or,  fi  l'on  en  croit  Xénophon.  Les 
richefles  &  les  ornemens  de  ce  magnifi- 
que édifice  étoient  fans  nombre  :  on  le 
venoit  voir  de  fort  loin  ,  &  les  étrangers 
tâchoient  à  l'envi  d'en  emporter  des  mo- 
dèles. 

Voilà  le  temple  d'Ephèfe  ou  de  Diane  , 
car  c'eft  la  même  chofe ,  qui  fut  brûlé  par 
l'infenfé  Eroftrate ,  le  jour  de  la  naifTance 
d'Alexandre ,  l'an  du  monde  364.8.  Ce  grand 
prince ,  comme  on  fait ,  fit  dire  aux  Ephé- 
fiens ,  qu'il  feroit  volontiers  la  dépenfe  de 
fa  réconftruclion  ,  pourvu  qu'on  mît  fon 
nom  fur  le  frontifpice  ;  mais  ils  répondirent 
avec  beaucoup  de  fagefle ,  «  qu'il  ne  conve- 
»  noit  pas  à  un  dieu  de  dreffer  des  temples 
n  à  d'autres  divinités.  » 

Avides  de  rebâtir  eux-mêmes  leur  temple , 
û  malheureufement  confumé ,  ils  en  vendi- 


EPS  6$t 

rent  les  colonnes,  convertirent  en  argent 
tous  les  bijoux  des  dames  de  la  ville ,  raiîem- 
blerent  des  fonds  de  toutes  parts  ,  &  em- 
ployèrent toutes  ces  fommes  à  faire  ,  s'il 
étoit  poflible  ,  un  édifice  auilï  magnifique 
que  celui  qui  avoit  péri  par  les  flammes. 
Cheiromocrate  en  fut  l'architeâe  :  les  plus 
fameux  fculpteursde  la  Grèce  I'ornerentde 
leurs  ouvrages:  l'autel  étoit  prefque  tout  de 
la  main  de  Praxitèle.  Outre  les  bas-reliefs 
&  les  ftatues  des  plus  grands  maîtres,  ce 
temple  fut ,  félon  les  apparences ,  embelli 
des  tableaux  admirables  de  la  main  de  Par- 
rhafius  &  de  plufieurs  autres  illuftres  artis- 
tes. Strabon  en  parle  pour  l'avoir  vu  du 
temps  d'Auguffe:  ainfi  le  temple  que  Pline 
a  décrit  étoit  le  même  que  celui  que  Stra- 
bon avoit  vu. 

Nous  avons  plufieurs  médailles,  fur  le 
revers  defquelles  il  eft  repréfenté  avec  un 
frontifpice,  tantôt  à  deux  colonnes  ,  à  qua- 
tre y  à  fix  ,  &  même  jufqu'à  huit,  aux  têtes 
des  empereurs  Domitien  ,  Adrien  ,  Antonin 
Pie,  Marc-Aurele,  Lucius  Verus ,  Septime 
Severe  ,  Caracalla  ,  Macrin  ,  Eliogabale  , 
Alexandre  Severe  ,  Maximin. 

Néron,  qui  étoit  né  pourdéfolerle  mon- 
de ,  en  emporta  les  plus  grandes  richeiîès  ; 
les  Scythes  le  dépouillèrent  enfuite  ,  &  le 
brûlèrent  en  263  ;  les  Gothsen  pillèrent  les 
reffes  fous  l'Empereur  Galien  :  enfin  il  eft 
vraiferrîblable  qu'il  fut  entièrement  démoli 
fous  Conftantin  ,  en  conféquence  de  l'édit 
par  lequel  il  ordonna  de  renverfer  tous  les 
temples  du  paganifme.  Quoi  qu'il  en  foit , 
ce  dernier  temple  de  Diane  a  difparu  com- 
me les  autres ,  de  manière  qu'il  ne  refte 
autour  de  fes  ruines  que  des  débris  de  mai- 
fons  ,  jadis  bâties  de  briques ,  dans  lefqu el- 
les logeoient  peut-être  les  prêtresde  Diane, 
ou  les  vierges  prêtrefTes  confiées  à  leurs 
foins.  De  J au  court. 

*  EPHESIES,  adi  pria  fubft.  (HiJÏ. 
anc.  )  fêtes  qu'on  célébroit  à  Ephèfe  en 
l'honneur  de  Diane.  De  toutes  les  circonf- 
tances  de  cette  folemnité  ,  il  ne  nous  en 
refte  que  celle-ci  ;  c'eft  que  les  hommes 
s'enivroient  pieufement ,  &  pafToient  la 
nuit  à  mettre  la  ville  ,  &  fur-tout  les  mar- 
chés, en  tumulte. 

*  EPHESTIES ,  adj.  pris  fub.  {Myth.) 
fêtes  inftituées  en  l'honneur  de  Vulcain  , 

N  n  n  n  2 


6ji  E  P  H 

dans  lefquelles  trois  jeunes  garçons  fe  dif- 
putoient  le  prix  de  la  courfe  :  ce  prix  étoit 
accordé  à  celui  qui  atteignoit  le  premier  le 
but ,  fans  que  le  flambeau  allumé  qu'il  por- 
toit  à  la  main  s'éteignît. 

*EPHESTRIDE.  Voye\  Chlamide; 
c'eft  la  même  chofe  ,  félon  Artemidore. 

*  EPHESTRIES,  adj.  pris  fubft.  (Myth.) 
fêtes  que  l'on  célébroit  à  Thebes  en  l'hon- 
neur de  Tyréfias.  On  habilloit  la  ftatue  du 
devin  en  femme  ;  &  après  qu'on  l'avoit 
bien  promenée  fous  ce  vêtement ,  on  la  def- 
habilloit,  on  lui  mettoit  un  habit  d'hom- 
me ;  c'eft  ce  qui  eft  défïgné  par  le  mot  e'phef- 
trie  ,  qui  lignifie  une  forte  de  vêtement. 

EPHETE  ,  f.  m.  (  Hift.  anc.  )  magiftrat 
chez  les  Athéniens ,  dont  le  nombre  varia 
de  même  que  le  diftrid.  Voye\  M.  Samuel 
Petit,  dans  fes  commentaires  latins  fur  les 
loix  d'Athènes ,  liv.  VIII ,  ouvrage  plein 
de  favoir. 

Le  roi  Démophon  créa  les  éphetes ,pour 
connoître  feulement  des  meurtres  ;  enfuite 
Dracon  étendit  leur  pouvoir  &  leur  nom- 
bre pour  en  former  un  tribunal  fuprême  , 
tant  criminel  que  civil.  Il  le  compofa  de 
cinquante-un  juges  y  tirés  de  ce  que  la  ré- 
publique d'Athènes  avoit  de  meilleur  dans 
fon  fein  :  il  falloit ,  pour  y  être  admis  , 
avoir,  outre  l'âge  de  50  ans  ,  de  la  naiflàn- 
ce  ,  une  fortune  au-deflùs  de  la  médiocre, 
&  fur  toutes  chofes  une  vertu  épurée ,  trois 
qualités  fi  rarement  réunies.  On  appelloit 
à  cet  augufte  tribunal  des  décifions  de  tous 
les  autres,  &  il  jugeoit  de  toutes  les  affaires 
en  dernier  reffort.  Mais  il  arriva  que  l'A- 
réopage, humilié  par  Dracon  ,  reprit  fous 
Solon  toute  fa  fplendeur  ,  &  anéantit  celle 
des  éphetes  :  cependant  ce  célèbre  Aréopage 
lui-même  ,  après  s'être  attiré  pendant  quel- 
que temps  le  refpect  des  peuples ,  vit  à  fon 
tour  fes  beaux  jours  s'évanouir  ,  &  tout  fon 
luftre  fe  ternir  par  les  vices  &  la  corruption. 
Art.  de  M.  le  Chevalier  de  J au  court. 

EPHIALTES,  COCHEMAR,  INCU- 
BE ,  forte  de  maladie.   Voye\  INCUBE. 

EPHOD  ,  f.  m.  (  Hifioire  facrée.)  orne- 
ment facerdotal  en  ufage  chez  les  Juifs. 
C'étoit  une  efpece  de  tunique  fort  riche  , 
à  l'ufage  du  grand-prêtre  ;  mais  il  y  en  avoit 
de  plus  flmplespour  les  miniftres  inférieurs. 

Ce  mot  eft  hébreu,  &  il  vient  de  aphael, 


E  P  H 

qui  fignifie  habiller.  Les  commentateurs  & 
les  interprètes  font  fort  partagés  fur  la  for- 
me de  Ve'phod  ,•  voici  ce  que  dit  Jofephe 
de  celui  du  grand-prétre  :  «  Ve'phod  étoit 
»  une  efpece  de  tunique  raccourcie  ,  &  il 
a  avoit  des  manches  :  il  étoit  tiftii ,  teint 
«  de  diverfes  couleurs  &  mélangé  d'or  ,  & 
»  laiflbit  fur  l'eftomac  une  ouverture  de 
»  quatre  doigts  en  quarré  y  qui  étoit  cou- 
»  verte  du  rational.  Deux  fardoines  en- 
»  châfîées  dans  de  l'or,  &  attachées  fur  les 
»  deux  épaules  ,  fervoient  comme  d'agraf- 
«  fes  pour  fermer  Ve'phod  :  les  noms  des 
»  douze  fils  de  Jacob  étoient  gravés  fur  ces 
»  fardoines  en  lettres  hébraïques  ;  favoir  , 
»  fur  celle  de  l'épaule  droite  les  noms  des 
»  fix  plus  âgés ,  &  ceux  des  fix  puînés  fut 
»  celle  de  l'épaule  gauche.  0  Philon  le 
compare  à  une  cuirafîè ,  &  S.  Jérôme  dit 
que  c'étoit  une  efpece  de  tunique  femblable 
aux  habits  appelles  caracalle  ;  d'autres  pré- 
tendent qu'il  n'avoit  point  de  manches, 
&  que  par-derriere  il  defcendoit  jufqu'aux 
talons. 

Il  y  avoit  deux  fortes  à' e'phod;  l'un  étoit; 
commun  à  tous  ceux  qui  fervoient  au  tem- 
ple, &  étoit  fait  feulement  de  lin  ;  c'eft 
celui  dont  il  eft  fait  mention  au  premier 
livre  des  rois  :  l'autre  fait  d'or  ,  d'hiacyn- 
the  ,  de  pourpre  ,  de  cramoifi  &  de  fin  lin 
retord ,  étoit  uniquement  à  l'ufage  du  grand- 
prétre  ,  qui  ne  pouvoit  faire  aucune  des 
fondions  attachées  à  fa  dignité  ,  fans  être 
revêtu  de  cet  ornement.  On  voit  dans  le 
77.  livre  des  Rois  ,  chap.  vj ,  verf.  14,  que 
David  marchoit  devant  l'arche  revêtu  d'un 
e'phod  de  lin  ;  d'où  quelques  auteurs  ont 
conclu  que  Ve'phod  étoit  aufîi  un  habille- 
ment des  rois  dans  les  cérémonies  fo- 
lemnelles. 

On  trouve  dans  le  livre  des  Juges  ,  chap. 
viij ,  verf.  26  ,  que  Gédéon  ,  des  dépouil- 
les des  Madianites  ,  fit  faire  un  e'phod  ma- 
gnifique qu'il  dépofa  à  Ephra  ,  lieu  de  fa 
réfidence  ;  que  les  erifans  d'Ifraël  en  abufe- 
rent  jufqu'à  le  faire  fervir  d'ornement  aux 
prêtres  des  idoles  ,  &  que  ce  fut  la  caufe 
de  la  ruine  de  Gédéon  &  de  toute  fa  mai- 
fon.  Les  fentimens  font  partagés  fur  cet 
e'phod  :  les  uns  veulent  que  Gédéon  ne  l'ait 
fait  faire  que  pour  être  toujours  en  état  de 
recevoir ,  même  chez  lui ,  les  ordres  de 


E  ï>  H 
Dieu  par  l'organe  du  grand-prétre  ;  ce  qui 
n'étoit  pas  défendu  par  la  loi  :  d'autres  pré- 
tendent que  cet  éphod  n'avoit  rien  de  fa- 
cré  ,  mais  que  c'étoit  un  vêtement  de  dif- 
tinction  dont  Gédéon  ,  en  qualité  de  juge 
&  de  premier  magiftr3tde  la  nation,  avoit 
deiïein  de  fe  fervir  dans  les  afTemblées  & 
les  cérémonies  publiques.  Ses  defcendans 
n'eurent  pas  les  mêmes  idées  :  ils  en  abu- 
ferent  par  des  pratiques  idolâtres  ;  car 
Y  éphod  n'étoit  pas  inconnu  parmi  les  payens. 
Il  paroît  par  ïfaïe  qu'on  revétoit  les  faux- 
dieux  à'éphods ,  peut-être  lorfqu'on  vouloit 
confulter  leurs  oracles.  (G) 

EPHORE ,  f.  m.  (  Hifl.  anc.  )  magiftrat 
de  Lacédémone.  Ce  mot  vient  de  eçopâV  , 
veiller,  formé  de  la  préposition  ex/,  fur, 
&  du  verbe  op£v ,  voir  :  s^opoV  fîgnifie  donc 
proprement  un  furvei  liant ,  un  infpeâeur  ; 
auffi  les  éphores  étoient  les  infpe&eurs  de 
toute  la  république;  ilsparvenoientà  cette 
dignité  par  la  nomination  du  peuple,  mais 
leur  charge  ne  duroit  qu'un  an. 

Ils  étoient  au  nombre  de  cinq  ,  &  quel- 
ques-uns ont  écrit  que  les  Romains  réglè- 
rent fur  les  éphores  de  Sparte ,  l'autorité  des 
tribuns  du  peuple.  Xénophon  repréfente 
Jeur  pouvoir  en  peu  de  mots  ;  ils  abolif- 
foient  la  puifTance  des  autres  magiftrats  , 
pouvoient  appeller  chacun  d'eux  en  jufti- 
ce,  les  mettre  en  prifon  fi  bon  leur  fem- 
bloit,  &  leur  faire  rendre  compte  de  leurs 
mœurs  &  de  leurs  aérions. 

Ils  eurent  l'adminiftration  des  deniers 
de  l'état ,  lorfque  _,  pour  le  malheur  de  la 
république,  Lyfander  y  apporta  les  tréfors 
qu'il  avoit  tirés  de  fes  conquêtes.  On  avoit 
bâti  près  de  la  falle  où  ils  rendoient  leurs 
jugemens ,  une  chapelle  dédiée  à  la  Peur  , 
pour  montrer  qu'il  faîloit  les  craindre  & 
les  refpecter  à  l'égal  des  rois.  En  effet ,  leur 
pouvoir  s'étendoit  d'un  côté  à  tout  ce  qui 
concernoit  la  religion  ;  de  l'autre  ,  ils  pré- 
fidoient  aux  jeux  publics  ,  avoient  infpec- 
tion  fur  tous  les  magiftrats  ,  &  pronon- 
çaient fur  des  tribunaux  qu'Elien  nomme 
des  trônes:  enfin  ils  étoient  fi  abfol  us,  qu'A- 
riftote  compare  leur  gouvernement  â  la  ty- 
rannie ,  c'eft-à-dire ,  à  la  royauté.  Ils  ne 
contrebalançoient  pas  feulement  l'autorité 
du  fénat  ;  mais  ils  faifoient  à  Sparte  ce  que 
les  rois  pouvoient  faire  ailleurs ,  régloient 


E  P  H  ffi 

les  délibérations  du  peuple ,  les  déclarations 
de  guerre,  les  traités  de  paix,  l'emploi  des 
troupes ,  les  alliances  étrangères ,  &  les  ré- 
compenfes ,  aufîi-bien  que  les  châtimens. 

Les  armées  des  Lacédémoniens  prenoient 
leur  nom  du  principal  des  cinq  éphores  , 
comme  celles  des  Athéniens  le  prenoient 
de  leur  premier  archonte.  L'élection  des 
éphores  fe  faifoit  vers  le  foiflice  d'hiver ,  & 
c'étoit  alors  que  commençoit  l'année  des 
Spartiates. 

Hérodote  &  Xénophon  attribuent  leur 
inftitution  à  Lycurgue  ,  qui  imagina  ce 
moyen  pour  maintenir  la  jufte  balance 
d'autorité  dans  le  gouvernement.  Théo- 
pompe ,  roi  de  Sparte ,  augmenta  leur  au- 
torité ,  environ  130  ans  après  Lycurgue. 
Cet  établifTement  contribua  long-temps  à 
maintenir  la  royauté  &  le  fénat ,  dans  les 
juftes  bornes  de  la  douceur  &  de  la  mo- 
dération. 

Ces  bornes  font  néceffaires  au  maintien 
de  toute  ariftocratie  ;  mais  fur-tout  dans 
l'ariftocratie  de  Lacédémone  ,  à  la  tête  de 
laquelle  fe  trouvoient  deux  rois  qui  étoient 
comme  les  chefs  du  fénat ,  on  avoit  befoin 
de  moyens  efficaces  pour  que  les  fénateurs 
rendirent  juftice  au  peuple.  Il  falloir  donc 
qu'il  y  eût  des  tribuns  ,  des  magiftrats  , 
qui  parlaffent  pour  ce  peuple  ,  &  qui  puf- 
fènt  dans  certaines  circonstances  modifier 
l'orgueil  de  la  domination  ;  il  falloit  fap- 
per  les  loix  qui  favorifent  les  diminuions 
que  la  vanité  met  entre  les  familles ,  fous 
prétexte  qu'elles  font  plus  nobles  ou  plus 
anciennes  :  distinctions  qu'on  doit  mettre 
au  rang  des  petiteffes  des  particuliers.  Mais 
d'un  autre  côté,  comme  la  nature  du  peu- 
ple eft  d'agir  par  pafïion  ,  il  falloir  des 
gens  qui pufïent  le  modérer  &  le  réprimer, 
il  falloit  par  conféquent  la  fubordination 
extrême  des  citoyens  aux  magiftrats  qu'ils 
avoient  une  fois  nommés.  Voilà  ce  qu'o- 
péra l'inftitution  des  éphores  ,  propre  à  con- 
ferver  une  heureufe  harmonie  dans  tous  les 
ordres  de  l'état.  On  voit  dans  l'hiftoire  de 
Lacédémone  comment ,  pour  le  bien  de  la 
république ,  ils  furent  dans  plufieurs  con- 
jonctures ,  modifier  les  foibleffes  àes  rois  , 
celles  des  grands ,  &  celles  du  peuple. 

Elien  nous  raconte  aufïi  des  traits  de  leur 
fagefle  ;  dans  la  chaleur  des  faclions,  quel- 


^4  E  p  I  t 

Clazoméniens  ayant  un  jour  répandu  | 
de  l'ordure  fur  les  fîéges  des  ephores ,  ces 
màgiftrats  fe  contentèrent  pour  les  punir 
de  faire  publier  par  toute  la  ville  de  Sparte  , 
que  de  telles  fottifes  feroient  permifes  aux 
Clazoméniens. 

L'unique  remède  qu'on  trouva  pour  dé- 
truire leur  pouvoir ,  fut  de  tâcher  de  les 
brouiller  les  uns  avec  les  autres ,  &  cela 
rcuïlit  quelquefois.  Paufanias ,  par  exem- 
ple ,  pratiqua  adroitement  ce  ftratagême  , 
lorfque  jaloux  des  victoires  de  Lyfander  , 
il  gagna  trois  des  ephores  pour  fe  faire  don- 
ner la  commifîion  de  continuer  la  guerre 
aux  Athéniens.  Mais  le  roi  Cléomene ,  III 
du  nom  ,  prit  un  parti  plus  infâme  ;  il  ex- 
cita des  troubles  dans  fa  patrie  y  fit  égorger 
les  ephores  y  partagea  les  terres  ,  donna 
l'abolition  des  dettes  ,  &  le  droit  de  bour- 
geoise aux  étrangers ,  comme  Agis  l'avoit 
propofé.  Cependant  il  paroît  par  des  paf- 
fages  de  Polybe  ,  de  Jofephe ,  &  de  Phi- 
loftrate  ,  que  les  ephores  furent  rétablis 
apiès  la  mort  de  Cléomene;  les  Spartiates 
ne  connoifïant  aucun  inconvénient  com- 
parable aux  avantages  d'une  magistrature 
faite  pour  empêcher  que  ni  l'autorité  royale 
&  ariftocratique  ne  penchaflent  vers  la 
dureté  &  la  tyrannie  ,  ni  la  liberté  popu- 
laire vers  la  licence  &  la  révolte.  Article 
de  M.  le  Chevalier  de  J au  court. 

*  EPHYDRIADES  ,  f.  f.  pi.  (Myth.) 
nymphes  qu'on  appelle  quelquefois  aufli 
J-fydriades.Ulles  préfidoient  auxeaux,com- 
me  l'indique  affez  clairement  leur  nom 
qu'on  a  fait  du  mot  grec  ,  eau ,  vfap, 

EPI ,  f.  m.  (Bot.  )  c'eft  dans  une  plante 
l'endroit  où  fe  forme  le  fruit  ou  la  fleur, 
quand  elle  eft  montée.  Il  y  a  beaucoup  de 
plantes  à  épi. 

Epi  d'eau,  potamogeton  _,  (Hifi.  nat, 
lot.  )  genre  de  plante  à  Heur  faite  en  forme 
de  croix  ,  conipofée  de  quatre  pétales  fans 
calice.  Le  piftil  produit  quatre  femences  , 
qui  font  ordinairement  oblongues  &  raf- 
femblées  en  grouppe.  Tournefort,  infi.rei 
herb.   Voye\  PLANTE.  (/) 

Epi  a  la  Vierge  JjUca  Virginis,(Af- 
tronom.  )  efr  une  étoile  de  la  première  gran- 
deur ,  qui  eft  dans  la  conftellation  de  la 
Vierge.  Voye\  VIERGE, 

Qp  trouvera  aux  mots  ASCENSION ,  DÉ- 


E  P  I 

clinaison, Longitude,  Latitude, 
&c.  la  pofition  de  cette  étoile.  (O) 

Epis,  (Hydmul.  )  font  les  bouts  ou  ex- 
trémités d'une  digue  conftruite  en  maçon- 
nerie ,  ou  avec  des  coffres  de  charpente 
remplis  de  pierres.  (K) 

EpISDeFacINAGE  ,  (  Hydraul.)  font 
des  extrémités  d'une  digue,  conftruite  d'un 
tiffu  de  fafcinage  piqueté  ,  tuné  ,  &  garni 
d'une  couche  de  gravier  ;  on  les  place  fur 
les  bords  d'une  rivière  ,  pour  contraindre 
le  courant  d'aller  d'un  certain  côté .  pour 
foutenir  les  eaux,  &  pour  empêcher  les 
dégradations  des  rivières.  (K) 

Epi  au  Mollette,  termes  fynonymes. 
(  Man.  &  Maréch.  )  L'épi  eft ,  félon  quek 
ques  perfonnes  ,  un  aflèmblage  de  poils 
frifés  ,  qui  placés  fur  un  poil  couché  & 
abattu ,  forme  une  marque  approchante 
de  la  figure  d'un  épi  de  blé.  Je  préférerois 
l'idée  de  ceux  qui  ne  l'en  vifagent  que  com- 
me un  retour  ou  un  rebrouflèment  du  poil , 
provenant  de  la  configuration  des  pores, 

On  peut  divifer  les  épis  en  ordinaires  & 
en  extraodinaires. 

Les  épis  ordinaires  feront  ceux  qui  fe 
trouvent  indiftinctement  &  indifférem- 
ment fur  tous  les  chevaux  ;  tandis  que  nous 
entendons  par  épis  extraordinaires  ,  ceux 
qui  ne  fe  rencontrent  que  fur  quelques-uns 
d'eux. 

Il  n'eft  pas  étonnant  que  dans  des  temps 
de  ténèbres  &  d'obfcurité  ,  la  fuperfti- 
tion  ait  pu  ériger  en  maximes  tout  ce  qu'elle 
fuggere  ordinairement  à  des  efprits  fojbles 
&  crédules  ;  mais  il  eft  Singulier  que  dans 
un  fiecle  aufîi  éclairé  que  le  nôtre  ,  on 
puifte  croire  encore  que  les  épis  placés  aux 
endroits  que  le  cheval  peut  avoir  en  pliant 
le  cou  ,  doivent  déprifer  l'animal ,  &  font 
inconteftabîement  à' un  très-fmiftre  prefage, 
On  ne  peut  perfévérer  dans  de  femblables 
erreurs  ,  qu'autant  que  l'on  perfévere  dans 
fon  ignorance ,  &  peut-être  cette  preuve 
n'eftVelle  pas  la  feule  de  notre  confiance  à 
fuir  toute  lumière,  (e) 

Epi  ,  en  terme  de  Boutonnier  ,  c'eft  un 
ornement  de  bouillon  d'or  ou  d'argent , 
formant  deux  rangs  féparés  de  plufieurs  de 
travers ,  parfaitement  vis-à-vis  l'un  de 
l'autre.  Chacun  de  ces  derniers  eft  plus 
élevé  à  fon  extrémité  extérieure ,  qu'à  celle 


E  P  I 

qui  aboutit  à  la  ramure  ,  &  ils  femblent 
monter  le  long  d'elle  comme  la  maille 
monte  le  long  de  la  tige  d'un  épi  de  blé  : 
refîbmblance  qui  a  donné  le  nom  d'épi  à 
cet  ornement. 

EPIALE  ,  adj.  (  Méd.  )  on  donne  cette 
épithete  aune  fièvre  quotidienne  continue  , 
dans  laquelle  on  a  une  chaleur  répandue 
par  tout  le  corps  ,  &  en  même  temps  des 
iriffons  vagues  &  irréguliers.  Voye\  V ar- 
ticle Fièvre. 

EPIAN  ,  C  m.  terme  de  Voyageurs ,  nom 
que  les  naturels  de  l'île  de  Saint-Domingue 
donnent  à  cette  maladie  chez  eux  endémi- 
que ,  qui  parut  pour  la  première  fois  l'an 
1494  en  Europe  ,  où  elle  fut  appellée  par 
les  François  le  mal  de  Naples  ,  6c  par  les 
Italiens  le  malfrançois ,  les  uns  &  les  autres 
ignorant  fon  origine  mexiquaine.  Tout  le 
monde  connoît  aujourd'hui  Vépian  fous  le 
terme  générique  de  maladie  vénérienne ,  ou 
fous  celui  de  vérole.  Voye\  VÉROLE.  Ar- 
ticle de  M.  le  Chevalier  de  J au  COURT. 
EPI  AULIE ,  f.  f.  (  Mujiq.  des  anc.  )  nom 
que  les  Grecs  donnoient  à  la  chanfon  des 
meuniers  ,  appellée  autrement  hymée.  V. 
Chanson. 

Le  mot  burlefque  piauler  ne  tireroit-il 
point  d'ici  fon  étymologie  ?  Le  piaulement 
d'une  femme  ou  d'un  enfant  qui  pleure  & 
fe  lamente  long-temps  fur  le  même  ton  , 
reflèmble  allez  à  la  chanfon  d'un  moulin, 
&  par  métaphore  à  celle    d'un  meunier. 

{S) 

EPIBATERION  ,  f.  m.  (Belles-Let.  ) 
mot  purement  grec  ,  qui  lignifie  une  efpece 
de  compofuion  poétique ,  en  ufage  parmi  les 
anciens  Grecs.  Lorfqu'une  perlonne  diftin- 
guée  revenoit  chez  foi  après  une  longue 
abfence  ,  il  afTembloit  fes  concitoyens  un 
certain  jour  ,  &  leur  faifoit  un  difcours  ou 
•  récitoit  une  pièce  de  vers  ,  dans  laquelle 
il  rendoit  grâces  aux  dieux  de  fon  heureux 
retour  ,  &  qu'il  terminoit  par  un  compli- 
ment à  fes  compatriotes.  Dicl.  de  Trév. 
&  Chambers.  (G) 

*  EPIBDA  ,  (  Hifl.  anc.  &  Myth.  )  on 
entend  par  ce  terme  purement  grec  ,  le 
quatrième  &  le  dernier  jour  des  apatuties , 
ou  en  général  le  lendemain  d'une  fête  ,  ou 
le  fécond  jour  des  noces.  V.  APATUE.IE , 
NôCE  ,  ùc. 


.  Ê  P I  6^ 

EPIBOMIE  ,  (  Mufiq.  des  anc.  )  nom 
d'un  cantique  que  les  Grecs  chantoient  de- 
vant l'autel.   (  F.  D.  C.  ) 

EPICÉDION  ,  f.  m.  (  Belles-Lettr.  ) 
mot  qui  dans  la  poéfie  grecque  &  latine  , 
fignifie  un  poème  ou  une  pièce  de  vers  fur 
la  mort  de  quelqiCun. 

Chez  les  anciens  ,  aux  obfeques  des  per- 
fonnes  de  marque  ,  on  prononçoit  ordinai- 
rement trois  fortes  de  difcours  :  celui  qu'on 
récitoit  au  bûcher  s'appelloit  nenia  :  celui 
qu'on  gravoit  fur  le  tombeau  ,  épitaphe  ; 
&  celui  qu'on  prononçoit  dans  la  céré- 
monie des  funérailles ,  le  corps  préfent  & 
pofé  fur  un  lit  de  parade  ,  s'appelloit  épice- 
dion.  C'eft  ce  que  nous  appelions  Oraifon 
funèbre.  Voye\  ORAISON  FUNEËRE.  (G) 
EPICINION  ,  (  Muf.  des  anc.  )  Chant 
de  victoire  chez  les  Grecs. 

EPICENE  ,  adj.  terme  de  Grammaire  , 
t'iriKoivot  ,  fuper  commuais  ,  au-deflus  du 
commun.  Les  noms  épicenes  font  des  noms 
d'efpece ,  qui  fous  un  même  genre  fe  di- 
fent  également  du  mâle  ou  de  la  femelle. 
C'eft  ainli   que  nous  difons  ,  un  rat  y  une 
linotte,un  corbeau,une  corneille,une  fourisy 
&c.  foit  que  nous  parlions  du  mâle  ou  de 
la  femelle.  Nous  difons ,  un  coq ,  une  poule  ; 
parce  que  la  conformation   extérieure  de 
ces  animaux  nous  fait  connoître  aifément 
celui  qui  eft  le  mâle  &  celui  qui  eft  la  fe- 
melle :  ainli  nous  donnons  un  nom  parti- 
culier à  l'un  &  un  nom  différent  à  l'autre. 
Mais  à  l'égard  des  animaux  qui  ugmous  font 
pas  allez  familiers  ,  ou  dont  la  conforma- 
tion ne  nous  indique  pas  plus  le  mâle  que 
la  femelle  ,   nous  leur  donnons  un    nom 
que  nous  faifons  arbitrairement  ou  mafeu- 
lin  ,  ou  féminin  ;  &  quand  ce  nom  a  une 
fois  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  genres  ,  ce 
nom ,  s'il  eft  mafeulin  ,  fe  dit  également 
de  la  femelle  ,  &  s'il  eft  féminin  ,  il  ne  fe 
dit  pasmoinsdu  mi\e,une  carpe  uvée  :  ainfi 
Yépicene  mafeulin  garde  toujours    l'article 
mafeulin  ,  &  Yépicene  féminin  garde  l'arti- 
cle féminin ,  même  quand  on  parle  du  mâ- 
le. Il  n'en  eft  pas  de  même  du  nom  com- 
mun ,  fur-tout  en  latin  :  on  dit  hic  civis 
quand  on  parle  d'un  citoyen  ,  &  hue  civis 
Ci  l'on  parle  d'une  citoyenne  ,  hic  parmi  <  , 
le  père ,  heee  parens ,  Ja  mère  ,  hic  ce  ijux  , 
le«nari ,  hœc  conjux  ,  la  femme.  Voy'e\  la 


6^6  E  P  I 

lifte  des  noms  latins  épiceries ,  clans  la  métho- 

de  latine  de  P.  R.  au  traité  des  genres.  (F) 

EPICÉRASTIQUE,  f.  m.  (  Pharm.  ) 
iTizipctç-iKov  ,  de  Kîf>â.vvupi  ,  mêler  ,  tempé- 
rer :  remède  externe  ou  interne ,  qui  corri- 
ge ,  émouffe  ,  tempère  l'acrimonie  des  hu- 
meurs ,  6c  appaife  la  fenfation  incommode 
qu'elle  caule. 

On  met  communément  dans  ce  nombre 
les  racines  émollientes  ;  comme  celles  de 
guimauve  ,  de  mauve  ,  6c  de  régliffe  ;  les 
feuilles  de  mauve  ,  de  nénuphar  ,  de  gran- 
de joubarbe ,  de  pourpier,  &  de  laitue  ;  les 
femences  de  jufquiame  blanche ,  de  laitue , 
de  pavot  blanc  &  de  rue  :  parmi  les  fruits , 
les  jujubes  ,  les  raifins  ,  les  pommes ,  les 
febeftes  ,  les  amandes  douces  ,  &  les  pig- 
nons ;  parmi  les  fucs  6c  les  liqueurs  ,  le  lait 
d'amande ,  l'eau  d'orge  ,  les  bouillons  gras, 
le  lait  du  laiteron  ,  la  crème  de  décoction 
d'orge  ,  le  fuc  des  feuilles  de  morelle  ,  de 
fureau ,  &c.  parmi  les  parties  des  animaux  , 
le  lait ,  le  petit-lait ,  la  tête  6c  les  pies  de 
veau  ,  &c  les  bouillons  qu'on  en  prépare  ; 
parmi  les  mucilages  ,  ceux  qui  font  faits 
avec  les  femences  de  pfyllium  ,  de  coings , 
de  lin  ,  &c,  parmi  les  huiles,  celles  d'olive, 
de  behen  }  d'amandes  douces ,  les  huiles 
exprimées  des  graines  de  calebaffe  ,  de  juf- 
quiame blanche  ,  de  pavot  blanc,  &c.  par- 
mi les  onguents  ,  l'onguent  rofat ,  l'on- 
guent blanc  camphré  ,  &c.  parmi  les  firops, 
ceux  de  violettes ,  de  pommes ,  de  guimau- 
ve ,  de  fernel ,  de  régliffe  ,  de  jujubes ,  de 
pavot  ,  dflfpourpier  ,  &c.  parmi  les  prépa- 
rations officinales ,  la  pulpe  de  caffe  ,  les 
juleps  adouciffàns ,  le  miel  violât  ,  &c. 

Mais  quelque  vraie  que  foit  cette  lifte  , 
elle  elt  informe  &c  fautive  ;  parce  que  dans 
la  bonne  théorie  le  véritable  épicérafiique 
fera  toujours  celui  qui  pourra  tempérer  , 
corriger  l'acrimonie  particulière  dominan- 
te. Par  cette  raifon  ,  tantôt  les  acides  , 
tantôt  les  alkalis  pourront  être  rangés  dans 
la  claffe  des  épicérafliquçs  internes  ,  puis- 
qu'ils feront  propres  à  produire  l'effet  qu'on 
defire ,  fuivant  la  nature  des  humeurs  mor- 
bifiques  ,  qu'il  s'agira  d'adoucir  ,  de  tem- 
pérer ,  de  corriger.  C'eft  un  point  qu'il 
faut  fans  ceffe  avoir  devant  les  yeux  dans 
le  traitement  des  maladies  ,  que  de  varier 
les  remèdes  fuivant  les  cauies ,  &:  c'eft  ce 


EPI 

que  l'empirifme  ne  comprendra  jamais. 
Article  de  M.  le  Chev.  de  J au court, 

EPICES  ,  f.  m.  pi.  (  Comm.  )  On  don- 
ne ce  nom  en  général  à  routes  les  drogues 
orientales  &c  aromatiques  ,  telles  que  le 
girofle  ,  le  poivre  ,  le  gingembre  ,  &c. 
dont  nos    épiciers  font  le  commerce. 

EPICES ,  (  Fines.  )  Pnarm.  c'eft ,  fuivant 
M.  Pomet ,  un  mélange  de  poivre  noir  , 
de  girofle  ,  de  mufcade  ,  de  gingembre  , 
d'anis  verd  ,  6c  de  coriandre  ,  en  propor- 
tion convenable.  Prenez  ,  par  exemple  , 
gingembre  choifi  ,  douze  livres  6c  demie  ; 
girofle  ,  mufcade  ,  de  chaque  une  livre  6c 
demie  ;  femences  d'anis  ,  coriandre  ,  quan- 
tité proportionnée  :  mêlez  6c  les  pulvéri- 
fez  aflèz  fubtilement ,  puis  les  gardez  dans 
une  boîte  bien  bouchée. 

Ces  fines  épices  ne  font  employées  que 
pour  les  ragoûts  ;  mais  elles  pourroient 
être  ,  fi  l'on  vouloit  ,  d'un  grand  ufage 
dans  la  Médecine  ,  d'autant  que  c'eft  une 
poudre  aromatique  qui  eft  ftomachjque  , 
carmina.tive  _,  céphalique  ,  expectorante  , 
antiputride.  On  peut  s'en  fervir  pour  for- 
tifier le  cerveau  ,  pour  atténuer  les  hu- 
meurs vifqueufes  ,  pour  faire  éternuer, 
James   6c   Ckambers. 

Epices  ,  (Jurifprud.  )  font  àes  droits  en 
argent  que  les  juges  de  plufieurs  tribunaux 
font  autorifés  à  recevoir  des  parties  pour 
la  vifite  des  procès  par  écrit. 

Ces  fortes  de  rétributions  font  appellées 
en  Droit  fportulce  ou  fpecies ,  qui  fignifioiç 
toutes  fortes  de  fruits  en  général ,  ik  fin- 
guliérement  les  aromates  ;  d'où  l'on  a  fait 
en  françois  épices  ,  terme  qui  comprenoit 
autrefois  toutes  fortes  de  confitures ,  parce 
qu'avant  la  découverte  des  Indes  ,  &c  que 
l'on  eût  l'ufage  du  fucre  ,  on  faifoit  confire 
les  fruits  avec  des  aromates  ;  on  faifoit 
aux  juges  des  préfens  de  ces  fortes  de  fruits , 
ce  qui  leur  fit  donner  le  nom  d'épices. 

L'origine  des  épices  ,  même  en  argent  , 
remonte  jufqu'aux  Grecs, 

Homère  ,  Iliade  VI ',  dans  la  defcriptiort 
qu'il  fait  du  jugement  qui  étoit  figuré  fur 
lç  bouclier  d'Achille,  rapporte  qu'il  y  avoit 
deux  talens  d'or  pofés  au  milieu  des  ju- 
ges ,  pour  donner  à  celui  qui  opineroit  le 
mieux.  Ces  deux  talens  étoient ,  il  eft  vrai 
alors  ,  de  peu  de  valeur  \  car  Budé  ,  en 

fou 


E  PI 

fon  IVe.  liv.  de  ajje  ,  en  parlant  de  talento 
homerico  ,  prouve  par  un  autre  pallage  du 
XXIVe.  de  l'Iliade  ,  que  ces  deux  talens 
d'or  étoient  eftimés  moins  qu'un  chauderon 
d'airain. 

Plutarque,  en  la  vie  de  Périclès  ,  fait  men- 
tion d'un  ufage  qui  a  encore  plus  de  rap- 
port avec  les  épices  ;  il  dit  que  Périclès  fut 
le  premier  qui  attribua  aux  juges  d'Athè- 
nes des  falaires  appelles  prytanées  ,  parce 
qu'ils  fe  prenoient  fur  les  deniers  que  les 
plaideurs  confignoient  à  l'entrée  du  procès 
dans  la  prytanée  ,  qui  étoit  un  lieu  public 
deftiné  à  rendre  la  juftice.  Cette  configna- 
tion  étoit  du  dixième  ,  mais  tout  n'étoit  pas 
pour  les  juges  :  on  prenoit  auftï  fur  ces  de- 
niers le  falaire  des  fergens  \  celui  du  juge 
étoit  appelle  70  JWruoj'. 

A  Rome,  tous  les  magiftrats  &c  autres 
officiers  avoient  des  gages  fur  le  flfc  ,  &  fai- 
foient  ferment  de  ne  rien  exiger  des  parti- 
culiers. Il  étoit  cependant  permis  aux  gou- 
verneurs de  recevoir  de  petits  préfens  ap- 
pelles xenia  ,  mais  cela  étoit  limité  à  des 
chofes  propres  à  manger  ou  boire  dans  trois 
jours.  Dans  la  fuite  ,  Confbntin  abolit  cet 
ufage  ,  &  défendit  à  tous  miniftres  de  juftice 
d'exiger  ni  même  de  recevoir  aucuns  pré- 
ïens  ,  quelque  légers  qu'ils  fufient  j  mais 
Tribonien ,  qui  étoit  lui-même  dans  l'ufage 
d'en  recevoir,  ne  voulut  pas  inférer  cette 
loi  dans  le  code  de  Juftinien. 

L'empereur  lui-même  fè  relâcha  de  cette 
févérité  par  rapport  aux  juges  d'un  ordre 
inférieur,;  il  permit ,  par  fa  novelle  xv.  chap. 
y),  aux  défendeurs  des  cités  de  prendre  ,  au 
lieu  de  gages  ,  quatre  écus  pour  chaque  feu- 
tence  définitive  j  &.  en  la  novelle  Ixxxij. 
chap.  xjx.  il  afligne  aux  juges  pedanées  qua- 
tre écus  pour  chaque  procès ,  à  prendre  fur 
les  parties ,  outre  deux  marcs  d'or  de  gages 
qu'ils  avoient  fur  le  public. 

Ces  épices  étoient  appellées  fportulœ  ,  de 
même  que  le  falaire  des  appariteurs  &  au- 
tres miniftres  inférieurs  de  la  jurifdictron  j 
ce  qui  venoit  de  [porta ,  qui  étoit  une  petite 
corbeille  où  l'on  recueilloit  les  petits  pré- 
fens que  les  grands  avoient  coutume  de  dis- 
tribuer à  ceux  qui  leur  faifoient  la  cour. 

Par  les  dernières  conftitutions  greques  , 
la  taxe  des  épices  fe  faifoit  eu  égard  à  la 
femme  dont  il  s'agiffoit  3  comme  de  cent 
Tome  XU. 


E   P   ï  657 

écus  d'or  on  prenoit  un  demi-écu  ,  &.  ainil 
des  autres  fbmmes  à  proportion  ,  fuivant 
que  le  remarque  Théophile ,  §.  tripl.  injïit. 
de  action. 

On  appelloit  aufti  les  épices  des  juges 
pulveratica  ,  comme  on  lit  dans  Cafîiodore  , 
lib.  XII.  variar.  où  il  dit  ,  pulveratica  olim 
judicibus  prœfiabantur  ;  pulveraticum  étoit  le 
prix  &  la  récompenfè  du  travail  ,  &  avoit 
été  ainfî  appelle  ,  an  faifant  aliufîon  à  cette 
pouffiere  dont  les  luteurs  avoient  coutume 
de  fè  couvrir  mutuellement  lorfqu'ils  al- 
loient  au  combat ,  afin  d  avoir  plus  de  prifè 
fur  leur  antagonifte. 

Quelques-uns  ont  cru  qu'anciennement 
en  France  les  juges  ne  prenoient  point  à' épi- 
ces ;  cependant ,  outre  qu'il  eft  probable 
que  l'on  y  fuivit  d'abord  le  même  ufage 
que  les  Romains  y  avoient  établi ,  on  voit 
dans  les  loix  des  Vifigoths  ,  liv.  I.  tit.  ij.  câ, 
xxv.  qui  étoient  obfervées  dans  toute  l'A- 
quitaine ,  qu'il  étoit  permis  au  rapporteur 
de  prendre  un  vingtième,  vigefimumfolidum 
pro  labore  &  judicatâ  caufâ  ac  légitimé  deli- 
beratâ.  Il  eft  vrai  que  le  concile  de  Verneuil 
tenu  l'an  884  au  fujet  de  la  difeipline  ecclé- 
fiaftique  ,  défendit  à  tous  juges  eccléfiafti- 
ques  ou  laïques  de  recevoir  des  épices  ,  ut 
nec  chrifius  ,  nec  abbas ,  nec  ullus  laicus  pro 
juflitiâ  faciendâ  fportulas  accipiat. 

Mais  il  paroît  que  cela  ne  fut  pas  toujours 
obfervé  ;  en  effet ,  dès  le  temps  de  S.  Louis, 
il  y  avoit  certaines  amendes  applicables  au 
profit  du  juge  ,  &  qui  dans  ce  cas  tenoient 
lieu  Ôl  épices.  On  voit ,  par  exemple  ,  dans 
l'ordonnance  que  ce  prince  fit  en  1 2  54  ,  que 
celui  qui  louoit  une  maifon  à  quelque  ri- 
baude  ,  étoit  tenu  de  payer  au  bailli  du  lieu , 
ou  au  prévôt  ou  au  juge  ,  une  fomme  égale 
au  loyer  d'une  année. 

Ce  même  prince ,  en  aboliffant  une  mau- 
vaifè  coutume  qui  avoit  été  long-temps  ob- 
fervée  dans  quelques  tribunaux,  par  rap- 
port aux  dépens  judiciaires  &  aux  peines 
que  dévoient  fùpporter  ceux  qui  fuccom- 
boient  ,  ordonne  qu'au  commencement  du 
procès  les  parties  donneront  des  gages  de  la 
valeur  du  dixième  de  ce  qui  fait  l'objet  du 
procès  j  que  ces  gages  feront  rendus  aux 
parties ,  &  que  dans  tout  le  cours  du  pro- 
cès., on  ne  lèvera  rien  pour  les  dépens  ,' 
mais  qu'à  la  fin  du  procès  celui  qui  fuccom- 
O  o  00 


é<$  EPI 

bera ,  paiera  à  la  cour  la  dixième  partie  de 
ce  à  quoi  il  fera  condamné  ,  ou  l'eftima- 
tion  j  que  fi  les  deux  parties  fuccombent 
chacune  en  quelque  chef,  chacune  paiera 
à  proportion  des  chefs  auxquels  elle  aura 
fùccombé  }  que  ceux  qui  ne  pourront 
pas  trouver  des  gages  ,    donneront  cau- 


tion ,  &c. 


Ce  dixième  de  l'objet  du  procès  ,  que  l'on 
appelloit  décima  litium  ,  fervoit  à  payer  les 
dépens  dans  lefquels  font  compris  les  droits 
des  juges.  Il  étoit  alors  d'ufage  dans  les  tri- 
bunaux laïques  que  le  juge ,  fous  prétexte  de 
fournir  au  falaire  de  fès  affeffeurs ,  exigeoit 
des  parties  ce  dixième,  ou  quelque  autre 
portion  ,  avec  les  dépenfes  de  bouche  qu'ils 
avoient  faites  :,  ce  qui  fut  défendu  aux  ju- 
ges d'églife  par  Innocent  III ,  fuivant  le 
chap.  x.  aux  décrétales  de  vitâ  &  honeftate 
clericorum  ,  excepté  lorfque  le  juge  cft  obligé 
d'aller  aux  champs  &  hors  de  fa  maifon  \ 
le  chapitre  cîim  ab  omni ,  &.  le  chapitre 
fiatutum  ,  veulent  en  ce  cas  que  le  juge  foit 
défrayé. 

Il  u'étoit  pas  non  plus  alors  d'ufàge  en 
cour  d'églife  de  condamner  aux  dépens  : 
mais  en  cour  laïque  il  y  avoit  trois  ou  qua- 
tre cas  où  l'on  y  condamnoit,  comme  il  pa- 
roît  par  le  chap.  xcij.  des  établiifemens  de 
S.  Louis  en  12.70,  &  ce  même  chapitre 
fait  mention  que  la  juftice  prenoit  un  droit 
pour  elle. 

Les  privilèges  accordés  à  la  ville  d'Ai- 
guefmortes  par  le  roi  Jean ,  au  mois  de  Fé- 
vrier 1 3  50  ,  portent  que  dans  cette  ville  les 
juges  ne  prendroient  rien  pour  les  actes  de 
tutelle ,  curatelle  ,  émancipation,  adoption, 
ni  pour  la  confection  des  teftamens  &  or- 
donnances qu'ils  donneroient  j  qu'ils  ne 
pourroient  dans  aucune  affaire  faire  faifir 
les  effets  des  parties  pour  fureté  des  frais , 
mais  que  quand  l'affairé  feroit  finie  ,  celui 
qui  auroit  été  condamné  paieroit  deux  fous 
pour  livre  de  la  valeur  de  la  chofe  fi  c'étoit 
un  meuble  ou  de  l'argent  ;  que  fi  c  etoit  un 
immeuble  ,  il  paieroit  le  vingtième  en  ar- 
gent de  fa  valeur,  fuivant  l'eftimation  j  que 
fi  celui  qui  avoit  perdu  fon  procès ,  ne  pou  • 
voit  en  même  temps  fatisfaire  à  ce  qu'il  de- 
voit  à  fa  partie  &  aux  juges ,  la  partie  feroit 
payée  par  préférence. 

H  y  eut  depuis  quelques  ordonnances  qui 


F  PI 

défendirent  aux  juges ,  même  laïques ,  de 
rien  recevoir  des  parties ,  notamment  celle 
de  1302,  rapportée  dans  l'ancien  ftyle  du 
parlement ,  en  ces  termes  :  Prcvfati  officiarii 
nofiri  nihil  penitus  exigant  Jubjeclis  nojiris. 

Mais  l'ordonnance  de  Philippe  de  Va- 
lois ,  du  1 1  Mars  1 344 ,  permit  aux  com- 
mifiàires  députés  du  parlement  ,  pour  la 
taxe  des  dépens ,  ou  pour  l'audition  des  té- 
moins ,  de  prendre  chacun  dix  fous  parifïs 
par  jour  ,  outre  les  gages  du  roi. 

D'un  antre  côté  ,  l'ufage  s'introduifit 
que  la  partie  qui  avoit  gagné  fon  procès , 
en  venant  remercier  fes  juges ,  leur  préfen- 
toit  quelques  boîtes  de  confitures  feches  ou 
de  dragées,  que  l'on  appelloit  alors  épices. 
Ce  qui  étoit  d'abord  purement  volontaire 
paflà  en  coutume  ,  fut  regardé  comme  un: 
droit ,  &  devint  de  nécefîité.  Ces  épices  fu- 
rent enfuite  converties  en  argent  :  on  en 
trouve  deux  exemples  fort  anciens  avant 
même  que  les  épices  entraffent  en  taxe  :  l'un 
eft  du  12  Mars  1369  j  le  fire  de  Tournon 
par  licence  de  la  cour  fur  fa  requête  donna 
vingt  francs  d'er  peur  les  épices  de  fon  pro- 
cès jugé ,  laquelle  fbmme  fut  partagée  en- 
tre les  deux  rapporteurs  ;  l'autre  eft  que  le 
4  Juillet  1371  ,  un  confeiller  de  la  cour, 
rapporteur  d'un  procès  ,  eut  après  le  juge- 
ment de  chacune  des  parties  fix  francs. 

Mais  les  juges  ne  pouvoient  encore  rece- 
voir des  épices  ou  préfens  des  parties  qu'en 
vertu  d'une  permifîiôn  fpéciale,  &  les  épices 
n'étoient  pas  encore  toujours  converties  en 
argent.  En  effet ,  Charles  VI ,  par  des  let- 
tres du  17  Mars  1395  ,  pour  certaines  cau- 
Ces  &  confidérations ,  permit  à  Guillaume 
de  Seus , Pierre  Boufchet ,  Henri  de  Marie  , 
&  Ymbert  de  Bcify  ,  préfidens  au  parle- 
ment ,  &  à  quelques  confeillers  de  cette 
cour ,  que  chacun  d'eux  pût  fans  aucune 
ojfenfe  prendre  une  certaine  quantité  de 
queues  de  vin  à  eux  données  par  la  reine  de 
Jérufalem  &  de  Sicile  ,  tante  du  roi. 

Papon  ,  eu  fès  arrêts ,  lit.  des  épices  ,  rap- 
porte un  arrêt  du  7  Mai  1384,  qu'il  dit  avoir 
jugé  qu'en  taxant  les  dépens  de  la  caule 
principale  ,  on  devoit  taxer. auffi  les  épices 
de  l'arrêt. 

Cependant  du  Luc  ,  liv.  V.  de  fes  arrêts  r 
th.  v.  art.  1.  en  rapporte  un  poftérieur  du  17 
Mars  1403  ,  par  lequel  il  fut  décidé  que  le* 


EP  I 

épices  ,  qu'il  appelle  tragemata ,  n'entroient 
point  en  taxe  ,  loriqu'on  en  accordoit  aux 
ra    >orteurs. 

Il  rapporte  encore  un  autre  arrêt  de  la 
même  année  ,  qui  énonce  que  dans  les  affai- 
res importantes  &  pour  des  gens  de  qualité, 
on  permettoit  aux  rapporteurs  de  recevoir 
deux  ou  trois  boîtes  de  dragées  ;  mais  l'arrêt 
défend  aux  procureurs  de  rien  exiger  de  leurs 
parties  fous  ombre  à  épices. 

Ces  boîtes  de  dragées  ie  donnoient  d'a- 
bord avant  le  jugement  pour  en  accélérer 
l'expédition  ;  les  juges  regardèrent  enfuite 
cela  comme  un  droit  ,  tellement  que  dans 
quelques  anciens  regiftres  du  parlement  on 
lit  en  marge,  non  deliberetur donec falvantur 
fpecies  ;  mais  comme  on  reconnut  l'abus  de 
cet  ufage  ,  il  fut  ordonné  par  un  arrêt  de 
1437  >  rapporté  par  du  Luc ,  liv.  IV.  th.  v. 
art.  10,  qu'on  ne  paieroit  point  les  épices  au 
rapporteur ,  &  qu'on  ne  lui  diftribueroit 
point  d'autre  procès  qu'il  neût  expédié  celui 
dont  il  étoit  chargé.  Il  appelle  en  cet  en- 
droit les  épices  dicafiica  ,  ce  qui  feroit 
croire  qu'elles  étoient  alors  converties  eu 
argent. 

On  fe  plaignit  aux  états  de  Tours  ,  tenus 
en  1483  ,  que  la  vénalité  des  offices  indui- 
foit  les  officiers  à  exiger  de  grandes  &  ex  - 
ceflîves  épices ,  ce  qui  étoit  d'autant  plus 
criant  qu'elles  ne  pailbieut  point  encore  en 
taxe}  cependant  l'ufage  en  fut  continué, 
tellement  que  par  un  arrêt  du  30  Novembre 
1494 ,  il  fut  décidé  que  les  épices  des  procès 
jugés ,  fur  lefquels  les  parties  avoient  tranfî- 
gé  ,  dévoient  être  payées  par  les  parties  & 
non  par  le  roi  j  &  ce  ne  fut  que  par  un  règle- 
ment du  18  Mai  1502  qu'il  fut  ordonné 
qu'elles  entreroient  en  taxe. 

L'ordonnance  de  Roufîillon ,  art.  3 1 ,  & 
celle  de  Moulins ,  art.  14 ,  défendirent  aux 
juges  préfidiaux ,  &  autres  juges  inférieurs  , 
de  prendre  des  épices ,  excepté  pour  le  rap- 
porteur. 

La  chambre  des  comptes  fut  autorifée  à 
en  prendre  par  des  lettres  patentes  du  1 1 
Décembre  1581 ,  regiftrées  en  ladite  cham- 
bre le  24Mars  1582. 

Ily  a  cependant  encore  plufîeurs  tribunaux 
où  l'on  ne  prend  point  $  épices  ,  tels  que  ie 
confeil  du  roi ,-  les  confeils  de  guerre. 

Les  épices  ne  font  point  accordées  pour 


EPI  *;* 

le  jugement  ,  mais  pour  la  vifite  du 
procès. 

L  edit  du  mois  d'Août  io'o'o  contient  ua 
règlement  général  pour  les  épices  &  vaca- 
tions. 

Il  ordonne  que  par  provifion  ,  &  en  at- 
tendant que  S.  M.  fe  trouve  en  état  d'aug- 
menter les  gages  des  officiers  de  judicatu- 
re ,  pour  leur  donner  moyen  de  rendre  la. 
juftice  gratuitement ,  les  juges  ,  même  les 
cours  ,  ne  puifTent  prendre  d'autres  épices 
que  celles  qui  auront  été  taxées  par  celui 
qui  aura  préfidé  ,  fans  qu'aucun  puiffe  pren- 
dre ni  recevoir  de  plus  grands  droits ,  fous 
prétexte  d'extraits, de  fciendum  ,  ou  d'arrêt  j 
ce  qui  eft  conforme  à  ce  qui  avoit  déjà  été 
ordonné  par  ïart.  127  de  l'ordonnance  de 
Blois  ,  qui  yeut  que  la  taxe  en  foit  faite  fur 
les  extraits  des  rapporteurs  qu'ils  auront 
faits  eux-mêmes,  &:  que  l'on  y  ufe  de  mo- 
dération. 

Celui  qui  a  préfidé  ,  doit  écrire  de  fa 
main  au  bas  de  la  minute  du  jugement  la 
taxe  des  épices  ,  &  le  greffier  en  doit  faire 
mention  fur  les  grofTes  &  expéditions  qu'il 
délivre. 

M.  Duperray,  en  fon  traité  des  dîmes ,  c. 
xi),  fait  mention  d'une  déclaration  du  roi., 
dont  il  ne  dit  pas  la  date  ,  qui  remit ,  à  ce 
qu'il  dit ,  aux  juges  fubalternes  les  épices 
mal-prifès ,  en  payant  une  taxe.  Il  paroît  être 
d'avis  que  cette  taxe  ne  difpenfe  pas  ces  juges 
de  faire  reftitution  à  ceux  dont  ils  ont  exigé 
induement  des  épices. 

On  ne  doit  taxer  aucunes  épices  pour  les 
procès  qui  font  évoqués,  ou  dont  la  connoif- 
fance  eft  interdite  aux  juges,  encore  que  le 
rapporteur  en  eût  fait  l'extrait ,  &  qu'ils  euf- 
feut  été  mis  fur  le  bureau  <k  même  vus  & 
examinés.  . 

Il  en  eft  de  même  de  tous  les  jugemens 
rendus  fur  requête  &  des  jugemens  eu  ma- 
tière bénéficiale  ,  lorfqu'après  la  communi- 
cation au  parquet  toutes  les  parties  font  d'ac- 
cord de  paffer  appointement  fur  la  mainte- 
nue du  bénéfice  contentieux  ,  s'il  intervient 
arrêt  portant  que  les  titres  &  capacités  des 
parties  feront  vues. 

Il  fut  créé  en  1581  &  1586  des  offices 
de  receveurs  des  épices  dans  les  différens  tri- 
bunaux du  royaume  :  ceux  de  Beaujoiois 
furent  fupprimés  en  1 588  ,  &  tous  les  autre* 
Qooo  2 


Uo  EPI 

furent  fupprimés  en  1616  ,  &  réunis  aux 
offices  de  greffiers  &  de  maîtres- clercs  des 
greffes.  Mais  par  édit  du  mois  de  Février 
1629  ,  on  rétablit  tous  ceux  qui  avoient  été 
reçus  &  inftallés  ,  Se  qui  n'avoient  point 
été  rembourfés.  Enfuite  on  en  créa  d'alter- 
natifs &  de  triennaux ,  qui  ont  été  fuppri- 
més  ou  réunis.  Il  y  a  eu  encore  nombre 
d'autres  créations  &  fupprefïions  dont  le 
détail  feroit  trop  long  j  il  fuffit  d'obferver 
que  "dans  quelques  tribunaux  ces  officiers 
font  en  titre  d'office  ,  dans  d'autres  ils  font 
par  commifîion. 

L'édit  de  1669  porte  que  les  épias  feront 
payées  par  les  mains  des  greffiers ,  ou  autres 
perfonnes  chargées  par  l'ordre  des  compa- 
gnies qui  en  tiendront  regiftres,  fans  que  les 
juges  ou  leurs  clercs  puillent  les  recevoir 
par  les  mains  des  parties  ou  autres  per- 
fonnes. 

Il  eft  défendu  aux  greffiers  ,  fous  peine 
d'amende  ,  de  réfuter  la  communication  du 
jugement  ,  quoique  les  épias  &  vacations 
n'aient  pas  été  payées. 

Louis  XII  avoit  donné  une  ordonnance 
qui  autorifoit  les  juges  à  ufer  de  contrainte 
contre  les  parties  pour  leurs  épias  \  mais 
cette  ordonnance  ne  fut  pas  vérifiée  ,  on 
permettoit  feulement  aux  juges  de  fè  pour- 
voir par  requête ,  fuivant  les  arrêts  rappor- 
tés par  Guenois  :  ufage  qui  a  été  aboli ,  auiïi 
bien  que  celui  de  faire  configner  les  épias 
avant  le  jugement  ,  comme  cela  s'obfer- 
voit  dans  quelques  parlemens  \  ce  qui  fut 
abrogé  par  une  déclaration  du  16  Février 
1683,  &  autres  à -peu -près  du  même 
temps. 

Préfèntement  les  juges  ,  foit  royaux ,  ou 
<\es  fèigneurs ,  ne  peuvent  décerner  en  leur 
nom  ,  ni  en  celui  de  leurs  greffiers  ,  aucun 
exécutoire  pour  les  épias ,  à  peine  de  con- 
euffion }  mais  on  peut  en  délivrer  exécutoire 
à  la  partie  qui  les  a  débourfées. 

Les  épias  ne  font  pas  fàifîflables, 

Les  procureurs  généraux  &  procureurs 
«lu  roi ,  &  leurs  fubftituts  ,  font  auffi  auto- 
rifés  à  prendre  des  épiûes  pour  les  conclu- 
fions  qu'ils  donnent  dans  les  affaires  de  rap- 
port. V.  Pafquier  enfes  recherches  de  la  Fran- 
ce ,  liv.  11.  ch.jv.  Loyfeau  ,  des  offic.  ch.  xiij. 
Joly  ,  des  ojjïc,  tit.  des  épiées.  Bornier  ,fur 


E  PI 

l'édit  de  1669.  Bouchel ,  au  mot  Epices  ,  & 
les  arrêts  de  réglemens  des  10  Avril  1691  & 
8  Août  17 14.  [A) 

EPICIER  ,  f.  m.  On  appelle  à  Paris  le 
corps  d'Epiciers ,  celui  des  fix  corps  des  mar- 
chands où  fe  fait  le  commerce  des  drogues  , 
&  autres  marchandifes  comprifes  fous  le 
nom  d'épicerie:  il  eft  le  fécond  des  fix  corps, 
&  a  rang  après  celui  de  la  draperie. 

Le  corps  d'épicerie  eft  partagé  en  Apo- 
thicaires &t  Epiciers  ,  &C  ces  derniers  en 
Droguiftes ,  Confituriers  ,  &  Ciriers  ou 
Ciergiers  j  enforte  qu'il  y  a  cinq  fortes  de 
marchands  dans  ce  corps.JQ  eft  gouverné  par 
les  mêmes  maîtres  &  gardes ,  &régi  parles 
mêmes  loix.  Ces  maîtres  &  gardes  font  an 
nombre  de  fix ,  trois  apothicaires  &  trois 
épiciers.  Les  plus  anciens  de  ces  deux  corps 
actuellement  en  charge  ,  font  appelles 
grands-gardes  ou  préfidens.  Leur  préfèance 
eft  alternative.  Tous  les  ans ,  après  la  faint 
Nicolas  leur  patron,  on  élit  deux  nouveaux 
gardes  ,  un  épicier  ,  &  l'autre  apothicaire. 
Cette  élection  fe  fait  dans  le  bureau  ,  en 
préfènee  du  lieutenant  général  de  police  , 
du  procureur  du  roi  du  châtelet  ,  &  d'un 
greffier  :  les  Apothicaires  &  les  Epiciers 
font  de  l'aflèmblée  :  tous  les  épiciers  qui  ont 
paffé  par  la  charge  de  garde  ,  y  ont  entrée , 
avec  quarante  autres  qu'on  appelle  des  man- 
dés ,  tirés  des  modernes  &  des  anciens.  On 
n'eft  jamais  deux  fois  mandé  de  fuite.  Les 
gardes- épiciers  font  élus  avec  les  apothicai- 
res ,  qui  nomment  feuls  ceux  de  leur  art. 
La  fonction  de  ces  gardes  eft  de  tenir  la 
main  à  l'exécution  des  ftatuts  &  réglemens} 
de  faire  au  moins  trois  vifites  par  an ,  &  de 
faire  en  outre  des  vifites  générales  chez  tous 
les  marchands,  maîtres  des  coches,  &c. 
pour  confronter  les  poids  &  les  balances. 
Il  n'y  a  que  les  marchands  des  cinq  aunes 
corps  qui  foient  exempts  de  ces  vifites.  Il 
n'y  a  que  les  Epiciers  qui  puiiîènt  la  faire  , 
parce  qu'ils  ont  de  tout  temps  eu  des  éta- 
lons de  poids  en  dépôt.  Ils  les  doivent  en- 
core faire  vérifier  de  fix  ans  en  fix  ans  par 
la  cour  des  monnoies  ,  fiir  les  matrices  ori- 
ginales. L'un  des  gardes  eft  encore  chargé 
de  la  dépenfe  commune  \  fuccefîïvement 
un  apothicaire  &  un  épicier  ,  qui  rend  fort 
compte  tous  les  ans  devant  les  gardes  ea 
charge  &.  les  anciens  qui  l'ont  été.  Nul  ne 


E  P  î 

peut  être  reçu  dans  le  corps  d'Epicerie, 
qu'il  ne  foit  François  ,  ou  naturalifé  par 
lettres-patentes:  Pour  être  apothicaire  ,  il 
faut  avoir  fait  quatre  ans  d'apprentiflage  , 
&  avoir  fîx  ans  de  fer  vice  chez  les  maîtres  :, 
il  n'y  a  qu'eux  qui  foient  obligés  au  chef- 
d'œuvre.  Les  épiciers  aipiraus  doivent  avoir 
fait  trois  ans  de  compagnona  *e  ,  &  fix  de 
fèrvice.  Les  veuves  des  uns  &  des  autres 
peuvent ,  en  viduité  ,  exercer  le  commerce 
de  leurs  maris  ,  avec  un  garçon  approuvé 
par  les  maîtres  &  gardes  :  elles  ne  peuvent 
faire  d'apprentis  ,  ni  donner  leur  boutique 
à  un  garçon  fous  leur  nom  ,  à  moins  qu'il 
ne  demeure  avec  elles.  Les  épiciers  qui  ne 
font  point  droguiftes ,  ne  peuvent  vendre 
aucune  marchandife  d'Apothicairerie.  Les 
drogueries  &  épiceries  font  d'abord ,  avant 
la  diftribution  générale  ,  dépofées  au  bu- 
reau ,  &  examinées  par  les  gardes. 

Leurs  ftatuts  ont  été  confirmés  par  let- 
tres-patentes de  plufieurs  de  nos  rois ,  en- 
tr'autres  de  Henri  IV ,  en  1 594  ,  &:  de 
Louis  XIII,  en  161 1  &  eu  1624.  Dans 
les  cérémonies  publiques  les  gardes  de  ce 
corps  ont  droit  de  porter  la  robe  de  drap 
noir  ,  à  collet  &  manches  pendantes ,  bor- 
dées &  parementées  de  velours  de  la  même 
couleur.  Cette  robe  eft  la  confulaire  ,  & 
commune  aux  maîtres  des  cinq  autres  corps. 
Un  épicier  qui  eft  garde ,  ou  qui  l'a  été  , 
décédant ,  les  maîtres  en  charge  font  obli- 
gés d'afîifter  à  fon  fcrvice  &  enterrement  ; 
les  quatre  plus  jeunes  portant  le  poile  ,  & 
les  deux  grands  fuivant  immédiatement  le 
corps ,  accompagnés  des  quatre  courtiers 
du  corps  menant  le  deuil.  La  même  céré- 
monie s'pbfèrve  à  l'égard  des  femmes , 
veuves  ou  non.  Le  bureau  fournit  le  poiîe 
&:  fix  chandeliers  d'argent ,  fix  flambeaux 
de  cire  blanche  ornés  des  armoiries  du 
corps ,  les  Apothicaires  &  les  Epiciers  en 
ayant  qui  leur  font  particulières.  Diâionn. 
&  réglem.  du  Commerce, 

EPICHEREME  ,  f.  {.{Logique.  )  L'é- 
cole a  donné  le  nom  d'épicheréme  aux  fyllo- 
gifmes  dans  lefquels  l'on  joint  à  chaque 
prémilfe  fa  preuve  -,  au  moins  lorfque  cha- 
cune en  a  belbiu.  M.  de  Croufaz  en  donne 
l'exemple  fuivant  : 

//  eft  raifonnable  depenfer  que  les  biens  qui 
ont  le  plus  de  rapport  à  ce  que  notre  nature 


E  P  ï 


êét 


renferme  de  plus  excellent,  font  les  plus  capa- 
bles de  nous  rendre  heureux  ;  car  la  félicité 
&  la  perfection  doivent  aller  a  un  pas  égal , 
puifqu  elles  font  tune  &  l'autre  notre  but. 

Or  la  feience  &  la  fagejfe  font  des  biens 
qui  perfectionnent  ce  qui/  y  a  en  nous  déplus 
excellent ,  puifque  t  entendement  &  la  volonté 
font  des  facultés  beaucoup  plus  eftimables  que 
les  fens. 

Il  ejt  donc  raifonnable  de  penfer  que  fon 
fe  rendra  plus  heureux  par  la  connoijfance  & 
par  lafagejfe  ,   que  parles  voluptés  des  fens. 

Uépicherême ,  dit-on  ,  a  un  grand  avan- 
tage; c'eft  de  ne  point  retarder  l'impatience 
de  l'homme  ,  parce  qu'elle  prouve  fès  pré- 
milîès  en  les  avançant  :  ce  qui  eft  court  8c 
très-agréable  \  mais  il  ne  s'agit  pas  ici  d'a- 
gréjnent.  Ou  de  fi  courtes  preuves  font 
inutiles  par  l'évidence  de  la  propofition , 
ou  elles  ne  font  pas  fuffifàntes  pour  la  dé- 
montrer. Uépicherême  de  M.  de  Crouïàz 
lui-même  n'eft  peut  être  pas  trop  folide  ; 
mais  qu'il  le  foit  ou  non  ,  je  dis  que  des 
preuves  que  l'on  fait  paffer  fi  rapidement 
devant  l'efprit ,  ne  font  guère  propres  qu'à 
l'éblouir  ,  au  lieu  de  l'éclairer  :  ainfi  l'ufage 
de  ce  fyllogifme  irrégulier  ,  qu'on  nomme 
épicherétne  ,  n'eft  bon  que  pour  former  les 
récapitulations  des  orateurs ,  quand  les  prin- 
cipes d'où  dépend  leur  conclufion  ,  ont 
déjà  été  précédemment  établis  &  prouvés 
par  ordre.  De  Jaucourt. 

*  EPICLIDIES  ,  adj.  pris  fubftantif. 
(  Mythol.  )  fêtes  que  les  Athéniens  avoient 
inftituées  en  l'honneur  de  Cérès.  Héfychius 
qui  nous  a  tranfmis  ce  nom  ,  ne  nous  eii 
dit  pas  davantage. 

*  EPICOMBES ,  f.  m.  pi.  (  Hiji.  anc.  ) 
bouquets  enrichis  de  monnoies  ou  pièces 
d'or  ,  d'argent  &  de  cuivre ,  qu'un  féna- 
teur  jetoit  au  peuple ,  lorfque  l'empereur 
de  Conftantinople  fortoit  de  l'églifè.  Il  y 
avoit  ordinairement  dix  mille  de  ces  bou- 
quets ,  &  chaque  bouquet  renfermoit  au 
moins  trois  pièces  d'or  &  trois  pièces  d'ar- 
gent. Cette  largeife  étoit  très-confidérable , 
&  la  forme  en  étoit  honnête. 

EPICRANE  ,  f.  m.  (  Anat.  )  partie  qui 
environne    le    crâne.   Voye\   Crâne   & 

*  EPICRENE ,{.{.(  Mythol.  )  fêtes  que 
les  Lacédémoniens  célébroient,    &  qu'ils 


66i  E  P  I 

appelloient  la  fête  des  fontaines  :  c'eft  tout 
ce  que  nous  en  favons. 

*  EPICURÉISME  ou  EPICURISME  , 
fubft.  m.  (  Hift.  de  la  Philofophie.  )  La  fecte 
éléatique  donna  naiflance  à  la  fecle  épicu- 
rienne. Jamais  philofophie  ne  fut  moins 
entendue  &  plus  calomniée  que  celle  d'E- 
pi cure.  On  accufa  ce  philofophe  d'athéif- 
me  ,  quoiqu'il  admît  l'exiftence  des  dieux , 
qu'il  fréquentât  les  temples ,  &  qu'il  n'eût 
aucune  répugnance  à  fê  profteruer  aux 
pies  des  autels.  On  le  regarda  comme  l'a- 
pologifte  de  la  débauche  ,  lui  dont  la  vie 
étoit  une  pratique  continuelle  de  toutes  les 
vertus ,  &  fur-tout  de  la  tempérance.  Le 
préjugé  fut  fi  général ,  qu'il  faut  avouer  , 
à  la  honte  des  Stoïciens  qui  mirent  tout 
eu  œuvre  pour  le  répandre ,  que  les  Epi- 
curiens ont  été  de  très-honnêtes  gens  qui 
ont  eu  la  plus  mauvaife  réputation.  Mais 
afin  qu'on  puiife  porter  un  jugement  éclairé 
déjà  doctrine  d'Epicure ,  nous  introduirons 
ce  philofophe  même ,  entouré  de  fès  difci- 
ples  ,  &  leur  dictant  Ces  leçons  à  l'ombre 
des  arbres  qu'il  avoit  plantés.  C'eft  donc 
lui  qui  va  parler  dans  le  refte  de  cet  arti- 
cle \  &  nous  efpérons  de  l'équité  du  lecteur , 
qu'il  voudra  bien  s'en  fouvenir.  La  feule 
chofe  que  nous  nous  permettons  ,  c'eft  de 
jeter  entre  {es  principes  quelques-unes  des 
conféquences  les  plus  immédiates  qu'on  en 
peut  déduire. 

De  la  philofophie  en  général.  L'homme 
eft  né  pour  penfer  &  pour  agir  ,  &  la  phi- 
lofophie eft  faite  pour  régler  l'entendement 
&  la  volonté  de  l'homme  :  tout  ce  qui  s'é- 
carte de  ce  but ,  efi  frivole.  Le  bonheur 
s'acquiert  par  l'exercice  de  la  raifon  ,  la 
pratique  de  la  vertu ,  &  l'ufage  modéré 
des  plaints:,  ce  qui  fuppofè  la  fanté  du  corps 
&  de  l'ame.  Si  la  plus  importante  des  con- 
noilfauces  eft  de  ce  qu'il  faut  éviter  &  faire  , 
le  jeune  homme  ne  peut  fe  livrer  trop  tôt 
à  l'étude  de  la  philofophie  ,  &  le  vieil- 
lard y  renoncer  trop  tard.  Je  diftingue  en- 
tre mes  difciples  trois  fortes  de  caractères: 
il  y  a  des  hommes  ,  tels  que  moi  ,  qu'au- 
cun obftacie  ne  rebute ,  &  qui  s'avancent 
feuls  &  d'un  mouvement  qui  leur  eft  pro- 
pre ,  vers  la  vérité  ,  la  vertu  &  la  félicité  } 
des  hommes  ,  tels  que  Métrodore ,  qui 
ont  bcfoin  d'un  exemple  qui  les  encourage  j 


E  PI 

&  d'autres  ,  tels  qu'Hermaque  ,  à  qui  il 
faut  faire  une  eipece  de  violence.  Je  les 
aime  &  les  eftime  tous.  Oh ,  mes  amis  ! 
y  a- t-il  quelque  chofe  déplus  ancien  que  la 
vérité  ?  la  vérité  n'étoit-eîle  pas  avant  tous 
les  philofophes?  Le  philofophe  méprifèra 
donc  toute  autorité  &  marchera  Iroit  à  la 
vérité ,  écartant  tous  les  fantômes  vains  qui 
fe  préfèirteront  fur  fa  route  &:  l'ironie  de 
Socrate  &  la  volupté  d'Epicure.  Pourquoi 
le  peuple  refte  t-il  plongé  dans  l'erreur  ? 
c'eft  qu'il  prend  des  noms  pour  des 
preuves.  Faites-vous  des  principes  }  qu'ils 
fbient  en  petit  nombre  ,  mais  féconds  en 
conféquences.  Ne  négligeons  pas  l'étude  de 
la  nature  ,  mais  appliquons-nous  particu- 
lièrement à  la  fcieuce  des  mœurs.  De  quoi 
nous  ferviroit  la  connoiflance  approfondi^ 
des  êtres  qui  font  hors  de  nous  ,  fi  nous 
pouvions,  fans  cette  connoùTance  ,  diOiper 
la  crainte ,  obvier  à  la  douleur  ,  &c  fatis- 
faire  à  nos  befoins  ?  L'ufage  de  la  dialecti- 
que pouffé  à  l'excès ,  dégénère  dans  l'art  de 
femer  d'épines  toutes  les  fciences  :  je  hais 
cet  art.  La  véritable  Logique  peut  fe  réduire 
à  peu  de  règles.  Il  n'y  a  dans  la  nature  que 
les  chofès  &  nos  idées  j  &  coniéquem- 
ment  il  n'y  a  que  deux  fortes  de  vérités, 
les  unes  d'exiftence  ,  les  autres  d'induction. 
Les  vérités  d'exiftence  appartiennent  aux 
feus  \  celles  d'induction  ,  à  la  raifon.  La 
précipitation  eft  la  fource  principale  de  nos 
erreurs.  Je  ne  me  lafTerai  donc  point  de  vous 
dire  ,  attende^.  Sans  l'ufage  convenable  des 
fèns ,  il  n'y  a  point  d'idées  ou  de  prénotions } 
&  fans  prénotions ,  il  n'y  a  ni  opinion  ni 
doute.  Loin  de  pouvoir  travailler  à  la  re- 
cherche de  la  vérité  ,  on  n'eft  pas  même  en 
état  de  fè  faire  des  lignes.  Multipliez  donc 
les  prénotions  par  un  ufage  aiîîdu  de  vos 
fens  \  étudiez  la  valeur  précifè  des  lignes 
que  les  autres  ont  inftitués ,  &:  déterminez 
foigneufement  la  valeur  de  ceux  que  vous 
inftituerez.  Si  vous  vous  réfolvez  à  parler , 
préférez  les  expreflîons  les  plus  (impies  6c 
les  plus  communes ,  ou  craignez  de  n'être 
point  entendus ,  &  de  perdre  le  temps  à 
vous  interpréter  vous-mêmes.  Quand  vous 
écouterez ,  appliquez-vous  à  fentir  toute  la 
force  des  mots.  C'eft  par  un  exercice  ha- 
bituel de  ces  principes  que  vous  parvien- 
drez à  difeerner  fans  effort  le  vrai ,  le  faux  , 


EP  I 

l'ebfcur  &  l'ambigu.  Mais  ce  n'eft  pas  affez 
que  vous  fâchiez  mettre  de  la  vérité  dans 
vos  raifonnemens ,  il  faut  encore  que  vous 
fâchiez  mettre  de  la  fageiîe  dans  vos  actions. 
En  général ,  quand  la  volupté  n'entraînera 
aucune  peine  à  fa  fuite  ,  ne  balancez  pas  à 
l'embraifer  \  fi  la  peine  qu'elle  entraînera  eft 
moindre  qu'elle  ,  embraiîez-la  encore  :  em- 
braffez  même  la  peine  dont  vous  vous  pro- 
mettrez un  grand  plaifir.  Vous  ne  calcule- 
rez mal ,  que  quand  vous  vous  abandonne- 
rez à  une  volupté  qui  vous  caufera  une  trop 
grande  peine  ,  ou  qui  vous  privera  d'un  plus 
grand  plaifir. 

De  la  phyfiologie  en  général.  Quel  but 
nous  propofèrons-nous  dans  l'étude  de  la 
Phyfïologie  ?  fi  ce  n'eft  de  connoître  les 
caufès  générales  des  phénomènes ,  afin  que 
délivrés  de  toutes  vaines  terreurs  ,  nous 
nous  abandonnions  fans  remords  à  nos  ap- 
pétits raifonnables  \  &  qu'après  avoir  joui 
de  la  vie  ,  nous  la  quittions  fans  regret.  Il 
ne  s 'eft  rien  fait  de  rien.  L'univers  a  tou- 
jours été ,  &  fera  toujours.  Il  n'exifte  que 
la  matière  8c  le  vuide  \  car  on  ne  conçoit 
aucun  être  mitoyen.  Joignez  à  la  notion 
du  vuide  l'impénétrabilité  ,  la  figure  &  la 
pefanteur  ,  8c  vous  aurez  l'idée  de  la  ma- 
tière. Séparez  de  l'idée  de  matière  les  mê- 
mes qualités ,  8c  vous  aurez  la  notion  du 
vuide.  La  Nature  confidérée ,  abftra&ion 
faite  de  la  matière  ,  donne  le  vuide  }  le 
vuide  occupé  donne  la  notion  du  lieu  \  le 
lieu  traverfé  donne  l'idée  de  région.  Qu'en- 
tendrons nous  par  l'efpace  ,  fiuon  le  vuide 
confidéré  comme  étendu  ?  La  néceUîté 
du  vuide  eft  démontrée  par  elle-même  :, 
car  fans  vuide  ,  où  les  corps  exifteroient- 
ils  ?  où  fe  mouveroienr-ils  ?  Mais  qu'eft- 
ce  que  le  vuide  ?  eft-ce  une  qualité  ?  eft-ce 
une  chofe  ?  Ce  n'eft  point  une  qualité.  Mais 
fî  c'eft  une  chofe  ,  c'eft  donc  une  chofe 
corporelle  ?  il  n'en  faut  pas  douter.  Cette 
chofe  uniforme  ,  homogène ,  immenfe  , 
éternelle  ,  traverfé  tous  les  cerps  fans  les 
altérer  ,  les  détermine  ,  marque  leurs  li- 
mites ,  &  les  y  contient.  L'Univers  eft 
l'agrégat  de  la  matière  &  du  vuide.  La 
matière  eft  infinie  ,  le  vuide  eft  infini  :  car 
lî  le  vuide  étoit  infini  8c  la  matière  finie  , 
rien  ne  retiemlroit  les  corps  8c  ne  borne- 
rait leurs  écarts  :  les  pcrcnflions    £c   les 


EPI  66$ 

repercufllons  cefiéroient  j  8c  l'Univers  , 
loin  de  former  un  tout ,  ne  fcroit  dans  qucl- 
qu'inftant  de  la  durée  qtii  fuivra  ,  qu'un 
amas  de  corps  ifoiés  ,  8c  perdus  dans  l'im- 
menfité  de  l'efpace.  Si  au  contraire  la  ma- 
tière étoit  infinie  8c  le  vuide  fini  -,  il  y  au- 
roit  des  corps  qui  ne  feroieut  pas  dans  l'ef-~ 
pace ,  ce  qui  eft  abfurde.  Nous  n'appli- 
querons donc  à  l'Univers  aucune  de  ces 
expreflions  par  lefquelles  nous  diftiiiguons 
des  dimenfions  Se  nous  déterminons  des 
points  dans  les  corps  finis.  LUuivers  eft 
immobile  ,  parce  qu'il  n'y  a  point  d'efpace 
au  delà.  Il  eit  immuable  ,  parce  qu'il  n'eft 
fufceptible  ni  d'accroiflement  ni  de  dimi- 
nution. Il  eft  éternel,  puifqu'il  n'a  point 
commencé  ,  8c  qu'il  ne  finira  point.  Ce- 
pendant  les  êtres  s'y  meuvent ,  des  loix  s  y 
exécutent ,  des  phénomènes  s'y  fuccedenr.. 
Entre  ces  phénomènes  les  uns  fe  produi- 
fent ,  d'autres  durent ,  &  d'autres  paffent  'T 
mais  ces  vicifîitudes  font  relatives  aux  par- 
ties ,  &  non  au  tout.  La  feule  conféquence 
qu'on  puiflè  tirer  des  générations  8c  des 
deftru&ions ,  c'eft  qu'il  y  a  des  élémens 
dont  les  êtres  font  engendrés ,  8c  dans  le£ 
quels  ils  fe  réfblvent.  On  ne  conçoit  ni 
formation  ni  réfolutior, ,  fans  idée  de  com- 
pofition  }  8c  l'on  n'a  point  d  idée  de  com- 
pofition  ,  fans  admettre  des  particules  fini- 
pies,  primitives  8c  conftituantes.  Ce  font 
ces  particules  que  nous  appellerons  atomes. 
L'atome  ne  peut  ni  fe  divifer  ,  ni  fe  Ampli- 
fier, ni  fè  réfoudre  ;  il  eft  effentiellement 
inaltérable  8c  fini  :  d'oîr  il  s'enfuit  que  dans 
un  compofé  iîni ,  quel  qu'il  foit ,  il  n'y  a 
aucune  forte  d'infini  ni  en  grandeur,  ni  en 
étendue ,  ni  en  nombre.  Homogènes ,  eu 
égard  à  leur  fblidité  8c  à  leur  inaltérabilité  , 
les  atomes  ont  àes  qualités  fpécifiques  qui 
les  différencient.  Ces  qualités  font  la  gran* 
deur  ,  la  figure  ,  la  pefanteur ,  8c  toutes 
celles  qui  en  émanent,  telles  que  le  poli  8c 
l'anguleux.  Il  ne  faut  pas  mettre  au  nombre 
de  ces  dernières  ,  le  froid  ,  le  chaud  ,  8c 
d'autres  fèmblables  j  ce  ferait  confondre  des 
qualités  immuables  avec  des  effets  momen- 
tanés. Quoique»  nous  alignions  à  l'atome 
toutes  les  dimenfions  du  corps  fênfîble  r 
il  eft  cependant  plus  petit  qu'aucune  por- 
tion de  matière  imaginable  :  il  échappe 
à  nos  feus ,   dont  la  portée  eft  la  raefuxa; 


Ù*  E  ?  î 

de  l'ima^îiiabîa ,  foit  en  pctitefîe  ,  fbit 
eu  grandeur.  C'eft  par  la  différence  des 
atomes  que  s'expliqueront  la  plupart  des 
phénomènes  relatifs  aux  feufations  &:  aux 
paillons.  La  diverfité  de  figure  étant  uue 
finie  néeciiaire  de  la  diverfité  de  grandeur, 
il  ne  feroit  pas  impoflible  que  dans  tout 
cet  Univers  il  n'y  eût  pas  un  compofé 
parfaitement  égal  à  un  autre.  Quoiqu'il 
y  ait  des  atomes ,  les  uns  anguleux  ,  les 
autres  crochus  ,  leurs  pointes  ne  s'émouf- 
fent  point ,  leurs  angles  ne  fè  brifent  jamais. 
Je  leur  attribue  la  pefanteur  comme  une 
qualité  eiîentieîle  ,  parce  que  fe  mouvant 
actuellement ,  ou  tendant  à  fè  mouvoir,  ce 
ne  peut  être  qu'en  confequence  d'une  force 
iuîriufeque  ,  qu'on  ne  peut  ni  concevoir  ni 
appeîler  autrement  quepondérarion.  L'atome 
a  deux  mouvemens  principaux }  un  mouve- 
ment de  chute  ou  de  pondération  qui  l'em- 
porte ou  qui  i'emporteroit  fans  le  concours 
d'aucune  action  étrangère  j  &  le  choc  ou  le 
mouvement  de  réflexion  qu'il  reçoit  à  la  ren- 
contre dTun  autre.  Cette  dernière  efpece  de 
mouvement  eft  variée  félon  l'infinie  diverfité 
des  maries  &  des  directions.  La  première 
étant  une  énergie  intrinfeque  de  la  matière  , 
c'eft  elle  qu'il  faut  regarder  comme  la  con- 
fèrvatrice  du  mouvement  dans  la  Nature  , 
&:  la  caufe  éternelle  des  comportions.  La  di- 
rection générale  des  atomes  emportés  par  le 
mouvement  de  pondération ,  n'eft  point 
parallèle:,  elle  eft  un  peu  convergente}  c'eft 
à  cette  convergence  qu'il  faut  rapporter  les 
chocs  ,  les  cohérences  ,  les  compofitions 
d'atomes ,  la  formation  des  corps ,  l'ordre 
de  l'Univers  avec  tous  fes  phénomènes. 
Mais  d'où  naît  cette  convergence  ?  de  la 
diverfité  originelle  des  atomes  ,  tant  en 
malle  qu'en  figure  ,  &  qu'en  force  pondé- 
rante. Telle  eft  la  vîteffe  d'un  atome  &  la 
non-réfiftance  du  vuide  ,  que  fi  l'atome  ne- 
toit  arrêté  par  aucun  obftacle  ,  il  parcotir- 
roit  le  plus  grand  efpace  intelligible  dans 
le  temps  le  plus  petit.  En  effet ,  qu'eft-ce 
qui  le  retarderoit  ?  Qu 'eft-ce  que  le  vuide  , 
eu  égard  au  mouvement  ?  aufîî  tôt  que  les 
atomes  combinés  ont  formé  un  compofé  , 
ils  ont  dans  ce  compofé  ,  &  le  compofé  a 
dans  l'efpace  différens  mouvemens ,  diffé- 
rentes actions ,  tant  intrinfèques  qu'extrin- 
feques ,  tant  au  loin  que  dans  le  lieu.  Ce 


EPI 

qu'on  appelle  communément  des  élément , 
font  des  compofës  d'atomes  j  on  peut  regar- 
der ces  compofës  comme  des  principes  , 
mais  non  premiers.  L'atome  eft  la  caufè 
première  par  qui  tout  eft,  &  la  matière  pre- 
mière dont  tout  eft.  Il  eft  actif  eiîëntielle- 
ment  &  par  lui-même.  Cette  activité  des- 
cend de  l'atome  à  l'élément ,  de  l'élément 
au  compofé  ,  &  varie  feion  toutes  les  com- 
pofitions poffibles.  Mais  toute  activité  pro- 
duit ou  le  mouvement  local ,  ou  la  tendance. 
Voilà  le  principe  univerfel  des  deftructions 
&  des  régénérations.  Les  viciffitudes  des 
compofés  ne  font  que  des  medes  du  mou- 
vement ,  &  les  fuites  de  l'activité  effen- 
tielle  des  atomes  qui  les  couftituent.  Com- 
bien de  fois  n'a-t-ofl  pas  attribué  à  des  cau- 
fës  imaginaires ,  les  effets  de  cette  activité 
qui  peut ,  félon  les  occurrences  ,  porter  les 
portions  d'un  être  à  des  diftances  immenfes , 
ou  fè  terminer  à  des  ébranlemens ,  à  des 
tranflatious  imperceptibles  ?  C'eft  elle  qui 
change  le  doux  en  acide  ,  le  mou  en  dur  , 
&c.  Et  même  ,  qu'eft-ce  que  le  deftin ,  finon 
l'univerfalité  des  caufes  ou  des  activités 
propres  de  l'atome  ,  confidéré  ou  folitaire- 
ment  ,  ou  en  compofition  avec  d'autres 
atomes  ?  Les  qualités  efîëntielles  connues^ 
des  atomes  ,  ne  font  pas  en  grand  nombre  j 
elles  fliffîfent  cependant  pour  l'infinie  va- 
riété des  qualités  des  compofës.  De  la  fépa- 
ration  des  atomes  plus  ou  moins  grande  , 
naiffent  le  denfè  ,  le  rare  ,  l'opaque  ,  le 
tranfparent  :  c'eft  de-là  qu'il  faut  déduire 
encore  la  fluidité  ,  la  liquidité  ,  la  dureté, 
la  mollefîè  ,  le  volume  ,  &c.  D'où  ferons- 
nous  dépendre  la  figure  ,  finon .  des  parties 
compofantes  }  &  le  poids ,  finon  de  la  force 
intrinfeque  de  pondération  ?  cependant  à 
parler  avec  exactitude ,  il  n'y  a  rien  qui  foit 
abfolument  pefant  ou  léger.  Il  faut  porter 
le  même  jugement  du  froid  &:  du  chaud. 
Mais  qu'eft-ce  que  le  temps  ?  C'eft  dans 
la  nature  une  fuite  d'événemens  \  &  dans 
notre  entendement ,  une  notion  qui  eft  la 
fource  de  mille  erreurs.  Il  faut  porter  le 
même  jugement  de  l'efpace.  Dans  la  na- 
ture ,  fans  corps  point  d'efpace  ,  fans  événe- 
mens  fuccefîïfs,  point  de  temps.  Le  mou- 
vement &  le  repos  font  des  états  dont  la  no- 
tion eft  inféparable  en  nous  de  celles  de  l'e£ 
pace  &  du  temps.  Il  n'y  aura  de  productions 

nouvelles 


E  P  I 

nouvelles  dans  la  nature  ,  qu'autant  que 
la  compofition    diverfe    des    atomes    en 
admettra.  L'arôme  in:réé  &  inaltérable  eft 
le  principe  de  toute  génération  &  de  toute 
corruption,  il  fuitdefon  activité  efFentielle 
&  intrinfeque ,  qu'il  n'y  a  nul  compofé  qui 
foit  éternel  :  cependant  il  ne  feroit  pas  ab- 
solument impofîible  qu'après  notre  diflolu- 
tion  ,  il  ne  fe  fit  une  combinaifon  générale 
de  toute  la  matière  ,   qui  reftituât  à  l'Uni- 
vers le  même  afpect  qu'il  a  ,  ou  du  moins 
une  combinaifon  partielle  des  élémens  qui 
nous  constituent ,  en  conféquence  de  la- 
quelle nous  refTufciterions  ;  mais  ce  feroit 
fans  mémoire  du  pafïé.  La  mémoire  s'éteint 
au  moment  de  la  deftrudion.  Le  monde 
n'eft  qu'une  petite  portion  de  l'Univers  , 
dont  la  foiblefîe  de  nos  fens  a  fixé  les  limi- 
tes ;  car  l'Univers  eft  illimité.  Confédéré 
relativement  à  fes  parties  &  à  leur  ordre  ré- 
ciproque ^  le  monde  eft  un  ",  il  n'a  point  d'a- 
me;  ce  n'eft  donc  point  un  dieu  ;  fa  forma- 
tion n'exige  aucune  caufe  intelligente  &fu- 
prême.    Pourquoi  recourir  à  de  pareilles 
caufes  dans  la  philofophie ,  lorfque  tout  a 
pu  s'engendrer  &  peut  s'expliquer  par  le 
mouvement ,  la  matière ,  &  le  vuide  ?  Le 
monde  eft  l'effet  du  hafard  ,  &  non  l'exécu- 
tion d'un  defTein.  Les  atomes  fe  font  mus 
de  toute  éternité.  Confidérés  dans  l'agita- 
tion générale  d'où  les  êtres  dévoient  éclore 
dans  le  temps,  c'eftceque  nous  avons  nom- 
mé le  chios;  confidérés  après  que  les  natures 
furent  éclofes ,  &  l'ordre  introduit  dans  cet- 
te portion  de  l'efpace ,  tel  que  nous  l'y 
voyons  >  c'eft  ce  que  nous  avons  appelle  le 
monde  :  ce  feroit  un  préjugé  que  de  conce- 
voir autrement  l'origine  de  la  terre  ,   de  la 
mer ,  &  des  cieux.  La  combinaifon  des  ato- 
mes forma  d'abord  les  femences  générales  ; 
ces  femences  fe  développèrent ,  &  tous  les 
animaux,  fans  en  excepter  l'homme,  furent 
produits  feuls  ,  ifolés.   Quand  les  femences 
lurent  épuifées ,  la  terre  ceflad'en  produi- 
re, &  les  efpeces  fe  perpétuèrent  par  diffé- 
rentes voies  de  génération.  Gardons-nous 
bien  de  rapporter  à  nous  les  tranfactions  de 
la  nature;  les  chofesfe  font  faites ,  fans  qu'il 
y  eut  d'autre  caufe  que  l'enchaînement  uni- 
verfeldes  êtres  matériels  qui  travaillât,  foit 
à  notre  bonheur  ,  foit   à   notre  malheur 
Laifïbns-là  auflî  les  génies  &  les  démons  ; 
Tome    XII 


EPI  6tf 

s'ils  étoient ,  beaucoup  de  chofes  ou  ne 
feroient  pas ,  ou  feroient  autrement.  Ceux 
qui  ont  imaginé  ces  natures  n'étoient  point 
philofophes ,  &  ceux  qui  les  ont  vues  n'é- 
toient que  des  vifionnaires.  Mais  fi  le  monde 
a  commencé,  pourquoi  ne  prendroit-il  pas 
une  fin  ?  n'eft-ce  pas  un   tout  compofé  ? 
n'eft- ce  pas  un  compofé  fini?  l'atome  n'a 
t-il  pas  confervé  fon  activité  dans  ce  grand 
compofé,  ainfi  que  dans  fa  portion  la  plus 
petite?  cette  activité  n'yeft-ellepas  égale- 
ment un  principe  d'altération  &  de  deftruc- 
tion  ?  Ce  qui  révolte  notre  imagination  ,  ce 
font  les  fauftes  mefures  que  nous  nousfom- 
mes  faites    de    l'étendue   &    du    temps; 
nous  rapportons  tout  au  point  de  l'efpace 
que  nous  occupons ,  &  au  court  inftant  de 
notre  durée.  Mais  pour  juger  de  notre  mon- 
de ,  il  faut  le  comparer  à  l'immenfité  de 
l'univers,  &  à  l'éternité  des  temps:  alors  ce 
globe  eût-il  mi'le  fois  plus  d'étendue ,  ren- 
trera dans  la  loi  générale ,  &  nous  le  verrons 
fournis  à  tous  les  accidens  de  la  molécule. 
Il   n'y  d'immuable  ,  d'inaltérable  ,  d'éter- 
nel ,  que  l'atome  ;  les  mondes  parferont  , 
l'arôme  reftera  tel   qu'il  eft.  La  pluralité 
des  mondes  n'a  rien  qui  répugne.  Il  peut  y 
avoir  des  mondes  femblabîes  au  nôtre  ;  il 
peut  y  en  avoir  de  différents.  Il  faut  les  con- 
fidérer  coinme  de  grands  tourbillons  ap- 
puyés les  uns  contre  les  autres ,  qui  en  refTer- 
rent  entr'eux  de  plus  petits  ,   &  qui  rem- 
pliflent  enfemble  le  vuide  infini.  Au  milieu 
du  mouvement  général  qui  produifit  le  nô- 
tre ,  cet  amas  d'atomes  que  nous  appelions 
Te:re ,   occupa  le  centre;  d'autres  amas 
allèrent  former  le  ciel  &  les  aftres  qui  l'é- 
clairent.   Ne  nous  en  laifïbns  pas  impofer 
fur  la  chute  des  graves  :  les  graves  n'ont 
point  de  centre  commun  ;  ils  tombent  pa- 
rallèlement. Concluons -en  l'abfurdité  des 
Antipodes.  La  terre  n'eft  point  un  corps 
fphérique  ;  c'eft  un  grand  difque  que  l'at- 
mofphere  tient  fufpendu  dans  l'efpace  :  la 
Terre  n'a  point  d'ame  ;  ce  n'eft  donc  point 
une  divinité.  C'eft  a  des  exhalaifons  fouter- 
raines,  à  des  chocs  fubits  9   à  la  rencontre 
de  certains  élémens  oppofés ,  à  l'action  du 
feu  ,  qu'il  faut  attribuer  fes  tremblemens. 
Si  les  fleuves  n'augm  entent  point  les  mers, 
c'eft  que  relativement  à  ces  volumes  d'eau, 
|  à  ieuïi  immenfes  refervoirs,  &  à  la  quantité 

P  ppp 


€66  EPI 

de  vapeurs  que  le  Soleil  élevé  de  leur 
farface  ,  les  fleuves  ne  (ont  que  de  foibles 
écoulemens.  Les  eaux  de  la  mer  fe  répan- 
dent dans  toute  la  mafTe  terreftre,  l'arrofent, 
fe  rencontrent,  fe  raflèmblent ,  &  viennent 
fé  précipiter  derechef  dans  les  badins  d'où 
elles  s'étoient  èxtravafées  :  c'eft  dans  cette 
circulation  qu'elles  font  dépouillées  de  leur 
amertume.  Les  inondations  du  Nil  font 
occafionnées  par  des  vents  étéiiens,  qui  fou- 
levent  la  mer  aux  embouchures  de  ce  fleu- 
ve ,  y  accumulent  des  digues  de  fable  ,  & 
le  font  refluer  fur  lui-même.  Les  monta- 
gnes font  aufli  anciennes  que  la  terre.  Les 
plantes  ont  de  commun  avec  les  animaux  , 
qu'elles  naiflent ,  fe  nourriffent ,  s'accroif- 
fent  y  dépéiiffent  &  meurent:  mais  ce  n'eft 
point  uneame  qui  les  vivifie  :  tout  s'exécute 
dans  ces  êtres  par  le  mouvement  &  Tinter- 
pofition.  Dans  les  animaux ,  chaque  organe 
élabore  une  portion  de  femence ,  &  la  tranf- 
met  à  un  réfervoir  commun  :  de-là  cette 
analogie  propre  aux  molécules  féminales , 
qui  les  fépare ,  les  diftribue  ,  les  difpofe 
chacune  à  former  une  partie  femblable  à 
celle  qui  l'a  préparée,  &  toutes,  à  engen- 
drer un  animal  femblable.  Aucune  intelli- 
gence ne  préfide  à  ce  méchanifme.  Tout 
s'exécutant  comme  fl  elle  n'exiftoit  point, 
pourquoi  donc  en  fuppoferions  -  nous  l'ac- 
tion ?  Les  yeux  n'ont  point  été  faits  pour 
voir  ,  ni  les  pies  pour  marcher:  mais  l'ani- 
mal a  eu  des  pies ,  &  il  a  marché  ;  des  yeux, 
&  il  a  vu.  L'ame  humaine  eft  corporelle, 
ceux  qui  affurent  le  contraire  ne  s'entendent 
pas,  &  parlent  fans  avoir  d'idées.  Si  elle  étoit 
incorporelle  ,  comme  ils  le  prétendent,  elle 
ne  pourroit  ni  agir  ,  ni  fouîTrir  ;  fon  hétéro- 
généité rendroit  impofîible  fon  a&ion  fur  le 
corps.  Recourir  à  quelque  principe  imma- 
tériel ,  afin  d'expliquer  cette  aclion,  ce  n'eft 
pas  réfoudre  la  difficulté,  c'eft  feulement  la 
tranfporter  à  un  autre  objet.  S'il  y  avoit  dans 
la  nature  quelque  être  qui  pût  changer  les 
natures  ,  la  vérité  ne  feroit  plus  qu'un  vain 
nom:or  pour  qu'un  être  immatériel  fut  un 
inftrument  applicable  à  un  corps,  il  fau- 
droit  changer  la  nature  de  l'un  ou  de  l'au- 
tre. Gardons-nous  cependant  de  confondre 
l'ame  avec  le  refte  de  la  fubilance  animale. 
L'ame  eft  un  compofé  d'atomes  fi  unis  y  fi 
légers ,  fi  mobiles ,  qu'elle  peut  fe  féparer 


E  PI 

du  corps  fans  qu'il  perde  fenfiblement  de 
fon  poids.  Ce  réfeau  ,  malgré  fon  extrême 
fubtilité  ,  a  plulieurs  qualités  diftincles;  il 
eft  aérien  ,  igné  ,  mobile  ,  &  fenfible.  Ré- 
pandu dans  tout  le  corps  ,  il  eft  lacaufe  àe$ 
pallions ,  des  a&ions ,  des  mouvemens ,  des 
facultés ,  des  penfées  ,  &  de  toutes  les  au- 
tres fonctions _,  foit  fpirituelles ,  foit  anima- 
les; c'eft  lui  qui  fent  ,  mais  il  tient  ccite 
pniflànce  du  corps.  Au  moment  où  l'ame> 
fe  fépare  du  corps ,  la  fenfibilité  s'évanouit, 
parce  que  c'étoit  le  réfultat  de  leur  unien; 
les  fens  ne  font  qu'un  toucher  diverfàfié  ;  n 
s'écoule  fans  ceflè  des  corps  mêmes ,  des  fi- 
mulacies  qui  leur  font  femblabies  ,  &  qu* 
viennent  frapper  nos  fens.  Les  fens  fontf 
communs  à  l'homme  &  à  tous  les  animaux. 
La  raifon  peut  s'exercer  ,  même  quand  les 
fens  fe  repofent.  J'entends  par  Xefprit,  la  por- 
tion de  l'ame  la  plus  déliée.  L'efpriteft  dif- 
fus dans  toute  la  fubftance  de  l'ame , 
comme  l'ame  eft  diflufe  dans  toute  la 
fubftance  du  corps  ;  il  lui  eft  uni  ;  il  ne* 
forme  qu'un  être  avec  elle  ;  il  produit  fes 
a&es  dans  des  inftants  prefque  indivifibles;  il 
a  fon  fîege  dans  le  cœur  :  en  effet  c'eft  de-là 
qu'émanent  la  joie  ,  la  triftefle  ,  la  force ,  la 
pufillanimiré  ,  &c.  L'ame  penfe  ,  comme 
l'œil  voit,  par  des  ftmulacres  ou  des  idoles} 
elle  eft  affe&ée  de  deux  fentimens  généraux, 
la  peine  &  le  plaifir.  Troublez  l'état  natu- 
rel des  parties  du  corps ,  &  vous  produirez 
la  douleur  ;  reftituez  les  parties  du  corps 
dans  leur  état  naturel ,  &  vous  ferez  éclore 
le  plaifir.  Si  ces  parties,  au  lieu  d'ofciller 
pouvoient  demeurer  en  repos ,  ou  nous  cef- 
ferions  de  fentir,  ou  ,  fixés  dans  un  état  de 
paix  inaltérable ,  nous  éprouverions  peut- 
être  la  plus  voluptueufe  de  toutes  les  fitua- 
tions.  De  la  peine  &  du  plaifir  naiftent  le 
defir  &  l'averfion.  L'ame  en  général  s'épa- 
nouit &  s'ou  vre  a u  plai fi  r;  elle  fe  flétri t&fe 
refterre  à  la  peine.  Vivre ,  c'eft  éprouver  ces 
mouvemens  alternatifs.  Les  paftions  varient 
félon  la  combinaifon  des  atomes  qui  compo- 
fent  le  tiffu  de  l'ame.  Les  idoles  viennent 
frapper  le  fens  ;  le  fens  éveille  l'imagination; 
l'imagination  excite  l'ame  ,  &  l'ame  fait 
mouvoir  le  corps.  Si  le  corps  tombe  d'afFoi- 
bliffement  ou  de  fatigue ,  l'ame  accablée  ou 
diftraite  fuccombe  au  fommeil.  L'état  où 
elle  eft  obfédée  de  fimuîacres  écrans  qui  k 


EPI 

tourmentent  ou  qui  Pamufent  involontaire- 
ment^eft  ce  que  nous  appellerons  Yinfomnie 
.ou  le  rêve ,  félon  le  degré  de  confcience  qui 
lui  refte  de  Ton  état.  La  mort  n'eft  que  la 
.cefTation  de  la  fenfibilité.  Le  corps  difîbus , 
lame  eftdiflbute  ;fes  facultés  fon  anéanties  ; 
idle  ne  penfe  plus;elle  nefe  reffouvient  point; 
^ellenefoutfre  ni  n'agit.  La  diffolution  n'eft 
pas  une  annihilation  ;  c'eft  feulement  une  fé- 
paration  de  particules  élémentaires.  L'ame 
n'étoit  pas  avant  la  formation  du  corps,  pour- 
quoi feroit-elle  après  fa  deftruction?  Comme 
il  n'y  a  pJ  us  de  fens  après  la  mort ,  l'ame  n'eft 
capable  ni  de  peine  ,  ni  de  plaifir.  Loin  de 
nous  donc  la  fable  des  enfers  &  de  l'élifée  , 
>&  tous  ces  récits  menfongers  dont  la  fuperf- 
tition  effraie  les  médians  qu'elle  ne  trouve 
pas  aflez  punis  par  leurs  crimes  mêmes  y  ou 
(repaît  les  bons  qui  ne  fe  trouvent  pas  affez 
récompenfés  par  leur  propre  vertu.  Con- 
cluons ,  nous ,  que  l'étude  de  la  nature  n'eft 
point  fuperflue  ,  puifqu'elle  conduit  l'hom- 
me à  des  connoiftànces  qui  afïurent  la  paix 
dans  fon  ame  ,  qui  affranchiffent  fon  efprit 
de  toutes  vaines  terreurs ,  qui  l'élevent  au 
niveau  des  dieux  ,   &  qui  le  ramènent  aux 
feuls  vrais  motifs  qu'il  ait  de  remplir  fes  de- 
voirs. Les  aftres  font  des  amas  de  feu.  Je 
.compare  le  Soleil  à  un  corps  fpongieux  , 
dont  les  cavités  immenfes  font  pénétrées 
.d'une  matière  ignée,  qui  s'en  élance  en  tout 
fens.  Les  corps  céleftes  n'ont  point  d'ame  : 
ce  ne  font  donc  point  des  dieux.  Parmi  ces 
xorps ,  il  y  en  a  de  fixes  &  d'errans  :  on  ap- 
pelle ces  derniers  planètes.  Quoiqu'ils  nous 
femblent  tous  fphériques  ,  ils  peuvent  être 
ou  des  cylindres  ,  ou  des  cônes ,  ou  des  dif- 
ques ,  ou  des  portions  quelconques  de  fphé- 
re  ;  toutes  ces  figures  &  beaucoup  d'autres 
^ne  répugnent  point  ave/;  les  phénomènes. 
Leurs  mouvemens  s'exécutent ,  ou  en  con- 
séquence d'une  révolution  générale  du  ciel 
qui  les  emporte  ,  ou  d'une  tranflation  qui 
leur  eft  propre  &  dans  laquelle  ils  traverfent 
;la  vafte  étendue  des  cieux  qui  leur  eft  per- 
méable. Le  Soleil  fe  levé  &  fe  couche ,  en 
•montant  fur  l'horifon  &   defcendant  au- 
defïbus  ,    ou  en  s'allumant  à   l'orient  & 
^'éteignant  à   l'occident  ,   confumé  &  re- 
produit journellement.    Cet  aftre  eft    le 
•foyer  de  notre  monde  :  c'eft  de-là  que  tou- 
te la  chaleur  fe  répand  ;  il  ne  faut  que  quel- 


E  P  I  6C7 

ques  étincelles  de  ce[feu«pour  embrafer  tou- 
te notre  atmofphere.  La  Lune  &  les  pla- 
nètes ne  peuvent  briller  ou  de  leur  lumière 
propre,  ou  d'une  lumière  empruntée  du  So- 
leil ;  &  les  éçlipfes  avoir  pour  caufe  ,  ou 
l'extinction  momentanée  du  corps  éclipfé  , 
ou  l'interpofition  d'un  corps  qui  l'éclipfe. 
S'il  arrive  à  une  planète  de  traverfer  des  ré- 
gions pleines  de  matières  contraires  au  feu 
&  à  la  lumière  ,  ne  s'éteindra- t-elle  pas  ?  ne 
fera-t-elle  pas  éclipfée?Les  nuées  font  ou  des 
mafîès  d'un  air  condenfé  par  l'action  des 
vents  ,  ou  des  amas  d'atomes  qui  fe  font  ac- 
cumulés peu-à-peu  ,  ou  des  vapeurs  élevées 
de  la  terre  &  des  mers.  Les  vents  font  ou 
des  courans  d'atomes  dans  Patmofphere  , 
ou  peut-être  des  fouffles  impétueux  qui  s'é- 
chappent de  la  terre  &  des  eaux  ,  ou  même 
une  portion  d'air  mife  en  mouvement  par 
l'action  du  Soleil.  Si  des  molécules  ignées 
fe  réunifient ,  forment  une  malle  ,  &  font 
prefTées  dans  une  nuée  ,  elle  feront  effort 
en  tout  fens  pour  s'en  échapper  ,  &  la  nuée 
ne  s'entr'ouvrira  point  fans  éclair  &  fans 
tonnerre.  Quand  les  eaux  fufpendues  dans 
Patmofphere  feront  rares  &  éparfes  }  elles 
retomberont  en  pluie  fur  la  terre  ,  ou  par 
leur  propre  poids  ,  ou  par  l'agitation  des 
vents.  Le  même  phénomène  aura  lieu  , 
quand  elles  formeront  des  malles  épailîès  ; 
fi  la  chaleur  vient  à  les  raréfier ,  ou  les  vents 
à  les  difperfer.  Elles  fe  mettent  en  gouttes  , 
en  fe  rencontrant  dans  leur  chute  :  ces  gout- 
tes glacées  ou  par  le  froid  ou  par  le  vent , 
forment  de  la  grêle.  Le  même  phénomène 
aura  lieu  ,  fi  quelque  chaleur  fubite  vient  à 
refoudre  un  nuage  glacé.  Lorfque  le  Soleil 
fe  trouve  dans  une  oppofition  particulière 
avec  un  nuage ,  qu'il  frappe  de  fes  rayons  , 
il  forme  Parc-en-ciel.  Les  couleurs  de  l'arc- 
en-ciel  font  un  effet  de  cette  oppofition  ,  & 
de  Pair  humide  qui  les  produit  toutes  ,  ou 
qui  n'en  produit  qu'une  qui  fe  diverfifie  fé- 
lon la  région  qu'elle  traverfe ,  &  la  manière 
dont  elle  s'y  meut.  Lorfque  la  terre  a  été 
trempée  de  longues  pluies  &  échauffée  par 
des  chaleurs  violentes ,  les  vapeurs  qui  s^n 
élèvent  infectent  Pair  &  répandent  la  mort 
au  loin  ,  &c. 

De  la  théologie.   Après  avoir  pofé  pour 

principe  qu'il  n'y  a  dans  la  nature  que  de 

[la  matière  &  du  vuide  ,  que  penferons- 

Pppp    z 


66%  EPI 

nous  des  dieux  ?  abandonnerons  -  nous 
notre  philofophie  pour  nous  aflervir  à  des 
opinions  populaires  ,  ou  dirons-nous  que 
les  dieux  font  des  êtres  corporels  ?  Puifque 
ce  font  des  dieux  ,  ils  font  heureux  ;  ils 
jouiffent  d'eux-mêmes  en  paix  ;  rien  de  ce 
qui  fe  pafTe  ici-bas  ne  les  affe&e  &  ne  les 
trouble  ;  &  il  eft  fuffifamment  démontré 
par  les  phénomènes  du  monde  phyfique  & 
du  monde  moral  ,  qu'ils  n'ont  eu  aucune 
part  à  la  production  des  êtres  ,  &  qu'ils 
n'en  prennent  aucune  à  leur  confervation. 
C'eft  la  nature  même  qui  a  mis  la  notion 
de  leur  exiftence  dans  notre  ame.  Quel  eft 
le  peuple  fi  barbare  ,  qui  n'ait  quelque 
notion  anticipée  des  dieux  ?  nous  oppofe- 
rons-nous  au  confentement  général  des 
hommes  ?  éleverons-nous  notre  voix  con- 
tre la  voix  de  la  nature?  La  nature  ne  ment 
point  ;  l'exiftence  des  dieux  fe  prouveroit 
même  par  nos  préjugés.  Tant  de  phéno- 
mènes ,  qui  ne  leur  ont  été  attribués  que 
parce  que  la  nature  de  ces  êtres  &  la  caufe 
des  phénomènes  étoient  ignorées  ;  tant 
d'autres  erreurs  ne  font-elles  pas  autant  de 
garans  de  la  croyance  générale  ?  Si  un 
homme  a  été  frappé  dans  le  fommeil  par 
quelque  grand  fimuîacre  ,  &  qu'il  en  ait 
cenfervé  la  mémoire  à  fon  réveil ,  il  a  con- 
clu que  certe  idole  avoit  néceffairement  fon 
modèle  errant  dans  la  nature  ;  les  voix 
qu'il  peut  avoir  entendues  ,  ne  lui  ont  pas 
permis  de  douter  que  ce  modèle  ne  fût 
d'une  nature  intelligente  ;  &  la  confiance 
de  l'apparition  en  différens  temps  &  fous 
une  même  forme  ,  qu'il  ne  fût  immortel  : 
mais  l'être  qui  eft  immortel  ,  eft  inaltéra- 
ble ,  &  l'être  qui  eft  inaltérable  ,  eft  parfai- 
tement heureux ,  puifqu'il  n'agit  fur  rien  ,  ni 
rien  fur  lui.  L'exiftence  des  dieux  a  donc  été 
&  fera  donc  à  jamais  une  exiftence  ftérile,  & 
par  la  raifon  même  qu'elle  ne  peut  être  alté- 
rée ;  car  il  faut  que  le  principe  d'activité  , 
qui  eft  la  fource  féconde  de  toute  deftruction 
&  de  toute  réproduction  ,  foit  anéanti  dans 
ces  êtres.  Nous  n'en  avons  donc  rien  à  ef- 
pérer  ni  à  craindre.  Qu'eft-ce  donc  que 
la  divination  ?  qu'eft-ce  que  les  prodiges  > 
qu'eft-ce  que  les  religions?  S'il  étoif 
<  û  quelque  culte  aux  dieux  ,ce  feroit  celu 
d'une  admiration  qu'on  ne  peut  refufer  à 
tout  ce  qui  nous  offre  l'image  féduifante  de 


E  P  I 

la  perfection  &  du  bonheur.  Ncus  fommes 
portésà  croire  les  dieux  de  forme  humaine  ; 
c'eft  celle  que  toutes  les  rations  leur  ont 
attribuée  ,  c'eft  la  feule  fous  laquelle  la 
raifon  foit  exercée  ,  &  la  vertu  pratiquée. 
Si  leur  fubftance  étoit  incorporelle  ,  ils 
n'auroient  ni  fens  >  ni  perception  ,  ni 
plaifir  ,  ni  peine.  Leur  corps  toutefois 
n'eft  pas  tel  que  le  nôtre  ,  c'eft  feulement 
une  combinaifon  femblable  d'atomes  plus 
fubtils  ;  c'eft  la  même  organifation  \  mais 
ce  font  des  organes  infiniment  plus  parfaits  ; 
c'eft  une  nature  particulière  li  déliée  ,  fi 
ténue  y  qu'aucune  caufe  ne  peut  ni  l'at- 
teindre ,  ni  l'altérer  ,  ni  s'y  unir  ,  ni  la 
divifer  ,  &  qu'elle  ne  peut  avoir  aucune 
action.  Nous  ignorons  les  lieux  que  les 
dieux  habitent  :  ce  monde  n'eft  pas  digne 
d'eux  ,  fans  doute  ;  ils  pourroient  bien 
s'être  réfugiés  dans  les  intervalles  vuides  que 
laiffent  entr'eux  les  mondes  contigus. 

De  La  morale.  Le  bonheur  eft  la  fin  de 
la  vie  :  c'eft  l'aveu  fecret  du  cœur  humain  ; 
c'eft  le  terme  évident  des  actions  mê- 
mes qui  en  éloignent.  Celui  qui  fe  tue 
regarde  la  mort  comme  un  bien.  Il  ne  s'a- 
git pas  de  réformer  la  nature  ,  mais  de 
diriger  fa  pente  générale.  Ce  qui  peut  ar- 
river de  mal  à  l'homme  ,  c'eft  de  voir  le 
bonheur  où  il  n'eft  pas ,  ou  de  le  voir  où 
il  eft  en  effet  ,  mais  de  fe  tromper  fur  les 
moyens  de  l'obtenir.  Quel  fera  donc  le 
premier  pas  de  notre  philofophie  morale  , 
fi  ce  n'eft  de  rechercher  en  quoi  confifte 
le  vrai  bonheur?  Que  cette  étude  importante 
foit  notre  occupation  actuelle.  Puifque  nous 
voulons  être  heureux  dès  ce  moment ,  ne 
remettons  pas  à  demain  à  favoir  ce  que 
c'eft  que  le  bonheur.  L'infenfé  fe  propofe 
toujours  de  vivre  ,  &  il  ne  vit  jamais.  II 
n'eft  donné  qu'aux  immortels  d'être  fouve- 
rainement  heureux.  Une  folie  dont  nous 
avons  d'abord  à  nous  garantir  ,  c'eft  d'ou- 
blier que  nous  ne  fommes  que  des  hommes. 
Puifque  nous  défefperons  d'être  jamais  aufïi 
parfaits  que  les  dieux  que  nous  nous  fom- 
mes propofés  pour  modèles  ,  refolvons- 
nous  à  n'être  point  aufîi  heureux.  Parce 
que  mon  œil  ne  perce  pas  limmenfîté  des 
efpaces  >  dédaignerai-je  de  l'ouvrir  fur  les 
objets  qui  m'environnent  ?  Ces  objets  de- 
viendront une  fource  intariftàble  de  volug.* 


EPI 

té  ,  fi  je  fais  en  jouir  ou  les  négliger.  La 
peine  eft  toujours  un  mal  ,  la  volupté  tou- 
jours un  bien  :  mais  il  n'eft  point  de  vo- 
lupté pure.  Les  fleurs  croiffent  à  nos  pies  , 
&  il  faut  au  moins  fe  pencher  pour  les 
cueillir.  Cependant  ,  ô  volupté  !  c'eft 
pour  toi  feule  que  nous  faifons  tout  ce  que 
nous  faifons  ;  ce  n'eft  jamais  toi  que  nous 
évitons  ,  mais  la  peine  qui  ne  t'accompa- 
gne que  trop  fouvent.  Tu  échauffes  notre 
froide  raifon  ;  c'eft  de  ton  énergie  que  naif- 
fent  la  fermeté  del'ame  &  la  force  de  la  vo- 
lonté ;  c'eft  toi  qui  nous  meus,  qui  nous  tranf- 
portes ,  &  lorfque  nous  ramafïbns  des  rofes 
pour  en  former  un  lit  à  la  jeune  beauté  qui 
nous  a  chai  mes,  &  lorfque  bravant  la  fureur 
des  tyrans ,  nous  entrons  tête  bai  fiée  &  les 
yeux  fermés  dans  les  taureaux  ardens  qu'el- 
le a  préparés.  La  volupté  prend  toutes  for- 
tes de  formes.  Il  eft  donc  important  de 
bien  connoître  le  prix  des  objets  fous  lef- 
quels  elle  peut  fe  préfenter  à  nous  ,  afin 
que  nous  ne  foyons  point  incertains  quand 
il  nous  convient  de  l'accueillir  ou  de  la 
repouiïer  ,  de  vivre  ou  de  mourir.  4^près 
la  fanté  de  l'ame,  il  n'y  a  rien  de  plus  pré- 
cieux que  la  fanté  du  corps.  Si  la  fanté  du 
corps  fe  fait  fentir  particulièrement  en 
quelques  membres ,  elle  n'eft  pas  générale. 
Si  l'ame  fe  porte  avec  excès  à  la  pratique 
d'une  vertu  ,  elle  n'eft  pas  entièrement 
vertueufe.  Le  muficien  ne  fe  contente  pas 
de  tempérer  quelques-unes  des  cordes  de 
fa  lyre  ;  il  feroit  à  fouhaiter  pour  le  con- 
cert de  la  fociété  ,  que  nous  l'imitaflions  , 
&  que  nous  ne  permifîions  pas ,  foit  à  nos 
vertus  y  foit  à  nos  pallions  ,  d'être  ou  trop 
lâches  ou  trop  rendues  ,  &  de  rendre  un 
fon  ou  trop  fourd  ou  trop  aigu.  Si  nous 
faifons  quelque  cas  de  nos  femblables, 
nous  trouverons  du  plaifir  à  remplir  nos 
devoirs ,  parce  que  c'eft  un  moyen  fur 
d'en  être  confidérés.  Nous  ne  mépiïferons 
point  les  plailirs  des  fens  ;  mais  nous  ne 
nous  ferons  point  l'injure  à  nous-mêmes  , 
de  comparer  l'honnête  avec  le  fenfuel. 
Comment  celui  qui  fe  fera  trompé  dans  le 
choix  d'un  état  fera-t-il  heureux  ?  com- 
ment fe  choifir  un  état  fansfe  connoître  ?  & 
comment  fe  contenter  dans  fon  état ,  ii  l'on 
confond  les  befoins  de  la  nature  ,  les  appé- 
tits de  la  pailion  ,  &  les  e'carts  de  la  fan- 


E  P  I  66  j 

taifie  ?  II  faut  avoir  un  but  préfent  à  l'ef- 
prit ,  fi  l'on  ne  veut  pas  agir  à  l'aventure. 
II  n'eft  pas  toujours  impoflible  de  s'emparer 
de  l'avenir.  Tout  doit  tendre  à  la  pratique 
de  la  vertu  ,  à  la  confervation  de  la  liberté 
&  de  la  vie  ,  &  au  mépris  de  la  mort. 
Tant  que  nous  fommes  ,  la  mort  n'eft  rien , 
&  ce  n'eft  rien  encore  quand  nous  ne  fom- 
mes plus.  On  ne  redoute  les  dieux  ,  que 
parce  qu'on  les  fait  femblables  aux  hommes. 
Qu'eft-ce  que  l'impie,  linon  celui  qui  adore 
les  dieux  du  peuple  ?  Si  la  véritable  piété 
confiftoit  à  fe  profterner  devant  toute  pierre 
taillée,  il  n'y  auroit  rien  de  plus  commun  : 
mais  comme  eileconfifte  à  juger  fairemenc 
delà  natuie  des  dieux,  c'eft  une  vertu 
rare.  Ce  qu'on  appelle  le  droit  naturel  y 
n'eft  que  îe  fymbole  d'une  utilité  générale. 
L'utilité  générale  &  le  confentemer-.t  com- 
mun doivent  être  les  deux  grandes  règles 
de  nos  actions.  Il  n'y  a  jamais  de  certitude 
que  le  crime  refte  ignoré  :  celui  qui  le 
commet  eft  donc  un  infenfé  qui  joue  un 
jeu  où  il  y  a  plus  à  perdre  qu'à  gagner. 
L'amitié  eft  un  des  plus  grands  biens  de 
la  vie  ,  &  la  décence  une  des  plus  gran- 
des vertus  de  la  fociété.  Soyez  décens , 
parce  que  vous  n'êtes  point  des  animaux, 
&  que  vous  vivez  dans  des  villes  ,  &  non 
dans  le  fond  des  forêts  ,  ùc. 

Voilà  les  peints  fondamentaux  de  la 
doctrine  d'Epicure  }  le  feul  d'entre  tous  les 
Philofophes  anciens  qui  ait  fu  concilier  fa 
morale  avec  ce  qu'il  pou  voit  prendre  pour 
le  vrai  bonheur  de  l'homme  ,  &  [es  pré- 
ceptes avec  les  appétits  &  les  befoins  de  la 
nature  ;  aufîi  a-t-il  eu  &  aura-t-il  dans  tous 
les  temps  un  grand  nombre  de  difciples.  On 
fe  fait  fto'icien  ,  mais  on  naît  épicurien. 

Epicure  étoit  Athénien ,  du  bourg  de 
Gargette  &  de  la  tribu  d'Egée.  Son  père 
s'appelloit  Néoclèsy  &  fa  mère  Chdreflrata: 
leurs  ancêtres  n'avoient  pas  été  fans  dif- 
tinciion;  mais  l'indigence  avoit  avili  leurs 
delcendans.  Néoclès  n'ayant  pour  tout  bien 
qu'un  petit  champ,  qui  ne  fourniffoit  pr» 
à  fa  fubfiftance,  il  fe  fit  maître  d'école  ; 
la  bonne  vieille  Chéreftrata  ,  tenant  fon 
f]ls  parla  main  ,  alloit  dans  les  maifons faire 
des  luftrations  3  chaffer  les  fpedres  ,  lever 
les  incantations  ;  c'étoit  Epicure  qui  lui 
avoit  enfeigné  les  formules  d'expiations ^  &. 


67o  EPI 

toutes  lesfottifesde  cette  efpecede  fupeif- 

tition. 

Epicure  naquit  la  troifieme  année  de  la 
cent  neuvième  olympiade,  le  feptieme  jour 
du  mois  de  Gamilion.  Il  eut  trois  frères  , 
Néoclès ,  Charideme  &  Ariftobule  :  Plu- 
tarque  les  cite  comme  des  modèles  de  la 
tendreiTe  fraternelle  la  plus  rare.  Epicure 
demeura  à  Téos  jufqu'à  l'âge  de  dix-huit 
ans  :  il  fe  rendit  alors  dans  Athènes  avec  la 
petite  provifion  de  connoifTances  qu'il  avoit 
laites  dans  Pe'cole  de  fon  père  ;  mais  fon  fé- 

ÎDur  n'y  fut  pas  long.  Alexandre  meurt; 
^rdiccas  défoie  l'Attique  ,  &  Epicure  eft 
contraint  d'errer  d'Athènes  à  Colophone  , 
à  Mytiiene ,  &  à  Lampfaque.  Les  troubles 
populaires  interrompirent  fes  études  ;  mais 
n'empêchèrent  point  fes  progrès.  Les  hom- 
mes de  génie  ,  tels  qu' 'Epicure ,  perdent 
peu  de  temps  ;  leur  activité  fe  jette  fur  tout  ; 
ils  obfervent  &  s'inftruifent  fans  qu'ils  s'en 
apperçoivent  ;  &  ces  lumières  ,  acquifes 
prefque  fans  effort,  font  d'autant  plus  efti- 
mables  ,  qu'elles  font  relatives  à  des  objets 
plus  généraux.  Tandis  que  le  Naturalifte  a 
l'œil  appliqué  à  l'extrémité  de  rinfrrument 
qui  lui  grofïit  un  objet  particulier,  il  ne 
jouit  pas  du  fpe&acle  général  de  la  nature 
qui  l'environne.  Il  en  eft  ainfi  du  philofo- 
phe  ;  il  ne  rentre  fur  la  feene  du  monde 
qu'au  fortir  de  foircabinet  ;  &  c'eft  là  qu'il 
recueille  ces  germes  de  connoiflànces  qui 
demeurent  long-temps  ignorés  dans  le  fond 
de  fon  ame  ,  parce  que  ce  n'eft  point  une 
méditation  profonde  &  déterminée  ,  mais 
à  des  coups  d'œil  accidentels  qu'il  les 
doit  :  germes  précieux,  qui  fe  dévelop- 
pant tôt  ou  tard  pour  le  bonheur  du  genre 
h.tmain. 

Epicure  avoit  trente-fept  ans  lorfqu'il 
reparut  dans  Athènes  :  il  futdifciple  du  pla- 
tonicien Pamphile  ,  dont  il  méprifa  fou- 
verainement  les  vifions  :  il  ne  put  fouffrir 
les  fophifmes  perpétuels  de  Pirrhon:  il  for- 
tit  de  l 'école  du  pythagoricien  Naufipha- 
nis  ,  mécontent  des  nombres  &  de  la  mé- 
tempfycofe.  Il  connoiilbit  trop  bien  la  na- 
ture de  l'homme  &  fa  force  ,  pour  s'ac- 
commoder de  la  févérité  du  Scoïcifme.  Il 
s'occupa  à  feuilleter  les  ouvrages  d'Anaxa- 
gore  ,  d'Arc  helaiïs ,  de  Metrodore  &  de 
|)*mocrite  ;  il  s'attacha   particulièrement 


E  P  I 
à  la  philofophie  de  ce  dernier ,  &  il  en  fit 
les  fondemens  de  la  iienne. 

Les  Platoniciens  occupoient  l'académie, 
les  Péripathéciciens  le  Lycée,  les  Cyniques 
le  cynolarge ,  les  Stoïciens  le  portique  ; 
Eptcure  établit  fon  école  dans  un  jardin  dé- 
licieux ,  dont  il  acheta  le  terrein  ,  &  qu'il 
fit  planter  pour  cet  ufage.  Ce  fut  lui  qui 
apprit  aux  Athéniens  à  tranfporter  dans 
l'enceinte  de  leur  ville  le  fpeûacle  de  la 
campagne.  Il  étoit  âgé  de  quarante-quatre 
ans  lorfqu'Athenes  afliégée  par  Démétrius , 
futdéfolée  par  la  famine  :  Epicure  ,  réfolu 
de  vivre  ou  de  mourir  avec  fes  amis  ,  leur 
diftribuoit  tous  les  jours  des  fèves ,  qu'il 
partageoit  au  compte  avec  eux.  On  fe  ren- 
doit  dans  fes  jardins  de  toutes  les  contrées 
de  la  Grèce  ,  de  l'Egypte  &  de  l'Afie  :  on 
y  étoit  attiré  par  fes  lumières  &  par  fes  ver- 
tus ,  mais  fur-tout  par  la  conformité  de  fes 
principes  avec  les  fentimens  de  la  nature. 
Tous  les  philofophes  de  fon  temps  fem- 
bloient  avoir  confpiré  contre  les  plaifirs  des 
fens  &  contre  la  volupté  :  Epicure  en  prit 
la  défenfe  ;  &  la  jeuneîTe  athénienne  , 
trompée  par  le  mot  de  volupté  ,  accourut 
pour  l'entendre.  Il  ménagea  la  foiblefîb  de 
fes  auditeurs  ;  il  mit  autant  d'art  à  les  rete- 
nir ,  qu'il  en  avoit  employé  à  les  atti- 
rer ;  il  ne  leur  développa  fes  principes 
que  peu  -  à  -  peu.  Les  leçons  fe  don- 
noient  à  table  &  à  la  promenade  ;  c'étoit 
ou  à  l'ombre  des  bois ,  ou  fur  la  mollelTe 
des  lits  ,  qu'il  leur  infpiroit  l'enthoufiafrre 
de  la  vertu  ,  la  tempérance ,  la  frugalité  , 
l'amour  du  bien  public  ,  la  fermeté  de  l'a- 
me  ,  le  goût  raifonnable  du  plaifir  ,  &  le 
mépris  de  la  vie.  Son  école,  obfcure  dans 
les  commencemens  ,  finit  par  être  une  des 
plus  éclatantes  &  des  plus  nombreufes. 

Epicure  vécut  dans  le  célibat:  les  inquié- 
tudes qui  fuivent  le  maiiage  lui  parurert 
incompatibles  avec  l'exercice  afhdu  de  la 
philofophie  ;  il  vouloit  d'ailleurs  que  la 
femme  du  philofophe  fût  fage  ;>  riche  & 
belle.  Il  s'occupa  à  étudier ,  à  écrire  &  à 
enfeigner  :  il  avoit  compofé  plus  de  trois 
cents  traités  différents  ;  il  ne  nous  en  refte 
aucun.  Il  ne  faifoit  pas  alTez  de  cas  de  cette 
élégance  à  laquelle  les  Athéniens  étoient  fi 
feniîbles  ;  il  fe  contentoit  d'être  vrai ,  clair 
&  profond.  Il  fut  chéri  des  grands ,  admiré 


EPI 

de  fes  rivaux  ,  &  adoré  de  fes  difciples  :  il 
reçue  dans  fes  jardins  plufieurs  femmes  cé- 
lèbres ,  Léontium ,  maîtreffe  de  Métrodore; 
Thémifte,  femme  de  Léontius  ;  Philénide, 
une  des  plus  honnêtes  femmes  d'Athènes  ; 
Nécidie  ,  Érotie,  Hédie  ,  Marmarie  ,  Bo- 
die,  Phédrie,  &c.  Ses  concitoyens,  les 
hommes  du  monde  les  plus  enclins  à  la  mé- 
difance ,  &  de  la  fuperftion  la  plus  ombra- 
geufe  ,  ne  font  aceufé  ni  de  débauche  ni 
impiété. 

Les  Stoïciens  féroces  l'accablèrent  d'in- 
jures ;  il  leur  abandonna  fa  perfonne ,  dé- 
fendit fes  dogmes  avec  force  ,  &  s'occupa 
à  démontrer  !a  vanité  de  leur  fyftême.  Il 
ruina  fa  fanté  à  force  de  travailler  :  dans  les 
derniers  temps  de  fa  vie  il  ne  pouvoir  ni 
fupporter  un  vêtement ,  ni  defeendre  de  fon 
lit ,  ni  fouffrir  la  lumière ,  ni  voir  du  feu. 
Ii  urinoit  le  fang  ,  fa  vaiîie  fe  fermoit  peu- 
à-peu  par  les  accrohTemens  d'une  pierre  : 
ce^e  îdant  il  écrivoit  à  un  de  fes  amis  que 
le  fpecracle  de  fa  vie  paffée  fufpendoit  fes 
douleurs. 

Lorfqu'il  fentit  approcher  fa  fin  ,  il  fit 
appeller  fes  difciples  ;  il  leur  légua  fes  jar- 
dins ;  il  aflura  l'état  de  plufieurs  enfans  fans 
fortune  ,  dont  il  s'étoit  rendu  le  tuteur  :  il 
«(Franchit  fes  efcîaves  il  ordonna  fes  funé- 
railles, &  mourut  âgé  de  foixante  &  douze 
ans ,  la  féconde  année  de  la  cent  vingt-fep- 
tieme  olympiade.  Il  fut  univerfellement 
regretté  :  la  république  lui  ordonna  un  mo- 
nument; &  un  certain  Théotime,  convain- 
cu d'avoir  compofé  fous  fon  nom  des  lettres 
infimes,  adrefîees  à  quelques-unes  des  fem- 
mes qui  fréquentoient  fes  jardins ,  fut  con- 
damné à  perdre  la  vie. 

La  phitofopiiie  épicurienne  fut  profefTee 
fans  interruption  ,  depuis  fon  inftitution 
jufqu'au  temps  d'Augufte  ;  elle  fit  dans  Ro- 
me les  plus  grands  progrès.  La  fecte  y  fut 
cornpofée  de  la  plupart  des  gens  de  lettres 
&  der,  hommes  d'état  ;  Lucrèce  chanta  1Y- 
picuréifn.e  ,  Celfe  !e  profeiîa  fous  Adrien , 
Pline  le  Naturalise  f3us  Tibère  ;  les  noms 
de  Lucien  &  de  Diogene  Laerce  font  encore 
célèbres  parmi  les  Epicuriens. 

Vépicuréif/ne  eut,  à  la  décadence  de  l'em- 
pire romain  ,  le  fort  de  toutes  les  connoif- 
fances  ;  il  ne  fortit  d'un  oubli  de  plus  de 
mille  ans  qu'au  commencement  du  dix-fep- 


E  P  I  t7i 

tieme  fiecle  :  le  diferédit  des  formes  plafèi— 
ques  remit  les  atonies  en  honneur.  Magne- 
ne,  de  Luxeu  en  Bourgogne  ,  publia  fon 
Democritus  revivifeens^  ouvrage  médiocre, 
où  l'auteur  prend  à  tout  moment  fes  rêve- 
ries pour  les  fentimens  de  Democrite  &c 
d'Epicure.  AMagnene  fuccéda  Pierre  Gaf- 
fendi ,  un  des  hommes  qui  font  le  plus  d'hon- 
neur à  la  Philofophie  &  à  la  nation  :  il  na- 
quit dans  le  mois  de  Janvier  de  l'am -'e 
1592,  à  Charterfier,  petit  village  de  Pro- 
vence ,  à  une  lieue  de  Digne  ,  où  il  fit  fes 
humanités.  Il  avoit  les  mceurs'douces ,  1q 
jugement  fain  ,  &  des  conncifîances  pro- 
fondes :  il  étoit  verfé  dans  l' Aftronomie ,  la. 
Philofophie  ancienne  &  moderne ,  la  Mé- 
taphyfique ,  les  langues ,  rhiftoire ,  les  an- 
tiquités ;  fon  érudition  fut  prefque  univer- 
felle.  On  a  pu  dire  de  lui  que  jamais  philo- 
fophe  n'avoit  été  meilleur  humanifre  ,  ni 
humanifte  fi  bon  philofophe  :  fes  écrits  ne 
font  pas  fans  agrément  ;  il  eft  clair  dans  Ces 
raifonnemens,  &:  jufledansfes  idées.  Il  fut 
parmi  nous  le  reftaurateur  de  lu  philofophie 
d'Epicure  :  fa  vie  fut  pleine  de  troubles  ; 
fans  cefTe  il  attaqua  &  fut  attaqué  :  mais  il 
ne  fut  pas  moins  attentif  dans  fes  difputes , 
foit  avec  Flud,  foit  avec  mylord  Herbert, 
foit  avec  Defcartes ,  à  mettre  l'honnêteté 
que  la  raifon  de  fon  coté. 

GafTendi  eut  pour  difciples  ou  pour  fec- 
tateurs ,  plufieurs  hommes  qui  fe  font  irrw 
mortalifés ,  Chappelle  ,  Molière  ,  Bernier  , 
l'abbé  de  Chaulieu ,  M.  le  grand-prieur  de 
Vendôme ,  le  marquis  de  la  Fcre ,  le  cheva- 
lier de  Bouillon  ,  le  maréchal  de  Catinat , 
&  plufieurs  autres  hommes  extraordinaires , 
qui,  par  un  contrafle  de  qualités  agréables 
&  fublimes,  réunifïbient  en  eux  rhéroifme 
avec  la  molleffe  ,  le  goût  de  la  vertu  avec 
celui  du  plaiiir  ,  les  qualités  politiques  avec 
les  taLens  littéraires,  &  qui  ont  formé  par- 
mi nous  différentes  écoles  $  épi  curé  if  me  mo* 
rai  dont  nous  allons  parler. 

La  plus  ancienne  &  la  première  de  ces 
écoles  où  Ton  ait  pratiquée  profeiTé  la  mo- 
rale d'Epicure  ,  étoit  rue  des  Tournelles , 
dans  la  maifon  de  Ninon  Lenclos  ;  c'efr-Ià 
que  cette  femme  extraordinaire  raflèmbloit 
tout  ce  que  la  cour  ck  la  ville  avoient  d'hom- 
mes polis  ,  éclairés  &  voluptueux  :  on  y  vit 
madame  Scarron  ;  la  comceilè  de  la  Suzc  j 


672. 


E  PI 


célèbre  pas  Tes  élégies;  la  comtefïed'Olon- 
riS  ,  fi  vantée  par  l'a  rare  beauté  &  le  nom- 
bre de  fes  amans  ;  Saint-Evremond  ,  qui 
protefïa depuis  Vépicuréifme à  Londres,  où 
i!  e  it  pour  difciple  le  fameux  comte  de 
Grammont,  le  poète  Waller  ,  &  madame 
de  Mazarin  ;  laduchefîe  de  Bouillon  Man- 
cini ,  qui  fut  depuis  de  l'école  du  Temple; 
des  Yvetaux  ,  {yoye\  Arcadiens,)  M.  de 
(''jrville,  madame  de  la  Fayette  ,  M.  le 
duc  de  la  Rochefoucault,  6c  plu fieurs  au- 
tres ,  qui  avoient  formé  à  l'hôtel  de  Ram- 
bouillet une  école  de  Platonifme  ,  qu'ils 
abandonnèrent  pour  aller  augmenter  la  fo- 
cL'té  &  écouter  les  leçons  de  1  épicurienne. 

Après  ces  premiers  épicuriens  ,  Bernier , 
Chapelle  &  Molière  dtfciples  de  Gaflèndi, 
transférèrent  l'école  d'Epicure  de  la  rue  des 
Tourneîies  à  Auteuiî  :  Bachaumont ,  le  ba- 
ron de  Bîot  ^  dont  les  chanfons  font  fi  rares 
&  fi  recherchées ,  &:  Desbarreaux  ,  qui  fut 
Je  maître  de  madame  Deshouilleres  dans 
l'art  de  la  poéTie  &:  de  la  volupté  ^  ont  prin- 
cipalement illuflré  l'école  d'Autcuil. 

L'école  de  Neuilîy  fuccéda  à  celle  d' Au- 
teuiî :  elle  fut  tenue  ,  pendant  le  peu  de 
temps  qu'elle  dura ,  par  Chapelle  &  MM. 
Sonxiings  ;  mais  à  peine  fut-elle  inftituée  , 
qu'elle  fe  fondit  dans  lécole  d'Anet  &  du 
Temple. 

Que  de  noms  célèbres  nous  font  offerts 
dans  cette  dernière!  Chapelle  &  fon  dilci- 
ple  Chaulieu  ,  M.  de  Vendôme,  madame 
de  Bouillon  ,  le  chevalier  de  Bouillon  ,  le 
m  irqais  de  la  Fare ,  Rondeau  ,  MM.  Son- 
rings  ,  l'abbé  Côurtin  ,  Campiftron  ,  Pala- 
prat ,  le  baron  de  Bieteuil ,  père  de  l'illuf- 
tre  marquife  du  Chkelet  ;  le  préfiient  de 
Mofmes ,  le  préfi  ient  Ferrand  ,  le  marquis 
de  Dangeau  ,  le  duc  de  Nevers,  M.  de  Ca 
tînat ,  le  comte  de  Fiefque  ,  le  duc  de  Foix 
ou  de  Randan  ,  M.  de  Périgny  ,  Renier  , 
convive  aimable,  qui  chantoit  &  s'accom- 
pagnoit  du  luth,  M.  de  Lafteré  ,  le  duc  de 
là  FeuillaJe  ,  &c.  cette  école  efî:  la  même 
que  celle  de  St.  Maur  ou  de  madame  la 
ducheiîe. 

L'école  de  Seaux  raffembla  tout  ce  qui 
reftoit  de  ces  fecrateurs  du  luxe  ,  de  l'élé- 
gance ,  de  la  politeîle  ,  de  la  philofophie  , 
des  vertus ,  des  lettres  &  de  la  volupté >  & 
elle  eut  encore  le  cardinal  de  Polignac ,  qui 


EPI 

la  fréquentoit  plus  par  goût  pour  les  difei- 
ples  &  Epi  cure ,  que  pour  la  doctrine  de  leur 
maître  ,  Hamilton,  Saint  Aulaire  ,  l'abbé 
Gênet ,  Malefieu ,  la  Motte,  M.  de  Fonte- 
nelle,  M.  de  Voltaire,  plufieurs  académi- 
ciens ,  &  quelques  femmes  illuft res  par 
leur  efprit  ;  d'où  l'on  voit  qu'en  quelque 
lieu  &  en  quelque  temps  que  ce  foit  ,  la 
feCte  épicurienne  n'a  jamais  eu  plus  d'éclat 
qu'en  France,  &  fur-tout  pendant  le  fiecle 
dernier.  Voye\Bruckery  GuJJendi r Lucre- 
ce  ,  &c. 

EPIC  YCLE ,  f.  m.  en  Aflronbmi  c ,  cercle 
dont  le  centre  eft  dans  1  :  circonférence  d'un 
autre  cercle ,  qui  eft  cenfé  le  porter  en  quel- 
que manière. 

Ce  mot  eft  formé  des  mots  grecs ,  sV/, 
fuprà  j  fur,  &  de  k-'kkoç  ,  cercle,  comme 
fi  1  on  difoir  cercle  fur  cercle. 

De  même  que  les  an  iens  aftronomes 
ont  inventé  un  cercle  excentrique  pour  ex- 
pliquer les  irrégularités  apparentes  du  mou- 
vement de  planètes,  &:  leur  différente  dif- 
tance  de  la  terre,  ils  ont  auiii  inventé  un 
petit  cercle  pour  expliquer  les  ftations  & 
|  les  rétrogradations  des  planètes.  Ce  cercle, 
qu'ils  appellent  épicycle ,  a  fon  centre  dans 
la  circonférence  du  plus  grand ,  qui  eft  l'ex- 
centrique de  la  planète.  Voye\  ENCENTRI- 
QUE. 

C'eft  dans  cet  excentrique  que  fe  meut 
le  centre  de  cet  épicycle  ,  lequel  emporte 
avec  lui  la  planète  ,  dont  le  centre  fe  meut 
régulièrement  dans  la  citeonférence  de  1Y- 
pi cycle,  fuivant  l'ordre  des  lignes  ,  lorfqu'el- 
le  eft  dans  1 1  partie  inférieure  de  Y  épicycle , 
&  contre  l'ordre  des  fignes,  loifqu'elle  eft 
dans  la  partie  fupérieure. 

Le  point  le  plus  haut  de  X épicycle  s'appel- 
le apogée  y  &  le  point  le  plus  bas  s'appelle 
périgée.  Voye\  A ?OG É E  &  P^RI G ÉE. 

Quoique  les  phénomènes  des  ftations  & 
rétrogradations  des  planètes  s'expliquent 
d'une  manière  bien  plus  naturelle  dans  le 
fyftème  de  Copernic ,  on  ne  peut  disconve- 
nir que  fa  manière  dont  Pcolomée  les  a  fau- 
vées  ne  foit  ingénieufe  ;  c'eft  apparemment 
pour  cette  raifon  que  M.  Godin  ,  dans  un 
mémoire  imprime  parmi  ceux  de  l'Acadé- 
mie ,  en  1733  ,  acherché  à  développer  cette 
théorie,  &  à  donner  les  loix  du  mouvement 
apparent  des  planètes  dans  les  épicycles. 

Lorfqu'on 


E  P  ï 

Lorfqu'on  ne  cherche  qu'à  connoître 
les  apparences  &  à  conftruire  des  tables  , 
il  importe  peu  ,  dit  l'hiftorien  de  l'Acadé- 
mie ,  quelle  hypothefe  on  choififîè  ,  pourvu 
que  cette  hypothefe  les  fauve  toutes  ,  & 
que  ces  tables  les  repréfentent.  De  plus  ,  les 
fatellites  de  Jupiter  &  de  Saturne ,  ont  par 
rapport  à  nous  ,  des  apparences  de  mouve- 
mens  femblables  à  celles  que  doivent  avoir 
les  planètes  dans  le  fyftême  de  Ptolomée  : 
la  Terre  &  la  Lune  ,  vues  du  Soleil  ou  de 
quelque  autre  point  du  fyllême  folaire  ,  font 
auffi  dans  le  même  cas  ;  c'efl  pourquoi  la 
théorie  dont  il  s'agit  peut  être  de  quelque 
utilité.  D'ailleurs  M.  Godin  l'a  donnée 
d'une  manière  beaucoup  plus  fimple  que 
n'ont  fait  jufqu'ici  tous  les  Aftronomes  :  il 
n'a  befoin  pour  cela  que  des  deux  fuppofi- 
tions  fuivantes  ;  i°.  la  direction  apparente 
d'un  corps  qui  décrit  un  cercle  ,  eft  à  cha- 
que inftant  la  tangente  au  point  du  cercle 
qu'il  décrit  dans  cet  inftant  ;  z°.  un  corps 
mu  par  deux  forces ,  dont  les  directions 
font  angle  entr'elles ,  ou  paroiflent  faire 
angle  ,  décrira  ou  paroîtra  décrire  la  dia- 
gonale d'un  parallélogramme  formé  fur  ces 
directions. 

Le  grand  cercle  ,  dans  la  circonférence 
duquel  V  épicycle  eft  fitué  ,  s'appelle  auffi  le 
déférent  de  Vépicycle.  Voye\  DÉFÉRENT. 

Riccioli  ,  quoique  ennemi  déclaré  du 
mouvement  de  la  terre  ,  n'a  jamais  pu  faire 
de  tables  aftronomiques  qui  s'accordafTent 
tant-foit-peu  avec  les  obfervations  ,  fans 
fuppofer  ce  mouvement  de  la  terre  ,  quoi- 
qu'il appellât  à  fon  fecours  ,  d'une  manière 
un  peu  forcée  ,  les  épicycles  variables ,  fu- 
jets  à  des  augmentations  &  à  des  décroifîè- 
mens  perpétuels ,  &  différemment  inclinés 

àVtclipùque.  V.  Copernic,  Station, 
Rétrogradation  ,  ùc 

Quoique  les  épicycles  des  planètes ,  ima- 
ginés par  Ptolomée  ,  foient  aujourd'hui  en- 
tièrement bannis  de  l'Aftronomie  ,  cepen- 
dant quelques  aflronomes  modernes  s'en 
font  fervis  pour  expliquer  les  irrégularités  du 
mouvement  de  la  Lune  ,  mais  avec  cette 
différence ,  qu'ils  n'ont  pas  prétendu  que  la 
lune  parcourût  en  effet  la  circonférence 
d'un  épicycle  ,  comme  Ptolomée  prérëndoit 
que  les  planètes  la  parcouroient  :  ils  ont 
feulement  dit  que  les  inégalités  apparentes 
Tome  XII. 


E  P  I  675 

du  mouvement  de  la  Lune  étoient  les  mê- 
mes que  fi  cette  planète  fe  mouvoit  dans  un 
épicycle.  M.  Machin  ,  dans  un  ouvrage  fort 
court  qui  a  pour  titre  ,  the  laws  ofmoon's 
motion  ,  les  loix  du  mouvement  delà  Lune , 
fait  mouvoir  la  Lune  dans  une  ellipfe  dont 
le  petit  axe  eft  la  moitié  du  grand  :  tandis 
que  le  centre  de  cette  ellipfe  décrit  d'un 
mouvement  uniforme  un  cercle  autour  de 
la  Terre ,  la  Lune  fe  meut  dans  l'eliipfc  ,  de 
manière  qu'elle  y  parcourt  des  aires  propor- 
tionnelles aux  temps.  Mais  M.  Clairaut, 
dans  un  mémoire  imprimé  parmi  ceux  de 
l'académie  ,  en  174.3  »  Soutient  que  M.  Ma- 
chin fe  trompe  ,  &  qu'on  ne  peut  expliquer 
par  cette  fuppofition  les  mouvemens  de  la 
Lune.  M.  Halley  a  fuppofé  que  la  lune  fe 
mouvoit  dans  une  ellipfe  ,  &  que  le  centre 
de  cette  ellipfe  étoit  dans  un  épicycle  dont 
le  centre  fe  mouvoit  uniformément  autour 
de  la  terre  :  il  a  déduit  de  ce  mouvement 
les  inégalités  qu'on  obferve  dans  la  vîteflè 
de  l'apogée  ,  &  dans  l'excentricité  de  l'orbite 
de  cette  planète.  Voye\  Lune.  Voye\  auffi 
les  Dicl.  de  Harris ,  de  Chambers ,  &  les 
élém.  d'Aftr.  de  Wolf ,  d'où  une  partie  de 
cet  article  eft  tirée.  (O) 

EPICYCLOÏDE  ,  f.  f.  en  Géométrie  , 
ligne  courbe  qui  eft  engendrée  par  la  révo- 
lution d'un  point  de  la  circonférence  d'un 
cercle  ,  lequel  fe  meut  en  tournant  fur  la 
partie  convexe  ou  concave  d'un  autre 
cercle. 

Chaque  point  de  la  circonférence  d'un 
cercle  qui  avance  en  droite  ligne  fur  un  plan  , 
tandis  qu'il  tourne  en  même  temps  fur  fon 
centre  ,  décrit  une  cyclo'fde  ,  (  Poye^CY- 
CLOÏDE  ;  )  &  fi  le  cercle  générateur,  au 
lieu  de  fe  mouvoir  fur  une  ligne  droite  ,  fè 
meut  fur  la  circonférence  d'un  autre  cercle , 
ou  égal  ou  inégal  à  lui ,  la  courbe  que  dé- 
crira chacun  des  points  de  fa  circonférence  ,  ' 
s'appelle  épicycloïde. 

Par  exemple  ,  fî  une  roue  de  carrofîê  rou- 
Ioit  fur  la  circonférence  d'une  autre  roue , 
la  courbe  que  décriroit  un  des  clous  de  cette 
roue  feroit  une  épicycloïde. 

Si  le  mouvement  progrefîif  du  cercle  rou- 
lant eft  plus  grand  que  fon  mouvement  cir- 
culaire ,  \  épicycloïde  eft  nommée  allongée', 
&  accourcie  s'il  eft  plus  petit. 

Si  le  cercle  générateur  fe  meut  fur  la  ' 

Qqqq 


é74  E  P  ï 

convexité  de  la  circonférence  ,  Vépicycloïde 
cil  nommée  fupérieure  &  extérieure  ;  &  s'il 
fe  meut  fur  la  concavité  ,  on  la  nomme  épi- 
cycloïde  inférieure  ou  intérieure  ;  on  appelle 
bafe  de  Vépicycloïde  la  partie  de  cercle  fur 
laquelle  fe  meut  le  cercle  générateur  ,  tan- 
dis qu'il  fait  un  tour  entier.  Ainfi  dans  les 
Planches  de  Géométrie  ,fig.  $8.  D  B  efî 
la  bafe  cle  Vépicycloïde  ,.  V  ion  fommet , 
V  B  fon  axe  ,  D  P  V  la  moitié  de  IV- 
picycloïde  extérieure  produite  par  la  révo- 
lution du  demi-cercle  VL  B  ,  qu'on  appelle 
cercle  générateur  ,  fur  le  côté  convexe  de 
la  bafe  D  B. 

On  trouvera  dans  les  Tranfact.  philofoph. 
».  2.8.  &  dans  les  infiniment  petits  de  M. 
de  l'Hôpital,  les  démonitratiom-  des  prin- 
cipales propriétés  de  Vépicycloïde  ,  fur-tout 
ce  qui  concerne  les  tangentes  de  ces.  courbes , 
leurs  rectifications  &  leurs  quadratures.  M. 
Nicole  a  aufll  donné  fur  la  rectification  des 
épicycloïdes  allongées  &  accourcies  un  ex- 
cellent mémoire  dans  le  vol.  de  V académie 
de   iyo8. 

Le  volume  de  1732.  de  la  même  acadé- 
mie renferme  plufieurs  écrits  de  MM.  Ber- 
nou'li ,  de  Maupertuis  ,  Nicole  ,  &  Clai- 
raut ,  fur  une  autre  efr>ece  iï  épicycloïdes  ap- 
pellées  épicycloïdes  fphériques.  Ces  épicy- 
cloïdes font  encore  engendrées  par  le  point 
de  la  circonférence  d'un  cercle  qui  roule  fui- 
un  autre  cercle  ;  mais  avec  cette  différence 
eue  dans  les  épicycloïdes  ordinaires  le  cer- 
cle roulant  efl  dans  le  même  plan  que  le  cer- 
cle fur  lequel  il  roule  ;  au  lieu  que  dans 
celle-ci  le  plan  du  cercle  roulant  fait  un 
angle  confiant  avec  le  plan  de  l'autre  cercle. 
Les  épicycloïdes  fphériques  ont  plufîeurs 
belles  propriétés  que  l'on  peut  voir  dans  les 
mémoires  dont  nous  venons  de  parler ,  & 
dont  le  détail  feroit  au-deffus  de  la  portée 
du  plus  grand  nombre  de  nos  lecteurs. 

Nous  nous  contenterons  de  donner  ici 
«n  peu  de  mots  une  théorie  des  épicycloïdes 
fîmples  ou  ordinaires.  Cette  théorie  con- 
tiendra le  germe  de  tous  les  problêmes 
qu'on  peut  fe  propofer  fur  les  épicycloïdes , 
&  facilitera  le  moyen  d'étendre  ces  pro- 
blêmes à  des  épicycloïdes  plus  oompofées. 
Je  fuppofè  d'abord  que  1  foit  le  rayon 
dn  cercle  roulant  ou  générateur  ,  &  que 
Vépicycloïde  foit  extérieure.  Soit  x  l'arc  qui 


E  P  I 

a  roulé ,  r  le  rayon  de  l'autre  cercle  ,  îî 
eft  évident  qu'en  prenant  dans  ce  (hcond. 
cercle  un  arc  ~  x ,  6c  tirant  en  fuite  la 
corde  de  l'arc  .r  dans  le  cercle  générateur, 
on  aura  un  des  points  de  Vépicycloïde.  Or 
les  angles  formés  par  deux  arcs  égaux  dans 
differens  cercles  ,  font  entre  eux  en  raifon 
inverfe  des  rayons  de  ces  cercles.  Voye{ 
Angle ,  Décru  ,  Mesure  ,  &c.  Donc  il  ne 
s'agit  que  de  divifer  un  angle  en  raifon  de 
r  à  1  ,  pour  avoir  un  point  de  Vépicy- 
cloïde. 

Donc  fi  r  eft  à  1  en  raifon  de  nombre 
à  nombre  ,  Vépicycloïde  fera  une  courbe 
géométrique ,  puisqu'on  peut  toujours  di- 
viier  un  angle  géométriquement  en  raifon 
de  nombre  à  nombre.  Voye^  Trisec- 
tion, &c. 

Confidérons  à  préfent  les  deux  cercle 
comme  deux  polygones  réguliers  d'une  in- 
finité de  cotés  chacun ,  mais  dont  les  co- 
tés foient  égaux ,  enforte  que  ces  polygo- 
nes ne  foient  point  femblables  :  il  eft  vifi- 
ble,  i°.  que  l'angle  de  contingence  du 
cercle  générateur  fera  d  x  ;  que  l'angle  de 

A  se 

contingence  de  l'autre  fera  —  (  Vcy.  Po- 
lygone &  Courbe  :  )  ze.  que  pendant  le 
roulement  où  l'application  d'un  côté  infi- 
niment petit  du  cercle  générateur  fur  le  coté 
correfpondant  de  l'autre ,  une  des  extrémi- 
tés de  la  corde  de  l'arc  x  pourra  être  regar- 
dée comme  fixe,,  &  que  l'autre  décrira  un. 
arc  de  cercle  qui  fera  le  petit  côté  de  Vépi- 
cycloïde :  30.  que  la  tangente  de  Vépicy- 
cloïde, (voye[  Tangente)  ,  fera  par  con- 
féquent  perpendiculaire  à  la  corde  de  l'arc 
x  dans  le  cercle  générateur  :  40.  que  le  petit 

côté    de   Vépicycloïde   fera  L  T  )  x 

cord.  x  =  ex  X  2  fin.  dL  x  (  -~  V 
donc     l'arc    total     de     Vépicycloïde     fera- 

(-p)Xlx(j_cor.i)„cyctSl- 

nus  :  J°.  que  l'élément  de  l'air  de  Vépicy- 
cloïde fera  égal  au  petit  triangle  (calene  , 
dont  dx  eft  la  bafe  &  cord.  x  un  des  cô- 
tés, plus  au  triangle  ifocele   qui  a  cord.  x 

pour  côté ,  &  pour  bafe  d  x  ( — ~  j  x  (]n.  ~, 

Cela  fe  voit  à  l'œil  par  la  feule  infpeétion 

,  d'une  figure,  Gr  le  premier,  de  ces  élémens 


SM- 


EP  ï 

«ft:  l'élément  du  cercle  ,  &  le  fécond  eft  dx 
(    r  r  )  z  fin.~  X  «y  cord.  a:  =  a:  d  (- — -r) 

^.^)W,(^)x(_la,C,+L> 

^oyeç  Sincjs.  Donc  Taire  de  Y  épicycloïde 
eft  égale  à  l'aire  du  cercle ,  plus  à  l'inté- 
grale de  la  quantité  précédente;  intégrale 
ailée  à  trouver  :  voye^  Sinus  ,  Intégral, 
&  le  traiié  de  M.  de  Bougainville  le  jeune. 
69.  L'angle  que  font  enfemble  deux  côtés 
confécutifs  de  Yépicyclcï-e  ,  fe  trouvera 
aifément ,  Se  tou j  :>urs  par  la  feule  infpec- 
tion  d'une  figure  fort  {impie;  car  cet  angle 
eft  égal ,  i°.  à  -*;  à  deux  angles  à  la  bafe 
d'un  triangle  ifocele ,  dont  l'angle  du 
fommet  eft  dx-h  —  ,  c'eft-à-dire  180  — 

-p  :  donc  l'angle  de  contingence  eft 
— .  Or  le  rayon  ofculateur  efl:  égal 
au  côté  de  la  courbe  divifé  par  l'angle  de 
contingence.  Voye^  Osculateur  &  Dé- 
veloppée. Donc  le  rayon  ofculateur  eft 
égala  i(l+r,-2!!Ëi\ 

Si  on  fait  r  négative  dans  les  calculs  pré- 
cédens  ,  on  aura  les  propriétés  de  Y  épicy- 
cloïde intérieure. 

Si  dans  les  mêmes  calculs  on  fait  r  = 
a  l'infini ,  on  aura  les  propriétés  de  la  cy- 
cloïde  ordinaire. 

On  peut  encore  confidérer  d'une  autre 
minière  toutes  les  épicycloïdes  ordinaires , 
allongées,  accourcies,  fphériques,  &c.  Au 
keu  de  faire  rouler  te  cercle  générateur ,  il 
11  'y  a  qu'à  tuppofer  que  le  centre  de  ce  cer- 
cle décrive  une  ligne  quelconque ,  Se  qu'en 
même  temps  un  point  mobile  le  meuve  fur 
la  circonférence  de  ce  cercle.  Par  le  prin- 
cipe de  la  compétition  des  mouvemens, 
on  aura  facilement  les  élémens  de  Yépicy- 
clvïde;Y  épicycloïde  fera  iimple ou  ordinaire , 
<eft-  à -dire,  ni  allongée  ni  accourcie  ,  (ï 
lare  décrit  par  le  centre ,  pendant  que  le 
point  mobile  décrit  la  circonférence,  eft  à 
cette  circonférence  comme  r-f-  ï  eft  à  r. 
Voye{  Roue  d'Aristote. 

Nous  n'en  dirons  pas  davantage  fur  cet 
article.  Il  nous  fufrit  d'avoir  mis  ici  en 
quelques  lignes  tout  le  traité  des  épicycloïdes 
«i'une  manière  allez  nouvelle  à  plufieurs 
égards  ,  &  fourni  aux  commençans  ,  & 


E  P  I 


6-7 


peut  -  être  à  des  géomètres  plus  avancés , 
une  occahon  de  s'exercer. 

Sur  l'ufage  des  épicycloïdes  en  méchanique, 
voye^  Dent. 

M.  de  Maupertuis,  dans  les  mémoires  de 
Vacadém.  de   IJ%J ',  a  examiné  les  figures 
rectilignes  formées  par  le  roulement  d'un 
polygone  régulier  fur  une  ligne  droite ,  Se 
il  en  a  déduit  d'une  manière  élégante  les 
dimensions  de  la  cycloïde.  Pour  généralifer 
la  théorie  ,   fuppofons  que  le  roulement 
du  polygone  fe  fade  à  l'extérieur  fur  un 
autre    polygone   régulier ,  dont   les   côtés 
foient  égaux  à  ceux  du  polygone  roulant, 
il  eft  aifé  de  voir  par  tout  ce  qui  a  été  dit 
ci-deflus ,  i°.  que  la  figure  recliligne  for- 
mée ainfi ,  fera  égale  à  l'aire  du  polygone 
roulant,  plus  à  un  triangle  ifocele  qui  au- 
roit  ï  pour  côté,  &  pour  angle  au  lom- 
met  la  fomme  des  angles  extérieurs  des 
deux  pelygoncs ,  ce  triangle  étant  multi- 
plié par  la  moitié  de  la  fomme  des  quarrés 
des  cordes  du  polygone  roulant.  Or ,-  on  a 
dans  le  liv.  X  des  fections  coniques  de  M. 
de  l' Hôpital y  une  méthode  fort  iimple  pour 
trouver  la  fomme  de  ces  quarrés.  i°.  Le 
contour  de  la  figure  fera  égal  à  la  corde 
de  la  fomme  des  angles  extérieurs  ,  mul- 
tipliée par  la  fomme  des  cordes  du  polygone 
roulant.  Or ,  on  a  dans  le  même  ouvrage 
Se  au  même  endroit  la  méthode  de  trou- 
ver la  fomme  des  cordes  d'un  polygone. 
3°.  L'angle  extérieur  formé  par  deux  côtés 
rectilignes  confécutifs  de  Yépicycloïde  ,  eft 
égal  à  la  moitié  de  l'angle  au  centre  du 
polygone  roulant ,  plus  à  l'angle  extérieur 
de  l'autre  polygone. 

Enfin,  il  eft  vifible  que  cette  méthode 
peut  s'étendre  très-aifément  à  la  recherche 
des  propriétés  de  toute  épicycloïde  formée 
par  le  roulement  d'une  courbe  quelconque 
fur  une  autre  quelconque.  (O) 

ÉPICYTHARISME,  (Muf.  des  anc.) 
air  de  Cithare,  qu'on  exécutoit  après  les 
pièces  de  théâtre,  Se  qui  étoit  à  la  tragédie 
&  à  la  comédie  greque,  ce  qu'eft  le  balet 
à  notre  opéra. 

*  HPIDAURIE,  aqj.  pris  fubf.  fête  que 
les  habitans  d'Epidaure  célébrèrent  en  l'hon- 
neur d'Efculape ,  Se  que  les  Athéniens  infti- 
tuerent  aulïi  parmi  eux» 

*  EPIDÊLIUS-,  (Mythologie.)  furnom 

Q.q  q  q  * 


ê76  EPI 

d' Apollon.  Mcnophanès ,  qui  commandoic 
la  flotte  de  Mithridate,  prit  Délos ,  pilla 
le  temple  d'Apollon,  on  jeta  la  ftatue  du 
dieu  dans  la  mer-,  mais  les  eaux  la  fou- 
tinrent  miraculeufement ,  &  la  portèrent 
fur  les  côtes  de  la  Laconie,  aux  environs 
du  promontoire  de  Malée ,  où  les  Lacédé- 
moniens  élevèrent  un  temple  à  Apollon 
Epidélius ,  c'eft-à-dire,  à  Apollon  venu  de 
Délos.  La  ftatue  merveilleufe  fut  placée 
dans  ce  temple  ,  &  le  facrilege  Méno- 
phanès  fut  tué  fur  fbn  vailîeau.  Quoi- 
qu'il ny  ait  guère  de  faits  merveilleux 
accompagnés  d'un  plus  grand  nombre  de 
çirconitances  difficiles  à  rejeter  en  doute; 
que  le  miracle  dont  il  s'agit  ait  un  carac- 
tère d'authenticité  qui  n'eft  pas  commun, 
&  qu'il  foie  confirmé  par  le  témoignage 
&  le  monument  de  tout  un  peuple,  il  ne 
faut  pas  le  croire  :  il  n'eft  pas  nécellaire 
d'en  expofer  les  raiions;  il  fufHt ,  pour  le 
rejeter  ,  de  favoir  que  le  vrai  Dieu  eut 
engagé  les  hommes  dans  l'idolâtrie  ,  s'il 
eût  permis  de  pareils  prodiges.  Il  y  a  des 
cas  où  il, faut  juger  de  la  vérité  des  faits 
par  les  conféquences  ,  &  d'autres  où  il 
faut  juger  des  conféquences  par  la  vérité 
des  faits. 

ÉPIDÉMIE,  f.  f.  {Médecine.)  maladie, 
épidémique ,  c'eft-à-dire ,  qui  ariette  pref- 
que  en  même  temps  &  dans  un  même 
lieu  un  grand  nombre  de  perfonnes  de 
quelque  iexe,  âge  &  qualité  qu'elles  foient, 
avec  les  mêmes  fymptomes  eiïèntiels,  dont 
la  caufe  réfide  le  plus  iouvent  dans  les 
chofes  defquelles  on  ne  peut  pas  éviter  de 
faire  ufage  pour  les  befoins  de  la  vie,  & 
dont  le  traitement  eft  dirigé  par  une  même 
méthode.  Le  mot  grec  t'^iSmiw  ,  épidé- 
mie y  eft  formé  d'êV/  ,  dans  ou  parmi ,  & 
«Ti^o? ,  peuple  ;  il  eft  par  conféquent  em- 
ployé pour  fîgnifier,  quelque  choie  qui  eft 
dans  ou  parmi  le  peuple ,  commun  au 
peuple.  L'ufage  en  a  fixé  le  fens ,  lors- 
qu'on l'emploie  fèul ,  pour  énoncer  une 
maladie  populaire  ,  que  quelques  auteurs 
comme  Boerhaave ,  nomment  quelquefois 
maladie  univerfelle  ,  morbus  epidemicus , 
fopvlaris ,  univerfalis. 

Les  maladies  épidémigues  forment  un 
genre  particulier  parmi  les  différences 
accidentelles  des  maladies  en  général,  à 


E  p  r 

l'égard  du  lieu  où  elles  régnent.  Les  épi* 
démies  ne  font  pas  plus  familières  dans  un 
pays  que  dans  un  autre  ;  en  quoi  elles  dif- 
férent des  endémies ,  qui  font  des  maladies 
d'un  même  caractère ,  qui  affedent  parti- 
culièrement, &  preique  fans  difeontinuité  , 
les  habitans  d'une  contrée.  Voytr  Endé- 
mique. Les  maladies  épidémiques  font  auffi 
diftinguées  des  fporadiques  ,  parce  que 
celles-ci  font  abfolument  particulières  aux 
perfonnes  qu'elles  attaquent ,  de  dépendent 
d'une  caufe  qui  leur  eft  propre.  Voye^ 
Sporadique. 

Les  maladies  épidémiques  ne  s'établiifent 
que  dans  certains  temps  &c  dans  certains 
lieux.  Elles  ne  font  pas  d'un  feul  Se  même 
genre  ;  elles  différent  au  contraire  beau- 
coup ,  félon  la  différence  des  faifons  qui 
ont  précédé  ôc  qui  fubfiftent ,  félon  la 
différente  nature  des  -  habitans  d'un  pays. 
Quelquefois  elles  afteélent  tout  le  corps , 
comme  les  fièvres  ;  d'autres  fois  elles  ne 
portent  que  fur  certaines  parties,  comme 
font  les  douleurs,  les  fluxions  catarreufes  : 
tantôt  elles  font  bénignes ,  &c  font  leur 
cours  fans  caufer  beaucoup  de  défbrdres 
dans  l'économie  animale;  tantôt  elles  font 
contagieufes  &  accompagnées  de  fymp- 
tomes très-violens  ,  &j  elles  font  périr  beau- 
coup de  monde.  Il  meurt  plus  de  gens ,  Se 
dans  la  vigueur  de  l'âge  même,  par  l'effet 
des  maladies  épidémiques ,  que  par  toute 
autre  forte  de  maladie.  Elles  changent 
preique  chaque  année  de  caractère  &c  de 
nature  ,  dans  les  cas  même  où  elles  pa- 
roifîent  avoir  les  mêmes  fymptomes  :  il 
n'appartient  qu'à  un  médecin  très-attentif 
&  grand  obiervateur,  de  diftinguer  ce  qu'il 
y  a  d'eifentiellement  différent  dans  ces 
apparences  ;  fouvent  même  les  plus  habiles 
s'y  trompent. 

Les  différentes  caufes  des  épidémies  ,  qui 
font  dans  l'air ,  dépendent  quelquefois  du 
vice  de  fes  qualités  fenfibles  &  manifeftes, 
telles  que  la  chaleur ,  le  froid  ,  l'humidité , 
la  féchereiîe-,  &c.  D'autres  fois  l'air  ,  -  en 
pénétrant  le  corps  humain  par  les  diffé- 
rentes voies  ordinaires ,  dont  on  ne  peut 
pas  lui  fermer  l'accès ,  y  porte  avec  lui  & 
applique  à  diverfes  parties  certains  miaf- 
mes  d'une  nature  inconnue  ,  qui  produi- 
iènt  cependant  les  mêmes  effets  dans  toutes 


E  ,P  I 

les  peribnnes  affectées  ,  comme  on  le  voir 
dans  la  pefte ,  dans  la  petite  vérole.  La 
différente  fituation  des  lieux,  le  différent 
afpect ,  l'expolition  à  certains  venrs  y  les 
exhalaifons  des  marais  ;  les  grandes  inon- 
dations, qui  rendent  les  terrains  maréca- 
geux ,  fuivies  d'un  temps  chaud ,  ou  d'un 
vent  de  midi ,  qui  hâte  la  putréfaction 
des  eaux  croupiffantes ,  d'où  il  s'élève  con- 
tinuellement dans  l'air  des  matières  fétides , 
vermineutes  ou  acrimonieules  ,  qui  infec- 
tent cet  élément  dans  lequel  nous  vivons  , 
Se  les  différentes  fubftances  qui  fervent  à 
notre  nourriture  ,  contribuent  beaucoup 
aufli  à  établir  les  différentes  efpeces  à' épi- 
démies. 

Les  alimens ,  comme  eau  fes  communes , 
font  Ibuvent  auili  ,  par  leur  nature ,  la 
caufe  des  maladies  populaires.  C'eft  ce 
qu'on  obferve  dans  les  villes  aiïiégées  ,  où 
les  riches  comme  les  pauvres  manquant 
de  tout  pour  le  nourrir  ,  font  contraints 
à  manger  des  chofes  peu  propres  à  cet  uf  a- 
ge  Se  de  rrès-mauvaile  qualité  ;  &  le  trou- 
vant ainiï  prefles  par  la  même  nécefïité  , 
Se  réduits  à  la  même  mifere ,  ils  éprou- 
vent les  mêmes  effets ,  ils  font  affligés  des 
mêmes  maladies.  On  a  vu  la  pefte  faire  des 
ravages  terribles  dans  une  place  de  guerre 
afïiégée  ,  dénuée  de  iecours,  invertie  par 
une  armée  abondamment  pourvue  de  vi- 
vres ,  qui  étoit  entièrement  exempte  de 
cette  maladie. 

Il  réfulte  de  ce  qui  vient  d'être  dit  des 
caufes  des  épidémies  ,  qu'elles  ne  fe  com- 
muniquent pas  auili  communément  qu'on 
le  penfè  ,  d'une  perfonne  affectée  à  une 
autre  qui  ne  l'eft  pas  :  il  n'eft  pas  nécef- 
faire  de  recourir  à  la  contagion  pour  ren- 
dre raifôn  de  cette  communication  ;  il  eft 
rare  qu'elle  fe  ralïê  par  cette  caufe  ;  il  eft 
plus  naturel  de  l'attribuer  à  la  caufe  com- 
mune qui  a  affecté  le  premier  ,  ôe  qui 
continue  à  produire  fes  effets  dans  les  lu  jets 
qui  le  trouvent  difpofés  à  en  recevoir  les 
imprelïïons. 

Pour  s'en  préferver  ,  on  doit  foigneufe- 
ment  éviter  tout  ce  qui  peut  contribuer  à 
arrêter  l'infenlible  tranfpiration  ,  &  pour 
cela  ne  pas  fur-tout  s'expofer  à  Pair  froid 
du  matin  ou  du  foir  ,  ne  le  livrer  à  aucun 
exercice  violent,  ne  vivre  que  d'alimens 


EPI  677 

de  facile  digeftion  ,  &  ufer  des  chofes  pro- 
pres à  fortifier  ,  à  entretenir  la  fluidité  des 
humeurs,  favori  fer  les  fècrétions  &  excré- 
tions. 

A  l'égard  des  pays  en  général ,  on  peut 
tenter  quelquefois  avec  iuccès  d'empêcher 
qu'ils  ne  foient  infectés  des  maladies  épidé- 
miques  ,  ou  de  les  en  délivrer  ,  en  purifiant 
l'air  par  le  moyen  des  feux  allumés  fré- 
quemment ,  dans  les  lieux  habités  ,  avec 
des  bois  rélineux  ,  dont  on  forme  des  bû- 
chers nombreux  à  certaines  diftances  les 
uns  des  autres.  Hippocrate  ne  balance  pas 
à  propofer  ,  d'après  l'expérience  qu'il  en 
avoit  faite  ,  l'effet  de  ces  feux  comme  un 
préfervatif  contre  la  perte  ,  Se  même  com- 
me un  moyen  de  corriger  l'infection  de 
l'air  qui  la  caufe.  On  a  remarqué  ,  félon 
Hoffman  ,  que  les  lieux  ,  les  villes  fur-tout , 
où  l'on  brûle  du  charbon  de  pierre  plus 
qu'on  ne  faifoit  autrefois  ,  font  moins 
fujets  aux  maladies  épidémiques  ,  Se  plus 
fains  ,  généralement- -parlant  ,  qu'ils  n'é- 
toient  avant  cet  ufage;  la  fumée,  de  ces 
matières  folîiles  ayant  la  propriété  de 
changer  les  qualités  des  mauvai fes  exha- 
laifons qui  pouvoient  produire  des  mala- 
dies de  toute  elpece.  Il  eft  encore  un  autre 
moyen  très-propre  à  prévenir  les  infections 
de  l'air  ,  &  à  en  arrêter  les  effets ,  lorf- 
qu'elles  ont  lieu  ;  c'eft  de  delïecher  les 
marais  ;  de  donner  un  cours  aux  eaux 
croupilîantes  ;  d'empêcher  qu'il  ne  s'en 
ramalle  de  nouvelles  ;  de  renir  les  égoûts , 
les  foffés  des  villes ,  des  campagnes  ,  bien 
nettoyés  Se  bien  libres. 

On  doit  beaucoup  cfpérer  ,  pendant  les 
maladies  épidémiques ,  ou  lorsqu'on  craint 
qu'elles  ne  s'établifïent ,  du  bon  effet  des 
vents  du  feptentrion  &  du  levant ,  comme 
étant  très  -  propres  à  purifier  l'air ,  ou  à 
empêcher  qu'il  ne  s'y  mêle  des  exhalaifons 
qui  pourraient  le  corrompre.  Ils  ont  auflî 
la  propriété  de  rendre  le  corps  humain 
moins  fufceptible  des  mauvaises  impref- 
fions  qu'elles  peuvent  faire  ,  en  lui  don- 
nant de  la  vigueur  par  l'augmentation  du 
rertbrt  de  fes  fibres ,  Se  en  confervant  par 
ce  moyen  l'exercice  libre  de  toutes  les  fonc- 
tions. Les  pluies  font  aulïi  très-fàluraîres 
dans  le  temps  d'épidémJe  caufée  par  l'in- 
fection de  l'air  j  elles  entraînent  Se  preo- 


678  E  P  ï 

pitent  avec  elles  toutes  les  matières  hétéro- 
gènes qui  formoient  la  corruption  de  cet 
élément. 

Lorfqu'il  furvient  une  maladie  épidémi- 
que  y  dont  le  caractère  n'eft  pas  bien  connu, 
ce  qui  arrive  iouvent  ;  les  médecins  doi- 
vent ,  félon  le  confcil  de  Boerhaave  ,  s'ap- 
pliquer à  en  bien  obferver  tous  les  fympto- 
mes  dans  le  temps  des  équinoxes  ,  où  elles 
font  ordinairement  le  plus  en  vigueur.  Pour 
en  découvrir  la  caule  ,  par  comparaifon 
avec  l'efpece  de  maladie  connue  à  laquelle 
l'ép  démique  reflemble  le  plus  ,  ils  doivent 
éviter  d'employer  des  remèdes  qui  foient 
propres  à  produire  cle  grands  changemens 
dans  l'économie  animale  ,  dans  la  crainte 
qu'ils  ne  déguifent  le  caractère  de  la  mala- 
die ,  6c  qu'ils  n'empêchent  d'obferver  les 
phénomènes  que  la  nature  du  mal  peut  pro- 
duire conftamment  dans  les  différens  temps 
qui  précèdent  le  rétabli flement  de  la  fanté 
ou  de  la  mort  ,  qui  annoncent  un  meilleur 
eu  un  plus  mauvais  état.  Ils  doivent  obfer- 
ver avec  une  grande  attention  ce  que  la  na- 
ture faidfou  tente  de  faire  dans  le  cours  de 
la  maladie  ,  enfuite  des  différentes  choies 
que  des  malades  prennent  ,  foit  alimens  , 
ibit  remèdes  ,  ce  qui  fait  de  bons  ou  de 
mauvais  effets  ,  les  évacuations  qui  font  fa- 
lutaires  ou  nuifibles.  Ils  doivent  enfin  com- 
parer ce  qui  fe  paife  dans  les  maladies  de 
la  même  efpece  de  plusieurs  pej  fonnes  af- 
fectées en  même  temps  ,  en  ayant  égard  à 
la  différence  de  fexe ,  d  âge  ,  6c  de  tempé- 
rament. 

C'efc  de  ces  recherches  faites  avec  foin  , 
qu'on  peut  tirer  les  indications  convenables 
pour  déterminer  la  méthode  que  l'on  doit 
fuivre  dans  le  traitement  des  maladies  épidé- 
miques.  Si  l'on  avoit  un  recueil  d'obferva- 
tions  exactes  fur  toutes  celles  qui  ont  pa- 
ru jufqu'à  préfent ,  on  fèroit  peut-être  allez 
infîruit  de  leur  différente  nature  &  des  re- 
mèdes qui  ont  été  employés  avec  fuccès 
dans  chaque  efpece  ,  pour  pouvoir  par  ana- 
logie appliquer  une  curation  prefque  lure  à 
chacune  de  celles  qui  paraîtraient  dans  la 
fuite  ;  car  il  eft  très-vraifemblable  qu'il  ne 
s'en  établit  pas  toujours  qui  foient  abfolu- 
ment  nouvelles  par  rapport  au  pafie  ;  leur 
variété  eft  peut-être  épuifée.  Il  eft  donc 
1res- important  pour  le  genre  humai»  qu'on 


E  P  î 

travaille  à  fuppléer  à  ce  qui  manque  à  cet 
égard .  On  ne  lauroit  affez  exhorter  tous  les 
médecins  ,  qui  ont  à  cœur  l'avancement  de 
leur  art  ,  à  faire  Phiftoire  de  toutes  les  ma- 
ladies épidémiques  qu'ils  ont  occaliondw  trai- 
ter ;  à  les  décrire  avec  exactitude  6c  fmcérité; 
à  en  bien  obierver  toutes  les  cïrconftances  ; 
à  ne  pas  négliger  de  faire  mention  des  lieux  , 
des  climats  où  ils  pratiquent  ,  des  accidens 
qui  ont  pu  faire  naître  Y  épidémie  ,  de  la  fai- 
(on  où  elle  règne,  de  laconftitutiondejl'air, 
&c  de  (es  variétés  déterminées  par  l'infpec- 
tien  du  baromètre ,  du  thermomètre ,  6c  de 
1  hydrometre  ,  autant  que  faire  (epeut  ,  ÔC 
en  un  mot  de  prendre  pour  modèles,  dans 
ces  fortes  d'ob'ervations ,  celles  du  plus  an- 
cien ôc  du  plus  grand  médecin  connu  ,  du 
fage  Hippocrate  ,  qui  a  le  premier  fenti  la 
néceiTité  de  les  faire ,  ôc  qui  nous  a  laiflë 
fur  ce  iujet  des  écrits  immortels;  celles  de 
l'Hippocrate  moderne  ,  Sydenham  ,  qui  eft 
prefque  le  feul ,  dans  un  11  long  efpace  de 
temps  ,  qui  ait  marché  à  cez  égard  fur  les 
traces  du  père  de  la  Médecine  ,  ôc  qui  a 
donné  un  exemple  ,  que  l'on  doit  fe  faire 
un  devoir  de  fuivre  dans  to  us  les  ficelés  ; 
celles  de  la  fociété  d'Edimbourg ,  &c. 
Voye^  l'article  Air  ,  ôc  ce  qui  eft  dit  de  cet 
élément  comme  caufe  des  maladies  épidê- 
,  miques.  (d)' 

+  Epidémies  ,  adj.  pris  fubft.  fêtes  infti- 
tuées  dans  Argos  en  l'honneur  de  Junon  , 
Ôc  dans  les  villes  de  Miîet  &c  de  Délos,  en 
l'honneur  d'Apollon.  Les  épidémies  étoient 
comme  les  fêtes  de  la  préfence  du  dieu. 
Les  païens  croyoient  que  leurs  divinités , 
lenubles  aux  cérémonies  de  l'évocation  ,  fe 
traniportcient  au  milieu  d'eux  ,  &  ils  les 
honoraient  par  des  fêtes  ôc  des  facr  fices. 

EP1DERME,  f.  m.  de  par  quelques-uns  f. 
(  Anat.  )  Cette  pellicule  fine,  tranfparente , 
ôc  infenfible  ,  qui  recouvre  extérieurement 
toute  la  peau  à  laquelle  elle  eft  étroitement 
attachée  ,  s'appelle  épiderme ,  furpeau  ,  cuti- 
cule ,  (roye^ Cuticule) ;  ôc  pourencom- 
pjéter  l'article ,  joignez-y  du  moins  les  ob- 
fervations  fuivantes  ,  dans  lesquelles  on 
examine  la  ftructure  de  cette  toile  mer- 
veilleufe ,  qui  enveloppe  tout  le  corps  hu- 
main ,  excepté  les  endroits  occupés  par  les 
ongles. 

Il  faut  remarquer  dans  Y  épiderme  ,    î  °. 

Ion 


E  P  I 

vnlon  étroite  avec  la  peau  ,  dont  on  le 
fépare  néanmoins  dans  les  cadavres  par  le 
moyen  de  l'eau  bouillante.  Le  feu,  la  brû- 
lure ,  les  véficatoires  ,  lèvent  Vépiderm:cn 
manière  de  veffies  dans  les  fujets  vivans. 
Quoiqu'il  adhère  fortement  aux  mame- 
lons cutanés  ,  &c  plus  encore  au  corps  réti- 
culaire  ,  dont  il  paroît  être  une  portion  , 
on  peut  cependant  l'en  féparer  avec  de 
l'eau  chaude  ,  ou  ,  ce  qui  eft  mieux  ck:  qui 
l'altère  moins  ,  en  le  faifant  tremper  pendant 
quelque  temps  dans  de  l'eau  froide.  La 
féparation  par  le  fcalpel  n'eft  pas  impef- 
fible  ,  mais  elle  ne  découvre  rien  de  fa 
itruclrure. 

2°.  Sa  régénération.  Elle  eft  évidente  , 
prompte  ,  Bc  même  furprenante  ,  fans  au- 
cune marque  de  cicatrice  ,  lorsque  Vépi- 
derme  a  été  détaché  par  quelque  caufe  ex- 
terne ou  interne.  Il  fe  régénère  au  palais  de 
la  bouche  ,  après  en  avoir  été  enlevé  par  les 
alimens  trop  chauds  ;  il  fe  régénère  auffi 
par-tout  ailleurs  ,  même  fous  les  emplâtres 
qu'on  y  applique  ;  enfin  il  fe  répare  autant 
de  fois  qu'il  a  été  détruit. 

3°.  Son  origine  ou  Ça  formation.  Elle  eft 
encore  inconnue.  Il  ne  faut  pas  s'imaginer  , 
avec  les  anciens  ,  que  cette  membrane  (oit 
produite  par  la  condenfation  des  vapeurs 
de  la  tranfpiration  ,  il  ne  faut  pas  non  plus 
croire  avec  Morgagny  ,  que  l'action  de  l'air 
deiîechrnt  la  furface  de  la  peau  ,  fafie  naî- 
tre Yépidermc  ;  car  il  fe  trouve  formé  dans 
le  fa  tus  avant  qu'il  ait  vu  le  jour.  Il  vau- 
dront donc  mieux  attribuer  ,  avec  Leuwen- 
hoek  ,  l'origine  de  Vépiderme  à  l'expanfion 
des  conduits  excrétoires  de  la  peau  ;  ou  avec 
Ruyfch  ,  à  l'expanfion  des  houppes  nerveu- 
fes  du  même  organe  qui  forment  plufieurs 
petites  lames  en  s'uniffant  ;  ou  avec  Heifter, 
à  l'expanfion  des  tuyaux  excrétoires  ,  &  des 
papilles  nerveufes  réunies  \  ou  enfin  avec 
M.  Winflow ,  à  une  matière  qui  fuinte  des 
mamelons. 

4°.  Lafubjrance.  Elle  paroît  uniforme  du 
<^>té  de  la  peau  ,  &  compofée  au-dehors  de 
plufieurs  petites  lames  écailleufes  d'une 
grande  fineffe  ,  &  très-étroitement  unies  , 
mais  par-tout  fans  apparence  de  tiifu  fibreux 
ou  vafculeux  ,  excepté  de  petits  filamens 
qui  l'attachent  aux  mamelons.  Cette 
fùbftance  eft  ferrée  ,  quoique  fufceptible  de 


EPI  679 

que  .que  gonflement  ou  épaiffiffement  , 
comme  la  fimple  macération  dans  l'eau 
commune  ,  &  les  cloches  ou  ampoules  qui 
s'élèvent  fur  la  peau  par  des  véficatoires , 
par  la  brûlure  ou  autrement  ,  le  font  allez 
voir  ;  de  forte  qu'à  cet  égard  Vépiderme  pa- 
ro:t  être  une  efpece  de  tiffu  fpongieux  ;  il 
prête  confidérablemcnt  dans  les  enflures , 
mais  il  n'y  réfifte  pas  toujours. 

Les  artouchemens  durs  &  réitérés  déta- 
chent Vépiderme  plus  ou  moins  impercepti- 
blement ,  &auiïï-tôt  il  renaît  une  nouvelle 
couche  qui  fouleve  la  première,  &  à  laquelle 
en  pareil  cas  il  arrive  un  pareil  détache- 
ment par  la  naifîànce  d'une  troifieme  cou- 
che nouvelle. 

C'eft  à-peu- près  de  cette  manière  que  fe 
forment  les  caliofités  aux  pies ,  aux  mains 
&  aux  genoux  ,  &  qu'arrive  la  pluralité  des 
lames  ou  couches  que  quelques  anatomiftes 
ont  prifes  pour  être  naturelles. 

En  effet ,  les  caliofités  ne  font  autre  chofe 
que  des  couches  de  plufieurs  épidermes  ; 
ma;s  pour  que  ces  caliofités  fe  forment ,  il 
ne  faut  pas  que  Vépiderme  fe  fépare  entière- 
ment ,  car  alors  la  matière  de  la  tranfpira- 
tion  ou  de  la  fueur  s'éleveroit  en  véficuies  ; 
c'eft  ce  qui  arrive  dans  les  brûlures.  Vcye^ 
Callosité  ,  Brûlure. 

5°.  Ses  trous  ou  pores.  Ils  donnent  paflage 
aux  poils  ,  aux  liqueurs  du  dehors  en-de- 
dans ;  à  celles  du  dedans  en-dehors ,  telles 
que  font  les  exhalaifons  de  la  tranfpiration 
cv  de  la  fueur.  Cependant  les  petits  trous  ou 
pores  par  où  s'échappe  la  fueur ,  étant  bien 
examinés,  il  femble  que  Vépiderme  s'y  infi- 
nue  pour  achever  les  tuyaux  excrétoires  des 
glandes  cutanées.  Les  niches  ou  follettes 
des  poils  font  garnies  des  allongemens  de 
Vépiderme  ,  &  les  poils  même  en  paroiflent 
recevoir  une  efpece  d'écorce  :  les  canaux 
prefqu'imperceptibles  des  pores  cutanés  en 
font  encore  intérieurement  revêtus.  En  ef- 
fet ,  au  moyen  d'une  longue  macération  de 
la  peau  ,  on  en  peut  détacher  avec  Vépider- 
me tous  ces  allongemens  ,  de  façon  qu'ils 
entraînent  les  poils,  leurs  racines ,  &  même 
les  glandes  axillaires. 

On  pourroit  expliquer  par  cette  remar- 
que ,  comment  les  cloches  ou  empoulesqui 
s'élèvent  fur  ia  peau ,  reftent  gonflées  pen- 
dant un  temps  confidérable ,  fans  laiffer  la 


6Kp  EPI 

fcrolîté  extravaiee  échapper  par  les  trous , 
qui  doivent  être  agrandis  par  la  diir.ra6t.ion 
ëc  l'extenfîon  de  Yépiderme  foulevé.  Lorf- 
qu'il  fe  détache  ainfî  du  corps  de  la  peau  , 
il  arrache  quelquefois  des  portions  de  ces 
petits  tuyaux  cutanés  ,  qui  fe  plifîènt  ôc 
bouchent  les  pores  de  Yépiderme  foulevé  ,  à- 
peu-près  comme  les  tuyaux  des  ballons  à 
jouer.  Ne  feroit-ce  point  ces  petites  portions 
de  Yépiderme  détaché  ,  que  quelques  anato- 
imftes  ont  prifes  pour  des  valvules  des 
tuyaux  cutanés 

6°.  Son  épaijfeur  différente  en  diverfes 
parties  du  corps.  L'épidémie  eft  fort  épais 
dans  le  creux  des  mains  ôc  aux  plantes  des 
pies  ,  ou  plutôt  il  y  a  dans  ces  endroits  plu- 
sieurs couches  à'épidermes  les  uns  fur  les 
autres  ;  par-tout  ailleurs  Yépiderme  n'eft 
qu'un  tifïu  fort  fin.  Remarquons  ici  que 
quand  quelque  portion  de  cette  toile  fè  dé- 
tache de  la  peau  ,  cette  portion  devient 
alors  plus  épaifïè  ,  comme  on  le  voit  dans 
la  cuticule  des  veilles  ,  &  dans  celle  qui  fè 
fépare  des  bords  des  ulcères  ou  des  plaies. 

7°.  Ses  filions  plus  ou  moins  confïdéra- 
bles  en  différentes  parties  du  corps.  On  les 
remarque  fur-tout  à  la  paume  des  mains  ôc 
au  bout  des  doigts ,  où  ils  fe  manifeftent  en 
lignes  fpirales.  Ils  défendent  peut-être  les 
vaifTeaux  excrétoires  qui  font  dans  leurs 
cavités.  Quoi  qu'il  en  fbit  comme  Yépi- 
derme eft  intimement  appliqué  à  la  fuper- 
ficie  de  la  peau  ,  il  n'eft  pas  étonnant  qu'il 
en  prenne  la  forme  ,  ôc  qu'il  foit  marqué 
comme  elle  des  mêmes  plis  ,  des  mêmes 
rides  ,  des  mêmes  filions  ôc  des  mêmes 
lofànges. 

8°.  Son  infenfibilité.  On  n'y  apperçoit 
point  non  plus  de  vaiflèaux  ,  &  Ruyfch  n'a 
jamais  pu  en  découvrir  par  fes  inje6tions  les 
plus  fubtiles  :  de-là  vient  qu'il  ne  coule  point 
de  fang  quand  Yépiderme  eft  blefle.  Cepen- 
dant il  eft  naturellement  fî  fouple  ,  qu'il 
permet  aux  corps  tangibles  de  communi- 
quer iumTam  ment  leur  imprefïïon  aux  houp- 
pes nerveufes  fituées  au-defîous. 

9°.  Son  incorruptibilité  ,  il  je  puis  parler 
ainfî  :  du  moins  Yépiderme  eft  la  partie  de 
tout  le  corps  la  moins  expofée  à  la  corrup- 
tion ,  &  la  moins  fujette  à  être  rongée.  Dans 
les  abcès  le  pus  n'a  guère  d'autre  action  fur 
Yépiderme  ,  que  de  le  féparer  de  la  peau ,  ôc 


E  P  I 

de  le  déchirer  ;  mais  il  ne  le  difTôut  pas. 
Dans  la  gangrené  Ôc  le  fphacele  Yépiderme 
le  conferve  entier  ,  tandis  que  toutes  les 
parties  qu'il  [recouvre  tombent  en  pourritu- 
re. Il  ne  permet  pas  même  à  la  pierre  in- 
fernale de  le  pénétrer  ,  &c  de  détruire  les 
parties  qu'il  couvre  ,  fans  avoir  été  divifé 
le  premier.  Ces  effets  viennent-ils  de  ce 
qu'il  n'a  point  de  vaifTeaux  qui  lui  foient 
propres  ,  ôc  de  ce  qu'il  ne  reçoit  point  la 
liqueur  î 

io°. .  Sa  couleur.  'Uépiderme  eft  générale- 
ment blanc  ,  du  moins  les  recherches  exac- 
tes ont  tait  voir  qu'il  change  peu  chez  les 
divers  peuples  ,  ôc  qu'il  conferve  prefque 
dans  tous  là  couleur  blanche.  Je  dis  qu'il 
conferve  prefque  dans  tous  fa  couleur  blan- 
che ,  parce  qu'on  a  obfervé  que  dans  les  Nè- 
gres il  n'eft  point  aufli  blanc  que  dans  les 
peuples  de  nos  climats  ;  mais  il  eft  d'une 
couleur  de  corne  brûlée  ,  c'eft-à-dire  jaunâ- 
tre. Ainfî  la  couleur  de  Yépiderme  ne  déter- 
mine point  abfblument  celle  de  la  peau  , 
mais  plutôt  celle  du  corps  muqueux  fîtué 
au-defîôus.  Cela  n'empêche  pas  que  Y  épi- 
derme  qui  recouvre  immédiatement  le  corps 
réticulaire ,  ne  rende  le  teint  plus  ou  moins 
délicat  ,  félon  qu'il  eft  plus  ou  moins 
épais. 

ii°.  Son  ufage:  le  voici.  Uépiderm?  fert 
à  maintenir  les  pinceaux  ou  filamcns  ner- 
veux des  mamelons  dans  une  fîtuation 
égale,  à  les  empêcher  de  flotter  confufément. 
ôc  à  modifier  l'imprefîîon  des  objets ,  qui 
auraient  été  douloureux ,  fi  cette  imprefïïon 
s'étoit  faite  immédiatement  fur  les  papilles 
nerveufes  de  la  peau. 

D'un  autre  côté ,  le  tact  particulier ,  auffi- 
bien  que  le  toucher  en  général ,  eft  plus  ou 
moins  exquis ,  fdon  la  fineflè  ou  l'épaiflèur 
de  Yépiderme  ,  dont  la  callofîté  affoiblit ,  ÔC 
même  fait  perdre  l'un  ôc  l'autre. 

Un  autre  ufage  de  Yépiderme  y  eft  de  ré- 
gler les  évacuations  cutanées  ;  je  veux  dire 
Celles  de  la  fueur ,  ôc  de  la  tranfpiration  inlen- 
fible  qui  eft  la  plus  confîdérable.  Il  fert  vrai- 
fembiablement  à  rétrécir  les  vaifTeaux  cu- 
tanés ,  parce  qu'il  en  forme  les  extrémités. 
En  effet ,  nous  remarquons  que  toutes  les 
fois  qu'il  eft  enlevé  ,  ces  vaiflèaux  laiflènt, 
échapper  les  liqueurs  qu'ils  contiennent  , 
en  plus  grande  abondance  que  de  coutume. 

Enfin 


e  p  r 

Enfin  ,  comme  Yepiderme  rend  là  furface 
de  la  peau  égale  &  polie  ,  il  contribue  ex- 
trêmement à  la  beauté  de  cette  partie  ,  car 
plus  la  cuticule  eft  mince  &  diaphane,  plus 
le  teint  eft  brillant  &  délicat. 

Au  lurplus  Yepiderme  mérite  fort  l'examen 
&  les  recherches  des  Phyfîologiftes  ,*  car  ou- 
tre que  fa  ftrucîure  n'eft  pas  à  beaucoup 
près  bien  connue,  il  a  des  propriétés  fingu- 
îieres  ,  qu'aucun  auteur  ne  s'eft  donné  la 
peine  d'approfondir  jufqu'à  ce  jour. 

Je  finis  cet  article  par  une  remarque  utile 
aux  Accoucheurs.  Comme  les  enfans  naif- 
fent  rarement  fans  épiderme  y  comme  cette 
toile  ne  doit  point  fon  origine  a  la  conden- 
iàtion  de  l'air  ,  j'avoue  que  lorfqu'elle  fe  dé- 
tache du  corps  des  enfans  avant  leur  naif- 
iance  ,  dans  les  parties  par  lefquelles  ils  fe 
préfentent ,  on  a  lieu  de  craindre  pour  leurs 
jours  ,  &  de  foupçonner  qu'ils  foient  déjà 
morts  dans  l'utérus  ;  cependant  il  ne  faut 
pas  regarder  le  détachement  de  Yepiderme 
pour  un  figne  certain  de  la  mort  de  l'en- 
fant ,  l'expérience  a  fouvent  juftifié  la  fauf- 
feté  d'un  pareil  jugement  ,  &  l'erreur  de 
ceux  qui  ï'avoient  prononcé  :  on  en  trou- 
vera la  preuve  dans  les  obfervateurSi  M. 
Saviard  ,  qui  en  particulier  a  eu  tant  d'oc- 
cafions  de  s'éclairer  fur  ce  fujet ,  en  fa  qua- 
lité de  chirurgien-accoucheur  de  l'Hôrel- 
Dieu  de  Paris  ,  nous  affaire  qu'il  a  vu  plu- 
fieurs  enfans  dont  Yepiderme  s'enlevoit  avant 
leur  naifïance  ;  lefquels  enfans  font  toute- 
fois venus  au  monde  bien-vivans  ,  &  on' 
vécu  depuis  aufïi  long-temps  que  fon  âge 
lui  a  permis  d'en  être  le  témoin.  Les  fignes 
de  la  virginité  des  filles ,  de  la  groflèfle  des 
mères  ,  de  leur  accouchement  prochain,  de 
la  vie  ou  de  la  mort  des  enfans  qu'elles 
portent,  font  quatre  points  qui  demandent 
Y- e  poche  des  Grecs ,  ou  le  non-lïquet  des  La- 
tins. C'eft-là  le  doute  r  ai  fon  nabi  e  qui  diftin- 
gue  le  phyficien  éclairé  ,  mod  eft  e ,  &  par  con- 
fisquent toujours  retenu  dans  fes  dédiions, 
du  dogmatique  ignorant ,  hardi  &  prefomt  - 
tueux.  Art.  de  M.  DE  J AU  COURT. 

EPÏDIDYME  ,  Y.m.-en  Anatomie  ,  nom 
de  deux  corps  variqueux  fitués  fur  la  partie 
fiipérieure  des  tefticules  ,  dont  ils  femblent 
proprement  être  une  parrie  ,  u  oique  dif- 
fé-ens  du  refteen  forme  &  en  onfiftance. 
Voye\  Testicule.. 
Tome.  XII. 


E  P  I  68t 

Ce   mot  eft  formé  du   grec  «rî  ,  &   d© 
filvfjiof  y  jumeau  ,  tefticule. 

Les  épididymes  ,  de  même  que  les  tefti- 
cules  ,  font  compofés  de-  la  circonvolution 
'  des  tuyaux  féminaires  mêlés  avec  les  vaif- 
feaux  fànguins  ;   ils  différent  feulement  en' 
ce  que  dans  les  épididymes  les  tuyaux  fémi-' 
naires  font  réunis  en  un  feul^  dont  les  dif- 
férentes circonvolutions  font  plus   ferme- 
ment liées  enfemble  par  une   forte  meirw 
brane  de  la  tunique  albuginée  ;  ce  qui  le? 
rend  plus    compactes  au  toucher  que  les 
tefticulcs.    Voye\   SEMENCE ,  SPERMA- 
TIQUE  ,  &c. 

Les  épididymes  &  les  teflicules  font" 
renfermés  dans  trois  membranes  qui  leur 
fontprepres.  La  première  vient  du  mufcle. 
cremafler  ,  la  féconde  eft  appelles  la  virgi- 
nale y  &  la  troisième  Y  albuginée.  Vbye% 
chacune  des  ces  membranes  fous  leur  article 
particulier.  Ckambers  .  (  L  ) 

La  beauté  de  la  ftrudure  de  cette  partie 
mérite  un  détail. 

On  ne  peut  pas  féparer  fà  defeription  de 
celle  des  vaiffeaux  féminaux  qui  naiifent  dey- 
tefticulcs. 

Le  tefticule  de  l'homme  &  du  quadru- 
pède eft  compofé  d'une  pulpe  molle-,  qut 
eft  feparée  en  lobes  par  un  très-grand  nom- 
bre de  cloifons  cellulaires  ,  produites  par 
l'albuginée  ,  &  qui  amènent  à  la  ligne 
blanche  les  vaifîèaux  rouges  artériels  &  vei-'- 
neux  ,  qui  viennent  des  intervalles  des 
lobes. 

Toutes  ces  cloifons  fe  réunifient  dans 
une  ligne  blanche  qui  répond  à  toute  la 
longueur  de  Ye'pididyme  ,  &  dont  la  nature 
eft  celluleufe. 

Il  n'y  a  aucune  apparence  de  glandes 
dans  la  pulpe  ,  dont  le  tefticule  eft  compo- 
sé :  quand  on  la  trempe  dans  l'eau  ,  elle  fe 
refour  en  filets  jaunâtres  ,  naturellement 
-•opliés  comme  desferpens,  &  ramaiTés  par 
une  cellulofité  fine  ;  mais  qui  s'étendent 
dans  l'eau  &  deviennent  très-longs.  On  a 
âché  d'en  efîimer  la  longueur  ;  on  l'a  cal-- 
culee  à  4800  fois  la  longueur  du  tefticule, 
&  même  à  52°8  pies.  Ils  font  très-fins* 
cylindriques»,  cependant  épais-,  avec  une 
■  rès-petite  lumière  ,  &  il  y  va  des  vaifîèaux 
rouges.  Nous  avons  réufli  à  remplir  une 
partie  de  ces  filets  avec  du  mercure  ,  6c  il 

R-r-r  x 


68î  EPI 

n'eft  pas  douteux  qu'ils  ne  foient  tous  des 
tuyaux. 

Il  paroît  que  chaque  lobe  du  tefticule 
produit  un  petit  tronc  qui  accompagne  la 
cloii'on  &  qui  fe  rend  dans  cette  ligne  blan- 
che &  cellulaire  que*  nous  avons  indiquée  : 
il  n'eft  cependant  pas  certain  que  ce  tronc 
toit  unique. 

La  ligne  blanche  qui  règne  le  long  du 
bord  externe  du  tefticule  ,  a  été  regardée 
comme  le  conduit  excrétoire  du  tefticule , 
iur-tout  par  Aubry  &  Léal  ,  car  Highmore 
n'en  avoit  pas  parlé  aufli  affirmativement 
Swammerdam  a  entrevu  la  vérité  :  il  trou- 
voit  plulieurs  cavités  dans  ce  corps  de 
Highmore  ,  comme  on  l'a  appelle  en  déro- 
geant aux  droits  de  Riolan  ,  ion  véritable 
inventeur.  Degraaf  a  plus  vu  encore  que 
fon  émule  :  il  a  fait  defliner  un  nombre  de 
vaifieaux  parallèles  ,  qui  fe  continuent  avec 
les  vaiffeauxefFérens  des  tefticules. 

M.  de  Haller  a  reconnu  à  la  fin  par  l'in- 
jeélion  du  mercure  ,  qu'un  réfeau  de  vail- 
fèaux  efl  placé  dans  cette  ligne  cellulaire  ; 
que  ce  font  les  petits  vaifîeaux  féminaux  , 
fournis  par  les  lobes  des  tefticules ,  &  qui 
s'unilfent  par  des  anaftomoles  pour  monter 
vers  la  tête  de  Yépididyme.  Ces  vaifieaux 
font  très-délicats  ,   mais   plus  gros  que  ne 
l'eftle  tuyfu  de  Yépididyme.  On  les  inje&e 
par  le  canal  déférent ,  en  y  employant  un 
vuide  artificiel  ,  que  l'on  fe  procure  en  fer- 
rant le  canr.l  avec  deux  doigts  approchés  , 
dont  l'un  fait  defeendre  l'air  en  tenant  le 
canal  fortement  ferré.  Après  avoir  produit 
un  vuide  dans  l'elpace  d'un  pouce .  on  ou- 
vre le  doigt  fupérieur  ,  &c  l'argent  vif  def- 
cend  avec  rapidité  dans  le  vuide  :  on   le 
'  force  ,  en  répétant  cette  manœuvre  ,  de 
remplir  Yépididyme  &  le  réfeau  du  tefticule. 
Il  faut  avouer  que  cette  manœuvre  eft  un 
peu  lente  &  difficile  ;  &  qu'on  n'évite  guè- 
re de  rompre  quelqu'un  des  vaifTeaux  du 
réfeau  &  d'extravafer  du  mercure   dans  la 
cellulofité.  D'autres  anatomiftes  fe  font  fer- 
vis  de  la  preffion  d'une  colonne  fort  haute 
de  mercure  ,  &  même  de  la   prefllon  de 
l'atmofphere  ,  en  plaçant  le  tefticule  dans  le 
vuide  &  en  expofant  le  tuyau  à  l'air. 

Le  réfeau  fe  termine  par  des  cônes  vaf- 
culeux,  afTez  reflèmblans  à  des  queues  de 
perruques  d'état  ,    qui  fortent  de  la  partie 


E  P  I 

fupérieure  du  cul  de  fac  ,  compris  entre  le 
tefticule  &  Yépididyme  y  &  qui  montent 
pour  compofer  la  tête  de  cet  épididyme. 

Il  y  a  entre  trente  &  quarante  de  ces  cônes  : 
chacun  eft  compofé  d'un  feul  vaifTeau  plus 
gros  que  celui  dont  eft  compofé  Yépidi- 
dyme &  replié  fur' lui-même  ,  &  qui  forme 
un  cône  dont  la  bafe  eft  à  ce  réfeau  ,  &  la 
pointe  au  commencement  de  Yépididyme, 
Il  n'eft  pas  impofîible  de  remplir  tous  ces 
cônes  de  mercure  :  le  plus  fouvent  cepen- 
dant on  n'en  remplit  qu'une  partie. 

Tous  ces  trente  ou  quarante  vaifieaux 
fe  réunifient  dans  la  tête  de  Yépididyme 
pour  n'en  faire  qu'un  feul-  Il  eft  aifé  de  dé- 
velopper le  paquet  immenfe  de  Yépididyme 9 
&  de  le  réduire  y  dans  une  certaine  lon- 
gueur ,  à  un  feul  tuyau  très-étroit ,  afièz  fer- 
me ,  mais  replié  fur  lui-même  une  infinité 
de  fois ,  par  une  fine  cellulofité. 

Il  fe  forme  par  ces  replis  multipliés  un 
corps  un  peu  comprimé  ,  dont  la  partie 
fupérieure  eft  la  plus  épaifle  ,  qui  s'amincit 
&  s'applanit  vers  le  milieu  du  tefticule ,  & 
qui  eft  un  peu  plus  épais  à  la  partie  infé- 
rieure du  tefticule.  Le  tuyau  dont  il  eft  com- 
pofé eft  prefié  contre  le  bord  externe  &  pos- 
térieur du  tefticule  de  la  manière  dont  nous 
l'avons  décrit  en  parlant  de  la  vaginale.  Ce 
corps  c'eft  Yépididyme. 

Le  canal  déférent  eft  une  continuation 
de  Yépididyme  ;  il  remonte  le  long  du  tef- 
ticule ,  mais  intérieurement.  Ses  commen- 
cemens  font  encore  repliés  :  il  fe  redrefie 
peu-après,  &  n'eft  plus  qu'un  canal  cylin- 
drique très-épais  ,  dont  la  lumière  eft  très- 
fine  &  la  fubftance  compofée  d'une  cellu- 
lofité fort  épaiftë.  La  membrane  externe  en 
eft  prefque  cartilagineufe. 

Le  canal  déférent  remonte  jufqu'à  l'an- 
neau du  bas -ventre,  le  pafle  toujours  der- 
rière le  péritoine ,  &.  croife  le  pfbas  &  les 
vaifîeaux  iliaques.  Nous  avons  dit  le  refte  à 
Yarticle  CANAL  DÉFÉRENT. 

M.  Monro  le  fils  &  M.  Fontana  ont  vé- 
rifié &  confirmé  la  defeription  de  M.  de 
Haller ,  dont  je  viens  de  donner  un  extrait. 
{H.D.  G.) 

\  *  ÉPIDOLES  ,  ad j.  pris  fub.  (  Mythol  ) 
Ce  terme  eft  fait  d'êT/J  <<*«/*/  p  augmente  : 
c'eft  ainfi  qu'on  appelloit  les  dieux  qui  pré- 
fidoient  à  Pacer oifîernent  des  enfans. 


E  P  I 

EPIE,  adj.  (  Vénerie.)  Il  fe  dit  d'un 
chien  qui  a  du  poil  au  milieu  du  iront ,  plus 
grand  que  l'autre ,  &,dont  les  pointes  le  ren- 
contrent &  viennent  à  l'oppofite  :  c'eft  une 
marque  de  vigueur  &  de  force. 

EPIER  ,  f.  m.  (  Jurifprud.  )  eft  un  droit 
domanial  qui  ne  le  levé  lous  ce  nom  que 
dans  la  feule  province  de  Flandre.  Guypers , 
Burgunduc ,  &  plufieurs  autres  jurifcon- 
fultes  flamands  ,  prétendent  que  le  mot 
épier  qu'ils  rendent  en  latin  par  le  terme 
fpicarium  y  vient  de  fpica  ,  épi.  En  effet , 
cette  explication  développe  très  -  bien  la 
nature  de  cette  redevance  ,  qui  confifte 
prefque  toujours  en  blé  ,  en  avoine  dure  & 
molle,,  quelquefois  auffi  en  chapons,  pou- 
les ,  oies  ;  en  œufs  ,  beurre  ou  fromage. 
Le  tout  le  paie  aujourd'hui  en  argent ,  fui- 
vant  les  évaluations  du  prix  actuel  de  ces 
denrées. 

Quant  à  l'origine  de  ce  droit  ,  elle  nous 
paroît  fe  rapporter  à  celle-  que  les  auteurs 
françois  attribuent  communément  aux  droits 
fèigneuriaux.  Sans  être  parfaitemnt  infrruits 
de  la  véritable,  forme  du  gouvernement  des 
Pays-Bas  dans  les  temps  qui  ont  précédé 
le  comte  Baudouin ,  gendre  de  Charles  le 
Chauve,  nous  favons  afîèz  que  ces  provin- 
ces étoient  autrefois  peu  habitables  ,  par  la 
nature  du  terrain  marécageux  ,  fauvage  , 
couvert  de  vafîes  forêts  ;  &  de-là  le  nom 
de  foreftiers.)  dont  plufieurs  hiftoriens  ont 
gratifié,  fans  preuve  les  premiers  fouverains 
delà  Flandre,. 

La  face  a&uelle  de  ces  mêmes  provins 
ces,  où  les  terres  font  aujourd'hui  culti- 
vées avec  le  plus  grand  fuccès ,  où  les  villes 
multipliées  à  l'infini  ,  font  peuplées  de  ci- 
toyens qui  ne  refpirent  que.  le  travail  ;  ce 
coup-d'œil  ,  difons-nous  ,  ne  permet  pas 
de  douter  que  les  premiers  princes  qui  les 
ont  gouvernées  ,.  n'aient  donné  toute  leur 
attention  à  l'agriculture.  Mais  pour  animer 
&  fortifier  le  zèle  de  leurs  vafïàux  &  fujcts  , 
il  a  fallu  leur  accorder  la  propriété  des  ter- 
res qu'ils  défricheroient  ,  en  fè  réfervant 
feulement  une  légère  reconnoiflànce.  pour 
marque  de  la  fbuveraineté.. 

Des  mémoires  particuliers  afïurent  que 
Gharlemagne  avoit  chargé  les  terres  de  la 
Flandre  de  la  redevance  de  Y  épier  y  par  un 
étiit,  donné,  en  l'an  709,  dont  on  prétend 


EPI  *8  3 

que  roriginrJ  fe  trouve  dans  les  archives  de 
l'abbaye  de  S.  Winocq  à  Bergues. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  il  paroît  que  cette 
redevance  ayant  été  impofée  fur  toutes  les 
terres  du  pays ,  différens  chefs  de  famille  , 
curieux  d'en  affranchir  la  plus  grande  par- 
tie de  leurs  biens  ,  avoient  afiigné  &  hy- 
pothéqué fur  la  moindre  portion  la  recon- 
noifîance  de  Y  épier.  Les  temps  ont  amené 
fucceflïvement  de  nouveaux  propriétaires. 
Ceux-ci  en  ont  formé  d'autres  ,  &  par 
eux-mêmes,  &  parles  alliances.  Les  biens 
de  différentes  maifons  fe  font  mêlés  ;  une 
nouvelle  fucceflion  les  a  rendus  à  d'autres  , 
&  les  a  fubdivhes.  Tous  ces  changemens 
ont  fer vi  à  confondre  l'héritage  du  premier- 
mort;  enforte  que  les  receveurs  de  Y  épier- 
s'étant  uniquement  attachés  à  Paffignation 
fpéciaîe  ,  perdirent  de  vue  l'hypothèque- 
générale..  Ces  moindres  parties  hypothé- 
quées fpéciaîèment  v  ayant  été  dans  la- 
fuite  furchargées  de  nouvelles  tailles  & 
importions  ;  les  propriétaires  voyant  que 
le  revenu  ne  fufîïïoit  pas  pour  acquitter  ces 
charges  ,  voulurent  les  abandonner  ,  fans, 
faire  attention  qu'elles  payoient  un  impôt 
aiîigné.  originairement  fur  la  totalité  éclip — 
fee- 

La  difficulté  de  trouver  les  terres  qui: 
avoient  fait  partie  de  cette  totalité  ,  ainfi 
que  les  pofîèffêurs  ou;  détenteurs  ,  ne 
caufoit  pas  un  médiocre  embarras  ;  elie 
donnoit  lieu  à  une  infinité  de  procès  éga- 
lement onéreux  au  fouverain  ôc.aux  parti- 
culiers. 

<  -Ce  fut  pour  y  mettre  fin  que  les  archi- 
ducs Albert  &  IfabelLe  rendirent  le  placard 
du  13  juillet  1602  ,  par  lequel  ils  ordon- 
nèrent aux  receveurs  de  faire  de  nouveaux 
regiflres ,  &  aux  redevables  de  fournir  le 
dénombrement  des  reconnoifTances  par  eux 
dues;  leur  permettant  d'hypothéquer  spé- 
cialement telles  parties  de  terres  qu'ils  ju- 
geraient à-propos  ,  &  généralement  kurs 
.perfonnes  ou  leurs  autres  biens.  Voyefô ar- 
ticle 6  de  ce  placard. . 

Et  par  les  articles  $9",  60  ,  61  ,  62.  & 
autres ,  il  eft  dit  que  les  rentes  de  Y  épier  de 
Flandre  feront  payables  folidairement  par 
Yhofman ,  où  il  y  a  hof manie  ;  &  où  il  n'y 
en  a  pas ,  par  le  chefde  la  communauté  ,  ou 
,par  les  plus  grands  tenanciers  ,  fauf  leur 
Rrr.r   2... 


rf«4  E  P  I 

recours  contre  leurs  co- détenteurs.  On 
voit  par-là  que  l'hypothèque  générale  a  été 
rétablie  fur  toutes  les  terres  ,  fans  que  le 
ibuverain  ait  même  voulu  s'aftreindre  à  taire 
la  difcuflîon  de  la  fpéciale. 

Il  s'eff  encore  allez  récemment  élevé  des 
conteftations  à  ce  fujet  ;  mais  les  particu- 
liers qui  les  ont  formées  ont  été  condamnés 
par  différentes  fèntences  du  bureau  des 
finances  de  Lille  ,  &  entr'autres  par  celles 
des  6  août  172.2  ,  12  août  1723  ,  2  dé- 
cembre 1724.  M.  Meliand  intendant  de  la 
province,  a  rendu  fes  ordonnances  des  8 
avril  &  25  octobre  1726  ,  fur  les  mêmes 
principes  ;  &  M.  de  la  Grandeville  fon  fuc- 
ceiîeur  les  a  fuivies  dans  une  ordonnance 
du  3  novembre  1732  ,  par  laquelle  c« 
magiftrat  enjoint  aux  hofmans  de  la  châ- 
tellenie  de  Bergues  de  rapporter  entre  les 
mains  du  receveur  de  ¥  épier,  les  rôles  des 
terres  &  des  noms  des  tenanciers  ;  &  aux 
greffiers  de  donner  une  déclaration  des 
terres  chargées  de  cette  redevance.  Voye\ 
HOFMAN. 

M.  de  Ghewiet  auteur  des  inftitutions 
au  droit  belgique  ,  imprimées  à  Lille  en 
1736  ,  partie  II.  titre  ij  §  3.  attefte  que 
les  redevances  de  Y  épier  fe  lèvent  à  Gand, 
Bruges  ,  Ypres  ,  Dixmule  ,  Ruremonde , 
Courtray  ,  Aloft  ,  Harlebcck  ,  Furnes  , 
Bergues-Saint-NVmocq  ,  Mont-CaiTèl  ,  & 
Geertrudenbergh.  Une  partie  de  ces  ren- 
tes a  été  engagée  ou  aliénée  en  vertu  des 
édits  qui  ont  ordonné  l'aliénation  des  rentes 
albergues.  KqyqRENTES  ALBERGUES.  Il 
y  a  des  receveurs  de  f 'épier  }  dont  les  offices 
font  érigés  en  fiefs  relevans  directement  du 
ibuverain  ;  il  y  en  a  d'autres  établis  par  com- 
miffion.  Art.  de  M.  DE  LA  Motte~ 
Con FLANS  ,  avocat  au  parlement. 

EPIERRER ,  verb.  aft.  (  Jardinage.  ) 
C'efl  après  avoir  effondré  un  terrain  ,  paf- 
fer  les  terres  à  la  groffe  claie  pour  en  ôter 
".s  pierres  ,  &  enluite  les  palier  au  râteau 
fm.jK) 

*  EPIEU ,  f.  m.  (  Chaffè.  )  arme  faite 
d'un  long  morceau  de  bois  garni  à  l'une  de 
fes  extrémités  d'un  fer  large  &  pointu  :  le 
bois  s'appelloit  la  hampe.  On  s'en  fervoit 
beaucoup  dans  les  temps  où  l'on  fe  piquoit 
de  faire  la  chaffe  aux  animaux  les  plus  dan- 
jger-eux  &  les  plus  féroces. 


E  P  I 

EPIGASTRE  ,  f.  m.  «T/>a<rp;!',  en  Ana« 
tomie  ,  la  partie  moyenne  de  la  région  épi- 
gaftrique.    Foyq  EPIGASTRIQUE. 

Ce  mot  eft  forme  de  «*»  fur  ,  &  de 
yâçi    ,  l'entre.  (L) 

EPIGASTRIQUE ,  (  Anat.  )  région  épU 
gaftrique  ;  nom  qu'on  donne  à  la  partie  fupé- 
rieure  de  l'abdomen  ,  &  qui  s'écend  depuis 
le  cartilage  xiphoïde  jufqu'auprès  du  nom- 
bril.  Voye\  RÉGlOîsL 

Onladivife  ordinairement  en  deux  par- 
ties ;  les  côtés  ou  la  partie  latérale ,  qu'on 
appelle  hypocondre  ;  &  le  milieu  ,  qu'on 
appelle  épigaftre.  Voye\  ABDOMEN. 

Il  y- a  auîfides  veines  6c  des  artères  epi- 
gaftriques.  Les  artères  font  des  branches 
des  artères  iliaques  externes.  Les  veines  fe 
déchargent  dans  les  veines  iliaques  externes. 
Chambers.  (  L  ) 

EPIGASTRIQUE  (  région  )  ,  Phyfiolog, 
Cette  partie  du  corps  humain  fituée  entre  la 
partie  inférieure  de  la  cavité  de  la  poitrine 
&  l'eflomac  ,  a  été  regardée  par  plufieurs 
auteurs ,  &  entr'autres  par  celui  d'un  ou- 
vrage intitulé  Spécimen  nopœ  Medicinx 
confpeclus  ,  (  à  Paris  ,  chez  Guerin  ,  175 1 ,  ) 
comme  un  point  de  réunion  &  comme  un 
centre  d'où  les  forces  organiques  femblent 
partir  pour  s'y  réunir  de  nouveau. 

C'eït  le  diaphragme  qui  joue  le  princi- 
pal rôle  dans  cette  région.  L'auteur  le  con- 
fidere  comme  un  balancier  >  qui  donne , 
pour  ainii  dire  ,  le  branle  à  tous  lesvifceres  , 
&  dont  l'empire  paroît  s'étendre  à  toutes 
les  parties  du  corps.  Il  leur  communique 
la  force  fenfitive  ;  c'eft-à-dire  la  tenlion  , 
la  mobilité  ,  l'activité  ,  le  ton  qu'excitent 
les  fenfatiens  &  les  affections  de  l'ame. 
Mais  il  a  une  correfpondance  plus  parti- 
culière avec  les  membranes  du  cerveau  ; 
l'auteur  en  allègue  pour  preuve  différentes 
obfèrvations  pratiques  :  il  s'appuie  fur  des 
faits  anatomiques  :  il  cite  en  fa  faveur  une 
remarque  de  M.  Petit ,  qui  mettoit  dans  la 
région  épigaftrique  l'origine  du  nerf  inter- 
coffal  (  mém.  de  Vacad.  des  Scienc.  1727  ;) 
mais  fans  recourir  à  des  expériences  con- 
teftées  ,  il  auroit  pu  aufîi  fe  prévaloir  de  la 
quantité  prodigieufè  de  nerfs  qui  fè  diflri- 
buent  au  diaphragme  ,  enforte  qu'il  com- 
munique par  leur  moyen  avec  tous  les  vif- 
ceres. 


E  P  ï 

D'ailleurs  l'auteur  remarque  avec  raifort , 
qu'on  peut  regarder  cet  organe  comme  le 
vrai  centre  du  fyffême  nerveux  &  aponé- 
v  rôti  que  ;  Ton  tilîu  ,  fa  fituation  ,  fa  mo- 
bilité ?  &n  union  avec  le  péricarde,  fa 
•comrn  unication  fenfible  avec  la  plèvre  & 
le  péritoine  ,  &  par  le  moyen  de  ces  deux 
membranes  qui  enveloppent  tous  les  vifce- 
res  du  tronc  avec  tout  le  genre  aponjyro- 

ef- 


onev  t 


tique  ;  fon  adion ,  principalement 
romac  &  fur  les  inteftins  ,  dont  l'auteur 
croit  qu'il  détermine  le  mouvement  périital- 
tique  ;  enfin  l'étendue  de  ies  productions , 
qu'Albinus  a  pourfuivies  plus  loin  que  per- 
fonne  ,  &  qui  vont  peut-être  beaucoup  au- 
delà;  tout  cela  paroît  confpirer  à  rendre 
cet  organe  propre  à  exercer  une  réciproca- 
tion  avec  toutes  les  parties  ,  &  fur-tout 
avec  le  fyfteme  aponévrotique  ,  qui  enve- 
ioppe  &  pénètre  toutes  les  parties  du  corps. 

L'auteur  ajoute  que  cette  réciprocation 
du  diaphragme  eu  confidérablement  exci- 
tée par  les  différentes  fenfations  que  nous 
font  éprouver  nos  befoins  fuccefïifs  ,  &  par 
l'inquiétude  avec  laquelle  nous  cherchons 
à  y  pourvoir. 

Tous  les  Médecins  favent ,  dit-il  encore , 
que  la  plupart  des  malades  qui  meurent 
d'une  gangrené  dans  quelque  partie  infé- 
rieure au  diaphragme,  fentent  très-dif- 
tindement  &  par  intervalles ,  comme  une 
mafle  qui  monte  peu  à  peu  ;  &:  dès  que  ce 
poids  elî  parvenu  à  la  région  épigaftrique  , 
îe  malade  tombe  dans  une  fyncope  qui  ei\ 
bientôt  fuivie  de  la  mort.  On  peut  trouver 
plufieurs  exemples  des  cas  approchans  dans 
les  anciens  médecins.  Hippocrate  dit  dans 
les  prénotions  de  Cos  y  que  les  plaies  du  dia- 
phragme font  toujours  mortelles.  Les  épi— 
leptiques  fentent  quelquefois  à  l'approche 
de  l'accès  ,  des  vapeurs  qui  s'élèvent  peu 
à  peu  des  extrémités  inférieures  ;  &  ils  per- 
dent connoifïânce  dès  qu'elles  font  arrivées 
à  la  région  du  diaphragme ,  comme  Galien 
l'a  obfervé  ,  de  loc.  affecl  lib.  III. 

Vanhelmont  eft  rempli  d'obfervations 
femblables.  Il  rapporte  dans  fon  traité  du 
jiege  de  Vame  y  qu'un  écolier  &  un  cocher 
étoient  morts  lubirement  d'un  coup  qu'ils 
avoient  reçu  vers  l'orifice  fupérieur  de  l'ef- 
tornac  :  il  obferve  aufîi  que  les  goutteux 
fentent  les   approches  de   l'accès  par  une 


EPI  <fs5 

agitation  qu'ils  éprouvent  dans  cette  par- 
tie ;  il  l'a  vue  quelquefois  li  feniible  ,  qu'on 
;e  pou  voit  y  fouffrir  l'application  de  la 
-nain.  Tout  le  monde  fait  que  le  chagrin , 
ta  trilfefTe  ,  &  même  le  plaifir  &  la  joie  , 
;ont  une  impreilion  fenfible  vers  le  creux 
Je  l'eitomac  ;  Vanhelmont  l'avoit  très-bien 
remarqué  ,  mais  il  fè  trompe  par  rapport 
au  principe  ,  en  ce  qu'il  rapporte  cette 
îenfation ,  ainfi  que  toutes  celles  dont  il 
fait  mention  à  ce  fujet ,  ;\  l'orifice  fupé- 
rieur-de  l'eitomac,  tandis  qu'il  elt  certain 
que  c'efl  la  partie  tendineufe  du  diaphragme 
qui  eft  alors  affedée.  Ceux  qui  feront  cu- 
rieux de  voir  un  plus  grand  détail  fur  cette 
matière  ,  &  un  plus  grand  nombre  d'ob- 
fervations du  genre  de  celles  qui  viennent 
d'être  rapportées  ,  n'auront  qu'à  confulter 
l'ouvrage  même.  Extrait  du  Journal  des 
Sav.  Septembre  zj£i.  (d). 

Réflexions  de  M.  le  Baron  DE  Haller  > 
fur  la  Région  Epigajlrique. 

Nous  voyons  avec  peine  que  l'auteur 
de  l'article  qu'on  vient  de  lire,  ait  donné 
fa  confiance  à  une  hypothefè  qui  l'éloigné 
de  toute  maxime  de  l'évidence.  Il  a  pré- 
féré par-tout  à  la  lumière  de  l'anatomie 
des  inférences  éloignées  ,  qu'il  a  cru  pou- 
voir tirer  de  quelques  obfervations  clini- 
ques ,  &  qui  n'étant  pas  fujettes  aux  fens , 
peuvent  être  expliquées  de  cent  manières 
différentes. 

Le  refped  dû  au  vrai  nous  oblige  dans 
un  ouvrage  qui  doit  parler  à  la  poftérité , 
de  faire  fur  ces  forces  épigafiriques  quel- 
ques obfervations. 

On  parle  de  forces  organiques  ;  terme 
obfcur  ,  qui  ,  réduit  à  être  intelligible  , 
ne  peut  lignifier  que  les  caufes  mouvantes 
du  corps  humain.  Ce  font  les  différentes 
forces  contradives  des  mufcles  ;  la  force 
avec  laquelle  opère  Pefprir  animal ,  &  la 
force  encore  plus  inconnue  de  l'ame. 

L'ame  n'agit  point  par  le  moyen  du 
diaphragme  :  elle  a  bien  certainement  fa 
réiidence  dans  l'encéphale ,  dont  les  com- 
prenions &  les  bleflures  mènent  à  la  fb- 
peur  &  au  délire.  Les  maladies  les  plus 
cruelles  du  diaphragme  n'afFecfent  point 
l'ame  &  ne  caufent  point  de  délire  ;  &  Iç 


6%6  EPI 

ris  fardonique  n'efl  point  un  fymptome 
de  (es  blefiùres.  Nous  n'oublierons  jamais 
h  mort  d'un  médecin  trcs-favant  &  très- 
défmtéreffé  ,  dont  l'extrême  moderne  ëtoit 
l'unique  défaut  :  il  étoit  affecté  d'une  pro- 
fonde mélancolie  ,  fuite  d'une  pallion 
malheureufe  :  il  fut  attaqué  d'une  fièvre 
avec  des  étoufFemens  ;  il  vouloit  mourir  ; 
il  y  réuffit  en  négligeant  tous  les  fecours  ; 
il  ne  perdit  pas  un  moment  fa  tranquil- 
lité &  fa  liberté  d'efprit  :  on  l'ouvrit ,  on 
trouva  un  abcès  très-confidérable  au  dia- 
phragme. 

Les  forces  contradives  font  de  diffé- 
rentes efpcces  ;  mais  les  contractions  len- 
tes du  tiffu  cellulaire  ,  &  les  contractions 
vives  de  la  fibre  mufculaire ,  n'ont  rien 
qui  n'appartienne  en  propre  à  ces  parties 
mêmes.  Ces  forces  exiflent  également  dans 
les  parties  les  plus  éloignées  du  diaphragme , 
&  dans  les  animaux  qui  font  deflitués  de  ce 
roufcle. 

La  force  nerveufe  part  du  cerveau  &  de 
la  moelle  de  l'épine:  le  diaphragme  la  re- 
çoit &  ne  produit  point  de  nerfs.  Il  en  a 
befoin  comme  tout  autre  mufcle  :  il  a  (es 
nerfs  fupérieurs  &  inférieurs  ;  mais  on  ne 
peut  pas  dire  qu'il  en  ait  une  proportion 
fupérieure  :  l'œil  &  la  langue  en  ont  bien 
davantage.  Les  expériences  du  nerf  phré- 
nique  (  voye\cf-*devant  DIAPHRAGME  ,) 
prouvent  évidemment  que  ce  neri  régit  le 
diaphragme  ;  qu'il  lui  donne  le  mouve- 
ment, &  qu'il  le  lui  ôte  quand  il  efl  com- 
primé lui  -  même.  Le  diaphragme  immo- 
bile eft  livré  à  la  mort  ;  l'irritation  du  nerf 
le  rappelle  à  la  vie.  Mais  aucune  expé- 
rience ne  donne  le  moindre  foupçon  d'une 
adion  que  le  diaphragme  exerceroit  fur  les 
nerfs. 

C'efl  abufer  certainement  de  la  facilité 
du  public  ,  que  de  citer  ici  l'excellent 
homme  M.  Périt ,  le  père.  Cet  anatomiile 
a  cru  que  le  nerf  intercoflal  naît  dans  la 
moelle  de  l'épine  ,  &  va  fe  joindre  au  nerf 
de  la  fixieme  paire;  il  n'a  .jamais  penfé  à 
le  tirer  du  diaphragme ,  ni-  de  l'épigaflre.  en 
particulier. 

Le  diaphragme  n'a  aucune  liaifbn  avec 
les  méninges  :  il  ne  produit  pas  le  mouve- 
ment périflaltique ,  qui  fubfiile  fans  lui , 
qu\  réfide  évidemment,  dans  les  inteilins 


E  P  I 

eux-mêmes ,  &:  qui  continue  avec  viva- 
cité dans  les  inteilins  arrachés  du  corps  de 
l'animal.  Si  le  diaphragme  étoit  la  caufe 
du  mouvement  périflaltique  ,  ce  mouve-- 
ment  dépendront  de  la  volonté  ;  mais  c'efl 
en  vain  qu'un  homme  conflipé  fait  jouer 
fbn  diaphragme  ;  (es  infpirations  les  plus 
fortes  ne  produifent  rien  ,  de?  que  le  redum 
n'agit  pas  lui-même ,  ou  que  la  veffie  efl. 
paralytique. 

Aucun  fyflême  aponévrotique  ne  pénè- 
tre toutes  les  parties  du  corps  animal.  L'au- 
teur de  l'hypothefe  abufe  d'un  terme  qui  ne 
convient  point  au  tiffu  cellulaire  ,  auquel 
il  l'applique. 

Les  plaies  du  diaphragme  ne  font  point- 
mortelles  :  les  fartes  de  fanatomie  font 
remplis  d'exemples,  où  des  inteilins  &  l'el-- 
tomac  font  remontés  par  une  bleffure  du 
diaphragme  dans  la  cavité  de  la  poitrine  , 
où  la  plaie  s'efl  cicatrifée  ,  &  où  long- 
temps après ,  la  diiîedion  a  découvert  cet 
déplacement. 

L'épilepfie  remonte ,  mais  elle   ne  fait, 
tomber  que  loriqu'elle  affede  la  tête. 

L'eflomac  a  effectivement  des  nerfs  très-, 
nombreux;  il  eff  d'une  fenfibUité  exquife. 
On  produit  un  fentiment  très-particulier , 
en  grattant  la  peau  à.  l'endroit  qui  répond, 
à  l'eflomac  ;  mais  cç[tc,  partie  efl  très-dif*.. 
tinde  du  diaphragme. 

Nous  voyons  avec  peine  les  médecins 
abandonner  l'évidence  que  leur  offrent  les 
fens.,  pour  s'égarer  dans  des  théories  ,  qui 
ne  font:  fondées  que  fur  des  probabilités, 

(H.n.G.) 

EPIGENEME,  f.  m.  {Médecine.)  ce 
terme  efl  tiré  d'«~*>ï/i  <>.'>«.' ,  fupen-enio  ,  'û 
fignifie  un  fymptome,  qui,  dans.une  ma-- 
ladie  avancée  dans  fon  cours,  furvient  & 
fe  joint  aux  fymptomes  qui  étoient    déjà 
établis;  c'efl  la  même  chofe  qu' e'pip  h  e'no-- 
mêne.  Voye\  EPIFHENOMENE.  (d) 
^  EPIGEONNER  ,  v.  ad.  {Maçonnerie.) 
c'efl  employer  le  plâtre  un  peu  ferré  ,  fans 
le  plaquer  ni  le  jeter,  mais   en  le  levant 
doucement  avec,  là  main  &ç  la  truelle  par 
pigeons  ,-  c'efl-à-dire  par  poignées  ,  comme 
lorfqu'on  fait- les  tuyaux  &   languettes  de 
cheminée  qui  font  de  plâtre  pur. 

*EPIGIES,  f.  m.  pi.  (Mythol.)  ou 
nymphes  de  la  terre..  Il  y  avoit  aufll  les 


EPI 

nymphes  uranies  ou  du  ciel.  Epîgle  efl 
formé  de  <ttsn  ,  fur  ,  &  >« ,  terre. 

EPIGLOTTE,  f.  f.  kTriyhorTti  ,  en 
Anatomie  y  la  couverture  ou  le  couvercle 
du  laryns.   Voye\  LARYNX. 

Ce  mot  efl  formé  de  l-sri  ,/tfr  }  &  yKorira, 
ou  bien  yKorja.  ,  langue. 

L'epiglotte  eft  un  cartilage  mince  ,  mo- 
bile ,  de  la  forme  d'une  feuille  de  lierre  ou 
d'une  petite  langue ,  &  qu'on  appelle  en 
conféquence  lingula. 

Il  fert  à  couvrir  la  fente  du  larynx  ,  qu'on 
appelle  glotte.   Voye\  GLOTTE  &  VOIX. 

Galien  croit  que  Yepiglotte  efl:  le  princi- 
pal organe  de  la  voix,  &  qu'elle  fert  à  la 
varier  ,  à  la  moduler  ,  &  à  la  rendre  har- 
monieufe.  Sa  bafe  qui  efl:  afTez  large  ,  efl: 
fituée  dans  la  partie  fupérieure  du  cartilage 
fcutiforme,  &  fa  partie  large  &  mince  eft 
tournée  vers  le  palais  ;  elle  ne  fe  ferme 
que  par  la  pefanteur  des  morceaux  qu'on 
avale ,  mais  ce  n'efl  pas  fi  exactement  que 
quelque  goutte  de  la  boiflbn  ne  fe  four- 
voie quelquefois  ,  &  n'entre  dans  la  tra- 
chée-artere.  Voy.  TRACHÉE  ,  LARYNX, 

Voix.  (L) 

Ce  cartilage  ,  quoiqu'ataché  au  larynx  , 
n'a  rien  de  commun  avec  la  voix  :  il  n'eft 
prépofé  qu'à  la  déglutition,  &  pour  empê- 
cher l'entrée  des  alimens  dans  la  trachée. 
Aufli ,  les  oifeaux ,  feuls  chantres  de  la  na- 
ture, font-ils  deftitués  de  cette  partie,  qui 
eft  propre  aux  quadrupèdes  à  fang  chaud  , 
même  à  ceux  de  la  claife  cetacée. 

Le  cartilage  thyroïde  ,  ou  le  bouclier  , 
fait  en-devant  un  angle  plan  ,  dont  la  par- 
tie fupérieure  a  une  échancrure  au  milieu 
des  deux  plans  quarrés  du  cartilage.  C'eit 
de  la  face  cave  de  cet  angle  ,  un  peu  au- 
defïbus  de  l'échancrure  ,  que  s'élève  un  li- 
gament robufle  ,  qui  foutient  le  pié  carti- 
lagineux de  Yepiglotte  ,  étroit ,  applati ,  & 
filloné  de  trois  lignes  tranfverfales. 

Ce  pié  foutient  lui-même  un  cartilage 
mince,  fait  en  cuiller  ,  qui  monte  perpen- 
diculairement derrière  la  luette  &  la  lan- 
gue ,  qui  efl:  concave  du  côté  de  la  lan- 
gue, &  convexe  contre  le  larynx  :  fa  pointe 
cependant  fe  recourbe  le  plus  fouvent 
en-devant  :  la  figure  en  efl  ovale ,  c'efî 
Yepiglotte. 

Elle  efl  toute  criblée  de  trous  :  le  pié 


EPI  6g7 

même  en  efî  percé ,  auffi-bien  que  la  partie 
la  plus  voifine.  Il  y  a  même  dans  toute  IV- 
piglotte  des  trous  &  des  fentes  pénétrantes , 
irrégulieres  ,  remplies  de  caroncules  rou- 
ges ,  qui  pénètrent  de  la  face  convexe  à  la 
face  concave. 

L'epi  glotte  ,  n'étant  appuyée  que  fur  un 
ligament ,  efl  extrêmement  mobile ,  &  s'in- 
cline naturellement  contre  le  larynx ,  quand 
celui-ci  s'élève;  c'efl par-là  qu'elle  fe  met  à 
même  découvrir  l'entrée  de  la  trachée  dans 
la  déglutition.  Elle  fe  redreflé  d'elle-même. 
Quelques  fibres  du  thyroarithénoïdiea 
s'élèvent  jufqu'à  Yepiglotte  ,  &  peuvent 
concourir  à  l'abaiflèr. 

Il  y  en  a  d'autres ,  en  petit  nombre  ,  qui 
naifîent  de  la  face  poftérieure  de  l'échan- 
crure du  cartilage  thyroïde  ,  &  qui  dépri- 
ment également  Yepiglotte. 

D'autres  beaucoup  plus  fenfibles  dans 
les  animaux ,  &  à  peine  reconnoi fiables 
dans  l'homme  ,  viennent  de  la  langue  ,  & 
fe  rendent  au  milieu  du  dos  de  Yepiglotte  , 
&  fervent  à  l'éloigner  de  l'entrée  du  larynx  , 
&  à  ouvrir  la  trachée  ,  comme  dans  l'ex- 
crétion d'un  phlegme  un  peu  volumi- 
neux. 

Un  grand  nombre  de  glandes  afTez  du- 
res ,  font  placées  fur  la  convexité  dcYepi- 
glotte.  Ces  glandes  remplirent  de  leurs 
queues  les  différentes  fêlures  de  Yepiglotte  , 
&  reparoiiîènt  dans  la  partie  concave 
qu'elles  arrofent.  Elles  nous  paroifîênt  plu- 
tôt un  amas  de  glandes  ,  qu'une  glande 
unique.  (  H.  D.  G.  ) 

*  EPIGONES ,  f.  m.  pi.  (  Myth.  )  c'efl 
ainfi  qu'on  appelle  les  enfans  de  fèpt  capi- 
taines qui  afliégerent  en  vain  la  ville  de 
Thebes.  Les  épigones  y  dix  ans  après  l'ex- 
pédition malheureufe  de  leurs  pères ,  mar- 
chèrent contre  Thebes  fous  la  conduite 
d'Alcméon  ,  vengèrent  la  mort  de  leurs 
parens  &  la  honte  de  la  première  expédi- 
tion ;  prirent  Thebes  ;  firent  un  butin 
confidérable  ,  &  emmenèrent  l'aveugle 
Tiréfias  avec  fa  fille  Manto  ,  à  qui  ils 
confièrent  l'adminifiration  du  temple  de 
Delphes. 
EPlGQNIUM,{Mufiq.inftr.des  anc.) 
Mufonius  nous  apprend  que  Pinflrument 
appelle  epigonium  avoit  quarante  cordes  ; 
&  d'accord  avec  Athénée ,  il  en  attribua 


688  EPI 

l'invention  àEpigonus  d'Ambracîe,  grand 
muficien  ,  &  qui  le  premier  toucha  des  inf- 
trumens  a  cordes  fans  pleclrum.  Lamufique 
a  de  grandes  obligations  a  cet  Epigonus  ; 
car  ,  au  rapport  d'Athénée  ,  il  imagina  le 
premier  d'unir  le  chant  des  flûtes  à  celui  des 
cithares;  &  ôta,  par  ce  moyen,  ce  qu'il  y 
avoit  de  dur  &  d'inflexible  dans  le  chant 
des  cithares  feules.  Il  inventa  le  genre  chro- 
matique ;  le  premier  il  mit  en  vogue  les 
inflrumens  appelles-  jambique  ,  magade  & 
fyrigmon  ;  enfin  il  fut  l'auteur  des  chœurs. 
(F.  D.  C.) 

ÉPIGRAMME  ,  f.  f.  {Belles-Lettres.) 
petit  poëme  ou  pièce  de  vers  courte  ,  qui 
n'a  qu'un  objet ,  &  qui  finit  par  quelque 
penfée  vive  ,  ingénieufe  ,  &:  {aillante. 

D'autres  définiffent  Yépigramme  une  pen- 
fée intéreifante  ,  préfentée  heureufement  & 
en  peu  de  mots  ;  ce  qui  comprend  les  divers 
genres  d'e'pigrammes  ,  telles  que  les  anciens 
les  ont  traitées  „  &  telles  qu'elles  ont  été  con- 
nues par  les  latins  &  par  les  modernes. 

Les  e'pigrammes  ,  dans  leur  origine  , 
étoient  la  même  choie  que  ce  que  nous  ap- 
pelions aujourd'hui  infcriptions.On  les  gra- 
voit  fur  les  frontifpices  des  temples,  des 
arcs  de  triomphe  ,  fur  les  piédeflaux  des 
fiâmes  ,  les  tom'eaux  ,  &  les  autres  monu- 
mens  publics.  Elles  fe-rédùifoient-  quelque- 
fois au  monogramme  :.  on  leur  donna  peu- 
à  peu  plus  d'étendue  ;  on  les  tourna  en  vers 
pour  les  rendre  plus  faciles  à  être  retenues 
par  mémoire.  Hérodote  &  d'autres  nous  en 
ont    confervé  plufieurs. 

On  s'en  fèrvit  depuis  à  raconter  briève- 
ment quelque  fait ,  ou  à  peindre  le  carac- 
tère des  perionnes  ;  &  quoiqu'elles  enflent 
changé  d'objet ,  elles  conferverent  le  même 
nom. 

Les  Grecs  les  renfermoient  ordinairement 
dans  de  s  bornes  afiez  étroites  ;  car  quoique 
l'Anthologie  en  renferme  quelques-unes 
affez  longues,  elles  ne  paflént  pas  commu- 
nément fix  eu  au  plus  huit  vers.  Les  Latins 
n'ont  pas  été  li  Scrupuleux  à  obferver  ces 
bornes  ,  &  l^s  modernes  fe  font  donné  en- 
core plus  de  licence.  On  peut  pourtant  dire 
en  général  que  Ye'pisramme  n'étant  qu'une 
feule  penfée  ,  il  efl  difficile  qu'elle  commu- 
nique ce  qu'elle  a  de  piquant  à  un  grand 
nombre  de  vers. 


E  P  I 

M.  le  Brun  ,  dans  la  préface  qu'il  a  rnife 
à  la  rête  de  fes  épigrammes ,  définit  Yépi- 
gramme un  petit  poëme  fufceptible  de  tou- 
tes fortes  de  fujets  ,  qui  doit  finir  par  une 
penfée  vive  ,  jufle  ,  &  inattendue  ;  ces  trois 
qualités  ,  félon  lui ,  font  effentielles  à  i'e pi- 
gramme  y  mais  fur-tout  la  brièveté  &  le  bon 
mot.  Pour  être  courte  ,  Yépigramme  ne 
doit  fe  propofer qu'un  feul  objet,  &  le  trai- 
ter dans  les  termes  les  plus  concis  ;  c'étoit. 
le  fentiment  de  M.  Defpreaux  : 

Z'épigramme  plus  libre  s  en  fon  tour 
plus  borne  , 

N'eft  fouvent  qu'un  bon  mot  de  deux- 
rimes  orne'.. 

On  efl:  divifé  fur  l'étendue  qu'on  peut" 
donner  X  Ye'pigramme  ;  quelques-uns  la 
fixent  depuis  deux  jufqu'à  vingt  vers  , 
quoique  les  anciens  &  les  modernes  en 
fourniflenr  qui  vont  bien  au  delà  de  ce  der- 
nier nombre  ;  mais  on  convient  que  les 
plus  courtes  font  louvent  les  meilleures  & 
les  plus  parfaites.  Les  fentimens  font  aufii 
partagés  fur  la  penfée  qui  doit  terminer  Yé- 
pigramme ,*  les  uns  veulent  qu'elle  ioit  lail- 
lante ,  inattendue  comme  dans  celle  de- 
Martial  ,  tout  le  refte ,  difent-ils  ,  n'étant 
que  préparatoire  ;  d'autres  prétendent  que 
les  penfées  doivent  être  répandues  &  fe 
foutenir  dans  toute  Ye'pigramme  ,  &  c'eft 
la  manière  de  Catulle  ;  d'autres  enfin 
adoptent  également  ces  deux  genres. 

Si  l'on  confulte  l'Anthologie ,  les  épigram- 
mes greques  ne  nous  offriront  guère  de  ce 
qu'on  appelle  bons  mots  ;  elles  ont  feule- 
ment un  certain  air  d'ingénuité  &  de  {im- 
plicite accompagné  de  vérité  &  de  jufleflè, 
tel  que  feroït  le  difeours  d'un  homme  de 
bon  fens  ou  d'un  enfant  qui  auroit  de  l'es- 
prit- Elles  n'ont  point  le  fel  piquant  de  Mar- 
tial ,  mais  une  certaine  douceur  qui  plait  au 
bon  goût  ;ce  qui  n'a  pas  empêché  qu'on  ne 
donnât  le  nom  iïépigramme greque  à  toute 
épigrarr.me  fade  ou  infipide  :  mais  nous  ne 
fbmmes  pas  dans  le  point  de  vue  convena- 
ble pour  juger  du  véritable  mérite  des  épi- 
grammes  de  l'Anthologie  ;  il  faut  fi  peu  de 
cFofe  pour  défigurer  un  bon  mot ,  en  con- 
noît-on  toute  la  fineffe ,  les  rapports  ,  &c. 
à  200.0  ans  d'intervalle  ? 

Selon 


EPÎ 

Selon  quelques  modernes,  c'efr  le  bon 
mot  qui  caradérife  Yépigrammey  &  qui  la 
diflingue  du  madrigal.  Le  P.  Mourgues  dir 
que  c'en1  par  le  nombre  des  vers  &  par  le 
bon  mot ,  que  ces  deux  efpeces  de  petits 
poèmes  font  diflingués  entr'eux  dans  la  vér- 
ification moderne  ;  que  dans  Yépigramme 
le  nombre  des  vers  ne  doit  être  ni  au  deffus 
de  huit  ni  au  deflous  defix  ,  mais  rien  n'efl 
moins  fondé  que  cette  règle;  ce  qu'il  ajoute 
efl  plus  vrai ,  que  la  fin  àeVépigramme  doit 
avoir  quelque  chofe  de  plus  vif  &  de  plus 
recherché  que  la  penfée  qui  termine  le  ma- 
drigal. Voyei   Madrigal. 

Uépigramme  eïi  encore  regardée  comme 
le  dernier  &  le  moins  confidérable  de  tous 
les  ouvrages  de  poéfie  ;  &  quelqu'un  qui 
n'y  réuffiifoit  apparemment  pas  ,  dit  que  les 
bonnes  épigrammes  font  plutôt  un  coup  de 
bonheur  qu'un  effet  du  génie.  Le  P.  Bou- 
hours  a  prétendu  qu'elles  tiroient  leur  prin- 
cipal mérite  de  l'équivoque.  Mais  confidé- 
rer  Yépigramme  par  Ces  rapports ,  c'efl  faire 
le  procès  à  Ces  défauts  fans  rendre  jufhce 
aux  beautés  réelles  qu'elle  peut  renfermer, 
&  l'on  en  pourroit  citer  un  grand  nombre 
de  ce  genre  tant  anciennes   que  modernes. 

Selon  quelques  autres  une  des  plus  gran- 
des beautés  de  l'épigramme,  eu  de  lai  (Ter  au 
lecteur  quelque  chofe  à  fuppléer  ou  à  devi- 
ner ,  parce  que  rien  ne  plaît  tant  à  l'efprit 
que  de  trouver  dequoi  s'exercer  dans  les 
chofès  qu'on  lui  préfênte.  Mais  d'un  autre 
côté  on  demande  pour  le  moins  avec  autant 
de  fondement ,  fi  une  épigramme  peut  être 
louche  ,  &  fi  c'eft  la  même  chofe  qu'une 
énigme. 

La  matière  de  Y  épigramme  eu  d'une  gran- 
de étendue  ;  elle  exprime  ce  qu'il  y  a  de  plus 
grand  &  de  plus  noble  dans  tous  les  genres, 
elle  s'abaiffe  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  petit,  elle 
loue  la  vertu  &  cenfure  le  vice  ,  peint  & 
Ironde  les  ridicules.  Il  femble  pourtant 
qu'elle  fe  trouve  imeux  dans  les  genres  fim- 
ples  ou  médiocres  que  dans  le  genre  élevé, 
parce  que  fon  caractère  eu  la  liberté  & 
ï'ailance. 

Comme  Y  épigramme  ne  roule  que  fur  une 
penfée  ,  il  feroit  ridicule  d'y  multiplier  les 
vers  ;  elle  doit  avoir  une  forte  d'unité 
comme  le  drame  ,  c'eft-à-dire  ne  tendre 
qu'à  une  penfée  principale,  de  même  que  le 
Tome  XII. 


EPI 


6$9 


drame  ne  doit  embraffer  qu'une  action. 
Néanmoins  elle  anéceflaircmentdeux  par- 
ties ;  l'une  qui  eu  l'expolition  du  fujet  ,  de 
la  chofe  qui  a  produ't  ou  occafioné  la  pen- 
fée ;  &  l'autre  ,  qui  efl  la  penfée  même  ou 
ce  qu'on  appelle  le  bon  mot.  L'expofition 
doit  être  fimple,  aifée ,  claire  ,  libre  par 
elle-même  &  par  la  manière  dont  elle  efl 
tournée. 

Sans  parler  delà  malignité  &  de  l'obfcé- 
nité  ,  que  la  raifon  feule  réprouve  ,  les  dé- 
fauts qu'on  doit  éviter  dans  Y  épigramme  , 
font  la  fauffeté  des  peniées  ,  les  équivoques 
tirées  de  trop  loin,  les  hyperboles,  les  pen- 
fées  baffes  &  triviales.   (G) 

Une  des  meilleures  épigrammes  moder- 
nes ,  efl  celle  de  M.  Piron  contre  L'abbé 
Desfontaines  de  notre  fiecle  ;  puiffe-t-elle 
fervir  de  leçon  à  Ces  femblables  !  Une  anec- 
dote très-plaifante  à  ce  fujet ,  c'eft  que  M. 
Piron  l'a  fait  écrire  en  fa  préfence  par  le 
Zoïle  même  :  la  voici ,  elle  eil  à  deux 
tranchans. 

C  et  écrivain  fi  fécond  en  libelles  , 
Croit  que  fa  plume  efl  la  lance  d'Argail; 
Sur  le  Panarffe  entre  les  neuf  Pucelles 
Il  s' efl  placé  comme  un  épouvantail  ; 
Que  fait  le  bouc  enji  joli  bercail  ? 
xplairoit-t-il  ?  chercherait— il  à  plaire? 
Non,  c' efl  V eunuque  au  milieu  duferrail  : 
//  n  yy  fait  rien  }  &  nuit  à  qui  peut  faire. 

*  ÉPIGRAPHE,  f.  m.(Hift.  anc.)  On 
appelloit  ainfi  dans  Athènes,  des  efpeces  de 
commis  qui  tenoient  les  regifîres  des  im- 
pôts ,  ou  des  livres  où  chaque  citoyen  pou- 
voit  s'inflruire  de  ce  qu'il  devoir  à  l'état , 
félon  l'efrimation  de  Ces  facultés. 

EPIGRAPHE,  f.f.  (Belles-Lettres.)  c'efr. 
un  mot ,  une  lentence,  foit  en  profe  ,  foit  en 
vers  ,  tirée  ordinairement  de  quelque  écri- 
vain connu  ,  &  que  les  auteurs  mettent  au 
frontifpice  de  leurs  ouvrages  pour  en  an- 
noncer le  but  :  ces  épigraphes  font  devenues 
fort  à  la  mode  depuis  quelques  années.  M. 
de  Voltaire  a  mis  celle-ci.  à  la  tête  de  Ca 
Mérope  ,  d'où  il  a  banni  la  paillon  de 
l'amour  : 

Hoc  legitey  aufleri  >  crimen  amoris  abefl. 

Les  épigraphes  ne  font  pas  toujours  jufles ; , 

S  s  s  s 


C9o  EPI] 

&  promettent  quelquefois  plus  que  l'auteur 
ne  donne.  On  ne  court  jamais  de  rifque  à 
en  choifir  de  modeftes.  (G) 

Epigraphe ,  f.  f.  (Ans.)  nom  quePon 
donne  à  toutes  les  infcriptions  qu'on  met 
furies  bâtimens  ,  pour  en  faire  connoître 
l'ufage  ,  ou  pour  marquer  le  temps  &  le 
nom  de  ceux  qui  les  ont  fait  élever.  Ces 
infcriptions  fe  gravent  le  plusfouvent  en 
anglet ,  fur  la  pierre  &  fur  le  marbre.  Les 
anciens  fefervoient  de  caractères  de  bronze 
pour  celles  des  arcs  de  triomphe  &  des  tem- 
ples ,  &  ils  en  couloient  les  crampons  en 
plomb.  Le  mot  épigraphe  n'eft  guère  ufifé 
encefens  ;  on  fe  lert  du  mot  infcription. 
Voye\  Inscription. 

On  nomme  encore  épigraphe  ,  toute  inf- 
cription qu'on  grave  au  haut  ou  au  bas  d'une 
eftampe  pour  en  indiquer  l'efprit  &  le  ca- 
radere.  L'abbé  de  Choify  ,  connu  par  lbn 
ambaffade  de  Siam  ,  par  la  vie  de  quelques- 
uns  de  nos  rois,  &  par  des  ouvrages  de 
piété,  dédia  fa  traduction  de  l'imitation 
de  Jefus-Chrift  à  madame  de  Maintenon  , 
&  fit  graver  pour  épigraphe  au  bas  de  la 
taille-douce  qui  repréfente  cette  dame  à 
genoux  au  pie  du  crucifix  , les  t  il  &  12. 
du  Pf.  xljv.  fuivant  la  vulgate  ,.&  xlv.  fé- 
lon l'Hébreu  :  audi>  fi.Ha ,  &  inclina  aurem 
tuam,  €?  oblivifcert  domum  patris  tui  ;  & 
concupifcet  rex  décore  m  cuum.  On  dit  qu'on 
retrancha  cette  épigraphe  dans  la  féconde 
édition  ;  mais  elle  exifte  dans  la  première  , 
&  c'eft  pour  cette  raifon  qu'on  la  recherchoit 
très-curieufèment  du  temps  de  Louis  XIV. 
Voye\  M.  Dupin,  bib.  des  aut.  eccléf.  du 
xvi j.  fiecle  y  com.  VII.  &  Amelot  de  la. 
Houfîàye ,  tome  II. 

Ilferoità  fbuhaiter  ,  comme  M.  l'abbé 
Dubos  l'a fort  bien  remarqué,  que  les  Pein- 
tres qui  ont  un  fi  grand  intérêt  à  nous  taire 
connoître  les  perfonnages  dont  ils  veulent 
fe  fervir  pour  nous  toucher,  accompagnai 
-fent  toujours  leurs  tableaux  d'hiftoire  d'une 
courte  épigraphe.  Le  fens  à'es  peintres  go- 
thiques, tout  groffier  qu'il  étoit,  leur  a  fait 
connoître  l'utilité  des  épigraphes  pour  l'in- 
telligence du  fujet  des  tableaux.  Il  eft  vrai 
qu'ils  ont  fait  un  ufage  auffi  barbare  de 
cette  connoifîànce  ,  que  de  leurs  pinceaux. 
Ils  faifoient  fortir  de  la  bouche  de  leurs  fi- 
gures, par  une  précaution  bizarre,  des  rou- 


E  PI 

îeaux  fur  lefquels  ils  écrivoient  ce  qu'ils 
prétendoient  faire  dire  a  ces  figures  indolen- 
tes; c'étoit-là  véritablement  faire  parler  ces 
figures. 

Lçs  rouleaux  gothiques  fe  font  anéantis 
avec  le  goût  gothique  :  à  la  bonne  heure  ; 
mais  en  corrigeant  la  manière  on  peut  en 
retenir  l'idée  ,  &  dans  certaines  occafions 
on  ne  fauroit  s'en  parler;  auffi  les  plus  grands 
maîtres  ont  jugé  quelquefois  une  épigraphe 
de  deux  ou  trois  mots  néceflaire  à  l'intelli- 
gence du  fujet  de  leurs  ouvrages,  &  en  con- 
fcquence  ils  n'ont  pas  fait  fcrupule  de  les. 
écrire  dans  un  endroit  du  plan  de  leurs  ta- 
,  bleaux  où  ils  ne  gatoient  rien.  Raphaël  &  les 
Carrache  en  ont  ufé  ainli  ;  &  M.  Antoine 
Coypel  a  placé  de  même  des  bouts  de  vers, 
de  Virgile  dans  la  galerie  du  palais  royal  ,. 
pour  aider  à  l'intelligence  de  les  iujets  qu'il 
avoit  tirés  de  l'Enéide. 

Enfin  tous  les  peintres  dont  on  grave  les 
ouvrages  ont  fenti  l'utilité  de  ces  épigraphes^ 
&  ils  en  metteiiTau  bas  des  eiïampes^qui  le. 
font  d'après  leurs  tableaux.  Cm  peut  donc 
ruivre  :e  même  ufage  pour  les  tableaux, 
mêir:  ;  caries  trois  q  arts  des  fpectateurs,, 
qui  font  d'ailleurs  très-capables  de  rendre 
julHce  à  l'ouvrage  ,  ne  font  point  aflez  let- 
t;  pir  deviner  le  fujet  d'une  eftampe  ni, 
d'un  tableau  :  ces  fujets  font  fouvent  pour 
le  ipeclateursune  belle  perfonne  qui  plaît, 
nais  qui  parle  une  langue  qu'ils  n'enten- 
dent  point  :  on  s'ennuie  bientôt  de  la  re^ 
garder,  parce  que  la  durée  des  plaifirs  où. 
l'efprit  ne  prend  point  de  part  eft  bien 
courre.  DE  J au  court. 

*  EPILANCE  ,  f.  f.  (Fauconnerie.)  ef- 
pece  d'épilepfie  à  laquelle  les  oifeaux  font, 
fujets.  Quand  ils  en  font  attaqués  ,  ils  tom- 
bent fubitement  du  poing  ou  de  la  perche; 
ils  reftent  quelque  temps  comme  morts  ;  ils 
ont  les  yeux  clos ,  les  paupières  enflées  , 
l'haleine  puante,  &  s'efforcent  d'émeutir.. 
Ces  accès  les  prennent  deux  fois  par  jour  : 
on  prétend  que  cette  maladie  eft  conta-- 
gieufe. 

EPILENE,   chanfon  des  vendangeurs  ,, 
laquelle  étoit  accompagnée    de  la    flûte. 
Voye\  ATENÉE  ,  liv.    V.  (S) 

**  EPILENIE ,  f.  f.  (Hifi.  anc.)  danf* 
{  pantomime  des  Grecs,  dans  laquelle  ils  imi- 
[  toientee  qui  fepalTe  dans  la  foule  des.raiiins* 


E  P  I 

EPILEPSIE  f.  f.  {Médecine)  cftune 
efpece  de  maladie  convulfive  qui  affede 
toutes  les  parties  du  corps,  ou  quelques- 
-unes en  particulier ,  par  accès  périodiques 
ou  irréguliers  ,  pendant  lefquels  le  malade 
éprouve  la  privation  ou  une  diminution  no- 
table de  l'exercice  de  tous  Tes  fens  &  des 
mouvemens  volontaires. 

Le  mot  épilepfiey  êV/Aw-J,'*  %*n*\tt  , 
vient  du  grec  ttiKAnChtàtu  ,  qui  fignifie 
furp rendre  y  à  caufe  que  ce  mal  faifit  tout- 
à-coup  ceux  qui  y  font  fiijets  :  les  Latins 
ont  appelle  cette  maladie  comitialis  morbus  y 
parce  que  les  Romains  rompoienr  leurs  af- 
femblées  ,  lorfqu'il  arrivoit  que  quelqu'un 
y  étoit  attaqué  â,e'pilepjie  ;  ce  qu'ils  regar- 
doient  comme  de  mauvais  augure.  D'au- 
tres l'ont  nommée  morbus  face r  y  foit  parce 
qu'ils  la  regardoient  comme  une  punition 
du  ciel ,  Toit  parce  que  le  fiege  de  la  caufe 
paroît  être  dans  la  tête ,  qu'ils  regardoient 
comme  la  partie  facrée  du  corps  ,facrapal- 
ladis  arx  ;  foit  parce  que  les  perfonnes  qui 
fontf urprifes  par  un  accès  iïèpilepjie  le  font 
fi  fubitement ,  qu'elles  femblent  frappées  de 
la  foudre.  On  lui  a  encore  donné  le  nom 
de  morbus  hercule  us  y  o\\  parce  qu'Hercule 
étoit  fujet  à  cette  maladie  ,  ou  parce  qu'elle 
femble  réfifter  avec  beaucoup  de  force  à 
celle  des  remèdes ,  qui  ne  peuvent  que  très- 
difficilement  en  furmonter  la  caufe  &  la 
détruire.  L'on  donne  auflî  communément 
à  Yépilepjie  le  nom  de  morbus  caducus  ,  mal 
caduc  y  a  cadendo  y  &  celui  de  haut-mal , 
parce  que  les  malades  ne  peuvent  s'empê- 
cheç  ordinairement  de  tomber  de  leur  haut, 
s'ils  font  debout;  lorfque  l'accès  les  furprend  ; 
celui  de  fonticus  }  parce  que  cette  maladie 
nuit  beaucoup  à  j'économie  animale  :  on 
trouve  encore  dans  plufieurs  auteurs  cette 
maladie  défignée  fous  le  nom  de  morbus 
puerilis  ,  vo^tï.uat  tzcuïiw  ,  félon  Hippocrate, 
parce  que  les  enfans  font  très-fufceptibles 
d'être  attaqués  de  cette  maladie. 

Uepilepjîe  admet  plulieurs  différences , 
ou  par  les  divers  accidens  qu'elle  produit, 
ou  par  les  différens  lièges  de  fa  caufe  :  celles- 
là  confident  en  ce  que  la  maladie  peut  être 
plus  ou  moins  violente  ,  récente  ou  invété- 
rée ,  &c.  celles-ci  font  plus  importantes  à 
établir  ;  elles  confident  en  ce  que  la  mala- 
die peut  être  idiopathiquc  ,  c'eft-à-dire  que 


la  caufe  réfide  dans  la  tête  &  affecte  le  cer- 
veau immédiatement  ;  ou  fympathique  , 
dont  la  caufe  exifte  dans  toute  autre  par- 
tic  que  le  cerveau  ,  &  ne  l'affeôe  que  par 
communication  ,  comme  dans  l'eftomac  , 
la  matrice  ,  ou  dans  toute  autre  partie  du 
corps. 

Les  fymptomes  de  cette  maladie  font  fi 
variés ,  fi  extraordinaires  &  fi  terribles  , 
qu'on  a  cru  anciennement  ne  pouvoir  les 
attribuer  qu'à  des  caufes  furnaturelles  , 
comme  au  pouvoir  des  dieux  ,  des  dé- 
mons ,  aux  enchantemens ,  ou  à  l'influence 
des  aftres  ,  comme  à  celle  de  la  lune ,  &"c. 

Cependant  toutes  ces  variétés  ne  dépen- 
dent que  des  différens  mouvemens  des  par- 
ties qui  en  font  fulceptibles  ,  par  conféquent 
des  mulcles  :  elles  confident  principale- 
ment ,  ces  variétés  ,  dans  les  différentes  con- 
tractions mufculaires  :  celles-ci  ne  peuvent 
être  excitées  que  par  la  différente  diftribu- 
tion  ,  le  cours  involontaire ,  irrégulier  du 
fluide  nerveux  dans  les  organes  du  mouve- 
ment ,  pendant  qu'il  eft  empêché  de  fe  por- 
ter aux  organes  du  fentiment  ;  &  par  ce  qui 
peut  produire  ces  efïèts. 

Les  caufes  en  font  très-nombreufes  ,  tel- 
les i°.  que  les  léfions  du  cerveau  dans  fes 
enveloppes ,    fa  furface ,  fa  fubftance  ,  (es 
cavités  ,  par  commotion ,  contufion ,  blef- 
fure  ,  par  abcès  ,  effufion  ou  épanchement 
de  fang  ,  de  fanie  ,  de  pus  ,   d'ichorofité  , 
de  lymphe  acrimonieufe  ,  par  quelque  ex- 
croilîance  offeufe  de  la  furface  interne  du 
crâne  ,    par  enfoncement  de  quelques-unes 
de  fes  parties ,  par  quelque  fragment  ou  quel- 
que efquille  d'os,  ou  quelque  corps  dur  étran-» 
ger  qui  blefïè  les  méninges  ou  la  fubftance 
de  ce  vifcere  ;  par  un  amas  de  globules  mer- 
curiels  qui  foient  portés  ,   par  quelque  voie 
que  ce  foit ,  dans  fes  vaiffeaux  ou  (es  cavi- 
tés ;  la  corruption   de  la  fubftance  même 
du  cerveau  par  les  fuites  d'une  inflamma- 
tion ,  de  l'érofion  de  fes  membranes  ;  de  la 
carie  de  fa  boîte  oflèufe.    Ces  différentes 
caufes  font  rendues  plus  adives  par  tout  ce 
qui  peut  augmenter  la  quantité  des  humeurs 
qui  fe  portent  vers  le  cerveau  ,  comme  la 
pléthore  ,  l'exercice  immodéré  ,  la  chaleur , 
l'excès  dans  l'ufage  du  vin  ,    de  la  bonne 
chère ,  du  coït ,  la  contention  de  l'efprit , 
les  profondes  méditations,  les  grands  efforts 

S  s  s  s    2,     s 


6oi 


EPI 


Ae  l'imagination  ,  &  fur-tout  la  crainte  &  ! 
la  terreur. 

2°.  On  doit  encore  placer  ,   parmi  les 
caufes  de  contrarions  mufculaires  ^régu- 
lières ,    tout  ce  qui  affecte  violemment  le 
genre  nerveux  ,   comme  les  douleurs  fortes 
&  périodiques  ,  la  pafiion  hyflérique  ,  les 
irritations  &  les  érofions  cauiées   dans  les 
enfàns  par  l'effet  des  vers  ,  par  des  humeurs 
acres  ramaflees  dans  les  boyaux ,  par  la  qua- 
lité acreacide  du  lait ,    &  par  fa  coagula- 
tion ,  par  le  méconium ,   par  la  dentition 
difficile,  parle  levain  de  la  petite  vérole  , 
les  violentes  douleurs  d'eflomac ,  la  matière 
.<i'un  ulcère  renfermée  dans  quelque  partie  , 
.la   trop    grande    abflinence    de   manger  , 
comme   aufii  la  crapule  &  l'ufage  des  ali- 
mens ,  de  boiflon  acre  ,   de  remèdes  &  de 
.poifbns  de  même  qualité. 

30.  On  doit  attribuer  les  mêmes  effets 
aux  caufes  fuivantes  ;  favoir ,  à  la  fùppref- 
iion  de  certaines  évacuations  qui  fe  fai- 
foient  auparavant ,  comme  des  menflrues , 
des  lochies ,  des  hémorrhoïdes  ,  de  fanie  , 
de  pus  ,  d'urine  ;  à  la  répercuffion  de  la 
galle  ,  d'une  dartre. 

4°.    On  doit   encore  ranger  parmi   les 
caufes  des  convulfions  épileptiques  ,    cer- 
taine vapeur  dont  le  foyer  a  ordinairement 
.fon  ficge  dans  quelque  partie  des  extrémi- 
tés du  corps  ,  d'où  elle  femble  s'élever  au 
commencement  de  l'accès  ,  en  excitant  le 
fentiment  d'une  efpece  d'air  ou  vapeur  qui 
monte  vers  les  parties  fupérieures    jufqu'à 
ce  qu'il  foit  parvefiu  au  cerveau  ;    ce  qui 
cil  Couvent  l'effet  d'un  nerf  comprimé  par 
.quelque    cicatrice'    ou    quelque    tumeur  , 
comme  un  skirrhe ,    un  ganglion.    Il  n'efl 
pas  facile  de  rendre  raifon   de  ce  phéno- 
mène   ;     il    efl     cependant     vraifemblable 
qu'il  efl:  produit  par  une  conrraclion  fpaf- 
modique  qui  refferre  les  vaiffeaux  des  par- 
ties  mentionnées    (  où  fe  fait  fentir   cette 
efpece  â'aura  frigida  y)  y  arrête  le  cours 
du  fang  ,    d'où  le  fentiment  de  froideur  , 
&  fit  refluer  les  humeurs  vers   les    par- 
ties fupérieures  ;  d'où  s'enfuit  que  la  mala- 
die ,   dans  fon  commencement  ,   reffemble 
iouvent  à  une  attaque  d'apoplexie.    Voye\ 
une  obfervation  à  ce  fujet   dans  le  recueil 
de  la  fociété  d'Edimbourg,  tom.  IV.  Voy. 

Vapeur. 


E  PI 

$°.  La  plupart  de  ces  caufes  (I.  II.  III. 
IV.  )  peuvent  être  l'effet  d'une  mauvaife 
conformation  des  folides  ,  d'un  vice  héré- 
ditaire tranfmis  du  père  ou  de  la  mère  ,  ou 
de  quelques  ancêtres  ;  enforte  qu'il  arrive 
quelquefois  que  le  fils  n'en  éprouve  aucun 
mauvais  efîet  ,  mais  bien  le  petit -fils  : 
peut-être  peuvent- elles  être  aufii  l'effet  de 
l'imagination  de  la  mère  ,  qui  ayant  eu  oc- 
cafion  de  voir  un  épileptique  pendant  fa 
groffeffe  en  a  eu  l'efprit  frappé. 

Toute  cette  expoiition  des  différentes 
caufes  de  Vépilepjïe  y  tirée  de  Boerhaave, 
efl  le  réfultat  de  ce  qu'ont  appris  à  cet 
égard  l'obfèrvation  des  fymptomes  de  cette 
maladie  ,  &  l'infpecfion  des  cadavres  de 
ceux  qui  en  ont  été  atteints  ;  enforte  qu'on 
peut  en  conclure  que  la  caufe  prochaine 
dépend  de  ladifpofition  du  cerveau,  dans 
laquelle  les  voies  qui  fervent  à  diflribuer  le 
fluide  nerveux  aux  organes  du  fentiment , 
font  fermées  totalement,  ou  confidérable- 
ment  embarraflées  ,  pendant  que  celles  qui 
fervent  à  diflribuer  le  même  fluide  aux  or- 
ganes du  mouvement ,  refient  ouvertes  &  le 
reçoivent  en  abondance  ,  avec  beaucoup  de 
célérité  &  fans  oindre. 

Les  perfonnes  qui  font  fujettes  aux  atta- 
ques iïépilepfie  y  fentent  qu'ils  font  fur  le 
point  d'en  foufîrir  une  par  les  fignes  fui- 
vans  :  ils  éprouvent  d'abord  une  chaleur 
extraordinaire  ;  la  vue  fe  trouble  ;  ils  fen- 
tent des  furfauts  dans  les  tendons  ;  la  mé- 
moire efl  affoiblie.  Des  vertiges,  des  éblouif- 
femens ,  de  mauvaifes  odeurs  ,  du  bruit 
dans  les  oreilles ,  des  douleurs  &  des  pe- 
fanteurs  de  tête  ,  la  pâleur  du  vifage  ,  un 
mouvement  irrégulier  dans  la  langue ,  une 
trifleffe  profonde  ,  des  ardeurs  d'entrailles, 
font  aufii  les  avant-coureurs  de  cette  ma- 
ladie ;  &  lorfque  l'accès  commence  ,  le 
malade  efl  le  plus  fouvent  renverfé  tout-à- 
coup  ,  ou  ,  s'il  efl  couché  ,  les  extrémités 
inférieures  fe  plient  &  font  ramenées  invo- 
lontairement vers  le  tronc.  Il  fait  d'abord 
de  grands  cris  ,  &  enfuite  il  refpire  avec 
peine  &  avec  bruit ,  comme  fi  on  l'étran- 
gloit  ;  il  grince  des  dents  ;  il  rend  de'  l'é- 
cume par  la  bouche  ;  il  fait  des  grimaces 
horribles  ;  il  efl  agité  par  des  convulfions 
dans  tout  fon  corps  ,  &  il  éprouve  des  fe- 
çouflês  violentes  ,   qu'il   n'efl  pas  en  fon 


EPI 

pouvoir  d'empêcher;  il  perd  ordinairement 
l'ufage  de  tous  Tes  fens  ;  il  fe  vuide  invo- 
lontairement des  matières  fécales  ,  de  l'u- 
rine ;  il  fe  fait  de  même  quelquefois  un 
écoulement  de  femence  ,  &  il  ne  peut  ap- 
percevoir  rien  de  ce  qui  fe  préfente  autour 
de  lui  ,  pendant  le  paroxyfme  ,  dont  il  [ 
puiffe  ie  rappeller  le  fouvenir  après  qu'il 
eft  fini  :  quelquefois  cependant ,  lorfque 
l'attaque  n'eft  pas  forte ,  il  n'a  pas  toutes 
les  parties  du  corps  en  convulfion ,  &  il  ne 
tombe  pas  toujours  ;  il  n'a  que  quelques 
parties  agitées  ;  fa  tête  ,  par  exemple  , 
éprouve  des  fecoufïes  ,  ou  les  yeux  lui 
tournent ,  ou  il  jette  Ces  bras  &  fes  jambes 
de  coté  &  d'autre  ,  ou  il  tient  opiniâtre- 
ment les  poings  fermés  ,  ou  il  marche  en 
tournant  &  court  ça  &c  là  ,  fans  parler  ce- 
pendant ,  fans  rien  entendre  &  fans  rien 
fèntir  ,  enforte  qu'il  ne  ie  fouvient  aucune- 
ment de  tout  cela  après  l'accès.  Marcellus 
Donatusaobfervé  une  epilep/ie  danslaquelle 
le  malade  ne  tomboit  point;  Antoine Beni- 
venius  &  Sennert  rapportent  avoir  vu  un 
épileptique  qui  reftoit  debout  pendant  l'ac- 
cès :  Dodonée  dit  en  avoir  vu  un  qui  refloit 
aflis  ;  Eraft  un  autre  qui  couroit  ;  &  Brun- 
ner  parle  d'un  épileptique  qui  entendoit  ce 
qu'on  lui  difoit  &  ce  qu'on  faifoit  auprès 
de  lui ,  dont  il  fè  reflouvenoit  après  le 
paroxyime  :  mais  ce  font-là  des  cas  très- 
rares. 

On  difhngue  Yepilepjîe  en  général  du 
fpafme  y  en  ce  que  celui-ci  &  toutes  fes 
efpeces  confifTent  dans  une  contraction  des 
mufcles  confiante  &  opiniâtre  ;  au  lieu 
que  dans  Yepilepjîe  la  contraction  mufcu- 
laire  ne  fubfifle  pas  continuellement  ,  & 
fe  fait  par  intervalles  &  comme  par  fe- 
coufïes. On  la  diftingue  aufîî  de  la  convul- 
fion }  parce  que  dans  celle-ci  il  n'y  a  pas 
d'altération  dans  l'ufage  des  fens  ,  &  dans 
cells-là  il  y  a  prefque  toujours  en  même 
temps  léfion  des  fondions  pour  le  mouve- 
ment &  pour  le  fentiment. 

Outre  les  figues  ci-defïus  rapportés  qui 
cara&érifent  Yepilepjîe  en  général ,  il  y  en 
a  aufii  pour  connoître  les  différentes  efpe- 
ces qui  leur  font  particulières;  ainfi  celle 
.  dans  laquelle  le  cerveau  eft  immédiatement 
affecté  ,  fe  connoît  parce  que  le  malade 
n'a  ordinairement  point  de  prefîentiment 


E  P  I  ^ 

de  l'attaque  qu'il  va  efîuyer:  il  en  eft  fur- 
pris  comme  d'un  coup  de  foudre  ;  il  Va 
pas  le  moindre  fentiment  de  douleur  dans 
aucune  partie  de  fon  corps  avant  l'accès  , 
&  il  ne  Je  porte  aucune  autre  imprefiion 
des  parties  inférieures  vers  les  fupérieures  • 
il  efl  habituellement  fujet  à  des  iymptomes 
qui  indiquent  que  le  cerveau  eft  arfeCié  ,  tels 
quelapeiànteur  de  tcte,  la  pâleur  du  vifàge 
les  vertiges ,  l'oblcurciflêment  de  la  vue  ,  le 
fommeil  inquiet ,  agité  ,  l'afFoibliifement 
confidérable  de  l'exercice  des  fondions 
animales  ,  l'engourdiffement  des  fens.  Les 
paroxyfmes  qui  proviennent  du  vice  du 
cerveau  font  plus  violens  &  plus  longs ,  il 
fort  de  la  bouche  une  plus  grande  quantité 
d'écume. 

Les  attaques  tfepilepfie  fympathique  font 
diftinguées  de  -celle  de  l'idiopathique 
parce  qu'il  précède  ordinairement  quelques 
lignes  qui  annoncent  celles-là  ,  tels  que  la 
douleur  de  quelque  partie  inférieure  ,  &  le 
fentiment  d'une  vapeur  qui  s'élève  enmême 
temps  vers  la  tête.  Les  paroxyfmes  font 
moins  violens  à  tous  égards  ;  ceux  qui  fort 
occafionés  par  le  vice  de  l'eftomac  s'an- 
noncent par  un  fentiment  d'agitation  d'é- 
rofion  &  de  morfure  dans  ce  vifeere'  de 
pefanteur  ,  de  tenfion  dans  la  région  'épi- 
gaftrique.  Lorfque  la  corruption  du  lait 
dans  l'eftomac  des  enfans  donne  lieu  à 
Yepilepjîe  ,  ils  éprouvent  auparavant  des 
douleurs  d'entrailles  ,  &  ils  rendent  des 
matières  fécales  faffranées ,  &  quelquefois 
reffemblantes  au  verd-de-gris  :  d'ailleurs 
dans  tous  les  cas  où  la  caufe  de  Yépilepfie  a 
fon  fiege  dans  l'eftomac  ,  on  apperçoît  les 
fignes  qui  annoncent  la  léfion  de  ce  vifeere 
tels  que  le  défaut  d'appétit ,  les  digefrions 
imparfaites ,  les  rots  ,  &c.  Loriqie  les  vers 
font  la  caufe  de  Yépilepfie  ,  on  le  connoît 
par  les  lignes  qui  indiquent  leur  exiftence 
&  leurs  effets.   Voye\  Vers. 

Lorfque  la  matrice  eft  le  fiege  de  la  caufe 
de  cette  maladie ,  on  s'en  afîiire  par  les 
fymptomes  qui  font  connoître  la  léfion  de 
cet  organe.  Voye\  Maîrice. 

On  peut  juger  fi  Yépilepfu  provient  d'une 

cauie  qui  f  oit  fixée  dans  une  partie#xterne 

en  examinant  fi  elle  a  été  précédemment 

affectée  de  quelque  blefîure  ,  ou  abcès,  oa 

.  ulcère  ,   de  la  morfure  de  quelque  bêt& 


^4  EPI 

venimeufe  :  s'il  y  reffent  quelque  douleur 
avant  l'accès  ,  on  s'en  afïùre ,  fi  l'on  peut 
en  arrêter  les  progrès  ,  ou  au  moins  les 
modérer ,  en  appliquant  une  ligature  au 
membre  d'où  l'on  foupçonne  que  vient  le 
mal ,  au  defTus  de  l'endroit  que  l'on  en 
croit  le  fiege,  &  en  faifant  des  fri&ions  à 
la  partie  qui  efl  au  defîbus. 

L'énumération  de  tous  les  lignes  des 
différentes  efpeces  d'epilepjie  Ce  trouve  plus 
circonstanciée  dans  les  œuvres  de  Sennert , 
d'où  on  a  tiré  ce  qui  vient  d'en  être  rap- 
porté. Le  même  auteur  entre  dans  un 
détail  bien  exael ,  pour  recueillir  tous  les 
phénomènes  qui  peuvent  fervir  à  établir 
les  fignes  pronoftics  de  cette  maladie. 
Nous  allons  en  dire  quelque  chofe  ;  on  ne 
peut  mieux  faire  que  de  le  confulter  ,  de 
même  que  Nicolas  Pifon  ,  Lommius ,  pour 
ce  qui  peut  manquer  ici  à  cet  égard. 

\J  èpilepfie ,  de  quelque  efpece  qu'elle  fbit, 
eft  toujours  dangereufè  ;  elle  eu  cependant 
ordinairement  une  maladie  de  long  cours , 
£  moins  que  les  accès  ne  foient  fi  violens , 
fi  fréquens ,  &  de  fi  longue  durée  ,  qu'ils 
occafionent  bientôt  la  mort  :  celle  dans 
laquelle  les  fondions  animales  font  abolies  , 
les  mouvemens  convulhfs  font  très-forts 
&  durent  long-temps  ,  les  excrémens  font 
rendus  par  le  malade  ,  fans  qu'il  s'en  ap- 
perçoive  ,  &  où  il  tombe  enfuite  dans 
î'ina&ion  &  le  repos ,  enforte  qu'il  femble 
mort ,  doit  faire  craindre  un  événement  fâ- 
cheux ,  fur-tout  lorfqu'elle  efl  invétérée  : 
celle  au  contraire  qui  eft  récente ,  &  dont 
les  accès  font  courts  ,  fans  convulfions  vio- 
lentes ,  eft  prefque  exempte  de  danger  >  & 
fufceptible  de  guérifon ,  fur-tout  fi  la  ref-. 
piration  efl  libre. 

Vepilepjie  héréditaire  ,  de  quelque  ef- 
pece qu'elle foit,  efl  prefque  toujours  incu- 
rable ;  ni  l'âge  plus  avancé ,  ni  l'art  ,  ne 
peuvent  en  détruire  la  caufe.  Selon  Hip- 
pocrate  Yepilepjie  qui  fùrvient  avant  l'âge 
de  puberté  peut  être  guérie  ;  celle  qui  at- 
taque après  l'âge  de  vingt-cinq  ans  ne  cefîe 
guère  ,  qu'avec  la  vie  ,  de  produire  Ces 
effets  :  c'efl-là  ce  qui  arrive  ordinairement , 
mais  non  pas  toujours  ;  car  il  n'efl  pas 
fans  exemple  d'avoir  vu  des  perfonnes  d'un 
âge  avancé  qui  ont  été  délivrées  des  accès 
dVpiïepJîe.  «  Les   jeunes  perfonnes  atta- 


E  P  I 

»  quées  de  cette  maladie,  en  font  gué- 
»  ries  par  le  changement  d'air ,  de  réfi- 
»  dence  &  de  régime ,  »  dit  encore  le  père 
de  la  Médecine. 

Les  enfans  qui  font  fujets  à  Yepilepjie  dès 
leur  naifîance ,  font  plus  en  danger  d'en 
périr  ,  à  proportion  qu'ils  font  moins  avan- 
cés en  âge  :  ceux  qui  prennent  de  la  gale 
à  la  tête  en  font  rarement  attaqués ,  félon 
la  remarque  de  Baglivi.  De  quelque  efpece 
que  foit  cette  maladie  ,  il  eft  plus  ordi- 
naire d'en  voir  les  hommes  attaqués  que 
les  femmes  ,  les  enfans  que  les  vieillards  : 
lorfqu'elle  fùrvient  à  ces  derniers  elle  efl 
prefque  incurable. 

Rien  ne  diipofe  tant  les  enfans  qui  en 
font  atteints  à  en  guérir ,  que  d'avancer 
en  âge  ;  car  les  garçons  s'en  délivrent  par 
le  coït ,  &  les  filles  par  l'éruption  des 
règles. 

On  a  obfervé  fort  juflement  que  fi  une 
femme  devient  épileptique  pendant  fa 
grofîèfîe ,  elle  s'en  délivre  par  l'accouche- 
ment :  cependant  il  efl  très-dangereux 
qu'une  femme  grofïè  ait  des  attaques  dY- 
pilepjie  ;  il  y  a  lieu  de  craindre  l'avorte* 
ment ,  &  des  fuites  encore  plus  fâcheufes. 

Ue'pilepjie  idiopathique  efl  toujoursplus 
dangereufè  &  plus  difficile  à  guérir  que 
la  fympathique  ;  &  celle-ci  eft  cependant 
très-pernicieufè ,  lorfque  le  vice  de  la 
partie  qui  afFecle  le  cerveau  par  commu- 
nication efl  invétéré. 

Si  le  délire  &  la  paralyfie  fuccedent  à 
Yepilepjie ,  il  n'y  a  plus  de  remède  à  ten- 
ter ,  le  mal  efl  incurable. 

La  mélancolie  produit  fouvent  Yepilep- 
jie y  comme  Yepilepjie  produit  aufli  la  mé- 
lancolie ,  félon  Hippocrate.  L'apoplexie 
efl  quelquefois  une  fuite  très-funefte  de 
celle-là  :  on  prétend  que  c'efl  prefque  un 
remède  aflûré  qu'il  furvienne  une  longue 
fièvre  à  Yepilepjie  ,  &  fur-tout  la  fièvre 
quarte. 

Il  efl  facile  de  conclure  ,  de  tout  ce  qui 
vient  d'être  dit  de  Yepilepjie,  des  différentes 
caufes  qui  peuvent  l'établir  ,  de  celles  qui 
en  déterminent  les  effets,  des  diverfes  parties 
du  corps  où  peut  être  fixé  le  fiege  du  mal, 
que  l'on  ne  peut  pas  propofer  une  méthode 
générale  pour  le  traitement  de  cette  mala- 
die ;  il  faut  avoir  égard  à  toutes  les  diffe- 


EPI 

rencesdu  vice  dominant,  efficient,  &  de 
celui  qui  eft  occafionel ,  pour  appliquer 
les  remèdes  qui  conviennent  au  caractère 
bien  connu  de  ces  différentes  caufes  ;  on 
doit  examiner  fi  elles  font  fufceptibles  d'ê- 
tre détruites  ,  ou  fi  elles  ne  le  font  pas:  dans 
le  premier  cas  on  peut  entreprendre  la  cure 
radicale  de  la  maladie  ,  &  dans  le  fécond 
on  ne  peut  s'occuper  que  de  la  cure  pallia- 
tive. On  doit  aufli  diftinguer  dans  le  trai- 
tement le  temps  &  l'intervalle  des  paroxys- 
mes :  ainfî  le  médecin  appelle  (ce  qui  arrive 
rarement ,  )  pour  un  malade  qui  eft  ac- 
tuellement dans  un  accès  <\?epy  lepjie ,  doit 
d'abord  le  faire  placer  éten  \u  fur  le  dos  ,  la 
tête  un  peu  relevée  ,  plutôt  dans  un  lieu  bien 
éclairé  que  dans  un  endroir  obfcur;  lui  faire 
enfuite  ouvrir  la  bouche  ,  &  lui  faire  met- 
tre entre  les  machoues  quelque  corps  qui 
réfifte  à  l'action  des  dents  ,  lans  rifque  de 
les  rompre  ,  pour  empêcher  qu'il  ne  la  ter- 
me, afin.de  donner  un  écoulement  à  la  fa- 
live  &  à  l'écume  qui  fe  ramaffe  ,  de  rendre 
lia  refpiration  libre  en  conféquence  ,,  &  de 
prévenir  l'effet  des  convulfions.par  lequel  il 
pourroit  fe  mordre  la  langue  ,  comme  il  eft 
arrivé  fouvent  au  point  qu'il  en  aétéentié-- 
rement  coupé  des  portions  ,  félon  l'obferva- 
tion  de  Galien  &  de  Foreftus  :  il  faut  en 
même  temps  difpofer  le  malade  ,  de  manière 
qu'il  ne  puiffe  pas  fe  blcflerparles  différen- 
tes agitations  de.  fon  corps. 

Ces  préalables  xemplis  ,  quelques  auteurs 
recommandent  en  général  d'employer  di- 
vers remèdes  fpiritueux,  volatils,  dont  on 
frotre  les  narines  ,  les  tempes  ,.dont  on  verfe 
quelques  gouttes  dans  la.  bouche  du  ma- 
lade ;  de  lui  faire  fentir  des  odeurs  fortes, 
de  lui  fouffler  des  poudres  ftemutatoires 
dans  les  narines ,  de  lui  donner  des  Jave- 
mens  acres  ,  irritans^  de  lui  faire  des  fric- 
tions aux  extrémités ,  &  d'y  appliquer  de 
temps  en  temps  des  ligatures,. &  les  relâ- 
cher. Mais  il,  faut  obferver  que  dans  Y  épi-, 
lepjie  habituelle  il  vaut  mieux  laifîer  le.  ma-* 
Jade  en  repos  ,  que  de  lui  adminiftrer  tous 
ces  remèdes  ,  qui?  ne  font  le  plus  fou  vent 
qu'augmenter  la  fatigue  que  lui  caufent  les 
convulfions  ;  ils  ne  peuvent  être  utiles  que 
dans  le  cas  où  il  paroîr  que  la  circulation  eft 
rallentie  ,  que  la  chaleur  naturelle  eft  con- 
fidçrablement  diminuée  ,  &  qu'il  y  a  lieu  de 


EPI  69? 

craindre  quelque  défaillance  mortelle  ,  ou. 
qu'une  attaque  d'apoplexie  ne  fuccede  à. 
celle  d'épilep/ie  ,  ou  que  celle-ci  ne  dégé- 
nère en  paralyfie. 

Après  que  l'accès  épileptique  a  ceffé ,  on 
doit  s'appliquer  à  employer  les  moyens  qui 
peuvent  en  empêcher  le  retour,  ou  au  moins 
le  rendre  plus  rare  ,  en  attendant  que  l'on 
puiffe  parvenir  a  détruire  entièrement  la 
caufe  efficiente  du  mal ,  fi  elle  en  eft  fuf- 
ceptible  ;  &  quoiqu'elle  foit  de  différente 
nature,  il  y  a  cependant  des  indications  à: 
luivre  ,.  communes  à  toutes  les  efpeces  de- 
cette  maladie:  ainfi,  comme  il  peut  y  avoir 
des  fignesde  pléthore  après  la  fin  de  l'accès, 
de  quelque  caufe  qu'il  provienne ,  on  doit 
d'abord  y  remédier  par  les  évacuations  gé- 
nérales, mefurées  &  réglées  fur  les  forces  du 
malade  ;  c'eft-à-dire  par  la  faignée  &  les. 
pur-gations.  Si-la  foiblefïè  du  malade  paroîc 
être  le  fymptome  qui  exige  le  remède  le  plus 
preffant ,  on  a  recours  aux  cordiaux  &  à  la., 
diere  analeptique. . 

Dès  que  le  malade  eft  en  difpofition  de 
foutenir  les  remèdes  convenables  contre  le 
vice  que  l'on,  eft  affuré  être  la  caufe  princi- 
pale de  Yépilepfie  ,  on  ne  doit  rien  négliger 
pour  le  corriger  ou  pour  empêcher  (es  fu- 
neftes  effets ,  avant  que  le- mal  ait  jeté  de 
.plus  profondes  racines  :  ainfi  lorfque  Y  épi"  ■ 
lepjie  eft  idiopathique  ,  &  qu'elle  eft  l'effet 
^e  quelque  conformation  vicieufe  dans  les 
folides  du  cerveau  ,. ou  de  quelque  tumeur 
offeufè ,  skirrheufe , ,  ou ,  de  quelque  autre 
caufe  de  cette  nature  ;  comme  on  ne  peut 
•pas  favoir  pofitivemenrle  point  ou  réfide 
cette  caufe,  &  quand  on  le  pourroit  con- 
noître ,  il  ne  ferok  fouyent  pas  poiîible  d'y 
atteindre  pour  la  détruire  ;  on  doit  fe  borner 
dans  defemblables  cas  à  prévenir  ou  à  faire 
ceffer  l'effet  des  caufes  occafionelles  qui 
pourroient  augmenter-  l'engorgement  des 
vaiffeaux  du  cerveau  dans  la  partie  compri- 
mée par  plénitude  ou  par  irritation  :  on  ob- 
tiendra cet  effet  par  lés-  remèdes  propres 
contre  la  pléthore  &  l'acrimonie  des  hu- 
meurs. Si  la  maladie  eftcaufée  par  la  preû 
jfîon  ou  l'irritation  occafionée  par  quelque 
corps  étranger,  foit  fblide  ,  foit  liquide  , 
on-  doit  tâcher  d'en  faire  l'extraction  par  le 
trépan ,  ou  par  tout  autre  moyen  que  l'art 
peut  fournir.  Les  autres  maladies  du  crâne 


96  EPI 

&  du  cerveau  ,  qui  peuvent  donner  lieu  à 
Yépilepjie  ,  doivent  être  traitées  par  les  re- 
mèdes appropriés  ,  fi  elles  font  de  nature  à 
en  admettre  quelqu'un  ;  car  le  plus  fouvent 
elles  font  incurables ,  lur-tout  dans  les  adul- 
tes. Les  caufes  déterminantes  des  paroxyf- 
mes  ,  qui  font  telles  qu'elles  peuvent  fe 
renouveller  continuellement ,  doivent  être 
foigneufement  recherchées  ,  pour  employer 
les  moyens  propres  à  empêcher  qu'elles 
n'aient  lieu ,  ou  à  les  détruire.  Lorfqu'elles 
font  formées ,  elles  font  très-nombreufes , 
ainfi  il  faut  avoir  bien  difhngué  le  caraâere 
de  chacune  ,  avant  que  de  lui  oppofer  des 
remèdes  ,  tant  préfervatifs  que  curatifs.  Le 
régime  fert  beaucoup  en  ces  deux  qualités  ; 
&  i'ufage  réglé  des  fix  chofes  néceflaires , 
que  l'école  appelle  non-naturelles  }  fournit 
aufîi  des  lecours  efficaces  pour  remplir  cette 
double  indication. 

Pour  ce  qui  eft  des  médicamens  ,  ils  doi- 
vent être  choifis  de  nature  à  combattre  le 
vice  dominant  des  folides  ou  des  fluides.  Si 
les*  premiers  pèchent  par  trop  de  rigidité , 
de  féchereffe  ,  on  doit  employer  les  relâ- 
chans  ,  les  hume&ans  intérieurement ,  ex- 
térieurement,  tels  que  les  tifannes  appro- 
priées ,  les  eaux  minérales  froides ,  Ls  lave- 
mens ,  les  bains  tiedes.  S'ils  pèchent  par 
trop  de  tenfion  ,  d'érétifme  ,  comme  dans 
les  douleurs  quelconques  ,  on  doit  faire 
ufage  des  anodyns  ,  des  narcotiques,  des  an- 
tifpafmodiques  ,  &  travailler  enfuite  à  em- 
porter la  caufe  connue  :  fi  elle  dépend  des 
acres  irritans  ,  comme  des  matières  pour- 
ries, des  vers  dans  les  premières  voies,  ce 
qui  a  prefque  toujours  lieu  dans  les  enfans 
épileptiques  ,  les  vomitifs  ,  les  purgatifs  , 
les  amers ,  les  mercuriels ,  les  antelminti- 
ques  ,  font  les  moyens  que  l'on  doit  em- 
ployer pour  la  détruire  :  fi  elle  eft  occalio- 
née  par  la  dentition  ,  les  remèdes  en  font 
indiqués  en  fon  lieu  {yoye\  DENTITION  ;) 
ainfi  des  autres  vices  qui  peuvent  occalio- 
r.cr  la  douleur  ,  contre  lefquels  on  doit  ufer 
des  moyens  propofes  dans  les  différens 
articles  où  il  en  eft  traité.  Voye\  DOU- 
LEUR ,  &c. 

Si  les  fluides  pèchent  par  épaiffifTement 
ou  par  acrimonie  ,  on  emploie  avec  fuc- 
cès  contre  le  vice  de  la  première  efpece  , 
les  purgatifs  aloétiques  ,  hydragogues  ,  les 


E  PI 

fondans  antimoniaux ,  les  apéritifs  martiaux 
&  mercuriels  ;  &  contre  celui  de  la  fécon- 
de ,  les  fpécifiques  ,  qui  changent  la  natwre 
des  acres  acides  ou  alkalis  ,  en  lubftances 
neutres  qui  font  moins  nuifibles.  Vbye% 
Acide  &  Alkali.  Les  bouillons  de  pou- 
let, de  tortue  ;  I'ufage  du  lait,  la  diète  blanche 
même ,  produifent  de  bons  effets  dans  la 
cure  de  Yépilepjie  qui  provient  de  l'acrimo- 
nie des  humeurs.  S'il  y  a  lieu  de  foupçon- 
ner  que  cette  caufe  foit  compliquée  avec 
desobflru&ions,  avec  i'épaiffiffement ,  on 
peut  unir  utilement  le  laitavec  les  apéritifs  , 
en  le  failànt  prendre  coupé  ,  avec  des  dé- 
codions de  plantes  apéritives  ,  avec  les 
eaux  minérales  ferrugineufes.  Le  petit-lait 
rendu  médicamenteux  ,  conformément  à 
l'indication  ,  eft  aufii  très-convenable. 

Si  le  vice  des  fluides  eft  particulier,  & 
qu'il  confifte ,  par  exemple  ,  en  ce  que  cer- 
taines évacuations  naturelles  ou  contre  na- 
ture ,  devenues  habituelles  ,  font  fuppri- 
mées  ou  diminuées  ,  on  ne  doit  s'occuper 
qu'à  les  rétablir  par  les  remèdes  conve- 
nables. C'eft  dans  cette  vue  que  l'on  em- 
ploie fouvent  avec  fuccès  contre  Yépilepjie  , 
dans  ces  cas  ,  les  emmenagogues  ,  les  diu- 
rétiques, les  fudorifiques  ,  &c.  contre  la 
fuppreffion  des  règles  ,  des  urines  ,  de  la 
tranfpiration  ,  &c.  les  véficatoires  ,  les 
cauftiques ,  les  fêtons  ,  pour  faire  des  ul- 
cères artificiels  qui  fuppléent  à  d'autres , 
néceflaires  pour  donner  iffue  à  de  mau- 
vaifes  humeurs.  Les  Indiens  appliquent 
dans  cette  vue  des  cauftiques  au  bas  des 
jambes. 

Si  le  vice  qui  produit  Yépilepjie ,  dépend 
d'une  tumeur,  d'une  cicatrice  ,  ou  de  toute 
autre  caufe  qui  agit  en  comprimant  ,  en 
irritant  un  nerf  principal  dans  quelque  par- 
tie externe,  on  doit  tacher.de  le  détruire 
par  toute  forte  de  moyens  convenables  à  fa 
nature  ,  en  diminuant  la  fenfibilité  des  nerfs 
en  général ,  en  les  fortifiant  par  les  remè- 
des appropriés ,  par  l'exercice,  par  le  régi- 
me ;  en  appliquant  des  ligatures  au  mem- 
bre affèclé ,  pour  arrêter  la  propagation  du 
mal  vers  le  cerveau ,  lorfque  l'accès  épilep- 
tique  peut  être  prévenu  ;  &  s'il  réfifle  ,  & 
que  le  fiege  en  fbit  connu  ,  on  n'a  d'autre 
reflburce  que  d'y  pénétrer  avec  le  fer  ou  le 
feu  ,  &  d'y  former  un   ulcère    dont  on 

entretienne 


EPI 

entretienne  la  fuppuration  ,  pour  emporter 
le  foyer  du  mal. 

On  propofe  en  général  bien  de  différens 
remèdes  contre  Yépilépfie  ,  tels  que  le  cin- 
nabre  naturel ,  qui  peut  être  employé  avec 
d'autant  plus  de  fuccès,  qu'il  a  la  propriété 
de  difî'oudre  les  concrétions  fanguines  & 
lymph  tiques,  &  de  produire  cet  effet  dans 
des  vaiflèaux  moins  petits  que  ceux  dans 
lefquelsagit  le  mercure  ,  fans  agiter  autant 
les  humeurs.  Le  cinnabre  n'eft  pas  fi  péné- 
trant ,  parce  qu'il  eft  d'une  moindre  gra- 
vité fpécifique.  Les  praticiens  font  auffi 
grand  ufage  du  gui  de  chêne ,  de  l'ongle 
d'élan  ,  qui  font,  particulièrement  recom- 
mandés par  Baglivi  ;  la  pivoine  mâle  ,  la 
valériane  fauvage  ,  la  rue ,  le  cafloreum  } 
le  camphre,  le  fuccin,  les  vers  de  terre  di- 
verfement  préparés  ;  la  poudre  de  guttete , 
qui  eft  un  compofé  de  ceux-là  ,  &c.  mais 
il  n'en  eft  aucun  que  l'on  puifle  regarder 
comme  fpécifique  contre  toutes  les  diffé- 
rentes caufes  de  cette  maladie.  La  proprié- 
té de  ces  diverfes  drogues  étant  connue,  on 
doit  en  faire  l'application  contre  le  vice 
dominant  auquel  elles  font  oppofées  :  on 
peut  dire  cependant  qu'il  eft  peu  de  cas 
dans  lefquels  elles  ne  puiflent  convenir  , 
parce  qu'elles  peuvent  toujours  produire 
l'effet  effentiel  de  régler  le  cours  du  fluide 
nerveux  ,  par  l'analogie  qu'ont  leurs  parties 
fubtiles  ,  intégrantes  avec  celles  de  la  ma- 
tière qui  coule  dans  les  nerfs.  V.  Remèdes 

ANTISPASMODIQUES. 

On  ne  doit  pas  omettre  ici  de  faire  men- 
tion du  kinkina ,  qui  peut  être  employé  avec 
fuccès  dans  toutes  les  efpeces  d'e'pilepjîe 
périodique. 

Boerhaave  ,  qui  avoit  d'abord  penfé  ,  à 
la  fuite  de  quelques  expériences  favorables, 
que  le  fel  d'étain  pouvoit  être  un  remède 
affuré  contre  cette  maladie  en  général ,  s'eft 
convaincu  par  des  obfervations  ultérieures^ 
qu'il  n'eft  bon  que  contre  celle  qui  provient 
de  l'acidité  dominante  dans  les  premières 
voies. 

Il  feroit  trop  long  de  rapporter  ici  tous 
les  autres  remèdes  que  l'on  a  mis  en  ufage 
contre  Yépilépfie  &  fes  différentes  efpeces  ; 
ceux  dont  on  fait  mention  ,  font  les  plus 
ufités  dans  la  pratique  ,  on  n'en  connoît 
point  d'affuré  jufqu'à  préfent  :  il  n'y  a  que 
Tome  XII. 


E  P  I  69j 

des  charlatans  qui  difenten  donner  de  tels, 
fans  craindre  la  honte  de  manquer  le  fuc- 
cès ,  que  l'on  ne  peut  prefque  jamais  fe 
promettre  dans  le  traitement  de  Yépilepjie 
des  adultes,  (d) 

Epilepsie,  (Manège ,Maréchall.)  mala- 
die non  moins  redoutable  dans  les  chevaux 
que  dans  les  hommes ,  &  dont  le  fiege  & 
les  caufes  phyfîco  -  méchaniques  font  fans 
doute  les  mêmes.  Ses  fy m ptomes  varient. 
Cette  agitation  violente  &  convulfive  faifit 
en  effet  certains  chevaux  tout-d'un-coup , 
ils  tombent,  ils  friflbnnent ,  ils  écument, 
&  le  paroxyfme  eft  plus  ou  moins  long.  Il 
en  eft  d'autres  en  qui  l'accès  s'annonce  par 
des  borborygmes  ,  par  un  battement  de 
flanc  ,  par  un  flux  involontaire  d'urine,  par 
un  froid  qui  glace  toutes  leur  extrémités  ; 
à  peine  font-ils  tombés ,  que  leurs  yeux  fem- 
blent  tourner  dans  les  orbites;  leurs  mem- 
bres fe  roidifîènt  :  quelquefois  auffi  leurs 
articulations  font  attaquées  d'un  trem- 
blement extraordinaire.  J'en  ai  vu  qui  fe 
relevoient  un  inftant  après  leur  chute  ,  qui 
prenoient  le  fourrage  qu'on  leur  préfentoit 
fur  le  champ  ,  &  qui  mangeoient  auffi  avi- 
dement que  s'ils  jouifîbient  d'une  fanté  en- 
tière. Un  étalon  atteint  de  ce  mal ,  tom- 
boit  ,  fans  qu'aucun  figne  précédât  l'atta- 
que ;  il  écumoit  ,  mordoit  fa  langue  & 
la  déchiroit  avec  fes  dents  :  au  bout  d'un  de- 
mi-quart d'heure  fon  membre  entroit  en 
éredion ,  il  éjaculoit  une  quantité  confi- 
dérable  de  femence  ;  il  fe  relevoit  aufli-tôc 
fe  fecouoit ,  &  henniffoit  pour  demander  du 
fourrage.  Une  jument  n'avoit  des  accès  épi- 
leptiques  que  lorfqu'elle  étoit  trop  fanglée , 
&  feulement  dès  les  premiers  pas  qu'elle 
faifoit  fous  le  cavalier.  Un  cheval  de  tira- 
ge ,  après  avoir  cheminé  trente  pas  étant 
attelé  ;  un  cheval  napolitain ,  eftrapafTé  , 
&  gendarmé  pendant  long-temps  dans  les 
piliers  ;  un  cheval  Iimoufin ,  naturellement 
timide  ,  &  qu'on  effrayoit  indifcrétement 
pour  l'accoutumer  auxteu  ;un  poulain  dont 
une  multitude  de  vers  rougeoient  les  tuni- 
ques des  inteftins  ,  étoient  affligés  de  cette 
maladie  ,  ainfi  qu'un  cheval  fujet  à  une 
fluxion  périodique  fur  les  yeux ,  &  dont  on 
le  guérit. 

Les  remèdes  convenables,  félonies  idées 
que  nous  nous  formons  de  Ycpilepjie }  font 

T  ttt 


69S  EPÏ 

nombreux  ;  mais  leur  multiplicité  n'en  ga- 
rantit pas  le  fuccès.  Il  paroît  qu'on  doit  dé- 
buter par  i'adminiffration  des  médicamens 
généraux.  Les  faignées  à  la  jugulaire  font 
propres  à  dégorger  les  fînus  de  la  dure-me- 
re  ;  on  peut  en  pratiquer  au  plat  de  la  cuif- 
fe  pour  opérer  une  révulfion.  On  purgera 
plufïeurs  fois ,  &  on  fera  entrer  Yalquila  alba 
dans  le  breuvage  purgatif  :  on  aura  recours 
aux  lavemensémolliens  :  on  mettra  enfin  en 
ufage  la  décoction  des  bois  de  gayac  ,  de 
falTafras,  de  fantanx,  de  racine  de  pivoine, 
dent  on  humectera  le  fon  que  l'on  donnera 
tous  les  matins  à  l'animal  :  dans  la  journée 
on  mêlera  dans  cette  même  nourriture  des 
poudres  anti-épileptiques  ,  telles  que  celles 
de  vers  de  terre ,  de  gui  de  chêne ,  d'ongle 
de  cheval ,  decaftoreum ,  de  femence  de  pi- 
voine ,  de  grande  valériane.  On  pourra  & 
il  fera  bon  d'employer  le  cinnabre  ;  on  ten- 
tera des  fêtons  à  l'encolure  ,  ou  dans  d'au- 
tres parties  du  corps.  J'avoue  néanmoins 
que  j'ai  éprouvé  ,  relativement  à  cinq  ou 
fix  chevaux  que  j*ai  traités  de  cette  mala- 
die ,  Pinfufhlance  de  tous  ces  médicamens; 
leur  plus  grande  efficacité  s'eft  bornée  à 
éloigner  fimplement  les  accès  ,  mais  nul 
d'entr'eux  n'en  a  opéré  la  cure  radicale. 
Cet  aveu  me  coûte  d'autant  moins  ,  que  je 
trouverais,  Il  mon  amour  propre  pouvoir 
en  être  bleîTé  ,  dans  la  lincérité  de  quelques 
médecins  ,  dans  rimpuiirar.ee  des  lecours 
qu'ils  entreprennent  de  fournir  aux  hom- 
mes en  pareil  cas ,  de  quoi  me  confoler  de 
l'inutilité  de  mes  foins  &  de  mes  efforts,  (e) 
EPILLER,(Pofz>r  <ïétain.  )  EpillerYé- 
tain ,  c'eit  ôter  les  jets  des  pièces  avec  le 
fer..  Quand  on  a  jeté  toute  fa  fonte  y  on 
met  du  feu  au  fourneau.  On  ne  fe  fert  que 
(le  charbon  de  bois.  Le  fourneau  doit  être 
de  brique  ,  d'environ  huit  à  dix  pouces  de 
long  furfix  ou  fept  de  large  ,  ouvert  parde- 
vant ,  avec  une  grille  de  fer  defîbus  ,  pour 
porter  les  fers  &  le  charbon  qu'on  y  met. 
On  fe  fert  ordinairement  de  deux  fers  à  fou- 
der  qui  font  quarrés  &  pointus  par  le 
bout ,  &  dont  la  queue  entre  dans  un  man- 
che,.de  bois  percé  ,  qui  s'ôte&  fe  remet  cha- 
que fois  qu'on  les  prend.  On  frotte  un  côté 
du  fer  fur  de  la  poix-refine  mêlée  de  grais 
égrugés  enfemble.  On  effuie  enfuite  le  fer 
Sir  un  torchpn  mouillé  qu'on  nomme  tor- 


EPI 
che-fer;  &  puis  on  ûte  les  jets  des  pièces  r 
en  les  fondant  avec  le  fer  ,  &  recevant  l'é- 
tain  qui  en  tombe  dans  une  écuelle  de  bois^ 
Voilà  ce  qu'on  appelle  épiller.  Après  quoi 
on  bouche  les  trous  &  autres  fautes  des  pie- 
ces  :  cela  s'appelle rtvercher.  J^oj'.ReveR- 
CHER.  Pendant  qu'un  fer  fert ,  l'autre 
chauffe ,  &  on  s'en  fert  alternativement ,  & 
ainii  de  même  lorfqu'on  foude  la  poterie. 
Mais  il  faut  apprêter  auparavant  ;  après 
quoi  on  tourne  les  pièces  qui  font  à  tour- 
ner ,  on  forge  la  vaiiTelle  ,  &  on  achevé 
la  poterie  ou  menuiferie.  Voye\  Apprê- 
ter, Souder,  Tourner  ,  Forger  , 
Achever. 

EPILOGUE  ,  f.  m.  (Belles  Leur.)  dans 
l'art  oratoire ,  conclution  ou  dernière  par- 
tie d'un  difeours  ou  d'un  traité  ,  laquelle 
contient  ordinairement  la  récapitulation 
àes  principaux  points  répandus  6r  expofés 
dans  le  corps  du  difeours  ou  de  l'ouvrage. 
Voye\  Péroraison. 

ÉPILOGUE  ,  dans  la poéfie  dramatique , 
fignifioit  chez  les  anciens  ce  qu'un  des 
principaux  acteurs  adrefïbit  aux  fpectateurs 
loifque  la  pièce  étoit  finie  ,  &  qui  conte- 
noit  ordinairement  quelques  réflexions  re- 
latives à  cette  même  pièce,  &  au  rôle  qu'y 
avoit  joué  cet  acteur. 

Parmi  les  modernes  ce  nom  &  ce  rôle 
font  inconnus  ;  mais  à  V épilogue  des  anciens 
ils  ont  fr.bfritué  l'ufage  des  petites  pièces 
ou  comédies  qu'on  fait  fucctder  aux  pièces 
férieufes  >  afin  ,  dit  -  on  ,  de  calmer  les 
parlions,  &  de  difïiper  les  idées  trilles  que 
la  tragédie  auroitpu  exciter.  Il  eft  douteux 
que  cette  pratique  foit  bonne  ,  &  mérite 
àts  éloges  :  un  auteur  ingénieux  la  compa- 
re â  une  gigue  qu'on  joueroit  fur  une 
orgue  après  un  fermon  couchant,  afin  de 
renvoyer  l'auditoire  dans  le  même  état  ou 
il  étoit  venu.  Mais  quoique  Y  épilogue  , 
confidéré  fous  ce  rapport  ,  foit  afïez  incon- 
fequent ,  il  eft  appuyé  fur  la  pratique  des 
anciens  y  dont  l'exode,  c'eft-à-dire  ,  la 
fin  ,  la  fortie  des  pièces ,  exordium  ,  étoit 
une  farce  pour  effuyer  les  larmes  qu'on  avoit 
vetfées  pendant  la  repréfentation  de  la 
tragédie  :  ut  quidquid  lacryvarwrL  ac  trif- 
titice  cepijfent.ex  tragic-s affeclibus  ,  hujus 
fprclaculi  ri/us  detergeret,  dit  le  f:hoîiaffe- 

de  Juvenal.  Voyt ^Tragédie,  Satyre. 


E  P  I^ 

V épilogue  n'a  pas  même  toujours  été 
d'ufage  fur  le  théâtre  des  anciens ,  ni  à 
beaucoup  près  fi  ancien  que  le  prologue. 
Il  eft  vrai  que  plufieurs  auteurs  ont  con- 
fondu dans  le  drame  grec  ,  V épilogue  avec 
ce  qu'on  nommoit  exode  ,  trompés  parce 
qu'Ariftote  a  défini  celui-ci  une  partie  qu'on 
récite  lorfque  le  chœur  a  chanté  pour  la  der- 
nière fois  ;  mais  ces  deux  chofes  étoient  en 
effet  auffi  différentes  que  le  font  nos  gran- 
des &  nos  petites  pièces ,  l'exode  étant  une 
des  parties  de  la  tragédie  ,  c'eft-à-dire  ,  la 
quatrième  &  dernière  ,  qui  renfermoit  la 
cataftrophe  ou  le  dénouement  de  l'intri- 
gue ,  &  répondoit  à  notre  cinquième  acte  ;  : 
au  lieu  que  Y  épilogue  étoitunhors-d'œrrvre, ; 
qui  n'avoit  tout-au-pius  que  des  rapports 
arbitraires  &  fort  éloignés  avec  la  tragédie. 
Voye\  Exode.  (G) 

ÉPILOGUE  ,  (  Mufique  des  anc.  )  hui- 
tième &  dernière  partie  du  mode  des  ci- 
thares ,  fuivant  la  divifion  de  Serpandre. 
Pollux  ,  Onomafi.  Liv.  IV ,  chapitre  9. 

Je  crois  que  Y  épilogue  n'etoit  qu'une  ef- 
pece  de  partage  qui  terrninoit  le  mode  des 
cithares  ,  fans  y  appartenir  proprement  y 
comme  Y  épilogue  des  pièces  de  théâtre  ,  & 
que  la  véritable  fin  du  mode  fe  faifoit  par 
le  fphragis.  FqyqSPHRAGlS.  (Mufiq.des 
une.)  (F.JD.C.) 

EPIMEDIUM,  Lm.\Hifi.nm.bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  en  croix  ,compofée 
de  quatre  pétales  faites  en  forme  de  tuyau. 
Il  fort  du  calice  un  piftil  qui  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  ou  une  filique  qui  ne  forme 
qu'une  capfùle  qui  s'ouvre  en  deux  parties , 
&  qui  renferme  des  femences.  Tournef. 
Infl.  rei-herb.  Voye\  PLANTE.  (I) 
-  *  EPIMELETTE5  ,  f.  m.  pi.  {Myth.  ) 
c'étoit  ainfi  qu'on  appel loit  ceux  d'entre  les 
miniftres  du  culte  de  Cérès  ,  qui  dans  les 
facrrfîces  qu'on  faifoit  à  cette  divinité,  fer- 
voient  particulièrement  d'acolythes  au  roi 
des  facrifices. 

*  EPIMENIES,  adj.  pris  fubft.  {Myth.) 
c'eft  ainfi  qu'on  appélloit  dans  Athènes  les 
facrifices  faits  aux  dieux  à  chaque  nouvelle 
lune  ,  pour  le  bonheur  de  la  ville. 

On  entendoit  ailleurs  par  épi  nie  ni  es  ,  la 
provifion  qu'on  donnoit  aux  domefliques 
pour  un  mois.  Ils  parvenoient  à  fe  faire  un 
pécule  de  ce  qu'ils  en  épargnoient. 


EPÏ  69a 

*  EPIMETIIUM,  (Hifi.  anc.) partie 
de  la  cargaifon  totale  d'un  vaiffeau  ,  qu'on 
accordoit  aux  pilotes ,  &  dont  ils  pouvoient 
difpofer  à  leur  profit.  C'étoit  une  forte  d'in- 
demnité ©11  de  récompenfe  par  laquelle  on 
fe  propofoit  de  les  encourager  à  leurs  de- 
voirs. Quand  on  regarde  Yepimetrum  com- 
me une  indemnité,  ildéfigne  le  déchet  d'une 
marchandife  en  voyage:  alors  ce  droit  étok 
d'autant  plus  confidérable  ,  <jue  le  voyage 
avoitété  plus^rand.  Uepimeirumou  déchet 
accordé  aux  pilotes  pour  les  vaifleaux  -de 
la  flotte  d'Alexandrie,  étok  de  quatre  livres 
pefant  fur  cent  livres  de  froment ,  ou  d'un 
boifieau  for  vingt-cinq. 

EPÎMYLIE ,  (  Mufique  des  anc.  )  Dans 
Athénée  l'on  trouve  -que  Yépimylie  &  la 
chanfon  appeîlée  hymée  étoient  la  même. 
Voye\  HYMÉE.  (  Mufique  des  ancitns.  ) 
Athénée  ajoute  que  peut-être  ce  mot  épi- 
mylie  vient  à'i/xaKn  ,  qui  fignifie  en  Do- 
rien  tantôt  retour  ,  &  tantôt  l'augmenta- 
tion &  le  furplus.de  nourriture  qu'on  don- 
noit à  ceux  qui  travailloient  au  moulin. 
Peut-être  encore  ce -mot  vient-il  de  .v.v'mj, 
meule.  (  F.  D.  C.  ) 

EPINARS  ,  f.  m.  pi.  (  Hifi.  nctt.Bot.) 
fpinacia  _,  genre  de  plante  à  fleur 'fans  pé- 
tales, compofée  de  plufieurs  étamines  fou- 
tenues  par  un  calice.  Ces  fleurs  font  ftéri- 
les.  Les  embryons  naiflent  fur  les  efpeces 
de  ce  genre  qui  ne  portent  point  de  fleurs , 
&  deviennent  dans  la  fuite  des  femences 
faites  en  forme  de  poire  ,  &  renfermées 
dans  des  capfules  qui  ont  la  même  forme 
dans  certaines  efpeces  ,  &  qui  font  cornues 
ou  anguleufes  dans  d'autres.  Tournefort , 
Injl.reihtrb.  Voye\  PLANTE,  fi) 

Les  épinars  demandent  la  meilleure  terre, 
dans  laquelle  on  les  feme  deux  ou  trois 
fois  Tannée  ,  pouf  en  avoir  dans  plufieurs; 
faifons.  On  les  arrofe  dans  les  années  trop 
feches  ,  &  on  a  grand  foin  de  les  farder. 

EPINARS ,  {Diete.)V  épi  nars  cuit  à  l'eau 
eft  en  foi  ,  &  indépendamment  de  tout 
afîaifonnement  ,  un  aliment  peu  nourrif- 
fant ,  &  de  facile  digeftion  :  il  peut  pro- 
curer ou  entretenir  la  liberté  du  ventre. 

Il  eft  très-utile  dans  le  cas  où  l'on  inter- 
dit l'ufage  des  viandes ,  fans  réduire  ce- 
pendant à  celui  des  bouillons  ;  comme  lorf- 

T  ttt   2 


70o  EPI 

qu'on  commence  à  manger  après  des  indi- 
geftions  de  viandes  ou  de  poifïbn  :  dans 
]es  diarrhées  qui  les  fuivent  ,  &  en  général 
dans  les  dévoyemens  accompagnés  de  rap- 
ports nidoreux  ,  dans  cette  difpofîtion  des 
premières  voies  ,  qui  donne  aux  lues  digef- 
tifs  la  tournure  alkalefcente  de  Boerhaave. 

On  peut  dire  plus  généralement  encore, 
&  peut  être  avec  plus  de  vérité  ,  que  Yépi- 
nars  eft  un  aliment  affez  fain  ,  &  à-peu- 
près  indifférent  pour  le  plus  grand  nombre 
de  fujets.  (b) 

*  EPINCELER  ou  EPINCER  ,  y.  act. 
(  Draperie.  )  c'eft  ôter  les  nœuds  ,  pailles  , 
&  autres  ordures  du  drap  ,  avec  des  pinces. 
Ce  font  des  femmes  qu'on  emploie  à  cet 
ouvrage  ,  qui  s'appelle  aufîi  e/pouner.  V. 
V article  DRAP. 

Les  femmes  qui  épincelent  font  appellées 
épinceleufes  ?  ou  énoùeufcs  ,  ou  épinceufes  y 
ou  épine nelcuj es  ,  du  verbe  épincheler ,  ou 
épincheufes  ,  à'épincher. 

EPiNÇOIR  >  f.  m.  (Mqf.)  gros  mar- 
teau court  &:  pefant  à  tête  fendue  en  angle 
par  les  deux  côtés  ;  ce  qui  forme  à  chaque 
bout  deux  coins  ou  dents  affez  tranchantes. 
,  Il  fert  aux  Paveurs  ,  foit  à  débiter  le  pavé 
au  fortir  de  la  carrière  ,  foit  à  le  tailler 
pour  être  mis  en  place.  Cet  outil  eft  nécef- 
faire  pour  le  pave  d'échantillon. 

EPINE,  (Botan.)  petite  pointe  aiguë 
qui  part  du  bois  ou  de  l'écorce  des  arbres. 
Les  épines  font  ou  ligneufes  commes  celles 
àeY  épine-vinette  ,  ou  corticales  comme  cel- 
les du  framboifier  :  les  premières  partent 
du  bois  ,  &  les  dernières  de  l'écorce. 

Les  petits  poils  dont  plulieurs  plantes 
font  revêtues  ,  ont  dans  leur  forme  tant 
d'analogie  avec  les  épines  ,  que  dans  quel- 
ques-unes les  poils  un  peu  roides  fe  chan- 
gent en  épines  comme  dans  la  tige  de  la 
bourrache  ,  &  même  dans  la  partie  fupé- 
rieure  de  fes  feuilles. 

Labafe  de  chaque  épine  eft  compofée  de 
petites  trachées  ou  vaiffeaux  excrétoires 
oblongs  ,  rouges  dans  les  tiges  tendres  ,  & 
verdâties  da.--s  les  autres.  La  hampe  de 
V épine  eft  un  tube  plein  d'un  liquide  tranf- 
parent  ,  qui  fort  par  l'extrémité  de  ce  tube 
quand  on  en  rompt  le  bout. 

On  ne  manque  pas  de  plantes  garnies 
de  piquans ,  &  quelques-unes ,  comme  la 


E  P  I 

courge  y  le  font  dans  leurs  tiges  ,  leurs 
feuilles  &  leurs  fleurs.  Les  branches  de 
la  bugrande  ,  ou  de  l'ariête-bœuf,  forment 
une  paliffade  de  pointes  aiguës ,  qui  per- 
cent l'endroit  où  font  pofées  les  feuilles. 
L'ortie  piquante  ,  nommée  par  cette  raifon 
urtica  aculeatay  jette  depuis  fa  tige  quantité 
djépines  molles  &  foibles  ,  entre  lefquelles 
il  en  pouffe  d'autres  plus  fortes ,  plus  gran- 
des, droites,  horizontales,  courbes,  diver- 
fement  penchées  tantôt  en-haut ,  tantôt 
en-bas  :  elles  font  plantées  dans  une  bafe 
folide  &  ligneufe  ,  s'élèvent  eniuite  ,  oc 
finifîent  en  forme  de  ftilet.  La  bardane 
pouffe  aufîi  des  feuilles  garnies  de  longues 
épines  crochues. 

Je  ne  détaillerai  point  les  noms  des  ar- 
buftes  &  des  arbres  armés  ft épines  ligneu- 
fes  ou  cortiales  ;  ce  font  des  faits  fi  connus , 
que  plufieurs  botaniftes  ont  imaginé  que  le 
feul  ufage  des  épines  étoit  de  fervir  de  dé- 
fenfe  ou  d'appui  aux  parties  qu'elles  avoi- 
finent. 

Le  rofier  y  cet  arbriffeau  qui  donne  les 
plus  belles  &:  les  plus  odorantes  fleurs  du 
monde  ,  eft  tout  hériffé  ft  épines  dans  fa 
tige ,  fes  fleurs ,  &  fes  feuilles.  Les  piquans 
de  V épine -vinette  fortent  de  la  tige  d'une 
année  ,  à  l'origine  de  la  feuille  qui  tombe , 
&  fe  cachent  fous  l'apparence  de  boutons 
feuillus  ;  ils  font  revêtus  d'une  écorce  mol- 
le ,  formée  de  vaiffeaux  excrétoires  rouges 
&  diaphanes  :  la  partie  ligneufe  de  V épine 
de  cet  arbrifîeau  s'endurcit  ,  &  vient  en- 
fuite  fe  terminer  en  pointe.  A  la  bafe  de 
cette  épine  ,  fous  les  petites  feuilles  de  la 
tige  ,  il  fe  forme  d'ordinaire  une  nouvelle 
épine  ,  qui  reçoit  un  pareil  accroiffement  : 
enfin  ,  pour  abréger,  toutes  les  efpeces  de 
néfflier  ,  l'aubépine  ,  &Y  épine-  jaune  ,  font 
fi  chargées  d'aiguillons  épineux  ,  tournés 
en  difFérens  fers  ,  qu'il  n'eft  pas  pciïible 
d'y  porter  la  main  fans  fe  piquer. 

M;>is  quel  rue  fuit  le  nombre  des  plantes 
épineuies ,  &  la  différente  pofleion  de  leurs 
épines  ,  on  remarque  qu'en  général  tlles 
naiflent  de  la  bafe  des  boutons  ,  ou  paroi  f- 
fent  vers  les  nœuds  des  plantes.  Eft- ce  que 
le  fuc  nourricier  qui  doit  fervir  à  TaccroiP- 
fement  des  boutons  &  des  rejetons ,  n'ayant 
pas  acquis  dans  les  trachées  la  ténuité  re- 
quife  ?  &  en  conféquence  ne  pouvant  être 


EPI 

reçu  dans  les  branches  fupérieures ,  perce 
nécefTairement  par  la  bafe  des  boutons , 
s'élève  enfuite  en  petit  rejeton  qui  s'ame- 
nuife  faute  de  nourriture  ,  &  devient  fina- 
lement une  pointe  ligneufe  ,  laquelle  dif- 
paroît  avec  le  temps  à  mefure  que  la  plante 
s'élève  &  profpere  ?  c'eft  le  fyftême  du 
célèbre  Malpighi  ,  qui  nous  paroît  cepen- 
dant plus  ingénieux  que  folide. 

Il  vaut  mieux  avouer  ici  deux  chofes  : 
l'une  ,    qu'on  n'a  point  encore  trouvé  la 
vraie  caufe  de  l'origine  des  épines  :  l'autre , 
que  leur  utilité  nous  eft  également  incon- 
nue. Souvent  les  épines  nous  offrent  dans 
leur  distribution  les  mêmes  variétés  que  les 
fleurs  &  les  fruits  ;  fouvent  elles  fuivent  le 
même  arrangement  que  les  feuilles  ;  fou- 
vent  aufli  le  contraire  fe  préfente  :  en  un 
mot  tout  ce  qui  regarde  cette  matière  eft 
un  champ  neuf  à  défricher.  On  a  fait  des 
recherches  &  des  découvertes  fur  toutes  les 
autres  parties  des  plantes  ,  le  bois ,  l'écor- 
ce  ,  la  racine,  les  feuilles  ,  les  fleurs, les 
fruits  &  les  graines  :  mais   on  n'a    jette 
que  de  loin  des  regards  fur  les  épines  ;  il 
femble  qu'on   ait   craint   d'en  approcher. 
Art.  de  M.  le  Chevalier  de  Jau  cou  rt  . 
Epine-Jaune  feolimus  ,  {Hift.   nat. 
bot.  )  genre  de  plante  à  fleur  ,  compofée 
de  plufieurs  demi-fleurons,  portés  chacun 
fur  un  embryon  ,  dont  le  filet  s'infère  dans 
le   trou  qui  eft  au-bas  de  chacun  de  ces  de- 
mi-fleurons ;  ils  font  féparés  les  uns  des  au- 
tres par  une  petite  feuille  ,  &  ils  font  fou- 
tenus  par  un  calice  écailleux.  Lorfque  la 
fleur  eft  paffée  ,   chaque  embryon  devient 
une  femence  qui  tient  à  une  petite  feuille  , 
&  qui  eft  attachée  à  la  couche.  Tourne- 
fort  ,  inft.  rei  lierb.  Voye\  PLANTE.  (7) 

EpiNE-VlNETTE  ,  berberis  ,  en  latin  , 
berberis  ;  en  anglois ,  barberry  or  pipper- 
idge  bush  ;  en  allemand  }  berbersbeere  , 
{Étfl.  nat.  bot.)  genre  de  plante  à  fleur 
en  rofe,  compofée  de  plufieurs  pétales  dif- 
pofées  en  rond.  Il  s'élève  du  milieu  de 
la  fleur  un  piftil  ,  qui  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  de  figure  cylindrique,  qui  eft  mou, 
plein  de  fuc  ,  &  qui  renferme  une  ou  deux 
femences  oblongues.  Tournefort  inft.  rei 
herb.    ^oye\  PLANTE.  (7) 

Uépine-vinette  eft  un  arbriffeau  épineux, 
qui  croît  naturellement  en  Europe  dans  les 


EPI  701 

bois  &  dans  les  haies  des  pays  plus  froids 
que  chauds ,  &  plutôt  en  montagnes  que 
dans  les  vallées.  11  pouffe  du  pié  plufieurs 
tiges  afîez  droites  ,  dont  l'écorce  lifTe,  min- 
ce 9  grife  en-defliis  ,  eft  d'une  belle  cou- 
leur jaune  en-deffous.  Ses  jeunes  branches 
font  hériflées  d'épines  foibles ,  longues,  & 
fouvent  doubles  ou  triples.  11  fait  de  co- 
pieufes  racines  qui  font  peu  profondes  ,& 
dont  l'écorce  eft  d'un  jaune  encore  plus 
vif  que  celles  des  tiges.  Sa  feuille  eft  ova- 
le ,  finement  dentelée  ,  d'un  verd  tendre  , 
&  d'un  goût  aigrelet.  Au  commencement 
de  Mai ,  l'arbrifïèau  donne  fes  fleurs  ,  qui 
durent  pendant  trois  femaines  :  elles  font 
jaunâtres  &  afîèz  apparentes  ,  mais  d'une 
odeur  forte  &  défagréable.  Le  fruit  qui 
fuccede  eft  cylindrique  ,  d'une  belle  cou- 
leur rouge  ,  difpofé  en  grappe  comme  la 
grofeille  fans  épines  ,  &  d'un  goût  fort  ai- 
gre ,  mais  rafraichiflànt  &  très-fain.  Il 
mûrit  au  mois  de  Septembre. 

Cet  arbrifîeau  s'élève  jufqu'à  dix  pies 
quand  on  le  cultive  ,  mais  le  plus  fouvent 
il  n'en  a  que  quatre  ou  cinq.  11  vient  à 
toute  expefition  ,  &  dans  tous  les  terreim, 
cependant  il  fe  plaît  davantage  dans  les' 
terres  fortes  &  humides.  Ou  peut  le  mul- 
tiplier de  graine  ,  c'eft  la  voie  la  plus 
longue  ;  de  branches  couchées  ,  qui  font 
de  bonnes  racines  la  même  année  ;  de 
rejetons  >  que  l'on  trouve  ordinairement 
au  pié  des  vieux  arbriffèaux,&  c'eft  le 
plus  court  moyen  ;  enfin  par  les  racines 
même  ,  qui  reprennent  &  pouffent  aifé- 
ment  en  les  plantant  de  la  longueur  du 
doigt.  Le  meilleur  fervice  que  l'on  puiffe 
tirer  de  cet  arbriffeau  ,  c'eft  d'en  former 
des  haies  vives  qui  croiffent  promptement, 
qui  font  une  bonne  défenfe  ,  &  qui  font 
de  longue  durée.  On  fait  quelque  ufage 
en  Bourgogne  du  fruit  de  cet  arbrifTeau, 
qui  y  eft  fort  commun  ;  on  en  fait  des 
confitures  ,  qui  font  en  réputation.  L'écor- 
ce de  ces  racines  a  la  propriété  de  teindre 
en  jaune  ;  on  s'en  fert  aufli  pour  donner 
du  luftre  aux  cuirs   corroyés. 

On  connoîtflx  efpeces  ou  variétés  de  cet 
arbriffeau. 

1.  \Jépine-vinette  commune  ;  c*eft  princi- 
palement à  cette  efpece  qu'on  doit  appli- 
quer ce  qui  vient  d'être  dit  en  général. 


702  ï:  p  i 

2.  *U  épine-vinette  fans  pépin;  c'eft  une 
variété  accidentelle  qui  fe  rencontre  dans 
quelques  vieux  pies  de  l'efpece  commune, 
qui  ont  été  cultivés  ,  &  qui  font  fur  le  dé- 
clin :  encore  fe  trouve-t-il  fouvent  que  tous 
les  fruits  du  même  arbriffeau  ne  font  pas 
fans  pépin.  Mais  cette  variété  n'eft  pas 
confiante  :  il  n'eft  guère  pofïïble  de  la  per- 
pétuer par  la  tranfplantation  des  rejetons 
de  l'arbrifTeau  dont  le  fruit  eft  fans  pépin  ', 
parce  que  ces  rejetons  acquérant  par  ce  dé- 
placement de  nouvelles  forces  ,  ils  font  des 
plants  vigoureux  ,  qui  perfectionnent  leur 
fruit  &  produifent  des  femences  :  quoiqu'il 
puiffe  encore  arriver  que  ces  rejetons  tranf- 
pîantés  donnent  pendant  un  temps  des  fruits 
fans  pépin ,  relativement  au  degré  de  cul- 
ture &  àlaqualitéduterrein.  Ceci  s'accorde 
avec  l'obfervation  que  l'on  a  faite ,  que  c'eft 
fur  les  plus  vieilles  tiges  de  l'arbrifTeau  que 
l'on  trouve  des  fruits  fans  pépin ,  &  que  c'eft 
tout  le  contraire  fur  les  jeunes  rejetons 
qui  font  fur  le  môme  pie. 

3.  Uepine-vi  nette  à  fruit  blanc  y  c'eft  une 
variété  qui  eft  fort  rare  ,  &  qui  ne  diffère 
de  l'efpece  commune  que  par  la  couleur 
du  fruit. 

4.  \J  épine-vinette  de  Canada.  Cet  arbrif- 
feau  qui  fe  trouve  dans  la  plupart  des  pays 
feptentrionaux  de  l'Amérique,  eft aufhro- 
bufte  &  s'éieve  à  la  même  hauteur  que  l'ef- 
pece commune ,  dont  il  diffère  fur-tout  par 
fa  feuille  qui  eft  plus  grande  >  &  dont  l'ar- 
briiTeau  n'eft  pas  fi  garni. 

■y.  U épine-vinette  de  Candie.  Cet  arbrif- 
feau  eft  fi  rare,  que  n'étant  point  encore 
connu  en  France  ,  il  faut  s'en  tenir  à  la  def- 
cription  qui  en  a  été  faite  par  Bellus  méde- 
cin de  Pille  de  Candie ,  &  qui  a  été  donnée 
par  J.  Bauhin."  Il  s'élève  à  fixou  fept  pies; 
•>■>  il  eft  hériffé  d'une  grande  quantité  d'e'pi- 
»i  nés  qui  ont  trois  pointes  ,  comme  celles 
»  de  l'efpece  commune.  Sa  feuille  eft  pe- 
»  tite  ,  légèrement  dentelée  ,  &  d'une  for- 
}■>  me  approchante  de  celle  du  buis.  Il  don- 
»  ne  beaucoup  de  fleurs  jaunes ,  reftèm- 
7>  blantes  à  celle  du  palivre  ,  mais  plus  pe- 
j>  tites.  Le  fruit  qui  en  provient  contient 
?>  une  ou  deux  graines  ;  il  eft  cylindrique 
»  comme  celui  de  V épine-vinette  commune _, 
»  mais  il  ne  vient  point  en  grappe  ;  il 
»  eft  de  couleur  noire ,  &  il  rend  au  goût  j 


ÊT1 

»»  un  mélange  d'acide  &  de  douceur.  L'é- 
»  côrce  du  bois  de  cet  arbriflèau  loin  d'é- 
»  tre  lifte  ,  comme  dans  l'efpece  comtira- 
»  ne  ,  eft  raboteufe  &  d'une  couleur  gii- 
»  sacre.  Son  bois  eft  jaune  ,  airrfi  qne  fa 
»  racine  ,  dont  on  peut  faire  la  plus  belle 
»  teinture.  » 

6.  U  épine-vinette  du  levant.  Cet  aibrif- 
feau  qui  à  été  découvert  par  Tournefort  , 
dans  fon  voyage  au  levant,  eft  aufîi  rare 
&  aufîi  peu  connu  que  le  précédent.  Tout 
ce  que  l'on  en  fait  ,  c'eft  qu'il  fait  un  plus 
grand  arbrifïeau  que  ceux  dont  on  vient 
de  parler,  &  qu'il  produit  un  fruit  noir 
très-agreable  au  goût,  (c) 

Epine-vinette,  berberis ,  {Pharm:  & 
Mat.  med.)  Il  n'y  a  que  les  fruits  de  cet 
arbrïfîèau  qui  foient  ufïtés  en  Pharmacie  ; 
on  en  exprime  le  fuc  ,  dont  on  fait  le 
firop  &  le  rob  ;  on  nettoie  les  pépins ,  & 
on  les  fait  fécher  ,  pour  s'en  fervir  dans 
différentes  compositions;  comme  le  fuc  ex-» 
primé  entre  aufîi  dans  pîufieurs  prépara- 
tions ,  on  en  conferVe  fous  l'huile.  On  Trou- 
ve chez  les  ConhTeurs  les  grains  d'épine- 
vinette  confits  avec  le  fucre  ,  aufli-bien 
que  la  gelée   des  mêmes  fruits. 

Le  fuc  de  berberis  étoit  un  des  menf- 
trues  que  les  Chymiftes  employoient  pour 
faire  ce  qu'ils  appelloient  teinture  de  co- 
rail ,  de  perle  ,  &c. 

Simon  Pauli  préparoit  uft  fel  efîentiel 
à? épine-vinette,  qu'il  appelloit  tartre  de  ber- 
beris. Il  prenoit  deux  livres  de  fuc  de  ces 
fruits  bien  dépuré  ;  il  y  ajoutait  deux  onces 
de  fuc  de  citron  ;  il  faifok  évaporer  à  un 
petit  feu  ,  jufqu'à  ce  que  la  liqueur  fût  ré- 
duite à  moitié  ,  &  il  la  mettoit  dans  un  en- 
droit frais  ;  au  bout  de  quelques  jouis  ,  il 
la  retiroit  du  vafe ,  dont  le  fond  fe  trou- 
voit  couvert  de  quantité  de  cryftaux  ;  il 
faifoit  évaporer  derechef  le  fuc  qui  lui  avoit 
fourni  ces  cryftaux  ,  &  il  en  retiroit  des 
nouveaux ,  &c. 

Le  fuc  à' épine-vinette  occupe  dans  la  claffe 
des  corps  muqueux  ,  l'extrême  marqué  par 
l'excès  d'acide  ,  avec  le  citron  &  les  gro- 
feilles  ,  auxquels  il  peut  être  fubftitué ,  & 
qui  font  réciproquement fesfuccédanés  pro- 
pres. Voyei  Muqueux  &  Citron. 

La  gelée  ,  le  rob  ,  le  firop  de  berberis, 
font  des  analeptiques  rafraîchiffans  >  qui 


EPI 

ont  toutes  les  propriétés  des  doux-aigrelets. 
Voye\  DOUX  ,  AdPE  ,  ClTRON  ,  L{- 
MONADE. 

Le  fuc  de  berberis  entre  dans  le  drop 
magiftral  aftringent  ;  fes  pépins  dans  la 
poudre  aitringente  ,  dans  l'électuaire  de 
pfyllium  ,  de  diaprun  ,  la  conte  ai  un  hya- 
cinthe ,  le  diafcordium  ,  &c.  (è) 

Epine  du  Dos  ,  (Anat.)  colonne  ofïeu- 
fe,  compofée  de  vingt-quatre  pièces  mo- 
biles appeliées  vertèbres  ,  appuyées  fur  l'os 
faerum.  Le  nom  d'épine  lui  a  été  donné , 
parce  qu'elle  eft  munie  à  fa  partie  pofté- 
rieure  de  plufteurs  apophyfes  pointues  en 
forme  d'épines.  Elle  reiTemble  un  peu  à 
deux  pyramides  inégales ,  dont  les  bafes 
font  communes  ou  jointes  enfemble:  cepeR- 
daus  V épine ,  au  lieu  d'être  droite ,  a  quatre 
ou  cinq  courbures  confidérables  ;  mais  non- 
obftant  ces  courbures ,  il  fe  rencontre  tou- 
jours que  fon  centre  de  gravité  qui  foutient 
un  grand  poids  ,  tombe  fur  le  milieu  de 
la  bafe  commune.  Entrons  dans  un  plus 
grand  détail ,  dont  nous  tirerons  les  con- 
féquences. 

"L'épine  eft  articulée  avec  la  tète ,  3c  prend 
depuis  l'apophyfe  condyloïde  de  l'os  occi- 
pital, jufqu'à  l'extrémité  du  coccyx. 

Comme  le  crâne  eft  compofé  de  diffé- 
rentes pièces  ofTeufes ,  qui  contiennent , 
confervent ,  &  défendent  le  cerveau  ,  de 
même  V épine  forme  un  canal  ofTeux  ,  qui 
contient ,  conferve ,  &  défend  des  injures 
extérieures*  la  moelle  fpinale  ,  qui  eft  une 
continuité  du  cerveau  dans  toute  la  longue 
route  qu'elle  parcourt. 

Cette  colonne  eft  le  principal  appui  de  la 
tête ,  des  bras,  de  la  poitrine.  Sa  compofi- 
tion  eft  formée  de  plufieurs  pièces  ofïèufes , 
articulées  enfemble  par  des  cartilages  &  des 
ligamens ,  qui  lui  donnent  la  facilité  d'obéir 
aux  mouvemens  du  corps.  Ces  pièces  oiTeu- 
iés  ./appellent  ver  ce  ores  ,  du  verbe  latin  ver- 
tere ,  qui  lignifie  tourner  ;  parce  que  le  corps 
fe  tourne  divcrfement  par  leur  moyen.  V~r 
VERTE3KE. 

Les  plus  grandes  &  les  plus  mafïives  de 
ces  vertèbres  conftiruent  la  bafe  de  Yépine 
du  dos;  ce  qui  fait  qu'elle  eft  pîusfolidement 
appuyée  &c  mieux  fcutenue. 

Les  veitebresen  montant  perdent  infen- 
fiblement  quelque  Ghclè  de  leur  volume  : 


EPI    f  f  7o3 

de  forte  que  Yépine  confédérée  dans  fa  tota- 
lité de  bas  en-haut,  finit  en  manière  de  py- 
ramide. C'eft  à  l'égard  de  cette  figure  pyra- 
midale ,  que  M.  Vinilow  a  remarqué  que 
toute  Yépine  étant  vue  de  front  &  par  de- 
vant ,  la  largeur  de  ce  corps  n'augmente 
d'abord  que  depuis  la  deuxième  verteL/e 
du  cou  jufqu'à  la  feptierne  ;  enfuite  elle  di- 
minue de  plus  en  plus  jufqu'à  la  quatrième 
ou  cinquième  vertèbre  du  dos  ;  delà  elle 
recommence  fon  augmentation  de  fuite  juf- 
qu'à l'os  faerum  :  cette  difpofïtion  eft  ordi- 
nairement confiante  par  rapport  aux  vifee- 
res  du  bas- ventre. 

Ainfi  lorfqu'on  regarde  Yépine  par  fa  par- 
tie antérieure  ou  poftérieure  ,  elle  paroît 
droite  ;  quand  ,  au  contraire  ,  on  la  confé- 
déré par  une  de  fes  parties  latérales,  on  re- 
connoît  qu'elle  fe  jette  tantôt  en-dedans  y 
tantôt  en-dehors  :  mais  il  eft  impofîible 
d'imiter  cette  ligure  en  montant  un  fque- 
Jette  ;  il  la  faut  o^ferver  dans  un  cadavre  , 
après  avoir  emporté  les  parties  qui  empê- 
chent de  s'en  bien  éclaircir. 

Toute  CQ'ctQ  fuite  de  pièces  oneufes  pofees 
les  unes  fur  les  autres  ,  &  qui  contiennent 
Yépine ,  fe  divife  en  vraies  &  en  faiyfTes  ver- 
tèbres :  les  vraies  vertèbres  font  les  vingt- 
quatre  os  fupérieurs  de  Yépine,  qui  forment 
la  longue  pyramide  fupérieure  avec  fa  bafe 
inférieure  :  les  faufies  vertèbres  cornpo- 
fent  l'os  faerum  ,  &.  forment  la  courte 
pyramide  inférieure  avec  fa  bafe  fupé- 
rieure. 

Les  connexions  de  Yépine  font  diftinguées 
en  communes  &  en  propres.  J'appelle  con- 
nexions communes  y  celles  qu'a  Yépine  avec 
les  parties  voilines ,  comme  avec  l'occipi- 
tal, les  côtes,  cvlesosdesiiles:  les  propres 
font  celles  que  les  différentes  pièces  qui  les 
cempofent  ont  entr'ellcs.  Ces  dernières 
font  de  deux  fortes  :  la  première  eft  la  con- 
nexion que  l'os  faerum,  le  coccyx  ,  &  les. 
vertèbres  ont  enfemble  par  leur  corps  ,  &; 
que  l'on  peut  nommer  fyneuro  -/ 'y<:chai>- 
drojiale ,  ou  iigjmenteufe  mixte  ,  pmfque  les 
ligamens  n'y  ont  pas  moins  de  part  que  les 
cartilages  :  h  feconde  eft  celle  qu'elles  ontr 
par  leurs  apophyfes  obliques. 

Les  cartilages  qui  unifient  les  vertèbres^ 
en  recouvrant  leur  fur  face ,  ont  plus  d'é-~ 
paiiTcur  en-devant  qu'en-  arrière  ,.  &  fon£ 


704  É  P  L 

maintenus  dans  leur  état  par  une  efpece  de 
mucilage  onctueux.  Les  ligamens  qui  afFer- 
miirent  ces  mêmes  vertèbres _,  qui  attachent 
étroitement  leurs  apophyfes  obliques ,  épi— 
neufes  &  tranfverfes ,  font  compofés  de 
fibres  élaftiques  &  très-fortes  ;  les  uns  de 
ces  ligamens  s'étendent  extérieurement  fur 
toute  X épine  ;  d'autres  tapifïent  la  furface 
interne  du  canal.  Il  y  a  encore  quantité  de 
petits  ligamens ,  dont  les  uns  attachent  les 
bords  de  chaque  vertèbre  ,  &  recouvrent 
leurs  cartilages ,  d'autres  font  attachés  à  la 
circonférence  des  apophyfes ,  pour  faciliter 
les  mouvemens  de  V épine  ,  &  s'oppofer  à 
l'écoulement  de  la  fynovie ,  qui  humecte 
continuellement  ces  parties.  Telle  eft  en 
gros  laftructure  de  la  colonne  offeufe,  dont 
les  pièces  font  enfi  grand  nombre  &fîmer- 
veilleufement  articulées  enfemble  ,  qu'on 
ne  peut  fe  lafTer  de  l'admirer. 

Il  réfulte  de  cette  ftructurede  Y  épine  plu- 
sieurs conlîdérations  très-importantes  :  nous 
allons  en  expofer  quelques-unes  aux  yeux 
des  Phyiiciens. 

i°.  Il  paroîtde  cette  ftructure  ,  que  la 
première  courbure  de  Y  épine  eft.  formée  par 
le  poids  de  la  tête  ,  &  pour  la  capacité  de  la 
poitrine.  Comme  la  partie  inférieure  eft 
chargée  d'un  très-pefant  fardeau  ,  on  ne 
doit  point  être  furpris  que  les  vertèbres  des 
lombes  s'avancent  considérablement  en-de- 
vant pour  recevoir  la  ligne  de  direction  de 
toute  la  maffe  qu'elle  fupporte  ,  fans  quoi 
nous  ne  faurions  nous  tenir  debout.  Il 
eft  aifé  de  remarquer  cette  méchanique  dans 
les  chiens  qu'on  a  inftruits  à  marcher  fur 
deux  pies  ;  leur  épine  dans  cette  attitude 
prend  la  courbure  que  nous  obfervons  dans 
celle  des  hommes ,  au  lieu  qu'elle  eft 
droite  lorfqu'ils  marchent  fur  leurs  quatre 
jambes. 

2P.  Il  fuit  de  la  ftructure  de  Yépine  ,  que 
comme  les  jointures  dont  cette  colonne  eft 
compofée  font  en  très-grand  nombre ,  la 
moelle  épiniere,  les  nerfs ,  &  les  vaifleaux 
fanguins  ,  ne  font  pas  fujets  à  des  compref- 
fions  &  à  des  tiraillemens  lors  des  mouve- 
mens du  tronc  ;  &  comme  plufieurs  vertè- 
bres font  employées  à  chaque  mouvement 
de  Yépine  y'û  fe  fait  toujours  alors  une  petite 
courbure  à  l'endroit  où  fe  joignent  deux 
vertèbres. 


EPI 

3*.  Que  l'attitude  droite  eft  la  plus  fer- 
me &  la  plus  aflurce  ;  parce  que  la  furface 
du  contact  des  points  d'appui  eft  plus  large, 
&  que  le  poids  porte  de/Tus  plus  perpendi- 
culairement. 

4°.  Que  les  mufcles  qui  meuvent  Yépine 
ont  plus  de  force  pour  amener  le  troncàune 
attitude  droite ,  que  pour  fe  prêter  à  aucune 
autre ,  car  pour  courber  le  tronc  du  corps  en- 
devant  ,  en-arriere  ,  ou  fur  les  côtés  ,  il  faut 
que  les  mufcles  qui  concourent  à  ces  actions, 
s'approchent  des  centres  du  mouvement  ; 
&  par  conféquent  leur  levier  eft  plus  court 
que  quand  le  centre  du  mouvement  eft  fur 
la  partie  des  vertèbres  ,  oppofée  à  celle  où 
ces  mufcles  font  inférés,  comme  il  arrive 
quand  le  tronc  eft  droit. 

En  effet ,  à  mefure  que  Yépine  s'écarte  de 
la  pofition  perpendiculaire  ,  le  poids  du 
corps  l'incline  bientôt  du  côté  que  nous 
voulons  ;  au  lieu  que  quand  nous  nous  te- 
nons droits ,  ce  grand  poids  eft  plus  que 
contre-balancé. 

59.  Qu'en  calculant  la  force  qu'em- 
ploient les  mufcles  qui  meuvent  Y  épine  y  il  en 
faut  diftribuer  une  partie  pour  l'action  des 
cartilages  d'entre  les  vertèbres  ,  lefquels 
cartilages ,  dans  tout  mouvement  qui  s'é- 
carte de  l'attitude  droite  ,  font  tirés  d'un 
côté ,  &  comprimés  de  l'autre  ;  au  lieu  que 
le  tronc  étant  dans  une  attitude  droite ,  ces 
mêmes  cartilages  y  concourent  par  leur 
force  naturelle. 

6°.  Il  eft  aifé  de  déduire  ,  de  la  ftructure 
de  Yépine ,  laraifon  du  phénomène  obfervé 
par  M.  Waffe ,  que  notre  taille  eft  alongée 
le  matin  ,  &  diminuée  le  foir:  cette  raifon 
eft  que  les  cartilages  intermédiaires  des 
vertèbres ,  preffés  tout  le  jour  par  le  poids 
de  notre  corps ,  font  le  foir  plus  compactes  : 
mais  après  qu'ils  ont  été  remis  de  cette 
preflion  ,  par  le  repos  de  la  nuit ,  ils  repren- 
nent leur  état  naturel.  Voy.le  mot  ACCROIS- 
SEMENT. 

7°.  Les  différentes  articulations,  foit  des 
corps ,  foit  des  procejjus  obliques  des  vertè- 
bres, &  le  plus  ou  moins  de  force  des  dif- 
férens  ligamens  ,  montre  que  leur  deftina- 
tion  eft  plutôt  de  faciliter  le  mouvement 
en-devant ,  que  celui  du  mouvement  en-ar- 
riere: ce  dernier  eft  de  difficile  exécution, 
&  même  fujet  dans  les  adultes  à  rompre  , 

par 


EPI 

par  un  tiraillement  excefïif  ,  les  vaifTeaux 
fanguins  qui  font  contigus  aux  corps  des 
vertèbres. 

C'eft  un  fait  fi  vrai  que  les  danfeurs  de 
corde  &  les  voltigeurs,qui  plient  leur  corps 
en  tant  de  manières  différentes  ,  ne  le  font 
que  parce  qu'ils  y  font  accoutumés  ,  &  mê- 
me façonnés  dès  la  plus  tendre  enfance  , 
cet  âge  de  la  vie  où  les  apophyfes  &  les 
bords  des  vertèbres  ne  font  encore  que  des 
cartilages  flexibles ,  &  où  les  ligamens  font 
d'une  extrêmefoupleffe.  Cette  flexibilité  & 
cette  fouplefîe  continuent  de  fe  maintenir 
par  un  exercice  &  une  habitude  perpétuel- 
lement répétée  ;  &  c'eft  peut-être  par  cette 
raifon  que  dans  la  diffe&ion  des  cadavres 
de  deux  danfeurs  de  corde  ,  âgés  d'environ 
vingt  ans  ,  Riolan  obferva  que  leurs  épi- 
phyfes  n'étoient  pas  encore  devenues  apo- 
phyfes. 

8°.  Du  méchanifme  général  de  V épine 
on  peut  déduire  aifément  toutes  les  diffé- 
rentes courbures  contre  nature  dont  IV- 
pine  eft  capable  ;  car  fi  une  ou  plufieurs 
vertèbres  font  d'une  épaiffeur  inégale  à  des 
côtés  oppofés  ,il  faudra  queV  épine  penche 
fur  le  côté  le  plus  mince  ,  qui  ne  foutenant 
que  la  moindre  partie  du  poids  du  corps  , 
fera  de  plus  en  plus  comprimée,  &  par  con- 
féquent  ne  pourra  pas  s'étendre  autant  que 
l'autre  côté  ,  qui  étant  bien  moins  chargé  , 
aura  toute  l'aifance  propre  à  le  laifTer  grof- 
fir  excefïivement. 

Les  caufes  d'où  provient  cette  inégalité 
d'épaifTeur  dans  différens  côtés  des  vertèbres 
font  différentes  ;  car  PinJgalité  peut  procé- 
der ou  d'une  diftenfion  trop  forte  des  vaif- 
feaux d'un  côté  ,  ou  d'un  accroiffement 
contre  nature  de  l'épaiffeur  de  cette  partie , 
ou  ,  ce  qui  eft  encore  plus  commun  ,  de 
l'obftruction  des  vaiffeaux  ,  qui  empêche 
l'application  de  la  fubftance  alimentaire 
néceffaire  à  l'os.  Cette  obftruction  dépend  y 
i°.  de  la  difpofition  vicieufe  des  vaiffeaux 
ou  des  fluides  ,  i° .  d'une  prefîion  mécha- 
nique  inégale  ,  occaflonnée  par  la  foibleffe 
paralytique  des  mufcles  &  des  ligamens ,  30. 
de  l'action  fpafmodique  des  mufcles  fur  un 
côté  de  M  épine ,  49.  d'une  longue  continuité, 
ou  de  la  reprife  fréquente  d'une  pofture  éloi- 
gnée de  la  droite. 
.Dans  tous  ces  cas  il  arrive  également  que 
Tome   XII. 


EPI  7oç 

les  vertèbres  s'épaifïïront  du  côté  que  les 
vaiffeaux  font  libres ,  &  demeureront  min- 
ces du  côté  où  les  vaiffeaux  font  obftrués. 
Toutes  les  fois  qu'il  arrive  une  pareille 
courbure  contre  nature  ,  il  en  réfulte  pres- 
que infailliblement  une  autre  ,  mais  dans 
une  direction  oppofée  à  la  première  ,  tant 
parce  que  les  mufcles  du  côté  convexe  de 
Vépine  étant  tiraillés ,  tirent  avec  plus  de 
force  les  parties  auxquelles  leurs  extrémités 
font  attachées  ,  que  parce  que  la  perfonne 
incommodée  fait  fes  efforts  pour  maintenir 
le  centre  de  gravité  de  fon  corps  dans  une 
direction  perpendiculaire  à  fa  bafe. 

Dès  qu'on  aura  compris  comment  fe  for- 
ment ces  courbures  contre  nature  de  Vépine, 
il  fera  plus  aifé  de  faire  un  prognoftic  fur 
l'indifpofition  du  malade  ,  &  d'imaginer  la 
méthode  propre  â  y  remédier:  mais  une  in- 
dication générale  que  le  chirurgien  doit  fui- 
vre,  c'eft  d'affoiblir  la  puiffance  courbante, 
en  augmentant  la  comprefîion  fur  la  partie 
convexe  de  la  courbure  ,  &  la  diminuant 
fur  la  partie  concave.  Or  la  manière  de  pra- 
tiquer cette  méthode  varie  fuivant  la  diffé  < 
rencedescas ,  &  demande  qu'on  fafTe  une 
attention  particulière  aux  diverfes  caufes 
du  déjettement  de  Vépine.  V.  GlBBOSlTÉ. 
Art  de  M.  le  Cher,  de  Jaucoup.t. 

Epine,  f.  f.  en  Anatomiefe  dit  de  certai- 
nes éminences  qui  ont  à-peu-près  la  figure 
d'une    épine. 

L'épine  occipitale  ,  voye\  OCCIPITAL. 
Vépine  des  os  des  ifles  ,  voyc\  IlÉON. 
Vépine  nafale  y  voye\  MAXILLAIRE. 
Vépine  frontale  ou  coronale  ,  voye\  Co- 

RONALE. 
EPINE  ,( Man.  Maréch.)  Faire  tirer 
Vépine  ,  pratique  non  moins  digne  de  la  fa- 
gacité  de  la  plupart  des  maréchaux  ,  que 
celle  de  faire  nager  à  fec  dans  la  circonftance 
d'un  écart.  Quelques-uns  d'entr'eux  s'y  li- 
vrent encore  aujourd'hui  dans  le  cas  d'une 
luxation  arrivée  dans  une  des  extrémités  de 
l'animal  :  ils  mettent  un  entravon  à  l'extré- 
mité affe&ée,  &  ils  le  fixent  au-defïbus  de 
la  partie  luxée  ;  ils  paffent  enfuite  une  longe 
dans  l'anneau  de  ce  même  entravon  ,  l'y 
arrêtent  par  un  bout ,  &  attachent  l'autre 
à  un  arbre  quelconque:  après  quoi  ils  affom- 
ment  le  cheval  à  coups  de  fouet ,  &  l'obli- 
gent de  fuir  en  avant ,  de  manière  que  l'es* 

V  v  v  v 


7o5  EPI 

trêmité  malade  ,  prife  &  retenue  dans  cette  l 
fuite  précipitée ,  efïuie  uneextenfionqui  fa- 1 
vorife,  feîon'eux  ,  la  rentrée  de  l'os^déplacé  ' 
<Ians  fon  lieu. 

C'en  eft  affez  ;  &  que  pourrois-je   dire 
déplus?  Voye\  LUXATION  ,  FRACTURE. 

(  e  ) 
EPINETTE  ,  f.  f.  (  Lutherie.  )  fortede 

petit  clavecin.  Il  y  en  a  de  forme  parallélo- 
gramme ;  &  d'autres ,  qu'on  appelle  à  l'ita- 
lienne ,  ont  à-peu-près  la  figure  du  clavecin  ; 
il  y  en  a  qui  fonnent  l'octave  ,  d'autres  la 
quarte  ou  la  quinte  au-deffus  du  clavecin  : 
du  refte  c'eft  la  même  facture  &  la  même 
méclianique.  Voy.  CLAVECIN.  Les  épine t- 
tes  n'ont  qu'une  feule  corde  fur  chaque  tou- 
che ,  &  qu'un  feul  rang  de  faucereaux. 

L'on  ignore  le  nom  de  l'inventeur  de 
Vépinette  on  clavecin  ordinaire  ;  l'on  ne 
fait  ni  le  temps  ^  ni  le  lieu  ,  où  l'on  a 
imaginé  cet  infiniment.  Il  y  a  deux  cents 
ans  que  Vépinette  n'avoit  que  cinq  pies  de 
long  fur  vingt  pouces  de  large  ,  elle  conte- 
noit  environ  trente  touches;  elle  commen- 
coit  au  fa  quarte  du  preflant  ,  &  finiffoit 
à  Vu:  s  octave  de  la  clef  de  fol. 

La  méchanique  des  touchps  étoit  à-peu- 
près  fembîable  à  celle  d'aujourd'hui  ,  ex- 
cepté qu'au  lieu  de  plume  ,  le  fautereau 
étoit  armé  d'un  morceau  de  cuir  à-peu- 
près  de  la  mcrne  manière  que  le  pratique 
aujourd'hui  M.  de  Laine ,  maître  de  vielle  , 
&  M.  Pafcal  ,  facteur  de  clavecin  ,  tous 
deux  réiidans  à  Paris.  Les  fautereaux  des 
anciens  clavecins  n'étoient  point  étoffés  , 
de  forte  que  les  fons  fe  confondoient  :  les 
cordes  étoient  de  boyaux  ,  par  conféquent 
les  fons  étoient  doux  ,  moux  ;  l'humidité 
&  la  féchereiiè  défaccordoient  chaque 
jour  rinftrument.  On  trouve  encore  quel- 
ques-uns de  ces  vieux  cîavecins  dans  Paris 
&  dans  les  grandes  villes  des  Pays-Bas 
$c  de  l'Allemagne. 

Il  y  a  environ  cent  ans  qu'au  lieu  de 
cordes  de  boyaux  l'on  mit  dans  Vépinette 
des  cordes  de  fer  &  de  cuivre  ;  l'on  ar- 
ma les  fautereaux  de  plumes  &:  d'étotfe 
pour  arrêter  la  vibration  de  la  corde:  cetre 
heureufe  découverte  a  été  depuis  lors  pra- 
tiquée dans  toutes  les  épinettes. 

Dans  le  livre  intitulé  la  Harmonie  w:i- 
yerfell£ycpntçndju  h  méoric^la  pratique  de 


E  P  ï 

la  muftque  &  la  compofition  de  toute  forte 
d'injtrumens  ,  par  F.  Marin  Merfenne  de 
l'ordre  des  Minimes  ,  à  Paris  ,  chez  Cra- 
moify  ,  1636  ,  gros  in- fol  o  avec  figures  , 
l'auteur  donne  le  plan  d'une  é finette  ,  dont 
le  corps  fonore  6k  les  cordes  font  perpen- 
diculaires. Cet  infiniment  étoit  pour  lors 
en  ufage  en  Italie.  Cette épinette  commen- 
çoit  au  fol  au-deffus  de  la  clef  àefa  ,  & 
fïnifîbit  à  fol  à  l'octave  de  la  clef  de  fol  ,* 
p;ar  conféquent  elle  n'avoit  que  deux  oc- 
taves. 

Le  père  Merfenne  dit  que  cet  infiniment 
aveit  le  fon  trèi  -  doux  :  les  fautereaux 
étoient  emplurnés  j  &  couloient  horizonta- 
lement pour  heurter  la  corde.  Le  vice  de 
cet  infiniment  étoit  ,  que  l'on  n'avoit  pas 
encore  pour  lors  inventé  l'art  d'arrêter  les 
vibrations  de  la  corde  par  un  morceau  d'é- 
toffe :  les  fons  fe  confondoient  ;  mais  au- 
jourd'hui cette  épinette  ou  ce  petit  clave- 
cin n'auroit  plus  le  même  inconvénient  ; 
&  il  auroit  l'avantage  de  n'occuper  pres- 
que point  de  place  dans  les  appartenons  , 
parce  que  le  corps  fonore  feroit  plaqué  con- 
tre le   mur. 

J'obferve  en  paffant  que  le  plan  de  cet 
infiniment  engagea  M.  Berger  ,  muficien 
de  Grenoble  ,  à  ajouter  un  clavier  à  une 
harpe  ordinaire  :  mais  le  nommé  Frique  , 
ouvrier  Allemand  _,  qui  travail loit  pour  le 
fieur  Berger  à  Paris  ,  en  1765  ,  vola  & 
emporta  toute  la  méchanique  ,  &  les  plans 
de  cet  inftrument  qui  étoic  defriné  pour  M» 
de  la  Reiniere  ,  fermier- général. 

On  préfume  que  le  mani-corde  que  l'on 
nomme  aufïi  mani-cordion  ou  claricorde  > 
eft  un  peu  moins  ancien  que  Vépinette  ; 
il  en  diffère  en  ce  que  }  au  lieu  de  faute- 
reau armé  d'une  pointe  de  cuir  ou  de  plu- 
me ,  le  fautereau  du  mani-cordion  eft  ar- 
mé à  fon  extrémité  ,  i°.  d'un  morceau  de 
cuivre  ;  20.  d'une  petite  pointe  qui  peut 
foulever  un  morceau  d'étoffe  ,  qui  appuie 
fur  la  corde  ;  lorfque  l'on  baiffe  la  touche  , 
le  marteau  de  cuivre  frappe  la  corde  dans 
l'iniîant  que  l'étoffe  eft  fouïevée.  Il  eft  vi- 
fible  que  le  morceau  d'étoffe  doit  arrêter 
la  vibration  ,  dès  que  la  touche  reprend 
fa  fituation  naturelle.  Le  mani-cordion  a 
1  quatre  octaves  ,  les  cordes  font  de  métal. 
[  Cet  iniuument  a  le  fon  très-doux  }  il  fçrt 


E  PI 

à  accompagner  les  petites  voix.  Les  doigts 
en  frappant  les  touches  avec  plus  ou  moins 
de  violence ,  procurent  leforte  ou  le  piano  : 
mais  le  mani-cordion  ne  doit  pas  être  réu- 
ni avec  d'autres  inftrumens  dans  un  con- 
cert ;  il  n'a  pas  afiez  de  force  pour  fe  faire 
entendre ,  &  il  exige  que  l'on  frappe  la 
touche  ;  au  lieu  que  dans  Yépinette  il  fufHt 
de  l'abaiffer.  On  pré  fume  que  les  Alle- 
mands font  hs  inventeurs  du  mani- 
corde. 

Dans  la  page  114  de  l'ouvrage  de  la 
Harmonie  univerfelle  ,  le  père  Merfenne 
donne  le  plan  d'un  mani-corde  de  quatre 
oâaves  ordinaires. 

Le  mani-cordion  a  vraifemblablement 
donné  lieu  d'imaginer  Yépinette  à  marteaux 
de  bois  dur.  On  place  ces  marteaux  ou  ho- 
rizontalement ou  verticalement. 

Quelquefois  on  met  entre  les  marteaux 
&  la  corde  un  petit  morceau  de  peau  de 
mouton  ,  e£  qui  fait  rendre  un  fon  de  luth 
à  la  corde  qui  eft  frappée  ;  mais  lorfque 
l'on  veut  faire  rendre  un  fon  Xépinette  , 
il  faut  avec  le  genou  faire  mouvoir  un  le- 
vier qui  fouleve  les  peaux.  Il  eft  évident 
que  dans  cette  épinette  à  marteau  on  peut 
faire  le  piano  &  le/orte ,  ou  for  Yépinette 
ou  fur  le  luth.  Cette  épinette  à  marteau 
rend  beaucoup  plus  de  fon  que  Yépinette  à 
plume;  elle  a  l'avantage  fur  cette  der- 
nière de  n'exiger  prefque  aucune  répara- 
tion :  il  eft  vrai  que  l'on  a  un  peu  de  pei- 
ne à  s'accoutumer  à  frapper  la  touche  plus 
tm  moins  fort ,  &  à  ne  donner  que  le  degré 
de  force  que  l'on  fouhaite.  Il  y  a  grande 
apparence  que  Yépinette  à  marteau  prévau- 
dra dans  peu  aux  épinette  s  à  fautereaux  cm- 
plumés  ,  qui  exigent  des  réparations  con- 
tinuelles. Le  marteau  a  environ  fix  lignes 
de  face  fur  trois  lignes  de  hauteur ,  il  eft 
porté  par  un  fil  de  fer  ;  près  du  marteau 
eft  une  féconde  branche  qui  porte  à  fa 
fommité  un  morceau  d'écarlate  ,  qui  s'é- 
lève lorfque  le  marteau  va  frapper  la  cor- 
de ;  ces  deux  machines  font  fixées  à  la 
fommité  d'un  petit  levier  du  premier  gen- 
re ,  en  bois;  il  a  environ  un  pouce  dfe' 
hauteur  ;  le  levier  eft  foulevé  par  l'extré- 
mité de  la  touche  du  clavier. 

Nous  repréfentons  ici  la  principale  mé- 
chanique  de  cet  ingénieux  inftrumtnt. 


EP  I 


707 


Uépinette  à  marteau  renferme  fouvent 
cinq  oclaves  :  on  poUrroit  encore  y  ajou- 
ter des  fautereaux  à  plumes  qui  rapprochés 
du  chevalet  collé  fur  le  fommet ,  procu- 
reraient aux  cordes  le  fon  de  la  harpe.  On 
préfume  que  les  Allemands  ont  inventé 
Yépinette  à  marteau  fur  la  fin  du  fiecle 
dernier. 

On  dit  qu'en  1758  ,  ou  environ  ,  les 
Anglois  ont  ajouté  à  Yépinette  ordinaire  fix 
rangs  de  fautereaux  emplumés  &  un  rang 
de  fautereaux  à  marteaux.  Les  fautereaux 
emplumés  heurtent  la  même  corde  ,  les 
uns  près  du  chevalet ,  les  autres  plus  ou 
moins  loin  ;  ce  qui  eft  caufe  que  la  mê- 
me corde  peut  rendre  fix  fons  d'un  diffé- 
rent genre  ,  c'eft-à-dire  ,  aigus  ,  durs , 
doux ,  mous  ,  &c.  Tel  eft  le  méchanifme 
de  Yépinette  admirable  qui  fait  le  piano 
&  lejorte  ,  que  le  fieur  Virbes ,  muficien 
de  Paris  ,  promené  a&uellement  dans  les. 
provinces  de  la  France. 

Les  épinettes  ordinaires  ont  fix  pies  de 
long  &  deux  pies  &  demi  de  large  ;  elles 
font  compofées  de  deux  claviers  ,  le  fu- 
périeur  a  un  fautereau  fur  chaque  touche  ; 
le  clavier  inférieur  porte  deux  fautereaux 
à  chaque  touche  :  l'un  fait  mouvoir  une 
corde  à  l'uniffon  ,  &  l'autre  fait  mouvoir 
une  cotde  à  l'o&ave.  On  pourroit  y  ajou- 
ter fans  beaucoup  de  dépenfe ,  un  quatriè- 
me fautereau  rapproché  du  chevalet  ;  ce 
fautereau  procurerait  à  la  corde  le  fon  de 
la  harpe.  On  pourroit  encore  fans  frais  y 
appliquer  une  petite  règle  qui  glifieroit 
dans  une  coulifle;  cette  règle  ferait  armée 
de  peau  de  buffle  pour  empêcher  en  partie 
la  vibration  de  la  corde  &  lui  faire  rendre 
un  fon  de  luth. 

Les  meilleurs  fa&eurs  iïépinettes  ordi- 
naires ont  été  André  Rukers  ,  réfidant  à 
Anvers ,  qui  vivoit  fur  la  fin  du  fiecle  der- 
nier ,  &  Jean-Denis  de  Paris  :  mais  depuis 
la  mort  de  Rukers  on  a  fait  quelques1 
V  v  v  v   i 


7o8  EPI 

changemens  avantageux  à  fes  épinettes. 
i°.  L'on  a  donné  plus  d'étendue  à  fes  cla- 
viers qui  n'avoient  que  trois  octaves  & 
demie  ;  ils  commençoient  à  fay  octave  au- 
deflbusde  la  clef  defa,  &  finiffoientàlW, 
douzième  au-defîus  de  la  clef  de  fol,-  l'on 
a  ajouté  une  octave  aux  baffes  ,  &  une 
quarte  aux  tons  fupérieurs ,  en  confervant 
Je  même  diapazon  &  la  même  forme  :  on 
y  a  ajouté  outre  cela  les  machines  fuffifan- 
tes  pour  imiter  le  luth  &  la  harpe  :  quel- 
ques perfonnes  y  ont  joint  une  petite  or- 
gue ,  ce  qui  centuple  l'agrément. 

La  plus  finguliere  &  la  plus  étonnante 
des  découvertes  que  l'on  ait  faites  dans  ce 
fiecle ,  pour  perfectionner  les  épinettes  de 
Rukers ,  eft  celle  de  M.  Berger ,  muiîcien  y 
réfident  à  Grenoble  :  il  a  inventé  une  mé- 
chanique  fort  fimple  qui  fait  rendre  à  V épi- 
nette  ,  non-feulement  le  jeu  du  luth ,  celui 
de  la  harpe ,  le  piano  ,  le  forte  ,  mais  en- 
core  le  crefcendo  ,   effet    qui  jufqu'alors 
avoit   été    regardé    comme  impoilible    à 
trouver  :  Mrs.  de  l'Académie  des  Scien- 
ces de  Paris  lui  ont  donné  des  certificats 
avec  beaucoup  d'éloges  dans  le  mois  d'Août 
1765.    Les  gazettes  l'ont  annoncé  ;  mais 
comme  tous  les  connoifTeurs  de  Paris  fe 
font  bornés  à  l'admirer ,  M.  Berger  n'a 
point  trouvé  à-propos  de  publier  la  mécha- 
nique  de  cet  infiniment ,  ainfi  que  celle 
de  l'orgue  qui  y  étoit  jointe,  dont  les  fons 
hauftoient  &  baiffoient  ;  elle  faifoit  aufîi 
le  crefcendo  que  l'on  regardoit  également 
comme   impoflible  d'appliquer  à  l'orgue. 
Ces  deux  méchanifmes  finguliers  font  ap- 
plicables à  toute  efpece  $  épinette  ,  &  à  tou- 
te efpece  d'orgue  ,  fans  en  altérer  le  tou- 
cher &  le  corps  fonore.  Il  y  a  grande  ap- 
parence que  fi  quelque  fouverain  n'acheté 
pas  incefïàmment  le  fecrer  de  la  méchani- 
que  de  M.  Berger,  on  ne  le  trouvera  vrai-  ' 
femblablement  jamais.  M.  de  Laine ,  mai-  ! 
tre  de  vielle  de  Paris ,  a  tenté  de  procurer  ' 
le  crefcendo  à  fon  épine ne  ,  en  faifant  avan-  ] 
cer  ou  reculer  le  fautereau  :  mais  il  arrive  i 
fouvent  que  dans  cette  invention  la  plume 
du  fautereau  ne  peut  pas  fe  dégager  de  la 
corde  ;  au  lieu  que  jamais  on  ne  fent  aucu- 
ne difficulté  dans  le  méchanique  du  fieur 
Berger  ;  fon  épinette  n'exige  point  que  l'on 
appuie  plus  ou  moins  le  doigt  fur  la  touche 


EPI 

pour  faire  le  piano  y  le  forte  ?  ou  le  crefcen- 
do; le  genou  ou  le  pie  preffe  un  levier  qui 
aboutit  à  la  méchanique  ;  alors  l'on  a  des 
fons  plus  ou  moins  forts  dans  Yépinette  , 
ainfi  que  dans  l'orgue.  Voilà  tout  ce  que 
l'on  fait  de  la  méchanique  de  ces  inftrumens. 
Quelques  perfonnes  ont  tenté  de  donner 
à  Yépinette  la  commodité  du  tranfport ,  & 
dans  cet  objet  ils  ont  divifé  le  clavier  & 
le  corps  fonore  en  trois  parties  parallèle- 
ment aux  cordes  :  par  ce  moyen  on  eft  par- 
venu à  réduire  ces  épinettes  en  parallélo- 
grammes rectangles ,  en  tranfpofant  une 
des  parties  :  mais  ces  épinettes  ont  rarement 
les  corps  fonores  proportionnels  en  force  , 
&  en  efpece  de  fon  ;  d'ailleurs  elles  font 
fujettes  à  des  réparations  continuelles ,  quoi- 
que l'on  fafiè  modeler  les  fauteraux  en 
étain  pour  les  rendre  plus  folides. 

Le  fieur  Renaud  ,  bourgeois  de  Paris  , 
originaire  d'Orléans  ,    artifte  fort    ingé- 
nieux ,  a  tenté  de  quadrupler  lfe*fon  de  Yé- 
pinette f  en  y  mettant  up  archet  fans  fin  y 
formé  d'un  tiflu  de  crin ,  coufu  fur  une 
courroie.  Une  pétale  fait  mouvoir  la  roue 
fur  laquelle  paflè  l'archet.  Les  touches  par 
la  prefîion  du  doigt ,  font  bailler  la  corde 
fur  l'archet  par  le  moyen  d'un  pilote  qui 
eft  fixé  à  la  touche.  Ce  pilote  faifit  la  corde 
en-defïus  ;  il  la  rapproche  de  l'archet ,  qui 
circule  horizontalement  fous  toutes  les  cor- 
des. Cet  inftrument  a   deux  défauts  :  i°* 
comme  les  cordes  font  en  boyaux  ,  il  ne 
tient  pas  l'accord  ;  l'humidité  &  la  féche- 
refte  le  font  varier  d'un  inftant  à  l'autre. 
20.  Si  l'on  baiffe  plufieurs  touches  à  la  fois, 
elles  preftènt  trop  fortement  l'archet ,   il 
refte  immobile.  Un  commandeur  de  Malte 
fort  ingénieux  travaille  actuellement  dans 
Grenoble  à  finir  une  épinette  à  cordes  de 
métal  &  à  archet  fans  fin  ,  c'eft-à-dire ,  en 
courroie  tifTue  &  mobile  par  une  pédale. 
Ce  favant  a  ajouté  un  méchanifme  pour 
exciter  des  ofcillations  longitudinales  dans 
les  cordes  de  métal.  Ce  point  d'attache  des 
cordes  eft  au  centre  des  leviers  ,  dont  l'ex- 
trémité répond   par    un  méchanifme  aux 
touches  de  Y  épinette.  Chaque  touche  de  Yé-. 
pinetee  a  une  ouverture  &  un  petit  point 
faillant ,  de  forte  que  ,  dès  que  Ton  veut 
faire  rendre  un  fon  plus  ou  moins  fort,  il 
fuffit  de  prefïèr  plus  ou  moins  l'extrémité 


E  P  I 

de  la  touche  ;  &  fi  Ton  veut  avoir  des  fons 
tendres ,  de  la  nature  du  tremblant  doux 
de  l'orgue  ,  il  faut  mettre  le  doigt  fur  le 
bouton  de  la  touche  ,  &  trembler  plus  ou 
moins ,  ce  qui  produit  un  effet  des  plus  fin- 
guliers.  J'obferve  ,  en  parlant ,  que  cet  in- 
génieux feigneur  a  placé  des  leviers  à-peu- 
près  de  la  même  efpece  fur  ce  luth  ;  &  en 
les  prefTant  plus  ou  moins  avec  la  paume 
de  la  main  ,  il  en  tire  des  fons  tendres  & 
très-flatteurs. 

Il  y  a  environ  vingc-ans  ,  qu'un  parti- 
culier de  Paris  imagina  une  efpece  d'épi- 
nette  ,   ou  plutôt  un  inftrument  ,  où  il  a 
réuni  deux  violons ,  une  taille  &  un  vio- 
loncel  ;  ces  quatre  inftrumens  ordinaires 
font  pofés  horizontalement  fur  une  table  ; 
ils  ont  des  chevalets  dans  l'endroit  où  on 
les  place  ordinairement  :  mais  ces  cheva- 
lets ne  font  point  bombés  ;  ils  font  très- 
longs  ,  &  en  ligne  droite  ,  comme  un  bout 
de  règle  ;  ils  occupent  Pefpace  des  deux 
SS  :  fur  le  chevalet  de  chaque  inftrument; 
il  y  a  quatorze  cordes  de  boyaux  tendues  ; 
chaque  inftrument  a  un  grand  archet ,  pla- 
cé à  quelques  lignes  au-defîus  des  cordes  ; 
une  pédale  fait  tourner  une  roue  ,  &  cette 
roue  fait  mouvoir  le  va  &  vient  de  chaque 
archet.  Les  archets  ne  jouent  point  auprès 
des  SS  des  inftrumens  ,    ils  jouent  ,   au 
contraire  ,   à  cinq  pouces  de  diftance  du 
fillet  des  violons.  Lorfque  l'on  met  le  doigt 
fur  une  des  touches  du  clavier  ,  la  corde 
s'élève  ,  &  va  s'appuyer  plus  ou  moins  fort 
contre  l'archet ,  par  conféquent  la  corde 
rend  alors  un  fon.  Il  eft  évident  que  les  cor- 
des du  côté  du  fillet  doivent  avoir  des  dou- 
bles cordes  qui  les  alongent ,  on  les  monte 
par  le  moyen  des  chevilles  ordinaires  :  avec 
cet  inftrument  un  homme  feul  peut  faire 
un  concert  entier  ;  il  eft  dommage  que  les 
violons  ne  tiennent  pas  beaucoup  l'accord  , 
&  que  toute  cette  méchunique  coûte  envi- 
ron quinze  cents  livres.  Ces  détails  font 
fufhfans  pour  les  artiftes ,   &  pour  le  com- 
mun des  lecteurs. 

En  finiffânt  l'hiftoir  e  des  e'pi  net  te  s  y  nous 
allons  donner  quelques  nouvelles  idées  pour 
les  perfectionner. 

ïp.  Au  lieu  d'archet  en  tiftus  flexibles  , 
on  peut  employer  une  roue  femblable  à 
celle  de  la  vielle-. 


•E  P  l  709 

2  .  On  pourroit  tenter  d'exciter  la  vi- 
bration des  cordes  ,  par  le  moyen  d'un 
tuyau  rempli  d'air. 

30.  Employer  une  roue  hériffée  de  petites 
pointes  de  plumes. 

40.  Comme  l'expérience  montre  que  le 
chevalet  à  marteau  mobile  de  la  trompet- 
te marine  en  quadruple  le  fon  ,  on  pour- 
roit  tenter  de  mettre  un  chevalet  de  cette 
efpece  fous  chaque  corde  de  Yépinette  ;  on 
pourroit  aufîi  tenter  de  faire  des  chevalets 
à  reiïbrrs  de  différens  bois  ,  qui  en  excitant 
le  mouvement  du  corps  fonore  ,  centuplaf- 
fent  la  force  ,  ou  le  nombre  des  ofcilla- 
tions  de  l'air  qui  eft  renfermé  dans  ce  corps 
fonore ,  &  qui  font  caufées  par  la  vibration 
de  la  corde. 

50.  On  fait  qu'un  violon  fans  ame  a  un 
fon  fourd  &  très- bas  ;  on  pourroit  tenter 
de  mettre  plufîeurs  âmes  fous  les  cordes  de 
Yépinette. 

6°.  L'on  a  vu ,  il  y  a  en  environ  dix  ans  , 
à  Paris  un  inftrument  fingulier  ,  inventé 
par  un  Anglois.  Le  corps  fonore  étoit  une 
enfilade  de  timbres  de  verre  ,  femblables  à 
ceux  des  pendules  à  carillon  ;  on  jouoit  de 
cet  inftrument  en  faifant  tourner  l'arbre , 
qui  contenoit  tous  ces  timbres  ;  enfuite 
pour  faire  un  ton  ,  il  falloir  approcher  d'un 
des  timbres  de  verre  ,  un  doigt  humi- 
de. Ce  frottement  excitoit  un  frémifTe- 
ment  argentin  ,  fonore  ,  flûte  ,  fufceptible 
du  crefeendo;  mais  comme  ces  frémifTemens 
du  verre  fe  communiquoient  à  la  main  & 
au  corps  de  la  dame  qui  en  jouoit,  elle  pé- 
rit en  peu  temps.  On  pourroit  adapter 
un  clavier  à  cet  inftrument,  pour  empê- 
cher l'effet  nuifible  à  la  fanté  :  au  lieu  de 
timbres  de  verre ,  on  pourroit  exciter  un 
frémifTëment  harmonique  par  le  frottement 
fur  la  furface  des  timbres  ,  des  carillons  , 
des  pendules ,  &c. 

7°.  Pour  compléter  l'idée  que  nous 
avons  donnée  du  claque-bois  ,  que  quel- 
ques auteurs  nomment  aufîi  regale- de-bei s  > 
patouille  ou  échelette  ,  nous  obfervonspré- 
fentement  que  l'on  joue  ordinairement  du 
claque-bois  par  le  moyen  de  deux  baguet- 
tes ,  au  bout  defquelles  on  met  une  petite 
boule  de  bouis  ou  d'ivoire  ,  20.  avec  un 
clavier  dont  l'extrémité  des  touches  fert  de 
I  marteau  ;   3°.  on  peut  enfin  tenter    "en 


7im  EPI 

tirer  un  Ton  agréable  ,  en  approchant  cha- 
que bâton  d'une  roue  femblable  à  celle  de 
la  vielle  :  enfin  l'on  peut  fufpendre  les  bâ- 
tons fur  des  corps  fonores. 

Le  plus  grand  bâton  du  claque-bois  a 
ordinairement  dix-pouces  de  long  ;  le  pins 
petit  a  trois  pouces  &  demi.  Au  lieu  de 
barons  ont  peut  employer  des  cylindres 
creux  de  bronze  ou  d'autre  métal. 

8V.  On  peut  perfectionner  les  corps  fono- 
res des  épinettes  ,  i°.  par  la  qualité  des  bois  ; 
X°.  par  leur  épaiftèur  ;  30.  par  leur  con- 
tour ;  40.  enfin  par  leur  étendue ,  ùc. 

9e.  On  doit  obferver  que  les  cordes  en 
boyau  ont  un  fon  plus  agréable  &  plus 
doux  que  les  cordes  en  foie  ;  2°.  que  les 
cordes  en  métal  ont  un  fon  plus  aigu  ,  plus 
clair  &  moins  doux  que  les  cordes  tirées 
du  règne  végétal  ou  animal  ;  le  fil  de  fer 
a  un  fon  plus  aigu  que  celui  du  laiton  ;.  le 
fil  de  cuivre  rouge  &  ceux  d'argent  ont 
encore  le  fon  plus  doux.  Le  fil  d'or  rend  en- 
core un  fon  plus  doux.  Les  fils  de  cuivre 
filés  en  cuivre  ont  un  fon  très-doux  &  mou. 
£es  fils  de  métal  tordu  ou  croife  ont  un  fon 
très- harmonieux  &  de  longue  durée  ,  ils 
font  excellens  pour  les  balles.  Au  lieu  de 
cordes  métalliques  rondes  y  on  pourroit 
«tffayer  à  les  applatir  où  à  les  rendre;  trian- 
gulaires dans  l'objet  d'augmenter  ou  de 
varier  la  qualité  des  fons.  (  V.A.  £.  ) 

EPINETTE  (  Fête  de  /' )  Hifi.  de  Flan- 
dres; la  plus  célèbre  des  fêtes  des  Pays-Bas , 
dont  la  mémoire  eft  prefque  effacée  ,  quoi- 
que cette  îètQ  lût  encore  dans  toute  fafplen- 
deur  au  milieu  duxve  fiecle.  On  aune  lifte 
des  rois  de  cette  fête  pendant  200  ans ,  c'eft- 
à-dire,  depuis  1283  jufqu'à.  1483.  Le  P. 
Jean  Buzelin  Ta  donné  dans  la  Gedlo^ 
Flandria. 

Les  peuples  de  Flandres  &  des  Pays-Bas 
ont  toujours  aimé  les  jeux  &  les  fpectacles  ; 
ce  goût  s'y  conferve  même  encore,  dans  ce 
qu'ils  appellent  triomphe  y  dans  leurs  pro- 
cédions &  dans  leurs  autres  cérémonies  pu- 
bliques :  c1  eft  une  fuite  de  l'oiiîveté  &•  du 
manque  de  commerce. 

Dans  lesxiij.  &  xjv.  fiecîes,  chaque  ville 
de  ces  pays-là  avoit  des  fêtes ,  des  combats , 
àes  tournois  :  Bruges  avoit  fa  fête,  du  Fo- 
reftier ,  Valenciennes  celles  du  prince  de 
Pldi&ncc  ,  Cambray  celle  du  rot  des  Ri- 


EP  I 

bauds ,  Bouchain  celle  du  prévôt  des  Etonr- 
dis  :  dans  beaucoup  de  lieux  on  célébroit 
celle  de  Behourt.  A.  ces  différentes  fêtes  ac- 
couroient  non- feulement  les  villes  voifines,. 
mais  plufieurs  grands  feigneurs  des  pays- 
éloignés  :  Lille  en  particulier  attiroir ,  par 
la  magnificence  de  la.  fête  de  Yepinctre  & 
par  le*>  divertiflèmer;s  qui  s'y  donnoienc ,  un- 
concours  extraordinaire  de  monde. 

La  fêté  de  Vépinette  avoit  fon  roi  ,  que 
l'on  élifoit  tous  les  ans  le  jour  du  mardi- 
gras  :  on  élifoit  en  même  temps  deux  jou- 
teurs pour  l'accompagner.  Les  jours  précé- 
dens  &  le  refte  de  la  femaine  fe  pafibient 
en  feftins  &  en  bals. 

Le.  dimanche  des  brandons ,  ou  Ier.  diman- 
che.de  carême  ,  le  roi  fe  rendoit  en  grande 
pompe  au  lieu  deftiné  pour  le  combat  ;  les 
combattans  y  joûtoient  à  la  lance  :  le  prix 
du  victorieux  étoit  un  épervier  d'or.  Les 
quatre  jours  fui  vans  ,  le  roi  ,  avec  fes  deux 
jouteurs  &  le  chevalier  victorieux ,  étoient 
obligés  de  fe  trouver  au  lieu  du  combat , 
pour  rompre  des  lances  contre  tous  ceux  qui 
fe  préfentoient.  Jean  duc  de  Bourgogne 
honora  cette  fête  de  fa  préfence  en  141 6  ; 
le  duc  Philippe  le  Bon  s'y  trouva  avec  le  roi 
Louis  XI  en  1464. 

L'excemVe  dépenfe  à  laquelle  cette  qua- 
lité de  roi  engageoit ,  la  ruine  de  plufieurs 
familles  qu'elle  avoit  occaiionnée  ,  le  refus 
que.  firent  quelques  habitans  de  Lille  d'ac- 
cepter cet  honneur  prétendu  ,  &  l'obliga- 
tion où  Ja  ville  s'étoit  trouvée  de  faire  elle- 
même  ces  dépenfes  y  enfin  l'indécence  que 
quelques  perfonnes  trouvoientà  voir  toutes- 
ces  rejoailîànces ,  ces  divertiiTemens  &  ces 
bals,,d«jis  les  deux  premières  femaines  de 
carême,  obligèrent  Charles  duc- de  Bour- 
gogne à  fufpendre  cette  fête  depuis  1470 
jufqu'en  1475.  Elle  fe  rétablit  en  partie  , 
mais  aux  dépens  des  fonds  publics ,  jufqu'en 
15 16  :  Charles  V  en  interrompit  l'exercice 
pendant  prefque  tout  le  cours  defon  règne, 
par  lettres  données  en  1528  &  en  1538. 
Enfin  Philippe  II  la  fupprima  entièrement 
en  1556  :  il  ne  s'en  eft  conferve  pour  mé- 
moire que  le  nom  de  Vépinette  ,  eue  Von 
donne  à  un  des  bas-officiers  du  magiftrat  ou 
de  la  maifon  de  ville  de  Lille ,  qui  repréfente 
en  quelque  façon  le  hérault  par  qui  les  rois  dt 
Vépinette  avoient  dioit  de  le  faire  précéder. 


EPI 

Plufieiirs  hiftoriens  ont  parlé  de.  cette 
fête ,  entr'autres  l'auteur  d'une  petite  his- 
toire de  Lille,  imprimée  en  1730. On  igno- 
re fon  inftituteur  ,  de  même  que  l'origine 


EPI4  7ir 

commun  &  le  moins  précieux ,  c'eft  peut- 
être  celui  qui  demande  le  plus  de  combi- 
naifons  ;  tant  il  eft  vrai  que  l'art ,  ainfique 
la  nature  ,  étale  fes  prodiges  dans  les  plus 


de  fon  nom ,  qui  vient  peut-être  ce  ce  que  [  petits  objets  ,  &  que  l'induftrie  eft  atuïl 
J'orudonnoit  au  roi  de  Vf  pi nette  une  petite  I  bornée  dans  fes  vues  qu'elle  eft  admirable 
épine  pour  marque  de  fa  dignité  ,  &c  qu'il  dans  fes  refïburces.  Qui  s'imagineroit  qu'une 
alloit  tous  les  .ans  en  pompe  honorer  la  I  épingle  épreuve  dix-huit  opérations,  avant 
fainte  épine  ,  que  les  Dominicains  de  Lille  J  d'entrer  dans  la  commerce  ?  On  commence 


prétendent  poff-'der  dans  leur  églife.  11 
naangeoit  chez  ces  pères  avec  fes  chevaliers 
le  dimanche  des  Rameaux ,  &  y  afîïftoit  à 
tous  les  offices  de  la  femaiiie-fàinre.  Hifi.  de 
VAcad.  des  Belles- Lettres. 

C'eil  de  cette  .manière  qu'on  affocioit 
alors  la  dévotion  aux  fpe&acles  profanes , 
aux  feftins  ,  aux  joutes ,  aux  tournois  ,  aux 
combats  particuliers.  Il  y  avoit  aufli  dans 
les  mêmes  ficelés  d'autres  fêtes  plaifantes  , 
telle  qu'étoit  celle  de  Bourgogne  ,  nommée 
lu  compagnie  des  fous.  Voy.  MERE-FOLLE. 
Enfin  on  célébrait  même  encore  de  la  façon 
la  plus   fcandaîeufe  dans  les  égiifes  de  la 

fiartie  feptentrionale  &  méridionale  de 
'Europe  ,  en  Flandres  ,  en  France  &  en  Ef- 
pagne  ,  la  fameuse  fête  des  fous,  fi  connue 
par  fon  indécence  &  fon  extravagance.  V. 
FÊTE  DES  FOUS.    DE  JjÎUCOURT. 

EPINEUX,  EUSE,  adj.  en  Anatomie  , 
fedit  de  différentes  parties. 

Ainfi  on  dit ,  les  apophyfes  épineufes  ,  le 
trou  épineux  de  l'os  fphénoïde  ,  voy.  SPHÉ- 
NOÏDE. 

On  dit ,  le  trou  épineux ,  ou  trou  borgne 
du  coronal,  voye\  CORONAL. 

Il  y  a  le  muicle  épineux  du  dos  ,  le  grand 
épineux  du  dos ,  les  épineux  du  cou  ,  les 
intcr-epineux  du  cou.  Voye\  VER7EBRE. 

Sur  l'omoplate  &  fur  la  partie  fupérieure 
de  l'humérus  on  remarque  le  fus-épineux 
&  le  fous-épineux.    Voye\  OMOPLATE. 

L'artère  épineufe  eft  une  branche  de  la 
ma  pilaire  interne,    voye\  MAXILLAIRE. 

(D 

EPINGLE ,  f.  f.(Art.  Méchaniq.) petit 
inftrument  de  métal  ,  &  pointu  par  un 
bout,  qui  fert  d'attache  amovible  au  lin^e 
&  auv  étoffes  ,  pour  fixer  les  dirférens  plis 
qu'on  lenr  donne  à  la  toilette,  à  l'ouvrage 
&  daî'.s  les  emballages. 

Quoique  de  tous  les  ouvres  méchani- 
çues  l'épingle  foit  le  plus  mince  ,  le  plus 


par  Jaunir  le  fil  de  laiton  qui  vient  tout  noir 
de  la  forge  ,  &  qui  eft  en  torques  0:1  paquets 
faits  comme  un  collier;  on  tire  enfuitecefil 
à  la  hobilie  on  le  dreife ,  on  coupe  ladreftée, 
on  empointe  ,  on  repafîè  ,  on  recoupe  les 
tronçons  ,  on  tourne  les  têtes  ,  on  coupe 
les  têtes  y  on  amollit  les  têtes  ,  on  frappe 
les  têtes,  on  jaunit  les  têtes  qui  ont  été  noir- 
cies au  feu,  on  blanchit  les  épingles  :  (  quoi- 
que celles  d'Angleterre  foient  très-blanches, 
celles  de  Bordeaux  ont  un  avantage  fur  elles 
par  l'éclat  &  la  durée  de  la  blancheur ,  parce 
qu'on  y  mêle  du  tartre  dans  le  blanchifla- 
ge.  )  Enfin  on  étame  les  épingles  ,  on  les 
feche ,  on  les  vanne ,  on  pique  les  papiers  & 
on  boute  les  épingles  ,  c'eft- à-dire,  qu'on 
les  place  dans  le  papier. 

Les  épingliers  achètent  le  laiton  en  botte; 
ils  le  pailènt  à  la  filière  pour  lui  donner  la 
grofîèur  que  doit  avoir  l'épingle  ;  ils  leaV- 
capent y  c'eû-k-âke ,  qu'ils  lenettoient  avec 
du  tartre  ,  le  fil  de  laiton  étant  toujours 
fale  lorfqu'on  le  livre  aux  ouvriers.  On  fait 
aufli  des  épingles  avec  du  fil  de  fer  y  mais 
qui  font  ce  moindre  prix  ,  &  moins  efti- 
mées  que  celles  de  fil  de  laiton. 

La  filière  eft  une  pièce  de  fer  ou  d'acier, 
plus  longue  que  large ,  percée  à  jour  de 
plufieurs  trous  qui  vont  toujours  en  dimi- 
nuant de  groffeur  ,  &  par  lefquels  on  tait 
pafïer  le  laiton  pour  calibrer  exactement  le 
fil  ,  &  le  préparer  fuivant  l'épingîe  qu'on 
veut  faire  ;  on  appelle  le  fil  deftiné  à  faire 
le  corps  des  épingles,  fila  moule  ,  &  celui 
qui  efl  deftiné  à  faire  les  têtes ,  fil  à  têtes. 
Le  cuivre  rouge  n'eft  pas  propre  à  faire 
des  épingles  ;  elles  ne  feraient  pas  affez du- 
res. Les  métaux  où  il  y  a  de  l'alliage  font 
toujours  plus  roides  que  les  autres  ;  aufîi 
emploie-t-on  avec  plus  de  fuccés  le  laiton  , 
qui  eft  un  compofé  de  cuivre  &  de  pierre 
caîaminaire.  Les  marchands  de  Paris  tirent 
prefque  tout  le  laiton  de  l'Allemagne  ;  car 


7n 


EPI 


nos  mines  ne  fournifTent  pour  ainfi  dire 
rien  au  royaume.  On  préfère  celui  qui  eft 
de  couleur  blonde ,  &  qui  n'eft  point  pail- 
letix.  A  l'égard  du  fil  de  fer,  celui  qu'en 
tire  de  la  Normandie  eft  plus  eftimé  que 
celui  de  l'Allemagne. 

Les  épingliers  décrafient  leur  fil  avant  de 
i'employer  ;  pour  cet  effet  ils  féparent  la 
botte  de  laiton  en  petits  échevaux  dont  elle 
elle  compofée  ;  ils  tordent  enfuite  chaque 
échevau  par  le  milieu;  ils  leur  donnent  la 
forme  d'un  huit  de  chiffre  ,  &  ils  le  jettent 
dans  une  chaudière  de  fer  pleine  d'eau  clai- 
re, dans  laquelle  ils  mettent  une  livre  de 
gravelle  blanche  ,  ou  cinq  quarterons  de 
gravelle  rouge  pour  environ  quatre-vingt 
ou  quatre-vingt-dix  livres  de  fil.  Alors  un 
ouvrier  retire  une  pièce  après  l'autre  ,  & 
les  frappe  fucceffivement  fur  un  billot  de 
bois.  Cette  opération  aide  à  la  crafïe  à  fe 
détacher  plus  aifément.  On  remet  de  nou- 
veau les  pièces  dans  la  chaudière  &  dans 
la  même  eau  ,  &  on  la  fait  bouillir  pen- 
dant environ  une  heure.  L'ouvrier  tire  en- 
fuite  les  pièces  de  l'eau  ,  &  les  bat  comme 
la  première  fois  fur  un  billot  ;  cette  der- 
nière façon  les  rend  plus  brillantes  &  plus 
jaunes.  Quand  l'eau  dans  laquelle  on  lave 
le  fil  de  laiton  refte  bien  nette  ,  on  palTe  les 
pièces  dans  un  morceau  de  bois  foutenu 
fur  le  dos  de  deux  chaifes  ,  pour  les  faire 
fécher  au  foleil ,  ou  au  feu  quand  le  ciel 
eft  chargé  de  nuages. 

Lorfque  le  fil  eft  décrafTé  on  le  tire  par 
une  filière  ,  &  lorfqu'il  a  patte*  par  deux 
trous,  on  le  recuit  à  un  feu  de  bois  ,  on  le 
met  enfuite  tremper  dans  l'eau  ;  on  le  lave 
avec  de  la  gravelée,  &  on  continue  à  tirer 
le  fil ,  fi  on  veut  le  vendre  plus  fin  ;  &  au 
fortir  de  deux  ou  trois  trous  on  lui  rend  la 
couleur  que  le  feu  a  obfcurcie  ,  &  on  le 
recuit. 

La  grofîèur  des  pièces  étant  fixée  on 
drefïe  le  fil ,  c'eft-à-dire ,  qu'on  divife  cha- 
que pièce  en  brins  longs  de  plufieurs  pies  y 
qu'on  rend  le  plus  droits  qu'il  eft  poffible. 
On  fe  fert  pour  cela  d'un  inftrument  appel- 
lé  engin.  Un  dreffeur  peutdrefter  dans  un 
jour  affez  de  fil  pour  cent  vingt  milliers 
d'épingles. 

La  botte  de  drejfées  étant  faite  ,  on  la 
Coupe  en  tronçons  ,  dont  chaque  brin  doit 


EPI 
fournir  trois ,  quatre  ou  cinq  épingles ,  fé- 
lon le  numéro  dont  on  les  veut  ;  c'eft  le 
moule  qui  règle  leur  longueur.  Ce  moule 
eft  compofé  d'une  planchette  qui  a  un  re- 
bord le  long  de  les  côtés  ,  &  près  d'un  de 
fes  bouts  une  lame  de  fer  verticale.  Le  cou- 
peur jette  enfuite  les  tronçons  coupés  dans 
une  jatte  de  bois  qui  eft  auprès  de  lui. 

Les  tronçons  étant  coupés  ,  un  ouvrier 
qu'on  nomme  Yempointeur  leur  fait  une 
pointe  a  chaque  bout  fur  une  meule  de  fer 
hériffée  de  hachures  dans  toute  fa  circon- 
férence. Ces  meules  ont  environ  un  pouce 
ou  deux  d'épaifïeur ,  &  quatre  de  diamè- 
tre. Elles  font  montées  comme  celles  des 
couteliers ,  &  on  les  fait  mouvoir  de  même 
par  le  moyen  d'une  grande  roue  de  bois. 
L'aiflieu  de  la  meule  eft  de  fer  &  terminé 
par  deux  pivots.  Dans  le  temps  qu'un  autre 
ouvrier  tourne  la  manivelle  de  la  grande, 
roue  ,  l'empointeur  eft  aflis  fur  un  couffin 
ou  à  terre  devant  la  grande  meule  ,  les 
jambes  croifées.  Il  y  a  deux  jattes  à  fes  côtés, 
une  dans  laquelle  il  a  les  tronçons  à  em- 
pointer  ,  &  l'autre  où  il  met  ceux  auxquels 
il  a  fait  des  pointes:  il  prend  dans  la  pre- 
mière environ  autant  de  tronçons  qu'il  en 
faut  pour  égaler  la  longueur  des  deux  tiers 
de  PépaifTeur  de  la  meule  avec  les  tronçons 
couchés  les  uns  auprès  des  autres ,  &  les 
étalant  ainfi  fur  la  meule  :  pendant  qu'ils 
la  touchent  le  pouce  de  la  main  droite  re- 
mue continuellement  ;  il  va  de  gauche  à 
droite  ,  &  revient  de  droite  à  gauche  :  Pa- 
drefTe  confifte  à  rendre  les  pointes  rondes 
&  également  longues.  Cette  opération  fe 
fait  en  très-peu  de  temps.  L'ouvrier  les 
empointe  ainfi  des  deux  bouts.  Un  bon 
empointeur  fait  les  pointes  dans  un  jour  à 
foixante  &  douze  milliers  d'épingles  de  dif- 
férens  numéros  \  fon  adrefïè  ne  fe  borne 
pas  à  faire  tourner  les  bouts  de  fil  de  laiton 
dans  fes  doigts  ,  il  faut  encore  qu'il  les  pre- 
fente  fur  la  meule  de  manière  que  leur  poin- 
te ne  foitni  trop  longue  ni  trop  courte.  Il 
y  a  un  petit  chafîis  de  verre  au  devant  de 
l'ouverture  du  billot ,  qui  eft  incliné  de 
façon  qu'il  retient  la  limaille  &  garantit  les 
yeux  de  l'ouvrier.  Un  fécond  empointeur 
prend  enfuite  les  mêmes  tronçons  &  les 
paffe  comme  le  premier  fur  une  meule 
montée  de  la  même    manière.  Toute  la 

différence 


E   F   I 

différence  qu'il  y  a  entre  l'une  &  l'autre  ,~ 
c'eft  que  cette  dernière  a  les  taillans  plus 
fins  ,  les  hachures  moins  larges  &  moins 
profondes ,  &  qu'elle  rend  conféquemment 
ïes  pointes  plus  fines  ,  plus  polies  &  plus 
douces  :  on  appelle  l'ouvrier  qui  leur  donne 
cette  perfection  le  repajfeur.  On  s'imagine 
bien  que  les  deux  pointes  d'un  tronçon  doi- 
vent être  les  pointes  de  deux  épingles  diffé- 
rentes ;  aufîl  coupe-t-on  ces  deux  longueurs 
d'épingles  ;  c'eft  un  ouvrier  appelé  coupeur 
de,  haufes  qui  eft  chargé  de  cette  opération, 
parce  qu'une  épingle  à  qui  il  manque  la 
tête  eft  appelée  haufe.  Un  coupeur  de  haufes 
peut  en  couper ,  dans  un  jour,  environ  cent 
quatre-vingt-dix  milliers. 

Il  s'agit  enfuite  de  faire  les  têtes  des  épin- 
gles ;  chaque  tête  eft  compofée  de  deux  tours 
de  fil  de  laiton  tourné  en  fpirale  ,  &  roulé 
de  la  même  manière  que  les  cannetilles  ou 
bouillons  qui  ornent  les  boutons  d'or  & 
d'argent  trait. 

On  fe  fert  de  rouets  femblables  à  ceux 
que  les  boutonniers  emploient  à  un  pareil 
ufage ,  &  ils  fe  nomment  tours  à  tête.  On 
choifit  pour  cela  le  meilleur  laiton  ,  &  on 
recuit  quelquefois  le  fil  à  tête  afin  qu'il  foit 
plus  flexible. 

Les  pièces  de  cannetille  étant  difpofées, 
on  les  coupe  en  petites  parties  pour  en  faire 
des  têtes  ;  c'eft  l'ouvrage  d'un  ouvrier  ap- 
pelé coupeur  de  têtes.  Il  eft  aflîs  de  même 
que  la  plupart  des  autres  fur  le  plancher , 
les  jambes  croifées  ;  il  tient  dix  à  douze  pie- 
ces  de  cannetille  dont  il  a  bien  égalifé  les 
bouts  ,  &  tenant  de  grands  cifeaux  à  fa 
main  droite  ,  il  coupe  d'un  même  coup 
toutes  ces  pièces?  obfervant  de  ne  détacher 
de  chacune  que  deux  tours  de  fil  ;  plus  ou 
moins  rendroit  le  morceau  inutile.  Ce  tra- 
vail demande  de  l'adretTe  &  beaucoup 
d'exercice  ;  un  habile  coupeur  peut  couper 
dans  un  jour  144  milliers  de  têtes.  On  les  1 


fait  enfuite  recuire  dans  une  cuiller  de  fer, 
jufqu'à  ce  qu'elles  foient  rouges ,  dans  la  vue 
de  les  ramollir,  afin  de  leur  donner  plus  de 
fouplefïe  ,  lorfqu'il  fera  queftion  de  les  alTu- 
jettir.  A  mefure  qu'on  coupe  les  têtes,  elles 
tombent  dans  une  fébiîle  de  bois. 

Lorfque  les  têtes  font  coupées ,  il  faut  les 
mettre  au  bout  des  épingles ,  &  les  frapper 
àt  façon  qu'elles  y  foiçnt  comme  foudées , 
Tome  XII. 


EPI  715 

&  qu'elles  aient  de  la  rondeur  ;  on  fe  fert 
pour  cela  d'une  machine  appelée  Ventêtoir. 
L'ouvrier  appelé  Ventéteureil  aftis  vis-à-vis 
d'une  enclume  ,  ayant  les  coudes  appuyés 
&  un  pie  pofé  fur  la  marche  ;  un  billot  eft 
pour  lui  une  table  fur  laquelle  font  deux 
efpeces  de  boîtes  de  carton  ,  l'une  contient 
les  haufes  &  l'autre  les  têtes.  L'entéteur 
prend  une  haufe  de  la  main  gauche  ,  il  en 
poufte  la  pointe  au  hafard  dans  le  tas  des 
têtes ,  il  ne  manque  guère  d'en  enfiler  une. 
La  main  droite  pofe  aufiitot  la  tête  dans  le 
creux  de  l'enclume,  &  tire  enfuite  l'épingle 
à  elle  jufqu'à  ce  que  la  tête  foit  ajuftée  ,  «Se 
un  poinçon  que  le  pie  de  l'ouvrier  tenoit 
élevé  vient  frapper  la  tête  ;  il  l'élevé  «Se  le 
laifTe  tomber  quatre  ou  cinq  fois  de  fuite  ; 
1  il  retourne  l'épingle  à  chaque  fois  avec  fa 
main  droite  ,  afin  qu'elle  foit  frappée  de 
differens  côtés  ,  &  alors  il  met  l'épingle  en- 
têtée dans  le  carton.  Un  ouvrier  entête 
communément  huit  à  neuf  milliers  d'épin- 
gles dans  un  jour. 

On  ne  laifTe  guère  aux  épingles  leur  cou- 
leur jaune  ,  excepté  celles  des  plus  grofTes 
fortes  ;  on  les  blanchit  prefque  toutes ,  non 
feulement  pour  les  embellir  ,  mais  encore 
parce  que  le  cuivre  laifTe  toujours  une  mau- 
vaife  odeur  aux  mains,  &  qu'il  eft  lujet  au 
verd-de-gris.  Pour  les  blanchir  on  commen- 
ce d'abord  par  les  décrafTer  :  on  fait  bouil- 
lir de  l'eau  avec  une  livre  de  gravelle  rou- 
ge ,  &  on  jette  cette  eau  toute  bouillante 
dans  un  baquet  de  bois  où  font  les  épingles. 
Ce  baquet  eft  fufpendu  par  une  chaîne  à 
hauteur  d'appui  :  un  ouvrier  l'agite  pendant 
environ  une  heure  ;  les  frottemens  que  les 
épingles  y  efTuient  les  rendent  plus  jaunes 
&  plus  brillantes  :  pour  lors  elles  font  en 
état  d'être  blanchies.  On  en  forme  une  pile 
dans  une  chaudière  de  cuivre  de  figure  cy- 
lindrique ,  &  pour  former  cette  pile  on  s'y 
prend  de  la  manière  fuivante.    On  a  une 


croix  de  fer  à  quatre  bras  égaux ,  dont  deux 
enfemble  font  moins  longs  que  le  diamètre 
delà  chaudière;  on  pofe  fur  cette  croix  une 
plaque  d'étain  fin ,  ronde  ,  &  épaifTe  d'un 
quart  de  ligne  ou  environ  :  on  couvre  la 
plaque  d'un  lit  d'épingles  épais  de  cinq  à  fix 
lignes  ,  placées  fans  aucun  ordre  ;  on  fait 
une  pile  qui  ait  un  peu  moins  de  la  moitié 
de  la  hauteur  de  la  chaudière  ,  en  arran- 
Xxxx 


7i4  E  P  I 

géant  alternativement  les  épingles  par  lit , 
&  en  mettant  defîus  chaque  pile  une  plaque 
d'étain. 

On  porte  enfuite  cette  pile  dans  la  chau- 
dière :  on  forme  deux  autres  petites  piles 
compofées  d'autant  de  couches  d'épingles 
&  de  plaques  d'étain  que  la  première  ;  ce 
qui  achevé  la  pile  qu'on  doit  fuppofer  dans 
la  chaudière.  On  la  remplit  d'eau  de  puits 
bien  claire,  on  y  jette  deux  livres  de  cendre 
gravelée  blanche  ,  &  on  fait  bouillir  le  tout 
fur  le  feu  pendant  environ  cinq  heures  ;  la 
chaudière  eft  foutenue  fur  un  trépied  ordi- 
naire &  a  un  couvercle.  A  mefure  que  l'eau 
diminue  ,  on  en  verfe  de  la  nouvelle  , 
&  on  obferve  foigneufement  de  la  tenir 
toujours  pleine.  Le  fel  de  la  gravelée 
dont  l'eau  eft  empreinte  diflbut  l'étain  , 
&  l'étain  difïbus  s'attache  au  cuivre  & 
l'étame.  Il  femble  que  cette  opération  ne 
devroit  pas  fuffire  pour  bien  étamer  les 
épingles  &  les  couvrir  fufhTarnment  d'étain 
avec  égalité  ;  cependant  l'expérience  prouve 
que  cette  manière  de  blanchir  les  épingles 
réunit  toutes  les  perfections  qu'on  eft  en 
droit  de  demander.  La  confommation  qui 
fe  fait  de  l'étain  n'eft  pas  confidérable  ,  les 
ouvriers  afturent  qu'en  faifant  bouillir  les 
plaques  pendant  trois  mois  ,  une  fois  par 
femaine ,  elles  ne  diminuent  que  de  deux 
livres  du  poids  qu'elles  avoient  aupara- 
vant. 

Après  que  la  chaudière  a  été  ôtée  de 
deilus  le  feu  ,  on  retire  les  épingles  ,  &  on 
les  renverfe  dans  le  même  baquet  où  on  les 
a  lavées  avant  de  les  mettre  dans  la  chau- 
dière. Le  baquet  eft  également  fufpendu  , 
on  y  jette  de  l'eau  fraîche  &  claire ,  & 
un  ouvrier  l'agite  pendant  environ  dix 
minutes ,  afin  que  la  gravelée  qui  étoit 
reftée  entre  les  épingles  ,  s'en  fépare.  On 
les  fait  fécher  enfuite;  &  pour  cet  effet  on 
agite  dans  la  frottoire  y  qui  eft  une  efpece 
de  petit  tonneau  d'environ  un  pié  de  dia- 
mètre ,  &  un  peu  moins  long  ;  il  a  un 
aiftieu  de  bois  foutenu  par  deux  tréteaux  , 
&  on  le  fait  tourner  fur  cet  aiflieu  par  le 
moyen  d'une  manivelle.  Cette  frottoire  a, 
vers  le  milieu  de  fa  longueur  ,  une  efpece 
de  porte  quarrée ,  par  où  on  fait  mettre 
les  épingles  ;  on  les  y  verfe  avec  un  auget, 
on  y  jette  enfuite  une  certaine  quantité  de 


E  P  I 

fon  ,  on  ferme  la  petite  porte  ;  &  après 
avoir  fait  tourner  \z  frottoire  pendant  une 
demi-heure  ,  l'ouvrier  retire  les  épingles, 
les  fait  tomber  dans  le  plat  a  vanner  ;  il  les 
y  vanne  ,  &  quand  elles  font  bien  nettes 
&  bien  blanches  ,  il  les  met  dans  un 
boifTeau. 

II  ne  refte  plus  qu'à  arranger  les  épingles 
par  quarterons  fur  le  papier  ;  ce  papier  n'eft 
point  collé  ,  on  en  perce  à  la  fois  pour  un 
quarteron.  L'outil  dont  on  fe  fert  s'appelle 
quarteron  :  il  eft  terminé  en  forme  de  pei- 
gne par  vingt-fîx  pointes  ;  une  ouvrière 
perce  dans  un  jour  aftez  de  papier  pour 
placer  huit  douzaines  de  miliers  d'épingles. 
Enfin  ,  une  féconde  ouvrière  ,  appelée 
bouttuje  ,  fait  entrer  les  épingles  dans  ces 
trous,  elle  en  peut  arranger  jufqu'à  trente 
milliers  par  jour  ;  elle  en  forme  des  paquets 
compofés  chacun  de  ftx  milliers  ,  qu'on 
appelle  des  fixains  :  les  papiers  qui  enve- 
loppent les  paquets  compofés  de  plufieurs 
milliers ,  portent  en  rouge  la  marque  du 
maître. 

On  fait  aufTi  des  épingles  de  fer,  qui,, 
étant  blanchies  comme  les  autres,  partent 
pour  être  de  laiton  :  mais  ces  fortes  d'épin- 
gles ne  font  pas  permifes  en  France  à  caufe 
de  leur  mauvaife  qualité  ;  &  plufieurs  arrêts 
du  parlement  de  Paris  en  défendent  la  fa- 
brique &  le  débit. 

Outre  les  épingles  blanches  dont  on 
vient  de  parler ,  on  fait  des  épingles  noires  , 
moyennes  &  fines  ,  depuis  le  numéro  4 
jusqu'au  numéro  10  ,  qui  fervent  pour  le 
deuil. 

L'on  fabrique  auffi  quantité  de  groffes 
épingles  de  laiton  de  différentes  longueurs  , 
les  unes  à  tête  du  même  métal ,  les  autres  à 
tête  d'émail  :  elles  fervent  pour  faire  des 
dentelles  &  des  guipures  fur  l'oreiller. 

Il  y  a  encore  des  épingles  à  deux  têtes  de 
plufieurs  numéros ,  don*  les  dames  ,  en  fe 
coè'ffant  de  nuit ,  relèvent  les  boucles  de 
leurs  cheveux  ;  elles  ont  été  imaginées  afin 
que ,  pendant  leur  fommeil ,  elles  ne  puflent 
en  être  ni  piquées,  ni  égratignées. 

Pour  diftinguer  les  groffeurs  des  épin- 
gles, on  les  compte  par  numéro.  Les  plus 
petites  ,  qui  font  les  camions  ,  s'appellent 
n<?«  3  j  4  5  S  y  depuis  les  camions  jufqu'aiL 
n°t  14.,.  chaque  grofleur  s'eftime  par  u» 


EP  I 

feul  numéro ,  mais  depuis  le  n°.  quator- 
zième ,  on  ne  compte  plus  que  de  deux  en 
deux  ,  c'eft-à-dire ,  n°.  ïtf  ,  18  &  2.0 ,  qui 
eft  celui  des  plus  grofles  épingles. 

Les  épingles  qui  font  réputées  les  meil- 
leures ,  font  celles  d'Angleterre  ;  celles  de 
Bordeaux  fuivent ,  &  enfuite  celles  qui  fe 
font  à  Rugle  ,  ou  à  l'Aigle  ,  ou  en  quel- 
ques autres  endroits  de  la  Normandie.  Les 
épingles  de  Paris  valoient  autrefois  celles 
d'Angleterre  ;  elles  confervent  même  en- 
core leur  réputation ,  quoiqu'il  ne  s'y  en 
fabrique  plus ,  &  que  toutes  celles  qu'on 
y  vend  ,  &  dont  le  commerce  eft  très- 
confidérable ,  viennent  de  la  Normandie. 

Les  ouvrages  ordinaires  des  éping'iers 
de  Paris  font  de  petits  clous  d'épingles  à 
l'ufage  des  ébéniftes  ,  des  aiguilles  de  ta- 
blettes ,  des  annelets ,  des  crochets ,  des 
grillages  de  fil  de  fer  ou  de  laiton  pour  les 
bibliothèques  ou  les  garde-mangers  ,  & 
autres  petits  ouvrages  qui  ne  demandent 
pas  beaucoup  d'induftrie. 

La  communauté  des  maîtres  épingliers 
de  Paris  eft  très-ancienne ,  &  y  étoit  autre- 
fois très-confidérable  :  fes  anciens  ftatuts 
furent  renouvelles  par  Henri  IV  ,  en  1602. 
On  y  a  fouvent  compté  plus  de  deux 
cents  maîtres  ,  qui  travai'loient  eux-mê- 
mes ,  &  qui  occupoient  plus  de  fîx  cents 
compagnons. 

Depuis  que  la  plupart  des  maîtres  fe  fon' 
contentés  d'être  marchands  ,  &  ont  cefle 
d'être  ouvriers ,  &  fur-tout  depuis  que  de 
forts  marchands  merciers  fe  font  mêlés  de 
ce  négoce  ,  la  fabrique  des  épingles  eft 
entièrement  tombée  à  Paris.  Cette  com- 
munauté fut  unie  à  celle  des  aiguillers  en 
1&9S  ,  en  vertu  de  lettres  -  patentes  de 
Louis  XIV ,  &  on  n'y  compte  plus  aujour- 
d'hui que  quatre-vingt-quatorze  maître?. 

Epingles  ,  f.  m.  pi.  (  Jurïfprud.  )  que 
les  auteurs  comprennent  fous  le  tenr.e  de 
jocalia  ou  momlia ,  font  un  préfent  de  quel- 
ques bijoux  ,  ou  même  d'une  fomme  d'ar- 
gent, que  l'acqu  jreur  d'un  immeuble  donne 
quelquefois  à  la  femme  ou  aux  filles  du 
vendeur  ,  pour  les  engager  à  confenrir  à 
la  vente.  Les  épingles  (ont  pour  les  femmes, 
ce  que  le  pot-de-vin  eft  pour  le  vendeur  ; 
mais  elle  ne  font  point  cenfées  faire  partie 
du  prix  j  parce  que  le  vendeur  n'en  profite 


EPI  fry 

,  pas  directement  ;  elles  font  regardées  cor» 
me  des  préfens  faits  volontairement  à  un 
tiers  ,  &  indépendans  des  conventions  , 
enforte  qu'elles  n'entrent  point  dans  la 
compofition  du  prix  pour  la  fixation  des 
droits  d'infinuation  &  centième  denier,  ni 
des  droits  feigneuriaux  ,  à  moins  que  le 
préfent  ne  fût  excefïif ,  &  qu'il  n'y  eût  une 
fraude  évidente. 

Mais  elles  font  cenfées  faire  partie  des 
loyaux  coûts  ,  pourvu  qu'elles  foient  men- 
tionnées &  liquidées  par  le  contrat ,  auquel 
cas  le  retrayant  féodal  ou  lignager  eft  tenu 
de  les  rendre  à  l'acquéreur.  Voy.  Buridan, 

fur  la  coutume  de  Vermandois  ,  article  2.36*. 
&  Billecoq  ,  traité  des  fiefs  ,  p.  13G&  444, 

Cens  en  épingles  ;  j'ai  vu  une  déclaration 
paffée  à  la  feigneurie  de  Gif,  le  19  oâob. 
1713  ,  où  le  cenfîtaire  fe  chargeoit  pour 
un  arpent ,  entr'aimes  chofes  ,  de  portion 
d'un -cent  d'épingles  dû  fur  13  arpens.  {À) 

Délit  d'épingle.  Sauvai  ,  en  fes  antiquités 
de  Paris ,  tom.  II.  p.  $34  ,  dit  qu'en  I44J 
une  infigne  larronefte  dont  on  ignore, 
le  pays ,  mais  qui  n'étoit  ni  de  Paris  ,  ni 
des  environs ,  ni  peut  être  même  de  France, 
creva  les  deux  yeux  à  un  enfant  de  (Jeux 
ans,  &  commit  le  délit  d'éfingles,  ce  qui 
étoit ,  dit-on ,  une  grande  cruauté  ;  mais 
Sauvai  avoue  qu'il  n'entend  point  ces  pa- 
roles :  il  ajoute  que  cette  femme  fut  mife 
en  croix  ,  on  l'exécuta  toute  déchevelée , 
avec  une  longue  robe ,  &  ceinte  d'une: 
cerde  les  deux  jambes  enfemble  au-deflôus; 
que  toutes  les  femmes  de  Paris ,  à  caufe  de 
la  nouveauté  ,  la  voulurent  voir  mourir  , 
interprétant  fon  fupplice  chacune  à  leùt 
manière  ;  que  les  unes  difoient  que  c'étoic 
à  la  mode  de  fon  pays  ,  d'autres  que  fa 
fentence  le  portoit  ainfl ,  afin  qu'il  en  fût 
plus  longuement  mémoire  aux  autres  fem- 
mes ;  que  le  délit  étoit  h  énorme  ,  qu'il 
méritoit  encore  une  plus  grande  punition. 
S'il  m'eft  permis  d'hafarder  une  conjecture 
fur  le  fens  de  ces  termes  délit  d'épingle  ,  je 
penfe  qu'ils  ne  fignifient  autre  chofe  que  le 
crime  commis  pat-  cette  femme  d'avoir 
crevé  les  yeux  à  ce  jeune  enfant ,  ce  qu'elle 
fit  apparemment  avec  une  épingle.  Il  fut 
un  temps  en  France  où  l'on  condamnoit  les; 
criminels  à  perdre  la  vue ,  en  leur  paflanç 
Xxxx  2. 


Tlé  EPI 

un  fer  chaud  devant  les  yeux  :  apparem- 
ment que  quelques  particuliers  pour  aiïbu- 
vir  leur  cruauté  fur  quelqu'un  ,  lui  cre- 
voient  les  yeux  avec  une  épingle  ,  &  que 
cela  s'appeloit  le  délit  d'épingle.  (A) 

EPINGLES  des  Caniers ;  ce  font  de  petits 
fils  de  fer  enfoncés  dans  un  morceau.de 
parchemin  plié  en  quatre  ,  dont  ils  fe  fer- 
vent pour  attacher  à  des  cordes  les  feuilles 
de  carton  dont  ils  font  les  cartes  ,  afin  de 
les  faire  fécher  à  l'air. 

EPINGLE ,  (  Rubanier.)e{ï  un  petit  outil 
de  fer  ,  long  d'environ  3  ou  4  pouces  , 
d'égale  grofièur  dans  toute  fa  longueur  , 
en  forme  de  grotte  épingle,  mais  fans  pointe; 
fa  tête  eft  ordinairement  faite  avec  de  la 
cire  d'Efpagne ,  &  lui  fert  de  prife  :  on 
s'en  fert  au  même  ufage  que  le  couteau  à 
velours,  excepté  que  celles-ci  ne  coupent 
point  les  foies  ,  &  ne  font  que  former  les 
boucles  du  velours  en  les  tirant  fuccefïive- 
ment  Comme  les  couteaux.  Voye[  COU- 
TEAU A    VELOURS. 

EPINGLETTE,  f.  f.  c'eft  ,  dans  t artil- 
lerie ,  une  efpece  de  petite  aiguille  de  fer  , 
dent  on  fe  fert  pour  percer  les  gargoufles 
lorfqu'elles  font  introduites  dans  les  pièces, 
avant  de  les  amorcer.  (Q), 

ÉPINGLIER  ,  f.  m.  (  Commerce.)  mar- 
chand qui  vend  des  épingles  ,  des  clous 
d'épingles,  des  touches ,  des  aiguilles,  6'c. 
Voye{  Epingle. 

EPINICION  ,  f.  m.  (  Belles-let.  )  dans 
la  poéfie  grecque  &  latine  fignifie  ,  i°.  mie 
fête  ou  des  réjowjfances  pour  une  vidoire 
remportée  fur  l'ennemi  :  2°.  unpoëme  ,  une 
pièce  de  vers  fur  le  même  fujet ,  un  chant  de 
victoire.  Scaîiger  traite  expreflément  de 
cette  forte  de  poème  dans  fa  poétique ,  1/5. 
I.  ch.  xljv.  L'épître  de  Boileau  ,  le  poème 
de  Corneille  fur  le  partage  du  Rhin  ,  celui 
de  M.  Adiffon  fur  la  campagne  de  1704, 
&  celui  de  M.  de  Voltaire  fur  la  victoire  de 
Fontenoy  ,  font  de  ce  genre. 

Le  poème  d'Adidon  a  pour  objet  la  ba- 
taille d'Hocftet  ;  c'eft  un  des  plus  beaux 
«uvrages  de  cet  illuftre  auteur  ;  celui  de 
M.  de  Voltaire  ne.  mérite  pas  moins  d'être 
lu  ;  la  préface  que  l'auteur  y  a  mife  con- 
tient des  réflexions  judicieufes  fur  ce  genre 
de  poème ,,  &  fur  Tépitre  de  Defpréaux. 


EPI 
EPINOCHE  ou  EPINARDE ,  fubft.  £ 

(  H: fi.  nat.  Iclhiolog.  )  ptfciculus  aculeatus  9 
poiiïoa  d'eau  douce  ,  le  plus  petit  de  tous. 
Il  n'a  qu'une  feule  nageoire  ,  qui  eft  fur  le 
dos ,  &  au-devant  de  laquelle  il  fe  trouve 
trois  piquans  féparés  les  uns  des  autres.  II 
a  aufli  deux  piquans  fur  le  ventre  ;  ils  font 
plus  grands  &  plus  forts  que  les  autres ,  & 
ils  tiennent  à  un  os  qui  a  la  forme  d'une 
nageoire  ;  car  ce  poiflon  a  deux  lames 
olîeufes  ,  de  figure  triangulaire  ,  à  la  place 
des  nageoires  du  ventre.  Il  creffe  &  il 
abaiflè  à  fon  gré  fes  piquans  :  il  eft  fans 
écailles  ,  &  on  le  trouve  dans  les  ruifleaux. 
Il  y  a  une  autre  efpece  d'épinoche ,  qui 
diffère  de  la  précédente  par  les  caractères 
fuivans  ;  elle  a  dix  ou  onze  piquans  fur  le 
dos,  qui  font  dirigés  alternativement  à 
droite  &  à  gauche  ;  le  corps  eft  plus  long» 
&  elle  n'a  point  de  lames  ofleufes  :  on  la 
trouve  aufli.  dans  Les  ruifleaux.  Rau  >fynop-. 
meth.  pije.  Rond.  hifi.  des  poiffons  de  rivière . 

Voye{  Poisson.  (/) 

EPINOCHE,  c'eft  ainfique  les  Epiciers 
appellent  la  fleur  du  meilleur  cafté. 

EPINYCTIDE  ,  f.  f.  (  Médecine.  ) 
eV^uKT»?  ;  c'eft  une  efpece  d'exanthème  ou 
d'éruption  cutanée  en  forme  de  puftule 
livide ,  de  la  grofleur  d'une  petite  fève  „ 
remplie  d'une  matière  muqueufe  ,  qui 
s'ouvre  enfuite  &:  fe  change  en  un  petit 
ulcère  qui  caufe  de  grandes  inquiétudes 
dans  la  nuit,  par  les  vives  douleurs  qu'il 
occafionne  :  d'où  lui  vient ,  félon  Celfe  3 
le  nom  que  les  Grecs  lui  ont  donné  ,  qui 
fignifie  dans  la  nuit ,  étant  compofé  de  la 
proposition  i**r*  ,  dans  ,  &  de  v»%,  vwktoj  , 
nuit.t  ' 

Cet  auteur ,  dans  la  defeription  très- 
exacle  qu'il  donne  de  Yépinyclide ,  lib.  Va 
cap.  xxviij.  dit  qu'elle  eft  ordinairement; 
fortenflammée  tout  au  tour,  &  que  le 
fentimenr  douloureux  qu'elle  fait  naître 
eft  beaucoup  plus  confidérable  que  la  grof. 
feur  ne  femble  pouvoir  la  caufer  ;  elle 
fournit ,  quand  elle  eft  ouverte ,  une  fanie 
fanguinolente.. 

Cette  tumeur  eft  produite  par  une  ma- 
tière bilieufe  acre  qui  fe  ramafie  dans  quel- 
que follicule  de  la  peau  ,  la  ronge ,  &  fe 
fait  une  iflue  en  l'exuîcérant  :  l'âcreté  &c 
..la  fubtilité  particulière  de  cette  humeuc 


E  P  I 

viciée  la  rendent  fufceptible  de  produire 
une  irritation  confidérable  dans  les  nerfs 
voifins  ,   &  d'être  aifément  agitée  par  la 


EPI  7i7 

*  §.  EPIPHANIE  ;  fêtes  des  rois Les 

chrétiens  d'Orient  nomment  au JJi  cette  fête  la 
théophanie  ou  fête  des  lumières.  Théophanc 


chaleur  du  lit  &  l'augmentation  qui  fe  fait  fignifle  manifejlation  de  Dieu ,  &  non  pas 

dans  la  tranfpiration  pendant  la  nuit.  \  fête  des  lumières Jean  Défiions  a  fait  un, 

Il  efl  facile  de  diffinguer  cette  tumeur  \  petit  livre  fur  le  roiboit.  M.  Dellyons  a  fait 


incommode  à  caufe    des    mauvais  effets  d'Eglife  ,  qui  veut  dire  la  fête  des  Rois  ,  ou 
qu'elle  produit  dans  la  nuit  :  s'il  en  paroît  de  X apparition  de  Jefus-Chrifi  aux  Gentils  , 


plufieurs  en  même  temps  ,  c'eft  un  indice 
de  la  qualité  bilieufe  &  acrimonieufe  ,  do- 
minante dans  la  malle  des  humeurs. 

Les  perfonr.es  qui  ont  des  épinyclides 
doivent  obferver  un  régime  délayant  & 
adouciffant  :  on  a  recours  à  la  faignée  fi 
elles  font  nombreufes  ;  la  purgation  con- 
vient pour  détourner  de  !a  peau  l'humeur 
viciée  &  l'évacuer  ;  les  digeitifs  &:  les 
épuîotiques-  ordinaires  font  les  topiques  j 
dont  l'ufage  efl  indiqué  dans  cette  affec- 
tion. Vàyei  Exanthème,  {d) 

EPIODIE  ,  (  Mufiq.  des  anc.  )  chanfon 
des  Grecs  avant  les  funérailles  ;  on  l'ap- 
peloit  aufîi  ncenia,  (  F.  D.  C.  ) 

EPIPEDOMETRIE  ,  f.  f.  dans  les  Ma- 
thématiques  ,  lignifie  la  mefure  des  figures 
qui  s'appuient  fur  une  même  bafe.  Ce  mot 
n'eft  plus  en  ufage.  Harris  &  Chamhrs. 
(E 

EPIPHALLUS  ,  (  Mufiq.  des  anc.  ) 


car  le  mot  grec  lignifie  apparition.  Les 
chrétiens  d'Orient  nomment  auiïï  cette 
fête  ,  la  Théophanie  ,  ou  la  manijefiadon  de 
Dieu.  C'efl  une  fête  double  de  !a  première 
claile  ,  qui  fe  célèbre  le  6  janvier  de  cha- 
que année. 

Les  Grecs  appeîoient  Y  Epiphanie ,  h  pré- 
fence  des  dieux  jur  la  terre  ,  foit  qu'ils  fe  fif- 
fentvoir  en  perfonne  aux  yeux  des  hommes, 
foit  qu'ils  manife flairent  leur  préfence  par 
quelques  effets  extraordinaires.  Cette  pré- 
fence des  dieux  leur  fournit  l'occalion 
dinftituer  les  fêtes  ou  facrifices  ,  qu'ils- 
nommoient  épiphanies}  vbrtfuint* \  en  mé- 
moire de  ces  apparitions  prétendues. 

L'on  a  nommé  femblab'ement ,  parmi 
les  chrétiens  ,  Y  Epiphanie  h  fête  des  Rois, 
dans  la  prévention  généralement  établie  , 
que  les  mages  étoient  desrois.  Cette  fête  ne 
fe  célébroit  autrefois  qu'après  avoir  été  pré- 
cédée d'une  veille  &  d'un  jeune  très-févere; 


Il  paroît  par  un  p affage  d'Eufîathius  ,  très-  &  il  paroît  furprenant  qu'une  coutume  11 


fouvent  cité  dans  Meurfius  ,  que  ce  mo 
étoit  aufli  le  nom  d'un  air  de  danfe  des  an- 
ciens ,  &  qu'on  l'exécutoit  fur  des  flûtes. 
Ce  même  pallage  met  encore  i'hédycome 
&:  !e  pclemicou  au  rang  des  airs  de  danfe 
joués  fur  la  flûte.  Voye{  HEDYCOME  & 
POLEMICON.  (  Mufiq. des  anc. )Et  Athénée 
dit  pofuivement ,  d'après  Tryphon  ,  que 
c'étaient  des  airs  de  danfe  propres  aux  flû- 
tes. (  F.  D.  C.  ) 

*  EPIPHANES  ,  (  Mythologie.  )  fur- 
nom  de  Jupiter.  Jupiter  êpiphanh  ou  Jupi- 
ter qui  Je  maniftfle ,  c'efl  la  même  chofe. 
Jupiter  fut  ainfl  appelé  ,  de  ce  qu'il  ren- 
doit  fouvent  fa  préfence  fenfible  par  des 
éclairs ,  par  le  tonnerre  ,  de  ce  qu'il  fe 
plaifoit  à  fe  mêler  parmi  les  hommes  ,  & 
fur- tout  parmi  les  femmes  ,  fous  différen- 
tes formes  corporelles. 


pieufe  ait  été  abolie,  pour  y  fubftituer  une 
folemnité  bien  oppofée  à  l'abllinence  6c 
à  la  mortification. 

L'exemple  des  payens  a  pu  fervir  ,  félon 
quelques  auteurs  ,  à  chafftr  le  jeûne,  pour 
lui  fubroger  la  bonne  chère.  La  conformité 
qu'ont  trouvé  ces  mêmes  auteurs  entre  la 
tête  du  roiboit  &  les  faturnales ,  leur  a  fiit 
avancer  que  la  première  étoit  une  imitation 
&  une  fuite  de  la  féconde  :  en  effet,  difent- 
ils ,  la  fête  des  faturnales  commençoit  en 
décembre ,  continuoit  dans  les  premiers 
jours  de  janvier  ,  qui  efl  aufli  le  temps  de 
la  fête  des  Rois.  Les  pères  de  famille  en- 
voyoient  à  l'entrée  des  faturnales ,  des  gâ- 
teaux avec  des  fruits  à  leurs  amis  ;  l'ufage  des. 
gâteaux  fubfifte  encore.  Ces  amis  man- 
geoient  enfemble  :  c'efl  ce  que  l'on  pratique 
,  aulTi  la  veille  &  le.  jour  des  Rois»  La  pre- 


7i3  EPI 

miere  cérémonie  des  faturnales  confiftoit  à 
élire  un  roi  de  la  fête  ;  &  Lucien  fait  dire 
plaifamment  à  Saturne  ,  faifons  des  rois  a 
gui  nous  obéijjions  agréablement.  L'élection 
d'un  roi  eft  aufli  parmi  nous  la  première 
action  de  Y  Epiphanie,  avec  cette  différence 
que  les  Payens  élifoient  leur  roi  par  le  fort 
des  dés ,  &:  que  nous  l'élifonspar  la  rencon- 
tre de  la  fève.  Le  même  Lucien  nous  ap- 
prend que  le  plaifîr  confîftoit  à  boire  , 
s'enivrer  &  crier.  C'eft  à  peu  près  la  même 
chofe  parmi  nous  ,  &  nous  marquons  notre 
joie  non  feulement  par  la  bonne  chère, 


EPI 

»  brave  ,  frifé,  &  gauderonné,  menée  du 
»  chafteau  de  Louvre  à  la  méfie  en  la  cha- 
»  pelle  de  Bourbon ,  étant  le  roy  fuivi  de 
n  fes  jeunes  mignons  ,  autant  &  plus  bra- 
»  ves  que  lui.  »>  On  fait  aujourd'hui  que 
Y  Epiphanie  fe  célèbre  à  la  cour  avec  une  fi 
grande  hmplicité  ,  qu'elle  feroit  peut-être 
tôlerie  par  ce  févere  dodeur  de  Sorbonne, 
qui  regardoit  toutes  les  réjouiffances  de 
YEpiphanie  comme  des  profanations  oimi- 
nelles;  je  parle  de  M.  Jean  Défiions  ,  more 
à  Senlis  au  commencement  de  ce  ftecle  , 
âgé  de  85  ans.  On  connoît  fes  deux  ouvra- 


mais  encore  par  nos  acclamations  quand  lelges  fur  cette  matière;  ils  font  intitules, 
roiboit.  difjours  eccléfiaftijue  contre  le  paganifme  du 

Cependant  toutes  ces  applications  gêné-  ^roiboit.  de  J au  court. 
raies  ne  prouvent  rien  ,  &  ne  fe  trouvent  un       EPIPHÉNOMENE  ,  f.  m.  (  Mêd.  )   ce 
peu  juftes  que  par  les  abus  que  le  temps  a  terme  eft  grec  ,  compote  d\V<  ,  fuper ,  & 
amenés  dans  la  célébrarion  de  la  fête  de  <p«<ioMtvor  ,  apparens.  Les  anciens  s'en  fer- 


Y Epiphanie  ;  car  d'un  côté  la  qualité  des 
perfonnes  qui  célébroient  ces  deux  fèces  ,  & 
de  l'autre  ,  le  terme  de  leur  durée ,  font 
voir  clairement  que  ce  font  deux  différentes 
fêtes ,  qui  n'ont  qu'un  rapport  éloigné. 

Difons  donc  qu'il  eft  plus  naturel  de 
croire  que  le  fouoet  de  la  veille  des  rois  eft 
une  fuite  de  la  veille  que  les  chrétiens  cé- 
l 'broient  d'abord  avec  beaucoup  de  refpect 
&  de  religion  ;  mais  le  temps,  le  lieu  & 
les  autres  circonftances  de  ces  alîembîées 
nocturnes  ,  favorifoient  trop  la  corruption 
pour  qu'elle  ne  s'introduisît  pas  dans  la  fête; 
le  fcandale  même  devint  à  la  fin  fi  grand  & 
fî  pernicieux  ,  que  par  plufteurs  conciles 
l'on  fut  obligé  de  défendre  ces  alTemblées  : 
cependant  on  ne  put  pas  les  abolir  entière- 
ment ;  &  pour  en  conferver  le  fouvenir ,  les 
parens  s'afïemblerent  avec  leurs  amis ,  fe 
régalèrent  ;  &  afin  de  marquer  l'origine  du 
feftin  ,ilsobferverent  de  le  bénir  avant  que 
de  fe  mettre  à  table  ;  &  même  en  partageant 
le  gâteau,  la  première  portion  étoitdeftinée 
pour  Dieu ,  ce  qui  feul  fuffiroit ,  ce  me  fem- 
ble ,  pour  détruire  la  comparaifon  de  la  fête 
des  rois  avec  celle  des  faturnales. 

On  folemnifoit  autrefois  dans  notre 
royaume  la  fête  des  rois  avec  beaucoup  plus 
de  pompe  &  d'apparat  qu'à  préfent.En  effet 
nous  liions  dans  le  journal  d'Henri  III  , 
«  qu'en  1578  ,  le  lundi  6  de  janvier  la  de- 
r>  moifelîe  de  Pons  de  Bretagne  ,  royne  de 
?>  la  feve ,  fut  par  le  roy  défefpérément 


voient  dans  le  même  fens  que  d'épigené- 
me  ,  l'vêjwtf**  ,  pour  défigner  !es  afïe&ions 
morhifiques  qui  furviennent  dans  une  ma- 
ladie ,  outre  les  fymptomes  qui  lui  font 
propres  ,  &  qui  procèdent  d'une  caufe  dif- 
férente de  celle  qui  a  produit  ceux-ci. 

M.  Queinay  ,  dans  fon  nouveau  traité 
des  fièvres  ,  dit  avoir  été  obligé  de  fe  fervir 
du  terme  d'épi  phénomène  ,  n'ayant  pu  trou- 
ver aucun  nom  françois  affez  iïgniftcatif 
pour  exprimer  diftinefement  ce  que  les  an- 
ciens entendoient  par  ce  mot  ,  &  ce  qu'il 
s'agit  de  déiigner  par  une  dénomination 
qui  marque  bien  feniiblement  le  genre  d'af- 
fection morbifique  qui  vient  d'être  défini  ; 
ainfi  c  eft  en  quelque  forte  malgré  lui  , 
ajoute-t-il ,  qu'il  s'eft  déterminé  à  rappeler 
un  terme  grec  ,  qui  depuis  long-temps  eft 
prefque  entièrement  hors  d'ufage. 

Les  arts  &  les  feiences  gagnent  toujours 
à  acquérir  des  termes  propres ,  dès  qu'ils 
peuvent  fervir  à  éviter  les  circonlocutions , 
ou  l'obfcurité  dans  leur  langage  rcfpecnf. 
r.  Maladie,  Symptôme, Accident. 

W  ,  ^ 

EPIPHONEME ,  f.  f.  (Rhét.)  moteon- 
iacré  que  nous  avons  emprunté  des  Grecs 
1  l'exemple  des  Latins. 

C'eft  une  figure  de  rhétorique  qui  con- 
fifte  ou  dans  une  efpece  d'exclamation  à  la 
Hn  d'un  récit  de  quelque  événement,  ou 
lans  une  courte  réflexion  fur  le  fujet  dont 
onaparlé.  Cette  figues  échappe  aux  efprits. 


EPI 

▼ifs  &  aux  efprits  profonds  :  fon  élégance 
part  du  goût,  du  choix,  de  la  venté  ;  il 
faut  aulîi  qu'elle  naiffe  du  fujet ,  &  qu'elle 
coule  de  fource;  alors  c'eft  un  dernier  coup 
de  pinceau  qui  fait  une  image  frapante  dans 
l'efprit  du  le&c:ur  ,  ou  de  l'auditeur.  Ainli 
Virgile  ,  après  avoir  dépeint  tout  ce  que  la 
colère  fuggereàune  déefTe immortelle  con- 
tre fon  héros  ,  ne  peut  s'empêcher  de  s'é- 
crier ,  Tantce-ne  animis  celeftibus  irœ  !  & 
dans  un  autre  endroit  ,  Tantœ  moiis  erat 
romanam  condere  gentem  !  C'eft  encore  une 
belle  épiphonême,  &  fouvent  citée,  que 
celle  de  S.  Paul ,  lorfqu'après  avoir  dif- 
couru de  la  reje&ion  des  Juifs,  &  de  la  vo- 
cation des  Gentils ,  il  s'écrie  :  O  profondeur 
des  richeffes,  delafageffe,  &  de  la  connoijfance 
de  Dieu. 

Cette  figure  n'eft  déplacée  dans  aucun 
ouvrage  -,  mais  il  me  femble  que  c'eft  dans 
l'hifioire  qu'elle  produit  fur-tout  un  effet 
intérelfant.  Velleius  Paterculus  qui ,  in- 
dépendamment du  ftyle ,  nous  a  montré  fon 
talent  pour   l'éloquence ,  dans  fon  éloge 


E  P   I  7ip 

fur  les  yeux  ;  ce  qui  eft  la  même  chofe  que 
l'ophthalmie.  Voye^  OPHTH ALMIE. 

3°.  La  lignification  la  plus  reçue  du  mot 
épiphore ,  eft  appliquée  au  flux  de  larmes  ha- 
bituel ,  caufé  par  un  relâchement  des  ca- 
naux excrétoires  des  glandes  ,  dans  lefquel- 
les  fe  fait  la  fecrétion  de  cette  humeur  :  ces 
canaux  n'offrant  pas  afïez  de  réfiftance  à 
l'impulfion  des  fluides  qu'ils  reçoivent  dans 
leur  cavité ,  il  s'y  fait  une  dérivation  des 
parties  voifines  ;  ils  en  font  abreuvés  en 
trop  grande  quantité  ,  n'ayant  pas  la  force 
de  les  retenir  ;  il  s'en  fait  un  écoulement 
proportionné  ,  &  par  conféquent  immodé- 
ré refpedivement  à  l'état  naturel  :  c'eft  un 
vrai  diabète  des  glandes  lacrymales;  l'hu- 
meur dont  elles  regorgent  fe  répand  fur  la 
furface  de  l'œil,  &  fur  le  bord  de  la  pau- 
pière inférieure  en  plus  grande  abondance  > 
que  les  points  lacrymaux  n'en  peuvent  re- 
cevoir ,  pour  la  porter  dans  la  cavité  des 
narines  :  elle  fe  ramaffe   conféquemment 
vers  le  grand  angle  de  l'œil,  &   s'écoule 
hors  de  lagoutiere  fur  la  furface  extérieure 
de  la  paupière  &  des  joues,  enforte  que  les 
yeux  paroiffent  toujours  mouillés  &  pleu- 
rans.    Tant  que  dure  ce  vice ,  qui  eft  quel- 
quefois incurable ,  "  ceux  qui  y  font  fujets  , 
dit  Maître- Jan,  dans  fon  traité  des  maladies 
de  V  œil  y  par  t.  III ,  chap.  iij  ,  ont  ordinaire- 
ment la  tête  grotte  &  large,  font  d'un  tem- 
pérament phlegmatique ,  &  travaillés  fou- 
vent  de  fluxions  fur  les  yeux.  » 

Les  collyres  aflringens  font  les  feuls  topi- 
ques qu'il  convient  d'employer  contre  le 
relâchement  qui  caufe  Vépiphore.  On  peut 
avoir  recours  aux  veftecatoires  appliqués 
derrière  les  oreilles  à  la  nuque  ,  pour  faire 
diverfion  à  l'humeur  qui  engorge  les  glan- 


admirable  de  Cicéron  ,  eft  Thiftorien  ro- 
main qui  fe  foit  le  plus  fervi  deVépipkonême; 
il  a  l'art  de  l'employer  avec  tant  de  grâce  , 
que  perfonne  ne  l'a  furpaffé  dans  cette  par- 
tie. Aufli  faut-il  convenir  que  cette  figure 
mife  en  œuvre  aufli  judicieufement  qu'il  l'a 
lu  faire ,  a  des  charmes  pour  tout  le  monde , 
parce  que  rien  ne  plaît ,  ne  délaffe ,  n'at- 
tache ,  &  n'inftruit  davantage  ,  que  ces 
fortes  de  penfées  fententieufes  &  philofo- 
phiques  jointes  à  la  fin  d  un  récit  des  gran- 
des athons  &  des  principaux  faits,  dont  on 
vient  de  tracer  le  tableau  fidèle.  Article  de 
M.  le  Chevalier  de  J AU  COURT. 

ÉPIPHORE  ,  f.  m.  (Mêd.)  Épiphora  eft 
un   terme  qui  vient  du  grec  izi«pôf<x  ,    de«  des  lacrymables.    Le  cautère  au  bras  peut 


tfrKpipuv  ,  cum  impetu  ferre  ,  porter  avec 
impétuoiîté.  Il  eft  employé  en  différens 
fens. 

i°.  Il  fignifie  ,  généralement  pris,  toute 
forte  de  tranfport  contre  nature  d'humeurs 
dans  quelque  partie  du  corps  que  ce  foit ,  & 
particulièrement  du  fang  ,  félon  Scribonius 
Largus  ,  n.  243  ,  ainfl  il  peut  être  appliqué  à 
toute  tumeur  inflammatoire. 


auffi  fatisfaireà  la  même  indication  ;  mais 
ce  qui  eft  plus  propre  à  la  remplir ,  c'eft  l'ufa- 
ge  réitéré  des  purgatifs  qui  ont  de  l'aftric- 
tion  ,  comme  la  rhubarbe.  L'évacuation 
par  la  voie  desfelles  eft  en  général  plus  pro- 
pre qu'aucun  autre  moyen  ,  à  détourner  la 
matière  de  fluxions  qui  fe  font  fur  les  yeux, 
ou  fur  les  parties  qui  en  dépendent.  Hip- 
pocratel'avoit  éprouvé  fans  doute ,  lorfqu'il 


félon  Galien  ,  /  IV ,  de  C.  M.  S.  C.  cap.  vij , 
&c.  une  fluxion  inflammatoire  qui  fe  fait 


20.  On  appelle  plus  fpécialementep/fAor^,    a  dit  que  le  cours  de  ventre  à  celui  quia 


une  fluxion  fur  les  yeux  ,  eft  très-falutaire  t 
lippienti  projlavio  alvi  corripi  r  bonum*  Jlphor,. 


72«  EPI 

xvij  ,fec7.  S.  Ainfî  on  doit  imiter  la  nature  , 
c'eft- à-dire,  fuppléer  à  fon  défaut,  par  les 
fccours  de  l'art,  pour  procurer  une  évacua- 
tion de  cette  efpece  dans  le  cas  dont  il  s'a- 
git ,  dont  l'utilité  eft  autant  conftarée  par 
l'expérience,  que  l'autorité  de  celui  qui 
J'afîureeft  bien  établie  par  lexadàtude  &  la 
vérité  de  fes  observations.  Voyez  FLUXION. 

w. 

EPIPHYSE,  f.  f.  {Anat.)  appendice 
cartilagineufe ,  en  grec  ivrÎQvtrtt ,  de  iVp»*  , 
croître  dejfus.  Èpiphyfe  eftlenom  que  don- 
nent les  Anatomiftes  à  certaines  éminences 
cartilagineufes ,  qui  paroiflent  des  pièces 
rapportées,  ajoutées,  &  unies  au  corps  de 
l'os ,  de  la  même  manière  que  la  partie  car- 
t'iagineufe  des  cotes  I'eft  à  l'égard  de  leur 
portion  ofïeufe.  Les  épiphyfés  fe  rencon- 
trent dans  toutes  les  articulations  avec  mou- 
vement. 

L'union  des  épiphyfés  au  corps  de  l'os ,  fe 
fait  par  ie  moyen  d'un  cartilage  qui  fe  dur- 
cit, s'ofîifie  prefque  toujours  vers  la  deuxiè- 
me année,  &:  ne  forme  dans  la  fuite  avec 
l'os  qu'une  feule  pièce  ,  de  manière  qu'il 
n'eft  pluspofîible  de  les  féparer.  En  effet  fi 
dans  1  adulte  avancé  en  âge  l'on  feie  l'os  & 
Yépiphyfe  en  même  temps  ,  on  y  découvre  à 
peine  les  traces  du  cartilage  qui  faifoit  au- 
paravant leur  union  :  cependant  il  eft  cer- 
tain que  le  bout  des  os  des  extrémités ,  &  la 
plupart  des apophyfes,  ont  été  épiphyfés  dans 
l'enfance  ;  phénomène  curieux  dont  l'expli- 
cation mériteroit  un  traité  particulier  qui 
nous  manque  encore  en  phyfioîogie.  Mais 
ne  pouvant  entrer  ici  dans  un  pareil  détail, 
nous  nous  contenterons  feulement  de  re- 
marquer que  l'union  des  épiphyjes  au  corps 
cie  l'os ,  permet  à  une  partie  du  périofte  de 
i'infinuer  entre  deux ,  de  forte  que  par  ce 
moyen  plusieurs  vaifîèaux  fangins  s'y  gîif- 
fent ,  &  portent  à  l'os  de  même  qu'à  la 
moelle  ,  la  matière  de  leur  nourriture. 

Obfervons  aufTi  qu'il  y  a  des  épiphyfés  qui 
ont  encore  leur  apophyfe,  comme  Yépiphyfe 
inférieure  du  tibia;  6c  qu'il  y  a  femblable- 
ment  des  apophyfes  qui  portent  des  épiphy- 
fés y  comme  il  paroît  dans  le  grand  trochan- 
ter.  Ainfi  la  tête  du  fémur  eft  dans  les  jeunes 
fujets ,  quelquefois  dans  les  adultes ,  une  épi- 
ph^fe  de  la  partie  de  cet  os  qu'on  appellent)/* 
coup. 


EPI 

Les  épiphyfés  prennent ,  ainfî  que  les  apo- 
phyfes »  des  noms  difrérens  tirés  de  leur  fi- 
gure. Par  exemple  ,  quand  elles  font  fphé- 
roïdes  ,  elles  s'appellent  tête; quand  l'émi- 
nence  eft  placée  immédiatement  au  defîbus 
de  la  tête,  cou  ;  quand  la  tête  eft  plate ,  con- 
dyk;  quand  fa  furface  eft  raboteufe  ,  tubé- 
wfité:  celles  qui  fe  terminent  en  manière 
de  fliiet ,  font  nommées  JlUvïdes  ;  celles  qui 
ont  la  forme  d'un  mammelon  ,  majloïdes  ; 
celles  qui  relTemblent  à  une  dent ,  odontoïdes; 
à  une  chauve-fouris,  ptêriguïdes,  &c.  mais 
tous  ces  rapports,  vrais  ou  prétendus ,  ne 
font  que  de  pures  minuties  anatomiques 
dont  cette  feience  eft  accablée. 

Les  épiphyjes  ont  desufages  qui  leur  font 
communs  avec  les  apophyfes ,  comme  de 
ferviren  général  à  l'articulation  ,  à  attacher 
les  muicîes  &  les  ligamens  dont  elles  aug- 
mentent la  fermeté  ,  à  rendre  les  os  plus 
légers  par  leur  fpongiofité  ,  plus  forts  & 
moins  caffans  ,  en  multipliant  les  pièces. 
Elles  fervent  encore  à  augmenter  la  force 
des  mufcles  ,  en  donnant  plus  d'étendue  à 
l'extrémité  des  os  :  on  peut  ajouter  que  la 
fituation  &  la»  figure  particulière  des  épi- 
phyfés, les  rendent  capables  d'autant  d'u- 
fages  différens.  Enfin  ces  fortes  d'éminen- 
ces  cartilagineufes  préviennent  dans  les  en- 
fans  la  fracture  des  os,&  font  que  dans 
PaccroifTément  du  corps  ils  peuvent  s'allon- 
ger plus  aifement ,  &  parvenir  à  leur  jufte 
grandeur.  Article  de  M.  le  Chevalier- DE 
Jaucourt. 

ÉPIPLOCELE ,  f.  f.  en  Chirurgie ,  efpece 
de  hernie  ou  tumeur  ,  qui  eft  occafionnée 
par  la  defeente  de  fépiploon  dans  l'aine. 
V.  Hernie  &  Entéro-épiplocele.  (Y) 

ÉPIPLOIQUE,  adj.  en  Anatomie,  fe 
dit  des  artères  &  des  veines  qui  fe  diftri- 
buent  dans  la  fubftance  dePépiplocn.  Il  y  a 
une  artère  épiploïque  qui  vient  de  la  branche 
hépatique. 

L,'ép'ploïque  droite  eft  une  branche  de 
l'artère  cœiiaque ,  qui  vient  du  côté  droit 
de  la  partie  intérieure  ou  poftérieure  de 
l'eftomac.  Voye~K  CCSLJAQTJE. 

Uépiploïque  poftérieure ,  c'eft  une  branche 
de  l'artère  cœiiaque  qui  part  de  l'extrémité 
de  la  fplénique  ,  &  qui  va  fa  distribuer  à  la 
partie  poftérieure  de  l'épiploon. 

\J épiploïque  gauche  eft  une  branche  de 

l'artère 


EPI 

l'artère  cœliaque ,  qui  fe  diftribue  au  coté 
gauche  6c  inférieur  de  l'épiploon.  (Z) 

ÉPIPLONPHALE,  f.  f.  en  chirurgie  y 
efpece  d'exomphale  ou  defcente  du  nom- 
bril j  qui  confifte  en  une  tumeur  ou  gon- 
flement de  cette  partie ,  produit  par  le  dé- 
placement de  l'épiploon.  V.  Exomphale 
&  Entéro-épiplonphale. 

Ce  mot  eft  compofé  du  grec  iTxiwhbw  , 
épiploon  ,  coiffe  f   ÔC   oftpahot  ,  nombril.  (Y) 

§  ÉPIPLOON,  ÉPIPLOIQUE,  àVm~ 
wh-nv ,  flotter  dejfus  ,  (  Anatom.  )  c'eft  le 
nom  de  différentes  membranes  graiffeufes, 
qui  flottent  dans  la  cavité  du  bas-ventre 
de  prefque  tous  les  animaux.  Les  chenilles 
elles-mêmes  ont  des  monceaux  de  graille 
autour  des  inteftins.  Ce  font  cependant  les 
quadrupèdes  dans  lefquels  ces  membranes 
font  les  plus  marquées.  Elles  naiflènt  du 
péritoine  ,  mais  jamais  immédiatement.  Ce 
lbnt  des  productions  de  la  membrane  exté- 
rieure de  l'eftomac,  de  la  rate ,  du  foie,  du 
colon;  mais  ces  membranes  elles-mêmes 
naillènt  du  péritoine. 

Tous  les  épiploons  ont  la  même  ftructure 
dans  l'homme,  dont  nous  allons  parler, 
fans  entrer  dans  le  détail  des  épiploons  des 
animaux  ,  la  variété  y  eft  trop  grande.  Ce 
font  deux  lames  extrêmement  fines ,  appli- 
quées immédiatement  l'une  à  l'autre,  8c 
qui  font  une  duplicature  ,  dans  laquelle 
rampent  de  nombreux  vaifîèaux  qui  y  for- 
ment des  réfeaux.  Nous  avons  réufïî  à  fé- 
parer  ces  deux  lames  par  Pair  que  nous  y 
avons  introduit.  Il  faut  fe  garder  de  con- 
fondre ces  deux  lames  avec  les  deux  grands 
feuillets  de  Yépiploon. 

Chaque  tronc  d'artère  &c  de  veine  eft 
accompagné  d'une  traînée  de  graille ,  dont 
les  globules  font  féparés  &c  très-éloignés  les 
uns  des  autres.  Les  petites  branches  étant 
abfolument  fans  graille  dans  les  jeunes 
fujets,  on  foufïle  avec  facilité  Yépiploon  ;  la 
partie  dénu  le  de  grailfe  prête ,  &c  toute  la 
membrane  s'épanouit  &  prend  la  forme 
d'une  veffie  toute  relevée  de  bofles.  Les 
artères  qui  réfiftent  à  l'air  rampent  dans 
les  vallons.  Dans  l'adulte  la  graine  fe  mul- 
tiplie ;  elle  accompagne  les  petites  bran- 
ches du  réféau  artériel ,  &C  tout  Yépiploon 
devient  une  malle  de  graille  pâteufe.  v 

Nous  avons  dit  que  les  épiploons  fe  laiflent 
Tome  XII. 


EPI  7n 

foufTIer  dans  le  fœtus  &  dans  les  enfans  : 
c'eft  une  propriété. qui  leur  paroît  être  eflèn- 
tielle.  Tous  les  épiploons  ont  deux  feuillets. 
Nous  avons  averti  le  ledteur  de  ne  pas 
confondre  les  feuillets  avec  les  lames.  Un 
de  ces  feuillets  eft  antérieur ,  &  l'autre  eft 
poftérieur  :  ils  fe  joignent  à  leur  extrémité, 
&  forment  un  fac  dont  l'orifice  ou  la  ba'e 
eft  faite  par  le  vifcere ,  ou  par  les  vifceres 
dont  la  membrane  externe ,  en  s'élevant 
avec  un  peu  de  cellulofité ,  a  produit  les 
deux  lames  de  chaque  feuillet. 

Il  y  a  trois  épiploons  continués  l'un  à' 
l'autre,  ôc  plufieurs  autres  petits  épiploons, 
diftribués  le  long  du  colon.  Ces  trois  épi- 
ploons ont  une  entrée  commune  par  laquelle 
on  peut  les  fourrier  :  elle  a  été  découvete ,  à 
Ce  qu'il  paroît,^  par  du  Verney,  puifqu'elle 
(e  trouve  dans  fes  ouvrages  pofthumes,  dont 
la  date  n'eft  pas  connue ,  mais  qui ,  vu  le 
grand  âge  de  l'auteur  ,  paroît  ne  pouvoir 
contenir  que  des  obfervations  antérieures  à 
l'année  1715- ,  date  à  laquelle  Winflow  a 
publié  cette  découverte.  Du  Verney  avoit 
alors  foixante-quinze  ans,  &c  avoit  diflequé 
depuis  plus  de  cinquante  ans  :  puifqu'il  a 
vu  cette  ouverture  ,  il  ne  parole  guère 
probable  qu'il  ne  l'ait  pas  vue  avant  cet  âge. 

Cette  porte  -  cochere  ,  comme  l'appelle1 
Winflow  ,  eft  placée  entre  le  petit  lobe  à 
queue  du  foie  ôc  le  duodénum  prefque 
contigus  ;  il  y  a  une  ouverture  qui  n'a 
d'autre  figure  que  celle  de  ce  lobe.  Là 
membrane  externe  du  foie ,  née  de  la  foflè 
tranfverfale  &  de  la  véficule  du  fiel ,  pafTe 
devant  cette  ouverture  pour  aller  recouvrir 
le  duodénum;  ôc  le  péritoine  de  la  région 
rénale  droite ,  pafle  derrière  la  porte  de 
Yépiploon ,  pour  produire  la  lame  inférieure 
du  méfocolon.  La  veine  porte,  avec  les 
conduits  biliaires ,  parlent  aufli  devant  cette 
ouverture. 

Quand  on  la  fouffle,  \y épiploon  hépa- 
togaftrique  s'élève  le  premier;  l'air  paflè 
derrière  l'eftomac  pour  gonfler  Yépiploon 
gaftrocolique  ;  il  s'étend  jufqu'à  la  fin  de 
l'extrémité  droite  de  ce  fécond  épiploon , 
pour  dilater  le  troifîeme  épiploon  :  c'eft  le 
colique.  Il  n'eft  pas  néceflaire  au  refte  de 
chercher  la  porte  de  Winflow;  il  fuffit 
d'introduire  le  tuyau  derrière  le  paquet 
des  vaiffeaux  du  foie. 

Yyyy 


11 


E  P  I 


*  Le  petit  épiploon  de  Winflow  ,  ou  Yépi- 
ploon  hépatog:iftrique  naît  par  Ton  feuillet 
antérieur  de  la  folle  droite  de  la  véficule 
du  fiel  8c  de  la  folîè  tranfvcrfale  du  foie. 
Il  continue  de  naître  de  la  folle  tranfvcriale 
8c  de  celle  du  conduit  veineux ,  8c  le  ter- 
mine au  diaphragme ,  dont  le  péritoine  le 
borne  ;  mais  cet  épiploon ,  en  s'approchant 
du  diaphragme,  a  acquis  un  degré  de  fo- 
lidité  ,  qui  a  fait  donner  au  prolongement 
du  péritoine  le  nom  de  ligament. 

Le  petit  épiploon  pafle  devant  le  duodé- 
num ,  le  petit  lobe  du  foie  8c  le  pancréas , 
pour  former  le  méfocolon  jufqu'à  la  naii- 
ïance  des  vaillèaux  gaftroépiploïques  droits. 
Depuis  ce  terme  ,  il  s'attache  à  la  petite 
courbure  de  l'eftomac  8c  à  l'œfophagc  par 
fou  extrémité  ,  qui  perte  le  nom  de  liga- 
ment. 

Son  plancher  poftérieur  eft  fait  par  le 
foie;  le  pancréas,  par  la  lame  fupérieure 
du  méfocolon  ,  8c  par  une  partie  de  la 
petite  courbure  de  l'eftomac. 

L'air  introduit  l'éloigné  du  pancréas , 
8c  le  fait  paroître  comme  un  cône  obtus 
tout  couvert  de  petites  bolTes  entre  le  foie 
8c  l'eftomac, 

Plufieurs  auteurs,  Euftache  même,  ont 
eu  connoiflànce  de  cet  épiploon  ;  mais 
Winflow  eft  le  premier  qui  Tait  décrit 
avec  un  certain  détail. 

Uépiploon  gaftrocolique  a  été  connu  de 
tout  temps;  ç'eft  celui  qui  fe  préfente  de 
lui-même  à  l'ouverture  du  bas-ventre,  8c 
qui  flotte  fur  les  inteftins.  Il  en  couvre  une 
partie  plus  petite  dans  le  fœtus ,  8c  plus 
grande  dans  l'adulte.  Nous  l'avons  vu  ne 
parvenir  qu'au  nombril ,  8c  defçendre  d'au- 
tres fois  dans  le  balTïn  pour  s'attacher  à 
l'utérus,  ou  pour  accompagner  les  hernies. 
Il  eft  ordinairement  plus  long  du  coté 
gauche.  Il  devient  fort  gros  dans  les  per- 
sonnes replettes ,  8c  diiparoît  dans  l'hy- 
dropille. 

Le  feuillet  antérieur  naît  de  Ja  membrane 
extérieure  de  l'eftomac ,  depuis  le  pylore 
((ans  toucher  le  duodénum),  le  long  de  la 
r/ctiie  courbure  jufqu  à  l'cefophage ,  où  il 
f  è  continue  avec  le  ligament ,  qui  fe  porte 
"  au  diaphragme, 

Il  s'attache  à  k  rate  dans  la  ilnuoiité 
qui' reçoit  ks  yaifleaux  :  il  fe  continue  à 


E  P  I 

la  tunique  externe  de  ce  vifeere  8c  à  fbn 
ligament  fufpen'oire,  8c  même  au  péri- 
toine au  delà  de  ce  ligament.  La  partie 
flottante  de  cet  épi )  '//on  vient  enfuitç;  elle 
revient  fur  elle-même  pour  s'attacher  au 
colon  tranfverlal ,  depuis  la  rate  jufqu'à 
fon  extrémité  du  côté  droit. 

Le  cul  -  de  -  fac  gauche  fe  termine  par 
Y  épiploon,  qui  remonte  le  long  de  la  lame 
fupérieure  du  méfocolon  tranfverlal ,  à 
laquelle  il  s'attache  obliquement  jurqu'à  la 
rate.  Le  cul-de-lac  du  coté  droit  eft  formé 
en  partie  par  Y  épiploon  colique ,  dont  nous 
allons  parler ,  8c  en  partie  par  le  feuillet 
poftérieur  de/V/j/p/oo/zgaftrocolique,  attache 
à  la  lame  fupérieure  du  méfocolon  tranf- 
verlal le  long  de  l'artère  colique  moyenne. 
Uépiploon  colique  eft  une  continuation 
de  celui  dont  nous  venons  de  parler  :  elle 
eft  conique ,  8c  la  longueur  eft  variable  : 
nous  l'avons  vue  s'étendre  jufqu'au  cœcum. 
Le  feuillet  antérieur  &  le  feuillet  poftérieur 
de  cet  épiploon ,  eft  également  une  conti- 
nuation de  la  tunique  externe  du  colon  , 
mais  en  deux  lignes  différentes.  Il  eft  boC- 
lelé  comme  les  deux  autres  épiploons , 
quand  on  le  gonfle.  Il  paroit  que  M.  Lieu- 
taud  en  a  parlé;  mais  il  en  dérive  un 
feuillet  du  méfocolon.  M.  de  Haîler  l'a 
décrit  8c  l'a  fait  graver  en  même  temps. 
Nous  avons  déjà  parlé  des  petits  épi" 
ploons  coliques,  à  Y  article  Colon.  C'eft 
une  découverte  de  Vefale ,  renouvellée  par 
Ruyfch. 

Les  artères  du  petit  épiploon  nai lient  de 
la  grande  coronaire ,  de  la  petite  8c  de 
l'hépatique;  les  veines,  de  la  veine-porte. 
Les  artères  du  feuillet  antérieur  de 
Y  épiploon  gaftrocolique  nailîènt  de  la  gaf- 
troépiploïque droite ,  de  la  gaftrique  gau- 
che ,  de  la  gaftroépiploïque  çauche,  des 
vaifleaux  de  la  rate  8c  des  vaillèaux  courts. 
On  a  donné  le  nom  d'épiploïque  droite  & 
gauche  à  la  plus  grande  branche  de  celles 
qui  fortent  de  la  gaftroépiploïque  de  l'un 
8c  de  l'autre  cotés. 

Les  artères  du  feuillet  poftérieur  naifTènc 
encore  des  gaftroépiploïques ,  de  quelque 
artère  de  la  rate,  des  vaifleaux  du  colon, 
du  duodénum  8c  des  branches  adipeufes. 
Les  veines  vont  le  rendre  à  la  fplénique3 
à  la.  veine-porte ,  à  la  méfentériciue. 


E  P  I 

Les  veines  de  Yépiplcon  colique  viennent 
des  vaiflèaux  du  colon ,  de  l'épi ploïque 
droite,  de  la  duodénale,  de  la  méientérique. 

Tous  ces  différens  troncs  communiquent 
très -fréquemment  entre  eux. 

La  colle  qu'on  y  injecte  pafTe  dans  la 
graillé  dont  les  vaiflèaux  (ont  accompagnés. 
On  a  abandonné  les  vaiflèaux  graiflèux  , 
différens  des  vaiflèaux  rouges,  que  Mal- 
pighi  croyoit  avoir  découverts  ,  8c  qu'il 
a  révoqués  lui-même. 

Il  y  a  des  glandes  lymphatiques  dans 
ï'épiploon  gaftroépatique  &  dans  le  gaftro- 
colique;  les  uns  8c  les  autres  font  placés  le 
long  de  l'attache  de  ces  êpiploons  à  lcfto- 
mac.  On  a  vu  quelques  traces  de  vaiflèaux 
lymphatiques  dans  X'épiploon  gaftrocolique  ; 
mais  il  ne  faut  pas  fe  hâter  de  les  admettre. 
Nous  avons  vu  des  réfeaux  tranfparens  dans 
les  intervalles  des  vaiflèaux  rouges,  qui  fe 
{ont  trouvés  n^tre  que  de  la  graiflè. 

Il  y  a  quelques  nerfs  en  petit  nombre; 
au(ïi  ï'épiploon  n'a-t-il  que  peu  de  fènti- 
ment  :  le  fang  paroît  y  circuler  avec  beau- 
coup de  lenteur  :  on  ne  le  lie  pas ,  8c  on 
ne  craint  aucune  hémorrhagie  de  la  part 
de  fes  artères.  (  H.  G.  D.  ) 

ÉPIPLOSARCONPHALE  ,  f.  f.  en 
Chirurgie,  efpece  de  tumeur  ou  d'exom- 
phale ,  qui  eft  formée  de  Ï'épiploon  ,  8c 
compliquée  d'une  excroiflance  de  chair. 
Voye[  Exomphàle. 

Ce  mot  eft  formé  de  trois  mots  grecs, 
«  mThoov  ,  épiploon  ,  aafè  ,  chair  ,  o^ethbs , 
nombril.  {Y) 

EPIPOMPENTICA,  chanfons  faites 
pour  des  occaflons  où  il  falloit  de  la  ma- 
gnificence. 

ÉPIPROSLAMBANOMENE  ,  (  Muf. 
des  anc.  )  corde  qui  fe  trouvoit  fous  la 
proftambanomene  ,  8c  qui  répondoit  par 
conféquent  à  notre  fol. 

*  ÉPIPYRGIDE,  adj.  pris  fub.  c'eft-à- 
dire  ,  plus  grande  qu'une  tour  ;  c'eft  ainfî 
que  les  Athéniens  appelloient  une  ftatue 
coloflàle  à  rrois  corps,  qu'ils  avoient  con- 
facrée  à  Hécate. 

ÉPIQUE,  adj.  Poème  épique  :  on  appelle 
ainlï  un  poëme  où  l'on  célèbre  quelques 
actions  fignalées  d'un  héros.  V.  Epopée. 

ÉPIRE.  (  Kifl.  anc.  Géogr.  )  Le  nom 
à'Epire   fc  prend   en  deux  fens   par  les 


EPt  7lj 

écrivains  Grecs;  ils  s'en  fervent  quelquefois 
pour  exprimer  en  général  ce  que  nous  ap- 
pelions Continent  y  8c  quelquefois  pour  dé- 
iigner  plus  particulièrement  un  pays  d'Eu- 
rope ,  qui  étoit  fiuué  entre  la  Theflalie  8c 
la  mer  Adriatique,  8c  qui  fait  partie  de 
l'Albanie  moderne. 

Son  voifinage  avec  la  Grèce  a  fur-tout 
contribué  à  le  rendre  fameux  dans  l'an- 
cienne hiftoire  ;  8c  quoiqu'il  fut  d'une 
très -petite  étendue,  cependant  Strabon  y 
compte  jufqu'au  nombre  de  quatorze  na- 
tions Epirotes  :  tels  furent  les  Chaoniens, 
les  Thefprotes,  les  Mobiles,  les  Ethiciens, 
les  Athamanes,  les  Perrhebes,  les  Ambra- 
ciens,  &c.  Mais  nous  ne  nous  engagerons 
point  dans  ce  défilé  ;  nous  ne  rechercherons 
pas  non  plus  les  raifons  qui  ont  porté  les 
poètes  à  placer  leur  enfer  dans  cetee  partie 
de  la  Grèce;  encore  moins  parlerons-nous 
du  combat  d'Hercule  8c  de  Geryon ,  qui 
rendit  ce  pays  célèbre  :  tout  cela  n'eft  point 
du  reflbrt  de  cet  Ouvrage.  Nous  devons, 
au  contraire ,  nous  hâter  de  dire  que  l' Epire, 
qui  étoit  d'abord  un  royaume  libre ,  fut 
enfuite  fournis  aux  rois  de  Macédoine ,  8c 
tomba  enfin  fous  le  pouvoir  des  Romains. 
On  fait  que  Paul  Emile  ayant  vaincu  Per- 
lée, dernier  roi  de  Macédoine,  ruina  70 
villes  des  Epirotes  qui  avoient  pris  le  parti 
de  ce  prince ,  y  fit  un  butin  immenfe ,  8c 
emmena   iyocco  efclaves. 

Les  empereurs  de  Grèce  établirent  des 
defpotes  en  Epire ,  qui  pofléderent  ce  pays 
jufqu'au  règne  d'Amurat  II.  Ce  conquérant 
le  réunit  aux  vaftes  états  de  la  Porte  Otto- 
mane. Ainfi  les  Epirotes,  libres  dans  leur 
origine,  riches,  braves  8c  guerriers,  font 
à  préfent  ferfs ,  liches ,  miférables  :  épars 
dans  les  campagnes  ruinées ,  ils  s'occupent 
à  cultiver  la  terre  ou  à  garder  les  beftiaux 
dans  de  gras  pâturages ,  qui  nous  rappellent 
ceux  qu'avoient  les  bœufs  de  Geryon,  dont 
les  hiftoriens  nous  ont  tant  parlé  ;  mais 
c'eft  la  feule  chofe  des  états  du  fils  d'A- 
chille qui  fubfifte  encore  la  même.  Art. 
de  M.  le  chev.  de  J au  cou  et. 

*  ÉPISCAPHIES,  adj.  pris  fub.  (Myth.) 
Les  Rhodiens  célébroient  des  fêtes  qu'ils 
appelloient  les  fêtes  des  barques  ou  les  épif- 
caphies.  Epifcaphie  vient  d'«T* ,  fur3  de  de 
ejutfiï  ,  barque, 

Yyyy  z 


724  EPI 

*  ÉPISCENES,  adj.  pris  fub.  (  Myth.) 
Les  Lacédémoniens  célebroient  des  fêtes 
qu'ils  appelloient  les  fêtes  des  tentes  ou  les 
épifcenes.  Epi f cène  eft  formé  dW<  ,  fur, 
Se  de  </hwù  ,  tente. 

ÉPISCOPAL  ,  ie  dit  de  tout  ce  qui  a 
rapport  à  la  dignité  ou  à  la  per!bnne  des 
évêques  :  ainfi  Ton  dit  dignité  épifcopale , 
le  corps  épifcopal ,  croix  épifcopale ,  palais 
épifcopal,  Sec. 

"ÉPïSCOPAT ,  f.  m.  (  Bifl.  eccl.)  ordre 
ou  dignité  d'un  évêques  c'eft  ta  plénitude 
&  le  complément  du  facerdoce  de  la  loi 
nouvelle. 

On  convient  généralement  que  tous  les 
évêques,  en  vertu  de  la  dignité  épifcopale, 
ont  une  égale  puiflànce  d'ordre;  Se  c'eft 
en  ce  fens  que  l'on  dit  qu'il  n'y  a  qu'un 
épifcopat  ,  Se  que  cet  épifccpat  eft  folidai- 
rement  poflédé  par  chacun  des  éveques  en 
particulier.  Epifcopatus  imus  efl  (dit  S.  Cy- 
prien ,  lib.  de  unit.  Ecclefcs  ) ,  cujus  pars  à 
Jingulis  in  folidum  tenetur. 

Les  thcologiens  fcholaftiques  font  par- 
tagés fur  la  queftion  de  favoir  fi  Y  épifcopat , 
c'elt-à-dire,  l'ordination  épifcopale,  eft  un 
ordre  Se  un  facrement.  Les  uns ,  comme 
Guillaume  d'Auxerre,  Almain  ,  Cajeran, 
Bellarmin,  Maldonat,  Ifambert,  ùc.  fou- 
tiennent  que  Y  épifcopat  eft  un  facrement  & 
un  ordre  proprement  dit,  diftingué  de  la 
prêtrife,  mais  qui  doit  toujours  néanmoins 
en  être  précédé  :  Hugues  de  S.  Victor , 
Pierre  Lombard,  S.  Bonaventure ,  Soto  Se 
plulieurs  autres ,  prétendent  que  V épifccpat 
n'eft  ni  un  ordre  ni  un  facrement,  mais  que 
l'ordination  épifcopale  confère  à  celui  qui 
la  reçoit  une  puilfance  Se  une  dignité  fupé- 
rieure  à  celle  des  prêtres.  Durand  Se  quel- 
ques autres  regardent  fimplement  Y  épifcopat 
comme  une  extenfion  du  caractère  facer- 
dotal.  Le  premier  de  ces  fenrimens  eft  le 
plus  généralement  fuivi  ;  mais  ceux  qui  le 
ioutiennent  font  encore  divifés  fur  ce  qui 
conftitue  la  matière  Se  la  forme  de  \' épif- 
copat confidéré  comme  facrement. 

Comme  on  pratique  dans  la  confécration 
des  évêques  plusieurs  cérémonies  difté- 
lentes ,  telles  que  Pimpoûtion  des  mains , 
Ponction  fur  la  tête  &  fur  les  mains ,  l'im- 
pofition  du  livre  de  l'évangile  fur  le  cou  Se 
les  épaules  de  l'élu ,  la  tradition  de  k  croile 


E  P  I 

Se  de  l'anneau  ,  Se  celle  même  du  livre  des 
évangiles,  les  théologiens  ont  penie  qu'outre 
l'impoiition  des  mains,  quelqu'une. de  ces 
cérémonies  étoit  matière  eflèntiçlle  de  Yépif- 
copat.  Mais  comme  en  ce  point  on  doit  plus 
faire  attention  à  la  pratique  univerfelle  ôc 
confiante  de  l'Eglife,  qu'aux  opinions  par- 
ticulières des  théologiens ,  il  eft  clair  que 
la  plupart  de  ces  cérémonies  n'ont  été  ni 
par-tout ,  ni  de  tout  temps  en  ufage  dans 
la  confécration  des  évêques.  Quant  à  l'onc- 
tion de  la  tête  Se  des  mains,  elle  n'eft  point 
en  ulagè  chez  les  Grecs ,  comme  le  remar- 
quent les  PP.  Morin ,  Goar  Se  Martene , 
cependant  on  ne  leur  contefte  point  la  vali- 
dité ni  la  lucceiïion  de  Y  épifcopat.  L'impofî- 
tion  du  livre  des  évangiles  fur  la  tête  &  les 
épaules  de  l'évêque  élu  n'eft  point  fondée 
dans  l'antiquité  ;  Mîdore  de  Seville ,  qui 
vivoit  dans  le  vije.  iïecle ,  n'en  dit  pas  un 
mot  dans  la  defeription  qu'il  donne  de  la 
confécration  des  évêques  ,  lib.  II  de  qfjiciis 
divin,  cap.  y,  Almain  Se  A  malaire,  traitant 
des  mêmes  matières ,  regardent  cette  céré- 
monie comme  une  choie  nouvelle  qui  n'a- 
voit  aucun  fondement  dans  la  tradition  ,  Se 
qu'on  ne  pratiquoit  point  encore  de  leur 
temps  dans  les  Eglifes  de  France  Se  d'Al- 
lemagne. Enfin  ,  la  tradition  de  l'évangile , 
de  la  crofle  Se  de  l'anneau ,  eft  d'un  ufage 
encore  plus  récent ,  6e  même  aujourd'hui 
inconnu  dans  l'Eglife  greque  ,  comme 
l'obferve  le  P.  Morin  ;  d'où  il  eft  aifé  de 
conclure  que  l'impofition  des  mains  feule 
eft  la  matière  de  Y  épifcopat  ;  elle  eft  expref- 
fément  marquée  dans  l'écriture  comme  le 
figne  fenfible  qui  confère  la  grâce.  Les  PP. 
Se  les  Conciles  s'accordent  à  la  regarder 
comme  matière;  l'uiage  de  l'Eglife  latine  Se 
greque  la  confirme  dans  cette  pofieffion, 
Se  toutes  les  autres  diverfes  cérémonies 
dont  nous  venons  de  parler  ,  n'ont  poux 
elles  ni  la  même  antiquité  dans  l'origine, 
ni  la  même  uniformité  dans  la  pratique. 
Ce  partage  de  fenrimens  ,  fur  ce  qui 
conftitue  la  matière  elîentielïe  de  Y  épifcopat  s 
en  a  entraîné  néceflairement  un  pareil ,  fur 
ce  qui  doit  en  faire  la  forme  :  les  uns  l'ont 
fait  confifter  dans  ces  paroles,  receve^  le  S. 
Efprit  ;  d'autres  dans  celles  qui  accompa- 
gnent la  tradition  de  l'évangile,  de  Panneau 
,  Se  de  la  crofle  ;  d'autres  dans  celles  que 


E  P  I 

profère  l'évêque  confécrateur ,  en  faifant 
l'onction  fur  la  tête  Ôc  fur  les  mains  de  l'é- 
vêque élu.  Mais  comme  il  eft  de  principe 
parmi  les  Théologiens ,  que  la  forme  doit 
toujours  être  jointe  avec  la  matière  ;  dès 
qu'il  eft  évident ,  comme  nous  l'avons  in- 
iinué  ,  qu'aucune  de  ces  cérémonies  exté- 
rieures n'eft  matière  de  Yépifcopaty  il  s'en- 
fuit néceilairement  qu'aucune  des  prières 
qui  les  accompagnent  n'en  eft  la  forme ,  & 
par  conféquent  qu'elle  fe  réduit  aux  prières 
qui  attirent  fur  celui  qui  eft  élu  la  grâce  du 
S.  Efprit ,  Ôc  qui  accompagnent  l'impoli- 
tion  des  mains. 

On  forme  encore  fur  Yépifcopat  une  quef- 
tion  importante ,  favoir  fi  une  perfonne  qui 
n'eft  pas  prêtre  peut  être  ordonnée  évêque , 
Ôc  fi  fon  ordination  ôc  fa  confécration  en 
cette  dernière  qualité  eft  valide.  Tous  les 
Théologiens  conviennent  que  l'ordination 
dont  il  s'agit  eft  illicite ,  parce  que  les  rè- 
gles de  l'Eglife  demandent  qu'on  monte 
par  degrés  à  Yépifcopat ,  ôc  qu'on  reçoive 
les  ordres  inférieurs  :  mais  ils  fe  partagent 
fur  la  validité  de  l'ordination  épifcopale 
qui  n'eft  pas  précédée  de  l'ordination  facer- 
dotale.  Bingham ,  dans/èy  origines  eccléfîaf- 
tiques ,  liv.  XL  chap.  ij  j.  prétend  que 
plufieurs  diacres  ont  été  ordonnés  évêques 
lans  avoir  paflé  par  l'ordre  de  prêtrife  : 
Cécilien ,  félon  Optât  ,  n'étoit  qu'archi- 
diacre, c'eft-à-dire  premier  diacre  de  l'E- 
glife de  Carthage ,  lorfqu'il  en  fut  fait 
évêque.  Théodoret  ôc  S.  Epiphane  afturent 
la  même  chofe  de  S.  Athanafe ,  lorfqu'il 
fut  élevé  fur  le  fiege  d'Alexandrie  :  Libérât , 
Socrate  Se  Théodoret  difent  auffi  que  les 
papes  Agapet ,  Vigile  ôc  Félix  n'étoient  que 
diacres  loriqu'ils  furent  élus  papes.  Mais 
outre  que  ces  auteurs  marquent  fimplement 
le  degré  où  écoient  les  fujets  dont  ils  par- 
lent lorfqu'ils  avoient  été  élus  ,  ôc  qu'ils  ne 
marquent-  point  qu'entre  leur  élection  ôc 
leur  confécration  ils  n'ont  pas  été  ordonnés 
prêtres ,  il  parait  que  la  coutume  de  l'E- 
glife étoit  de  n'ordonner  aucun  évêque  qui 
n'eût  pafle  préalablement  par  l'ordre  de 
prêtrife  ;  c'eft  la  difpofition  du  Concile  de 
Sardique ,  can.  X.  Si  quis  ex  foro  ,  five  di- 
res ,Jire  fcholafîicus ,  epfeopus  fieri  dignus 
kabeatur  ,  non  prias  conftituatur  quàm  leclo- 
ris ,  &   diaconi  >    &  presbyteri  mini/ierium 


EP   1  7i5 

peregerit.  il  veut  même  qu'entre  chaque  or- 
dre on  garde  des  interftices  allez  longs  pour 
s'aflurer  de  la  foi  ôc  des  mœurs  du  fujet  : 
ôc  nous  voyons  que  il  dans  les  occafions 
extraordinaires  ,  comme  dans  la  promotion 
de  S.  Ambroife  à  Yépifcopat ,  on  difpenfok 
de  ces  interftices  ,  on  ne  difpenfoit  pas 
pour  cela  de  la  réception  des  ordres ,  ni 
'  par  conféquent  de  la  prêtrife  ;  d'où  il  eft 
aifé  .de  conclure  qu'on  n'en  exempta  ni 
Cécilien,  ni  S.  Athanafe,  ni  Agapet,  ni 
les  autres  ,  ÔC  que  l'expreiTion  cùm  diaco- 
nus  ejfet ,  epifeopus  ordmatus  eft ,  doit  fe 
réduire  à  celle-ci,  cùm  diaconus  effet,  epif- 
eopus eleclus  eft  ;  ce  qui  n'exclut  point  la 
promotion  à  la  prêtri'e. 

D'ailleurs  il  eft  difficile  de  concevoir 
comment  ces  ordinations  n'auroiert  pas 
été  nulles  ;  car  c'eft  aux  évêques  à  ordon- 
ner des  prêtres,  c'eft-à-dire  à  communi- 
quer à  certains  fidèles  le  pouvoir  de  célé- 
brer les  faints  myfteres  ôc  d'abfbudre  les 
pécheurs  ;  pouvoir  que  les  évêques  ne  peu- 
vent communiquer,  fi  eux-mêmes  ne  l'ont 
reçu  :  or  l'ordination  épifcopale  feule  ne 
confère  pas  ce  double  pouvoir ,  les  évêques 
n'en  pourraient  donc  être  la  fource  ni  le 
principe ,  s'ils  n'avoient  été  préalablement 
ordonnés  prêtres.  Mais  quoique  cette  der- 
nière opinion  paroifle  la  mieux  fondée  , 
l'autre  néanmoins  ne  peut  être  accu  fée 
d'erreur ,  l'Eglife  n'ayant  rien  décidé  fur 
ce  point.  Vcye[ Evêque.  (G  ) 

EPISCOPAUX,  (Hift.mod.  d'Angïet.) 
c'eft  le  nom  qu'on  donna  en  Angleterre  ious 
Jacques  I,  à  ceux  qui  adhéraient  aux  rits  de 
l'églife  anglicane ,  par  oppofition  aux  Cai- 
viniftes  ,  qu'on  appclla  Presbytériens.  Voy. 
Presbytériens. 

Dans  la  fuite  ,  fous  Charles  I ,  ceux  qui 
fuivoient  le  parti  du  roi  Rirent  nommés 
Epifcopaux  rigides ,  ôc  les  parlementaires  , 
Presbytériens  rigides. 

Quand  Charles  II  fut  monté  fur  le  trô- 
ne ,  les  différentes  branches  des  deux  par- 
tis commencèrent  à  fe  mieux  diftinguer  ; 
ôc  comme  ils  fe  rapprochèrent ,  ils  formè- 
rent les  deux  branches  de  Wighs  ôc  de  Tory  s 
mitigés  par  rapport  à  la  religion  ,  de  même 
que  par  rapport  au  gouvernement. 

Il  faut  fe  mettre  au  fait  du  fens  qu'ont  eu 
tous  ces  divers  mots ,  fuivant  les  temps  ôc 


7*6  EPI 

les  conjonctures ,  pour  bien  entendre  l'hif- 
toire  d'une,  nation  libre  ,  8c  par  confcquent 
toujours  agitée  ,  où  les  deux  partis  qui  do- 
minent dans  l'état ,  échauffés  par  les  difpu- 
tes ,  animés  de  plufîeurs  pallions  ,  fe  distin- 
guent par  des  fobriquets  ,  par  des  noms  par- 
ticuliers plus  ou  moins  odieux  ;  ces  noms 
changent  fouvent ,  augmentent  de  force  ou 
s'adouciflènt ,  félon  que  le  peuple ,  inquiet 
fur  fa  Situation,  grofîlt  l'objet  de  fes  craintes, 
ou  revenant  des  impre  fiions  violentes  qu'on 
lui  adonnées,  appaife  fes  frayeurs,  rentre 
dans  le  calme ,  tk  fe  fert  alors  dans  chaque 
parti  de  termes  plus  modérés  que  ceux  qu'il 
employoit  auparavant.  Article  de  M.  le  Che- 
valier DE  JAU  COURT.  ^ 

De  tous  les  fectaites  les  Epifcopaux  font 
ceux  qui  font  le  moins  éloignés  de  l'églife 
romaine  ,  pour  ce  qui  concerne  la  difci- 
pline  ecclénaftique  ;  ils  ont  des  évêques--, 
des  prêtres ,  des  chanoines ,  des  cures  8c 
autres  miniftres  inférieurs  ,  &  un  office  qu'ils 
appellent  liturgie.  Il  eft  vrai  que  les  Catho- 
liques ne  conviennent  pas  que  l'ordination 
des  miniftres  de  cette  fociété  foit  légitime 
&  valide  :  on  a  agité  cette  queftion  avec 
beaucoup  de  chaleur  depuis  zjans;  le  P. 
le  Courayer ,  ci-devant  chanoine  régulier 
&  bibliothécaire  de  fainte  Geneviève  , 
aujourd'hui  réfugié  en  Angleterre  8c  doc- 
teur d'Oxford  ,  ayant  écrit  en  faveur  des 
Anglicans,  fà  difïèrtation  a  été  réfutée  parle 
P.  Hardouin,  Jéfutte,  &  par  le  P.  leQuien, 
Jacobin  réformé ,  fans  parler  de  deux  ou 
trois  autres  théologiens  qui  font  encore  en- 
trés en  lice ,  8c  auxquels  le  P.  le  Courayer  a 
répliqué.  Voye^ Ordination. 

Les  Epifcopaux ,  outre  ces  titres ,  ont  re- 
tenu une  grande  partie  du  droit  canon  &des 
décrétâtes  des  papes  pour  la  difeipline  8c  la 
police  eccléfiaftique.  Leur  liturgie ,  qu'ils 
nomment  autrement  le  livre  des  communes 
prières  ,  contient  non-feulement  leur  office 
public  ,  qui  eft  prefque  le  même  que  celui 
de  l'églife  latine ,  mais  encore  la  manière 
dont  ils  adminiftrent  les  facremens.  Ils  ont 
l'office  des  matines  qu'ils  commencent  par 
Domine  labia  nojlra  aperies  ;  enfuite  on 
chante  le  pfenume  Venite ,  8c  puis  les 
psaumes  8c  les  leçons  de  chaque  jour  :  ils 
difent  auffi  le  cantique  Te  Deum  ,  &  quel- 
ques pfeaumes  de  ceux  que  nous  lifons  dans 


E  PI 

l'office  de  laudes.  Ils  commencent  auffi  leurs 
vêpres  parles  ver fets  Domine  labia  nojlra  ape- 
ries ,  8c  Deus  in  adjutorium  ,  8cc.  puis  ils  ré- 
citent les  peaumes  propres  au  jour  ,  8c  ils 
ont  à  cet  effet  un  calendrier  où  fontmarquées 
les  fériés  8c  les  fêtes  fixes  ou  mobiles ,  ayant 
pour  chacune  des  offices  propres.  Ils  célè- 
brent aufTi  les  dimanches ,  8c  distinguent 
ceux  de  l'avent ,  d'après  l'épiphanie  ,  d'a- 
près lapentecôte  ,  ceux  de  la  feptuagéfime  , 
fexagéfime,  quinquagéfîme ,  trinité  ,  &<:. 
ils  ont  pour  chacun  de  ces  jours  des  collec- 
tes ou  offices  du  matin  ,  pour  tenir  lieu  de 
la  méfie  ,  qu'ils  ont  abolie ,  8c  dont  ils  ont 
proferit  jufqu'au  nom.  On  y  récite  l'épitre , 
l'évangile,  quelques  oraifons  ,  le  gloria  in. 
excelfis ,  le  fymbole,  des  préfaces  propres  à 
chaque  folemnité  ;  mais  ils  ont  réformé  le 
canon  de  la  méfie  ,  8c  font  leur  office  en 
langue  vulgaire  pour  être  entendus  du  peu- 
ple. La  manière  dont  ils  adminiftrent  les 
fàcremens  eft  auffi  marquée  dans  ce  livre , 
8c  eft  peu  différente  de  la  nôtre  :  le  miniftre 
qui  baptife,  après  avoir  prononcé  les  pa- 
roles facramentelles ,  je  te  baptife  au  nom  du 
père  ,  8cc.  fait  un  fîgne  de  croix  fur  le  front 
de  l'enfant.  L'évêque  donne  auffi  la  confir- 
mation en  impofant  les  mains  fur  la  tête 
des  enfans ,  8c  récitant  quelques  oraifons 
auxquelles  il  ajoute  fa  bénédiction.  Enfin 
on  trouve  dans  cette  liturgie  la  manière 
d'ordonner  les  prêtres ,  les  diacres ,  &c.  la 
forme  de  bénir  le  mariage  ,  de  donner  le 
viatique  aux  malades ,  8c  plufîeurs  autres 
cérémonies  fort  femblables  à  celles  qu'on 
pratique  dans  l'églife  romaine  :  par  exem- 
ple ,  ils  reçoivent  la  communion  à  genoux  ; 
mais  ils  ont-déclaré  qu'ils  n'adoroient  point 
l'Euchariftie  ,  dans  laquelle  ils  ne  peiifent 
pas  que  Jefus-Chrift  foit  réellement  pré- 
lent :  fur  ce  point ,  8c  fur  prefque  tout  ce 
qui  concerne  le  dogme  ,  ils  conviennent 
avec  les  Calviniftes.  Cette  liturgie  fut  au- 
rorifée  fous  Edouard  VI ,  la  cinquième  ou 
iixieme  année  de  fbn  règne ,  par  un  acte 
du  Parlement ,  8c  confirmée  de  même  fous 
Elizabeth.  Les  évêques ,  prêtres ,  diacres  & 
autres  miniftres  epifcopaux ,  peuvent  fe  ma- 
rier, 8c  la  plupart  le  font.  Leur  églife  eft 
dominante  en  Angleterre  8c  en  Irlande  ; 
mais  en  "Ecoffe ,  où  les  Presbytériens  &  les 
Puritains  font  les  plus  forts ,  on  les  regarde 


E  P  I 

comme  non  conformiftes  :  ceux  -  ci ,  à 
leur  tour,  ont  le  même  nom  en  Angleterre; 
on  les  y  laiflè  jouir  des  mêmes  privilèges  que 
les  Anglicans ,  &  cela  fans  reftricr.ion  :  ils  ne 
font  pas  même  affujettis  au  ferment  du  tcft  : 
&  lorfqu'on  les  met  dans  desemplois  decon- 
fknee ,  on  leur  fait  feulement  prêter  lermenc 
au  gouvernement.  Quant  aux  miniftres  épif- 
copaux ,  ils  font  fujets  à  plufieurs  loix  péna- 
les ,  fur-tout  s'ils  refufent  de  prêter  les  fer- 
mens  du  teft  &  de  fuprématie.  Voy.  Test 
&  Suprématie.  (G) 

EPISODE  ,  f.  m.  (  Selles-Lettres.  )  fe 
prend  pour  un  incident,  une  hiftoire  ou  une 
action  détachée,  qu'un  poète  ou  unhiftorien 
infère  dans  fon  ouvrage  &  lie  à  fon  action 
principale  pour  y  jeter  une  plus  grande  di- 
verfîté  d'événemens,  quoique  la  rigueur 
on  appelle  épifode  tous  les  incidens  particu- 
liers dont  cà  compofée  une  action  ou  une 
narration. 

Dans  la  poéfîe  dramatique  des  anciens  on 
appcîloit  épifodela.  féconde  partie  de  la  tragé- 
die. L'abbé  d'Aubignr.c&  le  P.  leBoîfu  ont 
traité  l'un  &  l'autre  de  l'origine  &.  del'ufage 
des  épifodes.  La  tragédie  à  fanaiflance  n'étant 
qu'un  chœur  ,  on  imagina  depuis  ,  pour 
varier  ce  (pectacle  ,  de  divifer  les  chants  du 
chœur  en  plufieurs  parties,  &  d'en  occuper 
les  intervalles  par  un  récitatif  qu'on  confia 
d'abord  à  un  feul  acteur  ,  enfuire  à  deux,  cV 
en  fin  à  plufieurs  ,  &qui  étant  comme  étran- 
ger ou  lurajouté  au  chœur,  en  prit  le  nom 
d: 'épifode. 

De-là  l'ancienne  tragédie  fe  trouva  com- 
pofée de  quatre  parties  ,  (avoir  le  prologue, 
Y  épifode  ,  l'exode  ,  de  le  chœur  :  le  prologue 
étoit  tout  ce  qu  i  précédoit  l'entrée  du  chœur, 
(  royc^ Prologue  :)  Y 'épifode  tout  ce  qui 
étoit  interpofé  entre  les  airs  que  le  chœur 
chantoit  :  l'exode  tout  ce  qu'on  récitoit 
après  que  le  chœur  avoit  fini  de  chanter 
pour  la  dernière  fois  ;  &  le  chœur,  tous  les 
chants  qu'exécutoit  la  partie  des  acteurs 
qu'on  nommoit  proprement  le  chœur.  Vcy. 
Chœur  &  Exode. 

Ce  récit  des  acteurs  étant  diftribué  en 
différens  endroits ,  on  peut  le  confidérer 
comme  un  (çxûépifode  compofé  de  plufieurs 
pai  ries ,  à  moins  qu'on  n'aime  mieux  don- 
ner à  chacune  de  ces  parties  le  nom  d'épi- 
fode  :  en  effet  c'étoit  quelquefois  un  racine 


EPI  7i7 

fujet  divifé  en  différens  récits  ,  &  quelque- 
fois chaque  récit  contenoit  fon  fujet  particu- 
lier indépendant  des  autres.  A  ne  confîdérer 
que  la  première  inftitution  de  ces  pièces  fur- 
ajoutées,  il  ne_  paroît  nullement  néceflaire 
qu'on  y  ait  obfervé  l'unité  du  fujet  ;  au  con- 
traire ,  trois  ou  quatre  récits  d'action  diffé- 
rentes ,  fans  liaifon  entre  elles  ,  paroiflent 
avoir  été  également  propres  à  foulager  les 
acteurs ,  à  divertir  le  peuple  ,  ôc  conformes 
à  la  groffiéreté  de  Part ,  qui  n'étant  encore 
qu'au  berceau ,  auroit  mal  foutenu  la  con- 
tinuité d'une  action ,  pour  peu  qu'il  eût 
voulu  lui  donner  d'étendue  :  difficulté  qui  a 
fait  tolérer  jufqu'ici  les  épifodes  dans  le  poè- 
me épique.  V.  Epopée. 

Ce  qui  n'avoir  été  qu'un  ornement  dans 
la  tragédie  ,  en  étant  devenu  la  partie  prin- 
cipale ,  on  regarda  la  totalité  des  épifodes 
comme  ne  devant  former  qu'un  feul  corps 
dont  les  parties  fu fient  dépendantes  les 
unes  desautres.  Les  meilleurs  poètes  conçu- 
rent leurs  épifodes  de  la  forte  ,  &c  les  tirèrent 
d'une  même  action  ;  pratique  fi  générale- 
ment établie  du  temps  d'Ariftote,  qu'il  en 
a  fait  une  règle,  enforte  qu'on  nommoit 
amplement  tragédies,  les  pièces  où  l'unité 
de  ces  épifodes  étoit  obfervée  ,  &  tragédies 
épifodiques ,  celles  où  elle  étoit  négligée.  L« 
épifodes  étoient  donc  dans  les  drames  des 
anciens  ,  ce  que  nous  appelions  aujourd'hui 
actes  dans  une  tragédie  ou  comédie.  Voye^ 
Episodtque. 

Episode  ,  dans  le  même  fens ,  eft  un  in- 
cident ,  une  partie  de  l'action  principale. 
Toute  la  différence  qu'Ariftote  met  entre 
Y  épifode  tragique  Se  Y  épifode  épique,  c'eft  que 
celui-ci  eft  plus  fufceptible  d'étendue  que 
le  premier.  Voye^  Epique. 

Ce  phiiofophe  emploie  le  mot  â'épifode 
en  trois  fens  différens.  Le  premier  eft  pris 
du  dénombrement  des  parties  de  la  tragé- 
die ,  tel  que  nous  l'avons  rapporté  ci-def- 
fùs  ;  d'où  il  s'enfuit  que  dans  la  tragédie 
ancienne  Y  épifode  étoit  tout  ce  qui  ne  com- 
pofoit  ni  le  prologue  ,  ni  l'exode ,  ni  le 
chœur;  &  comme  ces  trois  dernières  par- 
ties n'entrent  point  dans  la  tragédie  m* 
derne  ,  le  terme  â'épifode  fïgnifieroit  en  ce 
fens  la  tragédie  toute  entière.  De  même  IV- 
pifode  épique  feroit  le  poème  tout  entier , 
en  en  retranchant  fa  proportion  &  l'iavo* 


7iS  E  P  I 

cation;  mais  fi  les  parties  &  les  incidens 
dont  le  poëte  compote  Ton  ouvrage  loin 
mal  liés  les  uns  avec  les  autres ,  le  poème 
fera  épifoâique  8c  défectueux  :  c'eft-à-dire  , 
pour  éclaircir  la  penfée  de  l'auteur  grec , 
que  le  terme  épifode  eft  équivalent  à  po'ème 
ou  à  unité  d'action.  Mais  ce  n'eft  pas  là  pro- 
prement le  fens  que  les  modernes  lui  don- 
nent. De  plus ,  comme  tout  ce  qu'on  chan- 
toit  dans  la  tragédie ,  quoique  divifé  en 
fcenes,étoit  compris  fous  le  nom  général 
de  chœur ,  de  même  chaque  partie  de  la 
fable  ou  de  l'action  ,  chaque  incident  , 
quoiqu'il  formât  à  part  un  épifode  ,  étoit 
compris  fous  le  nom  général  d 'épifode  3 
qu'on  donnoit  à  toute  l'a&ion  prife  enfem- 
ble.  Les  parties  du  chœur  étoient  autant  de 
choeurs,  8c  les  parties  de  \' épifode  autant 
d'épifodes. 

En  ce  fens  (&  c'eft  le  fécond  qu' Ariftote 
donne  à  ce  terme  )  chaque  partie  de  Fac- 
tion exprimée  dans  le  plan  8c  dans  la  pre- 
mière constitution  de  la  fable  ,  étoient  au- 
tant d'épifodes  ;  telles  font  dans  l'Odyflee , 
l'abfence  8c  les  erreurs  d'Ulyflè,  le  défor- 
dre  qui  règne  dans  fa  mai  fon ,  fon  retour , 
&  fa  préfence  qui  rétabliflçnt  toutes  chofes. 

Ariftote  nous  donne  encore  une  troisiè- 
me forte  d' épifode  ,  lorfqu'il  dit  que  ce  qui 
eft  compris  8c  exprimé  dans  le  premier 
plan  de  la  fable ,  eft  propre ,  &c  que  les  au- 
tres chofes  font  des  épifodes.  Par  propre  il 
entend  ce  qui  eft  abfolument  néceflaire ,  ôc 
par  épifode  ce  qui  n'eft  néceflaire  qu'à  cer- 
tains égards ,  8c  que  le  poëte  peut  ou  em- 
ployer ou  rejeter.  C'eft  ainfi  qu'Homère 
après  avoir  drefle  le  premier  plan  de  fa  fable 
de  l'Odiflee  ,  n'a  plus  été  maître  de  faire 
•ou  de  ne  pas  faire  Ulyfle  abfent  d'Itha- 
que ;  cette  abfence  étoit  eflentielle  ,  8c 
par  cette  raifon  Ariftote  la  met  au  rang 
des  chofes  propres  à  la  fable  :  mais  il  ne 
nomme  point  de  la  forte  les  avantures 
d' Antiphate ,  de  Circé  ,  des  Syrennes  ,  de 
Scylla  ,  de  Caribde  ,  &c.  le  poëte  avoit  la 
liberté  d'en  choifir  d'autres  ;  ainfi  elles  font 
des  épifodes  distinguées  de  la  première  ac- 
fion ,  à  laquelle  en  ce  fens  elles  ne  font 
point  propres  ni  immédiatement  néceflai- 
res.  Il  eft  vrai  qu'on  peut  dire  qu'elles  le 
font  à  quelques  égards  ;  car  l'abfence  d'U- 
lyfle  étant  néceflaire  ,  il  falloit  aufïl  nécef- 


EPI 

fairement  que  n'étant  pas  dans  fon  pays  il 
fût  ailleurs.  Si  donc  le  poëte  avoit  la  liberté 
de  ne  mettre  que  les  avantures  particuliè- 
res que  nous  venons  de  cirer ,  8c  qu'il  a 
choiiies ,  il  n'avoit  pas  la  liberté  générale 
de  n'en  mettre  aucunes.  S'il  eût  omis  cel- 
les-ci ,  il  eût  été  néceflàirement  obligé  de 
leur  en  fubftituer  d'autres ,  ou  bien  il  au- 
rait omis  une  partie  de  la  matière  contenue 
dans  fon  plan  ,  8c  fon  poë'me  auroit  été  dé- 
fectueux. Le  défaut  de  ces  incidens  n'eft 
donc  pas  d'être  tels  que  le  poëte  eût  pu  y 
fans  changer  le  fonds  de  l'action ,  leur  en 
lubftituer  d'autres  ;  mais  de  n'être  pas  liés 
entre  eux  de  façon  que  le  précédent  amené 
celui  qui  le  fuit  ;  car  c'eft  peu  de  lui  fuccé- 
der  ,  il  faut  encore  qu'ils  nahTent  les  uns 
des  autres. 

Le  troiiïeme  fens  du  mot  épifode ,  revient 
donc  au  fécond  ;  toute  la  différence  qui  s'y 
rencontre ,  c'eft  que  ce  que  nous  appelions 
épifode  dans  le  fécond  fens ,  eft  le  fonds  ou 
le  canevas  de  Y  épifode  pris  dans  le  troifieme 
fens ,  &  que  ce  dernier  ajoute  à  l'autre  cer- 
taines circonstances  vraifemblables ,  quoi- 
que non  nécelfaires ,  des  lieux  ,  des  prin- 
ces ,  8c  des  peuples  chez  lefquels  Ulyfle  a 
été  jeté  par  le  courroux  de  Neptune. 

Il  fiut  encore  ajouter  que  dans  \' épifode 
pris  en  ce  troisième  fens ,  l'incident  ou  IV- 
pifode  dans  le  premier  fens  fur  lequel  l'autre 
eft  fondé  7  doit  être  étendu  8c  amplifié , 
fans  quoi  une  partie  eflentielle  de  l'action 
8c  de  la  fable  n'eft  pas  un  épifode. 

Enfin  c'eft  à  ce  troifieme  fens  qu'il  faut 
reftreindre  le  précepte  d'Ariftote ,  qui  pres- 
crit de  ne  faire  les  épifodes  qu'après  qu'on  a 
choiiî  les  noms  qu'on  veut  donner  aux  per- 
sonnages. Homère ,  par  exemple ,  n'auroit 
pas  pu  parler  de  flotte  8c  de  navires  comme 
il  a  fait  dans  l'Iliade ,  fi  au  lieu  des  noms 
d'Achille ,  d'Agamemnon ,  ùc.  il  avoit 
employé  ceux  de  Capanée ,  d'Adrafte  ,  &c. 
Voye^  Fable. 

Le  terme  d'épi  fode>  au  Sentiment  d'A- 
riftote ,  ne  Signifie  donc  pas  dans  l'épopée 
un  événement  étranger  ou  hors  d'oeuvre , 
mais  une  .partie  néceflaire  8c  eflentielle  de 
l'action  8c  du  fujet  ;  elle  doit  être  étendue 
8c  amplifiée  avec  des  circonftances  vrai- 
femblables. 

C'eft  par  cette  raifon  que  le  même  auteur 

preferit 


E  P  t 

prefcrit  que  Y  épifode  ne  foit  point  ajouté  à 
faction  &  tiré  d'ailleurs  ,  mais  qu'il  faffe 
pa.ne  de  l'action  même  ^  &  que  ce  grand 
maître  parlant  des  épifodes  ne  s'eft  jamais 
icrri  da  terme  ajouter  ,  quoique  fès  inter- 
prètes l'aient  trouvé  fi  naturel  ou  fi  con- 
forme à  leurs  idées ,  qu'ils  n'ont  pas  man- 
qué de  l'employer  dans  leurs  traductions 
ou  cl  iiis  leurs  commentaires.  Il  ne  dit  ce- 
pendant pas  qu'après  avoir  tracé  fon  plan 
&  choifi  les  noms  de  Ces  perfounages  ,  le 
poète  doive  ajouter  les  épifodes  ,  mais  il  fe 
îèrt  d'un  terme  dérivé  de  ce  mot ,  comme 
û  nous  difions  eu  françois  que  le  poète  doit 
épifodier  fou  action. 

Ajoutez  à  cela  que  ,  pour  faire  connoî- 
tre  quelle  doit  être  la  véritable  éteudue 
«furie  tragédie  ou  de  l'épopée  ,  &  pour  en- 
seigner l'art  de  rendre  celle-ci  plus  longue 
que  l'autre ,  il  ne  dit  pas  qu'on  ajoute  peu 
$  épifodes  à  l'action  tragique  ,  mais  Ample- 
ment que  '"js  épifodes  de  la  tragédie  font 
courts  &  concis,  &  que  l'épopée  eft  étendue 
&L  amplifiée  par  les  liens.  En  un  mot  la  ven- 
geance &  la  punition  des  médians  énoncée 
en  peu  de  paroles  ,  comme  on  la  lit  dans  le 
plan  d'Ariftote ,  eft  une  action  fimple,  pro- 
pre &  néceifaire  au  fujet }  elle  n'eft  point 
un  épifode ,  mais  le  fonds  &  le  canevas  d'un 
rpifode  ;  &  cette  même  punition  expliquée 
&  étendue  avec  toutes  les  circonftances  du 
temps ,  des  lie ax  &des  perfonaes ,  n'eft  plus 
une  action  fimple  &  propre ,  mais  une  action 
épifxliée  ,  un  véritable  épifode  ,  qui  pour 
être  plus  au  choix  &  à  la  liberté  du  poète  , 
rien  contient  pas  moins  un  fonds  propre  & 
nécelîaire. 

Après  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  , 
il  fomble  qu'on  pourroit  définir  les  épifo- 
des ,  les  parties  nécelTaires  de  l'action  , 
étendues  avec  des  circonftances  vraifembla- 
hles. 

Un  épifode  n'eft  donc  qu'une  partie  de 
l'action  ,  &  non  une  action  toute  entière  } 
&  la  partie  de  J'a&ioai  qui  fert  de  fonds  à 
Y  épifode  ,  ne  doit  pas  ,  lorfqu'elle  eft  épifo- 
diée  ,  demeurer  dans  la  fimplicité ,  telle 
qu'elle  eft  énoncée  dans  le  premier  plan  de 
la  fable. 

Ariftote  ,  après  avoir  rapporté  les  par- 
ties Hc  l'OdyrTee  confidérées  dans  cette  pre- 
mière fimplicité  ,  dit  fofmellemettt  qu'en " 
Tome  XII. 


cet  état  elles  font  propres  à  ce  poëme  ,  8c 
il  les  diftingue  des  épifodes.  Ainfi  que  dans 
l'Œdipe  de  Sophocle  la  guérifon  des  Thé- 
bains  n'eft  pas  un  épifode ,  mais  feulement 
le  fonds  &  la  matière  d'un  épifode  ,  dont  le 
poète  étoit  le  maître  de  fe  fervir.  De  même 
Ariftote  en  difant  qu'Homère  dans  l'Iliade 
a  pris  peu  de  chofe  pour  fon  fujet ,  mais 
qu'il  s'eft  beaucoup  ièrvi  de  fes  épifodes , 
nous  apprend  que  le  fujet  contient  en  foi 
beaucoup  ^épifodes  dont  le  poète  peut  Ce 
lervir ,  c'eft-à-dire  qu'il  en  contient  le  fonds 
ou  le  canevas ,  qu'on  peut  étendre  &c  déve- 
lopper comme  Sophocle  a  fait  le  châtiment 
d'Œpide. 

Le  fujet  d'un  poëme  peut  simplifier  de 
deux  manières  j  l'une  ,  quand  le  poète  y 
emploie  beaucoup  de  lès  épifodes  ;  l'autre  , 
lorsqu'il  donne  à  chacun  une  étendue  confi- 
dérable.  C'eft  principalement  par  cet  art, 
que  les  poètes  épiques  étendent  beaucoup 
plus  leurs  poèmes  que  les  dramatiques  ne 
font  les  leurs.  D'ailleurs  il  y  a  certaines  par- 
ties de  l'action  qui  ne  prélentent  naturelle- 
ment qu'un  feul  épifode  ,  comme  la  mort 
d'Hector ,  celle  de  Turnus ,  &c.  au  lieu  que 
d'autres  parties  de  la  fable  ,  plus  riches  Se 
plus  abondantes ,  obligent  le  poète  à  faire 
plufieurs  épifodes  fur  chacune,  quoique  dans 
le  premier  plan  elles  foient  énoncées  d'une 
manière  auffi  fimple  que  les  autres  :  telles 
font  les  combats  des  Troyens  contre  les 
Grecs  ,  l'abfence  d'Ulyflë ,  les  erreurs  d'E- 
née,  &c.  car  l'abfence  d'Ulylfe  hors  de  fon 
pays  &  pendant  plufieurs  années ,  exige  né- 
ceftàirement  fa  préfence  ailleurs  \  le  deiTein 
de  la  fable  le  doit  jeter  en  plufieurs  périls 
&  en  plufieurs  états  \  or  chaque  péril  Se 
chaque  état  fournit  un  épifode  ,  que  le  poète 
eft  maître  d'employer  ou  de  négliger. 

De  tous  ces  principes  il  réfulte  i°.  que 
les  épifodes  ne  font  point  des  actions  ,  mais 
des  parties  d'une  action  :  2°.  qu'ils  ne  font 
point  ajoutés  à  l'action  &  à  la  matière  d» 
poëme  ,  mais  qu'eux-mêmes  font  cette  ac- 
tion &  cette  matière  ,  comme  les  membres 
font  la  matière  du  corps  :  30.  qu'ils  "ne  font 
point  tirés  d'ailleurs  ,  mais  du  fonds  même 
du  fujet }  qu'ils  ne  font  pas  néanmoins  unis 
&  liés  néceiTairement  à  l'aclaon  ,  mais 
qu'ils  font  unis  Se  liés  les  uns  aux  autres  : 
40.  que  toutes  les  parties  d'une  action  ac 
Z  z  z  z 


730  EPI 

font  pas  des  épifodes ,  mais  feulement  celles 
qui  font  étendues  &  amplifiées  par  les  cir- 
conftances particulières  j  &  qu'enfin  l'union 
qu'ont  entr'eux  les  épifodes  eft  néceffaire  dans 
le  fonds  de  X  épifode  ,  &  vraifemblable  dans 
les  circonftances.  V.  Unité.  (G) 

Episode  ,  en  Peinture  ,  font  des  fcenes 
qu'on  introduit  dans  un  tableau  ,  qui  fem- 
blent  étrangères  au  fujet  principal  du  ta- 
bleau ,  &  qui  néanmoins  y  font  néceffaire- 
ment  liées.  V.  Composition. 

Ces  fèenesou  épifodes  fèroient,  par  exem- 
ple ,  dans  un  morceau  représentant  un  fà- 
crifice  ,  un  homme  qui  portant  du  bois  pour 
entretenir  le  feu  de  l'autel ,  en  lahTe  tomber 
quelques  morceaux  que  d'autres  ramaffent  j 
ou  des  femmes  qui  s'intéreffant  à  la  confer- 
vation  d'un  enfant ,  le  dérangent  du  paffage 
de  la  victime.  Ces  hommes  qui  ramaifent 
les  morceaux  de  bois  tombés ,  ces  femmes 
qui  dérangent  l'enfant ,  forment  des  épifo- 
des; &  cependant  liés  avec  le  fujet ,  ces  épi- 
fodes jettent  une  variété ,  &  même  une  forte 
d'intérêt ,  qui  produit  de  grands  effets  ,  par- 
ticulièrement dans  la  repréfentation  des  ac- 
tions qui  ne  font  pas  fuffifàmment  iutéref- 
fàntes  par  elles-mêmes. 

EPISODIQUE ,  ad}.  {Belles-Lettres.)  En 
Toéjie  on  nomme  fable  épifodiqut ,  celle  qui 
eft  chargée  d'incideus  fuperflus ,  &  dont  les 
épifodes  ne  font  point  néceffairement  ni 
vraifemblablementliés  les  uns  aux  autres.  V. 
Episode. 

Ariftote  dans  fà  poétique  établit  que  les 
tragédies  dont  les  épifodes  font  ainfî  comme 
découfus  8t  indépendans  entr'eux ,  font  dé- 
feéhieufès  ,  ètil  les  nomme  drames  épifodi- 
ques,  comme  s'il  difoit,  fuper  abundantes  in 
épifodis ,  furchargées  d'épifodes  ;  &  il  lès  con- 
damne parce  que  tous  ces  petits  épifodes  ne 
peuvent  jamais  former  qu'un  enfemble  vi- 
cieux. V.  Fable. 

Les  a&ions  les  plus  fîmples  font  les  plus 
fùjettes  à  cette  irrégularité  ,.  en  ce  qu'ayant 
moins  d'incidens  &  de  parties  que  les  au- 
tres plus  compofées,  elles  ont  plus  befoin 
qu'on  y  en  ajoute  d'étrangères.  Un  poète  peu 
habile  épuifèra  quelquefois  tout  fon  fujet  dès 
le  premier  ou  le  fécond  a£te  ,.  &  fe  trouvera 
par-là  dans  la  néceflîté  d'avoir  recours  à  des 
aérions  étrangères  pour  remplir  les.  autres 
ades.  Ariftote  ,  poétiq.  c.  jx. 


E  P  î 

Les  premiers  poètes  françois  font  tombés 
dans  ce  défaut  \  pour  remplir  chaque  a&e  , 
ils  prenoient  des  actions  qui  appartenoient 
bien  au  même  héros ,  mais  qui  n'avoient  au- 
cune liaifon  entr'elles. 

Si  l'on  infère  dans  un  poëme  un  épifode 
dont  le  nom  &  les  circonftances  ne  fbient 
pas  néceffaires,  &  dont  le  fonds  &  le  fujet 
ne  faffent  pas  la  partie  principale  ,  c'eft-à- 
dire  le  fujet  du  poëme  \  cet  épifode  rend 
alors  la  fable  épifodique. 

Une  manière  de  connoître  cette  irrégu- 
larité ,  c'eft  de  voir  li  l'on  pourroit  retrait 
cher  l'épifode  ,   &  ne  rien  fubftituer  en  fa. 
place  ,  fans  que  le  poëme  en  fouffrît  ou  qu'il 
devînt  défectueux.  L'hiftoire  d'Hypiipile  r 
dans  la  Théba'ïde  de  Stacey  nous  fournit  un 
exemple  de  ces  épifodes  défectueux.  Si  l'on.; 
retranchoit  toute  l'hiftoire  de  cette  nourrice- 
&  de  fon  enfant  piqué  par  un  ferpent,  le  m* 
de  faction  principale  n'en  iroit  que  mieux  5. 
perfonne  n'imagineroit  qu'il  y  eût  rien  d'ou- 
blié ou   qu'il  manquât  rien  à  l'action.  Le* 
Bofîît ,  traité  du  poème  épique. 

Dans  le  poëme  dramatique  ,  lorfque  h.\ 
fable  ou  le  morceau  d'hiftoire  que  l'on  traite 
fournit    naturellement  les  incidens    &  les, 
obftacles  qui.  doivent  contrarier  avec  l'ac- 
'tion  principale  ,.  le  poëte  eft  difpenfé  d'i*-- 
'maginer  un  épifode  .puifqu'il  trouve  dans  fon  • 
fujet  même   ce  qu'en   vain  il  chercheroit 
mieux  ailleurs..  Mais  lorfque  le   fujet  n'en 
!fùggere  point,  ou  que  les  incidens  ne  font; 
pas  eiix-mêmes  affez  importans  pour  pro- 
duire les  effets  qu'on  fe  propofe  ,,  alors  il  eft 
permis  d'imaginer  un  épifode  &  de  le  lier 
au  fujet  r  en  forte  qu'il  y  devienne  comme 
néceffaire.  C'eft  ainfî  que  M.  Racine  a  in- 
féré -dans  fon  Andromaque  l'amour  d'Orefte 
pour  Hermione  ,.  &  que  dans  Iphigénie  il  a  s 
imaginé  l'épifode  d'Eriphile.  L'Andromaque 
&  Iphigénie  ne  font  pas  des  pièces  épifodi- 
ques,  dans  le  fens  qu'Ariftote  l'entend  &  qu'il 
condamne.    * 

Depuis  quelques  années  on  a  mis  fur  le 
théâtre  françois  quelques  pièces  vraiment 
épifodiques  ,  compofées  de  fcenes  détachées,, 
qui  ont  un  rapport  à  un  certain  but  géné- 
ral,  &  qu'on  appelle  autrement  pièces  à 
tiroir*  Lenom  de  comédie  ne.  leur  convient 
nullement  ,  parce  que  la  comédie  eft  une 
aftiou  ,   &  emporte  néceffairernent  dans 


E  P  I 

{on  idée  l'unité  d'action  \  or  ces  pièces  à 
tiroir ,  que  le  défaut  de  génie  a  fi  étrange- 
ment multipliées ,  ne  font  que  des  décla- 
mations partagées  en  plusieurs  points  contre 
certains  ridicules.  Voye\  Unité.  (G) 

EPISSERuNE  CORDE,  (Corde rie  &  Ma- 
rine. )  c'eft,  l'aiTerabler  avec  une  autre ,  en 
entrelaffant  leurs  fils  ou  cordons  l'un  avec 
l'autre  ,  ce  qui  fe  fait  par  le  moyen  d'une 
broche  de  fer  appellée  cornet  d'épijfe  ou  épif- 
foir.  Après  un  combat ,  lorfque  quelques 
manœuvres  font  coupées  ou  rompues  ,  on 
eft  obligé  de  les  épijjer  quand  on  n'en  a  pas 
de  rechange. 

Pour  épiffer  deux  cables  enfembîe  ,  il  faut 
premièrement  détordre  les  trois  tourons  , 
longueur  d'environ  deux  braffes  de  chaque 
cable  ,  puis  parler  chaque  touron  dans  le 
cable  ,  tant  d'un  bout  que  de  l'autre  ,  par 
trois  fois  \  les  tourons  étant  ainfi  pafTés ,  on 
décorde  un  cordon  de  chaque  touron  ,  on 
le  coupe  à  l'endroit  où  il  eft  parle  ,  &  on  y 
fait  entrer  les  bouts  de  ces  cordons  coupés , 
enfuite  on  pafTe  chaque  touron  des  cordons 
reftans  deux  fois  dans  les  cables ,  &  de  cha- 
que côté:  après  cela  on  les  décorde  encore, 
te  l'on  coupe  un  des  cordons  de  chaque 
touron  à  l'endroit  qui  eft  pafTé  dans  le  ca- 
ble ,  &  on  l'y  fait  entrer  \  enfin  l'on  parle 
chacun  des  cordons  qui  reftent  dans  les 
tourons  du  cable ,  une  fois  de  l'un  &  de 
l'autre  bout ,  &  on  les  coupe.  (Z) 

EPISSOIR,  f.  m.  (  Corderie.  )  infiniment 
de  corne ,  de  buis  ,  ou  de  fer ,  pointu  par 
•un  bout ,  qui  fert  à  défaire  les  nœuds  tk.  à 
détortiller  les  tourons  d'un  cordage. 

EPISSURE  ,  f.  f.  (Corderie  &  Marine.) 
c'eft  un  entrelaflèment  de  deux  bouts  de  cor- 
des que  l'on  fait  pour  les  joindre  enfembîe  , 
au  lieu  d'y  faire  un  nœud  ,  afin  que  la  corde 
puiflè  parler  6c  rouler  aifëment  fur  la  poulie. 

EpiJJure  longue;  c'eft  celle  qui  fe  fait  avec 
des  bouts  de  corde  inégaux ,  qu'on  affem- 
ble  de  façon  qu'ils  puhTent  palfer  fur  une 
poulie. 

Epiffure  courte  ;  c'eft  celle  où  les  deux 
bouts  de  corde  qu'on  veut  péiflêr  font  égaux , 
c'eft-à-dire  coupés  de  même  longueur.  (Z) 

EPISTAPHYLIN  ,  adj.  en  Anatomie  ; 
nom  d'un  mufcle  de  la  luette  ,  qu'on  appelle 
auflï  fiaphylin  &  aTigo*.  V,  L.UETTE  ,  &c. 
(£) 


EPI  73  r 

ÊPISTATE ,  f.  m.  (mjî.anc.  )  nom  du 
fénateur  d'Athènes  qui  étoit  en  femaine  de 
préfider.  Ce  mot  vient  dWi ,  au  de  fus  , 
&  d'îrnw/  ,  je  fuis  ;  ainfi  épifiate  délignç 
celui  qui  préfidoit  au  deffus  des  autres. 

Les  dix  tribus  d'Athènes  formées  par 
Clifthenes  ,  élifoient  par  an ,  chacune  au 
fort,  cinquante  citoyens  ou  fenateurs  qui  en- 
troient en  fonction  pour  l'année  ,  &  coin- 
pofoient  le  fén  at  des  cinq  cents.  Les  autres 
attendoient  pour  fuppléer ,  ou  pour  être  ap- 
pelles à  l'exercice  actuel  par  1  'élection  de 
l'année  fuivaute.  Chaque  tribu  avoit  tour- 
à-tour  la*  préféance  ,  tk  la  cédoit  fùccefîive- 
ment  aux  autres. 

Les  cinquante  fenateurs  en  fonction  fe 
nommoient  prytanes.  Le  lieu  particulier' 
où  ils  s'affembloieut  s'appelloit  prytanée\ 
&  le  temps  de  leur  exercice  ,  ou  de  la 
prytanie  ,  duroit  trente-cinq  ou  trente-fix 
jours  ,  fuivant  que  ce  terme  quadroit  pour 
remplir  le  nombre  des  jours  de  l'année 
lunaire. 

Pendant  les  trente-cinq  ou  trente-fix 
jours  de  prytanie ,  dix  des  cinquante  pry- 
tanes régnoient  par  femaine  fous  le  nom  de 
proedres  ;  &  celui  des  proè'dres  qui  dans  le 
cours  de  la  femaine  étoit  en  jour  de  préfi- 
der ,  s'appelloit  épifiate.  Des  dix  proè'dres 
de  chaque  femaine  ,  il  eu  reftoit  toujours 
trois  que  le  fort  n'appelloit  point  à  la  place 
iï épifiate  ,  parce  que  la  femaine  n'eft  que 
de  fept  jours. 

Celui  qui  une  fois  avoit  été  épifiate  ,  ne 
pouvoit  jamais  eipérer  de  l'être  une  féconde 
fois  dans  le  refte  de  fa  vie  ,  quand  même 
il  auroit  été  appelle  différentes  fois  à 
être  prytane.  La  raifbn  de  cette  exclu fion 
étoit  qu^il  auroit  pu  fè  laifiër  tenter  de  fa- 
tisfaire  fa  cupidité  ,  &  s'arranger  pour  de- 
venir le  maître  des  grands  biens  dont  il  s'é- 
toit  vu  dépofitaire.  Le  jour  de  fà  fonclion 
il  avoit  les  clefs  du  tréfor  ,  des  titres  & 
des  archives  de  l'état  ,  &  du  fceau  de  la 
république. 

Les  particuliers  qui  avoient  quelque  affaire 
à  pourfùivre  au  tribunal  des  prytanes ,  s'a- 
dreflbient  à  un  des  officiers  de  leur  tribu  , 
pour  obtenir  audience  pardevaut  celle  qui 
étoit  en  fonction. 

Si  quelque  affaire  importante  furvenoit , 
Xépifiau  de  jour  indiquoit   l'aifemblée   & 

Z  Z  ZZ    2 


73i  EPI 

le  motif ,  afin  que  chacun  pût  s'kiftruire  , 
&:  fe  préparer  à  apporter  un  fuffrage  rai- 
fonné.  Après  la  difcuflion  des  fuffrages  , 
Yépiflate  drcffoit  &  prononçoit  à  haute  Se 
diftin&e  voix  la  loi  formée  fur  la  pluralité 
des  fuffrages  :  enfuite  chacun  fe  retiroit ,  & 
les  prytanes  fe  rendoient  au  prytanée  avec 
ceux  qui  avoient  droit,  d'y  manger  aux  dé- 
pens  de  la  république. 

Voyei  Prytane  ,  Prytanée  ,  Proe- 
DRE-,  cartons  ces  mots  forment  un  en- 
chaînement dont  la  connoiffance  eft  nécef- 
faire  pour  entendre  les  auteurs  qui  nous 
parlent  du  gouvernement  d'Athènes,.  Art. 
de    M.  le  Chevalier  DE  Jaucourt. 

EPISTEMON ARQUE,  adj.  (Hi/l.anc. 
fccléf.  )  étoit  dans  l'ancienne  églife  greque  , 
une  perfonne  chargée  de  veiller  fur  la  doc- 
trine de  l'églife  ,  &  d'avoir  iuipeâion  ,  en 
qualité  de  cenfeur ,  fur  tout  ce  qui  concer- 
noit  la  foi.  Cette  charge  répondoit  alTez 
à!  Celle  du  maître  du  facré  palais  à  Rome. 
Voyei  Inquisition.  (G) 

EPISTITES  ou  HEPHISTRITES  , 
(  Hifl.  nat.  )  pierre  d'un  rouge  fort  éclatant , 
dans  laquelle  Ludovico  Dolce  a  trouvé  un 
grand  nombre  de  vertus  que  l'on  rougiroit 
de  rapporter.  Boëtius  de  Boot ,  de  lapidibus 
Ù  gemmis. 

EPISTOLAIRE,  adj.  {Belles-Leur.) 
terme  dont  on  fe  fert  principalement  en 
parlant  du  ftyle  des  lettres ,  qu'on  appelle 
Jlyle  épiflolaire. 

Il  eit  plus  facile  de  fèntir  que  de  définir 
les  qualités  que  doit  avoir  le  ftyle  épijlo- 
laire'j  les  lettres  de  Cicéron  fuffifènt  pour  en 
donner  une  jufte  idée.  Il  y  en  a  de  pur  com- 
pliment ,  de  remercîment ,  de  louange  , 
de  recommandation  :,  on  en  trouve  d'en- 
jouées ,*dans  lelquelles  il  badine  avec  beau- 
coup d'ai lance  &  de  grâce  }  d'autres  graves 
&  lëri'îiifes  ,  dans  lefquelles  il  examine  & 
traite  des  affaires  importantes.  Celles  qu'il 
adreffe  à  fon  frère  Quintus  &  à  Caton  , 
font  pleines  de  délicateffe  ,  quoiqu'elles 
roulent  fur"des  affaires  d'état  &  des  matiè- 
res politiques.  Celles  de  Pline  le  jeune  ne 
réunifient  pas  moins  d'agrément  &  de  fb- 
lidité.  Mais  les  épîtres  de  Seneque  font 
trop  travaillées  :  ce  n'eft  point  un  homme 
qui  parle  à  fon  ami ,  c'eft  un  rhéteur  qui 
arrange  des  parafes  pour  jfe  faire  admirer  j 


E  P  I 

l'e/prit  y  pétille  à  chaque  ligne  ,  mais  le 
fentiment  &  l'effufion  de  cœur  ne  s'y  trou- 
vent pas. 

Dans  notre  langue  nous  n'avons  guère 
de  lettres  politiques  que  celles  du  cardinal 
d'Offat ,  qui  ,  fous  un  ftyle  un  peu  furanné  , 
contiennent  des  maximes  profondes  &  des 
détails  intéreffans  pour  le  commerce  ordi- 
naire de  la  vie.  Celles  de  madame  de  Se- 
vigné  font  généralement  les  plus  eftimecs. 
Celles  de  Balzac  ,  même  les  lettres  choi- 
fies  ,  font  trop  guindées,  &.  fentent  trop  le 
travail  :  le  tour  nombreux  &  périodique 
de  lès  phrafes ,  eft  diamétralement  oppofé 
à  l'aifauce  &  à  la  naïveté  de  la  converfa- 
tion  ,  que  le  genre  épiflolaire  fe  propofe  de 
copier.  Pour  celles  de  Voiture  ,  quelque  in- 
génieufes  qu'elles  feient  ,  le  ton  en  eft 
trop  fingulier  &  le  ftyle  trop  peu  exaéf.  , 
pour  que  perfonne  ambitionnât  aujouru'hui 
d'écrire  comme  cet  auteur. 

On  pourroit  encore  moins  propofer  peur 
modèle  certains  recueils  de  lettres  faites  à 
tête  repofée  ,  &  avec  un  delfein  prémédité 
d'y  mettre  de  l'eiprit  j  telles  que  les  lettres 
du  chevalier  d'Her** ,  les  letties  à  la  Mar- 
quife  ,  &c.  Le  foin  qu'on  a  pris  de  les  em- 
bellir à  l'excès  ,  eft  préciiément  ce  qui  les 
maïque  &  les  défigure  :,  en  retranchant  la 
moitié  de  l'eftime  qu'elles  eurent  autre- 
fois ,  il  leur  refteroit  la  portion  qu'elles 
méritent.  EJJai  fur  [étude  des  Belles-Letu 
pag.  64   &  fuiv. 

Epiflolaire  fè  dit  auflî  quelquefois  des 
auteurs  qui  ont  écrit  des  lettres  ou  des  épî- 
tres, tels  que  fout  Cicéron,  Pline  le  jeune ^ 
SenequeJ,  Sidoine  ,  Apollinaire,  Pétrarque r 
Politien,  Busbeck  ,  Erafme  ,  Juft-Lipiè, 
Muret ,  Milton  ,  Petau,  Launoy  ,  Sarrau  y 
Balzac  ,  Voiture ,  &  les  autres  que  nous 
avons  déjà  nommés. 

Dans  lepître  ,  dit  M.  l'Abbé  Laferre  r 
(  Poétique  élémentaire  ,  )  la  pcéfîe  tour-à- 
tour  brillante  ,  noble  ,  délicate  ,  pathéti- 
que ,  change  de  ton  félon  les  fujets.  Veut- 
elle  amufèr  l'imagination  ,  fon  coloris  eft 
vif,  éclatant,  animé }  peint-elle  un  lèu-* 
timent  ,  fon  ftyle_de\ïent  afieâueux  ou 
énergique  j  quand  elle  parle— à  la  raifon  „ 
elle  en  prend   le   langage. 

EP1STOMWM  ,  f.  m.  en  terme  d'Hy- 
draulique ,  eft  un  infiniment  par  l'applica; 


E  P  I 

tion  duquel  l'orifice  d'un  vaiflèau  peut  être  .' 
fermé    &  rouvert  enfùite  à   volonté  }   tels 
font  les  piftons  des  ponftpes  ,  des  feringues , 
qui  remplilfent  leur  cavité  ,  &  qui  peuvent  à 
volonté  être  tirés  &  repouffés.  (K) 

EP1STROPHEUS  ,  terme  dtAnatomie  . 
qui  vient  d'tTitçpiçco ,  converto  ,  je  tourne 
autour.  » 

On  donne  ce  nom  à  la  féconde  vertè- 
bre du  cou  ,  à  caufe  de  fon  apophyfè  odon- 
ioïde.    Voyei  VERTEBRE    &    Apophyse. 

EPISTYLE  ,  f.  m.  dans  l'ancienne  Archi- 
tecture ,  eft  un  terme  dont  les  Grecs  fe  fèr- 
voient  pour  défigner  ce  que  nous  appelions 
aujourd'hui  architrave  ,  c'eft-à-dire  un  mafîif 
de  pierre  ,  ou  une  pierre  de  bois  pofée  im- 
médiatement fur  le  chapiteau  d'une  colonne. 
F.  Architrave. 

EPISYNAPHE  ,  f.  f.  eft  dans  la  Mufique 
ancienne  ,  au  rapport  de  Bacchius  ,  la  con- 
jonction des  trois  tétracordes  confécutifs , 
comme  font  les  tétracordes  hypaton  ,  me  fon 
&  Jynnemenon.  V.  SYSTEME  ,  TÉTRACOR-  , 
DE.  (S) 

EPISYNTHÉTIQUE ,  adj.  (Médec)e{ï 
le  nom  d'une  fe&e  de  médecins  j  il  eft  tiré 
d'un  verbe  grec  qui  fignifie  entajfer  ou  af- 
fembler  ,  i-Ti9VV^irtM.  aîgwif  ,  fecla  fuper- 
compojitiva. 

Ceux  qui  formoient  cette  feclre  ,  tels  que 
Léonides  &  ceux  de  fon  parti ,  prétendoient 
vrailîemblablement  joindre  les  maximes  des 
Méthodiques  avec  celles  des  Empyriques  & 
des  Dogmatiques  ,  &  raffembler  ou  con- 
cilier ces  diverfes  fec~r.es  les  unes  avec  les 
autres. 

C'eft  tout  ce  qu'on  peut  dire,  n'ayant  pas 
d'autres  lumières  fur  ce  fujet  :  on  ne  fait  pas 
même  quand  Léonides  ,  qui  eft  le  médecin' 
le  plus  connu  de  la  fe&e  épifynthetifue  ,  a 
vécu  ,  quoiqu'il  foit  probable  que  Soranus  , 
le  plus  habile  de  tous  les  Méthodiques ,  l'a 
précédé  de  quelque  temps.  V.  thiftoire  de  fa 
Médecine  de  le  Clerc  ,  dont  cet  article  eft 
extrait,  (d) 

EPITAPHE  ,  C  f.  {Belles-Let.)\ririvov , 
infcription  gravée ,  ou  fuppofée  devoir  l'être, 
fur  un  tombeau  ,  à  la  mémoire  d'une  per- 
fonne  défunte. 

Ce  mot  eft  formé  du  grec  Wt ,  fur  ,  &  de 
àtwTv  5  fenfevelis.  F,  Sépulcre,  Il  y  a*i 


EPI  733 

un  flyïe  particulier  pour  les  épitaphes  ,  fur- 
tout  pour  celles  qui  font  conçues  en  latin  , 
qu'on  nomme  Jlyle  lapidaire.  V.  STYLE  LA- 
PIDAIRE. 

A  Sparte  on  n'accordoit  des  épitaphes  qu'à 
ceux  qui  étoient  morts  dans  un  combat ,  Se 
pour  le  fervice  de  la  patrie  :,  ufage  fondé  fur 
le  génie  de  cette  république  ,  ou  plutôt  fur 
la  conftitution  politique  de  fon  gouverne- 
ment ,  qui  n'admettoit  guère  que  la  vertu 
guerrière.  On  dit  que  le  maufolée.  du  duc  de 
Malboroug  eft  encore  fonsépitaphe,  quoique 
fa  veuve  eût  promis  une  récompenfe  de  500 
liv.  fterl.  à  celui  qui  en  compoferoit.  une 
digne  de  ce  héros. 

Dans  les  épitaphes  on  fait  quelquefois 
parler  la  perfonne  morte  ,  par  «forme  de 
proibpopée }  nous  en  avons  un  bel  exemple , 
digne  du  fiecle  d'Augufte  ,  dans  ces  deux 
vers ,  où  une  femme  morte  à  la  fleur  de  fon 
âge  ,  tient  ce  langage  à  fon  mari  : 

Immatura  perî  ;  fed  tu  felicior ,  annos  ' 
Vive  tuos  ,  conjux  optime  ,  vive  meos.  ' 

Du  même  genre  eft  celle-ci ,  faite  par 
Antipater  le  Theffalonicien ,  qu'on  trouve 
dans  l'Anthologie  manufcrite  de  la  biblio- 
thèque du  Roi ,  &  que  M.,  Boiviu  a  traduite 
ainfî  : 

«  Née  en  Lybie  ,  enfevelie  à  la  fleur 
»  de  mes  ans  fous  la  pouflîere  aufonienne  , 
»  je  repofè  près  de  Rome ,  le  long  de  ce 
»  rivage  fablonneux.  L'illuftre  Pompéia  , 
»  qui  m'a  élevée  avec  une  tendreffe  de 
»  mère  ,  a  pleuré  ma  mort ,  &  a  dépofé 
»  mes  cendres  dans  un  tombeau  qui  m'é- 
»  gale  aux  perfonnes  libres.  Les  feux  de 
»  mon  bûcher  ont  prévenu  ceux  de  l'hymen 
»  qu'elle  me  préparait  avec  empreffement. 
»  Le  flambeau  de  Pçoferpine  a  trompé  nos 
»  vœux.  » 

La  formuleyfo  viator  ,  qui  fe  rencontre 
dans  un  grand  nombre  &  épitaphes  modernes, 
(comme  dans  celle-ci  :  Sta  ,  viator  ;  heroem 
cnlcas  y.)  fait.allufion  à  la  coutume  des  an^ 
ciens  Romains  ,  dont  les  tombeaux  étoient 
ie  long  des  grands  chemins.  ^.Tombeau. 
(G) 

Uépitaphe  .eft  communément  un  trait  de 
louange  ou  de  morale  ,  ou  de  l'une  &  de 
1  autre. 

ÏSépitaphe  de  cet  homme  fi  grand  &  fi 


734  EPI      ,■' 

fimpïe  ,  fi  vaillant  &  li  humain ,  h  heureux 
&  fi  fage ,  auquel  l'antiquité  pourroit  tout 
au  plus  oppofer  Scipion  &  Céfar ,  fi  le  pre- 
mier avoit  été  plus  modefte  ,  &  le  fécond 
moins  ambitieux  \  cette  épitaphe  qui  ne  fe 
trouve  plus  que  dans  les  livres  : 

Turenne  a  fort  tombeau  parmi  ceux  de  nos 
Rois  ,  &c. 

fait  encore  plus  l'éloge  de  Louis  XÏV  ,  que 
celui  de  M.  de  Turenne. 

Celle  d'Alexandre  ,  que  gâte  le  fécond 
vers ,  &  qu'il  faut  réduire  au  premier  : 

Sufficit  huic  tumulus  ,  cui  non  fuffecerat 
orbis. 

eft  un  trait  de  morale  plein  de  force  &  de 
vérité  :  c^eft  dommage  qu'Ariftote  ne  l'ait 
pas  faite  par  anticipation  ,  &  qu'Alexandre 
ne  l'ait  pas  lue. 

Le  même  contrarie  eft  vivement  exprimé 
dans  celle  de  Newton  : 

Ifaacum  Newton  , 
Quem  immortalem 
Tejtantur  Tempus ,  Natura ,  Cœlum , 
Monalem  hoc  marmor 
Fatetur. 

Mais  ce  contrafte  fi  humiliant  pour  le 
conquérant ,  note  rien  à  la  gloire  du  philo- 
fophe.  Qu'un  être  avec  des  refTorts  fragiles  , 
des  organes  foibles  &.  bornés  ,  calcule  les 
temps  ,  mefure  le  Ciel  ,  fonde  la  Nature  j 
c'eft  un  prodige.  Qu'un  être  haut  de  cinq 
pies  ,  qui  ne  fait  que  de  naître  &  qui  va 
mourir  ,  dépeuple  la  terre  pour  fe  loger  , 
&  s'y  trouve  encore  à  l'étroit  j  c'eft  un  petit 
mouftre. 

Du  relie  cette  idée  a  été  cent  fois  em- 
ployée par  les  Poètes.  V.  dans  les  catalecles 
Yépitaphe  de  Scipion  l'Africain  ,  celle  de 
Cicéron ,  celle  d'Antenor.  V.  Ovide  fur  la 
mort  de  Tibule ,  Properce  fur  la  mort  d'A- 
chille ,  &c. 

Les  Anglois  n'ont  mis  fur  le  tombeau  de 
Dryden  que  ce  mot  pour  tout  éloge , 

Dryden. 

&  les  Italiens  fur  le  tombeau  du  Taflè , 

Les  os  du  TaJTe. 


E  P  I 

îl  n'y  a  guère  que  les  hommes  de  génie  qu'il 
fbït  fur  de  louer  ainfi. 

Parmi  les  épitaphes  épigrammatiques  , 
les  unes  ne  font  que  naïves  &  plaifantes  , 
les  autres  font  mordantes  &  cruelles.  Du 
nombre  des  premières  eft  celle-ci,  qu'on  ne 
croiroit  jamais  avoir  été  faite  férieufement , 
&  qu'on  a  vue  cependant  gravée  dans  une  de 
nos  églifès  : 

Ce  gît  le  vieux  corps  tout  ufé 
Du  Lieutenant  civil  rufé,  &c. 

Lorlque  la  plaifanterie  ne  porte  que  fuf 
un  léger  ridicule ,  comme  dans  l'exemple 
précédent ,  elle  n'eft  qu'indécente  \  on  croit 
voir  les  foiîbyeurs  A'Hamlet ,  qui  jouent  avec 
des  oflemens.  Mais  les  épitaphes  infultantes 
&  calomnieufes  ,  telles  que  la  rage  en  inf- 
pire  trop  fouvent  ,  font  de  tous  les  genres 
de  fatyre  le  plus  noir  &  le  plus  lâche.  II  y  a 
quelque  choie  de  plus  infâme  que  la  calom- 
nie^ c'eft  la  calomnie  contre  les  morts.  L'ex- 
preflîon  des  anciens ,  troubler  la  cendre  des 
morts  ,  eft  trop  foible.  Le  fatyrique  qui  ou- 
trage un  homme  qui  n'eft  plus ,  refTemble  à 
ces  animaux  carnaciers  qui  fouillent  dans  les 
tombeaux  pour  fe  repaître  de  cadavres.  V, 
Satyre. 

Quelquefois  Yépitaphe  n'eft  que  morale  , 
&  n'a  rien  de  perlbnnel  j  telle  eft  celle  de 
Jovianus  Pontanus  ,  qui  n'a  point  été  mifè 
fur  fbn  tombeau  : 

Servire  fuperbis  dominis^ 
Ferre  jugum  fuperjiitionis , 
Quos  habes  caros  fepelire  , 
Condimenta  vitœ  funt. 

Uépitaphe  à  la  gloire  d'un  mort ,  eft  de 
toutes  les  louanges  la  plus  noble  &  la  plus 
pure  ,  fur-tout  lorfqu'elle  n'eft  que  l'exprek 
fion  naïve  du  caractère  &  des  aétions  d'un 
homme  de  bien.  Les  vertus  privées  ont 
droit  à  cet  hommage  ,  comme  les  vertus 
publiques  }  &  les  titres  de  bon  parent ,  de 
bon  ami  ,  de  bon  citoyen  ,  méritent  bien 
d'être  gravés  fur  le  marbre.  Qu'il  me  foit 
permis  à  cette  occafion  de  placer  ici  ,  non 
pas  comme  un  modèle  ,  mais  comme  un 
foible  témoignage  eje  ma  reconnoiflance  , 
Yépitaphe  d'un  citoyen  dont  la  mémoire  me 
fera  toujours  chère: 


EPI 

Non  fibi  ,  fed  patrice  vixit  y  régi  que  , 

fuifquc. 
Quod  daret  y  hinc  divts  ;  felix  numerare 

beatos. 

Les  gens  de  Lettres  feroient  bien  à 
plaindre  ,  fi  dans  un  ouvrage  public  on 
leur  envioit  quelques  retours  fur  eux-mê- 
mes ,  quelques  traits  relatifs  à  leurs  fènti- 
roens  &  à  leurs  devoirs.  Si  leur  plume  doit 
leur  être  bonne  à  quelque  chofe  ,  c'eft  à  ne 
pas  mourir  ingrats.  Mais  la  reconnoiilance 
fait  en  eux,  parce  qu'elle  eft  noble  ,  ce 
que  l'espoir  des  récompenfes  n'eût  jamais 
fait,  parce  qu'il  eft  bas  &  fervile.  On  a 
remarqué  au  commencement  de  cet  article , 
que  le  tombeau  du  duc  de  Malboroug  étoit 
encore  fans  épitaphe  ;  le  prix  propofé  juftifi.e 
&  rend  vraifemblable  la  ftérilité  des  poètes 
anglois.  Devant-  une  place  aflïégée  un  offi- 
cier françois  fit  propofèr  aux  grenadiers 
une  fomme  considérable  pour  celui  qui  le 
premier  planteroit  une  fafcine  dans  un  foiTé 
expofé  à  tout  le  feu  des  ennemis.  Aucun 
des  grenadiers  ne  fe  préfenta  ;  le  général 
étonné ,  leur  en  fit  des  reproches  :  Nous 
nous  ferions  tous  offerts  ,  lui  dit  l'un  de  ces 
braves  foldats  ,  fi  ton  navoit  pas  mis  cette 
action  à  prix  d'argent.  Il  en  eft  des  bons  vers 
comme  des  actions  courageufès.  Voye{ 
Éloge. 

Quelques  auteurs  ont  fait  eux-mêmes 
feur  épitaphe.  Celle  de  la  Fontaine,,  modèle 
de  naïveté  ,,  eft  connue  de  tout  le  monde. 
Il  feroit  à  fouhaiter  que  chacun  fit  la  fienne 
de  bonne  heure  5  qu'il  la  fît  la  plus  flatteufe 
qu'il  eft  poflible  ,  &  qu'il  employât  toute 
fa  vie  à  la.  mériter.  Article,  de.  M.  M.4R- 
montel. 

EPITASE,  f.  f.  (-Belles-Lettres.)' dans 
Y  ancienne  poéfié ,  fignifioit  la  féconde  partie 
ou  divifion  d'un  poème  dramatique  ,.  dans 
laquelle,  l'action  propofée  dans  la  première 
partie  ou  protafe -,  étoit  nouée  ,  conduite 
&  pouffée  par  ditférens  inç.idens  jufqu'à  fa 
fin  ou  ion  dénouement,  qui.  formoit-  la 
troifieme  partie,  appelles  cataflafe..  Voye[ 
Tragédie, 

Uépitafe  eommeiiçoit  au  fécond  acte  , 
ou  au  plutard  avec  le  troifieme.-  Cette 
divifion  n'a  plus  lieu  dans,  les  pièces  dra- 
matiques modernes ,  quant  au  nom  7  parce 


EPI  7*1 

qtron  Tes  divife  en  actes  ;  mais  Yépitafe  y 
fubfifte  toujours ,  quant  au  fond  ,  &  c'eft 
ce  que  nous  appelions  nœud  &  intrigue, 
Voye{  Nœud  &  Intrigue. 

Les  anciens  fcholiaftes  de  Térence  ont 
défini  l'épitafè ,  incrementum  proceffufque 
turbarum  ,  ac  totius  nodus  erroris  ;  &  ÎSca- 
liger  l'appelle  pars  in  quâ  turbœ  aut  exci- 
tantur^ut  involvuntur  ;  ce  qui  revient  par- 
faitement à  ce  que  nous  entendons  par  nœud 
ou   intrigue.   (G) 

Epitase  ,  [Med$k*hé*u\  de  tWt«ngu«$ 
augefco.  Ce  terme  eft  employé  par  Hippo- 
crate  pour  fignifier  Yaccroijfement  d'une 
maladie  ,  8c  fur-tout  des  fièvres  y  dans  leurs 
paroxyfmes  &  dans  leurs  exacerbations.. 
Voye\  Fièvre  ,  Paroxysme,  (d) 

EPITE  ,  f.  f.  (  Art  méchaniq.  )  petit  coin-, 
que  l'on  applique  à  l'extrémité  d'un  autre 
pour  le  groflir.. 

Y  EPIT HALAME,  f.  m.  (Poéfie.)  poème* 
à  l'occafion  d'un  mariage  j  chant  de  noces 
pour  féliciter  des  époux. 

Le  mot  êpithalame  vient  du  grec  êV;ta« 
hâ^Liov  y  &  ce  dernier  ,  en  ajoutant  ,  àyfxa.y 
lignifie  chant  nuptial  :.  ^<xxa(xos  en  eft  la 
véritable  étymologie;. 

Or  les  Grecs  nommèrent  ainfi 'leur,  chant 
nuptial,  parce  qu'ils  appelloient  d<xh*y.ir ,.„ 
l'appartement  de  l'époux  r  &  qu'après  la 
folemnité  du  feftin  ,  &  lorfque  les  nouveaux 
mariés  s'étoient  retirés ,  ils  chantoient  ï êpi- 
thalame k  la  porte,  de  cet  appartement.  Il 
eftinutile  de  rechercher  ce  qui  les  détermina 
à,  choifir  par  préférence  ce  lieu  particu- 
lier, moins  encore  de  fbngerà  réfuter  les 
écrivains  qui  en  allèguent  une  raifon  peut- 
être  aufîî .  frivole  qu'elle  eft  communément 
reçue.  Quoi  qu'il  en  foit  ?  cette  circonftance 
du  lieu  eft  regardée  par  quelques  moder- 
nes comme,  fi  néceiTaire,.  que.  tout  chant 
nuptial  qui  ne  l'exprime  pas,  ne  doit  point ^, 
félon  eux  ,  être  nommé  êpithalame. 

Mais  fans  nous  arrêter  à  cette,  pédante-r 
rie,. non  plus  qu'à  toutes  les  diftinclions- 
frivoles  d' epithalam.es  , .  imaginées  par  Sca-r 
liger,  Muret  &  autres }. ni  même  fans  con- 
fidérer  ici  fervilement  l 'étymologie  du..mo.t>, 
nous  appellerons  êpithalame  xonx  chant  nup- 
tial  qui  félicite  de  nouveaux  époux  fur  leur 
union  ;  qu'il  foit  un  fimple.récit  ,  ou  qu'il, 
foit  mêlé  derécit  &  de  chant  3  que  le  poète 


73^  EPÏ 

y  parle  feuî ,  ou  qu'il  introduire  des  per- 
sonnages }  ck  quel  que  (bit  eafm  le  lieu  de 
la  fcene  ,  s'il  eft  permis  d'uièr  d'une  expref- 
fîon  fi  impropre. 

Vépithalame  eft  en  général  une  efpece 
de  poéiie  très-ancienne  ;  les  Hébreux  en 
connurent  l'ufage  dès  le  temps  de  David  , 
du  moins  les  critiques  regardent  le  p^èaume 
xliv  comme  un  véritable  cpithalame.  Ori- 
gene  donne  aufli  le  nom  d'epuhalame  au 
cantique  des  cantiques  \  mais  eu  ce  cas 
c'eft  une  forte  Vépithalame  d'une  nature 
bien  finguliere. 

Les  Grecs  connurent  cette  efpece  de 
chant  nuptial  dans  les  temps  héroïques  , 
fi  l'on  s'en  rapporte  à  Dyétis ,  &  la  céré- 
monie de  ce  chant  ne  fut  point  oubliée  aux 
noces  de  Thétis  ,  &  de  Pelée  j  mais  dans  fa 
première  origine  Vépithalame  n'étoit  qu'une 
îimple  acclamation  &  hymen  ,  o  hy menée. 
Le  motif  &  l'objet  de  cette  acclamation 
font  évidens  :  chanter  hymen  ,  o  hymenee , 
c'étoit  fans  doute  féliciter  les  nouveaux 
époux  fur  leur  union ,  &  fouhaiter  qu'ils 
n'euffent  qu'un  même  cœur  &  qu'un  même 
efprit  ,  comme  ils  n'alloient  plus  avoir 
qu'une  même  habitation. 

Cette  acclamation  palfa  depuis  danslV/v- 
thalame  ;  &  les  poètes  en  firent  un  vers 
intercalaire  ,  ou  une  efpece  de  refrain  ajufté 
à  la  mefure  qu'ils  avoient  choifie  ;  ainfi 
ce  qui  étoit  le  principal  devint  comme  l'ac- 
eeffoire ,  &  l'acclamation  d'hymen ,  ou  hy- 
menee ,  amenée  .par  intervalles  égaux  ,  ne 
fèrvit  plus  que  d'ornement  à  Vépithalame  , 
ou  plutôt  elle  fèrvit  à  marquer  les  vœux  & 
les  applaudifTemens  des  chœurs ,  lorfque  ce 
poème  eût  pris  une  forme  réglée. 

Stéfichore  ,  qui  floriffoit  dans  la  xlïj 
olympiade  ,  paffe  communément  pour  l'in- 
venteur de  Vépithalame;  mais  l'on  fait  qu'Hé- 
iiodc  s'étoit  déjà  exercé  fur  ce  même  genre , 
&  qu'il  avoit  compofe  Vépithalame  de  Thé- 
tis &  de  Pelée  :  ouvrage  que  nous  avons 
perdu  ,  mais  dont  un  ancien  fcholiafte 
nous  a  confèrvé  un  fragment.  Peut-être 
que  Stéfichore  perfectionna  ce  genre  de 
poéfie  ,  en  y  introduifànt  la  cithare  &  les 
chœurs. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  Vépithalame  grec  eft 
un  véritable  poème  ,  fans  cependant  imi-  1 
ter  aucune  action.  Son  but  eft  de  faire  cou-  ' 


E  P  I 

noître  aux  nouveaux  époux  le  bonheur  de 
leur  union  par  les  louanges  réciproques 
qu'on  leur  donne  ,  ck  par  les  avantages 
qu'on  leur  annonce  pour  l'avenir.  Le  poète 
introduit  des  perfonnages  ,  qui  font  ou  les 
compagnes  de  l'époufe ,  comme  dans  Thip- 
crite  :,  ou  les  amis  de  l'époux,  comme  dans 
Apollonius. 

Vépithalame  latin  eut  à-peu-près  la  même 
origine  que  Vépithalame  grec  :  comme  ce- 
lui-ci commença  par  l'acclamation  à'hy- 
menée ,  Vépithalame  latin  commença  par 
l'acclamation  de  Talajjius  :  on  en  fait  l'oc- 
cafion  ck  l'origine. 

Parmi  les  Sabines  qu'enlevèrent  les  Ro- 
mains ,  il  y  en  eut  une  qui  fè  faifoit  remar- 
quer par  fk  jeuuelie  ck  par  fà  beauté  }  [es 
ravifîeurs  craignant  avec  raifon  ,  dans  un 
tel  détordre  ,  qu'on  ne  leur  arrachât  un 
butin  fi  précieux  ,  s'aviferent  de  crier  qu'ils 
la  conduifoient  à  Talaflius ,  jeune  homme 
beau  ,  bien  fait ,  vaillant ,  confidéré  de  tout 
le  monde  ,  ck  dont  le  nom  feul  imprima 
tant  de  refpecr.  ,  que  loin  de  fonger  à  la 
moindre  violence  ,  le.  peuple  accompagna 
par  honneur  les  ravifteurs  ,  en  faifant  fans 
celle  retentir  ce  même  nom  de  TalaJ/Jus. 
Un  mariage  que  le  hafard  avoit  li  bien 
aflbrti  ,  ne  pouvoit  manquer  d'être  heu- 
reux :  il  le  fut,  ck  les  Romains  employè- 
rent depuis  clans  leur  acclamation  nuptiale 
le  mot  Talajjius ,  comme  pour  fouhaiter  aux 
nouveaux  époux  une  femblabie  deftinee. 

A  cette  acclamation  ,  qui  étoit  encore 
en  ufage  du  temps  de  Pompée ,  &  dont  on 
voit  des  veftiges  au  fiecle  même  de  Sido- 
nius  ,  fè  joignirent  dans  la  fuite  les  vers 
fefeenniens  \  vers  extrêmement  greffiers, 
ck  pleins  d'obfcénitcs. 

Les  Latins  n'eurent  point  d'autres  épitha- 
lames  avant  Catulle  ,  qui  prenant  Sapho 
pour  modèle  ,  leur  montra  de  véritables 
poèmes  en  ce  genre ,  ck  fubftitua  l'acclama- 
tion greque  d'hymenée  à  l'acclamation  la- 
tine de  Talajfms.  Il  perfectionna  ai.fîî  les 
vers  fefeenniens  }  mais,  comme  il  arrive 
d'ordinaire  ,  s'il  les  rendit  plus  chaftes  par 
l'exprefîion ,  ils  ne  furent  peut-être  que  plus 
obfcenes  par  le  fens. 

Nous  en  avons  des  exemples  dans  un  épi- 
thfJame  de  ce  poète  ,  (  cpithal.  Jul.  )  dans 
une    petite    pièce   qui  nous  eft  reftée   de 

l'empereur 


757 


EPI  EPI 

l'empereur  Gallien ,  &dans  le  Canton  d'Au-  f  &  pour  objet  un  feigneur  de  ce  nom ,  n'eft 
fone  principalement.  Stace  ,  qui  a  fleuri   qu'une  indécente  &  froide  aliuiion  aux  tra- 
fous  Domitien  ,  ne  s'eft  permis  dans  Yépi- 
thalame de  Viollantille  &  de  Stella  ,  aucune 
expreflion  peu  mefurée.  Claudien  n'a  pas 


toujours  été  fi  retenu  ,  il  s'e'chappe  d'une 
manière  inde'cente  dans  celui  d'Honorius 
&  de  Marie. 

Pour  Sidonius  auiîi-bien  que  tous  les 
modernes  ,  dont  les  poéfïes  font  lues  des 
honnêtes  gens  ,  comme  Buchanan  parmi 
les  Ecoifois  ,  Malherbe  &  quelques  autres 
parmi  nous ,  excepte  Scarron ,  ils  font  irré- 
prochables à  cet  égard  ;  fi  pourtant  l'on 
excepte  encore  parmi  les  Italiens  le  cavalier 
Marini  ,  qui  mêle  fans  refped  pour  (es  hé- 
ros ,  à  des  louanges  quelquefois  délicates  , 
des  traits  tout-à-fait  licentieux. 

II  femble  que  Yépithalame  admettant  tou- 
te la  liberté  de  la  Poéfie  ,  il  ne  peut  être 
affujetti  à  des  préceptes  ;  mais  comment 
arriver  à  la  perfedion  de  l'art  ,  fans  le  fe- 
cours  de  l'art  même  ?  Audi  Denys  d' Alicar- 
naffe  donnant  aux  orateurs  les  règles  de  IV- 
pitkalame  ;  ne  dit  pas  qu'elles  foient  inutiles-; 
il  les  renvoie  même  aux  écrits  de  Sapho. 
Rien  n'eff  fl  avantageux  ,  en  général ,  que 
d'étudier  les  modèles,  parce  qu'ils  renfer- 
ment toujours  les  préceptes  ,  &  qu'ils  en 
montrent  encore  la  pratique. 

Il  eft  vrai  qu'il  n'y  a  point  de  règles  par- 


vaux  de  ce  dieu  de  la  fable.  Dans  1  hymé- 
née  où  il  s'agit  des  noces  de  Vincent  Caraf- 
fe,  c'eft  Silène  qui  chante  tout  fimplement 
Yépithalame  du  berger  Aminte.  Telles  font 
ordinairement  les  ridions  de  cet  auteur  ;  s'il 
en  a  d'une  autre  nature,  ilîes  emprunte  de 
Claudien ,  de  Sidonius  même  ;  ou  il  les  gâte 
par  des  deferiptions  fi  longues  &  fi  fréquen- 
tes ,  qu'elles  rebutent  l'efprit ,  &  font  dif- 
paroître  le  fujet  principa1. 

Fuye^  de  cet  auteur  V  abondance  ftérile  , 

Et  ne  vous  charge^point  d'un  détail  inutile  ,' 
dit  un  de  nos  meilleurs  poètes  dans  une  oc- 
cafion  toute  femblable. 

Parlons  à  préfent  des  images  ou  des  pein- 
tures qui  conviennent  à  ce  genre  de  poème. 
Uépitalarne  étant  par  lui-même  deftiné  à 
exprimer  la  joie  ,  à  en  faire  éclater  les  tranf- 
poits,  on  fent  qu'il  ne  doit  employer  que 
des  images  riantes  &  ne  peindre  que  des 
objets  agréables.  Il  peut  reprefenter  l'Hy- 
ménéeavecfonvoile&fonflambeau;Vénus 
avec  les  grâces  ,  mêlant  à  leurs  danfes  ingé- 
nues de  tendres  concerts;&  les  amours  cueil- 
lant des  guiilandes  pour  les  nouveaux  époux. 

Mais  ramener  dans  un  épithalame  le  com- 
bat des  géans ,  &  la  fin  tragique  des  héroïnes 
fabuleufes ,  comme  fait  Sidonius  ,  ou  le 
repas  de  Thyefte  ,  &  la  mort  de  Céfar  , 


ticulieres  preferites  pour  le  genre, pour  le  comme  fait  le  cavalier  Marini , c'eft  (pour 
nombre ,  ni  pourladifpofitiondes  verspro-Ue  dire  avec  un  ancien  )  être  en  fureur  en 


près  à  cet  ouvrage  ;  mais  comme  le  fujet  en 
tout  genre  de  poéfie  eft  ce  qu'il  y  a  de  prin- 
cipal ,  ii  femble  que  le  poète  doit  chercher 
une  fiction  qui  foit  tout  enfemble  jufte  ,  in- 
génieufe  ,  propre  &  convenable  aux  per- 
fonr.es  qui  en  feront  l'objjt  ;  &  c'eft  en  choi- 
fifïant  les  circonftances  particulières  ,  qui 
ne  font  jamais  abfolument  les  mêmes ,  que 
Yépithalame  eft  fufceptible  de  toutes  fortes 
de  diverfités. 

Claudien  &  Buchanan  ,  fans  être  en  tour 
&  -a  tous  égards  de  vrais  modèles,  ont  rendu 
propres  à  leurs  héros  les  épith dames  qu'ik 
nous  ont  laifTes.  Pour  le  cavalier  Marini  , 
loin  qu'il  foit  heureux  dansle  choix  des  cir- 
conftances ,  ou  dans  les  ridions  qu'il  ne  doit 
qu'à  lui-même  ,  on  n'y  trouve  prefque  ja 
mais  ni  couvenance  ni  juitefte.  hé'pithala- 
me  qui  a  pour  titre  ,  les  travaux  d'Hercule  , 
Tome  XII 


chantant  l'hyménée. 

Pour  les  images  indécentes  ou  qui  ré- 
voltent lamodefîie  ,  quiconque  en  emploie 
de  ce  caradere  ne  pèche  pas  moins  contre 
les  règles  de  l'art  en  général ,  que  contre  fes 
vrais  intérêts.  En  effet  ,  fi  un  difeours  n'a 
de  véritable  beauté  qu'autant  qu'il  exprime 
une  chofe  qui  fait  plaifîr  à  voir  ou  à  enten- 
dre ,  ou  bien  qu'il  préfente  un  fens  honnête, 
comme  Théophrafte  le  foutient ,  &  comme 
la  raifon  même  le  perfuade  ,  que  doit-on 
penfer  de  ces  fortes  d'images?  Ei  fe  les  per- 
mettre dans  une  matière  chafie  par  elle- 
même  ,  n'eft-ce  pas  en  quelque  manière 
imiter  Âufone  ,  qui  pour  avoir  travefti  en 
poète  fans  pudeur  le  plus  fage  de  tous  les 
Poètes .  n'a  pu  trouver  encore  depuis  tant 
de  hecles  un  feul  apologifte  ? 
Bien  différent  de  cet  écrivain ,  Théocrite 

Aaaaa 


7s8  EPI  EPI 

n'offre  à  Tefpritque  des  images  agréables;! convenables  ,  ou  ne  pas  excéder  la  vraf-i 


il  ne  repréfente  que  des  objets  gracieux,  & 
avec  des  idées  &  des  exp reliions  enchante- 


refles.  Tel  eft  fon  épithalame  d'Hélène  ,  les  reflexions  qu'on   vient  de  lire  dans  cetr 
chef-d'œuvre  en  ce  genre  qu'on  ne  fauroit 
trop  louer. 

Après  avoir  donné  des  couronnes^  de  ja- 
cinthe aux  filles  de  Lacédémone  qui  chan- 
tent l'hy menée  ,  il  leur  fait  relever 


en  ces 
termes  le  bonheur  de  Ménélas.  "Vous  êtes 
*>  arrivé  à  Sparte  fous  des  aufpices  bien  fa- 
>j  vorables  ;  ieul  entre  les  demi-dieux,  vous 
r>  devenezle  gendre  de  Jupiter ,  vous  épou 


*>  fezHélene!  Les  grâces  l'accompagnent, 
j)  les  amours  font  dans  fes  yeux  ;  elle  étoit 
a  l'ornement  de  Sparte  ,  comme  le  cyprès 
"»  eft  l'honneur  des  jardins.  »  Puis  venant 
à  Hélène  même:  "  Uniquement  occuppées 
*j  de  vous ,  nous  allons ,  difent-elles ,  vous 
»  cueillir  une  guirlande  de  lotos  ;  nous  la 
»  fufpendrons  à  un  plane  &.  en  votre.hon-r 
99  neur  nous  y  répandrons  des  parfums.  Sur 
n  Pécorce  du  plane.,  on  gravera  ces  mots  ; 
?>  honore^  moi  ,  je  fuis  V arbre  d'Hélène  ,  » 
S'adreffant  enfuite  aux  deux  époux: (t  Puiffe 
«  Vénus ,  ajoutent-elles  vous  infpirer  une 
9i  ardeur  mutuelle  &  durnbleîpuiflè  Latone 
»  vous  accorder  une  heureufe  poftérité ,  & 
«  Jupiter  vous  donner  des  richeffesque  vous 
»  tranfmectiez  à  vos  defcendans  !  » 

Ce  poème  ,  au  tefte  ,  a  deux  parties  qui 
font  bien  marquées,  &  qui  paroiffent  éflen- 
tieîles  à  tout  épithalame  ;  l'une  qui  com- 
prend les  louanges  des  nouveaux  époux, 
l'autre  qui  renferme  des  vœux,  pour  leur 
profpérité. 

La  première  partie  exige  tout  l'art  du, 
"poète .;  car  il  en  faut  infiniment  pour  don- 
ner des  louanges ,  qui. fuient  tout  enfemble 
îngénieufes ,  naturelles  ,  &  convenables  :  & 
Voilà  fans  doute  pourquoi  l'on  dit  fi  fou  vent 
que  V épithalame  eft  l'écueif  des  Poètes. 

Les  louanges  feront  îngénieufes  ,  fi  elles 
fortent  ,.poUr  ainfi  dire  .  du  fond  même  de 
1a  fiction  ;  naturelles  ,  fi  elles  nebleffentpas 
ta  vraifemhlance' poétique  ;  convenables  , 
libelles  font  accommodées  félon  les  règles 
de  cette:  vraifemblance ,  au  fexe  ,  à  la  naif- 
fànce  ,  à  la  dignité  /  au  mérite  perfonnel. . 

Il  en  eft  de  même  ,  à  proportion  •,,  des 
,vœux  ;  ils  doivent  être  naturels  ou  fe  ren^ 
fWmer.daas  la  vraifemblance  poétique  ;.&. 


femblance ,  relative  ,  fi  je  puis  m'exprimera 
ainfi  avec  M.  Souchai  ;  car  j'ai  tiré  toutes 


article  ,  d'un  de  fes  difcours  inféré  dans  le- 
recueil  de  l'académie  des  Belles  Lettres  tr 
&  je  ne  crois  pas  que  perfonne  ait  mieuxt 
traité  cette  matière. 

C'eft  peut-être  un  travail  en  pure  perte  ^ 
que  celui  de  notre  favant  ;  du  moins  on  a 
lieu  de  le  penfer ,  quand  on  confidere  à  quel; 
point  tout  le  monde  eft  dégoûté  de  ce  genre- 
de  poème  ,  foit  par  la  difficulté  du  fuccès  9 
foit  par  l'exemple  de  tant  de  gens  qui  y  ont 
échoué  avec  mépris  ,  foit  enfin  par  le  peu* 
d'honneur  qu'on  gagne  à  courir  dans  cette 
carrière:  il  eft  du  moins  certain  que  les  épi- 
thalames  font  tombés  dans  un  tel  difcrédit , 
que  les  Hollandois  qui  en  étoient  les  plus 
grands  protecteurs,  non-feulement  les  ontr 
abandonnés  mais  même  ont  pris  le  parti 
de  leur  fubftituer  des  eftampes  particuliè- 
res, qu'ils  appellent  de  ce  nom  ,  comme 
s'ils  penfoient  que  X épithalame  poétique  ne. 
pût  jamais  reftiifciter.  Art.  de  M.  le  Chtva- 
lier   DJB   JaucoURT.. 

EPITHALAME,  f.  f.  {Gravure)  Les  Gra- 
veurs de  Hollande,  comme   on  l'a  dit  dans> 
l'article  précédent  ,  appellent  épitkalames 
certaines  eftampes  faites  en  l'honneur  de 
quelques  nouveaux  mariés,  dans  lefquelles 
on  les  repréfente  avec  des  attributs  allégo- 
riques ,  convenables  à  leur  état  &  à  leur 
qualité  ;  on  y  joint  toujours  quelques  vers, 
à  Ieurlouange.  Il  n'y  a  que  les  perfonnes  ri- 
ches qui faflént cette dépenfe  ,  &  Ton  ne  tire- 
qu'un  très-petit  nombre  de  ces  eftampes ,., 
pour  les  diftrihuer  aux  païens  &  aux  amis  des 
mariés.  Quand  ce  nombre  eft  tiré  ,  on  dore, 
la  planche ,  que  l'on  met  enfuite  en  bordure ,, 
ce  qui  rend:  ces  fortes  de  pièces  fort  rares.. 

Perfonne  n'a  mieux  réufïi  dans  ce  genre; 
que  Bernard  Picart.  Sqs  épuhalames  font  les, 
morceaux  les  plus  gracieux  &  les  plusefti- 
mes  de  ce  maître.  Di3.  de  Peint. 

Cependant  on  a  lieu  de  leur  reprocher' 
d'être  quelquefois  fi  recherchés  en  allégo-- 
ries ,.  qu'ils  font.inintelligib!es;mais  en  gé- 
néral les  penfées  en  font  belles  &  pleines  de^ 
nobleffe  ;  d'ailleurs  la  netteté  &  la  propreté 
du  travail  cara&érifent  toujours  ce  célèbre; 
artifte.  Qn  ne  fait  plus  aujourd'hui  que  r©**- 


g  F  ï 

«copier  en  Hollande  les  eiîarapes  de  cet  ha- 
bile maître  ,  avec  quelques  légers  change- 
mens  dans  les  attributs  ,  pour  fournir  les 
épithalames  de  commande  ;  &  encore  la 
mode  en  eft  prefque  pa-flee,  parce  que  tout 
ce  qui  eft  de  mode  paiTe  très-vîte.  Article 
de  M.  le  Chevalier  de  J AU  court. 

EPITHEME  ,  f.  m.  (Pharmac.)  du  grec 
*Lwi8têi)fu  y  j'applique  ,  je  mets  dejfus  ,  nom 
générique  de  tout  remède  defliné  a  être 
appliqué  à  la  furface  du  corps, 

L'ufage  a  exclu  cependant  les  emplâtres 
<&  les  onguens  de  la  clafTedes  épithemes  vqui 
ne  comprend  que  les  remèdes  extérieurs, 
appliqués  fous  forme  liquide ,  fous  forme 
feche,  &  fousformede  bouillie. Les  épithe- 
mes des  deux  premières  efp.eces  font  beau- 
coup plus  connus  fous  le  nom  de.  fomenta- 
tion :voye[  FOMENTATION  &  ceux  de  la 
dernière  ,  fous  celui,  de  ca.tapla.fme,  ;  Vbye^ 
Cataplasme. 

Les  fomentations  appliquées  furie  cœur  ou 
fur  le  foie ,  font  fpécialement  déïignées  par 
îe  mot  Sépitheme  qui  eft  prefque  oublié  dans 
cette  acception  même,  comme  l'emploi  des 
fecours  de  ce  genre.  Voye^  Topique. 

Lefachet,  la  cucuphe  ,  &  la  demi-cu- 
cuphe ,  le  frontal ,  Pécufïbn. ,  &c.  font  des 
eipeces  à1  épithemes  fecs.  Voy.  ces  art,  (  b  ) 

ÉPITHETE  ,  f.  f.  terme  de  Grammaire  & 
de  Rhétorique  ,  du  grec  i&bfjjtru  ,  adjeâi- 
tius  y  accejfurius  ,  impofititius  ,  dont  le  neu- 
tre eft  jnr/3»xmf  ,  epithetum  ;  on     fous-en- 


tend  o*<w*  ,  nomen  ;  ainfi  ce  mot  ipitket* 
pris fubftantivement ,  veut  dire  nom  ajouté* 
Nos  pères  plus  voifins  de  la  fource,  fau- 
taient ce  mot  mafeulin  ,  mais  enfin  les  fem- 
mes &  les  perfonnes  fans  études  voyant  ce 
mot  terminé  par  un  e  muet ,  l'ont  fait  du 
genre  féminin  -,  &  cet  ufage  a  prévalu.  Le 
peuple  abufe  en  plufieurs  mots.de ce  que  l'e- 
muet  eft  fouvent  le  flgne  du  genre  féminin, 
fur-tout  dans  les  adjectifs  faim  ,  Jointe  f 
époux  ;  êpoufe  ;  ouvrier ,  ouvrière  y  &c. 

Encorfi  pour  rimer  dans  fa  verve  indiferete^ 

Ma  mufe  au  moins  Jouffrojt  une  froide  épi- 
thete. B'oil.  Sot..  (F) 

U  épithete  eft  un  terme  ajouté  à  celui  qui 
contient  l'idée  principale,  pour  reftraindre 
cette  idée  en  Pembeîliffant ,  c'eft-à-dire  , 
en  y  joignantune  énergie  efthétique.  Quand 
par  exemple ,  Haller  a  dit  en  décrivant  les 
amufemens  ruftiques  des  habitans  des  Al- 
pes :  là  vole  à  travers  Pair  ■divifé  une  lourde 
pierre  lancée  par  un  bras  vigoureux  jufqu'au 
but  preferit.  On  pourroit  omettre  ces  qua- 
tre épithstes  fans  rien  changer  à  l'efïentiel 
de  l'image  ;  mais  elles  fervent  à  rendre  l'i- 
dée principale  plus  fenfîble  par  les  idées 
accefToires  qu'elles  y  ajoutent. 

H  y  a  une  autre,  efpece  dy  épithetes  qu'on 
pourroit  nommer  gramaticales  ,  parce 
qu'elles  ne  font  que  ce  qu'on  nomme  en 
grammaire,  des  adjectifs,  (*)  Celles-ci  n'ont 
point  de  beauté  efthétique ,  mais  elles  fonr 


(*)  M.  Pabbé  Girard  n-a  point  fait  d'observation  fur  la  différence  qu'il  y  a  entre  épithete  Qc 
adjectif.  Il  femble  que  l'adjectiffoit  deftiné  à  marquer  les  propriétés  phyfiques  &  communes  de* 
objets  ,  &  que  \' épithete.  défigne  ce  qu'il  y  a  de  particulier  &  de  diftinctif  dans  les  perfonnes  &  dans 
les  chofes  ,  foit  en  bien  ,  îoit  en  mal  :  Louis  le  Bègue  ,  Philippe  le  Hardi  ,  Louis  le  Grand,  &c„ 
e'eft  en  partie  de  la  liberté  que  nos  pères  prenoient  de  dbnner  des  épithetes  aux  perfbnncs.,. 
qu'eft  venu  l'ufage  des  noms  propres  de  famille. 

Quand  le  fimple  adjectif  ajouté  a  un  nom  commun  ou  appellatif ,  le  fait- devenir  nom  propre, 
alors  cet  adjectif eft une  épithete  ;  urbs  ,  ville,  eu  un  nom  commun  ;  mais  quand  on  difoic 
magna  urbs  t.  on  entendoit  la  ville  de  Rome. 

Te  canit  agricola  ,  magnâcum  venerit  urie.         Tibul.7. 1.el.  7. 

Tous  les  adjectifs  qui  font  prie  en  un  fën s  figuré  ,  font  des  épithetes  ;  l'a  pâle  mort  y  une  vertç 
itieiïlefft. 

Les  adjectifs  patronymiques ,  .c'eft  -  a  -  dire  ,  tirés  du  nom  du  père  ou  de  quelqu'un  des 
ayeux font  des  épithetes-  Télamonias  Apax  ,  Ajax  fils-de  Telamon^JA^en  eft  de  mêmedesadjeclif* 
tirés  du  nom  de  la  patrie  ;  c'eft  ainfi  que  Pindare  eft  fouvent  appelé  le  poète  Thébain  ,  poëtM 
Tlvebanus  ;  Dyon  Syracufanus  y  Dyon  de  Syraçufe;,  6V.  Souvent  les  noms  patronymiques  fiant 
«mployés  fubftantivement  par-  antonomafe  ««t*  i%t%Kv  j  per  excellentiam.  C'eft  ainh  que  par 
ie.jphUofoçhe  ,  on  entend  Ar^ote^  &  par  le  poète  ,  on  défigne  EComere  ;  mais  alors  philofoplic  & 

Aaaaa  2. 


74o  EPI  EPI 

nccefTaires  à  l'intelligence  dudifcours  ',  par] cette  nature  ,  toute  épithete  eft  déplace' 


exemple  ,  enfant  gâté,  efprit  chagrin.  Sans 
elles  l'idée  principale  n'auroit  pas  la  déter- 
mination indifpenfable  pour  former  un 
fens  précis. 

A  ces  deux  efpeces  cY  épithetes  ,  il  faut 
enjoindre  une  troifieme  que  les  grammai- 
riens nomment  patronymique.  Ce  n'eft  exac- 
tement qu'un  titre  ajouté  au  nom  d'une 
perfonne  Tel  eft  hpius  JEneas  de  Virgile , 
le  !r*r.«*'Hp»f  d'Homère  ,  Ces  épiihetes 
reviennent  prefque  aufîi  fouvent  que  Je 
nom  propre  eft  allégué  ,  &  ne  font  point 
deftinées  à  embellir  le  difcours  ,  ou  à  lui 
donner  plus  d'énergie. 

Ce  but  ne  concerne  que  les  épithetes  efthé- 
tiques.  Celles-ci  ,  quand  elles  font  bien 
choifies  ,  font  la  principale  énergie  du  dif- 
cours ,  comme  dans  ce  paiTage  d'Horace  : 

Mi  robur  &  ces  triplex 
Cire  a  peclus   erat ,  qui  fragilem  truci 
Commifit  pelago  ratem. 

Les  mêmes  principes  qui  doivent  diriger 
tout  artifte  dans  l'embellifTement  de  fes 
ouvrages ,  fervent  aufli  à  déterminer  le  vé- 
ritable ufage  &  les  qualités  de  V épithete. 
On  donne  aifément  à  cet  égard  ,  ou  dans 
l'excès ,  ou  dans  le  défaut  ;  l'intelligence 
&  le  discernement  du  poète  fe  manifeltent 
dans  la  jufte  diftribution  de  ces  ornemens. 

Il  y  a  des  hommes  fi  illuitres  ,  que  leur 
nom  feul  vaut  le  plus  bel  éloge.  Il  y  a  de 
même  des  idées  qui  par  elles-mêmes  font 
fi  grandes  ,  fi  parfaitement  énergiques  , 
que  tout  ce  qu'on  y  ajouteroit  par  forme 
ôl  épithetes  pour  les  rendre  plus  fenfîbles ,  ne 
pourroit  que  les  arfoiblir.  Quand  Céfar  , 
au  moment  qu'on  le  poignarde ,  s'écrie  : 
Et  toi  aujft  Brutus  !  Quelle  épithete  jointe 
à  ce  nom  auroit  pu  ajouter  à  l'énergie  de 
cette  exclamation  ?  dans  tous  les  cas    de 


E!le  ne  l'eft  pas  moins  dans  les  cas  oppo- 
fés,  c'eft-à  dire,  lorfqu'il  s'agit  d  idées  fub- 
ordonnées  que  le  poète  n'emploie  que  pour 
la  liaifon  ,  &  qu'il  ne  laiiiè  entrevoir  que 
de  loin.  Le  peintre  place  fouvent  fur  l'ar- 
riére-fond  des  figures  îiblées  ou  des  grou- 
pes ,  fimplement  pour  remplir  quelques 
vuides  ,  ou  pourfarrondiflèment.  S'i;  leur 
donnoit  du  relief  par  des  coups  de  pinceau 
vigoureux  ,  il  manqueroit  fon  but ,  ces  fi- 
gures feroient  trop  d'effet  ,  &  détourne- 
roient  l'œil  des  objets  principaux  qui  doi- 
vent le  frapper.  Il  en  eft  de  même  des 
idées  accefToires  en  éloquence  &  en  poéfié  : 
il  ne  faut  pas  expofer  au  grand  jour  ce 
qui ,  de  fa  nature  ,  doit  refier  dans  le  loin- 
tain. Quand  le  poète  veut  nous  rendre  at- 
tentifs aux  exploits  de  fon  héros  ,  qu'il 
évite  de  tourner  notre  attention  pour  une 
épithete  déplacée  fur  le  bruit  de  fon  chariot  > 
ou  furie  hennifTement  de  fon  courfier. 

C'efl  fur- tout  lorfqu'on  fait  parler  les 
autres  ,  qu'il  faut  être  circonfped  dans 
l'ufage  des  épithetes. 

Il  faut  pefer  exactement  quelles  idées 
doivent  nécessairement  entrer  dans  lapen- 
fée  que  le  perfonnage  veut  exprimer,  & 
ne  lui  rien  prêter  au-delà.  Il  faut  fe  fou- 
venir  que  les  épithetes  ne  font  que  fubor- 
données  au  terme  principal  ;  fi  celui-ci 
dit  tout  ce  qu'il  y  a  à  dire  ,  eu  égard  au 
lieu  &  aux  circonftances,lV/>/Mere  eft  de  trop. 

On  remarque  ,  en  étudiant  les  révolu-; 
tions  du  bon  goût ,  que  dans  les  temps  an- 
ciens ,  comme  dans  les  modernes  ,  la  dé- 
cadence du  goût  a  toujours  été  annoncée 
parla  profufion  des  épithetes.  Dans  la  Grèce, 
chez  les  Romains  &  en  France  ,  aufli-tôt 
que  !e  beau  fiecle  de  l'éloquence  &  de  la 
poéfie  a  fait  place  â  l'amour  du  clinquant , 
on  a  vu  les  épithetes  fe  multiplier. 


poète  n'étant  point  joints  à  des  noms  propres  ,  font  pris  fubftantivement,  &  par  conféquent  ne 
font  point  des  épithetes. 

On  doit  ufer  avec  art  des  épithetes  ou  adjectifs;  on  ne  doit  jamais  ajouter  au  fubftantif  une  idée 
aceeflbire,  déplacée  ,  vaine,  qui  ne  dit  rien  de  marqué.  Les  épithetes  doivent  rendre  le  difcours 
plus  énergique.  M.  de  Fénelon  ne  fe  contente  pas  dédire  .  que  Y  orateur ,  comme  le  poète  ,  doit 
employer  des  figures  ,des  images  &  des  traits  y  il  dit  qu't'Z  doit  employer  des  figures  On«t'i.s  ,  des 
images  vives  ,  &  des  traits  hardis  ,  lorfque  lefujet  le  demande. 

Les  épiihetes  qui  ne  fe  p.éfentent  pasnaturellement,&  qui  font  tirées  de  loin,  rendent  le  difeour* 
froid&  ennuyeux.  On  ne  doit  jamais  fe  fer  vira' épithetes  parottentation  ;onn'en  doit  faire  ufage 
que  pour  appuyer  les  objets  fur  lefquels  on  veut  arrêter  l'attention.  (FJ 


EPI 

Pour  éviter  cet  excès ,  leur  ufage  doit  ' 
être  reftraint  aux  feuîs  cas  où  l'idée  princi- 
pale ne  fuffit  pas  pour  donner  à  la  penfée 
une  beauté  fenfible  ,  une  énergie  efthéti- 
que.  Et  afin  de  mieux  déterminer  ces  cas , 
il  eft  bon  de  fe  rappeler  qu'il  y  a  trois  ef- 
peces  d'énergie  eftHétique  ;  l'une  qui  rem- 
plit l'imagination  de  tableaux  frappans  , 
l'autre  qui  préfente  à  l'efprit  des  notions 
grandes  &  lumineufes  ;  &  la  troisième  qui 
excite  le  fentiment,  &  produit  les  mouve- 
mens  de  l'ame. 

C'eft  en  conféquence  de  l'un  ou  de  l'autre 
de  ces  trois  buts  qu'il  faut  choifïr  les  épithe- 
tes, félon  qu'on  fe  propofe ,  ou  de  peindre  à 
l'imagination ,  ou  d'éclairer  le  jugement  , 
ou  de  toucher  le  cœur. 

Les  épithetes  pittorefques,  prifes  de  cho- 
fes  fentibles ,  font  indifpenfabîes  lorfque 
l'orateur  ou  le  poète  veut  peindre  à  l'aide 
dudifeours.  Elles  fervent  ou  à  exprimer  di- 
verfes  petites  circonftances  qui  font  partie 
du  tableau ,  ou  à  épargner  des  deferip- 
tions  prolixes ,  qui  rendroient  le  difeours 
languifTant.  S'agit-il ,  non  de  peindre  ,  mais 
de  donner  à  une  penfée  un  tour  plus  fort , 
plus  nouveau  ,  plus  concis  ou  plus  naïf, 
c'eft  encore  à  l'aide  des  épithetes  qu'on  y 
parviendra  plus  aifément.  Enfin  ,  fi  l'on  fe 
propofe  de  toucher  le  cœur  ,  quel  que  foit 
le  genre  de  la  paflion  ,  rien  de  plus  efficace 
que  des  épithetes  bien  choifies  pour  exciter 
le  fentiment. 

Mais  autant  qu'elles  fervent  d'afTaifonne- 
ment  dans  tous  les  genres  de  l'énergie  ef- 
thétique  pour  donner  plus  de  force  à  la 
penfée  ,  autant  font-elles  infipides  lorf- 
qu'elles  n'ont  pas  ce  but.  Rien  n'eft  plus 
défagréable  qu'un  ftyle  renpîi  à' épithetes 
foibles ,  vagues  ou  oifeufes  ;  même  lors- 
qu'elles ne  font  pas  oifives ,  le  ftyle  ne 
laiffe  pas  d'être  mauvais  ,  fi  ces  épichetes 
expriment  des  idées  acceffoires,  qui  ne  font 
rien  au  but  principal ,  &  qui  ne  fervent  qu'à 
étaler  l'efprit  du  poète  ,  &  la  iingularité  bi- 
farre  de  fon  imagination. 

Comme  la  poéhe  en  général  parle  plus 
aux  fens  que  l'éloquence,  le  poète  fait  aufîi 
un  plus  fréquent  ufage  des  épithetes  que 
l'orateur  ;  mais  cette  considération  même 
doit  le  rendre  plus  réfervé  à  ne  les  pas  pro- 
diguer fans  néctffité.  Il  ne  doit  pas  fe  per- 


EPI(  74r 

mettre  de  les  employer  à  remplir  le  vers. 
La  longueur  des  vers  Alexandrins  eft  très- 
propre  à  l'entraîner  dans  cet  ufage  vicieux; 
&  il  ne  feroit  que  trop  aifé  d'en  rapporter 
plufîeurs  exemples , leur  grand  nombre  nous 
difpenfe  d'en  rapporter  ici.  (  Cet  article  efi 
tiré  de  la  Théorie  générale  des  Beaux- Arts  , 
de  M.  SULZEK.  ) 

*  EPITHRICADIES,  adj.  f.  prisfubft. 
(  Hift.  anc  )  fêtes  inftituées  en  l'honneur 
d'Apollon.  Il  ne  nous  en  eft  refté  que  le 
nom. 

EPITHYME  ,  (  Pharm.  Botan.  &  Mat. 
méd.)  Vbyei CUSCUTE. 

EPITIE  ,  f.  m.  (  Marine.  )  c'eft  un  petit 
retranchement  de  planches  fait  le  long  du 
côté  du  vaiftean  ,  pour  mettre  les  boulets. 
Il  porte  ce  nom ,  quoiqu'on  le  fafte  en  quel- 
qu'autre  endroit  du  vaifteau.  (  Z  ) 

*  EPITOGE,  f.f.  {Htji.  anc.  )  efpece  de 
manteau  qui  fe  mettoit  fur  la  toge.   Voyez 

Toge. 

h'épitoge  ne  nous  eft  pas  inconnu.  C'eft: 
ainfi  que  l'on  appeloit  le  chaperon  que  les 
préfidens  à  mortier  &  le  greffier  en  chef  du 
parlement  portoient  autrefois  fur  la  tête 
dans  les  grandes  cérémonies  ,  &  qu'ils  ne 
portent  plus  que  fur  l'épaule. 

EPITOIR,  f.  m.  inftrument  de  fer, 
pointu  &  quarré  ,  qui  fert  à  ouvrir  l'extré- 
mité d'une  cheville  de  bois ,  lorfqu'il  s'agit 
de  la  renfler  par  un  coin  qu'on  appelle 
épite* 

EPITOME,  f.  m.  (  Belles-Lettres.  )  abré- 
gé ou  réduction  des  principales  matières  d'un 
grand  ouvrage ,  reflerrées  dans  un  beaucoup 
moindre  volume. 

On  reproche  fouvent  aux  auteurs  d'épi- 
tome  y  que  leur  travail  occafionne  la  perte 
des  originaux.  Ainfi  on  attribue  à  l'épitome 
de  Juftin  ,  la  perte  de  l'hiftoire  univerfelle 
de  Trogue  Pompée  ;  &  à  l'abrégé  de  Flo- 
rus ,  celle  d'une  grande  partie  des  décades 
de  Tite-Live.  Voye[  les  raifons  fur  lefquel- 
les  eft  fondé  ce  reproche  ,  au  mot  Abrégé. 
(G) 

EPITRE  ,  f.  f.  (  Belles  Lettres.  )  ce  mot 
vient  du  grec  iwi9futt  &c  du  verbe  jcaa*  , 
f  envoie. 

Ce  terme  n'eft  prefque  plus  en  ufage  que 
pour  les  lettres  écrites  en  vers ,  &  pour  les 
dédicaces  des  livres. 


942  H  PI  EPI 

Quand  on  parle  des  lettres  écrites  pari     Boîleau  n'étoit  pas  de  cet  avis  ;  il  lui  erf 


des  auteurs  modernes  ou  dans  des  langues 
vivantes ,  &  fur-  tout  en  profe ,  on  ne  fe 
fert  point  du  mot  épître:  ainfi  l'on  dit ,  les 
lettres  du  cardinal  d'Ojfàt ,  de  Baisai  ,  de 
Voiture  y  de  madame  de  Sévigné  ,  &  non  pas 
les  épltrtsdu  cardinal  d'Oflat,  de  Balzac,^. 

Au  contraire  on  fe  fert  du  mot  épître, 
en  parlant  des  lettres  écrites  pardes  anciens, 
ou  dans  une  langue  ancienne  ;  ainfî  l'on  dit 
les  épîtres  de  Cicéron  ,  de  Séneque  ,  &C  II  eft 
pourtant  vrai  que  les  modernes  fe  font  fer- 
vis  du  terme  de  lettres ,  en  parlant  de  celles 
de  Cicéron  &  de  Pline. 

Le  mot  épître  parôît  encore  plus  particu- 
lièrement reftraint  aux  écrits  de  ce  genre  , 


coûta  de  retrancher  la  fable  de  l'huître, 
qu'il  avoir  mife  à  la  fin  de  fa  première  épître 
au  roi  ,  pour  délaffer ,  difoit-il ,  des  leSeurs 
quun  fublime  trop  (éri 'eux  peut  enfin  fatiguer. 
II  ne  fallut  pas  moins  que  le  grand  Condé* 
pour  vaincre  la  répugnance  du  poète  à  fa- 
crifier  ce  morceau. 

En  général ,  les  défauts  dominans  des  épi* 
très  de  Boileau  font  la  fécherefle  &  la  ftéri- 
lité,  des  pîaifanteries  parafites,  des  idéet 
fuperficielles,  des  vues  courtes ,  &  de  petits, 
deflèins.  On  lui  a  appliqué  ce  vers  : 

Dans  J on  génie  étroit  il  ejl  toujours  captif. 


en  matière  de  religion  ;  ainfi  Pon  dit  les 
épîtres  de  S.  Paul ,  de  S.  Pierre  ,  de  S.  Jean , 
&  non  les  lettres  de  S.  Paul  ,  &c.  (  G  ) 

On  attache  aujourd'hui  à  Yépître  l'idée 
de  la  réflexion  &  du  travail ,  &  on  ne  lui 
permet  point  les  négligences  de  la  lettre. 
Le  ftyle  de  la  lettre  eft  libre  ,  fimple  ,  fa 
jnilier.  L' 'épître  n'a  point  de  ftyle  déterminé; 
elle  prend  le  ton  de  fonfujet ,  &  s'élève  ou 
s'abaiftë  fuivantle  caractère  des  personnes. 
JJépître  de  Boileau  à  Ion  jardinier ,  exigeoit 
le  ftyle  le  plus  naturel  ;  ainfi  ces  vers  y  font 
déplacés ,  fuppofé  même  qu'ils  neibient  pas 
mauvais  par- tout. 

Sans  cejfe  pourfuivant  ces  fugitives  fées , 
On  voit  fous  les  lauriers  haleter  les  OrpHées. 


Boileau  avoit    oublié   en  les  compofant , 
qu'Antoine  devoir  les  entendre. 

\J  épître  au  roi  fur  le  partage  du  Rhin , 
exigeoit  le  ftyle"  le  plus  héroïque  :  ainfi  l'i- 
mage grotefque  du  fleuve  cffuyantfa  birbe  , 
y  choque  l'a  décence.  Virgile  a  dit  d'un 
genre  de  poéfie  encore  moins  noble ,  fylvcs 
Jint  confule  dignœ. 

Si  dans  un  ouvrage  adrelîé  à  une  perfonne! 
jlluftre  on  doit  annoblir  les  petites  choies,  à 
plus  forte  raifon  n'y  doit  -  on  pas  avilir  les 
grandes  ,  &  c'eft  ce  que  fait  à  tout  moment 
dans  les  épîtres  de  Boîleau  le  mélange  deCo- 
tinâvec  Louis  le  Grand,du  fucre  &  de  la  en- 
nelle  avec  la  gloire  de  ce  héros.Un  bon  mot 
eft  placé  dans  une  épître  familière  ;  dans  une 
épître  férieufe  &  noble  il  eft  du  plus  mau- 
vais §9ûr, 


Son  mérite  eft  dans  le  choix  heureux  deg 
termes  &  des  tours.  Il  fe  piquoit  fur-tout  de 
rendre  avec  grâce  &  avec  noblefle  des  idées 
communes ,  qui  n'avoient  point  encore  été 
rendues  en  poéfie.  Une  des  chofes  ,  par 
exemple,  qui  le  fiattoierrt  le  plus,  comme 
il  l'avoue  lui-même  ,  étoit  d'avoir  exprima 
poétiquement  fa  perruque. 

Au  contraire,  la  bafîe(re'&  la  bigarrure 
du  ftyle  défigurent  la  plupart  des  épîtres  de 
Rouffeau.  Autant  il  s'eft  élevé  au  deffusds 
Boîleau ,  par  fesodes ,  autant  il  s'eft  mis  au 
defîous  de  lui  par  fes  épîtres. 

Dans  Y  épître  philofophique ,  la  partie  do- 
minante doit  être  la  juftefte  &  la  profonf- 
deur  du  raifonnement.  C'eft  un  préjugé 
dangereux  pour  les  poètes  &  injurieux  pour 
la  poéfie ,  de  croire  qu'elle  n'exige  ni  une 
vérité  rigoureufe  ,  ni  une  progreifion  mé- 
thodique dans  les  idées.  Nous  ferons  voir 
ailleurs  que  les  écarts  même  de  l'enthou- 
fiafme  ne  font  que  la  marche  régulière  de 
la  raifon.  Voy.  Ode  &  Enthousiasme. 

Il  eft  encore  plus  inconteftable  que  dans 
Yépitre  philofophique  on  doit  pouvoir  pref- 
fer  les  idées  fans  y  trouver  le  vuide  ,  <âL  les 
creufer  fans-  arriver  au  fond.  Que  fecoit-ce 
en  effet  qu'un  ouvrage  raifbnné,  où  l'on  ne 
ferait  qu'effleurer  l'apparence  fupéificielle 
des  chofes  ?  un  fophifme  revêtu  d'une  ex*. 
preftion  brillante ,  n'eft  qu'une  figure  bien 
peinte  &  mal  defilnJe  ;  prétendre  que  I* 
poéfie  n'a  pas  befoin  de  l'exa&itude  philo> 
îophique ,  c'eft  donc  vouloir  que  la  peinture 
puifte  fe  pafter  de  la  correction  du  deftehiw 
Or,  qu'onmetteà  l'épreuve  de  l'application 


I  p  I 

«fe  ce  principe  les  épîtres  de  Boîfeati,ceÏÏes 
de  Rouflèau  ,  &  celles  de  Pope  lui-même. 
Boileau  ,  dans  fon  épure  à  M.  Arnaud  ,  at- 
tribue tous  les  maux  de  l'humanité  à  la  honte 
du  bien..  La  mauvaife  honte  ou  plutôt  la  foi- 
bleffe  en  général  produit  de  grands  maux  : 

Tyran  qui  cède  au  Crime  &  détruit  les  vertus. 

Henriade. 

Voilà  le  vrai.  Maïs  quand  on  ajoute  ,  pour 
le  prouver  ,  qu'Adam ,  par  exemple,  n'a  été 
malheureux  que  pour  n'avoir  ofé  foupçonner  fa 
femme  ;  voilà  de  la  déclamation.  Le  defïr  de 
la  louange  &  la  crainte  du  blâme  produifent 
tour  à  tour  des  hommes  timides  ou  coura- 
geux dans  le  bien  ,  foibles  ou  audacieux 
dans  le  mal  ;  les  grands  crimes  &  les  grandes 
vertus  émanent  fouvent  de  la  même  fource  : 
quand?  &  comment  ?  &  pourquoi  ?  voilà  ce 
qui  feroit  de  la  philofophie.   . 

Dans  Vépître  à  M.  de  Seignelay ,  la  plus 
eftimée  de  celles  de  Boileau  ,  pour  demaf- 
quer  la  flatterie ,  le  poète  la  fuppofe  ftupide 
&  grofïiere ,  abfurde  &  choquante  au  point 
de  louer  un  général  d'armée  fur  fa  défaite  , 
&  un  miniftre  d'état  fur  fes  exploits  mili- 
taires ;  eft-ee  là  préfenter  le  miroir  aux  flat- 
teurs ?  Il  ajoute  que  rien  n'eft  beau  que  le 
vrai;  mais  confondant  l'homme  qui  fe  cor- 
rige avec  l'homme  oui  fe  déguife  ,  il  con- 
clut qu'il  faut  fuivre  fa  nature. 

Cefi  elle  feule  en  tout  qu'on  admire  &  qu'on 

aime. 
Un  efprit  né  chagrin ,  plaît  par  fon  chagrin 

même. 

Sur  ce  principe  vague  ,  un  homme  né  gref- 
fier plaira  donc  par  là  grofliéreté  ,  un  im- 
pudent par  fon  impudence  ?  &c. 

Qu'auroit  fait    un    poète    philofophe  ? 

'auroit  fait  par  exemple  ,  l'auteur  des 
difcours/ùr  l'égalité  des  conditions  &  fur  la 
modération  dans  les  defirs  /  Il  auroit  pris 
fe  naturel  inculte  &  brute  ,  comme  il  1  eft 
toujours  :  il  l'auroit  comparé  à  l'arbre  qu'il 
faut  tailler  ,  émonder  ,  diriger ,  cultiver , 
enfin  ,  pour  le  rendre  plus  beau ,  plus  fé- 
cond &  plus  utile.  Il  eût  dit  a  l'homme: 
»  ne  veuillez  jamais  paroître  ce  que  vous 
n>  n'êtes  pas  ,  mais  tâchez  de  devenir  ce 


qu 


EPI  74* 

n  que  vous  voulez  paroître  :  quel-  que  foie 
»  votre  caractère ,  il  eft  voifin  d'un  certain 
n  nombre  de  bonnes  &  de  mauvaifes  quali- 
tés; fi  la  nature  a  pu  vous  incliner  aux 
»  mauvaifes  ,  ce  qui  eft  du  moins  très-dou- 
»  teux ,  ne  vous  découragez  point ,  &  op- 
»?  pofez  à  ce  penehant  la  contention  de  I'ha- 
»  bitude.  Socrate  n'étoit  pas  né  fage ,  &  fon 
»  naturel  en  fe  redreffant  ne  se  toit  pas  eflro* 
>j  pié  ». 

On  n'a  befoin  que  d'un  peu  de  philofophier 
pour  n'en  trouver  aucune  dans  les  épîtres  de 
Rouflèau.  Dans  celle  à  Clément  Marot ,  ih 
avoit  à  développer  &  à  prouver  ce  principe 
des  Stoïciens ,  que  Terreur  efl  la  fource  de 
tous  les  vices,  c'eft-à-dire,  quon  n'eft  méchant 
que  par  un  intérêt  mal  entendu.  Que  fait  le 
poète  ?  il  établit  qu' un  vaurien  eit  toujours 
unfotfous  le  ma/que  ;  au  lieu  de  citer  au  tri- 
bunal de  la  raifon  un  Ariftophane  ,  un  Cari- 
lina ,  un  NarchTe  qu'il  auroit  bien  eu  de  la 
peine  à  faire  pafler  pour  d'honnêtes  gens  , 
ou  pour  des  fots  ;  il  prend  un  fat ,  mauvais 
plaifant ,  dont  l'exemple  ne  conclut  rien T 
&  il  dit  de  ce  fat,  plus  fot  encore  : 

A  fa  vertu  je  n'ai  plus  grande  foi 

Qu'à  fon   efprit.   Pourquoi    cela  ?  Pour" 

quoi  ? 
Quejl-ce  qu1  efprit  ?  Raifon  qffaifonnée  > 

Qui  dit  efprit ,  ditfel  de  la  raifon  : 

De  tous  les  deux  fe  forme  efprit  parfait  y 
De  îun  fans  Vautre  un  monjlre  contrefait.- 
Or  quel   vrai  bien  d'un    monjlre  peut  -  itl 

■naître  ? 
Sans  la  raifon  puis  je  vertu  connoître  ?' 
"Et  fans  le  fei 'dont  il  faut  l'apprêter  , 
Puisse  vertu  faire  aux  autres  goûter  ? 

PafTons  fur  le  ftyle  ;  quelle  logique  !' 
La  raifon  fans  fel  fait  un  monjlre ,  incapable- 
de  tout  bien  :  pourquoi  ?  parce  qu'elle  eft 
fade  nourriture  ,  quelle  n'affaifonne  pas  la 
|  vertu  ,  &  ne  la  fait  pas  goûter  aux  autres.. 
D'où  il  conclut  qu'un  homme  qui  n'a  que 
de  la  raifon  ,  &  qu'il  appelle  un  fotf  ne 
fauroit  être  vertueux.  Molière  ,  le  plus- 
philofophe  de  tous  les  poètes ,  a  fait  un 
honnête  homme  d'Orgon  ,  quoiqu'il  n'err 
ait  fait  qu'un  fot ,,  &  n'a  pas.  fait  un  fot  d& 


744  EPI 

Tartuffe  ,  quoiqu'il  n'en  ait  fait  qu'un  mé- 
chant homme. 

Pope  ,  dans  les  épîtres  qui  compofent  fon 
effai  fur  l'homme  ,  a  lait  voir  combien  la 
poéfie  pouvoit  s'élever  fur  les  ailes  de  la 
philofophie.  C'eft  dommage  que  ce  poète 
n'ait  pas  eu  autant  de  méthode  que  de 
profondeur.  Mais  il  avoit  pris  un  fyftême, 
il  falloit  le  foutenir.  Ce  fyftême  lui  offroit 
des  difficultés  épouvantables;  il  falloit  ou 
les  vaincre  ou  les  éviter  :  le  dernier  parti 
étoit  le  plus  sûr  &  le  plus  commode  ;  aufli , 
pour  répondre  aux  plaintes  de  l'homme  fur 
les  malheurs  de  fon  état,  lui  donne-t-il  le 
plus  fouvent  des  images  pour  des  preuves, 
&  des  injures  pour  des  raifons.  Article  de 
M.  Marmontei. 

Épître  DÉDICATOIRE.   Il  faut  croire 
que  l'efiime  &  l'amitié  ont  inventé  Vépître 
dédicatoire,  mais  la  baftefTe  &  l'intérêt  en 
ont  bien  avili  l'ufage  :  les  exemples  de  cet 
indigne  abus  font  trop  honteux  à  la  Litté- 
rature pour  en  rappeler  aucun  ;  mais  nous 
croyons  devoir  donner  aux  auteurs  un  avis 
qui  peut  leur  être  utile  ,  c'eft  que  tous  les 
petits  détours  de  la  flatterie  font  connus. 
Les  marques  de  bonté  qu'on  fe  flatte  d'avoir 
reçues,  &  que  le  Mécène  ne  fe  fouvient  pas 
d'avoir  données  ;  l'accueil  favorable  qu'il  a 
fait  fans  s'en  appercevoir  ;  la  reconnoi (Tance 
dont  on  eft  fi  pénétré  ,  &  dont  il  devroit 
être  furpris  ;  la  part  qu'on  veut  qu'il  ait  â  un 
ouvrage  dont  la  lecture  l'a  endormi  ;  fes 
ayeux   dont  on  lui  fait  l'hiftoire  fouvent 
chimérique  ;  fes  belles  actions  &  fes  fubli- 
mes  vertus  qu'on  paiîe  fous  filence  pour  de 
bonnes  raifons  ;  fa  générofité  qu'on  loue 
d'avance  ,  &c.  toutes  ces  formules    font 
ufées  ,   &   l'orgueil  qui  eft  fi   peu  délicat , 
en   eft  lui-même    dégoûté.    Monfeigneur  , 
écrit  M.  de  Voltaire  à  l'électeur  Palatin  ,  le 
Jîyle  des  dédicaces  ,  les  vertus  du  protecteur  , 
&  le  mauvais  livre  du  protégé ,  ontjouvent  en- 
nuyé h  public. 

Il  ne  refte  plus  qu'une  façon  honnête  de 
dédier  un  livre  :  c'eft  de  fonder  fur  des  faits 
la  reconnoiifance, l'efiime,  eu  le refpecl  qui 
doivent  juftifier  aux  yeux  du  public  i'hom- 
mage  qu'on  rend  au  mérite.  Cet  article  eft  de 
M.  Marmont EL. 

#  ÉPÎTRE ,  (  Hifi.  ecclef.  )  Ceft  une  des  par- 
ties de  la  MelFe ,  &  qui  précède  l'Evangile  ; 


E    P  I 

ou  plutôt  c'eft  cette  partie  de  la  Méfie 
chantée  aujourd'hui  par  le  fous-diacre  ,  un 
peu  avant  l'évangile ,  &  qui  eft  un  texte  de 
l'écriture  fainte.  Cette  partie  de  l'écriture 
fainte  n'eft  jamais  prife  des  quatre  évangi- 
les, mais  de  quelque  endroit  de  la  bible , 
&  fouvent  des  épîtres  de  S.  Paul ,  ou  de 
celles  des  autres  apôtres,  ce  qui  lui  a  faic 
donner  le  nom  d'épître. 

Pour  connoître  l'origine  de  Vépître  &  l'u- 
fage de  Péglife  à  cet  égard  ,  il  faut  remar- 
quer que  les  juifs  faifoient  lire  dans  leurs 
fynagogues  quelques  endroits  de  la  loi  Se 
des  prophètes ,  particulièrement  dans  les 
jours  du  fabbat.  Les  chrétiens  conferverenc 
parmi  eux  cette  coutume  ;  ils  commen- 
çoient  la  célébration  de  l'Éuchariftie  par  la 
Iedure  des  faintes  écritures  ,  félon  le  témoi- 
gnage de  Tertullien  dans  fon  Apologétique  ; 
&  comme  les  actes  des  apôtres  &  les  épîtres 
de  S.  Paul  contenoient  de,  grands  exem- 
ples &  des  inftruclions  très-utiles ,  on  lî- 
foit  ordinairement  quelques  endroits  de  l'un 
&  de  l'autre  ,  mais  le  plus  fouvent  des  épi-, 
très  de  S.  Paul ,  en  forte  que  par  une  efpece 
d'habitude ,  on  a  donné  à  cette  lecture  le 
titre  cV épître. 

Quelques  auteurs  ont  obfervé  ,  que  lorf- 
que  l'on  lit  un  endroit  des  épîtres  de  S.  Paul , 
on  commence  par  ce  mot ,  Fratres  ,  parce 
que  cet  apôtre  appeloit  ainfi  ceux  à  qui  i! 
écrivoit  :  &  quand  on  lit  quelques  partages 
de  l'ancien  &:  du  nouveau  teftament,  on 
dit  toujours  in  diebus  illis. 

Cette  lecture  introduifit  l'ordre  des  lec- 
teurs ,  dont  la  fonction  a  cependant  cefTé 
depuis  quelques  fiecles  dans  Péglife  catho- 
lique ,  où  la  lecture  a  été  attribuée  aux 
fous-diacres.  Fleury ,  Hijî.  eccl.  Di3.  de  Ri- 
chelet  &  de  Trév.  Article  de  M.  le  chevalier 
DE  lAUCOURT. 

ÊPITRITE  r  f.  m.  (  Belles-Lettres.  )  eft 
un  pié  compofé  de  quatre  fyllabes,  trois 
longues  &  une  brève.  Voye{  PiÉ. 

Les  grammairiens  comptent  quatre  for- 
tes cVépitrites  :  le  premier  eft  compofé  d'un 
iambe  &  d'un  fpondée:  comme  fulùtàntës  , 
le  fécond  d'un  trochée  &  d'un  fpondée  , 
comme  concuatï\  le  troifieme  d'un  fpondée 
&  d'un  iambe  ,  comme  commùnîcSns  ;  & 
le  quatrième  d'un  fpondée  &  d'un  trochée , 
comme  î/içantarë,  {G) 

ÊPITRITE  , 


EPI  E  P   L  74f 

ÉplTRIÎE,  (Mufique.)   étoît    chez  les  cz\m  àe  procurât  or  :  c'eft-à-dire,   que  ce 


'Grecs  le  nom  d'un  rapport ,  appelé  autr 
mène  raifon  fefqui-tierce  ,  &  qui  eft  celui 
de  3  à  4,  ou  de  la  quarte.  Voy.  QUARTE. 
C'étoit  aufti  le  nom  d'un  des  rhytmes 
de  leur  mufique,  duquel  les  deux  temps 
étoient  entr'eux  dans  ce  même  rapport.  Voy. 
Rhytme.  (sy 

EPITROPE  ,  f.  f.  figure  de  Rhétorique  , 
appele'e  par  les  Latins  concejjîo ,  par  laquelle 
l'orateur  accorde  quelque  chofe  qu'il  pour- 
roit  nier ,  afin  que  par  cette  marque  d'im- 
partialité ,  il  puiil'e  obtenir  à  fon  tour  qu'on 
lui  accorde  ce  qu  il  demande. 

Ainfi  M.  Defpréaux  a  dit  de  Chapelain 
par  épier  ope  : 

Quon  vante  en  lui  la  foi  >    (honneur  ,  la 

probité  ; 
Qu'on  prifefa  candeur  &fa  civilité  : 
Quil  foit    doux  ,     complaijant  ,    officieux  , 

finecre  ; 
On  le  veut ,  fyÇoufcris ,  &  fuis  prêt  de  me  tairz. 
Mais  que  pour  un  modèle  on  montre  fes  écrits , 
Qu  il  foit  le  mieux  rente  de  tous  les  beaux 

ef'prits  ; 
Comme  roi  des  auteurs ,  qu'on  C  élevé  a  tem- 

P're  ' 
Ma  bile  alors  s'échauffe ,  &je  brûle  cC  écrire. 

Sat.  jx>  vziz.  (G) 

ÉpiTROPE  ,  f.  m.  (Hijl.  mod.)  forte  de 
■juge  ,  ou  plutôt  d'arbitre  que  les  chrétiens 
•Grecs ,  _qui  vivent  fous  la  domination  des 
Turcs ,  choififfent  dans  plufîeurs  villes  pour 
terminer  les  différends  qui  s'élèvent  entre 
eux ,  &  pour  éviter  de  porter  ces  différends 
-devant  les  magiftrats  Turcs. 

Il  y  a  dans  chaque  ville  divers  épitropis  : 
M..  Spon  remarque  dans  fes  voyages  qu'à 
Athènes  il  y  en  a  huit ,  qui  font  pris  des 
différentes  paroiffes  &  appelés  vecchiardi , 
c'eft-à-dire,  vieillards.  Mais  Athènes  n'eft 
pas  le  feul  endroit  où  il  y  ait  des  épitropes  : 
il  y  en  a  dans  toutes  les  iiles  de  l'Archipel. 

Quelques  auteurs  latins  du  cinquième 
fiecle  appellent  épitropi ,  ceux  qu'on  appe- 
1oit  plus  anciennement  villici ,  &  qu'on  a 
-dans  la  fuite  appelé  vidâmes.  Voy.  VlDAME. 
Dans  des  temps  encore  plus  reculés  ,  les 
■Grecs  empioyoicnt  le  terme  ivn ?<!■&<>*  dans 


mot  fignifioit  chez  eux  un  commiffionnaire* 
ou  intendant  Voye^  Procurator. 

Ainfî  les  commifTionnaires  des  provifions 
dans  les  armées  des  Perfes  font  appelés 
épitropi  par  Hérodote  &  Xénophon  :  dans 
le  nouveau  Teftament ,  *V<t^V«?  lignifie  le 
jteward  ou  fupérieur  d'une  mai  fon  ,  que  la 
vulgate  traduit  par  procurator.  Voye^  kdicl. 
de  Trévoux  &  Chambers.  (G) 

EPLAIGNER,  voyt^  Lainer. 

EPLOYÉ  ,  adj.  en  terme  de  B  la  fon ,  fe 
dit  des  oifeaux  qui  ont  leurs  ailes  étendues , 
&  particulièrement  de  l'aigle  de  l'Empire  , 
à  caufe  de  la  tête  &  du  cou  ,  qui  étant  ou- 
verts &  féparés ,  représentent  deux  cous  & 
deux  têtes. 

Ronchival  en  Beaujolois ,  d'or  à  l'aigle 
éployé  de  gueules ,  membre  &  béqué  d'azur. 

*  ÉPLUCHER  ,  v.  ad.  dans  plufîeurs 
arts  mécaniques ,  c'eft  nettoyer  d'ordures 
avec  une  attention  fcrupuleufe.  Il  fe  dit  en 
jardinage  d'un  plan  qu'on  dégage  avec  la 
ferfouette  des  herbes  inutiles;  il  ledit  dans 
les  manufactures  en  laines ,  en  foie ,  6>c.  d'u- 
ne étoffe  dont  on  enlevé  toutes  les  ordures  ; 
&  cette  opération  s'appelle  l'épluchage.  Il  y  a 
l'épluchage  des  laines  comme  celui  des  draps  ; 
il  fedit  dans  les  verreries,  de  la  terre  qu'on 
emploie  à  faire  les  pots ,  &  de  la  féparation 
des  ordures  ;  ce  font  des  femmes  qu'on  em- 
ploie à  cet  ouvrage  ,  &  qu'on  appelle  éplu- 
cheufes  ;  ce  qu'elles  féparent  de  la  terre  s'ap- 
pelle éplucha ge  ;  on  épluche  les  foies  de  chaî- 
ne &  de  trame;  on  épluche  les  ouvrages  qui 
en  font  faits  ,  en  ôtant  toutes  les  bourres 
qui  reftent  fur  l'ouvrage,  aux  lifieres ,  ùc. 
Les  chapeliers  épluchent  les  peaux  de  cafior, 
&  l'épluchage  s'appelle  le  jarre.  Vcye^  CHA- 
PELIER. Eplucher ,  chez  les  Vanniers  ,  c'eft 
couper  tous  les  bouts  d'ofier  qui  excédent 
l'aire  d'une  pièce  ,  quand  elle  eft  faite,  &c. 

EPLUCHOIR,  f.  m.  (terme  de  Vannier.) 
C'eft  une  lame  d'acier  affez  forte,  triangu- 
laire ,  émouffée  vers  la  pointe ,  &  montée  à 
virole  fur  un  manche  de  bois  -,  on  s'en  fert 
pour  parer  l'ouvrage  ,  en  coupant  toutes  les 
extrémités  des  ofters  qui  hérilfent  la  furface. 
I!  y  a  des  éoluchoirs  de  plufieurs  grandeurs. 
ÉPODE.f.  f.  (Poéfie  anc.)  efpcce  de 
poéde  des  Grecs  &  des  Latins.  Mais  dévo- 


ie même  fens  que  les  Latins  empîoyoient  loppons  l'ambiguïté  du  mot  épode ,  dont  Its 
Tvme  XII.  B  bbbb 


74*  E   P   O 

diverfes  fignifications  ont  caufe  des  débats 
entre  les  littérateurs. 

i°.  On  appeloit  épode  chez  les  Grecs  un 
afTemblage  de  vers  lyriques  ,  ou  la  dernière 
fiance  qui,  dans  les  odes,  fe  chantoit immé- 
diatement après  deux  autres  ftances  nom- 
mées firophe  &  aniifirophe.  Ces  trois  fortes 
de  ftances  fe  répétoient  ordinairement  plu- 
fîeurs  fois  fuivant  ce  même  ordre ,  dans  le 
cours  d'une  feule  ode  ,  &  le  nombre  de  ces 
répétitions  rempliffoit  l'étendue  de  ce  poè- 
me. La  ftrophe  &  l'antiftrophe  contenoient 
toujours  autant  de  vers  l'une  que  l'autre,  & 
pouvoient  par  conféquent  fe  chanter  fur  le 
même  air.  IJèpcde ,  tantôt  plus  longue ,  tan- 
tôt plus  courte,  leur  étoit  rarement  égale  ; 
elle  devoit  donc,  pour  l'ordinaire,  fe  chan- 
ter fur  un  air  différent  :  elle  terminoit  le 
chant  de  ce  que  les  Grecs  nommoientpérro- 
de ,  &  de  ce  que  nous  pourrions  appeler 
un  couplet  de  trois  ftances  ,  ÔC  elle  en  faifoit 
comme  la  clôture  ;  c'eft  aufîi  de  cette  cir- 
constance que  lui  venoit  fon  nom  ,  dérivé 
du  verbe  w*9fe» ,  chanter  par  dejfus  ,  chan- 
ter à  la  fin.  Après  avoir  chanté  le  premier 
couplet  de  l'ode  compofé  de  ces  trois  ftan- 
ces ,  on  chantoit  le  fécond  ,  puis  le  troifîe- 
me  ,  &  ainfi  des  autres.  Prefque  toutes  les 
odes  de  Pindare  fournirent  des  preuves  de 
ce  que  l'on  vient  d'avancer. 

zv.  On  donnoit  le  nom  &  épode  à  un  petit 
poème  lyrique  compofé  de  plufteurs  difti- 
ques ,  dont  les  premiers  vers  étoient  autant 
d'iambes-trimetres  ,  ou  de  fix  pies ,  &  les 
derniers  étoient  plus  courts ,  &  feulement 
àes  iambes-dimetres  ou  de  quatre  pies.  De 
c|e  genre  étoient  les  épodes  d'Archiloque , 
c'eft-à-dire ,  ces  pièces  dans  lefqueiles  ce 
poète  fatirique  déchiroit  impitoyablement 
Lycambe  ,  Néobulé  fa  fille ,  &  plufieurs  de 
fes  parens  diftingués  par  leur  nailTance  ou 
par  leurs  emplois. 

S'il  en  faut  croire  Victorinus  le  grammai- 
rien ,  c'étok  proprement  le  petit  vers  qui 
s'appelait  épode  ,  pa-ce  qu'il  terminoit  le 
fens  du  diflique  ,  de  même  que  V épode  des 
odes  en  finiflbit  le  chant.  Ce  grammairien 
ajoute  que  chaque  vers  trimetre  ne  doit 
point  fe  faire  entendre  fans  être  fuivi  du 
petit  vers  dimetre  ,  qui  en  fait  comme  la 
côture  &  le  complément. 

3°.  Le  grammairien  poète  Terentianus 


E   P  O 

'  attribue  le  nom  çY  épode  à  un  demi- vers  clé- 
giaque ,  &  Viâorinus  lui-même  va  juf- 
qu'à  prodiguer  cette  dénomination  au  petit 
vers  odonien  mis  après  trois  vers  faphiques, 
&  de  plus  à  un  petit  poème  compofé  de  plu- 
fleurs  vers  adoniens  rangés  de  fuite. 

4y.  Enfin  on  a  étendu  la  lignification  du 
mot  épode  ,  jufqu'à  défigner  parla  tout  petit 
vers  mis  à  la  fuite  d'un  ou  de  plufieurs 
grands  :  en  ce  fens  le  pentamètre  eït  le  vers 
épode  après  Phexamecre  qui  eft  le  proodique. 

Si  l'on  demandait  à  préfent  ce  que  ligni- 
fient ces  mots ,  liber  epodon ,  que  porte  le 
livre  V  ,  des  odes  d'Horace ,  je  répondrois 
que  ce  livre  a  pris  ce  nom  de  l'inégalité  des 
vers  ,  rangés  de  manière  que  chaque  grand 
vers  eft  fuivi  d'un  petit,  qui  en  eft  le  com- 
plément ou  la  claufule.  Quand  donc  le  li- 
vre V ,  des  odes  d'Horace ,  eft  intitulé  liber 
epodon  ,  livre  des  épodes  ,  c'eft-à-dire  ,  liber 
ver{uum  epodon  ,  livre  de  vers  épodes  ,  livra 
où  chaque  grand  vers  de  l'ode  eft  fuivi  d'un 
petit  vers  qui  termine  le  fens;  &  cependant 
les  huit  dernières  odes  de  ce  livre  ne  font 
point  du  cara&ere  épodique  des  dix  pre- 
mières. Article  de  M.  le  Chevalier  de 
Jaucourt. 

Épodes,  (Mufique.)  chant  des  anciens 
chœurs  des  Grecs ,  qu'ils  exécutoient  fans  fe 
mouvoir  ,  pour  repréfenter  l'immobilité  de 
la  terre  qu'ils  croyoient  fixe.  Voy.  BALLET  y 
Chœurs,  Danse.  (B) 

EPOINTÉ  ,  adj...  (  Manège  ,  Maréchal- 
lerie.)  cheval  épointé.  Cette  épithete  ala  mê- 
me fignification  que  celle  déhanché.  Voye^ 
EHANCHÉ.    (e) 

EPOINTER,  V.  »&  (Relieur.)  c'eft 
racler  avec  un  couteau  ordinaire  les  bouts 
des  ficelles  avec  lefqueiles  les  livres  font 
coufus,  afin  de  pouvoir  les  coller  &  les 
paffer  en  carton. 

ÉPOIS ,  f.  m.  pi.  (Vénerie.)  cors  qui 
font  au  fommetde  la  tête  du  cerf;  il  y  ades 
épois  de  coronure,  de  paulmure,de  tro- 
chure  &  d'enfourchure. 

*  EPONE  ,  f.  f.  (Mythol.)  déefTe  tuté- 
laire    des  muletiers. 

ÉPONGE  „f.  f.  (fiangia)  (Rijï.nat.} 
fubftance  légère  ,  mol!e  &  très-poreufe ,  qui 
s'imbibe  d'une  grande  quantité  d'eau  à  pro* 
portion  de  fon  volume.  On  avoit  mis  IV*» 
ponge  au  rang -des  zoophites  j  on  a  cru  au£5 


E  P  O 

eue  c'étoit  une  plante  ,  jufqu'à  ce  que  M. 
PeyfTonel,  médecin  de  Marfeille,  ait  décou- 
vert que  Y  éponge  étoit  formée  par  des  infec- 
tes de  mer  ,  de  même  que  beaucoup  d'au- 
tres prétendues  plantes  marines.  On  diftin- 
gue  plufieursefpecesd'e/w/^ej,  qui  différent 
fur-tout  par  la  forme  ;  les  unes  lbnt  plates , 
les  autres  rondes  :  il  y  en  a  qui  reflemblent 
à  un  tuyau  ou  à  un  entonnoir  :  on  en  voit 
de  branchues ,  que  Ton  appelle  rameufes  , 
&c.  Les  éponges  fines  différent  de  celles  que 
l'on  nomme  giojfes  éponges ,  en  ce  que  leur 
tiffu  eft  plus  ferré  ,  6c  que  leurs  pores  font 
plus  étroits  :  les  unes  &  les  autres  font  de 
couleur  jaunâtre  ;  les  meilleures  &c  les  plus 
fines  ont  une  teinte  de  gris  cendré.  Voye^ 
(article  Polypier. 

EPONGE ,  {Pharmacie.  Matière  médicale.) 
On  fait  en  Pharmacie  deux  différentes  pré- 
parations de  X éponge  ;  Tune  eft  connue  fous 
ïe  nom  cY  éponge  brûlée ,  &  l'autre  fous  celui  j 
d 'éponge  préparée. 

Pour  faire  X éponge  brûlée ,  on  prend  des 
éponges  fines  qu'on  lave  bien,  &  defquelles 
on  fépare  des  petites  pierres  qui  s'y  trouvent 
ordinairement  ;  on  fait  fécher  les  éponges , 
on  les  met  dans  un  pot  de  terre ,  on  les  cal- 
cine à  feu  ouvert  pendant  une  heure  ,  après 
quoi  on  les  pulvérife  ,  &  on  les  garde  dans 
un  bocal  pour  s'en  fervir  au  befoin. 

\J  éponge  connue  dans  l'art  fous  le  nom 
$  éponge  préparée^  fe  prépare  de  la  manière  ( 
fuivante  :  on  choifit  de  gros  morceaux  cYé- 
ponge  fine ,  on  en  fépare  exactement  toutes 
les  petites  pierres  ou  coquilles ,  &  on  les 
trempe  dans  de  la  cire  jaune  fondue  ;  &  fi- 
tôt  qu'ils  en  font  bien  imbibés  ,  on  les  met 
un  à  un  ,  ou  féoarés  les  uns  des  autres ,  dans 
une  preffe  entre  deux  plaques  d'étain  que  J 
l'on  a  fait  chauffer  :  on  ferre  la  prelTe  au 
point  d'exprimer  le  plus  de  cire  qu'il  eft 
poftible  ;  par  ce  moyen  un  gros  morceau 
à'éponge  fe  réduit  en  un  très-petit  volume.  ( 

On  attribuoit  autrefois  beaucoup  de  ver- 
tus à  Y  éponge  brûlée:  Duchêne,  plus  connu 
fous  le  nom  de  Quercetan,  dit  que  les  méde- 
cins de  fon  temps  s'en  fervoient  avec  beau- 
coup de  fuccès  pour  guérir  le  bronch^cele  ou 
gouêtre  ;  ils  la  faifoient  prendre  dans  du  vin 
blanc  pendant  un  mois  lunaire. 

On  l'emploie  encore  aujourd'hui  quel- 
quefois dans  le  même  cas,  mais  apparem- 


E  P  O  74t 

ment  fans  lucces.  Voye^  Charbon. 

\S éponge  préparée  avec  la  cire  fournit  un 
fecours  commode  pour  empêcher  la  cica- 
trice de  certaines  plaies ,  dont  on  ménage 
l'ouverture  à  dedein  de  procurer  par  cette 
ifîue  l'écoulement  de  certaines  matières. 
Voye.{  Tente. 

On  fe  fert  d'une  éponge  entière  pour  ap- 
pliquer des  fomentations.  Voye[  FOMEN- 
TATION. 

L'analyfe  chimique  de  Y  éponge  confirme 
la  découverte  des  Naturaliftes  modernes  qui 
rangent  cette  production  marine  dans  la 
clafte  des  fubftances  animales,  (b) 

EPONGE  de  rofier  fauvage  ,    d'églantier. 

Vbyei  Eglantier. 

ÉPONGE ,  (Manège ,  Maréchall.  )  nom  par 
lequel  nous  délignons  l'extrémité  de  chaque 
blanche  d'un  fer  de  cheval.  Voye^  Fer  , 
Ferrure,  Forger. 

EPONGE  ,  (Manège,  Maréchall.)  maladie \ 
tumeur  fituée  à  la  tête  ou  à  la  pointe  du 
coude  ,  qui  tire  fa  dénomination  de  la  caufe 
même  qui  la  produit  ;  nous  l'appelons  en 
effet  éponge y  parce  qu'elle  n'eft  occafionnée 
que  par  le  contact  violent  &  réitéré  des 
éponges  de  fer  qui  appuient  contre  cette  par- 
tie lorfque  les  chevaux  fe  couchent  en  vaches , 
c'eft-à-dire  ,  lorfqu'étant  couchés  ils  plient 
les  jambes ,  de  manière  que  leurs  talons 
répondent  au  coude  ,  &  foutiennent  ainfi 
prefque  tout  le  poids  de  l'avant- main  de 
l'animal. 

Ce  contact  violent  eft  fuivi  d'une  com- 
prefîion  qui  non  feulement  meurtrit  la 
peau  ,  mais  qui  fait  perdre  aux  fibres  ôc 
aux  vaifTeauxleur  reffort  naturel.  Ce  reiTort 
naturel  perdu  ,  ils  ne  peuvent  plus  contri- 
buer à  la  circulation  qui  fe  fait  dans  cette 
partie:  les  humeurs  s'y  accumulent  donc  , 
principalement  la  lymphe  ,  dont  le  mou- 
vement eft  plus  lent ,  &  qui  d'ailleurs  eft 
renfermée  dans  des  canaux  dont  le  tiïfu  eft 
infiniment  plus  foible  que  celui  des  vaif- 
feaux  fanguins.  Cette  humeur  arrêtée  ,  & 
l'abord  de  celle  qui  y  fur  vient  fans  celle  , 
tout  contribuera  à  dilater  les  petits  tuyaux  ; 
la  partie  la  plus  fubtile  fe  diffipera  ,  ou  en 
s'échappant  à  l'obftacle  pour  fe  foumettre 
aux  loix  de  la  circulation ,  ou  en  palTant  & 
en  fe  faifant  jour  à  travers  les  pores,  tandis 
que  la  partie  la  plus  grofïïere  de  cette  mémo 
Bbbbb  2 


^4S  EP  O 

humeur  fe  durcira  par  fon  féjour.  De-la 
les  progrès  de  la  tumeur  ,  qui  fera  de  la  na- 
ture de  celles  que  nous  appelions  loupes  : 
elle  augmentera  plus  ou  moins  en  volume 
&  en  dureté  ,  félon  !a  difpofition  delà  lym- 
phe ,  félon  le  plus  ou  moins  de  force  des 
vaiifeaax  ,  ou  enfin  félon  la  durée  ou  la 
force  du  contacï  ou  de  la  compreffion  ; 
mais  la  lenteur  de  fon  accroiflement  pré- 
fervera  la  partie  fur  laquelle  elle  a  établi 
fon  ftege,  de  la  douleur,  de  l'infl  mmation 
&  de  tous  les  autres  accidens  qui  accom- 
pagnent en  général  les  tumeurs  dont  la  for- 
mation eft  prompte  Se  foudaine. 

Quelquefois  aufïï  la  même  caufe  produit 
des  effets  différons  ;  car  au  lieu  de  donner 
hieu  à  une  tumeur  en  forme  de  loupe  ,  elle 
n'occafionne  qu'une  caHofîté  ,  qui  n'eft 
autre  chofe  qu'un  dtfféchement  des  vaif- 
feaux  comprimés  ;  defTéchement  qui  n'ar- 
rive que  conféquemment  au  contael:  ,  qui 
affaiflant  les  vaiffeaux,  les  oblitère  &  ferme 
tout  pailage  aux  liqueurs  qui  circulent. 

La  callofité  fe  diftingue  de  la  loupe  ,  en 
ce  que  le  volume  n'en  eft  jamais  aufîi  con- 
sidérable, &  en  ce  qu'elle«e  s'étend  point 
au-delà  de  l'endroit  comprimé  :  du  re(te 
l'une  &  l'autre  ne  préfentent  rien  de  dan- 
gereux ,  &  la  callofité  ne  mérite  même  au- 
cune attention. 

Pour  ce  qui  concerne  la  loupe  ,  il  fera 
bon  de  tenter  de  réfoudre  l'humeur  avant 
qu'elle  foit  entièrement  concrète  ;  on  em- 
ployera  pour  cet  effet  les  emplâtres  réfolu- 
tifs  :  celui  devigo,  en  triplant  la  dofe  de 
mercure  ,  m'a  toujours  paru  véritablement 
le  plus  efficace  :  mais  fi  fon  impuiffance  ne 
nous  laifîe  aucun  efpoir  de  procurer,  la  réfo- 
îution  ,  il  conviendra  d'extirper  la  tumeur  : 
Gette  opération,  dont  les  fuites  ne  fauroient 
être  fêcheufes  ,  peut  fe  pratiquer  de  deux 
minières. 

Si  la  loupe  eft  dans  le  corps  même  du  té- 
gument ,  on  l'emportera  avec  la  peau  ,  car 
il  feroit  impofïible  de  l'engager  :  fi  au  con- 
traire elle  eft  ai  dellous,  &  que  le  tégu- 
ment foit  mobile  &  vacillant  au  defius  ,  on 
y  fera  unei  cfion  proportionnée  au  volu- 
me de  la  tumeur,  c'eft- à-dire  que  cette  in- 
cidon  fera  fimpkment  longitudinale  ou 
cruciale  ,  fe'on  ce  volume.  On  diiTéquera 
e.nfuite.les  larnheaux  des  tégumens  ;.  après 


E  P   O 

quoi  on  foulevera  là  loupe  avec  uneerrigne,\ 
&  on  la  difiéquera  elle-même  dans  toute  fa- 
circonférence,  à  l'effet  de  l'emporter  en- 
tièrement :  l'extirpation  en  étant  fa, te  ,  on  » 
réunira  les  lambeaux ,  on  les  aftujettira ,  s'il 
eft  nécefîàire  ,  par  6qs  points  de  future  ,  &■ 
on  panfera  le  te  ut  comme  une  plaie  fimple. 
Ge  procédé  demande  plus  de  pratique  &.. 
d  adrefte  que  le  premier  ;  mais  on  a  l'avan- 
tage, de  terminer  la  cure  beaucoup  plutôt  : 
la  plaie  circulaire  faite  conféquemment  à- 
l'autre  moyen,  eft  toujours  avec  déperdition 
de  fubflance ,  &  demande  pour  fe  cicatii- 
fer  un  efpace  de  temps  affez  confidérable.. 
Au  refte  on  ne  doit  pas  oublier  que  la  pre- 
mière attention  dans  le  traitement  de  cette 
maladie ,  eft  de  garantir  l'animal  du  con- 
tad  qui  l'a  occafionné  ;  &  pour  cet  effet  on 
peut  matelaffer  Y  éponge  du  fer  ,  en  y  atta- 
chant un  petit  couilinetrembouré,  de  façon 
que  la  partie  contufe  porte  fur  ce  ceuftinet 
lorfque  l'animal  fe  couche. 

Il  eft  fans  doute  inutile  de  parler  de  IV- 
ponge  dont  fe  fervent  les  palefreniers  pour 
laver  les  crins  &  les  extrémités  de  l'animal ,  . 
puifqu'elle  ne  diffère  point  des  éponges  com- 
munes. Voyt^  Panser.,  (e) 

EPONGES.  (  terme  de  Plombier?)  Ce  font 
les  deux  bordures  qui  environnent  dans  fa 
longueur  la  table  ou  moule  ,  fur  laquelle 
les  plombiers  verfent  leur  plomb. 

Le  rable  qui  fert  à  pouffer  le  métal  fondu 
jufqu'au  bout  du  moule,  &  à  donner  une- 
jufte  épaifteur  à  la  table  de  plomb  ,  eft  ap- 
puyé par  les  deux  bouts  fur  ces  éponges ,  où 
il  eft  comme  enchâfTé  par  deux  rainures  qui- 
l'aflujettifTent  &  l'empêchent  de  fe  détour- 
ner quand  le  plombier  le  poufte  jufqu'au 
bout  de  la  table  ou  moule.  V.  Plombier. 
Eponges,  pi.  (Véner.)  c'eft  ce  qui  forme 
le  talon  des  bêtes. 

EPONGER ,  v.  aét.  en  terme  de  Pain- 
d'épicier  ,  c*eft  pafTer  une  éponge  imbibée 
d  une  compofition  de  jaunes  d'œufs  battus  • 
enfcmble  ,  pour  donner  de  la  ceuleur  au- 
pain-d'épice. 

*EPONIME  ,  f.  m.  (  Hift.  anc  )  c'é:oif 
le  chef  des  Archontes.  Voy.  ARCHONTES.' 
EPONTILLER,  v.  a&  c'eft  ,  parmi  le* 
Tondeurs  ,  ôter  avec  des  pinces  la  bourre- 
ou  la  paille  qui  fe  font  introduite^  dans;, 
le  drap  en  l'ourdiflant.  Voye^  LAINE*. 


^s 


E  F  O 
•ÉPONTILLES  ,  SPONTfLLES ,  f.  m. 

pi  (  Mar.  )  ce  font  des  étais  ou  pièces  de 
Hois  pofées  perpendiculairement  de  deux  en 
deux  bancs  pour  fortifier  les  ponts  &  les 
gaiilards.  Celles  qui  font  voifines  du  grand 
&  du  petit  cabeltan  font  à  charnière  ,  pour 
qu'on  puifle  les  ôter  quand  il  faut  virer  , 
mais  aum-tôt  après  on  les  remet  à  leur  pla- 
ce :  on  met  une  forte  épontille  fous  le  mât 
d'artimon  ,  &  dans  tous  les  endroits  où  les 
ponts  font  charge's  d'un  grand  poids.  Voy. 
PL  IV.  de  Marine  ,  fig.  I  ,  les  éponttlles  ou 
étances  des  gaiilards,  h*.  135,  &  celles 
d'entre  deux  ponts  t  n°.  110.  (Z.) 

EPOPEE,  f.  f.  (  Belles-lettres.  )  c'eft 
imitation  ,  en  récit  ,  d'une  action  intéref- 
fànte  &  mémorable.  Ainfi  Vépopée  diffère 
de  l'hiftoire  ,  qui  raconte  fans  imiter  ;  du 
poè'me  dramatique,  qui  peint  en 'action; 
du  poëme  didactique  ,  qui  eft  un  tifVu  de 
préceptes  ;  des  faites  en  vers ,  de  l'apolo- 
gue ,  du  poè'me  paftoral,  en  un  mot  de  tout 
ce  qui  manque  d'unité  ,  d'intérêt ,  ou  de 
nobleffe. 

Nous  ne.  traitons  point  ici  de  l'origine 
&  des  progrès  de  ce  genre  de  poéfie  :  la 
partie  hiitorique  en  a  été  développée  par 
l'auteur  de  la  Henriade,  dans  un  eltai  qui 
n'eft  fufceptibîe  ni  d'extrait ,  ni  de  criti- 
que. Nous  ne  réveillerons  point  la  fameufe 
difpute  fur  Homère  :  les  ouvrages  que 
cette  difpute  a  produits  font  dans  les  mains 
de  tout  le  monde.  Ceux  qui  admirent  une 
érudition  pédantefque  ,  peuvent  lire  les 
préfaces  &  les  remarques  de  madame  Da- 
cier  ,  &  fon  effai  fur  les  caufes  de  la  déca- 
dence du  goût.  Ceux  qui  fe  laiffent  per- 
suader par  un  brillant  enthoufiafme  &  par 
une  ingénleufe  déclamation  ,  goûteront  la 
préface  poétique  de  l'Homère  anglois  de 
Pope.  Ceux  qui  veulent  pefer  le  génie  lui- 
même  dans  la  balance  de  laphi!ofophie  & 
de  la  nature  ,  consulteront  les  réflexions 
fur  la  critique  par  la  Motte  ,  &  la  difTerta- 
tion  fur  l'Iliade  par  l'abbé  TerrafTon. 

Pour  nous,  fans  difputer  à  Homère  le 
titre  de  génie  par  excellence  ,  de»  père  de 
la  poéfie  &  des  dieux  ;  fans  examiner  s'il 
ae  doit  fes  idées  qu'à  lui-même ,  ous'il  a 
pu  les  puifer  dans  les  poê'fes  nombreux  qui 
dont,  procédé .,  comme  Virgile  a  pris   de 


E    P    O  749 

Pifandre   &    d'Apollonius   l'aventure    de 
Sinon  ,  le  fac  de  Troie  ,  &  les  amours  de 
Didon  &  d'Enée  ;  enfin  fans  nous  attacher 
à  des  perfonnalités  inutiles,  même  à  l'é- 
gard des  vivans ,  &  à  plus  forte  raifon  à 
l'égard  des  morts ,  nous  attribuerons  ,  fi- 
l'on  veut  ,  tous  les  défauts  d'Homère  à  fon 
fiecle  ,  &  toutes  fes   beautés   à  lui  feul  : 
mais  après  cette  diftinction  nous  croyons 
pouvoir  partir  de  ce  principe  :  qu'il  n'eft 
pas  plus  raifonnable  de  donner  pour  modeler 
en  poéfie  le  plus  ancien  poëme  connu,  qu'il 
le  feroit  de  donner  pour  modèle  en  hor- 
logerie la  première  machine  à  rouage  &  à. 
reffort ,  quelque  mérite  qu'on  doive  attri- 
bueraux  inventeurs  de  l'un  &  de  l'autre.- 
D'après  ce  principe ,   nous  nous  propofons 
de  rechercher  dans  la  nature  même  de  1  é- 
popée  ,  ce  que  les  reg^s  qu'on  lui  a  pref- 
crites  ont  d'eflentiel  ou  d'arbitraire.   Les. 
unes  regardent  le  choix  du  fujet ,  les  autres 
la  compofition. 

Du  choix  du  fujet.  Le  P.  le  Boffu  veut- 
que  l^fujet  du  poëme  épique  foit  une  vérité; 
morale  ,  préfentée  fous  ie  voile  de  l'allé- 
gorie ;  enforte  qu'on  n'invente  la  fable, 
qu'après  avoir  choifi  la  moralité  ,  &  qu'on, 
ne  choififfe  les  perfonnages  qu'après  avoir 
inventé  la  fable  :  cette  idée  creufe ,  préfen- 
tée comme  une  règle  générale  ,  ne  mérite 
pas  même  d'être  combattue. 

L'abbé  TerrafTon  veut  que  fans  avoir, 
égard  à  la  moralité  ,  on  prenne  pour  fujet 
deVépopée  l'exécution  d'un  grand  deflèin  , 
&  en  conféquence  il  condamne  le  fujet  de 
l'Iliade ,  qu'il  appelle  une  inaâion.  Mais- 
la  colère  d'Achille  ne  produit-elle  pas  fon 
effet ,  &  l'effet  le  plus  terrible  ,  par  l'inac- 
tion même  de  ce  héros  ?  Ce  n'eft  pas  la 
première  fois  qu'on  a  confondu^  en  poéfie , 
1 l'action  avec  le  mouvement.  Voye^  TRA- 
GÉDIE. 

Il  n'y  a  point  de  règle  exclufive  fur 
le  choix  du  fujet.  L'n  voyage  ,  une: 
conquête  ,  une  guerre  civile  ,  un- devoir  ,, 
un  projet,  une  paflion  ,  rien  de  tout. 
cela  ne  fe  reffemble  ,.  &  tous  ces  fujets 
ont  produit  de  beaux  poèmes  :  pourquoi  ?. 
parce  qu'ils  réunifient  les  deux  grands- 
points  qu'exige  Horace  ;  l'importance  &, 
l'intérêt ,  l'agrément  &:  l'utilité. 

L'action  d'un  poëme  eft  une  ,  lorfque  du_$ 


7)0  E  P   O 

commencement  à  la  fin  ,  de  l'entreprife  à 
l'événement ,  c'eft  toujours  la  même  caufe 
qui  tend  au  même  effet.  La  colère  d'Achille 
fatale  aux  Grecs ,  Itaque  délivrée  par  le 
retour  d'Ulyfte,l'établiliement  des  Troyens 
dans  PAufonie  ,  la  liberté  romaine  défen- 
due par  Pompée  &  fuccombant  avec  lui , 
toutes  ces  actions  ont  le  caraétere  d'unité 
qui  convient  à  Yépopée  ;  &  il  les  poètes 
l'ont  altéré  dans  la  composition  ,  c'eft:  le 
vice  de  l'art ,  non  du  fujet. 

Ces  exemples  ont  fait  regarder  l'unité 
d'action  comme  une  règle  invariable  ;  ce- 
pendant on  a  pris  quelquefois  pour  fujet 
d'un  poème  épique  tout  le  cours  de  la  vie 
d'un  homme  ,  comme  dans  PAchilléïde , 
l'Héracléïde ,  la  Théféïde  ,  &c. 

M.  de  laMotte  prétend  même  que  l'unité 
de  perfonnage  fuffit  à  l'épopée,  par  la  raifon, 
dit-il,  qu'elle  fuffit  à  l'intérêt  :  mais  c'eft:  là 
ce  qui  refte  à  examiner.  Voye[  INTÉRÊT. 
Quoi  qu'il  en  foit ,  l'unité  de  1  action 
n'en  détermine  ni  la  durée  ni  rétendue. 
Ceux  qui  ont  voulu  lui  preferire  un  temps , 
n'ont  pas  fait  attention  qu'on  peut  franchir 
des  années  en  un  feul  vers ,  &  que  les  évé- 
nemens  de  quelques  jours  peuvent  remplir 
un  long  poème.  Quant  au  nombre  àcs  in- 
cidens ,  on  peut  les  mti'fiplîei  fans  crainte  ; 
ils  formeront  un  tout  régulier  ,  pourvu 
qu'ils  naiflent  les  uns  des  autres ,  &  qu'ils 
s'enchainent  mutuellement.  Ainfi  ,  quoi- 
qu'Homere,  pour  éviter  la  confjfion,  n'ait 
pris  pour  fujet  de  l'Iliade  que  l'incident  de 
la  colère  d'Achille  ,  l'enlèvement  d'Hélène 
vengé  par  la  ruine  de  Troie  n'en  feroit  pas 
moins  une  action  unique  ,  &  telle  que 
l'admet  l'épopée  dans  fa  plus  grande  fim- 
pïicité. 

Une  action  vafte  a  l'avantage  de  la  fé- 
condité ,  d'où  réfulte  celui  du  choix  :  elle 
laifte  à  l'homme  de  goût  &  de  génie  la 
liberté  de  reculer  dans  l'enfoncement  du 
rableau  ce  qui  n'a  rien  d'intéreffant ,  &  de 
préfenter  fur  les  premiers  plaas  les  objets 
capables  d'émouvoir  l'amè.  Si  Homère 
avoit  embraffé  dans  l'Iliade  l'enlèvement 
d'Hélène ,  vengé  par  îa  ruine  de  Troie  ,  il 
n'auroit  eu  ni  le  loifir  ni  la  penfée  de  dé- 
crire des  tapis  ,  des  cafques,  des  boucliers , 
&c.  Achille  dans  la  cour  de  Déidamie  , 
Philoctete  à  Lemnos ,  &  tant  d'autres  in- 


E  P  O 

cidens  pleins  de  noblefle  &  d'intérêts ,  par- 
ties eflentielles  de  fon  action  ,  l'auroient 
fufhfamment  remplie  ;  peut  -  être  même 
n'auroit-il  pas  trouvé  place  pour  fes  dieux, 
!  &  il  y  auroit  perdu  peu  de  chofe. 

Le  poème  épique  n'eft  pas  borné  comme 
la  tragédie  aux  unités  de  lieu  &  de  temps  : 
il  a  fur  elle  le  même  avantage  que  la  poé- 
Jie  fur  la  peinture.  La  tragédie  n'eft  qu'un 
tableau  ;  Yépopée  eft  une  fuite  de  tableaux 
qui  peuvent  fe  multiplier  fans  fe  confondre, 
Ariftote  veutNavec  raifon  que  la  mémoire 
les  embraffé  ;  ce  n'eft  pas  mettre  le  génie  à 
l'étroit  que  de  lui  permettre  de  s'étendre 
aufti  loin  que  la  mémoire. 

Soit  que  Yépopée  fe  renferme  dans  une 
feule  action  comme  la  tragédie  ,  foit  qu'elle 
embraffé  une  fuite  d'actions  comme  nos 
romans  ,  elle  exige  une  conclufion  qui  ne 
lahTe  rien  à  defirer  ;  mais  le  poète  dans  cette 
partie  a  deux  excès  à  éviter  ;  favoir ,  de 
trop  étendre  ,  ou  de  ne  pas  afïez  dévelop- 
per le  dénouement.  Voy.  DÉNOUEMENT. 
L'action  de  Yépopée  doit  être  mémorable 
&  intéreftante ,  c'eft-à-dire ,  digne  d'être 
préfentée  aux  hommes  comme  un  objet 
d'admiration  ,  de  terreur ,  ou  de  pitié  :  ceci 
demande  quelque  détail. 

Un  poète  qui  choifît  pour  fujet  une  action 
dont  l'importance  n'eft  fondée  que  fur  des 
opinions  patticulieres  à  certains  peuples ,  fe 
condamne  par  fon  choix  à  n'intérefler  que 
ces  peuples ,  &  à  voir  tomber  avec  leurs 
opinions  toute  la  grandeur  de  fon  fujet. 
Celui  de  PEnéïde ,  tel  que  Virgile  pouvoir, 
le  préfenter  ,  «toit  beau  pour  tous  les  hom- 
mes ;  mais  dans  le  point  de  vue  fous  lequel 
le  poète  l'a  envilagé.  Il  eft  bien  éloigné  de 
cette  beauté  univerfelle  ;  aufti  le  fujet  de 
PQdyflee,  comme  l'a  faili  Homère  (abftrac- 
tion  faite  des  détails,  )  eft  bien  fupérieure  à 
celui  de  PEnéïde.  Les  devoirs  de  roi ,  de 
père  &  d'époux ,  appellent  Ulyiïe  à  Itaque; 
la  fuperftition  feule  appelle  Enée  en  Italie. 
Qu'un  héros  échappé  à  la  ruine  de  fa  patrie 
avec  un  petit  nombre  de  fes  concitoyens  , 
furmonte  tous  les  obftacles  pour  cller  don- 
ner une  patrie  nouvelle  à  fes-  malheureux 
compagnons  ,  rien  de  plus  intéreffant  ni  de 
plus   noble.   Mais  que  par  un  caprice  du 
deftin  il  lui  foit  ordonné  d'aller  s'établir 
dans  tel  coin  de  la  terre  plutôt  que  dans  tel 


E  P   O 

antre;  de  trahir  une  reine  qui  s'eft  livrée  à 
lui  ,  &  qui  l'a  comblé  de  biens  ,  pour  aller 
enlever  à  fin  jeune  prince  une  femme  qui 
lui  eft  promife  ;  voilà  ce  qui  a  pu  intérefTer 
les  dévots  de  la  cour  d' Augufte ,  &  flatter  un 
peuple  enivré  de  fa  fabuleufe  origine  ;  mais 
ce  qui  ne  peut  nous  paroître  que  ridicule  ou 
révoltant.  Pour  juftifier  Enée ,  on  ne  ceffe 
de  dire  qu'il  étoit  pieux;  c'eft  en  quoi  nous 
le  trouvons  pufillanime  :  la  piété  envers  des 
dieux  injuftes  ne  peut  être  reçue  que  com- 
me une  fiction  puérile  ,  ou  comme  une  vé- 
rité méprifable.  Ainfi  ce  que  l'a&ion  de 
l'Enéide  a  de  grand  eft  pris  dans  la  nature  , 
ce  qu'elle  a  de  petit  eft  pris  dans  le  préjugé. 

L'adion  de  Yépopée  doit  donc  avoir  une 
grandeur  &c  une  importance  univerfelles  , 
c'eft-à-dire ,  indépendantes  de  tout  intérêt , 
de  tout  fyftême  ,  de  tout  préjugé  national , 
&  fondée  fur  les  fentimens  &  les  lumières 
invariables  de  la  nature.  Quidquid  délirant 
reges  phâuntur  achivi  ,  eft  une  leçon  inté- 
refTante  pour  tous  les  peuples  &  pour  tous 
les  rois  ;  c'eft  l'abrégé  de  l'Iliade.  Cette 
leçon  à  donner  au  monde  ,  eft  le  feul  objet 
qui  ait  pu  fe  propofer  Homère  ;  car  prétan- 
dre  que  l'Iliade  foit  l'éloge  d'Achille  ,  c'eft 
vouloir  que  le  paradis  perdu  foit  l'éloge  de 
fatan.  Un  panégyrifte  peint  les  hommes 
comme  ils  doivent  être  ;  Homère  les  peint 
comme  ils  étoient.  Achille  &  la  plupart 
de  fes  héros  ont  plus  de  vices  que  de  ver- 
tus ,  &  IPiade  eft  plutôt  lafatire  que  l'apo- 
logie de  la  Grèce. 

Lucain  eft  fur-tout  recommandable  par 
la  hardiefte  avec  laquelle  il  a  choiii  &  traité 
fon  fujet  aux  yeux  des  Romains  devenus  ef- 
claves ,  &  dans  la  cour  de  leur  tyran  : 

JPrtxima  quid  f oboles ,  aut   quid  meruere 

ne  pot  es. 
In  regnum  nafci  ?    Pavidè  num   gejfimus 

arma  ? 
Teximus  an  jugufos  ?    Alieni  pana  timotis 
.In    nojlrâ  cervice  Jedet  ...... 

Ce  génie  audacieux  avoit  fenti  qu'il  étoit 
naturel  à  tous  les  hommes  d'aimer  la  liber- 
té ,  de  dttefter  qui  l'opprime ,  d'admirer 
qui  la  défend  :  il  a  écirt  pour  tous  les  iie- 
cîes  ;  &  fans  l'éloge  de  Néton  dont  il  a 
fouillé  fon  poème  ,  on  le  croiroit  d'un  ami 
<le  Caton. 


E   P   O  7;x 

La  grandeur  &  l'importance  de  l'action 
de  V épopée  dépendent  de  l'importance  &  de 
la  grandeur  de  l'exemple  qu'elle  contient  : 
exemple  d'une  paflion  pernicieufe  à  l'hu- 
manité ;  fujet  de  l'Iliade  :  exemple  d'une 
vertu  confiante  dans  fes  projets ,  ferme  dans 
les  revers ,  &  fidelle  à  elle-même ,  fujet  de 
l'Ody  (fée ,  &c.  Dans  les  exemples  vertueux , 
les  principes ,  les  moyens ,  la  fin  ,  tout  doit 
être  noble  &  digne  ;  la  vertu  n'admet  rien: 
de  bas.  Dans  les  exemples  vicieux  ,  un  mé- 
lange de  force  &  de  foiblefle  ,  loin  de  dé- 
grader le  tableau  ,  ne  fait  que  le  rendre  plus 
naturel  &  plus  frappant.  Que  d'un  intérêt 
puiflant  naiflent  des  divifions  cruelles  ;  on 
a  dû  s'y  attendre  ,  &  l'exemple  eft  infruc- 
tueux. Mais  que  l'infidélité  d'une  femme 
&  l'imprudence  d'un  jeune  infenfé  dépeu- 
plent la  Grèce  &  embrafent  la  Phrygie ,  cet 
incendie  allumé  par  une  étincelle  infpire 
une  crainte  falutaire  ;  l'exemple  inftruit  en 
étonnant. 

Quoique  la  vertu  heureufe  foit  un  exem- 
ple encourageant  pour  les  hommes ,  il  no 
s'enfuit  pas  que  la  vertu  infortunée  foit  un 
exemple  dangereux  :  qu'on  la  prefente  telle 
qu'elle  eft  dans  le  malheur  ,  fa  fttuation  ne 
découragera  point  ceux  qui  l'aiment.  Caton 
n'etoit  pas  heureux  après  la  défaite  de  Pom- 
pée; cVqui  n'envieroit  le  fort  de  Caton  tel 
que  nous  le  peint  Séneque ,  inter  ruinas 
publicas  ereHum  ?  _ 

L'action  de  Yépopée  femble  quelquefois 
tirer  fon  importance  de  la  qualité  des  per- 
fonnages :  il  eft  certain  que  la  querelle 
[ d'Agamemnon  avec  Achille  ,  n'auroit  rien 
de  grand  fi  elle  fe  paflbit  entre  deux  foJ- 
dats  ;  pourquoi  ?  parce  que  les  fuites  n'en 
feroient  pas  les  mêmes.  Mais  qu'un  plé- 
béien comme  Marins  ,  qu'un  homme  privé 
comme  CromWel  ,  Fernand-Cortès  ,  &c. 
entreprenne ,  exécute  de  grandes  chofes  , 
foit  pour  le  bonheur ,  foit  pour  le  malheur 
de  l'humanité ,  fon  aétion  aura  toute  l'im- 
portance qu'exige  la  dignité  de  Yépopée.  On 
a  dit  :  /'/  n'ejlpas  btfoin  que  faction  de  /'épopée 
foit  grande  en  elle  -  même  ,  pourvu  que  les 
perfonnages  foient  d'un  rang  élevé  ;  &  nous 
difons  :  ilrfeft  pas  befoin  que  les  perfonnages 
foient  d? un  rang  élevé ,  pourvu  que  Caillou] oit 
grar.de  en  elle-même. 
i    11  femble  que  l'intérêt  de  V épopée  doivs 


752  E  ?   0 

erre  un  intérêt  public  ,  l'action  en  auroit 
fans  doute  plus  de  grandeur,  d'importance, 
&  d'utilité'  ;  toutefois  on  ne  peut  en  faire 
une  règle.  Un  fils  dont  le  père  gémiroit 
dans  les  fers ,  &  qui  tenteroit  pour  le  dé- 
livrer tout  ce  que  la  nature  &  la  vertu  ,  la 
valeur  &  la  piété  peuvent  entreprendre  de 
-courageux  &  de  pénible  ;  ce  fils  de  quel- 
que condition  qu'on  le  fuppofât ,  ftroit  un 
héros- digne  de  Yépopée  ,  &  fon  action  mé- 
riteroit  un  Voltaire  ou  un  Fénelon.  On 
éprouve  même  qu'un  intérêt  particulier  eft 
plus  fenfible  qu'un  intérêt  public  ,  &  la 
raifon  en  eft  prife  dans  la  nature  (  voye{ 
Intérêt.)  Cependant  comme  le  poëme 
épique  eft  fur-toHr  l'école  des  maîeres  du 
monde  ,  ce  font  les  intérêts  qu'ils  ont  en 
main  qu'il  doit  leur  apprendre  à  refpeder. 
Or  ces  intérêts  ne  font  pas  ceux  de  tel  ou  de 
tel  homme  ,  mais  ceux  de  l'humanité  en 
général ,  le  plus  grand  &  le  plus  digne  objet 
du  plus  noble  de  tous  les  poèmes. 

Nous  n'avons  coniidéré jufqu'ici  le  fujet 
de  Yépopée  qu'en  fui- même; -mais  quelle 
qu'en  foit  la  beauté  naturelle ,  ce  n'eft  encore 
qu'un  marbre  informe  que  le  cifeau  doit 
animer. 

De  la  compofuion.  La  compofition  3e 
V épopée  embraffe  trois  points  principaux ,  le 
plan  ,  les  caractères ,  &  le  ftyîe.  On  dif- 
tingue  dans  le  plan  l'expofltion  ,  le  nœud  , 
&  le  dénouement  :  dans  les  caractères  ,  les 
pafliens  &  la  morale  :  dans  le  ftyle ,  la  force , 
la  préciflon  ,  &  l'élégance,  l'harmonie  &  le 
coloris. 

Du  plan.  L'expofttion  a  trois  parties ,  le 
/début ,  1  invocation  &  l'avant-fcene. 

Le  début  n'eft  que  le  titre  du  poëme  plus 
-développe  ,  il  doit  être  noble  &  fimpîe. 

L'invocation  n'eft  une  partie  efTentielle 
-de  Y  épopée  ^  qu'en  fuppofant  que  le  poëte 
ait  à  révéler  des  fecrets  inconnus  aux  hom- 
mes. Lucain  qui  ne  devoit  être  que  trop 
inftruit  des  malheurs  de  fa  patrie  ,-  au  lieu 
d'invoquer  un  dieu  pour  îinfpirer ,  fe 
•tranfporte  tout  à  coup  au  temps  où  s'al- 
luma la  guerre  civile.   Il  frémit ,  il  s'écrie  : 

»  Citoyens,  arrêtez  ;  quelle  eft  votrefureur! 
jw.Lhabitant  folitaice  eft  errant  dans  voi 
}>  villes  ; 


E   P    O 

»  La  main  du  laboureur   manque  à  vos 
»  champs  ftériîes. 

Defuntque  manus  pofeentibus  anis. 


Ce  mouvement  eft  plein  de  chaleur  ;  une 
invocation  eut  été  froide  à  fa  place. 

L'avant-fcene  efl  le  développement  de 
la  fîtuation  des  perfonnages  au  moment  où 
commence  le  poëme  ,  &  le  tableau  des 
intérêts  oppofés ,  dont  la  complication  va 
former  le  nœud  de  l'intrigue. 

Dans  l'avant-fcene,  ou  le  poète  fuie 
l'ordre  des  événemens ,  &  la  fable  fe  nom- 
mc /impie  ;  ou  il  laifTe  derrière  lui  une  partie 
de  l'action  pour  fe  replier  fur  le  paflé  ,  & 
la  fable  fe  nomme  implexe  :  celle-ci  a  un 
grand  avantage  ,  non  feulement  e!Lj  anime 
la  narration  ,  en  introduifant  un  perfon- 
nage  plus  intéreffé  &  plus  intéreffant  que  le 
poëte ,  comme.Henri  IV ,  Ulifîe ,  Énée ,  &c. 
mais  encore  en  prenant  le  fujet  par  le  cen- 
tre, elle  fait  refluer  fur  l'avant-fcene  l'inté- 
rêt de  la  fîtuation  préfente  des  acteurs ,  par 
l'impatience  où  l'on  eft  d'apprendre  ce  qui 
les  y  a  conduits. 

Toutefois  de  grands  événemens  ,  des 
tableaux  variés ,  des  fituations  pathétiques, 
ne  lai  (lent  pas  de  former  le  tiffu  d'un  beau 
poëme  ,  quoique  préfentés  dans  leur  ordre 
naturel.  Boiîeau  traite  de  maigres  hijhriensy 
les  poètes  qiiijuïvent  l'ordre  des  temps  ;  mais 
n'en  déplaife  à  Boi'.eau  ,  l'exactitude  ou  les 
licences  chronologiques  font  très-indiffé- 
rentes à  la  beauté  de  la  poéfte  ;  c'eft  la 
chaleur  de  fa  narration  ,  la  force  des  pein- 
tures ,  l'intérêt  de  l'intrigue,  le  contrafte 
des  caractères ,  le  combat  des  parlions  ,  la 
vérité  &  la  nob^fTe  des  mœurs,  qui  font 
l'ame  de  Yépopée ,  &  qui  feront  du  morceau 
d'hiftoire  le  plus  exactement  fuivi ,  un  poème 
épique  admirable. 

L'intrigue  a  été  jurqu'ici  la_partie  la  plus 
négligiedu  poème  épique  ,  tandis  que  dans 
la  tragédie  elle  s'eft  perfectionnée  de  plus 
en  plus.  On  a  ofé  fe  détacher  de  Sophocle 
&  d'Euripide  ,  mais  on  a  craint  d'abandon- 
ner les  traces  d'Homère  :  Virgile  l'a  imité  , 
&  l'on  a  imité  Virgile. 

Ariftote  a  touché  au  principe  'e  plus  lumi- 
neux de  Yépopée ,  lorfqu'il  a  dit  eue  ce  poëme 
devoit  être  une  tragédie  en  récif.  Suivons  ce 
1  principe  dans  fes  conféquences. 

Bans 


E    P    O 

Dans  la  tragédie  tout  concourt  au  nœud 
ou  au  dénouement  :  tout  devroit  donc  y 
concourir  dans  \ 'épopée.  Dans  la  tragédie , 
un  incident  naît  d'un  incident ,  une  fitua- 
tion  en  produit  une  autre:  dans  le  poème 
épique  les  incidens  &  les  fituations  de- 
vroient  donc  s'enchaîner  de  même.  Dans 
la  tragédie  l'intérêt  croît  d'acte  en  acte  ,  & 
le  péril  devient  plus  prellànt  :  le  péril  & 
l'intérêt  devro^ent  donc  avoir  les  mêmes 
progrès  dans  Yépopée.  Enfin  le  pathétique 
eft  1  ame  de  la  tragédie:  il  devroit  donc 
erre  l'amede  Y  épopée,  &  prendre  fa  fource 
dans  les  divers  caractères  &  les  intérêts 
nppofés.  Qu'on  examine  après  cela  quel  eft 
le  plan  des  poèmes  anciens.  L'I'iade  a 
deux  efpeces  de  nœuds  :  la  divifion  des 
dieux-  ,  qui  eft  froide  &  choquante  ;  & 
celle  des  chefs ,  qui  ne  fait  qu'une  fitua- 
tion.  La  colère  d'Achille  prolonge  ce  tiiïù 
■de  périls  &  de  combats  qui  forment  l'ac- 
tion de  Illiade;  mais  cette  colère,  toute 
fatale  qu'elle  eft ,  ne  fe  manifeste  que  par 
l'abfence  d'Achille ,  &  les  paffions  n'agif- 
fent  fur  nous  que  par  leurs  développe- 
mens.  L'amour  &  la  douleur  d'Androma- 
que  ne  produifent  qu'un  intérêt  momen- 
tané ,  prefque  tout  le  refte  du  poème  fe 
pâlie  en  alïauts  &  en  batailles  ;  tableaux 
qui  ne  frappent  guère  que  l'imagination  , 
&  dont  l'intérêt  ne  va  jamais  jufqu'à 
l'ame. 

Le  plan  de  l'OdyfTée  &  celui  de  l'Enéïde 
font  plus  variés  ;  mais  comment  les  fitua- 
tions  y  font-elles  amenées  ?  un  coup  de 
vent  fait  un  épifode  ;  &  les  aventures 
d'Uliffe  &  d  Enée  reifemblent  auiïi  peu  à 
l'intrigue  d'une  tragédie,  que  le  voyage 
d'Anfon. 

S'il  reftoit  encore  des  Daciers,  ils  ne 
manqueroient  pas  de  dire  qu'on  rifque 
tout  à  s'écarter  de  la  route  qu'Homère  a 
tracée,  &  que  Virgile  a  fuivie  ;  qu'il  en 
eit  de  la  poéfie  comme  de  la  Médecine,  & 
ils  nous  citeroient  Hippocrate  pour  prou- 
ver qu'il  eft  dangereux  dinnover  dans 
Yépopée.  Mais  pourquoi  ne  feroit-on  pas  à 
.  .l'égard  d'Homère  &  de  Virgile ,  ce  qu'on 
.  a  fait  à  l'égard  de  Sophocle  &  d'Euripide? 
on  a  diftingué  leurs  beautés  de  leurs  dé- 
fauts ;  on  a  pris  l'art  où  ils  l'ont  lailTé  ;  on 
a  eflayé  de  faire  toujours  comme  ils  a.voient 
Tome    XI L 


E    P   O  7/2 

fait  quelquefois  :  &  c'eft  fur-tout  dans  la 
partie  de  l'intrigue  que  Corneille  ÔC  Racine 
fe  font  élevés  au  defîus  d'eux.  Suppofons 
que  tout  le  poème  de  l'Enéïde  fût  tifîii 
comme  le  quatrième  livre  ;  que  les  incidens 
naiffant  les  uns  des  autres, puffent produire 
&  entretenir  jufqu'à  la  fin  cette  variété  de 
fentimens  &  d'images,  ce  mélange  d'épi- 
que &  de  dramatique,  cette  alternative 
preffante  d'inquiétude  &  de  furprife  ,  de 
terreur  &  de  pitié  ;  l'Enéïde  ne  feroit-elle 
pas  fupérieure  à  ce  qu'elle  eft? 

\J épopée ,  pour  remplir  l'idée  d'Ariftote  ... 
devroit  donc  être  une  tragédie  compofée» 
d'un  nombre  de  fcenes  indéterminé ,  dont 
les  intervalles  feroient  occupés  par  le  poète: 
tel  eft  ce  principe  dans  la  fpéculation  ,  c'eft 
au  génie  feul  à  juger  s'il  eft  pratiquabîe. 

La  tragédie  dès  fon  origine  a  eu  trois 
parties  ,  la  fcene  ,  le  récit  &  le  chœur  ;  &; 
de  là  trois  fortes  de  rôles ,  les  a&eurs ,  les 
confidens  &  les  témoins.  Dans  Yépopée ,  le 
premier  de  ces  rôles  eft  celui  des  héros,  le 
poète  eft  chargé  des  deux  autres.  Pleure^, 
dit  Horace  ,  fi  vous  voule^  que  je  pleure. 
Qu'un  poète  raconte  fans  s'émouvoir  des 
chofes  terribles  ou  touchantes ,  on  l'écoute 
fans  être  ému ,  on  voit  qu'il  récite  des  fa- 
bles ;  mais  qu'il  tremble ,  qu'il  gémiffe  , 
qu'il  verfe  des  larmes  ,  ce  n'eft  plus  un 
poète,  c'eft  un  fpectateur  attendri,  donc 
la  fituation  nous  pénètre.  Le  chœur  fait 
partie  des  mœurs  de  la  tragédie  ancienne  ; 
les  réflexions  &  les  fentimens  du  poète  font 
partie  des  mœurs  de  Yépopée. 

Jlle  bonis ,  faveatque ,  &  confilietur  amicis  , 
Et  regat  iratos ,  &  amet  peccare  timentes. 

Horat. 

Tel  eft  l'emploi  qu'Horace  attribue  au 
chœur  ,  &  tel  eft  le  rôle  que  fait  Lucain 
dans  tout  le  cours  de  fon  poème.  Qu'on  ne 
dédaigne  pas  l'exemple  de  ce  poète.  Ceux 
qui  n'ont  lu  queBoileau  méprifent  Lucain  ; 
mais  ceux  qui  lifent  Lucain ,  font  bien  peu 
de  cas  du  jugement  que  Boileau  en  a  porté. 
On  reproche  avec  raifon  à  Lucain  d'avoic 
donné  dans  la  déclamation;  mais  combien 
il  eft  éloquent  lorfqu'il  n'eft  pas  déclama^- 
teur  !  combien  les  mouvemens  qu'excite  en 
lui-  mime  ce  qu'il  raconte ,  communiquent 
à  fes  récits  de  chaleur  &  de  véhémence  £ 

Cççcç 


nu  E  p  °  , 

Céfar,  après  s'être  er«p-r|  âe  Rome  fans 
aucun  oDnacle,  veut  piller  les  tréfors  du 
temple  de  Saturne  .,  &  un  citoyen  s'y 
oppofe  U  avarice  /dit  le  poète  ,  efi  donc  le 
feul fenùment  qui  brave  le  fer  &  la  mort  ? 
Les  lux    n'ont  plus    d'appui  contre   leur 

opprejfeur  , 
Et  le  plus  vil  des  biens ,  îor  trouve  un 

déftnfeur  ! 
Les  deux  armées  font  en  pre'fence ,  les 
foldats  de  Céfar  &  de  Pompe'e  fe  recon- 
noiflent:  ils  franchifTent  le  fofle  qui  les 
répare  ;  ils  fe  mêlent ,  ils  s'attendriflent , 
ils  s'embraflent.  Le  poète  faifit  ce  moment 
pour  reprocher  à  ceux  de  Céfar  leur  cou- 
pable obéhTance  : 
Lâches ,  pourquoi  gémir  ?  pourquoi  verfer  !  fujét  de  fon  poème  ait  intérefle  vivement. 
des  larmes  ?  '  U  étoit  Romain ,  il  voyoit  encore  les  traces 

Qui  vous  for'  c  à  porter  ces  parricides  armes?  j  fanglantes  de  la  guerre  civile  :  ce  n'eft  ni 
Vous  craigne^un  tyran  dont  vous  êtes  l'appui!  1  Fart  ni  la  réflexion  qui  lui  a  fait  prendre 
Soye[fourds  aufignal  qui  vous  rappelle  à  lui.  '  le  ton  dramatique  ,  c'eft  fon  ame  ,  c'en1  la 


E  V  O 

Il  refufa  h  jour  au  feflin  de  Thiefie , 
Et  répand  fur  Pharfale  une  clané  funefte. 
Pharjale  ou  les  parens  ,   ardens  à  s'égorger  , 
Frères ,  pères ,  enfans ,  dans  leur  fang  vont 
nager. 

C'en  eft  a(Tez  pour  indiquer  le  mélange 
de  dramatique  &  d'épique  que  le  poète 
peut  employer ,  même  dans  fa  narration 
direde  ;  &  le  moyen  de  rapprocher  X épopée 
de  la  tragédie ,  dans  la  partie  qui  les  dis- 
tingue le  plus. 

Mais,  dira- 1- on  ,  fi  le  rôle  du  chœur 
rempli  par  le  poète  ,  étoit  une  beauté  dans 
X épopée  y  pourquoi  Lucain  feroit-il  le  feul 
des  poètes  anciens  qui  s'y  feroit  livré? 
Pourquoi  ?  parce  qu'il  eft  le   feul   que  le 


Seul  aveefes  drapeaux ,  Ce  far  n'a  plus  qu  un 

homme  : 
Vous  CalU[  voir  tami  de  Pompée  &  de  Rente. 

Cefar ,  au  milieu  d'une  nuit  orageufe  , 
frappe  à  la  porte  d'un  pêcheur.  Celui-ci 
demande:  Quel ejl ce  malheureux  échappé  du 
naufrage  ?  Le  poète  ajoute  : 

Il  ejl  fans  crainte  ;  il  fait  qu'une  cabane  vile 

Ue  peut  être  un  appas  pour  la  guerre  civile. 

Céjar  frappe  à  la  portent  n'en  ejl  point  troublé. 

Quel  rempart  ou  quel  temple  à  ce  bruit  n'eût 
tremblé  ? 

Tranquille  pauvreté  !   &C. 

Pompée  offre  aux  dieux  un  facrifice  ;  le 
poète  s'adrefTe  à  Céfar  : 

Toi ,  quels    dieux    des  forfaits  ,   &   quelles 

Euménides 
Implores- tu ,  Céfar,  pour  tant  de  parricides  ? 

Sur  le  point   de  décrire  la  bataille  de 
Pharfale ,  faifi  d  horreur ,  il  s'écrie  : 

O   Rome  !  ou  font  tes  dieux  ?  Les  fiecles 

enchaînés 
Par  V aveugle  hafard font  fans  doute  entraînés. 
S'il  ejl  un  Jupiter  ,  s'il  porte  le  tonnerre  , 
Peui-il  voir  des  forfaits  qui  vont  fouiller  la 

terre  ? 
A  foudrayer  les  monts  fa  main  va  s'occuper  , 
Et  laiffe  à  Caffius  cette  tête  à  frapper. 


nature  elle-même  ;  &  le  feul  moyen  de 
l'imiter  dans  cette  partie ,  c'eft  de  fe  péné- 
trer comme  lui. 

La  feene  eft  la  même  dans  la  tragédie  Se 
dans  Yépopée ,  pour  le  ftyle,  le  dialogue  & 
les  mœurs  ;  ainfi  pour  lavoir  fi  la  difpute 
d'Achille  avec  Agamemnon  ,  l'entretien 
d'Ajax  avec  Idoménée,  &c.  font  tels  qu'ils 
doivent  être  dans  l'Iliade ,  on  n'a  qu'à  les 
fuppofer  au  théâtre.  Voy.  TRAGÉDIE. 

Cependant  comme  l'aétion  de  Xépopée 
eft  moins  ferrée  &  moins  rapide  que  celle 
de  la  tragédie  ,  la  feene  y  peut  avoir  plus 
d'étendue  &  moins  de  chaleur.  C'eft  là 
que  feroient  merveilleufement  placées  ces 
belles  conférences  politiques  dont  les  tra- 
gédies de  Corneille  abondent;  mais  dans 
fa  tranquillité  même  la  feene  épique  doit 
être  intéreflante  :  rien  d'oifif,  rien  de  fu- 
perflu.  Encore  eft  ce  peu  que  chaque  feene 
ait  fon  intérêt  particulier  ,  il  faut  qu'elle 
concoure  à  l'intérêt  général  de  l'aûion  ; 
que  ce  qui  la  fuit  en  dépende,  &  qu'elle 
dépende  de  ce  qui  la  précède.  A  ces  con- 
ditions on  ne  peut  trop  multiplier  les  mor- 
ceaux dramatiques  dans  Xépopée  ;  ils  y 
répandent  la  chaleur  &  la  vie.  Qu'on  le 
rappelle  les  adieux  d'Heâor  &  d'Andro- 
maque ,  Priam  aux  pies  d'Achille  dans 
l'Iliade  ;  les  amours  de  Didon ,  Euriale  & 


E  P  O 

Nifus ,  les  regrecs d'Evandre  dans  l'Enéide; 
Armide  &  Clorinde  dans  le  TafTe  ;  le 
confeil  infernal ,  Adam  &  Eve  dans  Mil- 
ton  ,  &c. 

Qu'eft-ce  qui  manque  à  la  Henriade 
pour  être  le  plus  beau  de  tous  les  poèmes 
connus  ?  Quelle  fageffe  dans  la  composi- 
tion !  quelle  noblefle  dans  le  deiïin  !  quels 
contraires  ?  quel  coloris  !  quelle  ordon- 
nance !  quel  poëme  enfin  que  la  Henriade , 
file  poète  eût  connu  toutes  fes  forces  Iorf- 
qu'il  en  a  formé  le  plan  ;  s'il  y  eût  déployé 
la  partie  dominante  de  fon  talent  &  de 
fon  génie ,  le  pathétique  de  Mérope  & 
d'AIzire ,  l'art  de  l'intrigue  &  des  fituations  ! 
En  général  ,  fi  la  plupart  des  poèmes 
manquent  d'intérêt ,  c'eft  parce  qu'il  y  a 
trop  de  récits  &  trop  peu  de  fcenes. 

Les  poèmes  où  ,  par  la  difpofition  de  la 
fable  ,  les  perfonnages  fe  fuccedent  comme 
les  incidens  ,  &  ditparoiiïent  pour  ne  plus 
revenir  ;  ces  poèmes  qu'on  peut  appeler 
épifodiques ,  ne  font  pas  fufceptibles  d'in- 
trigue :  nous  ne  prétendons  pas  en  con- 
damner l'ordonnance  ,  nous  difons  feule- 
ment que  ce  ne  font  pas  des  tragédies  en 
récit.  Cette  définition  ne  convient  qu'aux 
poèmes  dans  lefquels  des  perfonnages  per- 
rnanens  ,  annoncés  dans  l'expofition ,  peu- 
vent occuper  alternativement  la  fcene ,  & 
par  des  combats  de  paffion  &  d'intérêt , 
nouer  &:  foutenir  l'aâion.  Telle  étoit  la 
forme  de  l'Iliade  &  de  la  Pharfale  ,  fi  les 
poètes  avoient  eu  l'art  ou  le  deffin  d'en 
profiter. 

L'Iliade  a  été  plus  que  fuffifamment  ana- 
ly  fée  par  les  critiques  de  ces  derniers  temps  ; 
mais  prenons  la  Pharfale  pour  exemple  de 
la  négligence  du  poète  dans  la  contexture 
de  l'intrigue.  D'où  vient  qu'avec  le  plus 
beau  fujet  &  le  plus  beau  génie  ,  Lucain 
n'a  pas  fait  un  beau  poème?  Eft  ce  pour 
avoir  obfervé  l'ordre  des  temps  &  l'exacti- 
tude des  faits  ?  nous  avons  prévenu  cette 
critique.  Eft-ce  pour  n'avoir  pas  employé 
le  merveilleux  ?  nous  verrons  dans  la  fuite 
combien  l'entremife  des  dieux  eft  peu  eflen- 
tielle  à  Y  épopée.  Eft-ce  pour  avoir  manqué 
de  peindre  en  poète  ,  ou  les  perfonnages  ou 
les  tableaux  que  lui  préfentoit  fon  action  ? 
les  caractères  de  Pompée  &  de  Céfar  ,  de 
Brutus  &  de  Caton  ,  de  Marcie  &  de  Cor- 


E  P  O  7j?| 

néîie,d'AfTranius,de  Vukéïus&  deScéva, 
font  faifis  &  deiïinés  avec  une  noblefle  <$t 
une  vigueur  dont  nous    connoiffons   peu 
d'exemples.  Le  deuil  de  Rome  à  l'approche 
de  Céfar  (  erravit  fine  voce  dolor  )  ,  les  pros- 
criptions de  Sylla ,  la  forêt  de  Marfeille  & 
le  combat  fur  mer  ,  l'inondation  du  camp 
de  Céfar,  la  réunion  des  deux  armées,  le 
camp  de  Pompée  ,  confumé  par  la  foif,  la 
mort  de  Vultéïus  &  des  fiens  ,  la  tempête 
que  Céfar  efiuie  ,  l'aiTaut  foutenu  par  Scéva , 
le  charme  de  la  Theffalienne  ;  tous  ces  ta- 
bleaux ,  &  une  infinité  d'autres  répandus- 
dans  ce  poëme  ,  ne  font  peints  quelquefois 
qu'avec  trop  de  force  ,  de  hardiefte  &  de 
chaleur.  Les  difeours  répondent  à  la  beauté 
des  peintures;  &  fi  dans   1  un  &  l'autre 
genre  Lucain  pâlie  quelquefois  les  bornes 
du  grand  &  du  vrai ,  ce  n'eft  qu'après  y 
avoir  atteint  ;  &  pour  vouloir  renchérir  fur 
lui-même  ,  le  plus  fouvent  le  dernier  vers 
eft  empoulé  ,  &  le  précédent  eft  fublime. 
Qu'on  retranche  de  la  Pharfale  les  hiper- 
boles  &  les  longueurs,  défauts  d'une  ima- 
gination vive  &  féconde ,  correction  qui 
n'exige  qu'un  trait  de  plume  ,  il  réitéra  des 
beautés  dignes  des  plus  grands  maîtres,  & 
que  l'auteur  desHoraces,  de  Cinna,   de 
la  mort  de  Pompée  >  ne  trouvoit  pas   au 
deflbus  de  lui.  Cependant    avec   tant  de 
beautés  la  Pharfale  n'eft  que  l'ébauche  d'un 
beau  poëme  ,  non-feulement  par  le  ftyle  , 
qui  en  eft  inculte  &   raboteux  ,  non- feule- 
ment par  le  défaut  de  variété  dans  les  cou- 
leurs des  tableaux ,  vice  du  fujet  plutôt  que 
du  poète,  mais    fur-tout    par  le  manque 
d'ordonnance  &  d'enfembîe  dans  la  partie 
dramatique.  L'entretien   de    Caton   avec 
Brutus ,  le  mariage  de  Caton  &  de  Marcie, 
les  adieux  de  Cornélie  &  de  Pompée  ,   la 
capitulation  d'AfFranius  avec  Céfar  ,  l'en- 
trevue de  Pompée  &  de  Cornélie  après  la 
bataille  ;  toutes  ces  fcenes ,  à  quelques  lon- 
gueurs près ,  font  fi  intérelîantes  &  fi  no- 
bles î  Pourquoi  ne  les  avoir  pas  multipliées  i 
Pourquoi  Caton  ,  cet   homme   divin  ,   fi 
dignement  annoncé   au  fécond  livre,  ne 
reparoît-il  plus?  Pourquoi  ne  voit-on  pas 
Brutus  en  fcene  avec  Céfar  ?  Pourquoi  Cor- 
nélie eft-elle  oubliée  à  Lesbos  ?  Pourquoi 
Marcie   ne   va-t-elle  pas  l'y  joindre  ,    Se 
Caton  l'y  retrouver  en  même- temps  que 
Ccec  c  * 


75<*  EPO 

Pompée  ?  Quelle  entrevue  !  quels  fentimens  ! 
quels  adieux!  Le  beau  contraire  de  carac- 
tères vertueux  ,  fi  le  poète  les  eût  rappro- 
chés !  Ce  n'eft  point  à  nous  à  tracer  un  tel 
plan  ,  nous  en  Tentons  les  difficultés  ;  mais 
nous  écrivons  ici  pour  les  hommes  de  génie. 
Des  caractères .  Nous  ne  nous  étendrons 
point  fur  les  caractères ,  dans  le  defTein  de 
traiter  en  fon  lieu  cette  partie  du  poème 
dramatique  (  voje^TRAGÉDIE  ;  )  mais  nous 
placerons  ici  quelques  obfervations  parti- 
culières aux  perfonnages  de  l'épopée. 

Rien  n'eft  plus  inutile ,  à  notre  avis  ,  que 
le  mélange  des  êtres  furnaturels  avec  les 
hommes  :  tout  ce  que  le  poète  peut  fe  pro- 
mettre ,  c'eft  de  faire  de  grands  hommes 
de  fes  dieux  ,  en  les  habillant  de  nos  pièces , 
fuivant  i'expreflion  de  Montagne.  Et  ne 
Vaut-il  pas  mieux  employer  les  efforts  de  la 
poéfie  à  rapprocher  les  nommes  des  dieux, 
qu'à*  rapprocher  les  dieux  des  hommes  ? 
Humana  ad  deos  tranjlulerunt  ,  dit  Cicéron 
en  parlant  des  philofophes  mithologues  , 
divina  mallem  ad  nos. 

Ce  que  j'y  vois  de  plus  certain  ,  dit  Pope , 
au  fujet  des  dieux  d  Homère  ,  c'ejl  qu  ayant 
a  parler  de  la  divinité  fans  la  connoare  ,  il  en 
a  pris  une  image  dans  l'homme  :  il  contempla 
dans  une  onde  inconftante  &  fangeufe  Caflre 
qu'il  y  voyott  réfléchi. 

On  peut  nous  oppofer  que  l'imagination 
ne  raifonne  point  ;  que  le  merveilleux  l'eni- 
vre ;  qu'il  emporte  Pâme  hors  d'elle-même, 
fans  lui  donner  le  temps  de  fe  replier  fur 
les  idées  qui  détrniroient  l'iilufion  :  tout 
cela  eft  vrai ,  &  c'eft  ce  qui  nous  empêche 
de  bannir  le  merveilleux  de  l'épopée  ;  c'eft: 
ce  qui  nous  a  engagé  à  l'admettre  même 
dans  la  tragédie,  Poyex  DÉNOUEMENT. 
Mais  dans  l'un  &  l'autre  de  ces  poèmes  il  eft: 
encore  moins  raifonnable  de  l'exiger  que  de 
l'interdire.  Voyei  MERVEILLEUX. 

Cependant  comment  fuppléer  aux  per- 
fonnages furnaturels  dans  l'épopée  ?  Par  les 
vertus  &  les  parlions ,  non  pas  allégorique- 
ment  perfonnifiées  (  l'allégorie  anime  le 
phyflque  &  refroidit  le  moral,  )  mais  ren- 
dues fenftbles  par  leurs  effets ,  comme  elles 
le  font  dans  la  nature ,  &  comme  la  tragé- 
die les  préfente.  L'épopée  n'exige  donc  pour 
perfonnages  que  des  nommes  &  les  mêmes 
hommes  que  la  tragédie  ;  avec  cette  diffé- 


E    P    O 

rence,  que  celle-ci  demande  plus  d'unité 
dans  les  caractères  ,  comme  étant  reiî'errée 
dans  un  moindre  efpace  de  temps. 

Il  n'eft  point  de  caradere  fimple.  L'homme, 
dit  Charon,  eft  un  Jujet  mtrveilleufement 
divers  &  ondoyant  :  cependant  comme 
la  tragédie  n'eft  qu'un  moment  de  la  vie 
d'un  homme  ,  que  dans  ce  moment  même 
il  eft  violemment  agité  d'un  intérêt  princi- 
pal &  d'une  pafîion  dominante  ,  il  doit , 
dans  ce  court  efpace  ,  fuivre  une  même  im- 
pulfton  ,  &  n'efïuyer  que  le  flux  &  le  reflux 
naturel  à  la  pafîion  qui  le  domine  ;  au  lieu 
que  l'adion  du  poème  épique  étant  étendue 
à  un  plus  long  efpace  de  temps ,  la  paillon  a 
fes  relâches ,  &  l'intérêt  fes  diveriîons  :  c'eft 
un  champ  libre  &  vaite  pour  l'inconftance 
&  l  inhabilité,  qui  ejlU  plus  commun  &  appa- 
rent vice  de  la  nature  humaine.  (  Charon.  ) 
La  fagofTe  &  la  vertu  feules  font  au  defius 
des  révolutions  ;  &  c'eft  un  genre  de  mer- 
veilleux qu'il  eft  bon  de  réferver  pour  elles. 
Ainfï  quoique  chacun  des  perfonnages 
employées  dans  X épopée  doive  avoir  un  fond 
de  caractère  &  d'intérêt  déterminé  ,  lesora- 
ges  qui  s'y  élèvent  ne  laHlent  pas  quelque- 
fois d'en  troubler  la  fur  face  &  d'en  dérober 
le  fond.  Ma:s  il  faut  obferver  aufti  qu'on 
ne  change  jamais  fans  caufe  d'inclination  , 
de  fentimentou  dedeftein  ;  ces  changemens 
ne  s'opèrent ,  s'il  eft  permis  de  le  dire,  qu'au 
moyen  des  contre-poids  :  tout  l'art  confifre 
à  changer  à  propos  la  balance  ;  &  ce  ^enre 
de  micanifme  exige  une  connoifTânce  pro- 
fonde de  la  nature.  Voye[  dans  Britannicus  , 
avec  quel  art  les  contre-poids  font  ménagés 
dans  les  fcenes  deBuirhus  avec  Néron  ,  de 
Néron  avec  NarciîTe  ;  &  au  contraire  pre- 
nons le  dernier  livre  de  l'Iliade.  Achille  a 
porté  la  vengeance  de  Patrocle  jufqu'â  la 
barbarie  :  Priam  vient  fe  jeter  à  fes  pies 
pourluidemanderlecorpsdefonfils-Achille 
s'émeut  ,  fe  laiffe  fléchir  ;  &  jufque-là 
cette  fcene  eit  fublime.  Achille  invite  Priam 
à  prendre  du  repos.  "  Fils  de  Jupiter  (  lui 
»  répond  le  divin  Priam  )  ,  ne  me  forcez 
»  point  à  m'aftèoir  ,  pendant  que  mon  cher 
>y  He&or  eft  étendu  fur  la  terre  fans  fépui- 
»  ture.  »  Quoi  de  plus  pathétique  &  de 
moins  offenfant  que  cette  réponfe!  Qui 
croiroit  que  c'eft  à  ces  mots  qu'Achille  re- 
devient furieux  ?  Il  s'appaiie  de  nouveau  ; 


E  P  O 

il  faitlaifferfurle  chariot  de  Priamune  tu- 
nique &  deux  voiles  pour  envelopper  le 
corps ,  avant  de  le  rendre  à  ce  père  afflige'  : 
il  le  prend  entre  fes  bras,  le  met  fur  un  lit, 
&  place  ce  lit  fur  le  chariot.  Alors  il  fe  met 
à  i  eter  de  grands  cris,  &  s'adrefTant  à  Patro- 
cb ,  "mon  cher  Patrocle,  s'écrie-t-il ,  ne  fois 
»  pas  irrite  contre  moi.  »  Ce  retour  eft  en- 
core admirable  ;  mais  achevons.  "  Mon  cher 
»  Patrocle  ,  ne  fois  pas  irrité  contre  moi, 
»  fi  on  te  porte  jufque  dans  ies  enfers  la 
»  nouvelle  que  j'ai  rendu  le  corps  d'Heâor 
7i  fon  père  ;  car  (on  s'attend  qu'il  va  dire  , 
»  je  ri  ai  pu  réfifier  aux  larmes  de  ce  père  in- 
»  fortuné  ;  mais  non  )  car  il  m'a  apporté 
»  une  rançon  digne  de  moi.»  Ces  difpara- 
tes  prouvent  que  jamais  on  n'a  moins  con- 
nu Phéroïfme  que  dans  les  temps  appelés 
héroïques. 

Dujlyle.  Nous  fuppofons  dans  le  lecteur 
une  idée  jufte  des  qualités  du  ftyle  en  géné- 
ral :  il  peut  confulter  les  articles  STYLE  , 
Elégance  ,  Précision  ,  bc  Appliquons 
en  peu  de  mots  au  ftyle  de  V  épopée  celle  de 
ces  qualités  qui  lui  conviennent  :  les  premiè- 
res font  la  force,  la  préciiion,&  l'éloquence. 
La  force  &  la  précilion  font  inféparables  ; 
mais  c'eft  avec  l'élégance  qu'il  eft  difficile 
de  les  concilier.  Parmi  les  auteurs  qui  en 
écrivant  fe  livrent  à  leur  génie ,  ceux  qui 
penfent  le  plus  ne  font  pas  ceux  qui  écrivent 
le  mieux  ;  leurs  idées ,  qui  fe  prefïent  &  fe 
foulent  dans  leur  impétuoflté,  font  que  leurs 
exprelîions  fe  ferrent  &  fe  froifTent  :  au  con- 
traire ,  ceux  dont  les  idées  moins  tumul- 
tueufes  fe  fuccedent  &  s'arrangent  à  leur 
aife  ,confervent  dans  leur  ftyle  cette  liante 
facilité  ;  leur  imagination  donne  à  leur  plu- 
me le  loiftr  d'être  élégante.  Du  nombre  des 
premiers  font  Sénequ£ ,  Tacite  &:  Lucam  , 
Corneille  ,  Pafcal  &  Bofluet  ;  du  nombre 
des  féconds,  Cicéron,  Tice-Live  &  Virgile, 
Racine,  Mallebranche  &  Fléchier. 

Un  ouvrage  plus  élégant  &  moins  penfé 
a  communément  plus  de  fuccès  qu'un  ou- 
vrage plus  penfé  &  moins  élégant  :  la  ledure 
du  premier  eft  agréable  &  facile  ,  la  ledure 
du  fécond  eft  utile ,  mais  fatiguante:  celui- 
ci  eft  une  mine  d'or; celui-là  une  feuille  lé- 
gère, mais  artiftement  travaillée:  on  l'ad- 
mire, on  en  jouit;  &  qui  va  fouiller  dans  les 
mines  ?  Ceux  même  qui  s'y  enrichifient  fe 


E   P  O  757 

gardent  bien  de  les  faire  connoître.  Com- 
bien d'auteurs  célèbres  doivent  leur  fortune 
à  d'obfcurs  écrivains  qu'ils  n'ont  jamais 
daigné  nommer  ?  On  a  dit  qu'une  penfée 
appartenoit  à  celui  qui  la  rendoit  le  mieux: 
cela  refTemble  au  droit  du  plus  fort.  Dans  le 
fait ,  il  eft  du  moins  vrai  que  l'homme  de 
génie  eft  fou  vent  comme  le  ver  à  foie  qui  file 
pour  l'ouvrier  :  Sic  vos ,  non  vobis,  . . . 

Mais  le  foin  qu'on  prend  de  polir  le  ftyle 
ne  peut-il  pas  refroidir  l'imagination  &  ra- 
lentir la  penfée  ?  Non,  lorfque  le  poète  fe 
hâte  d'abord  de  répandre  fes  idées  dans  toute 
leur  rapidité  ,  &  ne  donne  à  la  correction 
que  les  intervalles  du  génie.  Dans  ce  premier 
jet ,  I'expreiîion  fe  fond  avec  la  penfée  ,  & 
ne  faifant  plus  qu'un  même  corps  avec  elle , 
nelaifté  à  la  réflexion  que  des  traits  à  re- 
chercher &  des  contours  à  arrondir.  Rien 
n'eft  plus  vif  ni  plus  élégant  que  les  feenes 
pafïionnées  de  Racine  ;  c'eft  ainfi  qu'il  les  a 
travaillées  ;  c'eft  ainfi  fans  doute  qu'a  voit 
commencé  celui  qui  eft  mort  à  vingt-fept 
ans  ,  &  nous  a  laifle  la  Pharfale. 

L'harmonie  &  le  coloris  diftinguent  fur-  • 
tout  le  fty'e  de  Yépopée.  Il  y  a  deux  fortes 
d'harmonie  dans  le  ftyle  ,  l'harmonie  con- 
trainte ,  &  l'harmonie  libre  :  1  harmonie 
contrainte  ,  qui  eft  celle  des  vers  ,  réfulte 
d'une  divifionfimmétrique  &  d'une  mefure 
régulière  dans  les  fons.  Bornons- nous  au" 
vers  héroïque,  le  feul  qui  ait  rapport  à  ce 
que  nous  voulons  prouver. 

On  fait  que  l'hexamètre  des  anciens  étoit 
compofé  de  fix  mefures  à  quatre  temps  : 
c'eft  d'après  ce  modèle  que  fuppofant  lon- 
gues ou  de  deux  temps  toutes  les  fïllabes  de 
notre  langue  ,  on  en  a  donné  douze  à  notre 
vers  Alexandrin.  Mais  comme  notre  lan- 
gue ,  quoique  moins  daclilique  que  le  grec 
&  le  latin,  ne  laifle  pas  d'être  mêlée  de 
longues  &  de  brèves  ,  &que  le  choix  en  eft 
arbitraire  dans  les  vers,  il  arrive  qu'un  vers 
a  deux  ,  trois,  quatre,  &  jufqu'à  huit  temps 
de  plus  qu'un  autre  vers  de  la  même  mefure 
en  apparence. 

Je  ne  veux  que  la  voir,  foupirer  &  mourir. 
Traçât  à  pas  tardifs  un  pénible  Jîllion. 

Ainfi  le  mélange  de  fïllabes  brèves  &  lon- 
gues détruit  dans  nos  vers  la  régularité  de 
la  mefure;  or  point  de  vers  harmonieux  fans 


758  E  PO 

ce  mélange  ;  d'où  il  fuit  que  l'harmonie  & 
la  mefure  font  incompatibles  dans  nos  vers. 
Le  choix  des  fons  y  eft  arbitraire  :  ce  n'eft 
donc  pas  encore  ce  choix  qui  rend  nos  vers 
préférables  à  la  profe.  Enfin  la  rime  y  qui 
peut  caufer  un  moment  le  plaifir  de  la  fur- 
prife ,  ennuie  &  fatigue  à  la  longue.  Qu'eft- 
ce  donc  qui  peut  nous  attachera  une  forme 
de  vers  qui  n'a  ni  ryhtme  ni  mefure,  &  dont 
f  irréguliere  fimétrie  prive  la  penfée ,  le 
fentiment  &  l'expreflion  des  grâces  nobles 
de  la  liberté  ? 

La  profe  a  fon  harmonie  ,  &  celle  -  ci , 
que  nous  appelons  libre ,  fe  forme,  non  de 
tel  ou  de  tel  mélange  de  fons  régulièrement 
divifés ,  mais  d'un  mélange  varié  de  ftlla- 
bes  faciles ,  pleines  &  fonores ,  tour  à  tour  i 
lentes  &  rapides ,  au  gré  de  l'oreille,  &  donc 
les  fufpenfions  &  les  repos  ne  lui  biffent 
rien  à  fouhaiter.  Là  tous  les  nombres  que 
Foreille  s'eft  choifis  par  orédiîe&ion,  d'ac- 
tile ,  fpondée  ,  ïambe  ,  &c.  fe  fuccedent  & 
s'allient  avec  une  variété  qui  l'enchante  & 
oe  la  fatigue  jamais.  :  la  mefure  précipitée 
ou  foutenue  ,  interrompue  ou  remplie,  fui- 
vant  les  mouvemens  de  î'ame ,  laifTeau  fen- 
timent ,  d'intelligence  avec  Pbreille,  choi- 
lîr  &  marquer  les  divifîons  :  c'eft  là  que  le 
trimetre,  le  tétrametre, le  pentamètre  trou- 
vent naturellement  leur  place;  car  c'eft  une 
affectation  puérile  que  d'éviter  dans  la  profe 
la  mefure  d'un  vers  harmonieux ,  fi  ce  n'eft 
peut-être  celle  du  vers  héroïque ,  dont  le 
retour  continu  eft  trop  familier  à  notre  | 
oreille ,  pour  qu?elle  ne  foit  pas  étonnée  de 
trouver  ce  vers  ifolé  au  milieu  des  divifîons 
irrégulieres  de  la  profe.  KELOCUTION. 

Que  l'harmonie  imitative  ait  fait  une 
des  beautés  des  vers  anciens  ,  c'eft  ce  qui 
n'eft  fenfible  pour  nous  que  dans  un  très- 
petit  nombre  d'exemples  ;  quelquefois  elle 
geint  le  phyfique  : 

Nec  brachia  longa- 

Margine  terrarum  porrexerat  Amphurite. 

quelquefois  elle  peint  l'idée  : 

Magnum  Jovis  incrementum. 


Monftrum  horrendum  ,  informe  ,   ingens  y 
cui'lumen  ademptum. 
Mais  rien  n'eft  plus  difficile  ni  plus  rare  que 
de  donner  à  nos  vers  cette  expreiîion  har- 


E  P    O 

monîque;  &  fi  notre  langue  en  eft  fufceptî- 
ble  ,  ce  n'eft  tout  au  plus  que  dans  la  profe  , 
dont  la  liberté  laide  au  goût  &  à  l'oreille  du 
poète  le  choix  des  termes  &  des  tours  :  c'eft 
peut-être  ce  qui  manque  à  la  profe  nom- 
breufe,  mais  monotone,  du  Télémaque. 

Cependant,  il  faut  céder  à  l'habitude 
où  nous  fommesdevoirdes  poèmes  en  vers, 
Il  y  auroit  un  moyen  d'en  rompre  la  mono- 
tonie ,  &  d'en  rendre  jufqu'à  un  certain 
point  l'harmonie  imitative  :  ce  feroit  d'y 
employer  des  vers  de  différente  mefure,  non 
pas  mêlés  au  hafard ,  comme  dans  nos  poé- 
nes  libres,  mais  appliqués  aux  différens  gen- 
res auxquels  leur  cadence  eft  le  plus  analo- 
gue. Par  exemple  ,  le  vers  de  dix  fillabes , 
comme  le  plus  fimpîô,  aux  morceaux  pa- 
thétiques ;  le  vers  de  douze  aux  morceaux 
tranquilles  &  majeftueux  ;  le  vers  do  huit 
aux  harangues  véhémentes;  les  vers  de  fept, 
de  fix  &  cinq  aux  peintures  les  plus  vives 
&c  les  plus  fortes. 

On  trouve  dans  une  épître  de  l'abbé  d« 
Chaulieu  au  chevalier  de  Bouillon, un  exem- 
ple frappant  de  ce  mélange  de  différentes 
mefures. 

Tel  qu'un  rocher  dont  la  tête 

Egalant  le  mont  Athos  , 

Voit  àfes  pies  la  tempête 

Troubler  le  calme  des  flots. 
La  mer  autour  bruit  &  gronde  ; 

Malgré  /es  émotions  , 
Sur  fon  front  élevé  règne  une  paix  profonde  , 

Quêtant  d'agitations  > 

Et  que  les  fureurs  de  fonde 
Refpeclentâ  l'égal  du  nid  des  Alcyons* 

Mais  faudroit-il  éviter  le  retour  fatigant 
de  la  rime  redoublée  , croifer  les  vers,  & 
varier  les  repos  avec,  un  art  d'autant  plus 
difficile,  qu'il  n'a  point  de  règles. 
^  Le  coloris  du  ftyle  eft  une  fuite  du  colo- 
ris de  l'imagination  ;  &  comme  il  en  eftin- 
féparable ,  nous  avons  cru  devoir  les  réunir 
fous  un  même  point  de  vue. 

Le  ftyle  de  la  tragédie  eft  commun  à 
toute  la  partie  dramatique  de  l'épopée.  Voy. 
Tragédie. 

Mais  la  partie  épique  permet,  exige  mê- 
me des  peintures  plus  fréquentes  &  plus  vi- 
ves: ou  ces  peintures  préfentent  l'objet  fous 
fçs  propres  traits ,  &  on  les  appelle  deferip* 


E  P  O 

fions  ;  où  elles  le  préfente  revêtu  de  cou- 
leurs étrangères ,  &  on  les  appelle  images. 

Les  defcriptions  exigent  non  feulement 
une  imagination  vive  ,  forte  &  étendue  , 
pour  faifir  à  la  fois  l'enfemble  &  les  détails 
d'un  tableau  vafte  ,  mais  encore  un  goût  dé- 
licat &  sûr  pour  choifir  &  les  tableaux  ,  & 
les  parties  de  chaque  tableau  qui  font  dignes 
du  poème  héroïque.  La  chaleur  des  deferip- 
tions  eft  la  partie  brillante  &  peut-être  ini- 
mitable d'Homère;  c'eft  par- là  qu'on  a  com- 
paré fon  génie  à  fejjitu  d'un  char  qui  sembraf- 
fe  par  fa  rapidité....  Ce  feu ,  dit- on,  n'a  quà 
paroître  dans  les  endroits  où  manque  tout  le 
refte  ,  &  fût-il  environné  d'abfurditéy  on  ne  le 
verra  plus.  {Préj.  de  C  Homère  AngL  de  Pope.) 
Ceft  par-là  qu'Homère  a  fait  tant  de  fanati- 
ques parmi  les  favans ,  &  tant  d'enthoufiaf- 
tes  parmi  les  hommes  de  génie  :  c'eft  par-là 
qu'on  l'a  regardé  tantôt  comme  une  fource  , 
intarifiable  où  s'abreuvaient  les  Poètes , 

A  quo  ceu  fonte perenni 
Vatum  pieriis  or  a  rigantur  aquis.  Ovid. 

tantôt  comme  l'avoit  repréfenté  le  peintre 
Galathon ,  cujus  vomitum  alii  poetee  adjlantes 
abforbent.  (Elianus ,  /.  XIII. 

Mais  ce  n'eft  point  afTez  de  bien  pein- 
dre ,  il  faut  bien  choifir  ce  qu'on  peint  : 
toute  peinture  varie  à  fa  beauté  ;  mais  cha- 
que beauté  a  fa  place.  Tout  ce  qui  eft  bas  , 
commun  ,  incapable  d'exciter  la  furprife  , 
Fadmiration  ,  ou  la  curiofîté  d'un  lecteur 
judicieux ,  &  déplacé  dans  Y  épopée. 

Il  faut ,  dit-on  ,  des  peintures  fimples  & 
familières  pour  préparer  l'imagination  à  fe 
prêter  au  merveilleux  :  oui  fans  doute  ;  mais 
le  fimple  &  le  familier  ont  leur  intérêt  & 
leur  noblefle.  Le  repas  d'Henri  IV.  chez 
le  folitaire  de  Gerfai,  n'eft  pas  moins  na- 
turel que  le  repas  d'Enée  fur  la  côte  d'Afri- 
que :  cependant  l'un  eft  intéreflant ,  & 
l'autre  ne  l'eft  pas.  Pourquoi  ?  Parce  que 
l'un  renferme  les  idées  accefToires  d'une 
vie  tranquille  &  pure  ,  &  l'autre  ne  pré- 
fente que  l'idée  toute  nue  d'un  repas  de 
voyageurs. 

Les  poètes  doivent  fuppofer  tous  les  dé- 
tails qui  n'ont  rien  d'intéreiîànt ,  &  aux- 
quels la  réflexion  du  leâeur  peut  fuppléer 
fans  efforts  ;  ils  feroient  d'autant  moins 
cxcufalles  de  puifer  dans  cei  fources  lléri- 


EPO  7J9 

les ,  que  la  philofophie  leur  en  a   ouvert 
de  très-fécondes.  Pope  compare  Je  génie 
d'Hômere  à  un  afire  qui  attire  en  fon  tour- 
billon tout   ce  qu'il  trouve  à  la  portée  de  fes 
mouvemens  :  &en  effet  Homère  eft  de  tous 
les  poètes  celui  qui  a  le  pus  enrichi  !a  poé- 
fie  des  connoiftances  de  fon  fiecle.  Mais 
s'ilrevenoit  aujourd'hui  avec  ce  feu  divin  , 
quelles  couleurs,  quelles  images  ne  tireroit- 
il  pas  des  grands  erfets  de  la  nature ,  fi  fa- 
vamment    développés  ,   des  grands  erfets 
de  l'induftrie  humaine  ,   que  l'expérience 
&  l'intérêt  ont  porté  li  loin  depuis  trois  mille 
ans?  La  gravitation  des  corps,  la  végéta- 
tion des  plantes  ,  l'inftinct  des  animaux  ,  les 
développemens  du  feu,  l'action  de  l'air  ,  ùc. 
les  mécaniques,  Tafironomie  ,  la  naviga- 
tion, &c.  voilà  des  mines  à  peine  ouvertes, où 
le  génie  peut  s'enrichir  :  c'eft  de-là  qu'il  peut 
tirer  des  peintures  dignes  de  remplir  les  in- 
tervalles   d'une    action  héroïque  :  encore 
doit-il  être  avare  de  l'efpace  qu'elles  occu- 
pent ,  &ne  perdre  jamais  de  vue  un  fpec- 
tateur  impatient ,  qui  veut  être  délôfle  fans 
être  refroidi  ,  &  dont  la  curiofité  fe  rebute 
par  une  longue  attente  ,   fur-tout  lorfqu'il 
s'apperçoit  qu'on  le  diftrait  hors  de  propos. 
C'eft  ce  qui  ne  manqueroit  pas  d'arriver  , 
fi,  par  exemple,   dans  l'un  des  intervalles 
de  l'action  on  employoit  mille  vers  à  ne 
décrire  que   des  jeux  (  Enéide  ,  /.  V.  )   Le 
grand  art  de  ménager  les  deferiptions  eft 
donc  de  les  préfenter  dans  le  cours  de  l'ac- 
tion principale ,  comme  les  palfages  les  plus 
naturels ,  ou  comme  les  moyens  les  plus 
fimples.  Art  bien  peu  connu  ,  ou  bien  né- 
gligé jufqu'à  nous. 

Il  nous  refte  à  examiner  la  partie  des 
images  ;  mais  comme  elles  ne  font  commu- 
nes à  tous  les  genres  de  poéfie,&  que  la  théo- 
rie en  exige  un  détail  approfondi,  nous 
croyons  devoir  en  faire  un  article  féparé. 
Voye{  Image. 

Nous  n'avons  pu  donner  ici  que  le  fom- 
maire  d'un  long  traité  ;  les  exemples  fur- 
tout  ,  qui  appuient  &  développent  fi  bien 
les  principes  ,  n'ont  pu  trouver  place  dans 
les  bornes  d'un  article  :  mais  en  parcourant 
les  poètes ,  un  lecteur  intelligent  peut  aifé- 
ment  y  fuppléer.  D'ailleurs  ,  comme  nous 
l'avons  dit  dans  YarticieCRITIQUE,  l'auteur 
qui ,  pour  cempofer  un  f  oè'me ,  a  befoia 


rt6o  E    P    O 

d'une  longue  étude  des  préceptes  ,  peut  s'en  ' 

épargner  le   travail.   Cet  article  efi  de   M. 

Marmontel. 

M.  de  Suider  a  fait  auffi  des  obfervations  fur 
la  nature  ,  l'origine  &  le  caraclcre  du  poëme 
épique. 

L'homme ,  dit-il ,  eft  naturellement  por- 
té à  s'occuper  des  grandes  aventures  ;  il  s'y 
arrête  avec  plaifir  ,  il  tâche  de  fe  repréfen- 
ter  aufîi  vivement,  &  avec  autant  de  pré- 
cision qu'il  eft  pofîible  ,  ce  que  ces  faits  ont 
d'intérefTanr.  Si  l'action  a  beaucoup  d'éten- 
due ,  fi  el'e  renferme  des  événemens  com- 
pliqués ,  nous  cherchons  à  débrouiller  ce 
qu'il  a  d'eiTentiel ,  à  le  mettre  en  ordre 
dans  notre  efprit,  afin  de  pouvoir  envifager 
Penfemble  d'un  coup  d'ceif.  Nous  ne  nous 
bornons  pas  au  récit  de  1  hiftorien  ,  nous  y 
ajoutons  les  circonftances  que  nous  vou- 
drions y  trouver,  &  notre  imagination  don- 
ne aux  perfonnages  &  aux  chofes ,  une  fer- 
me &  un  coloris.  Nous  nous  efforçons  d'ap- 
procher le  héros  de  près,  pour  voir  leur 
attitude  ,  leurs  geïfes  ,  les  traits  de  leur 
vifage  ,  entendre  le  ton  de  leur  voix  ,  & 
comprendre  leurs  difeours.  S'ils  fe  taifent, 
nous  voulons  au  moins  deviner  leurs  pen- 
fées  fur  leur  phyiionomie  ;  fouvent  nous 
nous  mettons  à  leur  place,  pour  mieux  fentir 
les  mouvemens  de  leur  ame,  &  l'impief- 
fion  que  les  objets  font  fur  eux.  Ainii  ,  à 
meîure  que  l'action  avance  ,  nous  éprouvons 
fuccefîivement  toutes  les  pallions  ,  toutes 
les  agitations  qui  naifïènt  des  divers  inci- 
dens  ;  nous  nous  oublions  en  quelque  façon 
nous-mêmes,  &  ne  fomrnes  plus  occupés 
que  de  ce  que  nous  croyons  voir  &:  entendre. 

Telle  eft  lafituatiende  tout  hemmefen- 
fible  ,  aufli  fouvent  qu'il  fe  rappelle  un  évé- 
nement mémorable  qu'il  a  vu  lui-même  , 
ou  qu'il  a  ouï  raconter,  fie  dont  il  délire  de 
renouveller  encore  les  agréables  impref- 
iions.  De-là  vient  le  plailir  qu'il  trouve  à 
raconter  aux  autres  ce  qui  l'a  frappé.  Son 
ton  s'anime,  fes  expreilions  prennent  l'em- 
preinte du  fentiment  ;  ce  n'eft  pas  un  {im- 
pie hiftorien  qui  rapporte  tout  uniment  les 
faits  ;  il  veut  peindre  les  chofes  telles  qu'il 
a  fouhaité  de  les  voir ,  &  les  exprimer  , 
comme  il  a  defiré  de  les  ouïr.  C'eft  de  ce 
penchant  naturel  à  raconter  des  événement 
mémorables,  avec  les  additions,  les  portraits 


E    P  O 

&  l'ordre  particulier  que  le  feu  de  l'imagi- 
nation fupp'ée  ,  qu'il  faut  dériver  l'origine 
de  Vépopée.  Un  homme  éloquent  &  fenhbie 
à  un  certain  degré ,  compoferoit ,  fans  y 
penfer,  un  roman  poétique,  en  fe  pro- 
pofantlïmplernent  de  faire  un  récit.  Tels 
étoient  probablement  les  premiers  poèmes 
épiques  des  anciens  Bardes.  L'art  n'y  en- 
troit  encore  pour  rien  :  lorfqu'enfuite  la 
réflexion  &  l'art  font  venus  au  fecours  de  la 
fimple  nature ,  la  narration  a  pris  un  ton 
plus  gracieux  ,  une  harmonie  plus  agréa- 
ble. L'enfemble  a  été  mieux'ordonneé  ;  les 
parties  ont  reçu  une  jufte  proportion  en- 
tr'elles  &  avec  le  tout;  l'ouvrage  entier  a 
eu  une  belle  forme  ,  &  le  bon  goût  échue 
par  l'étude  y  a  ajouté  tout  ce  qui  pouvoit  y 
répandre  plus  d'agrément  ;  ainli  ,  Vépopée  , 
production  de  l'art ,  a  fuccédé  au  récit  na- 
turel ,  comme  les  édifices  lomptueux  aux 
abris  que  la  nature  ofFroit  à  l'homme  dans 
les  premiers  âges.  Au  fimple  nécefîàire ,  & 
à  ce  que  le  fentiment  feul  di&oit ,  s'eft  joint, 
ce  qu'une  méditation  réfléchie ,  &  un  goût 
perfectionné  a  pu  inventer  pour  embellir 
1  ouvrage.  Ainfi,  quiconque  entreprendroit 
de  donner  une  théorie  exacte  de  l'art  épi- 
que, devroit,  comme  dans  la  théorie  de 
l'architecture,  remonter  d'abord  jufqu'à  ce 
qui  a  dû  précéder  tout  art;  rechercher  ce 
qui  n'eft  que  naturel  &  indifpenfable  ,  & 
pafTer  enfuite  à  ce  que  l'art  a  ajouté  pour 
perfectionner  les  premiers  effais. 

Mais  les  critiques  n'ont  pas  fuivi  cette 
méthode.  Ariftote,  l'un  des  plus  anciens 
d'entr'eux,  frappé  de  la  beauté  des  poèmes 
épiques  d'Homère  ,  les  établit  pour  modè- 
les ,  fans  rechercher  ce  qu'il  y  avoit  de  na- 
turel &:  d'indifpenfable,  &  le  diftinguer  du 
fimplement  accefîb:re.  Les  critiques  qui 
l'ont  fuivi,  ont  tenu  la  même  route  :  il  fe 
font  efforcés  d'établir  des  règles  pour  fixer 
les  qualités  de  Vépopée ,  jufque  dans  le  moin- 
dre détail  ;  mais  ils  ont  rarement  remonté 
jufqu'au  premier  principe.  De-là  vient  que 
cette  partie  de  !a  poétique  eft ,  comme  tant 
d'autres ,  furchargée  de  règles  &  de  précep-, 
tes ,  dont  un  bon  nombre  eft ,  ou  purement; 
arbitraire  ,  ou  même  faux. 

Nous  nous  propofons  de  fuivre  les  traces 
de  la  nature  pour  découvrir  ce  qui  conftitue 
PeiTentiel  de  Vépopée.  Si  nous  réuiTiflons  à 

deviner 


EPO 
deviner  l'origine  &  le  cara&ere  des  premiers 
chants  épiques ,  de  ces  ébauches  autofche- 
diafmatïques ,  c'eft  ainfî  qu'Ariftote  nomme 
les  premiers  effais  d'un  génie  fans  cukure  , 
il  fera  ailé  d'en  inférer  ce  que  la  réflexion  & 
le  goût  ont  contribué  à  rembellifTement  fuc- 
cefTifdecesgroflieres  productions. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  premier  ger- 
me de  V épopée  fe  trouve  dans  le  penchant 
naturel  que  nous  avons  de  raconter  aux  au- 
tres, &  de  nous  rappeler  vivement  à  nous- 
mêmes  ies  faits  intéreflans  qui  nous  ont  frap- 
pés. Des  hommes  qui  ont  concouru  enfem- 
ble  à  quelque  expédition ,  ne  peuvent  guère 
fe  rencontrer  fans  en  parler  :  chacun  raconte 
la  partie  de  l'événement  à  laquelle  il  a  pris 
la  plus  grande  part ,  ou  qui  l'a  plus  touché. 
C'eft  par  le  même  principe  de  plaifir  que 
chez  les  nations  grofîieres  on  inftituoit  des 
fêtes  publiques  en  commémoration  des  évé- 
nemens remarquables  ,  &  fur-tout  des  ex- 
ploits auxquels  elle  avoit  eu  part. 

Dans  ces  fêtes  folennelles  les  efprits  font 
déjà  naturellement  échauffés  ,  &  fufcepti- 
bîes  des  fentimens  les  plus  vifs.  Ceux  qui 
ont  participé  à  l'a&ion  qu'on  célèbre,  s'a- 
vancent au  milieu  de  l'aflemblée  ;  &  pleins 
du  feu  qui  les  anime  encore,  en  font  un 
récit  circonftancié  ,  pathétique  &  pittoref- 
que.  Il  eft  probable ,  il  eft  même  historique- 
ment vrai  de  certains  peuples ,  que  le  fou- 
venir  des  grands  événemens  a  été  perpétué 
chez  diverfes  nations  pendant  plufieurs  fîe- 
cles  par  des  fêtes  annuelles  établies  à  cet 
effet.  Lorfqu'après  une  ou  deux  générations, 
il  ne  reftoit  plus  de  témoins  vivans ,  c'étoit 
à  ceux  qui  étoient  doués  d'une  imagination 
vive  >  &c  que  le  fentiment  échauffent,  à  re- 
tracer à  l'auditoire  affemblé  l'hiftoire  de 
leurs  ancêtres. 

Il  eft  très-poflible  que  pour  avoir  l'hon- 
neur de  parler  en  public  dans  ces  folenni- 
tés ,  des  hommes  de  génie  fe  foient  exercés 
à  des  comportions  épiques,  &  qu'infenfible- 
mentla  commémoration  publique  des  an- 
ciens événemens  foit  devenue  un  art.  Telle 
a  propablement  été  la  première  vocation 
des  barbes ,  d'où  vinrent  enfuite  les  poètes  , 


d'exalter  le  fentiment  ;  quand  on  fe  rappelle 
combien  la  mufique ,  même  le  fimple  bruit, 
a  d'énergie  pour  entretenir  l'émotion  du 
cœur  ,  on  ne  doutera  pas  qu'on  n'ait  em- 
ployé la  mufique  pour  accompagner  &  fou- 
tenir  les  récits  publics.  On  fait  d'ailleurs 
que  la  mufique  fait  partie  des  fêtes  chez  les 
peuples  les  plus  fauvages  ;  ainfl  il  eft  très- 
vraifemblable  que  c'eft  ce  qui  a  introduit  le 
mètre  dans  ce  narrations. 

Les  premières  épopées  des  Bardes  étoient 
donc  des  récits  pathétiques  d'exploits  na- 
tionaux ,  qu'ils  chantoient  dans  les  affem- 
blées  publiques.  Lefujetrouîoit  fur  des  faits 
déjà  connus  ,  qu'il  n'étoit  pas  tant  queftion 
de  rapporter  hiftoriquement ,  que  d'orner 
de  tous  les  traits  propres  à  réveiller  le  fenti- 
ment ,  &  à  enflammer  les  efprits  d'un  zèle 
patriotique.  Il  s'agiffoit  moins  de  fuivre 
f  crupuleufement  le  fil  de  l'hiftoire ,  que  de 
choifir  ce  qu'elle  contenoit  de  plus  capable 
de  toucher  le  cœur.  Il  falloit  fur-tout  pein- 
dre les  principaux  perfonnages ,  les  héros 
dont  on  chantoit  les  prouefies  ,  avec  tant 
de  force  &  de  vérité  ,  que  chaque  auditeur 
crût  les  voir  encore  au  milieu  de  leurs 
exploits. 

Le  Barde  ne  pouvoit  prendre  pour  le  fu- 
jet  de  fon  chant  que  l'a&ion  unique  dont 
on  célébroit  la  mémoire,  car  chaque  fête 
n'avoit  qu'un  feul  événement  capital  pour 
but  de  fon  inftitution  ;  &  les  chants  defti- 
nés  a  retracer  cet  événement  ne  dévoient 
pas  être  trop  longs ,  pour  ne  pas  laffer  l'af- 
femblée. 

Voilà  jufqu'où  il  eft  permis  de  pouffer  les 
conjectures  fur  l'origine  de  V épopée  ;  le  cri- 
tique ne  doit  pas  la  perdre  de  vue ,  pour  ne 
pas  gêner  mal  à  propos  le  poète  épique  par 
des  règles  arbitraires ,  qui  ne  feroient  pas  dé- 
duites de  la  nature  primitive  de  ce  genre  de 
poème. 

On  peut  réduire  à  très-peu  de  préceptes 
ce  qui  lui  eft  effentiel.  L'unité  d'action  ,  l'in- 
térêt &  la  grandeur  de  l'événement,  la  ma- 
nière de  le  rapporter ,  plus  épique  qu'hifto- 
rique.  Des  peintures  faillantes  des  héros ,  &c 
de  leurs  exploits ,  une  diclion  très-pathéti- 


comme  les  rhéteurs  fuccéderentaux  anciens  !  que,  mais  qui  ne  s'élève  pas  tout  à  fait  juf- 
Démagogues.  I  qu'à  l'enthoufiafme.    Tout  poème  qui  réu- 

Quand   on  réfléchit  que  le  principal  but  s  nira  ces  qualités  méritera  le  nom  à'épopée. 
<de  ces  fêtes  folennelles  étoic  d'exciter  &  I     L'unité  d'a&ion  tient  à  l'origine  même 
Tome   XI J.  Ddddd 


7é2  E   P   O 

de  ce  poème,  il  y  a  apparence  que  d'abord 
l'action  fut  relTerrée  à  un  feul  événement ,  à 
une  feule  bataille  ,  ou  même  à  un  combat 
lingulier.  Mais  le  poème  épique  étant  deve- 
nu un  ouvrage  de  l'art ,  l'action  eut  plus  d'é- 
tendue ,  fans  ceiTer  néanmoins  d'être  une  ;  la 
duplicité  d'action  auroit  dénaturé  l'épopée. 

D'ailleurs  ,  fans  remontera  l'origine  de 
ce  poème ,  on  n'en  fentira  pas  moins  la  né- 
cefîité  de  cette  première  condition.  Le  poète 
n'a  pas  ici  le  but  d'inftruire  ;  il  veut  toucher. 
Un  grand  objet  a  réveillé  toute  l'activité  de 
fon  cœur  &  de  fon  imagination  ;  plein  du 
feu  qui  l'agite ,  il  ne  parle  que  de  ce  qu'il 
voit ,  &  de  ce  qu'il  fent.  Ainfi  ,  fon  objet 
eft  naturellement  unique  :.de  plus,  le  but 
qu'il  fe  propofe  exige  nécessairement  l'unité 
d'action.  Il  veut  exciter  de  grands  mouve- 
mens  dans  l'ame  de  fes  auditeurs ,  leur  inf- 
pirer  des  fentimens  généreux ,  en  faire  des 
hommes  d'un  ordre  fupérieur.  Pour  attein- 
dre à  ce  but ,  il  doit  retracer  l'événement 
principal  avec  les  couleurs  les  plus  vives,  & 
par  les  traits  les  plus  frappans.  Ses  tableaux 
doivent  être  bien  circonftanciés ,  afin  que 
l'auditeur  faififîe  tout  parfaitement ,  qu'il 
s'émeuve  &  fe  paftionne  ;  le  caractère  des 
principaux  perfonnages  demande  d'être 
pleinement  développé  ;  on  veut  les  connoî- 
tre  jufques  dans  le  plus  petit  détail.  Des  ré- 
cits abrégés  ne  fatisferoient  pas ,  on  attend 
pour  l'ordinaire  des  defcriptions  bien  éten- 
dues d'un  fait  qui  intérefte  :  le  poème  de- 
viendrait donc  d'une  longueur  infoutena- 
ble  ,  s'il  renfermoit  plus  d'une  grande 
action. 

L'épopée  a  d'ailleurs  ceci  de  commun  avec 
'  tous  les  ouvrages  de  l'art,  que  plus  l'atten- 
tion eft  invariablement  fixée  fur  l'objet  ; 
plus  PimprefTion  eft  déterminée,  plus  auiïl 
l'ouvrage  eft  parfait.  Or ,  cet  effet  n'a  com- 
plètement lieu  que  dans  les  ouvrages  où  la 
variété  fe  réunit  en  un  feul  point ,  c'eft-à- 
dire,  où  tout  réfulte  d'une  feule  caufe  ,  ou 
bien  aboutit  à  un  feul  effet  ;  c'eil  ce  qui  fait 
l'unité  parfaite  de  l'action.  On  la  reconnoît 
aifément  dans  un  poème  ;  il  ne  faut  que 
voir  fi  l'on  peut  en  exprimer  le  contenu  en 
peu  de  mots  ;  de  forte  que  l'enfemble  ne  foit 
qu'une  amplification  de  ce  précis.  Quoi  de 
plus  fimple  que  l'action  de  l'Iliade  ,  ou  celle 
de  fOdyflée  !   Chacun  de  ces  poèmes  n'a 


E  P  O 

qu'une  feule  caufe  qui  produit  tout.  On  erî 
peut  dire  autant  de  PEnéïde.  Voy.  V article. 
Action, 

L'unité  d'action  eft  donceffentielleà  IV- 
popée ,  &  plus  cette  action  fera  fimple,  plus 
elle  fera  parfaite.  Leromanefque  &  la  mul- 
titude d'aventures  fingulieres,  qui  ne  frap- 
pent que  l'imagination  ,  font  oppofées  au 
génie  de  V épopée.  Le  premier  but  du  poète 
eft  de  peindre  les  grandes  actions,  d'en 
montrer  le  germe  dans  le  fond  de  l'ame  , 
&  d'en  fuivre  le  développement  à  mefure 
que  les  forces  de  cette  ame  fe  déploient  avec 
plus  d'énergie.  C'eft  là  fon  véritable  fujet  ; 
les  événemens  ne  font  que  le  canevas  fur  le- 
quel il  trace  fes  tableaux.  Il  en  eft  du  poème 
épique  comme  du  genre  hiftorique  en  pein- 
ture. Le  but  du  peintre  eft,  fans  contredit , 
de  defiiner  des  perfonnages ,  d'en  exprimer 
les  fentimens  ,  le  caractère  &  l'action.  Mais 
pour  remplir  ce  but ,  il  lui  faut  une  fcene  , 
un  lieu  où  il  puilfe  placer  fes  figures.  Il  en- 
tendroit  bien  mal  les  règles  de  fon  art ,  s'il 
s'avifoit  d'enrichir  ce  lieu  de  tant  d'objets 
brillans  &  variés,  que  fes  perfonnages  en 
fuiTent  éclipfes  ,  &  que  l'œil  s'attachât  de 
préférence  fur  ces  horsd'œuvre.  Le  poète 
pécheroit  par  le  même  endroit  s'il  furchar- 
geoit  Y  épopée  de  quantité  de  chofes  qui  n'in- 
téreffent  pas  immédiatement  le  cœur. 

Il  eft  donc  très-avantageux  pour  l'effet 
de  X épopée  ,  qu'elle  renferme  peu  de  maté- 
riaux ;  que  l'action  foit  fimple  ;  qu'elle  fe 
développe  fans  embarras  ;  que  l'imagina- 
tion fuive  fans  peine  le  fil  des  événemens. 
Le  poète  fe  ménage  de  cette  manière  plus 
de  place  pour  tracer  fes  tableaux  ,  qui  font 
l'efTentiel  du  poème ,  &  l'imagination  du 
lecteur  eft  moins  diftraite.  L'Iliade  à  cet 
égard  eft  bien  fupérieure  à  l'Enéïde.  Ce  der- 
nier poème  occupe  bien  plus  l'imagination  , 
que  l'efprit  &  le  cœur.  Virgile  s'epuife  en 
tableaux  de  fantaifie  ,  &:  ne  fe  ménage ,  ni 
affez  de  place ,  ni  aftez  de  force  pour  pein- 
dre l'homme.  Le  poète  épique  doit  éviter 
de  fatiguer  l'imagination  du  lecteur  ;  c'eft 
le  défaut  de  la  fubîime  Mefïiade  de  Kiop£ 
tock,  des  lecteurs  qui  n'ont  pas  eux-mêmes 
une  imagination  fi  exaltée  s'y  perdent.  Dans 
I  l'OdyrTée ,  lanéceflité  excufe  ce  grand  nom- 
,  bre  de  fcenes  de  farftaifie.  Le  poète  n'avoit 
qu'un  feul  homme  à  peindre  ,  il  falloic  en- 


E  P  O 

développer  le  caractère  j'ufque  dans  les 
moindres  traits  :  c'eft  pour  cela  qu'il  le  fait 
pafler  par  tant  d'aventures  singulières. 

L'action  de  V épopée  doit  être  intéreftante 
&  grande.  Inréreffante ,  afin  d'exciter  l'at- 
tention, fans  laquelle  le  poète  perd  fa  peine, 
&  devient  plus  ridicule  ,  plus  fon  ton  eft 
pathétique.  Le  ton  doit  s'élever  à  la  hauteur 
du  fujet.  Des  entreprifes ,  des  événemens 
d'où  dépend  le  fort  d'une  nation  entière  ; 
voilà  les  objets  les  plus  propres  à  V épopée , 
mais  il  faut  encore  qu'ils  aient  une  certaine 
grandeur  au  dehors  :  ce  qui  exifte  tout  à 
coup  ,  &  produit  un  effet  fubit ,  peut  à  la 
vérité  être  très-important ,  mais  ne  feroit 
pas  le  fujet  d'un  poème  épique.  Un  trem- 
blement de  terre  pourroit  abîmer  une  con- 
trée entiere.L'événement  ne  feroit  que  trop 
intéreffant ,  &  fourniroit  la  matière  d'une 
ode  très-fublime  :  mais  on  n'en  fauroit  faire 
une  épopée ,  parce  que  le  fujet  n'a  point  de 
grandeur  en  étendue.  Il  faut  dans  le  poème 
épique  une  action  qui  exige  de  grands  efforts 
de  divers  genres  ,  qui  rencontre  de  puiffans 
obftacles,  où  les  perfonnages  foient  toujours 
dans  la  plus  grande  activité ,  afin  que  le 
poète  ait  lieu  de  développer  toutes  les  forces 
du  cœur  humain.  Voilà  pourquoi ,  bien  que 
Milton  &  Klopftock  aient  choifl  chacun  un 
fujet  très-intéreffant  en  lui-même ,  ces  poè- 
tes ont  été  obligés  de  recourir  aux  ridions 
les  plus  hardies  pour  donner  une  plus  grande 
étendue  à  ce  qui  n'eût  été  que  la  matière 
d'une  ode.  La  grandeur  de  l'action  ne  con- 
fîfte  ,  ni  dans  la  longeur  du  temps  ,  ni  dans 
le  nombre  des  occupations.  Une  action  d'un 
jour  peut  furpaffer  en  grandeur  l'action  de 
plusieurs  années.  Ce  qui  en  fait  la  grandeur, 
c'eft  qu'un  grand  nombre  de  perfonnes  de 
différens  caractères  y  déploient  leurs  forces 
&  leur  génie,  &  s'y  développent  elle-mêmes 
d'une  manière  à  intérefler  fortement  le  lec- 
teur ,  &  à  le  fatisfaire  pleinement. 

L'hiftorien  traite  fon  fujet  autrement  que 
le  poète  ;  il  ne  fera  pas  inutile  d'approfondir 
en  quoi  la  différence  confifte  efTentielle- 
ment.Lebutde  l'hiftoire  eft  d'enfeigner  les 
faits  ;  ainfi  l'hiftorien  doit  fuppofer  que  fon 
lecteur  les  ignore:  le  poète  au  contraire,peut 
fuppofer  que  le  fond  de  fon  fujet  eft  connu  ; 
il  n'a  en  vue  que  de  nous  retracer  ce  que 
nous  favons  déjà  hiftoriquement ,  de  la  ma- 


E   P   O  76^ 

niere  la  plus  propre  à  nous  émouvoir  forte- 
ment!! entre  donc  de  plein  faut  en  matière, 
fans  avoir  befoin  de  préliminaires.  Il  ne 
s'occupe  qu'à  bien  choisir  le  point  de  vue  , 
l'ordre,&  le  jour  le  plus  favorable',  pour  que 
fon  récit  fafiè  une  vive  impreffion.  Il  peine 
tout  dans  un  plus  grand  détail  ,  &avec  des 
traits  plus  marqués  que  ne  le  feroit  l'hifto- 
rien.  Il  ne  nous  raconte  pas  en  gros ,  ni  en 
fon  propre  ftyle ,  qui  ont  été  les  perfonna- 
ges ,  ce  qu'ils  ont  dit  &  fait  jadis  ;  il  nous 
les  ramené  fous  les  yeux  ;  nous  croyons  les 
voir  agir  actuellement;  nous  les  entendons 
parler  chacun  fon  propre  langage  ;  nous  fui- 
vons  tous  leurs  mouvemens.  S'agit-il  de 
quelque  événement  remarquable  ,  le  poète 
commence  par  arranger  le  lieu  de  la  feene  , 
tout  ce  qui  tombe  fous  les  yeux  eft  mis  à  fa 
place  ,  enforte  que  fans  fatiguer  davantage 
notre  imagination,  auili-tôt  qu'il  introduit 
i^es  perfonnages,  toute  notre  attention  peut 
fe  tourner  fur  eux  pour  les  voir  agir.  Dans 
les  deferiptions, V épopée  emploie  les  couleurs 
les  plus  vives ,  accumule,  s'il  le  faut,  compa- 
raifons  fur  comparaifons  ,  &  anime  toute  la 
nature.  En  un  mot,  le  poème  épique  tient 
le  milieu  entre  une  narration  historique  & 
une  repréfentation  dramatique. 

Mais  ce  qui  diftingue  principalement  IV- 
popée  ,  ce  font  les  portraits  &  les  tableaux. 
Son  grand  but  eft  de  nous  faire  voir  d'aufîi 
près  qu'il  fe  peut  des  perfonnages  illuftres  , 
leurs  fentimens  &  leurs  actions ,  &  par  co:> 
féquent  aufîi  les  objets  qui  les  occupent.  Si 
l'on  retranchoit  du  poème  ces  peintures  dé- 
taillées ,  on  le  réduiroit  prefque  à  une  (im- 
pie relation.  Les  portraits  font  donc  une 
partie  très-eflentielle  def 'épopée  ;  c'eft  à  cela 
qu'on  reconnoît  principalement  le  génie  du 
poète,  &  fa  connoifiance  du  cœur  humain. 
Mais  ces  portraits  ne  font  pas  de  {impies  de£ 
criptions  abftraites,  ce  font  des  tableaux  vi- 
vans,  dans  lefquels  les  perfonnages  font  vus 
par  leurs  actions  &  par  leurs  dsfeours.  Tels 
font  les  portraits  des  héros  d'Homère.  Cha- 
cun a  fon  caraclere  diftinctif ,  fon  tour  de 
génie  particulier  ,  qui  fe  déploie  avec  la  plus 
grande  vérité  à  chaque  rencontre  ,  foit  en 
parlant ,  foit  en  agiffant.Dans  tout  le  cours 
du  poème,  on  reconnoît  toujours ,  malgré 
la  variété  des  circonstances ,  le  même  per- 
fonnage  ,  parce  qu'il  conferve  fon  ton  indi- 
Dddd  2, 


7^4  E   P   O 

viduel ,  qui  refte  toujours  femblable  à  lui 
feul ,  &  que  fa  manière  de  s'exprimer  ou 
d'agir  n'appartient  qu'à  lui. 

Il  n'eft  pas  néceffaire  de  faire  fentir  com- 
bien de  fagacité ,  de  connoiffance  des  hom- 
•mes,  &  defoupîeffede  génie  tout  cela  exige. 
Le  poète  doit  connoître  par  expérience  les 
divers  caracleres,  les  différens  principes  qui 
influent  fur  les  actions.  Il  doit  affigner  à 
chaque  perfonnage  une  teinte  naturelle  du 
Jfiecle ,  des  mœurs  &  du  caractère  national. 
Il  doit  favoir  fe  tranfporter  dans  les  temps 
&  dans  les  lieux  de  l'acîion  ;  &  afin  que  cha- 
que caractère  puifïè  bien  fe  développer  ,  il 
faut  ordonner  l'action  de  manière  que  cha- 
cun des  principaux  perfonnages  fe  trouve 
dans  plufieurs  fituations  différentes  ,  plus 
ou  moins  critiques  ;  tantôt  occupé  de  fes 
propres  affaires ,  tantôt  de  celles  des  autres, 
foit  pour  les  favorifer,ou  pour  les  traverfer. 

Ajoutons  à  cela  que  tous  ces  perfonnages 
doivent  avoir  une  grandeur  idéale  un  peu 
au  deffus  de  la  grandeur  naturelle.  Car  pour 
que  faction  foit  grande  &  extraordinaire  , 
il  faut  que  les  acteurs  foient  diftingués  du 
commun  des  hommes  ;  que  tout  en  eux  juf- 
tifie  le  ton  élevé  fur  lequel  le  poète  a  débuté 
à  leur  égard.  S'il  ne  nous  montroit  que  des 
hommes  ordinaires ,  fon  ftyle  emphatique 
paroîtroit  entré ,  &  d'ailleurs  le  but  du 
poème  feroit  manqué  ;  il  doit  toujours  être 
d'élever  Tefprit  &  les  fentimens  du  lecteur. 

On  exige  encore  de  Yépopêe  qu'elle  foit 
înflruûive.Comme  le  defTein  du  poète  n'eft 
pas  de  nous  apprendre  les  faits  ,  il  fe  pro- 
pofe  en  nous  les  retraçant  de  nous  donner 
d'utiles  leçons  ,  mais  à  fa  manière  ,  &  non 
en  moralilles  ;  point  fur  le  ton  d'un  philo- 
fophe  dogmatique ,  mais  en  poète  : 

Qui  quid  fit  pulchrum  ,  quid  turpe ,  quid 

utile ,  quid  non 
"JPl'inius  ac  melius  Chryfippo   &   Crantore 

ditit. 

Il  inftruit  par  la  voies  des  exemples;  il 
nous  montre  comment  des  hommes  d'un 
jugement  profond  ,  d'un  efprit  élevé  ,  ?gif- 
fent  dans  les  grandes  occaïions.  Le  poète  ne 
differts  pas  ;  il  ne  fait  point  d'applications 
morales  ;  il  ne  cherche  pas  même  à  inftruire 
par  des  fentences  générales  q.u'il  feroit  dé- 


fi   P    O 

biter  à  fes  héros  ;  il  ne  dit  point  comment" 
il  faut  penfer  &  agir  ;  il  fe  contente  de  nous 
faire  voir  des  hommes  qui  agiffent  &  qui 
penfent. 

Quelques  critiques  ont  cru  que  Vépopée 
devoit  inftruire  par  la  nature  même  de  l'é- 
vénement, &  par  le  fuccès  heureux  ou  mal- 
heureux que  le  dénouement  amené.  Mais 
cette  manière  d'inftruire  appartient  propre- 
ment à  Phiftoire  ,  elle  n'eft  qu'accidentelle 
au  poème  épique.  Le  fujet  entier  de  l'Iliade 
n'a  rien  de  fort  inftructif ,  &  réduit  enfim- 
ple  récit  ,  on  n'en  tireroit  qu'une  morale 
aflez  froide.  L'influence  vraiment  énergi- 
que de  l'épopée  fur  les  mœurs ,  conftfte  dans 
les  actions  &  la  manière  noble  de  penfer- 
des  héros.  Ceft  par-là  que  toute  la  Grèce 
a  regardé  Homère  comme  le  premier  infti- 
tuteur  des  hommes. 

Il  nous  refte  encore  à  parler  du  ftyle  de 
Vépopée.  Le  poète  plein  de  la  grandeur  du 
fujet  qu'il  chante  ,  s'énonce  d'un  ton  pathé- 
tique ,  foîennel ,  &  qui  tient  de  l'enthou- 
fiafme.  Des  termes  forts  &  harmonieux  dif- 
tinguentfonexpreffion  del'expreffion  ordi- 
naire. Il  trouve  des  tours  qui  anoblifïent 
l'idée  des  chofes  communes.  Il  évite  les 
liaifons  ordinaires ,  &  les  manières  de  par- 
ler trop  familières.  Sa  conftruction  n'eft  pas 
celle  du  vulgaire  ;  &  comme  fon  imagi- 
nation échauffée  voit  tous  les  objets  exac- 
tement defîinés  fous  fes  yeux  _,  il  eft  plus  ri- 
che que  l'hiftorien  en  épithetespittorefques. 
Son  ton  porte  toujours  l'empreinte  du  fen- 
timent  préfent  :  doux,  ou  impétueux,  félon 
la  fituation  actuelle  de  Pefprit.A  menue  que 
l'action  devient  plus  vive ,  la  paflion  s'ani- 
me ,  &  le  ton  s'élève  :  ce  qui  feroit  de  l'en- 
flure chez  l'hiftorien  ,  n'eft  que  la  fimple 
nature  chez  le  poète  ,  parce  que  le  propre 
des  grandes  partions  eft  de  troubler  la  raifon, 
&  que  l'enthoufiafme  rend  fuperftitieux  ; 
dans  cet  état,  un  concours  fortuit  des  caufes 
paroît  l'ouvrage  de  quelques  puiftances  fu- 
périeures;  les  êtres  inanimés  femblent  avoir 
une  intelligence  &  une  volonté.  Si  un  coup 
de  foudre  effraie,  &  fait  reculer  les  chevaux 
deDiomede  ,  le  poète  dans  fon  enthoufiaf- 
me  voit'  le  père  des  dieux  &  des  hommes , 
ciui,  pour  prévenir  un  effroyable  carnage  , 
vient  interpofer  fon  autorité,  &  féparer  les 
comba.ttans.En  général  le  ton  élevé  &  par 


E  P  O 

thétique  de  V épopée  exige  aufîi  un  langage 
extraordinaire.il  femble  que  la  profe  la  plus 
majeftueufe  n'y  fuffit  pas.  L'hexamètre  des 
Grecs  paroît  de  mieux  y  convenir.  Il  en  eft 
à  cet  e'gard ,  comme  à  celui  des  ordres  d'ar- 
chitecture. On  n'eft  pas  aftraint  à  fuivre 
fcrupuleufement  les  modèles  des  anciens  ; 
nais  plus  on  en  approche  ,  plus  l'architec- 
ture eft  belle.  L'hexamètre  n'eft  pas  efïen- 
tiel  à  1! 'épopée ,  mais  c'eft  de  tous  les  vers 
celui  qui  y  femble  le  plus  propre. 

Voilà  tout  ce  qui  femble  conftituer  l'ef- 
fencedupoeme  épique.  Un  poème  qui  réu- 
nira toutes  ces  conditions ,  quel  qu'en  foit 
d'ailleurs  le  fujet ,  la  forme  ,  l'étendue  &  le 
genre  du  mètre  ,  peut  prétendre  à  la  quali- 
fication d'épopée.  La  forme  en  varie  à  l'in- 
fini ,  depuis  l'Iliade  d'Homère  ,  jufqu'aux 
campagnes  de  Marlborough  ,  chantées 
p3r  Addifïbn.  Il  y  a  apparence  que  le  fujet 
de  l'épopée  ne  roula  originairement  que  fur 
des  expéditions  militaires  ;  mais  Homère 
montra  déjà  par  fon  Odyflee  qu'on  pou- 
voit  choifir  d'autres  événemens.  Quelques 
critiques  font  dans  l'idée  que  la  forme  du 
poème  épique  a  été  invariablement  fixée 
par  Homère  ;  mais  le  Fingal  d'Ofîian  eft 
d'une  tout  autre  forme,  &  n'en  eft  pas  moins 
une  épopée.  N'exigeons  du  poète  que  l'ef- 
fentiel  de  le  poélie  épique  ,  &  laifïbns  le 
relie  à  fon  génie  &  à  fon  choix.  Ne  préten- 
dons pas  même  qu'il  introduife  des  intelli- 
gences fupérieures  pour  mettre  du  merveil- 
leux &  du  furnaturel  dans  fon  poème.  La 
grandeur  peut  très-bien  fe  trouver  dans  des 
actions  humaines,  &  exciter  notre  admira- 
tion. Il  fuffit  que  le  génie  du  poè'te  foit  vrai- 
ment grand.  Ce  n'eft  pas  ce  que  les  divi- 
nités font  dans  l'Iliade  qui  en  conftitue  le 
merveilleux  ;  on  pourroit  le  retrancher  en- 
tièrement, &  le  poème  conferveroit  encore 
fa  grandeur.  Quand ,  au  contraire ,  un  génie 
médiocre  s'eflorce  de  donner  à  fon  poème 
un  air  de  merveilleux  en  recourant  à  des 
êtres  furnaturels ,  ou  même  à  des  êtres  allé- 
goriques, bien  loin  d'y  ajouter  de  la  gran- 
deur, il  le  rend  infailliblement  froid.  Ne 
prefcrivons  donc  point  de  règles  arbitraires 
à  cet  égard,  &  laifïbns  également  au  difcer- 
nement  du  poète,  tout  ce  qui  concerne  le 
lieu  ,  le  temps  &  la  durée  de  l'aclion  ;  qu'il 
fatisfaiïe  aux  conditions  effentielles  de  Yépo- 


E  P  O  76*; 

pée  ,  &  il  s'afTurera  un  rang  parmi  le  petit 
nombre  des  bons  épiques. 

Ce  que  nous  avons  dit  jufqu'ici  concerne 
proprement  la  grande  épopée  ,  celle  qui 
chante  une  action  de  la  première  grandeur, 
&  qui  nous  fait  connoître  des  perfonnages 
d'un  caractère  fublime ,  &  d'un  courage 
extraordinaire.  Mais  on  peut  encore  appli- 
quer le  ton  &  la  manière  épique  à  des  fujets 
d'une  grandeur  moyenne ,  ce  qui  produit  la 
petite  épopée  qui  ne  laiffe  pas  d'être  très-in- 
térefTante,  bien  qu'elle  ne  nous  montre  pas 
des  héros  du  premier  ordre.De  cette  efpece 
étoient  dans  l'antiquité  le  poème  de  Héro 
&  de  Léandre  de  Mufée  ;  le  rapt  d'Hélène 
de  Coluthus ,  &  d'autres  encore  :  nous  pou- 
vons citer  entre  les  modernes  le  Jacob  de 
Bodmer ,  comme  un  modèle  de  ce  genre. 
Enfin  il  y  a  une  troifleme  efpece  d'épopée  , 
c'eft  celle  qui  chante  de  petits  objets  avec 
un  ton  de  dignité,  c'eft  l'épique  badin  ,  ou 
comique  ;  tel  eft  le  Lutrin  de  Boileau  ,  la 
Boucle  de  cheveux  enlevée ,  &c. 

La  grande  épopée  eft ,  fans  contredit ,  la 
plus  noble  production  des  beaux  arts.  Les 
anciens  regardoient  l'Iliade  &  l'OdyfTée 
comme  deux  fources  où  le  capitaine ,  l'hom- 
me d'état,  le  citoyen  &  le  père  de  famille 
dévoient  puifer  la  fcience  qui  leur  étoit  né- 
ceflàire  ;  ils  trouvèrent  dans  ces  deux  poè- 
mes les  modèles  de  la  tragédie  &  de  la  co- 
médie ;  ils  eftimoient  que  l'orateur,  le  pein- 
tre, le  fculpteur  y  pouvoient  apprendre  les 
règles  les  plus  effentielles  de  leur  art.  Cette 
opinion  femble  outrée ,  mais  elle  ne  l'eft 
pas.  Le  poète  épique  a  réellement  en  fon 
pouvoir  l'effet  qu'on  peut  attendre  de  tou- 
tes les  branches  des  beaux  arts.  L'épopée 
réunit  tout  ce  que  les  divers  genres  de  poé- 
fîe  ont  chacun  de  bon  en  foi.  Tout  ce  que 
les  arts  de  la  parole  ont  d'utile  &  d'inftruc- 
tif ,  le  poème  épique  peut  l'avoir  dans  un 
degré  fupérieur.  Quel  orateur  a  jamais  fur- 
pafïe  Homère  ?  Quel  effet  ont  produit  les 
tableaux  &  les  peintures ,  dont  Homera 
n'ait  le  premier  donné  les  exemples  ?  N'eft- 
ce  pas  à  Homère  que  Phidias  a  dû  le  chef- 
d'œuvre  de  fon  art?  Quelle  notion  capable 
d  élever  l'ame  ,  de  l'exciter  aux  derniers 
efforts ,  de  réprimer  en  elle  la  pafîïon  la 
plus  violente,  peut  mieux  s'infinuer  dans 
i'efprit ,  mieux  être  gravée  dans  le  cœur  , 


rjéô  E    P    O 

<ju  au  moyen  de  la  poéfie  ,  &  de  la  poéfie 
épique?  Affignons  donc  à  Y  épopée  le  rang 
fuprême  entre  les  productions  de  l'art  ;  & 
au  poète  épique,  s'il  efi  grand  dans  fon 
genre ,  la  prééminence  fur  tous  les  artiftes. 
Quand  on  réfléchit  quel  génie  ce  genre 
fublime  exige  ,  on  ne  fera  pas  furpris  que  le 
nombre  des  bonnes  épopées  foit  fi  petit.  La 
Grèce  fi  fertile  en  grands  génies,  n"a  compté 
que  très-peu  de  poètes  épiques ,  &  Rome 
n'en  a  eu  qu'un  feul  qui  ait  excellé  ,  elle  qui 
a  d  ailleurs  produit  tant  d'hommes  admira 
blés.  Les  poètes  Grecs  &  Latins  qui ,  après 
Homère  &  Virgile,  ont  hafardé  de  fournir 
cette  carrière  5  bien  qu'en  affez  petit  nom- 
bre, n'ont  pu  les  fuivre  que  de  fort  loin , 
&  ne  luifent  que  comme  de  foibles  étoiles 
•en  comparaifon  de  ces  foleils.  Quoique  les 
feienecs  &  les  arts  foient  aujourd'hui  ré- 
pandus dans  toute  l'Europe  ,  rien  n'eft  plus 
rare  cependant  qu'une  bonne  épopée.  La 
France  illuftrée  par  tant  de  grands  hommes, 
n'a  encore  en  ce  genre  qu'un  bien  foible 
eflai  à  produire.  L  Italie  ,  l'Angleterre  & 
l'Allemagne  ont  à  cet  égard  l'avantage 
d'avoir  vu  naître  des  poètes  qui  peuvent 
approcher,  ou  d'Homère,  ou  de  Virgile.Le 
poète  Grec  fouffriroit  avec  plaiiir  d'avoir 
Milton  &  Klopftock  à  fes  côtés  ;  &  Virgile 
ne  mépriferoit  pas  la  compagnie  du  TaiTe. 
L'un  &  l'autre  prêteroient  quelquefois  une 
oreille  attentive  aux  chants  du  Dante  &  de 
l'Ariofte ,  &  admireroient  plus  d'un  tableau 
defliné  de  la  main  de  Bodmer.  (  Cet  article 
eft  tiré  de  la  Théorie  générale  des  Beaux- Arts 
de  M.  SVLZER.) 

EPOQUE,  f.  f.  (  Logiq.)  fufpenfion  de 
jugement;  c'eft  l'état  de  l'efprit  par  lequel 
nous  n'établifTons  rien  ,  n'affirmant  &  ne 
niant  quoi,  que  ce  foit.  Les  philofophes 
feeptiques  ayant  pour  principe  ,  que  toute 
raifon  peut  être  contredite  par  une  raifon 
oppofée  &  d'un  poids  égal ,  ne  fortoient 
jamais  des  bornes  de  Vépoque  ,  &  ne  rece- 
voient  aucun  dogme.  Pour  arriver  à  cette 
époque ,  ils  employèrent  dix  moyens  prin- 
cipaux ,  que  je  vais  détailler  d'après  Sextus 
Empiricus  ,  livre  I.  des  hypotypofes  ,  ou  infti- 
t ut  ions  pyrrhoniennes. 

Le  premier  eft  tiré  de  la  diverfités  des 

animaux.  Voici  un  précis  des  exemples  & 

•  des  raifonnemens  fur  lefquels  Sextus  appuie 


E   P   O 

ce  premier  moyen.  Il  eft  aifé  ,  dit-il ,  de 
remarquer  qu'il  y  a  une  grande  diverlité 
dans  les  perceptions  &  dans  les  fenfations 
des  animaux  ,  ii  l'on  confidere  leur  origine 
différente  &  la  diverfe  conftitution  de  leur 
corps.  A  l'égard  de  leur  origine ,  on  voit 
.qu'entre  les  animaux ,  les  uns  naifTent  par 
la  voie  ordinaire  de  la  génération ,  &  les 
autres  fans  l'union  du  mâle  &  de  la  fe- 
melle. Ici  Sextus  s'étend  fur  ces  prétendues 
générations  fpontanées  ,  que  la  faine  phy- 
lique  a  entièrement  bannies.  Quant  à  ceux 
qui  viennent  par  l'accouplement  des  fexes, 
continue-t-il ,  les  uns  viennent  d'animaux 
de  même  efpece ,  ce  qui  eft  le  plus  ordi- 
naire ;  d'autres  naiftent  d'animaux  de  dif- 
férente efpece  ,  comme  les  mulets  :  les  uns 
naifTent  vivans  des  animaux  ;  d'autres  for- 
tent  d'un  œuf,  comme  les  oifeaux  ;  d'au- 
tres font  mal  formés  ,  comme  les  ours. 
Ainfi  il  ne  faut  pas  douter  que  les  diver- 
fités &  les  différences  qui  fe  trouvent  dans 
les  générations  ,  ne  produifent  de  grandes 
antipathies  parmi  les  animaux  ,  qui ,  fans 
contredit  ,  tirent  de  ces  diverfes  origines 
des  tempéramens  tout  à  fait  différens ,  & 
une  grande  difeordance  &  contrariée  les 
uns  à  l'égard  des  autres.  Le  philofophe 
feeptique  entaiTe  des  exemples,  qui  jufti- 
fient  ce  qu'il  a  avancé  ;  d'où  il  conclue 
ainfi  :  fi  les  mêmes  chofes  paroiflent  diffé- 
rentes à  caufe  de  la  diverfité  des  animaux  , 
il  eft  vrai  que  nous  pourron*  bien  dire  d'un 
objet  quel  il  nous  paroît  ;  mais  nous  nous 
en  tiendrons  à  Vépoque ,  nous  demeurerons 
en  fufpens  ,  nous  ne  déciderons  rien  ,  s'il 
s'agit  de  dire  quel  il  eft  véritablement  & 
naturellement.  Car  enfin  nous  ne  pouvons 
pas  juger  entre  nos  perceptions  &  celles 
des  autres  animaux  ,  lefquelies  font  con- 
formes à  la  nature  des  chofes  ,  &  la  raifon 
de  cela ,  c'eft  que  nous  fommes  des  parties 
difcorda:ites  &  intérefTées  dans  ce  procès  , 
&  que  nous  ne  pouvons  pas  être  juges  dans 
notre  propre  caufe. 

Le  fécond  ,  de  la  différence  des  hommes. 
Quand  nous  accorderions  qu'il  faut  s'en 
tenir  au  jugement  des  hommes  plutôt  qu'à 
celui  des  animaux  ,  la  feule  différence  qui 
règne  entre  les  hommes  ,  fuffit  pour  main- 
tenir Vépoque.  Nous  fommes  compofés  de 
deux  chofes  ,  d'un  corps  &  d'une  ame  '9 


E   P    O  . 

mais  à  l'égard  de  ces  deux  chofes ,  nous 
fommes  ditférens  les  uns  des  autres  en  bien 
des  manières  ;  du  côté  du  corps ,  la  figure 
ou  conformation  ,  &  le  tempérament  va- 
rient ;  Sextus  en  allègue  quantité  d'exem- 
ples :  &  quant  à  l'ame  ,  une  preuve  de  la 
différence  prefque  infinie  qui  fe  trouve 
entre  les  elprits  des  hommes»  c'eft  la  con- 
trariété des  fentimens  des  dogmatiques'  en 
toutes  chofes ,  &  fur-tout  dans  la  queftion 
des  chofes  qu'on  doit  éviter  ou  rechercher. 
Or ,  ou  nous  croirons  tous  les  hommes ,  ou 
nous  en  croirons  quelques  -  uns.  Si  nous 
voulons  les  croire  tous ,  nous  entrepren- 
drons une  chofe  impoilible ,  &  nous  ad- 
mettrons des  contradictions  ;  &  fi  nous  en 
croyons  feulement  quelques-uns ,  auxquels 
donnerons-nous  la  préférence  ?  Un  plato- 
nicien nous  dira  qu'il  faut  s'en  rapporter  à 
Platon  ,  un  épicurien  à  Epicure  ;  mais  c'eft 
précifément  cette  contrariété  qui  nous  per- 
fuade  d'en  demeurer  à  Yépoque. 

Le  troifieme  ,  de  la  comparaison,  des  or- 
ganes des  fens.  Nous  ne  fommes  point 
certains  fi  les  objets  qui  fe  préfentent  à 
nous  ,  revêtus  de  certaines  qualités  ,  n'ont 
que  ces  feules  qualités  ;  ou  plutôt  fi  elles 
n'en  ont  qu'une  ,  &  fi  la  diverfité  appa- 
rente de  ces  qualités  ne  vient  point  de  la 
différente  conftitution  de  nos  organes  ,  ou 
enfin  s'ils  n'ont  point  plus  de  qualités  que 
celles  qui  nous  paroifTent ,  quelqu'une  de 
ces  qualités  pouvant  ne  pas  tomber  fous 
nos  fens.  Sextus  ne  fait  qu'ébaucher  la 
matière  des  fens  de  leurs  divers  rapports  & 
de  leurs  erreurs  ;  au  lieu  que  Malebranche, 
dans  fon  excellente  recherche  de  la  vérité , 
l'a  prefque  épuifée. 

Le^cjuatrieme ,  des  clrconflances.  Par  Ce 
terme,  dit  Sextus  ,  nous  entendons  les  ha- 
bitudes ,  les  difpofitions  &  les  conditions 
différentes.Ce  moyen  confifte  à  confidérer 
quelles  font  les  fenfationsôc  les  perceptions 
d'une  perfonne,  conformes  ou  non  con- 
formes à  fa  nature ,  dans  la  veille  ou  dans 
le  fommeil ,  dans  les  différens  âges  de  la 
vie  ,  dans  le  mouvement  ou  dans  le  repos  , 
dans  la  haine  ou  dans  l'amour,  quand  elle 
a  faim  ou  quand  elle  eft  raftafiée ,  quand 
elle  a  de  certaines  difpofitions  ou  habitu- 
des ,  quand  elle  eft  dans  la  confiance  ou 
dans  la  crainte ,  dans  la  iriftefTe  ou  dans  la 


E   P  O  7*7 

joie.  Il  eft  confiant ,  &  Sextus  le  prouve 
au  long  ,  que  ,  fuivant  ces  différentes  dif- 
pofitions ,  les  hommes  font  tantôt  dans  un 
certain  état ,  tantôt  dans  un  autre.  Ainfî 
l'on  peut  dire  facilement  comment  un 
objet  eft  apperçu  de  chacun  ;  mais  il  ne 
fera  pas  également  facile  de  prononcer 
quel  peut  être  réellement  cet  objet.  Pour 
trouver  un  juge  recevable  qui  décidât  entre 
ces  contrariétés  infinies ,  il  faudroit  trouver 
un  homme  qui  ne  fût  dans  aucune  difpo- 
fition ,  dans  aucune  circonftance  :  mais 
c'eft  une  fuppofition  impoflible.Tout  hom- 
me eft  lui-même  une  partie  difcordante  ; 
tout  homme  eft  du  nombre  des  chofes  dont 
on  difpute. 

Le  cinquième  ,  des  fituations ,  des  diftan- 
ces  &  des  lieux.  Selon  que  ces  relations  font 
différentes  t  les  mêmes  chofes  paroifTent 
diverfement.  Un  même  portique  ,  fi  on  le 
regarde  par  une  des  extrémités  de  fa  lon- 
gueur ,  paroît  aller  toujours  en  diminuant  ; 
mais  fi  on  le  regarde  par  fon  milieu  ,  il 
femble  égal  par-tout.  Un  vaiffeau  vu  de 
loin  ,  paroît  petit  &  fans  mouvement  ;  de 
près ,  il  paroît  grand  &  en  mouvement. 
Une  même  tour  vue  de  loin  paroît  ronde  , 
&  de  près  quarrée.Voilà  pour  les  diftances. 
A  l'égard  des  lieux ,  la  lumière  d'une  lampe 
eft  obfcure  au  foleil  ,  &  brillante  dans  les 
ténèbres.  Une  rame  paroît  rompue  dans 
l'eau  ,  &  droite  dehors.  Un  œuf  eft  mou 
dans  le  corps  de  l'oifeau  ,  &  dur  dehors. 
Le  corail  eft  mou  dans  la  mer  ,  &  fe  durcit 
à  l'air.  Une  même  voix  paroît  autre  dans 
une  trompette ,  autre  dans  les  flûtes  ,  & 
autre  dans  l'air  fimpîe.  Quant  aux  pofi- 
tions  ;  une  peinture  vue  prefque  tout  à  fait 
de  côté  ,  enforte  que  l'œil  ne  foit  prefque 
point  élevé  au  defTus  du  tableau  ,  paroît 
unie  ;  mais  fi  l'œil  eft  plus  élevé,  fi  le  ta- 
bleau eft  moins  incliné  ,  ou  vis-à-vis  de 
l'œil ,  l'image  paroît  avoir  des  éminences 
&c  des  enfoncemens.  Le  cou  des  pigeons 
paroît  de  diverfes  couleurs ,  fuivant  qu'ils 
fe  tournent.  Or  tous  les  objets  des  fens  fe 
préfentant  à  eux  de  quelque  diftance  ,  dans 
quelque  lieu  &  dans  quelque  pofition 
(  toutes  chofes ,  qui  chacune  à  part  caufent 
de  grandes  différences  dans  les  perceptions 
&  dans  les  idées  )  ,  nous  fommes  obliges 
par  ces  raifons-là  d'adopter  V époque. 


j6*  E    V    0 

Le  fixieme  ,  des  mélanges.  Rien  de  tout 
ce  qui  eft  hors  de  nous ,  ne  tombe  fous  nos 
fens  feul  &  pur ,  mais  toujours  avec  quel- 
qu'autre  chofe  ;  d'où  il  arrive  qu'il  eft 
apperçu  &  fenti  diverfement  par  ceux  qui 
le  confiderent.  La  couleur  de  notre  vifage, 
par  exemple  ,  paroît  autre  quand  il  fait 
chaud  que  quand  il  fait  froid  ;  ainfi  nous 
ne  pouvons  pas  dire  quelle  elle  eft  pure- 
ment &  Amplement,  mais  feulement  quelle 
elle  nous  paroit  avec  le  chaud  ou  avec  le 
froid.  Mais  outre  les  mélanges  extérieurs  , 
il  y  en  a  qui  réfident  dans  les  organes  mê- 
mes de  nos  fens  ,  &  qui  varient  infiniment 
la  perception  des  objets.  Nos  yeux  ont  en 
eux-mêmes  des  tuniques  &  des  humeurs. 
Ainfi  comme  nous  ne  pouvons  pas  voir  les 
objets  extérieurs  ,  fans  le  mélange  de  ces 
chofes  qui  font  dans  nos  yeux  ,  nous  ne 
pouvons  pas  non  plus  les  appercevoir  pure- 
ment &  exactement ,  &  jamais  nous  ne  les 
appercevons  qu'avec  quelque  mélange  C'eft 
la  raifon  pourquoi  toutes  chofes  paroifTcnt 
pâles  &  d'une  couleur  morte  à  ceux  qui  ont 
la  jaunifTe  ,  &  d'une  couleur  de  fang  à 
ceux  qui  ont  un  épanchement  de  fang  dans 
les  yeux.  Il  en  eft  de  même  des  oreilles , 
de  la  langue  ,  &c  lefquelles  font  fi  fouvent 
chargées  d'humeurs  qui  modifient  l'im- 
preiîion  des  objets  de  plusieurs  façons  dif- 
férentes. Tous  ces  mélanges  ne  permettant 
pas  aux  fens  de  recevoir  exactement  les 
qualités  des  objets  extérieurs  ,  l'entende- 
ment ne  peut  non  plus  juger  quels  ils  font 
purement  &  fîmplement,  parce  que  les  fens 
qui  lui  fervent  de  guide  fe  trompent;  outre 
que  peut-être  il  mêle  lui-même  certaines 
chofes  qui  lui  font  propres  i  aux  perceptions 
qui  lui  viennent  des  fens. 

Le  feptieme  ,  des  quantités  &  des  compor- 
tions. Il  eft  évident  que  ce  moyen  nous 
oblige  encore  à  fufpendre  nos  jugemens 
touchant  la  nature  des  chofes.  Par  exem- 
ple ,  les  raclures  des  cornes  de  chèvres  pa- 
roiffent  blanches  ,  quand  on  les  confidere 
fîmplement  &  à  part;  mais  dans  la  fubf- 
tance  même  de  la  corne  ,  elles  femblent 
noires.  Les  grains  de  fable  féparés  les  uns 
des  autres  ,  paroifïent  raboteux  ,  &  en 
monceau  on  les  trouve  mous.  Si  l'on  mange 
de  l'ellébore  réduit  en  poudre ,  il  étrangle  ; 
mais  il  ne  fait  pas  le  même  effet  quand  on 


E    P   O 

le  mangé  en  gios  morceaux ,  &c.  Cette 
raifon  des  quantités  &  des  comportions 
fait  donc  qne  nous  n'appercevons  que  d'une 
manière  obfcure  les  qualités  réelles  des 
objets  extérieurs,  &  nous  conduit  encore  à 
l'époque. 

Le  huitième ,  des  relations.  Toutes  chofes 
font  relatives  à  quelques  autres.  Une  chofe 
peut  être  dite  relative  à  deux  égards  :  i°.  à 
l'égard  de  celui  qui  juge  ;  car  un  objet  ex- 
térieur paroit  tel  ou  tel ,  relativement  à 
quelque  être  qui  en  juge  :  z°.  une  chofe  eft 
relative  à  tout  ce  qui  accompagne  la  per- 
ception ou  la  confidération  de  cette  chofe. 
C'eft  ainfi  que  le  côté  droit  eft  relatif  au 
gauche,  on  ne  peut  penfer  à  l'un  fans 
penfer  à  l'autre.  Il  y  a  des  relations  d'iden- 
tité &  de  diverfité,  d'égalité  &  d'inégalité  , 
de  figne  &  de  chofe  fignifiée ,  fous  lefquel- 
les tous  les  êtres  fans  exception  font  com- 
pris. II  eft  donc  évident  que  nous  ne  pou- 
vons pas  dire  ce  qu'eft  une  chofe  purement 
&  de  fa  nature  ,  mais  feulement  quelle  elle 
paroît  par  rapport  à  une  autre  :  nouveau 
principe  d'époque. 

Le  neuvième  ,  des  chofes  qui  arrivent  fré- 
quemment ou  rarement.  Le  foleil  eft  fans 
doute  quelque  chofe  de  bien  plus  furpre- 
nant  à  voir  qu'une  comète  ;  mais  parce 
que  nous  le  voyons  fouvent ,  &  que  nous 
voyons  rarement  une  comète  ,  elle  nous 
épouvante  tellement,  que  nous  nous  ima- 
ginons que  les  dieux  veulent  nous  préfager 
par  là  quelque  grand  événement ,  pendant 
que  le  foleil  ne  fait  point  cet  effet  fur  nous. 
Mais  imaginons-nous  que  le  foleil  parût 
rarement,  ou  qu'il  fe  couchât  rarement , 
&  qu'après  avoir  éclairé  tout  !e  monde ,  il 
le  îaifsât  enfuite  pour  long-temps  dans  les 
ténèbres,  nous  trouverions- là  de  grands 
fujets  d'étonnement.  Un  tremblement  de 
terre  effraie  tout  autrement  ceux  qui  le 
fentent  pour  la  première  fois ,  que  ceux 
qui  y  font  accoutumés.  Quelle  n'eft  pas  la 
furprife  de  ceux  qui  voient  la  mer  pour  la 
première  fois?  On  eftime  les  chofes  rares  ; 
mais  celles  qui  font  familières  ,  font  vues 
avec  indifférence.  Puis  donc  que  les  mêmes 
objets  nous  paroiflent  tantôt  précieux  & 
dignes  d'admiration  ,  &  tantôt  tout  diffé- 
rens ,  fuivant  leur  abondance  ou  leur  rareté, 
nous  en  concluons  qu'on  peut  bien  dire 

comment 


E    P  O 

comment  une  chofe  nous  paroît  félon 
qu'elle  arrive  fréquemment  ou  rarement , 
mais  que  nous  ne  faurions  rien  affirmer 
nuement  &  fimplement  fur  fon  compte. 

Le  dixième  ,  des  inftitut  s  y  des  coutumes  , 
des  loix  y  des  perfuajîons  fabitleujes  ,  &  des 
opinions  dts  dogmatiques.  C  eft  ici  la  fource 
la  plus  abondante  des  contrariétés  humai- 
nes, &  des  raifons  d'hadhérer  à  V époque. 
Suivons  encore  notre  guide ,  qui  nous 
fournit  les  définitions  &  ies  exemples  que 
vous  allez  lire.  Un  inftitut  eft  le  choix  que 
l'on  fait  d'un  certain  genre  de  vie ,  ou 
quelque  plan  de  conduite  &  de  pratiques  , 
que  l'on  prend  d'une  feule  perfonne , 
comme  par  exemple  de  Diogene  ,  ou  des 
Lacédémoniens.  Une  loi  eft  une  conven- 
tion écrite  par  les  gouverneurs  de  l'état , 
laquelle  convention  emporte  avec  elle  une 
punition  contre  celui  qui  la  tranfgrefle.  La 
coutume  eft  l'approbation  d'une  chofe 
fondée  fur  le  confentement  &  la  pratique 
commune  de  plufieurs ,  dont  la  tranfgref- 
fion  n'eft  point  unie  comme  celle  de  la 
loi  :  par  exemple ,  c'eft  une  loi  de  ne  point 
commettre  d'adultère ,  mais  c'eft  une  cou- 
tume parmi  nous  de  ne  point  habiter  avec 
fa  femme  en  public.  Uneperfuaiion  fabu- 
leufe  eft  l'approbation  que  l'on  donne  à 
des  chofes  feintes  &  qui  n'ont  jamais  été, 
telles  que  font  entr'autres  chofes,  'es  fables 
que  l'on  raconte  de  Saturne:  car  ces  cho- 
fes-là  font  reçues  comme  vraies  parmi  le 
peuple.  Une  opinion  dogmatique  eft  l'ap- 
probation que  l'on  donne  à  une  chofe  qui 
paroît  être  appuyée  fur  le  raifonnement, 
ou  fur  une  démonftration  :  par  exemple  , 
que  les  premiers  élémens  de  toutes  chofes 
font  des  atomes  indivifibles,  ou  des  ho- 
maeomeries,  c'eft-à-dire  ,  des  parties  fimi- 
laires  qui  fe  diftribuent  différemment  pour 
compofer  les  différens  corps  ,  &c.  Or  nous 
oppofons  chacun  de  ces  genres ,  ou  avec 
lui-même,  ou  avec  chacun  des  autres.  Par 
exemple ,  nous  oppofons  une  coutume  à 
une  coutume  ,  en  cette  manière.  Quelques 
peuples  d'Ethiopie  ,  difons-nous  ,  impri- 
ment des  marques  fur  le  corps  de  leurs 
enfans ,  &  non  pas  nous.  Les  Perfes  croient 
qu'il  eft  décent  de  porter  un  habit  bigarré 
de  diveries  couleurs  &  long  jufqu'aux  ta- 
lons ;  &  nous ,  nous  croyons  que  çpla.  eft 
Tome  XII, 


E  P  O  ?€) 

indécent.  Les  Indiens  careftent  leurs  fem- 
mes à  la  vue  de  tout  le  monde  ,  mais  plu- 
fleurs  autres  peuples  trouvent  cela  honteux. 
Nous  oppofons  loi  à  loi.  Ainfî ,  chez  les 
Romains  ,  celui  qui  renonce  aux  biens  de 
fon  père,  ne  paie  point  les  dettes  de  fon 
père  ;  &  chez  les  Rhodiens ,  il  eft  obligé 
de  les  payer.  Dans  la  Cherfonefe  Taurique 
en  Scythie  ,  c'étoit  une  loi  d'immoler  les 
étrangers  à  Diane  ;  mais  chez  nous  il  eft 
défendu  de  tuer  un  homme  dans  un  tem- 
ple. Nous  oppofons  inftitut  à  inftitut ,  lorf- 
que  nous  oppofons  la  manière  de  vivre  de 
Diogene  à  celle  d'Ariftippe ,  ou  Hnftituc 
des  Lacédémoniens  à  celui  des  Italiens. 
Nous  oppofons  une  perfuafïon  fabuleufe  à' 
une  autre ,  Iorfque  nous  difons  que  quel- 
quefois Jupiter  eft  appelé,  dans  les  fables  , 
le  père  des  dieux  &■  des  hommes  ,  &  que  quel- 
quefois l'Océan  eft  appelé  Vongine  des 
dieux ,  &  Thétis  leur  mere^  fuivant  l'ex- 
prefîion  de  Junon  dans  Homère.  Nous 
oppofons  les  opinions  dogmatiques  les  unes 
aux  autres  ,  Iorfque  nous  difons  que  les  uns 
croient  I'ame  mortelle ,  &  d'autres  immor- 
telle ;  que  les  uns  affurent  que  la  providence 
des  dieux  dirige  les  événemens ,  &  que 
d'autres  n'admettent  point  de  providence. 
Sextus  ,  après  avoir  ainfi  oppofé  ces  chefs 
à  eux-mêmes ,  les  met  aux  prifes  les  uns 
avec  les  autres  ;  mais  ce  détail  nous  mene- 
roit  trop  loin.  Tels  font  les  dix  moyens  de 
V époque:  renfermée  dans  de  juftes  bornes, 
elle  eft  fans  contredit  le  principe  le  plus 
excellent  qu'aucune  feâe  ait  jamais  avancé , 
le  préfervatif  le  plus  infaillible  contre  l'er- 
reur. Aufh  Defcartes  ,  ce  reftaurateur  inu 
mortel  de  la  faine  philofophie ,  eft- il  parti , 
pour  ainfi  dire,  delà  ;  par  une  fufpenfion 
univerfelle  du  jugement,  il  a  frayé  ,  à  la 
vérité ,  de  nouvelles  routes  qui ,  malgré  les 
prétentions  de  quelques  philofophes  plus 
récens ,  font  les  feules  qui  conviennent  à 
l'efprit  humain,  \J époque  >  principe  more 
entre  les  mains  des  Sceptiques  qui  fe  con- 
tentoient  de  détruire  fans  édifier ,  &  qui  fe 
jetoient  tête  baiffée  dans  un  doute  uni- 
verfel ,  devient  une  fource  de  lumière  & 
de  vérité  ,  lorfqu'elle  eft  employée  par  un 
philofophe  judicieux  &  exempt  de  préju- 
gés. Voye{  DOUTE.  Cet  article  eft  tiré  de» 
papiers  de  M,  FoRMEY. 

Eeee«e 


yo 


E  P  O 


E   P   O 


ÉPOQUE  ,  en    AJlronomie.    On  appelle  |  donc  le  lieu  moyen  de  la  planète  pour  cet 
époque  ou  racine  des  moyens  mouvemens  j  inftant,  &  par  conféquentunefimple  règle 


d'une  planète  ,  le  Heu  moyen  de  cette  pla- 
nète de'terminé  pour  quelqu'inftant  marqué, 
afin  de  pouvoir  enfuite ,  en  comptant  depuis 
cet  inftant ,  déterminer  le  moyen  de  la  pla- 
nète ,  pour  un  autre  inftant  quelconque. 

Parmi  les  planètes  nous  comprenons 
auiîi  le  foleil ,  que  les  tables  aftronomiques 
fuppofent,  ou  peuvent  fuppofer  en  mou- 
vement ,  en  lui  attribuant  le  mouvement 
de  la  terre.  Voye-^  Copernic.  Voye^  aufïi 
Mouvement  moyen  ,  Lieu  moyen, 
Temps  moyen,  Équation  du 
temps. 

Les  aftronomes  font  convenus  de  faire 
commencer  l'année  dans  leurs  tables  à 
l'inftant  du  midi  qui  précède  le  premier 
)our  de  janvier ,  c'eft-à-dire  ,  à  midi  le  3 1 
décembre,  enforte  qu'à  midi  du  premier 
janvier  on  compte  déjà  un  jour  complet 
ou  vingt-quatre  heures  écoulées.  Ainfi  , 
«juand  on  trouve  dans  les  tables  aftrono- 
miques ,  au  méridien  de  Paris  ,  Y  époque 
de  la  longitude  moyenne  du  foleil  en  1700$ 
de  9  fignes  10  degrés  7  minutes  1  j  fécon- 
des ,  cela  fignifie  que  le  3 1  décembre  1699  > 
à  midi ,  à  Paris ,  la  longitude  moyenne 
du  foleil ,  c'eft-à-dire ,  fa  diftance  au  pre- 
mier point  à'Ariesy  en  n'ayant  égard  qu'à 
ion  mouvement  moyen ,  étoit  de  9  fignes 
1  o  degrés  7  minutes  1 5  fécondes  ,  &  ainfi 
àcs  autres. 

L'époque  une  fois  bien  établie ,  le  lieu 
moyen  pour  un  inftant  quelconque  eft  aifé 
a  fixer  par  une  fimple  régie  de  trois.  Car 
on  dira  :  comme  une  année  ,ou  365  jours  , 
eft  au  temps  écoulé  depuis  ou  avant  Yépo- 
que-t  ainfi  le  mouvement  moyen  de  la 
planète ,  ou  le  temps  périodique  moyen 
pendant  une  année.  (  Voye-^  PÉRIODE  & 
Mouvement  MOYEN)eft  au  mouvement 
cherché,  qu'on  ajoutera  à  lV/io^/e  ou  qu'on 
en  retranchera.  Toute  la  difficulté  fe  réduit 


de  trois  donnera  le  lieu  moyen  à  l'inftant 
de  V époque.   Par  exemple ,  le  lieu  moyen 
du  foleil  fe  confond  fenfiblement  avec  le 
lieu  vrai  ,  lorfque  le  foleil  eft  apogée  ou 
périgée,  parce  qu'alors  l'équation  du  centre 
eft  nulle  ;  le  lieu  moyen  de  la  lune  fe  con- 
fond à  peu  près  avec  le  lieu  vrai ,  lorfque 
la  lune  eft  apogée  ou  périgée  ,  &  de  plus 
en  conjonction  ou  oppofition  ;  je  dis  à  peu 
prhy  parce  que  dans  ce  cas  là  même  il  y  a 
encore    quelques    équations ,    la    plupart 
affez  petites ,  que  les  tables  &  la  théorie 
donnent ,    &  auxquelles  il  eft   nécefiaire 
d'avoir  égard  pour  déterminer  le  vrai  mou- 
vement moyen  ,  aufli,  comme   ces  équa- 
tions ne   font  pas   exactement   connues  , 
Yépoque  du  lieu  moyen  de  la  lune  ne  peut 
être  fixée  que  par  une  efpece  de  tâtonne- 
ment &  par  des  combinaifons  répétées  & 
délicates.  Il  paroît  en  effet  que  M.  Halley 
l'avoit  trop  reculée  d'environ  une  minute , 
&  d'autres  aftronomes  la  font  de  près  de 
deux   minutes  plus  avancée.  Ce  font  les 
obfervations  réitérées  des  lieux  de  la  lune  » 
comparés  avec  les  calculs  de  ces  mêmes 
lieux ,  qui  peuvent  fervir  à  fixer  Yépoque. 
auffi  exactement  qu'il  eft   poflible.  Poye^ 
LUNE ,  &  les  articles  cités  ci-dejfus  (O) 

Époque  ,  f.  f.  (  Hijloire.  )  On  appelle 
ainfi  certains  événemens  remarquables 
dont  le  temps  eft  exactement  ou  à  peu 
près  connu  dans  la  chronologie  ancienne 
&  moderne  ,  &  qui  fervent  comme  de 
points  fixes  pour  y  rapporter  les  autres  évé- 
mens.  Ce  mot  vient  d'un  mot  grec  qui 
fignifie  s'arrêter ,  parce  que  les  époques 
dans  Thiftoire  font  comme  des  lieux  de 
repos  ,  &  pour  ainfi  dire  ,  des  (rations  où 
l'on  s'arrête  pour  eonfidérer  de  là  plus  à 
fon  aife  ce  qui  fuie  &  ce  qui  précède ,  & 
pour  lier  entr'eux  les  événemens.  Voye[  ce 
que  dit  fur  ce  fujet  M.  BofTuet ,  dans  for* 


tlonc  à  bien  fixer  Yépoque  ,  c'eft-à-dire  ,   le  i  dijcoursfur  l'hijloire  univerjelle. 

Sftai  1i*»,i    «,^,,^_ .,-  ..« Ijf- :_/  T  „_    _.-:..„; 1,,.   i „.   A*.   V 


Nfrailieu  moyen  pour  un  temps  déterminé. 
Pour  cela  il  faut  obferver  la  planète  le 
plus  exactement  qu'il  eft  poflible  dans  les 
points  de  fon  orbite ,  où  le  lieu  vrai  fe 
confond  avec  le  Heu  moyen,  c'eft-à-dire, 
ou  les  équations  du  moyen  mouvement 
font  nulles.  (Voyei  ÉQUATION.)  On  aura 


Les  principales  éqoques  de  l'Hiftoire  fa~ 
crée ,  par  exemple  ,  font  la  création  du 
monde ,  le  déluge  ,  la  vocation  d'Abra- 
ham ,  la  fortie  d'Egypte ,  Saiïl ,  ou  les 
Juifs  gouvernés  par  des  rois ,  la  captivité 
de  Babylone  ,  le  retour  de  la  captivité,  la 
paiflance  de  Jeius-Chriftr  Les  temps  de  ce» 


E  P  O 

«îifFér entes  époques  font  différens ,  feîon  la 
chronologie  que  Ton  jugea  propos  de  Cui- 
vre. Voye{  Age  ,  Chronologie  ,  &c. 

Les  principales  époques  de  Thifroire 
eccléfiaftique  ,  font  Conftantin  ou  la  paix 
de  l'églife  ,  la  nailTance  du  Mahométifme, 
le  fchifme  des  Grecs  ,  les  Croifades  ,  le 
grand  fchifme  d'Occident ,  le  Luthéra- 
nifme,  &c 

Celles  de  l'hiftoire  de  France ,  font 
Clovis,  Pépin,  Hugues   Capet,  tige  des 


EPO  771 

fe  former  un  fyftême  fuivi.  La  manière 
différente  de  compter  l'année  chez  les  dif- 
férens peuples ,  contribue  à  la  difficulté  de 
bien  fixer  les  époques. 

Pour  réduire  les  années  d'une  époque  à 
celle  d'une  autre,  c'e-ft- à-dire  ,  pour 
trouver  quelle  eft  l'année  de  l'une  qui  cor- 
respond à  une  année  donnée  de  l'autre  , 
on  a  inventé  une  période  d'années  qui 
commence  avant  toutes  les  époques  con- 
l  nues ,  &  qui  en  eft  ,  pour  ainn  dire',  le 


trois  races  de  nos  rois  :  &  dans  chacune  j  rendez-vous  commun  ;  cette  période   eft 


de  ces  trois  époques  principales  on  peut  en 
placer  d'autres  ;  par  exemple ,  depuis  Hu- 
gues Capet ,  on  peut  placer  différentes 
époques  ,  à  S.  Louis  ,  à  Charles  le  Sage  ,  à 
François  I,  à  Henri  IV,  à  Louis  XIV. 
Il  en  eft  de  même  de  l'hiftoire  des  autres 
peuples.  Foye[  HISTOIRE.  Voye[  aufli  l'ar- 
ticle Ere.  La  règle  qu'on  doit  fe  propofer 
pour  les  époques ,  c'eft  qu'elles  ne  foient  ni 
trop  ,  ni  trop  peu  nombreufes.  On  en  fent 
aïfément  la  raifon.  Dans  le  premier  cas  , 


le  lecleur  ou  l'hiftorien  s'arrêteroit  inuti-    JULIENNE. 


appelée  période  julienne.  C'eft  i  cette  pé- 
riode que  l'on  réduit  toutes  les  époques,  en 
déterminant  l'année  de  cette  période,  à 
laquelle  chaque  époque  commence.  Ain  fi  , 
il  ne  refte  plus  qu'à  ajourer  l'année  propofée 
d'une  époque  à  l'année  de  la  période  qui 
correfpond  au  commencement  de  cette 
époque ,  &  à  retrancher  de  cette  même  an- 
née propofée  l'année  de  la  même  période 
qui  répond  à  l'autre  époque  ;  le  refte  eft 
l'année  de  cette  autre  époque.  V.  Période 


lement  à  chaque  pas  ;  dans  le  fécond  ,  il 
s'épuiferoit  de  fatigues  ,  ayant  trop  de  ter- 
rain à  embrafler  à  la  fois.  (O) 

L'époque  eft  donc  proprement  un  terme 
ou  point  fixe  de  temps  ,  depuis  lequel  on 
compte  les  années.  PVyeçAN. 

Les  nations  ont  différentes  époques ,  & 
cela  n'eft  pas  furprenant  :  car  comme  il 
n'y  a  point  de  raifons  tirées  de  l'aftrono- 
mie  qui  rendent  l'une  préférable  à  l'autre  , 
la  fixation  des  époques  eft  purement  arbi- 
traire. La  principale  époque  des  chrétiens 
eft  celle  de  la  naiftance  ou  incarnation  de 
Jefus-Chrift  ;  celle  des  Mahométans  eft 
l'hégire  ;  celle  des  Juifs ,  la  création  du 
monde  ",  celle  des  anciens  Grecs ,  les  Olym- 
piades; celle  des  Romains  ,  la  fondation 
Se  Rome  ;  celle  des  anciens  Perfes  &  Afly- 
riens ,  eft  V époque  ou  l'ère  de  Nabonaflar. 

Voyei  Incarnation,  Hégire,  Olym- 
piade ,  &c. 

La  connoifTance  &  Pufage  des  époques 
eft  d'un  grand  avantage  dans  la  Chrono- 
logie. Voye^  Chronologie. 

C'eft  principalement  dans  l'hiftoire  an- 
cienne que  les  époques  font  néceflaires. 
L'incertitude  de  la  chronologie  oblige  de 
fe  fixer  à  quelques  points  principaux  pour 


\S époque  de  Jefus-Chrift  '  ou  de  notre  Sei- 
gneur ,  eft  V époque  vulgaire  de  teute  l'Eu- 
rope ;  elle  commence  à  la  nativité  du  Sau- 
veur le  2j  décembre ,  ou  plutôt,  félon  la 
manière  ordinaire  de  compter ,  à  fa  cir- 
concifiow  le  premier  janvier  ;  mais  en 
Angleterre,  elle  commence  à  l'incarnation 
ou  à  l'annonciation  de  la  Vierge  le  1 5  de 
mars ,  neuf  mois  avant  la  nativité.    Voyeç 

Nativité,  Circoncision,  Annon- 
ciation, Ùc. 

L'année  de  la  période  julienne  répon- 
dant à  celle  de  la  naiffance  &  de  la  cir- 
concifion  de  Jefus-Chrift  ,  eft  ordinaire- 
ment comptée  pour  la  47 13  de  cette 
période.  Ainfi  la  première  année  de  notre 
ère  répond  à  la  4714  année  de  la  période 
julienne. 

Donc  1  °.  fi  à  une  année  donnée  de  J.  C.  t 
on  ajoute  47 J  3  >  la  fomme  fera  l'année  de 
la  période  julienne  qui  répond  à  l'année 
propofée  ;  par  exemple ,  fi  à  la  préfente 
année  175  j  on  ajoute  471$  ,  la  fomme 
6468  fera  l'année  où  nous  fommes  de  la 
période  julienne,  x9.  Au  contraire ,  fi  on 
ôte  471 3  d'une  année  donnée  de  la  période 
julienne ,  le  refte  eft  l'année  courante  de 
Jefus-Chrift.  Par  exemple ,  fi  de  l'année 
Eee  e  e   2. 


77i  E   P    O 

6468  de  la  période  julienne  on  ôte  475  y , 
le  refte  fera  l'année  courante  1755. 

"L'époque  de  la  naiffance  de  notre  fei- 
gneur  fert  non-feulement  au  calcul  des 
années  écoulées  depuis  le  commencement 
de  M  époque  ,  mais  encore  aux  calculs  de 
celles  qui  l'ont  précédé. 

Pour  trouver  l'année  de  la  période  ju- 
lienne, répondant  à  une  année  donnée 
avant  Jefus-Chrift ,  il  faut  fouftraire  de 
47 14  l'année  propofée  ,  le  refte  fera  l'année 
correfpondante  que  l'on  cherche.  Ainiî  on 
trouvera  que  l'année  751  avant  J.  C.  eft 
l'année  3956  de  la  période  julienne.  Au 
contraire,  fi  on  fouftrait  de  4714  une 
année  propofée  de  la  période  julienne  de 
4714,  le  refte  eft  l'année  correfpondante 
avant  J.  C. 

L'auteur  de  X époque  vulgaire  ,  ou  de  la 
méthode  de  compter  les  années  depuis  la 
îiaifTance  de  J.  C.  eu  Denis  le  Petit,  abbé 
de  Rome,  Scythe  de  nation  ,  qui  floriftbit 
fous  l'empire  de  Juftinien  vers  l'an  J07; 
ce  Denis  en  avoit  eu  la  première  idée  par 
un  moine  Egyptien ,  nommé  Panodore. 
Jufqu'alors  les  chrétiens  comptoient  les 
années ,  ou  depuis  la  fondation  de  Rome, 
ou  par  l'ordre  des  empereurs  &  des  confuls, 
ou  fuivant  les  autres  méthodes  des  peuples 
parmi  lefquels  ils  vivoient. 

Cette  diverfité  occafipnna  une  grande 
difpute  entre  les  églifes  d'Orient  &  celles 
d'Occident.  Denis,  pour  la  faire  ceffer  , 
propofa  le  premier  une  nouvelle  forme 
d'année  &  une  nouvelle  ère  générale  ,  qui 
furent ,  l'une  6k  l'autre ,  généralement  re- 
çues en  peu  d'années. 

Denis  commença  fon  ère  à  l'incarnation, 
ou  à  la  fête  appelée  communément  annon- 
ciation  de  la  Vierge.  Cette  méthode  eft  en- 
core en  ufage  dans  les  pays  de  la  domina- 
tion de  la  grande  Bretagne ,  mais  elle  n'eft 
plus  en  ufage  que  là  ;  dans  les  autres  pays 
de  l'Europe ,  on  commence  l'année  au 
premier  janvier,  excepté  en  cour  de  Rome , 
où  Vépoque  de  l'incarnation  eft  encore  em- 
ployée dans  la  date  des  bulles.  Voye^  In- 
carnation. 

Il  faut  ajouter  que  dans  cette  époque  de 
Denis  il  y  a  une  méprife  :  on  croit  com- 
munément qu'il  a  mis  la  naiffance  de  J.  C. 
un  an  trop  tard ,  ou  que  J,  C.  étoit  né 


E    P  O 

l'hiver  d'avant  celui  que  Denis  marque 
pour  la  conception.  Mais  la  vérité  eft  que 
cette  faute  doit  être  imputée  à  Bede  qui  a 
mal  entendu  Denis  ,  &  dont  nous  fuivons 
l'interprétation  ;  c'eft  ce  que  le  P.  Petau  a 
fort  bien  prouvé  par  les  lettres  mêmes  de 
Denis.  Car  Denis  commence  fon  cycle  à 
l'année  4712.  de  la  période  julienne,  mais 
il  ne  commence  fon  époque  qu'à  lannée 
4713  ,011  l'ère  vulgaire  fuppofe  que  J.  C. 
a  été  incarné. 

Ainfi  la  première  année  de  J.  C.  félon 
l'époque  vulgaire ,  eft  la  féconde  félon  le 
calcul  de  Denis.  Par  conféquent  la  préfente 
année  1755  devroit  être  en  rigueur  1756; 
quelques  chronologiftes  prétendent  même 
qu'il  y  a  erreur ,  non-feulement  d'un  an  , 
mais  de  deux. 

C'eft  à  cette  ère  vulgaire  que  les  Chro- 
nologiftes réduifent  toutes  les  autres  époques 
comme  à  un  point  fixe  &  déterminé  :  ce- 
pendant il  n'y  a  aucune  de  ces  époques  qui 
ne  foit  le  fujet  de  quelque  difpute,  tant 
il  y  a  d'incertitude  dans  la  doclrirte  des 
temps.  Nous  allons  rapporter  les  principa- 
les de  ces  époques  t  réduites  à  la  période 
julienne. 

Y? époque  de  la  création ,  orbis  conditi , 
appelée  aufli  époque  juive  ,  eft  félon  le  cal- 
cul des  Juifs  ,  l'année  9  n  de  la  période  ju- 
lienne ,  qui  répond  à  l'année  3761  avant 
J.  C.  &  commence  au  7  d'odobie. 

Donc  fi  on  ôte  951  ans  dune  année 
donnée  de  la  période  julienne ,  le  refte  fera 
l'année  de  Ycpoque  juive  qui  y  répond.  Par 
exemple,  la  préfente  année  étant  la  6459 
de  la  période  julienne ,  fe  trouvera  être  la 
5507  de  Vépoque  juive;  ou  de  la  création 
du  monde. 

Cette  époque  eft  encore  en  ufage  parmi 
les  Juifs. 

\J époque  de  la  création ,  en  ufage  parmi 
les  hiftoriens  grecs ,  eft  l'année  787  avant 
la  période  julienne ,  répondant  à  l'année 
5  jco  avant  J.  C. 

Ajoutant  donc  787  à  une  année  donnée 
de  la  période  julienne  ,  la  fomme  eft  l'an- 
née de  cette  époque:  par  exemple,  6459 
étant  l'année  où  nous  fommes  de  la  période 
julienne ,  la  préfente  année  de  cette  époque^ 
ou  de  l'âge  du  monde ,  fuivant  le  calcul  des 
Grecs,  fera  7146, 


E  P  O 

L'auteur  de  cette  époque  eft  Jules  Afri- 
cain qui  Ta  tirée  des  Hiftoriens.  Mais  quand 
on  voulut  s'en  fervir  dans  l'ufage  civil  ,  il 
fallut  y  ajouter  huit  ans ,  afin  que  chaque 
année  divifée  par  quinze  pût  marquer  l'in- 
di&ion  dont  les  empereurs  d'Orient  fe  fer- 
voient  pour  dater  leurs  Chartres  &  leurs 
diplômes. 

L'époque  de  la  création  en  ufage  parmi 
les  Grecs  modernes  &  parmi  les  RufHens  , 
eft  l'année  73 s  avant  la  période  julienne, 
ou  l'année  5509  avant  J.  C.  commençant 
au  premier  de  feptembre  ;  cependant  les 
Rufîiens  ont  admis  dans  la  fuite  le  calen- 
drier julien  ,qui  commence  l'année  au  pre- 
mier de  janvier. 

Ajoutant  donc  79  j  à  une  année  donnée 
de  la  période  julienne  ,  la  fomme  fera  l'an- 
née de  cette  époque  ;  ainfi  l'année  julienne 
étant  aujourd'hui  6468  ,  la  préfente  année 
de  la  création  ,  félon  ce  calcul  ,  fera  7163  ; 
&  de  la  préfente  année  7163  ,  ôtantj5oo, 
le  refte  fera  l'année  courante  175;. 
.  Cette  ère  étoit  employée  par  les  empe- 
reurs d'Orient  dans  leurs  diplômes  ,  &  c'eft 
pour  cela  aufli  qu'on  Pappelloit  l'ère  civile 
des  Grecs.  Elle  eft  en  effet  la  même  que  IV- 
poque  de  la  période  conftantinopolitaine  ; 
c'eft  pourquoi  quelques-uns  l'appellent  l'é- 
poque de  la  période  de  Conftantinople.   Voye[ 

Période. 

L' 'époque  alexanirienne  de  la  création  ,  eft 
l'année  7^0  avant  la  période  julienne,  qui 
répond  à  l'année  5494  >  avant  J.  C.  &  qui 
commence  au  Z9  d'août. 

Ajoutant  donc  J493  à  la  préfente  année 
<îe  J.  C.  1755  >  la  fomme  72.48  donnera  la 
préfente  année  de  cette  époque ,  ou  les  années 
écoulées  depuis  la  création ,  en  fuivant  cette 
méthode  de  calculer. 

Cette  époque  fut  imaginée  par  Panodore, 
moine  égyptien  ,  pour  faciliter  le  calcul  de 
la  Pâque  ;  c'eft  pourquoi  quelques  auteurs 
î'appellerit  V époque  eccléfiaflique grecque. 

"L'époque  eufebienne  de  la  création  ,  eft 
l'année  486  de  la  période  julienne  ,  qui  ré- 
pond à  l'année  4228  avant  J.  C.  &  com- 
mence en  automne. 

«•  Otant  donc  486  de  la  préfente  année  ju- 
lienne 6468  ,  ou  ajoutant  4228  à  la  préfente 
année  de  J.  C. ,  le  nombre  J983  qui  en  ré- 


E  P    O  173 

fuite ,  fera  la  préfente  année ,   fuivant  17- 
poque  eufebienne. 

Cette  époque  eft  celle  qui  eft  fui  vie  dans 
la  chronique  d'Eufebe  &  dans  le  martyro- 
loge romain. 

L'époque  des  olympiades  eft  l'année  3938  , 
de  la  période  julienne  ,  répondant  à  l'année 
776  avant  J.C. ,  &à  l'année  2985  de  la  créa- 
tion ;  elle  commence  à  la  pleine-lune  qui 
fuit  le  folftice  d'été ,  &  chaque  olympiade 
renferme  quatre  ans. 

Cette  époque  eft  fort  célèbre  dans  l'hif- 
toire  ancienne  ;  elle  étoit  en  ufage  princi- 
palement chez  les  Grecs  ,  &  tiroit  fon  ori- 
gine des  jeux  olympiques,  que  l'on  célébroic 
au  commencement  de  chaque  cinquième 
année.  Voye[  OLYMPIADE. 

Epoque  de  la  fondation  de  Rome  ,  ou  Urbis 
conditœ,  V.  C.  eft  l'année  3961  delà  période 
julienne  ,  félon  Varron  ;  ou  l'année  3961 , 
félon  les  faftes  capitolins  relie  répond  à  fan- 
née  753,  ou  75a  avant  J.  C.  &  commence 
au  ai  d'avril.  Donc  fi  les  années  de  cette 
époque  font  moindres  que  754 ,  il  faudra  les 
fouftraire  de  754  ou  7^3  ,  pour  avoir  les 
années  correfpondantes  avant  J.  C.  Si  elles 
font  plus  grandes  que  7^4,  il  faudra  les 
ajouter  pour  avoir  l'année  de  la  fondation 
de  Rome  ,  &  en  fouftraire  75-4  pour  avoir 
l'année  de  J.  C.  ;  ainfi ,  félon  le  calcul  de 
Varron ,  la  préfente  année  175  5  eft  la  2  5 1 8e. 
de  la  fondation  de  Rome. 

1? époque  de  Nabonajfar  eft  l'année  3967 
de  la  période  julienne  ,  qui  répond  à  l'an- 
née 747  avant  J.  C. ,  &  commence  au  2.6 
de  février. 

Cette  ère  eft  ainfi.  appelée  du  nom  de  fon 
inftituteur  NabonafTar,  roideBabylone  ,  & 
c'eft  celle  dontPtoIomées'eft  fervi  dans  les 
obfervations  aftronomiques  ,  aufli  bien  que 
Cenforin  &  plufîeurs  autres. 

L'époque  dioclétienne ,  ou  V époque  des  mar- 
tyrs,  eft  l'année 49 9 7  de lapériode  julienne, 
répondant  à  l'année  193  de  J.  C.  On 
l'appelle  ère  des  martyrs  ,  à  caufe  du  grand 
nombre  de  chrétiens  qui  foufFrirent  le  mar- 
tyre fous  le  règne  de  cet  empereur. 

Les  Abyflins ,  qui  s'en  fervent  encore 
dans  toutes  leurs  computations  ,  l'appellent 
les  années  de  grâce  :  cependant  leurs  années 
ne  forment  pas  une  fuite  continue  depuis 
cette  époque  ;  mais  quand  la  période  Dyoni* 


774  E   P    O 

fïennede  f34eft  expirée  ,iîs recommencent 
à  compter  de  nouveau  par  i ,  i ,  &c. 

JJ  époque  de  P  hégire ,  OU  époque  mahométane, 
eft  l'année  5355  de  la  période  julienne  ,  qui 
répond  à  l'an  622  de  J.  C.  Elle  commepce 
au  16  de  juillet ,  qui  eft  le  jour  où  Maho- 
met s'enfuit  de  la  Meque  à  Médine. 

Cette  époque  eft  celle  dont  fe  fervent  les 
Turcs  &  les  Arabes  ,  &  en  général  tous  les 
Mufulmans  fe&ateurs  de  la  loi  de  Maho- 
met. Son  premier  iniiituteur  fut  Omar  , 
troifieme  empereur  des  Turcs.  Les  aftrono- 
mes  Alfraganus  ,  Albategnius  ,  Alphonfe  , 
&  Ulugh-Beigh  mettent  la  fuite  de  Maho- 
met au  1  f  de  juillet  ;  mais  tous  les  peuples 
qui  font  ufage  de  cette  époque ,  la  fixent  au 
16  de  ce  même  mois.  Voye^  HÉGIRE. 

\J  époque  des  Séleucides  ,  dont  les  Macé- 
doniens fe  fervoient ,  eft  l'année  4402  de  la 
période  julienne ,  répondant  à  l'année  5 1 1 
avant  Jefus-Chrift.  Voye^  SÉLEUCIDES. 

L' époque perfien  ne  ,  ou  yejdegerdique  ,  eft 
Tannée  5345  delà  période  julienne,  répon- 
dant à  l'année  632  de  J.  C. ,  &  commen- 
çant au  16  de  juin. 

Cette  époque  eft  fixée  à  la  mort  d'Yezde- 
gerde,  dernier  roi  de  Perfe  ,  tué  dans  une 
bataille  contre  les  Sarrafins. 

Epoque  julienne ,  ou  époque  des  années 
juliennes ,  eft  l'année  4668  de  la  période 
julienne ,  répondant  à  l'année  4J  avant 
Jefus-Chrift. 

Cette  époque  commence  à  l'année  où  Ju- 
les-Céfar  réforma  le  calendrier.  On  ap- 
pelle cette  année ,  année  de  confufion.  Voye[ 
f  article  AN. 

Epoque  grégorienne ,  voye^  GRÉGORIEN. 

Epoque  efpagnole  ,  eft  l'année  4676  de  la 
période  julienne,  répondant  à  l'année  38 
avant  J.  C.  Voye^  Ere. 

\J  époque  acliaque  ou  aâienne  ,  eft  l'année 
4684  delà  période  julienne,  répondant  à 
l'année  30  avant  J.  C.  &  commençant  au 
19  d'août. 

Les  autres  mémorables  époques  font  celles 
du  déluge,  l'an  1656  de  la  création  ;  la 
naiflance  d'Abraham  en  a.079  ;  l'exode  des 
Ifraélites ,  ou  leur  fortie  d'Egypte  en  2544; 
la  conftrudion  du  temple  de  Jérufalem  en 
ico2  ;  la  deftrudion  de  ce  même  temple 
fan  50  de  J.  C.  ;  la  prife  de  Conftantinople 
par  les  Turcs  en  1453  ùc.  Chambers.  (  G  j 


E  P  O 

*ÉPOTIDES  ,  f.  f.  Hifi  anc.  )  poutres 
ou  grofles  pièces  de  bois  qui  s'avançoienc 
aux  deux  cotés  de  la  proue  ,  pour  empêcher 
les  coups  violens  des  éperons  :  leur  faillie 
étoit  d'environ  fix  coudées 

ÉPOUSAILLES  ,  f.  f.  pi.  (  Jurifprud.  ) 
Ce  terme  dans  les  coutumes  flgnifie  la 
même  chofe  que  la  bénédiction  nuptiale  :  par 
exemple  ,  la  coutume  de  Paris  ,  art.  9.2.0  , 
dit  que  la  communauté  commence  au  jour 
des  époufailles  &  bénédi&ion  nuptiale.  Voy. 

Mariage,  {a) 

ÉPOUSSETTE  ,  f.  f.  (  Manège  *  Mare* 
chall.  )  nom  qui  a  été  donné  à  un  morceau 
d'une  étoffe  quelconque,  dont  fe  fervent 
les  palfreniers  pour  chafler  &  pour  faire 
voler  la  poufîiere  &  la  crafte  qu'ils  ont  atti- 
rées &  laifféesà  la  fuperficie  du  corps  &des 
poils  du  cheval  en  l'étrillant. 

Vépouflette  eft  communément  faite  d'en- 
viron  une  aune  de  quelque  drap  de  laine 
très-grofïier. 

Il  en  eft  defrife  que  Ton  humecte  &  que 
l'on  pafle  après  la  brofTe  &  le  bouchon  de 
paille  ,  dans  l'intention  d'unir  parfaitement 
le  poil. 

Il  en  eft  de  crin  ,  que  Ton  emploie  au 
même  ufage. 

Il  en  eft  encore  de  toile  ,  dont  les 
palfreniers  fe  font  un  tablier  en  travail- 
lant. (  e  ) 

ÉPOUSSETTE  ,  (  Gravure.  )  c'eft  une 
efpece  de  brofTe  ou  gros  pinceau  fait  de  la 
queue  du  petit-gris  ,  qui  fert  à  nettoyer  le 
deffus  de  la  planche  verniffée,  des  ordures 
&  portions  du  vernis  détachées  dans  le 
travail,  par  la  pointe  &  les  autres  outils 
employés. 

EPOUSSETER  un  cheval,  (  Manège 
Maréchall.  )  c'eft  enlever  la  poufîiere  &  la 
crafTe  que  l'étrille  a  détachées  de  la  peau ,  & 
qui  fe  trouvent  engagées  entre  les  poils. 
Voyez  Panser  &  Ëpoussette.  (  e  ) 

ÉPOUSSETOIR,  f.  m.  (  Metteur  en 
oeuvre.  )  petit  pinceau  de  poil  fort  doux ,  & 
tenu  proprement  dans  un  étui ,  dont  les 
Metteurs  en  œuvre  fe  fervent  pour  ôter  la 
poufîiere  &  le  duvet  qui  pourraient  être 
reftésfur  le  diamant ,  lorfqu'on  l'anettsjrf 
avec  une  houpe  avant  que  de  l'arrêter  dam 
fon  œuvre. 

ÉPOUVANTAI!. ,  f.  m.  (  Jardinage*  I 


E  P  R 

ce  font  des  haillons  que  l'on  met  au  bout 
d'une  perche ,  pour  épouvanter  les  oifeaux 
&  les  bêtes  noires  qui  viennent  manger  les 
graines  &  les  raifins.  (-K) 

EPPINGEN,  (  Géog.  mod.  )  ville  du  Pa- 
latinat  du  Rhin  en  Allemagne,  furl'Efalts. 
Long.  nj.  34.  ht.  49.  22. 

EPREINTES ,  {Médec.)  douleurs  vives 
au  rectum ,  à  la  veflie  ou  à  la  matrice,  &  qui 
font  faire  des  efforts  comme  pour  pouffer 
au  dehors  la  caufe  irritante  ,  quelle  qu'elle 
foit.  On  reftraint  vulgairement  le  terme 
cYépreintes  à  une  maladie  du  fondement , 
qui  caufe  de  fréquentes  &  inutiles  envies 
d'aller  à  la  felle.  V.  Tenesme.  Ladiffente- 
rie &  les  hémoi rhoïdes  cau'ent  des  épreintes, 
dont  la  continuation  produit  aflez  ordinai- 
rement le  renverfement  de  la  membrane 
interne  du  recium.  Pour  prévenir  cet  incon- 
vénient, &  pour  y  remédier ,  il  eft  très-utile 
de  fe  tenir  le  fiége  dans  du  lait  ou  dans  une 
décocHon  de  plantes  émolli  entes,  afin  que  la 
membrane  qui,  poufféepar  les  efforts  répétés, 
forme  un  bourrelet  à  l'extérieur,  foit  hu- 
mectée, baignée  &  rafraîchie,  &  qu'elle  de- 
vienne moins  fufceptible  de  l'impreflion  des 
caufes  irritantes.  Ce  traitement  local  calme 
la  tenfion  inflammatoire.  Mais  quand  les 
douleurs  &  les  accidens  diminuent ,  ri  l'on 
continue  les  injections ,  il  eft  à  propos  de 
rendre  la  liqueur  un  peu  réfolutive ,  par 
l'addition  des  fleurs  de  camomille ,  de  mé- 
lilot ,  de  fureau ,  &c  aux  plantes  émollien- 
tes.  On  fupprime  enfin  celles-ci,  pour  ajou- 
ter aux  fleurs  fufdites  celles  de  rofes  rouges, 
&c.  fur-tout  fi  le  relâchement  de  la  mem- 
brane a  été  confidérable,  afin  de  fortifier 
les  parties  que  la  maladie  &  les  remèdes 
relâchans  ,  qui  conviennent  dans  Ton  com- 
mencement &  fes  progrès ,  ont  affoiblies. 
Ceux  qui  ont  la  pierre  dans  la  veffie ,  font 
fujes  aux  épreintes  du  reâum ,  par  la  com- 
munication qu'il  y  a  entre  ces  parties ,  par 
Je  moyen  des  nerfs  &  des  vaiffeaux. 

La  veflie  a  aufli  des  épreintes  dans  la  plu- 
part de  fes  maladies,  &  dans  celles  des 
parties  qui  Pavoifinent.  L'envie  fréquente 
d'uriner,  dans  laquelle  les  malades  rendent 
l'urine  en  petite  quantité  &  avec  grande 
douleur ,  a  été  appelée  tenefme  de  la  vejfie  , 
&  plus  communément  Jlrangurie.  Voyez 
#e  mot.  Cette  maladie  peut  avoir  pour  caufe 


E  P  R  77« 

occafionneîle  les  embarras  du  canal  de  I'u- 
retre.  Voye^  CarnositÉ.  Une  veflie  ra- 
cornie ,  des  parois  de  laquelle  il  exude  une 
humeur  muqueufe  fufceptible  de  devenir 
acre ,  eft  fujette  aux  épreintes.  Lorfque  la 
capacité  de  la  veflie  eft  diminuée,  les  en- 
vies d'uriner  doivent  être  fréquentes,  parce 
qu'une  petite  quantité  d'urine  fait  une  im- 
preffion  fenfible  fur  les  parois  de  cet  organe. 
Une  boiffon  adouciffante ,  &  fort  abon- 
dante ,  relâche  &  diftend  la  veflie;  mais  il 
faut  avoir  foin  que  la  fecrétion  de  l'urine , 
qui  eft  augmentée ,  trouve  une  iffue  libre  ; 
&  l'ufage  de  la  fonde  placée  dans  la  veffie  , 
eft  un  moyen  fans  lequel  les  malades  ne  fe 
détermineroient  pas  à  boire  plus  copieufe- 
ment,parce  qu'ils  ont  la  fâcheufe  expérience 
qu'ils  fouffrent  d'autant  plus,  qu'ils  urinent 
plus  fréquemment  :  aufîi  la  plupart  crai- 
gnent-ils de  boire.  Les  injeclions  qu'on  fait 
dans  la  veflie ,  délaient  &  entraînent  les 
matières  qui  y  croupifToient ,  &  concourent 
efficacement  avec  la  boiffon  ,  à  mondifier 
la  cavité  de  ce  vifeere  dans  les  cas  fufdits  t 
&  dans  celui  d'ulcération. 

Les  vaiffeaux  variqueux  '  l'orifice  de  la 
veflie ,  font  fufceptibles  de  gonflement ,  de 
phlogofe  &  d'inflammation  ;  de  là  des 
épreintes ,  ou  ce  fentiment  douloureux  qui 
excite  continuellement  à  faire  des  efforts 
pour  uriner ,  la  veflie  même  étant  vuide. 
Quoiqu'on  reçoive  dans  ce  cas  du  foulage- 
ment  de  la  fonde  biffée  dans  la  veflie,  il 
n'eft  pas  néceffaire  d'y  avoir  recours ,  l'u- 
fage des  bougies  eft  fuffifant,  il  faut  les 
augmenter  de  volume  par  degré  ;  &  com- 
me elles  ne  doivent  agir  qu'en  comprimant 
les  vaiffeaux  ,  elles  doivent  être  très- 
adouciffantes.  Le  blanc  de  baleine ,  l'huile 
d'amandes  douces,  &  la  quantité  de  cire 
néceffaire  pour  donner  la  confiftance  re- 
quife  ,  font  les  feuls  ingrédiens  qui  entrent 
danslacompofitionde  ces  fortes  de  bougies. 

Quand  la  chute  de  la  matrice  eft  compli- 
quée d'inflammation ,  il  furvient  difficulté* 
&  fréquence  d'uriner  :  ce  font  des  épreintes 
fymptomatiques ,  la  réduction  de  la  ma- 
trice les  fait  cefler. 

On  excite  des  épreintes  par  des  lavemens 
acres  ,  pour  procurer  la  fortie  d'un  enfant 
mort ,  ou  du  placenta  refté  dans  la  matrice. 
Cet  effet  des  lavemens  irritans  montre 


77$  EPK 

l'utilité  des  anodins  dans  les  cas  ou  il  faut 
relâcher  &  de'tendre  ,  comme  dans  l'in- 
flammation de  la  matrice ,  de  la  veflle ,  & 
des  parties  circonvoifines.  (Y) 

EPREINTES:  c'eft  ainlî  qu'on  nomme 
les  fientes  des  loutres. 

*  EPREUVE,  ESSAI,  EXPÉRIENCE, 
(  Gram.  )  termes  relatifs  à  la  manière  dont 
nous  acque'rons  la  connoiflance  des  objets. 
Nous  nous  affurons  par  {'épreuve ,  fi  la 
chofe  a  la  qualité  que  nous  lui  croyons  ; 
par  Vejfai ,  quelles  font  les  qualités  ;  par 
X expérience ,  fi  elle  eft.  Vous  appprendrez 
par  expérience  que  les  hommes  ne  vous 
manquent  jamais  dans  certaines  circonf- 
tances.  Si  vous  faites  Vejfai  d'une  recette 
fur  des  animaux  ,  vous  pourrez  enfuite 
l'employer  plus  sûrement  fur  l'efpece  hu- 
maine. Si  vous  voulez  conferver  vos  amis, 
ne  les  mettez  point  à  des  épreuves  trop  for- 
tes. L'expérience  eft  relative  à  l'exiftence, 
Vejfai  à  Pufage  ,  Y  épreuve  aux  attributs. 
On  dit  d'un  homme  qu'il  eft  expérimenté 
dans  un  art ,  quand  il  y  a  long-temps  qu'il 
le  pratique  ;  qu'une  arme  a  été  éprouvée, 
lorfqu'on  lui  a  fait  fubir  certaines  charges 
de  poudre  p.refcrites  ;  qu'on  a  ejfayé  un 
habit ,  lorfqu'on  l'a  mis  une  première  fois 
pour  juger  s'il  fait  bien. 

Epreuve,  f.  f.  {Jtbfi.  moi.)  manière  de 
juger  &:  de  décider  de  la  vérité  ou  de  la 
faufleté  des  açcufations  en  matière  crimi- 
nelle ,  reçue  &  fort  en  ufage  dans  le  neu- 
vième,  le  dixième  &  le  onzième  fiecles, 
qui  a  même  fubfifté  plus  long- temps  dans 
certains  pays,  &  qui  eft  heureufement 
abolie. 

Ces  jugemens  étoient  nommés  jugemens 
de  Dieu ,  parce  que  l'on  étoit  perfuadé  que 
l'événement  de  ces  épreuves,  qui  auroit  pu 
en  toute  autre  occafion  être  imputé  au 
hafard  ,  étoit  dans  celle-ci  un  jugement 
formel ,  par  lequel  Dieu  faifoit  connoître 
clairement  la  vérité  en  punifïànt  le  cou- 
pable. 

Il  y  avoit  plufieurs  efpeces  d'épreuves: 
mais  elles  fe  rapportoient  toutes  à  trois 
principales  ;  favoir  le  ferment ,  le  duel ,  & 
l'ordalie-,  ou  épreuve  par  les  éiémens, 

\S épreuve  par  ferment ,  qu'on  nommoit 
aufli purgation  canonique,  fe  fafoit  de  plu- 
jfieurs  manières  ;  i'aççufé  qui  étoit  obligé 


EPR 
de  le  prêter ,  &  qu'on  nommoit  jurator 
ou  facramentalis  ,  prenoit  une  poignée 
d'épis,  les  jetoit  en  l'air,  en  atteftant  le 
ciel  de  fon  innocence  :  quelquefois  une 
lance  à  la  main  ,  il  déclaroit  qu'il  étoit 
prêt  à  foutenir  par  le  fer  ce  qu'il  affirmoit 
par  ferment  j  mais  l'ufage  le  plus  ordinaires, 
&  le  feul  qui  fubfifla  le  plus  long-temps , 
étoit  de  jurer  fur  un  tombeau  ,  fur  des  reli- 
ques ,  fur  l'autel ,  fur  les  évangiles.  On  voit 
parles  loix  de  Childebert,  par  celles  des 
Bourguignons  &  des  Frifons,  que  l'accufé 
étoit  admis  à  faire  jurer  avec  lui  douze 
témoins  ,  qu'on  appeloit  conjurât  ores  ou 
compurgatores. 

Quelquefois ,  malgré  le  ferment  de  l'ac- 
cufé ,  l'accufateur  perfiftoit  dans  fon  accu- 
fation  ;  &  alors  celui-ci  ,  pour  preuve  de 
la  vérité ,  &  l'accufé  ,  pour  preuve  de 
fon  innocence  ,  ou  tous  deux  enfemb'.e  , 
demandoient  le  combat.  Il  falloit  y  être 
autorifé  par  fentence  du  juge ,  &  c'eft  ce 
qu'on   appeloit  épreuve  par   le  duel.    Voye% 

Duel,  Combat,  &  Champion. 

A  ce  que  nous  en  avons  détaillé  fous 
ces  mots,  nous  ajouterons  feulement  ici 
que  ,  quoique  certaines  circonftances  mar- 
quées par  les  loix  faites  à  ce  fujet ,  &  les 
difpenfes  de  condition  &  d'état,  empê- 
chafïent  le  duel  en  quelques  occafions , 
rien  n'en  pouvoit  difpenfer,  quand  on  étoit 
aceufé  de  trahifon  :  les  princes  du  fang 
même  étoient  obligés  au  combat. 

Nous  obferverons  encore  que  Xépreuve 
par  le  duel  étoit  fi  commune,  &  devint  fî 
fort  du  goût  de  ce  temps-là  ,  qu'après  avoir 
été  employée  dans  les  affaires  criminelles  , 
on  s'en  fervit  indifféremment  pour  décider 
toutes  fortes  de  queftions,  foit  publiques, 
foit  particulières.  S'il  s'élevoit  une  difpute 
fur  la  propriété  d'un  fonds ,  fur  l'état  d'une 
perfonne,  fur  le  fens  d'une  loi  ;  fi  le  droit 
n'étoit  pas  bien  clair  de  part  &  d'autre ,  on 
prenoit  des  champions  pour  l'éclaircir. 
Ainfi  l'empereur  Othon  I ,  vers  l'an  968  , 
fit  décider  fi  la  repréfentation  avoit  lieu  en 
ligne  directe,  par  un  duel ,  où  le  cham- 
pion nommé  pour  foutenir  l'affirmative 
demeura  vainqueur. 

\1  ordalie  ,  terme  faxon ,  ne  fignifioit 
originairement  qu'un  jugement  en  général  ; 
mais  comme  les  épreuves  pafioient  pour  les 

jugemens 


E    P    R 

ugemens  par  excellence,  on  n'appliqua j 
cette  dénomination  qu'à  ces  derniers  ,  & 
l'ufage  le  détermina  dans  la  fuite  aux  feules 
épreuves  par  les  élémens  ,  &  à  toutes  celles 
dont  ufoit  le  peuple.  Oa  en  diftinguoit 
deux  efoeces  principales  ,  Vépreuve  par  le 
feu  ,  &  Vépreuve  par  l'eau. 

La  première  ,  &  celle  dont  fe  fervoient 
aufîi  les  nobles ,  les  prêtres ,  &  autres  per- 
fonnes  libres  qu'on  difpenfoit  du  combat , 
étoit  la  preuve  par  le  fer  ardent.  C  étoit 
«nebjrrede  fer  d'environ  trois  livres  pe- 
fant  ;  ce  fer  écoit  béni  avec  plufieurs  céré- 
monies ,  &  gardé  dans  une  églife  qui  avoit 
ce  privilège  ,  &  à  laquelle  on  payoit  un 
droit  pour  faire  Vépreuve. 

L'accufé  ,  après  avoir  jeûné  trois  jours 
au  pain  &  à  l'eau  ,  entendoit  la  mefTe  ;  il 
y  communioit  &  faifoit  ,  avant  que  de 
recevoir  l'euchariftie  ,  ferment  de  fon  in- 
nocence ;  il  étoit  conduit  à  "l'endroit  de 
Péglife  deftiné  à  faire  Vépreuve  ;  on  lui  jetoit 
de  l'eau  bénite  ;  il  en  buvoit  même  ;  en- 
fuite  il  prenoit  le  fer  qu'on  avoit  fait  rougir 
plus  ou  moins  ,  félon  les  préfomptions  & 
la  gravité  du  crime  ;  ii  le  foulevoit  deux 
ou  trois  fois ,  ou  le  portoit  plus  ou  moins 
loin  ,  félon  fa  fentence.  Cependant  les 
prêtres  récitoient  les  prières  qui  étoient 
d'ufage.  On  lui  mettoit  enfuite  la  main 
dans  un  fac  que  Ion  fermoit  exactement  , 
&  fur  lequel  le  juge  &  la  partie  adverfe 
appofoient  leurs  fceaux  pour  les  lever  trois, 
jours  après  ;  alors  s'il  ne  paroiffoit  point  de 
marque  de  brûlure  ,  &  quelque  fois  aufîi , 
fuivant  la  nature  &  à  Pinfpection  de  la 
plaie  ,  l'accufé  étoit  abfous  ou  déclaré  cou- 
pable. 

La  même  épreuve  fe  faifoit  encore  en 
mettant  la  main  dans  un  gantelet  de  fer 
rouge  ,  ou  en  marchant  nuds  pies  fur  des 
barres  de  fer  jufqu'au  nombre  de  douze  , 
mais  ordinairement  de  neuf.  Ces  fortes 
d'épreuves  font  appelées  ketelvang  dans  les 
anciennes  loix  de  Pays-Bas  ,  &  fur-tout 
dans  celles  de  Frife. 

On  peut  encore  rapporter  à  cette  efpece 
^épreuve  celle  qui  fe  faifoit  ou  en  portant 
du  feu  dans  fes  habits  ,  ou  en  paffant  au- 
travers  d'un  bûcher  allumé  ,  ou  en  y  je- 
tant des  livres  pour  juger  s'ils  brûloient 
ou  non ,  de  l'ortodoxie  ou  de  la  faulTeté 
Tome  XI J, 


E  P  R  7?7 

des  chofes  qu'ils   contenoient.   Les   hi&> 
riens  en  rapportent  plufieurs  exemples. 

1? ordalie  par  feau  fe  faifoit  ou  par  l'eau 
bouillante  ,  ou  par  l'eau  froide  ;  Vépreuve 
par  l'eau  bouillante  étoit  accompagnée  des 
mêmes  cérémonies  que  celle  du  fer  chaud  , 
&  confiftoit  à  plonger  la  main  dans  une 
cuve  pour  y  prendre  un  anneau  qui  y  étoit 
fufpendu  plus  ou  moins  profondément. 

L: 'épreuve  par  l'eau  froide  ,  qui  étoic 
celle  du  petit  peuple  ,  fe  faifoit  afïez  fim- 
plement.  Après  quelques  oraifons  pronon- 
cées fur  le  patient  ,  on  lui  lioit  la  main 
droite  avec  le  pié  gauche  ,  &  la  main 
gauche  avec  le  pié  droit  ,  &  dans  cet  étac 
on  le  jetoit  à  l'eau.  S'il  furnageoit  ,  on  le 
traitoit  en  criminel  ;  s'il  enfonçoit  ,  il  étoic 
déclaré  innocent.  Sur  ce  pie-là  il  devoit  fa 
trouver  peu  de  coupables ,  parce  qu'un 
homme  en  cet  état  ne  pouvant  faire  aucun 
mouvement,  &  fon  volume  étant  d'un 
poids  fupérieur  à  un  volume  égal  d'eau  ,  il 
doit  nécessairement  enfoncer.  Dans  cette 
épreuve  le  miracle  devoit  s'opérer  fur  le 
coupable  ,  au  lieu  que  dans  celle  du  feu  , 
il  devoit  arriver  dans  la  perfonne  de  l'in- 
nocent. Il  eft  encore  parlé  dans  les  ancien- 
nes loix  de  Vépreuve  de  la  croix  ,  de  celle 
de  l'euchariftie ,  &  de  celle  du  pain  Se  du 
fromage. 

Dans  Vépreuve  delà  croixles  deux  parties 
fe  tenoient  devant  une  croix  les  bras  éle- 
vés ;  celle  des  deux  qui  tomboit  la  première 
de  laffitude  perdoit  fa  caufe.  \J  épreuve  de 
l'euchariftie  fe  faifoit  en  recevant  la  com- 
munion ,  &  occafionnoit  bien  des  parjures 
facrileges.  Dans  la  troifieme  on  donnoit  à 
ceux  qui  étoient  acculés  de  vol ,  un  mor- 
ceau de  pain  d'orge  &  un  morceau  de  fro- 
mage de  brebis  fur  lefquels  on  avoit  dit  la 
mefTe  ;  8c  lorfque  les  aceufés  ne  pouvoienc 
avaler  ce  morceau  ,  ils  étoient  cenfés  cou- 
pables. M.  du  Cange  ,  au  mot  cormed ,  re- 
marque que  cette  façon  de  parler ,  que  ce 
morceau  de  pain  me  puijfe  étrangler  ,  vient 
de  ces  fortes  $  épreuves  par  le  pain. 

Il  eft  confiant ,  par  le  témoignage  d'une  t 
foule  d'hiftoriens  &  d'autres  écrivains ,  que 
toutes  ces  différentes  fortes  à' épreuves  ont 
été  en  ufage  dans  prefque  toute  l'Europe  , 
&  qu'elles  ont  été  approuvées  par  des  pa- 
pes ,  des  conciles ,  &  ordonnées  par  de 
Fffff 


778  ÊPR 

loix  des  rois  &  des  empereurs.  Mais  il  ne 
I'eft  pas  moins  qu'elles  n'ont  jamais  été  ap- 
prouvées par  l'Eglife.   Dès  le  commence- 
ment du  jx.  fîecle  ,  Agobard  ,  archevêque 
de    Lyon ,  e'crivit  avec    force  contre    la 
da.nnable    opinion    de     ceux    qui  prétendent 
que   Dieu  fait   connoître  fa.   volonté  Ù  fon 
jugement  par  les  épreuves  de    Veau    &  du 
feu  ,  &  autres  femblables.  Il  fe  recrie  vive- 
ment contre  le  nom  de  jugement  de    Dieu 
qu'on  ofoit  donner  à  ces  épreuves  ;  comme 
fi  Dieu  ,  dit-il  ,  les  avait  ordonnées  ,  ou  s' il 
devoit  fe  joumettre  à   nos  préjugés  &  à  nos 
fentimens  particuliers  pour   nous  révéler  tout 
ce  qù  il  nous  fiait  de  favoir.  Yves  de  Char- 
tres ,  dans  le  xj.  fîecle ,  les  a  attaquées  ,  & 
cite  à  ce  fujet  une  lettre  du  pape  Etienne 
V  à  Lambert,  évèque  de  Mayence  ,  qui  eft 
aufïï  rapportée  dans  le  décret  de  Gratien. 
Les  papes   Celeftin  III  ,  Innocent  III  & 
Honorius  III  y  réitèrent  ces  défenfes.  Qua- 
tre conciles  provinciaux  afïemblés  en  819 
par  Louis  le  Débonnaire ,  &  le  jv.  concile 
général  de  Latran  ,  les    défendirent.  Ce 
•  qui  prouve  que   l'Eglife  en  général ,  bien 
loin  d'y  reconnoître  le  doigt  de  Dieu  ,  les 
a  toujours  regardées  comme  lui  étant  inju- 
ri  eu  fes&  favorables  au  menfonge.De-là  les 
théologiens  les  plus  fages  ont  foutenu  après 
Yves  de  Chartres  &  S.  Thomas»  qu'elles 
étoient  condamnables  parce  qu'on  y  tentoit  I 
Dieu  toutes  les  fois  qu'on  y  avoit  recours  ,  1 
parce  qu'il  n'y  a  de  fa  part  aucun  corn-  { 
mandement  qui  les  ordonne  ,  parce  qu'on  j 
veut  connoître  par  cette  voie  des  chofes  , 
cachées  qu'il  n'appartient  qu'à  Dieu  feul  ' 
de  connoître.  D'où  ils  concluent  que  c'eft  1 
à  jufte  titre  qu'elles  ont  été  proferites  par  î 
les  fouverains  pontifes  &  par  les  conciles.    \ 

Mais  les  défenfeurs  de  ces  épreuves  op-  | 
poforent  pour  leur  jufiification  les  mirac'es 
dont  elles  étoient  fouvent  accompagnées. 
Ce  qui  ne  doit  s'entendre  que  des  ordalies  ;  ' 
car  pour  V épreuve  par  le  ferment ,  le  duel  ,  j 
h  croix  y  ùc  elles  n'av oient  rien  que  d'hu-  ; 
main    6c  de  naturel   ;  &  delà  naît    une 
autre  queflion  très-importante  ,  favoir  de 
quel  principe  part  le  merveilleux  ou  le  fur- 
naturel  qu'une  infinité  d'auteurs  contem- 
porains   atteftent  avoir   accompagné    o  s 
f/?rei/ve5.Vient-il  de  Dieu,  vient-il  du  démon? 

Les  théologiens  même*   qui  condan> 


eh 

noient  les  épreuves  ,  fans  contefter  la  viriti 
de  ces  miracles  ,  n'ont  pas  balancé  à  en 
attribuer  le  merveilleux  au  démon  ;  ce  que 
Dieu  permettoit ,  difoient-ils ,  pour  punir 
l'audace  qu'on  avoit  de  tenter  fa  toute- 
puifTance  par  ces  voies  fuperftitieufes  ; 
fentiment  qui  peut  fournir  de  grandes 
difficultés.  Un  auteur  moderne  qui  a  écrie 
fur  la  vérité  de  la  religion  ,  prétend  que 
Dieu  eft  intervenu  quelquefois  dans  ces 
épreuves ,  ou  par  lui  -  même  ,  ou  par  le 
miniftere  des  bons  anges,  pour  fufpendre 
l'activité  des  flammes  &  de  l'eau  bouil- 
lante en  faveur  des  innocens  ,  fur  -  tout: 
lorfqu'il  s'agiffoit  de  doctrine  ;  mais  il 
convient  d'un  autre  coté  que  ii  le  merveil- 
leux eft  arrivé  dans  le  cas  d'une  aceufatiou 
criminelle  fur  la  vérité  ou  la  fauiTeté  de 
laquelle  ni  la  raifon  ni  la  révélation  ne 
donnoient  aucune  lumière  ,  il  eil  impof- 
fible  de  décider  qui  de  Dieu  ou  du  démon 
en  étoit  l'auteur  ;  &  s'il  ne  dit  pas  nette- 
ment que  c'étoit  celui-ci,  il  le  lailïe  en- 
trevoir. 

M.  Duclos  ,  de  l'académie  des  Belles- 
Lettres  ,  dans  une  difTertation  fur  ces 
épreuves ,  prétend  au  contraire  qu'il  n'y 
avoit  point  de  merveilleux  ,  mais  beau- 
coup d'ignorance  ,  de  crédulité  ,  &  de 
fuperftition.  Quant  aux  faits  il  les  combat, 
foit  en  infirmant  l'autorité  des  auteurs  qui 
les  ont  rapportés,  foit  en  développant  l'ar- 
tifice de  plufieurs  épreuves,  foit  en  tirant 
des  circonftances  dont  elles  étoient  ac- 
compagnées des  raifons  de  douter  du  fur- 
naturel  qu'on  a  prétendu  y  trouver.  Oa 
peut  les  voir  dans  l'écrit  même  d'où  nous 
avons  tiré  la  plus  grande  partie  de  cet  ar- 
ticle ,  &  auquel  nous  renvoyons  le  lecteur 
comme  à  un  exemple  excellent  de  la  logi- 
que dont  il  faut  faire  ufage  dans  l'examen- 
d'une  infinité  de  cas  femblables.  Mém.  de- 
iacad.tcm.  XV.  (G) 

Comme  toutes  les  épreuves  dont  on  vienc 
de  parler  s'appeloient  en  Saxon  ordéal ,  or- 
déal  par  le  feu  ,  ordéal  par  l'eau  ,  &c.  il  eu 
arrivé  que  leur  durée  a  été  beaucoup  plus, 
grande  dans  le  Nord  ,  que  par-tout  ail- 
leurs. Elles  ontfubfifté  en  Angleterre  juf- 
qu'au  xiij  fîecle.  Alors  elles  furent  aban- 
données par  les  juges  ,  fans  être  encore 
fu:  primées  par  a&e  du  parlement  3  mais 


E  P  R 

enfin  leur  ufage  cefTa  totalement  en  1 1  j 7.  'j 
Emma  mère  d'Edouard  le  confeffeur,  avoit 
elle-même  fubi  Yépreuve  du  fer  chaud.  La 
coutume  qu'avoient  les  payfans  d'Angle- 
terre dans  Je  dernier  fiecle  de  faire  les 
épreuves  des  forciers  en  les  jetant  dans 
l'eau  froide  pies  &  poings  liés  ,  eft  vrai- 
fembiablement  un  refte  de  Yordéal  par 
l'eau  ;  &  cette  pratique  ne  s'eft  pas  con- 
fervee  moins  long- temps  dans  nos  provin- 
ces, où  l'on  y  a  fouvent  affujetti,  même 
par  fentence  de  juge  ,  ceux  qu'on  faifoit 
pafler  pour  forciers. 

Non-feulement  l'Eglife  toléra  pendant 
des  iiecles  toutes  les  épreuves  ,  mais  elle  en 
indiqua  les  cérémonies  ,  donna  la  formule 
des  prières  ,  des  imprécations  ,  des  exor- 
cifmes,  &  fouftrit  que  les  prêtres  y  prê- 
taient leur  miniftere  ;  fouvent  même  ils 
étoient  acteurs  ,  témoin  Pierre  Ignée.  Mais 
pourquoi  dans  Yépreuve  de  l'eau  froide,  efti- 
moit-on  coupable  &  non  pas  innocent ,  celui 
qui  furnageoit  ?  C'eft  parce  que  dans  l'opi- 
nion publique  ,  c'étoit  une  démonflration 
que  l'eau  (  que  l'on  avoit  eu  la  précaution  de 
bénir  auparavant  )  ne  vonloit  pas  recevoir 
faccufé  ,  &  qu'il  falloit  par  conféquent  le 
regarder  comme  très-criminel. 

La  loi  faHque  en  admettant  Yépreuve  par 
Peau  bouillante ,  permettoit  du  moins  de 
racheter  fa  main  du  confentement  de  la 
partie ,  &  même  de  donner  un  fubîîitut  : 
c'eii  ce  que  fit  la  reine  Teutberge ,  bru  de 
l'empereur  Lothaire,  petit-fils  de  Charle- 
magne  ,  accufée  d'avoir  commis  un  incefte 
avec  fon  frère  moine  &  fous-diacre  :  elle 
nomma  un  champion  qui  fe  fournit  pour 
elle  à  Yépreuve  de  l'eau  bouillante  ,  en 
préience  d'une  cour  nombreufe  ;  il  prit 
l'anneau  béni  fans  brûler.  On  juge  aifé- 
ment  que  dans  ces  fortes  d'aventures  ,  les 
juges  fermoient  les  yeux  fur  les  artifices 
dont  on  fe  fervoit  pour  faire  croire  qu'on 
plongeoit  la  main  dans  l'eau  bouillante  , 
car  il  y  a  bien  des  manières  de  tromper. 

On  n'oubliera  jamais  ,  en  fait  ^épreuve  , 
le  défi  du  dominicain  qui  s'offrit  de  pafler 
à  travers  un  bûcher  pour  juftifier  la  fain- 
tcté  de  Savonaroîe ,  tandis  qu'un  cordelier 
propafa  la  même  épreuve  pour  démontrer 
que  Savonaroîe  étoit  un  fcélérat.  Le  peu- 
ple ayide  d'un  tel  fpe&acle  en  preifa  l'exé- 


E  P  R  719 

cctîon  ;  le  magifcrat  fut  contraint  d'y 
foufcrire  ;  mais  les  deux  champions  s'ai- 
dèrent l'un  l'autre  à  fortir  de  ce  mauvais 
pas  ,  &  ne  donnèrent  point  l'afFreule  co- 
médie qu'ils  avoient  préparée. 

Bien  des  gens  admirent  que  les  peu- 
ples aient  pu  ii  long-temps  fe  figurer  que 
les  épreuves  fuflent  des  moyens  fins  pour 
découvrir  la  vérité,  tandis  que  tout  con- 
couroit  à  démontrer  leur  incertitude,  outre 
que  les  rufes  dont  on  les  voiloit  auroient  dû 
défabufer  le  monde  ;  mais  ignore-t-on  que 
l'empire  de  la  fuperftition  eft  de  tous  les  em- 
pires le  plus  aveugle  &  le  plus  durable? 

Au  refte  les  curieux  peuvent  confulter 
Heinius ,  Ebeîingius,  Cordemoy  ,  du  Can- 
ge  ,  le  P.  Mabillon  ,  le  célèbre  Ba^ze  ,  & 
plufieurs  autres  favans  qui  ont  traité  fort 
au  long  des  épreuves  ,  ou  pour  mieux  dire  , 
des  monumens  les  plus  bizarres  qu'on  con- 
noiffe  de  l'erreur  &  de  l'extravagance  de 
l'efprit  humain  dans  la  partie  du  monde 
que  nous  habitons.  Article  de  M.  le  Cheva- 
lier job  Jaucourt. 
Epreuve  des  fusils  de  munition. 
Voy.  Poudre  a  éprouver  le  canon. 

Epreuve  ,  f.  f.  Voye^  Canon. 

Pour  1'  épreuve  de  la  poudre ,  voye^  POU- 
DRE S'ÉPROUVETTE.  (Q) 

EPREUVE  ,  dans  l'ufage  de  f  Imprimerie, 
s'entend  des  premières  feuilles  que  l'on  im- 
prime fur  la  forme  après  qu'elle  a  été  impo- 
lee  :  la  première  épreuveÇe  doit  lire  a  l'Impri- 
merie fur  la  copie  ;  c'eft  fur  cette  première 
épreuve  que  fe  marquent  les  fautes  que  le 
compofîteur  a  faites  dans  l'arrangement 
des  caractères.  La  féconde  qu'on  envoie  à 
l'auteur  ou  au  correcteur,  devroit  unique- 
ment fervir  pour  fuppîéer  à  ce  qui  a  été 
omis  à  la  correction  delà  première;  mais 
prefque  tous  les  auteurs  ne  voient  les  épreu- 
ves que  pour  fe  corriger  eux-mêmes ,  & 
font  des  changemens  qui  en  occafionnent 
une  troisième  ,  &  quelquefois  même  une 
quatrième  ;  ce  qui  pour  l'ordinaire  déran- 
ge toute  l'économie  d'un  ouvrage ,  &  pro- 
longe les  opérations  à  l'infini. 

EPREUVE,  dans  Y  Imprimerie  en  taille- 
douce  ,  fe  dit  de  la  feuille  de  papier  impri- 
mée fur  une  planche  ,  dont  avant  on  avoit 
rempli  toutes  les  gravures  d'encre ,  qui  eft 
un  n©ir  à  l'huile  fort  épais  :  ce  noir  fort  au 
F  f  f  f  f  2 


78o  E  PR 

moyen  de  la  prefîïon  de  la  preffe  des  gra- 
vures du  creux  de  la  planche  ,  &  s'attache 
à  la  feuille  de  papier  qui  repréfente  trait 
pour  trait  ,  mais  en  fens  contraire  ,  toutes 
les  hachures  de  la  planche  :  en  ce  fens 
toutes  les  planches  du  Dictionnaire  En- 
cyclopédique feront  des  épreuves  des  cui- 
vres gravés  qui  auront  fervi  à  les  im- 
primer. 

EPROUVETTE,  fub.  f.  c'eft  dans  P Ar- 
tillerie ,  une  machine  propre  à  faire  juger 
de  la  bonté  de  la  poudre. 

Il  y  a  des  éprouvettes  de  plusieurs  efpeces  ; 
la  plus  ordinaire  représentée  Planche  If. 
Art  milit.  fig.  %.  confifte  dans  une  manière 
de  batterie  -Fde  piftolet ,  avec  fon  chien  & 
fon  baffinct ,  montée  fur  un  petit  fût  de  bois , 
dont  le  canon  G,  qui  eft  de  fer  &  long 
d'un  peu  plus  d'un  p^  uce  ,  eft  placé  verti- 
calement pour  recevoir  la  poudre  que  l'on 
veut  éprouver.  Ce  canon  eft  couvert  d'un 
petit  couvercle  de  fer  qui  tient  à  une  roue 
dentelée  H  ,  dont  les  crans  font  arrêtés  par 
un  reflbrt/qui  eft  au  bout  du  fût.  Quand 
on  lâche  la  détente  de  la  batterie  ,  la  pou- 
dre voulant  fortir  du  canon  chafïè  la  roue 
avec  violence  ,  &  lui  fait  parcourir  un 
certain  nombre  de  crans  ,  qui  eft  ce  qui 
marque  la  bonne  ou  la  mauvaife  poudre  ; 
ce  nombre  néanmoins  ,  pour  la  qualité  de 
la  poudre  en  général ,  n'eft  point  fixé  ; 
ainfi  ce  n'eft  que  par  la  comparaifon  d'une 
poudre  avec  une  autre  que  l'on  peut  fe 
rendre  certain  de  la  bonté  de  celle  qu'on 
éprouve, 

La  figure  $.  de  la  même  Planche  IL  re- 
préfente  une  autre  éprouvette  qui  ne  diffère 
guère  de  la  précédente  ,  qu'en  ce  que  le 
canon  qui  contient  la  poudre  eft  placé  en 
K  d'une  manière  différente  :  fa  lumière 
eft  en  L  ;  M  eft  le  couvercle  du  canon  K , 
qui  eft  élevé  par  la  poudre  ,  &  qui  s'ar- 
rête dans  la  roue  au  moyen  des  crans  qui 
y  font  renfermés  ,  &  qui  ne  fe  voient  point 
par  le  profil. 

N y  eft  une  clé  ou  vis ,  laquelle  preffant 
le  refibrt  O  ,  le  lâche  &  le  ferre  comme 
on  veut. 

La  fig.  4.  eft  aufii  une  éprouvette  d'une 
autre  efpece  :  elle  eft  compofée  d'une  pla- 
que de  cuivre  jaune  A ,  A  ,  fur  laquelle  eft 
çieufé  le  baflinet  où  fe  met  l'amorc? ,  & 


E  P  R 

qui  répond  à  la  lumière.  Elle  a  un  eancn 
B ,  où  fe  met  la  charge  de  la  poudre.  C'eft 
un  poids  mafîïf ,  qui  s'élève  plus  ou  moins 
haut  fui  vant  la  force  de  la  poudre,  &  qui 
eft  retenu  par  les  crans  de  la  cremailliere 
D.  E  &  E  font  deux  tenons  qui  s'ouvrent 
lorfque  le  poids  s'élève  ,  &  qui  l'empê- 
chent de  defcendre  quand  il  eft  une  ibis 
élevé. 

Toutes  les  différentes  fortes  $  éprouvettes 
qu'on  vient  de  décrire  ,  ne  peuvent  fcrvir 
qu'à  faire  juger  de  pluiàeurs  efpeces  de  pou- 
dres quelle  peut  être  la  meilleure.  C'eft 
pourquoi  pour  avoir  quelque  chofe  de  plus 
précis ,  le  feu  roi  Louis  XIV  ,  par  une  or- 
donnance du  18  feptembre  16&6  ,  qui  eft 
encore  en  ufage  aujoud'hui,  a  ordonné 
que  Tépreuve  de  la  poudre  fe  feroit  avec 
un  petit  mortier  qui  chafTeroit  un  boulet 
de  60  livres  à  la  diftance  au  moins  de  jo 
toifes  avec  trois  onces  de  poudre  feulement. 
Si  le  boulet  va  à  une  plus  petite  diftance  , 
la  poudre  n'eft  pas  reçue  dans  les  ariénaux 
de  Sa  Majefté. 

La  figure  5.  de  la  planche  IL  Art  milit* 
fait  voir  ce  mortier  ,  qu'on  nomme  auffi 
éprouvette  à  caufe  de  fon  ufage.  Voici  fes 
dimenfions  fuivant  l'ordonnance  de  1686. 

A  A  le  diamètre  à  la  bouche  du  mor- 
tier porte  7  pouces  &  trois  quarts  de 
ligne. 

B  B  longueur  de  l'ame  ,  8  pouces  10 
lignes. 

C  C  diamètre  de  la  chambre  ,  1  pouce 
10  lignes. 

B  D  longueur  ou  profondeur  de  la  cham- 
bre ,  2   pouces  5  lignes. 

E  lumière  au  ras  du  fond  de  la  cham- 
bre. 

-Fdiametrepar  le  dehors  du  mortier  à  la 
volé  ,  8  pouces  10  lignes. 

G  G  diamètre  par  le  dehors  du  mortier  à 
l'endroit  de  la  chambre  ,  4  pouces  8  lignes 
&  demie. 

H  diamètre  de  la  lumière  ,  1  ligne  & 
demie. 

A I  I'épaifTeur  du  métal  à  la  bande  fans 
comprendre  le  cordon  ,   10  lignes. 

JCJC  la  longueur  de  la  femelle  de  fonre 
du  mortier  eft  de  16  pouces  ;  la  largeur  de 
ladite  femelle  eft  de  9  pouces,  &  fon  épaif- 
feur  d'un  pouce  6  lignes. 


EPR 
NN  le  diamètre  du  bouîet  de   60  li- 


vres. 

O  une  anfe  répréfentant  deux  dauphins 
fe  tenant  par  la  queue  ,  la  dite  anfe  placée 
fur  le  milieu  de  la  volée. 

P  Fanguette  de  fonte  qui  tient  au  ventre 
du  mortier  ,  fur  lequel  il  repofe  ,  &  qui  ré- 
pond au  bout  de  la  femelle  étant  juftement 
placé  dans  le  milieu.  Voyei  POUDRE  A 
CANON.  (  Q  ) 

Une  Ordonnance  de  1769  ,  en  prescri- 
vant de  nouvelles  précautions  pour  l'é- 
preuve des  poudres  ,  exigea  qu'elles  por- 
taient le  globe  de  60  livres  à  90  toifes  , 
le  mortier  étant  chargé  des  trois  onces  de 
poudre.  Une  Ordonnance  de  i77zrédui- 
iit  cette  portée  à  80  toiles.  On  avoit  obtenu 
des  fabricans  de  poudre  ,  celle  de  90  ;  & 
une  loi  qui  la  réduifoit  ne  parciffant  utile 
qu'à  eux  ,  fut  abrogée  en  1775  ,  &  on  re- 
vint à  l'ordonnance  de  1769  ,  qui  eft  feule 
fuivie  aujourd'hui. 

Eprouvette  ,  (  Comm.  )  c'eft  une  ef- 
pece  de  jauge  dont  les  commis  des  aides  fe 
fervent  dans  les  vifites  qu'ils  font  chez  les 
Marchands  de  vin  &  Cabaretiers,  pourcon- 
noître  ce  qui  relie  de  vin  dans  une  futaille 
en  vuidange. 

Cette  eprouvette  eft  ordinairement  une 
petite  chaînette  de  fer  ,  dont  un  des  bouts 
cii  appefanti  par  un  peu  de  plomb.  On  la 
lait  entrer  par  le  bondon  de  la  pièce  ,  & 
lorfqu'on  fent  le  fond  on  la  retire  ,  le  com- 
mis évaluant  la  liqueur  fur  la  partie  de  la 
chaine  qu'il  en  tire  humectée.  Diâionn.  de 
Comm.  de  Trév.  Ù  de  Chambers. 
EproU  V  ETTE;  lesPotiers  d^étain  nomment 
ainfi  une  petite  cuiller  de  fer  ,  dans  la  quel- 
le ils  fondent  leur  étain  }  pour  en  connoître 
la  qualité  avant  que  de  le  mettre  en  œuvre. 
Voye^  POTIER  d'ÉTAIN.  Diclionnaire  du 
Comm. 

EPS  ,  f.  f.  {Jurifp.  )  du  latin  apes  ,  dans 
quelques  coutumes  fignifie  mouches- à-miel. 
Vovei  Amiens,    art.  igi.~{À) 

ÈPTACORDE.  Foje?KEPTACORDE. 

EPTAGONE.  Voy.  Heptagone. 
C  es  mots  doivent  être  écrits  par  une  h  , 
parce  que  dans  leur  racine  tW«  ,  1* 
porte  un  efprit  rude  :  il  en  eft  de  même 
d'ExAGONE  ,  &c.  au  lieu  que  dans  Ennea- 
gone  il    n'y  a  point  d'/i ,   parce   que    1  j 


EPU  ^Sr 

d'tm'* ,   neuf  ,    eft    marqué  d'un    efprit 
doux.  (O) 

EPTAMERIDE.    Voye{  Heptame- 

RIDE. 

EPTAPHONE ,  f.  m.  (  Acoujîique.  ) 
nom  d'un  portique  de  la  ville  d'Olympia  , 
dans  lequel  on  avoit  ménagé  un  écho  qui 
répétoitla  voix  fept  fois  de  fuite.  Il  y  a  gran- 
de apparence  que  l'écho  fe  trouva  là  par 
hafard  ,  &  qu'enfuite  les  Grecs  ,  grands 
charlatans  ,  en  firent  honneur  à  Part  de  l'ar- 
chitecte (S) 

EPUISEMENT  ,  f.  m.  (  Médecine.  ) 
î%«pv<ns ,  exhavftio  ,  dijfipatio  ;  ce  terme 
eft  employé  pour  lignifier  la  perte  des  for- 
ces ,  des  efprits  ,  par  l'effet  de  quel- 
qu'exercice  violent  long-temps  continué , 
ou  de  la  fièvre  lorftju'elle  eft  très- aiguë 
ou  qu'elle  a  été  de  longue  durée  ,  ou  des 
débauches  de  femme  ,  de  vin  ,  ou  des  tra- 
vaux ,  des  contentions  d'efprit  ,  des  veil- 
les immodérées.  Voye{  Force  ,  Débilité  , 
Atrophie,  Enervation  Exténua- 
tion. (</) 

EPULIDE  ,  f.  f.  (  Médecine.  )  ,'^\{t  , 
de  iV*'  »  fur  >  &  6^°*  >  gencive  j  fe  dit  de 
certain  tubercule  ou  excroiffance  de  chair, 
qui  fe  forme  fur  les  gencives  ou  fur  les  par- 
ties qui  les  avoifinent ,  principalement  vers 
les  dernières  dents  molaires.  Vbye%  EX- 
CROISSANCE  CHARNUE. 

On  diiiingue  deux  fortes  Sépulides  ; 
favoir  ,  celles  qui  ne  font  point  accompa- 
gnées de  douleur  ,  &  celles  qui  en  caufent 
beaucoup ,  qui  ont  un  caractère  de  mali- 
gnité ,  &  font  fufceptibles  de  devenir  chan- 
creufes  :  d'ailleurs  de  quelque  efpece  qu'el- 
les foient  ,|  il  y  en  a  de  dures  &  de  molles 
de  greffes  &  de  petites  ,  de  larges  &  d'é, 
troites  par  leur  bafe.  Elles  produifent  auffi- 
des  effets  difFérens  ;  elles  gênent  les  mou- 
vemens  de  la  mâchoire  ;  elles  font  fi  dou- 
loureuses qu'elles  occafionnent  une  tenlion 
fpafmodique  dans  toutes  les  parties  qui  les 
environnent  ;  elles  empêchent  auffi  quel- 
quefois la  maftication  par  leur  volume  ,  en 
s'interpofant  dans  l'efpace  qui  fe  forme  en- 
tre les  deux  mâchoires  ouvertes ,  &  en 
s'oppofant  à  ce  qu'elles  fe  rapprochent  ; 
elles  peuvent  encore  ,  par  ces  deux  raifons, 
empêcher  le  libre  ufage  de  la  parole. 

Ces  fâcheux  effets  déterminent  à  en  ha* 


7S2  E  P  U 

ter  la  cure  ;  on-  peut  l'entreprendre  par  îe 
moyen  des  gargarifmes  fortement  réfolutifs 
&  aftringens  employés  fréquemment  :  ii 
les  épulides  ne  cèdent  pas  affez  toc  à  ces 
remèdes ,  il  faut  avoir  recours  à  la  liga- 
ture ,  quand  on  peut  y  appliquer  un  fil 
noué  ,  &  les  ferrer  par  leur  bafe  ,  dans  le 
cas  où  elle  peut  être  faifie.  L'excroilTance 
n'ayant  plus  de  communication  avec  la 
partie  faine  ,  de  laquelle  elle  forme  une 
extenfion  contre  nature  ,  fe  mortifie  , 
fe  détache  ,  &  la  cicatrice  fe  fait  ai- 
fément.  Mais  lorfque  la  partie  infé- 
rieure de  la  tumeur  eft  d'un  trop  grand 
volume  pour  pouvoir  être  liée  ,  on  ne  peut 
fuppléer  au  défaut  de  ce  moyen  que  par  les 
corrofifs  d'une  médiocre  activité  appliqués 
avec  prudence  ,  ou  en  emportant  l'ex- 
çroiffance  avec  les  cifeaux  ou  le  biftouri  , 
de  manière  à  ne  rien  prendre  fur  les  par- 
ties faines.  On  peut  aufîi  tenter  de  l'ar- 
racher avec  les  pincettes  dont  on  fe  fert 
pour  les  polypes  des  narines  ;  &  fi  l'on 
ne  peut  pas  réufîir  à  détruire  entièrement 
Ycpulide  ,  &  qu'elle  renailTe  ,  fouvent  après 
svoir  été  extirpée  ,  quelques  auteurs  con- 
feillent  l'application  du  cautère  actuel. 
S'il  furvient  une  hémorrhagie  après  l'o- 
pération ,  de  quelque  manière  qu'elle  fe 
fàfïe  ,  on  peut  l'arrêter  en  faifant  laver 
fouvent  la  bouche  au  malade  avec  du  vin 
chaud  rendu  aftringent  avec  un  peu  d'a- 
îun  ,  jufqu'à  ce  que  le  fang  ne  coule  plus  : 
pn  doit  enfuite  s'appliquer  à  confoîider  la 
plaie  félon  les  règles  de  l'art.  Voy.  les  inci- 
tations chirurgiques  d'Heifter  ,  d'où  cet 
article  efî  extrait  en  partie,  (d) 

EPULON  ,  f.m.  (  Hifi.  anc.  )  fignifioit 
anciennement  ,  chez  les  Romains  ,  un 
minijlrt  des  facrifices. 

Comme  les  pontifes  ne  pouvoient  af- 
filier à  tous  les  facrifices  qu'on  faifoit  à 
Rom?,  tant  étoit  grand  le  nombre  âzs 
dieux  que  le  peuple  adoroit  ,  ils  nom- 
moient  trois  miniftres  ,  qu'on  appeloit 
épilones ,  parce  qu'ils  é'toient  chargés  du 
foin  &  du  gouvernement  du  feftin  qui 
fe  donnoît  dans  les  jeux  publics  &  fo- 
lennels. 

C'étoient  eux  qui  ordonnoient  &  fer- 
voient  le  facré  banquet  ,  qu'on  ofFroit 
flans    ces   occafions   à   Jupiter  ,   frc.   Ils 


E  P   U 

portaient  une  robe  bordée  de    pourpre 
comme    les   pontifes  :  leur   nombre    fut 


porte  dans  la  fuite  jufqu'à  fept ,  &  Céfar 
les  augmenta  jufqu'à  dix.  Ils  furent  établis 
l'an  de  Rome  558  ,  fous  le  confulat  de 
L.  Furius  Purpureo  ,  &  de  M.  Claudius 
Marcelkis.  Diclionn.  de  Trévoux  &  Cham- 
btrs.  (G) 

EPULUM ,  chez  les  anciens  ,  figni- 
fioit un  banquet  ,  une  fête  préparée  pour 
les  dieux.  Voy.  FETE&'  LeCTISTERNE. 

On  mettoit  les  ftatues  des  dieux  fur 
àes  couffins  pofés  fur  des  lits  richement 
décorés,  &  on  leur  fervoit  un  feftin  com- 
me fi  elles  euffent  voulu  manger.  Toutes 
les  viandes  qu'on  leur  ofFroit  tournoient  au 
profit  des  miniftres  des  facrifices  ,  qu'on 
appeloit  pour  cette  raifon  épulons.  Voyez 
Epulon. 

EPURE,  (  Coupe  des  pierres.  )  du  mot 
épurer  ,  mettre  au  net  ,  eft  le  defîin  d'une 
voûte  tracée  fur  une  muraille  ou  fur  le 
plancher  ,  de  la  grandeur  dont  elle  doit 
être  exécutée  ,  pour  y  prendre  les  mefures 
nécefTaires.  Une  épure  ordinaire  eft  l'ex- 
tenfion  de  la  douille  CDHG  ,  (fig.  iz.  ) 
à  l'entour  de  laquelle  on  met  les  panneaux 
de  lit  CGIK,  DLMH,  &  ceux  de  tête 
ABDC ,  <p  GHt  ,  que  l'on  peut  aufîi  pro- 
jeter comme  FGHE.  La.  figure  iz.  n°.  2. 
repréfente  Yépure  d'un  berceau  cylindri- 
que. 

Un  pareil  defîin  pour  la  charpente  chan- 
ge de  nom,  &  s'appelle  ételon.  (  D  ) 

EPURGE  ,  (  Matière  méd.  )  efpece  de 
tithimale.  Voyer  TlTHIMALE. 

EPYTHIMBIEN  ,  (  JMufiq.  des  anc.  ) 
furnom  d'un  nome  propre  à  la  flûte  ,  in- 
venté par  Olympe  ,  &  dont  PoIIux  parle 
dans  le  chap.  10,  liv.IVdc  fon  Onomajïicon, 
(  F.  D.  C.  ) 

E   Q 

EQUANT  ,  f.  m.  en  Ajlronomie  ,  eft  UW 
cercle  que   les  anciens  aftronomes  imagi- 
noient  dans  le  plan   du  cercle  déférent  ou 
excentrique  ,  peur  diriger  8c  pour  régler 
certains  mouvemens  dans  les  planètes. 

On  n'en  fait  plus  d'ufage  aujourd'hui  ,  . 
depuis  que  Kepler  a  banni  les  excentriques  , 
&  a  démontré  que  les  planètes  fe  meuvoient 


E  Q  U 
cîans  des  ellipfes  dont  le  foleiî  occupoitle 

foyer.  Voye[ DÉFÉRENT  ,EPICYCLE  EX- 
CENTRIQUE ,  Copern  ic ,  Plan  ete  ,  &c. 
W 

EQUARRIR  ,  v.  aft.  (ArckittS.  )  c'eft 
mettre  une  pierre  d'équerre  en  tout  fens. 

EQUARRIR  UN  TROU  ,  parmi  les  Hor- 
logers ,  fîgnifie  Y  agrandir  en  y  parlant  un 
équarriiToir.  Voye^  EQUARRISSOIR.  (T) 

EQUARRISSEMENT  ,  f.  m.  (  Coupe 
des  pierres.  )Tai/ler  par équarrijfement  eft  une 
manière  de  tailler  les  pierres  fans  le  fecours 
des  panneaux  ,  les  ayant  feulement  prépa- 
rées en  les  rendant  de  forme  parai  lélipipe- 
de  ,  pour  y  appliquer  les  mefures  des  hau- 
teurs &  profondeurs  que  l'on  a  trouvées 
dans  ledeffin  de  l'épure  pour  chaque  vouf- 
foir.  (Z>) 

EQUARRISSOIR  ,f.  m.  (  outil  a* Horlo- 
gerie, )  efpece  de  broche  d'acier  trempé  ,  un 
peu  en  pointe ,  qui  a  plufieurs  pans  ou  faces 
égales  ,  &  dont  ils  fe  fervent  pour  croître 
les  trous.  Le  nombre  des  pans  d'un  équar- 
riffoir  n'eft  pas  toujours  le  même  ;  on  en 
fait  depuis  quatre  jufqu'à  fix  pans:  plus  ils 
ont  de  faces ,  plus  ils  rendent  ronds  les  trous 
que  l'on  croit  :  mais  auîli  ils  les  croiffent 
fort  lentement ,  leurs  quarres  ou  angles  de- 
venant alors  peu  aigus  :  moins  ils  en  ont , 
plus  au  contraire  ils  les  croilfent  vite  ;  mais 
aufïï  moins  ils  les  rendent  ronds.  Les 
meilleurs  font  ordinairement  à  cinq  pans. 
(T) 

EQUATEUR  ,  f.  m.  en  AJlronomie  & 
en  Géographie  ,  eft  un  grand  cercle  de  la 
fphere ,  qui  eft:  également  éloigné  des  deux 
pôles  du  monde ,  ou  dont  les  pôles  font 
lés  mêmes  que  ceux  du  monde.  Voye^ 
Cercle. 

Tel  eft  le  cercle  repréfenté  par  la  ligne 
D  A  (PL  ajîron.  fig.  52.  )  Ses  pôles  font 
P  &  Q.  On  le  nomme  équateur  ,  ou  parce 
qu'il  divifela  fphere  en  deux  parties  égales , 
ou  parce  que  quand  le  foleil  eft  dans  ce 
cercle  ,  il  y  a  égalité  entre  les  jours  &  les 
nuits  :  c'eft  pourquoi  on  l'appelle  aufli  équi- 
noxialy&r  quand  il  eft  tracé  fur  les  cartes 
&  les  plar.ifpheres  ,  on  l'appelle  la  ligue 
iquinoxialt ,  ou  fimplement  la  ligno,   Voy?^ 

Equlnoxial. 


E   Q   U  7S2 

Chaque  point  de  Y  équateur  eft  éloigné 
d'uriquartde  cercle  des  pôles  du  monde: 
d'où  il  fuit  que  Y  équateur  divife  la  fphere 
en  deux  hémifpheres  ,  dans  l'un  defqueîs 
eft  le  pôle  feptentrional ,  &dans  l'autre  le 
méridional.  PoyeçHÉMlSPHERE. 

h'équateur  coupe  la  zone  torride  par  le 
milieu  ;  le  foleil  décrit  ce  grand  cercle  le 
premier  jour  du  printemps ,  &  le  premier 
jour  de  l'automne  :  ainfi  il  y  revient  deux 
fois  par  an.  Les  peuples  qui  l'habitent  ont 
pendant  toute  l'année  les  jours  égaux  aux 
nuits.  Car  l'horizon  des  peuples  qui  habi- 
tent fous  Yéquateur  ,  palfe  par  l'axe  de  la 
terre  ,  &  eft  perpendiculaire  à  tous  les  cer- 
cles parallèles  à  Yéquateur  ,  dont  le  foleil 
décrit  ou  paroît  décrire  un  chaque  jour  : 
d'où  il  s'enfuit  qu'une  moitié  de  ces  cercles 
parallèles  eft  au-deffus  de  l'horizon  des  ha- 
bitans  de  X équateur,  &  l'autre  moitié  au- 
deftbus  :  ainii  ils  ont  précifément  autant  do 
jour  que  de  nuit  ,  fi  ce  n'eft  que  le  crépuf- 
culedu  matin  &  du  foir  peut  augmenter  un 
peu  leurs  jours  &  diminuer  leurs  nuits.  Les 
longues  nuits  font  très-néceiTàires  dans  ces 
climats  ,  dont  le  foleiî  ne  s'éloigne  jamais 
de  plus  de  23  degrés  \  ;  de  forte  que  quand 
il  eft  le  plus  é'oigné  du  zenit  des  habitant 
de  Yéquateur  ,  il  en  eft  encore  plus  près  qu'il 
ne  l'eft  de  notre  zénit  fe  jour  du  fo'ftice 
d'été  :  car  il  eft  alors  éloigné  de  plus  de  t  $ 
degrés.  Or  comme  la  longueur  des  jonrs& 
la  brièveté  des  nuits  eft  une  des  caufcs  de  la 
chaleur  ,  il  s'enfuit  que  la  chaleur  de  Yéqua- 
teur n'eft  pas  à  proportion  aufl  grande 
qu'elle  devroit  être  >  eu  égard  à  la  pofitiou 
du  foleil.  Il  y  a  même  dans  ces  climats  , 
des  pays  qui  jouiiTent  d'une  chaleur  modé-^ 
rée  ,  &  ,  pour  ainfi  dire  ,  d'un  printemps 
perpétuel  :  tels  font  certains  endroits  du 
Pérou.  Le  haut  des  montagnes  y  eft  aufH 
exeelfivement  froid,  comme  il  arrive  par- 
tout ailleurs. 

Le  temps  égal  ou  moyen- de  Yéquateur  t 
s'effime  par  les  pafîages  de  fes  arcs  fur  le 
méridien.  On  a  fréquemment  occafion  der 
s'en  fervir  ,  pour  convertir  les  degrés  de  IV- 
quateuren  temps,  ot>  pour  convertir  les  par» 
ties  du  temps  en  parties  de  Yéquateur, 

Pour  faire  ces  tfonverfions  ,  on  a  dreffé 
la  table  fui  vante,  dans  laquelle  font  mas- 


784  EQU  EQU 

qués  les  arcs  de  Vèquateur  qui  paffent  par  le  [tes,  &c.  du  temps  moyen.  Voy.  ÉQUATION? 
méridien  dans  les  différentes  heures,minu-  |  DU  Temps. 


Conversion 

des  parties  de  l  Equateur  , 

en  temps 

&  réciproquement 

Degrés 

[ 

'  Degrés 

Degrés 

de 

Heures. 

^/inures. 

Heures. 

de 

Minutes. 

de 

Minutes. 

l'Equat. 

l'Equat. 

l'Equat. 

Minutes. 

Minutes. 

- 

Stcondet. 

Tierces. 

Minutes. 

Minutes. 

Secondes. 

Minutes. 

Secondes. 

Secondes 

Tierces. 

■ 

I 

Seconde*. 
Tierce^ 

Secondes. 

Secondes. 

Tierces.  . 
Quartes. 

Secondes 
Tierces. 

Tierces. 

Çuarres. 

Tierces. 

Tierces. 

Quartes. 

O 

4 

I 

M 

I 

O 

15 

2 

O 

8 

2 

30 

2 

O 

30 

3 

O 

11 

3 

45 

3 

O 

4y 

4 

0 

16 

4 

60 

4 

I 

0 

5 

O 

20 

y 

7f 

y 

I 

iy 

IO 

0 

40 

6 

90 

6 

I 

3° 

Jy 

I 

0 

9 

xv 

IÛ 

1 

30 

3° 

2 

0 

12 

100 

20 

y 

0 

6o 

4 

0 

*f 

US 

30 

7 

30 

90 

6 

0 

18 

170 

40 

10 

0 

180 

12 

0 

21 

Mf 

yo 

12 

3° 

1     360 

l       24 

0 

24 

360 

60 

iy 

0 

Il  eft  très-aifé  de  conftruire  cette  table  :  grés,  dans  la  première  colonne,  on  trou- 
car  Vèquateur  étant  fuppofé  divifé  en  360  ve  une  heure  o  minutes  co fécondes',  auprès 
degrés,  comme  il  fait  fa  révolution  en  24  de  4  degrés,  on  trouve  16  minutes  go  fe- 
heures  &  uniformément  ,  il  s'enfuit  qu'il I condes  ;  auprès  de  10  minutes,  40  fecon- 
fait  15  degrés  par  heure  ;  par  conféquent;</«  ;  auprès  de  3  minutes  ,  12  fécondes 
en  une  minute  la  60e  partie  de  1 5  degrés  , 
c'eft-à-dire  1 5  minutes  de  degré  ,  en  une 
féconde  1 y  fécondes  de  degré  ,  &  ainfi  de 

fuite  ;  &  il  ne  faut    plus  que  des  additions! donne  une  heure  16  minutes  52 fécondes  çl8 
fort  (impies ,  pour  favoir  le  nombre  de  de-  ' 
grés ,  de  minutes ,  &  de  fécondes  qu'il  par- 
court dans  un  temps  donné. 

Dans  cette  table  ,  les  minutes,  fécondes, 


000  tierces  ;  auprès  de  y  fécondes  ,  00 
minutes  zo  tierces  ;  &  auprès  de  2  fécon- 
des ,  8  tierces  :  ce  qui    ajouté    enfemble 


tierces. 


De  plus  ,  fuppofé  que  l'on  propofe  de 

trouver  quels  degrés  ,  minutes ,  &c.  de  IV- 

quateur  répondent  à  23  heures  25  minutes 

&c.  de  degré  ,  font  en  romain  ;  &les  mi-  .27  fécondes  &  9  tierces  ;  auprès  de  21  heu- 


nutes  fécondes ,  &c.  d'heure,  font  en  ita- 
lique. Ainfi  on  voit  par  les  trois  premiè- 
res colonnes ,  qu'à  une  minute  de  degré 
de  Véquateur  répondent  o  minutes  4  fé- 
condes d'heure  ;  de  même  par  la  4e  & 
la  5e  colonne  ,  ou  parles  trois  dernières  , 
on  voit  que  y  minutes  d'heure  donnent 
75"  fécondes  de  degré  ,  ou  une  minute  15 
fécondes. 

L'ufage  de  cette  table  eft  facile.  Suppo- 
sez ,  par  exemple  ,  que  Ton  propofe  de 
convertir  en  temps  1 9  degrés  1 3  minutes 
7  fécondes  de  Véquateur  ;  auprès  de  1 5  de- 


res ,  dans  la  quatrième  colonne  de  la  table , 
on  trouve  3 1  y  degrés  ;  auprès  des  2  heures, 
30  degrés  ;  auprès  de  10  minutes  ,  4  degrés  ', 
auprès  de  y  minutes,  o  degré  15  minutes  ; 
auprès  de  10  fécondes ,  z  minutes  30  fé- 
condes ;  auprès  des  5  fécondes  ,  une  minute 
15  fécondes  o  tierces  ;  auprès  de  2.  fécon- 
des ,  30  fécondes  o  tierces  ;  auprès  de  G 
tierces ,  une  féconde  30  tierces  :  auprès  de  J 
tierces  ,  4  y  tierces  :  le  tout  ajouté  enfemble 
donne  35 1  degrés  19  minutes  17  fécondes 
1  y  tierces. 


On 


EQU 

On  voït  par-là  que  cette  table  eft  fort 
utile  dans  la  recherche  des  longitudes  ; 
car  connohTant  la  différence  des  heures 
entre  deux  lieux  ,  par  le  moyen  des  éclipfes 
de  lune  ou  des  fatelîites  de  Jupiter  ,  on 
connoît  tout  de  fuite  par  cette  table  de 
combien  de  degrés  les  méridiens  de  ces 
lieux  font  éloignés  l'un  de  l'autre.  Par 
exemple  ,  s'il  eft  une  heure  à  Conftanti- 
nople  lorfqu'il  eft  midi  à  Paris  ,  on  voit 
que  le  foleil  pafïè  au  méridien  de  Paris  une 
heure  après  le  méridien  de  Conftantinople  , 
&  que  par  conféquent  le  méridien  de 
Paris  eft  plus  occidental  de  i$  degrés  , 
que  celui  de  Conftantinople.  Voye\  LON- 
GITUDE. 

Elévation  ou  hauteur  de  Uêquateur  ,  eft 
un  arc  d'un  cercle  vertical ,  qui  eft  com- 
pris entre  Ye'quateur  &  l'horizon. 

L'élévation  de  Ye'quateur  avec  celle  du 
pôle  eft  toujours  égale  à  un  quart  de  cercle  ; 
ou,  ce  qui  revient  au  même  ,  l'élévation 
de  Ye'quateur  eft  égale  à  la  diftance  du  pôle 
au  zénith.  Cette  élévation  eft  donc  le  com- 
plément de  la  hauteur  du  pôle  ou  de  la 
latitude.  Voye\  LATITUDE  &  HAUTEUR 
DU  PÔLE  ;    voye\  aujji  ÉLÉVATION  & 

Hauteur.  (  O) 

M.  De  la  Lajide  a  joint  un  nouvel 
article   à  celui  que  l'on  vient  de  lire. 

Les  planètes  qui  tournent  fur  leur  axe, 
auffi  -  bien  que  la  terre  ,  ont  auffi  leur 
e'quateur  &  leur  pôle.  Uêquateur  du  foleil 
fe  détermine  par  le  moyen  de  Ces  taches  ; 
il  eft  incliné  de  yd  fur  Pécliptique  ,  &  il  la 
coupe  à  2S   iod  de  longitude. 

M.  Cafîini  ,  dans  fon  Difcours  fur  la 
lumière  \odiacale  ,  &  M.  de  Mairan  ,  dans 
fon  traité  de  V aurore  boréale  y  prouvent 
que  l'athmofphere  du  foleil  ou  la  lumière 
zodiacale  eft  dans  le  plan  de  Ye'quateur 
du  foleil  ,  femblable  à  une  lentille  ,  dont 
le  tranchant  fe  confond  avec  le  plan  de 
Ye'quateur  folaire  ,  &  c'eft  de  là  que  M. 
de  Mairan  déduit  les  fituations  que  doit 
avoir  en  divers  temps  de  l'année  la  lumière 
zodiacale. 

M.  Caffini  le  fils  penfa  de  même  ,  que 
Ye'quateur  du  foleil  pourroit  fervir  de  terme 
de  comparaifon  pour  les  mouvemens  célef- 
tes ,  &  qu'on  pourroit  avec  raifon  rapporter 
à  fon  plan  toutes  les  orbites  planétaires; 
Tome  XII. 


E  Q  U  785 

alors  ,  par  exemple  ,  on  diroit  que  le  nœud 
boréal  ou  afcendant  de  l'orbite  de  la  terre 
a  8S  10  '  de  longitude  ,  puifque  le  nœud 
afcendant  de  Ye'quateur  folaire  eft  à  zs  xod  ; 
en  conféquence  M.  Caftini  fit  imprimer 
une  table  où  l'on  voit  les  orbites  de  toutes 
les  planètes  rapportées  à  Ye'quateur  du  fo- 
leil. Mém.  acad.  1  J'S^. 

On  appelle  temps  de  Ye'quateur  ou  temps 
du  premier  mobile  celui  qui  fe  compte  à 
raifon  de  1 Ç  degrés  par  heure.  Cette  pra- 
tique eft  fondée  fur  ce  que  les  arcs  de 
Ye'quateur  font  la  mefure  la  plus  naturelle 
du  temps  :  quand  le  foleil  eft  éloigné  du 
méridien  de  i$d,  il  eft  une  heure  ;  quand 
il  eft  éloigné  de  100  degrés  ,  il  eft  6*  40'  ; 
parce  que  le  mouvement  diurne  fe  faifant 
uniformément  fur  Ye'quateur  y  il  pafte  régu- 
lièrement au  méridien  à  chaque  heure  , 
la  vingt-quatrième  partie  de  la  circonfé- 
rence entière  de  Ye'quateur  :  auffi  le  temps 
vrai  ou  l'heure  vraie  dans  le  fens  précis  & 
exact  de  Taftronomie  ,  n'eft  autre  chofe  que 
l'arc  de  Ye'quateur  y  compris  entre  le  méri- 
dien &  le  cercle  de  déclinaifon  qui  paflè 
par  le  foleil ,  converti  en  temps  à  raifon 
de  i5d  par  heure.  Le  plus  fouvent  à  la 
place  de  cet  arc  de  Ye'quateur  y  on  fubftitue 
l'angle  au  pôle  mefuré  par  cet  arc  ,  &  que 
l'on  appelle  angle  fioiaire  :  on  prend  cet 
angle  horaire  à  la  place  de  1  heure  même  , 
c'eft  -  à  -  dire  ,  qu'au  lieu  d'une  heure  on 
met  15  degrés  ,  au  lieu  de  deux  heures 
30  degrés,  Ùc. 

Le  mouvement  diurne  qui  s'achève  en 
vingt  -  quatre  heures  ,  &  par  lequel  360 
degrés  de  la  fphere  traverfent  le  méridien , 
étant  fubdivifé  en  vingt  -  quatre  parties  , 
chacune  vaut  une  heure  ,  &  répond  à  iç 
degrés  ;  car  150  font  la  vingt  -  quatrième 
partie  de  360;  en  continuant  de  fubdivifer, 
on  pourra  trouver  de  même  les  parties  du 
temps  qui  répondent  aux  parties-du  cercle  ; 
un  degré  vaudra  4  minutes  de  temps  ;  une 
minute  vaudra  4  fécondes  ;  en  général ,  il 
fuffit  de  prendre  le  quadruple  des  minutes 
de  degrés  pour  en  faire  des  fécondes  de 
temps  du  premier  mobile  ,  &  le  quadru- 
ple des  degrés  pour  en  faire  des  minutes  de 
temps  fur  Ye'quateur. 

De  même  pour  convertir  le  temps  de 
Yêquateur  ou  à\i  ptemier  mobile  en  degrés , 

GgSgS 


786  E  Q  U 

on  prendra  d'abord  i  J  degrés  pour  chaque 
heure  ,  on  prendra  le  quart  des  minutes 
de  temps ,  on  en  fera  des  degre's  ;  le  quart 
des  fécondes  ,  on  en  fera  des  minutes  ;  le 
quart  des  tierces  de  temps ,  l'on  en  fera  des 
fécondes  de  degrés. 

Ces  règles  aifées  à  retenir  &  à  pratiquer , 
fe  peuvent  faire  fans  le  fecours  des  tables  ; 
cependant  on  trouvera  des  tables  propres  à 
faire  ces  converfions  de  temps  en  parties 
àeYéquateur  ,  &  des  parties  de  l'équateuren 
temps ,  dans  la  connoijjànce  des  temps  >  &c. 
L'opération  fe  réduit  à  multiplier  par  15 
le  temps  qu'on  veut  réduire  en  parties  du 
cercle  ,  ou  à  divifer  par  15  les  parties  de 
Ve'quateur  qu'il  s'agit  de  convertir  en  temps. 

La  converfion  du  temps  en  parties  de 
Yéquaceur  eft  différente  de  la  converfion 
en  temps  folaire  moyen  dans  laquelle  on 
pr^nd  3600  59'  W  pour  vingt -quatre 
heures ,  ou  1 50  2/  27"  &  pour  chaque  heure; 
c'eft  le  nombre  des  parties  de  Téquateur  qui 
pafi'e  par  le  méridien  pendant  la  durée  des 
heures  folaires  ,  marquées  par  une  pendule 
du  moyen  mouvement;  quand  cette  pen- 
dule a  fini  fes  vingt -quatre  heures  ,  il  a 
pafïe ,  non  feulement  ^6oà  de  Ve'quateur  y 
mais  encore  les  59'  8"  que  le  foleil  a  par- 
courues en  fens  contraire  ,  &  qui  doivent 
paffer  par  le  méridien  pour  que  le  foleil  y 
arrive.  (M.  de  Lalande.J 

ÉQUATION.  Conjlruclion  &  ufage 
d'une  machine  pour  trouver  les  racines  de 
quelque  équation  que  ce  puijje  être.  (Al- 
gèbre. Machines.)  M.  Pafcal  s'eft  fait  une 
réputation  dans  le  monde  pour  avoir  inventé 
fa  machine  arithmétique.  Celle  dont  je  vais 
donner  la  defcription  n'eft  pas  moins  in- 
génieufe  ;  &  on  peut  l'appliquer  à  toutes 
les  équations  de  quelque  degré  qu'elles  foient. 
Avant  que  d'en  donner  la  conftru&ion  , 
il  convient  d'expofer  en  peu  de  mots  la 
théorie  fur  laquelle  elle  eft  fondée  :  elle 
fuppofe  ,  dans  ceux  qui  liront  cet  article  , 
quelque  connoiflance  de  l'Algèbre. 

Soit  V équation  à  réfoudre  a  -\-  b  x  -\~ 
cxx  -\"  dxx  ,  &c.  àta  o. 

Tirez  fur  la  ligne  ZZ  prife  pour  bafe 
dans  la  fig.  1  ou  z  de  h  pi  I.  d'Algèbre  , 
des  planches  ,  fupplément  ,  les  perpendicu- 
laires SS  &  RRy  éloignées  l'une  de  l'autre 
<fe  telle  diftance  qu'il  vous  plaira.  Prenez 


E  Q  U 

enfuite  fur  la  ligne  SS  de  l'une  ou  de 
l'autre  figure  les  parties  OA,  AB  ,  BC  , 
C  D  y  &c.  proportionnelles  aux  coefficiens 
a yb  yc  yd ,  &c.  de  V  équation  y  obfervant 
de  prendre  chacune  de  ces  lignes  de  bas  en 
haut ,  à  compter  de  l'extrémité  de  la  der- 
nière lorfque  le  coefficient  qu'elle  doit  re- 
préfenter  eft  pofitif ,  &  dans  un  fens  con- 
traire lorfqu'il  eft  négatif.  Cela  fait ,  tirez 
par  l'extrémité  de  la  dernière  des  lignes 
OAyAByBCy&c.  favoir ,  par  Dy  la  ligne 
DCy  parallèle  à  la  bafe  ZZ  y  &  par  le  point 
C  y  où  DC  coupe  RR>  cCy  &  parallèlement 
à  SS  y  &  à  telle  diftance  qu'il  vous  plaira 
MM;  par  le  point  où  Ce  coupe  MM  9 
la  ligne  kb  parallèle  à  DC  ,•  par  le  point  b  y 
où  la  dernière  coupe  RRy  la  ligne  bB  ;  par 
le  point  où  celle-ci  coupe  MM  y  l  a  paral- 
lèle à  DC  y  &  enfin  par  le  point  a  y  oh  b  B 
coupe  MM  y  l  a  ,  6c  par  le  point  a  y  où  la 
coupe  RR  y  la  ligne  a  A.  Suppofons  main- 
tenant que  les  lignes  SS  ,  RR  y  Ce  ,  re- 
préfentent  trois  règles  avec  des  rainures 
telles  qu'on  le  voit  figure  3  y  que  vous 
fixerez  dans  leurs  places  refpedives  SS  9 
RR  &  Ce  fur  un  plan  ou  chaffis  de 
grandeur  fuffifante. 

Soient  i?3,  Aa  y  d'autres  règles  de  même 
forme  ,  qui  fe  meuvent  fur  les  centres 
B  y  A ,  &c.  lefqueîs  fe  meuvent  eux- 
mêmes  en  haut  &  en  bas  le  long  de  la 
règle  SS  y  mais  de  manière  qu'on  puiîfe 
placer  les  centres  B  &  A  l'un  fur  l'autre  , 
ou  fur  C  y  fi  Poccafion  le  requiert ,  &  les 
arrêter  avec  des  écroues  ;  favoir ,  le  centre 
A  en  A  y  le  centre  B  en  B,  &c.  Soient  k  b 
(kl a  y  d'autres  règles  mobiles  ,  comme  les 
premières  ,  &  difpofées  ie  façon  qu'elles 
fe  meuvent  toujours  parallèlement  les  unes 
aux  autres  ,  &  à  la  ligne  De  &  MM ,  une 
autre  règle  de  pareille  forme.  On  afiem- 
blera  les  règles  Kb  &  MM  avec  la  règle 
fixe  Ce  au  moyen  d'une  pointe  coulante 
qui  pafte  par  le  point  q  ,  où  leurs  rainures 
fe  coupent.  On  aflèmbîera  de  même  les 
règles  K  b  y  Bb  ,  la  &  Aa  enfemble  ,  & 
avec  MM  &  RR  y  avec  de  pareilles  poin- 
tes qui  les  traverfent  dans  les  points  b  }  r  , 
a  &  s.  La  dernière  de  ces  pointes  doit  être 
faite  de  manière  à  pouvoir  porter  un  crayon. 
Je  dis  maintenant  que  fi  l'on  avance  ou 
recule  la  règle  MM  de  SSy  en  forte  qu'elle 


E  QU 

lui  foit  toujours  paraiiele ,  le  crayon  s  dé- 
crira la  courbe  qu'on  demande;  que  les  dif- 
tances  à  compter  du  point  O  où  le  crayon 
coupera  la  baie  ZZy  à  droite  de  SSy  mar- 
queront les  racines  pofitives  de  Xéquauon  ; 
celles  qui  feront  à  gauche,  les  racines  néga- 
tives ;  &  les  endroits  où  il  approchera  de  la 
bafe  fans  la  toucher  ,  les  racines  impoilibles 
ou  imaginaires.  Ces  diftances  doivent  être 
prifes  fur  une  échelle  ,  fur  laquelle  la  ligne 
D  C  fera  prife  pour  l'unité. 

Dëmonftration.  Puifque  les  lignes  OAy 
AB,  BCy  &c.  font  proportionnelles  aux 
coefficiens  a9  b,  c  ,  &c.  Suppofons  que  la 
première  OA  foit  égale  au  premier  coeffi- 
cient a  y  ou  à  telle  de  ces  parties  qu'on 
voudra  ,  n  ,  par  exemple  ,  feroit  a-  ;  alors 
puur  conferver  la  proportion  ci-deflùs ,  la 
fuivante  AB  fera  égale  à;,5cà  c~  & 
cD  à  -H ,  &c.  Si  l'on  nomme  O  Q  ou 
fon  égale  D  P  x  ,  pour  lors  D  c  étant  prife 
égale  à  l'unité,  Pc  fera  égale  à  i  — x; 
&  comme  De  eft  égale  à  ~ ,  on  aura ,  à 
caufe  des  triangles  femblables,  D  Ce  &  Pqc, 

d  .    d--dx 

cette  proportion  i   :   i  — !-x:  :  ~  •  ~~n 
Pqou  DK  :  mais  KB=BC-\-CD—DK> 

c'eft-à-dire,  à  "ï  +  vri  favoir  à  '^ 
Les  mêmes  triangles  femblables  donnent 
Kb  :  qb  :  :  KB'.qr,  c'eft-à-dire,  i: 

-,  _  v  .   •   c  +  dx:c  +  dx  —  cx-dxx  __  Qu 

Kl:mùsAl  =  AD  —  DK—Kl,  ou 
t+tJt4.rf»»_  j^es  m^mes  triangles  donnent 

n 

encore/ tf  :  rû  :  :  A  l  :  r  j,  ou  i  :  i  — a::  : 

j  .4.  cx  4.  <te*  :  6  4-  ex  4-  dxx~bx— cxx— dxxx 

Or,  Q.r,  qui  par  la  figure  eft  égale  à  QP — 

a+b  +  c  +  d  —  d  —  dx 

Pq  —  qr  —  rs=: a ' 

e  4.  dx  —  cx  —  dxx  b  +  cx-V-  dxx  —  bx  —  cxx  —  dxxx 
favoir    à    «  +  *»  +  »»+*«.    &    par   conf^ 

quent,  lorfque  Qs  =  o,  c'eft-à-dire,  lorf- 
que  la  courbe  décrite  par  S  coupe  la  baÇe , 


e  q  u 


787 


a4i*-}-  c#.v4<f*  * 


ou  a 


a-i-bx-  ^-cxx-\-dxxx 


qui  par  X  équation  même  eft  égale  à  o.  Q  sy 
dans  ces  circonftances ,  fera  donc  auiTi  égale 
à  a  -\-  b  x  ~\-  cxx  -\-  dxxx  y  &:  par  confé- 
quent  toute  valeur  de  x  ou  de  O  Q  y  qui 
rend  a  ~\-  bx  -\*  cxx  -^-  dxxx  =  o  y  rend 
pareillement  Qx  égale  à  zéro.  Or  ,  toute 
valeur  de  x  qui  rend  a  -\-  bx  -$-  cxx  -$-> 
(ixqra;  ==  o ,  eft  une  racine  de  X équation  pro- 
pofée  <z  -\"  bx  -\-  cxx  -\~  i/xa:a:  =  o ,  dont 
la  courbe  coupera  la  bafe  ZZ  pour  chaque 
racine  réelle  de  cette  équation  y  foit  pofi-»- 
tive  ou  négative  ,  &  ne  la  touchera  point 
Iorfqu'elle  fera  imaginaire ,  comme  le  favenc- 
ceux  oui  connoifTent  les  propriétés  des  cour- 
bes. C.  Q.  F.  D. 

Cette  démonftration  eft  applicable  à 
toute  autre  équation  que  l'on  voudra. 

Nota.  Pour  avoir  les  racines  négatives  , 
on  placera  les  règles  à  gauche  de  SS 
figure  2.,  où  elles  font  marquées  par  les 
mêmes  lettres  que  dans  la  première  figure. 
Par  exemple  ,  on  pofera  la  règle  Ce  de  c 
ou  q  y  la  règle  Bb  de  b  ou  r  y  la  règle 
a  A  de  n  ou  s  y  vers  la  gauche ,  en  forte 
que  les  centres  A  ,  B  y  des  deux  dernières 
fe  trouvent  fur  la  ligne  fixe  SS. 

II  n'eft  pas  nécefîàire  que  la  courbe  foit 
décrite  avec  exactitude  ,  ni  même  qu'elle 
tombe  fur  le  plan  ,  excepté  Iorfqu'elle 
coupe  la  bafe ,  &  par  conséquent  on  ne 
rifque  rien  à  faire  les  lignes  OA  _,  AB> 
&c.  fort  longues.  Mais  les  règles  fixes  OD 
&  Te  y  doivent  être  fi  près  l'une  de  l'autre  , 
que  leur  diftance  De  ou  O T y  étant  prife 
pour  l'unité  ,  la  bafe  OT  qui  s'étend  à 
droite  jufqu'à  l'extrémité  du  plan  ,  puifie 
contenir  toutes  les  racines  pofitives  ,  &  à 
gauche  toutes  les  négatives. 

Il  y  a  encore  une  chofe  à  obferver  : 
c'eft  que  fi  l'on  a  une  équation  comme 
celle-ci  xxx  —  Sxx  -\-  1200  x  -\~  coco 
=  o  ,  dont  les  coefficiens  S  >  nco  &  9000 
font  difïerens  l'un  de  l'autre  ,  qu'il  feroit 
difficile  de  les  prendre  fur  la  ligne  OD, 
on  peut  les  réduire  de  la  manière  fuivante  : 
c'eft  de  mettre  dans  Yéquation  à  la  place 
de  chaque  x  y  10  x  y  20  x  y  ou  ico  x.  Je 
fuppofe  qu'on  mette  20  x  ;  pour  lors  ,  au 
lieu  de  xxx  y  on  aura  8oco  xxx  ,  au  lieu 
de  S  xx  — ■  2000  xx  y  &c. ,  &  V équation. 
Ggggg  2 


788  EQU 

fera  changée  en  celle-ci  8000  xxx  —  2000 
xxx  -$-  24000  x  -\-  9000  =  o.  Divifant 
chaque  terme  par  100  ,  on  aura  cette  autre 
8  xxx  —  2  xx  4"  24  x  -|-  9  =  o  ,  dont  la 
réduction  fera  plus  aifée.  Mais  on  fe  fou- 
viendra  pour  lors  ,  que  faifant  x  20  fois 
plus  petit  qu'il  n'eft  ,  les  racines  que  vous 
trouverez  feront  pareillement  vingt  fois 
plus  petites  ,  &  qu'il  faudra  par  conféquent 
les  multiplier  par  20  pour  qu'elles  aient  leur 
jufte  valeur. 

Voici  quelques  obfervations  fur  l'appli- 
cation de  ces  règles  ,  qui  peuvent  avoir 
leur  utilité. 

i°.  Les  racines  d'une  équation  peuvent 
être  de  trois  fortes  ,  pofitives  ,  négatives  & 
împoftibles  ou  imaginaires. 

20.  Toute  équation  contient  autant  de 
racines  qu'elle  a  de  degrés. 

30.  Les  racines  imaginaires  font  toujours 
au  nombre  de  deux. 

Par  exemple  ,  fi  une  équation  a  une 
racine  imaginaire  comme  celle-ci  a=.b\/ 

—  1  ,  elle  en  aura  une  autre  ;  favoir  ,  a 

—  b  y/'  1  ,  qui  la  fuit  toujours.  Il  fuit 
de  là  que  toute  équation  qui  a  des  racines 
imaginaires  ,  en  contient  2,4,  6  ,  &c.  : 
c'eft  -  à  -  dire  ,  qu'elles  font  toujours  en 
nombre  pair.  Toutes  hs  fois  que  la  cour- 
be ,  que  les  règles  décrivent  ,  approche 
de  la  bafe  fans  la  couper  ,  c'eft  une  mar- 
que qu'il  y  a  deux  racines  impoilibles  ; 
de  forte  que  fi  elle  en  approche  trois  fois , 
\  équation  contient  fix  racines  imaginaires. 
G'eft  tout  ce  que  ces  règles  peuvent  faire 
par  rapport  à  ces  fortes  de  racines  ;  elles 
marquent  leur  nombre  ,  &  non  leur  na- 
ture. J'enfeignerai  plus  bas  le  moyen  de 
connoître  celle-ci.  Puis  donc  que  les  raci- 
nes imaginaires  font  toujours  en  nombre 
pair  ,  &  que  leur  nombre  eft  égal  aux 
degrés  de  Y  équation  ,  il  s'enfuit  : 

40.  Que  toute  équation  dont  le  nombre 
des  degrés  eft  impair  ,  doit  contenir  au 
moins  une  racine  réelle. 

<°.  Que  toute  équation  dont  le  premier 
&  le  dernier  termes  après  avoir  été  tranf- 
pofés  ,  ont  des  fignes  contraires  ,  contient 
au  moins  une  racine  réelle.  Lorfque  cela 
arrive  ,  &  que  le  nombre  de  fes  dimen- 
sions eft  pair  ,  de  même  que  celui  des  ra- 


E  QU 

cines  impoflïbles ,  celui  des  racines  réelle 
doit  l'être  pareillement. 

6°.  Que  fi  Ton  divife  une  équation  par 
l'inconnue  ,  moins  une  de  fes  racines ,  on 
la  réduira  à  une  dimenfion  plus  bas  ; 
comme  toute  équation  contient  autant  de 
racines  qu'elle  a  de  degrés ,  il  s'enfuit 
encore  : 

70.  Que  retranchant  le  nombre  des  ra- 
cines imaginaires  de  celui  de  fes  racines  , 
je  veux  dire,  du  nombre  de  fes  dimen- 
fions ,  le  reliant  fera  celui  des  racines 
réelles. 

8®.  Après  avoir  trouvé ,  par  le  moyen 
des  règles ,  les  racines  réelles ,  faites  la 
quantité  inconnue  x  égale  à  chacune  :  tranf- 
pofez  les  termes  d'un  côté  :  multipliez  les 
équations  les  unes  par  les  autres ,  &  divifez 
Y  équation  propofée  par  le  produit  qui  en 
réfultera.  Faites  le  quotient  égal  à  zéro  ; 
&  vous  aurez  une  équation  qui  renfermera 
toutes  les  racines  impofTïbles ,  fans  en  avoir 
aucune  de  réelle.  On  trouvera  enfuite  les 
racines  impolTibles  par  la  méthode  qu'en- 
feigne  M.  de  Bougainville ,  dans  fon  traité 
du  calcul  intégral  ,  dans  les  cinquième  & 
fixieme  chapitres  de  fon  introduction.  C'eft 
la  meilleure  que  je  connoifTe. 

Elle  confifte  à  partager  Y  équation  donnée 
en  deux  autres  du  même  nombre  de  di- 
menfions  ,  mais  qui  ne  contiennent  que 
des  racines  réelles  que  vous  trouverez  par 
le  moyen  des  règles ,  ou  autrement ,  au 
moyen  de  quoi  vous  aurez  toutes  les  racines 
impoflibles  de  votre  équation. 

Comme  peu  de  gens  connoiffent  cette 
méthode  ,  il  convient  de  la  donner  ici. 

L'auteur  commence  par  donner  la  dé- 
monstration des  deux  propofitions  fui- 
vantes. 

Prop.  z.  Lorfqu'une  quantité  eft  égale 
à  zéro ,  &  compofée  de  plufieurs  termes  , 
dont  quelques-uns  font  réels  ,  &  les  autres 
multipliés  par  }/— -1 ,  la  fomme  de  tous 
les  termes  réels  eft  égale  à  zéro  ;  &  celle 
de  tous  ceux  qui  font  multipliés  par  ]/ 
—  1  ,  égale  pareillement  à  zéro.  C'eft  le 
foixante- neuvième  article  de  fon  Intro- 
duction. 

Prop.  z.  Lorfqu'une  équation  ne  contient 
que  des  racines  imaginaires ,  on  peut  tou- 
jours fuppofer  la  quantité  inconnue  égale 


E  QU 

à  m  Jj.  n  y—i ,  dans  laquelle  m&c  n  font 
des  quantités  réelles.  G'eft  le  huitième  article 
de  la  même  introduction. 

Par  conféquent ,  pour  trouver  les  racines 
d'une  équation  telle  que  celle  dont  il  s'agit, 
il  faut  mettre  à  la  place  de  chaque  incon- 
nue ,  x;  par  exemples  ,  m-\-n  y — i  ,  & 
l'on  aura  une  nouvelle  équation  qui  con- 
tiendra des  termes  réels  &  les  termes  mul- 
tipliés par  \/ — i  ,  dont  le  premier  &  le 
dernier  font  égaux  à  zéro  par  la  propofi- 
tion  i.  Faites-le  donc  ,  &  vous  aurez  deux 
équations  dont  il  vous  fera  facile  de  décou- 
vrir les  deux  quantités  m  &  n  y  de  même 
que  celle  àe  x  y  qui  par  la  deuxième  pro- 
portion eft  égale  à  m  -J-  n  y — i. 

Voici  un  exemple  qui  fera  comprendre 
ce  que  j'ai  dit  dans  la  première  partie  de 
cet  article.  Suppofez  que  les  racines  réelles  , 
découvertes  par  le  moyen  des  règles  dont 
j'ai  parlé  ,  foient  a>  b-—c,  &c.  Faites  x 
r=a  y  x=b  y  x  ~"c y  &c.  Tranfpofez 
les  termes  ,  &  vous  aurez  x  —  a=o,  x 
— -  b  =  of  x-\-c=o  t  &c.  multipliez  ces 
dernières  équations  les  unes  par  les  autres , 
divifez  1! 'équation  donnée  par  leur  produit , 
&  procédez  comme  j'ai  dit  ci-defTus. 

9°.  Le  plus  grand  coefficient  négatif  d'une 
équation  quelconque  ,  confidéré  comme 
pofitif,  &  augmenté  de  l'unité,  excède 
toujours  la  plus  grande  racine  poiitive  de 
Y  équation.  Par  conféquent , 

io°.  Si  en  place  de  la  quantité  inconnue 
x  de  Y  équation,  vous  mettez  le  coefficient  , 
pris  comme  pofitif  &  augmenté  de  l'unité  , 
moins  x  y  toutes  les  racines  deviendront 
pofitives.  Dans  ce  cas ,  vous  n'aurez  befoin 
que  des  règles  de  h  figure  z  y  dont  les  cen- 
tres font  à  leurs  extrémités ,  &  elles  vous 
fuffiront  pour  tous  les  cas  poftibles  ;  car 
vous  devez  avoir  obfervé  que  les  centres 
de  celles  de  la  deuxième  figure  font  autre- 
ment difpofés. 

ii°.  Si  après  avoir  rendu  toutes  les  ra- 
cines de  votre  équation  pofitive  ,  vous 
voulez  vous  éviter  la  peine  de  transporter 
la  règle  M  Mi  la  droite  de  RR  ;  ce  qui 
eft  fujet  à  quelque  inconvénient ,  je  veux 
dire  ,  fi  vous  voulez  que  toutes  les  racines 
de  votre  équation  fe  trouvent  entre  Otk  T} 
ou  entre  zéro  &  l'unité  ,  au  lieu  de  la 
quantité  inconnue  x  de  la  dernière  équa- 


E  Q  U  789 

don  y  mettez  z,  multipliée  par  le  plus  grand 
coefficient  négatif,  confidéré  comme  pofitif 
&  augmenté  de  l'unité.  Par  exemple  ,  fi 
le  plus  grand  coefficient  négatif  de  Y  équa- 
tion 3  eft  —  9  ,  métrez  10  x  à  la  place 
de  chaque  x  ,  &  vous  aurez  une  nouvelle 
équation  ,  dont  toutes  les  racines  fe  trou- 
veront fur  la  ligne  O  T }  fans  qu'il  foit 
befoin  de  la  prolonger  ,  car  elles  feront 
moindres  que  l'unité ,  je  veux  dire  ,  que 
DC  ou  OT ;  mais  après  avoir  ainfi  trouvé 
les  racines  ,  il  faut  les  multiplier  par  le 
coefficient  augmenté  de  l'unité ,  c'eft-à- 
dire  ,  dans  l'exemple  ci-defTus ,  par  10, 
parce  qu'ayant  mis  10  :r  pour  a:,  on  rend 
chaque  racine  dix  fois  plus  petite  qu'elle 
n'étoit. 

Ces  propofitions  font  reçues  de  tous 
les  algébriques  ,  &  n'ont  pas  befoin  d'être 
démontrées. 

Voici  la  defcription  d'une  machine  pour 
régler  le  mouvement  des  règles  dont  j'ai 
parlé  :  elle  n'eft  que  pour  les  équations  du 
deuxième  degré  ;  mais  on  peut  également 
l'employer  pour  toutes  les  autres. 

AB  C D  y  figure  4  ,  eft  un  chaffis  de 
fer  ou  d'acier  ,  compofé  de  quatre  barres 
de  fer  afTemblées  par  leurs  extrémités  , 
qui  forment  un  parallélogramme  redangle 
de  douze  pouces  de  long  fur  huit  de  large, 
aux  quatre  coins  duquel  font  des  appuis 
EFy  GHy  iKy  &  LM y  fur  lefquels  il  porte. 
Sur  le  côté  A  y  eft  un  coulant  N ,  qu'on 
peut  arrêter  avec  une  vis  dans  tel  endroit 
qu'on  veut ,  &  fur  lequel  la  traverfe  NO 
tourne  fur  fon  centre.  Son  autre  extrémité 
tient  par  le  moyen  d'une  vis  avec  fon  écroue 
à  la  traverfe  PQ  ,  qui  eft  pareillement 
arrêtée  fur  le  chaffis  aux  endroits  P  &  Qy 
mais  de  manière  qu'on  peut  l'approcher 
ou  l'éloigner  à  volonté  de  l'extrémité  A. 
Cette  traverfe  eft  repréfentée  par  la  ligne 
R  R  de  la  première  figure.  Les  quatre 
appuis  EFy  GHy  IK,  LM,  portent 
trois  traverfans  ST,  UX  &  YZy  fur  le 
premier  defquels  eft  une  boîte  coulante  oy 
'  qui  fert  de  centre  au  traverfant  a  b.  Le 
|  fécond  &  le  troifieme ,  favoir,  UX&;  YZr 
!  font  pareillement  garnis  de  deux  noix  cou- 
lantes e  &  j,  qu'on  arrête  où  l'on  veut  par 
j  le  moyen  d'une  vis ,  &  auxquelles  la  foie 
'e/eft  attachée.  Les  trois  traverfans  S  F, 


79o  E  Q  U 

UX,  A,  ou  plutôt  la  ligne  tracée  fur  celui 
d'en  haut  repréTente  la  ligne  S  S  de  la 
figure  i  ,  &  la  foie  ef ,  la  bafe  ZZ  de  la 
même  figure. 

g  h  i  k  eft  un  autre  parallélogramme 
environ  deux  fois  plus  long  que  le  premier, 
dont  les  côtés  g  k  &  h  i  coulent  dans  des 
fupports  attachés  par  des  vis  au  chaffis 
ABCD  ,  dont  trois  font  marqués  par  les 
lettres  l,  m  ,  n  ,  &  ont  des  dents  triangu- 
laires par  defîbus ,  depuis  g  jufqu'à  d ,  & 
depuis  A  jufqu'à  o  ,  lefquelïes  s'engrainent 
avec  celles  des  deux  roues  s  &  t  de  même 
diamètre,  dont  Taxe  p  r  eft  foutenu  dans 
deux  endroits  ,  favoir,  u  ,  &  un  autre  qu'on 
ne  peut  voir  dans  la  figure.  Ces  dents  fer- 
vent à  régler  le  mouvement  des  traverfans 
gk  &  /W  ,  lorfqu'on  fait  mouvoir  la  ma- 
chine ;  au  moyen  de  quoi ,  les  barres  n  x 
&  y  l  >  Qui  coulent  dans  deux  pièces  i  & 

2  font  toujours  parallèles.  Elles  font  repré- 
fentées  par  la  ligne  MM  de  la  première 
figure.  Celle  de  defîbus  nx  eft  garnie  d'une 
pointe  3  ,  dont  l'extrémité  fupérieure  paffe 
dans  la  rainure  de  la  barre  4 ,  $  ,  &  l'in- 
férieure parcelle  de  l'alidade  NO.  Sur  la 
barre  de  defïïis y  %  ,  eft  attachée  une  pointe 
perpendiculaire  6  y  J  ,  dont  on  peut  ôter 
la  pointe  pour  y  mettre  un  crayon  ;  cette 
pointe  repréfeme  le  point  s  &  la  première 

3  ,  le  point  r  de  la  première  figure.  Sur  la 
barre  4 ,  5  eft  un  boulon  rivé  8 ,  qui  eft 
placé  directement  au  deffus  de  la  rainure 
de  la  barre  P  Q  ,  &  qui  repréfente  te, 
le  point  a  de  !a  première  figure.  Les  deux 
traverfans  9,  10,  11,  &  12,  coulent 
dans  les  fupports  13,  14  ,  15  &  16  ,  font 
garnis  de  dents  triangulaires ,  qui  engrai- 
nent  avec  celles  des  roues  17  &  18  ,  dont 
l'axe  eft  marqué  par  les  nombres,  19  ,  2c. 
Ces  roues  règlent  le  mouvement  des  barres, 
&  font  que  celle  qui  eft  marquée  par  les 
chiffres  4,  5  ,  fe  meut  toujours  parallèle- 
ment ;  elle  eft  repréfentée  par  la  ligne  la 
de  la  première  figure.  Les  coulans  e  ,f  ,  c  , 
N  &  R  ,  étant  arrêtés  avec  des  vis  dans 
les  endroits  convenables  félon  les  coeffi- 
ciens  de  V équation 3a\vS\  qu'on  le  verra  dans 
l'article  fuivant,  en  avançant  ou  reculant 
la  barre  g  h  ,  on  fera  mouvoir  la  machine  , 
&  la  pointe  6 ,  7  décrira  une  courbe  qui 
fera  le  lieu  de  Y  équation.  Les  endroits  où 


E  Q  U- 

|  elle  pafTera  fous  la  foie  efy  à  compter  de 
la  ligne  pon&uée  ,  qui  eft  marquée  fur  la 
traverfe  UX,  indiquera  les  racines  réelles  ; 
&  le  nombre  de  fois  qu'elle  approchera  & 
s'éloignera  de  la  même  foie  fans  palier 
defîbus  ,  marquera  celui  des  racines  imagi- 
naires. Au  defïùs  des  montans  EF,  GH> 
IK  &  LM-,  font  de  petites  pièces  21 ,  22 
&  23  ,  qui  empêchent  les  barres  qui  cou- 
lent deftbus  de  fortir  de  leurs  places.  Voici 
maintenant  la  manière  de  rectifier  la  ma- 
chine pour  une  équation  donnée. 

Arrêtez  les  noix  e  f ,  auxquelles  la  foie 
eft  attachée  à  égales  diftances  des  foutiens 
EF&c  LM  ;  avancez  enfuite  la  noix  c,  qui 
porte  l'extrémité  de  la  barre  a  b  ,  de  forte 
qu'elle  foit  plus  éloignée  du  foutien  EFt 
que  l'endroit  où  vous  avez  arrêté  la  noix  e  , 
d'un  nombre  de  divifions  prifes  fur  une 
échelle  de  parties  égales ,  égal  au  terme 
connu  de  l'équation,  s'il  eft  pofitif,  &  plus 
près  s'il  eft  négatif;  &  arrêtez- la  dans  cet 
endroit.  Faites  enfuite  couler  la  noix  N , 
qui  porte  la  barre  NO,  l'éloignant  ou  l'ap- 
prochant du  foutien  EF,  plus  que  ne  l'eft 
la  noix  c  ,  d'un  nombre  de  divifions  prifes 
fur  la  même  échelle  égal  au  coefficient  de 
Y  équation  ,  je  veux  dire  ,  celui  où  la  quan- 
tité inconnue  n'a  qu'une  dimenfion  ,  plus 
loin  fi  le  coefficient  eft  pofitif,  &  plus 
près  s'il  eft  nigatif.  Faites  enfuite  couler 
la  noix  jR,  qui  fixe  l'autre  extrémité  de  la 
barre  NO  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  plus  éloi- 
gnée d'une  ligne  tirée  du  foutien  EF  au 
foutien  LM  ,  je  veux  dire  ,  du  côté  D  du 
chaffis  ,  que  la  noix  N ,  d'autant  de  divi- 
fions que  le  coefficient  du  terme  de  Y  équa- 
tion ,  où  l'inconnue  à  deux  dimenfions  l'in- 
dique ,  plus  loin  s'il  eft  pofitif,  &  plus 
prés  s'il  eft  négatif.  Pour  cet  effet ,  on  doit 
graduer  le  côté  A  du  chaffis,  les  barres  ST9 
UX,  YZ,  &  le  traverfant  PQ  ,  à  com- 
mencer du  front  D.  Ces  gradations  font 
marquées  différemment  fur  la  machine  , 
mais  d'une  maniete  moins  commode.  Si 
Ton  obferve  les  endroirs  où  la  pointe  ,  où 
le  crayon  6,7,  coupe  la  foie  ef,  à  com- 
mencer de  la  ligne  ponduée  marquée  fur 
la  traverfe  UX;  &  qu'on  les  mefure  fur 
une  échelle  ,  fur  laquelle  la  diftance  du 
traverfant  P  Q  ,  prife  depuis  une  ligne 
tirée  du  milieu  de  l'extrémité  A  de  JS  i* 


EQU 

a  G  H repréTente  l'unité  (on  peut  en  voir 
îa  raifon  dans  la  démonftration  ci-defîus  , 
oj  D  c  ou  OT ,  figure  i  y  qui  marque  la 
diftance  de  cette  ligne  P  Q  de  la  barre  A, 
e.r  prife  pour  l'unité  )  ,  on  aura  les  raci- 
nes que  l'on  cherche.  Si  l'on  ôte  la  foie 
e  f  y  &  qu'on  mette  un  Garton  fur  la  ma- 
chine, fur  les  deux  traverfans  fupérieurs 
U  X&c  Y  Z  y  apqès  avoir  tracé  defîùs  une 
ligne  qui  représente  la  foie  ef,  &  mis  un 
crayon  en  place  de  la  pointe  7  ;  ce  der- 
nier décrira  une  courbe  ,  qui  ,  avec  la 
ligne  droite  dont  je  viens  de  parler  ,  conf- 
truira  V équation  donnée.  Plus  les  coefficiens 
feront  grands  (on  peut  les  augmenter  au- 
tant qu'on  veut  fans  changer  les  racines , 
en  les  multipliant  par  tel  nombre  qu'on 
voudra  )  ,  plus  les  angles  ,  que  la  courbe 
&  la  ligne  formeront ,  feront  grands  ;  ce 
qui  eft  avantageux  dans  la  conftruction 
des  équations.  Comme  il  paroit  par  la  dé- 
moriftration  précédente  ,  qu'en  augmen- 
tant les  barres^de  cette  machine  ,  on  peut 
l'employer  généralement  pour  toutes  les 
équations  de  quelque  degré  qu'elles  puiflent 
être  ,  on  peut  Pappeiler  ,  à  jufre  titre  ,  un 
conflrucleur  univerfel  d'équations.  ÇVj 

ÉQUATIONS  DÉTERMINÉES. 
(  Algèbre.)  Je  me  bornerai  dans  cet  article 
à  expofer  ce  qui  a  été  fait  jufqu'ici  fur  la 
folution  générale  des  équations,  donc  on 
n'avoit  pas  parlé  dans  ce  Dictionnaire  , 
parce  que  lorfque  X article  ÉQUATION  fut 
imprimé  ,  les  analyftes  ne  s'étoient  pas  en- 
core occupés  de  cet  objet ,  comme  ils  l'ont 
fait  depuis. 

Le  premier  qui  ait  fait  quelques  pas 
dans  cette  recherche,  eft  le  célèbre  Tchirf- 
naus ,  géomètre  Allemand  ,  à  qui  l'on 
doit  la  découverte  des  cauîtiques.  Il  pro- 
pofa  une  méthode  pour  faire  difparoitre 
autant  de  termes  qu'on  voudroit  d'une 
équation  propofée  par  le  moyen  d'une  fubf- 
titution  ;  &  il  trouva  que  fi  on  vouloit  la 
réduire  à  deux  termes*,  le  premier  &  le 
dernier  ,  &  faire  difparoitre  les  intermé- 
diaires ,  on  feroit  dépendre  la  folution  de 
fe  propofée  ,  de  celle  d'une  équation 
Y  n  -4-  A=o  ,  n  étant  le  degré  de  la 
propofée  ,  &  A  dépendant  d'une  équation 
du  degré  /z  —  1  ;  rc  — -  2  ....  2.  1. 

M.  Euler  &  M.   Bezout,  l'un  dans  le 


EQU 


791 


tome  XI  des  mémoires  de  Fétersbonrg  y 
l'autre  dans  les  Mémoires  de  V Académie 
des  Sciences  ,  pour  l'année  176$  ,  ont  pris 
une  aucre  méthode.  Ils  ont  fuppofé  que  la 
racine  d'une   équation  du  degré  n  9  étoit 

n  n 

de  la  forme  y  A  -j-  \/  B...  le  nombre 
des  A  ?  B  ,  &c.  étant  n  —  i  ;  &  ils  ont 
trouvé  que  l'on  avoit  A  par  une  équation 
aulîi  du  degré  n  —  1  ,  /z  —  2  ,  n  —  3  . . . 
2.   1. 

La  folution  d'une  équation  du  Çe.  degré 
fe  trouvoit  donc  réduite  à  celle  d'une 
équation  du  vingt-quatrième.  Et  quoique 
C  Voyelles  recherches  de  M.  de  la  Grange 
&  de  M.  de  Wandermonde  ,  fur  cet  objet) 
cette  équation  foit  réduclible  à  une  du 
fixieme  ,  Yéquation  du  cinquième  degré 
n'eft  pas  rabaiiTée  par  ce  moyen ,  &  celle 
du  fixieme  le  feroit  encore  moins. 

Il  refte  donc  ici  deux  objets  à  confi- 
dérer  ;  l'un ,  la  pofTibilité  de  parvenir  à  cet 
abaifTement ,  auquel  les  équations  femblent 
fe  refufer  ;  l'autre  ,  les  moyens  de  rendre 
praticables  les  calculs  immenfes  où  cette 
méthode  générale  doit  nécessairement  con- 
duire. 

MM.  Waring  &  Wandermonde  fe  font 
occupés  avec  beaucoup  de  fuccès  du  fé- 
cond objet.  On  fait  que  le  fécond  terme 
d'une  équation  eft  égal  à  la  fomme  des 
racines  ;  le  troifieme  à  celle  de  leurs  pro- 
duits deux  à  deux  ,  &  ainfî  de  fuite.  On 
fait  aufli  que  ces  fonctions  qui  font  con- 
nues ,  puifqn'elles  font  les  coefficiens  de 
la  propofée  ,  étant  données  ,  on  peut  en 
tirer  la  valeur  d'une  fonction  quelconque 
des  racines  ,  pourvu  que  toutes  y  entrent 
d'une  manière  femblable  ;  mais  les  for- 
mules des  coefficiens  de  la  propofée  qui 
expriment  ces  fonctions  femblabîes  de  ra- 
cines ,  font  difficiles  à  exprimer  fous  une 
forme  générale  &  commode  ,  lorfque  le 
nombre  des  racines  ou  les  expofans  de 
ces  fonctions  font  des  quantités  indéter- 
minées. Si  les  fonctions  femblabîes  de 
toutes  les  racines  font  rationnelles  ,  tes  fonc- 
tions des  coefficiens  de  la  propofée  le  font 
aufîî  :  mais  fi  elles  font  irrationnelles  ;  fi 
au  lieu  de  fonctions  femblabîes  de  toutes 
les  racines ,  on  cherche  des  fonctions  fem- 
blabîes de  deux ,  de  trois  racines  feule- 


79i  EQU 

ment  ;  alors  les  fondions  des  coefficiens 
qui  y  répondent ,  ne  font  plus  rationnelles , 
&  il  faut  déterminer  le  degré  des  équa- 
tions dont  elles  dépendent  alors ,  &  les 
coefficiens  rationnels  de  ces  équations. 
Soit  par  exemple  une  équation  : 

xn  +  axn~l  -+*  bxn~z +  /*  =  o. 

&  qu'on    demande  la  valeur  de 

y=:Ap  +  Bp~{-Cp 

A  y  B  y  C  ,  étant  les  racines  de  la  propo- 
fée ,  &  entrant  au  nombre  de  m  dans  la 
valeur  de/;  i°.  fi  p  eft  entier,  on  verra 
que  X équation  qui  doit  donner  y  y  fera 
d'un  degré  égal  au  nombre  des  combi- 
naifons  de  n  y  quantités  prifes  en  nombre  m; 
2°.  fi/»  eft  une  fraction  dont  le  dénominateur 
foit  p  y  le  degré  de  Yéquation  rationnelle 
en  y  y  fera  le  même  nombre  des  combi- 
naifons  de  n  y  quantités  prifes  en  nombre 
m  y  multiplié  par  pmy  &  de  plus  ,  il  n'y 
aura  dans  Yéquation  en  y  y  que  les  termes 
où  l'expofant  de  y  fera  un  multiple  de  p. 
Si  q  p  eft  le  degré  de  cette  équation  en  y  y 

on  aura  le  coefficient  de  y  q~l  p  égale  à  une 
fonction  de  a  y  b1. .  .  r*  du  degré  pp  9  le 

coefficient  de  y  q~ipl  à  une  fonction  de 
degré  2  pp  ;  &  ajnfi  de  fuite,  &  il  n'y 
a  plus  à  déterminer  que  les  coefficiens  de 
ces  fondions.  Cette  dernière  partie  eft 
celle  pour  laquelle  il  eft  le  plus  difficile 
de  trouver  des  exprcflions  générales.  Nous 
renvoyons  pour  cet  objet  à  l'ouvrage  de 
M.  Waiïng  ,  intitulé  :  Meâitadones  Alge- 
braicx  ;  aux  Mémoires  de  M.  Wander- 
monde  ;  Mémoires  de  l'académie  des 
fciences ,  volume  de  1771  ;  aux  Mémoires 
de  Berlin  ,  années  1770  &  1771  ,  où  M. 
de  la  Grange  s'eft  occupé  auffi  du  même 
objet. 

Cette  théorie  ,  une  fois  établie  en  gé- 
néral ,  &  réduite  à  des  formules  dont  on 
puifTe  faifir  la  loi ,  il  eft  clair  qu'on  aura 
immédiatement  &  fans  calcul  les  coeffi- 
ciens de  toutes  les  équations  transformées 
qu'on  emploie  pour  rabaiftèr  la  propofée. 

Refte  à  favoir  fi  ce  rabaifTement  eft  tou- 
jours pofTible.  M.  de  la  Grange  a  prouvé 
qu'on  ne  pouvoit  fuppofer  en  général 
<jue  la  foluçion  d'une  équation  du  dt^ré 


EQU 

n  y  dépendît  de  ceiie  d'une  équation  du 
degré  /z— 1 .  Examinons  donc  s'il  n'y  a  point 
d'autres  reffources.  M.  de  la  Grange  prouve 
que  la  quantité  A  y  ci-deffus  donnée  par 
une  équation  de  degré  n— -1 ,  n — 2,  n— 3... 
fera  réductible  à  une  équation  du  degré 
n — 2  ;  n — 3 3.2.  1  foit  ce  de- 
gré m  y  &  cherchons  A  comme  nous  avons 
cherchez  ,  nous  aurons  ,  faifant  A—  V y 
la  quantité  V  eft  employée  ici  pour  faire 


difparoître  le  fécond  terme  ,   |/  A  + 

m 

y    B' y  &  au  nombre  de  m— -1.  A'  par 

une  équation  du  degré  772— 1 ,  /rc— r-2,  m— 3... 
3,2,1.  Alors  il  le  prélente  deux  cas,  ou 
le  nombre  m — 1  ,  de  fonction  A  ,  B' , 
&c.  fera  plus  grand  qu'il  ne  doit  être  , 
ou  il  ne  le  fera  pas  ;  dans  le  premier  cas  , 
il  arrivera  qu'il  y  aura  un  certain  nombre 
des  racines  de  Yéquation  en  A  qui  fe 
trouveront  être  zéro  ;  foit  m'  le  degré  de 
Yéquation  en  A  y  nous  ferons  A— K'= 


V A'-Y  V B" y  &c,  &  nous  aurons  A' 
par  une  équation  du  degré  m'— -i ,  m'— 2.... 
3  ,  2  ,  1.  Si  la  fuppofition  de  m'-—i  radi- 
caux n'eft  -pas  trop  compliquée.  Le  degré 
de  Yéquation   en   A  fe  réduira  à  m — 2  x 

m— 3 3 ,  2 ,  -1 ,  il  en  fera  de  même 

pour  A' y  &  ainfi  de  fuite.  Il  eft  clair  que 
pourvu  que  la  valeur  de  x  foit  finie ,  & 
que  l'on  puifTe  la  fuppofer  formée  par  des 
radicaux  placés  fuccefîivement ,  en  forte 
que  la  valeur  de  x  foit  compofée  de  «— 1 

n 

termes  de  la  forme  1/  Ay  A  de  n  termes 

\/  A  plus  un  terme  confiant,  A  de  n't 

termes  y  A' y  plus  un  terme  confiant ,  & 
ainfi  de  fuite  un  nombre  fini  de  fois,  on 
aura  enfin  la  racine  recherchée.  Or  ,  il  n'y 
a  point  de  fonction  compofée  de  radicaux 
qu'on  ne  puiftè  réduire  à  cette  forme  : 
donc  en  fuivant  le  procédé  ci-deftus  ,  on 
parviendra  à  trouver  enfin  une  quantité 
A  y  qui  fera  donnée  par  une  équation  du 
fécond  degré ,  toutes  les  fois  qu'elle  fera 
poffible. 
Maintenant  il  y  a  lieu  de  penfer  que  le 

nombre 


E  Q  U 

nombre  de  ces  opérations  ne  pourra  être 
plus  grand  que  n —  i.  En  effet,  foit  xy 
égal  à  une  fonction  qui  contienne  des  ra- 
dicaux les  uns  fous  les  autres  ,  qui  ait 
71  —  i  termes  différens  femblables  entr'eux  ; 
il  faut  qu'une  fonction  linéaire  des  produits 
&  des  carrés  de  ces  termes  foit  une  quantité 
rationnelle.  Les  carrés  ne  peuvent  pas  l'être, 
puifque  les  racines  ne  le  font  pas,  &  que  n 
^>  2  ;  donc  il  faut  que  les  produits  de  deux 
termes  le  foient.  Or ,  cela  ne  peut  arriver 
s'il  n'y  a  pas  dans  ces  termes  une  fonction 
fous  le  radical  2.  Il  faut  enfuite  qu'une 
fonction  linéaire  produife  trois  de  ces  ter- 
mes ,  de  leurs  cubes  ,  du  produit  des  carrés 
de  chacun  par  les  autres ,  foit  une  quantité 
rationnelle,  les  cubes  ne  font  pas  rationnels  ; 
&  pour  que  les  autres  le  deviennent ,  il  faut 
que  chaque  contienne  des  radicaux  fous  la 
ligne  3  ,  &  ainfi  de  fuite  jufqu'au  dernier 
terme  ;  terme  qui  devient  fonction  linéaire 
des  termes  qui  font  fous  la  ligne  n.  On  voit 
donc  pourquoi  il  pourroit  y  avoir ,  & 
même  il  doit  y  avoir  n  —  1  radicaux  fuc- 
cefîifs.  Mais  on  ne  voit  pas  pourquoi ,  en 
prenant  cette  forme ,  il  y  en  auroit  un  plus 
grand  nombre. 

Nous  terminerons  cet  article  par  une 
confédération  qui  peut  être  d'une  grande 
utilité.  C'eft  que  mettant  la  propofée  , 
fous  la  forme  xn  -\-  bl  xr—z  -\~  ci  x"-*  .... 
-^-r",  toutes  les  fonctions  rationnelles 
fous  le  figne  n  ,  feront  des  fonctions  de 
h- y  c*,  r"  du  degré  n3  les  fonctions  fous 
les  radicaux  n  &  ri  des  fonctions  du  degré 
n  ri  ;  &  ainfi  de  fuite  (c'eft,  je  crois, 
M.  Fontaine ,  qui ,  dans  fon  mémoire  fur 
les  équations,  a  employé ,  le  premier ,  cette 
remarque ,  qui  peut  abréger  confidéra- 
blement  les  calculs  )  les  coefficiens  de  ces 
fonctions  feront  des  nombres  rationnels  , 
&  ceux  des  radicaux ,  des  racines  des 
équations  yn  ~ l  =  o ,  ym  —* l  =  o  ,  &c. 
Il  ne  refte  donc  plus-  fur  la  réfolution 
générale  des  équations  que  deux  difficul- 
tés ;  i°.  la  longueur  du  calcul;  20.  qu'il 
n'eft  pas  rigourëufement  démontré  qu'une 
équation  déterminée  d'un  degré  quelcon- 
que ,  ait  une  racine  d'une  forme  générale 
&  finie  ;  c'eft  ce  qui  arriveroit ,  fi  ,  en 
fuivant  la  marche  indiquée  ci  -  deflùs  ,  la 
Tome  XII. 


E  Q  U  793 

folution  de  la  propofée  n  étant  un  nombre 
premier,  fe  réduifoit  à  la  folution  d'une 
autre  équation  du  degré  n  y  qui  n'auroit 
pas  de  divifeurs  rationnels ,  ou  fi  n  n'étoit 
pas  premier  à  une  équation  d'un  degré 
pour  lequel  X équation ,  qui  donne  les 
termes  fous  le  radical  n ,  ne  fe  rabaifferoit 
pas  au  defïbus  du  degré  n  —  in  —  3  . . . . 
3  ,  i9ï.  Ainfi,  dans  le  cas  où  la  racine 
n'auroit  aucune  forme  finie  poftible ,  la 
méthode  propofée  ci-deffijs  conduira  en- 
core à  trouver  cette  impoffibilité.  C'eft 
donc  à  diminuer  la  grande  complication 
des  calculs ,  &  à  trouver  des  méthodes 
qui  les  abrègent,  que  les  analyftes  doivent 
tendre  maintenant. 

J'ai  publié  quelques  recherches  fur  ce 
fujet  dans  le  tome  V  des  mémoires  de 
l'académie  dé  Turin.  (O) 

EQUATION  aux  différences  fin tëf, 
Teylor  paroît  être  le  premier  géomètre  qui 
ait  confidéré  les  différences  finies.  M.  Euler 
a  fait  fur  cet  objet  un  grand  nombre  de 
belles  &  utiles  recherches  dans  fes  Infli- 
tutions  de  calcul  différentiel  ;  mais  il  s'eiî 
occupé  fur-tout  d'appliquer  aux  fuites  in- 
finies ou  indéfinies ,  la  théorie  de  ces  dif- 
férences ,  ou  réciproquement.  En  effet ,  fî 
on  appelle  X  une  fonction  quelconque  de  x, 
&  X'  ce  qu'elle  devient  en  mettant  pour  x, 
x-^Ax  (a  eft  ici  le  figne  de  la  différen- 
tiation ,  comme  d  pour  les  équations  ordi- 
naires ) ;  on  a  également X'  z=X-\-aX9 

&^=X+^Ax+£7^A^  +  rf^. 

Axl 

En  effet ,  fi  on  cherche  à  avoir  X  en  X, 
en  ordonnant  la  férié  par  rapport  à  Ai, 
il  eft  aifé  de  voir  qu'on  peut  prendre  X 
pour  le  premier  terme  de  cette  valeur  , 
puifqu'en  faifant  A  x  =  o  y  X  devient  Xy 
le  fécond  terme  multiplié  par  a  x  doit  êtte 

égal  à  ce  que  devient  j^ ,  en  y  faifant 

A  x  =  Oy  c'eft- à- dire ,  7—,  ; 

multiplié  par  deux    eft  égal    à  ^    [g  ,   en 

faifant  A  x  =  o>  c'eft-à-dire  ,  qu'il  eft 
±±*>  &  ainfi  de  fuite. 

Ce  théorème  dont  j'ai  déjà  fait  ufage  I 
Hhhhh 


le  troifieme 

\     <tdX' 


794  E  Q  U 

r article  Approximation  ,   eft   du    à 
M.  d'Alembert. 

Si  l'on  2.  A  X  égal  une  fondion  de  x, 
on  aura  encore ,  par  le  moyen  de  cette 
expreflion ,  Xy  en  x  par  une  férié  infinie. 
En  effet,  puifque A X connu ,  que  j'appelle 

£££  a  a;1   4-  — 3- 

A** 


E  Q  U 


^f  =  —  A   X 

d  k 


+ 


A  ** ,  &c.  j'aurai  A  *  Jf=  -<4  i  *  — 


dX 


i 

A* 


dX 


jrj  —  ^JL  «*,   &<;.  mettant  pour  ^Z  A  x 


fa  valeur  ^4  —  7ZS£t  *  *>  &c-   Pour 

~[-x  A  a:  fa  valeur  d  A  —  7—^  A  xz  y  &c, 

j'aurai  -Y  en  férié  de  A  &  de  fes  diffé- 
rences. 

Je  me  propofe ,  dans  la  fuite  de  cet 
article,  de  traiter  les  équations  aux.  diffé- 
rences finies  d'une  manière  générale  & 
directe.  On  trouvera  aux  articles  POSSI- 
BLES, Maximum,  Linéaires,  ce  qui 
regarde  leurs  équations  de  condition ,  ou 
de  maximum  ,  &  la  folution  des  équations 
linéaires.  J'ai  montré  à  Y  article  APPROXI- 
MATION ,  vers  la  fin ,  que  leur  folution 
approchée  dépendoit  toujours  d'équations 
linéaires,  &  je  me  bornerai  ici  à  donner 
une  théorie  générale  des  équations  aux 
différences  finies  des  fonctions  qui  peuvent 
entrer  dans  leurs  intégrales,  &  delà  ma- 
nière de  les  trouver  rigoureufement  autant 
qu'elles  font  poflibles  par  la  méthode  des 
«oefficiens  indéterminés. 

Soit  Z  y  une  fonction  de  x  y  y  \y  qu'on 
mette  dans  Z  au  lieu  de  x  y  x  -\-  a  x  au 
Iieudej,>y-t-A.yaulieudeç,  l^r*l> 
&  qu'on  appelle  Z'  ce  que  devient  \  ; 
alors  on  aura  Z'  =  Z  4-  A  Z  &  A  Z  = 
Z'  —  Z.  Si  on  a  une  fonction  de  xy  y,  \  y 
A  xy  Ayy  a  i  y  A  lyy  A  x\  y  &c.  A  x  étant 
ftippofé  confiant ,  on  mettra  dans  cette 
fondion  Qy  î-^-ai,  au  lieu  de  x  y 
y  +  ^y  pour  yy  î+a{  pour  ç,  A  y 
■+■  A  zy  pour  A  yy  a  ç  Jf  a  z%  pour  A  ^  y 
Azy-\~Axy  pour  A  zy3  A  x  ^-\-  Al\  pour 
A  \y  &  ainfi  de  fuite,  &  appellant  Q'  ce 
que  devient  alors  Q  y  on  aura  O'  =  Q 
+  ^QaQ=QX-Q.         2 Z 

Soit  Z .=  /  xy  on  aura  ,Z'c=  l.x  +  A  x 


jX-\-  Û* 


&  A  Z  =  l  x  -+•  A  x  —  l  x 

; —  /  I  "T * 

Soit  Z  =  c  "*,  Z' =<?«*+<'**=: 
ea&x  eax:  doncAZ=  (eaA*  —  i  )  c«*; 
donc  A  x  étant  confiant  a2  =  o  toutes  les 
fois  que  eaAx  =  i. 

Soit  Z  —e'******'  Z'  =  e*xZ  + 
*,'+''&Z'-|-AZ/=2"=«"l+i"*^''l 
lorfque  Axeft  fuppofé  confiant. 

On  trouvera  de  même  que  foit  Z  une 
fondion  de  e**,  &  ea **  =  i ,  Z'  =  Z  , 
pourvu  que  cette  fonction  ne  foit  pas  telle 
que  pour  avoir  caâk*—  i=o>  il  faille 
prendre  a  A  x  =  o  ;   ce  qui  arriveroit  fi 

Z  •=-lea*\)   ou    (cax)  ^   ou    contenoit 
de  pareilles  fonctions.    Soit  enfin   Z  = 

a  x  a  x  a  Sx 


Ne 


Z'  =  eNe 


donc    fî 


ga&x  eft  un  nombre  entier,  la  compa- 
raifon  de  ces  deux  équations  peut  faire 
évanouir  cette  tranfcendanre ,  de  même 
la  comparaifon  de  3  ,  4 ,  Ùc.    équations 

bx 

(èmblables ,  feroit  difparoître  eaxe        x 

1  bx 

eax  e      ,  Oc 

Si  maintenant  on  veut  réfoudre  le  pro- 
blême drivant ,  trouver  l'intégrale  faas 
différences  variables  d'une  équation  aux: 
différences  finies ,  on  y  parviendra  à  l'aide- 
des  obfervations  fuivantes. 

i°..Lapropofée  eft  produite  par  la  com- 
paraifon des  équations  Z  =  Q ,  A  Z  =  o  y 
**Z  =  oy  *»Z  =  o, 

20.  Il  n'y  a  point  de  fondion  tranfcen- 
dante  de  \  y  &  y  dont  la  différence  ne  le 
foit ,  on  n'en  contienne  une  nouvelle. 

30;  x  étant  une  variable  dont  la  diffé- 
rence a  x  efï  confiante ,  au  lieu  d'une 
arbitraire  fans  variable  ,  on  aura  une  fonc- 
tion arbitraire  de  eax,  a  étant   tel   que 

eaAxz==z  i< 

40.  Une  feule  différentiation  pourra,  par 
la  comparaifon  entre  la  différentielle  & 
l'intégrale,,  faire  évanouir  un  terme  epar 
p  étant  quelconque ,  &  la  fondion  arbi- 
traire fera  le  coefficient  de  ce  terme.  Deux 
différentielles  fucceiîives,  comparées  avec; 
leur  intégrale ,  peuvent  faire  évanouir  uru 
terme  ea*i4-**,  a  &  b  étant  quelconjs- 


E  Q  U 

tjues,  &  de  plus  un  terme  e*'",  V  étant 
donné  en  a  &  h  9  &  ainfi  de  fuite.  La 
comparaifon  de  l'intégrale  avec  la   diffé- 

ax 

rentielle  peut  faire  aufTI  difparoître  e  Ne  , 
&  la  comparaifon  de  l'intégrale  avec  deux 
différentielles  fucceffives,  faire  difparoître 

bx 

eaxe      ,  &  ainfi  de  fuite. 

5°.  Quoique  la  propofée  ne  contienne 
pas  a  x  y  cependant  l'intégrale  de  l'ordre 
immédiatement  inférieur  peut  contenir  x  , 
parce  que  la  différentielle  exacte  peut  con- 
tenir un  terme  confiant  a  =  a—?  dont 

l'intégrale  eft  -~. 

6°.  Si  dans  un  produit  indéfini  F  x. 
Fx-—*x.  Fx  —  i&x  . . .  le  nombre  des 

termes  étant  ^-ou^-;  n'étant  un  nombre 

A  x  A  x   ' 

entier ,  on  fait  x  =  x  4"  a  x;  ce  produit 
ne  change  pas  de  forme  &  eft  feule- 
ment multiplié  par  Fx  4"  a  x  y   ou  par 

Fx  4"  A  X.   Fx  4-2   A  x. . . .  F X  4~  72  A  x; 

donc  fi  on  l'appelle  X,  on  aura  X  +  A* 

X 

=.Fx-\-  a  x  y  ou  Fx-\-  a  x  ,  Fx-\- 
2  a  x ....  en  nombre  déterminé  &  fini  ; 
donc  une  feule  différentiation  peut  faire 
difparoître  un  nombre  déterminé  de  ces 
produits  multipliés  ou  divifés  les  uns  par 
les  autres ,  en  même  temps  qu'une  expo- 
nentielle &  une  fonction  arbitraire  ,  &  de 
même  deux  différentiations  peuvent  faire 
difparoître  une  fonction. 

2     J 

Fxy  Fx—Ax,  Fx  —  zax9  &c. 

7e.  Si  la  propofée  contient  des  radicaux 
dans  fon  intégrale  immédiatement  infé- 
rieure ,  en  difFérentiant  la  propofée ,  on  aura 
une  équation  qui  aura  deux  intégrales-ration- 
nelles  de  l'ordre  immédiatement  inférieur. 

8°.  Le  nombre  des  arbitraires  eft  égal  à 
l'expofant  de  l'ordre  de  la  propofée  ;  mais 
on  ne  peut  pas  lui  fuppofer  en  général  n 
intégrales  algébriques  de  l'ordre  n  —  i .  En 
effet,  on  a  d'abord  le  terme  ea*x  qu'une 
feule  différentiation  ne  pourroit  pas  faire 
difparoître  :  ainfi  îorfque  l'intégrale  de 
l'ordre  n  —  i  doit  le  contenir  ,  une  des 
intégrales  de  l'ordre  n  —  i  le  contenant 


E  Q  U  79î 

auflî ,   fa  différentielle  exacte  contiendra 
ebx. 

D'ailleurs  (  s  étant  le  figne  de  l'intégra- 
tion par  rapport  awx  différences  finies  ,  & 
Fx  défignant  une  fonction  donnée  de  rr), 
l'intégrale  de  l'ordre  n  —  i  peut  contenir 
s  F  x  y  &  cette  fomme  peut  ne  pas  être 
exprimable  en  termes  finis ,  par  une  fonc- 
tion finie  de  x;  alors  fi  l'intégrale  de  l'ordre 
n  — ■  2  contient  z  F1  x  ,  &  que  F  aJjpn- 
tienne  s  Fx  >  il  paroît  impoffible  devoir 
deux  intégrales  de  l'ordre  n  —  i.  Mais  fi 
on  peut  égaler  s  F'  x  à  une  fonction  finie 
de  a:  &  Fx  plus  une  fonction  z  F"  x> 
F"  ne  contenant  plus  Fx  y  on  aura  alorg 
les  deux  intégrales  ;  &  comme  de  telles 
fonctions  peuvent  entrer  dans  la  différen- 
tielle exacte  ,  fans  que  X  foit  dans  la  pro- 
pofée, on  ne  pourra  fuppofer  qu'on  ait  n 
intégrales  de  l'ordre  n  —  i  qui  puifîènt  la 
produire    fans    contenir    x    &    eb'".    ou 


e 
tes 


4"  x 


,  &c.  dans  leurs  différentielles  exac- 
,  ou  même  des  produits  indéfinis. 


9".  Il  fuit  delà  qu'il  faudra  ou  fuivre 
la  méthode  des  intégrations  fucceffives, 
ou  bien  ,  lorfqu'on  aura  une  équation  inté- 
grale de  l'ordre  n  — ■  i  qui  contienne  x  ou 

a  m 

e?*,  ou  un  produit  indéfini,  ou  eNe  , 
fuppofer  une  autre  intégrale  du  même 
ordre  contient  a:  ou  epx,  ou  la  fonction 
indéfinie,  &  de  plus  eax*  +  h'x  &  une 
fonction  indéfinie  qui  (  nc.  6  )  peut  difpa- 
roître par  deux  différentiations ,  &  ne  de- 
vient la  propofée  qu'en  mettant  au  lieu 
de  celles  de  ces  quantités  qui  reftent  après 
avoir  comparé  cette  nouvelle  inrégrale 
avec  fa  différentielle,  leurs  valeurs  tirées 
de  Yéquation  intégrale  qu'on  a  trouvée 
d'abord  ,  &  fi  la  nouvelle  intégrale  con- 

Z  +  bx 

tient  ea*  ,    &c.    on  fuppofera    qud 

e  axx  4"  b  x ,  Ùc.  entre auflï  dans  la  troi- 
fieme  intégrale ,  &  ainfi  de  fuite , 
9°.  On  obfervera  que , 

ZX**Z  =  X  AZ E  A  X  A  Z  4"  A  X  A  *Z 

io°.  Pour  intégrer  la  fonction  en  x  purs , 

on  remarquera  que  la  différenciation  n'en 

ayant  pu  faire  évanouir   ni   radicaux  ,  ni 

fondions    tranfcendantes  ,   toutes  les  fois 

Hhhhh  i 


796  EQU 

qu'elle  pourra  être  exprimée  par  une  fonc- 
tion finie  ,  cette  fonction  fera  une  fraction 
rationnelle  de  a:  &  des  fondions  de  x  con- 
tenues dans  la  différentielle ,  &  on  l'aura 
toujours  en  férié  infinie  par  la  méthode  dont 
j'ai  parlé  au  commencement  de  cet  article. 

ii°.  Si  une  équation  propofée  contenoit 
des  quantités  tranfcendantes,  alors  il  fau- 
droit  les  regarder  comme  fondions  algé- 
briques de  nouvelles  variables  &  de  leurs 
différences  ,  en  forte  que  les  regardant  fous 
ce  point  de  vue,  la  propofée  foit  encore 
pofiible. 

futile  que  foit  une  équation  aux  diffé- 
rences finies  ,  ces  principes  fuflir ont  pour 
L'intégrer  par  la  méthode  des  coefficiens 
indéterminés. 

Quant  aux  intégrales  qui  échappent  à 
cette  méthode,  on  peut  dans  différens  cas 
trouver  des  formes  de  fondions  qui  les 
repréfentent  ;  mais  cette  difcufîion  nous 
entraîneroit  trop  loin. 

Si  au  lieu  de  favoir  que  a  x  eft  confiant  ; 
on  favoit  qu'il  eft  égal  à  <p ,  fondion  de  x 
îky  >  il  n'y  auroit  qu'à  éliminer  y  ,  &  on 
auroit  x  par  une  équation  comme  ci-defius, 
dont  l'intégrale  contiendroit  une  nouvelle 
variable  x'  ,y  feroit  donné  par  une  équation 
femblable ,  &  pour  avoir  y  en  x  y  il  fau- 
droit  éliminer,  x   (o) 

EQUATIONS  aux  différences  finies  & 
infiniment  petites.  Je  donne  ce  nom  à  des 
équations  qui  contiennent  outre  les  varia- 
bles y  y  &  x  leurs  différences  finies  & 
infiniment  petites,  telles  que  dx  y  dy  > 
éxy  dy,  a  aj,  d*yx  dly...  a  ny  , 
d *n~1y ,  &c.  Aucun  géomètre  n'a.  en- 
core confidéré  la  théorie  de  ces  équations. 
Voici  quelques  remarques  fondamentales 
qui  pourront  conduire  à  une  méthode  de 
les  réfoudre  généralement. 

i°.  La  propofée  pour  un  ordre  n  de 
différences  pourra ,  fi  Z  en  eft  l'inté- 
grale complète  &  finie,  être  mife  fous  la 
forme. 

aZ+bdZ  +  cAZ-{-edzZ-\-fd±Z 

-\-g^Z...-\-pdn  Z...+q±»Z=0. 
Il  fuit  de  cette  forme  femblable  à  celle 
des  différences  partielles  ,.  que  la  propofée 
n'a  point  pour  intégrale  nécefiaire  une 
équation  de  l'ordre  .n.-— i,  dont  les  diffé- 


EQU 

rentielles  combinées  entr'elles  produifent 
la  propofée. 

2°.  a  x  étant  fuppofé  confiant ,  les  quan- 
v 
tités  t**  p  étant  un  nombre  entier,  ou 

p     b  x 

ea*  e  ?  ebAx  étant  un  nombre  entier, 
font  Tes  feules  qui  fe  trouvent  également 
dans  Zy  Z-\"Z)Z~\~dZ,  &  par  con- 
féquent  fi  dans  la  propofée  p  &  q  (  n°.  i  ) 
ne  font  pas  égaux  à  zéro ,  c'eft-à-dire  , 
fi  la  propofée  contient  à  la  fois  des  diffé- 
rences n"  finies  &  infiniment  petites ,  l'in- 
tégrale ne  contiendra  point  d'autres  tranf- 
cendantes ni  d'autres  arbitraires  que  des 
fondions  fans  variables ,  p  pourra  être  égal 

à  ÏLli*?,  mais  jamais   plus    grand  ,   & 

p       b  * 

femblablement  pour  les  fondions  e  *  *    * 
p  ne  peut  être  >  - — -zJ    — i. 

3°.  Si  la  propofée  eft  telle  que  les  équa- 
tions An Z  =  o  d"  Z  =  q  n'entrent  pas 
dans  fa  formation  ,  mais  feulement  les 
équations  An-m  Z =  o  dn-m'  Z  =^o  , 
&  des1  équations  aux  différences ,  partie 
finies ,  partie  infiniment  petites.  Alors  on 
pourra  avoir  une  intégrale  qui  contiendra 
m  tranfcendantes  quelconques,  ou  un  plus 
grand  nombre  de  tranfcendantes  en  x  feu- 
lement ,  &  telles  que  l'une  étant  V  une 
autre  foit  V-\-a  Vy  &  ainfi  de  fuite,  ce 
nombre  étant  toujours  facile  à  déterminer 
pour  chaque  ordre ,  &  m!  arbitraires  pa- 
reilles à  celles  des  équations  aux  différences 
finies ,  c'eft-à-dire ,  qu'on  aura  pour  in- 
tégrale une  fondion  algébrique  des  varia- 
bles &  leurs  différences  infiniment  petites  , 

p 
dont  les  coefficiens  pourront  être  ea*     , 
&  en  général  des  fondions    Q  de  x  don- 
nées par  des  équations  aux  différences  finies 
entre  x  &  Q. 

Voyez  fur  ce  fujet  les  mémoires  de 
l'académie  des  fciences,  année   1771. 

Voyez  aufîî  Yarticle  ÉQUATIONS  LI- 
NÉAIRES au  mot  Linéaires,  où  l'on 
confidere  quelques  autres  hypothefes  dV- 
quations-  aux  différences  finies.   ÇoJ 

ÉQUATIONS  empiriques.  On  a  nommé 
ainfi  des  équations  trouvées  indépendam- 
ment de  toute  théorie  &  d'après  les  feules 
obfervations  d'une  pjanete  ;  &  comme  elles:, 


E  QU 

repréfentent  avec  exactitude  le  mouvement 
de  cette  planète  pendant  les  révolutions 
obfervées  ,  on  en  conclut  qu'elles  pourront 
les  reprefenter  indéfiniment. 

Ainfi  les  équations  de  mars ,  telles  que 
Kepler  les  détermina  lorfqu'il  trouva  moyen 
d'expliquer  les  irrégularités  qu'il  avoit  ob- 
fervées dans  fon  cours ,  en  fuppofant  que 
fon  orbite  éroit  elliptique,  ces  équations  y 
dis  je-,  étoient  empiriques.  Mais  lorfqu'en 
appliquant  cette  loi  aux  autres  planètes  , 
il  prouva  que  leurs  orbites  étoient  aufïï  àcs 
ellipf^s  ,  alors  leurs  équations  trouvées 
d'après  cette  hypochefe  furent  des  équa- 
tions données  par  la  théorie  ,  &  non  plus 
des  équations  empiriques.  Ainfi  une  équa- 
tion à  qui  on  a  donné  long- temps  ce  nom  , 
ceiTe  de  i'avoir  lorfqu'on  trouve  une  théorie 
qui  en  rend  raifon. 

M.  Wargentin  a  trouvé  des  équations 
empiriques  pour  les  fatellites  de  Jupiter  ; 
d'après  ces  obfervations  feules  &  d'après 
ces  équations  >  il  a  dreffé  des  tables  de  ces 
fatellites  qui  repréfentent  leurs  mouvemens 
avec  des  erreurs  qui  ne  vont  pas  au  delà 
de  quelques  minutes. 

M.  de  la  Grange  eft  le  premier  qui  ait 
imaginé  de  réduire  en  méthode  générale 
l'art  de  trouver  ces  équations  empiriques. 
Voici  une  idée  abrégée  de  cette  méthode. 

i°.  Toute  expreiTion  d'une  quantité 
donnée  par  une  équation  différentielle  , 
peut  être  fuppofée  égale  à  une  fuite  de 
termes  en  finus  &  cofinus  (  Voye\  les 
articles  APPROXIMATION  &  ÉQUATION 
Séculaire).  Le  problème  fe  réduit  & 
doit  trouver  cette  férié  par  les  feules  ob- 
fervations, toutes  les  fois  du  moins  que 
cette  férié  eft  convergente. 

2°.  Dans  ce  cas ,  un  certain  nombre  fini 
de  terme  de  cette  férié  doit  reprefenter  les 
obfervations.  Soit  donc  Ç)  la  quantité  dont 
on  cherche  la  valeur,   (bit  Z,  Z' ,  Z" , 

Z'" Z'"....  n  des  valeurs  obfervées  de  Q 

répondant  à  n  valeurs  de  l'angle  décrit  x 
ou  du  temps  t  y  nous  aurons  Z  (n°.  i  ) 
égal  à  un  nombre  fini  de  termes ,  fin.  a' 
4-  b'  X;om  fin.  a  +  b  T  &  cof.  a'  -^  b' 
X,  ou  cof.  a  -\-  b  T,  chacun  de  ces  termes 
étant  multiplié  par  un  coefficient  conf- 
tant,  X  &  T  font  les  valeurs  de  x  &  t  y 
correfpondantes  à  Z.    Soient  maintenant 


E  Q  U  797 

X+p,  X-\~z  p,  X-4-3  p9  &c.  les 

valeurs  correfpondantes  à  Z',  Z"  ,  ZUI ,  &c. 
&  prenant  une  feriez)"  -\- Z' y  -\-Z"  yz  -4- 
% m  ?*>&£•  (A)  le  terme  général  de  cette 
férié  fera  compofé  de  termes  cof.  a  -f-  b' 
X-\-b'  p  m,  fin.  a!  -\-  b'  X  -\-  b  p  m,  m 
étant  l'expofant  du  terme  général;  or,  puif- 
que  fin.  a'  -\-  b'  X  -\-  p  m  = 

(.a'  +  b'X+b'pm)  Y-i-(a'+yX  +  b'pm)  y7-  i 

e  * 


2  y  -  I 

&  que  cof.  a'  -\-  y  X  +  bf  p  m  = 

r 
(a'-\~bX+bpm)  Y  -r-(  a+  b'  X+b'pm)  "/ 
e  -\-t 

1 

il  eft  aifé  de  voir  que  le  terme  général  (A) 
fera  compofé  d'un  nombre  2  n  de  termes , 
dont  chacun  fera  égal  au  terme  correfpon- 
dant  dans  le  terme  précédent  de  la  férié 
multipliée  par  ehV  —  iy  eb'pV  —  ^i  donc 
chaque  terme  formera  une  fuite  géomé- 
trique ;  donc  la  propofée  fera  égale  à  la 
fomme  de  2  n  de  ces  fuites ,  &  le  dénomi- 
nateur de  la  férié  récurrente  fera  i  — - 
ePby-iy  j—.e-pb'Y-i,  &  ainfi  de 
fuite  pour  chaque  finus  ou  cofinus  ;  donc 
le  dénominateur  fera  i  -*-  2 ,  cof.  b'  p  y 
-\-yz  Xi  —  2  cof.  b"  p  y  -\-yz ,  &c.  donc 
la  férié  ÇAJ  fera  récurrente  ;  foit  donc 
Z,  Z' y  Z" y  Z'" y  &c.  les  valeurs  don- 
nées par  i'obfervation ,  il  faudra  donc  cher- 
cher la  férié  récurrente  de  cette  forme  , 
dont  Z  4-  Z' y  -J-  Z" y  z  +  Z1" y 3,  &c. 
font  les  premiers  termes  pour  cela  ;  je 
remarque  que  la  fomme  de  la  férié  récur- 
rente fera  nécefîàirement 
A-\-By\>Cyz-\-D  j3......  Pym~\ 

A-\-B' y  +  Cy^-\>D  y' F' y™. 

donc  prenant  toujours  Z  en  nombre  im- 
pair, foit  2  /#  —  i  le  nombre ,  on  aura  par 
des  équations  linéaires  les  valeurs  des  A> 
B...  P,  ....  A'  B'...  F,  &  fi  ces  valeurs 
forment  une  férié  convergente  ,  lorfqu'on 
augmente  le  nombre  des  obfervations,  alors 
prenant  le  dénominateur,  on  cherchera  à 
réfoudre  Y  équation  A'  -\-  B'  y...  -\mPf ym' 
=  o  en  fadeur  1—2  ,  cof.  V  p  y  -\-y  *  y> 
on  mettra  enfuite. 

A-\-B!  y-\-Cyz 

A'  +  B'  y I  F  y*»1 


79»  E  Q  U 

fous  la  forme  d'tine  fomme  de  fra&ions 
divifée  par  1—2  cof.  b  p  y  -\-y  % ,  &  l'on 
aura  par  ce  moyen  la  détermination  des 
coefficiens  des  termes  en  finus. 

Au  refte ,  fi  Y  équation  n'eft  pas  fufcepti- 
ble  de  la  forme  ci-deffus,  les  racines  indi- 
qu  croient  dans  la  forme  générale  cherchée 
des  quantités  efx  qu'on  fait  pouvoir  s'y 
trouver.  S'il  y  a  plufieurs  racines  réeJles 
égales ,  alors  il  y  aura  dans  la  valeur  cher- 
chée des  quantités  proportionnelles  aux 
puiflances  de  *,  &  ces  puiflances  feront 
d'un  degré  égal  au  nombre  des  racines 
égales  diminué  de  l'unité. 

Si  ces  racines  égales  font  de  la  forme 
1—  2  cof.  p  b  -\~y  2  ,  alors  cela  indique 
dans  la  quantité  cherchée  des  termes  de  la 
forme  x  m  cof.  a  -\-  b  x9  &  ainfi  de  fuite , 
en  forte  que  quelle  que  foit  la  forme  cher- 
chée, pourvu  que  la  quantité  foit  donnée 
pour  une  équation  différentielle ,  &  qu'elle 
puiffe  être  repréfentée  par  une  certaine 
étendue  de  valeurs  d'une  manière  appro- 
chée ,  on  la  trouvera  d'après  les  obferva- 
tions  par  la  méthode  ci-deffus.  (0) 

ÉQUATION  SÉCULAIRE.  On  appelle 
ainfi  en  aftronomie  une  équation  qui 
augmente  continuellement  avec  le  temps  ; 
toute  équation  au  rayon  re&eur  d'une  pla- 
nète proportionnelle  ,  foit  au  temps  ou  à 
fes  puhTances ,  foit  à  l'angle  du  mouvement 
moyen  &  à  fes  puhTances,  eft  une  équation 
féculaire.  Il  en  eft  de  même  de  toute  équa- 
tion du  moyen  mouvement  qui  feroit  pro- 
portionnelle au  carré  du  temps ,  ou  à  fes 
puiffances  fupérieures  :  or ,  de  toute  équa- 
tion pour  le  temps  proportionnelle  au  carré 
ou  aux  puiffances  de  l'angle  du  moyen 
mouvement. 

A  Y  article  APPROXIMATION  ,  nous 
avons  montré  que  l'exiftence  apparente  de 
ces  équations  dépendoit ,  dans  la  théorie  de 
l'égalité  des  racines ,  d'une  équation  ;  qu'un 
changement  permis  dans  toute  efpece  de 
méthode  d'approximation  pouvoit  faire  dif- 
paroître  cette  égalité  ;  que  dans  le  cas  où 
la  différence  des  racines  feroit  très-petite , 
ce  même  changement  pourroit  en  intro- 
duire d'égales  ;  qu'ainfî  dans  ce  cas  on  ne 
peut  être  sur  qu'il  n'y  ait  pas  adéquation 
féculaire  ,  &  que  jamais  on  ne  peut  être 
certain  qu'il  doive  y  en  avoir ,  à  moins  que 


E  Q  U 

Ton  puifTe  s'afTurer  que  la  férié  où  la  mé- 
thode d'approximation  conduit ,  ne  foit 
convergente,  lorfqu'elle  renferme  Y  équa- 
tion féculaire  _,  &  divergente  lorfqu'elle  ne 
la  renferme  pas ,  ou  réciproquement. 

Il  ne  nous  refte  donc  plus  ici  qu'à  parler 
de  Y  équation  féculaire  y  confédérée  aftrono- 
miquement.  Quelque  longue  que  foit  une 
fuite  d'obfervations ,  elle  ne  prouve  rien 
pour  la  réalité  d'une  équation  féculaire.  En 
erfet ,  foit  p  le  nombre  des  réfolutions 
obfervées  d'un  aftre ,  il  eft  clair  que  puifque 

cof.  m  x  =  1 ; Y  -— . ,  &c. 

Si  on  a  une  équation  apparente  propor- 
tionnelle au  carré  de  l'angle  parcouru , 
c'eft-à-dire  à  x  * ,  &  foit  P  x x ,  cette 
équation  au  bout  de  p  révolution  elle  fera 
P  p  *  n  2 ,  n  étant  la  circonférence  du 
cercle ,  elle  fera  par  conféquent 


1  Mn4 

z.  3.  4. 


or,  cette  férié  eft  toujours  plus  petite  que 
P  m1  n  4  p  4  ,  cof.  m  p  n;  donc ,  pourvu 
que  l'on  prenne  m  tel  que  la  quantité  P 
mx  n  4  p  4  ,  cof.  m  p  n  ,  foit  infenfible  aux 
obfervations  ;  on  peut  fuppofer  au  lieu  de 

I,  ,  .         _        ,  ,  .  j     1  P  1-  col. mac 

l  équation  P  x  ,  une  équation  de ^ > 

fans  qu'il  y  ait  d'erreur  fenfible  :  or,  quel 
I  que  foit  p  y  on  peut  toujours  prendre  m 
j  afïèz  grand  pour  cela  ;  donc  on  peut  re- 
préfenter  aufîi-bien  les  obfervations  fans 
;  le  fecours  d'une  équation  féculaire. 
J      Quelle  que  foit  une  équation  féculaire 
;  donnée  par  les  obfervations ,  on  parvien- 
dra donc   à  la  repréfenter  aufïi-bien   par 
une  ou  plufieurs  équations  proportionnelles 
à  des  finus. 

Ainfi  ,  lorfqu'on  cherche  à  comparer  la 
théorie  avec  les  obfervations ,  ce  n'eft  pas 
à  chercher  rigoureufement  fi  la  théorie 
donne  Y  équation  féculaire  obfervée  ,  mais 
fi  elle  donne  on  une  telle  équation  ,  ou 
une  de  celles  qui  la  peuvent  repréfenter, 
ou  réciproquement  ;  la  théorie  étant 
donnée  ,  il  faudra  voir  feulement  fi  les 
obfervations  s'accordent  avec  Yéquation 
féculaire  de  ia  théorie ,  foit  avec  les 
équations  que  (article  APPROXIMATION) 
on  peut  y  fubftituer. 


EQ  U 

Voyez  les  Mémoires  de  V académie  des 
Sciences,  ijjz ,  &c\e  mémoire  de  M.  de 
la  Grange ,  qui  a  remporté  le  prix  de  la 
même  académie  en  1774 ,  &  où  ce  grand 
géomètre  prouve  qu'on  peut  repréfenter 
toutes  les  obfervations  de  la  lune  faites 
jnfqu'ici,  fans  fuppofer  &  équation  féculaire 
à  cette  planète,  (o) 

ÉQUATION,  f.  f.  en  Algèbre y  fignifie 
une  exprejjion  de  la  même  quantité  pri- 
fentée  fous  deux  dénominations  différent* s. 
Voyei  ÉGALITÉ. 

Ainfi  quand  on  dit  2  X  3  ^  4  +  2  ;  cela 
veut  dire  qu'il  y  a  équation  entre  deux  fois 
trois  &  quatre  plus  deux. 

On  peut  définir  Yéquation  un  rapport 
d'égalité  entre  deux  quantités  de  diffé- 
rente dénomination ,  comme  quand  on  dit 
60  fous  =  3  liv.  ou  20  fous  ===  1  liv.  ou 

bz=id-\-e  ,  ou  12  =  -y-  ,  &c> 

Ainfi  mettre  des  quantités  en  équation  , 
c'eft  repréfenter  par  une  double  expreflion 
des  quantités  réellement  égales  &  iden- 
tiques. 

Le  caractère  ou  le  figne  $  équation  eft  ^= 
ou  00  ;  ce  dernier  eft  plub  fréquent  dans 
les  anciens  algébriftes ,  &  l'autre  dans  les 
modernes.    Voye\  CARACTERE. 

La  réfolution  des  problèmes  ,  par  le 
moyen  de  leurs  équations  ,  eft  l'objet  de 
l'Algèbre.   Voyei  Algèbre. 

Memhes  dyune  équation ,  ce  font  les  deux 
quantités  qui  font  féparées  par  le  figne  'dss 
ou  00  ;  &  termes  d'une  équation,  ce  font 
les  différentes  quantités  ou  parties,  dont 
chaque  membre  de  Y  équation  eft  compofé, 
&  qui  font  jointes  entr  elles  par  les  fignes 
-\-  &  — .  Ainfi  dans  Y  équation  b-\-c^=d, 
b-\-c  eft  un  membre,  &  d  l'autre  ;  &  b,  c,  d, 
font  les  termes;  &  Yéquation  lignifie  que 
la  feule  quantité  d  eft  égale  aux  deux  b  &  c 
prifes  enfemble.  V.  Terme  ,  Membre. 

Racine  d'une  équation,  eft  la  valeur  de 
la  quantité  inconnue  de  Yéquation.  Ainfi 
dans  X équation  a-  -\-  bl  =  x-,  la  racine  eft 

V  ôr4-  bL.  Voye\  &ACÏNE. 

Les  équations ,  eu  égard  à  la  puiflànce 
plus  ou  moins  grande  à  laquelle  l'inconnue 
y  morne ,  fe  divifent  en  équations  fimples , 
carrées,  cubiques,  &v. 


E  Q  y  799 

Equation  /impie  ou  du  premier  degré,  eft 
celle  dans  laquelle  l'inconnue  ne  monte 
qu'à  la  première  puiflànce  ou  au  premier 
degré  ,  comme  x  ;==  a  -j-  b. 

Équation  carrée  ou  du  fécond  degré ,  eft 
celle  où  la  plus  haute  puiflànce  de  l'in- 
connue eft  de  deux  dimenfions ,  comme  xz 
t=ax -\- bz  ou  x-  -j-  b-  ou  x1  -\~ax  ^=^  b bm 
Voye\  Quarré  &  Degré. 

Équation  cubique  ou  du  troifieme  degré , 
eft  celle  où  la  plus  haute  puiflànce  de  Tin- 
connue  eft  de  trois  dimenfions  ,  comme 
x^  r-^zai—b*  ou  x*  -^  a  x  x  -^  b  b  x  =:  cK 

Voyei  Cubique. 

Si  la  quantité  inconnue  eft  de  quatre  di- 
menfions ,  comme  x*  ^  a*  —  b*  ou  z4  -\- 
a  xi  -^-  b*  x  =  c*  ,  Yéquation  eft  appellée 
biquadratique  ou  carrée  carrée ,  ou  plus 
communément  du  quatrième  degré;  fi  l'in- 
connue a  cinq  dimenfions,  Yéquation  eft 
nommée  fur  -  de  -  folide  ou  du  cinquième 
degré ,   &C.    Voye\  PUISSANCE. 

On  peut  confidérer  les  équations  fous 
deux  points  de  vue ,  ou  comme  les  derniè- 
res conclufions  auxquelles  on  arrive  dans 
la  folution  des  problêmes ,  ou  comme  les 
moyens  par  lefquels  on  parvient  à  la  folu- 
tion finale.  V.  SOLUTION  Ù  PROBLÈME. 

Les  équations  de  la  première  efpece  ne 
renferment  qu'une  quantité  inconnue  mêlée 
avec  d'autres  quantités  données  ou  connues* 
celles  de  la  féconde  efpece  renferment  dif- 
férentes quantités  inconnues  qui  doivent 
être  comparées  &  combinées  enfemble  , 
jufqu'à  ce  que  l'on  arrive  à  une  nouvelle 
équation  qui  ne  renferme  plus  qu'une  in- 
connue mêlée  avec  des  connues. 

Pour  trouver  la  valeur  de  cette  inconnue  » 
on  prépare  &  on  transforme  Yéquation  de 
différentes  manières,  qui  fervent  à  l'abaiflèr 
au  moindre  degré ,  &  à  la  rendre  la  plus 
fimple  qu'il  eft  pofïïble. 

La  théorie  &  là  pratique  des  équations  9 
c'eft-à-dire ,  la  folution^  des  queftions  par 
les  équations,  a  plufieurs  branches  ou 
parties.  i°.  La  dénomination  qu'on  doit 
donner  aux  différentes  quantités  en  les 
exprimant  par  les  fignes  ou  fymboles 
convenables.  20.  La  réduction  du  pro- 
blême en  équation.  30.  La  réduction  de 
Y  équation  même  au  degré  le  plus  bas  &  à 


Sco  E  Q  U 

la  forme  la  plus  finale.  4*.  On  y  peut 
ajourer  la  folution  de  Y  équation  y  ou  la 
repréfentation  de  Tes  racines  par  des  nom- 
bres ou  des  lignes.  Nous  allons  donner 
d'abord  les  règles  particulières  aux  deux 
premiers  articles,  c  eft-à-dire  ,  en  général , 
ia  méthode  de  mettre  en  équation,  une 
queftion  propofée. 

Une  queftion  ou  un  problême  étant 
propofé ,  on  fuppofe  que  les  chofes  cher- 
chées ou  demandées  font  déjà  trouvées  , 
&  on  les'  marque  ordinairement  par  les 
dernières  lettres  x>  y,  \,  &c.  de  l'al- 
phabet, marquant  en  même  temps  les 
quantités  connues  par  les  premières  lettres 
de  l'alphabet,  comme  b,  c,  d  ,  &c. 
Voye\  Quantité  ,  Caractère  ,  ùc 

Toutes  les  quantités  qui  doivent  entrer 
dans  la  queftion  ,  étant  ainfi  nommées  , 
on  examine  fi  la  queftion  eft  fujette  à 
reftriction ,  ou  non  ,  c'eft-à-dire  ,  fi  elle 
eft  déterminée  ou  indéterminée.  Voici  les 
règles  par  lefqjelles  on  peut  le  favoir. 

i°.  S'il  y  a  plus  de  quantités  inconnues 
qu'il  n'y  a  adéquations  données  ou  renfer- 
mées dans  la  queftion  ,  le  problème  eft 
indéterminé  ,  &  peut  avoir  une  infinité 
de  foîutions.  Quand  les  équations  ne  font 
pas  expreftement  contenues  dans  le  pro- 
blême ,  on  les  trouve  par  le  moyen  des 
théorèmes  fur  l'égalité  des  grandeurs.  Voye\ 
ÉGAL. 

2°.  Si  les  équations  données  ou  renfer- 
mées dans  le  problême  font  précifément 
en  même  nombre  que  les  quantités  incon- 
nues ,  le  problême  eft  déterminé ,  c'eft-à- 
dire,  n'admet  qu'un  nombre  de  folutions 
limité. 

3°.  S'il  y  a  moins  d'inconnues  que 
d'équations,  le  problème  eft  plus  que 
déterminé ,  &  on  découvre  quelquefois 
qu'il  eft  impofîible  par  les  contradictions 
qui  fe  trouvent  dans  les  équations.  Voye\ 

DÉTERMINÉ. 

Maintenant ,  pour  mettre  une  queftion 
en  équation  y  c'eft-à-dire  ,  pour  la  réduire 
en  différentes  équations  médiates ,  par  le 
moyen  defquelles  on  puiftè  parvenir  à  une 
équation  finale ,  la  principale  chofe  à  la- 
quelle on  doit  faire  attention ,  c'eft  d'ex- 
primer toutes  les  conditions  de  la  queftion 
£>ar  autant  à! équations.  Pour  y  parvenir  ; 


E  Q  U 

il  faut  examiner  fi  les  propositions  ou  mots 
dans  lefquels  la  queftion  eft  exprimée ,  peu- 
vent être  rendus  par  des  termes  algébri- 
ques ,  comme  nous  rendons  nos  idées  ordi- 
naires en  caractères  grecs,  latins  ou  fran- 
çois ,  &e\  Si  cela  eft  ainfi ,  comme  il  arrive 
généralement  dans  toutes  les  queftions  que 
l'on  fait  fur  les  nombres  ou  fur  les  quantités 
abftraites,  en  ce  cas  il  faut  donner  des 
noms  aux  quantités  inconnues.,  autant  que 
la  queftion  le  demande ,  &  traduire  ainfi 
en  langue  algébrique  le  fens  de  ia  queftion. 
Ces  conditions  ainfî  traduites  donneront 
autant  d'équations  eue  le  problème  peut 
en  fournir.  On  a  déjà  donné  au  mot 
Arithmétique  universelle  un 
exemple  de  cette  tradudion  d'une  quef- 
tion en  langage  algébrique. 

Donnons  encore  un  autre  exemple.  Un 
marchand  augmente  tous  les  ans  fbn  bien 
d'un  tiers ,  en  ôtant  100  liv.  qu'il  dépenfe 
par  an  dans  fa  famille  ,  au  bout  de  trois 
ans  il  trouve  fon  bien  doublé.  On  de- 
mande combien  ce  marchand  avoit  de  bien 
au  commencement  de  ces  trois  ans.  Pour 
réfoudre  cette  queftion  ,  il  faut  bien  prendre 
garde  aux  différentes  propofitions  qu'elle 
renferme ,  &  qui  fourniront  les  équations 
Suivantes. 

En  lan  gage  or-  Algébriquement. 

dinaire  un  mar- 
chand a  un  bien 
dont  il  dépenfe       x 
la  première  an- 
née 100  liv.       je—  100. 

Et  augmente 

1  fl  15  ,^„    1    *-ioo         A.  x  -400 

le    relie    d  un  x  —  100  -4- ou — . 

tiers.  J  * 

La    féconde 

/         -i        w     4*  -400 

année    il    de-- — —-  —  100  ou 
penfe  100  liv.      3 

Et  augmente 
le    refle    d'un±îlZ22 
tiers.  3 

La  troifieme  , 

année    il    de — 100  ou  i^i_ -4irr# 

penfe  100  liv.       9 

Et  augmente  16  x  -  3700    ,    16 , 
le    refte    d'un       9         '    "~ 


-T 


4  x  -  700 


4  #-700        ï6#-aSoo 
OU . 


3700 


OU 


'/ 


tiers. 


64 -v  -  14800 


Et 


2  X. 


E  Q  U 

Et  au  bout  des  trois 
ans ,   il  eft  deux  fois  4*~H  °a 
plus  riche  qu'il  n'étoit. 

La  queftion  fe  réduit  donc  à  réfoudre 

,  .  6\x  •  14S00  , 

cette    équation  — —   z=.i  Xy  par   le 


17 


moyen  de  laquelle  on  trouvera  la  valeur 
de  x  de  la  manière  fuivante. 

On  multipliera  Y  équation  par  27,  &  on 
aura  64  x  —  14800  =  54a:;  on  ûtera  de 
part  &  d'autre  54  a:,  &  on  aura  iox  — 
14800  =  0,  ou  10  x=  14800;  divifant 
par  10,  il  deviendra  x  =  1480.  Ainli  ce 
marchand  avoit  1480  liv.  de  bien. 

Il  réfulte  de  ce  que  nous  venons  de  dire  , 
que  pour  réfoudre  les  queftions  qu'on  pro- 
pofe  fur  les  nombres  ou  fur  les  quantités 
abftraites  ,  il  ne  faut  prefque  que  les  tra- 
duire du  langage  ordinaire  en  langage  algé- 
brique ,  c'eft-à-dire  ,  en  caractères  propres 
à  exprimer  nos  idées  fur  les  rapports  des 
quantités.  Il  eft  vrai  qu'il  peut  arriver 
quelquefois  que  le  difcours  dans  lequel 
Y  équation  eft  propofée  ,  ne  puifîè  être  rendu 
algébriquement;  mais  en  y  faifant  quel- 
ques petits  changemens ,  &  ayant  princi- 
palement égard  au  fens ,  plutôt  qu'aux 
mots  ,  la  tradu&ion  deviendra  aflèz  facile  ; 
la  difficulté  qui  peut  fe  rencontrer  dans 
cette  traduction ,  vient  uniquement  de  la 
différence  des  idiomes  ,  comme  dans  les 
traductions  ordinaires.  Cependant  pour  faci- 
liter la  folution  de  ces  fortes  de  problê- 
mes ,  nous  allons  en  donner  un  exemple 
ou  deux. 

i8.  Etant  donné  la  fomme  de  deux  nom- 
bres a  ,  &  la  différence  de  leurs  carrés  b  , 
trouver  les  nombres;  fuppofons  que  le  plus 
petit  de  ces  nombres  foit  x y  l'autre  fera 
a  —  x  ,  &  les  carrés  feront  xx  y .  &  aa  — 
2  ax-\-xxy  dont  la  différence  eft  a  a  — 
2  a  x  y  qui  doit  être  égale  à  b  ;  donc  a  a~ 
2  a  x  5=3  b  ,*   donc   *  a  —  b  =  2  a  x  & 

a  a  —  b   _ 

Suppofons,  par  exemple,  que  la  fomme 
des  nombres  ou  la  quantité  a  foit  ==  8 , 
&  que  la  différence  des  carrés  foit   16 , 

,  aa —  b  a  b      ~ 

aIors  __  ou  -  —  --  fera  4  —  1  t=  3 
&    on   aura  a  — ~x*=  $  ;  donc 


E  Q  U  801 

les  nombres  cherchés  font  3  &  5.   ffqycz 

DlOPHANTE. 

2°.  Trouver  trois  quantités  x,  y  y  \> 
dont  on  connoiffe  la  fomme,  étant  prife 
deux  à  deux.  Suppofons  que  la  fomme 
de  a:  &  de  y  foit  a  ,  que  celle  de  x  &  de  \ 
foit  b  y  &  que  celle  de  y  &  de  \  foit  c , 
on  aura  les  trois  équations  x-^-y  =  a  y 
*  -jr  l  =  b  y  y  -\-i=c;  pour  chercher 
maintenant  deux  des  trois  quantités  x  y  y9 
l  y  par  exemple  ,  \  &  y  y  on  aura  par  la 
première  &  par  la  féconde  équation  y  ==:  a 
—  x :  &  ç  =:  b  — x;  on  fubftituera  dans  la 
troisième  équation  ces  valeurs  au  lieu  de  y 
&  de  \y  &  l'on  aura  a  —  x -\~b  —  xz=zc y 

&  x  =  — ** —  ;   x   étant    trouvée  ,  on 

aura  y  &  1  par  le  moyen  des    équations 
y=a  —  x  &  i  =  b-*-x. 

Par  exemple ,  fi  la  fomme  de  a*  &  dey 
eft  9  ,  celle  de  x  &  de  ç,  10  ,  &  celle  dey 
&  de i\  ?  13  ;  dans  les  valeurs  de  x> y  &  ç  , 
on  écrira  9  pour  a  y  10  pour  b  y  &  13 
pour  Cy  &  on  aura  a  -J-£— .  c  =^6t  par 

conféquenta:  ou  a  +  b~c  —~  1  ==  ^  ^ y  ^ 

a  —  x  =  6  &  1  ou  3  —  a:  =  7. 

3°.  Divifer  une  quantité  donnée  en  un 
nombre  quelconque  de  parties ,  telles  que 
les  différences  des  plus  grandes  fur  les  plus 
petites  ,  foient  égales  à  des  quantités  don- 
nées. Suppofons  que  a  foit  une  quantité  que 
l'on  propofe  de  divifer  en  quatre  parties, 
telles  que  la  première  &  la  plus  petite  foit  x; 
que  l'excès  delà  féconde  fur  la  première  foit 
b  y  celui  de  la  troifieme  foit  c  y  &  celui  de 
la  quatrième  d  y  x  -\-  b  fera  la  féconde 
partie ,  x  -+-  c  la  troifieme  ,  x  -\~dh  qua- 
trième ;  &  la  fomme $x-\-b-\-c-\-dàQ 
toutes  ces  parties  fera  égale  à  a.  Retran- 
chant b  -\-  c  +  d  de  part  &  d'autre  ,  oa 
aura  41=  a  —  £  —  c  — -  J  &   x   ■ — : 

a-~-b —  c  — à 


x  y   ce    on   aura 
Tome  XII. 


Imaginons ,  par  exemple ,  qu'on  pro- 
pofe de  divifer  une  ligne  de  vingt  pieds 
en  quatre  parties,  de  manière  que  l'excès 
de  la  féconde  partie  fur  la  première  foit 
de  2  pieds ,  celui  de  la  troifieme  de  3 
pieds ,  &  celui  de  la  quatrième  de  7  pieds , 

4  —  *  —  c  —  d 10  —  1      3  —  7 

Iiiii 


on  aura  x  ou 


Soi  EQU 

=  y  =r  2  ,  ?t  +-3  =  4,^  +  c=^,& 
#  -^-  d=^g.  On  peut  Ce  fervir  de  la  même 
méthode  pour  divifer  une  quantité  donnée 
en  un  nombre  quelconque  de  parties  avec 
des  conditions  pareilles. 

4°.  Une  perfonne  voulant  diftribuer  trois 
fous  à  un  certain  nombre  de  pauvres , 
trouve  qu'il  lui  manque  huit  fous  ;  ainfi 
elle  ne  leur  donne  à  chacun  que  deux  fous , 
&  elle  a  trois  fous  de  refte.  On  demande 
combien  cette  perfonne  avoit  d'argent ,  & 
combien  il  y  avoit  de  pauvres  ?  Soit  x  le 
nombre  des  pauvres  ;  &  comme  il  s'en 
faut  de  huit  fous  qu'ils  ne  puiffent  avoir  trois 
fous  chacun  ,  l'argent  eft  donc  ^  x  —  8  , 
dont  il  faut  ôter  ix,  &  il  doit  relier  3  ; 
donc  3  x  —  8  —  2  ar  =  3  oua:  =  11. 

5°.  Le  pouvoir  ou  l'intenfité  d'un  agent 
étant  donnés,  déterminer  combien  il  faut 
d'agens  femblables  pour  produire  un  effet 
donné  a  dans  un  temps  donné  b.  Suppo- 
fons  que  l'agent  puiffe  produire  dans  le 
temps  d  l'effet  c  y  on  dira  comme  le  temps 
defl.  au  temps  b  y  ainfî  l'effet  c  que  l'agent 
peut  produire  dans  le  temps  d  y  eft  à  l'effet 
qu'il  peut  produire  dans  le  temps  b y  qui 

fera  par  conféquent  ^.  Enfuite  on  dira , 
comme  l'effet  -^  eft  à  l'effet  a y  ainfî  un 
des  agens  eft  à  tous  les  agens  ;  donc  le 
nombre  des  agens  fera  ~.   Voye^  Règle 

DE   TROIS. 

Par  exemple ,  fi  un  clerc  ou  fecretaire 
tranfcrit  quinze  feuilles  en  huit  jours  de 
temps ,  on  demande  combien  il  faudra  de 
clercs  pour  tranfcrire  405  feuilles  en  neuf 
jours  ?  Réponfe ,  24.  Car  fî  on  fubftitue  8 
pour  d,  1 5  pour  c  y  405  pour  ay  &  9  pour 

c'eft- 


eu 
S 


=  J, 


ad 


40?    X    8 
9  Xi* 


b  t  le  nombre  —  deviendra 

b  c 

â-dire ,  Vn2  ou  24- 

6°.  Les  puifTances  de  différens  agens 
étant  données ,  déterminer  le  temps  x  dans 
lequel  ils  produiraient  un  effet  donné  d  y 
étant  jointes  enfemble.  Suppofons  que  les 
puifTances  des  agens  Ay  By  Cy  foient  telles 
que  dans  les  temps  e  yf9  gy  ils  produifent 
les  effets  ay  by  cy   ces   agens  dans   le 

temps  x  produiront  les  effets  ~,  y-,  y  9 


EQU 

on  aura  donc  — ,-}-—,  -L- 

&*  — 7 

7  +  7  +  r 

Imaginons ,  par  exemple ,  que  trois  ou- 
vriers nniflènt  un  certain  ouvrage  en  diffé- 
rens temps.  Par  exemple ,  A  une  fois  en 
trois  femaines  ,  B  trois  fois  en  huit  femai- 
nes  ,  &  c  cinq  fois  en  douze  femaines,  on 
demande  combien  il  leur  faudra  de  temps 
pour  finir  le  même  ouvrage  ,  en  y  travail- 
lant tous  enfemble  ;  les  puiffances  des  agens 
font  telles  que  dans  les  temps  3  ,  8  ,  12 , 
ils  produifent  les  effets  1  ,  3  ,  $  ,  &  on 
veut  favoir  en  combien  de  temps  ils 
produiront  l'effet  1  ,  étant  réunis.  Au  lieu 
de  ay  by  cy  dy  ey  fy  gy  on  écrira  1,3,5, 

1,  3,  8,  12,  &  il  viendra  x  — 1 _ 

3T8TH 

ou  f  de  femaine  ,  c'eft-à-dire ,  fix  jours  cinq 
heures  &  y  d'heure  pour  le  temps  qu'ils 
mettroient  à  finir  l'ouvrage  propofé. 

70.  Etant  données  les  pefanteurs  fpécifï- 
ques  de  plufîeurs  chofes  mêlées  enfemble  , 
&  la  pefanteur  fpécifique  de  leur  mélange  , 
trouver  la  proportion  des  ingrédiens  dont 
le  mélange  eft  compofé.  Suppofons  que  e 
foit  la  gravité  fpécifique  du  mélange  A  ~\* 
By  a  celle  de  Ay  &  b  celle  de  B  ;  comme 
la  gravité  abfolue  ou  le  poids  d'un  corps 
eft  en  raifon  compofée  de  fon  volume  & 
de  fa  pefanteur  fpécifique  [yoye^ DENSITÉ) 
a  A  y  fera  le  poids  de  a  y  &  b  B  celui 
âeB  y  k  a  A  -\-  b  B  ferz  =  e  A-\-  e  B  ; 
donc  a  A  —  e  A  =  e  B  —  b  B  y  ïk.  a  — 
e  :  e  —  b  :  :  B  :  A. 

Suppofons ,  par  exemple ,  que  la  pefan- 
teur fpécifique  de  l'or  foit  19  ,  celle  de 
l'argent  10  y,  &  celle  d'une  couronne  com- 
pofée d'or  &  d'argent  17,  on  aura 
A:B  :  :e  —  b:  a  —  e:  :  7  —  f:  2  :  :20: 
6  :  :  10:  3  '  ce  fera  le  rapport  du  volume 
de  l'or  de  la  couronne  au  volume  de  l'ar- 
gent ;  &  190  :  31  :  :  19  X  10:  iQyX  3  :  : 

a  X  e  —  3  :  £  X  rf  —  e  ;  ce  fera  le  rap- 
port du  poids  de  l'or  de  la  couronne 
au  poids  de  l'argent;  enfin,  221  :  31, 
comme  le  poids  de  la  couronne  eft  au 
poids  de  l'argent.  Voye\  Alliage, 


EQU 

Pour  réduire  en  équations  les  problèmes 
géométriques ,  on  remarquera  d'abord  que 
les  queftions  géométriques  ou  celles  qui 
ont  pour  objet  la  quantité  continue  ,  fe 
mettent  en  équations  de  la  même  manière 
que  les  queftions  arithmétiques.  Ainfi  la 
première  règle  que  nous  devons  donner 
ici ,  eft  de  fuivre  pour  ces  fortes  de  pro- 
blêmes les  mêmes  règles  que  pour  les  pro- 
blèmes numériques. 

Suppofons ,  par  exemple ,  qu'on  demande 
de  couper  une  ligne  droite  A  B  (Planche 
d* Algèbre  y  fig.  6.)  en  moyenne  &  extrême 
raifon  en  C;  c'eft-à-dire ,  de  trouver  un 
point  C  y  tel  B  E  carré  de  la  plus  grande 
partie  foit  égal  au  reâangle  B  D  fait  de  la 
ligne  entière  &  de  fa  plus  petite  partie. 

Suppofant  A  B  =  a,  &  C  B  =  Xy  on 
aura  AC=a — xy  &.xx=açara —  x; 
équation  du  fécond  degré,  qui  étant  ré- 
folue  ,   comme  on  l'enfeignera  plus  bas , 

donnera  x  =  —  \a  -J-  y   \aa. 

Mais  il  eft  rare  que  les  problêmes  géo- 
métriques fe  réduifent  fi  facilement  en 
équations;  leur  folution  dépend  prefque 
toujours  de  différentes  portions  &  rela- 
tions de  lignes  :  de  forte  qu'il  faut  fouvent 
un  art  particulier  &  de  certaines  règles 
pour  traduire  ces  queftions  en  langage 
algébrique.  Il  eft  vrai  que  ces  règles  font 
fort  difficiles  à  donner  ;  le  génie  eft  la 
meilleure  &  la  plus  sûre  qu'on  ait  à  fuivre 
dans  ces  cas-là. 

On  peut  cependant  en  donner  quelques- 
unes  ,  mais  fort  générales ,  pour  aider  ceux 
qui  ne  font  pas  verfés  dans  ces  opérations  : 
celles  que  nous  allons  donner  font  princi- 
palement tirées  de  M.  Newton. 

Obfervons  donc  ,  i°.  que  les  problèmes 
concernant  les  lignes  qui  doivent  avoir  un 
certain  rapport  les  uns  aux  autres ,  peuvent 
être  différemment  envifagés,  en  fuppofant 
telles  ou  telles  chofes  connues  &  données,  & 
telles  ou  telles  autres  inconnues;  cependant 
quelles  que  foient  les  quantités  que  l'on 
prend  pour  connues  &  celles  qu'on  prend 
pour  inconnues ,  les  équations  que  l'on 
aura  feront  les  mêmes  quant  au  fond ,  & 
ne  différeront  entr'elles  que  par  les  noms 
qui  ferviront  à  diftinguer  les  grandeurs 
connues  d'avec  les  inconnues. 


Ç  Q  U  8oj 

Suppofons  ,  par  exemple ,  qu'on  pro- 
pofe  de  comparer  les  côtés  B  C  ,  BD,  & 
la  bafe  CD  Çfig.  j  d'Algèbre)  d'un  triangle 
ifocele  inferit  dans  un  cercle ,  avec  le  dia- 
merre  de  ce  même  cercle.  On  peut  fe  pro- 
pofer  la  queftion  ,  ou  en  regardant  le  dia- 
mètre comme  donné ,  avec  les  côtés  ,  & 
cherchant  enfuite  la  bafe ,  ou  en  cherchant 
le  diamètre  par  le  moyen  de  la  baie  &  des 
côtés  fuppofés  donnés ,  ou  enfin  en  cher- 
chant les  côtés  par  le  moyen  de  la  bafe  & 
du  diamètre.  Or  ,  fous  quelque  forme  qu'on 
fe  propofe  ce  problême  ,  les  équations  qui 
ferviront  à  le  réfoudre  auront  toujours  la 
même  forme. 

Ainfi  ,  fuppofons  que  l'on  cherche  le 
diamètre,  on  nommera  ABxy  C  Dyay 
&  B  C  ou  B  Dyb;  enfuite  tirant  A  C>  on 
remarquera  que  les  triangles  ABC  &  CBE 
font  femblables ,  &  qu'ainfi  AB  :  B  C  :  : 
B  C  :  BE,  oux:  b  :  :  b  :  BE  ;  donc 
BE  —  tl^  CE  =*_c  D  ou  {a;  & 

comme  l'angle  CE  B  eft  un  angle  droit , 
CE1  +  ££*=JBC1,  c'eft-à-dire, 
T  "^T  ir*  ==  &  &'  Cette  équation  étant  ré' 
folue  donnera  le  diamètre  cherché  x.  Si 
c'eft  la  bafe  qu'on  demande ,  on  fera 
AB==c,CD  =  x>&BCouBn  =  b; 
enfuite  on  tirera  ACy  &  les  triangles  fem- 
blables ABC  &  CBE  donneront  A  B  : 
BC.iBC-.BE,  ouc:b::b:BE. 

DoncBE=z"  &CE  =  ±CDou±x, 
&  comme  l'angle  C  B  E  eft  droit,  on  aura 
CE*+BEz=CBl;  donc  £  xx'-Jfi 
-^==  bb.  D'où  l'on  tirera  la  valeur  de  la 

bafe  cherchée  x. 

Enfin  ,  fi  les  côtés  B  C  &  B  D  font  fup- 
pofés inconnus,  on  fera  AB  =  Cy  CO=z 
a  y  &  B  C  ou  B  D  =  xy  on  tirera  enfuite 
AC  ;  &  â  caufe  des  triangles  femblable* 
ABC  ScCBEy  on  aura  AB.BCit 
B  C  :  BE  ou  c  :  x  :  :  x  :  B  E;  donc 

BE  =  *-?yCE  =  {  CD  ouiay&:  l'angle 
droit  CBE  donnera  CE1  +  BEX  =at. 
BCX ,  c'eft-â-dire,  \aa-\-^±  =  xx; 

équation  qui  étant  réfolue  donnera  la  valeuç 
x  d'un  des  côtés  cherchés. 

Iiiii  i 


.804  E  Q  U 

On  voit  par-là  que  le  calcul ,  pour  ar- 
river adéquation,  &  V équation  elle-même, 
font  fembiabies  dans  tous  les  cas ,  excepté 
que  les  mêmes  lignes  y  font  désignées 
par  des  lettres  différentes  félon  les  données 
&  les  inconnues  que  l'on  fuppofe.  Il  eft 
vrai  que  !a  différence  des  données  fait  que 
la  réfo'udon  des  équations  eft  différente  ; 
mais  elle  ne  produit  point  de  changement 
dans  Y  équation  même.  Ainfï  on  n'eft  point 
abfolument  obligé  de  prendre  telle  ou  telle 
quantité  pour  inconnues  ;  mais  on  eft  le 
maître  de  choifir  pour  données  &  pour 
inconnues,  les  quantités  qu'on  croit  les 
plus  propres  à  faciliter  la  folution  de  la 
queftion. 

2°.  Un  problême  étant  donc  propofé  , 
il  faut  commencer  par  comparer  entr'elîes 
les  quantités  qu'il  renferme  ,  &  fans  faire 
aucune  diftindion  entre  les  connues  &  les 
inconnues  ,  examiner  le  rapport  qu'elles 
ont  enfemble  ,  afin  de  connoître  quelles 
font  celles  d'entr'elles  qui  peuvent  faire 
trouver  plus  facilement  les  autres.  Dans 
cet  examen  il  n'eft  pas  néceflàire  de  s'af- 
furer  ,  par  un  calcul  algébrique  exprès , 
que  telles  ou  telles  quantités  peuvent  être 
déduites  de  telles  ou  telles  autres  ;  il  fuffit 
de  remarquer  en  général  qu'on  peut  les 
en  tirer  par  le  moyen  de  quelque  con- 
nexion directe  qui  eft  entr'elîes. 

Par  exemple ,  fi  on  donne  un  cercle 
dont  le  diamètre  foit  A  D  Çfig.  8  algébr.J 
&  dans  lequel  foient  infcrites  trois  lignes 
AB}  B  Cy  C D y  defquelles  on  demande 
B  C'y  les  autres  étant  connues ,  il  eft  évi- 
dent au  premier  coup-d'ccil  que  le  dia- 
mètre AD  détermine  le  demi-cercle  ,  & 
que  les  lignes  AB  &  C  Dy  qu'on  fup- 
pofe infcrites  dans  le  cercle,  déterminent 
aufîi  les  points  B  &  C  y  &  que  par  con- 
féquent  la  ligne  cherchée  B  C  a  une  con- 
nexion directe  avec  les  lignes  données. 
Voilà  de  quoi  il  fuffit  de  s'affurer  d'abord  , 
fans  examiner  par  quel  calcul  analytique 
la  valeur  de  la  ligne  B  C  peut  être  réelle- 
ment déduite  de  la  valeur  des  trois  lignes 
données. 

3°.  Après  avoir  examiné  les  différentes 
manière*  dont  on  peut  compofer  &  dé- 
tompofer  les  termes  de  la  queftion  y  il  faut 
fe  fer  vit  de  quelque  méthode  fynthétique  , 


E  Q  U 

en  prenant  pour  données  certaines  lignes , 
par  le  moyen  defquelles  on  puiffe  arriver 
à  la  connoiffance  des  autres  ,  de  manière 
que  le  retour  de  celles-ci  aux  premières 
fait  plus  difficile  ;  car  quoiqu'on  puiffe 
fuivre  dans  le  calcul  différentes  routes  , 
cependant  il  faut  le  commencer  par  bien 
choifir  fes  données  *  &  une  queftion  eft 
fouvent  plus  facile  a  réfoudre  ,  en  choi- 
fîfîànt  àes  données  qui  rendent  les  in- 
connues plus  faciles  à  trouver ,  qu'en  con- 
fîdérant  le  problême  fous  la  forme  aûuelle 
fous  laquelle  il  eft  propofé. 

Ainfi,  dans  l'exemple  que  nous  venons- 
de  donner  ,  fi  on  propofé  de  trouver  A  Dy 
les  trois  autres  lignes  étant  connues  ,  je  vois 
d'abord  que  ce  problême  eft  difficile  à  ré- 
foudre fynthétiquement  ;  mais  que  cepen- 
dant s'il  étoit  ainfi  réfolu ,  je  pourrois  fa- 
cilement appercevoir  la  connexion  directe 
qui  eft  entre  cette  ligne  &  les  autres.  Je 
prends  donc  A  D  pour  donnée ,  &  je 
commence  à  faire  mon  calcul  comme  fi 
elle  étoit  en  effet  connue  ,  &  que  quel- 
qu'une des  autres  quantités  A  B  y  B  C 
ou  C  Dy  fût  inconnue  ;  combinant  enfuite 
les  quantités  données  avec  les  autres ,  j'au- 
rai toujours  une  équation  en  comparant 
entr'elîes  deux  valeurs  de  la  même  quan- 
tité :  foit  que  Tune  de  ces  valeurs  foit  une 
lettre  par  laquelle  cette  quantité  aura  été 
marquée ,  en  commençant  le  calcul  ;  & 
l'autre ,  une  exprefîion  de  cette  quantité 
qu'on  aura  trouvée  par  le  calcul  même  ; 
foit  que  les  deux  valeurs  aient  été  trou- 
vées chacune  par  deux  différens  calculs. 

4°.  Ayant  aînfi  comparé  en  général  les 
termes  de  la  queftion  entr'eux  ,  il  faut 
encore  de  l'art  &  de  l'adreffe  pour  trou- 
ver parmi  les  connexions  ou  relations 
particulières  des  lignes  ,  celles  qui  font 
les  plus  propres  pour  le  calcul  ;  car  il 
arrive  fouvent  que  tel  rapport  qui  paroît 
facile  à  exprimer  algébriquement ,  quand 
on  l'envifage  au  premier  coup-d'œil  ,  ne- 
peut  être  trouvé  que  par  un  long  circuit; 
de  manière  qu'on  eft  quelquefois  obligé' 
de  recommencer  une  nouvelle  figure ,  & 
de  faire  fon  calcul  pas  à  pas  ,  comme  on 
pourra  s'en  affurer  en  cherchant  B  C  par 
le  moyen  de  A  Dy  AB  &  CD.  Car  on 
ne  peut  y  parvenir  que  par  des  proportions 


E  Q  U 

dont  l'énoncé  foit  tel ,  qu'elles  puiffent 
être  rendues  en  langage  algébrique ,  & 
dont  quelques-unes  peuvent  fe  tirer  d'Eu- 
clide.  Ax.  i$  ,  propojit.  4  _,  L.  VI ,  Ù 
propqfit.  qj y  L.  I y  élément. 

Pour  parvenir  plus  aifément  à  connoître 
les  rapports  des  lignes  qui  entrent  dans 
une  figure ,  on  peut  employer  difFérens 
moyens  :  en  premier  lieu  ,  l'addition  &  la 
fouftraftion  des  lignes  ;  car  par  les  valeurs 
des  parties  on  peut  trouver  celles  du  tout , 
ou  par  la  valeur  du  tout  &  par  celle  d'une 
des  parties ,  on  peut  connoître  la  valeur  de 
l'autre  partie  :  en  fécond  lieu ,  par  la  pro- 
portionnalité des  lignes  ;  car  ,  comme  nous 
Pavons  déjà  fuppofé  dans  quelques  exem- 
ples ci  -  deiïùs  ,  le  rectangle  des  termes 
moyens  d'une  proportion  ,  divifé  par  un 
des  extrêmes  ,  donne  l'autre  ,  ou  ce  qui 
eft  la  même  chofe ,  fi  les  valeurs  *des  qua- 
tre quantités  font  en  proportion  ,  le  pro- 
duit des  extrêmes  eft  égal  au  produit  des 
moyens.  Voye\  PROPORTION.  La  meil- 
leure manière  de  trouver  la  proportionna- 
lité des  lignes  ,  eft  de  fe  fervir  des  trian- 
gles femblables  ;  &  comme  la  fimilitude 
des  triangles  fe  connoît  par  l'égalité  de 
leurs  angles ,  l'analyfte  doit  principalement 
fe  rendre  ce  point  familier.  Pour  cela  il 
doit  pofléder  les  proportions  Ç  ,  13  ,  iÇ  , 
29,  32,  du  premier  livre  d'Euclide  \  les 
proportions  4 ,  5 ,  6  ,  7 ,  8 ,  du  livre  VI , 
&  les  20 ,  21 ,  21 ,  27,  &  31  du  livre  III. 
On  peut  y  ajouter  la  troifieme  proposition 
du  livre  VI,  ou  les  propositions  35  &  36 
du  livre  III.  Troisièmement ,  on  fait  aufîi 
beaucoup  d'ufage  de  l'addition  &  de  la 
fouflraction  des  carrés  ,  fur-tout  lorfqu'il 
fe  trouve  des  triangles  rectangles  dans  la 
figure.  On  ajoute  enfemble  les  carrés  des 
deux  petits  côtés  pour  avoir  le  carré  du 
grand ,  ou  du  carré  du  plus  grand  côté 
on  ôte  le  carré  d'un  des  côtés,  pour  avoir 
le  carré  de  l'autre.  C'eft  fur  ce  petit  nom- 
bre de  principes  qu'eft  établi  tout  l'art 
analytique ,  au  moins  pour  ce  qui  regarde 
la  géométrie  reétiîigne ,  en  y  ajoutant  feu- 
lement la  proposition  première  du  VI  livre 
d'Euclide ,  lorfque  la  queftion  propofée  re^ 
garde  des  furfaces,  &  aufîi  quelques  propo- 
sitions des  XI  &  XII  livres.  En  effet  toutes 
les  difficultés  dus  problèmes  de  la  géométrie 


EQU  805 

rectiligne  peuvent  fe  réduire  à  la  feule  com- 
position des  lignes ,  &  à  la  fimilitude  des 
triangles;  de  forte  qu'il  ne  fe  rencontre 
jamais  d'occafion  de  faire  ufage  d'autres 
théorèmes  ,  parce  que  tous  les  autres  théo- 
rèmes dont  on  pourroit  fe  fervir,  peuvent 
fe  réduire  â  ces  deux-là  ,  &  que  par  confé- 
quent  ces  derniers  peuvent  leur  être  fubfti- 
tués  dans  quelque  Solution  que  ce  puifTe  être. 

50.  Pour  accommoder  ces  théorèmes  à 
la  conftrucrion  des  problêmes ,  il  eft  fou- 
vent  néceflaire  d'augmenter  la  figure  ,  foit 
en  prolongeant  certaines  lignes  jufqu'à  ce 
qu'elles  en  coupent  d'autres ,  ou  qu'elles  de-, 
viennent  d'une  certaine  longueur  ;  foit  en 
tirant  des  parallèles  ou^des  perpendiculaires 
de  quelque  point  remarquable  ;  foit  en  joi- 
gnant quelques  points  remarquables  ;  foit 
enfin  ,  comme  cela  arrive  quelquefois ,  en 
conftruifant  une  nouvelle  figure  Suivant 
d'autres  méthodes  ,  félon  que  le  deman- 
dent les  problêmes  &  les  théorèmes  dont 
on  veut  faire  ufage  pour  la  réfoudre. 

Par  exemple ,  fi  deux  lignes  qui  ne  fe 
rencontrent  point  l'une  &  l'autre  ,  font 
des  angles  donnés  avec  une  certaine  autre 
ligne ,  on  peut  les  prolonger  jufqu'à  ce 
qu'elles  fe  rencontrent  ;  de  manière  qu'on 
aura  un  triangle  dont  on  connoîtra  tous 
les  angles ,  par  conféquent  le  rapport  des 
côtés ,  ou  bien  fi  un  angle  eft  donné  , 
ou  doit  être  égal  à  un  angle  quelconque , 
fouvent  on  peut  compléter  la  figure  ,  &  en 
former  un  triangle  donné  d'efpece ,  ou 
femblable  à  quelqu'autre:  ce  qui  fe  fait ,  foit 
en  prolongeant  quelques-unes  des  lignes 
de  la  figure ,  foit  en  tirant  une  ligne  qui 
fouftende  un  angle.  Si  un  triangle  propofé 
eft  obliquangle  ,  fouvent  on  le  réfout  en 
deux  triangles  rectangles,  en  abaifîànt  une 
perpendiculaire  d'un  des  angles  fur  le  côté 
oppofé.  Si  la  queftion  regarde  des  figures 
de  plufieurs  côtés ,  on  les  réfout  en  trian- 
gles par  des  lignes  diagonales  ,  &  ainSi  des 
autres:  mais  il  faut  toujours  avoir  attention 
que  par  ces  divifions  la  figure  fe  trouve 
partagée  ,  ou  en  triangles  donnés  ,  ou  ei> 
triangles  femblables  ,  ou  en  triangles 
rectangles. 

Ainfi ,  dans  l'exemple  propofé,  on  tirera 
la  diagonale  B  p  y  afin  que  le  trapèze 
A  B  C  D  puifiè   fe   réfoudre    en  .  deux 


So6  E  Q  U 

triangles ,  l'un  re&angle  A  B  D,  &  l'autre 
obliquangle  B  C  D  (Jig.  8.)  On  réToudra 
enfuite   le  triangle  obliquangle   en   deux 
triangles  rectangles ,  en  abaifîànt  une  per- 
pendiculaire de  quelqu'un  des  angles  B  , 
C  ,  D,  fur  le  côté'  oppofé;  par  exemple, 
du  point  B  fur  la  ligne  C  D,  qu'on  pro- 
longera en  E  ,  afin  que  B  E  puiffe  la  ren- 
contrer perpendiculairement.  Or,  comme 
Jes  angles  B  A  D  &  B  C  D  pris  enfemble 
font  deux  droits  (  par  la  propofit.  22  du  III 
Eue!.)  aufîi-bien  que  BCE  &  BCD,  il 
s'enfuit  que  les  angles  BAD  &  BCE  font 
égaux;  par  confisquent  les  triangles  BCE 
&  D  AB  font  femblables.  Ainfi  prenant 
AD,  A  B  &  B  C  pour  donne'es  ,  &  cher- 
chant CD,  on  peut  faire  le  calcul  de  la 
manière  fuivante.  A  D  &  AB  donnent 
BD  à  caufe  du  triangle  rectangle  ABD. 
AD,  AB,  B  D,  BC,i  caufè  des  trian- 
gles femblables  A  B  D  &  CE  B,  donnent 
BE  &  CE.  BD  &BE  donnent  E  D,  à 
caufe  du  triangle  rectangle  B  E  D,  &  E  D 
—  EC  donne   CD.   Ainfi.  on  aura  une 
équation  entre  la  valeur  de  la  ligne  CD 
trouvée  par  le  calcul ,  &  la  valeur  de  cette 
même  ligne  exprimée  par  une  lettre  algé- 
brique. On  peut  aufli  (  &  fouvent  il  vaut 
mieux  fuivre  cette  méthode ,  que  de  pouffer 
trop  loin   un  feul  &  même   calcul  )  ;  on 
peut,    dis-je,    commencer   le  calcul  par 
dirFérens  principes  ,  ou  au  moins  le  con- 
tinuer par  diveifes  méthodes ,  peur  arriver 
à  une  feule  &  même  conclufion  ,  afin  de 
pouvoir    trouver    deux    valeurs  différem- 
ment exprimées  de  la  même  quantité ,  Jef- 
quelles  valeurs  peuvent  être  enfuite  faites 
égales  l'une  à  l'autre.  Ainfi  AD,  A  B  & 
ÈC,  donnent  B  D  BE  &  CE,  comme 
ci-devant,    enfuite    CD-^CE    donne 
E  D,  enfin  D  B  &  E  D  donnent  BE, 
à  caufe  du  triangle  rectangle  BED, 

6°.  Ayant  choifi  &  déterminé  la  méthode 
fuivant  laquelle  on  doit  procéder ,  &  fait 
fa  figure ,  on  donne  d'abord  des  noms 
aux  quantités  qui  doivent  entrer  dans  le 
calcul ,  c'eft-à-dire  ,  desquelles  on  doit  tirer 
la  valeur  des  autres  jufqu'à  ce  qu'on  arrive 
à  une  équation;  pour  cela  on  aura  foin  de 
choifir  celles  qui  renferment  toutes  les 
conditions  du  problême ,  &  qui  paroiffent 
autant   qu'on   peut    en   juger  ,    les   plus 


E  Q  U 

propres  à  rendre  la  conclufion  fimple  & 
facile ,  de  manière  cependant  qu'elle  ne  foie 
pas  plus  fimple  que  le  fujet  &  le  defïein 
du  calculateur  ne  le  demandent.  Ainfi  iï 
ne  faut  point  donner  de  nouveaux  noms 
aux  quantités  dont  on  peut  exprimer  la 
valeur  par  celle  des  quantités  à  qui  on  a 
déjà  donné  des  noms.  Par  exemple  ,  fi 
une  ligne  donnée  eft  divifée  en  parties  , 
ou  fi  on  a  un  triangle  re&angle,  on  doic 
laifièr  fans  nom  quelqu'une  des  parties  de> 
la  ligne  ou  toute  la  ligne  entière  ,  ou  un 
des  côtés  du  triangle  ,  parce  que  les  valeurs 
de  ces  quantités  peuvent  fe  déduire  de  la 
valeur  des  données ,  comme  dans  l'exemple 
déjà  propofé.  fi  on  fait  AD  =  x  &  B  A 
=  a ,  on  ne  marquera  BD  par  aucun* 
lettre ,  parce  qu'elle  eft  le  troifieme  côté 
du  triangle  rectangle  ABD,  Se  que  par 

conféquent  fa  valeur  eft  ^xx  —  a  a.  Si 
on  nomme  enfuite  B  C,  b  ,  on  verra  que 
les  triangles  femblables  DAB  &  B  C  E 
donnent  AD  :AB::BC:  CE.  Or  de  ces 
quatre  lignes  le  trois  premières  font  déjà 
données  ;  ainfi  on  ne  donnera  point  de  nom 
à  la  quatrième  CE  dont  la  valeur  fe  trou- 
vera être  —  par  le  moyen  de  la  propor- 
tion précédente.  Si  donc  on  nomme  D  C  9 
c,  on  ne  donnera  point  de  nom  à  DE 9 
parce  que  Ces  parties  D  C  &   CE,  étant 

l'une  c,  l'autre-^-)  leur  fomme  c-\-~- 
eft  la  valeur  de  D  E, 

70.  Par  les  différentes  opérations  qu'on 
fait  pour  exprimer  les  lignes  auxquelles  on 
n'a  point  donné  de  noms  ,  le  problême  eft 
déjà  prefque  réduit  à  une  équation  ;  car 
après  qu'on  a  exprimé  ainfi  les  différentes 
lignes  qui  doivent  entrer  dans  la  folution 
de  la  queftion  propofée ,  il  ne  faut  plus  que 
faire  attention  aux  conditions  du  problême, 
pour  découvrir  une  équation. 

Par  exemple  ,  dans  ce  problême  dont 
nous  avons  déjà  parlé ,  il  ne  faut  que 
trouver ,  par  le  moyen  des  triangles  rec-* 
tangles  BCE  &  BDE  ,  deux  valeurs 
deBE;  en  effet,  on  aura  B  C1  —  C Ev 

oubl>—aJ±ï  =  BEl&cBDz  —  DE* 

X  X 

x  a  b  c 

ou  xx  ->-  aa  —  c  c  — 


a  a  b  h 


EQU  EQU  S07 

BE\  Egalant  enfemble  ces  deux  valeurs  I  gles  rectangles  A  C  F,  C B  F,  on  a  B  F: 
a    A         .***  »,         '  BC::BC:AB.  Déplus,  comme  C  i> 


de  #£%  &  ôtant  ^  ?  on  aura  \equa- 

tion  bb  =  xx  —  aa  —  ce jr >   qui 

délivrée   des   frayions,    donne  x*=aa 
X-^bbx-^-iabc-^-cçx. 

8°.  A  l'égard  de  la  géométrie  des  lignes 
courbes ,  on  a  coutume  de  déterminer  ces 
lignes  ,  ou  en  les  fuppofant  décrites  par 
le  mouvement  local  de  quelques  lignes 
droites  ,  ou  en  les  repréfentant  par  des 
équations  qui  expriment  indéfiniment  le 
rapport  de  certaines  lignes  droites  difpofées 
entr'elles  dans  un  certain  ordre  &  fuivant 
une  certaine  loi ,  &  terminées  à  la  courbe 
par  une  de  leurs  extrémités.  K.  COURBE 
&  Lieu. 

Les  anciens  déterminoient  les  courbes, 
ou  par  le  mouvement  continu  de  quelque 
point ,  ou  par  les  fedions  des  folides , 
mais  moins  commodément  qu'on  ne  les 
détermine  par  la  féconde  des  deux  manières 
dont  nous  venons  de 


eft  donnée  de  pofition  ,  A  D  eft  donnée  ; 
ainn  on  appellerai  D  y  b  ;  on  connok  aufîî 
la  raifon  de  BC  à  BDy  qu'on  fuppofera 
comme  d  à  e ,   &    on   aura  B  D  =  — 


&   AB  =  b  — 


e  x 


donc  b  —  i£  =: 


qui 


parler.   Les  calculs 
regardent  les  courbes  ,  lorfqu'on  les 


décrit  de  la  première  manière  ,  le  font  par 
une  méthode  femblable  à  celle  que  nous 
avons   donnée    jufqu'ici.    Suppofons ,    par 
exemple ,  que  AKC   (fig. 9>)  foit  une 
ligne  courbe  décrite  par  le  point  vertical 
K  d'un  angle  droit  AK<P ,  dont  un  coté 
AK    puilTe  fe    mouvoir  librement,    en 
pafTant  toujours  par  le  point  A  donné  de 
pofition  ,  tandis  que  l'autre  côté  K  <P  d'une 
longueur  déterminée  coule  ou  glifle  le  long 
d'une  ligne  droite  AD  y  aum"  donnée  de 
pofition  ;  on  demande  de  trouver  le  point 
C  y  dans  lequel  une  ligne  droite  C  D  aum" 
donnée  de  pofition  doit  couper  cette  courbe: 
pour  cela,  on  tirera  les  lignes  A  C,  CFy 
qui  peuvent  repréfenter  l'angle  droit  dans 
la  pofition  qu'on  cherche  ;  on  mènera  la 
perpendiculaire  CB  fur  A  F;  on  s'appli- 
quera   enfuite   à    trouver   le  rapport   des 
lignes ,  fans  examiner  celles  qui  font  don- 
nées ou  celles  qui  ne  le  font  pas ,  &  on 
verra  que  toutes  dépendent  de  C  F,  &  de 
l'une  des  quatre  lignes  B  C  B  F,  AF&c 
AC;  fuppofant  donc  CF=ay  &  CB=x, 

©n  aura  d'abord  B F=  \/ a a  —  xx9  & 


4B=yf, 


XX  ) 


car  à  caufe  des  trian- 


V*a.—sJ?  Si  on  quarre  les  deux  mem- 
bres de  cette  équation  y  &  qu'on  les  mul- 
tiplie enfuite  par  a  a  — ■  x  x  y  on  réduira 

V équation  à  cette  forme  x*  =  —  dexl  + 

a  j  e  e  — —  b  b  d  d  x  x  — — •  zaabdex  +  aabbdd  m 
dd  -+-ee  ■  * 

&  par  le  moyen  des  quantités  données 
a  9  b9  à  y  c  y  on  tirera  de  cette  équation 
la  valeur  de  x.  Cette  valeur  de  x  ou 
B  C  étant  connue ,  on  tirera  à  la  diftance 
B  C  une  ligne  droite  parallèle  à  AD 
qui  coupera  la  courbe,  &  CD  au  point 
cherché   C. 

Si,  au  lieu  de  deferiptions  géométri- 
ques ,  on  fe  fert  d'équations  pour  défigner 
les  lignes  courbes ,  les  calculs  deviendront 
encore  plus  fimples  &  plus  faciles ,  puif- 
qu'on  aura  moins  d'équations  à  trouver. 
Ainfi  fuppofons  que  l'on  cherche  le  poinc 
d'interfecHon  C  de  Pellipfe  donnée  ACE 
(fig,  10.)  avec  la  ligne  droite  CD  donnée 
de  pofition  ;  pour  défigner  l'ellipfe  ,  on 
prendra  une  des  équations  qui  la  déter- 
minent ,  comme  r  x  — - ■ r-  xx = y  y ,  dans 

laquelle  x  marque  une  partie  indéterminée 
A  B  ou  Ab  de  l'axe  prife  depuis  le  fommet 
A  y  &  y  une  perpendiculaire  BCy  termi- 
née à  la  courbe ,  &  où  r  &  q  font  don- 
nées par  l'efpece  donnée  de  l'ellipfe.  Or, 
puifque  CD  eft;  donnée  de  pofition  , 
A  D  fera  aufli  donnée  ;  on  la  nommera 
A  y  &  BD  fera  *  —  x;  l'angle  ABC 
fera  aufli  donné ,  &  ,  par  conféquent ,  le 
rapport  de  B  D  à  BCy  qu'on  fuppofera 
être  celui  de  1  à  e;  &  5C  (y)  fera 
a  e  —  e  x  y  dont  le  carré  e  t  a  a  — 
2.ezax~\-eexx   doit  être    égal    à 

Cette  équation  étant  réduite , 


r  x 


r  x  x 


8o8  E  Q  U 

l'a  e  e  x  -f-  r  r  — — ■  &  &  *  « 

onnera  s  a;  =  — ■ —   ou 

e  c  ■+-  r 
l 

4"  i 

*         '         ee-f-r 

*  I  V 

On  remarquera  que  lors  même  que  Ion 
détermine  les  courbes  par  des  defcriptions 
géométriques  ou  par  des  fe&ions  de  folides  , 
on  peut  toujours  les  dé-fîgner  par  des  équa- 
tions y  &  que  par  conféquent  toutes  les 
difficultés  des  problèmes  qu'on  peut  pro- 
pofer  fur  'es  courbes ,  fe  réduifent  au  cas 
où  on  envifageroit  les  courbes  fous  ce  der- 
nier point  de  vue.  Ainfi  dans  le  premier 
exemple  (fig.  9 )  y  f1  AB  eft  appelle'  x, 
&  B  C  }  y  )  la  troifieme  proportionnelle 

B  F  fera  ~,  dont  le  carré  joint  au  carré 
B  C  eft  égal  à  CFZ,  c'eft-à-dire,  que  £ 
~\ryy=.  a  a  ouj4  4"  xxyy  =  aaxx. 
Par  cette  équation  on  peut  déterminer 
tous  les  points  C  de  la  courbe  AKC , 
en  trouvant  la  longueur  de  chaque  ligne 
B  C  qui  répond  à  chaque  partie  de  l'axe 
AB  ;  &  cette  équation  peut  être  fort 
utile  dans  la  folution  des  problèmes  qu'on 
aura  à  réfoudre  fur  cette  courbe. 

Quand  une  courbe  n'eft  point  donnée 
d'efpece  ,  mais  qu'on  propofe  de  la  déter- 
miner ,  on  peut  fuppofer  une  équation  à 
volonté  qui  exprime  fa  nature  d'une  ma- 
nière générale  ;  on  prendra  cette  équation 
pour  la  véritable  équation  de  la  courbe  , 
afin  de  pouvoir  par  ce  moyen  arriver  à 
des  équations  y  par  le  moyen  defquelles 
on  déterminera  la  valeur  des  quantités 
qu'on  a  prifes  pour  données. 

Jufqu'ici  nous  n'avons  fait  que  traduire 
l'article  équation  à  peu  près  tel  qu'il  fe 
trouve  dans  l'Encyclopédie  Angloife.  Cet 
article  eft  tiré  prefque  en  entier  de  X arith- 
métique univerfelle  de  M.  Newton  ;  il  eft 
aifé  d'y  reconnoître  en  effet  la  main  d'un 
gr?nd  maître,  &  nous  avons  cru  devoir 
le  donner  tel  qu'il  eft  par  cette  raifon  , 
V arithmétique  univerfelle  n'ayant  point 
d'ailleurs  été  traduite  jufqu'ici  en  notre 
langue.  Mais  il  refte  encore  fur  la  théorie 
des  équations  beaucoup  de  chofes  à  dire 
pour  rendre  cet  article  complet  dans  un 


E  QU 

ouvrage  tel  que  l'Encyclopédie.  Nous  allons 
tâcher  de  fatisfaire  à  cet  objet  ;  &  quoi- 
que la  matière  ait  déjà  été  fort  maniée 
dans  un  grand  nombre  d'ouvrages ,  nous 
efpérons  montrer  qu'elle  a  été  traitée  d'une 
manière  infuffifante  à  plufieurs  égards,  & 
la  préfenter  d'une  manière  prefque  entiè- 
rement nouvelle. 

Je  ne  parlerai  point  ici  de  la  manière 
de  préparer  une  équation,  en  faifant  éva- 
nouir les  fractions ,  les  radicaux  ,  &  toutes 
les  inconnues ,  excepté  une  feule  ,  bc 
Ces  opérations  feront  détaillées  au  mot 
Evanouir. 

Je  ne  parlerai  point  non  plus  de  l'abaif- 
fement  des  équations.  V.  ABAISSEMENT 
&  Réduction. 

Je  ne  parlerai  point  enfin  des  équations 
du  premier  degré,  c'eft-à-dire,  de  celles 
eu  l'inconnue  ne  monte  qu'à  une  dimen- 
fion  :  leur  folution  eft  fans  difficulté.  Voye\ 
Transposition.  J'entrerai  donc  en 
matière  par  les  équations  d'un  degré  plus 
élevé  que  l'unité  ;  je  les  fuppofe  abaifTées 
au  plus  petit  degré  pofîible ,  &  délivrées  de 
radicaux  &  de  fractions  ,  enfin  ordonnées 
fuivant  les  dimenfions  de  l'inconnue  x9 
c'eft-à-dire  ,  de  manière  que  le  premier 
terme  contienne  x  élevé  au  plus  haut 
degré ,  que  le  fécond  terme  contienne  x 
élevé  au  plus  haut  degré  fuivant,  &  ainfî 
de  fuite  jufqu'au  dernier  terme  ,  qui  ne 
contiendra  point  x  ;  je  fuppofe  enfin  que 
le  premier  terme  n'ait  d'autre  coefficient 
que  l'unité  (  nous  enfeignerons  au  mot 
Transformation  cette  manière  de  pré- 
parer l'équation),  &  que  le  fécond  membre 
de  Yéquation  foit  zéro. 

Soit  donc  x  m  4"  P  %  m~1  -\~  1 x  m"%  •  •  •  • 
-|~  r  =  o ,  Yéquation  à  réfoudre  ,  dans 
laquelle  il  faut  trouver  la  valeur  de  x. 

II  eft  évident ,  par  l'énoncé  même  de 
la  queftion  ,  qu'il  faut  trouver  une  quan- 
tité a  y  pofitive  ou  négative ,  réelle  ou  ima- 
ginaire ,  qui  étant  fubftituée  à  la  place 
de  x  dans  xm  -\-pxm-1  -\-  &c.  tout  fe 
détruife.  Je  fuppofe  qu'on  ait  trouvé  cette 
j  quantités,  je  dis  que  la  quantité  xm-\- 

\pxm~l  -\-  qx™-1 -\- r   (en  faifant,  fi 

i  l'on   veut ,  abftraction  de   fbn   égalité   â 
|  zéro  ,  &  en  la  regardant  comme  une  quan- 
1  tité  algébrique  réelle  )  fera  divifible  exacte- 
ment 


E  Q  U 

ment  par  x—a.  Car  il  eft  évident ,  i°.  que 
x  ne  montant  qu'au  premier  degré  dans 
le  divifeur  ,  on  pourra  ,  par  les  règles  de 
la  divifion  algébrique  ordinaire  (  voye\ 
Division  ) ,  pouffer  l'opération  jufqu'à  ce 
qu'on  arrive  à  un  refte  que  j'appelle  R, 
&  dans  lequel  x  ne  fe  trouvera  pas.  Soit 
donc  Q  le  quotient ,  il  eft  évident  que  fi 
au  produit  du  quotient  Q  par  le  divifeur 
x — a  y  on  ajoute  le  refte  Ry  on  aura  une 
quantité  égale  &  identique  au  dividende. 
Or  ,  en  faifant  dans  le  dividende  x  ==■  a, 
tout  s'évanouit  par  l'hypothefe  ;  donc  tout 
doit  s'évanouir  aufli ,  en  faifant  x  =  a 
dans  la  quantité  (  x — a)  Q  -\-  R,  &  cette 
quantité  doit  alors  fe  réduire  à  zéro  ;  mais 
en  faifant  x=a y  cette  quantité  eft  {a—a) 
Q-fc-jR.  Donc,  puifque  {a — a)  Q-\-R 
=o ,  on*  R=o.  Donc  la  divifion  fe  fait 
fans  refte.  Donc  x  m-\-pxml-)r  qxmz.... 
-J-  r  fe  divife  exactement  par  x— a. 

Je  fais  un  raifonnement  femblable  fur  le 
quotient  provenu  de  la  divifion  :  je  fuppofe 
que  b  fubftitué  à  la  place  de  x  ,  fafle  éva- 
nouir tous  les  termes  de  ce  quotient  ;  je 
dis  qu'il  eft  divifible  par  x—b;  &  il  eft 
évident  que  fi  b  fubftitué  à  la  place  de  x 
fait  évanouir  le  quotient  Q,  il  fera  évanouir 
aufli  le  dividende  :  car  le  dividende  eft 
=  (x — a)  Q;  donc  toute  fuppofition 
qui  réduira  Q  à  zéro  ,  y  réduira  aufîî  le 
dividende.  Donc  x  —  b  divife  aufli  exacte- 
ment le  dividende. 

On  trouvera  de  même  ,  qu'en  fuppo- 
fant  une  quantité  c  ,  qui  fubftituee  à  la 
place  de  x  y  faffe  évanouir  le  quotient  de 
Q  divife  par  x— b  ,  ce  nouveau  quotient , 
&  par  conféquent  le  dividende ,  fera  divi- 
fible par  x—c. 

Ainfi  on  aura  autant  de  quantités  fimples 
*— 'a  y  x—b  y  x — c  y  qu'il  y  a  d'unités 
dans  m  y  lefquelles  quantités  fimples  don- 
neront par  leur  multiplication  le  dividende 
ou  équation  propofée. 

On  pourra  donc  ,  au  lieu  de  Yéquation 
donnée  ,  fuppofer  (  a;  —  a)  (  *  — -  b) 
(  x—c  )  =  o  :  mais  il  faut  bien  le  garder 
d*en  conclure ,  comme  font  tous  les  auceurs 
d'Algèbre  ,  qu'on  aura  x — a  =  o)  x-*-b 
==o,  ar  —  c  =  Oy  ùc;  car,  pourra  dire 
un  commençant ,  comment  fe  peut-il  faire 
qu'une  même  quantité  x  foit  égale  à 
Tome  XII. 


E  Q  U  809 

pluaeurs  grandeurs  différentes  a  y  b  y  c?  Si 
vous  dites  que  x  y  dans  ces  équations  y  ne 
défigne  qu'en  apparence  la  même  grandeur, 
&  défigne  en  effet  des  grandeurs  diffé- 
rences ,  en  ce  cas  vous  vous  rejetez  dans 
une  autre  difficulté  ;  car  fi  cela  étoit , 
dans  une  équation  du  fécond  degré  ,  par 
exemple,  comme  x  x  -{-p  x  -\-  q  y  x  x  ne 
feroit  plus  en  carré  ;  cependant  tous  les 
Algébriftes  le  traitent  comme  tel.  Voici 
la  réponfe  à  cette  difficulté,  qui  ,  comme 
je  le  fais  par  expérience ,  peut  embarraffer 
bien  des  commençans.  La  quantité  pro- 
pofée eft  le  produit  de  x  —  a  par  x  —  b  y 
par  ï— c  j  &c.  Or,  la  quantité  propofée 
eft  fuppofée  égale  à  zéro>  &  quand  une 
quantité  eft  égale  à  zéro ,  il  faut  qu'un  de 
fes  fadeurs  le  foit  ;  ainfi  la  quantité  ou 
équation  propofée  eft  le  produit  de  a?—  a 
=?o  par  x  —  b  &  par  x — Cy  &c.  ou  de 
#— b  =  o  par  a:— a  &  par  ar— >  cy  &c. 
ou  de  a*— c=o  par  x — a  &  par  x-—by  &c. 
Dans  chacun  de  ces  cas  on  ne  fuppofe  à 
la  fois  qu'une  des  équations  partielles  égale 
à  zéro  ;  a;  eft  la  même  quantité  dans  chacun 
des  cas,  &  elle  eft  différente  dans  les  differens 
cas.  Ainfi  x  x—a  x-^a  b=.o  eft  x — a = o 

—  bx 
pa  x  —  b  y  oui  —  b  =  o  par  x  —  a  ; 
cette  équation  x  x—  a  x-\-  a  b  =  o  re- 

—  b  x 
préfente  ces  deux-ci;  l'une  a  a— a  a-\-ab 

—  ab 
(  en    mettant   a    pour   x  )  ,     &    l'autre 
b  b  —  a  bApab  (en  mettant  b  pour  x). 

—  bb 

Dans  l'un  des  cas  ,  rr  &  fes  puiffànces 
repréfentent  a  &  fes  puiffànces  ;  dans  l'autre, 
x  &  fes  puiffànces  repréfentent  b  &  fis 
pui^ances.  Ainfi  une  équation  d'un  degré 
quelconque  repréfente  réellement  autanr 
^équations  particulières  qu'il  y  a  d'unités 
dans  fon  degré  \  équations  dans  chacune 
defquellesx  a  une  valeur  différente.  Pourfui- 
vons  &  approfondiffbns  cette  matière,  qui,  je 
le  répète ,  eft  fort  mal  développée  par-tour. 
La  démonftration  précédente,  dira-t-on, 
fuppofe  qu'il  y  a  toujours  une  quantité  a 
poffibie  ,  qui  fubftituee  â  la  place  de  x 
dans  une  quantité  algébrique  ,  x  m  -|-/> 
xm-1  y  &c. ,  fera  évanouir  tous  les  termes. 
Sans  doute  :   mais    cette  fuppofition   eft 

Kkkkk 


8io  EQU 

légitime;  Tai  démontré  le  premier ,  Mém.  \ 
de  l' acad.de  Berlin  1746 y  qu'il  y  avoit 
toujours  en  effet  une  telle  quantité ,  laquelle  ; 
fera  ou  réelle ,  ou  égale  à  m  -\~  n  V  — •  *  * 
m  &  n  étant  réelles ,  &  m  pouvant  être 
=  o.   Cette  proportion  fondamentale  de  : 
l'Algèbre    &   même    du   calcul    intégral ,  j 
(voye\  Fraction  rationnelle  ù  In-  ' 
TÉGRAL)  n'avoit  été  démontrée  par  per- 
fonne  avant  moi  :  j'y  renvoie  le  lecteur , 
il  la  trouvera  encore  plus  développée  ,  & 
mife  à  la  portée  des  commençans  dans  le 
Traité  du  calcul  intégral  de  M.  de  Bou- 
gainville  le  jeune ,  première  partie.  Voye i 
Imaginaire. 

Delà  il  s'enfuit  qu'une  équation  eft  le 
produit  d'autant  de  quantités  fimples  , 
x—- a,  x—b,  x—c,  &c,  qu'il  y  a  d'u- 
nités dans  le  degré  de  V équation;  quelques- 
unes  des  quantités  a>  b  y  c>  ou  toutes, 
peuvent  marquer  des  quantités  réelles , 
égales  ou  inégales  ,  imaginaires  fimples 
somme  n  ]/ —  »  »  ou  mixtes  imaginaires 
comme  m-\*n\/  —  i . 
.  On  remarquera  maintenant  que  le  pro- 
duit de  a:— a  par  a:— b  ne  peut  être  égal 
à  un  autre  produit  x-—e  par  x~—f;  car 

iî  cela  étoit ,  on  auroit  jE^v :=  UL  '    \* 

Il  faudroit  donc  ou  que  a:—  a  fût  divifible 
exactement  par  a:  —  /,  ainfl  que  a;— e 
par  x  —  b9  ce  qui  ne  fe  peut,  ou  que 
a;— /&  x  —  b  eufTent  un  divifeur  com- 
mun ,  ainfl  que  a:  —  a  &  x—e;  ce  qui 
ne  fe  peut  encore.  Tout  cela  eft  évident 
par  foi- même. 

Donc  une  quantité  quelconque  x  x  -\-p  x 
-^-  q  y  où  x  monte  au  fécond  degré ,  ne 
peut  être  le  produit  que  de  deux  facteurs 
fimples  :r— a,  x  —3  y  &  il  ne  peut  y  en 
avoir  d'autres  que  ces  deux-là.  Donc  dans 
une  équation  du  fécond  degré  x  ne  peut 
avoir  que  deux  valeurs  différentes  a,  b  y 
&  jamais  davantage.  C'eft  une  fuite  des 
propofitions  précédentes. 

De  même  on  ne  fauroit  fuppofer  x  —  a 
par  at  —  b  par  x  — -  c  y  égal  à  x  —  c 
par  x — /par    a:  —  g;    car    on    auroit 

x a.  x e 

Donc  les  dénominateurs  de  ces  fractions 
devroient  avoir  un  divifeur  commun ,  &  par 


EQU 

conféquent  aufïi  leurs  numérateurs  x— -  ay 
x  —  e  y  ce  qui  ne  fe  peut.  Donc  dans  une 
équation  du  troifieme  degré  ,  &  par  la 
même  raifon  dans  toute  équation  ,  l'in- 
connue ne  peut  avoir  qu'autant  de  valeurs , 
foit  réelles  ,  foit  imaginaires  ,  qu'il  y  a 
d'unités  dans  le  degré  d'équation.  Voilà  en- 
core une  propofition  qu'aucun  auteur  n'avoit 
fuffifamment  prouvée.  On  appelle  racines, 
les  différentes  valeurs  de  l'inconnue.  Voye\ 
Racine. 

Il  pourroit  fe  préfenter  aux  commençans 
une  difficulté  fur  la  démonftration  précé- 
dente. Soit,  diront-ils,  4=4.,  3=17, 
c  =  y  ,  e  =  8  ,  &  a:  =  2,  on  aura  (  x 
—  a)  X  (x  —  b)  =  —  i  x  —  15  = 
-5X-^=(a:-7)  X  (*  — 8) 
=  (a:  —  c)  X  (  *  "—  e  ) .»  on  peut  donc 
avoir,  continueront-ils,  (x-~a)  (x  —  b) 

=  (  a:-—  c  )  (x e).  La  réponfe  à  cette 

objection  eft  bien  fimple  ;  il  eft  vrai  qu'il 
peut  y  avoir  àes  cas  où  ,  en  donnant  à  x 

une    certaine  valeur  ,    on   ait    (  x a  ) 

(x b)  =  (  x c)  (x e);  mais  il 

faudroit ,  pour  renverfer  la  démonftration 
précédente  ,  que  quelque  valeur  qu'on 
donnât  à  a:,  on  eût  toujours  cette  dernière 
équation  y  x  marquant  ici  une  quantité  géné- 
rale &  indéterminée:  or,  cela  eft  impofîible. 
En  effet,  fî  cela  étoit,  fuppofons  x  =  a9 
on  auroit  donc  ,  à  caufe  de  l'égalité  fup- 

pofée  ,   (a a)  (a b  )  =  (a c) 

(  a e)  y  c'eft  -  a  -  dire  o  =  (  a  — —  c  ) 

(  a e  )  ,  ce  qui  ne  fe  peut ,  puifque  c  &  e 

font  différentes  de  a  &  de  b.  Delà  on  tire 
une  autre  démonftration  de  la  propofition 
dont  il  s'agit,  &  qu'on  peut  appliquer  aux 
degrés  plus  compofés  \  par  exemple  ,  fi 
(x a)  (x b)  (x c)  pouvoit  être 

égala  fx 0,(x-~zf)  (x~Tg)>  on 

auroit  (  a e  )  (  a — f)  (  a— y— g )  =0 ,  ce 

qui  ne  fe  peut  ;  &  ainfi  du  refte. 

Je  pafîè  un  grand  nombre  de. propofi- 
tions qu'on  trouvera  fuffifamment  démon- 
trées par-tout ,  par  exemple  celles  qui  font 
indiquées  au  mot  Coefficient:  c'eft  prin- 
cipalement à  des  chofes  nouvelles ,  ou  du 
moins  préfentées  d'une  manière  nouvelle 
&  rigoureufe  ,  que  je  deftine  cet  article. 
J'obferverai  feulement  que  les  propofitions 
connues  fur  les  coefficiens  des  équations  9 
fervent    quelquefois  à   démontrer    d'une 


E  QU 

manière  fîmple  &  élégante  des  proportions 
de  Géométrie  ;  M.  de  l'Hôpital ,  dans  le 
liv.  X y  de  fes  feclions  coniques  y  s'en  eft 
heureufement  fervi  pour  démontrer  certai- 
nes propriétés  des  cordes  du  cercle. 
Si  une  des  racines  de  Y  équation  xm-\*p 

x  m~z -\-  r==  o  eft  un  nombre  entier  a, 

pofitif  ou  négatif,  ce  nombre  a  fera  un  des 
divifeurs  du  dernier  terme  r  ;  car  on  a 
am  -\-  p  am~l  -\-  n  a  -\>   r  =  o  ,   donc 

am  T P  am~l "J-/IÛ  = r9  donc 

a  m-i  J^.  p  a  w-t,  t  #  #  j^.  n  — — ;  —  L.  Or , 

le  premier  membre  de  cette  équation  eft 
un  entier  ,  puifqu'il  eft  compofé  d'entiers  ; 

donc  -  eft  un  entier ,  donc  a  eft  un  des 

divifeurs  de  r.  La  démonftration  ordinaire 
de  cetçe  propofition  me  paroît  fujette  à 
difficulté  ;  c'eft  par  cette  raifon  que  j'en 
ai  fubftitué  une  autre. 

Si  toutes  les  racines  d'une  équation  font 
réelles ,  &  que  tous  les  termes  de  Y  équation 
aient  le  fïgne  -j- ,  toutes  ces  racines  feront 
négatives  ;  car  ,  puifque  tous  les  termes 
ont  le  figne  -\- ,  il  eft  évident  qu'il  ne  peut 
y  avoir  de  quantité  pofitive  ,  qui  étant 
fubftituée  à  la  place  de  x ,  rende  Y  équation 
égale  a  zéro. 

Dans  une  équation  y  les  racines  imaginai- 
res vont  toujours  deux  à  deux  ;  en  forte  que 

{\a-\-b  y — i  eft  racine  d'une  équation  , 
a b  y  —  i  en  fera  une  autre.  J'ai  démon- 
tré le  premier  cette  propofition  dans  les 
Mém.  de  Vacad,  de  Berlin  i  J^6.  V.  aujjî 
l'ouvrage  de  M.  de  Bougainville  déjà  cité  , 
&  l'an.  Imaginaire. 

Donc  puifque  les  racines  imaginaires  font 
toujours  en  nombre  pair ,  il  s'enfuit  que 
dans  les  équations  d'un  degré  impair  il  y  a 
du  moins  une  racine  réelle  ;  ce  qu'on  peut 
encore  démontrer  en  cette  forte.  Soit ,  par 
exemple  ,  xi  -\-  p  xl  -\-  q  x  -\~  r=  o  , 
en  donnant  à  x  toutes  les  valeurs  pofitives 
poflibles  depuis  o  jufqu'à  l'infini ,  on  a  tou- 
jours un  réfultat  réel ,  &  ce  réfultat  devient 
infini  &  pofitif  quand  x  sp=  oo  ,  c'eft-à- 
dire  oo 5  ;  de  même  en  donnant  à  x  toutes 
les  valeurs  négatives  pofïiblt*  depuis  o  juf- 
qu'à l'infini ,  on  aura  toujours  un  réftltat 
réel ,  &  le  dernier  réfultat  eft  infini  & 
négatif  quand  x  =  —  oo  ,  c'eft-à-dire  — 


E  Q  U  811 

00  ';  donc  puifqu'on  a  une  fuite  de  réful- 
tats  tous  réels  &  fans  interruption  ,  dont 
les  deux  extrêmes  font  de  différens  fignes , 
il  s'enfuit  qu'il  y  a  un  de  ces  refultats  égal 
à  zéro.  Donc  il  y  a  une  valeur  réelle  de  x 
qui  rend  :r}  -\-  p  xz-\-q  x-\-r  =  o.  Donc 
xa  au  moins  une  valeur  réelle  dans  cette 
équation.  Il  en  eft  de  même  des  autres 
cas. 

Dans  une  équation  délivrée  de  fractions , 
&  dont  le  premier  terme  n'a  d'autre  coef- 
ficient que  l'unité ,  la  racine  ne  fauroit  être 

une  fraction  ~ ,  dont  le  dénominateur  &  le 

numérateur  foient  des  nombres  entiers  & 
rationnels.  Voilà  encore  une  propofition 
bien  mal  prouvée  dans  prefque  tous  les  au- 
teurs. En  voici  une  meilleure  démonftra- 
tion.   Soit  x1  -^  p  x1  -\-q  x  -|-  r=0',  & 

fuppofons  que  y  foit  racine  de  Y  équation  y 

on  aqra  donc  It+Ï  +  t  +  ^o, 

&  ai-\-p  à1  b-\-q  a  3t-^-r  bl=o.  Donc, 
fuivant  la  théorie  des  équations  donnée  ci- 
defîus ,  le  nombre  enrier  a  doit  être  divi- 
feur  du  dernier  terme  r  bl  ;  or,  comme  a 
&  b  n'ont  aucun  divifeur  commun  ,  car  la 

fraction  y  eft  fuppofée  ,  comme  de  raifon  , 

réduite  à  fes  moindres  termes  (  Voye\ 
Diviseur,  Fraction),  il  s'en- 

1  fuit  que  a  &  b%  n'ont  aucun  divifeur 
j  commun:  donc  a  doit  être  divifeur  de  r; 
<  donc  r=n  a  y  n  étant  un  nombre  entier. 
;  Donc  on  aura  a1  -\-  p  a1  b  -\-q  a  bx  -\» 

n  a  b1  =  o  ;  donc  a*  -\-  p  a  b  -j-  q  b*  -f- 
n'bi  =o.  Donc,  par  la  même  raifon  que 
ci-defïus  ,  a  doit  être  un  divifeur  du  der- 
nier terme  a  b1  -\-n  b*  ,  &  par  conféquent 
de  q -{- b  n  ;  donc  q-\~b  n  =  m  a;  donc 
a1  -J-/>  a  b-\-  b1  ma  =  o-i  donc  a -^-p  b 

-^-  b%  /72  =  o  ;  donc  j  ==  —  p  —  ml. 

Donc  j  n'étoit  point   une   fraction  ,    ce 

qui  eft  contre   l'hypothefe.    On    démon- 
|  trera  de   la  même  manière  dans  tous  les 
autres  cas  ,    la  propofition  dont  il  s'agit. 
Donc ,  &c. 

Il  eft  évident ,  par  la  nature  de  cette 

démonftration  ,    qu'elle  ne  s'étend  qu'aux 

fractions  rationnelles.    Une  équation  fans 

fractions  &  fans  radicaux  peur  en  effet  avoir 

Kkkkk  2 


Si*  E  Q  U 

pour   racines  des  fradions   irrationnelles  ;  | 
par  exemple,   a;1  — a— 1  =  0,  &  une 
infinité  d'autres. 

Voyez  au  mot  TRANSFORMATION,  ce 
qui  regarde  la  manière  de  transformer  une 
équation  en  une  autre  matière  qui  n'a  d'ail- 
leurs aucune  difficulté  ,  &  qui  eft  affez  bien 
traitée  dans  prefque  tous  les  Algébriftes; 
par  exemple ,  dans  \y  Analyse  démontrée  du 
P.  Revneau,  Ùc. 

On  trouvera  au  mot  RACINE  ,  le  fameux 
théorème  de  Defcartes  fur  les  racines  des 
équations  ,  démontré  par  M.  l'abbé  de  Gua 
dans  les  Mém.  de  l'acad.  deij^i,  auxquels 
le  lecteur  peut  avoir  recours.  Nous  nous 
bornerons  ici  à  quelques  réflexions  générales 
fur  les  racines  des  équations. 

Les  racines  d'une  équation  font  les  diffé- 
rentes valeurs  de  l'inconnue  ;  il  femble  donc 
qu'un  problême  doive  avoir  autant  de  folu- 
tions  qu'une  équation  a  de  racines  ;  &  cela 
eft  vrai  en  effet  dans  un  certain  fens ,  mais 
ceci  a  pourtant  befoin  d'une  plus  ample 
explication. 

i°.  Si  on  propofoit  de  trouver  un  nombre 
ar,  tel  que  le  carré  de  ce  nombre  plus  15 
fût  égal  à  8  fois  le  nombre  cherché  ,  c'eft- 
à-dire ,  tel  que  x  x  —  8  x  -\-  1 5  fut  ==  o , 
on  trouveroitque  cette  équation  auroit  deux 
racines  réelles  &  pofitives  :r=^3,  x=<y  ;  & 
en  effet ,  le  carré  de  3  qui  eft  9  augmente 
de  15,  donne  24  égal  à  8  fois  3  ;  &  le  carré 
de  5  qui  eft  2.5 ,  augmenté  de  1 5  ,  donne  40, 
égal  à  8  fois  5.  Ainfi  les  deux  racines  de 
Y  équation  fatisforît  en  ce  cas  au  problême  , 
fans  rien  changer  à  fon  énoncé.  II  y  a  donc 
des  cas  011  toutes  les  racines  d'une  équation 
réfolvent  chacune  le  problême  dans  le  iens 
le  plus  direct  &  le  plus  immécfcat  que  fon 
énoncé  préfente. 

2°.  Si  on  propofoit  de  trouver  un  nom- 


Voilà  deux  racines  réelles  &  pofitives ,  ce- 
pendant il  n'y  a  proprement  que  la  racine  | 
qui  fatisfaffe  au  problême,  car  h  racine T 
donne  1  —  x  ===  —  T  ,  quantité  négative. 
Ôr  ,  l'on  fuppofe  dans  l'énoncé  que  x  eft 
plus  petit  que  1  ;  pourquoi  donc  trouve-ton 
une  autre  racine  réelle  &  pontive  ?  Le  voici. 
Si  on  eût  propofé  ce  problême  :  trouver  un 


e  q  u 

nombre  x  plus  grand  que  1 ,  &  tel  que  (  x 
—  1  )  * ,  foit  égal  à  \ ,  on  auroit  eu  préci- 
fément  la  même  équation  que  celle  qui  eft 
donnée  par  la  folution  du  problême  précé- 
dent ;  &  en  ce  cas  x  =■  \  auroit  été  la  vraie 
valeur  de  l'inconnue  ;  ainfi  X équation  1 — 2 
x-\-x  x=z^  repréfente  réellement  ces  deux- 

qui  font  la  traduction  algébrique  de  deux 
queftions  ,  très-différentes  dans  leur  énoncé» 
La  première  de  ces  queftions  a  pour  réponfe 
.*• -=7,  la  féconde  x  =  T.  Donc  ,  quoique 
les  racines  d'une  équation  foient  toutes  deux 
réelles  &  pofitives  ,  il  ne  s'enfuit  pas  tou- 
jours qu'elles  réfolvent  toutes  exactement 
&  rigoureufement  la  queftion;  mais  elles 
la  réfolvent ,  en  la  préfentant  en  deux  fens 
difterens ,  dont  l'Algèbre  ne  peut  exprimer 
la  différence  ;   par  exemple ,    dans  le  cas 
dont  il  s'agit,  l'énoncé devroit  être  :  trouver 
une  grandeur  x  telle  que  la  retranchant  de 
l'unité ,  ou  retranchant  l'unité  d'elle  ,   le 
carré  du  refte  foit  égal  à  \.    La  traduction 
algébrique  du  premier  énoncé  eft ,  par  fa  na- 
ture, plus  générale  que  ce  premier  énoncé; 
c'eft  donc  le  fécond  qu'il  faut  y  fubftituer 
pour  répondre  à  toute  l'étendue  de  la  tra- 
duction. Plufieurs  algébriftes  regardent  cette 
généralité  comme  une  richeffè  de  l'Algèbre, 
qui ,  difent-ils ,  répond  non  feulement  à  ce 
qu'on  lui  demande ,  mais  encore  à  ce  qu'on, 
ne  lui  demandoit  pas  ,  &  qu'on  ne  fongeoit 
pas  à  lui  demander.    Pour  moi ,  je  ne  puis 
m'empêcher  d'avouer  que  cette  richeffè  pré- 
tendue me  paroît  un  inconvénient.  Souvent 
il  en  réfulte  qu'une  équation  monte  à  un 
degré  beaucoup  plus  haut  qu'elle  ne  mon- 
teroit ,  fi  elle  ne  renfermoit  que  les  feules 
racines  propres  à  la  vraie    folution  de  la 
queftion  ,  telle  qu'elle  eft  propofée.   Il  eft 
vrai  que  cet  inconvénient  feroit  beaucoup 
moindre,  &  feroit  même  en  un  fens  une 
véritable  richeffè ,  fi  on  avoit  une  méthode 
générale  pour  réfoudre  les  équations  de  tous 
les  degrés  ;  il  ne  s'agiroit  plus  que  de  dé- 
mêler parmi  les  racines  celles  dont  on  au- 
roit vraiment  befoin  :  maisjnalheureufement 
on  fe  trouve  arrêté  dès  lé  troifieme  degré*. 
Il  feroit  donc  à  fouhaiter  ,  puifqu'on   ne 
peut  réfoudre  toute  équation  P  qu'on  pût  au 
moins  l'abaiffer  au  degré  de  la  queflion,  c'eft- 
à-dke ,    à  n'avoir  qu'autant  d'unités  dans 


EQU 

Pexpofant  de  fon  degré  que  la  qtaeftion  a  de 
folutions  vraies  &  dire&es  ;  mais  la  nature 
de  l'Algèbre  ne  paraît  pas  le  permettre. 

3®.  Si  on  propofoit  de  trouver  un  nom- 
bre x  y  tel  que  retranchant  l'unité  de  ce 
nombre  ,  le  carré  du  refte  fût  égal  à  qua- 
tre ,    on  trouverait  (  x i  )  l  =  4  > 

X  =  3  &  x  = 1.  La  première  racine 

x 3  ,  qui  eft  réelle  &  pofitive  ,  réfout  la 

queftion  ;  à  l'égard  de  x  =  —  1 ,  elle  ne 
réfout  point  la  queftion  propofée  ,  elle  ré- 
fout celle-ci  :  trouver  un  nombre ,  auquel 
ajoutant  l'unité  ,  le  carré  de  la  fomme  foit 
égal  à  quatre.  On  voit  que  dans  cet  énoncé , 
ajouter  fe  trouve  au  lieu  de  retrancher  y  & 
Jomme  au  lieu  de  refle.  En  effet  (  x  + 1  ) l 
=  4  donne  x  =  i  &  *=— -3  ,  qui  font 
précifément  les  racines  de  V équation  précé- 
dente prifes  avec  desfignes  contraires.  D'où 
l'on  voit  que  les  racines  négatives  fatisfont 
à  la  queftion ,  non  telle  qu'elle  eft  propofée , 
mais  avec  de  légers  changemens  qui  con- 
fident à  ajouter  ce  qu'on  devrait  retrancher, 
ou  à  retrancher  ce  qu'on  devoit  ajouter.  Le 
figne  —  qui  précède  ces  racines,  indique  une 
fàufle  fuppofïtion  qui  a  été  faite  dans  l'énoncé, 
$  addition  au  lieu  de  fouftraclion  y  &c.  &  ce 
figne  —  redreflè  cette  faufte  fuppofïtion. 
En  veut-on  un  exemple  plus  fimple?  qu'on 
propofe  de  trouver  un  nombre  x  }  qui  étant 
ajouté  à  20,  la  fomme  foit  égale  à  10,  on 
aura  20  -\~  x  =  10  &  x  =  —  10  ;  ce  qui 
fignifie  qu'il  falloit  énoncer  ainfi  la  queftion  : 
trouver  un  nombre  qui  étant  retranché  de 
20,  le  refte  foit  égal  à  1 0,  &  ce  nombre  eft  10. 

40.  Si  on  propofoit  cette  queftion ,  trouver 
un  nombre  x  y  tel  que,  ajoutant  l'unité  à 
ce  nombre  ,  le  carré  du  tout  foit  égal  à 
^,  on  aurait  (  x-\-  1  )r  =2  \ ,  x= — i; 
x  -  —  -|  :  voilà  deux  racines  négatives ,  ce 
qui  fignifie  qu'il  falloit  changer  ainfi  la  quef- 
tion ;  trouver  un  nombre  tel ,  que  retran- 
chant l'unité  de  ce  nombre ,  s'il  eft  plus 
grand  ,  ou  le  retranchant  de  l'unité ,  s'il  eft 
plus  périt,  le  carré  du  refte  foit  égal  à  |. 
C'eft  précifément  le  cas  du  n°.  1  précédent, 
dont  les  racines  font  les  mêmes  que  de  ce 
cas  ci  ,  avec  des  fignes  contraires. 

t)°.  Tout  nous  prouve  donc  que  les  ra- 
cines négatives  ne  font  déftinéesqu'à  indi- 
«juet  de  faufïès  fuppofitions  faites  dans 
l'énoncé ,   &  que  le  calcul  redrefle.   C'eft 


EQU  813 

pour  cela  que  les  racines  négatives  ont  été 
appellées  faujjes  par  plufieurs  auteurs  ,  & 
les  racines  pofitives  ,  vraies  ,  parce  que  les 
premières  ne  fatisfont ,  pour  ainfi  dire ,  qu'à 
un  faux  énoncé  de  la  queftion.  Au  refte  je 
dois  encore  remarquer  ici  que  quand  toutes 
les  racines  font  négatives ,  comme  dans  le 
cas  précédent ,  l'inconvénient  eft  léger  ;  ces 
racines  négatives  indiquent  que  la  folution 
avoit  un  énoncé  abfolument  faux  :  redreftez 
l'énoncé ,  toutes  les  racines  deviendront  po- 
fitives. Mais  quand  elles  font  en  partie  po- 
fitives ,  &  en  partie  négatives ,  l'inconvé- 
nient que  caufe  la  folution  algébrique  eft  , 
ce  me  femble  ,  alors  plus  grand  ;  elles  in- 
diquent que  l'énoncé  de  la  queftion  eft  , 
pour  ainfi  dire ,  en  partie  vrai  &  en  partie 
faux  ;  elles  mêlent,  malgré  nous ,  une  quef- 
tion étrangère  avec  la  queftion  propofée , 
fans  qu'il  foit  poflible  de  l'en  féparer ,  en 
rectifiant  même  l'énoncé  ;  car  qu'on  change 
dans  l'énoncé  les  mots  ajoutera:  fomme  y  en 
ôter  &  refte  y  la  racine  négative  devient  à  la 
vérité  pofitive  ;  mais  la  pofitive  devient  né- 
gative ,  &  on  fe  trouve  toujours  dans  le 
même  embarras ,  fans  pouvoir  réduire  la 
queftion  à  un  énoncé  qui  ne  donne  que  des 
racines  réelles  pofitives.  Il  en  eft  de  même 
dans  le  cas  du  n°.  1  précédent,  où,  quoi- 
que les  racines  foient  toutes  réelles  &  pofi- 
tives ,  cependant  elles  ne  réfoîvent  pas  toutes 
la  queftion  ;  néanmoins  il  y  a  encore  cette 
différence  entre  ce  cas  &  celui  du  n°.  3  , 
que  dans  celui-ci ,  pour  changer  les  racines 
négatives  en  pofitives ,  il  ne  faut  changer 
qu'en  partie  les  fignes  de  x  -J-  1 ,  c'eft-à- 

dire,  écrire  x 1  ou  1 x;  au  lieu  que 

dans  le  cas  du  n°.  1  ,  il  faut  changer  tout 

à  la  fois  les  deux  fignes  de  1 x  y  & 

écrire  x  —  1  dans  l'énoncé ,  pour  employer 
la  racine  pofitive  inutile  à  la  queftion. 

6°.  Les  racines  négatives,  je  le  répète  , 
font  un  inconvénient,  fur-tout  lorfqu'elles 
font  mêlées  avec  les  pofitives  ;  mais  il  y  a 
bien  de  l'apparence  qu'on  ne  parviendra 
jamais  à  lever  cet  inconvénient  ;  peut-être 
pourroit-on  le  diminuer  ,  fi  on  avoit  une 
bonne  méthode  de  réfoudre  les  équations. 
C'eft  ce  que  nous  tâcherons  plus  bas  de  faire 
fentir ,  ou  plutôt  entrevoir,  en  parlant  àes 
équations  du  fécond  degré.  Mais  ce  qui 
prouve  que  les  racines  négatives  ne  font  pas 


814  EQU 

tout-à-fait  inutiles  à  la  folution  d'un  pro- 
blème ,  c'eft  l'application  de  l'Algèbre  à  la 
Géométrie.  Les  ordonnées  négatives  d'une 
courbe  font  auffi  réelles  que  les  pofîtives ,  & 
appartiennent  auffi  effentiellementà  la  cour- 
be; nous  l'avons  prouvé  au  mot  COURBE 
d'une  manière  auffi  rigoureufe  que  nouvelle, 
en  faifant  voir  que  les  ordonnées  négatives 
deviennent  pofîtives ,  en  tranfpofant  feule- 
ment Taxe.  De  même  en  transformant  une 
équation  algébrique ,  on  peut  rendre  toutes 
les  racines  réelles  pofîtives  ;  car  foit  b  la  plus 
grande  des  racines  négatives ,  &  foit  fait  x 

=  ^ A  y  A  étant  une  quantité  plus 

grande  que  b  ou  égale  à  b  ;  alors  les  fac- 
teurs ,  au  lieu  d'être ,  par  exemple  ,  x 

a  9  x  -\-  b  9  feront  \ A ay\ A 

-\-  b  y  toutes  deux  pofîtives.  Voye\  encore 
fur  cet  article  ce  que  nous  dirons  plus  bas , 
en  parlant  des  équations  appliquées  à  la 
Géométrie. 

7°.  Si  on  propofoit  de  trouver  un  nom- 
bre x  y  tel  quel  (ar-^-i)1  -x-4fût  =  o, 
on  auroit  x  =  —  i  -|-  ]X —  4  &  a:  = 
—  1  —  \/ —  4  ;  valeurs  imaginaires  qui 
indiquent  que  l'énoncé  de  la  queftion  eft 
abfurde  ,  &  qu'il  n'eft  pas  pofîible  de  la 
réfoudre.  Mais ,  dira-t-on ,  pourquoi  deux 
racines  imaginaires  ?  Une  feule  fuffiroit 
pour  avertir  de  I'abfurdité.  Je  répons  que 
les  deux  imaginaires  avertirent  que  la 
queftion  eft  abfurde  non  feulement  dans 
fon  énoncé  ,  mais  même  dans  tout  autre 
qu'on  lui  fubftitueroit ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  en 
mettant  x 1  ou  1 x  à  la  place  de 

x-\-  1.  En  effet  1  — 


+  4  =  0, 


ou 


x  - —  iz  -\-  4  =  o ,  donne  x  =  1 

\/  —  4  &  *  =  1  -(-  y  —  4  ;  racines 
imaginaires  &  de  figne  contraire  aux  précé- 
dentes ,  parce  que  l'énoncé  de  la  queftion , 
quoique  changé ,  demeure  impoflible. 

8°.  Ainfi ,  quand  une  équation  n'a  que 
des  racines  négatives  ou  fauffes ,  cela  in- 
dique que  le  problême  eft  impoflible  dans 
le  fens  direct ,  mais  non  pas  dans  un  autre 
fens  ;  au  lieu  que  quand  elle  n'a  que  des 
racines  imaginaires ,  cela  indique  que  le 
problême  eft  impoflible  dans  quelque  fens 
qu'on  le  préfente.  Quand  les  racines  font 
réelles  &  incommenfurables ,  cela  indique 


EQU 

que  le  problème  n'a  point  de  folution 
numérique  exade ,  mais  qu'on  peut  trouver 
un  nombre  qui  approche  auffi  prés  qu'on 
voudra  des  conditions  propofées  ;  donc  les 
racines  négatives  ,  imaginaires  &  incom- 
menfurables ,  défignent  différentes  efpeces 
d'impoffibilité  dans  la  folution ,  mais  d'im- 
poffibilité plus  ou  moins  entière,  plus  ou 
moins  abfolue. 

9°.  Mais  quand  les  racines  imaginaires 
font  mêlées  avec  des  racines  réelles,  qu'eft* 
ce  qu'indiquent  alors  ces  racines  imaginai- 
res ?  Par  exemple ,  ul b1  =  o ,  a  pour 

racine  réelle  u  — — b  y  &  deux  autres  racines 
imaginaires  qui  font  celles  de  ïéquation 
u  u-\-b  u-\-b  b=o ,  comme  on  l'a  vu  au 
mot  Cas  irréductible.  Ces  deux  racines 
imaginaires ,  dira-t-on  ,  paroiffent  ici  bien 
inutiles.  Je  répons  que  ces  deux  imaginaires 
ne  font  point  de  trop  ;  elles  indiquent  que 
s'il  y  avoit  une  quantité  u  y  telle  que  u  u 
-+-  b  u  -\-  b  b  pût  être  égal  à  zéro  ,  le  cube 
de  cette  quantité  u  feroit  égal  à  b1.  Voilà , 
ce  me  femble ,  tout  ce  qui  regarde  les  ra- 
cines des  équations  fuffifamment  éclairci  ; 
paffons  à  d'autres  obfervations. 

Il  y  a  quelques  remarques  à  faire  fur  la 
manière  dont  on  réfout  ordinairement  les 

équations  du  fécond  degré  :  foit  x  x p  x 

e==  q  y  on  en  conclud  tout  de  fuite  x  — — 

\z==z-^rVp-~-\-q;  mais,  dira-t-on, 
pourquoi  fait- on  x  —  \  pofitif  égal  à  la 

quantité  négative  —  4  ■+"  S  ?  H  e^ 
bien  vrai  que  deux  carrés  égaux  donnent 
des  racines  égales;  mais  ce  doit  être  des 
racines  de  même  fîgne  :  cela  eft  évident  ; 
car  de  ce  que  4  =  4,  en  conclurait -on 

que  2  =  —  2  ?    D'ailleurs ,  f  —  x   eft 

aufli-bien  que  x  —  7  la  racine  de  x  x  — 

pi  +  j)  on  devroit   donc  avoir  +  x 

±  £  —  T  Vti-\*q-  Je  réponds,  i°.  que 
cette  dernière  équation  donne  les  quatre 

■p 


fuivantes  x  -— 


p  Vp  p 


|  —  x  =  ^p-£  4-  q  :  or ,   les  deux  der- 


EQ  U 

nieres  font  évidemment  les  mêmes  que  les 
deux  premières  ;  il  fuffit  donc  de  prendre 
le  double  figne  dt  dans  un  des  membres , 
&  non  dans  les  deux  à  la  fois.  2°.  J'aime- 
rois  mieux  réToudre  Ye'quation  en  raifon- 
nant  de  cette  forte.  La  racine  carrée  de 

x  x p  x  -\-  T~iç  efl  x  r  •>  fi  x  ^>  "T  > 

&  r x >  fi  x  <C  I  •  dans  le  premier 


cas ,  on  a  x 


•  r  :==  r  —  ■+■  q;  dans 
le  fécond ,  on  a  L x  ==  Vp-I  -l_  q  :  ce 

font  ces  deux  cas  très-diftinôs  &  très-clai- 
rement énoncés  de  cette  manière ,  qu'on 
énonce  tous  les  deux  enfemble  implicite- 
ment, &  fi  je  l'ofe  dire ,  obfcurément ,  en 


écrivant  x 


£=±^+*.Les  in- 


venteurs de  l'Algèbre  ont  imaginé  cette 
exprefîion  pour  abréger  ;  &  cette  expref- 
fion  commode  rend  la  métaphyfique  plus 
obfcure.  Voye\  fur  cela  ce  qui  a  été  dit 
au  mot  ÉLÉMENS  DES  SCIENCES. 

Si  on  avoit  x  x-\~p  x=q  >  alors  on 
trouveroit ,  en  fuivant  le  raifonnement  pré- 
cédent, x  -\~  ~  =  *tf  -\~  q;  ce  qui  ne 
donneroit  que  la  racine  pofitive  ;  à  l'égard 
de  la  racine  négative  ou  faufïè  ,  on  n'en 
a  que  faire  ,  puifqu'elle  ne  réfout  pas  le 
problème  ;  cependant  on  auroit  cette  ra- 
cine, fi  on  vouloir,  en  changeant  l'énoncé 
de  la  queftion  fuivant  les  règles  données 
ci-deiTus  ;  ce  qui  donneroit  x  x p  x=q 


kl 


OU  X 


p Vp  p    i 


On  voit  donc  que  par  cette  manière  que 
je  propofe  de  réfoudre  les  équations  du 
fécond  degré  ,  on  fépareroit  les  racines 
pofitives  néceffaires  d'avec  les  inutiles  ,  les 
vraies  d'avec  les  faufles ,  ùc.  cette  mé- 
thode s'appliqueroit  aux  autres  degrés ,  fi 
on  avoit  une  règle  générale  pour  réfoudre 
toute  équation  :  mais  la  règle  dont  il  s'agit 
eft  encore  à  trouver. 

J'ai  donne  au  mot  Cas  IRRÉDUCTIBLE 
une  théorie  fuffifante  &  neuve  prefque  à 
tous  égards  de  la  réfolution  des  équations 
du  troifieme  degré  ,  j'y  renvoie  le  ledeur. 
Je  n'y  ai  fuppofé  qu'une  propofition ,  c'eft 
que  fl  le  fécond  terme  d'une  équation  du 


E  Q  U  815 

troifieme  degré  eft  nul,  &  que  les  trois 
racines  foient  réelles  ,  le  troifieme  terme  a 

toujours  le  figne .  La  queftion  fe  réduit 

à  prouver  que  fi  a-\- b -y-c  =  o,  a,  b,  c 
étant  de  tel  figne  qu'on  voudra ,  &  réelles , 
(voyei  Coefficient),  on  zuraab-{~a  c 

-\-b  c  négative  ,  c'eft -à-dire  , a  a ■ 

a  c c  c  négative ,  ce  qui  eft  évident  ; 

donc  fi  le  troifieme  terme  eft  pofitif,  il  y  a 
deux  racines  imaginaires.  Paiîbns  au  qua- 
trième degré. 

Soit  x4-\-q  xz  -f-  r  x  -\-  s  =  o ,  une 
équation  à  réfoudre  ,  on  fuppofe  qu'elle  foit 
le  produit  de  x  x  -\-y  x  -j-  \  =  o ,  &  x  x 
y  x~\~  u  ===  o  i  &  on  trouve ,  en  mul- 
tipliant ces  deux  équations  Vune  par  l'autre , 
&  comparant  le  produit  terme  à  terme  avec 
la  propofée,  les  équations  fuivantes  : 
7 qy+y*  —  r 


qy 


,i  — 


iy 

isy 


OU 


*y  qy+y*  -i-r1 

y6  +  *qy*  +qzyl  —  rr  =  o. 

l        qy+yi — f        z         1     "^  »j* 

L' 'équation y *,  &c.  =====0  ,  étant  du  fixieme 
degré  a  fix  racines;  &  les  équations  x  x-\- 

y  *  +  ?  =  °>  xx y  x>\-u  =  o,  en 

donnant  chacune  deux  pour  chaque  valeur 
de  j'y  voilà  donc,  dira-t-on  ,  vingt- quatre 
racines ,  quoique ,  fuivant  la  théorie  con- 
nue ,  V équation  a:4,  &c.  ne  doive  avoir  que 
quatre  racines  poflïbles.  Je  vais  montrer 
que  ces  vingt-quatre  racines  fe  réduifent  à 
quatre. 

i°.  Dans  V  équation  y6 ,  &c.  ==0,  où 
tous   les   termes   pairs    marquent ,    il  eft 

I  évident  que  chaque  racine  pofitive  a  fa 
pareille  négative.  Cela  eft  évident  ;  car 
faifanry  y  =  %  ,  V équation  eft  du  troifieme 
degré.  Voye\  Abaissement.  Or,  foient 
A  y  B  3  C,  les  valeurs  de  1  }  on  aura  donc 

yy  =  A;  doncj  =  4-  V  A,y=  — 
\/  A  :  de  même  y  =  «g  \/  B  ,  y  =z 
±  |/  C.  Cela  pofé. 

Soit  a  une  des  valeurs  de  yy a  en  fera 

une  autre  ;  &  X équation  x  x  -j-/  x  •+■  \ 
donnera 


S  i<5 


E  QU 


E  Q  U 


r  +  TT^  —  o. 
Inéquation  x  x y  x  +  u  y  donnera 

a:  x-J-d  x  +  r  -V"  V  — ■  r*  ===  o. 

Ces  deux  dernières  équations  reviennent 
au  même  que  les  deux  précédentes  ;  donc 
voilà  déjà  quatre  équations  réduites  à  deux , 
&  vingt-quatre  à  douze. 

Je  dis  maintenant  que  xx  +  ax-^j-^- 
^-  -\-  ~  ,  donnera  les  mêmes  racines  que 
x  x  +  b  x -^•q- -\- —  ~t-  r~hy  en  fuppofant 
-|-  b  y  b  deux  autres  racines  de  X équa- 
tion y  b-\*z  q  y*  ,  &c.  =  o.    Car  foit 

y  y aa,  y  y b  b,  y  y ce,  les 

trois  racines ,  on  aura  2  q  = a  a 

b  b c  cy  r=.  abc;  &  les  deux  équations 

précédentes  deviendront  x  x  +  a  x  ■ 

bx —  -T— ~  ±—=o,  dont 

les  racines  font  aifées  à  trouver  ,  &  font 
les  mêmes.  On  trouvera  de  même  que  x  x 

a  ti     \     c  c  b  b  y  ' 

+  a  —"T  — —  +  a  b  =°> 

donne  encore  les  mêmes  racines  ;  donc  en 
général  les  douze  racines  fe  réduifent  à 
quatre ,  &  ces  quatre  feront 

a       l       b -C 

—~  r  i       i     • 
-  r  +  '-=Fr« 

+  1  +  '-^- 

Car  il  faut  remarquer  que  le  figne de 

-~  répond  à  -\»axy  &  que  le  ligne  -\* 
répond  à  — •  a  x  ;  il  ne  faut  pas  prendre 

*\~a  a;  avec  -^-3  c  y  ni a  a;  avec b  c. 

Si  on  fait  quatre  équations  fimples  des 
quatre  valeurs  précédentes  de  ï,  on 
formera  par  le  produit  une  équation  du 
quatrième  degré  qui  fera  la  même  que  la 
propofée ,  en  mettant  pour  q  y  s,  r9  leurs 


valeurs 


a-abb- 


7-l 
4 


aa  bb-aa  ec-hb  ce 


&  abc.  Ainfi  tout  s'accorde  parfaitement , 
comme  on  le  voir.  Il  y  a  quelques  auteurs 
qui  ont  traité  ce  dernier  article  des  équations 
du  ^  quatrième  degré  avec  aflèz  de  foin  ; 
mais ,  ce  me  femble ,  d'une  manière  moins 
fimple  que  nous  ne  venons  de  faire. 

En  réfolvant  d'une  certaine  façon  quelr 
ques  équations  du  quatrième  degré  ,  on 
tomberoit  dans  un  inconvénient  fembla- 
ble  à  celui  du  cas  irréductible  ,  c'eft-à- 
dire  ,  qu'on  trouveroit  des  quantités  réelles 
fous  une  forme  imaginaire.  Soit  ,  par 
exemple,  a:4 — a4=o,  on  a  deux  raci- 
nes réelles  x  =  a  ,  x  =  —  a  ,  &  deux 

autres  imaginaires  x  =  y- 


aa 


V- 


aa;  cependant  fi  on  fuppofoit 
que  Y  équation  x4  —  a4  =  o ,  fût  venue 
de  ces  deux-ci  x  x-\-p  x  -\-q,  x  x  —  p  x 
-\-q,  on  trouveroit  2  #—  />p=o,  q  q 
==  —  a*  :  ainfi  on  auroit  pour  les  deux 
équations  y  dont  la  multiplication  produic 
x4  —  <24  y  ces  deux-ci  : 


xx±_xV-\-i.y  __  a+±_\/ZIÏÏ^=o9 

xxTxY  —  i  \/-ZIa~+±_y--a+=o; 

équations  dH on  l'on  ne  tirera  que  des  valeurs 
de  x  fous  une  forme  imaginaire  ;  néanmoins 
de  ces  différentes  valeurs  une  fera  =  a  , 
&  une  autre  =  —  a.  Voye%  fur  cela  Y  art. 
IMAGINAIRE.  Voye\  aujji  les  Mémoires 
de  VAcad.  de  Berlin  y  1 746° y  &  Vouvrage 
cité  de  M.  de  Bougainville. 

Il  eft  aifé  de  voir  par  tout  ce  qui  a  été 
dit ,  qu'il  n'y  a  jufqu'à  préfent  que  les 
équations  du  fécond  degré  dont  on  ait  une 
folutien  complète  ;  car ,  i°.  les  équations 
du  troifieme  degré  tombent  fouvent  dans 
le  cas  irréductible  ;  20.  fi  une  équation  du 
troifieme  degré  a  une  racine  réelle  &  com- 
menfurable  ,  cette  racine  commenfurable 
fe  préfente  fous  une  forme  incommenfu- 
rable  ;  &  il  faut  du  travail  pour  la  dégager 
de  cette  forme.  V.  Racine  &  Extrac- 
tion. 30.  Les  équations  du  quatrième  de- 
gré fe  réduifent ,  comme  on  vient  de  le 

voir 


EQU 

Voir  au  troisième  ,  &  font  par  confequent 
fujettes  aux  mêmes  inconvéniens. 

Lorfqu'une  équation  du  troifieme  degré 
*  une  racine  commenfurable  ,  le  plus  court 
moyen  de  la  déterminer  eft  d'efîàyer  tous 
les  divifeurs  du  dernier  terme  ;  M.  New- 
ton ,  dans  fon  arithmétique  univcrfelle  y  a 
donné  une  méthode  pour  abréger  confidé- 
rabl  ment  cet  effai.  Nous  ne  dirons  rien 
de  cette  méthode  ,  qui  a  été  fuffifamment 
expliquée  &  développée  par  MM.  Grave- 
fande  &  Clairaut ,  dans  leurs  élémens 
d'algèbre. 

Patte  le  quatrième  degré ,  on  n'a  plus 
de  méthode  ,  même  imparfaite  &  tron- 
quée ,  pour  réfoudre  les  équations.  Si  la 
racine  eft  réelle ,  il  faut  efTayer  les  divifeurs 
du  dernier  terme  ;  fi  elle  eft  incommen- 
furable  ,  il  faut  tâcher  de  connoître  à  peu 
près  cette  racine  en  nombres  entiers ,  & 
fe  fervir  enfuite  de  la  méthode  expliquée 
au/nor  Approximation,  pour  approcher 
de  plus  en  plus  de  la  vraie  chaleur.  La  dif- 
ficulté eft  d'avoir  d'abord  la  racine  cher- 
chée exprimée  à  peu  près  en  nombres  en- 
tiers ou  rompus  ;  on  n'a  point  de  méthode 
générale  pour  cela  ;  on  n'a  que  des  tenta- 
tives &  des  eftâis  ;  la  méthode  des  cafeades , 
expliquée  à  l'article  CASCADE  ,  eft  três- 
iimitée,  &  par  confequent  très-fàutive. 
Cette  méthode  fuppofe  ,  i°.  que  la  pro- 
pofée,  ait  toutes  ks  racines  réelles;  x°.  que 
Véquationdu  maximum  des  y  ait  auffi  toutes 
fes  racines  réelles  ;  30.  que  l'on  puifle  con- 
noître toutes  les  racines  de  cette  dernière 
équation  du  maximum  y  ou  du  moins  qu'on 
le  puifTe  connoître  à  peu  prés  ;  ce  qui  re- 
vient à  la  même  difficulté. 

Si  on  trouve  deux  quantités  a  y  b  y  peu 
différentes  l'une  de  l'autre ,  qui  étant  fùbf- 
tituées  à  la  place  de  x  dans  une  équation  y 
donnent  l'une  un  réfultat  pofitif ,  l'autre 
un  réfultat  négatif ,  il  s'enfuit  que  la  valeur 
qui  donne  le  réfultat  =  0  ,  &  qui  eft  la 
vraie  racine  de  Y  équation,  fera  entre  a  &  b. 
En  effet ,  conftruifons  une  courbe  de  genre 
parabolique ,  nous  verrons  clairement  que 
fi  une  valeur  de  x  donne  l'ordonnée  pofi- 
tive  ,  &  qu'une  autre  valeur  de  x  donne 
l'ordonnée  négative  ,  la  valeur  de  x  qui 
donnera  l'ordonnée  =  o  ,  fera  entre  ces 
deux -là  :  mais  il  n'en  faut  pas  conclure 
Tome  XII. 


EQU  817 

que  11  on  diminue  ,  ou  qu  on  augmente 
tant  foit  peu  cette  valeur  de  x  y  qui  donne 
le  réfultat  =0  ,  on  aura  deux  réiultats  de 
fïgne  différent  ;  car  il  eft  évident  qu'une 
courbe  parabolique  peut  atteindre  fon  axe 
fans  le  couper,  mais  en  le  touchant  feu- 
lement ;  &  en  général  pour  qu'une  quan- 
tité parle  pour  le  zéro  ,  il  n'eft  point  né- 
ceftàire  que  les  deux  états  voifins  de  cette 
quantité  ,  l'un  avant  ,  l'autre  après  l'éga- 
lité à  zéro  ,  foient  des  états  oppofés.  Cela 
eft  clair  par  les  tangentes  parallèles  au  dia- 
mètre du  cercle  ,  où  l'ordonnée  pofitive 
devient  zéro ,  &  redevient  enfuite  pofi- 
tive ,  &  par  une  infinité  d'autres  cas  fem- 
blables. 

Dans  les  mémoires  de  V académie  des 
Sciences  pour  Cannée  ZJ47>  PaS-  f&S>°* 
trouve  un  favant  mémoire  de  M.  Fontaine 
fur  la  ré£o\utiot\  des  équations.  L'auteur  an- 
nonce qu'il  donne  ce  mémoire  pour  l'ana- 
lyfe  en  entier y  telle  qu'on  la  cherche y  dit-il , 
Jî  inutilement  depuis  l'origine  de  l'algèbre. 

Il  fe  propofe  en  effet  de  donner ,  dans 
cet  ouvrage  ,  des  règles  pour  déterminer  , 
dans  une  équation  quelconque  propofée , 
i°.  la  nature  &  le  nombre  des  racines  ; 
c'eft-â-dire,  fi  elles  font  réelles,  égales  ou 
inégales ,  toutes  pofttives ,  toutes  négati- 
ves ,  ou  en  partie  pofitives  &  négatives, 
ou  enfin  imaginaires  en  tout  ou  en  partie. 
L'auteur  fuppofe  ,  dans  cet  ouvrage ,  la 
vérité  d'un  théorème  que  j'ai  démontré  le 
premier  ,  &  dont  il  a  déjà  été  fait  mention 
plus  haut  ;  favoir  ,  que  toute  racine  ima- 
ginaire d'une  équation  peut  toujours  être 

exprimée  par  a-\-b\/  —  1,  a  &  b  étanc 
deux  quantités  réelles,  &  qu'il  y  a  en  ce 
cas  encore  une  autre  racine  exprimée  par 

a— b  y  —  r.  Nous  n'entrerons  point  ici 
dans  le  détail  de  la  méthode  donné  par 
M.  Fontaine  ;  elle  eft  fi  bien  expliquée 
dans  le  mémoire  cité ,  &  préfentée  avec  tant 
de  précifion  ,  que  nous  ne  pourrions  abfolu- 
ment  que  la  tranferire  ici  ;  nous  y  renvoyons 
donc  le  ledeur.  Nous,  ferons  feulement 
les  remarques  fuivantes ,  dans  lefquelles 
nous  fuppoferons  qu'il  ait  le  mémoire  fous 
les  yeux. 

i°.  La  quantité  ou  fonction  formée  des 
coefficiens,  m  y  n  ,  p  y  b.c.  (qui  eft  égale  à 

L1I1I 


8i8  EQU 

zéro  dans  certains  cas,  plus  grande  que  zéro 
dans  d'autres ,  &  plus  petite  dans  d'autres  ) 
fe  trouve  ,  en  faifant  égales  entr'elles ,  quel- 
ques quantités  parmi  les  racines  deYéquation; 
car  il  y  a  toujours  autant  de  quantités  a,  by  cy 
d>  &c.  dans  les  racines  de  Y  équation  y  qu'il 
y  a  de  coefficiens  m>  nyp,  q,  &c.  on  a  donc 
autant  adéquations  entrer,  b ,c }  d ,  &c. 
&  m  ,  n  ,  p  ,  q  ,  &c.  qu'il  y  a  de  coef- 
ficiens m  ,  n  ,  p ,  q;  &  on  ne  peut  arriver 
à  une  quantité  ou  équation  finale,  de  la- 
quelle a  ,b  ,  c  y  d ,  &c.  aient  difparu  ,  que 
dans  le  cas  où  quelques-unes  des  quancités 
a  y  b  ,  c  y  d  y  &c.  feront  égales  ;  autrement , 
après  toutes  les  opérations  ordinaires  des- 
tinées à  faire  évanouir  les  inconnues  a  y  by 
c  y  dy  (  voye\  ÉVANOUIR)  &c.  il 
en  refteroit  toujours  une,  puifqu'il  y  au- 
roit  autant  adéquations  que  d'inconnues. 
Prenons  ,  par  exemple  ,  un  des  cas  que 
M.  Fontaine  a  propofés,  x1—- 3  x-\-i=o, 
ou  xx  -—-  m  x  -\-  n  ■=  o  ;  on  trouve  que 
(  x — a  )  (  x—b  )  ou  ( x — a+b }/—i  ) 
(  *— d— £)/— 1  )  ou  (jc— b-\~a  */— 1) 
(x — 3— '.ay  —  1)  peuvent  être  les  trois 
fyftêmes  des  fadeurs  de  cette  formule. 
Or  ,  pour  que  les  deux  premiers  fyftêmes  de 
fadeurs  deviennent  les  mêmes ,  il  faut  que 
dans  le  premier  fyftême  b  =  a  y  &  que 
dans  le  fécond  b=o;  d'où  Ton  tire  xx 
-<— 2  a  x-\-aa  =  x  x  —  m  x  -|-  n  ;  donc 
m  =  1  a ,  n  =.  a  a  =  ^  ;  donc  dans  le 
cas  de  a  =  b  yonamm  —  4  /z  =  o.  Main- 
tenant pour  que  le  fécond  &  le  troifieme 
fyftêmes  de  fadeurs  deviennent  le  même  , 
il  faut  que  b  =  a  dans  les  deux  fyfrêmes , 
ainfi  on  aura  x  x  —  la  x-\*aa-\-aa=o; 

donc  m  ■-=■  2  a,  n  =.  iaa  =  ^^-y  donc 

4 

mm — 2»  =  o;  ainfi  mm — 40  &  mm  — 
2  n  font  les  deux  quantités  égales ,.  plus 
grandes  ou  plus  petites  que  zéro  ,  qui  doi- 
vent déterminer  ici  les  racines  égales,  ou 
les  racines  réelles,  ou  les  racines  imagi- 
naires ,  &  de  plus  le  figne  &  la  forme  des 
racines. 

20.  On  voit  afîez  par  la  nature  de  la 
méthode  de  M.  Fontaine-,  qu'un  fyftême 
de  fadeurs  étant  donné  dins  le  fécond  , 
ç>u  même  dans  le  troisième  degré  ,  on 
trouvera  fa,  nature  de  la  formule  d' équation 


EQU 

qui  en  réfuïte  ,  c'eft  -  à  -  dire ,  le  figne  de 
chaque  coefficient  de  cette  formule  ;  mais 
on  ne  voit  pas  ,  ce  me  femble  ,  avec  la 
même  clarté  comment  on  déterminera  la 
formule  qui  réfulte  d'un  fyftême  de  fac- 
teurs dans  les  équations  plus  compofées 
que  le  troifieme  degré  ;  ni  s'il  fera  toujours 
pofïîble  d'affigner  exadement  toutes  les 
formules  qui  réfultent  d'un  même  fyftême 
de  fadeurs,  en  cas  que  ce  fyftême  puifte 
produire  plufieurs  formules.  î!  feroit  à  fou? 
haiter  que  ceux  qui  travailleront  dans  la 
fuite  d'après  la  méthode  de  M.  Fontaine  % 
s'appliquafïent  à  développer  ce  dernier 
objet. 

3°.  M.  Fontaine  fuppofe  que  la  quantité 
qui  eft  =  o  dans  h  cas  de  la  coïncidence 
de  deux  fyftêmes  de  fadeurs ,  eft  néceilài- 
rement  plus  grande  que  zéro  pour  l'un  de 
ces  fyftêmes  de  fadeurs ,  &  plus  petke 
pour  l'autre.  Il  eft  vrai  qu'il  arrive  le  plus 
fouvent  qu'une  quantité ,  égale  à  zéro  dans 
Phypothefe  de  deux  quantités  qui  coïn- 
cident ,  eft  pofitive  &  négative  dans  les. 
deux  cas  immédiatement  voifins  ;  mais 
cela  n'arrive  pas  toujours.  Par  exemple, 
lorfqu'une  courbe  de  genre  parabolique 
touche  fon  axe  ,  &  que  par  conféquent 
l'abfcifTe  x  répondante  à  l'ordonnée y=o, 
a  deux  racines  égales ,  il  arrive  fouvenc 
qu'en  faifant  x  plus  grande  ou  plus  petite 
qu'une  de  ces  racines ,  on  aj  pofitive  dans 
les  deux  cas.  Ce  n'eft  pas  tout.  Il  pour- 
rait arriver  que  dans  les  cas  infiniment  voi- 
fins ,  ou  extrêmement  voifins  de  celui  qui 
a  donné  l'égalité  à  zéro  ,  la  quantité  formée 
àe  m  y  n  yp  y  q  y  &c.  fût  plus  grande  que 
zéro  pour  un  de  ces  cas  ,  &  plus  petite  pour 
l'autre  ;  mais  eft  il  bien  certain  que  dans  les 
cas  qui  ne  feront  pas  fort  voifins  de  celui 
qui  a  donné  l'égalité  à  zéro  ,  il  y  en  aura 
toujours  un  qui  donnera  la  fondion  >o, 
&  que  l'autre  donnera  la  meml  fondion; 
<^  o.'  Une  courbe  qui  coupe  fon  axe  ea 
un  point ,  a  près  de  ce  point  en  deffus  & 
en  défions  des  ordonnées  de  difFérens 
fignes  ;  mais  il  eft  très-poffibîe  que  toutes 
les  ordonnées  au  deffus  &  au  dcffous  ne 
foientpasnécefTairemônt  de  difFérens  fignes, 
parce  que  la  courbe  peut  encore  couper 
fon  axe  ailleurs.  M.  Fontaine  dit  que  s'il 
y  a  plufieurs  fondions =0  ,  il  fera  toujours 


E  QU 

facile  de  reconnoître  laquelle  de  ces 
fondions  eft  toujours  plus  grande  que 
zéro  dans  l'un  des  deux  fyftêmes  .  & 
toujours  moindre  dans  l'autre  ;  il  fem- 
ble que  ,  fuivant  fon  principe  ,  dès  qu'une 
fonction  eft  égale  à  zéro  dans  le  cas  de 
la  coïncidence  de  deux  fyftêmes  de  fac- 
teurs ,  elle  eft  toujours  plus  grande  que 
zéro  dans  un  de  ces  fyftêmes ,  &  moindre 
dans  l'autre.  S'il  y  a  des  cas  où  cela  puiffe 
n'avoir  pas  lieu  (  comme  M.  Fontaine 
femble  l'infmuer  )  ,  pourquoi ,  dira-t-on, 
n'arriveroit  -  il  pas  quelquefois  que  cela 
n'auroit  lieu   dans  aucun   cas  ? 

Enfin  ,  M.  Fontaine  détermine  par  le 
calcul  d'un  feul  cas  numérique  particulier 
d'un  des  deux  fyftêmes ,  celui  où  la  fonc- 
tion eft  >o  ,  &  celui  où  la  fbnéHon  eft 
plus  petite.  Cela  peut  être  encore  fujet  à 
difficulté  ;  car  cela  fuppofe  que  la  formule 
eft  toujours  ^>  o  dans  un  des  cas ,  &  tou- 
jours <Co  dans  l'autre.  Or  ,  dira-t-on  ,  ne 
pourroit-il  pas  arriver  que  la  formule  fût, 
à  la  vérité,  toujours  >  ou  <1  o  ,  dans  les 
deux  cas  pris  enfemble  ;  mais  qu'après 
avoir  été  plus  grande  que  zéro  dans  l'un 
de  ces  cas  ,  jufqu'à  une  certaine  valeur  des 
quantités  a  ,  b  ,  c  ,  à  ,  &c.  &  plus  petite 
dans  l'autre  cas ,  elle  devînt  enfuite  plus 
petite  que  zéro  dans  *le  premier  cas  ,  & 
plus  grande  dans  le  fécond? 

Nous  ne  prétendons  point ,  par  ces  dif- 
ficultés ,  attaquer ,  ni  encore  moins  ren- 
verfer  la  méthode  de  M.  Fontaine  ;  elle 
nous  paroît  pleine  de  fagacité  &  de  fmefiè  , 
&  digne  de  toute  l'attention  des  favans  ; 
nous  la  regardons  comme  une  nouvelle 
preuve  du  génie  fupérieur  que  l'auteur  a 
déjà  montré  dans  d'autres  ouvrages  (  poye^ 
Intégral  &  Tautochrone)  ;  nous 
dèfïrons  feulement  que  M.  Fontaine  trouve 
ces  difficultés  aftèz  capables  d'arrêter  les 
géomètres  ,  pour  daigner  les  lever  entiè- 
rement dans  un  autre  écrit ,  &  mettre  fa 
méthode  à  l'abri  même  de  route  chi- 
cane. Afin  de  l'y  engager  ,  voici  à  quoi 
nous  réduifons  la  queftion.  La  formule 
eft  ==0  dans  le  cas  de  l'égalité  de  certaines 
racines  ;  foit  cette  formule  appellée  P. 
Suppofons  maintenant  les  racines  inégales  , 
en  forte  que  2  t  foit  leur  différence  (  c'eft- 
à-dire  ,  que  -fc- t  doive  être  ajouté  à  l'une  , 


E  Q  U  %\i) 

&  —  t  à  l'autre)  ;  en  ce  cas  la  formule 
deviendra  P  4-i?  1 4-  S  1 1  +  Q t\  &c. 
R  y  S  >  Q  y  défignant  des  quantités  con- 
nues :  or,  pour  que  la  méthode  de  M.  Fon- 
taine ait  Heu  dans  tous  les  cas,  il  faut, 
que  R  ne  foit  jamais  ±±z  o  ,  ou   du 


moins  que  fi  R  =0  ,  S  le  foit  auffi ,  en  un 
mot  que  t  fe  trouve  toujours  à  une  puif- 
fance  impaire  dans  le  premier  des  coeffi- 
ciens  ;  autrement  t  éczr\t  fuppofé  très-petit , 
les  deux  formules  feroient  l'une  &  l'autre 
>ou<o;  t  étant  pofitif,  ou  négatif: 
2°.  qu'en  fuppofant  t  pofitif,  R  t-\-  S  tt+ 
Q  r3,  &c.  foit  toujours  du  même  figne  ,  t 
ayant  telle  valeur  qu'on  voudra:  30!  qu'en 
fuppofant  t  négatif  jR  t-\-S  tt  -f-  Q  r3 ,  &c. 
foit  toujours  de  figne  contraire  au  précé- 
dent ,  t  ayant  telle  valeur  qu'on  voudra. 
Ces  trois  propositions  démontrées  ,  il  ne 
reftera  plus  de  doute  fur  la  généralité  &  la 
certitude  de  la  méthode  propofée  par 
M.  Fontaine. 

Il  feroit  encore  à  fouhaiter  que  l'auteur 
donnât  une  démonftration  de  la  méthode 
qu'il  propofe ,  pour  approcher ,  aufïï  près 
qu'on  veut ,  des  racines  des  équations  ;  il 
femble  fuppofer  encore  dans  l'expofe  de 
cette  méthode  ,  que  quand  une  certaine 
valeur  de  <?>  rend  ===  o  une  quantité  ou 
fonction  de  <P  ,  deux  autres  valeurs  de  <P , 
l'une  plus  grande ,  l'autre  plus  petite  ,  don- 
neront l'une  moins  ou  plus  que  zéro ,  l'autre 
plus  ou  moins  que  zéro.  Cela  n'eft  pas  vrai 
en  général ,  mais  cela  pourroit  l'être  dans  le 
cas  particulier  de  M.  Fontaine  ;  &  c'eft  ce 
qu'il  feroit  bon  de  prouver.  Voye\  V article 
Racine. 

Il  nous  refte  à  faire  quelques  réflexions 
fur  les    équations  appliquées  à  la  géomé- 
trie. Nous  avons  indiqué  au  mot  DÉCOU- 
VERTE ,  par  quel  raifonnement  Defcartes 
eft  parvenu  à  appliquer  les  équat-'ons  indé- 
terminées aux  courbes  ;  les  mots  Courbe, 
Différentiel,  Tangente,  &c.  & 
autres  fembîables ,  font  voir  en  dérail  les 
applications  &  les  conféquences  de  ce  prin- 
cipe. On  a  vu    au/Ii  au  mot  CONSTRUC- 
TION ,  comment  on  conftruit  les  équations 
!  par  la  géométrie.  Il  ne  nous  refte  ici  qu'un 
!  mot  à  dire  fur  la  multiplicité  des  racines 
!  des  équations  en  géométrie.  Les  obferva- 
'  tions  que  nous  avons  à  faire  fur  ce  fujet 

LIII1  2 


8io  EQU 

font  une  fuite  de  celles  que  nous  avons  déjà 
faites  fur  les  racines  mukiples  des  équations 
algébriques. 

Suppofons  ,  par  exemple  ,  qu'on  pro- 
pofe  de  divifer  une  ligne  a  en  moyenne 
&  extrême  raifon  ,  nommant  x  la  partie 
cherchée  de  cette  ligne  ,  ou  aura  a  :  x  :  : 
x:a—~ x'y  d'où  l'on  tire  xx-^-ax=aa;  & 

y —  —  t  _L_  y  ~  :   la  racine  négative 

de  cette  équation  ne  fauroit  fervir  ici  „mais 
elle  ferviroit  à  la  folution  de  ce  problême  : 
trouver  dans  le  prolongement  de  la  ligne 
donnée  a  une  ligne  x  >  telle  que  #  :  x  :  :  x  : 
a-\-x  ;  dans  ce  cas  la  racine  négative  devient 
pofitive  ,  &  la  pofitive  négative  ;  &  V équa- 
tion eft  xx—  ax  =aa. 

Si  on  propofe  de  tirer  du  point  A  une 
ligne  A  E  (fig.  il  d'algèbre )  dans  un 
cercle ,  telle  que  B  O  étant  perpendicu- 
laire au  diamètre  A  D  ,  &  donnée  de  po- 
fition  ,  on  ait  FE=à  une  ligne  donnée  a  y 
©n  aura  en  nommant  B  F  y  x  y  une  équa- 
tion du  quatrième  degré  qui  n'aura  ni 
fécond  ,.  ni  quatrième  terme  ;  cette  équa- 
tion aura  deux  racines  pofitives  B  Ffk  Bj y 
telles  que  F  E  d'une  part ,  &fe  de  l'au- 
tre ,  feront  égales  â  a  ;  &  deux  autres 
racines  égales  aux  deux  précédentes  &  de 
lignes  contraires ,  parce  qu'en  achevant  le 
cercle  ,  &  prolongeant  O  B  en  defîbus , 
le  problême  aura  deux  folutions  pareilles  ; 
fi  a  étoit  plus  grand  que  B  D  y  les  racines 
feroient  imaginaires. 

Si  on  nommoit  A  F,  B  O.y  b  ,  AC  ,  r  , 
AB  y  c  y  on  auroit££ —  xx-\-cc=ax 
ou  2  rct=  x  x  -y-  ax;  la  racine  pofitive 
eft  A  F y  &  la  négative^/,  parce  que 
cette  racine  négative ,  fi  on  la  traitoit 
comme  pofitive  ,  donneroit  a  x=Bfz — 
B  Ox=xx — b  b —  c  c  =  x  x  -—  2  r  c  y 
&  non  pas  ax  =  B  Cz  =  B  F\  Voilà  un 
cas  où  deux  racines  de  différens  fignes 
n'indiquent  pas  des  pofitions  diamétrale- 
ment oppofées  dans  les  lignes  A  F  y  Afy 
qui  repréfentent  ces  racines ,  mais  feule- 
ment le  changement  de  figne  du  fécond 
terme  a  x  dans  V équation  du  problême. 

Dans  ce  dernier  cas ,  c'eft-à-dire  ,  en 
prenant  A  F  pour  l'inconnue  ,  l'équation 
n'eft  que  du  fécond  degré  ,  au  lieu  qu'en 
prenant  B  F  pour  inconnue ,  elle  monte 


EQU 

au  quatrième  ;  d'où  l'on  voit  comment ,  par 
le  bon  choix  des  inconnues  ,  on  peut  fim- 
plifier  un  problême  en  plufieurs  occafions» 
Mais ,  dira-t-on  ,  pourquoi  le  problême 
a  - 1  -  il  quatre  folutions  dans  un  cas  ,  & 
deux  feulement  dans  un  autre  ?  Je  ré- 
ponds que  dans  le  dernier  cas  il  a  auffi 
quatre  folutions  comme  dans  le  premier  ; 
ou  pour  parler  plus  exactement  ,  que  B  F 
a    quatre   valeurs    dans  \qs  deux  cas  ;  car 

BF=-\-  \/ AP — AB*;  ce  qui  donne 

deux  valeurs  égales  de  différens  fignes  pour 
chaque  valeur  de  A  F.  Voyez  encore  d'au- 
tres obfervations  fur  un  problème  de  ce 
genre  à  Y  article  Situation. 

Autre  queftion.  On  propofe  d'infcrire 
dans  un  redangle  donné  AB  D  E  (fig.  1 1  y 
alg.n.z.J  un  redangle  abde,  dont  ks 
côtés  foient  également  éloignés  des  côtés 
du  grand  ,  &  qui  foit  à  ce  grand  redangle 
comme  m  eft  à  n  :  foit  A  B=a}  AD 
=byA  C=x;  on  aura  (a  —  2  x)  X 
(&— 2;r):  ab  :  :  m  :  n  y  &  on  trouvera 
par  la  révolution  de  cette  équation  y  qu'en 
fuppofant  m  <^n  y  x  a  deux  valeurs  réelles 
&  pofitives  ;  cependant  le  problème  n'a 
évidemment  qu'une  folution  ;  mais  il  ren- 
ferme une  condition  que  l'algèbre  ne  peut 
pas  énoncer;  favoir  ,  que  le  -redangle  a  h 
d  e  foit  au  dedans  de  l'autre  :  fi  on  avoir 
ab  :  (2  x  —  a)(zx=b)::n:  m  y  on 
trouveroit  la  même  équatioiiy  &  cependant 
ce  ne  feroit  plus  le  même  problême.  Le 
parallélogramme  redangle  qui  fatisferoit  â 
cette  queftion  ,  feroit  alors  celui  qu'on  voit, 
(fig.  n  yn.  jjy  dans  lequel  AC  eft  égal  à 
la  plus  grande  valeur  pofitive  de  a;,  & 
A  C  =  C  a  ;  le  côté  a  d  eft  éloigné  de 
A  D  comme  le  côté  c  a  de  A  B ,  &  ainfî 
du  refte  ;  mais  le  redangle  abc  <i  n'eft  pas 
au  dedans  de  l'autre  ;  condition  que  l'al- 
gèbre ne  peut  exprimer.  Voye\  SITUA- 
TION. 

Sur  les  équations  différentielles  y  expo- 
nentielles y  &c  voyei  Différentiel  , 
Exposant,  Exton  entiel,  Intégral, 
Construction  ,  &c. 

On  appelle  quelquefois  équation  y  cm 
géométrie  Ù  en  méchanique  y  ce  qui  n'cfl 
qu'une  fimple  proportionnalité  indiquée 
d'une   manière   abrégée  >   par  exemple  % 


E  QU 

quand  on  dit  qu'un  re£tangîe  eft  égal  au 
produit  de  fa  bafe  par  fa  hauteur  ,  cela 
lignifie  explicitement  ;  fî  on  a  deux  rec- 
tangles ,  &  qu'on  prenne  une  quantité 
quelconque  linéaire  a  pour  la  mefure  com- 
mune de  leur  bafe  &  de  leur  hauteur  ; 
que  B  foit  le  nombre  de  fois  (  entier  ou 
rompu  ,  rationnel  ou  irrationnel  )  que  la 
bafe  de  l'un  contient  a  ;  que  H  foit  le 
nombre  de  fois  que  la  hauteur  du  même 
contient  a$  que  b  foit  le  nombre  de  fois  que 
la  bafe  de  l'autre  contient  a;  que  h  foit 
le  nombre  de  fois  que  la  hauteur  du 
même  contient  a  y  les  aires  de  ces  deux 
reâangles  feront  entr'elles  comme  le  pro- 
duit des  nombres ,  B ,  H  ,  efl  au  produit 
des  nombres ,  b  ,  h.  De  même  ,  quand  on 
dit  que  la  vîtefTe  d'un  corps  qui  fe  meut 
uniformément ,  eft  égale  à  J'efpace  divifé 
par  le  temps  ,  cela  veut  dire  explicitement  : 
fi  deux  corps  fe  meuvent  uniformément, 
&  parcourent ,  l'un  Pefpace  E  pendant  le 
temps  T y  l'autre  l'efpace  e  pendant  le 
temps  t  ;  qu'on  prenne  une  ligue  a  pour 
commune  mefure  des  efpaces  E  y  e  &  un 
temps  *  pour  communes  mefures  des  temps 
Ty  ty  les  vîtefles  feront  comme  le  nombre 

~  divifé  par  le  nombre  j ,  eft  au  nombre 

j  divifé  par  le  nombre  y  Voye^  MESURE , 

Vitesse k&c.  (O) 

Équation  d  e  l'horloge  ,  eft  la 
même  chofe  que  Y  équation  du  temps. 
Voyez    l'article  fuivant. 

ÉQUATION  DU  TEMPS,  en  Aflronomie, 
eft  la  différence  entre  le  temps  vrai  ou  ap- 
parent ,  &  le  temps  moyen  ;  c'eft-à-dire  la 
réduction  du  temps  inégal  apparent ,  ou  du 
mouvement  inégal  ,  foit  du  foleil ,  foit 
d'une  planète  ,  à  un  temps  ou  à  un  mou- 
vement moyen  ,  égal  &  uniforme.  Voye^ 
Temps  ù  Mouvement. 

Le  temps  ne  fe  mefure  que  par  le  mou- 
vement ;  &  comme  le  temps  en  lui-même 
coule  toujours  uniformément,  on  fe  fert 
pour  le  mefurer  ,  d'un  mouvement  qu'on 
îuppofe  égal  &  uniforme ,  ou  qui  conferve 
toujours  la  même  vîtefîe. 

Le  mouvement  du  foleil  eft  celui  dont 
on  fe  fert  communément  pour  cela  ,  parce 
que  ce  mouvement  eft  celui  qu'on  ohferve 


E  Q  U  821 

Te  plus  facilement  :  cependant  il  manque  de 
la  principale  qualité  néceftàire pour  mefurer 
le  temps  ,  c'eft-à-dire,  de  l'uniformité. En 
effet ,  les  aftronomes  ont  remarqué  que  le 
mouvement  apparent  du  foleil  n'eft  pas 
toujours  égal  &  uniforme  ;  mais  que  ce 
mouvement  tantôt  s'accélère  ,  tantôt  fe 
ralentit  :  il  ne  peut  donc  fervir  à  mefurer  le 
temps  ,  qui  eft  uniforme  par  fa  nature. 
Voye\  Soleil. 

Ainfî  le  temps  mefure  par  le  mouvement 
du  foleil  ,  &  qu'on  appelle  le  temps  vrai 
ou  apparent  y  eft  différent  du  tems  moyen 
&  uniforme  y  fuivant  lequel  on  mefure  & 
on  calcule  tous  les  raouvemens  des  corps 
céleftes. 

Voici  comme  on  explique  cette  inégalité. 
Le  jour  naturel  ou  folaire  n'eft  pas  propre- 
ment mefure  par  une  révolution  entière  de 
l'équateur ,  ou  par  vingt-quatre  heures  équi- 
noxiales  ,  mais  par  le  temps  qui  s'écoule  , 
tandis  que  le  plan  d'un  méridien  qui  a  paffé 
fous  le  foleil ,  vient  à  y  repafîèr  une  féconde 
fois  par  la  rotation  de  la  terre;  &  ce  temps 
eft  la  diftance  qu'il  y  a  entre  le  midi  d'un 
jour  &  le  midi  du  jour  fuivant.  Voye\ 
Jour  &  Méridien. 

Or  ,  fi  la  terre  n'avoit  point  d'autre  mou- 
vement que  celui  de  fa  rotation  autour  de 
fon axe,  tous  les  jours  feroient  exactement 
égaux  les  uns  aux  autres  ,  &  auroient  tous 
pour  mefure  le  temps  de  la  révolution  de 
l'équateur  :  mais  cela  n'eft  pas  tout  à  fait 
ainfl  ;  car  tandis  que  la  terre  tourne  autour 
de  fon  axe  ,  elle  avance  en  même  temps 
dans  fon  orbite  :  de  forte  que  quand  un 
méridien  qui  a  pafte  fous  le  centre  du  foleil 
a  fait  une  révolution  entière  ,  ce  méridien 
ne  revient  pas  fous  le  foleil  précifément  > 
comme  il  paroît  par  la  figure. 

Soit  S  îe  foleil  (PL  afi.fig.  $0)  &  foit 
AB  une  portion  de  I'écliptique  ;  fuppofùns 
que  la  ligne  MD  repréfente  un  méridien 
quelconque  ,  dont  le  plan  prolongé  parle 
par  le  centre  du  foleil  Iorfque  la  terre  eft 
en  A  ;  imaginons  enfuite  que  la  terre  avance 
dans  fon  orbite  ,  &  qu'en  faifant  une  révo- 
lution autour  de  fon  axe  elle  arrive  en  By  le 
méridien  MD  fe  trouvera  dans  une  po- 
firion  m  ^/ parallèle  à  la  première:  par  con- 
féquentle  méridien  ,  dans  ce  nouvel  état, 
ne   paftèra  pas  parle  centre  du  foleil , .  & 


8i2  Ë  Q  U 

les  peuples  qui  l'habitent  n'auront  point 
encore  midi.  Il  faut  pour  cela  que  le  mé- 
ridien dm  faffe  encore  un  mouvement  an- 
gulaire, &  décrive  l'angle  dB f,  afin  que 
fon  plan  puiffe  paffer  par  le  foleil.  Voye\ 
Terre. 

Delà  il  s'enfuit  que  les  jours  folaires  font 
plus  longs  que  le  temps  d'une  révolution  de 
la  terre  autour  de  fon  axe.. 

Cependant  fi  les  plans  de  tous  les  méri- 
diens étoient  perpendiculaires  au  plan  de 
l'orbite  terreftre  ,  &  que  la  terre  parcourût 
fon  orbite  avec  un  mouvement  uniforme  , 
Pangle  dB  F feroit  égal  à  l'angle  BSA,& 
les  arcs  df  &  A  B  feroient  femblables  :  par 
conféquent  l'intervalle  d'un  midi  à  l'autre 
feroit  toujours  le  même,  puifque  l'arc  AB 
&  l'angle  dB  F  feroient  toujours  de  la 
même  quantité  de  degrés.  Tous  les  jours 
folaires  feroient  donc  égaux  ,  &  le  temps 
moyen  feroit  le  même  que  le  temps 
vrai. 

Mais  les  chofes  font  bien  autrement ,  car 
la  terre  n'a  point  un  mouvement  uniforme 
dans  fon  orbite  ;  elle  décrit ,  lorfqu'elle  eft 
aphélie  ,  un  plus  petit  arc  ,  &  lorfqu'elle  eft 
périhélie  ,  un  plus  grand  arc  dans  le  même 
temps.  Voyt\  plus  bas  EQUATION  DU 
Centre.  D'ailleurs,  les  plans  des  méridiens 
ne  font  point  perpendiculaires  à  Péclipti- 
que  ,  mais  à  l'équateur  ;  &  cette  feule  rai- 
fon  ,  indépendamment  de  l'inégalité  du 
mouvement  de  la  terrre  ,  doit  rendre  les 
jours  inégaux  ;  car  l'écliptique  fait  avec 
l'équateur  un  angle  d'environ  23  degrés  {  : 
&  lion  divife  l'écliptique  en  plusieurs  petits 
arcs  égaux  qui  repréfentent  le  chemin  (  fup- 
pofé  uniforme  )  du  foleil  pendant  chaque 
jour  ,  &  que  parles  pôles  du  monde  &  par 
chacun  des  points  de  divifion  ou  fafïe  paffer 
des  méridiens  céleftes,  les  arcs  de  l'équa- 
teur ,  compris  entre  ces  méridiens  ,  ne  fe- 
ront point  égaux  entr'eux  comme  les  arcs 
de  l'écliptique;  par  conféquent  la  diftance 
entre  le  moment  où  le  foleil  pafîè  par  un 
méridien ,  &  le  moment  du  jour  fuivant 
où  il  retourne  à  ce  même  méridien ,  ne  fera 
pas  le  même  pour  tous  les  jours.  Nous  fubf- 
tiruerons  ici  au  mouvement  réel  de  la  terre, 
le  mouvement  aoparent  du  foleil ,  qui  pro- 
duit le  même  effet ,  &  rend  la  chofe  un  peu 
plus  facile  à  entendre. 


E  Q  U 

Ainfi  en  fuppofant  même  que  le  foleil 
eût  un  mouvement  uniforme  dans  l'éclipti- 
que ,  le  temps  qui  coule  uniformément  ne 
pourroit  être  repréfenté par  la  diftance  entre 
le  midi  d'un  jour  &  le  midi  d'un  autre  ; 
les  aftronomes  ont  donc  été  obligés  d'in- 
venter ,  pour  la  commodité  de  leurs  calculs, 
des  jours  fictifs  ,  tous  égaux  entr'eux  ,  & 
moyens  entre  le  plus  long  &  le  plus  court 
des  jours  inégaux. 

Pour  déterminer  ces  jours ,  on  a  pris 
d'abord  le  nombre  d'heures  de  la  révolution 
totale  du  foleil  dans  l'écliptique ,  &  on  a 
divifé  le  temps  total  en  autant  de  parties 
qu'il  y  a  d'heures  ,  dont  vingt-quatre  com- 
pofenr  un  jour. 

De  plus  ,  comme  nous  ne  connoifïons 
point  dans  la  nature  des  corps  dont  le  mou- 
vement foit  uniforme,  &  que  cependant 
un  tel  mouvement  eft  la  feule  vraie  mefure 
du  temps  ,  on  imagine  un  corps  fictif ,  par 
exemple  ,  une  étoile  qui  fe  meut  uniformé- 
ment dans  l'équateur  d'occident  en  orient, 
&  qui  ,  fans  accélérer  ni  retarder  jamais  fon 
mouvement ,  parcourt  l'équateur  ,  précifé- 
ment  dans  le  même  temps  que  le  foleil  fait 
fa  révolution  dans  l'écliptique  :  le  mouve- 
ment de  cette  étoile  repréfenté  le  temps  égal 
ou  moyen,  &  fon  mouvement  diurne  dans 
l'équateur  eft  de  59'  8",  c'eft-à-dire,  le  même 
que  le  mouvement  moyen  du  foleil  dans 
l'écliptique  :  par  conféquent  le  jour  égal  & 
moyen  fe  détermine  par  l'arrivée  de  cette 
étoile  au  méridien  ,  &  il  eft  égal  au  temps 
que  les  360  degrés  de  la  circonférence  de 
l'équateur  mettent  à  faire  une  révolution 
entière  ,  &  a  $9'  8"  de  plus.  Comme  cette 
addition  de  59'  8"  eft  toujours  la  même, 
les  jours  moyens  font  conftamment  égaux 
entr'eux. 

Puis  donc  que  le  foleil  va  vers  l'orient 
inégalement,  par  rapport  à  l'équateur  ,  il 
arrivera  au  méridien  quelquefois  plutôt  que 
cet  aftre  imaginaire ,  &  quelquefois  plus 
tard  :  delà  vient  la  différence  qu'il  y  a  entre 
le  temps  vrai  &  le  temps  moyen.  On  con- 
noît  cette  différence  quand  on  fait  le  lieu 
de  l'aftre  imaginaire  dans  l'équateur,  &  le 
point  de  l'équateur  oui  vient  au  méridien 
avec  le  foleil  ;  car  l'arc  compris  entr'eux 
étant  converti  en  temps ,  fait  voir  la  diffé- 
rence qu'il  y  a  entre  le   temps  vrai  &  le 


E  Q  U 

temps  moyen  :  c'eft  cette  différence  qu'on 
appelle  équation  du  temps. 

On  peut  donc  définir  Y  équation  du  temps, 
le  temps  qui  s'écoule  tandis  que  l'arc  de 
l'Equateur ,  compris  entre  le  point  qui  dé- 
termine  Pafcenfion  droite  du  foleil  ,  &  le 
lieu  de  l'aftre  imaginaire  ,  paflè  par  le  mé- 
ridien ;  ou  ,  comme  Tycho  l'exp'kjue  ,  & 
après  lui  Street ,  la  différence  emtQ  h  vraie 
longitude  du  foîeil  &  fon  afcenfion  droite. 

Trouver  l'équation  des  jours  folaiies  y 
c'eft-à-dire,  convertir  le  temps  vrai  en  temps 
moyen  ,  &  le  temps  moyen  en  temps  vrai. 
i°.  Si  Pafcenfion  droite  du  foleil  eu  égale 
à  fon  mouvement  moyen ,  le  foleil  imagi- 
naire &  le  vrai  parleront  par  le  méridien 
dans  le  même  temps  ;  &  par  conféquent 
le  temps  vrai  eft  confondu  avec  le  temps 
moyen. 

2°.  Si  Pafcenfion  droite  eft  plus  grande 
que  le  mouvement  moyen ,  il  faut  fouf- 
traire  le  dernier  du  premier  ;  &  changeant 
cette  différence  en  temps  folaire  ,  la  retran- 
cher du  temps  vrai  pour  trouver  le  temps 
moyen  ,  ou  l'ajouter  au  temps  moyen  pour 
trouver  le  temps  vrai. 

3°.  Enfin,  fi  Pafcenfion  droite  eft  moindre 
que  le  mouvement  moyen ,  ôtez  le  premier 
du  dernier  ;  &  changeant  la  différence  en 
temps  folaire ,  ajoutez-la  au  temps  vrai  pour 
trouver  le  temps  moyen ,  ou  ôtez  -  la  du 
temps  moyen  pour  trouver  le  temps  vrai. 

Cette  théorie  de  l'inégalité  &  de  l'équa- 
tion des  jours  naturels  eft  en  ufage  ,  non 
feulement  dans  les  calculs  aftronomiques  , 
mais  aufli  pour  régler  les  horloges  ,  les 
montres ,  &  autres  inftrumens  qui  mefurent 
le  temps.  Par-là  nous  connoifîbns  pourquoi 
une  pendule  ,  ou  autre  mouvement  qui 
mefure  le  temps  moyen  ,  ne  s'accorde  point 
avec  le  foleil  qui  mefure  le  temps  vrai, 
mais  va  quelquefois  avant ,  &  quelquefois 
après  lui  :  c'eft  pour  cela  que  les  cadrans 
folaires  &  les  horloges  ne  font  jamais  par- 
faitement d'accord.  Voye\  HoRLOGE  & 
Cadran. 

Ainfi  quand  on  dit ,  par  exemple  ,  à  midi 
du  temps  moyen  ,  on  parle  du  midi  mefure 
fur  le  mouvement  de  l'horloge  ;  mouve- 
ment qui  eft  uniforme  &  femblable  à  celui 
de  l'aftre  imaginaire  ,  que  nous  avons  fup- 
pofé  plus  haut  :  &  quand  on  dit  à.  midi 


EQU  8*| 

de  temps  vrai  >  il  s'agit  du  moment  où  îé 
foleil  eft  arrivé  au  méridien  du  lieu  ;  mo- 
ment fouvent  différent  de  celui  où  l'hor- 
loge marque  midi.  De  même  quand  on  dit, 
à  Z  heures  t  $  minutes  après  midi  temps 
moyen  y  on  entend  à  z  heures  1 5  minutes 
marquées  par  ia  pendule  après  le  midi 
moyen  :  &  quand  on  dit  z  heures  z  $  mi- 
nutes temps  vi ai  y  on  entend  z  heures  î£ 
minutes  après  V inflan t  du  midi  vrai. 

On  a  fouvent  befoin  en  aftronomie  de 
réduire  le  temps  moyen  en  temps  vrai,  parce 
que  les  mouvemens  des  planètes  font  cal- 
culés dans  les  tables ,  par  rapport  au  temps 
uniforme  ou  moyen  ,  &  qu'il  eft  enfuite 
néceflàire,  pour  fe  conformer  à  l'ufage  civil, 
de  connoître  ces  mouvemens ,  par  rapport 
au  temps  eftimé  félon  le  mouvement  du 
foleil  :  de  même  on  a  befoin  de  réduire  le 
temps  vrai  en  temps  moyen  ,  lorfqu'il  s'agit 
de  comparer  aux  tables  aftronomiques  Pob- 
fervarion  de  quelque  phénomène. 

C'eft  l'équation  du  temps  qui  a  produit 
F  'équation  de  P horloge >  qui  n'eft  autre  chofe 
que  la  quantité  de  temps  dont  unependule 
bien  réglée  doit  avancer  ou  retarder  fur  une 
bonne  méridienne ,  cette  méridienne  don- 
nant toujours  le  midi  vrai.  On  trouve  dans 
prefque  tous  les  almanachs  aftronomiques  , 
comme  dans  la  connoijjance  des  temps  dans 
Yétat  du  ciel  de  M.  Pingre ,  &c.  X équation 
de  l'horloge  pour  chaque  jour.  Nous  ren- 
voyons à  ces  ouvrages  &  à  ces  tables ,  & 
plus  bas  à  Yart.  ÉQUATION  ,  Horlogerie  , 
ceux  qui  auront  befoin  de  régler  leurs  pen- 
dules fur  le  mouvement  du  foleil.  Il  nous 
fuffit  d'avoir  expliqué  ici  clairement,  d'après 
les  aftronomes  modernes  ,  en  quoiconfifte 
principalement  l'équation  du  temps  :  nous 
aidons  principalement }  car  nous  n'avons  eu 
égard  jufqu'ici  qu'à  une  des  caufes  de  l'inéga- 
lité des  jours  naturels  ,  à  celle  qui  vient  de 
Pobliquicé  de  l'écliptique  :  nous  n'avons 
toucha  qu'en  paffant  une  autre  caufe  de  cette 
inégalité,  celle  qui  vient  de  l'inégalité  réelle 
du  mouvement  du  foleil  dans  l'écliptique. 
Pour  avoir  exactement  Yéquation  du  temps 
ou  de  l'horloge  ,  il  faut  avoir  égard  à  cette 
féconde  inégalité ,  &  il  faut  que  la  table  de 
Yéquation  de  l'horloge  ,  quand  elle  eft  exac- 
te, renferme  cette  inégalité  &  la  précédente. 
Cette  table  ne  (àuroit  être  perpétuelle  ,.à. 


8i4  EQU 

caufe  de  la  préceftion  des  équinoxes  &  du  j 
changement:  de  l'apogée  du  foleil ,  qui  fait 
que  l'inégalité  de  Ion  mouvement  n'cft  pas 
exactement  la  même  à  la  hn  de  l'année  ré- 
volue :  mais  comme  le  mouvement  d„- pré- 
ceftion des  équinoxes  ,  &  celui  de  1  apogée 
du  foleil  font  fort  lents  >  la  table  de  Yéqua- 
tion de  l'horloge  peut  fervir  iàns  erreur  ien- 
fibîe  pendant  plufieurs  années  confécutives. 

Il  ne  nous  relie  plus  qu'à  expliquer  en 
quoi  confifte  la  féconde  inégalité  du  mou- 
vement du  foleil  ,  qu'on  appelle  équa- 
tion du  centre  ,•  c'eft  l'objet  de  I' *  article 
fuivanr. 

ÉQUATION  DU  CENTRE.  Pour  faire 
entendre  bien  clairement  ce  que  c'eft  que 
cette  éqjation,i\  eft  nécelTaire  de  comparer 
le  mouvement  d'une  planète  dans  les  divers 
points  de  fon  orbite  ,  avec  le  mouvement 
d'un  corps  qui  parcourroit  la  circonférence 
d'un  cercle  d'un  mouvement  toujours  égal 
&  uniforme.  On  fe  relTouviendra  d'abord 
de  ces  deux  principes  ;  i".  que  les  planètes 
décrivent  autour  du  foleil  des  ellipfes  ; 
2°.  que  les  aires  décrites  par  les  planètes  font 
proportionnelles  aux  temps.  V.  PlANETTE 
Ù  Kepler.  Cela pofé  ,  foit  AEBF(Jig.  $i, 
n°.  z  ajiron.j  l'orbite  d'une  planète ,  au 
foyer  de  laquelle  fe  trouve  le  foleil  en  «S; 
foit  A  B\ç  grand  axe  ,  O  Q  le  petit  axe  , 
on  décrira  du  centre  «S'  de  l'intervalle 
SE  (  que  je  fuppofe  moyen  proportionnel 
entre  AK  &  O  K  y  c'eft-à-dire,  entre  les 
deux  demi- axes  )  le  cercle  CE  G  F y  dont 
la  furface  fera  par  conféquent  égale  à  celle 
de  I'ellipfe  ,  comme  cela  eft  démontré  dans 
les  feâions  coniques.  Suppofons  préfente- 
ment  qu'un  corps  célefte  parcoure  la  cir- 
conférence CEGF  d'un  mouvement  tou- 
jours égal  ,  mais  de  telle  forte  qu'il  achevé 
fa  révolution  précifément  dans  le  temps  que 
la  planere  parcourt  la  circonférence  entière 
de  fon  ellipfe  :  dans  cette  fuppofition ,  lorf- 
que  la  planète  fera  à  fon  aphélie  au  point 
A  y  le  corps  célefte ,  que  nous  fuppofons 
emporté  d'un  mouvement  toujours  égal  & 
uniforme  ,  fe  trouvera  pour  lors  dans  la 
ligne  des  apfides  au  point  C7  &  partant 
fon  mouvement  repréfenrera  le  mouvement 
égal  ,  ou  le  moyen  mouvement  de  la  pla- 
nète ,  puifqu'il  décrira  autour  du  point  S 
des    fe&eurs    de    cercles   proportionnels 


EQU 

aux  temps,  lesquels  feront  égaux  aux  aires 
elliptiques  que  la  planète  a  dû  décrire  dans 
le  même  temps. 

Supposons  préfentement  que  le  fecteur 
de  cercle  CSM.  repr éfente  le  mouvement 
moyen  de  ce  corps,  ou  l'angle  proportionnel 
au  temps  qu'il  a  dû  décrire  autour  du  pointa, 
on  prendra  fur  i  ellipfe  l'aire  ASP  ,  égale 
à  l'aire  CSM  ;  &  le  lieu  de  la  planere  dans 
fon  oibite  fera  par  conféquent  au  point  P  y 
&  l'angle  MSD yqui  eft  la  difT.'renre entre 
le  mouvement  vrai  &le  mouvement  moyen 
de  la  planète ,  eft  ce  qu'on  appelle  X équation 
du  centre  ou  la  projinaphérefe  (  voy.  PROS- 
TH  aphérèse)  mais  l'aire  AC  D  P  fera 
égale  au  feâeur  DSM;  c'eft  pourquoi  l'aire 
AC  D  P  eft  toujours  proportionnelle  à 
Yéquation  du  centre.  Au  point  R,  1  équation 
du  centre  fera  égale  à  l'aire  ACEPA  moins 
l'aire  E  m  R  ,  &  ainfi  de  fuite  :  d'où  il 
eft  aiféde  voir,  i°. que  Yéquation  du  centre 
eft  la  plus  grande  aux  points  E >F;  i°.  qu'elle 
eft  nulle  aux  points  A  ,  B  de  l'aphélie  ou 
du  périhélie  ;  30.  que  depuis  A  jufqu-'en  B 
V équation  du  centre  eft  foujlractive  ,  c'eft- 
à-dire  ,  doit  fe  retrancher  du  mouvement 
moyen  ,  &  que  depuis  B  jufqu'en  A  elle 
eft  additive  y  c'eft-à-dire ,  doit  être  ajoutée 
à  ce  mouvement. 

Les  aftronomes  ont  calculé  des  tables  de 
Yéquation  du  centre  ,  &  c'eft  par  le  moyen 
de  ces  tables  qu'ils  déterminent  le  lieu  vrai 
du  foleil  &  des  planètes  pour  chaque  jour  : 
nous  avons  donné  au  mot  ELLIPSE  la  for- 
mule pour  Yéquation  du  cemre  ,  &  indiqué 
la  manière  de  trouver  cette  formule. 

L'anomalie  étant  la  diftance  du  lieu  d'une 
planète  à  fon  aphélie ,  il  s'enfuit  que  fi  , 
depuis  l'aphélie  jufqu'au  périhélie ,  on  re- 
tranche X équation  du  centre  de  l'anomalie 
moyenne  ,  c'eft-à-dire  ,  de  la  diftance  entre 
le  lieu  moyen  &  l'aphélie ,  &  fi  on  ajoute 
cette  même  équation  à  l'anomalie  moyenne, 
depuis  le  périhélie  jufqu'à  l'aphélie,  on  aura 
l'anomalie  vraie,  ou  égalée,  c'eft-à-dire  , 
la  diftance  du  Heu  vrai  de  la  planète  à 
l'aphélie.   « 

Pendant  ce  xviij  fiecle  ,  lorfque  le  foleil 
eft  au  lbe.  degré  du  Scorpion  ,  ou  la  terre 
au  10e.  degré  du  Taureau  ,  aiors  X équation 
de  l'horloge  ,  formée  des  deux  inégalités 
ci  -  deflus  expliquée  ,  eft  la   plus  grande 

qu'il 


E  Q  U 

qu'il  eft  poflîble  ,  étant  de  16'  11":  c'eft 
ce  qui  arrive  le  3  novembre  ;  la  pendule 
retarde  alors  de  cette  quantité.  Dès  ce 
moment  la  pendule  retarde  de  moins  en 
moins  jufqu'au  23  décembre  à  midi ,  qu'elle 
s'accorde  très- exactement ,  ou  â  très -peu 
près  avec  le  foleil.  De  là  jufqu'au  15  avril 
elle  avance  fur  le  foleil  ;  du  15  avril 
jufqu'au  17  juin  elle  retarde  ,  du  17  juin 
jufqu'au  3 1  août  elle  avance  ,  &  du  3 1 . 
août  jufqu'au  23  décembre  elle  retarde. 

En  effet  ,  fuppofant  le  23  décembre  à 
midi  un  aftre  placé  dans  l'écliptique  qui  la 
décrive  non  uniformément ,  mais  avec  l'iné- 
galité de  mouvement  que  donne  V équation 
du  centre  du  foleil  ,  &  fuppofant  en  ce 
même  inftant  un  aftre  imaginaire  qui  ait  la 
même  afcenflon  droite  ,  &  qui  décrive 
uniformément  l'équateur  ,  on  verra  ,  par 
les  méthodes  indiquées  ci-deffus  ,  que 
jufqu'au  1 5  avril  l'aftre  imaginaire  parlera 
au  méridien  avant  le  foleil  ,  qu'enfuite  il  y 
pafTera  plus  tard  jufqu'au  17  juin  ,  Ùc. 

Équation  du  mouvement  des  Pla- 
nètes. 'L'équation  du  centre  n'eft  pas  la 
feule  inégalité  à  laquelle  le  mouvement  des 
planètes  foit  fujet  ;  il  eft  encore  d'autres 
inégalités  qui  viennent  principalement  de 
l'a&ion  mutuelle  que  les  planètes  exercent 
les  unes  fur  les  autres  ,  ou  de  celle  que  le 
foleil  exerce  fur  les  fatellites. 

C'eft  principalement  dans  la  lune  que  ces 
équations  font  fenfibles  ;  elles  le  font  auffi 
dans  Jupiter  &  dans  Saturne  ;  mais  la 
quantité  n'en  eft  pas  fi  bien  déterminée. 
Sur  quoi  voye^  les  articles  LUNE  ,  SA- 
TURNE ,  JUPITER.  Je  me  contenterai  de 
faire  ici  les  obfer  varions  fui  vantes  à  l'égard 
de  la  lune. 

i°.  Depuis  la  publication  de  mon  ou- 
vrage ,  qui  a  pour  titre  ,  recherches  fur  les 
dijférens  points  importans  du  fyjlême  du 
monde  y  Paris  2754^  j'ai  trouvé  moyen  de 
fimplifier  à  certains  égards ,  &  de  rendre 
encore  plus  exaétes  à  d'autres  ,  les  tables 
du  mouvement  de  la  lune  données  dans 
cet  ouvrage.  Dans  les  tables  de  correction 
qui  fe  trouvent  à  la  page  147  de  la  pre- 
mière partie  ,  on  doit  fupprimer  entière- 
ment la  I  table  de  la  page  149  :  dans 
la  XIII  table  ,  page  153  ,  X équation  doit 
être  1'  21"  ,  au  lieu  de  1'  ;  &  dans  la  XVI 
Tome  XII. 


E  Q  U  8M 

table,  page  154,  V équation  doit  être  39", 
au  lieu  de  i'  39". 

2°.  Outre  les  équations  du  mouvement 
du  nœud  ,  qu'on  trouve  dans  les  tables  des 
Inft.  afironomiquesy  on  a  encore  ces  deux- 
ci  :  4'  45"  multipliées  parle  finus  du  double 
de  la  diftance  de  l'apogée  de  la  lune  au 
nœud  afcendant  ;  plus  8'  22"  multipliées 
par  le  finus  du  double  de  la  diftance  de  la 
lune  au  nœud  ,  moins  le  finus  du  double 
de  la  diftance  de  la  lune  au  foleil.  Toutes 
les  autres  tables  de  Yéquation  du  nœud 
peuvent  être  fupprimées  :  ainfi  on  peut 
fimplifier  beaucoup  nos  tables  des  pages 
190  ,  191  ,  195  de  l'ouvrage  cité  ;  on  les 
réduira  à  deux  de  la  forme  fuivante. 

I.  Table.  Diftance  de  l 'apogée  de  la  lune 
au  nœud  _,  ajoutez  en  defcendant  y  &c. 
p  II.  Table.  Diftance  de  la  lune  au  nœud, 
ajoutez  en  defcendant ,  &c. 

Diftance  de  la  lune  au  foleil  9  ôtez  en 
defcendant  }  &c. 

Dans  la  première  de  ces  tables ,  la  plus 
grande  équation  fera  de  4'  45"  ,  comme 
dans  la  féconde  colonne  de  la  page  191 
de  mon  ouvrage  :  dans  la  féconde  table  , 
la  plus  grande  équation  fera  de  8'  22" , 
comme  dans  la  féconde  colonne  de  la 
page  190. 

30.  Dans  les  tables  pour  corriger  Pincli- 
naifon  ,  page  102  du  même  ouvrage  ,  on 
peut  fupprimer  encore  la  féconde  table 
de  la  page  103  ,  &  la  première  de  la 
page  104. 

Les  raifons  de  ces  différentes  correâions 
aux  tables  publiées  dans  mon  ouvrage  , 
feront  expliquées  dans  la  troifieme  partie  de 
ce  même  ouvrage  ,  que  j'efpere  publier 
bientôt ,  &  qui  contiendra  beaucoup  d'au- 
tres remarques  importantes  fur  les  tables 
de  la  lune. 

Sur  la  conftru&ion  &  la  force  des  tables 
d'équation  des  planètes  ,  voye\  l'article 
Tables  Astronomiques. 

Equation  Lunaire,  en  chronologie, 
eft  la  même  chofe  que  la  proemptofe  ,  ou 
anticipation  de  la  nouvelle  lune.  Voye\ 
Proemptose. 

Equation  Solaire  ,  en  chronologie  y 
eft  la  même  chofe  que  la  métemptofè , 
ou  retardement  de  la  nouvelle  lune.  Voye^ 
Métemptose. 

Mmmmrn 


Bi6  E  Q  U 

EQUATION  ,  Ç Horlogerie ,  &c  J  V équa- 
tion eft  cette  partie  de  l'horlogerie  qui  in- 
dique les  variations  du  foleil ,  ou  la  diffé- 
rence de  fon  retour  au  méridien. 

Ayant  parlé  des  ceux  temps  vrai  &  moyen 
(voye\  ci-dejjus  EQUATION  du  temps) ,  & 
donné  une  idée  de  leurs  caufes  ,  il  faut 
patfèr  à  la  defcription  des  machines  qu'on 
a  employées  pour  les  indiquer. 

Les  premières  horloges  qui  ont  été  faites, 
ont  indiqué  le  temps  moyen  :  la  difpofition 
de  ces  machines  ne  pouvoit  marquer  les 
parties  du  temps  que  par  des  intervalles 
égaux. 

Ce  ne  fut  que  lorfqu'on  eut  déterminé 
la  quantité  de  variation  apparente  du  foleil 
par  le  moyen  des  obfervations  agronomi- 
ques ,  que  l'on  chercha  les  moyens  de  faire 
fuivre  aux  horloges  ces  mêmes  varia- 
tions du  foleil  ;  ce  qui  donna  lieu  aux 
pendules  à  équation. 

Les  différentes  efpeces  de  conftru&ions 
que  l'on  a  mifes  en  ufage  pour  faire  mar- 
quer le  temps  vrai  &  moyen  ,  peuvent  fe 
réduire  en  général  aux  fuivantes.  i°.  Aux 
pendules  à  équation  qui  marquoient  les 
deux  temps  par  le  moyen  de  deux  aiguilles  : 
telle  eft  celle  dont  parle  le  P.  Alexandre 
dans  fon  traité  des  horloges ,p âge  343.  Cette 
pièce  éroit  dans  le  cabinet  de  Philippe  II  , 
roi  d'Efpagne  ;  elle  fut  la  première  pendule 
à  équation  connue. 

Voici  ce  que  dit  M.  de  Sully  ,  règle 
artificielle  du  temps  y  dans  fa  réponfe  au 
P.  Kefra ,  fur  les  premières  équations. 
«  Il  y  a  ,  dit-il  ,  deux  manières  de  pro- 
»  duire  à1  peu  près  la  même  chofe  (  de 
»  marquer  l'équation  ;  )  l'une  eft  par  une 
«  pendule  dont  les  vibrations  font  réglées 
»  fur  le  temps  égal  ou  moyen  ,  &  dont 
»  la  réduction  du  temps  égal  à  l'apparent , 
99  eft  faire  par  le  mouvement  particulier 
»  d'une  féconde  aiguille  de  minutes  fur  le 
»  cadran  ;  &  c'eft  de  cette  manière  qu  eft 
>j  faite  la  pendule  du  roi  d'Efpagne  ,  & 
»  toutes  les  autres  qu'on  a  faires  jufqu'ici  , 
n  &  que  l'on  appelle  pendules  d'équations. 

»  La  féconde  manière  ,  qui  eft  celle 
?>  que  j'entends  ,  &  qui  n'a  pas  encore 
»  été  exécutée  ,  que  je  fâche  ,  eft  par  une 
t>  pendule  dont  les  vibrations  feroient  ré- 
9)  glc'es  fur  le  temps  apparent ,  &  qui  par  , 


E  Q  U 

»  conféquent  feroient  inégales  entr'elîes, 
»  Cène  pendule  ayant  fon  cadran  à  l'or- 
»  dinaire  ,  fes  aiguilles  d'heures  ,  de  mi- 
»  nutes  ,  de  fécondes  ,  feroient  toujours 
»  d'accord  ,  &  montreroient  uniquement 
v  &  pxécifément  le  temps  apparent,  comme 
»  il  nous  eft  méfuré  par  le  foleil.  »  Cette 
dernière  conftruétion  d'équation  appartient 
au  P.  Alexandre  :  c'eft  la  même  dont  je 
parlerai  bientôt. 

Celles  que  l'on  conftruifît  en  Angleterre, 
étoient  aufti  fur  le  même  principe  .  j'ignore 
quelle  étoit  la  difpofition  intéiieure  de  ces 
premiers  ouvrages  ;  mais  je  fuppléerai  à 
cela  en  faifant  la  defcription  de  elle  de 
M.  Julien  le  Roi  ,  qui  eft  aufti  à  deux 
aiguilles  ,  &  qui  a  été  une  des  premières 
pendules  à  équation. 

La  féconde  eft  celle  du  P.  Alexandre  , 
dont  il  a  fait  la  defcriptii  n  c<ans  ien  traité 
des  horloges.  Cette  conft.uehon  ,  toute 
fimple  &  ingénieufe  qu'elle  eft  ,  a  trop  de 
défauts  pour  que  je  m'arrête  à  la  décrire 
en  entier  ,  j'en  donnerai  Amplement  lidée 
ci-après  ;  ceux  qui  feront  curieux  de  la 
connoître  mieux  ,  pourront  recourir  au 
traité  de  l'horlogerie  de  cet  auteur  :  je  ne 
crois  pas  qu'elle  ait  été  exécutée  ;  elle 
ne  pourroit  d'ailleurs  marquer  le  temps 
moyen. 

Je  puis  comprendre  dans  ce  fécond 
genre  ,  une  conftruétion  de  M.  de  Rivaz  , 
qui  ne  marque  que  les  heures  &  minutes 
du  temps  vrai  ;  mais  elle  eft  exempte  des 
défauts  de  celle  du  P.  Alexandre. 

La  troifieme  eft  celle  du  fieur  le  Bon  : 
cette  conftrudion  marque  les  heures  ,  mi- 
nutes &  fécondes  du  temps  vrai  ,  &  les 
heures  &  minutes  du  temps  moyen  ;  c'eft 
par  le  moyen  de  plufieurs  cadrans  qu'il  a 
produit  ces  effets.  Je  neconnois  cet  ouvrage 
que  par  l'extrait  de  la  lettre  de  M.  le  Bon 
à  l'abbé  de  Hautefeuille  ,  indiqué  dans 
le  livre  du  P.  Alexandre  ,  page  342.. 

Les  pendules  d'équation  à  cercles  mo- 
biles font  aufti  de  ce  genre.  La  pendule  à 
équation  que  j'ai  conftruite  ,  ainfi  que  la 
montre  ,  peuvent  y  être  comprifes. 

Une  dernière  efpece  de  pendules  à  équa- 
tion y  eft  celle  dont  une  aiguille  marque 
les  minutes  du  temps  moyen  ;  &  une  aurre 
la  différence  ou  le  nombre  de  minutes 


E  QU 

dont  le  temps  vrai  en  diffère.  Cette  der- 
nière aiguille  ne  fait  qu'une  demi-révolu- 
tion  environ  ,  pour  répondre  à  30'  53". 
Cette  quantité  eft  la  fomme  des  variations 
du  foleil  ;  car  on  voit  par  la  table  &  équa- 
tion ci-après  ,  que  le  foleil  avance  de  16'  9" 
le  premier  novembre  fur  le  temps  moyen  ; 
&  qu'au  contraire  il  retarde  de  14'  44" 
fur  le  même  temps  le  n  février;  &  la 
fomme  de  ces  variations  eft  de  30'  53". 

On  peut  voir  la  defcription  de  la  pen- 
dule dont  il  s'agit  ,  dans  le  traité  de 
M.  Thiout ,  ainfi  que  plufieurs  conftruc- 
tions  adéquations  qui  y  font  décrites ,  dont 
une  partie  font  en  ufage  parmi  les  horlogers, 
telle  que  celle  de  l'invention  du  fieur  En- 
derlin  ,  favant  artifte  ,  que  l'horlogerie 
regrettera  long-temps  ;  une  3e  M.  Thiout , 
auteur  du  traité  ;  une  du  fieur  Regnaud  , 
de  Châlons.  Je  ne  m'arrêterai  fur  aucune 
de  ces  pièces ,  qui  font  d'ailleurs  connues  , 
mon  but  étant  d'expofer  ici  ce  qu'on  a 
trouvé  depuis  l'impreflion  des  traités  de 
M.  Thiout  &  du  P.  Alexandre  ,  ou  qui 
n'a  pas  encore  été  doRné  au  public. 

On  me  permettra  quelques  remarques  fur 
le  choix  des  conftru&ions  &  équations,  &  fur 
ce  qu'exige  l'exécution  de  cette  partie  de 
l'horlogerie. 

Il  y  a  trois  fortes  de  perfonnes  qui  tra- 
vaillent ,  ou  fe  mêlent  de  travailler  à  l'hor- 
logerie ;  les  premiers  ,  dont  le  nombre  eft 
le  plus  confiderable  ,  font  ceux  qui  ont 
pris  cet  état  fans  goût  ,  fans  difpofition  ni 
talent ,  &  qui  le  profeftent  fans  applica- 
tion ,  &  fans  chercher  à  fortir  de  leur 
ignorance  :  ils  travaillent  -Amplement  pour 
gagner  de  l'argent  ,  &  le  hafard  a  décidé 
du  choix. 

Les  féconds  font  ceux  qui ,  par  une 
envie  de  s'élever  fort  louable  ,  cherchent 
â  acquérir  quelques  connoifîances  &  prin- 
cipes de  l'art  ,  mais  aux  efforts  defquels  la 
nature  ingrate  fe  refufe. 

Enfin  ,  le  petit  nombre  renferme  ces  ar- 
tiftes  intelligens  ,  qui  nés  avec  des  difpo- 
{itions  particulières  ,  ont  l'amour  du  tra- 
vail &  de  l'art ,  &  s'appliquent  à  découvrir 
de  nouveaux  principes  ,  &  à  approfondir 
ceux  qui  ont  déjà  été  trouvés. 

Pour  être  un  artifte  de  ce  genre  ,  il  ne 
iuffit  pas  d'avoir  un  peu  de  théorie  & 


E  QU  827 

quelques  principes  généraux  des  méchani- 
ques  ,  &  d'y  joindre  l'habitude  de  travail- 
ler ;  il  faut  une  difpofition  particulière 
donnée  par  la  nature.  Cette  difpofition 
feule  tient  lieu  de  tout  ;  lorfqu'on  eft  né 
avec  elle  ,  on  ne  tarde  pas  à  acquérir  les 
autres  parties.  Si  on  veut  faire  ulage  de  ce 
don  précieux  ,  le  temps  donne  bientôt  la 
pratique  ,  &  un  tel  artifte  n'exécute  rien 
dont  il  ne  fente  les  effets  ,  ou  qu'il  ne 
cherche  â  les  analyfer  :  enfin,  rien  n'échappe 
à  fes  obfervations  ;  &  quel  chemin  ne  fera- 
t-il  pas  dans  fon  art ,  s'il  joint  à  ces  dif- 
pofitions  Pémde  de  ce  que  l'on  a  décou- 
vert jufqu'à  lui  ?  II  eft  fans  doute  rare  de 
trouver  des  génies  heureux  qui  réunifient 
toutes  ces  parties  néceftaires  ;  mais  on  en 
trouve  qui  ont  toutes  les  difpofitions  natu- 
relles ,  il  ne  leur  manque  que  d'en  faire 
l'application  ;  ce  qu'ils  feraient  fans  doute  , 
s'ils  avoient  plus  de  motifs  pour  les  porter 
à  fe  livrer  tout  entiers  à  la  perfection  de 
leur  art.  Il  ne  faudroit ,  pour  rendre  un 
fervice  efTentiel  à  l'horlogerie  &  à  la  fo- 
ciété  ,  que  piquer  leur  amour  -  propre  , 
faire  une  diftin&ion  de  ceux  qui  font  hor- 
logers de  nom  ,  ou  qui  le  font  en  effet  ; 
enfin  ,  confier  Padminiftration  du  corps  de 
l'horlogerie  aux  plus  intelligens  ;  faciliter 
l'entrée  à  ceux  qui  ont  du  talent  ,  &  la 
fermer  à  jamais  à  ces  miférables  ouvriers 
qui  ne  peuvent  que  retarder  le  progrès  de 
l'art ,  qu'ils  ne  tendent  même  qu'à  détrui- 
re ;  ou  ,  fi  l'on  veut  que  cette  commu- 
nauté fubfifte  telle  qu'elle  eft  ,  que  Ton 
érige  du  moins  une  fociété  particulière  , 
compofée  des  plus  fameux  artiftes  qui  fe- 
ront juges  du  talent  de  ceux  qui  devront 
en  être  reçus  ,  &  qui  décideront  du  mé- 
rite de  toutes  les  nouvelles  productions. 
Cette  digrefîîon  ,  fi  c'en  eft  une  ,  doit  être 
pardonnée  à  mon  zèle  pour  le  progrès  de 
l'art. 

On  peut  réduire  à  deux  points  effentiels 
ou  généraux  ,  toutes  les  parties  de  l'hor- 
logerie ;  la  conftru&ion  ,  c'eft-à-dire  ,  la 
difpofition  des  différens  méchanifmes  & 
l'exécution.  L'une  &  l'autre  font  égale- 
ment néceftaires  pour  rendre  les  effets  que 
l'on  s'eft  propofé  ;  fans  l'intelligence  de 
Partifte  ,  l'exécution  la  plus  belle  ne  forme 
que  des  parties  féparées  ,  qui  n'ont  point 
Mmmmm  2, 


8i8  E  Q  U 

«d'ame  ,  &  ne  peuvent  rendre  que  très- 
mal  des  effets  ;  &  fans  la  pratique  ,  le  théo- 
ricien ne  peut  mettre  en  exécution  fes  idées. 
D'ailleurs ,  la  pratique  nous  inftruit  de  bien 
des  phénomènes  qu'on  n'apperçoit  qu'en 
exécutant. 

La  conftruétion  des  ouvrages  adéquation 
a  été  jufqu'à  préfent  trop  compoiée  ,  & 
les  êtres  multipliés  fans  raifon  ;  inconvé- 
nient ordinaire  aux  nouvelles  produftions. 
Enderlin  avoit  employé  fix  roues  de  plus 
qu'aux  pendules  ordinaires  ,  pour  fon 
équation.  On  eft  parvenu  à  les  retrancher 
toutes  dans  certaines  conftructions  ,  &  à 
n'en  employer  que  trois  ou  quatre  dans 
d'autres. 

Ce  nombre  de  roues  que  l'on  employoit, 
a  produit  non  feulement  une  augmenta- 
tion d'ouvrage  ,  mais  encore  un  obftacle 
affez  grand  pour  la  jufteile  de  V équation. 
J'ai  obfervé  qu'une  pendule  conftruite  avec 
fix  roues  de  quadrature  ,  malgré  tous  les 
foins  apportés  à  l'exécution  de  ces  roues , 
tant  pour  les  arrondir  que  pour  les  fendre  ; 
j'ai  obfervé  ,  dis -je,  que  les  aiguilles  du 
temps  vrai  &  moyen  s'éloignent  &  fe  rap- 
prochent à  chaque  révolution  qu'elles  font. 
La  pendule  qui  m'a  donné  lieu  de  faire 
cette  remarque  ,  étoit  exécutée  avec  foin  , 
&  les  aiguilles  s'éloignoient  de  trente  fé- 
condes. On  conçoit  que  c'eft  l'inégalité  des 
roues  qui  produit  cet  efïèt.  Il  ne  faut  pas 
qu'elle  foit  fenfible  ,  pour  ne  donner  que 
cette  quantité  ;  il  ne  faut  que  faire  atten- 
tion à  leur  nombre  :  ainfî  s'il  y  en  a  fîx , 
comme  à  celle  en  queftion  ,  c'eft  l'inéga- 
lité de  fix  roues  qui  eft  multipliée  par  la 
différence  de  la  longueur  des  aiguilles  au 
rayon  des  roues. 

La  conduite  de  la  roue  annuelle  n'étoit 
pas  moins  compofée  ;  on  s'étoit  attaché  à 
la  faire  mouvoir  continuellement  ,  afin 
d'imiter  par-là  l'a  progreflion  infenflble  de 
l'augmentation  ou  diminution  d'équation. 
II  me  paroi:  que  cette  précifion  étoit  affez 
fuperflue  ,  fi  on  envifage  l'équation  ,  non 
comme  un  fimpîe  objet  de  curiofité  ,  mais 
comme  une  chofe  utile. 

Si  une  pendule  à  équation  ne  fert  simple- 
ment qu'à  contenter  un  curieux  ,  on  a  rai- 
fqn  de  ne  lui  rien  laiflèr  à  defirer  ;  car  dès- 
Iqjcs  l'augmentation  de  l'ouvrage  ne  doit 


E  QU 

plus  faire  un  obftacle  ;  mais  fi  ces  fortes 
de  pièces  font  deftinées  à  un  ufage  réel  ,  il 
faut  en  faciliter  l'exécution  aux  ouvriers 
ordinaires ,  produire  les  effets  avec  le  moins 
de  pièces  pofîibles  ,  &  réferver  pour  des 
artiftes  choifis  les  opérations  délicates  qui 
échappent  au  général. 

La  plus  grande  variation  du  foleil  en 
vingt-quatre  heures  ,  eft  de  30  fécondes  ; 
or ,  fi  le  changement  d'équation  ne  fe  fait 
qu'une  fois  par  jour  (  &  en  quelques  heu- 
res ,  comme  de  minuit  à  deux  heures  ,  par 
exemple  )  ,  au  lieu  de  fe  faire  infenfibîe- 
ment  &  par  un  mouvement  continuel  ,  il 
s'enfuivra  de-là  qu'à  fix  heures  du  matin 
l'aiguille  du  temps  vrai  marquera  7  {  fé- 
condes de  plus  qu'elle  ne  devroit ,  en  fui- 
vant  la  progreflion  naturelle  de  la  varia- 
tion du  foleil  ;  à  midi  elle  marquera  jufte 
Véquation  y  &  à  fix  heures  du  foir  elle 
marquera  7  £  fécondes  de  moins  :  ainfi 
dans  la  plus  grande  variation  journalière 
du  foleil  ,  l'erreur  qui  réfultera  d'une  conf- 
truction  d'équation  dont  le  changement  ne 
fe  fera  pas  infenfiblement  ,  fera  de  j"  f  ; 
quantité  même  qui  ne  pourra  être  remar- 
quée dans  un  cadran  de  10  pies  de  dia- 
mètre :  mais  d'ailleurs  à  midi  elle  fera 
jufte  ;  ainfi  on  pourra  voir  le  méridien  & 
régler  la  pendule  en  fe  réglant  fur  l'aiguille 
du  temps  vrai ,  comme  avec  les  construc- 
tions compofées.  Voye\  les  traités  d'hor- 
logerie de  M.  Thiout ,  du  P.  Alexandre  , 
de  M.  Bertoud  ,  &  la  defcription  des  arts 
&  métiers  ,  imprimés  à  Neuchatel  ;  &  au 
mot  Pendule  ,  la  defcription  des  pen- 
dules à  équation. 

Je  joins  ici  une  table  d'équation  3  qui 
pourra  feivir  à  tracer  les  courbes  ,  &  à 
faire  connoître  la  variation  du  fo'eil.  Je 
la  drefîài  il  y  a  quelques  années  d'après 
celle  de  la  connoijjance  des  temps  ;  j'y  fis 
quelques  changemens  ,  qui  m'ont  paru  en 
rendre  l'ufage  plus  facile. 

Il  y  a  dans  la  connoijjance  des  temps  deux 
tables  différentes  pour  Y  équation  du  temps; 
je  dirai  dans  la  fuite  de  cet  article  la  raifon 
qui  m'a  fait  préférer  celle-ci. 

M.  Pingre  ,  chanoine  régulier  de  Sainte- 
Geneviève  ,  &  correfpondant  de  l'académie 
royale  des  fciences  ,  dans  fon  état  du  ciel  y 
pour  les  armées  1574  &  1755  ,  dont  il  a 


E  Q  U 

été  parlé  au  mot  EphÉmÉRIDES  ,  donne 
aufîi  une  table  de  Y  équation  de  l'horloge  à 
la  dernière  colonne  de  la  première  page 
de  chaque  mois  :  cette  table  eft  différente 
de  celle  qu'on  trouve  dans  la  connoiffance 
des  temps  à  la  dernière  colonne  de  la  fé- 
conde page  de  chaque  mois.  Nous  ne 
faifons  ici  ufage  ni  de  l'une  ni  de  l'autre  ; 
mais  celle  de  M.  Pingre  étant  tantôt  en 
avance  y  tantôt  en  retard  >  nous  paroît 
plus  co.nmode  que  celle  de  la  connoif- 
fance  des  temps  ,  par  la  raifon  qu'on  verra 
plus  bas  ,  &  qui  nous  fait  préférer  la  fe- 


EQU  829 

conde  table  de  la  connoiffance  des][temps  ï 
la  première. 

Dans  la  table  que  je  donne  ici  ,  la  pre- 
mière colonne  indique  le  jour  du  mois  , 
la  féconde  marque  de  combien  le  foleil 
retarde  ou  avance  fur  la  pendule  :  par 
exemple  ,  au  premier  janvier  le  foleil  re- 
tarde de  3'  59"  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  eft 
midi  vrai,  quand  la  pendule  marque  midi 
3'  5  9"  ;  la  troifieme  colonne  marque  la 
différence  d'un  jour  à  l'autre  :  ainfi  du  pre- 
mier au  2  janvier  le  foleil  retarde  de  29" 
de  plus  ,  &c. 


Table  de  la  différence  du  temps  vrai  au  temps  moyen  pour  le  Midi  de  chaque 

jour  y  au  Méridien  de  Paris. 


Jours 

JANVIER. 

Différence  du 
retour  du  fo- 

Jours 

FÉVRIER. 

Différence  du 
retour  du  fo« 

dit 

leil  au  Méri- 
dien ,  en  24 

du 

leil  au  Méri- 

dien, en  2.4 

mois. 

M. 

5. 

heures. 

mois. 

M. 

s. 

heures. 

I 

Retarde  de 

»    3 

59 

Sec.  29 

I 

Retarde  de 

14 

5 

Sec.    9 

2 

R. 

4 

28 

29 

2 

R. 

14 

12 

7 

3 

R. 

4 

56 

28 

3 

R. 

14 

*9 

7  £ 

4 

R. 

5 

23 

27 

4 

R. 

J4 

25 

6  l 

5 

R. 

5 

50 

27 

5 

R. 

14 

3o 

1— >     _    ** 

6 

R. 

6 

*7 

27 

6 

R. 

14 

3i 

543 

7 

R. 

6 

43 

2f5 

7 

R. 

14 

38 

S?      \ 0 
S      4» 

8 

R. 

7 

9 

2<£ 

8 

R. 

14 

40 

p-  2  s 

-2    « 

9 

R. 

7 

34 

25 

9 

R. 

14 

42 

10 

R. 

7 

19 

25  ^ 

10 

R. 

14 

43 

I 

11 

M 

R. 

8 

23 

24   Z' 

11 

en 

R. 

14 

44 

I 

12 

*3 

0 

.  en 

0^ 

R. 
R. 

8 
9 

46 
9 

23  £ 
23   | 

12 

R. 
R. 

14 
*4 

43 
42 

I 

r4 

0 

R. 

9 

31 

22   3 

14. 

st 

R. 

14 

40 

I 

*5 

M 

R. 

9 

53 

22   g 

*ï 

pj 

R. 

14 

37 

2   ^ 

16 

3 

R. 

10 

H 

•     21  5. 

if> 

< 

R. 

H 

33- 

3    B. 

*7 

0 

0 

R. 

10 

34 

2°  S 

*Z 

P 
O 

R. 

14 

29 

4    o- 

18 

O 

R. 

10 

53 

r9   g 

18 

O 

R. 

14 

24 

4  ! 

J9 

R. 

11 

12 

-           8° 

*9   g. 

19 

C 

R. 

14 

19 

S   1 

20 

R. 

u 

3o 

18  c 

20 

R. 

14 

i3 

5    3 

21 

R. 

u 

47 

17  S 

17    0 

21. 

►1 

R. 

14 

6 

6  :l. 

22 

fb 

R. 

12 

4 

22 

Cm 

R. 

*3 

58 

7  S 

23 

R. 

12 

20 

*6   IL 

23/ 

R. 

*3 

50 

8   g 

24 

R. 

12 

35 

*5 

24 

R. 

13 

41 

8   a 

0    eu 

25 

R. 

12 

49 

H 

2? 

R. 

n 

32 

9   S- 

26 

R. 

n 

2 

*3 

-   26 

R. 

*3 

22 

c 

9   ^ 

27 

R. 

*3 

r5 

13 

27 

R. 

*3 

11 

10    £.. 

28 

R. 

*3 

25 

11 

28 

R. 

ï3 

0 

Il     Si: 

29 

R. 

n 

37 

11 

29 

R. 

n 

48 

II 

30 

R. 

*3 

47 

10 

12- 

3*     I 

R. 

*3 

S* 

9 

Syo 


E  Q  U 


E  Q  U 


Différence  du  |JouRS 
retour  du  fo- 1 
leil  au  Méri- 1      du 
dien,  en  24 
heures. 


mois. 


AVRIL. 


CD 


CD 
rr 

Cu 

o 


A/.     5. 


R. 
R. 
R. 
R. 
R. 
R. 
R. 
R. 
R. 
R. 
R. 

^    R- 
-    R. 

< 
m 
3 
o 

n     A. 
§     A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 

A. 


A. 

A. 


Différence  du 
retour  du  (o. 
leil  au  Méri- 
dien ,  en  24 
heures. 


3 

48 

3 

3° 

3 

u 

2 

53 

2 

35 

2 

*ï 

2 

0 

1 

4? 

1 

26 

53 

37 
21 

9 

24 

39 

53 
6 

*9 
32. 
44 
5^ 
8 

J9 
29 

H 

48 

57 
5 


tSVc. 

l8 

[8 

hQ 

[9 

C 

[8 

Ou 

18 

3 

EL 

[8 

3 

C 

c 

C/3    . 
O 

[7 

CD 

3 

CD 

17 

CD 

• 

'7 

S 

l7 

[6 

eu 

16 

16 

16 

[) 

g 

[5 

l4 

c?> 

L3 

3 

r* 

L3 

f" 

O       ] 
C 

3 

< 
tu 

3 

OO     1 

-Z 

O 

O 

o> 

0" 

2 

►1 

1— » 

* 

2 
I 

r* 

£p 

►a 

.0 

S 

y 

£• 

E  Q  U 


E  Q  U 


831 


Jours 

■ 

M 

A  I. 

Différence  du 
retour  du  fo- 

Jours 

JUIN. 

Différence  du 
retour  du  fo- 

du 

leil  au  Méri- 
dien, en  24 

du 

leil  au  Méri- 

dien, en  24 

mois. 

M. 

5. 

heures. 

mois. 

M. 

5. 

heures. 

I 

A. 

3 

13 

Sec.    8 

I 

A. 

2 

40 

Sec.    9      . 

2 

A. 

3 

20 

7 

2 

A. 

2 

31 

y     SX 

9    S. 

3 

A. 

3 

27 

7  *a 

3 

A. 

2 

21 

IO     o. 

4 

A. 

3 

33 

6   E. 

4 

A. 

2 

11 

10   3' 

5 

A. 

3 

3; 

6    5» 

5 

A. 

2 

1 

10    g* 

6 

A. 

3 

44 

3 

5   " 

6 

A. 

1 

51 

3 
10    « 

7 

A. 

3 

48 

4   S 

7 

A. 

1 

40 

3 

11   !_: 

8 

A. 

3 

*ï 

4   0 

8 

A. 

1 

29 

II    S3 

9 

A. 

3 

5* 

4  8 

9 

A. 

1 

18 

i.  g 

10 

M 

A. 

3 

59 

3   ô- 

10 

w 

0 

A. 

1 

6 

3 
12  0 

11 

0 

A. 

4 

1 

2  00 

11 

GO 

A. 

0 

54 

12     eu 

12 

GO 

A. 

4 

2 

0 

1    §T 

12 

0 

A. 

0 

42 

12     C 

*3 

2. 

A. 

4 

3 

1  r* 

13 

A. 

0 

30 

C/3 
12     O, 

J4 

< 

A. 
A. 

4 
4 

4 
4 

1 

14 
i5 

< 

M 

3 
O 

A. 
A. 

0 

18 

5 

12     ^ 

3 

0 

13 

16 

O 

A. 

4 

3 

1 

16 

O 

R. 

0 

8 

; 

J7 

O 

A. 

4 

2 

1 

17 

O 

C 

R. 

0 

21 

13 

18 

B 

A. 

4 

0 

2-    ^ 

18 

R. 

0 

34 

*3 

*9 

A. 

3 

58 

EL     f    ? 

19 

y 

R. 

0 

47 

T-j     SX 

13    c 

20 

A. 

3 

55 

O        2     Cu 

—     4    3. 

20 

CU 

R. 

1 

0 

13     È 

21 

ça 

A. 

3 

5i 

21 

R. 

1 

i3 

*3  2. 

22 
23 

A. 
A. 

3 
3 

47 

42 

S     B 

g-     4    S 

22 
23 

R. 
R. 

1 
1 

x6 
39 

n  B 

24 

A. 

3 

3» 

2.     *    ~ 

*4 

R. 

1 

51 

13  i 

25 

A. 

3 

3, 

y 

R. 

2 

5 

13  1 

26 

A. 

3 

26 

3     u   m 

26 

R. 

2 

if 

12      Q 

27 

A. 

3. 

*9 

O          T      3 

27 

R. 

2 

29 

12     CO 

28 

A. 

3 

12 

7   & 

28 

R. 

2 

41 

12.    Q. 

29 

A. 

3 

5 

7   • 

29 

R. 

2 

53 

12     ^" 

30 

A. 

2 
2 

57 
49 

8 
2 

3° 

R. 

3 

5 

12 

832 


£  Q  U 


EQU 


Jours 

JUILLET. 

Différence  du 
retour  du  fo- 

«JOUR! 

AOUT. 

Différence  du 
retour  du  fo- 

du 

leil  au  Méri- 
dien, en  24 

** 

leil  au  Méri- 

dien, en  24 

mois. 

JK. 

S. 

heures. 

mois. 

M. 

S. 

heures. 

I 

R. 

3 

16 

Sec.  II 

I 

R. 

44 

Sec.    4 

2 

R. 

3 

27 

II 

2 

R. 

40 

4 

3 

R. 

3 

38 

II 

3 

R. 

36 

4 

4 

R. 

3 

49 

II 

4 

R. 

31 

5 

5 

R. 

4 

0 

II 

5 

R. 

25 

6 

6 

R. 

4 

10 

IO 

6 

R. 

J9 

6 

7 

R. 

4 

*9 

9 

7 

R. 

12 

7 

S 

R. 

4 

28 

9   « 

8 

R. 

5 

7 

9 

R. 

4 

^ 

9    s. 

9 

R. 

4 

57 

O     iQ 

IO 

R. 

4 

46 

9   £ 

10 

R. 

4 

48 

9    S. 

XI 

?    R. 

4 

54 

8  £ 

no    3 
c    0    0 

11 

f 
0 

R. 

4 

39 

9   §-• 

12 

2 

12 

c/: 

R. 

4 

29 

10    5. 

13 

*4 

C/5       R^ 
2!       R" 

9 
ir5 

en  7    S 

S*7    = 

1 

14 

0 

R. 
R. 

4 
4 

'1 

IO     c 

11   3 

*5 

w     R. 

22 

^6    cT 

i5 

< 

tu 

R. 

3 

56 

12     rT 

16 

»>     R. 

28 

5    S 

16 

3 

R. 

3 

44 

12     -t 

17 

8     R. 

33 

)    S 

17 

O 

c 

R. 

3 

32 

12     g» 

18 

2    R. 

38 

>    SL 

18 

R. 

3 

1? 

13   g. 

*9 

20 

c     R. 

S     R. 

42 
46 

4 
4 

x9 
20 

H 

►-I 

R. 
R. 

3 

2 

6 
5* 

12     CU 

J4   co 

21 

g     R. 

49 

3 

21 

R. 

2 

38 

14   S- 

22 

«     R. 

5i 

2 

22 

R. 

2 

23 

15          ~ 

23 

R. 

53 

2 

23 

R. 

2 

8 

*5 

24 

R. 

55 

2 

24 

R. 

1 

52 

16 

2! 

R. 
R. 

5<* 

1 

26 

R. 
R. 

1 
1 

3* 

*9 

16 

26 

O     J3 

*7 

27 

R. 

55 

rT    x     fc 

27 

R. 

1 

2 

J7 

28 

R. 

54 

8    1    =  • 

28 

R. 

0 

45 

*7 

29 

R. 

53 

Et     f     S 

29 

R. 

0 

28 

17 

3o 

R. 

51 

^2     1 

3° 

R. 

0 

IO 

18 

3* 

R. 

48 

1       3 

3     r* 

31 

A. 

0 

8 

18 

SEPTEMBRE; 


E  Q  U 


E  QU 


835 


Jours 

SEPTEMBRE. 

Différence  du 
retour  du  fo- 

Jours 

OCTOBRE. 

Différence  du 
retour  du  fo« 

du 

leil  au  Méri- 
dien, en  24 
heures. 

du 
mois. 

leil  au  Méri- 

mois. 

M. 

s. 

Af. 

s. 

dien ,  en  24 
heures. 

I 

A. 

0 

27 

Sec.  19 

I 

A. 

[O 

31 

Sec.  19 

2 

1 

A. 

0 

46 

*9 

2 

A. 

[0 

49 

18 

3 

A. 

1 

5 

*9 

3 

A.     : 

[i 

7 

18 

4 

A. 

1 

24 

19 

4 

A.     : 

[i 

25 

18 

5 

A. 

1 

43 

*9 

5 

A. 

[i 

43 

18^ 

6 

A. 

2 

3 

20    *Q 

6 

A. 

[2 

0 

17  s. 

7 
8 

A. 
A. 

2 
2 

2-3 

43 

20   5. 

20    c 

7 
8 

A. 
À. 

11 
[2 

*7 
33 

17  S 
10  3 

M  2 

9 

A. 

3 

3 

CK) 

20    g 

9 

A. 

[2 

48 

ïo 

M 

A. 

3 

23 

20    g 

10 

A. 

c3 

3 

x5  0 

ii 

0 

C/3 

A. 

3 

44 

21    » 

11 

CD 

A.    i 

^3 

18 

15  S 

12 

O^ 

A. 

4 

5 

s 

21    «■* 

12 

o< 

r&* 

A. 

c3 

33 

15  0* 

*3 

S! 

A. 

4 

2<5 

21    ^" 

i3 

(^ 

A.    i 

[3 

47 

14^ 

*4 

•< 

A. 

4 

42 

21    *Q 

14 

< 
pi 

A.    ] 

[4 

0 

13   &> 

M 

3 

A. 

5 

8 

21      w 

3 

15 

3 
O 

A.    i 

[4 

J3 

J    3 

J3  x 

16 
18 

O 
O 

O 
B 
1-1 

A. 
A. 
A. 

5 

5 
6 

29 

49 
10 

21     ~. 

20  §* 

21  g-    ' 

16 

*7 

18 

O 

C 
►1 

A.    ] 
A.    : 
A.    i 

[4 
[4 

[4 

25 
3^ 
47 

12  a. 

II    D- 
O 
II     3 

*9 

r& 

rr 

A. 

6 

31 

21     » 

19 

rr 
W 
l-t 

A.     ] 

[4 

57 

10  S* 

2o 

5 

Ou. 

A. 

6 

52 

21    îT 

20 

O- 

A.    ] 

7 

10  en 

21 

n> 

A. 

7 

13 

21     CD 

21 

A.    1 

16 

9  2. 
9  — 

22 

A. 

7 

34 

O 
21     2. 

22 

A.    1 

25 

23 

A. 

7 

54 

20     f* 

23 

A.    i 

33 

8  3 

24 

A. 

8 

14 

20  S 

20    g 

24 

A.     ] 

40 

7  =» 

25 

A. 

8 

34 

25 

A.    i 

46 

6  2 

26 

A. 

8 

54 

20    P 

26 

A.    ] 

51 

5 

27 

A. 

9 

14 

20 

27 

A.    ] 

56 

28 

A. 

9 

34 

20 

28 

A.    i 

6 

1 

29 

A. 

9 

53 

19 

29 

A.    ] 

6 

5 

4 

30 

A. 

10 

12 

*9 

30 

A.    i 

6 

7 

2 

3i 

A.    i 

6 

9 

2 

3T«ik  XII. 


Nnnni 


834 


EQU 


EQU 


Jours 

NOVEMBRE. 

Différence  du 
retour  du  fo 

Jours 

DÉCEMBRE. 

Différence  du 
retour  du  fo- 

du 

leil  au  Méri- 
dien, en  24 
heures. 

du 
mois. 

leil  au  Méri- 

mois. 

M. 

S. 

M. 

5. 

dien  ,  en  24 
heures. 

I 

A. 

16 

9 

Sec.  0 

I 

A. 

10 

17 

Sec.  23 

2 

A. 

16 

9 

2 

A. 

9 

53 

24 

3 

A. 

16 

8 

0 

3 

A. 

9 

29 

24 

4 

A.     . 

16 

7 

1 

4 

A. 

4 

2)  >a 

5 
6 

A.     . 
A. 

16 
16 

5 

2 

1     WO 

2.    g. 

5 
6 

A. 
A. 

8 

39 
13 

26  gr 

7 

A.    ] 

58 

3    Bt 

7 

A. 

7 

47 

26      | 

27  g 

8 

A.     : 

53 

4   g. 

8 

A. 

7 

20 

9 

A.    . 

47 

5    g 

9 

A. 

6 

53 

27  S 

IO 

r1 
0 

A.    ; 

40 

6   g 

10 

A. 

6 

25 

§-  28  rT 

ii 

en 

A.    . 

33 

7   ~ 

11 

<T> 

A. 

5 

57 

s  28; 

12 

0 

A.     : 

25 

7   S 

12 

en 

A. 

5 

29 

0*  28  0 
S   29  «r- 
-•  29  S 

ï  29  8- 
S    29  3 
8    29  | 

i3 
*4 
i5 

3 

A.      ! 

A.     ] 
A.     ] 

[4 

16 

6 

56 

8  ! 

9  cr 
IO     f» 

*3 

14 

15 

0 

p 
< 

A. 
A. 
A. 

5 
4 
4 

0 

3i 

2 

16 

n> 

A.     ] 

[4 

44 

10    g-  : 

16 

3 

rv 

A. 

3 

33 

i7 

O 

c 

A.     3 

[4 

r- 

12    g   : 

•17 

A. 

3 

4 

18 

A.    i 

[4 

l9 

12    S" 

r—          1 

18 

c 

A. 

2 

34 

*       3o   e 

19 

A.     : 

r4 

5 

*3  s  ; 

*9 

0 

A. 

2 

4 

30  2 

20 

A.     . 

[3 

5o 

J4  s: 

20 

ET 

A. 

1 

34 

30 

21 

A.     : 

[3 

34 

XJ  § 

21 

eu 

A. 

1 

4 

3o 

22 

A.     : 

l3 

w 

16  ~; 

22 

A. 

0 

34 

30 

23 

A.     : 
A.     ■ 

[3 

[2 

0 
42 

17     ïr 

7    on 
17    0    : 

23 
24 

A. 
R. 

0 
0 

4 
26 

30 

24 

30  ja 

*5 

A. 

[2 

23 

18    g 

25 

R. 

0 

5<* 

30  s. 

ïr1  20  o* 

to    30   rr 

26 

A. 

[2 

4 

*9    Sj 

26 

R. 

1 

26 

27 

A.    ■ 

[I 

44 

*9   g 

27 

R. 

1 

tf 

28 
29 

A. 
A. 

II 
II 

23 

2 

2°  8 
21   * 

28 
29 

R. 
R. 

2 
2 

25 
54 

0             •■* 

•        20    ^ 

30 

A. 

IO 

40 

4 

21 

22 

30 
31 

R. 
R. 

3 
3 

23 
52 

29  Q 
29  ' 

De  Vufage  de  la  tahle  ^équation ,  pour 
régler  les  ouvrages  d'horlogerie.  Après  avoir 
parlé  de  la  caufe  des  variations  du  foleil , 
de  la  conftru&ion  des  difïerens  méchanif- 
mes  propres  à  imiter  ces  effets ,  des  moyens 
de  les  exécuter  ,  &  de  fe  fervir  des  tables 
d'équation  pour  tailler  l'ellipfe ,  je  dois 
m'arréter  à  Pufage  que  l'on  fait  de  ces  ta- 
bles pour  régler  les  pendules  ordinaires , 
ainfi  que  les  montres ,    &   donner,   des 


méthodes    pour    en    rendre    l'ufage    fa- 
cile. 

Les  pendules  &  montres  ne  peuvent  mar- 
quer conftamment  que  le  temps  moyen. 
Ces  machines  étant  bien  construites  ne  fau- 
roient  divifer  le  temps  qu'en  des  parties 
égales  ;  lors  donc  que  l'on  veut  régler  une 
pendule  par  le  méridien  ,  il  faut  favoir  fî 
la  quantité  de  temps  écoulée  entre  le  paf- 
fage  du  foleil  au  méridien  d'un  jour ,  efl 


E  Q  U 

égale  à  celle  de  fon  retour  au  même  point 
pour  un  autre  jour. 

Les  tables  d'équation  fervent  particuliè- 
rement à  indiquer  les  différences  du  retour 
du  foieil  :  ainfi  il  refte  à  donner  les  moyens 
de  s'en  fervir  ;  avant  de  le  faire ,  il  eft  à 
propos  de  faire  connoître  les  deux  fortes 
de  tables  à'éqiihtion  que  donne  l'académie 
des  fciences ,  Iefquelîes  font  jointes  &  font 
partie  de  la  connoiffance  des  temps. 

Quoiqu'il  n'y  ait  qu'une  feule  équation 
ou  différence  du  temps  vrai  au  temps 
moyen  du  foieil ,  cette  différence  peut  ce- 
pendant être  exprimée  différemment ,  fui- 
vant  l'époque  ou  point  d'où  Ton  part  : 
pour  la  former  on  a  conftruit  deux  tables 
$  équation  ,  comme  on  le  peut  voir  dans 
la  connoifîànce  des  temps. 

Dans  la  première  efpece  de  table  ,  qui 
eft  celle  que  donne  la  connoiffance  des 
temps  à  la  fixieme  colonne  de  la  féconde 
page  de  chaque  mois,  pour  tous  les  jours 
de  l'année,  la  variation  du  foieil  eft  tou- 
jours dans  le  même  fens  ;  en  forte  qu'une 
pendule  réglée  fur  le  temps  moyen ,  mife 
le  premier  novembre  (  époque  que  l'on  a 
choilie  pour  la  conftrucîion  de  cette  table  ) 
avec  le  foieil  à  fon  pafïage  au  méridien  , 
avancera  en  certains  temps  de  l'année  de 
30'  53"  fans  être  jamais  en  retard;  ainfi 
le  foieil  retardera  toujours  fur  le  temps 
moyen.  Une  pendule  mife  fur  cette  table 
de  X équation  de  l'horloge  ,  ne  fe  trouvera 
jufte  avec  le  foieil  qu'une  fois  par  an  ,  qui 
eft  le  premier  novembre  ,  jour  où  elle  eft 
fuppofée  avoir  été  mife  avec  lui  à  fon  paf- 
fage  au  méridien. 

La  féconde  table  $  équation  de  la  con- 
noifîànce des  temps  a  pour  titre  ,  table  du 
temps  moyen  au  midi  vrai  pour  le  méridien 
de  Paris.  Dans  celle-ci  on  a  partagé  la 
fomme  de  la  variation  du  foieil  :  ainfi  une 
pendule  réglée  fur  le  temps  moyen  ne  peut 
avancer  que  de  14/  44"  ,  mais  doit  retarder 
de  16'  9"  ;  ces  deux  quantités  forment  la 
même  variation  30'  53"  de  la  première 
table. 

Une  pendule  réglée  fur  cette  féconde  ef- 
pece de  table ,  fe  trouvera  quatre  fois  par  an 
avec  le  foieil  ;  les  deux  temps  vrai  &  moyen 
ne  différeront  pas  l'un  de  l'autre  le  1 5  avril , 
le  15  juin ,  le  31  août,  &  le  23  décembre. 


E  Q  U  83î 

Quoique  l'une  &  l'autre  table  d'équation 
puiffent  également  fervir  à  régler  les  mon- 
tres &  pendules ,  il  auroit  été  fort  mal-à- 
propos  d'éviter  au  public  le  choix  entre 
ces  deux  tables  ,  en  envifageant  leur  ufage 
fîmplement  relatif  aux  montres  &  pendu- 
les ,  ou  comme  ne  devant  fervir  qu'à  ré- 
gler ces  machines. 

Le  temps  moyen  donné  par  l'une  fera , 
il  eft  vrai ,  auffi  propre  à  régler  les  pendu- 
les ,  que  le  temps  moyen  donné  par  l'autre  ; 
mais  ces  deux  temps  paroîtront  différer  , 
quoiqu'étant  au  fond  une  même  chofe  ; 
car ,  pour  en  donner  un  exemple  ,  une 
pendule  qu'on  aura  réglée  fur  le  moyen 
mouvement  du  foieil ,  &  qui  aura  été  mife 
fur  la  première  efpece  de  table  de  l'équa- 
tion de  l'horloge ,  au  paffage  du  folèil  pac 
le  méridien  ,  le  premier  novembre  mar- 
quera midi  jufte ,  dans  Pinftant  de  ce 
paffage  du  foieil  ,  tandis  qu'une  autre  pen- 
dule ,  auffi  réglée  fur  le  temps  moyen  par 
la  féconde  table,  retardera  de  16'  9".  Ce 
même  jour  les  deux  temps  moyens  donnés 
par  ces  deux  tables ,  &  marqués  par  deux 
pendules  ,  différeront  donc  entr'eux  de 
16'  9" ,  &  ainfi  des  autres  temps  de  l'année. 

Cette  féconde  efpece  de  table  ,  qui  eft 
celle  que  j'ai  donnée  ci-devant  d'après  celle 
de  la  connoiffance  des  temps  ;  cette  table  , 
dis-je  ,  me  paroît  devoir  être  uniquement 
fuivie  ,  puifque  la  première  n'a  point  d'au- 
tre propriété  que  la  féconde  ,  &  que  celle-ci 
au  contraire  a  un  avantage  ;  c'eft  que  le 
foieil  dans  le  temps  qu'il  eït  le  plus  éloigné 
de  fon  moyen  mouvement,  ne  l'eft  que 
de  16'  cj'  ;  &  l'autre  au  contraire  ayant 
toute  l'erreur  dans  le  même  fens ,  peut  en 
différer  de  30'  53". 

Méthode  pour  régler  une  pendule  par  le 
méridien  y  &  lui faire  juivre  le  temps  moyen 
ou  égal.  Il  faut  mettre  la  pendule  au  mo- 
ment du  pafîàge  du  foieil  par  le  méridien  , 
à  la  quantité  de  minutes  &  de  fécondes 
que  la  table  indique  ,  ayant  égard  ,  fi  le 
jour  propofé  le  foieil  avance,  de  mettre 
en  retard  l'aiguille  ;  &  au  contraire  s'il 
retarde ,  d'avancer  l'aiguille  du  nombre 
de  minutes  &  fécondes  qui  répond  audit 
jour. 

On  verra  le  lendemain  fi  la  pendule  fe 
trouve  au  paffage  du  foieil  par  le  méridien. 
Nnnnn  2 


836  E  Q  U 

à  la  différence  que  la  table  marque»  pour 
ce  jour  ;  fi  elle  fe  rencontre  ,  c'eft  une 
preuve  qu'elle  eft  réglée  ;  au  contraire  fi 
elle  excède  cette  différence  ,  foit  en  avance 
ou  en  retard  ,  il  faut  bailler  ou  hauffer 
la  lentille  proportionnellement  à  l'erreur 
qu'elle  aura  faite ,  &  au  fens  dont  elle  fe 
fera  écartée  de  la  table. 

On  doit  mettre  la  pendule  en  retard , 
Il  la  table  marque  que  le  foleil  avance  , 
par  la  raifon  que  cette  pendule  étant  pro- 
pofée  pour  marquer  le  temps  moyen  ,  le 
foleil  ne  peut  avancer  fans  que  ce  temps 
ne  (bit  en  retard ,  &  qu'au  contraire  il  ne 
peut  retarder  fans  que  le  temps  moyen 
n'avance ,  puifque  c'eft  d'après  la  compa- 
raifon  de  ces  deux  temps  que  la  table  a 
été  faite. 

Exemple.  Le  18  décembre  on  a  vu  le 
méridien  ,  &  mis  la  pendule  à  2  minutes 
34  fécondes  (nombre  que  la  table  marque 
à  ce  jour  )  :  oa  obfervera  le  lendemain  fi 
elle  retarde  de  la  quantité  que  la  table 
donne  pour  le  iq  ,  qui  eft  2  minutes 
4  fécondes  ;  fi  elle  fe  rencontre  a  cette 
quantité,  c'eft  une  preuve  qu'elle  eft  ré- 
glée. 

Si  elle  a  avancé  fur  ce  nombre ,  baiffez 
la  lentille  ;  au  contraire  fi  elle  a  retardé , 
faites-la  monter  par  l'écrou  en  raifon  de 
l'erreur  qu'elle  aura  faite ,  &  répétez  la 
même  opération  jufqu'à  ce  qu'elle  fuive  la 
différence  que  la  table  indique. 

On  peut  fe  difpenfer  de  voir  tous  les 
jours  le  méridien  ,  &  en  biffer  écouler 
plufieurs  ,  en  fe  fouvenant  du  nombre  , 
afin  que  fi  la  pendule  diffère  de  la  table , 
on  touche  à  la  lentille  en  raifon  du  nom- 
bre de  jours  écoulés  ,  &  de  celui  de 
minutes  &  fécondes  dont  elle  a  avancé  ou 
retardé. 

On  peut  auffi  ,  lorfque  la  pendule  eft 
réglée ,  favoir  l'heure  du  temps  vrai  ,  en 
voyant  par  la  table  d'équation  de  quelle 
quantité  le  foleil  avance  ou  retarde  fur  le 
temps  moyen  au  jour  propofé. 

Méthode  pour  faire  fuivre  le  temps  vrai  à 
une  pendule.  Pour  faire  fuivre  ce  temps  à 
une  pendule  ,  il  faut  s'affujettir  à  conduire 
l'aiguille  chaque  jour  ,  fuivant  que  le  foleil 
varie  ;  car  il  n'y  a  que  les  pendules  à  équa- 
tion qui  puiffent  fuivre  cette  variation.  Il 


E  QU 

faut  donc  avoir  foin  en  faifant  fuivre  à  une- 
pendule  ordinaire  le  temps  vrai,  d'y  tou- 
cher de  temps  à  autre  ,  en  conduifant 
l'aiguille  fuivant  que  le  foleil  avance  ou 
retarde  ,  &  faire  attention  fi  la  pendule 
s'éloigne  chaque  jour  du  foleil  du  nombre 
de  fécondes  marquées  à  la  dernière  co- 
lonne de  chaque  mois  ,  en  forte  que  le 
mouvement  de  la  pendule  fuive  toujours 
le  temps  moyen  :  la  différence  dont  le  fo- 
leil varie  d'un  jour  à  l'autre  eft  marquée  à 
la  dernière  colonne  de  chaque  mois  ;  on 
peut  fe  fervir  de  cette  variation  pour  régler 
la  pendule  propofée  ;  fi  elle  avance  ou  re- 
tarde d'une  plus  grande  quantité  que  cette 
différence  de  24  heures  ,  il  faut  toucher  à 
la  lentille  à  proportion  de  l'erreur. 

Dans  le  cas  où  on  ne  pourroit  pas  voir 
le  foleil  tous  les  jours  ,  la  méthode  dont 
je  viens  de  parler  pour  faire  fuivre  le  temps, 
vrai  à  l'aiguille ,  &  régler  la  pendule  par 
la  troifieme  colonne  ,  ou  excès  de  24  heu- 
res, deviendroit  difficile. 

Il  faut  donc  ,  avant  de  faire  varier  l'ai- 
guille comme  le  foleil  ,  commencer  par 
régler  la  pièce  fur  le  temps  moyen  (  par  la 
première  méthode  )  ,  après  quoi  il  eft  très- 
facile  de  faire  fuivre  à  l'aiguille  le  mouve- 
ment du  foleil ,  comme  on  le  verra  par 
cet  exemple ,  qui  fuppofe  la  pendule  ré- 
glée fur  le  temps  moyen  ,  à  laquelle  on 
veut  faire  fuivre  les  variations  du  foleil  ou 
le  temps  vrai. 

Exemple  pour  régler  la  pendule  fur  le  temps 
moyen  y  en  lui  faifant  fuivre  le  temps  vrai. 
Ayant  mis  le  premier  mars  la  pendule  avec 
le  foleil  à  fon  paffage  au  méridien  ,  ob- 
fervez  le  13  du  même  mois  le  foleil,  qui 
depuis  le  premier  s'eft  approché  de  trois 
minutes  du  temps  moyen  :  voyez  pour  cet 
effet  la  table  &  équation  ,  laquelle  marque 
pour  le  premier  mars ,  le  foleil  retarde  de 
12'  36",  &  le  13  de  9'  36";  donc  il  a 
avancé  de  3  minutes.  Si  la  pendule  eft  ré- 
glée fur  le  temps  moyen ,  elle  doit  être  en 
retard  du  foleil  de  cette  quantité  ;  fi  elle 
en  diffère  en  plus  ou  en  moins  ,  il  faut 
monter  la  lentille  fi  elle  retarde ,  &  la  baiffer 
fi  au  contraire  elle  avance. 

Pour  régler  une  pendule  à  fécondes  ou 
d'obfervation  ,  il  eft  à  propos  d'avoir  une 
montre  à  fécondes ,    que  l'on  arrête   fur 


E  QU 

midi ,  &  à  l'inftant  du  paflàge  du  foleil 
par  le  méridien ,  on  la  laiiïè  marcher  (  les 
montres  à  fécondes  ont  ordinairement  un 
petit  levier  qui  fert  pour  cela  )  ,  de  forte 
que  cette  montre  donne  exactement  l'heure 
du  foleil  ;  car  avec  un  méridien  que  j'ai 
fait ,  }e  fuis  aflliré  du  pafïàge  du  foleil  par 
le  méridien  à  cinq  fécondes  près ,  je  puis 
même  dire  à  deux  fécondes  ;  ainfi  ayant 
une  table  à? équation  ,  on  met  la  pendule 
à  la  quantité  de  minutes  &  fécondes  qu'elle 
indique  ;  de  cette  façon  on  peut  régler  une 
pendule  avec  beaucoup  d'exactitude. 

Quant  aux  pendules  &  montres  ordi- 
naires ,  il  n'eft  pas  befoin  de  cette  grande 
précifion  ,  &  on  ne  doit  pas  même  l'atten- 
dre ;  de  forte  qu'on  peut  négliger  quelques 
fécondes  que  l'on  appercevra  de  variation 
en  un  jour  ;  &  même  quand  il  y  auroit 
30  fécondes  pour  les  montres  ,  on  ne  doit 
pas  y  faire  attention  ;  le  méridien  peut 
auflï  ne  pas  donner  exactement  l'inftant 
de  midi.  Cet  art.  eft  de  M.  Ferdinand 
BerthouD)  horloger. 

EQUERRE ,  f.  £  (Géométr.)  C'eft  un 
infiniment  fait  de  bois  ou  de  métal ,  qui 
fert  à  tracer  &  mefurer  des  angles  droits , 
comme  L  E  M,  Planche  de  Géom.fig.  42.. 
Elle  eft  compofée  de  deux  règles  ou  jam- 
bes ,  qui  font  jointes  ou  attachées  perpen- 
diculairement fur  l'extrémité  l'une  de  l'autre. 
Quand  les  deux  branches  font  mobiles  à  un 
point ,  on  l'appelle  biveau  ou  faujje  équerre. 
Voye\  BlVEAU. 

Pour  examiner  fi  une  e'querre  eft  jufte 
ou  non  ,  décrivez  un  demi-cercle  AE  F 
d'un  diamètre  à  difcrétion  ;  &  dans  ce 
demi- cercle  tirez  de  chaque  extrémité  du 
diamètre  A  &  F  des  lignes  droites ,  vers 
un  point  pris  à  volonté  dans  la  circonfé- 
rence ,  comme  E  :  appliquez  Y  e'querre  aux 
côtés  de  l'angle  A  E  F,  de  manière  que 
fon  fommet  foit  en  E.  Si  Yéquerre  s'ajufte 
exactement  aux  côcés  de  l'angle  ,  elle  eft 
Jufte  ;  autrement  elle  eft  faufle.  Harris 
&  Chambers. 

On  dit  que  deux  lignes  _,  &c.  font 
ê?  équerre,  quand  elles  font  perpendiculaires 
Fune  à  l'autre. 

f  ÉQUERRE,  (Aftron.)  conftellation  mé- 
ridionale ,  introduite  par  M.  de  la  Caille  , 
&  qui  eft  jointe  avec  la  règle  &  le  triangle 


E  Q  U  8?7 

aufiral  en  forme  de  niveau.  Voye\  Trian- 
( M.  de  la  Lande.) 


GLE 

Équerre  d'Arpenteur  ,  en  terme 
d?  Arpentage;  c'eft  un  cercle  de  cuivre  d'une 
bonne  confiftance ,  de  4 ,  5  ou  6  pouces  de 
diamètre.  PL  d'Arp.jig.  ij.  On  le  divife 
en  quatre  parties  égales  ,  par  deux  lignes 
qui  s'entre-coupent  à  angles  droits  au  centre. 
Aux  quatre  extrémités  de  ces  lignes  &  au 
milieu  du  limbe  ,  on  met  quatre  fortes  pin- 
nules  bien  rivées  dans  des  trous  quarrés  , 
&  très-perpendiculairement  fendues  fur  ces 
lignes  ,  avec  des  trous  au  deiïbus  de  chaque 
fente ,  pour  mieux  diftinguer  les  objets 
éloignés.  On  évuide  ce  cercle  ,  pour  le 
rendre  léger. 

xAu  deflbus  &  au  centre  de  Pinftrumenfi 
fe  doit  monter  à  vis  une  virole ,  qui  fert 
à  foutenir  Y  équerre  fur  fon  bâton  de  4  à  5 
pies  (fig.  18)  y  fuivant  la  hauteur  de  l'œil 
de  l'obfervateur.  Ce  bâton  eft  garni  d'un 
fer  pointu  par  le  bout  qui  entre  en  terre , 
&  l'autre  bout  eft  arrondi ,  pour  que  la 
virole  y  refte  jufte. 

Toute  la  précifion  de  cet  inftrument  con- 
fifte  en  ce  que  les  pinnules  foient  bien  exac- 
tement fendues  à  angles  droits  ;  ce  que  l'on 
connoîtra  facilement  en  bornayantpar  deux 
pinnules  un  objet  éloigné ,  &  un  autre  objet 
par  les  deux  autres  pinnulesf  II  faut  enfuite 
tourner  Y  équerre  bien  jufte  fur  fon  bâton  , 
&  regarder  les  mêmes  objets  par  les  pinnules 
oppofées  :  s'ils  fe  rencontrent  bien  exacte- 
ment dans  l'alignement  des  fentes,  c'eft  une 
marque  de  la  jufteffe  de  I'inftrurflent. 

Pour  éviter  de  faufier  cette  équerre  y  il 
faut ,  i°.  enfoncer  en  terre  le  bâ*ton  feul , 
&  quand  il  eft  bien  affermi  ,  placer  ladite 
équerre  fur  la  virole  ,  par  le  moyen  de  fa 
vis. 

On  fait  aufïï  de  ces  fortes  à'équerres  où 
l'on  met  huit  pinnules,  de  la  même  ma- 
nière que  celles  décrites  ci-deftùs  ;  elles  fer- 
vent pour  avoir  les  angles  de  45  degrés  ,. 
ainfi  qu'aux  jardiniers  pour  aligner  &  planter 
des  allées  d'arbres  en  étoile. 

Voici  la  manière  de  fe  fervir  de  cet  ins- 
trument. Suppofons  qu'on  veuille  lever  le; 
plan  du  champ  ABC  DE  (PL  de  l'Arp.. 
figure  zq.)  y  on  plantera  des  jallons  ou 
des  piquets  bien  à  plomb  â  tous  les 
angles  ;.  on  mefurera  la  ligne  A  Cy  &  les. 


838  E  Q  U 

perpendiculaires  qui  tombent  des  angles  fur  . 
cette  ligne  ,  &  l'on  écrira  féparément  ces 
mefures.  Pour  trouver  le  point  F>  extré- 
mité d'une  des  perpendiculaires  ,  on  plan- 
tera des  j allons  à  difcrétion  fur  la  ligne  AC  , 
&  l'on  mettra  le  pie  de  l'inftrument  fur 
la  même  ligne  ,  de  manière  qu'à  travers 
deux  alidades  oppofées  on  puifte  voir  deux 
des  jallons  plantés  fur  cette  ligne ,  &  à  tra- 
vers les  deux  autres  alidades,  le  jallon  E. 
Si  dans  cette  dation  le  point  E  n'eft  point 
vilible  ,  on  reculera  ou  l'on  avancera  l'inf- 
trument ,  jufqu'à  ce  que  les  lignes  A  F, 
E  jFfafïènt  un  angle  droit  en  F:  par  ce 
moyen  on  aura  le  plan  du  triangle  A  F  E. 
On  trouvera  de  la  même  manière  le  point  H 
où  tombe  la  perpendiculaire  D  H ,  dont 
on  mefurera  la  longueur  avec  celle  de  HFy 
pour  avoir  le  plan  du  trapefe  E  F  H  D. 

On  mefurera  enfuite  H  C  y  qui  fait  un 
angle  droit  avec  HD  >  &  on  aura  le  plan 
du  triangle  D  H  C.  Il  ne  reftera  plus  après 
cela  qu'à  trouver  le  point  G,  où  tombe 
îa  perpendiculaire  B  G.  On  trouvera  ce 
point  de  la  même  manière  que  les  autres , 
&  on  aura  par  ce  moyen  le  plan  de  tout 
le  champ  ABC  D  E,  dont  on  aura  l'aire 
ou  la  furface  en  ajoutant  enfemble  les  trian- 
gles &  les  trapefes.  Voy.  Aire  ,  SuFvF  ACE, 
Triangle,Trapese,&c-.V.^j/7Arpen- 
teur,chaîne,lever  un  planj&y.fej 

EQUERRE,  (Architecl.)  Y?  equerre  des 
Architectes  n'a  rien  de  particulier  :  c'eft  une 
equerre  commune  ,  telle  que  celie^des  Géo- 
mètres ,  dont  on  a  donné  la  defcription  au 
commencement  de  cet  article.  Il  n'y  a  pref- 
qu'aucunartoù  elle  ne  foit  d'ufage,  &  nous 
y  renverrons  dans  les  articles  fuivans. 

EQUERRE  ,  en  Architecture  _,  s'entend 
auiïl  d'un  lien  de  fer  coudé ,  qu'on  met 
aux  poteaux  corniers  d'une  encoignure  de 
pan  de  bois ,  aux  portes  de  menuiferie  & 
à  d'autres  ouvrages.  (P) 

EQUERRES  ,  (Hydraul.)  font  des  cou- 
des qu'on  eft  obligé  de  faire  à  une  conduite , 
lorfque  le  deffein  d'un  jardin  vous  affujettit 
à  des  angles  indifpenfables. 

Equerre  fe  dit  encore  de  groffes  plates- 
bandes  de  fer  dont  on  garnit  les  angles  des  ré- 
fervoirs  de  plomb  élevés  en  l'air ,  pour  fou- 
tenir  la  pouîfée  &  l'écartement  des  côtés. (K) 

EQUERRE ,  en  terme  de  Bijoutier,  eft  un 


E  Q  U 

inftrument  formant  un  triangle  équilaréral  f 
dont  ils  fe  fervent  peur  tracer  des  angles. 

EQUERRE  dont  fe  fervent  les  Graveurs 
&  DeJJlnateursy  eft  une  planche  de  bois  qui 
a  deux  arêtes  ,  perpendiculaires  lune  à 
l'autre  ;  &  un  trou  ,  pour  pouvoir  mettre 
le  doigt  &  lever  Yéquerre  facilement ,  & 
fans  toucher  à  l'encre  dont  ks  arêtes  peu- 
vent être  mouillées. 

Equerre  des  Jardiniers  ,  voye^ 
Equerre  des  Arpenteurs. 

Equerre  des  Maçons,  v.  Equerre 
des  géomètres. 

Equerre  des  Charpentiers,  voy, 
Equerre  des  Géomètres. 

Equerre  a  épaulement,  ÇCharp.J 
Celle-ci  ne  diffère  de  Y  equerre  ordinaire  B 
qu'en  ce  qu'une  des  branches  eft  triple  en 
épaiftèur  de  l'autre  :  c'eft  par  cette  raifon 
qu'elle  a  un  épaulement  de  chaque  côté. 
Cet  épaulement  fert  à  foutenir  Yéquerre 
ferme ,  lorfque  l'on  veut  tracer  une  ligne. 

Equerre  du  Charron,*-.  Equerre 
des  Géomètres:  ils  en  ont  de  grandes 
&  de  petites. 

EQUERRE,  outil  de  graveur  de  poinçons 
à  lettres  ,  eft  un  morceau  de  bois  ou  de 
cuivre  plié  en  equerre;  en  forte  que  la  ligne 
qui  eft  l'angle  ou  jonction  des  deux  parties 
de  Y  equerre  y  foit  perpendiculaire  au  plan  ou 
face  de  la  pierre  à  l'huile  fur  laquelle  on 
la  pofe.  Le  deftous  de  Yéquerre  eft  garni 
d'une  femelle  d'acier ,  qui  glifîè  fur  la  pierre 
à  l'huile.  Lorfqu'on  s'en  fert  pour  dreiîer. 
un  poinçon  par  la  face  de  la  lettre  ,  on  place 
le  poinçon  dans  l'angle  de  Yéquerre  9  où  on 
le  tient  affujetti  avec  le  pouce ,  pendant  que 
les  autres  doigts  preflènt  extérieurement 
Yéquerre.  On  fait  glifter  le  tout  fur  la  pierre, 
qui  ufe  à  la  fois  la  femelle  d'acier  de  Y  equerre  y 
&  la  face  du  poinçon  où  la  lettre  eft  gravée, 
qui  par  ce  moyen  eft  parfaitement  dreffée. 
Voyt\  l'art.  GRAVURE  DES  POINÇONS 
A  LETTRE. 

Equerre  des  Ferblantiers,  voy. 
Equerre  des  Géomètres. 

EquerreduMenuisier^.Equer. 
du  géomètre  &  du  charpentier. 

Equerre  de  l'Écrivain  ,  voye\ 
Equerre  du  Géomètre. 

Equerre  de  l'Arquebusier,  voy. 
Equerre  du  Géomètre. 


E  Q  U 

EQUERRE  ,  en  terme  de  Potier  de  terre, 
eft  une  plaque  de  fer  à  plufieurs  pans  ,  qui 
ferc  de  patron  ou  de  modèle  fur  lequel  on 
coupe  le  carreau. 

EQUERRE  ,  en  terme  de  Vitrier  ,  eft  une 
grande  équerre  d'acier  percée  d'efpace  en 
eîpace ,  &  à  bifeaux  en  dedans  :  elle  fert 
à  mettre  les  panneaux  à  Yéquerre. 

Equerres  des  Clochers,  ÇJurifp.) 

OU  ESQUIERS  DES  CLOCHERS  &  DES 
Eglises,  lignifient, félon  quelques-uns, V en- 
droit oh.  font  aflis  les  clochers;  ou,  félon  d'au- 
tres, Vefpace  qui  fe  trouve  d'un  clocher  à  l'au- 
tre. Plufieurs  coutumes  difent  que  le  droit  de 
vaine-pâture  pour  les  beftiaux  d'une  paroifte, 
s'étend  jufqu'aux  equerres  des  clochers  voi- 
jfins ,  c'eft-à-dire  ,  d'un  clocher  à  l'autre. 
Voy.  les  coutumes  de  Vitry,  art.  z  i  z;  Châ- 
lons,  A£6%  Chaumont,tf/r.  zej,-  Troyes, 
1 69;  Sens,  /  4$;  Melun,  art.  30  z,  &  PATU- 
RAGE ,  Pâture,  Vaine-pature.  ÇA) 

EQUESTRE ,   adj.   (Gramm.)  eft  un 

terme  dont  on  fe  fert  fur-tout  dans  cette 

phrafe  ,  flatue  équeflre ,    qui  lignifie  une 

flatue  re pré f entant  une  perfonne  à  cheval. 

Voye\  Statue. 

Ce  mot  eft  formé  du  latin  eques,' ^che- 
valier ,  homme  de  cheval  ;  de  equus,  cheval. 
Voye\  Chevalier. 

La  Fortune  équeflre ,  dans  l'ancienne 
Rome,  étoitune  ftatuede  cette  divinité  à 
cheval.  Nous  difons  aulîi  quelquefois  une 
colonne  équeflre.    Voye\  COLONNE. 

Ordre  équeflre,  chez  les  Romains,fignifioit 
Yordre  des  chevaliers,  ou  équités.  Chamb. 

Equestre,  ÇHifl.  anc)  eft  une  épithete 
que  les  anciens  donnoient  aux  hommes  ,  & 
même  aux  divinités.  Tite-Live  &  Plutarque 
rapportent  que  les  Romains  piqués  de  ce 
que  les  Etrufques  refufoient  de  s'allier  avec 
eux  ,  &  de  leur  permettre  d'époufer  leurs 
filles  ,  étoient  fur  le  point  de  leur  déclarer 
la  guerre  ;  mais  Romulus  leur  perfuada  de 
fe  borner  à  enlever  par  furprife  les  filles  de 
leurs  voifins  ;  dans  cet  objet ,  il  fit  publier 
que  fon  peuple  célébreroit  un  tel  jour ,  des 
jeux  magnifiques  à  l'honneur  de  Neptune 
équeflre  ou  confus  :  il  invita  les  peuples  des 
environs  de  Rome  à  venir  jouir  de  ce  fpec- 
tacle  ,  &  ce  fut  pour  lors  que  les  Romains 
enlevèrent  les  Sabines. 

On  donnoit  à  Rome   le   titre  d'ordre 


E  Q  U  839 

équeflre,  aux  chevaliers  Romains.  On  a  dé- 
couvert une  infinité  d'inferiptions  antiques, 
qui  défignent  l'ordre  équeflre.  (V.  A.  L.) 

EQUIANGLE,  adj.  en  Géométrie,  fe 
dit  des  figures  dont  les  angles  font  égaux. 
Voye\  Angle. 

Un  quarré  eft  une  figure  équiangle.  Voy. 
Quarré.  Un  triangle  équilatéral  eft  auftî 
équiangle.    Voye\  EqUILATÉRAL. 

Quand  les  trois  angles  d'un  triangle  font 
égaux  aux  trois  angles  d'un  autre  triangle  , 
on  appelle  ces  triangles  équiangles  entr'eux. 
Voyei  Triangle.  CE) 

Le  mot  équiangle  s'emploie  plus  fouvent 
dans  ce  dernier  fens  relatif,  lorfqu'on  com- 
pare les  angles  d'une  figure  à  ceux  d'une  au- 
tre ,  que  dans  le  premier  fens  ,  lorfqu'on 
compare  entr'eux  les  angles  d'une  feule  fi- 
gure. Cependant  il  eft  utile  de  s'en  fervir 
dans  les  deux  acceptions  ,  pour  éviter  les 
circonlocutions  ,  ayant  foin  d'ailleurs  que 
ce  mot  ne  fafte  point  d'équivoque  ;  une 
figure  équiangle  tout  court ,  eft  une  figure 
dont  les  angles  font  égaux  entr'eux  ;  une 
figure  équiangle  à  une  autre  ou  deux  figures 
équiangles  entr'elles ,  font  deux  figures  dont 
les  angles  font  égaux  chacun  à  chacun. 
Peut-être  feroit-on  encore  mieux  de  fe  fervir 
dans  le  premier  cas  du  mot  équiangulaire 
(  quin'eft  pas  même  tout  à  fait  horsd'ufage  ) 
à  l'exemple  de  quadrangulaire  ,  &  d'em- 
ployer dans  le  fécond  cas  le  mot  équiangle  : 
une  figure  équiangulaire,  deux  figures  équi- 
angles ,  &c.  ÇO) 

EQUICRURAL,  adj.  (Géom.)  Un 
triangle  équicrural  eft  celui  dont  deux  côtés 
font  égaux ,  &  qu'on  appelle  plus  commu- 
nément un  triangle  ifocele.  Voye\  ISOCELE 
&  Triangle.  CE) 

On  peut  appeller  équicrural ,  un  angle  , 
une  figure  dont  les  côtés  font  égaux.  Mais 
ce  mot  n'eft  plus  en  ufage  ,  parce  que  ceux 
tfifocele  &  $  équilatéral  y  fuppléent.  ÇO) 

EQUICULUS,  EQUULEUS,  ou 
EQUUS  MIN  OR,  ÇAflron,)  eft  une 
conftellation  de  l'hémifphere  feptentrional , 
autrement  nommé  cheval  ou  petit  chevah 
Voyez  Cheval,  ÇA/îron.)  ÇO) 

EQUIDIFFÉRENT  ,  adj.  en  Arithmé- 
tique. Si  dans  une  fuite  de  trois  quantités  r 
il  y  a  la  même  différence  entre  la  première 
&  la  féconde  ,  qu'entre  la  féconde  &.  1* 


EQU 

troifieme ,  on  dit  alors  que  ces  quantités  , 
l'ont  continuement  équidijj'érentes;  mais  fi 
dans  une  fuite  de  quatre  quantités ,  il  y  a 
la  même  différence  entre  la  première  &  la 
féconde ,  qu'entre  la  troifieme  &  la  qua- 
trième ,  on  appelle  ces  quantités  dilcrete- 
ment  équidiférentes.  Voye\  RAISON  G 
Rapport. 

Ainfi ,  3  ,  6,  7  &  io  font  difcrctement 
équidiffe rentes;  &  3  ,  6  &  Q  continuement 
équidifférentes.  Harris  &  Chambers.  Voy. 

Discret,  Continu  &  Quantité.  K 
auffi  Proportion  Arithmetiq.  (EJ 

EQUIDISTANT,  adj.  en  Géométrie  , 
eft  un  terme  qui  exprime  la  relation^  de 
deux  chofes ,  en  tant  qu'elles  iont  a  la 
même  ou  à  une  égale  diftance  1  une  de 
l'autre.   Voyei  DISTANCE. 

Ainfi  on  peut  dire  que  les  lignes  paral- 
lèles font  équidiflantes,  ou  également  disan- 
tes ;  parce  que  ni  l'une  ni  l'autre  ne  s'eloi- 
gne'ni  ne  s'approche.  Voye\  PARALLELE. 
Harris  &  Chambers.  CE) 

On  peut  néanmoins  remarquer  quil  y 
a  cette  différence  entre  équidiflant  &  paral- 
lèle, que  le  dernier  s'applique  à  une  étendue 
continue  ,  ou  confidérée  comme  telle ,  & 
le  premier  à  des  parties  de  cette  écendue 
ifolées  &  comparées;  ainfi  on  peut  dire  que 
dans  des  lignes  parallèles  deux  points  quel- 
conques correfpondans  ,  c'eft-à-dire ,  fitues 
dans  la  même  perpendiculaire  à  ces  deux 
lignes  ,  font  toujours  équidiflans;  que  dans 
deux  rangées  d'arbres  parallèles ,  chaque  ar- 
bre eft  équidiflantâe  fon  correfpondant  dans 
l'autre  allée.  Equidiflant  s  emploie  encore , 
lorfque  dans  une  même  portion  d'étendue 
on  compare  des  particules  fituées  à  égales 
diftances  les  unes  des  autres  ;  ainfi  dans  une 
feule  rangée  d'arbres  plantés  à  égale  dif- 
tance  l'un  de  l'autre  ,  on  peut  dire  que  les 
arbres  Çont  équidiflans;  zuMeu  que  parallèle 
ne  s'emploie  jamais  qu'en  comparant  la  po- 
fition  de  deux  portions  d'étendue  diftin- 
guées.  Telles  font  les  différences^ des  mots 
parallèle  &  équidiflant  :  la  Géométrie  , 
comme  Ton  voit ,  a  fes  fynonymes  ainfi  que 
la  Grammaire.  fOj 

EQUILATÉRAL,ouEQUILATERE, 
adj.  (Géom.)  fe  dit  de  tout  ce  qui  a  les  côtés 
égaux.  Ce  mot  eft  formé  des  deux  mots 
latins  #quus  >  égal ,  .&  latus  ,  côté. 


EQU 

Ainfi  un  triangle  équilatéral  eft  celui  dont 
les  côtés  font  tous  d'une  égaie  longueur. 
Dans  un  triangle  équilatéral ,  tous  les  angles 
font  aufti  égaux.     Voye\   TRIANGLE  & 

Figure. 

Tous  polygones  réguliers  &  tous  corps  ré- 
guliers font  équilatéraux.  V.  POLYGONE  , 
RÉGULIER,  Ùc.  Harris  &  Chambers.  (E) 

Le  mot  équilatéral  eft  plus  en  ufage 
q\î  équilatere,  cependant  ce  dernier  n'eft  pas 
encore  tout  à  fait  profcrit  ;  il  eft  même  en 
quelques  cas  plus  en  ufage  que  l'autre  , 
comme  dans  le  cas  fuivant. 

Hyperbole  équilatere  eft  celle  dans  la- 
quelle les  axes  conjugués  comme  AB  de  font 
égaux.  Planche  de  coniques,  fig.  no. 

Donc ,  i°.  comme  le  paramètre  d'une  hy- 
perbole eft  une  troifieme  proportionnelle 
aux  axes  conjugués  ,  il  leur  eft  égal  dans 
l'hyperbole  équilatere  :  20.  fi  dans  l'équation 
yz  =  b  x  4-  b  xx  :  a  qui  eft  l'équation  gé- 
nérale des  hyperboles  ,  nous  faifons  b  =  a; 
l'équation  y2-  =  a  x  -\-  x  x  eft  celle  d'une 
hyperbole  équilatere.  Voye\  HYPERBOLE. 

Dans  cette  dernière  équation ,  on  prend 
l'origine  des  coordonnés  au  fommet  de  l'hy- 
perbole: fi  on  les  prenoit  au  centre ,  l'équa- 
tion de  l'hyperbole  équilatere  rapportée  à 

fon  premier  axe  feroit  y  y  =  xx  —  ^  , 

&  rapportée  au  fécond  axe,  elle  feroit  y  y 

=  xx+a-£.(0) 

ÉQUILIBRE  ,  f.  m.  en  Méchanique  , 
figniiie  une  égalité  de  force  exacte  entre 
deux  corps  qui  agifTent  l'un  contre  l'autre. 
Une  balance  eft  en  équilibre  quand  les  deux 
i  parties  fe  foutiennent  fi  exactement ,  que 
ni  l'une  ni  l'autre  ne  monte  ni  ne  defcend , 
mais  qu'elles  confervent  toutes  deux  leur 
pofition  parallèle  à  l'horizon.  C'eft  delà 
que  le  mot  équilibre  tire  fon  étymologie , 
étant  compofé  de  cequus  ,  égal ,  &  libra  , 
balance.  C'eft  pourquoi  aufîi  on  fe  fert  fou- 
vent  du  mot  balancer  ou  contre-balancer 
pour  défigner  Xéquilibre.  Voye\  BALANCE 
&  Levier. 

En  général,  la  partie  de  la  méchanique 
qu'on  appelle  flatique  ,  a  pour  objet  les  loix 
de  Xéquilibre  des  corps. 

Pour  que  deux  corps  ou  deux  forces  fe 
faflent  équilibre  3  il  faut  que  ces  forces  foient 

égales , 


E  QU 

égales  ,  &  qu'elles  foient  diredement  op- 
pofées  Tune  à  l'autre. 

Lorfque  plufieurs  forces  ou  puifTances 
agiffent  les  unes  contre  les  autres  ,  il  faut 
commencer  par  réduire  deux  de  ces  puif- 
fances  à  une  feule  ;  ce  qui  fe  fera  en  pro- 
longeant leurs  directions  jufqu'à  ce  qu'elles 
fe  rencontrent  ;  &  cherchant  enfuite  par 
les  règles  de  la  compofition  des  forces  la 
direction  &  la  valeur  de  la  puiflance  qui 
réfulte  de  ces  deux  là  ;  on  cherchera  enfuite 
de  la  même  manière  la  puiflance  réful- 
tante  de  cette  dernière  ,  &  d'une  autre 
quelconque  des  puifïànces  données  ,  &  en 
opérant  ainfi  de  fuite  ,  on  réduira  toutes 
ces  puifïànces  à  une  feule.  Or ,  pour  qu'il 
y  ait  équilibre  _,  il  faut  que  cette  dernière 
puiflance  foit  nulle  ,  ou  que  fa  diredion 
pafïè  par  quelque  point  fixe  qui  en  déduife 
l'effet. 

Si  quelques-unes  des  puifTances  étoient 
parallèles  ,  il  faudroit  fuppofer  que  leur 
point  de  concours  fut  infiniment  éloigné, 
&  on  trouveroit  alors  facilement  la  valeur 
de  la  puiffance  qui  en  réfulteroit  &  fa 
diredion.  V.  la  méchanique  de  Varignon. 

Le  principe  de  ^équilibre  eft  un  des  plus 
effentiels  de  la  méchanique  ,  &  on  y  peut 
réduire  tout  ce  qui  concerne  le  mouve- 
ment des  corps  qui  agiflènt  les  uns  fur 
les  autres  d'une  manière  quelconque.  Voye^ 
Dynamique. 

Il  y  a  équilibre  entre  deux  corps ,  lorfque 
leurs  diredïons  font  exadement  oppofées  , 
&  que  leurs  mafTes  font  entr'elles  en  raifon 
inverfedesvîteffes  avec  lefquelles  ils  tendent 
à  fe  mouvoir.  Cette  propofition  eft  reconnue 
pour  vraie  par  tous  les  méchaniciens.  Mais 
il  n'eft  peut-être  pas  auffi  facile  qu'ils  l'ont 
cru  ,  de  la  démontrer  en  toute  rigueur  ,  & 
d'une  manière  qui  ne  renferme  aucune 
obfcunté.  Auffi  la  plupart  ont -ils  mieux 
aimé  la  traiter  &  axiome  que  de  s'appliquer 
à  la  prouver.  Cependant  ,  fi  on  y  veut 
faire  attention  ,  on  verra  qu'il  n'y  a  qu'un 
feul  cas  où  ^équilibre  fe  manifefte  d'une 
manière  claire  &  diftinde  ;  c'eft  celui  où 
les  deux  corps  ont  des  mafTes  égales  &  des 
vîteffes  de.  tendance  égales  &  en  fens  con- 
traires. Car  alors  il  n'y  a  point  de  raifon 
pour  que  l'un  jdes  corps  fe  meuve  plutôt 
que  l'autre.  Il  faut  donc  tâcher  de  réduire 
Tome  XII. 


E  Q  U  841 

tous  les  autres  cas  à  ce  premier  cas  fïmpîe  & 
évident  par  lui  même;  or,  c'eft  ce  qui  ne 
laifïe  pas  d'être  difficile  ,  principalement 
lorfque  les  mafTes  font  incommenfurables. 
Aufîi  n'avons-nous  prefque  aucun  ouvrage 
de  méchanique  ,  où  la  propofition  dont 
il  s'agit  foit  prouvée  avec  l'exadituJe  qu'elle 
exige.  La  plupart  fe  contentent  de  dire 
que  la  force  d'un  corps  eft  le  produit  de 
fa  mafTè  par  fa  vhtfîe  ,  &  que  quand  cqs 
produits  font  égaux  ,  il  doit  y  avoir  équir- 
libre  ,  parce  que  les  forces  font  égales  ; 
ces  auteurs  ne  prennent  pas  garde  que  le 
mot  de  force  ne  préfente  à  l'efprit  aucune 
idée  nette  ,  &  que  les  méchaniciens  mêmes 
font  fi  peu  d'accord  là  deftus,  que  plufieurs 
prétendent  que  la  force  eft  le  produit  de 
la  maffe  par  le  carré  de  la  vîreffe.  Voye^ 
FORCES  VIVES.  Dans  mon  traité  de  dyna^- 
nuque  ,  imprimé  en  174.3  •>  Paëe  37  & 
fuiv.  j'ai  tâché  de  démontrer  rigcureufe- 
ment  la  propofition  dont  il  s'agit  ,  &  j'y 
renvoie  mes  ledeurs  ;  j'ajouterai  feulement 
ici  les  obfervations  fuivantes. 

i°.  Pour  démontrer  le  plus  rigoureufe- 
ment  qu'il  eft  pofîible  la  propofition  dont 
il  s'agit ,  il  faut  fuppofer  d'abord  que  les 
deux  corps  qui  fe  choquent  foient  des 
parallélipipedes  égaux  &  redangles  ,  dont 
les  bafes  foient  égales  ,  &  s'appliquent 
diredement  l'une  fur  fautre  ;  enfuite  on 
fuppofera  que  la  bafe  demeurant  la  même  , 
un  des  parallélipipedes  s'alonge  en  même 
proportion  que  fa  vîteffe  diminue  ;  par  ce 
moyen  on  démontrera  ^équilibre  dans  les 
parallélipipedes  de  même  bafe  ,  en  fuivant 
la  méthode  de  l'endroit  cité  dans  notre 
traité  de  dynamique. 

2°.  Quand  un  des  parallélipipedes  eft  dou- 
ble de  l'autre  ,  au  lieu  de  partager  la 
vîteffe  V  du  petit  en  deux  ,  on  peut  par- 
tager la  maffe  M  du  grand  en  deux  autres 

qui  aient  chacune  la  vîtefTe  -,  &  dont, 
outre  cela  ,  la  partie  antérieure  ait  en- 
core  la   vîteffe   7>   &    la   partie    pofte- 

i  rieure  la  vîteffe  -  en  fens  contraire  ;  car 

I  par  ce  moyen  les  deux  parties  du  grand 
I  corps  fe  feront  équilibre  entr'elles  ,  &  il 
I  ne    reftera  plus    qu'une  maffe   M  d'une 

Ooooo 


G 


84Ï 

part 


E  Q  U  EQU 

animée  de  la  vîtefTe  V  y  &  de  l'autre  ,  très  cas  ;   c'eft-à-dire  ,  par  exemple 


qu'une  marte  7  ou  M  animée  de  la  vi- 

teftè  f  -f-  7  =  ^c'eft-à-dire,  que  tout 

fera  égal  de  part  &  d'autre.  On  peut  appli- 
quer le  même  raifonnement  aux  autres 
cas  plus  compofés. 

30.  Q.iand  on  aura  démontré  les  loix  de 
Yequilibre  pour  des  parallélipipedes  de 
même  bafe  ,  on  les  démontrera  pour  des 
parallélipipedes  de  bafes  différentes ,  en 
employant  le  principe  fuivant  :  fi  deux 
parallélipipedes >  égaux,  rectangles  ,  Ùfem- 
blables  }  font fixés  aux  deux  extrémités  d'un 
levier  ,  &  qu  entre  ces  deux  parallélipipedes 
»  on  en  place  dmx  autres  à  égale  difiance  des 
extrémités  du  levier  >  Ù  qui  agijjèntenfens 
contraire  aux  deux  premiers  y  avec  la  mime 
vitejje  de  tendance  >  il  y  aura  équilibre  ; 
proportion  dont  la  vérité  ne  fera  point 
conteftée ,  mais  qu'il  eft  peut-être  difficile 
de  démontrer  rigoureufement.  Sur  quoi 
voye^Y  article  LEVIER. 

40.  On  applique  enfuite  cette  même  pro- 
position pour  démontrer  Yequilibre  des 
corps  de  figure  quelconque  ,  dont  les  martes 
font  en  raifon  inverfe  de  leurs  vîtefiès  , 
&  qui  agifTent  l'un  fur  l'autre  fuivant  des 
lignes  qui  partent  par  leur  centre  de  gra- 
vité. Par  le  moyen  de  ces  différens  théo- 
rèmes ,  on  aura  démontré  rigoureufement 
&  fans  reftriâion  la  loi  de  Yequilibre  dans 
les  corps  qui  fe  choquent  directement.  A 
l'égard  de  Yequilibre  dans  le  levier ,  &  autres 
machines,  voye^  Levier,  Poulie,  For- 
ces MOUVANTES  ,  ROUE  ,  COIN  ,  MA- 
CHINE Funiculaire  ,  Vis,&<:. 

50.  On  a  demandé  plufieurs  fois  fi  les 
loix  du  choc  des  corps  font  telles  qu'il  ne 
put  pas  y  en  avoir  d'autres.  Nous  avons 
démontré  au  mot  DYNAMIQUE  ,  que  les 
loix  du  choc  dépendent  de  celles  de  Yequi- 
libre :  ainfi  la  queftion  fe  réduit  à  favoir 
fi  les  loix  de  [équilibre  font  telles  qu'il 
re  puifte  pas  y  en  avoir  d'autres  ;  or  ,  les 
?o  x  de  Yequilibre  fe  réduifent  ,  comme 
nous  avons  vu  dans  cet  article  ,  à  Yequilibre 
de  deux  corps  égaux  &  femblables  ,  animés 
en  fens  contraire  de  vîtertes  de  tendance 
égales.  Tout  fe  réduit  donc  à  favoir  s'il 
peut  encore  y  avoir  équilibre  dans  d'au- 


fi 

deux  corps    égaux   dont  les  vîtefïès  con- 
traires font   inégales  ,   pourront  fe    faire 
abfolument    équilibre  y    ou    ce  qui  eft  la 
même  chofe  ,  comme  il  eft  aifé  de  le  voir  , 
fi  un  corps  A  animé  d'une  vîterte  quel- 
conque a  y    &  venant   frapper  un   autre 
corps  égal  en  repos  ,  les  deux  corps  relie- 
ront en  repos  après  le  choc.  Il  femble  que 
ce  dernier  cas  eft  impoftible  \  car  au  lieu 
de   fuppofer    le  fécond  corps   en   repos  , 
fuppofons-le  animé  de  la  vîtefTe  —  a  égale 
&  en  fens  contraire  à  la  vîterte  a  ;  il  eft 
certain  d'abord  que  dans  ce  cas  il  y  aura 
équilibre  ,•    fuppofons  à    préfent   que  dans 
l'mftant  où  il  eft  animé  de  la  vîterte  —  a, 
par   laquelle  il   fait  équilibre  au  premier 
corps  ,  il  foit  animé  de  la  vîterte  -f*  <z  ,  il 
eft  évident ,  i°.  que  rien  n'empêchant  l'ac- 
tion de  cette  dernière  vîterte  ,    puifque 
l'autre— a  eft  détruite  pat  î'aclion  du  pre- 
mier corps  ,  rien  n'empêchera  ce  fécond 
corps  de  fe  mouvoir  avec  la  vîtefTe  -7-  a  ; 
cependant  ce  même  corps  animé  des  vîtertes 
~\-a  ,  — -  a  y  eft  dans  un  cas  femblable  à 
celui  du  repos ,  où  nous  l'avons  fuppofé  ; 
&  puifqu'on  fuppofe   que  ce  fécond  corps 
en  repos  ne  feroit  point  mu  par  le  pre- 
mier ,  ce  fécond  corps  feroit  donc  tout  à  la 
fois  en  repos  &  en   mouvement  ;  ce  qui 
eft  abfurde.   Donc  il  n'y  a   de   vrai    cas 
$  équilibre  que   celui  des  vîtertes  égales  & 
contraires.  Donc  ,  Ùc. 

6°.  Donc  quand  deux  corps  font  en 
équilibre  y  en  vertu  de  la  raifon  inverfe  de 
leur  vîterte  &  de  leurs  maftès  ,  fi  on 
augmente  ou  qu'on  diminue  fi  peu  qu'on 
voudra  la  marte  ou  la  vîrerte  d'un  des 
corps  ,  il  n'y  aura  plus  Yequilibre.  Il  faut 
nécertàirement  fuppofer  cet:e  dernière  pro- 
position ,  pour  démontrer  la  proposition 
ordinaire  de  Yequilibre  dans  le  cas  de  l'in- 
commenfurabilité  des  martes,  voye\pag.  39 
de  ma  dynamique  ;  car  dans  le  cas  des  in- 
commenturables  on  ne  démontre  que  par 
la  réduction  à  l'abfurde  ;  &  la  feule  abfur- 
dité  à  laquelle  on  puiflb  réduire  ici  , 
comme  on  le  peut  voir  par  la  démonftra- 
tion  citée  ,  c'eft  qu'une  marte  pHis  grande 
fait  le  même  efrèt  qu'une  moindre  avec  la 
même  vîterte.  Il  eft  artez  fingulier  que  pour 
démontrer  une  propofition  nécertàirement 


E  Q  U 

vraie  ,  telle  que  celle  de  Yéquihbre  des  [ 
mafïès  en  raiion  inverfe  des  vîtefïès  ,  il  j 
faille  abfoiument  fuppofer  cette  autre  pro- 
pofition  qui  paroît  moins  néceflairement 
vraie  :  qu'un  corps  en  mouvement  venant 
frapper  un  autre  corps  en  repos  y  lui  don- 
nera ne'ceJJ aire ment  du  mouvement.  Cette 
connexion  forcée  n'eft-elle  pas  une  preuve 
que  la  féconde  proportion  eft  aufïi  néces- 
sairement vraie  que  la  première  ?  Il  me 
femble  que  ce  raifonnement  n'eft  pas  fans 
force  ,  fur-tout  fi  on  le  joint  à  celui  de  l'ar- 
ticle 5  précédent. 

De  tout  cela  il  s'enfuit  qu'il  n'y  a  qu'une 
feule  loi  porîible  iï  équilibre  9k  un  feul  cas 
où  il  ait  lieu  ,  celui  des  mafles  en  raifon 
inverfe  des  vîtefïès  ;  que  par  conféquent 
un  corps  en  mouvement  en  mouvra  toujours 
un  autre  en  repos  :  or ,  ce  corps  en  mou- 
vement ,  en  communiquant  une  partie  du 
fien  ,  en  doit  garder  le  plus  qu'il  eft  pofli- 
ble  ,  c'eft-à-dire  ,  n'en  doit  communiquer 
que  ce  qu'il  faut,  pour  que  les  deux  corps 
aillent  de  compagnie  après  le  choc  avec 
une  vîteffe  égale.  De  ces  deux  principes 
réfuîtent  les  loix  du  mouvement  &  de  la 
Dynamique  ;  &  il  réfulte  de  tout  ce  qui  a 
été  dit  ,  que  ces  loix  font  non  feulement 
les  plus  fimples  &  les  meilleures ,  mais  en- 
core les  feules  que  le  Créateur  ait  pu  établir 
d'après  les  propriétés  qu'il  a  données  à  la 
matière.  Voye\  DYNAMIQUE,  PER- 
CUSSION. 

Sur  X équilibre  des  fluides,  voye\  FLUIDE, 
Hydrostatique  ,  &c. 

Au  refîe  ,  on  ne  devroit ,  à  la  rigueur  , 
employer  le  mot  équilibre,  que  pour  dé- 
ligner le  repos  de  deux  puiflances  ou  deux 
corps  qui  font  dans  un  état  d'effort  conti- 
nuel ,  &:  continuellement  contre  -  balancé 
par  un  effort  contraire  ,  en  forte  que  fi  un 
des  deux  efforts  contraires  venoit  à  cefler 
ou  à  être  diminué  ,  il  s'enfuivroit  du  mou- 
vement. Ainfi  deux  poids  attachés  aux 
bras  d'une  balance  ,  font  en  équilibre  dans 
le  fens  proprement  dit;  car  ces  deux  poids 
agiffent  fans  ceffe  l'un  contre  l'autre  ,  &  fi 
vous  diminuez  un  des  poids ,  la  balance  fera 
en  mouvement.  Au  contraire ,  deux  corps 
égaux  &  durs  qui  fe  choquent  en  fens  op- 
pofés  avec  des  vîteffes  égales  ,  détruifent  à 
la  vérité  leurs  mouvemens,  mais  ne  font 


E  Q  U 


843 


pas  proprement  en  équilibre ,  parce  que 
l'effort  réciproque  des  deux  corps  eft  anéanti 
par  le  choc  ;  après  l'inftant  du  choc  ,  ces 
deux  corps  ont  perdu  leur  tendance  même 
au  mouvement,  &  font  dans  un  repos  ab- 
folu  &  refpectif ,  en  forte  que  fi  on  ôtoit 
un  des  corps ,  l'autre  refteroit  en  repos  fans 
fe  mouvoir.  Cependant  pour  généralifer  les 
idées  ,  &  fimplifier  le  langage  ,  nous  don- 
nons dans  cet  article  le  nom  d'équilibre  à 
tout  état  de  deux  puiflances  ou  forces  éga- 
les qui  fe  détruifent ,  fok  que  cet  état  foit 
inftantané  ,  foit  qu'il  dure  aufîi  long- temps 
qu'on  voudra.  (O) 

D  émonftration  métaphyfique  du  principe 
général  de  M.  Euler. 

On  trouve  dans  les  mémoires  de  l'aca- 
démie des  fciencesde  Berlin  ,  année  1752., 
une  démonstration  métaphyfique  du  prin- 
cipe général  de  Y  équilibre  ,  qui  eft  du  cé- 
lèbre M.  Euler.  Son  utilité  nous  a  engagés 
à  la  placer  ici  ,  vu  que  d'ailleurs  elle  eft 
affez  fimple  pour  être  à  la  portée  de  tous 
les  lecteurs  médiocrement  verfés  dans  le 
calcul  différentiel.  Voici  en  quoi  elle  con- 
fifte  :  mais  comme  Yéquilibre  eft  produit 
par  l'action  des  forces ,  il  eft  néceflaire 
d'expliquer ,  avant  toutes  chofes  ,  ce  que 
l'on  entend  par  ce  mot ,  afin  de  s'en  for- 
mer une  jufte  idée. 

On  donne  en  général  le  nom  de  force  , 
à  tout  ce  qui  peut  changer  l'état  d'un 
corps  ,  foit  pour  le  faire  pafîèr  du  repos 
au  mouvement  ,  ou  réciproquement  du 
mouvement  au  repos ,  foit  enfin  ,  pour 
faire  varier  ce  mouvement  d'une  manière 
quelconque.  Il  y  a  deux  chofes  à  confi- 
dérer  dans  chaque  force  ,  fa  direction  ou 
dans  quel  fens  elle  agit  fur  un  corps,  ôc 
fa  grandeur.  La  direction  de  la  force  eft 
toujours  exprimée  par  la  ligne  droite  ,  fui- 
vant  laquelle  la  force  tend  à  entraîner  le 
corps  *,  &  on  fe  forme  une  idée  de  fa 
grandeur  ,  en  prenant  une  force  connue 
pour  l'unité  ,  &  en  examinant  combien 
celle-ci  eft  contenue  dans  une  autre  force 
quelconque. 

Mais  on  peut  encore  fe  former  une  idée 
plus  diftincte  de  ces  chofes ,  en  fe  les 
repréfentant  de  cette  manière.  Suppofe» 
Ooooo  2, 


E  Q  U 

que  le  corps  A  (planche  HT  de  Médian.) 
foit  attaché  par  la  corde  E  Fy  à  la  barre 
M  M  y  avec  qui  elle  fait  un  angle  droit. 
Suppofez  encore  une  barre  N  Ny  parallèle 
à  la  première  ,  mais  immobile ,  &  que  ces 
deux  barres  foient  jointes  enfemble  par  les 
filets  ii  ,  22,  33,  &c.  perpendiculaires 
à  N  Ny  qui  peuvent  fe  contracter  ;  en  forte 
que  quand  cela  arrive  ,  la  barre  M  M  & 
le  corps  font  obligés  de  s'approcher  de 
N  N.  Il  eft  évident  que  ,  fi  l'on  prend 
chaque  filet  pour  l'unité  ,  &  que  le  nom- 
bre en  [ok^=  N  y  ce  nombre  exprimera 
auffi  la  force  totale  de  tous  ces  filets  pour 
tirer  le  corps  A  vers  N  Ny  fuivant  la  di- 
rection E  F. 

De  là  il  fuit  que  l'action  de  cette  force 
eonfifte  dans  la  contraction  actuelle  des 
filets  u,  22,  &c.  &  que  cette  action  fur 
le  corps  A  eft  d'autant  plus  grande ,  que 
les  filets  fe  font  plus  raccourcis  :  on  fuppofe 
d'ailleurs  que  dans  quelqu'état  qu'ils  foient, 
ils  aient  toujours  le  même  pouvoir  de  fe 
contracter.  Par  conféquent  le  raccourcifre*- 
ment  des  filets  eft  la  jufte  mefure  de 
l'actfon  de  la  force  totale  N;  fi  donc  ils 
fe  font  raccourcis  d'une  quantité  \y  &  que 
le  co*-ps  ait  été  ainfi  entraîné  par  un  ef- 
pace  s=^  ,  l'action  de  la  force  fur  le  corps  A 
fera  exprimée  par  la  quantité  N  \  y  qui 
exprime  auffi  le  raccourcifîèment  total  des 
filets. 

Que  la  diftance  du  corps  A  y  à  la  barre 
immobile  NNy  foit  égale  à  x,  &  que  la 
longueur  de  la  corde  E  F  foit  égale  à  b  y 
qui  doit  être  une  quantité  confiante  ; 
a:— h  exprimera  la  longueur  des  filets ,  & 
N  Çx — b  )  la  fomme  des  longueurs  de 
tous  les  filets.  Or,  cette  quantité  devient 
de  plus  en  plus  petite  par  l'action  de  la 
force;  mais  comme  b  eft  confiant,  il  n'y 
a  que  X  qui  puifTe  diminuer  ;  par  confé- 
quent l'objet  de  la  force  eft  de  diminuer 
-la  quantité  Nxy  qui  eft  le  produit  de  la 
force  IV,  par  la  diftance  du  corps  A  à  la 
barre  immobile  N  N.  Il  eft  évident  qu'on 
peut  fe  paffer  ici  de  la  considération  de  la 
diftance  abfolue,  puifque  la  force  eft  cen- 
fée  confiante  ;  car  fi  la  barre  N  N  étoit  à 
toute  autre  diftance  du  corps  A  ,  la  même 
contraction  des  filets  produûoit  toujours 
.  la  même  diminution  dans  la  quantité  Nx9 


E  QU 

pourvu  que  cette  barre  fut  toujours  per- 
pendiculaire à  la  direction  E  F,  fuivant 
laquelle  on  conçoit  que  le  corps  eft  folli- 
cité  à  fe  mouvoir  par  la  force  N. 

Après  avoir  ainfi  expofé  en  quoi  eon- 
fifte faction  d'une  force  ,  on  en  peut  fa- 
cilement tirer  ce  principe  général  ;  que 
toute  force  agit  autant  qu'elle  peut  :  propo- 
fition  qui  eft  aftez  évidente  ,  pour  être 
admife  comme  un  axiome  par  tous  ceux 
qui  en  auront  compris  le  fens.  Car  l'action 
de  la  force  confiftant  dans  la  contraction 
des  filets ,  ils  ne  cefïèront  de  fe  contracter 
tant  qu'ils  ne  rencontreront  pas  d'obftacle 
invincible.  Par  conféquent  ces  filets ,  & 
partant  la  force  qui  en  eft  compofée  , 
agira  autant  qu'elle  pourra  ,  ou  jufqu'à 
ce  qu'elle  rencontre  un  obftable  invin- 
cible. 

Mais  lorfqu'un  corps ,  ou  un  fyftéme 
de  corps  ,  eft  en  équilibre  y  les  forces  qui 
le  follicitent  à  fe  mouvoir  ,  font  tellement 
oppofées  entr'elles ,  qu'elles  ne  fauroient 
agir  ou  remuer  le  corps  ;  il  faut  alors  que 
l'action  des  forces  foit  la  plus  grande  ,  ou 
que  les  filets  ,  dont  les  forces  font  com- 
pofées  ,  fe  trouvent  alors  dans  leur  plus 
grande  contraction  ,  en  forte  qu'il  eft  im- 
pofîible  qu'ils  fe  contractent  davantage. 
Ainfi  un  corps  ,  ou  un  fyftéme  de  corps  , 
fera  en  équilibre  y  quand  les  forces  qui  le 
follicitent  à  fe  mouvoir,  fetont  tellement 
difpofées  à  l'égard  du  corps  ou  du  fyf- 
téme de  corps  ,  que  la  contraction  des 
filets  foit  la  plus  grande  ,  ou  que  la  fomme 
des  longueurs  des  filets  pris  enfemble , 
foit  la  plus  petite  qu'il  eft  pofî'ble.  Que 
l'on  confidere  ,  par  exemple ,  dans  un 
fyftéme  de  corps  ,  chaque  force  féparé- 
ment  ,  de  même  que  fa  direction  ,  fur 
laquelle  on  prendra  une  diftance  arbi- 
traire x  ;  nommant  après  cela  la  force  qui 
agit  fuivanr  cette  direction  NyN  xy  fera. 
la  fomme  des  filets  dont  cette  force  eft 
cenfée  compofée.  Et  dans  le  cas  à' équilibre y 
la  fomme  de  tous  ces  N xy  qui  convien- 
nent à  chacune  des  forces  prifes  féparé- 
ment  ,  doit  être  la  plus  petite ,  puifque  la 
contraction  des  filets  eft  alors  la  plus 
grande. 

La  force  de  ce  raifonnement  eonfifte  en 
ce  que  l'on  réduit  toutes  les  forces  à  un 


E  Q  U 

eemin  nombre  de  filets  femblabies  &  égaux 
entr'eux  ,  qui ,  par  la  faculté  qu'ils  ont  de  fe 
raccourcir  ,  compofent  la  force  même.  Ainfi 
lorfque  le  corps  eft  en  équilibre  ,  il  faut  que 
les  filets  de  toutes  les  forces  qui  agifïent  fur 
lui ,  foient  dans  leur  plus  grande  contrac- 
tion ,  conformément  à  l'axiome  ci-deftus. 
Car  ,  s'ils  pouvoient  encore  fe  contracter  , 
ils, le  feroient ,  &  le  corps  ne  feroit  pas  en 
équilibre.  Donc  fi  le  corps  eft  en  équilibre  , 
la  contraction  de  tous  les  filets  eft  la  plus 
grande  ,  ou  ils  n'en  fauroient  recevoir  au- 
cune ,  ou  ce  qui  revient  au  même  ,  la  fomme 
de  toutes  les  forces  follicitantes  eft  la  plus 
petite. 

Telle  eft  donc  la  règle  générale ,  pour 
trouver  quel  doit  être  l'état  des  corps  folli- 
cités  par  des  forces  quelconques  ,  pourvu 
qu'elles  ne  varient  point  fuivant  la  diftance , 
afin  qu'ils  foient  entr'eux  en  équilibre.  Sui- 
vant cette  règle  ,  on  confîdérera  chaque 
force  à  part  ;  on  prendra  fur  fa  direction 
un  point  fixe  ,  &  on  multipliera  la  force  par 
la  diftance  de  ce  point  au  lieu  de  l'applica- 
tion de  la  force ,  ou  par  la  diftance  qu'il  y 
a  de  ce  point  au  corps  fur  lequel  elle  agit. 
On  aftemblera  enfuite  tous  ces  produits  ; 
&  la  fomme  qui  en  réfultera ,  fera  un  mini- 
mum dans  le  cas  d'équilibre.  Et  réciproque- 
ment on  pourra  déterminer  par  la  méthode 
des  plus  grands  &  des  plus  petits  ,  l'état 
d'équilibre  y  lorfque  les  force1;  font  confian- 
tes ,  ou  que  la  quantité  ,  N  ,  qui  a  exprimé 
jufqu'ici  la  force  ,  ne  dépend  point  de  la 
quantité  x  qui  a  été  confédérée  comme  la 
variable. 

La  force  de  la  gravité  eft  de  ce  genre  ;  car 
fa  variation  eft  infenfible  à  de  petites  dif- 
tances  de  la  terre.  Si  donc  on  confîdere 
un  corps  AB  fig.J  ,  dont  les  parties  M 
ne  font  follicitées  à  fe  mouvoir  que  par 
l'action  de  la  gravité  ,  fuivant  la  direction 
verticale  MP  ,  &  que  l'on  prenne  à  vo- 
lonté fur  cette  ligne  un  point  fixe  P , 
qui  foit  dans  l'horizontale  N  N  ;  on  fera 
la  diftance  M  P  ~x  ;  &  nommant  la  mafTè 
de  la  particule  AT,  dM>  ce  dM expri- 
mera en  même  temps  le  poids  de  la  par- 
ticule M y  ou  la  fojjfe  avec  laquelle  elle 
eft  follicitée  à  fe  mouvoir  fuivant  M  P  : 
donc  xdM  eft,  dans  ce  cas,  le  produit 
qu'il  faut  mettre  à  la  place  de  Nx  ,  pour 


E  Q  U  845 

cette  particule  ;  &  partant  la  fomme  de 
tous  les  x  d M  qui  réfultent  de  tous  les  élé- 
mens  du  corps ,  fera  la  plus  petite  ,  lorf- 
que le  corps  le  trouvera  en  équilibre.  Mais 
on  fait  que  la  fomme  de  tous  les  x  d'.Af  ex- 
prime le  produit  du  poids  entier  du  corps  , 
par  la  diftance  de  fon  centre  de  gravité  à 
la  même  ligne  horizontale  N  N.  Si  donc  on 
fuppofe  que  M  fuit  le  centre  de  ce  corps  , 
le  produit  M  X  G  H }  qui  eft  égal  à  la 
fomme  de  tous  les  xdM ,  fera  un  mini- 
mum en  cas  S'équilibre.  D'où  l'on  voit  que 
les  corps  pefans  ne  fauroient  être  en  équi- 
hbie  ,  à  moins  que  leur  centre  de  gravité 
ne  foit  aufïi  bas  qu  il  eft  poftible. 

La  démonftration  que  l'on  vient  de  don- 
ner du  principe  de  X équilibre ,  fuppofe  que 
l'a&ion  des  forces  fur  les  corps  ne  varie 
point  ,  à  quelque  diftance  qu'elles  en 
foient.  Car  fi  les  forces  ne  font  pas  conf- 
iantes ,  il  faudra  fuppofer  le  nombre  des 
filets  variable  pendant  qu'ils  fe  contrac- 
tent ,  puifqu'on  les  a  envifagés  comme 
confervant  toujours  le  même  pouvoir. 
Voici  comment  il  faut  envifager  la  chofe 
dans  le  cas  où  fa  force  varie  fuivant  les 
diftances.  La  force  repréïentée  par  Nxy 
doit  étredJcompofée  en  fes  élémens  Ndx  ; 
&  comme  N ,  qui  repréfente  le  nombre 
des  filets  à  chaque  diftance  Pi^eft  varia- 
ble ,  qu'on  fuppofe  ce  nombre  — -P >  on 
aura  P  d  x  pour  élément  de  la  force  :  donc 
1  intégrale  SPdx  fera  la  jufte  valeur  qui 
doit  être  mife  à  la  place  de  Nx,  quand 
la  force  eft  variable. 

Afin  de  répandre  un  plus  grand  jour  fur 
ce  fujet ,  il  faut  confidérer  comment  lès 
formules  Nx  ,  que  les  forces  confiantes 
donnent ,  deviennent  un  minimum.  Cela 
arrive,  lorfque  leurs  différentielles  Ndxy 
prifes  enfemble  ,  évanouiftènt  :  mais  dans 
ces  différentielles ,  il  n'eft  plus  queftion  fi 
la  force  N  eft  confiante  ou  non.  Donc  fi 
la  force  eft  variable  ,  &  qu'elle  foit  ~~P, 
on  aura  Pdx  ,  au  lieu  de  Ndx,  dont  la 
fomme  doit  être  égalée  à  zéro  ;  par  confé- 
quent  ,  la  formule  qui  devient  un  minimum 
en  cas  d'équilibre,  doit  être  compofée  de 
celles-ci  SPdx,  que  l'on  doit  tirer  de. 
chacune  des  forces  follicitantes  ;  d'où  l'on- 
voit  que  dans  le  cas  des  forces  confiantes,. 
ou  de  P^=c:N ,  on.  aura  les  mêmes  for— 


84<5 


E  Q  U 


mules  Nx  y  pour  rendre  un  minimum  y  que 
celles  que  l'on  a  trouvées  ci-deffus. 

Tel  eft  donc  le  principe  univerfel  qui 
convient  à  tout  état  ^équilibre.  En  vertu 
de  ce  principe ,  il  faut  confidérer  féparé- 
ment  chaque  force  qui  foîlicite  le  corps 
à  fe  mouvoir  :  fuppofez  que  ces  forces 
foient  =  P  QR)  Ùc  &  que  les  directions 
fuivant  lefquelles  elles  agitfènt  fur  le  corps 
M,fig.  8  ,  foient  A  F,  BG  ,  CH;  pre- 
nez à  volonté  fur  ces  dire&ions  les  points 
fixes  F y  G  y  H  ;  &  nommant  A  F  x  , 
B  Gy  y  CH\  ,  on  aura  pour  l'état  ^équi- 
libre SPdx  +  S  Q dy-\-SRdi-\-,&c. 
qui  doit  être  un  minimum.  Pour  la  com- 
modité du  calcul  ,  il  convient  de  placer 
les  points  fixes  F >  G  ,  H ,  dans  de  certains 
endroits  plutôt  qu'ailleurs  :  ainfi  dans  le 
cas  des  forces  centrales  que  l'on  exprime 
par  de  certaines  fondions  de  la  diftance 
à  leurs  centres  de  forces  ,  il  faut  placer  ces 
points  dans  les  centres  mêmes.  Alors  , 
P  y  Q  y  R  y  &c.  pouvant  être  exprimés  par 
ces  quantités  »  xn  ,  (iyn  ,  y\n  y  &c.  Pex- 
prefîion  dont   l'on  devra  faire  un  mini- 


mum 


7 


fera, 


71+ 1 


xn+i 


+n^yn+I  + 


+~iln  +  lJtt  &c-  &  ce^a  s'obfervera 
dans  tous  les  cas  femblables. 

Comme  la  force  P  fournit  dans  tous  les 
calculs  une  quantité  pareille  à  celle-ci  SPdx, 
fi  on  nomme  effort  l'intégrale  de  cette  quan- 
tité réfultante  de  la  force  P  ,  on  pourra 
renfermer  le  principe  général  d'équilibre 
dans  cette  règle  bien  fimple  : 

Lafomme  de  tous  les  efforts  que  des  for- 
ces font  fur  un  corps  y  doit  être  un  minimum 
pour  que  ce  corps  foit  en  équilibre. 

Lorfque  le  corps  dont  on  cherche  l'état 
d'équilibre  y  eft  flexible  ou  même  fluide  , 
il  en  faut  confidérer  tous  les  élémens  fépa- 
rérnent ,  de  même  que  les  forces  qui  les 
follicitent ,  pour  en  tirer  d'abord  tous  les 
efforts  que  chaque  élément  foutient.Enfuite 
on  trouvera  ,  par  le  calcul  intégral  ,  la 
fomme  de  tous  ces  efforts  ,  ou  l'effort  total 
que  le  corps  éprouve  ,  de  laquelle  on  fera 
un  minimum  ,  qui  indiquera  alors  les  condi- 
tions requifes  pour  que  le  corps  foit  en 
équilibre. 

Il  faut  remarquer  qu'il  n'eft  pas  nécef- 


EQ  U 

faire  d'introduire  dans  le  calcul  de  l'équi- 
libre ,  les  forces  qui  attachent  le  corps  à 
quelque  objet  fixe ,  ou  qui  le  tiennent  arrêté. 
Ainh  ,  fi  on  veut  trouver  par  cette  mé- 
thode la  courbure  d'une  chaîne  fufpendue, 
on  ne  fera  pas  attention  à  l'effort  que  fouf- 
frent  les  clous  auxquels  la  chaîne  eâ  fufpen- 
due ;  &  lorfqu'il  eft  queftion  de  X équilibre 
d'un  fluide  renfermé  dans  un  vaifieau  ,  il 
n'eft  pas  néceffaire  de  confidérer  hs  forces 
avec  lefquelles  le  fluide  preffe  le  vaifleau. 
Il  fuffira  ,  dans  l'un  &  l'autre  cas ,  de  confi- 
dérer les  feules  forces  de  la  gravité  ,  pour 
en  déterminer  l'état  d'équilibre.  La  raifon 
de  cette  diftin&ion  eft  aifée  à  comprendre, 
par  la  manière  d'envifager  l'action  des  for- 
ces ;  favoir ,  dans  la  cqntradion  des  filets. 
Ainfi ,  s'il  y  a  des  forces  auxquelles  le 
corps  ne  fauroit  obéir  ,  comme  celles  qui 
le  tiennent  à  quelque  objet  immobile  , 
elles  n'entreront  point  dans  le  calcul ,  mais 
feulement  celles  qui  peuvent  imprimer  quel- 
que mouvement  au  corps  :  on  en  prendra 
les  efforts  ,  comme  on  l'a  déjà  dit  ,  & 
faifant  des  fommes  un  minimum  y  on  trou- 
vera ,  par  ce  moyen  ,  l'état  d'équilibre  du 
corps. 

ÉQUILIBRE  ,  (Economie  animale)  eft 
un  terme  fort  employé  par  Baglivi  ,  & 
adopté  par  plufieurs  phyfiologiftes  ,  mais 
dans  un  fens  qui  n'eft  pas  exactement  con- 
forme à  celui  dans  lequel  il  eft  ufiré  en  mé- 
chanique  &  en  hydraulique. 

L'égalité  de  forces  entre  des  corps  qui 
agiflènt  les  uns  fur  les  autres  par  leur  gra- 
vité fpécifique  ,  ou  par  toute  autre  caufe  , 
d'où  réfulte  la  cefîàtion  de  leur  mouve- 
ment ,  dès  l'inftant  où  cette  égalité  eft 
établie  (  en  quoi  confifte  le  véritable  équi- 
libre y  pris  à  la  rigueur  ) ,  ne  peut  pas  avoir 
lieu  dans  l'économie  animale  ,  qui  exige 
un  mouvement  continuel  dans  tous  les  or- 
ganes néceffaires  pour  l'entretien  de  la  vie , 
&  dans  tous  les  fluides  que  ces  organes  font 
deftinés  à  mouvoir  :  ainfi  ce  n'eft  pas  de  la 
théorie  de  Y  équilibre  proprement  dit ,  qu'on 
fe  propofe  de  faire  une  application  à  la 
phyfique  du  corps  humain. 

L'auteur  cité  ,  &  ceux  qui  admettent 
avec  lui  le  terme  d'équilibre  dans  la  théorie 
de  la  médecine ,  ont  feulement  prétendu 
défigner  par  ce  terme ,  ou  par  celui  d'équi- 


E  Q  U 

Itbration ,  à  défaut  d'un  autre  plus  pro- 
pre ,  une  égalité  non  abfolue  ,  mais  ref- 
pective  ,  une  proportion  dans  les  forces 
actives  &  pafîives  ,  qui  peut  être  conçue 
dans  toutes  les  parties ,  tant  folides  que 
fluides  du  corps  animal ,  par  rapport  à  ce 
que  chacune  de  ces  parties  doit  opérer 
pour  la  fonction  à  laquelle  elle  eft  deftinée. 
C'eft  en  vertu  de  cette  proportion  de 
forces  dans  toutes  les  fibres  qui  compofent 
les  difFérens  vaifTeaux  dont  eft  formé  le 
corps  humain  ,  que  chaque  fluide  eft  retenu 
en  quantité  déterminée  ,  eft  réglé  dans  fon 
cours  ,  &  reçoit  l'élaboration  qui  lui  eft 
nécefîàire,  dans  les  canaux  qui  lui  font  pro- 
pres; en  forte  qu'il  eft  confervé  entr'eux 
une  égalité  d'action  &  de  réaction  alter- 
natives ,  qui  ne  laiffe  point  prédominer , 
d'une  manière  durable  ,  les  parties  conte- 
nues fur  les  parties  contenantes,  &  réci- 
proquement celles-ci  fur  celles-là,  tant  que 
l'état  de  fanté  fubfifte. 

Cette  difpofltion  eft  abfolument  requife 
pour  cet  effet  :  c'eft  de  la  différence  habi- 
tuelle de  cette  difpofition  dans  les  différens 
fujets ,  que  dépend  aulli  la  diverfité  des  tem- 
péramens  ,  dont  les  uns  font  plus  ou  moins 
robuftes  que  les  autres  ,  félon  que  cette 
difpofition  eft  plus  ou  moins  fufceptible  , 
qu'il  y  foit  porté  atteinte  par  l'ufage  ou 
par  l'abus  des  chofes  néceffaires  à  la  vie  , 
que  l'on  appelle  dans  les  écoles  les  chofes 
non   naturelles. 

Cette  forte  ^équilibre,  ainfi  conçue  dans 
le  corps  humain  ,  peut  être  confédérée  de 
trois  manières  différentes ,  par  rapport  aux 
folides  comparés  entr'eux,  par  rapport  aux 
folides  comparés  avec  les  fluides ,  &  par 
rapport  aux  fluides  comparés  entr'eux- 
mêmes  ;  c'eft  ce  qu'il  eft  néceflàire  d'ex- 
pliquer. 

Pour  que  Yéquilibre  ,  tel  qu'on  en  a 
donné  l'idée  ,  relativement  à  l'économie 
animale,  fubfifte  entre  les  différens  orga- 
nes ,  il  faut  que  le  tifîu  ,  le  refïbrt  de  tous 
les  vaifTeaux  ,  foit  proportionné  à  la  quan- 
tité des  liquides  qu'ils  doivent  recevoir,  au 
mouvement  qu'ils  doivent  communiquer  à 
ces  ItqQi  ^es  ,  &  à  l'effort  qu'ils  doivent  en 
éprouver:  ainfi  les  vaifTeaux  lymphatiques, 
par  exemple .  doi  vent  avoir  autant  de  force 
d'action  &  de  réiiftance  que  les  vaifTeaux 


EQU  847 

fanguins ,  refpectivement  à  la  quantité,  au 
mouvement  &  à  l'effort  du  liquide  que 
ceux-là  reçoivent ,  contiennent  &  diftri- 
buent  à  des  vaifTeaux  fubalternes  de  diffé- 
rens ordres. 

Ainfi  dans  un  corps  bien  conformé  ,  & 
jouiflànt  d'une  fanté  auffi  parfaite  qu'il  eft 
pofhble ,  tous  les  folides ,  dans  les  vaifTeaux 
de  toutes  les  efpeces ,  doivent  avoir  pro- 
porticnnement  la  même  force  d'action ,  de 
réfiftance  &  de  réaction. 

Mais  pour  que  cette  force  puiffe  être 
exercée  librement,  il  eft  nécefîàire  qu'il 
exifte  une  proportion  entr'elle  &  la  quan- 
tité ,  la  confiftance  des  différens  fluides, 
refpectivement  aux  folides  qu'ils  contien- 
nent ;  d'cù  s'enluit  que  Yéquilibre  des  fo- 
lides entr'eux  fuppofe  nécefîàirement  celui 
des  folides  avec  les  fluides  ,  &  celui  des 
fluides  comparés  les  uns  aux  autres  :  par 
conféquent  Yéquilibre  dont  il  s'agit ,  dépend 
principalement  de  l'état  des  parties  folides 
qui  ont  dans  l'animal  toute  l'action  ,  ou 
naturelle  ,  c'eft-à-dire  ,  élaftique ,  ou  Sura- 
joutée ,  c'eft-à-dire  mufculaire,  tandis  que 
les  fluides  n'ont  que  des  forces  paffives,  telles 
que  la  pefanteur,  la  mobilité:  celle-ci  même 
doit  prefque  annuller  les  effets  de  celle-là  ; 
de  manière  que  la  mafTe  des  humeurs  ani- 
males ne  doit  avoir  de  poids  que  pour  être 
fufceptible  de  recevoir  un  mouvement 
réglé ,  pour  réfifter  à  en  trop  prendre ,  & 
non  pour  fuivre  fa  tendance  comme  corps 
grave. 

On  doit  fe  repréfenter  toutes  les  fibres 
qui  entrent  dans  la  ftructure  de  l'animal  , 
comme  dans  un  état  de  diftractilité  con- 
tinuelle ,  plus  ou  moins  grande  ,  à  pro- 
portion que  les  vaifTeaux  qu'elles  forment 
font  plus  ou  moins  remplis  ou  dilatés  par 
les  liquides  contenus  :  elles  font  dans  un 
état  violent ,  attendu  que ,  biffées  à  elles- 
mêmes  ,  celles  qui  font  dans  une  pofition 
longitudinale ,  tendent  à  fe  raccourcir  de 
plus  en  plus ,  &  les  vaiflèaux  à  s'oblitérer  par 
la  contraction  des  fibres  circulaires  ,  qui  en 
eft  auffi  un  véritable  raccourciffèment.  Ces 
effets  n'ont  jamais  lieu  dans  les  vaifTeaux 
qui  contiennent  quelque  liquide  ;  ils  ne 
peuvent  jamais  parvenir  à  l'état  de  contrac- 
tion parfaite  ;  ils  en  approchent  feulement 
plus  ou  moins  ,  à  proportion  qu'ils  font 


848  EQU 

plus  ou  moins  diftendus  par  la  quantité  & 
l'effort  des  fluides  qu'ils  contiennent  ,  tant 
que  la  diftribution  des  fluides  fe  fait  avec 
égalité,  c'eft-à-dire  ,  proportionnément  à 
ce  que  chaque  vaifîèau  doit  en  recevoir 
dans  l'état  naturel. 

Tous  les  foîides ,  dans  quelque  e'tat  qu'on 
les  confidere  ,  foit  defyftole ,  (bit  de  diaf- 
tole  ,  forment  un  reffort  d'une  feuie  pièce  , 
dont  les  parties  foutiennent  l'effort  les  unes 
des  autres ,  fans  qu'aucune  plie  :  mais  s'il 
arrive  ,  par  quelque  caufe  que  ce  foit , 
que  les  fibres  ou  les  tuniques  de  quelques 
vaiffeaux  viennent  à  perdre  de  cette  force 
■de  reflbit,  celles  de  toutes  les  autres  reftant 
la  même  ,  les  fluides  éprouvant  moins  de 
réfiftance  à  fe  porter  dans  la  partie  affoi- 
blie  ,  y  font  pouffes  plus  abondamment ,  & 
diminuent  proportionnément  leur  effort  vers 
les  vaiffeaux  des  autres  parties,  dont  le  ref- 
fort  n'a  rien  perdu  de  fes  forces ,  &  réfïfte 
toujours  également  &  plus  efficacement , 
attendu  que  ces  vaiffeaux  peuvent  fe  ref- 
ferrerde  plus  en  plus,  en  fuivant  leur  dif- 
pofition  intrinfeque  ,  qui  étoit  auparavant 
fans  effet  excédant 

Ainlî  lorfque  Yéquilibre  eft  rompu  par 
relâchement  dans  quelques  unes  des  parties 
contenantes,  l'effort  des  fluides  y  devenant 
de  plus  en  plus  fupérieur  à  la  réfiftance  des 
folides ,  ceux-ci  cèdent  aufîi  de  plus  en 
plus  ,  fe  laiffent  alonger  au  point  que  les 
vaiffeaux  qui  en  font  compofés ,  fe  dilatent 
outre  mefure  ,  quelquefois  jufqu'à  fe  rom- 
pre :  les  liquides  contenus  n'éprouvant  que 
faiblement,  ou  point  du  tout,  la  réaction 
des  vaiffeaux  trop  dilatés  ,  croupiflent  & 
dégénèrent  de  leurs  qualités  naturelles ,  ou 
ils  s'épanchent  de  la  cavité  de  ceux  dans 
lefquels  s'eft  fait  une  folution  de  continuité  , 
ou  ils  tranfudent  par  les  pores  les  plus  ou- 
verts ,  à  caufe  de  l'écartement  des  fibres , 
ou  ils  coulent  plus  abondamment  qu'ils 
ne  devroient ,  pour  le  bien  de  l'économie 
animale ,  par  l'orifice  forcé  des  vaiffeaux  , 
qui  fe  trouve  plus  ouvert  qu'il  ne  doit  être 
dans  l'état  naturel. 

De  tous  ces  différens  effets  s'enfuivent 
des  fympromes ,  dont  la  différence  dépend 
principalement  de  celle  du  fiege  &  des 
fondions  des  organes  qui  pèchent  par  le 
Jelâchement.  Si  ce  vice  a  lieu  dans  le  ti.ffu. 


EQU 

cellulaire  qui  appartient  aux  tégumens  en 
général ,  il  en  provient  une  leucojîegmatie; 
fi  ce  n'eft  que  dans  le  tiffu  cellulaire  des 
extrémités  inférieures ,  il  en  réfulte  feule- 
ment Penfiure  de  ces  parties  ;  s'il  s'écablit 
dans  les  vaiffeaux  lymphatiques  du  bas- 
ventre  ,  ou  de  la  poitrine  ,  ou  de  la  tête , 
il  en  eft  produit  une  hydropifîe  ,  ou  un 
engorgement  fériëux  des  poumons ,  ou  un 
épanchement  dans  la  poitrine  d'humeurs 
de  même  nature  ,  ou  une  hydropifîe  de 
différente  efpece. 

Mais  le  mal  n'eft  jamais  plus  grand  que 
lorfque  les  vaiffeaux  relâchés  fervent  à  une 
excrétion  quelconque  ;  alors  les  liquides 
contenus  s'écoulant  fans  réfiftance  par  les 
conduits  qui  leur  font  propres  ,  font  fuivis 
par  les  autres  parties  de  la  maffe  des  hu- 
meurs ,  qui  font  de  confiftance  à  ne  pas 
trouver  plus  d'obftacle  à  s'écouler  par  la 
même  voie  ;  ce  qui  rend  le  flux  continuel , 
ou  prefque  tel.  Tous  les  autres  vaiffeaux 
du  corps  recevant  &  contenant  à  propor- 
tion moins  de  fluides  qu'il  s'en  porte  plus 
dans  la  partie  foible  ,  ont  la  liberté  de  fe 
refferrer  davantage  :  le  chyle  ,  avant  de  fe 
changer  en  fang  ,  la  matière  même  du  fuc 
nourricier  fe  portent  aufîi  avec  les  parties 
les  plus  fluides  de  la  maffe  des  humeurs  , 
vers  les  vaiffeaux  les  plus  libres  ,  les  moins 
réfiftans  ,  c'eft-à-dire,  vers  ceux  dont  les 
fibres  ont  perdu  V équilibre  :  d'où  il  réfulte 
que  la  déperdition  des  fluides  en  général , 
par  la  voie  ouverte  ,  venant  à  excéder  la 
réparation  ,  il  fe  fait  une  diminution  pro- 
\  portionnée  du  volume  dans  toutes  les  par- 
|  ties  du  corps ,  attendu  qu'il  dépend  prin- 
|  cipalement  de  la  quantité  des  humeurs  qui 
I  tiennent  les  vaiffeaux  dans  l'état  de  la  dila- 
'  tation  ;  cette  diminution  fait  l'amaigriffe- 
ment.  Le  cerveau  ne  recevant  pas  une  fuffi- 
fante  quantité  de  fluides  travaillés  pour  être 
changés  en  efprits  animaux ,  il  en  réfulte  la 
foibîeffe  ,  l'abattement ,  l'impuiffançe  au 
mouvement.  Le  fuc  nourricier  manquant 
dans  les  vaiffeaux  auxquels  il  doit  être  dis- 
tribué ,  ils  s'oblitèrent  peu  à  peu  ;  d'où 
le  marafme.  La  partie  relâchée  devenant 
comme  un  égoût ,  vers  lequel  tendent  les 
humeurs  de  toutes  les  parties  ,  la  plupart 
des  vaiffeaux  deviennent  vuides  &  affaifles  ; 
1  le  corps  fe  deffeche ,  &  la  flexibilité  nécef- 

faire 


EQU 

faire  aux  folides  en  général ,  qui  ne  peut 
être  attribuée  qu'à  l'interpofition  convena- 
ble des  fluides  ,  venant  à  manquer  confé- 
quemment  à  leur  déiàut  ,  le  mouvement 
qui  ne  peut  avoir  lieu  fans  cette  flexibilité , 
ceiTe ,  &  la  mort  fuit. 

Cette  théorie  convient  à  toutes  fortes 
de  fluxions  ,  de  dépôts  ,  d'amas  confidé- 
rables  ,    &  d'écoulemens   d'humeurs   qui 
proviennent  de  la  perte  de  X équilibre  des 
folides  ,   par  caufe  de    relâchement  dans 
quelque  partie  du  corps  que  ce  foit.  On 
peut  regarder  tous  les  effets  provenans  de 
cette  caufe  ,  comme  autant  de  diabètes  : 
les  eaux  ramaffées  dans  le  ventre  ,  dans  la 
poitrine  ,  dans  la  tête  ,  dans  ie  tifîu  cellu- 
laire des  tégumens  en  général^  des   pau- 
pières ,  des  bourfes  en  particulier  ,  ne  diffé- 
rent aucunement  des  liquides  qui  s'évacuent 
dans  le  diabètes  proprement  dit ,  provenans 
du  relâchement  des  tuyaux  urinitères  :  les 
jambes  des   hydropiques  ,    qui  fe  crèvent 
d'elles-mêmes  ,    ne  donnent-elles  pas  un 
écoulement  de  férofité  qui  forme   comme 
un   diabètes  ?  Ainfi  les  vaiffeaux  lympha- 
tiques de  la  tête  ,  de  la  poitrine  ,  du  bas- 
ventre  ,  qui  laifTent  échapper  continuelle- 
ment dans  les  hydropifies  de  ces  parties , 
le  liquide  qu'ils  tranfportent  ,  ne  forment- 
ils  pas  comme  autant  de  fiphons  qui  fem- 
blent  ,  par  une  de  leurs  extrémités  qui  eft 
leur  principe  ,  tremper  dans  îa  maffe  des 
humeurs  ,  &  par  l'autre  répandre  ce  qu'ils 
fucent  ?  Ainfi  dans  le  relâchement  des  vaif- 
feaux fecrétoires  de  l'urine  ,  il  fe  fait  un 
écoulement  de  férofiré  à  laquelle  fe  mêlent, 
à  proportion  que  le  relâchement  augmente, 
la  lymphe  ,  le  chyle  le  plus  fin  ,  &  enfuite 
le  chyle  le  plus  groflier  ,  pour  ainfi  dire  , 
fous  forme  de  lait  ;  ce  qui  rend  ,  dans  le 
diabètes  ,  proprement  dit  ,  les  urines  dou- 
ceâtres &  blanchâtres,  quand  il  a  duré  un 
certain  temps  :  d'où  s'enfuit  la  confomp- 
tion  ,  comme  de  toute  autre   évacuation 
de  cette  efpece  ,  dans  quelque  partie  du 
corps  que  ce  foit.  N'a  -  t  -  on  pas  vu  des 
plaies  produire  cet  effet  par  d'abondantes 
fuppurations  ,  &  devenir  comme  un  égout, 
par  lequel  s'écouîoit  prefque  toute  la  malle 
des  humeurs  ,  à  caufe  du  relâchement  qui 
furvenoit   dans  les  folides  de  la  partie  , 
&  de  la    moindre    réfiftance  qu'oifroient 
Tome  XII. 


EQU  849 

les  vaiffeaux  ,    toujours   difpofés  à  s'ou- 
vrir? 

Les  ventoufes  ne  produifent  pas  autre- 
ment la  tuméfaction  des  parties  fur  les- 
quelles elles  font  appliquées  ,  qu'en  rom- 
pant ,  par  la  diminution  de  la  compreflion* 
de  l'air  ,  Y  équilibre  de  réfiftance  dans  les 
vaiffeaux  qui  fe  laifTent  en  conféquencu 
engorger  d'humeurs.  Les  animaux  ne  fe 
gonflent  fous  le  récipient  de  la  machine  du 
vuide  ,  que  parce  que  le  poids  de  l'air 
étant  aufïi  diminué  par  la  fuccion  ,  s'oppofe 
moins  à  l'effort  des  fluides  ,  qui  tendent 
à  dilater  les  vaiffeaux  de  l'habitude  du- 
corps  :  ceu?c-ci  ne  pèchent  alors  que  par 
défaut  d'équilibre  ;  d'où  l'on  peut  inférer 
que  la  force  qui  le  conferve  dans  l'écono- 
mie animale  faine  ,  n'eft  pas  feulement 
intrinfeque  à  l'égard  des  fibres ,  mais  qu'elle 
eft  aufïi  extrinfeque. 

Il  eft  même  ,  outre  le  poids  de  l'athmof- 
phere  ,  une  autre  caufe  qui  y  contribue  , 
qui  ,  quoiqu'étrangere  à  chaque  vaiffeau 
en  particulier  ,  ne  l'eft  cependant  pas  à 
l'animal  même  ;  c'eft  la  preffion  récipro- 
que des  vaiffeaux  entr'eux  ,  par  laquelle  ils 
contre-balancent ,  les  uns  par  rapport  aux 
autres ,  les  efforts  que  les  fluides  font  dans 
leur  cavité  refpective  ,  tendans  à  en  écarter 
les  parois  outre  mefùre. 

On  voit  ,  par  tout  ce  qui  vient  d'être 
expofé  ,  les  pernicieux  effets  que  peut  pro- 
duire dans  l'économie  animale  le  défaut 
d'équilibre  caufé  par  la  trop  grande  dimi- 
nution du  refîbrt  dans  les  parties  folides  : 
ce  même  défaut  ,  occafîoné  par  la  trop 
grande  élafticité  dans  les  fibres  d'une  par- 
tie ,  ou  par  leur  rigidité  ,  ou  par  la  conf- 
triction.  fpontanée  ou  fpafmodique  des 
tuniques  mufculaires  des  vaiffeaux  ,  n'eft 
pas  une  fource  moins  féconde  de  déran- 
gement dans  l'économie  animale  ;  c'eft  ce 
qui  femble  fuffifamment  prouvé  par  les 
confédérations  fuivantes. 

Ainfi  le  refferrement  d'un  vaiffeau  con* 
fidérable  ,  ou  de  plufieurs  vaiffeaux  dans 
une  partie  quelconque  ,  ou  tout  autre  obf- 
tacle  formé  au  cours  des  humeurs  ,  en 
quelque  organe  que  ce  foit ,  peuvent  pro- 
duire la  fièvre,  ou  dans  les  parties  affec- 
tées ,  fi  la  caufe  n'eft  pas  bien  considéra- 
ble ,  ou  dans  tout  le  corps ,  en  tant  que 

Ppppp 


■ 


85o  E  Q  U 

les  fluides  pouffes  vers  cette  partie  ,  ne 
pouvant  pas  y  continuer  leur  mouvement 
progreflif  avec  liberté  ,  font  repoufTés  vers 
leurs  fources  par  l'a&ion  même  des  vaif- 
feaux  engorgés  ?  qui  "réagiflènt  avec  plus 
de  force  ,  à  proportion  qu'ils  font  plus 
diftendus  au  delà  de  leur  ton  naturel  ;  ce 
qui  dilate  de  proche  en  proche  les  troncs , 
&  en  force  le  refTort  ,  qui ,  par  fa  réaction 
fur  les  mêmes  fluides  repoufTés ,  les  ren- 
voie vers  i'obftacle  ,  d'où  naît  une  efpece 
de  pléthore  particulière  entre  I'obftacle  & 
les  troncs  des  vaifTeaux  embarrafTés  ;  ce 
qui  établit  une  forte  de  fièvre  dans  la  par- 
tie ,  comme  on  l'obferve ,  par  exemple  , 
dans  un  panaris  commençant ,  par  les  for- 
tes pulfatio;>r-  qui  fe  font  fentir  dans  tout 
le  doigt  afFe&é.  Si  la  caufe  de  I'obftacle 
eft  confidérable  ,  un  plus  grand  nombre 
de  vaifTeaux  collatéraux  participent  à  l'en- 
gorgement ,  &  de  proche  en  proche  l'em- 
barras gagne  ,  la  circulation  fe  trouble  , 
la  pléthore  devient  générale  ,  la  puifîànce 
motrice  qui  tend  toujours  à  confèrver 
X équilibre  ou  à  le  rétablir  ,  augmente  l'ac- 
tion dans  tous  les  vaifTeaux  ,  à  proportion 
de  la  réfiftance  :  delà  une  forte  d'agitation 
fébrile  s'établit  dans  tout  le  corps  ,  laquelle, 
fi  la  caufe  eft  de  nature  à  fubfifter  ,  donne 
lieu  à  une  véritable  fièvre. 

N'eft-ce  pas  à  un  défaut  d'équilibre  de 
cette  efpece  ,  qu'on  peut  attribuer  la  plu- 
part des  indifpofitions  que  caufent  les 
commencemens  de  la  groflèfïè  à  un  grand 
nombre  de  femmes  ?  le  fang  menftruel  ne 
s'évacuant  point  dans  cette  circonftance  , 
&  formant  par  conféquent  une  pléthore 
particulière  dans  la  matrice  ,  qui  augmente 
de  plus  en  plus ,  tant  que  le  fœtus  ne  peut 
pas  encore  confumer  en  entier  ,*pour  fà 
nourriture  &  lbn  accroiflèment  ,  les  hu- 
meurs furabondantes  ,  que  la  nature  a 
deftinées  à  cet  ufage.  Les  vaiffeaux  utérins , 
diftendus  outre  mefure  ,  ne  cèdent  cepen- 
dant que  jufqu'à  un  certain  point  à  leur 
dilatation  ultérieure  j  le  tiraillement  de 
leurs  tuniques  forcées  ,  qui  approche  du 
déchirement ,  eft  un  fentiment  fîimulant y 
qui  les  excite  à  réagir  extraordinairement 
çn  y  attirant  des  forces  furajoutées ,  par 
l'influx  du  fluide  nerveux  &  des  contrac- 
tions des  fibres  mufculaires  ;  ainû  ils  de- 


E  Q  U 

viennent  par-là  en  état  de  réfifter  aux  plus- 
grands  efforts  des  humeurs  ,  qui  tendent 
à  s'y  porter  plus  abondamment  :  il  fe  fait 
d'abord  une  efpece  adhérence  dans  le  cours 
des  fluides  de  tous  les  vaifTeaux  utérins  ; 
elle  s'étend  de  proche  en  proche  ,  comme 
par  l'effet  d'une  digue  ou  éclufe  ;  le  refTort 
des  vaifTeaux  réagiflans  ,  étant  un  peu  dé- 
gagé ,  force  enfuite  ce  qui  refte  encore  de 
furabondant  ,  dans  leur  cavité  ,  à  refluer 
dans  les  troncs  des  vaifTeaux ,  d'où  ils  ont 
été  diftribués  (  ce  reflux  peut  réellement 
avoir  lieu  quand  dans  le  cas  dont  il  s'agit 
ici  ,  fi  l'on  convient  qu'il  fe  fait  dans  la 
réfolution  des  inflammations  produites  par 
erreur  de  lieu  y  voye\  INFLAMMATION  , 
Erreur  de  lieu  )  :  ce  reflux  ,  ainfi 
conçu  ,  o#de  l'embarras  dans  le  cours  des 
humeurs  de  la  matrice  ,  s'enfuit  l'engor- 
gement des  mamelles  ,  parce  que  le  fang  , 
qui  trouve  de  la  réfiftance  à  aborder  dans 
ce  vifcere  ,  fe  replie  par  les  vaifTeaux  épi— 
gaftriques  vers  les  mammaires  ,  qui  logent 
ainfi  une  partie  des  humeurs  furabon- 
dantes. 

Mais  la  pléthore  fe  renouveîlant  conti- 
nuellement ,  il  fuccede  toujours  de  nou- 
veaux fluides  à  placer  :  ils  font  repoufTés  , 
&  fe  jettent  toujours  où  ils  trouvent  moins 
de  réfiftance  ;  il  s'en  fait  d'abord  une  déri- 
vation dans  tous  les  vaifTeaux  collatéraux  % 
qui  fe  trouvent  difpofés  à  céder  ;  ce  qui 
donne  fouvent  lieu  à  une  plus  grande  fe- 
crétion  dans  les  glandes  &  dans  tous  les 
filtres  des  inteftins  ,  dont  l'excrétion  four- 
nit fouvent  la  matière  d'un  cours  de  ventre  : 
ou  les  humeurs  fe  portent  dans  les  vaifTeaux 
de  î'eftomac ,  les  cÙftendent ,  tiraillent  leurs 
fibres  mufculaires  ,  les  nerfs  de  ce  vifcere  , 
d'où  s'enfuivent  les  mouvemens  convulfifs  , 
qui  produifent  des  naufées ,  des  efforts  pour 
vomir  ,  &  le  vomifïement  même  ,  forfqu'if 
y  a  des  matières  dans  I'eftomac  ,  qui  pefent 
fur  Ces  parois  tendues  ,  par  l'engorgement 
de  Ces  vaifTeaux  qui  le  rend  beaucoup  plus 
fufceptible  d'irritation  :  ou  le  tranfport  de* 
humeurs  fe  fait  vers  les  poumons  ,  Iorfqu'ils 
font  d'un  tifTu  à  proportion  moins  réfiftant 
que  les  autres  parties  du  corps  ;  il  y  occa- 
fione  des  fuffocations  ,  des  oppreflions  , 
des  crachemens  de  fang  ,  &c.  ou  il  fe  faic 
dans  les  vaifTeaux  des  membranes  du  cer- 


%£ 


E  Q  U 

veau  ,  de  la  fubftance  ,  &  il  y  caufe  des 
douleurs  ,  des  pefanteurs  de  tête  ,  unaffou- 
piffement  extraordinaire ,  des  vertiges,  &c. 
Tous  ces  effets  (uppofent  X  équilibre  rompu 
entre  les  vaiftèaux  utérins  ,  qui  réfiftent  à 
être  engorgés  ultérieurement ,  &  les  vaif- 
feaux  des  autres  parties  ,  qui  prêtent  &  fe 
iaiffènt  engorger  par  les  humeurs  furabon- 
dantes  ,  qui  refluent  de  la  matrice  ,  ou  qui , 
reftant  dans  la  maffe  ,  tendent  à  fe  jeter 
fur  quelque  partie  foible  ,  &  s'y  logent  en 
effet ,  en  forçant  fes  vaifTèaux. 

Mais  fi  toutes  les  parties  réfiftent  éga- 
lement ,  le  fang  fuperflu  reftant  dans  les 
gros  vaiffeaux  ,  fans  pouvoir  être  diftribué, 
gène  la  circulation  ,  caufe  des  défaillances  , 
des  fyncopes  ;  ce  qui  rend  ,  dans  ce  cas , 
îa  faignée  fi  falutaire  ,  par  la  promptitude 
avec  laquelle  elle  rétablit  Xéquilibre  y  en 
dégorgeant  les  gros  vaiffeaux  :  elle  peut 
aum"  produire  de  bons  effets  dans  tous  les 
autres  engorgemens  particuliers  ,  par  la 
même  raifon  ;  mais  ils  font  moins  fenfi- 
blés  :  dans  ce  même  cas  encore  ,  la  nature  , 
qui  tend  toujours  à  conferver  ou  à  rétablir 
V équilibre  >  peut  avoir  une  autre  refiburce 
que  la  faignée  ;  tous  les  vaifTèaux  étant 
dans  un  état  de  réfiftance  ,  &  par  confé- 
quent  de  réaclion  égale  ,  peuvent  quel- 
quefois ,  par  leurs  forces  combinées  ,  vain- 
cre celles  des  vaiffeaux  utérins  ,  &  en  for- 
cer les  orifices ,  donner  lieu  à  un  hémor- 
ragie qui  peut  rétablir  X équilibre  perdu  ; 
c'eft  par  cette  raifon  que  plufieurs  femmes 
ont  des  pertes  pendant  les  premiers  mois 
de  leur  groffeffe  ,  fur-tout  les  femmes  ro- 
buftes  ,  fans  aucun  mauvais  effet. 

Tout  ce  qui  vient  d'être  dit ,  peut  con- 
venir à  bien  des  égards  à  ce  qui  fe  paffe 
dans  la  fuppreffion  des  règles  ,  &  peut  tenir 
lieu  d'explication  de  ce  que  Ëoerhaave 
dit  fimplement  être  un  détordre  dans  la 
circulatiou  ,  fans  dire  en  quoi  confident  ce 
défordre  ,  ce  changement ,  ce  mouvement 
renverfé  dans  le  cours  du  fang  ,  qu'il  re- 
ronnoît ,  fans  en  indiquer  la  caufe  ,  fans 
la  faire  preffentir  même  :  il  femble  cepen- 
dant qu'on  peut  en  rendre  raifon  ,  de  la 
manière  précédente  ,  en  fuivant  la  nature 
dans  fes  opérations  ,  fans  rien  fuppofer. 
On  voit  ,  par  exemple  ,  pourquoi  les 
femmes  groffes  font  fujettes  à  de  fi  fré- 


EQU  *5i 

1  quenrês  &  de  fi  grandes  agitations ,  à  des 
fréquences  dans  le  pouls  ,  qui  en  font  une 
fuite  ,  fur  -  tout  pendant  le  temps  de  la 
digeftion  ,  de  l'entrée  du  chyle  dans  le 
fang  :  effet  que  Ton  peut  regarde9*comme 
étant  des  efforts  que  la  nature  fait  pour 
rétablir  \ équilibre  ,•  efforts  qui  font  vérita- 
blement fébriles  ,  &  feroient  de  confé- 
quence  s'ils  n'étoient  pas  fi  irréguliers  ,  & 
le  plus  fouvent  de  très-peu  de  durée  ; 
parce  que  la  caufe  eft  ordinairement  de 
nature  à  être  aifément  &  promptemenc 
détruite  ,  ou  peut  fubfifter  fans  danger  ; 
il  n'y  a  pas  de  vice  intrinfeque  dans  les 
humeurs  ;  elles  ne  pèchent  que  par  l'excès 
de  quantité  :  il  n'en  eft  pas  de  même  dans 
les  fuppreflions  du  flux  menftruel  ;  la  caufe 
étant  le  plus  fouvent  difficile  à  vaincre , 
occafione  des  efforts  conrinuels  de  la  na- 
ture ,  pour  détruire  la  pléthore  &  rétablir 
X équilibre  ;  ce  qui  donne  fouvent  lieu  , 
dans  ce  cas  ,  à  des  fièvres  confidérabîes , 
&  dont  les  fuites  peuvent  être  fâcheufes. 
Ainfi  ,  les  inflammations  occafionane 
aufîi  une  forte  de  pléthore  ,  plus  ou  moins 
étendue  ,  produifent  la  fièvre  générale  ou 
particulière  :  le  refferrement  fpafmodique 
des  parties  nerveufes  dans  un  vifeere  ,  dans 
un  membre  ,  dans  un  tendon  ,  dans  un 
tronc  de  nerf  piqué ,  irrité ,  produit  le  même 
effet  ;  de  même  auffi  les  irritations  qui  af- 
fectent des  membranes  nerveufes  ,  comme 
celles  des  inteftins ,  la  plèvre ,  la  dure-mere , 
l'enveloppe  des  mufcles ,  le  périofte  ,  &c.  les 
remèdes  irritans ,  tels ,  fur  tout  ,  que  les 
purgatifs,  les  vomitifs  ,  les  véficatoires  , 
les  fynapifmes ,  les  phœnigmes  ,  &c.  fem- 
blent  n'attirer  un  plus  grand  abord  d'hu- 
meurs dans  les  parties  où  ils  agiflènt ,  que 
parce  qu'ils  excitent  la  réadion  des  vaif- 
feaux éloignés  vers  ceux  qui  font  d'abord 
plus  refferrés  par  l'irritation  ,  mais  qui  font 
bientôt  forcés  de  céder  à  toutes  les  puif- 
fances  des  fotides  réunies  contr'eux  ;  ce  qui 
opère  une  dérivation  d'humeurs  vers  la  partie 
irritée  ;  dérivation  qui  eft  ,  par  cette  raifon  , 
le  plus  fouvent  précédée  d'une  augmenta- 
tion de  mouvement  dans  tous  les  fluides  , 
dans  la  circulation  entière.  N'eft-ce  pas  ainfi 
que  l'on  peut  concevoir  la  manière  d'agir 
des  topiques  irritans  ,  dont  on  fe  fert  po:  r  ; 
attirer  la  goutte  dans  les  extrémités  ?  L'action 
Ppppp  l 


g5*  E  Q  U 

des  cautères  actuels ,  du  moxa  ,  produit  aufîï 
à  peu  prés  les  mêmes  effets  :  Yorgafme,  dans 
les  parties  fufceptibles  d'impremons  volup- 
tueufes  ,  fait  ainfi  naître  une  agitation  gé- 
nérale ^en  tanc  que  la  tenfion  de  leurs 
parties  nerveufes  y  forme  des  obftacles  au 
cours  ordinaire  des  humeurs ,  qui  refluent 
dans  tout  le  corps  ,  y  font  une  pléthore 
pafïàgere  ,  c'eft-à-dire,  proportionnée  à  la 
durée  de  la  caufe  de  cztte  tenfîon  ,  &  cette 
pléthore  celle  avec  le  fentiment  qui  en  a 
été  la  caufe  déterminante  :  c'eft  ce  qu'on 
éprouve  dans  l'acte  vénérien  ,  dans  la  feule 
érection  de  la  verge  ,  du  clitoris  ,  foutenue 
par  l'imagination  échauffée  ,  dans  le  gonfle- 
ment des  parties  de  la  vulve  ,  des  mame- 
lons :  tout  ce  qui  tend  les  nerfs  plus  qu'à 
l'ordinaire  ,  comme  une  épine  dans  un  ten- 
don ,  dans  des  chairs  bien  fenfibles ,  comme 
les  brûlures  ,  ùc  produit  un  plus  grand 
abord  de  fang  dans  les  parties  affectées  ;  d'où 
s'enfuit  un  battement  d'artères  plus  fort 
dans  ces  parties ,  ou  une  agitation  générale , 
à  proportion  de  l'intenfité  de  la  caufe  ,  &c. 
Il  réfuîte  de  ce  qui  a  été  dit  jufqu'ici  fur 
les  différentes  caufes  qui  peuvent  déranger 
l'équilibre  de  la  machine  dans  l'économie 
animale  ,  que  dans  le  relâchement  ,  I'élaf- 
ticité  naturelle  qui  fubfifte  dans  les  fibres  , 
fuffit  en  général ,  pour  leur  donner  un  de- 
gré de  force  qui  détermine  le  cours  des 
fluides  vers  la  partie  qui  a  perdu  de  fon 
refîbrt  ;  mais  le  défaut  a  équilibre  y  qui  eft 
produit  par  l'irritation  ,  ne  peut  pas  avoir 
lieu  ,  fans  qu'il  foit  ajouté  généralement  à 
tous  les  folides  ,  une  force  qui  puifTe  l'em- 
porter fur  la  réfiftance  de  la  partie  où  fe  fait 
l'irritation  ;  en  forte  que  dans  ce  cas ,  ils  ac- 
quièrent plus  de  force  d'action  fur  les  fluides 
par  un  refièrreme  nt  qui  dépend  des  nerfs  , 
&  X équilibre  fe  détruit  tout  comme  fi  les 
parties  irritées  péchoient  par  relâchement  , 
parce  que  celles-ci  font  forcées  de  céder  à 
l'action  combinée  de  tous  les  vaifleaux  du 
corps  contr'elle  ;  étant  alors  inférieures  en 
réfiftance  •>  elles  ne  tiennent  pas  contre  l'ac- 
tion des  fibres  ,  en  général  devenues  plus 
fortes  ,  que  dans  l'état  naturel  ,  par  un 
moyen  furajouté  ,  qui  leur  eft  commun  à 
toutes,  vis  unita  fonior.  Ainfi  de  de\}x 
caufes  oppofées ,  le  relâchement  &  le  reffer- 
rement  de*  fibres  ou  des  vai-leaux  ,  il  peut 


e  q  u 

également  en  réfulter  un  défaut  d'équilibre 
dans  le  corps  animal. 

Il  eft  naturel  de  conclure  de  tout  ce  qui 
vient  d'être  expofé  au  fujet  de  l'équilibre 
dans  le  corps  humain  ,  qu'il  eft  très-impor- 
tant de  s'inftruire  de  tout  ce  qui  fert  à 
faire  connoître  les  phénomènes ,  les  loix 
confiantes  de  cette  condition  requife  pour 
la  vie  faine  ,  de  cet  agent ,  qui  patoît  jouer 
un  fi  grand  rôle  dans  l'économie  animale  , 
qui  eft  un  principe  fécond  ,  d'où  on  peut 
déduire  une  infinité  de  caufes  ,  qui  entre- 
tiennent la  fanté  ,  qui  produifent  les  ma- 
ladies ,  félon  les  diverfes  difpofitions  des 
folides  entr'eux ,  &  relativement  aux  fluides. 
Les  réflexions ,  fur  ce  fujet ,  femblent  juf- 
tifier  la  théorie  des  anciens  médecins  mé- 
thodiques ,  qui  vouloient  faire  dépendre 
l'exercice  réglé  ou  vicié  de  toutes  les  fonc- 
tions ,  de  ce  qu'ils  appelloient  le  jlriclum 
&  le  laxum  ;  ils  ne  fe  font  vraifemblable- 
ment  écartés  de  la  vérité  à  cet  égard  ,  que 
pour  avoir  voulu  tout  attribuer  à  la  difpo- 
iirion  des  folides  ,  fans  reconnoître  aucun 
vice  efTentiel  dans  les  fluides.  Baglivi  a  trop 
fait  dépendre  l'équilibre,  qu'il  avoit  jufte- 
ment  entrevu  dans  le  corps  animal ,  du 
mouvement  fyftaltique  ,  qu'il  attribuoit  aux 
membranes  du  cerveau;  mais  en  ramenant 
cette  théorie  aux  vrais  avantages  que  l'on 
peut  en  titer,  elle  peut  fournir  de  grandes 
lumières  dans  l'étude  de  la  nature  &  de  {es 
opérations  ,  dans  l'état  de  la  fanté  &  dans 
celui  de  maladie  ;  par  exemple ,  à  l'égard 
de  la  diftribution  des  différentes  humeurs 
dans  toutes  les  parties  du  corps  ,  du  mé- 
chanifme  des  fecrétions  en  général ,  de  l'in- 
fluence du  poids  de  l'air  &  de  fes  autres 
qualités  ,  du  chaud  ,  du  froid  ,  du  Cec  ,  de 
l'humide,  &c.  fur  le  corps  humain,  fur 
les  poumons  principalement  ,  des  évacua- 
tions critiques  &fymptomatiques ,  des  mé- 
taftafes ,  ùc.  Voy.  fur  ce  fujet  l'article  MÉ- 
THODIQUE ;  Profper  Alpin  ,  de  medicina 
methodica  y  &  les  œuvres  de  Baglivi.  Si  l'on 
admet  l'importance  des  réfulracs ,  qui  dé- 
rivent des*  obfervations  fur  Véquilibre  dar  s 
l'économie  animale  ,  tel  qu'on  vient  de  le 
repréfenter,  on  ne  peut  pasrefufer  de  con^ 
.venir  qu'elles  doivent  être  aufîi  d'une  très- 
grande  utilité  dans  la  pratique  médicinale  , 
pour  établir  les  indications  dans  le  traite* 


E  Q  U 

ment  des  maladies ,  &  pour  diriger  Pad- 
miniftration  de  la  plupart  des  remèdes  , 
comme  les  évacuans  ,  dérivatifs  y  révulfifsy 
fortifiansy  reldchans.  anodins  y  narcotiques  y 
antifpafmodiques  y  &  autres  qui  peuvent 
produire  des  effets  relatifs  à  ceux-là.  Voye\ 
ces  mots  &  les  articles  qui  ont  rapport  à 
celui  qui  vient  d'être  terminé ,  tel  que 
Fibre  ,  Fluxion  ,  Relâchement  , 
Spasme,  &c.  (d) 

EQUILIBRE ,  terme  de  Peinture.  Omne 
corpus,  niji  extremafefe  undique  contineant, 
librenturque  adcentrum,  collabaïur  ruatque 
nccefje  eji  :  voilà  un  pafïàge  qui  me  paroît 
définir  îe  terme  dont  il  s'agit  ici  ;  &  j'ef- 
pere  qu'une  explication  un  peu  détaillée  de 
ce  texte ,  &  un  précis  de  ce  que  Léonard 
de  Vincy  dit  fur  cette  partie  dans  fon  traité 
t  de  la  Peinture  ,  fuffiront  pour  en  donner 
une  idée  claire.  Pomponius  Gaurie,  qui  a 
compofé  en  latin  un  traité  de  la  Sculpture  , 
eiî  l'auteur  de  la  définition  que  j'ai  citée; 
elle  fe  trouve  au  chapitre  vj  y  intitulé  de 
fiatuarum  ftatu  y  motu  y  &  otio.  Toute  ef- 
pece  de  corps ,  dit-il ,  dont  les  extrémités 
ne  font  pas  contenues  de  toutes  parts  ,  & 
balancées  fur  leur  centre  ,  doit  néceffaire- 
ment  tomber  &  fe  précipiter. 

La  chaîne  qui  unit  les  connoifîànces  hu- 
maines ,  joint  ici  la  phyfîque  à  la  peinture  ; 
en  forte  que  le  physicien  qui  examine  la 
caufedu  mouvement  des  corps,  &  le  peintre 
qui  veut  en  repréfenter  les  juftes  effets, 
peuvent ,  pour  quelques  momens  au  moins , 
îuivre  la  même  route  ,  &  pour  ainfi  dire 
voyager  enfemble.  On  doit  même  remar- 
quer que  ces  points  de  réunion  ^fciences, 
des  arts  ,  &  des  connoifîànces deî'efprit ,  fe 
montrent  plus  fréquens ,  lorfque  ces  mêmes 
connoiffances  tendent  à  une  plus  grande 
perfection.  Cependant  on  a  pu  obferver  auffi 
(comme  une  efpece  de  contradiction  à  ce 
principe ,  )  que  fouvent  la  théorie  perfec- 
tionnée a  plutôt  fuivi  que  précédé  les  âges 
les  plus  brillans  des  beaux-arts,  &  qu'au 
moins  elle  n'a  pas  toujours  produit  les  fruits 
qu'on  fembleroic  devoir  en  efpérer.  Je  ré- 
iervepourles/Twr/THÉoRlE&PRATlQUE 
quelques  réflexions  fur  cette  fingularité,  Il 
s'agir  dans  cet  article  d'expliquer  le  plus 
précifément  qu'il  eft  poffible  ce  que  l'on 
entend  par  équilibre  dans  Part  de  peinture. 


EQU  853 

Le  mot  équilibre  s'entend  principalement 
des  figures  qui  par  elles-mêmes  ont  du  mou- 
vement ;  telles  que  les  hommes  &  les  ani- 
maux. 

Mais  on  fe  fert  auffi  de  cette  exprefïion 
pour  la  compofition  d'un  tableau;  &  je  vais 
commencer  par  développer  ce  dernier  fens. 
M.  du  Frefnoy ,  dans  fon  poème  immortel 
de arte graphicâ y  recommande  cette  partie, 
&  voici  comment  il  s'exprime. 

Se  u  mulùs  conflabit  opus  ,  paucifque  figurîs  , 
Altéra  pars  tabula  vacuo  ne  frigida  campo 
Aut  deferta  fiet,  dum  pluribus  altéra  formis 
Fervida  mole  fuâfupremam  exurgit  adoram: 
Sed  tibi  fie  pofitis  rcfpondeat  utraque  rébus  ; 
Ut  fi  aliquid  furfumfe  parte  attollat  in  una , 
Sic  aliquid  parte  ex  alla  confurgat ,  &  ambas 
jEquiparet ,  geminas  cumulande)  xqualiter  oras, 

"  Soit  que  vous  employiez  beaucoup  de  fi- 
»  gures ,  ou  que  vous  vous  réduifiez  à  un 
»  petit  nombre  ;  qu'une  partie  du  tableau 
»  ne  paroifîe  point  vuide  ,  dépeuplée ,  & 
»  froide  ,  tandis  que  l'autre  enrichie  d'une 
»  infinité  d'objets  ,  offre  un  champ  trop 
»  rempli  :  mais  faites  que  toute  votre  or- 
»  donnance  convienne  tellement ,  que  fi 
»  quelque  corps  s'élève  dans  un  endroit , 
»  quelqu'autre  le  balance  ,  en  forte  que 
>?  votre  compofition  préfente  un  jufte  équi- 
té libre  dans  fes  différentes  parties.  » 

Cette  traduction  qui  peut  paroître  moins 
conforme  à  la  lettre  qu'elle  ne  l'eft  au  fens , 
donne  une  idée  de  cet  équilibre  de  compo- 
fition dont  M.  du  Frefnoy  a  voulu  parler  ; 
&  j'ai  hafardé  avec"  d'aurant  plus  de  plaifir 
d'expliquer  fa  penfée  dans  ce  pafïàge  ,  que 
la  traduction  qu'en  donne  M.  de  Piles  pré- 
fente  des  préceptes  qui ,  loin  d'être  avoués 
par  les  artiftes ,  font  absolument  contraires 
aux  principes  de  l'art  &  aux  effets  de  la 
nature.  Je  vais  rapporter  les  termes  dont 
fe  fert  M.  de  Piles. 

«  Que  l'un  des  cotés  du  tableau  ne  de- 
»  meure  pas  vuide  ,  pendant  que  l'autre 
»  eft  rempli  jufqu'au  haut  ;  mais  que  l'on 
»  difpofe  fi  bien  les  chofes ,  que  fi  d'un 
»  coté  îe  tableau  eft  rempli ,  l'on  prenne 
»  occafïon  de  remplir  l'autre  ;  en  forte  qu'ils 
m  paroifïènt  en  quelque  façon  égaux,  foie 


854.  EQU 

t>  qu'il  y  ait  beaucoup  de  figures ,  ou  qu'elles 
»  y  foient  en  petit  nombre.  >> 

On  apperçoit  affez  dans  ces  mots  ,  en 
quelque  japon  ,  qui  ne  font  point  dans  le  ; 
texte ,  que  M.  de  Piles  lui-même  a  fenti  i 
qu'il  falloit  adoucir  ce  qu'il  venoit  d'avancer  :  ! 
mais  cet  adoucifTement  ne  fiiffit  pas.  Il  j 
n'eft  point  du  tout  nécefîaire  de  remplir  un 
côté  du  tableau  ,  parce  que  l'on  a  rempli 
l'autre ,  ni  de  faire  en  forte  qu'ils  paroiffent , 
en  quelque  façon  même  ,  égaux.  Les  Ioix 
de  la  compofition  font  fondées  fur  celles 
de  la  nature  ,  &  la  nature  moins  concertée 
ne  prend  point  pour  nous  plaire  les  foins 
qu'on  prefcrit  ici  à  l'artifte.  Sur  quoi  donc 
fera  fondé  le  précepte  de  du  Frefnoy  ?  que 
deviendra  ce  balancement  de  compofition 
à  l'aide  duquel  j'ai  rendu  fon  idée?  Il  naîtra 
naturellement  d'un  heureux  choix  des  effets 
de  la  nature,  qui  non  feulement  eft  permis 
aux  peintres  ,  mais  qu'il  faut  même  leur 
recommander  ;  il  naîtra  du  rapprochement 
de  certains  objets  que  la  nature  ne  préfente 
pas  affez  éloignés  les  uns  des  autres ,  pour 
qu'on  ne  foit  pas  autorifé  à  les  raffembler 
&  à  les  difpofer  à  fon  avantage. 

En  effet ,  il  eft  rare  que  dans  un  endroit 
enrichi ,  foit  par  les  productions  naturelles , 
foit  par  les  beautés  de  l'art ,  foit  par  un  con- 
cours d'êtres  vivans,  il  fe  trouve  dans  le 
court  efpace  que  l'on  peut  choifir  pour 
fujet  d'un  tableau  (  qui  n'eft  ordinairement 
que  celui  qu'un  feul  regard  peut  embraffer ,  ) 
un  côté  dénué  de  toute  efpece  de  richeflès  ,■ 
tandis  que  l'autre  en  fera  comblé.  La  nature 
garde  plus  d'uniformité  dans  les  tableaux 
qu'elle  compofe  ;  elle  n'offre  point  brufque- 
ment  le  contraire  de  l'abondance  &  de  l'ex- 
trême aridité.  Les  lieux  efcarpés  fe  joignent 
imperceptiblement  à  ceux  qui  font  unis; 
les  contraires  font  féparés  par  des  milieux , 
d'où  réfulte  cette  harmonie  générale  qui 
plaît  â  nos  regards:  d'ailleurs,  ce  balancement 
ne  confifte  pas  feulement  dans  la  place  , 
la  grandeur ,  &  le  nombre  des  objets  ;  il 
a  encore  une  fource  plus  cachée  dans  la  dif- 
pofition  &  l'enchaînement  des  mafTes  que 
forment  la  lumière  &  l'ombre.  C'eft  fur- 
tout  cet  ordre  ingénieux  ,  ce  chemin  qu'on 
fait  faire  à  la  lumière  dans  la  compofition 
d'un  tableau,  qui  contribuent  à  fon  balan- 
cement &  à  fon  équilibre  3  qui  contentent 


EQU 

la  vue ,  &  qui  font  caufe  que  ce  fens  étant 
fatisfait ,  l'efprit  &  l'ame  peuvent  prendre 
leur  part  du  plaifir  que  leur  offre  Pillufion 
de  la  peinture. 

J'infifterai  d'autant  plus  fur  ce  principe 
d'e'qu  libre  de  la  compofition  ,  qu'il  y  a 
un  danger  infini  pour  les  artiftes  dans  l'affec- 
tation d'une  difpofition  d'objets  trop  re- 
cherchée ,  &  que  c'eft  par  cette  route  que 
fe  font  introduits  ces  faux  principes  de 
contrafte  &  de  difpofition  pyramidale. 

Les  beautés  de  la  nature  ont"  un  caractère 
de  {implicite  qui  s'étend  fur  fes  tableaux 
les  plus  compofés  ,  &  qui  plaît  dans  ceux 
qu'on  pourroit  accufer  de  monotonie. 
Plufieurs  figures  dans  la  même  attitude  , 
fur  le  même  plan  ,  fans  contrafte  ,  fans 
oppofition  ,  bien-loin  d'être  monotones 
dans  la  nature  ,  nous  y  préfentent  des  va- 
riétés fines,  des  nuances  délicates  ,  &  une 
union  d'action  qui  enchantent.  Il  faut,  pour 
imiter  ces  beautés  ,  une  extrême  juftefîè  ; 
&  la  naïveté  ,  je  l'avoue  ,  eft  voifiae  de 
la  fécherefîe  ,  &  d'un  goût  pauvre  qu'il 
faut  éviter  avec  autant  de  foin  que  le  genre 
outré.  Mais  c'en  eft  afîèz  pour  la  lignifica- 
tion de  ces  mots  ,  équilibre  de  compofition. 
Confultons  Léonard  de  Vincy  fur! '  équilibre 
des  corps  en  particulier. 

«  La  pondération  ,  dit-il  chapitre  cclx> 
»  ou  X équilibre  des  hommes ,  fe  divife  en 
t>  deux  parties  :  elle  eft  fimple ,  ou  com- 
»  pofée.  L'équilibre  fimple  eft  celui  qui 
»  le  remarque  dans  un  homme  qui  eft 
»  debout  fur  fes  pies  fans  fe  mouvoir. 
»  Dans  cette  pofition  ,  fi  cet  homme  étend 
»  les  bra#  en  les  éloignant  diverfement 
7)  de  leur  milieu  ,  ou  s'il  fe  baiffe  en  fe 
»  tenant  fur  un  de  fes  pies,  le  centre  de 
»  gravité  tombe  par  une  ligne  perpendi- 
»>  culaire  fur  le  milieu  du  pié  qui  pofe. 
»  à  terre  ;  &  s'il  eft  appuyé  également  fur 
»  les  deux  pies  ,  fon  eftomac  aura  fon 
w  centre  de  gravité  fur  une  ligne  qui  tombe 
»  fur  le  point  milieu  de  l'efpace  qui  fe  trouve 
»  entre  les  àeuK  pieds. 

»  L'équilibre  compofé  eft  celui  qu'on  voit 
»  dans  un  homme  qui  foutient  dans  diver- 
»  fes  attitudes  un  poids  étranger  ;  dans 
»  Hercule,  par  exemple  ,  étouffant  An tée 
»  qu'il  fufpend  en  l'air  ,  &  qu'il  prefïè 
»  avec  fes  bras  contre  fon  eftomac.  Il  faut, 


E  Q  U 

»  dans  cet  exemple,  que  la  figure  d'Hercule 
»  aie  autant  de  fon  poids  au  delà  de  la 
»  ligne  centrale  de  fes  pies  ,  qu'il  y  a  du 
»  poids  d'Antée  en  deçà  de  cette  même 
w  ligne.  » 

On  voit  par  ces  définitions  de  Léonard 
de  Vincy ,  que  Yéquibre  d'une  figure  eft 
le  réfuîtat  des  moyens  qu'elle  emploie  pour 
fe  foutenir  ,  foit  dans  une  action  de 
mouvement  ,  foit  dans  une  attitude  de 
repos. 

Mais  comme  les  principes  &  les  réflexions 
excellentes  de  cet  auteur  font  peu  liés  en- 
femble  dans  fon  ouvrage  ,  je  vais  ,  en  les 
fondant  avec  les  miennes  ,  leur  donner  , 
s'il  fe  peut ,  un  ordre  qui  en  rende  l'intelli- 
gence plus  facile  ,  pour  ceux  même  qui 
ne  pratiquent  pas  l'art  de  la  peinture. 

Quoique  le  peintre  de  figure  ne  puifTe 
produire  qu'une  repréfentation  immobile 
de  l'homme  qu'il  imite  ,  l'illufion  de  fon 
art  lui  permet  de  choifir  pour  cette  repré- 
fentation dans  les  actions  les  plus  animées, 
comme  dans  les  attitudes  du  plus  parfait 
repos  :  il  ne  peut  repréfenter  dans  les  unes 
&  dans  les  autres  qu'un  feul  inftant  ;  mais 
une  action  ,  quelque  vive  ,  quelque  rapide 
qu'elle  foit,  eft  compofée d'une  fuite  infinie 
de  momens  ,  &  chacun  d'eux  doit  être 
fuppofé  avoir  quelque  durée  :  ils  font  donc 
tous  fufceptibles  de  l'imitation  que  le  pein- 
tre en  peut  faire  dans  cette  fucceffion  de 
momens  dont  eft  compofée  une  action. 
La  figure  doit  (  par  une  loi  que  la  nature 
impofe  aux  corps  qui  fe  meuvent  d'eux- 
mêmes)  pafTer  alternativement  de  Y  équi- 
libre y  qui  confifte  dans  l'égalité  du  poids 
de  fes  parties  balancées  &  repofées  fur  un 
centre ,  à  la  cefTation  de  cette  égalité.  Le 
mouvement  naît  de  la  rupture  du  parfait 
équilibre  ,  &  le  repos  provient  du  rétablif- 
fement  de  ce  même  équilibre. 

Ce  mouvement  fera  d'autant  plus  fort, 
plus  prompt  &  plus  violent ,  que  la  figure 
dont  le  poids  partagé  également  de  chaque 
côté  de  la  ligne  qui  la  foutient  ,  en  ôtera 
plus  d'un  de  ces  côtés  pour  le  rejeter  de 
l'autre  ,  &  cela  avec  violence  &  préci- 
pitation. 

Par  une  fuite  de  ce  principe ,  un  homme 
ne  pourra  remuer  ou  enlever  un  fardeau , 
qu'il  ne  tire  de  foi-même  un  poids  plus 


E  Q  U  855 

qu'égal  à  celui  qu'il  veut  mouvoir  ,  & 
qu'il  ne  le  porte  du  côté  oppofé  à  celui  où 
eft  le  fardeau  qu'il  veut  lever.  C'eft  delà 
qu'on  doit  inférer  -que  pour  parvenir  à 
une  jufte  expreffion  des  actions  ,  il  faut 
que  le  peintre  faflè  en  forte  que  fes  figures 
démontrent  dans  leur  attitude  la  quantité  de 
poids  ou  de  force  qu'elles  empruntent  pour 
l'action  qu'elles  font  prêtes  d'exécuter.  J'ai 
dit  la  quantité  de  force  ;  parce  que  fi  la  figure 
qui  fupporte  un  fardeau  ,  rejette  d'un  côté 
de  la  ligne  qui  partage  le  poids  de  fon  corps, 
ce  qu'il  faut  de  plus  de  ce  poids  pour  ba- 
lancer le  fardeau  dont  elle  eft  chargée,  la 
figure  qui  veut  lancer  une  pierre  ou  un 
dard  ,  emprunte  la  force  dont  elle  a  befoin, 
par  une  contorfion  d'autant  plus  violente, 
qu'elle  veut  porter  fon  coup  plus  loin  ; 
encore  eft -il  néceffaire,'pour  porter  fon 
coup  ,  qu'elle  fe  prépare  par  une  pofition 
anticipée  à  revenir  aifément  de  cette  con- 
torfion à  la  pofition  où  elle  étoit  avant  que 
de  fe  gêner  :  ce  qui  fait  qu'un  homme 
qui  tourne  d'avance  la  pointe  de  fes  pies 
vers  le  but  où  il  veut  frapper ,  &  qui  en- 
fuite  recule  fon  corps ,  ou  le  contourne  , 
pour  acquérir  la  force  dont  il  a  befoin  , 
en  acquerra  plus  que  celui  qui  fe  poferoit 
différemment;  parce  que  la  pofition  de  fes 
pies  facilite  le  retour  de  fon  corps  vers 
l'endroit  qu'il  veut  frapper ,  &  qu'il  y  re- 
,  vient  avec  vîtefîè ,  enfin  s'y  retrouve  placé 
commodément. 

Cette  fucceffion  d'égalité  &  d'inégalité 
de  poids  dans  des  combinaifons  innombra- 
bles (  que  notre  inftinct ,  fans  notre  parti- 
cipation &  à  notre  infu ,  fait  fervir  à  exécuter 
nos  volontés  avec  une  précifion  géométrique 
fi  admirable  )  fe  remarque  aifément  dès  que 
l'on  y  fait  la  moindre  attention  :  cependant 
elle  eft  encore  plus  viable  ,  lorfqu'on  exa- 
mine les  danfeurs  &  les  fauteurs ,  dont 
l'art  confifte  à  en  faire  un  ufage  plus  raifonné* 
&  plus  approfondi.  Les  faifeurs  &  équilibre  y 
&  les  funambules  fur-tout,  en  offrent  des 
démonftrations  frappantes  ;  parce  que  dans 
les  mouvemens  qu'ils  fe  donnent  fur  des 
appuis  moins  folides ,  &  fur  des  points  de 
furface  plus  reftreints  ,  l'effet  des  poids  eft 
plus  remarquable  &  plus  fubit ,  fur- tout 
îorfqu'ils  exécutentleurs  exercices  fans  appui, 
&  qu'ils  marchent  ou  fautent  fur  la  corde 


■i 


856  EQU 

fans  contre  poids:  c'eft  alors  que  vous  voyez 
1  emprunt  qu'ils  font  à  chaque  inftant  d'une  ! 
partie  du  poids  de  leur  corps  pour  foutenir  j 
l'autre,  &  pour  mettre  alternativement  leur  | 
poids  total  dans  un  jufte  balancement ,  ou 
dans  une  égalité  qui  produit  leurs   mou-  ! 
vemens  ou  le  repos  de  leurs  attitudes  :  c'eft  j 
alors  qu'on  voit  dans  la  pofition  de  leurs 
bras  l'origine  de  ces  contraires  de  mem- 
bres qui  nous  plaifent ,  &  qui  font  fondés 
fur  la  néceflité  ;  plus  ces  contraries   font 
juftes  &  conformes  à  la  pondération  nécef- 
faire  des  corps ,  plus  ils  fatisfont  le  fpec- 
tJteur,  fans  qu'il  cherche  à  fe  rendre  compte 
de  cette  fatisfa&ion  qu'il  relient  ;  plus  ils 
s'éloignent  de  la  néceflité  ,  moins  ils  pro- 
duifent    d'agrémens  ,    ou   môme  plus   ils 
bleflent  ,    fans  ^qu'on  puhTe   bien  claire- 
ment fe   rendre  raifon  de  cette  expref- 
fion. 

Ce  font  ces  obfervations  qui  doivent  en- 
gager les  artiftes  à  imiter  Léonard  de  Vincy, 
&  à  employer  leurs  momens  de  loifir  à  des 
réflexions  approfondies  ;  ils  fe  formeront 
par-là  des  principes  certains  ,  &  ces  prin- 
cipes produiront  dans  leurs  ouvrages  ces 
beautés  vraies  &  ces  grâces  naturelles,  qu'on 
regarde  injuftçment  comme  des  qualités 
arbitraires ,  &  pour  la  définition  defquelles 
en  emploie  fi  fou  vent  ce  terme  de  je  ne  fais 
quoi:  expreflion  plus  obfcure  cent  fois  que 
ce  que  l'on  veut  définir,  &  trop  peu  phi-' 
lofophique  pour  qu'il  foit  permis  de  l'ad- 
mettre autrement  que  comme  une  plai- 
fanterie. 

En  invitant  les  artiftes  à  s'occuper  férieu- 
fement  de  X équilibre  &  de  la  pondération 
des  corps ,  comme  je  les  ai  déjà  exhortés 
à  faire  des  études  profondes  de  Panatomie  , 
)q  crois  les  rappeller  à  deux  points  fonda- 
mentaux de  leur  art.  Je  ne  répéterai  pas  ce 
que  j'ai  dit  de  Panatomie  ;  mais  j'ofe  leur 
avancer  que  la  variété  ,  les  grâces  ,  la  force 
de  Pexpreffion  ont  auffi  leurs  fources 
dans  les  loix  de  X équilibre  &  de  la  pon- 
dération ;  &  fans  entrer  dans  des  détails 
qui  demanderoient  un  ouvrage  entier,  je 
me  contenterai  de  mettre  fur  la  voie  ceux 
qui  voudront  réfléchir  fur  ce  fujet.  Pour 
commencer  par  la  variété  ,  quelle  refTource 
n'a-t-elle  pas  dans  cette  néceflité  de  difpofi- 
tions  différentes ,  relatives  à  X équilibre P  que 


EQU 

la  nature  exige  au  moindre  changement 
d'attitude  î  Le  peu  d'attention  fur  les  détails 
de  cette  partie  ,  peut  iaiftèr  croire  à  un 
artifte  fuperficiel ,  qu'il  n'y  a  qu'un  certain 
nombre  de  pofitions  qui  foient  favorables  à 
fon  talent  ;  dès  que  fbn  fujet  le  rapprochera 
tant  foit  peu  d'une  de  ces  figures  favorites , 
il  fe  fentira  entraîné  à  s'y  fixer  par  l'habitude 
ou  par  la  pareffe;  &  fi  l'on  veutdécompofer 
tous  fes  ouvrages  &  les  réduire  à  leur  jufte 
mérite,  quelques  attitudes,  quelques  group- 
pes  ,  &  quelques  caracleres  de  têtes  éter- 
nellement répétés,  offriront  lefond  médiocre 
fur  lequel  on  portera  un  jugement  qui  lui 
fera  peu  favorable.  Ce  n'eft  point  ainfi 
qu'ont  exercé  ,  &  qu'exercent  encore  cet 
art  immenfe  ,  les  artiftes  qui  afpirent  à 
une  réputation  folidement  établie  ;  ils  cher- 
chent continuellement  dans  la  nature  les 
effets ,  &  dans  le  raifonnement  les  caufes 
&  la  liaifon  de  ces  effets  :  ils  remarquent, 
comme  je  viens  de  le  dire ,  que  le  moin- 
dre changement  ,  dans  la  fïtuation  d'un 
membre ,  en  exige  dans  la  difpofition  des 
autres ,  &  que  ce  n'eft  point  au  hafard  que 
fe  fait  cette  difpofition  ;  qu'elle  eft  déter- 
minée non  feulement  par  le  poids  des  par- 
ties du  corps ,  mais  par  l'union  qu'elles  ont 
entr'elles  par  leur  nature,  c'eft-à-dire,  par 
leur  plus  ou  moins  de  folidité  ;  &  c'eft 
alors  que  les  lumières  de  Panatomie  du 
corps  doivent  guider  les  réflexions  qu'on 
fait  fur  fon  équilibre.  Ils  fentiront  que  cette 
difpofition  différente  qu'exige  le  moindre 
mouvement  dans  les  membres ,  eft  dirigée 
à  l'avantage  de  l'homme  par  un  infrincT: 
fecret ,  c'eft-à-dire ,  que  la  nature  le  porte 
à  fe  difpofer  toujours  de  la  façon  la  plus 
commode  &  la  plus  favorable  à  fon  deftein. 
La  jufte  proportion  des  parties  &  l'habitude 
des  monveméns  y  concourent  :  delà  naît 
dans  ceux  qui  voient  agir  naturellement 
une  figure  bien  conformée  ,  l'idée  de  la 
facilité  ,  de  l'aifance  ;  ces  idées  plaifent  : 
delà  naît  celle  de  la  grâce  dans  les  adions. 
Pour  Pexpreffion  ,  comme  elle  réfulte  du 
mouvement  que  Pâme  exige  du  corps ,  & 
que  ce  dernier  exécute  ,  on  fent  qu'elle  eft 
ainfî  fubordonnée  aux  principes  phyfiques 
des  mouvemens  corporels  ,  auxquels  il 
eft  obligé  de  fe  foumettre  ,  pour  obéir  à 
Pâme  jufque  dans  fes  volontés  les  plus  rapi- 
de* 


E  Q  U 

des  &  les  plus  fpontanées.  Cet  article  efi 
de  M.  Watelet. 

ËQUILLE  ,  f.  f.  (Fontaines  falante  s.) 
Ce  terme  a  plufieurs  acceptions  :  il  fe  dit 
premièrement  d'une  efpece  de  croûte  qui 
fe  forme  au  fond  des  poêles  par  la  grande 
ardeur  du  feu ,  &  qui  arrête  les  coulés  lorf- 
qu'on  héberge  muire  :  fecondement ,  d'un 
outil  tranchant ,  avec  lequel  un  des  deux 
ouvriers  qui  hébergent  muire  rompt  la 
croûte  qui  couvre  le  coulé  dans  l'endroit 
que  lui  indique  le  champeur,  afin  d'y  jeter 
de  la  chaux-vive  détrempée  qui  arrête  le 
coulé ,  lorfqu'il  arrive  à  l'eau  de  fe  faire 
iffue  fous  la  croûte  ,  &  de  s'échapper  : 
troifiémement, delà  croûte  qui  s'eft  formée 
au  fond  des  poêles  après  la  falinaifcn  ;  celle- 
ci  fe  porte  à  la  petite  faline  ,  pour  y  être 
employée  avec  les  autres  matières  falées. 

*  ÉQUILLEUR  ,  f.  m.  (Fontaines 
falantes.)  c'eft  celui  qui  après  la  falinaifon  , 
eft  chargé  de  détacher  I'équille  du  fond 
des  poêles  ;  ce  qu'il  exécute  avec  une  mafïè 
de  fer. 

ÉQUIMULTIPLE  ,  adj.  en  Arithméti- 
que &  en  Géométrie  ,  fe  dit  des  grandeurs 
multipliées  également,  c'eft-à-dire  ,  par 
des  quantités  ou  des  multiplicateurs  égaux. 
Voye\  MULTIPLTCATION. 

Si  on  prend  A  autant  de  fois  que  B  3 
c'eft-à-dire,  fî  on  les  multiplie  également, 
il  y  aura  toujours  le  même  rapport  entre  les 
grandeurs  ainfî  multipliées  ,  qu'il  y  avoit 
entre  les  grandeurs  primitives  avant  la  mul- 
tiplication. Or  ,  ces  grandeurs  ainfî  égale- 
ment multipliées  ,  font  nommées  équi mul- 
tiple s  de  l^urs  prirWtives  A  &  B  ;  c'eft 
pourquoi  nous  difons  que  les  équimuldples 
font  en  raifon  des  quantités  fimpîes.  Voye^ 
Raison. 

En  Arithmétique  ,  on  fe  fert  en  général 
du  terme  équimuldple  }  pour  exprimer  des 
nombres  qui  contiennent  également  ou  un 
égal  nombre  de  fois  leurs  fous-multiples. 

Ainfî  12  &  6  font  équimuldples  de  leurs 


E  Q  U  857 

fous-multiples  4.  &  2  ;  parce  que  chacun 
d'eux  contient  fon  fous-multiple  trois  fois. 
Voye\   Sou  s -multiple  &  Multiple. 

Hams  &  C'aambers.  (E) 

EQUINOCTIAL,   voyei    Equi- 

NOXIAL. 

ÉQUINOXE,  f.  m.  En  AJlronomie  , 
eft  le  temps  auquel  le  foleil  entre  dans 
l'équateur  ,  &  par  coniéquent  dans  un  des 
points  équinoxiaux.   Voye^  ËQUINOXIAL. 

Le  temps  où  le  foleil  entre  dans  le  point 
equinoxiaî  du  printemps,  eft  appelle  par- 
ticulièrement Yéquinoxe  du  printemps  y  & 
celui  auquel  le  foleil  entre  dans  le  point 
equinoxiaî  d'automne  ,  eft  appelle  équinoxe 
d'automne.  Voye{  PE.INTEMPS  &  AU- 
TOMNE. 

Les  équinoxes  arrivant  quand  le  foleil  eft 
dans  l'équateur  (  voye\  EQUATEUR  )  ,  les 
jours  font  pour  lors  égaux  aux  nuits  par 
toute  la  tetre ,  ce  qui  arrive  deux  fois  par 
an  ;  favoir ,  vers  le  20  .  jour  de  mars ,  &  le 
20e.  defeptembre  ;  le  premier  eft  Yéquinoxe 
du  printemps ,  &  le  fécond  celui  d'automne. 
C'eft  delà  que  vient  le  mot  équinoxe,  formé 
de  cequus  ,  égal  ,  &  de  nox  }  nuit.  Depuis 
Yéquinoxe  du  printemps  jufqu'à  celui  d'au- 
tomne ,  les  jours  font  plus  grands  que  les 
nuits  ;  c'eft  le  contraire  depuis  Yéquinoxe 
d'automne  jufqu'à  celui  du  printemps  (*) 

Comme  le  mouvement  du  foleil  eft 
inégal,  c'eft-à-dire,  tantôt  plus  vite,  tantôt 
plus  lent  (  fur  quoi  voyz\  plus  haut  C article 
ÉQUATION  DU  CENTRE  )  ,  il  arrive  qu'il 
y  a  environ  huit  jours  de  plus  de  Yéquinoxe 
du  printemps  à  Yéquinoxe  d'automne ,  que 
de  Yéquinoxe  d'automne  à  Yéquinoxe  du 
printemps  ;  parce  que  le  foleil  emploie 
plus  de  temps  à  parcourir  les  fignes  fep- 
tentrionaux  ,  qu'il  n'en  met  à  parcourir  les 
méridionaux. 

Suivant  les  obfervations  de  M.  Cafîini , 
le  foleil  emploie  186  jours  14.  heures  53 
minutes  à  parcourir  les  fignes  feptentrio- 
naux,  &  178  jours  14  heures  56  minutes 


*  Plufieurs  av.reurs  ont  dit  qu'il  y  avoit  eu  autrefois  fur  la  terre  un  éqvlnoxe  perpétuel,  c'eft- à-dite , 
que  l'équateur  &  l'écliptique  étoiem  d'accord.  Depuis  qu'on  a  reconnu  qu'ils  fe  rapprochoient  infenfi- 
blement  ,  on  en  a  conclu  que  cet  éçuinoxe  perpétuel  reviendroit  encore.  Mais  la  diminution  actuelle  de 
l'obliquité  de  l'écliptique  étant  caufée  par  les  attractions  de  Jupiter  &  de  Vénus  fur  la  terre,  on  voit 
que  cette  diminution  ne  peut  aller  qu'à  quelques  degrés,  &  qu'il  en  réfultera  enfuite  une  augmentation; 
ainfî  il  n'y  a  rien  dans  l'aftronomie  ,  qu|  indique  ni  pour  les  fiecles  paffés,  ni  pour  les  fiecles  à  venir  r 
un  équlnoxe  perpétuel.  (M.  de  la  Lande.) 

Tome  XII,  Qqqqq 


858  EQ  U 

à  parcourir  ies  méridionaux  :  la  différence 
eft  de  fept  jours  23  heures  57  minutes. 

Le  foleil  avançant  toujours  dans  l'éclip- 
tique  ,  &  gagnant  un  degré  tous  les  jours , 
ne  s'arrête  point  dans  les 'points  des  équi- 
noxes  y  mais  au  moment  qu'il  y  arrive  il 
les  quitte. 

Donc ,  quoiqu'on  appelle  jour  de  V  équi- 
noxe celui  où  le  foleil  entre  dans  le  point 
équinoxial  ,  parce  qu'il  eft  réputé  égal  à 
la  nuit ,  cependant  cela  n'eft  pas  de  la 
dernière  pr  Jcifion^  car  fi  le  foleil  en  fe  le- 
vant entre  dans  Yequinoxe  du  printemps , 
en  fe  couchant  il  l'aura  pafte  &  s'en  fera 
éloigné  du  côté  du  feptentrion  d'environ 
12  minutes;  parconféquent  ce  jour-là  aura 
un  peu  plus  de  12  heures  ,  &  la  nuit  à  pro- 
portion en  aura  moins.  Il  n'y  a  que  les 
habitans  de  l'éqiiateur  qui  ont  un  équinoxe 
perpétuel  ;  car  fous  l'équateur  les  jours 
font  ,  pendant  toute  l'année ,  égaux  aux 
nuits ,  abftra&ion  faite  des  crépufcules. 
Voyc\  Equateur. 

Le  temps  des  équinoxe  s  ,  c'eft-à-dire , 
îe  moment  auquel  le  foleil  entre  dans 
l'équateur  ,  fe  peut  trouver  de  la  ma- 
nière fuivante ,  par  obfervation  ,  lorfqu'on 
connoît  la  latitude  du  lieu  où .  l'on  ob- 
ferve. 

Le  jour  de  Yequinoxe  ou  celui  qui  le 
précède ,  prenez  la  hauteur  précife  du 
foleil  à  midi  ;  fi  elle  eft  égale  à  la  hau- 
teur de  l'équateur  ,  ou  au  complément 
de  la  latitude  ,  le  foleil  eft  dans  l'équa- 
teur au  moment  même  de  midi  ;  fi  elle 
n'eft  pas  égale  ,  la  différence  marque  la 
déclinaifon  du  foleil.  Le  jour  fuivant  ob- 
iervez  comme  la  veille  la  hauteur  du  foleil 
à  midi ,  &  trouvez  fa  déclinaifon.  Si  la  dé- 
clinaifon eft  de  différentes  dénominations  , 
c'eft-à-dire  l'une  nord  &  l'autre  fud , 
Yequinoxe  eft  arrivé  dans  l'intervalle  des 
deux  obfervations  ;  finon ,  ou  le  foleil 
avoit  déjà  pafte  Yequinoxe  au  temps  de  la 
première  obfervation ,  ou  il  n'y  eft  pas  en- 
core entré.  Au  moyen  de  ces  deux  obfer- 
vations, il  eft  aifé  de  fixer  le  temps  de 
Yequinoxe  par  un  calcul  allez  fimple.  Cette 
méthode  eft  expliquée  plus  au  long  dans 
les  infiitutions  aflwnomiques  de  M.  le 
Monnier,  p.  ^7-  &  on  peut,  fi  on  veut, 
y  avoir  recours.  Mais  M.  le  Monnier  la 


E  Q  U 

regarde  comme  peu  propre  à  donner  le 
moment  de  Yequinoxe  ,  parce  qu'une  er- 
reur de  5  fécondes  dans  la  déclinaifon  , 
en  produit  une  de  5  minutes  dans  le  mo- 
ment de  Yequinoxe.  C'eft  pourquoi  il  croit 
qu'on  doit  chercher  le  moment  de  Yequi- 
noxe par  une  autre  méthode  ,  qui  conlifte 
à  employer  pour  cela  les  afcenfions  droites 
des  étoiies ,  &  qu'il  explique  page  388  de 
ce  mîme  ouvrage. 

On  trouve  ,  par  les  obfervations  ,  que 
les  points  {tes  équinoxes  &  tous  les  autres 
points  de  l'ecliptique ,  fe  meuvent  conti- 
nuellement d'orient  en  occident  contre 
l'ordre  des  fignes.  Ce  mouvement  rétro- 
grade des  points  équinoxiaux  ,  eft  appelle 
précejjion  des  équinoxes.  Voye\  PrÉCES- 
SION  ,  NUTATION  ,  &c. 

ÉQUINOXE,  (Médecine.)  Les  médecins, 
font  auiîi  mention  des  équinoxes  ,  parmi 
les  caufes  des  maladies  ,  parce  qu'ils  déter- 
minent le  commencement  du  printemps 
&  de  l'automne  ,  qui  font  des  faifons  où 
les  variétés  dans  la  température  de  l'air 
font  fi  confidérables  &  fi  fréquentes , 
qu'elles  produifent  ordinairement  de  gran- 
des altérations  dans  l'économie  animale. 
Voye\  Air  ,  Saison.  ( d) 

ÉQUINOXIAL  ,  fubft.  m.  en  Afirono- 
mie  y  eft  un  grand  cercle  immobile  de 
la  fphere,  fous  lequel  l'équateur  fe  meut 
dans  fon  mouvement  journalier.  Voye^ 
Sphère. 

U  équinoxial  ou  la  ligne  équinoxiale  ,  eft 
ordinairement  confondue  avec  l'équateur  , 
mais  ce  n'eft  pas  la  même  chofe  ;  l'équa- 
teur eft  mobile  ,  la  ligne  équinoxiale  ne 
l'eft  pas  :  l'équateur  eft  fuppofé  tracé  fur 
la  furface  convexe  de  la  fphere  ,  mais  la 
ligne  équinoxiale  eft  imaginée  tracée  fur 
la  furface  concave  du  grand  orbe.  Voye^ 
EQUATEUR. 

On  conçoit  la  ligne  équinoxiale  ?  en  fup- 
pofant  un  rayon  de  la  fphere  prolongé  par 
delà  l'équateur ,  &  qui  ,  par  la  rotation 
de  la  fphere  fur  fon  axe  ,  décrit  un  cercle 
fui»  la  furface  immobile  &  concave  du 
grand   orbe. 

Toutes  les  fois  que  le  foleil ,  dans  fon 
mouvement  apparent  ,  arrive  à  ce  cercle, 
les  jours  &  les  nuits  font  égaux  pour  tout 
le  globe  ,  ce  qui  n'arrive  dans  aucun  autre 


E  Q  U 

temps  de  l'année.  Voye\  ÉQUATE.UR. 
C'eft  delà  que  ce  cercle  tire  fon  nom. 
Voye\   EQUINOXE. 

\J  êquinoxial  eft  donc  un  cercle  que  le 
foleil  décrit  ou  paroît  décrire  dans  le 
temps  des  équinoxes  ,  c'eft-à-dire  ,  quand 
la  longueur  du  jour  eft  exactement  ou 
fenfibîement  éga'e  à  la  longueur  de  la 
nuit ,    ce  qui  arrive  deux  fois  par  an. 

Êquinoxial  fe prend  auftî  adjectivement; 
ainfi  outre  les  mots  ligne  équinoxiale,  qu'on 
emploie  quelquefois  pour  défigurer  Yéquino- 
xial ,  on  fe  fert  encore  des  manières  de 
parler  fuivantes. 

Points  équinoxiaux  y  font  les  deux  points 
dans  Jefquels  l'équateur  &  l'écliptique  fe 
coupent  l'un  l'autre  :  l'un ,  qui  eft  au  pre- 
mier point  du  bélier,  eft  appelle  Véquinoxe 
du  printemps  :  l'autre  ,  qui  eft  au  premier 
point  de  la  balance ,  eft  appelle  Véquinoxe 
d'automne  ,  fur  quoi  voye\  PRÉCESSION 
&  Zodiaque. 

Colure  êquinoxial  ou  colure  des  équi- 
noxes y  eft  celui  qui  palîe  par  les  points  des 
équinoxes.   Voye\  COLURE. 

Cadran  êquinoxial  y  eft  celui  dont  le 
plan  eft  parallèle  à  l'équateur.  Voye\  Ca- 
dran. 

Orient  êquinoxial  y  eft  le  point  où  l'ho- 
rizon d'un  lieu  eft  coupé  par  l'équateur 
vers  l'orient  ;  il  en  eft  de  même  de  l'occi- 
dent êquinoxial ,'  ces  points  font  le  levant 
&  le  couchant  aux  équinoxes  ,  différens  du 
levant  &    du  couchant  d'hiver  &   d'été. 

V.  Levant  ,  Couchant,  Orient, 
Occident  ,  &c 

France  équinoxiale  >  eft  le  nom  que 
quelques  auteurs  ont  donné  aux  pays  qui 
appartiennent  à  la  France ,  &  qui  fe  trou- 
vent fous  V êquinoxial  ou  fort  près  de  ce 
grand  cercle.  L'iile  de  Cayenne  ,  qui  ap- 
partient aux  François  ,  &  qui  eft  à  4.  de- 
grès  de  l'équateur,  fait  la  plus  grande  partie 
de  la  France  équinoxiale.  M.  Barrere ,  mé- 
decin de  Perpignan,  &  correfpondant  de 
l'académie  des  feiences  de  Paris ,  a  donné 
un  ejjaifur  Ukiftoire  naturelle  de  la  France 
équinoxiale. 

Le  mot  êquinoxial  doit  s'écrire  ainfi , 
fi  on  le  dérive  d'équinoxe  ,  &  même  de 
œquus  &  nox  ;  mais  il  doit  s'écrire  équi- 
noclial  >  fi  on  le  dérive  de  cequus ?  &  d'un 


E  Q  U  859 

des  cas  du  mot  noxy  comme  noclisj  nocles  ,* 
nous  avons  préféré  la  première  orthogra- 
phe ,  comme  plus  conforme  à  la  pronon- 
ciation ,  &  du  moins  aufîi  conforme  à 
1  etymologie  ,  cependant  plufieurs  écrivent 
équinoclial.  (OJ 

ÉQUIPAGE  ,  f.  m.  (  Gramm.)  il  fe  dit 
en  plufieurs  occafions  de  toutes  les  chofes 
néceftaires  pour  commencer  ,  continuer  , 
&  finir  avee  facilité  &  fuccès ,  certaines 
opérations ,  ou  agréables  ,  ou  utiles  ,  ou 
périlîeufes  ,  &c.  Ainfi  on  dit  équipage  de 
guerre.  Voyez  ï  article  fuiv.  EQUIPAGE 
de  Chasse,  Équipage  depeche,6i-. 

ÉQUIPAGE  ,  (Aftron.)  fe  dit  deraflem- 
blage  des  oculaires  que  l'on  applique  à  une 
lunette  ou  à  un  télefc'ope.  L! 'équipage  le  plus 
fort  eft  celui  qui  grofîit  davantage.  CM.  DE 
la  Lande. J 

Équipage  DE  GUERRE,  fe  dit  en 
France  de  différentes  chofes  utiles  à  la  guer- 
re ,  c'eft-à-dire ,  des  chevaux ,  des  harnois , 
des  tentes ,  &  autres  uftenfiîes  que  les  offi- 
ciers ,  tant  généraux  que  particuliers ,  font 
porter  avec  eux.  L'artillerie  &  ce  qui  con-  • 
cerne  les  vivres  forment  aufîi  des  parties 
efîèntielles  des  équipages  de  l'armée.  Les 
équipages  de  l'artillerie  font  compofésdu 
canon  ,  des  mortiers  ,  &  de  toutes  les  ef- 
peces  d'armes  &  de  munitions  néceftaires  à 
leur  fervice.  Pour  les  vivres ,  fes  équipages 
confiftent  en  caiflons  ou  chariots  couverts 
pour  voiturer  le  pain  des  troupes  ,  les  fa- 
rines ,  £rc. 

Les  équipages  de  guerre  des  officiers  doi- 
vent être  les  moins  nombreux  ,  &  les  plr.s 
fimples  qu'il  eft  pofîible.  Nous  avons  fur 
cet  fujet  de  très-bonnes  ordonnances  pour 
limiter  &  fixer  le  nombre  des  équipages  9 
mais  qui  ne  font  pas  toujours  oofervées 
rigoureufement.  Une  trop  grande  quantité 
d'équipages  eft  fort  incommode  &  embar- 
raflànte  dans  les  marches  ;  le  nombre  des 
chevaux  &  mulets  augmente  aufîi  la  cen- 
fommation  du  fourrage  dans  les  camps  ; 
ce  qui  oblige  le  général  d'envoyer  promp- 
tement  fourrager  au  loin ,  au  grand  pré- 
judice de  fa  cavalerie  ,  oc  ce  qui  l'oblige 
aufîi  fouvent  à  quitter  un  camp  avanta- 
geux ,  parce  que  la  difette  &  l'éloignement 
des  éburrages  ne  lui  permettent  plus  d'y 
fubfifter. 

Qqqqq  Z 


Stfo  E  Q  U 

Les  équipages  de  guerre  fe  divifent  en 
gros  &  en  petits.  Les  gros  comprennent  les 
chariots  &  les  charrettes  ;  &  les  petits  ,  les 
chevaux  de  bât  &  les  mulets.  Lorfque  le 
général  a  deflèin  de  combattre  ,  il  débar- 
raffe  Ton  armée  des  gros  équipages.  On  les 
envoie  avec  une  efcorte  fous  le  canon  de 
quelque  ville  des  environs  ou  de  quelque 
porte  fortifié.  On  s'en  débarrafïè  encore 
dans  les  détachemens  &  dans  les  courfes 
qu'on  veut  faire  dans  le  pays  ennemi, 
parce  qu'ils  retarderoient  la  marche ,  & 
qu'ils  ne  pourroient  pas  paftèr  dans  tous 
les  chemins.  On  n'a  donc  dans  ces  fortes 
d'expéditions  que  les  menus  équipages , 
c'efî-à-dire  ,  des  mulets  &  âes  chevaux  de 
bât.  Les  gros  éguipages ,  comme  chariots 
&  charrettes  ,  font  plus  commodes  que  les 
petits  pour  tranfporter  beaucoup  de  ba- 
gages avec  moins  de  chevaux ,  mais  ils  ont 
l'inconvénient  de  ne  pas  pouvoir  aller  dans 
toutes  fortes  de  chemins.  C'eft  pourquoi 
les  Romains  ne  fe  fervoient  guère  que  de 
bêtes  de  charge  pour  porter  les  équipages 
de  l'armée;  encore  étoient- elles  en  petit 
r.ombre  ,  parce  qu'il  n'y  avoit  que  les  per- 
fonnes  d'..»n  rang  diftingué  qui  euftènt  des 
valets. 

Dans  nos  armées  ,  le  général  peut  avoir , 
félon  l'ordonnance  du  20  juillet  1741 ,  tel 
nombre  de  gros  équipages  qu'il  juge  à  pro- 
pos ;  un  lieutenant-général  ne  doit  avoir 
que  trente  chevaux  ou  mulets  ,  y  compris 
ceux  qui  font  employés  aux  attelages  de 
trois  voitures  à  roues  ;  un  maréchal  de 
camp  ,  vingt  chevaux  ,  y  compris  les  atte- 
lages de  deux  voitures  à  roues  ;  &  un 
brigadier  ,  colonel  ou  meftre  de  camp  , 
feize  chevaux ,  y  compris  une  voiture  à 
roues   feulement. 

Il  eft  défendu  aux  lieutenans-colonels  , 
capitaines  ,'  &  aux  autres  officiers  fubal- 
ternes ,  d'avoir  aucune  voiture  à  roues , 
&  un  plus  grand  nombre  de  chevaux  de 
monture  ou  de  bât ,  que  celui  pour  lequel 
ils  reçoivent  du  fourrage. 

Les  officiers  ,  qui ,  à  caufe  de  leurs  in- 
firmités ,  ne  peuvent  fe  tenir  à  cheval  ou 
en  fupporter  la  fatigue  ,  obtiennent  une 
permifîion  du  général  pour  avoir  une 
chaife  roulante.  Chaque  bataillon  ^eut 
avoir  un  chariot  ou  une  charrette  pour  un 


E  Q  U 

vivandier  ,  qui  campe  avec  le  bataillon. 
II  eh  eft  de  même  pour  un  régiment  de 
cavalerie  de  deux  ou  trois  efcadrons. 

Les  régimens  de  cavalerie ,  dragons ,  & 
infanterie  ,  peuvent  aufTï  avoir  une  char- 
rette pour  un  boulanger.  Il  eft  défendu 
aux  colonels  d'avoir  ces  charrettes  à  la  place 
des  vivandiers  &  des  boulangers ,  auxquels 
elles  font  permifes  pour  les  befoins  du  ré- 
giment; elles  doivent  être  attelées  de  quatre 
bons  chevaux.  Voye\  ,  fur  cefujet  ,  le  code 
militaire  de  Briquet  ,  ou  l'abrégé  qu'en  a 
donné  M.  d'Héricourt,  dans  le  livre  intitulé 
élémens  de  Van  militaire, 

Il  eft  du  devoir  du  général  de  veiller  à 
la  confervation  des  équipages  de  fon  armée, 
parce  que  leur  enlèvement  met  les  officiers 
qui  les  ont  perdus  ,  dans  de  grands  em- 
barras ,  &  qu'il  leur  ôte  d'ailleurs  la  con- 
fiance qu'ils  peuvent  avoir  au  général  ; 
attendu  que  cet  inconvénient  ne  peut 
arriver  ,  félon  M.  de  Feuquiere  ,  que  par 
la  faute  du  commandant  ,  au  moins  les 
enlévemens  généraux;  car  il  en  arrive 
tous  les  jours  de  particuliers  par  la  faute 
des  valets  qui  s'écartent  de  la  colonne  des 
équipages  ,  &  dont  le  général  ne  peut  être 
refponfable. 

Les  équipages  de  guerre  de  Charles  XII , 
roi  de  Suéde  ,  ne  dévoient  point  être  fort 
confidérables  :  «  fon  lit ,  dit  M.  de  Folard  , 
»  qui  l'avoit  vu  en  Scanie  ,  confiftoit  en 
»  deux  bottes  de  paille ,  &  une  peau  d'ours 
»  par  deiTus.  Il  couchoit  tout  habillé , 
»  comme  le  moindre  de  fes  foîdats.  Le 
m  comte  de  la  Marck  ,  ambafïadeur  de 
»  France  ,  que  ce  prince  eftimoit  infini- 
»  ment ,  lui  perfuada  de  coucher  dans  un 
»  lit  pour  la  première  fois  depuis  la  guerre  ; 
»  mais  quel  étoit  ce  lit  !  un  feul  matelas  , 
»  des    draps ,    &    une  couverture  ,    fans 

*  rideaux Toute  fa  vaiftelle  étoit  de 

jy  fer  battu  y  jufqu'à  fon   gobelet.  »  Note 
fur  Polybe  y  tome  V  >  484. 

L'ufage  de  la  vaiiïèlle  d'argent  pour  les 
généraux  n'eft  pas  ancien  dans  nos  armées» 
On  prétend  que  le  compte  d'Harcourt 
(  Henri  de  Lorraine  ,  mort  le  25  juillet 
1666  ),  qui  fcommandoit  les  armées  du 
temps  de  Louis  XIII ,  &  dans  la  minorité' 
de  Louis  XIV  ,  eft  le  premier  qui  s'en  foit 
fervi.  Suivant  l'ordonnance  du  8  avril  1735 1 


E  Q  U 

les  colonels,  capitaines,  officiers fubalter- 
nes ou  volontaires,  ne  peuvent  avoir  dans 
leur  équipage  d'autre  vaifTelle  d'argent  que 
des  cuillers ,  de  fourchettes  &  des  gobelets. 
M.  le  Marquis  de  San da-Crux  ayant  prouvé 
dans  fes  lé  flexions  militaires  y  t.  I _,  p.  qij 
&  fuit',  les  inconvéniens  des  équipages  trop 
nombreux  ,  obferve  que  leur  excès  vient  de 
la  diverfité  des  mecs ,  que  de  cette  diverfité 
naît  l'intempérance ,  &  que  de  l'intempé- 
rance viennent  les  maladies.  «  Les  trop 
jy  grands  équipages  ,  dit  ce  favant  ôt 
»  illuftre  ofRcLr  ,  font  des  fuites  des  foins 
»  honteux  qu'on  fe  donne  pour  contenter 
»  fa  bouche.  Peut-on  ,  fans  indignation, 
>y  ajoute-t-il,  entendre  des  généraux  de 
r>  certaines  nations,  qui  ne  parlent  jamais 
»  que  de  faufTes  &  de  ragoûts  ,  &  font 
>■>  de  leurs  entretiens  une  converfation  de 
yy  cuifinier  ?  Combien  de  fois  arrive-t-il 
>i  qu'un  général  occupe  fon  imagination 
r>  des  plats  qu'on  doit  fervir  fur  fa  table , 
»  quand  il  ne  devroit  penfey  qu'aux  devoirs 
9>  importansduftTvice  de  fon  prince?»  (Q) 

ÉQUIPAGE  DE  SIEGE  ,  (Art mil.)  Lorf- 
qu'on  fe  propofe  de  former  un  équipage  de 
fiege  y  l'on  ne  fauroit  apporter  trop  d'acli- 
viré  &  de  foins  pour  connoître  1-a  force: 
la  fituanon  de  la  place  ,  &  l'état  de  fa 
garnifon  ;  fi  l'on  peut  y  former  une  ou 
plusieurs  attaques  ;  fi  ,  pour  fe  mettre  à 
couvert  d'une  armée  d'obfervation  ,  l'on 
fera  obligé  de  creufer  des  lignes  de  circon- 
vallacion.  On  doit  donc  connoître  tous  les 
environs  de  la  place,  fur- tout  les  forêts 
&  les  taillis  ,  pour  en  tirer  des  bois  pro- 
pres aux  conftruciions ,  aux  fafcines ,  ga- 
bions ,  &c. 

Si  la  place  qu'on  fe  propofe  d'attaquer 
n'eft  fufceptible  que  d'un  front  d'attaque  , 
il  faudra  moins  de  pièces  de  canon  &  de 
mortiers ,  mais  plus  de  munition  pour 
chacune  de  ces  armes  ;  car  lorfqu'on  peut 
attaquer  une  place  par  deux  ou  trois  points - 
difFérens ,  l'effort  des  afîiégés  fe  trouve  di- 
vifé  ,  &  par  ce  moyen  le  fiege  n'eft  pas  fi 
long.  Il  faudra  donc  plus  de  pièces  &  de 
mortiers  ,  mais  moins  de  munitions  ,  que 
lorfque  la  place  n'eft  attaquable  que  par 
un  feul  endroit  ,  où  l'effort  des  afîiégés 
réunis  doit  contribuer  beaucoup  à  la  durée 
du  fiege. 


E  Q  U  861 

Si  la  place  eft  reflèrrée  ,  les  bombes  y 
feront  un  grand  effet  :  l'on  aura  foin  d'en 
avoir  quantité.  Je  ne  prétends  pas  au  refte 
juftifier  la  barbarie  qui  porte  un  général 
chargé  de  la  conduite  d'un  fiege,  à  dé- 
truire de  fond  en  comble  les  maifons  de  la 
place  :  je  veux  dire  feulement ,  que  lorfque 
les  ouvrages  d'une  place  qu'on  aftiege  ,  fe 
trouveront  fujets  à  être  enveloppés ,  tels 
par  exemple  ,  que  les  ouvrages  à  corne ,  à 
couronnes  ,  dont  les  côtés  feront  longs ,  on 
peut  attendre  tout  le  fuccès  pofïible  en  y 
jetant   des    bombes. 

Si  l'on  eft  près  de  plufieurs  villes  dont 
on  eft  le  maître  ,  fi  l'on  peut  avec  sûreté 
en  tirer  des  approvifionnemens  ,  &  fi  les 
chemins  ne  font  pas  expofés  à  devenir 
impraticables  ,  par  les  pluies,  les  torrens, 
&c.  on  pourra  regarder  ces  places  comme 
faifant  de  féconds  parcs ,  &  il  feroit  inu- 
tile de  former  des  amas  prodigieux  de 
munition  ,  dont  on  fe  trouveroit  embar- 
raffé  à  la  fin  du  fiege  ;  mais  dans  ce  cas, 
il  faut  être  bien  sûr  que  l'armée  d'obfer- 
vation ne  pourra  point  couper  les  commu- 
nications &  rendre  inutiles  les  fecours  que 
l'on  peut  tirer  de  ces  places.. 

Si  l'on  eft  obligé  de  former  des  lignes , 
il  faudra  fe  munir  de  quantité  d'outils  à 
pionniers  :  un  tiers  de  plus  que  le  nombre 
qu'on  emploie  à  l'ouverture  de  la  tranchée, 
fera  fuiïifant  :  dans  le  cas  où  on  fera  forcé 
de  faire  des  lignes ,  il  faudra  beaucoup 
d'artillerie  de  campagne  pour  les  garder. 
Si  l'on  n'ufoit  pas  de  précaution  ,  il  pour- 
rait arriver  que  l'armée  d'obfervation  vînt 
attaquer  dans  le  même  temps  que  la  gar- 
nifon feroit  une  fortie  ;  pour  lors  on  feroit 
forcé  de  lever  le  fiege.  Il  eft  vrai  que  fi 
la  garnifon  eft  foible  ,  l'on  ne  doit  point 
craindre  fes  forties  ,  parce  que  fes  attaques 
n'ont  de  réuflite  qu'autant  que  les  afîiégés 
font  nombreux. 

Si  la  place  eft  fituée  fur  des  hauteurs  , 
&  qu'il  n'y  ait  pas  un  fond  affez  confidé- 
rable  de  terre  ,  il  faudra  beaucoup  de  pics 
à  roc  ,  peu  de  bêches  ,  un  approvisionne- 
ment confidérable  pour  les  mineurs  :  on 
ne  fauroit  trop  fe  munir  de  facs  à  terre , 
&  fur-tout  de  facs  à  faine.  Si  la  place  efl 
environnée  de  rocs  vifs,  ou  fi  les  ouvrages 
font  taillés  dans  le  roc ,  ou  enfin  ,  fi  l'on 


Uz  EQU 

ne  trouve  pas  un  fond  de  terre  afTez  con-  ; 
fidérable  pour  former  les  lignes  d'appro- 
ches ;  dans  foutes  ces  circonstances  ,  on 
doit  employer  les  facs  à  laine  &  réferver  ' 
les  facs   à  terre  pour  la  construction  des  ! 
batteries  ,  parce  que  ces  ouvrages  qui  exi-  t 
gent  de  la    folidité  ,  font  plus  expofes  à 
l'artillerie  de  la    place  :  l'intendant  doit 
fournir  les  facs  à  laine. 

Si'  la  place  eft  fumée  dans  de  la  bonne 
terre  ,  il  faudra  fe  pourvoir  de  quantité  de 
bêches  :  fi  elle  eft  fituée  dans  une  terre  lé- 
gère &  fablonneufe  ,  on  aura  foin  d'avoir 
plus  d'efeoupes ,  que  de  bêches ,  quantité 
de  bois  pour  les  fafeines  &  beaucoup  de 
facs  à  terre  ;  car  les  fables  ne  donnent 
jamais  une  liaifon  afïèz  considérable  pour 
former  des  batteries  foîides  &  à  l'épreuve 
des  boulets.  En  fe  fervant  de  facs  remplis 
de  terre  ,  on  peut  établir  une  batterie  qui 
réfiftera  mieux  à  l'effort  des  boulets ,  que 
fi  l'on  fe  fût  feulement  fervi  des  terres 
légères  &  des  fafeines  pour  la  conftruire. 

Si  la  place  eft  fituée  dans  un  terrein 
marécageux  ,  fujet  aux  inondations  tant 
naturelles  qu'artificielles  ;  fi  les  folles  font 
remplis  d'eau  ,  il  faudra  fe  fournir  de  tout 
ce  qui  eft  néceffaire  pour  y  faire  des 
ponts ,  ou  de  bateaux ,  ou  de  chevalets  , 
ou  fur  pilotis  ;  alors  il  eft  efïentiel  d'avoir , 
i°.  quantités  de  bois  pour  la  construction 
des  fafeines  ;  2°.  des  bois  de  charpente  ; 
3°.  de  gros  madriers  ,  parce  que  l'on  fera 
obligé  de  former  les  batteries  furv  des  di- 
gues ,  &  l'on  doit  obferver  que  ces  digues 
ne  feront  point  d'une  grande  folidité,  fi 
Ton  n'a  pas  l'attention  de  recouvrir  les 
terres  tranfportées  par  de  forts  madriers: 
on  emploiera  auffi  des  madriers  pour  les 
petites  communications;  car  dans  un  ter- 
rein  marécageux  ,  on  eft  obligé  d'ouvrir 
un  foffé  pour  l'écoulement  des  eaux  ,  & 
fur  ces  foffés  l'on  ne  fauroit  faire  trop  de 
communications  pour  pouvoir  fe  porter 
avec  célérité  à  tel  ou  tel  point  d'attaque. 

Si  la  place  eft  coudée  ou  avoifinéë  d'une 
groffe  rivière  ,  on  fe  fervira  des  bateaux 
du  pays  pour  les  tranfports  des  munitions  ; 
ii  faudra  fe  fournir  d'un  équipage  de  pont 
proportionnel  à  la  largeur  de  la  rivière  ; 
l'on  en  reconnoîtra  le  fond  &  le  courant: 
ii  l'eau  eft  dormante  &  qu'elle  ne  foit  pas 


EQU 

fujette  à  déborder  ,  on  pourra  faire  pafTer 
fur  un  pont  de  pontons  de  cuivre,  des 
pièces  de  24. ,  chargées  fur  des  chariots  à 
porte-corps  ;  l'on  aura  foin  de  doubler  les 
pontons.  Voy.  Ponts  DE  PONTONS.  Si  la 
rivière  eft  fujette  à  fe  déborder ,  ou  qu'elle 
ait  un  courant  rapide  ,  il  ne  taut  point  fe 
fervir  de  cette  efpece  de  pont.  On  doit 
obferver  que  dans  une  attaque  ,  les  ponts 
que  l'on  jette  fur  les  rivières ,  doivent  être 
à  demeure  pour  fervir  de  communication  , 
&  que  les  ponts  de  pontons  de  ébivre  ne 
pouvent  pas  réfifter  long-temps  :  dans  ce 
cas  ,  il  fera  plus  prudent  de  conftruire  des 
ponts  faits  avec  des  bateaux  du  pays,  ou  des 
pontons  de  bois ,  tels  que  ceux  que  l'on 
exécute  à  Strasbourg  &  à  Metz. 

Si  l'on  trouve  des  bois  près  de  la  rivière, 
pour  lors  ,  avec  des  foins  &  de  l'induftrie , 
on  pourra  épargner  beaucoup  de  dépenfes 
au  fouverain  :  fi  l'on  ne  trouvoit  pas  des 
bois  taillis  près  de  la  rivière  ,  il  faudroit 
fe  pourvoir  ailleurs  de  piquets ,  fafeines  , 
brancards,  gabions  ,  blindes,  chandeliers, 
chafîîs  de  mine  :  mais  ces  fortes  de  tranf- 
ports caufent  toujours  un  embarras  prodi- 
gieux. 

Le  commandant  de  l'artillerie  ignore 
quelquefois  fur  quelle  ville  le  général  a 
fixé  fes  defTeins  :  fouvent  même  la  cour 
fe  contente  d'ordonner  qu'on  aiTemblera 
fur  un  certain  point  un  équipage  defiege  y 
elle  fixe  pour  l'ordinaire  le  nombre  des 
pièces  &  des  mortiers  ,  fans  autres  détails  ; 
dans  ce  cas  ,  le  chef  de  l'artillerie  doit  fe 
rappeller  qu'il  vaut  mieux  pécher  par  une 
trop  grande  abondance  ,  que  par  défaut 
d'approvifionnement.  Dans  l'attaque  d'une 
place  ,  le  défaut  d'approvifionnement  peut 
faire  échouer  l'entreprife  ,  &  occafioner  la 
levée  d'un  fiege. 

Dans  les  fieges  les  plus  considérables , 
on  peut  fe  régler  fur  1000  boulets  par 
pièce;  500  bombes  de  12  pouces  de  dia- 
mètre ,  pour  chaque  mortier  du  môme 
calibre  ;  700  bombes  de  8  pouces,  &  des 
bombes  d'obus,  pour  chaque  obufier  ou 
mortier  de  ce  diamètre.  A  l'égard  du  nom- 
bre des  pièces  ,  il  eft  difficile  d'en  fixer  un 
état  précis ,  parce  qu'il  dépend  de  la  place 
afliégée  &  du  nombre  d'attaques  que  l'on 
propofe   de  faire. 


E  Q  U 

Si  la  défenfe  eft  opiniâtre  &  que  le  fîege 
traîne  en  longueur  ,  on  aura  le  temps  de 
fe  procurer  des  fecours  ;  mais  dans  tous 
les  cas  ,  il  eft  de  la  dernière  conféquence  , 
i°.  détenir  un  état  exaâ  de  tout  ce  qui 
fe  confomme  chaque  jour  ;  2°.  de  con- 
noître  les  provifîons  du  parc  ,  fa  fituation  , 
les  chemins  par  lefquels  on  fait  venir  les 
approvifionnemens ,  &  le  temps  que  les 
voitures  emploient  pour  arriver  au  parc. 

On  doit  apporter  la  plus  grande  éco- 
nomie dans  les  munitions  de  poudre ,  fur- 
tout  lorfqu'on  n'eft  encore  qu'à  la  pre- 
mière parallèle  ,  c'eft-à-dire ,  à  trois  ou 
quatre  cents  toifes  du  corps  de  la  place. 
Le  commandant  de  l'artillerie  doit  em- 
ployer les  repréfentations  les  plus  vives 
pour  empêcher  l'abus  de  ces  cannonnades 
qui  ne  mènent  à  rien,  puifque  l'incerti- 
tude des  coups  ne  permet  pas  de  fe  pro- 
pofer  un  grand  effet  de  leurs  feux.  Il  en 
eft  de  même  des  batteries  :  l'on  doit  faire 
attention  à  ce  qu'on  ne  les  multiplie  pas 
inutilement ,  &  faire  des  repréfentations  à 
ce  fujet.  Il  nous  paroît  que  dans  les  cir- 
conftances  où  il  s'agit  de  la  diftrjbution 
des  canons  ,  &c.  on  devroit  s'en  rapporter 
à  la  prudence  du  chef  de  l'artillerie  r  offi- 
cier qui  n'arrive  jamais  à  ce  grade  que  par 
une  expérience  confommée,  &  par  des 
talens  reconnus.  Dans  X article  S  I  E  G  E  , 
iious  entrerons  dans  des  détails  plus  cir- 
conftanciés.  (H.  D.  P.) 

ÉQUIPAGE  D'UN  V AISSEAU ,(Marine.) 
On  entend  par  ce  mot  le  nombre  des  offi- 
ciers ,  fo'dats  &  matelots  qui  font  embar- 
qués fur  un  vahTeau  ,  pour  fon  fervice  & 
fa  manœuvre ,  pendant  le  cours  de  la 
campagne.  Les  vaiffeaux  de  guerre  ont  un 
équipage  bien  plus  fort  &  plus  nombreux 
que  les  vaiffeaux  marchands  :  un  vaifïèau 
de  80  pièces  de  canon  en  a  davantage  qu'un 
vaifïèau  de  50. 

L'ordonnance  de  la  marine,  de  1689  , 
règle  le  nombre  d'hommes  qui  compofent 
Y  équipage  d'un  vaifïèau ,  félon  fon  rang. 
Ceux  du  premier  rang  ,  prearier ,  fécond 
&  troifïeme  ordre  ,  ont  8co  ,  700  &  600 
hommes  $  équipage. 

Ceux  du  fécond  rang  y  premier ,  fécond 
&  troifïeme  ordre,  ont  500,  450  &  400 
hommes. 


EQ  U  863 

Ceux  du  troifïeme  &  quatrième  rangs  ont 
350  &  300  hommes. 

Aujourd'hui  les  équipages  font  plus  forts 
que  dans  ces  temps-là  ;  cependant  en  1704, 
au  combat  de  Malaga  ,  le  vaiffeau  îè 
Foudroyant ,  de  104  canons  ,  avoit  9^0 
hommes  d'équipage.  Le  vaifïèau  du  Roi , 
l'Efpérance ,  de  78  pièces  de  canon  ,  armé 
en  1740 ,  avoit  660  hommes  d'équipage.  On 
comprend  dans  V équipage  y  l'état-major  , 
les  officiers-mariniers  ,  les  matelots ,  les 
foldats  &  les  mouffes. 

Dans  un  vaifïèau  où  il  y  a  8  à  900 
hommes  dt  équipage  ,  Pétat-major  eft  à  peu 
près  de  1 5  à  20  perfonnes.  Les  officiers- 
mariniers  montent  au  moins  à  100,  ca- 
nonniers  environ  $0  ,  matelots  450  ,  foldats, 
250  ;  mais  ceci  eft  fufceptible  de  beaucoup 
de  variétés  ,  fuivant  les  circonftances  &  la 
deftinftion  de  l'armement.  (Z) 

ÉQUIPAGE  DE  PONT  ,   voye\  PONT. 

ÉQUIPAGE  D'ATTELIER,  (Marine.)  fe 
dit  dans  le  port ,  de  toutes  les  machi- 
nes &  outils  qui  fervent  pour  la  conf- 
trudion.   (Z) 

ÉQUIPAGE  DE  POMPE.  (Marine.)  Il 
fe  dit  de  toutes  les  pièces  &  garnitures  qui 
font  nécefïaires  pour  la  mettre  en  état  de 
fervir.  (Z) 

ÉQUIPAGE  ,  (Hydraul)  On  dit  V équi- 
page d'une  pompe  ,  ce  qui  renferme  feule- 
ment les  corps  ,  les  piftons ,  les  fourches  , 
les  tringles  ,  &  les  moifes  qui  les  attachent 
à  des  chaffis  qui  font  à  coulifïes ,  &  qui 
fe  peuvent  glifïèr  dans  les  rainures  des 
dormans  ou  bâtis  de  charpente  fcell es  dans 
les  puits  &  citernes  où  on  conftruit  des 
pompes.  (K) 

ÉQUIPAGE:  on  nomme  ainfi ,  dansle 
commerce  de  terre  y  tout  ce  qui  fert  à 
conduire  les  charrettes ,  chariots  &  autres 
voitures  par  terre  ;  ce  qui  comprend  les 
chevaux  ,  leurs  felles ,  traits  &  attelages  : 
on  le  dit  aufïi  des  chevaux,  mulets  & 
autres  animaux  de  charge  des  mefïàgers 
&  voituriers. 

Les  chevafux  &  équipages  des  voituriers 
&  autres' perfonnes  qui  veulent  faire  entrer 
ou  fortir  des  marchandifes  en  fraude  des 
droits  du  roi  ,  ou  celles  qui  font  cenfées 
de  contrebande  ,  font  fujets  à  confifcacion 
par  les  ordonnances  du  roi  pour  les  cinq' 


86*4  E  Q  U 

grofîès  fermes  ,  aides  &  gabelles.  Diction- 
naire de  Commerce  >  de  Trévoux  9  Ù 
Chambers. 

EQUIPAGE  ,  (Architecture.)  fe  dit  dans 
un  attelier  ,  tant  des  grues ,  gruans ,  chè- 
vres ,  vindas .  chariots  &  autres  machines , 
que  des  échelles ,  baliveaux  ,  dofîès ,  corda- 
ges ,  &  tout  ce  qui  fet.t  pour  la  conftruclion 
&  pour   le   tranfoort  des  matériaux.  (P) 

ÉQUIPE  ,  f.  f.  terme  de  Rivière  ,•  c'eii 
une  fuite  de  bateaux  attachés  à  la  fuite  les 
uns  des  autres ,  &  allant  à  la  voile  ,  quand 
le  vent  eff  favorable  ;  ou  tirés  par  des 
hommes ,  quand  le  vent  eft  contraire.  Ce 
terme  eft  fur-tout  ufité  fur  la  Loire. 

ÉQUIPE  ,  ad),  en  Blafon  :  il  fe  dit  d'un 
cavalier  armé  de  toutes  pièces.  Il  fe  dit 
auiîi  d'un  vaiffeau  qui  a  les  voiles  &  fes 
cordages. 

La  Nauve  ,  de  gueules  à  la  nef  équipée 
d'argent ,  furmontee  de  trois  étoiles  d'or. 

EQUIPEMENT  ou  ARMEMENT , 
f.  m.  ( Mar.)  c'eft  l'aftèmblage  de  tout  ce 
qui  eft  néceffàire  ,  tant  pour  la  manœuvre 
du  vaiffeau  ,  que  pour  la  fubfiftance  & 
armement  des  équipages.  (Z) 

EQUIPER  UN  VAISSEAU ,  (Mar.) 
c'eft  l'armer  ,  &  y  mettre  toutes  les  mu- 
nitions ,  agrès  &  apparaux  néa.flàires  pour 
la  campagne  ,  de  même  que  le  nombre  de 
matelots  &  de  foldats.  (L) 

EQUIPOLÉ,  adj.  terme  de  Blafon, 
qiii  fe  dit  de  neuf  carrés  mis  en  forme 
d'échiquier  ,  dont  cinq  ,  favoir  ceux  dts 
quatre  coins  &  du  milieu  ,  font  d'un  métal 
différent  de  celui  des  quatre  autres. 

Saint  Prieft  en  Forez  ,  cinq  points  d'or 
équipolés  à  quatre  d'azur. 

ÉQUIPOLLENŒ,  f.  f.  adjed.  terme 
de  Logique.  Lorfque  deux  ou  plufieurs  ex- 
preffions  ou  proportions  lignifient  une  feule 
&  même  chofe  ,  ces  expreflions  ou  ces  pro- 
pofitions  font  dites  équipoHemes;  &  la  pro- 
priété qu'elles  ont d'exprimer  la  même  chofe 
de  diftete-tes  façons,  fe  nomme  équipol- 
lence.  V.  Synonyme  &  Equivalent. 

EQUIPOLLENT  ,  adj.  (Jurijp.J  fe 
dit  d  une  chofe  qui  équivaut  à  une  autre  ; 
ainfi  l'on  dit  que  le  feigneur  peut  prendre 
un  droit  de  mutation  pour  tous  les  contrats 
de  vente  ,  &  autres  équipollens  à  vente  , 
c'eft  -  à  -  dire  ,  pour   tous   les   actes ,  qui 


EQU 

quoique  non  qualifiés  de  ventes  >  opèrent 
le  même  effet. 

Équipollent  étoit  aufîî  un  droit  qui  fe 
levoit  fur  les  chofes  mobilières  du  temps 
de  Charles  VI  ,  pour  les  frais  de  la  guerre  ; 
au  lieu  de  12.  deniers  pour  livre  qui  fe 
levoient  ailleurs.  Voye^  EQUIVALENT. 

Équipollent  fe  dit  auffi  quelquefois  en 
Languedoc  ,  pour  équivalent  ,  qui  eft  un 
fubfide  qui  fe  paie  au  roi.  Voye\  ci-après 
ÉQUIVALENT.  (A) 

EQUIPONDERANCE ,  f.  f.  Équi- 
PONDÉRABLE,  adj.  (Phyf.)  On  a  cru  de- 
voir conferver  ces  mors  déjà  employés  par 
quelques  chymiftes  ,  pour  exprimer  une 
idée  que  ne  renferme  pas  allez  exactement 
le  terme  d'équilibre.  L'équilibre  eft  une 
égalité  de  forces  qui  agifîènt  en  fens  con- 
traire. Véquipondérance  eft  l'égalité  de  pe- 
fanteur  ou  d'attraction  au  centre  de  la  terre. 
L'équilibre  dépend  des  rapports  compofés 
des  maffes  ,  des  vîtefies ,  des  réfiftances ,  de 
la  longueur  des  leviers  ,  &c.  L'équipondé' 
rance  ne  dépend  que  de  la  gravitation  pro- 
pre des  deux  corps  comparés.  Un  corps  eft 
équipondérable  à  l'eau  ,  îorfqu'il  fe  foutient 
indifféremment  dans  toutes  les  parties  de 
ce  fluide ,  fans  éprouver  aucune  action  qui 
tende  à  le  déplacer  ;  c'eft-à-dire  ,  lorfque 
ni  ce  corps  ,  ni  le  fluide  ne  font  attirés  avec 
une  force  fupérieure.  11  y  a  plufieurs  moyens 
chymiquesde  produire  ou  de  détruire  Véqui- 
pondérance entre  deux  corps;  mais  tous  ces 
moyens  fe  bornent  à  changer  la  gravitation 
propre  de  l'un  des  deux.  Voye\  DISSOLU- 
TION, (M.  de  Morveau.) 

§.  ÉQUIPPOLÉS  ,  adj.  pi.  (terme  de 
Btajon.J  fe  dit  quand  un  écu  eft  rempli  de 
neuf  carrés  en  forme  d'échiquier ,  que  l'on 
nomme  points  ;  ceux  des  quatre  angles  oc 
celui  du  milieu  étant  d'un  émail  &  les 
quatre  autres  de  différent  émail  :  on  bla- 
fonne  les  cinq  premiers  points,  en  y  ajoutant 
le  mot  équippolés  _,  enfuite  les  quatre  points 
qui  reftent. 

De  la  Roche  de  Sainte- Hypolite,  en 
Franche-Corftté;  cinq  points  d' 'or  équippolés 
à  quatre  d'azur. 

De  Salornay ,  de  Pufigny ,  en  Bour- 
gogne ;  cinq  points  d'or  équippolés  à  quatre 
de  gueules.  (  G.  D.  L.   T.  ) 

*  EQUIRIES,  f.  f.  (HijLanc.)  fêtes 

inftituées 


E  Q  U 

InîVifué'es  par  Romulus  en  l'honneur  du 
dieu  Mars  ;  on  les  célébroit  le  27  de  février 
dans  le  champ  de  Mars ,  par  des  courfes 
à  cheval. 

ÉQUISSONNANCE  ,  f.  f.  (Mufiq.) 
nom  par  lequel  les  anciens  diflinguoient  des 
autres  confonnances  celles  de  l'octave  &  de 
la  double  octave  ,  les  feules  qui  fafTent  pa- 
raphonie.  Comme  on  a  anfli  quelquefois 
befoin  de  la  même  diftinction  dans  la  mu- 
fîque  moderne  ,  on  peut  l'employer  avec 
d'autant  moins  de  fcrupule  ,  que  la  fer.fa- 
tion  de  l'octave  fe  confond  très- fou  vent  à 
l'oreille  avec  celle  de  l'uniflon.  (S) 

ÉQUITATION ,  f.  f  (  Hiji.  anc.  ù 
mod.J  c'eft  l'art  de  monter  à  cheval. 

De  V ancienneté  de  l'équitadon.Ù  de  Vu- 
fage  des  chevaux  dans  Us  armées.  L'art  de 
monter  à  cheval  ,  femble  être  aufîi  ancien 
que  le  monde.  L'Auteur  de  la  Nature  ,  en 
donnant  au  cheval  les  qualités  que  nous  lui 
connoifîbns  ,  avoit  trop  fenfibîement  mar- 
qué fa  deftination ,  pour  qu'elle  pat  être 
long-temps  ignorée.  L'homme  ayant  fu  ,  par 
un  jugement  fur  &  prompt ,  difcerner  dans 
la  multitude  infinie  d'êtres  différens  qui 
Tenvironnoient  ,  ceux  qui  étoient  particu- 
lièrement deilinés  à  fon  ufage ,  en  auroit-il 
négligé  un  fi  capable  de  lui  rendre  les  fer- 
vices  les  plus  utiles  ?  La  même  lumière  qui 
dirigeoit  {on  choix  lorfqu'il  foumettoit  à 
fon  domaine  la  brebis  ,  la  chèvre  ,  le  tau- 
reau ,  Péclaira  fans  doute  fur  les  avantages 
qu'il  devoit  retirer  du  cheval  ,  foit  pour 
paffer  rapidement  d'un  lieu  dans  un  autre  , 
foit  pour  le  tranfport  des  fardeaux  ,  foit 
pour  la  facilité  du  commerce. 

Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  le  cheval 
ne  fervit  d'abord  qu'à  foulager  fon  maître 
dans  le  cours  de  fes  occupations  paifibles. 
Ce  feroit  trop  préfumer  que  de  croire  qu'il 
fût  employé  dans  les  premières  guerres  que 
les  hommes  fe  firent  entr'eux  :  au  com- 
mencement ,  ceux-ci  n'agirent  point  par 
principes  ;  ils  n'eurent  pour  guide  qu'un 
emportement  aveugle  ,  &  ne  connurent 
d'autres  armes  que  les  dents  ,  les  ongles  , 
les  mains ,   les  pierres  ,   les  bâtons  (  a  ). 


E  Q  U  865 

L'airain  &  le  fer  fervirent  enfuite  leur  fu- 
reur ;  mais  la  découverte  de  ces  métaux 
ayant  facilité  le  triomphe  de  l'injuitice  & 
de  la  violence  ,  les  hommes ,  qui  îormoient 
alors  des  fociétés  naiflàntes ,  apprirent ,  par 
une  funefte  expérience  ,  qu'inutilement  ils 
compteroient  fur  la  paix  &  fur  le  repos , 
tant  qu'ils  ne  feroient  point  en  état  de  re- 
poulTer  la  force  par  la  force  :  il  fpllutdonc 
réduire  en  art  un  métier  deftru&eur  ,  & 
inventer  des  moyens  pour  le  pratiquer  avec 
plus  d'avantage. 

On  peut  compter  parmi  ces  moyens  , 
celui  de  combattre  à  cheval  :  aufîi  l'hiftoire 
nous  attelte-telle  que  l'homme  ne  tarda 
point  à  le  découvrir  &  à  le  mettre  en  pra- 
tique :  l'antiquité  la  plus  recuite  en  offre 
des  témoignages  certains. 

Les  inclinations  guerrières  de  cet  animal , 
fa  vigueur ,  fa  docilité,  fon  attachement, 
n'échappèrent  point  aux  yeux  de  l'homme , 
&  lui  méritèrent  l'honneur  de  devenir  le 
compagnon  de  fes  dangers  &  de  fa  gloire. 
Le  cheval  paroît  né  pour  la  guerre  ;  fi 
l'on  pouvoit  en  douter  ,  cette  belle  def- 
cription  qu'on  voit  dans  le  livre  de  Job 
Çch.  xxx jx  y  v.  19.)  fufhroit  pour  le  prou- 
ver :  c'eft  Dieu  qui  parle  ,  &  qui  interroge 
le  faint  patriarche. 

«  Eft-ce  de  vous ,  lui  demande-t-il ,  que 

»  le  cheval  tient  fon  courage  &  fon  intré- 

»  pidité  ?   vous  doit -il  fon  fier  henniiîe- 

m  ment,  &  ce   foufrle  ardent  qui  fort  de 

»  fes  narines  ,  &  qui  infpire  la  terreur  ?  II 

»  frappe  du  pié  la  terre  ,  &  la  réduit  en 

»  poudre  ;  il  s'élance  avec  audace  ,  &  fe 

»  précipite  au  travers  des  hommes  armés  : 

»  inacceiT.ble  à  la  crainte,  le  tranchant  des 

»  épées ,  le  fixement  des  flèches ,  le  brillant 

»  éclat  des  lames  &  des  dards  ,  rien  ne 

»  l'étonné  ,  rien  ne  l'arrête.  Son  ardeur 

»  s'allume  aux  premiers  fons  de  la  trom- 

»  petre  ;    il  frémit  ;  il  écume  ,  il  ne  peut 

»  demeurer  en  place  :  d'impatience  il  mange 

j  »  la  terre.  Enrend-il  fonner  la  charge  ,  il 

J  »  dit  ,  allons  :  il  reconnoît  l'approche  du 

J  m  combat  ,    il  diftingue  la  voix  des  chefs 

j  »  qui  encouragent  leurs  foldats  :  les  cri* 


(4)     Arma  antlqua  mari  us ,   ungues ,   tUntefcue  fuerunt , 
Et  iapldes  >    &   item  fylvarum  fragmina    ratnl ,    &C. 

Lucretiiis  ,  de  rerum  natura ,   lib.  V 

Tome  XII. 


Rrrrr 


%66  E  Q  U 

»>  confus  des  armées  prêtes  à  combattre, 
?5  excitent  en  lui  une  fenfation  qui  l'anime 
»  &  qui  l'intéreflè.  n 

Equus  p.aratur  in  diem  belll  >  a  dit  le  plus 
fage  des  rois.  Prov.  ch.  xxj. 

L'unanimité'  de  fentiment  qui  règne  à 
cet  égard  chez  tous  les  peuples ,  eft  une 
preuve  qu'elle  a  fon  fondement  dans  la  na- 
ture. Les  principaux  traits  de  îa  defcription 
précédente  fe  retrouvent  dans  l'élégante 
peinture  que  Virgile  a  tracée  du  même 
animal  : 

Continua  pecoris  generofi  pullus  in  arvis 
Altius  ingreditur  3  &  mollia  crura  reponit. 
Primus  &  ire  viam,  &  fluvios  tentare  minaces 
Audet ,  &  ignoto  fefe  committere  ponti  ; 
Nec  vanos  horrct  Jlrepitus.     .     .     .     • 

.     .     Tum  fi  qua  fonum  procul  arma  dedêre  , 
Stare  loco  nefcit  ',  micat  auribus ,  6»  tremit  artus  , 
Çolleclumquc  premens  volvit  fub  naribus  ignem. 
Virg.  Georg.  lib.  III ,  verf.  j$. 

Homère  (II.  I. XIII.)  le  plus  célèbre  de 
tous  les  poètes  ,  &  le  chantre  des  héros,  dit 
que  les  chevaux  font  une  partie  eflentielle 
des  armées ,  &  qu'ils  contribuent  extrême- 
ment à  la  victoire.  Tous  les  auteurs  anciens 
©u  modernes  qui  ont  traité  de  la  guerre , 
ont  penfé  de  même  ;  &  la  vérité  de  ce  ju- 
gement eft  pleinement  juftifiée  par  la  pra- 
tique de  toutes  les  nations.  Le  cheval  anime 
en  quelque  forte  l'homme  au  moment  du 
combat  ;  fes  mouvemens  ,  fes  agitations 
calment  cette  palpitation  naturelle  dont  les 
plus  braves  guerriers  ont  de  la  peine  à  fe 
défendre  au  premier  appareil  d'une  bataille. 

A  la  noble  ardeur  qui  domine  dans  ce 
fuperbe  animal ,  à  fon  extrême  docilité  pour 
la  main  qui  le  guide  ,  ajoutons  pour  dernier 
trait  qu'il  eft  le  plus  fidèle  &  le  plus  recon- 
noiffant  de  tous  les  animaux ,  &  nous  au- 
rons rafTèmbîé  les  puifTans  motifs  qui  ont 
dû  engager  l'homme  à  s'en  fervir  pour  la 
guerre. 


EQU 

Fidelijfimum  inter  omnia  animalia  y  ho~ 
mini  eft  canis  atque  equus  3  dit  Pline ,  Clip. 
VIII  y  ch.  xl.J  AmiJJbs  Jugent  dominos  > 
ajoute-t-il  plus  bas  ( '  ibid.ch.  xlij.)  lacry- 
mafque  interdùm  defiderio  fundunt.  Homère 
( Iliade  y  liv.  XVII  y)  fait  pleurer  la  more 
de  Patrocle  par  les  chevaux  d'Achille.  Vir- 
gile donne  le  même  fentiment  au  cheval  de 
Pallas ,  fils  d'Evandre  : 

....     Pofitis  infignibus  JEthon 
h  lacrymans ,  guttifque  humectât  grandïbus  ors, 
iEneid  Lib.Xl ,  v.  8  p. 

L'hiftoire  (b)  n'a  pas  dédaigné  de  nous 
apprendre  que  des  chevaux  ont  défendu  ou 
vengé  leurs  maîtres  à  coups  de  pies  &  de 
dents  ,  &  qu'ils  leur  ont  quelquefois  fauve 
la  vie. 

Dans  la  bataille  d'Alexandre  contre  Porus. 
(  Aul.  Gell.  noctium  Attic.  I.  V>  ch.  ij  y  &  Q. 
Curt.  /.  VIII) ,  Bucéphale  couvert  de  blef- 
fures  &  perdant  tout  fon  fang  ,  ramafla 
néanmoins  le  refte  de  fes  forces  pour  tirer 
au  plus  vite  fon  maître  de  la  mêlée  ,  où  il 
couroit  le  plus  grand  danger  :  dès  qu'il  fut 
arrivé  hors  de  la  portée  des  traits  .  il  tomba , 
&  mourut  un  inftant  après  ;  paroifTant  fa- 
tisfait ,  ajoute  l'hiftorien  ,  de  n'avoir  plus 
à  craindre  pour  Alexandre. 

Silius  Italicus  (  l.  X.)  &  Jufte  Lipfef  in 
epiftol.  ad  Belgas.)  nous  ont  confervé  un 
exemple  remarquable  de  l'attachement  ex- 
traordinaire dont  les  chevaux  font  ca- 
pables. 

A  la  bataille  de  Cannes ,  un  chevalier 
Romain  nommé  Clcelius  y  qui  avoit  été 
percé  de  plufieurs  coups ,  fut  laiffé  parmi 
les  morts  fur  le  champ  de  bataille.  Annibal 
s'y  étant  tranfporté  le  lendemain ,  Claelius , 
à  qui  il  reftoit  encore  un  fouffie  de  vie  prêt 
à  s'éteindre  ,  voulut,  au  bruit  qu'il  enten- 
dit ,  faire  un  effort  pour  lever  la  tête  ,  & 
parler  ;  mais  il  expira  aufîi-tôt ,  en  pouffant 
un  profond  gémifTement.  A  ce  cri ,  fon 
cheval  qui  avoit  été  pris  le  jour  d'aupara- 
vant ,    &  que  montoit  un  Numide  de  là 


(  b)  Occlfo  Sohytarum  Regulo  es  provocatione  d'rmicante,  hofiem  (cùm  victor  ad  fpoîiandum  venijfet)  ah  equa  ejuf 
Iciibus  morfuque  confeclum  ejfe.  .....  Ibidem  Phylardms  refert  Centaretum  è  Galatis  in  pralio  ,  occifo  Antiocho  , 

goûta equo  ejus ,  confeendiffe ovantem  ;   at  illum-  indignatione  accenfum  ,   demptis  franis  ne  régi  pojfct ,  prxcipitemi 
in.  abmpta  ijfe  exanimtumqus  unà,  Liv.  VIII ,  c,  xiij ,  de  Pline. 


E  QU 

fuîte  d'Annibal ,  reconnoifïànt  la  voix  de 
fon  maître,  drefïe  les  oreilles,  hennit  de 
toutes  fes  forces ,  jette  par  terre  le  Numide, 
s'élance  à  travers  les  mourans  &  les  morts , 
arrive  auprès  de  Clslius  :  voyant  qu'il  ne 
fe  remuoit  point ,  plein  d'inquiétude  &  de 
trifteflè  ,  il  fe  courbe  comme  à  l'ordinaire 
fur  les  genoux ,  &  femble  l'Inviter  à  monter. 
Cet  excès  dafFe&ion  &  de  fidélité*  fut  ad- 
miré d'Annibal  ,  &  ce  grand  homme  ne 
put  s'empêcher  d'être  attendri  à  la  vue  d'un 
fpe&acle  fi  touchant. 

Il  n'eft  donc  pas  étonnant  que  par  un  jufte 
retour,  (s'il  eft  permis  de  s'exprimer  ainfi) 
d'illuftres  guerriers ,  tels  qu'un  Alexandre 
&  un  Céfar ,  aient  eu  pour  leurs  chevaux 
un  attachement  fingulier.  Le  premier  bâtit 
une  ville  en  l'honneur  de  Bucéphale  :  l'autre 
dédia  l'image  du  fien  à  Vénus.  On  fait 
combien  la  pic  de  Turenne  étoit  aimée  du 
foldat  françois,  parce  qu'elle  étoit  chère 
à  ce  héros  (c). 

Le  peu  de  lumières  que  nous  avons  fur 
ce  qui  s'eft  parle  dans  les  temps  voifins  du 
déluge  ,  ne  bous  permet  pas  de  fixer  avec 
précifion  celui  où  l'on  commença  d'em- 
ployer les  chevaux  à  la  guerre.  L'écriture 
(Gen.  ch.  xiv.)  ne  dit  pas  qu'il  y  eût  de  la 
cavalerie  dans  la  bataille  des  quatre  rois 
contre  cinq  ,  ni  dans  la  vi&oire  qu'Abraham 
bientôt  après  remporta  fur  les  premiers  , 
qui  emmenoient  prifonnier  Loth  fon  neveu. 
Mais  quoique  nous  ignorions ,  faute  de  dé- 
tails fuffifans  ,  Pufage  que  les  patriarches 
ont  pu  faire  du  cheval ,  il  feroit  abfurde 
d'en  conclure  qu'ils  eurent  l'imbécillité  , 
fuivant  l'expreflion  de  S.  Jérôme  [Comment, 
du  chap.  xxxv j.  ^"Ifaïe  )  ,  de  ne  s'en  pas 
fervir. 

Origene  cependant  l'a  voulu  croire.  On 
ne  voit  nulle  part,  dit-il ,  (Homélie  xviij  J 
que  les  enfans  d'Ifraël  fe  foient  fervis  de 
chevaux  dans  les  armées.  Mais  comment 
a-t-il  pu  favoir  qu'ils  n'en  avoient  point?  il 


E  Q  U  Mj 

faut,  pour  le  prouver,  une  évidence  bien 
réelle  &  des  faits  conftans.  La  loi  du  Deu- 
téronome,  (ch.  xvijy  v.iG.)  dont  s'appuie 
S.  Jérôme,  non  multiplicabit  fibi  equos y 
n'exclut  pas  les  chevaux  des  armées  des  Juifs; 
elle  ne  regarde  que  le  vo\,Jibi  y  encore  (d) 
ne  lui  en  défend-elle  que  le  grand  nombre , 
non  multiplicabit.  C'étoit  une  fage  prévoyan- 
ce de  la  part  de  Moïfe,  ou  parce  que  le  peuple 
de  Dieu  devoir  habiter  un  pays  coupé ,  fec  , 
aride ,  peu  propre  à  nourrir  beaucoup  de 
chevaux  ;  ou  bien  ,  félon  que  l'a  remarqué' 
M.  Fleury ,  pour  lui  ôter  le  defir  &  le 
moyen  de  retourner  en  Egypte.  C'eft  appa- 
remment par  la  même  raifon  qu'il  fut  or- 
donné à  Jofué  (  17.  6.  )  de  faire  couper  les 
jarrets  aux  chevaux  des  Chananéens  ;  ce 
qu'il  exécuta  après  la  défaite  de  Jabin  roi 
d'Azor  (vers  l'an  du  monde  2.^59 ,  avant 
J.  C.  1445.)  David  (IL  Reg.  viij.  4,)  en 
fit  autant  à  ceux  qu'il  prit  fur  Adarefer  ;  il 
n'en  réferva  que  cent. 

Quoi  qu'il  en  foit  du  fentiment  d'Or/î- 
gene  ,  la  défenfe  portée  au  dix-feptieme 
chapitre  du  Deutéronome  ,  le  vingtième 
chapitre  du  même  livre  (e),  &  le  quinzième 
de  l'Exode  (  equum  &  afeenforem  dejecit  in 
mare  )  ,  font  autant  de  preuves  certaines  que 
du  temps  de  Moïfe  l'art  de  Ve'quitation  & 
l'ufage  de  la  cavalerie  dans  les  armées 
n'étoient  pas  regardés  comme  une  nou- 
veauté. 

Le  premier  endroit  où  ce  légiflateur  en 
ait  parlé  avec  une  forte  de  détail ,  elt  au 
quatorzième  chapitre  de  l'Exode  ,  où  il  dé- 
crit le  partage  de  la  mer  rouge  par  les  If- 
raélites  (an  du  monde  2513,  avant  J.  C. 
1491 ,  félon  M.  Boffuet.  )  Pharaon  qui  les 
pourfuivoit ,  fut  englouti  par  les  eaux  avec 
fes  chariots  de  guerre ,  fes  cavaliers  ,  & 
toutes  les  troupes  qu'il  avoit  pu  rarTembler. 
Son  armée ,  fuivant  Jofeph  ,  étoit  com- 
pofée  de  200  mille  hommes  de  pié ,  fo  mille 
cavaliers  ,  &  600  chars  (/). 


(<:)  Chez  les  Scythes ,  Athéas  leur  roi  panfoit  lui-même  fon  cheval,  perfuadé  que  c'étoit  là  le  moyen  de 
fe  l'attacher  davantage  ,  &  d'en  retirer  plus  de  fervice  :  il  parut  étonné ,  lorfqu'il  fut ,  par  les  arabafladeurs 
de  Philippe ,  que  ce  prince  n'en  ufoit  pas  ainfi.  Vie  de  Philippe  de  Macédoine  ,  liv.  XIII,  par  M.  Olivier. 

(d)  Salomon  avoit  mille  quatre  cents  chariots ,&  douze  mille  cavaliers.  ///  des  rois,  ch.  x,  verf.  i<Si 
II  Paralip.  ch.  jv  ,  v.  24.  S. 

(<r)  Si  vous  allez  au  combat  contre  vos  ennemis ,  &  qu'ils  aient  un  plus  grand  nombre  de  chevaux  &  de 
chariots  ,  &  plus  de  troupes  que  vous ,  ne  les  craignez  pas ,  &c .  -ty.  1 . 

(/)  L'Exode  dit  de  même,  fix  cents  chars.  Le  nombre  de  l'infanterie  &  de  la  cavalerie  n'y  eft  poiajÇ 
fpécifié. 

Frrrr  2. 


868  E  Q  U 

Si  les  livres  du  Pentateuque  n'offrent  j 
point  de  preuve  plus  ancienne  de  l'ufage  de 
la  cavalerie  dans  les  armées ,  c'eft  que  con- 
formément au  plan  que  Moïie  s'étoit  tracé, 
il  n'a  pas  dû  nous  instruire  des  guerres  que 
les  Egyptiens  avoient  eues  contre  leurs  voi- 
fins  avant  la  délivrance  des  Juifs  ,  &  qu'il 
s'eft  borné  feulement  à  raconter  les  faits  ef- 
fentiellement  liés  avec  l'hiftoire  du  peuple 
de  Dieu. 

Mais  outre  qu'il  feroit  abfurde  de  pré- 
tend: e  établir  en  Egypte  l'époque  de  Ytijui- 
tau  m  par  une  cavalerie  fi  nombreufe  qu'elle 
égale  ce  que  les  plus  grandes  puifîances  de 
1: Europe  peuvent  en  entretenir  aujourd'hui , 
on  doit  encore  obferver  que  les  chevaux 
ont  toujours  fait  une  des  principales  richef- 
fes  des  Egyptiens  (g).  D'ailleurs  le  livre  de 
Job  (h)  y  probablement  écrit  avant  ceux 
de  Moïfe  ,  parle  de  Yéquitation  &  de  che- 
vaux employés  à  la  guerre,  comme  de  chofes 
généralement  connues. 

L'hiftoire  profane  eft  fur  ce  point  entiè- 
rement conforme  à  l'Ecriture-fainte.  Les 
premiers  faits  qu'elle  allègue  ,  &  qui  ont 
rapport  à  Yéquitation  >  fuppofent  tous  à  cet 
art  une  antiquité  beaucoup  plus  grande  : 
difons  mieux  ,  on  ne  découvre  en  nul  en- 
droit les  premières  traces  de  fon  origine. 

On  voyoit,  félon  Diodore  de  Sicile  , 
liv.  I)  gravée  fur  de  la  pierre  dans  le  tom- 
beau dOlimandué,  l'hiftoire  de  la  guerre 
que  ce  roi  d'Egypte  avoit  faite  aux  peuples 
révoltés  de  la  Bactriane  :  il  avoit  mené 
contr'eux  ,  difoit-on  ,  quatre  cents  mille 
hommes  d'infanterie ,  &  vingt  mille  che- 
vaux (i).  Entre  cet  Ofîmandue  &  Séfoftris 
qui  vivoit  long-temps  avant  la  guerre  de 


E  Q  U 

Troye, &  avant  l'expédition  des  Argonautes, 
Diodore  compte  vingt-cinq  générations  : 
voilà  donc  la  cavalerie  admife  dans  les 
armées,  bien  peu  de  fiecles  après  le  dé- 
luge» 

Séfoftris ,  le  plus  grand  &  le  plus  puif- 
fant  des  rois  d'Egypte ,  ayant  formé  le  àeC- 
fein  de  conquérir  toute  la  terre ,  aflembla, 
dit  le  même  hiftorien  (Diodore  de  Sicile , 
/.  I y)  une  armée  proportionnée  à  la  gran- 
deur de  l'entreprife  qu'il  méditoit  :  elle 
étoit  compofée  de  fix  cents  mille  hommes 
de  pié ,  vingt -quatre  mille  chevaux  ,  & 
vingt-fept  mille  chariots  de  guerre.  Avec 
ce  nombre  prodigieux  de  troupes  de  terre , 
&  une  flotte  de  quatre  cents  navires,  ce 
prince  fournit  les  Ethiopiens ,  fe  rendit 
maître  de  toutes  les  provinces  maririmes , 
&  de  toutes  les  ifles  de  la  mer-rouge ,  pé- 
nétra dans  les  Indes  ,  où  il  porta  fes  armes 
plus  loin  que  ne  fit  depuis  Alexandre  :  re- 
venant fur  fes  pas  ,  il  conquit  la  Scythie, 
fubjugua  tout  le  refte  de  l'Afie  &  la  plupart 
des  Cyclades ,  paiîà  en  Europe  ;  &  après 
avoir  parcouru  la  Thrace ,  où  fon  armée 
manqua  de  périr  ,  il  retourna  au  bout  de 
neuf  ans  dans  fes  états  ,  avec  une  réputation 
fupérieure  à  celle  des  rois  fes  prédécelTeurs. 

Ce  prince  avoit  fait  drefïèr  dans  les  lieux 
qu'il  avoit  fournis ,  des  colonnes  avec  l'inf- 
cription  fuivante  en  caraderes  égyptiens(£): 
Séfoftris }  roi  des  roisy  a  conquis  cette  pro- 
vince par  fes  armes.  Quelques-unes  de  ces 
colonnes  s'étoienteonfervées  jufqu'au  temps 
d'Hérodote ,  &  cet  hiftorien  (  /.  II,  )  ajoute 
qu'il  y  avoit  encore  alors  fur  les  frontières 
de  l'Ionie  deux  ftatues  en  pierre, de  Séfoftris; 
l'une ,  fur  le  chemin  d'Ephefe  à  Phoce'e  j 


(g)  Il  y  a  apparence  que  du  temps  du  patriarche  Jofeph,  les  rois  d'Egypte  avoient  des  gardes  à 
cheval,  &  que  ce  font  eux  qui  courent  après  Benjamin,  &  qui  l'arrêtent.  H-Jloire  des  Juifs  par  Jofeph, 
liv.  I. 

(A)  On  peut  en  conclure  que  les  chars  font  poftérieurs  à  la  fimple  cavalerie  :  Job  ne  parle  que  de 
celle-ci,  c.  xxxjx,  v.  iS,  19  6*  fuiv.  Au  verf.  1S,  il  eft  dit  que  l'autruche  fe  moque  du  cheval  &  de 
celui  qui  le  monte  :  les  verfets  fuivans  contiennent  la  belle  description  du  cheval  qu'on  a  vue  ci-devant. 

(i)  Le  fentiment  de  Marsham  &  de  Nevton  qui  a  fuivi  le  premier  eft  infourenable  ,  fuivant  M.  Freret 
même.  Ces  deux  Anglois  font  Séfoftris  poftérieur  à  la  guerre  de  Troye  ;  mais  il  eft  évident ,  par  tous  le* 
anciens,  que  ce  roi  d'Egypte  a  vécu  long-temps  avant  le  fiege  de  Troye  &  l'expédition  des  Argonautes.. 
Mém.  de  lut.  de  î  acad.  dis  Infcrip.  tom.  Vil ,  pag.  745.  De  cette  expédition  à  la  guerre  de  Troye  ,  il  y  a  au 
moins  foixante  &  dix  ans  d'intervalle.  En  fuppofant  Séfoftris  antérieur  aux  Argonaures  du  même  nombre 
d'années  ;  &  en  comptant  trois  générations  par  fiecle ,  il  n'y  auroit  qu'un  petit  nombre  de  fiecles  d'intervalle 
entre  le  déluge  &  Ofimandué. 

(k)  In  cippis  illis  pudendum  rirl  ,  apud  gentes  qu'idem  finnuas  &  pugnaces,  apud  ignavas  autem  &  timidas  ». 
femina ,  exprejjit  :  ex  prxcipuo  hominis  mimbro  ,  animarum  in  Jingulis  affeBionem  ,  pofieris  evidentijfimam  fore  raïus, 
Diod.  Ub.  1 ,  ex  verfioae  Rhodomam. 


EQU 

fautre ,  fur  celui  de  Sardis  à  Smyrne.  Un 
rouleau  portant  une  infcription,  j'ai  conquis 
cette  terre  avec  mes  épaules  ,  peu  différente 
de  celie  qu'on  vient  de  lire ,  traverfoit  la 
poitrine  de  ces  ftatues. 

Ninns ,  roi  des  AfTyriens ,  fiVune  pre- 
mière entrsprife  conTe  la  Ba&riane  ,  qui 
ne  (ni  réuflît  pas.  Ii  réfolut  quelques  années 
après  d'en  tenter  une  féconde  ;  mais  con- 
noiffant  le  nombre  &  le  courage  des  habi- 
tans  de  ce  pays  ,  que  la  nature  avoit  d'ail- 
leurs rendu  inaccefTible  en  plufieurs  en- 
droits ,  il  tâcha  de  s'en  afTurer  le  fuccès  en 
mettant  fur  pie  une  armée  â  laquelle  rien 
ne  pût  réfifter  :  elle  montoit ,  pourfuit  Dio- 
dore ,  félon  le  dénombrement  qu'en  a  fait 
Ctéfias  dans  fon  hiftoire  ,  à  dix-fept  cents 
mille  hommes  d'infanterie  ,  deux  cents  dix 
mille  de  cavalerie  ,  &  près  de  dix  mille  fix 
cents  chariots  armés  de  faux. 

Le  règne  de  Ninus  ,  en  fuivant  la  fup- 
putation  d'Hérodote  ,  que  l'on  croit  la  plus 
exacte ,  &  qui  rapproche  beaucoup  de  nous 
la  fondation  du  premier  empire  des  AfTy- 
riens ,  doit  fe  rencontrer  avec  le  gouver- 
nement de  la  prophéteiTe  Débora  ,  514  ans 
avant  Rome  ,  1267  ans  avant  Jefus-Chrift  , 
c'eft  à-dire ,  qu'il  eft  antérieur  à  la  ruine  de 
Troye  ,  au  moins  de  80  (/)  ans.  On  con- 
viendra aifémcnt  qu'une  fï  grande  quantité 
de  cavalerie  en  fuppofe  l'ufage  établi  chez 
les  AfTyriens  plufieurs  fiecles  auparavant. 

Tout  ce  qui  nous  refte  dans  les  auteurs 
fjr  Fhiftoire  des  difFJrens  peuples  d'Afie  , 
démontre  l'ancienneté  de  Véquication  :  elle 
étoit  (  dit  Hérodote  ,  /.  IV)  ,  connue  chez 
les  Scolorhes  ,  nation  Scythe  ,  qui  comp- 
taient mille  ans  depuis  leur  premier  roi , 
jufqu'au  temps  où  Darius  porta  la  guerre 
contr'eux. 

Par  un  ufage  aufîi  ancien  que  leur  mo- 
narchie-r4e.xoi  fe  rendoit  tous  les  ans  dans 
le  lieu  où  l'on  confervoir,  une  charrue  ,  un 
joug  ,  une  hache  &  un  vafe  ,  le  tout  d'or 
mafîif ,  &  que  Ton  difoit  être  tombés  du 
ciel  ;  &  il  fe  faifoit  en  cet  endroit  de  grands 


EQU  8<$9 

facriflces.  Le  Scythe  ,  à  qui  pour  ce  Jour  la 
garde  du  tréfor  itou  confiée  ,  ne  voyoit 
jamais,  difoic-on,  la  fin  de  l'année  :  en 
récompenfe  ,  on  affuroit  à  fa  famille  autant 
de  terre  qu'il  en  pouvoit  parcourir  dans  un 
jour ,  monté"  fur  un  cheval. 

Que  ce  fait  (oit  véritable  ou  non ,  il  eft 
certain  que  les  Scythes  en  général ,  eux  qui 
fous  de3  noms  différent  occupoient  en  Alîe 
&  en  Europe  une  étendue  immenfe  de  pays , 
qui  rirent  plufieurs  irruptions  dans  l'Afie 
mineure,  &  qui  dominèrent  pendant  28  ans 
fur  toute  cette  féconde  partie  du  monde  , 
ont  nourri  de  tout  temps  une  prodigieufe 
quantité  de  chevaux  ,  &  qu'ils  faifoient  du 
lait  de  leurs  jumens  leur  boiffon  ordinaire. 
Il  feroit  donc  ridicule  de  penfer  qu'ils  euf- 
fent  ignoré  l'art  de  monter  à  cheval  (  m  ). 
Cela  ne  fouffre  aucune  difficulté  ,  quand 
on  lit  ce  qu'Hérodote  raconte  des  Amazo- 
nes ,  femmes  guerrières  qui  defcendoient 
des  anciens  Scythes. 

Les  Grecs  (  Hérodote ,  ibid.  )  les  ayant 
vaincus  en  bataille  rangée  fur  les  bords  de 
Thermodon  ,  firent  plufieurs  prifonnieres  > 
qu'ils  mirent  fur  trois  vaifleaux  ,  &  repri- 
rent le  chemin  de  leur  patrie. 

Quand  on  fut  en  pleine  mer ,  nos  hé- 
roïnes faihfTant  un  moment  favorable  ,  fe 
jetèrent  fur  les  hommes ,  les  défarmerent , 
&  leur  coupèrent  la  tête.Comme  elles  igno- 
roient  l'art  de  la  navigation  ,  elles  furent 
obligées  de  s'abandonner  à  la  merci  des  vents 
&  des  vagues  ,  qui  les  portèrent  enfin  fur 
un  rivage  des  Palus  Méotides  ,  où  étant 
défendues  à  terre  ,  elles  montèrent  fur  les 
premiers  chevaux  qu'elles  purent  trouver  , 
&  coururent  ainfi  tout  le  pays. 

Ce  fait  s'accorde  parfaitement  avec  ce  que 
l'abréviateur  de  Trogué  Pompée  (  Juftin  , 
Iw.  Il ,)  rapporte  de  l'éducation  des  Ama- 
zones :  «  elles  ne  paffoient  pas ,  dit-il,  leur 
»  temps  dans  l'oifiveté  ou  à  filer  ;  elles 
»  s'exerçoient  continuellement  au  métier 
»  des  armes  ,  à  monter  à  cheval  ,  &  à- 
»  chafier.  n  Strabon ,  /.  II.  d'après  Métro- 


(  /  )  M.  Boffuet,  qui  fuit  cette  chronologie  ,  place  le  fiege  de  Troye  l'an  1184  avant  Jefus-Chrift. 

(m)  I!  y  avoit  au  nord- eft  des  Palus  Méotides,  des  Scyrhes  nommés  Iyrces  ,  qui  ne  vi voient  que 
du  p  oduit  de  leur  chaffe  ,  &  voici  comment  ils  la  pra  iquoient.  Cachés  parmi  les  arbres  qui  tioient  li- 
en grand  nombre ,  &  ayant  près  d'eux  un  chien  &  un  petit  cheva'  couché  fur  le  ventre  ,  lis  tiroient 
fur  la  bête  à  fon  pa/Tage,  &  rnontoient  tout  de  fuite  à  cheval  pour  courir  à  fa  pourfuite  avec  leur  chien» 
Hérodote ,  fi*.  IV. 


S7o  E  Q  U 

dore ,  &c.  dit  encore  que  les  plus  robuftes 
des  Amazones  alloient  à  la  chafie  t  &  fai- 
foient  la  guerre  montées  fur  des  chevaux. 
Le  temps  de  leur  célébrité  eft  antérieur  à 
la  guerre  de  Troye  :  une  partie  de  l'Afie  & 
de  l'Europe  fentit  le  poids  de  leurs  armes  ; 
elles  bâtirent  dans  l'A  fie  mineure  plufieurs 
villes  (  Juftin  ,  /.  27.  )  ,  entr'autres  Ephefe , 
où  il  y  a  apparence  qu'elles  inftituerent  le 
culte  de  Diane. 

Théfée  étoit  avec  Hercule ,  lorfque  ce 
héros  à  la  tête  des  Grecs  remporta  fur  elles 
la  vi&oire  du  Thermodon.  Réfolues  de  tirer 
une  vengeance  éclatante  de  cet  affront ,  elles 
fe  fortifièrent  de  l'alliance  de  Sigillus ,  roi 
des  Scythes ,  qui  envoya  à  leur  fecours  une 
nombreufe  cavalerie  commandée  par  fon 
fils.  Marchant  tout  de  fuite  contre  les  Athé- 
niens ,  qui  obéiflbient  à  Théfée  ,  elles  leur 
livrèrent  bataille  jufque  dans  les  murs 
d'Athènes ,  avec  plus  de  courage  que  de 
prudence.  Un  différent  furvenu  entr'elles 
&  les  Scythes  empêcha  ceux-ci  de  com- 
battre :  aufli  furent-elles  vaincues  ;  &  cette 
cavalerie  ne  fervit  qu'à  favorifer  leur  retraite 
&  leur  retour. 

Les  annales  des  autres  peuples ,  foit  d'Eu- 
rope ,  foit  d'Afrique  ,  concourent  égale- 
ment à  prouver  l'ancienneté  de  X  équitation; 
on  la  voit  établie  chez  les  Macédoniens  , 
avant  que  les  Héraclides  euffènt  conquis  la 
Macédoine  (  Hérodote  ,  IVIII.  )  Les  Gau- 
lois ,  les  Germains  ,  les  peuples  d'Italie  fai- 
foient  ufage  des  chars  ou  de  la  cavalerie 
dans  leurs  premières  guerres  qui  nous  font 
connues  (  Diodore  de  Sicile  ,  liv.  V.  )  Les 
Ibériens  ont  de  tout  temps  élevé  d'excellens 
chevaux ,  de  même  que  les  Arabes ,  les 
Maures ,  &  tous  les  peuples  du  Nord  de 
l'Afrique. 

Les  traits  hiftoriques  que  nous  venons  de 
rapporter  ,  nous  montrent  évidemment  , 
chez  les  AfTyriens  &  les  Egyptiens ,  les  che- 
vaux employés  de  toute  antiquité  dans  les 
armées  ,  à  porter  des  hommes  &  à  traîner 
des  chars.  Les  Egyptiens  ont  inondé  l'Afie 
de  leurs  troupes  ,  pénétré  dans  l'Europe , 
&  fondé  plufieurs  colonies  dans  la  Grèce  : 
les  Amazones  &  les  Scythes  ,  chez  qui  l'art 
de  X  équitation  étoit  en  ufage  de  temps  im- 


EQD 

mémorial ,  avoient  parcouru  de  même  une 
partie  de  l'Europe  &  de  l'Afie ,  fur- tout  de 
l'Afie  mineure  ,  &  s'étoient  fait  voir  dans 
la  Grèce.  De  ces  événemens  ,  tous  antérieurs 
à  la  guerre  de  Troye  ,  on  pourroit  con- 
clure ,  fans  chercher  de  nouvelles  preuves, 
que  dans  le  temps  de  cette  expédition  , 
l'art  de  monter  à  cheval  n'étoit  ignoré  ni 
des  Grecs  ni  des  Troyens. 

IL  L'équitation  connue  che\  les  Grecs 
ayant  la  guerre  deTroye.  Cette  propofition, 
que  nous  croyons  vraie  dans  toute  fon  éten- 
due ,  a  trouvé  néanmoins  deux  contradic- 
teurs célèbres,  madame  Dacier  &  M  Freret  : 
fondés  fur  le  prétendu  filence  d'Homère  , 
&  fur  ce  qu'il  ne  fait  jamais  combattre  fes 
héros  à  cheval ,  mais  montés  fur  des  chars, 
ils  ont  prétendu  que  l'époque  de  X  équitation 
dans  la  Grèce  &  dans  l'Afie  mineure ,  étoic 
poftérieure  à  la  guerre  de  Troye,  &  que 
les  Grecs  ,  de  même  que  les  Troyens  ,  ne 
favoient  en  ce  temps  -  là  faire  ufage  des 
chevaux  que  lorfqu'ils  étoient  attelés  à 
des  chars. 

Il  femble  qu'une  opinion  fi  finguliere 
doive  tomber  d'elle-même  ,  quand  on  ob- 
ferve  que  les  Grecs  exiftoient  long-temps 
avant  le  pafïàge  de  la  mer  rouge ,  puifque 
Argos  étoit  alors  à  fon  fixieme  roi  \n)  ,  & 
que  plus  de  quatre  cents  ans  avant  ce  paf- 
fage  ,  l'Egyptien  Ourane  avoit  franchi  le 
Bofphore  pour  donner  des  Ioix  à  ces  Grecs , 
qui  n'étoient  encore  que  des  fauvages ,  vi- 
vans  comme  les  bêtes  des  herbes  qu'ils 
broutoient.  D'ailleurs  plufieurs  villes  de  la 
Grèce  n'étoient  que  des  colonies  des  Egyp- 
tiens ou  des  Phéniciens.L'Egyptien  Cecrops 
(  environ  i$ $6  ans  avant  J.  C.  )  qui  vivoic 
dans  le  fiecle  de  Moyfe ,  avoit  fondé  les 
douze  bourgs  d'où  fe  forma  depuis  la  ville 
d'Athènes  :  prefque  tout  ce  qui  concernoic 
la  religion  ,  les  loix  ,  les  mœurs ,  avoit  été 
porté  d'Egypte  dans  la  Grèce.  Sur  quel 
fondement  croira-t-on  que  les  Egyptiens 
qui  humaniferent  &  policerent  les  Grecs 
leur  euffent  laifle  ignorer  l'art  de  l'équi- 
tation y  qu'ils  poffédoient  fi  bien  eux- 
mêmes  ,  &  qu'ils  n'eufient  voulu  feulement 
que  leur  apprendre  à  conduire  des  chars  ? 
Comment  ces  Grecs  ,  témoins  des  exploits 


(«)  Ce  royaume  d' Argos  avoit  été  fondé  par  l'égyptien  Danaiis,  vers  l'an  1476,  avant  Jefus-Chrift. 


E  QU 

de  Séfoftris  ,  &  qui  avoient  combattu 
contre  les  Amazones  ,  ne  virent-ils  que  des 
chars  dans  des  armées  où  il  y  avoit  indu- 
bitablement de  la  cavalerie  ? 

Malgré  la  folidité  de  ces  réflexions ,  il  s'en 
cft  peu  fallu  que  le  fentimenc  de  M.  Freret 
&  de  madame  Dacier  ,  foutenu  par  un 
profond  favoir  ,  n'ait  prévalu  fur  les  plus 
grandes  autorités  :  mais  la  déférence  que 
Ton  accorde  à  l'opinion  de  certains  per- 
(bnnages  ,  quand  elle  n'a  point  la  vérité 
pour  bafe  ,  cède  tôt  ou  tard  à  l'évidence. 

M.  l'abbé  Sallier  (hifioire  de  V académie 
des  infcriptions  6?  belles-lettres  y  tome  VII > 
p.  3J.J  eft  celui  qui  a  coupé  court  au  pro- 
grès de  l'erreur  :  il  a  démontré  fenfiblement 
que  l'art  de  monter  à  cheval  étoit  connu 
des  Grecs  long-temps  avant  la  guerre  de 
Troye  ;  mais  il  ne  réfout  pas  entièrement 
la  queftion  :  il  finit  ainfi  fon  mémoire. 

a  Le  feul  point  fur  lequel  on  ne  trouve 
a  pas  de  témoignages  dans  Homère  ,  fe  ré- 
»  duit  donc  à  dire  que  les  Grecs  dans  leurs 
»  combats ,  devant  Troye ,  n'avoient  point 
t>  de  foldats  fervans  &  combattans  à 
»  cheval.  » 

On  va  donc  s'attacher  à  prouver ,  par 
Pexamen  àes  raifons  mêmes  qu'a  eu 
M.  Freret  de  croire  le  contraire  ,  que 
Yéquitation  étoit  connue  des  Grecs  &  des 
Troyens  avant  le  fiege  de  Troye  ,  &  que 
ces  peuples  avoient  dans  leurs  armées  de 
la  cavalerie  diftinguée  des  chars  :  nous 
conjecturons  que  ces  chars  ne  fervoient  que 
pour  les  principaux  chefs  ,  lorfqu'ils  mar- 
choient  à  la  tête  des  efcadrons. 

Madame  Dacier ,  qui  penfoit  fur  la  quef- 
tion préfente  de  même  que  l'illuftre  acadé- 
micien ,  »  ne  comprend  pas,  dit-elle,  Çpréf. 
*>  de  la  trad.  de  t  Iliade  >é dit.  ijfyi  >p.6o.) 
r>  comment  les  Grecs ,  qui  étoientfi  fages, 
»  fe  font  fervis  fi  long  -  temps  de  chars  au 
»  lieu  de  cavalerie  ,  &  comment  ils  n'ont 
»  pas  vu  les  inconvéniens  qui  en  nahToient.  » 
Sans  examiner  la  difficulté  bien  plus  grande 
de  conduire  un  char  que  de  manier  un 
cheval  ,  ni  le  terrein  confîdérable  que  ces 
chars  dévoient  occuper  ,  elle  fe  contente 
d'obferver  ,  ajoute-t-elle  ,  «  que  quoiqu'il 
»  y  eût  fur  chaque  char  deux  hommes 
7>  des  plus  diftingués  &  des  plus  propres 
H  pour  le  combat ,  il  n'y  eia  avoit  pour- 


E  Q  U  871 

»  tant  qu'un  qui  combattît ,  l'autre  n'étant 
»  occupé  qu'à  conduire  les  chevaux  :  de 
»  deux  hommes  en  voilà  donc  un  en  pure 
»  perte.  Mais  il  y  avoit  des  chars  à  trois 
»  &  à  quatre  chevaux  pour  le  fervice  d'un 
»  feul  homme  :  autre  perte  digne  de  con- 
»  fidération.  »  Madame  Dacier  conclut  y. 
malgré  ces  obfervations  ,  qu'il  falloit  bien 
que  l'art  de  monter  à  cheval  ne  fût  point 
connu  des  Grecs  dans  le  temps  de  la  guerre 
de  Troye. 

Quelle  erreur  de  fa  part  !  Pour  fuppofer 
dans  ce  peuple  une  grande  ignorance  ,  il 
faut  ou  qu'elle  n'ait  pas  toujours  bien  en- 
tendu le  texte  de  fon  auteur ,  ou  qu'elle 
n'ait  pas  aflez  réfléchi  fur  les  expreflions 
d'Homère.  On  doit  convenir  cependant 
qu'elle  étoit  fi  peu  fûre  de  fon  opinion, 
qu'elle  a  dit  ailleurs  (  Remarques  fur  le  X. 
liv.  de  V Iliade )\  «  dans  les  troupes  il  n'y 
»  avoit  que  des  chars  ;  les  cavaliers  n'étoienc 
»  en  ufage  que  dans  les  jeux  &  dans  les 
»  tournois.  »  Mais  qu'étoient  ces  jeux  & 
ces  tournois  ,  que  des  exercices  &  des 
préparations  pour  la  guerre  ?  Et  pourroit-on 
penfer  que  les  Grecs  s'y  fuflent  diftingués 
dans  l'art  de  monter  des  chevaux  ,  fans 
profiter  d'un  fi  grand  avantage  dans  les 
combats  ? 

M.  Freret  moins  indéterminé  (mém.  de 
litt.  de  VAcad.  des  infcript.  tome  VII  y 
p.  z86Jnefe  dément  pas  dans  fon  opinion. 
»  On  eft  furpris ,  dit  -  il  ,  en  examinant 
»  les  ouvrages  des  anciens  écrivains ,  fur- 
»  tout  ceux  d'Homère  ,  de  n'y  trouver 
a  aucun  exemple  de  Yéquitation  y  &  d'être 
»  obligé  de  conclure  que  l'on  a  long- 
tj  temps  ignoré  dans  la  Grèce  l'art  de 
fj  monter  à  cheval  ,  &  de  tirer  de  cet 
»  animal  les  fervices  que  nous  en  tirons 
rj  aujourd'hui ,  foit  pour  le  voyage  ,  foit 
»  pour  la  guerre.  » 

Telle  eft  la  proportion  qui  fait  le  fujetr 
de  fa  difïèrtation  :  elle  eft  remplie  de  re- 
cherches curieufes  &  favantes  ,  mais  qui  , 
toutes  prifes  dans  leur  véritable  fens  peu- 
vent fervir  à  prouver  le  contraire  de  ce  qu'il 
avance; 

Après  avoir  établi  pour  principe  qu'Ho- 
mère ne  parle  en  aucun  endroit  de  ks 
poèmes  ,  de  cavaliers  ,  ni  de  cavalerie ,, 
il  prétend  que  ce  poète  ,  quoiqu'il  écrivît 


872  E  Q  U 

dans  un  temps  où  Véquitation  étoit  connue  » 
s'eft  néanmoins  abltenu  d'en  parler  ,  pour 
ne  pas  choquer  fes  le&eurs  par  un  ana- 
chronifme  contre  le  coftume  ,  qui  eût  été 
remarqué  de  tout  le  monde.  Cet  argument 
négatif  eft  la  bafe  de  tous  fes  raifonne- 
mens  ;  &  M.  Freret  n'oublie  rien  pour  lui 
donner  d'ailleurs  une  force  qu'il  ne  fauroit 
avoir  de  fa  nature. 

Pour  cet  effet ,  i°.  il  examine  &  combat 
tous  les  témoignages  des  écrivains  porté- 
rieurs  à  Homère  que  l'on  peut  lui  fuppofer  ; 
2°.  ildifcute  dans  quel  temps  ont  été  élevés 
les  plus  anciens  monumens  de  la  Grèce  , 
fur  Iefquels  on  voyoit  repréfentés  des  ca- 
valiers ou  des  hommes  à  cheval  ,  pour 
montrer  qu'ils  font  tous  poftérieurs  à  l'éta- 
bliflèment  de  la  courfe  des  chevaux  dans 
les  jeux  olympiques  ;  30.  il  cherche  à  prou- 
ver que  la  fable  des  centaures  n'avoit  dans 
fon  origine  aucun  rapport  à  Véquitation; 
40.  il  termine  fes  recherches  par  quelques 
conjectures  fur  le  temps  où  il  croit  que  l'art 
de  monter  à  cheval  a  commencé  d'être 
connu  des  Grecs. 

Examen  du  texte  d'Homère.  Puifque 
Homère  eft  regardé  ,  pour  ainfi  dire ,  comme 
le  juge  de  la  queftion  ,  voyons  d'abord  fi 
fon  filence  eft  réel  ,  &  fi  nous  ne  pouvons 
pas  t  nu  ver  dans  fes  ouvrages  des  témoi- 
gnages pofitits  en  faveur  de  Véquitation. 

Dans  le  dénombrement  ( '  îliad.  I.  II.) 
des  Grecs  qui  fuivirent  Agamerrnon  au  fiege 
de  Troye  ,  il  eft  dit  de  Méneflhée  }  le  chef  j 
des  Athéniens  ,  «  qu'il  n'avoit  pas  fon  égal 
>j  dans  l'art  de  mettre  en  bataille  toute  forte 
?>  de  troupes  ,  foit  de  cavalerie  ,  foit  d'in- 
»  fanrerie.  »  Sur  quoi  il  eft  bon  d'obferver 
que  les  Athéniens  habitoientunpays  coupé, 
montueux  ,  très-difficile  ,  &  dans  lequel 
l'ufage  des  chars  étoit  bien  peu  prati- 
cable. 

On  trouve ,  parmi  les  troupes  Troyennes, 
les  belliqueux  efcadrons  des  Ciconiens  ;  & 
l'on  voit  dans  rodyfléef/zV.  IX,pag.  z6zy 
c'dit.  zjqz.)  que  ces  Ciconiens  favoient 
très-bien  combattre  à  cheval  ,  &  qu'ils  fe 
défendoient  aufti  à  pié  ,  quand  il  le  falîoit. 
Quoi  de  plus  clair  que  Poppofition  de  com- 
battre à  pie  &  de  combattre  à  cheval  ?  Ils 
étoient  en  plus  grand  nombre  ;  voilà  donc 
beaucoup   de    gens  de   cheval.   Madame 


EQU 

Dacîer  le  dit  de  même  dans  fa  tradn&ion: 
elle  penfoit  donc  autrement  quand  elle 
compofa  la  préface  de  fa  traduction  de- 
flliade. 

Quand  Neftor  confeille  Ç Iliad.  I.  VIL) 
aux  Grecs  de  retrancher  leur  camp:  »nous 
»  ferons  ,  leur  dit-il  ,  un  foflé  large  & 
»>  profond  ,  que  les  hommes  &  les  chevaux 
»  ne  puifïènt  franchir  ».  Que  peut-on  en- 
tendre par  ces  mots  ,  fî  ce  n'eft  des  chevaux 
de  cavaliers  ?  Les  Grecs  avoient  -ils  natu- 
rellement à  craindre  que  des  chars  attelés 
de  deux  ,  trois  ou  quatre  chevaux  franchif- 
fent  des  foiTés  ? 

Ulyflè  &  Diomede  (Iliad.  I X.)  s'étant 
chargés  d'aller  reconnoître  pendant  la  nuit 
la  pofition  &  les  deffeins  des  Troyens  , 
rencontrèrent  Dolon  ,  que  les  Troyens  en- 
voyoient  au  camp  des  Grecs  dans  le  même 
delTein  ,  &  ils  apprirent  de  lui  que  Rhéfus , 
arrivé  nouvellement  à  la  tête  des  Thraces, 
campoit  dans  un  quartier  féparé  du  refte 
de  l'armée.  Sur  cet  avis  les  deux  héros 
coupent  la  tête  de  Dolon  ,  preffent  leur 
marche  ,  &  arrivent  dans  le  camp  des 
Thraces  ,  qu'ils  trouvèrent  tous  endormis , 
chacun  d'eux  ayant  auprès  de  foi  fes  armes 
à  terre  &  fes  chevaux.  Ils  étoient  couchés 
fur  trois  lignes  ;  au  milieu  dormoit  Rhéfus 
leur  chef,  dont  les  chevaux  étoient  auffi 
tout  près  de  lui  ,  attachés  à  fon  char. 

Diomede  fe  jette  aufti  -  tôt  fur  les  Thraces, 
en  égorge  plufieurs  ,  &  le  roi  lui  -  même  : 
après  quoi  ,  pendant  qu'UlyfTe  va  détacher 
les  chevaux  de  Rhéfus ,  il  efTaie  d'en  en- 
lever le  char  ;  mais  Minerve  lui  ordonne 
d'abandonner  cette  entreprife.  Il  obéit  , 
rejoint  UlyfTe  ,  &  montant ,  ainfi  que  lui , 
fur  l'un  des  chevaux  de  Rhéfus ,  ils  fortent 
du  camp  &  volent  vers  leurs  vahTeaux  , 
poufïànt  les  chevaux  ,  qu'ils  fouettent  avec 
un  arc.  Arrivés  dans  l'endroit  où  ils  avoient 
lahTé  le  corps  de  Dolon  ,  Diomede  faute 
légèrement  à  terre,  prend  les  armes  de  l'ef- 
pion  Troyen  ,  remonte  promptement  à 
cheval  ,  &  UlyfTe  &  lui  continuent  de 
pouffer  à  toute  bride  ces  fougueux  cour- 
fiers  ,  qui  fécondent  merveilleufement  leur 
impatience.  Neftor  entend  le  bruit ,  & 
dit  :  il  me  femble  qu'un  bruit  fourd  y  comme 
d'une  marche  de  chevaux  >  a  frappé  mes 
oreilles. 

Tout 


E  Q  U 

Tout  ïe&eur  non  prévenu  verra  fans  doute 
dans  cet  épifode  une  preuve  de  la  con- 
noiffance  que  les  Grecs  ,  ainfi  que  les 
Thraces  ,  avoient  de  Yéquitarion.  Les  ca- 
valiers Thraces ,  couchés  fur  trois  rangs  , 
ont  leurs  chevaux  &  leurs  armes  auprès 
d'eux  :  mais  les  chevaux  de  Rhéfus  font 
attachés  à  fon  char  ,  fur  lequel  étoient 
fes  armes:  &  c'eft-là  le  feul  char  qu'on 
apperçoive  dans  cette  troupe.  D'où  l'on  doit 
conclure  que  les  chefs  des  efcadrons  étoient 
feuls  fur  les  chars. 

Quelle  eft  l'occupation  d'Ulyiïè,  pendant 
que  Diomede  égorge  les  principaux  d'entre 
hs  Thraces  ?  C'eft  d'en  retirer  les  corps  de 
côté  ,  afin  que  le  pafTage  ne  fût  point  em- 
barraffé.  Il  l'eût  été  bien  davantage  par  des 
chars  :  cependant  Homère  n'en  dit  rien. 

Penfe-t-on  d'ailleurs  qu'il  eût  été  poiïible 
à  ces  princes  Grecs  ,  de  monter ,  &  à  poil , 
des  courfiers  fougueux  ,  de  les  galoper  à 
toute  bride  ,  de  defcendre  &  de  remonter 
légèrement  fur  eux  ,  fi  les  hommes  &  les 
chevaux  n'avoient  pas  été  de  longue  main 
accoutumés  à  cet  exercice  ?  Trouverions- 
nous  aujourd'hui  des  cavaliers  plus  leftes  & 
plus  adroits  ?  C'eft  aufïi  fur  cela  que  madame 
Dacier  fe  fonde  ,  pour  croire  qu'il  y  avoir 
des  gens  de  cheval  dans  les  tournois  ,  pour 
fe  fervir  de  fa  même  exprefïion. 

Le  bruit  fourd  qu'entend  Neftor  ,  n'eft 
point  un  bruit  qu'il  entende  pour  la  première 
fois  ;  il  diftingue  fort  bien  qu'il  eft  caufé 
par  une  marche  de  chevaux  ,  &  n'ignoroit 
pas  que  le  bruit  des  chars  étoit  différent. 

Qu'oppofe  M.  Freret  à  un  récit  qui  parle 
d'une  manière  fi  pofitive  en  faveur  de  Yequi- 
tation  ?  «  Le  défaut  de  vraifemblance  ,  dit- 
»  il ,  de  plufieurs  circonftances  de  cet  épi- 
y>  fode ,  eft  fauve  dans  le  fyftéme  d'Homère, 
^  par  la  préfence  &  par  la  protection  de 
»  Minerve  ,  qui  accompagne  ces  deux  hé- 
«  ros  ,  &  qui  fe  rend  vifïble ,  non  feule- 
»  ment  pour  foutenir  leur  courage  ,  mais 
«  encore  pour  les  mettre  en  état  d'exécuter 
>i  des  chofes  qui  ,  fans  fon  fecours  ,  leur 
»  auroient  été  impoffibles  »  :  ainfi  ,  félon 
lui,  le  parti  que  prennent  UlyfTa  &  Diomede, 
de  monter  fur  les  chevaux  de  Rhéfus  ,  pour 
les  emmener  au  camp  des  Grecs  ,  leur  eft 
infpiré  par  Minerve:  cette  déeffe  les  accom- 
pagne dans  leur  retour ,  &  ne  les  abandonne 
J'orne  XII. 


E  Q  U  87} 

que  Iorfqu'ils  y  font  arrivés  ;  &  comme 
c'eft-là  ,  ajoute-t-ii  ,  le  feul  exemple  de 
Yéquuarion  qui  fe  trouve  dans  les  poèmes 
d'Homère  ,  on  n'eft  point  en  droit  d'en 
conclure  qu'il  la  regardât  comme  un  ufage 
déjà  établi  au  temps  de  la  guerre  de  Troye. 

Il  eft  vrai  qu'Homère  «  regarde  quel- 
«  quefois  les  hommes  comme  des  inftru- 
»  mens  dont  les  dieux  fe  fervent  pour.exé- 
»  cuter  les  décrets  des  deftinées  »  ;  mais 
l'on  doit  convenir  auffi  que  ce  poè're  ,  pour 
ne  point  trop  s'éloigner  du  vraifemblable  , 
ne  les  fait  jamais  intervenir  ,  &  prêter  aux 
hommes  l'appui  de  leur  miniftere  ,  que 
dans  les  actions  qui  paroifTènt  au  defTus  des 
forces  de  l'humanité. 

Le  defir  de  fe  procurer  d'excellens  che- 
vaux &  des  armes  couvertes  d'or  ,  fut  ce 
qui  tenta  Diomede  &  Ulyffe  ,  &  leur  inf- 
pira  le  defîèin  d'entrer  dans  le  camp  des 
Thraces  ,  &  de  pénétrer  jufqu'à  la  tente  de 
Rhéfus.  Deux  hommes  ,  pour  réufîir  dans 
une  entreprife  femblable ,  ont  certainement 
befoin  de  l'aftiftance  des  dieux  ;  UlyfTe  im- 
plore donc  celle  de  Pallas  ,  &  la  fjpplie  de 
diriger  elle-même  leurs  pas  jufqu'à  l'endroit 
où  éroient  les  chevaux  ,  le  char  ,  &  les 
armes  de  Rhéfus. 

La  protection  de  la  déeffe  fe  fait  bientôt 
fentir  :  les  héros  Grecs  arrivent  dans  le  camp 
des  Thraces  :  un  filence  profond  y  règne  ; 
point  de  gardes  fur  les  avenues  ;  tous  les 
cavaliers  étendus  par  terre  près  de  leurs 
chevaux  ,  font  enfevelis  dans  le  fommeil  ; 
le  même  calme  &  la  même  fécurité  font 
autour  de  la  tente  du  chef.  Alors  Ulyffè 
ne  pouvant  plus  méconnoître  l'effet  de  fa 
prière  ,  &  enhardi  par  le  fuccès  ,  propofe 
à  fon  compagnon  de  tuer  les  principaux 
Thraces  ,  tandis  qu'il  ira  détacher  les  che- 
vaux de  Rhéfus  :  voilà  une  conjoncture  ou 
le  fecours  de  la  déefle  devient  encore  très- 
nécefïàire  ;  aufîi  Homère  dit  qu'elle  donna 
à  Diomede  un  accroiffement  de  force  &  de 
courage  :  douze  Thraces  périffent  de  fa 
main  avec  leur  roi.  Les  chevaux  détachés 
par  UlyfTe  ,  Diomede  peu  content  de  ces 
avantages  ,  veut  encore  enlever  le  char  de 
Rhéfus  ;  mais  la  déefle  ,  juftement  étonnée 
de  cette  imprudence  ,  fe  rend  vifible  à  lui, 
&  le  preffe  de  retourner  au  plutôt  ,  de 
crainte  que  quelque  dieu  ne  réveille  enfia 

Sssss 


874  EQU 

les  Troyens.  Diomede  reconnoifîant  la  voix 
de  Pallas ,  monte  aufft-tôc  à  cheval ,  &  part 
fuivi  d'Ulyffe.  Jufque-là  Homère  a  marqué 
exactement  toutes  les  circonftances  de  l'en- 
treprife  dans  lefquelies  la  dcefTe  prêta  fon 
fecours  aux  héros  Grecs  :  il  confifte  à  les 
conduire  sûrement  à  travers  le  camp  ,  à 
favorifer  le  maflàcre  des  Thraces  &  l'enlè- 
vement des  chevaux  ,  à  les  obliger  de  partir, 
lorfqùe  l'appât  d'avoir  des  armes  d  or  les 
retient  mal-à-propos  ,  mais  nullement  à  ies 
placer  fur  les  chevaux  ;  &  une  fois  forcis  du 
camp, elle  les  quitte,quoi  qu'en  ait  dit  M.  Fre- 
rec;  car  dansHomere,  elle  n'accompagne  pas 
leur  retour, comme  cet  académicien  l'avance 
gratuitement.  S'ilétoit  vrai  cependant,  qu'ils 
euffenc  befoin  d'elle  la  première  fois  pour 
monter  à  cheval ,  fon  fecours  n'eût  pas  été 
moins  néceflaire  à  Diomede  ,  quand  il  fut 
obligé  de  fauter  à  terre  pour  prendre  les 
armes  de  Dolon  ,  &  de  remonter  tout  de 
fuite  ;   &  Homère  n'auroit  pas  manqué  de 
le  faire  remarquer  ,  car  il  ne  dévoie  pas 
ignorer  qu'on  ne  devient  pas  fi  vite  bon 
cavalier. 

Difons  donc  que  c'eft  uniquement  parce 
qu'il  étoit  très- ordinaire  dans  les  temps  hé- 
roïques de  monter  à  cheval  ,  qu'Homère 
ne  fait  point  intervenir  le  miniftere  de  Pallas 
dans  une  a£iion  fi  commune. 

Le  XVe  livre  de  l'Iliade  nous  offre  un 
exemple  de  Ye'quitativn  ,  dans  lequel  cet  art 
eft  porté  à  un  degré  de  perfeâion  bien  fu- 
périeur  à  ce  que  nous  oferions  exiger  au- 
jourd'hui de  nos  plus  habiles  écuyers.  Le 
ooete  aui  veut  dépeindre  la  force  &  l'agilité 


poète  qui 


d'Ajax  qui  paffanc  rapidement  d'un  vaiiieau 
à  l'autre  ,  les  défend  tous  à  la  fois ,  fait  la 
comparaifon  fuivante. 

«  Tel  qu'un  écuy.er  habile  ,  accoutumé 
»  à  manier  plufieurs  chevaux  à  la  fois  ,  en 
»■  a  choifi  quatre  des  plus  vigoureux  &  des 
»  plus  vîtes  ,  &  en  préfence  de  tout  un 
»  peuple  qui  le  regarde  avec  admiration  , 
»  les  pouffe  à  toute  bride  ,  par  un  chemin 
»  public  ,   jufqu'à  une  grande  ville  où  Ton 


EQU 

»  a  limité  fa  coiufe  :  en  fendant  les  airs  , 
»  il  paffe  légèrement  de  l'un  à  l'autre  ,  & 
n  vole  avec  eux.  Tel  Ajax  ,  ùc  » 

(o)  M.   Freret  veut  qu'Homère  ,   pour 
orner  fa  narration  ,  &  la  rendre  plus  claire , 
ait  expliqué  en  cet  endroit  des  chofes  ancien- 
nes par  des  images  familières  à  fon  fiecle  ;  tel 
eft  ,  ajoute-t-il ,  le  but  de  fes  comparaifons, 
&  en  particulier  de  celle-ci  :  «  tout  ce  qu'on 
»  en  peut  conclure  ,  c'eft  que  l'arc  ùeïéqui- 
»  taùon  étoit  commun  de  fon  temps  dans 
»  l'Ionie.  Des  fcholiaftes  d'Homère  lui  font 
«  un  crime  d'avoir  empruncé  des  compa- 
n  raifons  de  Xéquuation  ;  ils  les  ont  regardé 
yy  comme  un  anachronifme  ,  tant  ils  écoient 
n  perfuadés  que  cet  art  étoit  encore  nouveau» 
»  dans  la  Grèce  du  temps  d'Homère.  » 
Mais  ils  ont  cru ,  fans  examen  ,  &  fans  avoir 
éciairci  la  queftion.  Puifque  dans  toute  l'éco- 
nomie de  fes  poèmes  ,  Homère  eft  fi  exaô  , 
fi  févereobiervateur  des  ufages  &  des  temps, 
qu'il  paroît  toujours  tranfporté  dans  celui 
où  vivoienc  fes  héros  ,  &  qu'on  ne  peut  y 
félon  les  mêmes  fcholiaftes  ,  lui  reprocher 
aucun  autre  anachronifme  :  par  quelle  raifon 
croira-t-on qu'il fefoit permis  celui-ci?  Dira- 
t-on  qu'il  n'avoir  pas  afièz  de  refiburce  dans 
fon  génie  pour  varier  &  ranimer  fes  pein- 
enres  ?  De  plus  ,  Homère  n'a  vécu  que  trois 
cencs  ans  [p  )  après  la  guerre  de  Troye  :  un 
fi  court  intervalle  eft -il  fuffifant  pour  y 
placer  à  la  fois  la  naiffance  &  ies  progrès  de 
Yéquitation  >  &  pour  la  porter  à  un  degré  de 
perfection  duquel  nous  iommes  encore  tort 
éloignés?  Cette  réflexion  tire  du  fyftême  de 
M.  Freret  une  nouvelle  force  ,  en  ce  qu'il 
ne  place  dans  l'Ionie  la  connoiftànce  de  l'art 
de  monter  à  cheval,  que  150  ans  après  la 
guerre  de  Troye. 

Homère  a  fuivi  conftamment  les  ancien- 
nes traditions  de  la  Grèce  ;  il  dépeint  tou- 
jours fes  héros  ,  tels  qu'on  croyoit  qu'ils 
avoient  été.  Leurs  caractères  ,  leurs  païïions, 
leurs  jeux  ,  tout  eft  conforme  au  fouvenir 
qu'on  en  confervoit  encore  de  fon  temps. 
C'eft  ainfi  qu'il  fait  dire  à  Hélène  ,  «  je  ne^ 


(o)  Au  V  liv.  de  l'Odyffée  ,  v.  366  ,  un  coup  de  vent  ayant  brifé  l'efquif  qui  reftoit  à  Ulyffe  après  la. 
tempête  qu'il  effuya  en  Amant  de  lifte  de  Calypfo  ,  il  en  faifit  une  planche  fur  laquelle  il  fauta ,  &  s'y 
pofa  comme  un  homme  fe  met  fur  un  cheval  de  felle.  M.  Freret  feroit  fans  doute  à  C£tte  comparaifon  la< 
même  réponfe  qu'à  la  précédente,  quoique  avec  auflî  peu  de  fondement. 

[p)  Selon  les  marbres  d'Arondel ,  l«ï  P.  Pétau  place  Homère  deux  cents  ans  3près  la  guerre  de- 
Troye. 


E  Q  U 

»  vois  (Iliad  liv.  III.) pas  mes  deux  frères,»» 
Cartor  fi  célèbre  dans  les  combats  à  cheval, 
Uirifoipf&>  ^  &  Pollux  fi  renomme  dans  les 
exercices  du  cette.  Ce  pafTage  ne  taie  aucune 
impieffion  fur  M.  Freret.  Le  nom  de  dom- 
teur  de  chevaux  ,  iW%i@' ,  de  conduc- 
teur, de  cavalier,  ou  encore  celui  de  retint* 
vwtGnkfHmwt ,  confeenfores  equorum,  dont 
fe  fert  ,  en  parlant  de  ces  mêmes  Tynd ari- 
des ,  l'auteur  des  hymnes  attribués  à 
Homère  ;  tous  ces  noms  font  donnes  quel- 
quefois à  des  Grecs  ou  à  des  Troyens  montés 
fur  des  chars  ;  donc  ils  ne  lignifient  jamais 
autre  chofe  dans  le  langage  de  ce  temps-là. 
Ce  raifonnement  efl-il  bien  jufte  ?  il  le  fe- 
roit  davantage  ,  fi  l'on  convenoit  que  ces 
mors  ont  quelquefois  eu  l'une  ou  l'autre  li- 
gnification :  mais  en  ce  cas  ,  M.  Freret  ne 
pourroit  nier  que  le  titre  de  conducleur ,  de 
cavalier  ,  iyipw  hum* ,  que  Neftor  (Iliad. 
XI  ,v.  7à$) ,  donne  au  chef  des  Eléens  , 
ne  veuille  dure  ce  qu'il  dit  effectivement. 
Parce  que  ce  chef  combattoit  fur  un  char  , 
cela  n'empêche  pas  qu'il  n'ait  commandé 
des  gens  de  cheval.  On  peut  dire  la  même 
chofe  d'Achille  &  de  Patrocle  ,  qu'Homère 
{Iliad.  i  Dénomme  des  cavaliers,  îàrara*;xe»fa. 

Plufieurs  autres  pafTages  de  l'Iliade,  fem- 
blent  défigner  des  gens  de  cheval  ;  mais  ils 
n'ont  fans  doute  paru  dignes  d'aucune  con- 
jfidération  à  M.  Freret ,  ou  bien  il  a  craint 
qu'ils  ne  fuffent  autant  de  preuves  contre 
fon  fentiment  (  Iliad.  liv.  XVIII.  )  On 
voyoit  fur  le  bouclier  d'Achille  ,  une  ville 
invertie  par  les  armées  de  deux  peuples  dif- 
ivrens  :  l'un  vouloit  détruire  les  afîiégés  par 
1s  fer  &  par  le  feu  ;  l'autre  étoit  réfolu  de 
les  recevoir  à  compofition.  Pendant  qu'ils 
difputoient  entr'eux  ,  ceux,  de  la  ville  éranr 
foi  ris  avec  beaucoup  de  fecret,  fe  mettent 
en  embufeade  ,  &  tondent  tout-à-coup  fur 
les  troupeaux  des  afîiégeans  :  aufîi  -  tôt  l'ai— 
larme  fe  répand  dans  les  deux  armées  ;  tous 
prennent  à  la  hâte  leurs  armes  &  leurs  che- 
vaux ,  arma  &  equos  properè  arripiunt  ,  & 
l'on  marche  à  l'ennemi.  La  célérité  d'wn  tel 
mouvement  convient  mieux  à  de  la  cavalerie 
qu'à  des  ciurs  :  n'eat-elle  pas  été  bien  ra- 
lentte  par  le  temps  qu'il  auroit  fallu  pour 
préparer  ces  chars ,  &  les  tirer  hors  des  deux 
camps  ? 

Il  eft  dit  dans  le  combat  particulier  de 


E  Q  U  875 

Ménelas  contre  Paris  (  Iliad  liv.  III),  que 
les  troupes  s'afiïrent  toutes  par  terre,  chacun 
ayant  près  de  foi  fes  m  mes  &  fes  chevaux. 
Doit-on  entendre  par  ce  dernier  mot  des 
chevaux  attelés  à  des  chars  ?  Celui  qui  les 
conduifoit  ,  &  celui  qui  combattoit  de  dûs, 
étoient  l'un  &  l'autre  d'un  rang  difringué, 
&  n'étoient  pas  gens  à  s'aiieoir  par  terre  , 
confondus  avec  les  moindres  foldats  :  d'ail- 
leurs ils  euffent  été  mieux  afïïs  dans  leurs 
chars  ;  c'étoit  ,  pendant  ce  combat  ,  la  fi- 
tuation  la  plus  avantageufe  ,  pour  mieux 
remarquer  ce  qui  s'y  pafïbit.  Les  gens  de 
chval  ,  au  contraire  ,  en  defeendent  fort 
fouvent  pour  fe  déiaiTer  ,  eux  &  leurs  che- 
vaux. 

Dans  le  combat  d'Ajax  contre  Hector 
(  Iliad.  liv.  VIL  ) ,  on  trouve  encore  une 
preuve  de  Yéquitation.  Le  héros  Troyen 
dit  à  ion  adveriaire  :  je  fais  manier  la  lance; 
Ù  fait  à  pied  ,  foie  à  cheval  ,  je  faispouj/èr 
mon  ennemi. 

Ne  femble-t-il  pas  dans  plufieurs  com- 
bats généraux  ,  que  l'on  voie  manœuvrer 
de  véritacles  troupes  de  cavalerie? 

«  Chacun  fe  prépare  au  combat  (  Iliad. 
»  liv.  II  ou  bien  XII  )  ,  &  ordonne  à  foa 
»»  écuyer  de  tenir  fon  char  tout  prêt  ,  & 
»  de  le  ranger  fur  le  bord  du  fofîé  :  toute 
»  l'armée  fort  des  retranchemens  en  bon 
n  ordre  :  l'infanterie  fe  met  en  bataille  aux 
»  premiers  rangs  ,  &  elle  eft  foutenue  par 
»  la  cavalerie  qui  déploie  fes  ailes  derrière 

»  les  bataillons Les  Troyens  de  leur 

»>  côté  étendent  leurs  bataillons  &  leurs 
»»  efeadrons  fur  la  colline.  »> 

Ici  le  mot  chacun  ne  doit  s'appliquer 
qu'aux  chefs  :  pour  peu  qu'on  life  Homère 
avec   attention  ,  on    verra  qu'il  n'y  avoir 
jamais  que   les    principaux   capitaines  qui 
fu fient  dans  des  chars.  Le  nombre  de  ces 
chars  ne  devoir  pas  être  bien  confidérabîe  , 
puifqu'ils  peuvent  être  rangés  fur  le  bord 
du  fofïë.   Quant  à  l'infanterie  &  la  cava- 
lerie ,  la  difpofition  en  eu  fimpîe  ,  &  no 
|  pourroit  pas  être  autrement  rendue  aujour- 
j  d'hui  ,  qu'il  n'y  a  plus  de  chars  dans  ks 
!  armées. 

Si  les  Troyens  n'eufîènt  eu  que  des 
!  efeadrons  de  chars  ,  ce  n'eft  pas  fur  une 
i  colline  qu'ils  les  eufiene  placés;  &  l'on  doit 
!  entendre  par  'feadrons  ,   ce  que  les  Grecs 

Sssss  2 


876  E  Q  U 

ont  toujours  entendu  ,  &  ce  que  nous  com- 
prenons fous  cette  dénomination. 

La  defcription  du  combat  ne  prouve 
pas  moins  ,  que  l'ordre  de  bataille  ,  qu'il  y 
avoir  &  des  chars  &  des  cavaliers.  «  Hip- 
»  polochus  fe  jette  à  bas  de  Ton  char  ,  & 
»  Agamemnon  ,  du  tranchant  de  fon  épée, 
»  lui  abat  la  tête  ,  qui  va  roulant  au  milieu 
»  de  fon  efcadron.  »  On  lit  dans  le  même 
endroit  ,  que  l'écuyer  d'Agaftrophus  tenoit 
fon  char  à  la  queue  de  fon  efcadron. 

Neftor  renverfe  un  Troyen  de  fon  char , 
&  fautant  légèrement  deiTus  ,  il  enfonce 
fes  efcadrons  (  Hp.  XI  ).  Ne  peut-on  pas 
induire  delà,  avec  raifon  ,  que  les  chefs 
étoient  fur  des  chars  à  la  tête  de  leurs 
efcadrons  ?  Cela  n'eft-il  pas  plus  vraifem- 
blable  que  des  efcadrons  de  chars  ? 

»  L'infanterie  enfonce  les  bataillons 
j>  Troyens ,  &  la  cavaierie  preffè  fi  vive- 
»  ment  les  efcadrons  qui  lui  font  oppofés  , 
?>  qu'elle  les  renverfe  :  les  deux  armées 
«  font  enfevelies  dans  des  tourbillons  de 
«'poufTiere  ,  qui  s'élèvent  de  defTbus  les 
»  pieds  de  tant  de  milliers  d'hommes  & 
»  de  chevaux.  « 

M.  Freret  ,  lui-même  ,  auroit-il  mieux 
décrit  une  bataille  ,  s'il  eût  voulu  faire 
entendre  qu'il  y  avoit  de  la  cavalerie  dis- 
tinguée des  chars  ,  ou  des  chars  à  la  tête 
des  efcadrons  de  gens  de  cheval  ? 

Il  eft  dit ,  dans  une  autre  bataille  ,  que 
«  Neftor  plaçoit  à  la  tête  fes  efcadrons  , 

»  avec  leurs  chars  &  leurs  chevaux 

»  derrière  eux  ,  il  rangeoit  fa  nombreufe 
»  infanterie  pour  les  foutenir.  Les  ordres 
»  qu'il  donnoit  à  fa  cavalerie  ,  étoient  de 
»  retenir  leurs  chevaux  ,  &  de  marcher  en 
»  bon  ordre  ,  fans  mêler  ni  confondre  leurs 
#>  rangs.  (  Iliad.  Uv.  IV.  )  » 

Si  Homère  n'eut  voulu  parler  que  de 
chars  ,  auroit-il  ajouté  au  mot  efcadron  > 
avec  leurs  chars  Ù  leurs  chevaux  ? 

Qnc  peut- on  entendre  par  mêler  &  con- 
fondre des  rangs  ?  Pou  voit-il  y  avoir  plu- 
sieurs rangs  de  chars  ?  A  quoi  eût  été  bon 
un  fécond  rang  ?  le  premier  victorieux  ,  le 
fécond  ne  pouvoit  rien  de  plus  ;  le  premier 
rang  vaincu  ,  le  fécond  l'étoit  conféquem- 
ment  ,  &  fans  reftburce  ;  car  comment 
faire  faire  à  des  chars  mis  en  rang  ,  des 
demi- tours  à  droite  pour  la  retraite  ? 


E  Q  U 

II    paroît   fuffiTamment   prouvé  par  les 
remarques  que  nous  venons  de  faire   fur 
quelques  endroits  du  texte  d;Homere  ,  que 
l'art  de  monter  des  chevaux  a  été  connu 
dans  la  Grèce  avant  le  fiege  de  Troye  ,  & 
qu'il  y  avoit  même   dans  les  armées  des 
Grecs  &  des  Troyens  ,  des  troupes  de  ca- 
valerie ,  proprement  dite.  Si  ce  poète  n'a 
point  décrit  particulièrement  de  combats 
de  cavalerie  ,  on  ne  voit  pas  non  plus  qu'il 
foit  entré  dans  un  plus  grand  détail  ,  par 
rapport  aux  combats  d'infanterie.  Son  vé- 
ritable objet  ,  en  décrivant  des  batailles  , 
étoit  de  chanter  les  exploits  des  héros  & 
des  plus  illuftres  guerriers  des  deux  partis  : 
ces  héros    combattoient  prefque  tous  fur 
des  chars  ,  &  l'on  oferoit  prefque   afïurer 
qu'il  n'appartenoit  qu'à  eux   d'y    combat- 
tre. Leur  valeur  &  leur  fermeté  y  paroif- 
feient  avec  d'autant  plus  d'éclat  ,  que  leur 
attention  n'étoit  point  divifée  par  le  foin 
de  conduire  les  chevaux.   Voilà  pourquoi 
les  deferiptions  des  combats  de  chars  font 
fi  fréquentes  ,    fi   longues  ,  fi  détaillées. 
C'étoit   par  ces   combats  que  les  grandes 
affaires  s'entamoient  ,  parce  que  les  chefs, 
montés  fur  des  chars ,  marchoient  toujours 
î  à  la  tête  des  troupes  :  Homère  n'en  omet 
I  aucune  circonftance  ,  &  pefe  fur  tous  les 
détails  ,  parce  qu'il   a    fu  déjà  nous  inté- 
|  refier  vivement  au  fort  des  guerriers  qu'il 
fait  combattre.  Son  grand  objet  fe  trouvant 
rempli  par-là  ,  dès  que  les  troupes  fe  mê- 
lent ,  &  que  l'affaire  devient  générale  ,  il 
paffe  rapidement  fur  le  refre  du  combat  ; 
&  pour  ne  point  fatiguer  le  lecteur  il  fe 
hâte  de  lui  en  apprendre  l'ifïue  ,  fans  def- 
cendre  à    cet  égard  dans  aucune  particu- 
larité.    Telle    eft  la  méthode  d'Homère  , 
quand  il  décrit  des  combats  ou  des  batailles. 
Témoignages  des  écrivains  pofiérieurs  à 
Homère.  M.  Freret  qui  s'étoit  fait  un  prin- 
cipe confiant  de  foutenir  que  les  Grecs  & 
les  Troyens  au  temps  de  la  guerre  de  Troye 
ne  connoifîbient  que  l'ufage  des  chars  ,  & 
qu'on  ne  pouvoit  prouver  par  les  poèmes 
dTiomere  que  l'art    de    monter  à  cheval 
leur  fût  connu  ,  réeufe  conféquemment  à 
fon  fyftême  ,  les  témoignages  de  tous  les 
écrivains  pofU'rieurs  à  ce  poète  &  parti- 
culièrement tous  ceux  que  les  auteurs  La- 
tins fourniflent  contre  fon  opinion» 


E  QU 

«  Virgile  ,  dit-il,  &  les  poètes  latins ,  ' 
»  ont  été  moins  fcrupuleux  qu'Homère  , 
*  &  ils  n'ont  pas  fait  difficulté  de  donner 
«  de  !a  cavalerie  aux  Grecs  &  aux  Troyens; 
?>  mais  ces  poètes  poftérieurs  d'onze  ou 
«  douze  fiecles  aux  temps  héroïques ,  écri- 
n  voient  dans  un  fîecle  où  les  mœurs  des 
»  premiers  temps  n'étoient  pkis  connues 

»>  que  des   favans leur  exemple  , 

»  ajoute-t-il ,  ne  peut  avoir  aucune  auto- 
»  rite  lorfquiis  s'écartent  de  la  conduite 
»  d'Homère.  » 

Si  îe  témoignage  de  Virgile ,  poftérieur 
d'onze  ou  douze  fiecles  à  la  ruine  de  Troye , 
ne  peut  avoir  aucune  force  ,  pourquoi  M. 
Freret  veut-il  que  le  fien  poftérieur  de  trois 
mille  ans  foit  préféré  ?  Pourquoi  n'admet-il 
plutôt  celui  de  Pollux  auteur  Grec  ,  plus 
moderne  que  Virgile,  d'environ  deux  cents 
ans  ?  Quant  à  ce  qu'il  dit  que  les  mœurs 
des  premiers  temps  n'étoient  connues  que 
des  favans ,  ce  reproche  ne  convient  point 
à  Virgile  :  au  titre  H  juftement  acquis  de 
prince  des  poètes,  il  joignoit  celui  de /avant 
&  d'excellent  homme  de  lettres. 

De  plus ,  fon  Enéide  ,  qu'il  fut  douze 
ans  à  compofer  ,  eft  entièrement  faite  à 
l'imitation  d'Homère.  Virgile  ayant  pris 
ce  grand  poète  pour  modèle  ,  &  pour  fujet 
de  fon  poème  des  événemens  célèbres  qui 
touchoient ,  pour  ainfi  dire ,  à  ceux  qui 
font  chantés  dans  l'Iliade  ,  croira-t-on  qu'il 
ait  confondu  les  ufages  &  les  temps ,  & 
méprifé  le  fuffrage  des  favans ,  au  point  de 
faire  combattre  fes  héros  à  cheval  ,  s'il 
n'avoir  regardé  comme  un  fait  confiant 
que  Yequitarion  étoit  en  ufage  de  leur 
temps  ? 

Tout  ce  qu'on  peut  préfumer ,  c'eft  que 
Virgile  s'eft  abftenu  de  parler  de  chars 
aufïi  fréquemment  qu'Homère ,  pour  ren- 
dre fes  narrations  plus  int&effantes ,  & 
parce  que  les  Romains  n'en  faifoient  point 
ufage  dans  leus  armées.  Enfin  les  faits 
cités  par  les  auteurs  doivent  pafTer  pour 
incon  eftables  ,  quand  ils  font  appuyés  fur 
une  tradition  ancienne  ,  publique  &  conf- 
tante  :  tel  étoit  l' ufage  établi  depuis  un 
temps  immémorial  chez  les  Romains  ,  de 


E  Q  U  877 

nommer  les  exercices  à  cheval  de  leur  jeu- 
ne fie  ,  les  jeux  Troyens. 

Trojaqae  niinc  pueri,  Trojanum  dicitur 
agmen.  (En.  I.  V.  v.  6'oz.J  Virgile  n'in- 
vente rien  en  cet  endroit ,  il  fe  conforme 
à  l'hifloire  de  fon  pays ,  qui  rapportoit 
apparemment  l'origine  des  courfes  de  che- 
vaux dans  le  cirque  ,  au  defTein  d'imiter 
de  femblables  jeux  militaires  pratiqués  au- 
trefois par  les  Troyens  ,  &  dont  le  fou- 
venir  s'étoit  confervé  dans  les  anciennes- 
annales  du  latium.  Enée  faifoit  exercer  fes 
enfans  à  monter  à  cheval  :  Frcenatis  lucent 
in  equis.  (  Id.  v.  S 54-) 

C'eft  en  fuivant  les  plus  anciennes  tra- 
ditions grecques  ,  que  Virgile  (  Géogr. 
I.  III y  v.  n  5.  )  attribue  aux  Lapithes  de 
Péléthronium  l'invention  de  l'art  de  monter 
à  cheval.  Il  nous  apprend  dans  le  même 
endroit  ( Ib.  v.  izj-J  l'origine  des  chars 
qui  furent  inventés  par  Eriéthonius  ,  qua- 
trième roi  d'Athènes  (q)  depuis  Cécrops  ; 
&  ce  qui  fuppofe  nécessairement  que  Ye'qui- 
tation  étoit  connue  en  Grèce  avant  Eric- 
thonius  ,  c'eft  que  la  tradition  véritable  ou 
fabuleufe  de  ces  temps  -  là  rapporte  que  ce 
fut  pour  cacher  la  difformité  de  fes  jambes 
qui  étoient  tortues  ,  que  ce  prince  inventa 
les  chars. 

Hygin  qui ,  de  même  que  Virgile  ,  vi- 
voit  fous  le  règne  d'Augufte  ,  a  fait  de 
Bellérophcn  un  cavalier  (  Fable  2.7 3  ) ,  & 
dit  que  ce  prince  remporta  le  prix  de  la 
courfe  à  cheval  aux  jeux  funèbres  de  Pe- 
lias  ,  célébrés  après  le  retour  des  Argonau- 
tes :  mais  parce  qu'on  ignore  dans  quel 
poète  ancien  Hygin  a  puifé  ce  fait ,  M.  Fre- 
ret le  traite  impitoyablement  de  commen- 
tateur fans  goût  ,  fans  critique  ,  indigne 
qu'on  lui  ajoute  foi.  Il  en  dit  autant  de 
Pline  (  lib.  VII,  cap.  h'j.J,  qui ,  en  faifant 
l'énumération  de  ceux  auxquels  les  Grecs 
attribuoient  l'invention  de  quelque  art  ou 
de  quelque  coutume  >  ofe  ,  d'après  les 
Grecs ,  regarder  Bellérophon  comme  l'in- 
venteur de  V équitation  y  &  ajouter  que  les 
centaures  de  ThefTalie  combattirent  les  pre- 
miers à  cheval. 

Pour  réfuter  ce  qu'Hygin  dit  de  Belle- 


(,;)  Il  vr,oit  environ  1489  an;  avant  Jefus-Chrift.  Il  fuccéda  à  Àrnphiûion ,  &  inftkua  les  jeux  panaché* 
iques  en  l'honneur  de  Minerve. 


naïques 


878 


EQU 


E  Q  U 


rophon  ,  M.  Frerec  prétend  premièrement  ;  avoient  été  en  ufage  dès  le  temps  de  Tolym- 
...~   ci d.,„!\„Uc  r  r.L  is-T  \   i\™;*,;«„  !  „;^rt  A>ua^„]^    ~~„ :  _>~_  * ;  __ 


piade  d'Hercule ,  pourquoi  n'en  trouve-t-on 
aucun  exemple  jufqu'à  la  trente- troificme 
olympiade  de  Corœbus ,  céléhréfe  l'an  6$ 
(  t)  avant  J.  C.  jco  ans  après  les  jeux 
funèbres  de  Pelops ,  &  240  ans  après  le 
renouvellement  des  jeux  olympiques  par 
Iphitus  ?  Ce  raifonnement  ne  prouve  rien 
du  tout  :  car  on  pourront  avec  autant  de 
raifon  dire  à  M.  Freret:  vous  affinez  qu'au 
temps  d'Homère  l'art  de  ï'équuation  étoit 
porté  à  un  tel  degré  de  perfection  ,  qu'un 
feul  écuyer  conduifoir  à  toute  bride  quatre 
chevaux  à  la  lois  ,  s'élançant  avec  adrefîè 
de  l'un  à  l'autre  pendant  la  rapidité  de  leurs 
courfes  ;  .&  moi  je  dis  que  fî  cela  étoit 
vrai  ,  on  n'auroit  pas  attendu  près  de  trois 
cents  ans  depuis  Homère  ,  pour  mettre  les 
courfes  de  chevaux  au  nombre  des  fpecla- 
cles  publics. 

U  y  a  quelque  apparence  que  la  nou- 
veauté des  courfes  de  chars  fut  la  eau  le 
qu'on  abandonna  les  autres  pendant  long- 
temps ,  &  qu'on  n'y  revint  qu'après  plu-, 
fleurs  fiecles  :  il  falloir  en  effet  bien  plus' 
d'art  &  de  dextérité  pour  conduire  dans 
la  carrière  un  char  attelé  de  plufieurs  che- 
vaux ,  que  pour  manier  un  feul  cheval. 
Qu'on  en  juge  par  le  difeours  de  Neftor 
àÀntiloque  fon  fils  (  Iliad.  I  XXIII.} 

La  fable  &  Homère  après  elle ,  ont  parié 
du  cheval  d'Adralte  :  ce  poète  le  nomme 
le  divin  Arion;  il  avoit  eu  pour  maitte 
Hercule  ;  ce  fut  étant  monté  fur  Arion 
(  Pauf.  II.  vol.  p.  î8i  ,  )  que  ce  héros 
gagna  des  batailles ,  &  qu'il  évita  la  mort. 
Après  avoir  pris  Augias  roi  d'Elis ,  &  après 
la  guerre  de  Thebes  antérieure  à  celle  de 
Troye,  il  donna  ce  cheval  à  Adrafîe.  Comme 
on  voie,  dans  prefque  tous  les  auteurs  qui  en 
ont  parié  ,  ce  rapide  couriier  toujours  feul , 

(r)  Ces  jeux,  dit  M.  Freret,  font  poflérieurs  de  quelques  années  à  ceux  de  Pélias,  &  c'eft  ce  que  l'on 
nomme  V olympiade  d'Hercule ,  qui  combattit  à  ces  jeux,  &  qui  en  régla  la  forme  foixante  ans  avant  la 
guerre  de  Troye. 

(  s  )  M,  Freret  cite  en  preuve  la  première  olympionique  de  Pindare  ,  où  à  propos  de  la  victoire  remportée 
par  Hiéron  à  la  courfe  des  chevaux,  ce  poète  rapporte  l'hiftoire  de  Pelops,  vainqueur  à  la  courfe  des 
chars.  iMais  du  temps  d'Hiéron,  à  celui  où  l'on  introduisit  aux  jeux  olympiques  les  courfes  des  chevaux  , 
il  y  a  cent  foixante  ans  d'intervalle  :  les  exemples  anciens  ne  pouvoient  donc  pas  manquer  à  Pindare  ,  s'il 
avoit  eu  deffein  d'en  rapporter. 

(*)  Ce  calcul  de  M.  Freret  n'eft  ni  le  plus  exact ,  ni  le  plus  fuivi.  L?s  plus  favans  chrcnologiftes  rap- 
portent l'olympiade  de  Corœbus  à  l'an  776  avant  Jefus-Chrift.  L'époque  de  la  fondation  de  Rome  ,  liée  avec 
cette  olympiade,  femble  donner  à  ce  dernier  fentiment  toute  la  force  d'une  démonstration.  Il  fuit  delà  que 
les  courfes  de  chevaux  furent  admifes  au  nombre  des  fpectacles  des  jeux  olympiques,  cent  vingt-huit  ans 
pta:ôt  que  M.  Freret  ne  l'a  cru. 


que,  félon  Paufanias  ( Lib.  VI  )>  l'opinion 
commune  étoit  que  Glaucus  ,  père  de 
Belîerophon  ,  avoit  dans  les  jeux  funèbres 
de  Pelops  ,  difputé  le  prix  à  la  courfe  des 
chars  :  fecondement ,  que  ces  mêmes  jeux 
étoient  repréfentés  fur  un  très-ancien  coffre, 
dédié  par  les  Cypfélides  de  Corinthe,  & 
confervé  à  Olympie  au  temps  de  Paufa- 
nias (lib.  V) ,  &  qu'on  ne  yoyoit  dans  la 
repréfentation  de  ces  jeux ,  ni  Bellérophon  , 
ni  de  courfe  à  cheval.  On  peut  îacilement 
juger  de  la  foîiduéde  cette  réfutation. 

Le  témoignage  de  Paufanias  favorifant 
ici  l'opinion  de  M.  Freret,  il  s'en  rapporte 
aveuglément  à  lui  :  mais  il  doit  recon- 
noître  de  même  la  vérité  d'un  autre  pafiàge 
de  cet  auteur  ,  capable  de  renverier  fon 
fyftême. 

Paufanias  (lib.  V)  afTùre  que  Cafius  , 
Arcadien  ,  &  père  d'Atalante  ,  remporta  le 
prix  de  la  courfe  à  cheval  ,  aux  jeux  funè- 
bres de  Pelops  à  Olympie  (r).  Ce  fait  qui 
donneroit  aux  courfes  à  cheval  prefque  la 
même  ancienneté  que  celle  qu'on  trouve 
dans  Hygin  ,  M.  Freret  foutient  qu'il  n'eft 
fondé  que  fur  une  tradition  peu  ancienne  : 
Pindare ,  dit-il  ,  n'en  a  pas  fait  ufage  lorf- 
qu'il  a  célébré  des  victoires  remportées 
dans  les  courfes  de  chevaux.  «  Dans  ces 
i)  occafions ,  ajoute-t-il ,  l'hiftoire  ancienne 
»  ne  lui  fournifTant  aucun  exemple  de  ces 
»  courfes,  il  a  recours  aux  aventures  des 
»  héros  qui  fe  font  diftingués  dans  les 
»  courfes  de  chars  (sj.  »  Mais  qui  ne  voit 
que  le  poète  a  voulu  varier  fes  deferiptions , 
en  faifant  de  ces  deux  fortes  de  courfes  un 
objet  de  comparaison  ,  capable  de  jeter 
plus  de  feu  ,  plus  de  brillant ,  plus  d'énergie 
dans  fes  odes  ? 

Si  ces  courfes  à  cheval  ,  dit  M.  Freret , 


E  Q  U 

on  en  a  conclu  avec  afîez  de  vraifemblance, 
que  c'étoit  un  cheval  de  monture  :  mais 
M.  Frerec  lui  trouve  un  fécond  qu'on 
nommoit  Cayros.  Voilà  un  fait.  Antima- 
que  Ça)  l'afiiire  ;  il  faut  l'en  croire  :  mais 
il  doit  aufti  fervir  d'autorité'  à  ceux  qui 
ne  penfent  pas  comme  M.  Freret.  Or  , 
Antimaque  dit  pofitivement  qu'Adrâfte  fuit 
en  deuil  monté  fur  fon  Arion.  On  a  donc 
eu  raifon  de  regarder  Arion    comme  un 


E  Q  U  S73 

car  il  ne  dit  pas  qu'ils  fuiTent  tons  fur  des 
chars  :  d'ailleurs  les  chefs ,  dans  les  temps 
héroïques,  combattant  pour  l'ordinaire  fur 
des  chars  ,  il  fe  pourroit  fort  bien  que  le 
fculpteur  ,  qui  ne  s'attachoit  qu'à  faire  con- 
noicre  ces  chefs  &  par  leur  portrait  &  par 
leur  nom ,  n'ait  repréfenté  qu'eux ,  pour 
ne  pas  jeter  trop  de  confulion  dans  fes 
bas -reliefs  en  y  ajoutant  un  grand  nombre 
de  figures  d'hommes  à  cheval.  Cette  raifon 


cheval  accoutumé  à  être  monté  ,  fans  nier  '  eft  d'autant  plus  plaufible  ,  que  dans  !e 
toutefois  qu'il  n'ait  pu  être  quelquefois  !  temps  où  ce  coffre  a  été  fait ,  il  y  avoit  , 
employé  à  conduire  un  char.  Antimaque  j  de  l'aveu  de  M.  Freret,  au  moins  150  ans 
ajoute  qu'Adrâfte  fut  le  troifieme  qui  eut  j  que  Xéquitation  étoit  connue  des  Grecs, 
l'honneur  de  domter  Arion  :  c'eft  qu'il  j  Sur  le  mafïif  qui  foutenoit  la  ftatue 
avoit  appartenu  d'abord  à  Onéus  ,  qui  le  \  d'Apollon  dans  le  temple  d'Arayclé,  Caftor 
donna  à  Hercule.  Tout  cela  ne  prouve-t-il  |  &    Pollux    étoient    repréfentés  à    cheval 

(Pauf.  /.  III),  de  même  que  leurs  fils 
Anaxias  &  Mnafinoiïs.  Paufanias  rapporte 


pas  en  faveur  de  Véquitation  de  temps  an- 
térieurs à  la  guerre  de  Troye  ? 

Monumens  anciens.  M.    Freret  fuit  la  j  encore  qu'on   voyoit  à  Argos  (lib.  II.  j 
même  marche  dans  l'examen  des  monu-  \  dans  le  temple  des  Diofcures  ,  les  ftatues 


mens  anciens.  Ceux  où  il  n'a  point  vu  de 
chevaux  de  monture  ,  méritent  feuls  quel- 
que croyance  ,  ils  font  autant  de  preuves 
pofitives  :  les  autres  font  ou  factices  ,  ou 
modernes  ,  on  ne  doit  point  y  ajouter 
foi. 

(  Paufan.  /.  V.  )  Le  coffre  des  Cypfélides 
dont  il  a  déjà  été  parlé  ,  eft  ,    félon   cet 


de  Caftor  &  Pollux  ,  celles  de  Phœbe  & 
Haïra  leurs  femmes  ,  &  celles  de  leurs  fils 
Anaxias  &  Mnafinoiïs ,  &  que  ces  ftatues 
étoient  d'ébene ,  à  l'exception  de  quelques 
parties  des  chevaux.  Il  y  avoit  à  Olympie 
(  Paufan.  /.  V.  )  un  grouppe  de  deux 
figures  repréfentant  le  combat  d'Hercule 
contre  une  amazone  à  cheval  ;  les  mêmes 


académicien  ,  un  monument  du  huitième  1  Caftor  &  Pollux  étoient  repréfentés  à 
fiecfe  avant  J.  C.  On  y  voyoit  repréfentés  '  Athènes  debout  ,  &  leurs  fils  à  cheval. 
les  événemcns  les  plus  célèbres  de  l'hiftoire  j  (  Pauf.  /.  II.  ) 


des  temps  héroïques ,  la  célébration  des 
jeux  funèbres  de  Pelias ,  plufieurs  expédi- 
tions militaires  ,  des  combats ,  &  même 
en  un  endroit  deux  armées  en  préfence  : 
dans  toutes  ces  occafions ,  les  principaux 
héros  étoient  montés  fur  des  chars  à  deux 
ou  à  quatre  chevaux  ,  mais  on  n'y  voyoit 
point  de  cavaliers  ;  doit-on  conclure  qu'il 
n'y  en  avoit  point  ,  de  ce  que  Paufanias 
n'en  parle  pas  ?  mais  fon  filence  ne  prouve 
rien  ici  :  au  contraire  ,  l'exprefîion  qu'il 
emploie  donneroit  lieu  de  croire  qu'il  y  en 
avoit.  En  décrivant  deux  armées  repréfen- 
tées  fur  r?  coffre ,  il  dit  que  l'on  y  voyoit 
des  cavaliers  montés  fur  des  chars  (  Pauf. 
/.  V.)  Ce  n'eft  point  là  affirmer  qu'il  n'y 
en  avoit  point  de  montés  fur  des  chevaux  r 


M.  Freret  qui  rapporte  tous  ces  monu- 
mens ,  &  quelques  autres  d'après  Paufa- 
nias ,  étale  une  érudition  immenfe  pour 
montrer  que  les  plus  anciens  font  pofté- 
rieurs  à  rétabliftèment  de  la  courfe  des 
chevaux  aux  jeux  olympiques.  Quand  on 
en  conviendroit  avec  lui  ,  on  n  en  feroic 
pas  moins  autorifé  à  croire  que  la  plupart 
de  ces  monumens  n'ont  été  faits  que  pour 
en  remplacer  d'autres  que  la  longueur  du 
temps  ou  les  fureurs  de  la  guerre  avoient 
détruits  ;  &  que  les  fculpteurs  fe  font  exac- 
tement conformés  à  la  manière  difiinâive 
dont  les  héros  avoient  été  repréfentés  dans 
les  anciens  monumens ,  de  même  qu'à  ce 
que  la  tradition  en  rapportoit.  La  pratique 
confiante  de  toutes  les  nations  &  de  tous 


(a )  Auteur  d'un  poëme  de  la  Thébaïde  ;  il  vivoit  du  temps  de  Socrate.  Quintilien  dit  qu'en- lui  donnait  le 
fécond  ran»  après-  Homère  »  Adrien  le  mettoit  au,  deffus  d'Homère  même» 


8So  E  Q  U 

les  temps ,  donne  à  cette  conjecture  beau- 
coup de  vraifemblançe. 

Quoique  tous  les  monumens  de  la  Grèce 
fe  fuient  accordés  à  repréfenter  les  Tynda- 
rides  (x)  à  cheval  ;  quoiqu'un  fait  remar- 
quable ,  arrive  pendant  la  troifieme  guerre 
de  Meffene  (y  )  ,  prouve  manifeftement 
l'accord  de  la  tradition  avec  les  fculpteurs  ; 
quoique  cette  tradition  ait  pénétré  jufqu'en 
Italie  ,  &  quoiqu'Homere  lui-même  en  ait 
dit ,  M.  Freret  ne  peut  fe  réfoudre  à  croire 
que  Caftor  &  Polîux  aient  jamais  fu  mon- 
ter à  cheval  :  il  veut  abfolument  que  ces 
deux  héros  &  même  Bellérophon  ,  ne  fuf- 
fent  que  d'habiles  pilotes  ,  &  leurs  che- 
vaux ,  comme  celui  qui  accompagnoit  les 
ftatues  de  Neptune ,  un  emblème  de  la 
navigation. 

M.  Freret  revient  au  récit  de  Paufanias 
fur  l'Arcadien  Iaflîus ,  vainqueur  dans  une 
courfe  de  chevaux  ,  &  cela  à  l'occafion 
d'un  monument  qui  autorifoit  cette  tradi- 
tion :  c'étoit  (  Pauf.  liv.  VIII.  )  une  ftatue 
pofée  fur  l'une  des  deux  colonnes  qu'on 
voyoit  dans  la  place  publique  de  Tégée  , 
vis-à-vis  le  temple  de  Vénus.  Les  paroles  (\) 
du  texte  de  Paufanias  l'ont  fait  regarder 
comme  une  ftatue  équeftre  ;  mais  le  fa- 
vant  académicien  veut  qu'elles  figniflent 
feulement  que  cette  ftatue  a  un  cheval 
auprès  d'elle  ,  &  tient  de  la  main  droite 
une  branche  de  palmier  :  d'où  il  conclut 
qu'elle  ne  prouve  point  en  faveur  de  Ye'qui- 
tation  y  &  qu'on  l'érigea  en  l'honneur  de 
Iafîîus  ,  parce  qu'il  avoit  peut-être  trouvé 
le  fecret  d'élever  des  chevaux  en  Arcadie, 
pays  froid  ,  montagneux  ;  où  les  races  des 
chevaux  tranfportés  par  mer  des  côtes 
d'Afrique ,  avoient  peine  à  fubfïfter.  Quand 
une  telle  fuppofîtion  auroit  lieu  ,  pourroit- 


E  Q  U 

on  s'imaginer  que  cet  Iaftîus  ,  qui  auroit 
tiré  des  chevaux  d'Afrique  ,  où  Véquuation 
étoit  connue  de  tout  temps  ,  eût  ignoré 
lui-même  l'art  de  les  monter,  &  ne  s'en 
fût  fervi  qu'à  traîner  des  chars  ? 

Fable  des  antaures.  La  fable  des  cen- 
taures» que  les  poètes  &  les  mythologiftes 
ont  tous  représentés  comme  des  mon  lires 
à  quatre  pies ,  moitié  hommes  ,  moitié 
chevaux  ,  avoit  toujours  été  alléguée  en 
preuve  de  l'ancienneté  de  Véquitation. 
Toutes  les  manières  dont  on  raconte  leur 
origine  ,  malgré  la  variété  des  circonftan- 
ces  ,  concouraient  néanmoins  à  ce  but. 
«  Selon  quelques-uns  (Diodore ,  liv.  IV.) , 
»  Ixion  ayant  embrafTé  une  nuée  qui  avoit 
»  la  refîemblance  de  Junon  ,  engendra  les 
»  centaures  qui  étoient  de  nature  humaine  : 
»  mais  ceux  -  ci  s'érant  mêlés  avec  des 
»  cavales  ,  ils  engendrèrent  les  hyppocen- 
«  taures ,  monftres  qui  tenoient  en  même 
>•>  temps  de  la  nature  de  l'homme  &  de 
»  celle  du  cheval.  D'autres  ont  dit  qu'on 
?>  donna  aux  centaures  le  nom  tfhïppo- 
»  centaures  }  parce  qu'ils  ont  été  les  pre- 
»  miers  qui  aient  fu  monter  à  cheval  ;  & 
»  que  c'eft  delà  que  provient  Terreur  de 
»  ceux  qui  ont  cru  qu'ils  étoient  moitié 
m  hommes  ,  moitié  chevaux.   » 

Il  eft  dit  (  Diodore  ,  ib.  )  dans  le  récit 
du  combat  qu'Hercule  foutint  contre  eux  , 
que  la  mère  des  dieux  les  avoit  doués  de 
la  force  &  de  la  vîteffe  des  chevaux  ,  aufîi- 
bien  que  de  l'efprit  &  de  l'expérience  des 
hommes.  Ce  centaure  Neffùs ,  qui  moyen- 
nant un  certain  falaire  ,  tranfportoit  d'un 
côté  à  l'autre  du  fleuve  Evénus  ceux  qui 
vouloient  le  traverfer  ,  &  qui  rendit  le 
même  fervice  à  Déjanire,  n'étoit  vraifem- 
bîablement   qu'un  homme    à    cheval  ;  on 


(*)  Les  Romains  repréfentotent les  Tyndarides  à  cheval.  Denys  d'Halicarnaffe ,  liv.  VI,  dit  que  le  jour 
de  la  bataille  du  lac  Rhegille ,  l'an  de  Rome  258  &  494  avant  Jefus  Chrift,  on  avoit  vu  deux  jeunes  hommes 
à  cheval  d'une  taille  plus  qu'humaine  qui  chargèrent  à  la  tête  des  Romains  la  cavalerie  Latine ,  Se  la  mirent 
en  déroute.  Le  même  jour  ils  furent  vus  à  Rome  dans  la  place  publique  ,  annoncèrent  la  nouvelle  de  la  vic- 
toire ,  &  difparurent  auffi-tôt. 

(_y)  Pendant  que  les  Lacédémoniens  célébroient  la  fête  des  diofeurcs,  deux  jeunes  Mefleniens,  revêtus 
de  cafaques  de  pourpre  ,  la  tête  couverte  de  toques  femblables  à  celles  que  l'on  donnoit  à  ces  dieux,  & 
montés  fur  les  plus  beaux  chevaux  qu'ils  purent  trouver  ,  fe  rendirent  au  lieu  où  les  Lacédémoniens  étoient 
affemblés  pour  le  facrifice.  On  les  prit  d'abord  pour  les  dieux  mêmes  dont  on  célébroit  la  fête,  &  l'on  fe 
profterna  devant  eux  :  mais  les  deux  MefTéniens  profitant  de  l'erreur,  fe  jetèrent  au  milieu  des  Lacédémo* 
niens  ,  &  en  blefferent  piulîeurs  à  coups  de  lances.  Cette  ailion  fut  regardée  comme  un  véritable  facrilege  , 
parce  que  les  Mefféniens  adoroient  auffi  les  diofeures.  Paufanias,  liv.  IV. 

ne 


E  Q  U 

fie  fauroit  le  prendre  pour  un  batelier  , 
qu'en  lui  fuppofant  un  efquif  extrêmement 
petit  ,  puifqu  il  n'auroit  pu  y  faire  palier 
qu'une  feule  perfonne  avec  lui  (a). 

Prefque  tous  les  monumens  anciens  ont 
dépeint  les  centaures  avec  un  corps  humain , 
porté  fur  quatre  pies  de  cheval.  Paufanias 
Cl.  V.)  allure  cependant  que  le  centaure 
Chiron  étoit  repréfenté  fur  le  coffre  des 
Cypfélides  ,  comme  un  homme  porté  fur 
deux  pies  humains  ,  &  aux  reins  duquel 
on  auroit  attaché  la  croupe  ,  les  flancs  & 
les  jambes  de  derrière  d'un  cheval. M.  Freret, 
que  cette  repréfentation  met  à  l'aife  ,  ne 
manque  pas  de  l'adopter  aulîi-tôt  comme 
la  feule  véritable  ;  &  il  en  conclut  qu'elle 
déligne  moins  un  homme  qui  montoit  des 
chevaux  ,  qu'un  homme  qui  en  élevoit. 
Croyant  par  cette  réponfe  avoir  pleinement 
fatisfait  à  la  queftion  ,  il  fe  jette  dans  un 
long  dérail  aftronomique  ,  pour  trouver 
entré  la  figure  que  forment  dans  le  ciel  les 
étoiles  de  la  conftellation  du  centaure  ,  & 
la  figure  du  centaure  Chiron  que  l'on  voyoït 
fur  le  conve  des  Cypfélides  ,  une  relfem- 
blance  parfaite  ;  &  il  finie  cet  article  en  di- 
fant  que  les  différentes  repréfentations  des 
centaures  n'avoient  aucun  rapport  à  Xéqui- 
tacion. 

Une  femblable  alfertion  ne  peut  rien 
prouver  contre  l'ancienneté  de  l'art  de  mon- 
ter à  cheval ,  qu'autant  qu'on  s'eft  fait  un 
principe  de  n'en  pas  admettre  Pexiftençe 
avant  un  certain  temps.  M.  Freret ,  à  qui  la 
foiblelfe  de  fon  raifonnement  ne  pouvoit 
être  inconnue  ,  a  cru  lui  donner  plus  de 
force  en  jetant  des  nuages  fur  l'ancienneté 
de  la  fiction  des  centaures  ;  il  a  donc  pré- 
tendu qu'elle  étoit  poflérieure  à  Héfiode 
&  à  Homère  ,  &  qu'on  n'en  découvrait 
aucune  trace  dans  c^s  poètes. 

Mais  il  n'y  aura  plus  ri.n  qu'on  ne  puilîe 
nier  ou  rendre  problématique  ,  quand  on 
détournera  de  leur  véritable  fens  ,  les  ex- 
prelTions  les  plus  claires  d'un  auteur.  Homère 
Clliad.  1. 1  &  II.)  appelle  les  centaures  des 
mon/Ires  couverts  de  poil,  Qkp*s  x*K*naUs 
<fn,pri»  opTxaun  ;  cette  exprelîion  qui  pa- 
role d'une  manière  lî  précife  fe  rapporter  à 


Ë  Q  U  88i 

l'idée  que  l'on  fe  formoit  du  temps  de  ce 
poète  ,  fur  la  foi  de  la  tradition  ,  de  ces 
êtres  fantaltiques  ,  M.  Freret  veut  qu'elle 
défigne  feulement  lagrofliéretê'  &  la  férocité 
de  ces  montagnards. 

Enfin,  quoique  ces  peuples  demeurafTent 
dans  la  TnelTalie  ,  province  qui  a  fourni  la 
première  &  la  meilleure  cavalerie  de  la 
Grèce,  plutôt  que  de  trouver  dans  ce  qu'on 
a  dit  d'eux  le  moindre  rapport  avec  Vequi- 
tation  ou  avec  fart  de  conduire  des  chars  ; 
M.  Freret  aimerait  mieux  croire  qu'ils  ne 
furent  jamais  faire  aucun  ufage  des  chevaux , 
pas  même  pour  les  atteler  à  des  chars  \  il 
fe  fonde  fur  ce  que  dans  l'Iliade  les  meil- 
leurs chevaux  de  l'armée  des  Grecs  étoient 
ceux  d'Achille  &c.  d'iïumelus,  filsd'Admete , 
qui  régnoient  fur  le  canton  de  la  ThelFalie 
le  plus  éloigné  delà  demeure  des  centaures. 
Un  pareil  raifonnement  n'a  pas  befoin  d*être 
réfuté. 

Conjectures  de  M.  Freret.  Le  quatrième 
&  dernier  article  de  la  favante  dilfertatioa 
de  M.  Freret  contient  (es  conjectures  fur 
l'époque  de  Xéquitation  dans  l'Aile  mineure 
&  dans  la  Grèce  ;  elles  fe  réduifent  à  écablir 
que  fart  de  monter  à  cheval  n'a  été  connu 
dans  l'Afie  mineure  que  par  le  moy.n  des 
différentes  incurfions  que  les  Trérons  &  les 
Cimmériens  y  firent ,  &  dont  les  plus  an- 
ciennes étoient  poftérieures  de  150  ans  à 
la  guerre  de  Troye  ,  &  de  quelques  années 
feulement ,  fuivant  Strabon  ,  à  l'arrivée  des 
colonies  Eoliennes  &  Ioniennes  dans  ce 
pays.  Quant  à  la  Grèce  Européenne  ,  il  ne 
veut  pas  que  Xéquitation  y  ait  précédé  de 
beaucoup  la  première  guerre  de  Meflene  , 
parce  que  Paufanias  dit  que  les  peuples  du 
Péloponnefe  étoient  alors  peu  habiles  "dans 
l'art  de  monter  à  cheval.  M.  Freret  penfe 
encore  que  la  Macédoine  eft  le  pays  de  la 
Grèce  où  l'ufage  de  la  cavalerie  a  commen- 
cé ;  qu'il  a  palTé  delà  dans  la  Thelîàlie  , 
d'où  il  s'eft  répandu  dans  le  relie  de  la 
Grèce  méridionale. 

Ainfi  l'on  voit  premiérementque  M.Freret 
ne  s'attache  ni  à  déduire  ni  à  discuter  les 
faits  conllans  que  nous  avons  cités  de  Sé- 
foftris  ,  des  Scolothes  ou  Scythes ,   &  des 


(«)  Dcjanire  étoit  avec  Hercule  &  Hyllus  fon  fils,. 
Tome  XII. 


Ttttï 


88i  E.QV 

Amazones.Il  eft  vrai  qu'il  nie  que  ces  femmes 
guerrières  aient  jamais  combattu  à  cheval  , 
parce  qu'Homère  ne  le  dit  pas  ;  car  le  fi- 
lence  d'Homère  eft  par- tout  une  démonf- 
tration  évidente  pour  lui  ,  quoiqu'il  ne 
veuille  pas  s'en  rapporter  aux  exprefïions 
pofitives  de  ce  poe_e  :  mais  cette  afîèrrion 
gratuite  &  combattue  par  le  témoignage 
unanime  des  hiftoriens ,  ne  fauroit  détruire 
les  probabilités  que  l'on  tire  en  faveur  de 
l'ancienneté  de  Vequitation  chez  les  Grecs  , 
des  conquêtes  des  Scythes  &  des  Egyptiens , 
&  des  colonies  que  ceux-ci  &  les  Phéniciens 
ont  fondées  dans  la  Grèce  plufieurs  fiecles 
avant  la  guerre  de  Troye. 

Secondement ,  fixer  feulement  l'époque 
de  Vequitation  dans  la  Grèce  Européenne 
vers  le  temps  de  la  première  guerre  de 
MefTene ,  c'eft  contredire  formellement  Xé- 
nophon  (derep.Lacedxm.)  ,  qui  attribue  à 
Lycurgue  les  réglemens  militaires  de  Sparte, 
tant  par  rapport  à  l'infanterie  pefamment 
armée  ,  que  par  rapport  au-x  cavaliers  ;  dire 
que  ceux-ci  n'ont  jamais  fervi  à  cheval  ,  & 
dériver  leur  dénomination  du  temps  où  elle 
défignoit  auffi  ceux  qui  combattoient  fur 
des  chars,  c'eft  éluder  la  difficulté  &  fup- 
pofer  ce  qui  eft  en  queftion.  Ces  cavaliers  , 
dit  Xénophon  ,  étoient  choifis  par  des  ma- 
giftrats  nommés  hippagiritee  >  ab  equitatu 
congregando  ;  ce  qui  prouve  une  connoif- 
fance  &  un  ufage  antérieurs  de  la  cavalerie. 
Cet  établifTement  de  Lycurgue  ,  tout  fage 
qu'il  étok  ,  fbufTrit  enfuite  diverfes  altéra- 
tions ;  mais  il  ne  fut  jamais  entièrement 
aboli.  Les  hommes  choifis,  qui,  fuivant  l'in- 
tention du  législateur  ,  avoient  été  deftinés 
pour  combattre  à  cheval  ,  s'en  difpenferent 
peu  à  peu ,  &  ne  fe  chargèrent  plus  que 
du  foin  de  nourrir  des  chevaux  durant  la 
paix  ,  qu'ils  confioient  pendant  la  guerre  (h) 
à  tout  ce  qu'il  y  avoit  à  Sparte  d'hommes 
peu  vigoureux  &  peu  braves.  M.  Freret 
confond  en  cet  endroit  Tordre  des  temps. 


e  q  u 

A  la  bataille  de  Leuâres ,  dit-il ,  la  cavalerie 
Lacédémonienne  étoit  encore  très-mauvaifè, 
|  félon  Xénophon  ;  elle  ne  commença  à  de- 
venir bonne  qu'après  avoir  été  mêlée  avec 
I  la  cavalerie  étrangère  ;  ce  qui  arriva  au  temps 
I  d'Agéfilaùs  :  ce  prince  étant  paffé  dans  l'Afie 
!  mineure  ,  leva  parmi  les  Grecs  Afiatiqucs 
\  un  corps  de  1500  chevaux,  avec  Iefquels 
il  repafïà  dans  la  Grèce  ,  &  qui  rendit  de 
|  grands  fervices  aux  Lacédémoniens. 

Agéfiîaùs  avoit  fait  tout  cela  avant  la  ba- 
taille de  Leucrres.  La  fuite  des  éve-nemens 
eft  totalement  intervertie  dans  ces  réflexions 
de  M.  Freret.  Il  fuit  de  cette  explication  , 
qu'encore  que  les  cavaliers  Spartiates  n'aient 
pas  toujours  combattu  à  cheval  ,  il  ne  laif- 
foit  pas  d'y  avoir  toujours  de  la  cavalerie  à 
Sparte  ,  mais  à  la  vérité  très-mauvaife  :  on 
le  voit  fur-tout  dans  Phiftoire  des  guerres 
kde  MefTene.  Paufanias ,  Vv.  IV. 

II  eft  à  propos  de  remarquer  que  Strabon  , 
fur  lequel  M.  Freret  s'appuie  en  cet  endroit , 
prouve  contre  lui.  Lorfque  cet  auteur  dit 
(  Strabon  ,  /.  X.  )  que  les  hommes  choifis  , 
que  Fon  nommoit  à  Sparte  les  cavaliers  3 
fervoient  à  pié  ;  il  ajoute  qu'ils  le  faifoient 
à  la  différence  de  ceux  de  l'ifîe  de  Crète  : 
ces  derniers  combattoient  donc  à  cheval. 
Or ,  Lycurgue  avoit  puifé  dans  l'iOe  de 
Crète  la  plupart  de  fes  loix  ;  parconféquent 
l'ufage  de  là  cavalerie  avoit  précédé  dans  la 
Grèce  le  temps  où  ce  Iégiflateur  a  vécu. 

S'il  eft  vrai  qu'au  commencement  des 
guerres  de  MefTene  les  peuples  du  Péio- 
ponnefe  fuiTent  très-peu  habiles  dans  l'art 
de  monter  a  cheval  (c) ,  il  l'eft  encore  da- 
vantage qu'ils  ne  fe  fervoient  point  de  chars  ; 
on  n'en  voit  pas  un  feul  dans  leurs  armées, 
quoiqu'il  y  eût  de  la  cavalerie.  Il  eft  bien 
fingulierque  ces  Grecs ,  qui ,  dans  les  temps 
héroïques  n'avoient  combattu  que  montés 
fur  des  chars  ,  qui  encore  alors  fe  faifoient 
gloire  de  remporter  dans  les  jeux  publics  le 
prix  à  Iacourfe  des  chars ,  aient  cefTé  néan- 


{b)  Equos  enim  locupleùores  alébant;  cjim  vtro  in  expeditionem  eundum  ejffit ,  veniebai  is  qui  dejignatut  trat ,  & 
equum  &  arma  .  .  .  qualiofumque  accipiebat ,  atqut  militabat.  Equis  inde  milites  corporibus  imbecilUs ,  animifquc 
languentes  imponebant.  Xénoph.  hift;  Grecq.  lib.  VI. 

(c)  L'état  de  foible<Te  où  fe  trouvoit  aJors  toute  la  Grèce  ,  en  général ,  étoit  une  fuite-  de  l'irruption  des 
Doriens  de  Theffalie ,  fous  la  conduite  des  Héraclides  i  cet  événement  ,  arrivé  un  fîecle  après  la  prife  de 
Troye,  jeta  la  Grèce  dans  un  état  de  barbarie  &  d'ignorance  à  peu  près  pareil,  dit  M.  Freret,  à  celui 
où  l'invafion  des  Normands  jeta  la  France  fur  la  fia  du  neuvième  fiecle.  Cela  eft  conforme  à  ce  que  rap-* 
porte  Thucydide,  Uv.  I;  il  fallut  plufieursfiedes  pour  mettre  les  Grecs  en  état  d'agir  avec  vigueur». 


EQU 

moins  tout  à  coup  d'en  faire  ufage  à  la 
guerre  ,  qu'on  n'en  voie  plus  dans  leurs 
armées ,  &  qu'ils  n'aient  commence  d'en 
avoir  que  plufieurs  fiecles  après  ,  lorfque 
les  généraux  d'Alexandre  fe  furent  partagé 
l'empire  que  ce  grand  prince  avoit  conquis 
fur  Darius. 

Une  chofe  étonnante  dans  le  fyftême  de 
M.  Freret ,  c'eft  qu'il  fuppofe  néce-flaire- 
ment  que  l'ufage  des  chars  a  écé  connu  des 
Grecs  avant  celui  âeYequication.  La  marche 
de  la  Nature  qui  nous  conduit  ordinaire- 
ment du  (impie  au  compofé  ,  fc  trouve  ici 
totalement  renverfée  ,  quoi  qu'en  ait  dit 
Lucrèce  dans  les  vers  fuivans  : 

Et  priùs  eft  rcpertum  in  tqui  confceniere  caftas , 
Et  moderarier  hune  fr&no  ,   dextrâque  vigere , 
Quàpi  hijugo  curru  belli  ttntarc  pericla, 

Lucr.  /.  V. 

Ce  poète  avoit  raifon  de  regarder  l'art 
de  conduire  un  char  attelé  de  plufieurs  che- 
vaux ,  comme  quelque  chofe  de  plus  com- 
biné ,  que  celui  de  monter  &  conduire  un 
feul  cheval.  Mais  M.  Freret  foutient  que 
cela  eft  faux  >  &  que  la  façon  la  plus  fimple 
&  la  plus  aifée  de  faire  ufage  des  chevaux, 
celle  par  où  l'on  a  dû  commencer  ,  a  été 
de  les  attacher  à  des  fardeaux  ,  &  de  les 
leur  faire  tirer  après  eux  :  «  par-là  ,  dit-il  , 
m  la  fougue  du  cheval  le  plus  impétueux  eft 
»  arrêtée  ,  ou  du  moins  diminuée. ...  Le 
»  traîneau  a  dû  être  la  plus  ancienne  de 
»  toutes  les  voitures  ;  ce  traîneau  ayant  été 
y)  pofé  enfuite  fur  des  rouleaux,  qui  font 
»  devenus  des  roues  lorfqu'on  les  a  atta- 
?y  chées  à  cette  machine  ,  s'éleva  peu  à  peu 
»  de  terre  ,  &  a  formé  des  chars  anciens  à 
»  deux  ou  à  quatre  roues.  Quelle  combi- 
»  naifon  ,  quelle  fuite  d'idées  il  faut  fup- 
m  pofer  dans  les  premiers  hommes  qui  fe 
»  font  fervis  du  cheval  !  Cet  animal  a  donc 
»  été  très-long-temps  inutile  à  l'homme  , 
»  s'il  a  fallu  ,  avant  qu'il  le  prît  à  fon  fer- 
»  vice  ,  qu'il  connût  l'art  de  faire  des  liens, 
»  de  façonner  le  bois,  d'en  conftruire  des 


EQU  883 

»  traîneaux.  Mais  pourquoi  n'a- 1- il  pu 
»  mettre  fur  le  dos  du  cheval  les  fardeaux 
»  qu'il  ne  pouvoir  porter  lui-même  ?  Ne 
»  diroit-on  pas  que  ie  cheval  a  la  férocité 
»  du  tigre  &  du  lion ,  &  qu'il  eft  le  plus 
»  difficile  des  animaux  ,  lui  qu'on  a  vu  fans 
»  bride  &  fans  mors  obéir  aveuglément  à 
»  la  voix  du  numide  ?  »  Mais  pour  com- 
battre un  raifonnement  auiïi  extraordinaire 
que  celui  de  M.  Freret ,  il  fuffic  d'en  ap- 
peller  à  l'expérience  connue  des  îiecles  paflés 
&  à  nos  ufages  préfens  :  on  ne  s'avife  d'at- 
teler les  chevaux  à  des  charrues ,  à  des  char- 
rettes ,  &c.   qu'après  qu'ils  ont  été  domtés  , 
montés,  &  accoutumés  avec  l'homme  ;  une 
méthode  contraire  mettroiten  danger  la  vie 
du   conducteur  &  celle  du   cheval.  Mais 
l'hiftoire  dépofe  encore  ici  contre  cet  aca- 
démicien :  par  le  petit  nombre  de  chars  que 
l'on  compte  dans  les  dénombremens  qui 
paroiflent  les  plus  exa&s  des  armées  ancien- 
nes ,  éV  la  grande  quantité  de  cavalerie  Çd)9 
il  eft  aifé  de  juger  que  celle-ci  a  nécefTaire- 
ment  précédé  l'ufage  des  chars.  Ce  n'eft  pas 
qu'on  ne  trouve  fouvent  les  chars  en  nombre 
égal  ,  &  même  fupérieur  à  celui  des  gens 
de  cheval  ;  mais  on  a  lieu  de  foupçonner 
qu'à  cet  égard  il  s'eft  gliffé  ,  de  la  part  des 
copiftes  ,  des  erreurs  dans  les  nombres.  On 
en  eft  bientôt  convaincu ,  quand  on  réfléchit 
fur  l'impoiTibilité  de  mettre  en  bataille  & 
de  faire   manœuvrer  des  vingt  ou  trente 
mille  chars  (e)  :  on  obferve  d'ailleurs ,  que 
bien-loin  de  trouver  dans  les  temps  mieux 
connus  cette    quantité    extraordinaire   de 
chars  ,  chez  les  peuples  mêmes  qui  en  ont 
toujours  fait  le  plus  grand  ufage  ,  on  en 
compte  à  peine  mille  dans  les  plus  formi- 
dables armées  qu'ils  aient  mis  fur  pied  (f). 
Pour  terminer  enfin  cet  article  ,  je  tire 
de  M.  Freret  même  une  preuve  invincible 
que  V equitation  a  dû  précéder  dans  la  Grèce 
j  l'ufage  des  chars. 

Selon  cet  auteur ,  les  chevaux  croient 
1  rares  en  ce  pays  :  on  n'y  en  avoit  jamais  vu 
I  de  fauvages ,  ils  avoienr  tous  été  amenés  de 
'  dehors.  Dans  les  anciens  poètes  ,  on  voit 


(<f)  Lors  du  paflage  de  la  mer  Rouge,  les  Egyptiens  avoient  fix  cents  chars  &  cinquante  mille  hommes 
de  cavalerie,  &  Salomon  fur  douze  mille  hommes  de  cavalerie  avoit  quatorze  cents  chars.  En  faifant  un 
calcul,  on  trouveroit  le  commandant  de  chaque  efeadron  fur  un  char. 

(<)  Guerre  des  Philiftins  contre  les  Ifraélites.  Jofeph,  liv.  VI,  ch.  vij. 

(f)  Voyt\  l'expédition  de  Xerxès ,  &  le  dénombrement  de  fon  armée  ,  &c. 

Ttttt  2. 


884  E.  Q  U 

que  les  chevaux  étoient  extrêmement  chers, 
&  que  tous  ceux  qui  avoient  quelque  célé- 
brité écoLnt  regardés  comme  un  préfent  de 
Neptune  ;  ce  qui  ,  dans  leur  langage  figuré  , 
fignifie  qu'ils  avoient  été  amenés  par  mer 
des  côtes  de  la  Lybie  &  de  l'Afrique. 

Cela  pofé ,.  eft- il  vraifembîable  que  quel- 
qu'un ait  rranfpoité  de  ces  pays  des  chevaux 
dans  la  Grèce ,  &  qu'il  n'ait  pas  enfeigné 
à  ceux  qui  les  achetoient  la  manière  la  plus 
prompte  ,  la  plus  utile  ,  la  plus  générale  de 
s'en  fervirHl  eft  incontefrab'.e  que  Véqui.a- 
tion  étoit  connue  en  Afrique  long- temps 
avant  la  guerre  de  Troye.  Par  quelle  raifon 
tes  marchands  en  vendant  leurs  chevaux  fort 
cher  aux  Grecs,  leur  auroient-ils  caché  l'art 
de  les  monter  ?  ou  pourquoi  les  Grecs  fe 
feroient-ils  chargés  de  chevaux  à  un  prix 
excefîif ,  fans  apprendre  les  différentes  ma- 
nières de  les  conduire  ,  de  les  manier ,  & 
d'en  faire  ufage  ? 

M.  Freret  devoit ,  pour  donner  à  fon  fyf- 
tême  un  air  de  vérité  ,  prouver  avant  toute 
autre  chofe  que  l'art  de  monter  à  cheval 
étoit  ignoré  dans  tous  les  lieux  d'où  les  Grecs 
ont  pu  tirer  leurs  premiers  chevaux.  Ne 
Payant  pas  fait,  fa  difïertation ,  malgré  toute 
Férudirion  qu'elle  renferme  ,  ne  pourra  ja- 
mais établir  fon  étrange  paradoxe  ,  &  il  de- 
meurera pour  confiant  que  V  équitation  2.  été 
pratiquée  par  les  Grecs  long-temps  avant 
le  fîege  de  Troye.  Cet  article  eft  de 
M.  D'AuTHriLLE \  y.  commandant  de 
bataillon. 
tÉQUITATION,  ÇMéd.)  'vxwiU,  't7r*rx<rix, 

equitatio  ,  l'a&ion  d'aller  à  cheval  (*). 


e  q  u 

On  a  reconnu  de  tout  temps  que  l'exer- 
cice du  corps  étoit  le  moyen  le  plus  fur  & 
le  plus  efficace  pour  conferverlafanré,  pour 
la  rétablir  lorfqu'elle  fe  trouve  altérée  & 
dérangée.  Chacun  fait  que  les  perfonnes  qui 
pafTent  leur  vie  dans  la  molleill  &  fans  faire 
aucun  exercice  ,  ne  jouiffent  jamais  d'une 
bonne  fanté  ,  &  qu'elles  font  fujettes  à  une 
infinité  de  maladies.  Leurs  fibres  font  foi- 
bles  &  relâchées  ,  leur  corps  s'engourdit  & 
devient  parefTeux.  Elles  commencent  à  per- 
dre l'appétit ,  parce  que  les  digeftions  fe 
font  mal  ;  leur  corps  grofîit  &  fe  charge 
d'une  mauvaife  graillé  ,  &  elles  font  bien- 
tôt dans  l'incapacité  de  vaquer  à  rien.  L'exer- 
cice au  contraire  augmente  les  forces  ;  la 
circulation  du  fang  &  de  toutes  les  humeurs 
fe  fait  mieux  &  avec  plus  d'uniformité  , 
les  fibres  prennent  de  la  force  &  de  l'élaf- 
ticité  ,  toutes  les  humeurs  reçoivent  une 
élaboration  plus  parfaite  ,  le  fluide  nerveux 
fe  fépare  en  plus  grande  quantité  dans  le 
cerveau  pour  fe  répandre  dans  les  nerfs  ,  & 
tous  les  mouvemens^  &  toutes  les  fondions 
du  corps  fe  font  avec  plus  de  force  & 
d'aifance. 

Mais  fi  l'exercice  en  général  produit  tous 
ces  avantages,  celui  du  cheval  a  une  grande 
prérogative  fur  tous  les  autres.  Il  guérit 
non  feulement  un  grand  nombre  de  ma- 
ladies,  mais  il  les  prévient  avant  qu'elles 
foient  formées. 

L'exercice  du  cheval  opère  ces  effets  fa- 
îutaires  fur  notre  corps ,  par  le  moyen  des 
fecoufîès  réitérées  qu'il  imprime  fur  les  fo- 
lides  ;  ce  qui   occafione  dans  le    fyftéme 


(  *  )  Le  mouvement  du  corps  que  procure  Yêqultatlon  lorsqu'elle 'eft  modérée,  peut  être  très-falutaire  ;  il 
caufe  de  douces  fecoufîès  dans  les  vifceres  de  la  poitrine  &  du  bas- ventre  •,  il  les  applique  &  les  prefîe  fans 
efforts  les  uns  contre  les  autres  ;  il  donne  occafîon  à  ce  que  l'on  change  d'air,  &  que  l'on  refpire  celui  de 
la  campagne;  il  fait  que  ce  fluide  pénètre  avec  plus  de  force  dans  la  poitrine  ;  il  difpofe  à  l'excrétion  des 
matières  fécales. 

Il  réfulte  de  tous  ces  effets  combinés  des  changemens  fii  avantageux,  dans  les  cas  où  Yéquitation  eft  faite  à 
propos,  qu'ils  font  prefque  incroyables.  Elle  convient  en  général  aux  perfonnes  d'un  tempérament  foible» 
délicat ,  dans  les  maladies  qui  produifent  de  grandes  diminutions  de  force  :  on  doit  obferver  qu'elle  ne  doit 
pas  avoir  lieu  pendant  que  l'eftomac  eft  plein  d'alimens  ,  mais  avant  le  repas  ,  ou  lorfque  la  digeftion  eft 
prefque  faite,  attendu  que  les  fecoufles  que  donne  le  cheval  ne  pourroient  que  caufer  des  tiraillemens 
douloureux  à  ce  vifcere  par  le  poids  des  matières  contenues. 

L'expérience  avoit  appris  à  Sydenham  à  faire  tant  de  cas  de  Yéquitation  ,  qu'il  la  croyoit  propre  à  guérir, 
fans  autre  fecours,  non  feulement  de  petites  infirmités,  mais  encore  des  maladies  défefpérées,  telles  que 
la  confomption,  la  phthifie  même  accompagnée  de  fucurs  nocturnes  &  de  diarrhée  colliquative,  ôc  il 
témoigne,  dans  fa  diifertation  épiftolaire ,  n'être  pas  moins  affuré  de  l'trricaciré  de  ce  fecours  dans  cette 
dernière  maladie ,  que  de  celle  du  mercure  dans  la  curation  de  la  vérole  ,  &  de  celle  du  quinquina  contre  les . 
fièvres  intermittentes  :  il  avertie  en  même  temps  qu'il  ne  faut  pas  que  ceux  qui  mettent  en  ufage  l' équitation  ». 
fefatiguent  tout  d'un  coup  par. une  courfe  trop  précipitée  i  mais  qu'ils  doivent  faire  cet  exercice  ,  d'abord. 


E  Q  U  E  QV  885 

vafculeux  une  action  &  une  réa&ion  fur    réfultenr  ,  la  circulation  du  fang  devient 


les  parois  des  vaifTeaux  ,  qui  augmentent  le 
mouvement  des  liqueurs  qu'ils  contiennent, 


plus  facile  dans  les  ramifications  de  la  veine- 
porte  &  dans  les  vifeeres  du  bas-ventre ,  où 


&  procurent  une  circulation  plus  libre  juf-  il  fe  fait  le  plus  fouvent  des  engorgemens  , 
que  dans  les  plus  petits  vaifTeaux  capillaires , 
&  entretiennent  un  jufte  équilibre  entre  les 
folides  &  les  liquides  ,  d'où  dépendent  uni- 
quement la  vie  &  la  fanté.D'ailleurs,  le  retour 
du  fang  pouffé  dans  les  extrémités  des  vaif- 
feaux  veineux  retourneroit  difficilement  au 
principe  du  mouvement ,  s'il  n'étoit 


cœur 

fécondé  par  l'action  &  la  force  des  mufcles 
que  l'exercict  en  général ,  mais  fur-tout  celui 
du  cheval  ,  favonfe.  La  circulation  deve- 
nant donc  par  ce  moyen  plus  facile  ,  plus 
prompte  ,  jufque  dans  les  plus  petits  vaif- 
Teaux ,  le  fang  &  la  lymphe  fe  trouvent  plus 
atténués  ,  mieux  préparés ,  &  acquièrent  en 
un  mot  une  plus  grande  perfection. 

Cet  exercice  facilite  fur-tout  la  circula- 
tion dans  les  parties  glanduleufes  de  tout 
le  corps  où  on  fait  qu'elle  ne  fe  fait  que  fort 
lentement ,  à  caufe  des  circonvolutions  des 
vaiiîèaux  &  du  défaut  de  leur  refîbrt.  La 
lymphe  d'ailleurs ,  qui  s'y  prépare  ,  eft 
d'une  nature  vifqueute  &  très  -  difpofée  à 
s'épaifîir  &  à  produire  des  engorgemens 
dans  ces  parties.  L 'equitation  développe  en- 
core ,  en  accélérant  l'action  des  folides  & 
le  mouvement  des  liquides,,  le  principe 
phlogiftique  du  fang  &  des  différentes  li- 
queurs ,  &  augmente  par  conféquent  le 
degré  de  chaleur  du  corps  ;  ce  qui  fait  que 
toutes  les  fonctions  fe  font  avec  plus  de 
facilité  &  d'abondance  ,  fur-tout  la  tranf- 
piration  dont  la  diminution  ou  la  fuppref- 
fion  occafîonent  une  infinité  de  maladies. 

L'exercice  dont  nous  parlons  eft  encore 
très-efficace  pour  faciliter  la  digeftion  des 
alimens ,  pour  débarrafTer  l'eftomac  des  ma- 
tières glaireufes  &  des  crudités  qui  font  la 
fuite  des  mauvaifes  digeftions.  L'action  que 
cet  exercice  opère  fur  le  diaphragme  &  fur 
les  mufcles  du  bas-ventre ,  facilite  l'entrée 
du  chyle  dans  les  veines  laétées  ,  &  confé- 
quemment  la  nutrition,  la tranfpiration ,  les 
digeftions  ,  la  fortie  des  excrémens  &  la 
fecrétion  de  tous  les  vifeeres  du  bas-ventre. 
Enfin  ,  un  des  principaux  avantages  qui  en 


des  ftafes  &  des  obftruchons ,  parce  que 
cette  veine  eft  destituée  de  pulfation  comme 
les  artères  ,  &  d'ailleurs  elle  n'a  point  de 
valvules  pour  empêcher  le  fang  de  técrogia- 
der  ;  ce  n'eft  que  par  le  moyen  de  l'action 
des  mufcles  du  bas-ventre  &  de  celui  du 
diaphragme  ,  que  le  fang  y  fait  fon  chemin. 

La  fituation  du  cavalier  donne  à  toutes 
les  parties  du  corps ,  &  fur-tout  aux  vifeeres 
du  bas-ventre  ,.  beaucoup  moins  de  gène 
que  l'exercice  du  chariot,  du  carroffe,  du 
traîneau  ,  &c.  &  la  circulation  du  fang  fe 
fait  auffi  avec  beaucoup  plus  d'aifance  ; 
d'ailleurs ,  l'air  libre  &  qui  change  conti- 
nuellement ,  que  refpire  un  cavalier ,  eft 
beaucoup  plus  falutaire  que  celui  d'un  car- 
roffe, fur-tout  s'il  eft  renfermé.  Cependant 
le  luxe  &  h  mollefïe  l'ont  prefque  fait  entiè- 
rement abandonner  de  nos  jours ,  fur-tout 
aux  dames,  auxquelles  fans  contredit  il  feroit 
encore  beaucoup  plus  falutaire  qu'aux  hom- 
mes. Les  maladies  nerveufes  auxquelles  elles 
font  fi  fujettes,  ne  peuvent  fouvent  fe  guérir 
que  par  cet  exercice.  Les  fecouftes  douces 
&  réitérées  qu'il  procure  &  qui  portent  prin- 
cipalement fur  la  poitrine  &  fur  les  vifeeres 
du  bas-venrre  ,  font  le  moyen  le  plus  fur 
pour  rétablir  le  ton  &  l'élafticité  des  fibres 
des  vaiiîèaux  &  des  nerfs ,  pour  défobftruer 
les  vifeeres  engorgés ,  pour  rendre  la  fluidité 
nécefîaire  aux  liquides;  en  un  mot,  pour 
rétablir  la  circulation  dans  cette  unifor- 
mité, fans  laquelle  on  ne  fauroit  jamais  jouir 
d'une  fan  té  ferme  &  durable. 

Nous  venons  de  voir  les  avantages  géné- 
raux que  V equitation  procure  ;  entrons  dans 
quelque  détail  fur  les  heureux  effets  de  cet 
exercice  ;  effets  les  plus  falutaires  &  les  plus 
marqués ,  &  fans  Iefquels  les  remèdes  les 
mieux  indiqués  &  les  mieux  appropriés  , 
font  le  plus  fouvent  fans  fuccès,  fi  on  n'y 
joint  l'ufàge  de  cet  exercice. 

Tous  les  médecins  conviennent  que  l'exer- 
cice du  cheval  eft  le  remède  le  plus  fur  ,  le 
plus  efficace  qu'on  puhTe  mettre  en  ufage 


fort  doucement  &  pendant  un  petit  efpace  de  temps,  enfuite  en  augmenter  peu  à  peu  !e  mouvement 
&  la  durée.  Il  rapporte  un  grand  nombre  d'exemples  de  très-belles  cures  qu'il  a  faites  par  ce  moyen»- 
Voyt\  la  diifertation  citée  ci- deflus  ,  parmi  les  œuvres  de  cet  auteur.  Voy.t\  Gymnastique,  (d) 


$$6  E  Q  U 

contre  la  phthifîe ,  lors  même  que  le  poumon 
<  ft  déjà  ulcéré ,  &  que  fans  ce  moyen  ,  tous 
les  autres  remèdes  font  le  plus  fouvent  fans 
effet.  Boerhaave  ,  Sydenham  ,  Hoffman 
l'ont  fur-tout  recommandé  comme  le  feul 
&  unique  remède  fur  lequel  on  puifTe  comp- 
ter ,  &  dont  on  puifïè  attendre  la  guérifon. 
Cet  exercice  efi  encore  très-utile  dans  la 
plupart  des  maladies  de  la  poitrine  ,  fur-tout 
dans  l'afthme  humoral  &  convulfif ,  dans 
les  toux  opiniâtres  ,  dans  la  palpitation  du 
cceur  ,  qui  vient  ou  de  l'épai'îiilèment  du 
fang  ,  ou  des  mouvemens  fpafmodiques 
des  nerfs  de  ce  vifcere.  On  a  même  des 
exemples  de  perfonnes  attaquées  d'abcès  au 
poumon  qui  ont  été  guéries  par  le  mouve- 
ment du  cheval  en  occalionant  l'ouverture 
&  Pexpulfion  de  l'abcès. 

C'eft  un  des  plus  grands  remèdes  dans 
les  maladies  des  vifceres  du  bas- ventre  , 
qui  font  la  fuite  d'un  fang  épais  &  gluti- 
neux  ,  qui  produit  des  ftafes  ,  des  obf- 
truclions  dans  le  foie ,  dans  la  rate  ,  dans 
le  méTentere  ,  dans  les  affections  hypocon- 
driaques ,  hyflériques  &  mélancoliques  ; 
&  c'eft  avec  raifon  que  Baglivi  &  les  pins 
grands  médecins  l'ont  regardé  comme  le 
plus  fur  &  le  plus  puiffant  remède  dans 
toutes  les  maladies  de  ce  genre. 

On  a  aufTi  fouvent  réufii  à  difîiper  les 
jauniiTes  les  plus  opiniâtres  ,  produites  par 
les  engorgemens  de  la  bile  dans  les  pores 
biliaires  ,  dans  le  conduit  hépatique  &  cif- 
tique ,  par  l'exercice  du  cheval.  Le  célèbre 
Frédéric  Hoffman  l'a  auili  très  -recom- 
mandé comme  un  remède  dont  il  ayoit 
vu  des  effets  merveilleux  dans  les  affections 
cachectiques  &  fcorbutiques.  J'ai  eu  occa- 
iion  plusieurs  fois  de  guérir  des  diarrhées 
habituelles  qui  duroient  depuis  plufteurs 
années  ,  &  qui  avoient  refaire  à  tous  les 
meilleurs  remèdes  ,  en  faifant  monter  les 
malades  à  cheval  matin  &  foir.  Enfin  ,  on 
doit  le  regarder  comme  un  des  meilleurs 
remèdes  dans  toutes  les  maladies ,  qui 
reconnoiffent  pour  caufe  la  foibleffe  du 
>  genre  nerveux  ,  qui  font  aujourd'hui  fi 
fréquentes. 

Mais  pour  retirer  de  l'exercice  du  che- 
val tous  les  avantages  dont  nous  venons 
de  faire  l'énumération  ,  on  doit  obferver 
avec  exactitude  les  règles  fuivantes.  i°.  On 


e  q  u 

doit  choifir  un  cheval  docile  ,  bien  drefTë', 
dont  les  mouvemens  ne  (oient  pas  rudes  6c 
fatigans  ,  &  fur  lequel  le  cavalier  foit  afïis 
à  fon  aife  ,  fans  avoir  les  jambes  ni  trop 
tendues  ni  trop  raccourcies  dans  l'étrier. 
2°.  On  doit  commencer  cet  exercice  par 
de  petites  promenades  qu'on  pourra  infen- 
fiblement  prolonger  chaque  jour  jufqu'à 
trois  ou  quatre  lieues  le  matin  ,  &  autant 
fur  le  foir  dans  les  maladies  invétérées  , 
opiniâtres  ,  hypocondriaques  ,  fcorbuti- 
ques ,  &  dans  les  affections  de  la  poitrine. 
Mais  on  doit  fur-tout  obferver  la  règle  que 
je  viens  de  prefcrire  ,  lorfque  la  maladie 
vient  d'un  fang  épais ,  &  qui  ne  peut  cir- 
culer qu'avec  beaucoup  de  peine  &  de 
lenteur  dans  les  petits  vaifîèaux  capillaires  ; 
car  fi  on  donnoit  un  mouvement  trop 
violent  &  trop  long  au  fang  avant  qu'il 
foit  atténué  ,  &  qu'il  ait  acquis  une  flui- 
dité fumfante  ,  ne  pouvant  faire  fon  che- 
min dans  les  petits  vaifîèaux  ,  il  feroit 
obligé  de  s'arrêter  &  de  rétrograder  dans 
les  gros  vaifîèaux  ;  ce  qui  produiroit  des 
douleurs  dans  les  membres  ,  &  une  lafîi- 
tude  générale  de  tout  le  corps  ,  &  dégoû- 
terait le  malade  de  cet  exercice  qu'il  croi- 
rait lui  être  nuifible.  C'eft  fur  -  tout  les 
hypocondriaques  que  cette  règle  regarde. 
3°.  On  ne  fauroit  prefcrire  au  jufte  le  de- 
gré d'aâion  &  de  fecouffe  qui  convient 
à  chaque  malade  :  cela  dépend  de  la  force  , 
du  tempérament,  de  l'âge  du  malade  ,  de 
l'habitude  de  monter  à  cheval  ,  &  de  mille 
autres  circonffances  fur  lefquelles  on  ne 
fauroit  donner  des  règles  précifes ,  &  c'eft 
fur  quoi  on  doit  confulter  fon  médecin  , 
&  fe  confulter  foi- même.  En  général  ,  les 
courfes  violentes  au  galop ,  trop  continuées, 
font  prefque  toujours  nuifibles  ,  elles  fati- 
guent la  poitrine  en  accélérant  trop  la  ref- 
piration  ,  elles  diminuent  la  tranfpiration 
infenfible  ;  &  l'expérience  nous  apprend 
que  les  couriers  à  cheval  ,  qui  font  ce 
métier  tous  les  jours  ,  meurent  la  plupart 
dans  la  fleur  de  leur  âge  ,  ou  du  moins 
ils  ne  parviennent  pas  à  un  âge  fort  avancé. 
4.0.  On  doit  prendre  cet  exercice  deux  fois 
le  jour  ,  le  matin  après  le  lever  du  foleil  & 
avant  les  grandes  chaleurs  ,  &  l'après  midi 
fur  les  cinq  à  fix  heures  avant  le  coucher 
du  foleil  ;  on  doit ,  dans  les  maladies  de 


E  Q  U 

poitrine ,  éviter  foigneufement^es'expofer 
au  ferein  du  foir  ,  à  la  fraîcheur  du  matin  , 
&  à  l'air  humide  &  pluvieux.  Il  faut 
auffi  éviter  de  monter  à  cheval  lorfque 
l'eftomac  eft  trop  chargé  d'alimens  ,  & 
avant  que  la  digeftion  foit  à  peu  près  faite  ; 
le  mouvement  du  cheval  la  trouble  ,  la 
dérange  ,  &  fait  entrer  des  fucs  grofliers 
&  mal  préparés  dans  le  fang  ,  qui  font  la 
caufe  d'une   infinité    de    maladies.    Cette 


E  Q  U  8S7 

Comme  l'exercice  du  cheval  donne  ordi- 
nairement beaucoup  d'appétit  ,  on  peut 
permettre  à  ceux  qui  en  font  ufage  ,  de 
manger  un  peu  plus  que  de  coutume  ; 
mais  il  faut  qu'ils  s'abftiennent  de  toute 
nourriture  groffiere ,  venteufe  &  indigefte  : 
ils  doivent  aufîi  obferver  avec  foin  de  ne 
pas  trop  charger  leur  eftomac  à  la  fois ,  & 
de  faire  plutôt  quatre  repas  par  jour ,  fur- 
tout  dans  les  climats  tempérés  &  froids , 


règle  fouffre  cependant  quelque  exception  ,  j  &  cette  règle  regarde  fur-tout  les  jeunes 


car  il  y  a  des  tcmpéramens  ,  &  fui -tout' 
les   bilieux  ,    qui   ne    peuvent    fupporter 
aucun  exercice  violent  ,  &  fur-tout  celui 
du  cheval  ,  lorfque  leur  eftomac  eft  entiè- 
rement vuide  ;  les  perfonnes  qui  font  dans 
ce  cas  ,  doivent  prendre  un  bouillon  ou 
quelque  nourriture  légère  &  de  facile  di- 
geftion  avant   que  de  monter   à  cheval. 
50.  Les  hypocondriaques  &  les  perfonnes 
qui  font  fujettes  aux   vents  ,  feront  bien 
de  porter  une  ceinture  qui  foutienne  les 
mufcles  du   bas  -  ventre   &  qui  empêche 
que  les  vents  ne  procurent  trop  de  dilata- 
tion aux  inteftins  ,  fur-tout  s'ils  font  d'un 
tempérament  foible  &  délicat.    6°.  Quoi- 
que cet  exercice  foit  utile  &  quelquefois 
néceffaire  en  tout  temps ,  il  convient  gé- 
néralement  mieux  dans    le  printemps  & 
dans  l'automne  ,   &  on  doit ,   autant  qu'il 
eft  pofîible  ,   choifir  un  temps  calme    & 
tranquille,   &  exempt  d'humidité,  &  ne 
point  s'expofer  d'abord  après  cet  exercice 
à  l'air  froid  &  humide  qui  cauferoit  une 
fuppreiîion  fubite  de  la  tranfpiration  ,  qui 
pourroit  avoir  des  fuites  fâcheufes  ;  &  fi 
le  malade  fe  trouvoit  altéré  au  retour  de 
fa  promenade  ,  il  doit  éviter  de  faire  ufage 
d'aucune  efpece  de  boiflbn  froide  :  elle 
fupprimeroit  la    tranfpiration  &  pourroit 
avoir  des  fuites  fâcheufes  ,  &  même  pro- 
curer des  maladies  inflammatoires  de  poi- 
trine. 70.  On  ne  doit  pas  permettre  à  ceux 
qui   montent   à   cheval    de    prendre  leur 
repas  d'abord  après  leur  retour  ;  on  doit 
attendre  au    moins  une  heure  ,    afin  de 
donner  aux  humeurs  le  temps  de  fe  re- 
mettre dans   le  calme ,   &  la  tranquillité 
ordinaire  ;  car   Sandorius  a  obfervé  que 
îorfqu'on   prend  fon    repas  d'abord  après 
l'exercice  ,  la  tranfpiration  diminue  confi- 
dérablement  ;    ce  qui    eft  fort   nuifible. 


gens  ,  car  les  vieillards  ont  beaucoup  moins 
befoin  de  nourriture  que  les  jeunes  gens 
qui  font  encore  dans  la  vigueur  de  l'âge. 
8°.  Dans  les  maladies  de  poitrine  ,    fur- 
tout  dans  la  phthifie  ,  &  dans  les  obftruc- 
tions  invécérées  &  opiniâtres  ,  il  ne  fuffit 
pas   fouvent   de   s'en    tenir  à  de  {impies 
promenades  de  cheval  dont  nous  venons 
de  parler  ,   mais  il   faut  entreprendre  de 
longs    voyages ,  fi  on   veut  les  déraciner 
entièrement  ;  on  a  beaucoup  d'exemples  de 
perfonnes  qui  ont  été  guéries  des  maladies 
les  plus  opiniâtres  ,  par  le  moyen  des  voya- 
ges de  longs  cours,  &  fans  prendre  aucun 
remède.   Q°.  Le  trot  du  cheval  eft  pour 
l'ordinaire  le  pas  qui  eft  le  plus  falutaire 
pour  toutes  les  efpeces  de    maladies  qui 
demandent  cet  exercice  ;  mais  on  doit  fe 
procurer  un  cheval  dont  le  trot  foit  doux 
&  qui  ne  fatigue  pas  trop  le  malade  ,  fur- 
tout  s'il  eft  d'un  tempérament  délicat  ,  & 
qu'il  foit  affoibli  par  une  longue  maladie. 
Ce  pas  ,  par  les  petites  fecouffes  réitérées 
qui  augmentent  l'ofcillation  des  vaifleaux  , 
eft  beaucoup  plus  propre  que  tout  autre  à 
détruire  les  engorgemens  des  glandes ,  des 
vifeeres  &  des  petits  vaifleaux  obftrués  , 
&  à  rétablir  le  ton  &  le  reflbrt  de  tous  les 
folides. 

Après  les  règles  que  nous  venons  d'ex- 
pofer  fur  l'exercice  du  cheval  ,  qui  font 
d'une  nécefïité  indifpenfable  pour  la  gué- 
rifon  des  maladies  ,  doit-on  être  furpris  fi 
on  voit  tous  les  jours  beaucoup  de  per- 
fonnes qui  en  font  ufage  fans  en  retirer 
aucun  effet  falutaire  ,  parce  qu'elles  ne 
veulent  point  fe  gêner  dans  leur  genre  de 
vie  ordinaire  ,  ni  fe  mettre  en  peine  d'ob- 
ferver  aucune  des  règles  que  nous  venons 
de  preferire?  (B) 

En  faifant  fentir  ici  la  nécefTité  de  l'exer- 


8S8  E  Q  U 

cice  pour  les  hommes  ,  nous  n'avons  garde 
de  ne  pas  comprendre  les  femmes  fous 
certe  dénomination.  En  efFec  la  ftru&ure 
de  la  femme  ,  à  l'exception  des  différences 
fexuelles  ,  eft  toute  femblable  à  celle  de 
l'homme.  Principes  ,  économie  ,  fondions 
animales  ,  tout  eft  exactement  conforme 
&  commun  entre  ces  deux  êtres.  Le  mou- 
vement leur  eft  aufti  également  naturel. 
L'agitation  inféparable  de  l'enfance  eft  fa- 
milière aux  deux  fexes.  Tous  deux  à  ce 
bel  âge  font  livrés  de  pafïion  aux  mêmes 
exercices.  Ce  n'cft  que  la  réferve  de  l'édu- 
cation des  filles  ,  qui  les  empêche  de  fuivre 
auffi  librement  le  penchant  que  la  nature 
leur  a  donné  pour  tous  les  mouvemens 
précipités  ,  &  fi  on  les  y  voit  moins  adon- 
nées ,  on  n'eft  pas  fans  s'appercevoir  aifé- 
menr  de  l'état  de  contrainte  où  elles  font , 
combien  elles  fouffrent  impatiemment  cette 
gêne  ,  &  combien  elles  envient  en  ce 
moment  le  fort  des  jeunes  garçons  de 
leur  âge. 

Dans  un  âge  plus  avancé  ,  ne  voit -on 
pas  même  dans  les  condrions  fupérieures , 
de  jeunes  filles  &:  des  femmes  mariées  , 
monter  volontiers  â  cheval  ,  aller  à  la 
pêche  ,  à  la  chaîTe  ,  Ùc.  ï  Ces  exercices 
loin  de  prendre  fur  leur  tempérament  , 
au  contraire  le  fortifient  ,  &  rendent  leur 
fanté  plus  aflurée.  N'a-t-on  pas  vu  fouvent 
des  femmes  fuivre  leurs  maris  à  la  guerre  , 
&  ne  reculer  pour  aucune  des  fatigues , 
compagnes  nécelTaires  de  ce  dangereux 
métier  ? 

D'autres  ,  dans  nos  campagnes  ,  labou- 
rent ,  fouillent  perpétuellement  la  terre  , 
coupent  les  bleds  ,  &  partagent  avec  les 
hommes  les  plus  durs  travaux  de  l'agri- 
culture. D'autres  ,  encore  ,  plient  fous  le 
poids  des  fardeaux  ,  marchent  tout  le 
jour  ,  endurent  les  froids  les  plus  rigou- 
reux ,  comme  les  chaleurs  les  plus  fortes, 
couchent  fur  la  dure  ,  fans  même  que 
la  groftefîe  leur  ferve  de  prétexte  pour 
s'exempter  d'un  genre  de  vie  aufîi  dur  & 
an  Ai  pénible. 

Qu'on  ne  nous  allègue  donc  plus  la 
prétendue  foibklTe  des  femmes  ,  &  ne 
foyons  pas  afiez  dupes  pour  compatir  â  la 
parefife  de  nos  dames  du  bon  ton  ,  &  de 
toutes  nos  petites  maîtrefiès.  Cette  foiblefle 


E  Q  U 

dont  elles  prétendent  fe  couvrir ,  eft  leur 
propre  ouvrage  ,  &  le  prétexte  ou  l'effet 
de  leur  feule  molleffe.  Ayons  le  courage 
d'être  un  inftant  rigoureux  à  leur  égard. 
Notre  défaut  de  complaifance  à  ce  point, 
deviendra  pour  elles  le  fervice  le  plus  fi- 
gnaié  que  nous  puillions  jamais  leur  ren- 
dre. 

En  attendant  que  nous  puiftions  leur 
infpirer  ce  defir  de  s'adonner  chaque  jour, 
pendant  quelques  heures  ,  à  un  exercice 
Llutaire  ,  &  jufqu'à  ce  qu'elles  puilTent 
prendre  allez  fur  elles-mêmes  ,  pour  ne 
pas  redouter  de  donner  à  peu  près  autant 
de  mouvement  à  leurs  pies  ,  qu'elles  en 
donnent  à  leur  langue,  voici  une  mécha- 
nique  ingénieufe  ,  qui  peut  avantageuse- 
ment fuppléer  à  leur  nonchalanre  inaction  , 
&  à  la  pareffe  criminelle  de  tous  les  hom- 
mes qui  fe  dégradent  affez  ,  pour  ne  pas 
craindre  de  leur  reffembler. 

Cette  machine  appellée  tabouret  ou  fiege 
d'equuation,  eft  la  plus  lefte  &  la  plus 
fimple  qu'on  ait  encore  imaginée  ,  &  de 
beaucoup  fupérieure  au  famtux  tiémoujjoir 
du  teu  aube  de  Saint-Pierre. 

Elle  confifte  en  un  fiege  folidement 
placé  au  milieu  d'un  équipage  de  leviers 
fufpendus  ait  plancher  d'une  chambre.  Cet 
équipage  eft  formé  par  deux  perches  de 
jeune  bois  de  frêne ,  traverfées  dans  le 
milieu  par  un  axe  de  rotation  ,  qu'on 
attache  aux  poutres  d'un  plancher  De 
l'extrémité  de  ces  perches  ,  defeendent  des 
courroies  qui  fouriennent  un  marche- pié  , 
fur  lequel  on  aftujettit ,  pour  s'y  aflèoir  , 
un  tabouret ,  ou  même  un  petit  fauteuil , 
élevé  convenablement  ,  &  rendu  mobile 
fur  quatre  pies  fixes.  En  tirant  foi-même 
de  delTus  le  fiege  ,  tantût  un  ,  &  tantôt 
deux  cordons  de  foie  ,  lefquels  font  jouer 
enfemble  ou  fépaiément  deux  petits  leviers 
ajuftés  entre  les  perches ,  on  tait  jouer  & 
marcher  la  machine  \  &  aftis  fort  à  fon 
aife  ,  on  fe  donne  tous  les  mouvemens 
que  l'on  peut  éprouver  fur  un  bon  cheval. 
On  peut  auffi  aller  le  pas  ,  l'amble  ,  le  trot 
&  le  galop ,  félon  le  degré  de  force  ou  de 
légèreté  que  la  perfonne  qui  monte  la  ma- 
chine ,  a  la  volonré  d'imprimer  à  fes  mou- 
vemens, &  qu'elle  peut  accélérer  ou  ralentir 
à  fon  gré. 

Au 


EQU 

Au  refte  ,  ce  fîege  iïéquitarion  eft  tel- 
lement combiné  dans  les  mouvemens , 
qu'il  repréfente  encore  les  fauts  en  avant , 
\qs  coups  de  derrière ,  les  cabrioles  du 
cheval ,  les  voltes  &  autres  allures  du 
manège  ,  ainfi  que  le  balancement  de 
l'efcarpolette  :  en  forte  que  l'on  peut 
prendre  ,  afïis  commodément  ,  tous  les 
plaifirs  du  cheval,  &  autres  mouvemens 
que  l'on  veut  ,  &  de  toutes  les  manières 
dont  on  peut  s'avifer ,  fans  courir  aucun 
rifque  ,  fans  crainte  de  chute  ,  d'autant 
que  les  mouvemens  ne  fe  peuvent  point 
répéter  plus  fouvent ,  ou  plus  vivement 
qu'on  ne  le  juge  à  propos,  le  tout  fans 
fortir  de  fa  chambre. 

D'ailleurs  ,  cette  machine  ,  quoique  très- 
folide  ,  &  de  l'équilibre  le  plus  parfait  , 
offre  encore  la  commodité  de  fe  brifer  & 
de  fe  démonter  entièrement ,  pour  pouvoir 
être  déplacée  &  tranfportée  par-tout  où 
l'on  peut  avoir  deffein  de  la  replacer. 
Elle  a  encore  l'avantage  de  pouvoir  s'éle- 
ver au  plancher  de  la  chambre  dans  la- 
quelle elle  eft  fufpendue  ,  &  de  s'y  fixer 
de  manière  à  ne  point  embarrafîer  après 
l'exercice. 

Le  fiege  préfente  en  differens  côtés  tous 
les  appuis  néceflàires  à  l'ufage  des  femmes, 
des  vieillards  &  des  convaîefceas ,  qui  ne 
pouvant  fe  procurer  par  eux  -  mêmes  les 
fecouffes  de  Yéquitation  ,  font  dans  le  cas 
d'employer  le  fecours  d'une  main  étran- 
gère. Un  domeftique  ,  en  tirant  les  rênes 
ou  cordons  de  cette  machine  ,  lui  fait 
faire  tous  les  mouvemens  que  la  perfonne 
qui  prend  cette  forte  d'exercice  juge  à 
propos. 

On  voit ,  par  cette  defcription  ,  de  quelle 
utilité  &  de  quel  avantage  eft  une  ma- 
chine d'une  aufii  ingénieufe  invention  ,  & 
combien  elle  eft  bonne  à  rappelîer  la  tranf- 
piration  fi  néceflaire  aux  perfonnes  âgées, 
à  certains  valétudinaires  ,  aux  perfonnes 
attaquées  de  la  goutte  ,  &  en  général  à 
tous  ceux  qui  font  dans  le  cas  de  mener 
une  vie  fédentaire;  enfin  ,  combien  elle  eft 
propre  à  diftiper  les  obftruâions ,  fources 
de  toutes  les  maladies  ,  à  chafîèr  les  ven- 
tofités  fi  incommodes  &  fi  nuifibles  ,  à 
procurer  une  plus  libre  circulation  du  fang 
&  de  la  lymphe  ,  &  par  conféquent  à 
Tome  XII. 


EQU  889 

ranimer   la   gaieté  &  l'appétit,  &  ainfi  à 
rétablir  &  maintenir  la  famé. 

On  peut  aufïi  ,  au  lieu  de  tabouret  , 
de  fauteuil  ou  autre  fiege  ,  adapter  à  la 
place  un  cheval  artificiel  ,  fellé  &  bridé. 
Pour  lors  les  mouvemens  ,  quoiqu'effen- 
tiellement  les  mêmes  qu'avec  un  fimple 
fiege  ,  paroiftènt  néanmoins  plus  réguliers  ; 
ce  qui  forme  un  avantage  de  la  plus  grande 
confédération.  En  effet ,  au  moyen  d'un 
femblable  cheval  artificiel  ,  on  peut  pré- 
parer de  bonne  heure  les  enfans  aux  pre- 
miers élémens  du  manège  ,  fans  leur  faire 
courir  aucuns  rifques.  Ainfi  nous  ne  pou- 
vons qu'inviter  les  perfonnes  aifées  ,  & 
fur- tout  les  chefs  de  grande  éducation  , 
tels  que  les  principaux  àes  fortes  penfions , 
à  faire  l'acquifition  d'une  machine  aufiî 
utile.  Par  fon  moyen  ,  les  parens  auront 
l'agrément  de  voir  les  enfans  qu'ils  leur 
confient ,  accoutumés  dès  leurs  tendres 
années  aux  mouvemens  du  cheval  ,  & 
familiarifés  à  un  exercice  d'un  avantage 
&  même  d'une  néceffité  fi  abfolue  ,  qu'il 
devroit  entrer  dans  toutes  les  éducations. 
M.  Genneté ,  premier  phyficien  &  mé- 
chanicien  de  l'empereur ,  eft  l'inventeur 
de  cette  admirable  machine.  (4-) 

ÉQUITÉ  ,  fubft.  f.  C Morale  ,  Droit 
politiq.j  c'eft  ,  en  général ,  cette  vertu 
par  laquelle  nous  rendons  à  chacun  ce  qui 
lui  appartient  juftement ,  conformément 
aux  différentes  circonftances  où  chaque 
perfonne  peut  être  relativement  à  notre 
égard  &  aux  loix  de  la  fociété. 

On  confond  quelquefois  Y  équité  avec  la 
jufiice  ;  mais  cette  dernière  paroît  plutôt 
défignée  pour  récompenfer  ou  punir,  con- 
formément à  quelques  loix  ou  règles  éta- 
blies, que  conformément  aux  circonftances 
variables  d'une  a&ion.  C'eft  par  cette  raifon 
que  les  Anglois  ont  une  cour  de  chancel- 
lerie ou  d'équité  ,  pour  tempérer  la  févérité 
de  la  lettre  de  la  loi  ,  &  pour  envifager 
l'affaire  qui  y  eft  portée  ,  uniquement  par 
la  règle  de  Y  équité  &  de  la  confcience. 
Cette  cour  de  chancellerie  eft  un  des  beaux: 
érablifTemens  qu'il  y  ait  en  Angleterre ,  & 
des  plus  dignes  d'être  imité  par  les  nations 
ciyilifées. 

En  effet ,   l'intérêt   d'un     fouverain  & 
fon  amour  pour  fes  peuples ,  qui  l'engage  à 
Vvvvv 


890  EQU 

prendre  garde  qu'il  ne  fe  faflè  rien  dans 
lbn  empire  de  contraire  au  bien  commun , 
demande  auiïi  qu'il  redrefle  ,  qu'il  redifïe , 
&  qu'il  corrige  ce  qui  peut  avoir  été  fait 
de  te!. 

Aïn&Véquité,  prife  dans  ce  fens  particu- 
lier, eft  une  volonté  du  prince,  difpofée 
par  les  règles  de  la  prudence  à  corriger  ce 
qui  fe  trouve  dans  une  loi  de  fon  état,  ou 
dans  un  jugement  civil  de  la  magiftrature 
établie  par  fes  ordres  ,  quand  les  chofes  y 
ont  été  réglées  autrement  que  la  vue  du 
bien  commun  ne  le  demanderait  dans  les 
circonstances  propofées  ;  car  il  arrive  fou- 
vent  que  la  loi  fe  fervant  d'expreflions 
générales  ,  où  la  foiblefle  de  l'efprit  humain 
étant  telle  qu'elle  empêche  les  Iégillateurs 
de  prévoir  tous  les  cas  poflibles  ,  les  chefs 
de  l'état  s'éloignent  du  but  auquel  ils  ten- 
doient  fincérement. 

L'amour  du  bien  commun  exige  donc 
alors ,  que  les  Iégillateurs  même  ,  après 
avoir  examiné  de  près  les  circonftances 
du  cas  préfent  mieux  qu'ils  n'ont  pu  le 
faire  en  fenvifageant  de  loin,  corrigent  par 
une  cour  d'équité,  à  la  faveur  de  la  con- 
noiflance  plus  parfaite  qu'ils  ont  des  chofes 
expofées  à  leurs  yeux  ,  ce  qu'ils  avoient 
établi  pour  règle  là  deflus. 

C'eft  de  la  loi  naturelle  que  tire  toute  fon 
autorité  un  jugement  favorable  ,  où  l'on 
prononce,  non  à  la  rigueur,  mais  avec 
un  adoucilîèment  équitable  ;  &  par  confé- 
quent  cette  loi  naturelle  eft  la  vraie  fource 
de  X équité y  digne  de  toute  notre  attention. 
Voyez  Loi  naturelle-. 

Outre  fon  ufage  très-important  dans  la 
correction  des  Ioix  civiles  ,  &  quand  il 
s'agit  de  faire  de  telles  loix ,  elle  eft  de  la 
dernière  nécefîité  dans  les  cas  où  les  loix 
civiles  fe  taifent  ,  &  pour  le  dire  en  un 
mot ,  dans  la  pratique  de  tous  les  devoirs 
des  hommes  les  uns  envers  les  autres , 
dont  elle  eft  la  règle  &  le  fondement. 

En  effet ,  ce  n'eft  point  des  conventions 
humaines  &  arbitrales  que  dépend  Y  équité  ; 
fon  origine  eft  éternelle  &  inaltérable ,  de 
manière  que  fi  nous  étions  libres  du  joug 
de  la  religion  ,  nous  ne  devrions  pas  l'être 
de  celui  de  X équité:  aufli  quelle  joie,  dit 
M.  de  Montefquieu  ,  quel  plaifir  pour  un 
hosnme  ,  quand  il  s'examine  ,  de  trouver 


EQu 

qu'il  a  le  cœur  jufte  !  Il  voit  fon  être  autant 
au  deflus  de  ceux  qui  ne  goûtent  pas  ce 
bonheur  ,  qu'il  fe  voit  au  deflus  des  tigres 
&  des  ours.  Oui ,  Rhédi ,  ajoute  cet  aimable 
&  vertueux  écrivain  ,  fous  le  nomà'Usbek 
ÇLçtt.  Perf.  Ixxxj.  ) ,  fi  j'étois  fur  de  fuivre 
inviolablement  cette  équité  que  j'ai  devant 
les  yeux ,  je  me  croirois  le  premier  des 
hommes  !  Voyez  DROIT,  JUSTICE, 
ÉCONOMIE  POLITIQUE,  BlEN, 
Mal,   Ùc   Article   de   M.  le    chevalier 

DE  JAUCOURT. 

*  Équité,  (Mythol)  divinité  des 
Grecs  &  des  Romains.  Ils  la  repréfentoient 
tenant  une  épée  d'une  main  ,  &  une  balance 
de  l'autre.  Ils  la  confbndoient  quelquefois 
avec  Aftrée  &  avec  la  Juftice  ;  quelque- 
fois ils  l'en  diftinguoient.  Pindare  donne 
trois  filles  à  X  Équité,  la  Paix,  Eunomie  , 
&  Dicé. 

EQUIVALENT,  adj.  ( Philo f. )  fe 
dit  de  ce  qui  a  la  même  valeur ,  la  même 
force  &  les  mêmes  effets  qu'une  autre  chofe 
Voyez  Égalité. 

II  y  a  plufleurs  fortes  $  équivalence  : 
dans  les  proportions  ,  dans  les  termes  ,  & 
dans  les  chofes. 

Les  propositions  équivalentes  font  celles 
qui  difent  la  même  chofe  en  différens  ter- 
mes ,  comme  :  il  eft  midi  jufte  :  le  foleïl 
pajje  au  méridien  au  deflus  de  Vhori\on. 

Les  termes  équivalens  font  ceux  qui  , 
quoique  différens  pour  le  fon  ,  ont  cepen- 
dant une  feule  &  même  Signification , 
comme   temps  &   durée  y  &c. 

Les  chofes  équivalentes  font  ou  morales  , 
ou  phyftques,  ouftatiques  :  morales,  comme 
quand  nous  difons  que  commander  ou 
confeiller  un  meurtre  ,  eft  un  crime  équi- 
valent à  celui  du  meurtrier  :  phyftques  9 
comme  quand  on  dit  qu'un  homme  qui 
a  la  force  de  deux  hommes  ,  équivaut  à 
deux  :  flanques  y  comme  quand  un  moin- 
dre poids  équivaut  à  un  plus  grand  ,  en 
l'éloignant  davantage  du  centre.  Cham- 
btrs. 

ÉQUIVALENT  ,  (  Jurifpr.)  eft  une  im- 
pofition  qui  fe  paie  au  roi  dans  la  province 
de  Languedoc ,  fur  certaines  marchandifes  : 
on  la  nomme  équivalent  y  parce  qu'elle 
fut  établie  pour  tenir  lieu  d'une  aide  que 
l'on  payoit  auparavant.  Pour  bien  entendre 


E  Q  U 

ce  que  c'eft  que  cet  équivalent ,  &  à  quelle 
occaflon  il  fut  établi,  il  faut  obferver  que 
Philippe  de  Valois  ,  dans  le  temps  de  fes 
guerres  avec  l'Angleterre  ,  ayant  établi  une 
aide  ou  fubfide  fur  le  pié  de  6  deniers 
pour  livre  de  toutes  les  marchandifes  qui 
feroient  vendues  dans  le  royaume  ,  le  roi 
Jean  ,  du  confentement  des  états ,  porta 
ce  droit  jufqu'à  8  deniers  ,  &  Charles  V  , 
à  12  deniers ,  ce  qui  fait  le  vingtième  ;  & 
pour  le  vin  vendu  en  détail ,  il  en  fixa  le 
droit  au  huitième  ,  &  au  quatrième  du 
prix  ,  félon  les  difFérens  pays  où  s'en  faifoit 
la  vente. 

Charles  VI ,  au  commencement  de  fon 
règne  ,  déchargea  fes  fujets  de  cette  im- 
poli tion. 

Elle  fut  rétablie  par  Charles  VII, 
d'abord  par  tout  le  royaume ,  mais  il  la 
fupprima  en  1444  ,  pour  le  Languedoc 
feulement ,  au  moyen  d'une  fomme  de 
80000  livres  qui  fut  promife  &  payée 
pendant  trois  années.  Pour  former  cette 
fomme  ,  il  permit  de  lever  un  droit  d'un 
denier  pour  livre  fur  la  chair  fraîche  & 
falée  ,  &  fur  le  poiflbn  de  mer ,  avec  le 
fixieme  du  vin  vendu  en  détail.  Ce  droit 
fut  nommé  équivalent  y  parce  qu'en  effet  il 
équivaloit  à  ï'impofition  de  l'aide. 

Les  trois  années  étant  expirées  ,  &  les 
befoins  de  l'état  étant  toujours  les  mêmes  , 
le  Languedoc  fut  obligé  de  continuer  le 
même  paiement  ,  &  même  de  l'augmen- 
ter ;  car  fous  prétexte  que  la  fomme  de 
80000  livres  ne  fuffifoit  pas  pour  indem- 
nifer  le  roi  de  ce  qu'il  auroit  pu  tirer  de 
l'aide  ,  la  province  confentit  à  Ï'impofition 
d'un  nouveau  droit ,  montant  à  1 1 1776  liv. 
pour  remplir  ce  qui  manquoit  à  la  valeur 
de  X équivalent  ;  à  condition  néanmoins  , 
que  fi  la  recette  de  X équivalent  montoit 
à  plus  de  80000  livres  ,  il  feroit  fait  di- 
minution d'autant  fur  le  nouveau  droit , 
qui  fut  appelle ,  du  nom  de  Ï'impofition 
commune ,  aide. 

En  14)6" ,  Charles  VII diminua  X équiva- 
lent y  &  le  réduifit  à  70000  livres  ;  mais  en 
même  temps  il  augmenta  l'aide  jufqu'à 
nocoo  livres. 

Louis  XI ,  en  1461 ,  céda  le  droit  d'équi- 
valent à  la  province ,  au  moyen  de  70000  1. 
de  préciput  ;   mais  il  ne  paroît  pas   que 


E  Q  U  891 

ce  traité  ait  jamais  eu  d'exécution ,  comme 
il  réfulte  de  la  déclaration  donnée  à  Lyon 
par  François  I ,  en  1522. 

On  voit  d'ailleurs ,  que  Louis  XI  par  des 
lettres  du  12  feptembre  1467,  attribua  la 
connoiftànce  de  X équivalent  ,  en  cas  de 
refïbrt  &  de  fouveraineté  ,  à  la  cour  des 
aides  de  Montpellier  ;  &  cette  attribution 
fut  confirmée  par  plufieurs  autres  patentes 
poftérieures  ,  entr'autres  par  Charles  IX  , 
le  20  juillet  1565  ;  de  forte  que  nos  rois  ont 
toujours  joui  de  X équivalent  jufqu'à  l'édit 
de  Beziers  ,  du  mois  d'octobre  1632  ,  par 
lequel  Louis  X  I  1 1  en  fit  la  remife  à  la 
province  ,  &  de  toutes  autres  impofitions. 
Les  états  foîliciterent  néanmoins  la  révoca- 
tion de  cet  édit ,  parce  qu'il  donnoit  d'ail- 
leurs atteinte  à  leurs  privilèges  ;  &  ils  obtin- 
rent en  effet  un  autre  édit  au  mois  d'cdobre 
1649  ,  qui  confirma  à  la  province  la  remife 
entière  du  droit  de  X équivalent 9  confirmée 
par  celui  de  1649  ;  au  moyen  de  quoi  ce 
droit  eft  préfentement  affermé  au  profit  de 
la  province  :  le  bail  monte  annuellement  à 
335000  1.  de  forte  que  la  province  y  rrouve 
un  avantage  confidérable  ,  attendu  qu'elle 
ne  paie  au  roi  fur  cet  article  que  69850  liv. 
l'aide  étant  demeurée  à  fon  point  fixe  & 
ordinaire  de  120000 liv.  Voye\  Patente 
DE  LANGUEDOC.  Voyelle  Jiy  le  du  par-? 
lement  de  Touloufe  y  par  Cayron  }  page 
zj3.  (A) 

ÉQUIVALENT  eft  aufîi  le  nom  que  l'on 
donne  en  certaines  provinces  à  uneimpofi- 
tion  qui  tient  lieu  de  la  taille  ,  comme  on 
voit  par  des  lettres  du  10  mai  1643  >  regif- 
trées  en  la  chambre  des  comptes ,  portant 
établiffement  de  ce  droit  au  lieu  de  la  taille 
dans  les  ifles  de  Marennes.  (A) 

ÉQUIVALENT  ,  en  quelques  lieux,  eft 
ce  que  le  pays  paie  au  roi  au  lieu  du  droie 
de  gabelles  ,  &  pour  avoir  la  liberté 
d'acheter  &  vendre  du  fel ,  &  être  exempt 
des  greniers  &  magafins  à  fel.  Voye[  le 
glq/f.  de  M.  de  Lauriere  ,  au  mot  équi* 
valent.   ÇA) 

ÉQUIVALENT  eft  auflï  un  droit  qui  fe 
paie  en  quelques  provinces  ,  comme  Au- 
vergne &  autres  ,  pour  être  exempt  du 
tabellionage.  Voye\  le  glojf.  de  M.  de 
Lauriere  ibid.  (A) 

ÉQUIVOQUE  ,  f.  f.  CGramm.Jdoubk 
Vvvvv  2. 


-•' 


S92  EQU 

fens  d'une  phrafe  ,  produit  par  fa  mauvaife 
conftruéfion. 

Les  équivoques  font  des  exprefîions  lou- 
ches, qui  rendent  le  difcours  réellement  obf- 
cur  ,  &  embarraffent  l'efpritdu  lecteur  pour 
en  découvrir  le  véritable  fens.  Les  langues 
qui  demandent  de  la  clarté  ,  &  la  langue 
Françoife  en  particulier ,  font  ennemies  de 
ces  fortes  d'ambiguités  de  conftruclion.  Il 
eft  vrai  que  toute  la  lecture  de  la  période 
en  fait  d'ordinaire  comprendre  le  fens ,  dès 
que  1  on  y  donne  un  peu  plus  d'attention  ; 
mais  il  vaudront  mieux  que  cela  n'arrivât 
point  ;  car  c'eft  aux  paroles  à  faire  entendre 
Je  fens ,  &  non  pas  au  fens  à  faire  entendre 
les  paroles.  Si  l'on  vous  relit  deux  fois  , 
dit  M.  de  Vaugelas,  que  ce  foit  pour  vous 
admirer  &  non  pas  pour  chercher  ce  que 
vous  avez  voulu  dire.  Le  même  critique  a 
juftement  remarqué  que  la  plupart  des  équi- 
voques fe  forment  dans  notre  langue  par 
les  pronoms  relatifs ,  pofTèflifs ,  &  démonf- 
tratifs.  Exemple  du  pronom  relatif  :  c'efl 
le  fils  de  cette  femme  qui  a  fait  tant  de  mal. 
On  ne  fait  fi  ce  qui  fe  rapporte  à  fils  ou  à 
femme  ;  de  forte  que  fi  l'on  veut  qu'il  fe 
rapporte  à  fils  ,  il  faut  mettre  lequel  au  lieu 
de  qui.  Exemple  du  pronom  poffeftïf  :  il  a 
toujours  aimé  cette  perfonne  au  milieu  de- 
fort  adverfité.  Cefon  eft  équivoque  ;  car  on 
ne  fait  s'il  fe  rapporte  à  cette  perfonne  ou  à 
il,  qui  eft  celui  qu'on  a  aimé.  Il  en  eft  de 
même  du  pronom  démonftratif. 

Les  équivoques  fe  font  encore  ,  quand  un 
mot  qui  eft  entre  deux  autres  fe  peut  rap- 
porter à  tous  les  deux  ,  comme  dans  cette 
période  d'un  célèbre  auteur  :  je  pafferai  par- 
dejjiis  ce  qui  ne  Jtrt  de  rien  ;  mais  auffi 
yeux- je  bien  particulièrement  traiter  ce  qui 
me  femblera  nécejfaire.  Le  bien  fe  rapporte 
à  particulièrement ,  &  non  pas  à  veux- je  ; 
c'eft  pourquoi  pour  écrire  nettement  ,  il 
faîloit  mettre  ,  aujjî  vejux-je  traiter  bien 
particulièrement y  te  non  pasraujfi  veux- 
je   bien  particulièrement  traiter. 

Le  équivoques  fe  font  enfin ,  quand  on 
met  quelques  mots  entre  ceux  qui  ont  du 
rapport  enfemble  ,  &  que  néanmoins  les 
derniers  mots  fe  peuvent  rapporter  aux 
mots  qui  font  entre  deux  ;  un  exemple  le  va 
faire  entendre  :  V orateur  arrive  à  fon  but  y 
qui    eft  de  ptrfuader  y   d'une  jaçon  toute 


EQU 

particuhere.  L'intention  de  celui  qui  s'ex- 
prime ainfi ,  eft  que  ces  mots  ,  d'une  façon 
toute  particulière  >  fe  rapportent  à  ceux-ci  , 
arrive  à  fon  but  j  mais  comme  ils  font  pla- 
cés ,  il  femble  qu'ils  fe  rapportent  à  per- 
fuader  :  il  fau droit  donc  dire  ,  l'orateur 
arrive  d'une  façon  toute  particulière  à  fon 
but  ,  qui  ejl  de  perfuader. 

Quoique  ce  précis  ,  tiré  de  M.  Vaugelas , 
puiiiè  ici  fuffire  ,  il  feroit  bon  d'étudier 
toutes  les  obfervations  de  cet  auteur,  de 
même  que  celles  de  nos  meilleurs  criti- 
ques ,  fur  les  équivoques  de  conftruclion  ; 
car  c'eft  le  défaut  dans  lequel  tombent  les 
plus  grands  écrivains  ,  parce  qu'il  eft  très- 
difficile  de  l'éviter  ,  fi  on  n'y  donne  une 
grande  attention,  &  fi  on  ne  relit  fouvent 
fes  ouvrages  à  tête  repofée  ,  mais  il  ne  faut 
pas  en  même  temps  porter  fes  timides 
fcrupules  jufqu'à  l'excès ,  énerver  fon  ftyle , 
&  prendre  l'ombre  d'une  équivoque  pour 
une  équivoque  réelle. 

Equivoque  fe  dit  aufTi  dans  notre  langue 
d'un  terme  à  double  fens ,  dont  abufent  feu- 
lement ceux  qui  cherchent  à  jouer  fur  les 
mots.  Voye[  PoiNTE  ou  JEU  DE  MOTS. 
Article   de  M.  le  chev.  DE  J AU  COURT. 

ÉQUIVOQUE,  (Morale.  )  difcours  ou 
propofition  â  double  fens  ;  l'un  naturel  , 
qui  paroît  être  celui  qu'on  veut  faire  en- 
tendre ,  &  qui  eft  effectivement  entendu 
de  ceux  qui  écoutent;  l'autre  détourné,  qui 
n'eft  entendu  que  de  la  petfonne  qui  parle , 
&  qu'on  ne  foupçonne  pas  même  pouvoir 
être  celui  qu'elle  a  intention  de  faire  en- 
tendre. C'eft  un  expédient  imaginé  pour 
ne  point  dire  la  vérité  &  ne  point  mentir 
en  même  temps  ;  mais  cet  expédient  n'eft 
réellement  qu'une  tromperie  condamnable 
dans  ceux  qui  s'en  fervent  ,  parce  qu'ils 
manquent  à  la  bonne  foi.  Il  n'y  a  ,  dit 
très-bien  un  de  nos  auteurs  modernes  , 
que  lafubtilité  d'une  éducation  fcholaftique 
qui  puiffe  perfuader  que  V équivoque  foit  un 
moyen  de  fauver  du  naufrage  fa  fincérité  ; 
car  dans  le  monde  ce  moyen  n'empêche  pas 
de  pafîer  pour  menteur  &  pour  mal-honnête 
homme  ,  &  il  donne  de  plus  un  ridicule 
d'efprit  très-méprifable. 

Cependant  n'eft  -  il  jamais  permis  de 
fe  fervir  de  termes  ambigus  ,  ou  même 
obfcurs  ?  Je  réponds  avec  Grotius  &  PufFen- 


E  Q  U 

dorf,  qu'on  ne  doit  Jamais  y  avoir  recours , 
à  moins  que  ce  moyen  ne  (bit  néceffùire  , 
par  exemple  ,  à  i'inftruction  de  ceux  qui 
font  confies  à  nos  foins,  ou  à  éluder  une 
quellion  importance  ou  captieufe  ,  qu'on 
n'a  pas  droit  de  nous  faire  ,  ou  à  nous 
procurer  quelque  avantage  innocent  fans 
nuire  à  un  tiers.  Du  refte  ,  toutes  les  fois 
qu'on  eft  dans  l'obligation  de  découvrir 
clairement  fa  penfée  à  quelqu'un  ,  il  n'y  a 
pas  moins  de  crime  à  le  tromper  par  une 
équivoque  que  par  un  menfonge.  Enfin , 
de  l'aveu  même  des  païens  ,  c'eft  un  lâche 
artifice  &  une  infigne  fourberie  .  que 
d'avoir  recours  aux  équivoques  lorfqu'il 
s'agit  de  contrat  ou  de  quelque  affaire  d'in- 
têrec.  En  un  mot  ,  les  équivoques  font  fi 
blâmables  en  général  ,  qu'on  ne  peut  ap- 
porter trop  de  réferve  à  fpécifier  les  cas 
fort  rares  où  elles  feroient  innocentes. 
Article  de  M.  le  cheval  DE  J AU  COURT. 

EQUIVOQUE,  adj.  (Médecine.  )  eft 
aufïi  l'épithere  que  donnent  les  médecins 
aux  fignes  qui  ne  conftituent  pas  efîentiel- 
lement  le  caractère  d'une  maladie  ,  &  qui 
ne  la  diftinguent  pas  d'une  autre.  Equivo- 
que en  ce  fens  eft.oppofé  à  univoque  y  qui 
eft  l'épithete  des  fignes  qui  conviennent 
uniquement  à  une  maladie  ,  tirés  des 
fympromes  qui  en  font  inféparables.  Voye\ 
5IGNE.  (d) 

EQUULEUS y  voyez  EqyicuLUS. 

E  R 

ERABLE  ,  f.  m.  aczr  >  (Hifi.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  à  fleur  en  rofe  ,  compofée 
de  plufieurs  pétales  difpofés  en  rond.  Il 
fort  du  calice  un  piftil  qui  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  compofé  de  deux  ,  & 
quelquefois  de  trois  capfules  ,  qui  font  ter- 
minées chacune  par  un  feuillet  membra- 
neux ,  &  qui  renferment  une  femence 
arrondie.  Tournefort  infl.  rei  herb.  Voye\ 
Plante.  (I) 

Erable  ,  (Jardinage.)  C'eft  un  arbre 
de  différente  grandeur  ,  félon  les  diverfes 
efpeces  de  fon  genre.  Plufieurs  de  ces 
érables  croiffent  naturellement  en  Europe , 
quelques-uns  dans  le  Levant  ,  &  le  plus 
grand  nombre  en  Amérique.  Il  eft  peu 
d'arbres  qui  raffemblenr  autant  de  variété , 


E  R  A  893 

d'agrément  &  d'utilité  que  ceux  -  ci ,  qui 
croifiènt  avec  plus  de  vîteflÇ  &  d'uniior- 
mité  ,  qui  s'accommodent  m^x  des  plus 
mauvaifes  expofitions,  &  qui  exigent  moins 
de  foins  &  de  culture  ;  qui  refirent  mieu  .  à 
toutes  les  intempéries  des  faifons  ,  &  que 
Ton  puiffe  pour  la  plupart  multiplier  avec 
plus  de  facilité. 

Toutes  les  efpeces  d'érables  que  l'on 
connoît ,  femblent  faites  pour  la  tempéra- 
ture de  ce  climat  :  elles  y  réuiTiiTent  à  fou- 
hait  ;  elles  s'y  foutiennent  contre  quantité 
d'obflacles  qui  arrêtent  beaucoup  d'autres 
arbres  ,  &  elles  remplirent  tout  ce  qu'on 
en  peut  attendre.  Dans  les  terres  feches  & 
légères  ,  dans  les  lieux  élevés  &  arides  , 
dans  les  terreins  les  plus  fuperficiels  ,  on 
voit  les  érables  profiter  ,  groffir  &  s'élever 
aufîi-  bien  que  s'ils  étoient  dans  les  meilleures 
terres  de  vallée.  Les  différentes  efpeces  de 
cet  arbre  offrent  à  plufieurs  égards  une 
variété  dont  on  peut  tirer  grand  parti  pour 
l'embelliffement  des  jardins  :  la  verdure  de 
leur  feuillage  fait  autant  de  différentes 
nuances  qu'il  y  a  d'efpeces  d'érables  :  la? 
forme  &  la  largeur  des  feuilles  varient  éga- 
lement ,  elles  paroiftènt  de  bonne  heure 
au  printemps  ,  &  ne  tombent  que  fort  tard 
en  automne  :  il  y  a  auffi  quelques  efpeces 
qui  donnent  des  fleurs  d'une  affez  belle 
apparence.  On  peut  diftinguer  les  différen- 
tes efpeces  d'érables  ,  en  grands  &  en  petits 
arbres.  Les  grands  érables  forment  de  belles 
tiges  bien  droites  ;  ils  ont  l'écorce  unie  & 
l'a  feuille  fort  grande  :  on  peut  les  préférer 
à  beaucoup  d'autres  arbres  pour  faire  des 
avenues  ,  des  bofquers  ,  &  du  couvert. 
Les  petits  érables  ont  un  accroifîement  plus 
lent ,  le  bois  plus  menu  ,  &  la  feuille  plus 
petite  :  iis  font  très-propres  à  former  des 
paîiifades  &  des  haies  à  hauteur  d'appui  , 
à  quoi  ils  conviennent  fouvent  d'autant 
mieux ,  qu'ils  ont  le  mérite  fingulier  de 
croître  à  l'ombre  &  fous  les  autres 
arbres. 

Voici  les  différentes  efpeces  d'érables 
les  plus  connues  jufqu'à  préfent. 

\S érable- fycomore  ,  grand  arbre  qui  croît 
narurellement  dans  quelques  forêts  de  l'Eu- 
rope &  de  l'Amérique  feptentrionale ,  &: 
plus  ordinairement  dans  les  pays  de  monta- 
gnes. Sa  tige  eft  fort  droite,  fon  écorce  e& 


894  E  R  A 

unie  &  roufsâtre  :  fa  feuille  efl  large ,  lifte  , 
découpée  en  cinq  parties  principales,  d'un 
verd-brun  en  deffus  ,  &  blanchâtre  en  def- 
fous:  fes  fleurs  viennent  en  grappes  longues  & 
pendantes  ;  elles  font  d'une  couleur  herba- 
cée ,  qui  n'a  nulle  belle  apparence:  la  graine 
qui  en  provient  eft  à  peu  près  de  la  forme 
d'un  pépin  d'orange  ;  elle  eft  renfermée  dans 
une  double  écaille  ,  qui  eft  terminée  par  une 
aile  légère.  Cet  arbre  eft  très-propre  à  faire 
des  allées  &  du  couvert  fur  les  lieux  élevés 
&  dans  les  plus  mauvais  terreins  ;  il  s'y  fou- 
tient  contre  les  grandes  chaleurs  &  les  lon- 
gues féchereffes  ,  même  dans  les  provinces 
méridionales  de  ce  royaume  ,  où  l'on  n'a 
pas  eu  de  meilleure  reflburce  que  de  re- 
courir au  fycomore  pour  remplacer  avec  fuc- 
cès  différentes  efpeces  d'autres  arbres  qui 
avoient  péri  fuccemVement  dans  une  partie 
du  cours  d'Aix  en  Provence  ,  foit  à  caufe 
de  la  grande  chaleur  de  ce  climat ,  foit  par 
rapport  à  la  mauvaife  qualité  du  fol.  Cet 
arbre réuflit  également  dans  les  bonnes  terres 
de  la  plaine  &  fur  les  croupes  des  montagnes 
expofées  au   nord  ;  il  ne  redoute  aucune 
mauvaife  qualité  de  l'air.  M.  Miller  affure 
que  le  fycomore  foutient  mieux  qu'aucun 
autre  arbre  les  vapeurs  de  la  mer.  Mais  un 
autre  avantage  particulier  à  cet  arbre ,  c'eft 
qu'il  réfifte  parfaitement  à  la  continuité  & 
à  la  violence  des  vents  ;  en  forte  que  pour 
fe  garantir  de  leur  impétuofité,  &  défendre 
à  cet  égard  les  bâtimens  ,  les  plantations 
&  tout  efpace  que  l'on  veut  abriter ,  c'eft 
cet  arbre  que  l'on  doit  y  employer  par  pré- 
férence.Le  fycomore  devient  en  peu  de  temps 
un  gros  &  grand  arbre  ;  il  fe  garnit  d'un 
feuillage  épais ,  qui  donne  beaucoup  d'om- 
bre &  de  fraîcheur  :  il  eft  fi  robufte  ,  que 
les  hivers  les  plus  rigoureux  de  ce  climat 
ne  lui  portent  aucun  préjudice ,  même  dans 
fa  première  jeunefle  ,  &  qu'il  foutient  le 
froid  exceftif  qui  fe  fait  dans  le  Canada  , 
où  cet  arbre  eft  fort  commun  ,  &  où  l'on 
en  tire  la  fève  par  incifion  ,  dont  on  fait  de 
bon  fucre.  Le  bois  du  fycomore  eft  fec  , 
léger  ,  fonore ,  brillant ,  &  d'une  qualité  fort 
approchante  de  celle  du  bois  de  hêtre  :  il 
n'eft  pas  fujet  à  fe  tourmenter  ,  à  fe  déjeter 
ni  à  fe  fendre  ;  on  l'emploie  aux  petits  ou- 
vrages des  tourneurs  ,  menuifiers  ,  fculp- 
teurs  ,  armuriers  ,    ébéniftes  &  luthiers. 


E  R  A 

Il  eft  propre  aux  mêmes  ufages  que  le  bois 
du  tilleul  &  du  hêtre  :  c'eft  le  meilleur  de 
tous  les  bois  blancs.  On  peut  multiplier  cet 
arbre  de  graine  ,  de  branches  couchées ,  ou 
par  le  moyen  de  la  greffe  ,  fur  les  autres 
érables,  &  même  en  plantant  les  racines 
qu'on  auroit  retranchées  du  tronc  d'un  fy- 
comore. Mais  cet  arbre  a  quelques  petits  dé- 
fauts ;  fes  feuilles  font  d'un  verd  trop  brun, 
&  elles  font  fujettes  à  être  gâtées  par  les  in- 
fectes. Il  eft  vrai  que  fa  verdure  eft  fort 
brune  ,  &  même  encore  plus  foncée  lorfque 
l'arbre  commence  à  pouffer  ;  ce  qui  étant 
entièrement  oppofé  au  verd  naiffant  &  ten- 
dre de  prefque  tous  les  autres  arbres ,  c'eft 
un  contrarie  de  verdure  dont  on  pourra 
tirer  parti.  On  convient  auftï  que  les  han- 
netons attaquent  fouvent  les  feuilles  du 
fycomore  ;  mais  ils  ne  l'endommagent  pas 
affez  ,  pour  que  l'arbre  faffe  un  afpecl  défa- 
gréable. 

^  \1  érable  fycomore  panaché:  c'eft  une  va- 
riété de  l'efpece  précédente,  dont  cet  arbre 
ne  diffère  que  par  la  couleur  de  fes  feuilles  , 
qui  font  plus  ou  moins  bigarrées  de  jaune 
&  de  verd  ,  &  qui  font  un  agrément  fîn- 
gulier.  On  fait  que  ce  mélange  de  couleurs  , 
qui  n'eft  qti'un  accident  occafioné  par  la 
foibleffc  ou  la  maladie  de  l'arbre  ,  ou  par 
la  mauvaife  qualité  du  terrein  ,  ne  fe  fou- 
tient dans  la  plupart  des  autres  arbres  pa- 
nachés ,  qu'en  les  multipliant  par  la  greffe , 
ou  en  couchant  leurs  branches ,  &  nulle- 
ment en  femant  leurs  graines  ,  attendu  que 
les  plantes  qui  en  naiffent ,  rentrent  dans 
l'état  naturel.  Mais  il  en  eft  autrement  du 
fycomore  panaché ,  dont  on  peut  conferver 
la  diverfité  de  couleur  ,  non  feulement  en 
couchant  fes  branches  ou  en  le  greffant  fur 
le  fycomore  ordinaire  ,  mais  encore  en  fe- 
mant fa  graine  ,  qui  produit  des  plants  dont 
la  plupart  font  panachés. 

%J  érable  plane  >  grand  arbre  qui  fait  une 
belle  tige  très-droite  ,  dont  l'écoi  ce  eft  liffe 
&  blanchâtre.  Sa  feuille  a  beaucoup  de  ref- 
femblance  avec  celle  du  platane  ,  ce  qui  lui 
a  fait  donner  le  nom  &  érable  plane  ;  mais 
elle  n'eft  ni  fi  grande  ,  ni  fi  épaiflè,  ni  d'un 
verd  fi  tendre  que  celle  du  platane.  Ses 
fleurs  viennent  en  bouquets  de  couleur 
jaune,  qui  ont  quelque  apparence  ;  elles  com- 
mencent à  paroître  avant  les  feuilles ,  à  la 


E  R  A 

fin  d'avril.  La  graine  qui  en  provient  eft 
plate  &  terminée  par  une   aile  ,    comme 
celle  du  fycomore.  Après  le  platane  ,  c'eft 
l'un  des  plus  beaux  arbres  que  l'on  puifTe 
employer  pour  rembeîlifTement  des  jardins  ; 
il  a  toutes  les  bonnes  qualités  du  fycomore  , 
avec  lequel  il  a  cant  d'analogie  &  de  ref- 
femblance,  qu'on  peut  faire  à  Y  érable  plane 
l'application  de  tout  ce  que  îôn  vient  de 
dire  du  fycomore  ;  mais  il  n'a  pas,  comme 
celui-ci  ,  le  défaut  d'avoir  des  feuilles  d'un 
verd  trop  rembruni ,  ni  d'être  fujet  aux  at- 
taques de  quelques  infe&es ,  qui  au  contraire 
ne  portent  aucune  atteinte  aux  feuilles  de 
Yérable  plane  ,  dont  la  verdure  tendre  & 
agréable   fe  foutient  avec  égalité  pendant 
toute  la  belle  faifon  ,  &  ne  patte  que  fort 
tard  en  automne.  Son  feuillage  étant  encore 
plus  fourni  que  celui  du  fycomore ,  il  fait 
un  meilleur  couvert ,  &  de  plus  belles  al- 
lées en  palifTade  fur  tige  ,  pour  Iefquelles 
V  érable  plane  eft  des  plus  convenables;  mais 
il  faut  donner  à  ces  arbres  un  quart  de  dif- 
tance  moins  qu'aux  tilleuls ,  parce  que  cette 
efpece  $  érable  prend  plus  de  hauteur  que 
d'extenfion.   Cet  arbre   croît  encore  plus 
promptement  que  le  fycomore  i  j'ai  vu  fou- 
vent  des  plants  venus  de  femence  en  terrein 
fec  ,    s'élever  jufqu'à  douze  pies  en  trois 
ans.  Les  Anglois  lui  donnent  le  nom  d'érable 
de  Norwege  ,  parce  que  vraifemblablement 
il  leur  eft  venu  de  ce  pays-là  ,  où  il  eft  fort 
commun.  Mais  comme  la  plupart  des  jar- 
diniers de  Paris  ,    &  ceux  des  provinces  à 
plus  forte  raifon  ,  confondent  cet  arbre  avec 
le  fycomore  y  il  eft  à  propos  de  rapporter 
ici  quelques  caractères  apparens ,  qui  puif- 
fent  les  faire  diftinguer  l'un  de  l'autre.  V éra- 
ble plane  a  P<*corce  blanchâtre  fur  le  vieux 
bois,  les  boutons  rougeâtres  pendant  l'hiver, 
la  feuille  plate  ,  mince ,  &  d'un  verd  ten- 
dre ;  les  fleurs  jaunes  ,  difpofées  en  bou- 
quets relevés  ,  &  la  graine  applatie  :  le  fy- 
comore au  contraire  a  la  tige  plus  grofTe  , 
la  tête  plus  étendue ,  I'écorce  roufsâtre  ,  les 
boutons  jaunes  en  hiver  ,    la  feuille  plus 
'épaifle  ,  plus  brune  ,  &  un  peu  repliée  en 
deftus  ;  les  fleurs  d'un  petit  jaune  verdâtre , 
bien  moins  apparentes ,  difpofées  en  grappes 
pendantes  ,  &  fa  graine  eft  ronde. 

~U  érable  plane  }  panaché  :  c'eft  une  vériété 
de  l'efpece  qui  précède,  &  à  laquelle  on 


E  R  A  895 

peut  appliquer  ce  qui  a  été  dit  plus  haut 
du  fycomore  panaché  ;  iî  ce  n'eft  pourtant 
qu'il  n'eft  pas  encore  certain  qu'en  femant 
les  graines  de  celui-ci,  on  doive  s'attendre 
que  les  nouveaux  plants  conferveront  la 
même  variété. 

Le  petit  érable  plane  ,  ou  Y  érable  à  fucre  ; 
arbre  de  moyenne  grandeur  ;  qui  croît  na- 
turellement dans  la  Virginie  ,  où  il  eft  fort 
commun  ,  &  où  on  lui  donne  le  nom  d'éra- 
ble à  fucre.  Sa  tige  eft  très-droite  &  fort 
menue ,  fon  écorce  eft  cendrée  ;  les  boutons 
des  jeunes  branches  font  d'une  couleur  très- 
brune  pendant  l'hiver  :  fa  feuille  a  beaucoup 
de  refîèmblance  avec  celle  de  Y  érable  plane 
ordinaire  ;  mais  elle  eft  plus  grande  ,  plus 
mince  ,  &  d'un  verd  plus  pâle  ,  tenant  du 
jaunâtre  en  deflus  ,  mais  un  peu  bleuâtre 
en  defïbus.  Son  accroiftement  eft  beaucoup 
plus  lent  que  celui  deY  érable  plane  dont  on 
a  parlé  ;  il  étend  bien  moins  fes  branches , 
&  il  ne  fait  qu'une  petite*  tête:  il  donne 
de  la  verdure  de  très-bonne  heure  au  prin- 
temps ,  &  avant  tous  les  autres  érables.  Cet 
arbre  eft  encore  fort  rare  en  France  ;  mais 
il  y  en  a  plufieurs  plants  dans  les  jardins  de 
M.  de  Buffon  à  Montbard  en  Bourgogne  , 
qui ,  quoiqu'âgés  de  dix  ans ,  n'ont  encore 
donné  ni  fleur  ni  graine.  Cet  arbre  eft  très- 
robufte  ,   il  foutient  les  grandes  chaleurs 
aufîi-bien  que  les  longues  fécherefles  ;  il  ré- 
fifte  à  l'effort  des  vents  impétueux  &  à  la 
rigueur  des  grands  hivers  ,  &  il  prend  p'us 
d'accroifTement  dans  un  terrein  fec  &  élevé , 
que  dans  les  bonnes  terres  de  vallée.  On 
prétend  que  les  habitans  de  la  Virginie  font 
de  bon  fucre  ,  &  en  grande  quantité ,  avec 
la  fève  qu'ils  tirent  de  cet  arbre  parincifion. 
\J érable  blanc  :  arbre  de  moyenne  gran- 
deur ,  originaire  de  l'Amérique  feptentrio- 
nale  ,  fur-tout  de  la  Virginie ,  où  il  eft  plus 
commun  qu'ailleurs.  Il  fait  une  belle  tige 
droite  :  fon  écorce  fur  le  vieux  bois  eft  plus 
blanche  que  celle  d'aucune  efpece  d'érable  ; 
mais  celle  des  jeunes  rameaux  eft  rougeâtre , 
ainfi  que  les  boutons  ,  pendant  l'hiver  :  fes 
feuilles  d'un  verd  brillant  en  deflus  ,  &  ar- 
gentin en  defîbus  ,  font  une  des  grandes 
beautés  de  cet  arbre  ;  elles  deviennent  rou<-- 
geâtres  avant  leur  chute  en  automne.  Dès 
le  mois  de  janvier  ,    dans  les  hivers  peu; 
rigoureux ,  il  commence  à  donner  des  fleurs- 


$96  E  R  A 

rougeâtres  qui  durent  plus  d'un  mois ,  & 
qui  l'ont  aflez  apparentes  pour  faire  un  af- 
pect  agréable  dans  une  telle  faifon  ;  les  grai- 
nes qui  fuccedent  ,  &  qui  font  de  la  même 
couleur  ,  font  durer  le  même  agrément 
pour  autant  de  temps  :  peu  après ,  ces  graines 
fe  trouvent  en  maturité  ,  à  moins  que  les 
fleurs  n'aient  été  flétries  par  les  gelées  du 
printemps ,  qui  gâtent  fi  fouvent  les  graines 
en  Bourgogne  ,  que  des  arbres^de  vingt  ans 
n'en  ont  point  encore  rapporte.  Cet  arbre 
exige  plus  de  choix  fur  la  qualité  du  fol , 
que  les  aunes  efpeces  &  érables  ;  il  perd  de 
fa  beauté  dans  les  terreins  fecs  ,  élevés  & 
fuperficiels  :  ce  n'eft  pas  qu'il  n'y  grofTiflè 
&  qu'il  n'y  prenne  de  l'élévation  autant 
que  les  autres  arbres  de  fon  genre  ;  mais  il 
n'y  donne  que  de  petites  feuilles  qui  font 
peu  d'ombrage  ,  &  qui  tombent  de  bonne 
heure  ,  fouvent  même  dès  le  commence- 
ment du  mois  de  feptembre  dans  les  an- 
nées trop  feches.  Il  faut  donc  zY érable  blanc 
une  bonne  terre  ,  quelque  culture  &  de 
l'humidité  ,  pour  l'amener  à  fa  perfe&ion  ; 
du  refte  ,  il  ne  dégénère  pas  des  efpeces  qui 
précédent ,  pour  la  viteffe  de  l'accroiftement 
&  les  autres  bonnes  qualités  qu'on  leur  a 
attribuées. 

1J  érable  blanc  à  grandes  fleurs  :  arbre  de 
moyenne  grandeur  ,  que  l'on  nomme  com- 
munément en  Angleterre  Y  érable  Je  Charles 
Wager  ?  parce  que  c'eft  cet  amiral  qui  l'a 
fait  venir  d'Amérique  ;  mais  cet  arbre  n'eft 
point  encore  parvenu  en  France.  Il  a  beau- 
coup de  reffemblance  avec  le  précédent  , 
dont  il  ne  diffère  que  par  une  beauté  qu'il 
a  de  plus.  Ce  font  fes  fleurs  de  couleur 
écarlate  ,  qui  ,  au  rapport  de  M.  Miller , 
forment  de  très- grandes  grappes  ,  dont  les 
plus  jeunes  branches  font  fl  bien  garnies , 
qu'à  une  petite  diftance  l'arbre  en  paroît 
tout  couvert  ,  ce  qui  eft  caufe  que  l'on  ne 
fait  plus  tant  de  cas  de  l'efpece  précédente  , 
qui  a  moins  d'agrément.  C'eft  tout  ce  qu'a 
dit  récemment  M.  Miller  de  ce  bel  arbre  , 
qui  auroit  bien  mérité  quelque  détail  de 
plus. 

U 'érable  à  feuille  de  frêne  :  grand  arbre 
qui  nous  eft  aufti  venu  de  la  Virginie  où  il 
croit  communément  ,  &  où  il  devient  un 
des  plus  gros  arbres.  Sa  tige  eft  droite.  Son 
écorce  eft  cendrée  fur  le  vieux  bois ,  & 


E  R  A 

verte  fur  les  jeunes  branches.  Sa  feuille  eft 
différente  de  celle  de  toutes  les  autres  ef- 
peces d'érables  ;  elle  eft  compofée  de  trois 
&  le  plus  fouvent  de  cinq  lobes  ou  petites 
feuilles  ,  tenant  à  une  même  queue  &  irré- 
gulrérement  échancrées  ;  ce  qui  a  fait  donner 
à  cet  arbre  le  nom  &  érable  à  feuille  de  frêne  y 
quoique  cette  reflèmblance  foit  fort  impar- 
faite. Ses  fleurs ,  d'une  couleur  herbacée  qui 
n'a  nulle  belle  apparence  ,  viennent  en  lon- 
gues grappes  pendantes  &  applaties.  Les 
graines  qu'elles  produifent  font  plates  auiïi , 
j  toujours  jumel'.es ,  &  recourbées  en  dedans. 
!  Cet  arbre  mérite  qu'on  s'attache  à  le  mul- 
I  tiplier  ;  on  peup  en  tirer  de  l'agrément  pat: 
j  rapport  à  fon   beau  feuillage  qui  eft  d'un 
'  verd  tendre  ,  &  dont  lafpecl  a  l'air  étranger. 
j  II  réuftit  dans  tous  les  terreins  ;  il  réfifte  à 
l'intempérie  des  différentes  faifons  dans  ce 
climat.  Son  accroifïement  eft  très-prompt  , 
&  fa  multiplication  des  plus  faciles.  Le  plus 
court  procédé  pour  y  parvenir  ,  c'eft  d'en 
faire  des  boutures  dont  le  fuccès  n'eft  jamais 
équivoque ,  &  conduit  d'ordinaire  à  les  voir 
s'élever  jufqu'à  fept  pies  en  deux  ans;  même 
dans  un  terrein  léger  &  fec  ,  pourvu  qu'on 
leur  fafîè  de  l'ombre.  Il  feroit  avantageux 
de  multiplier  cet  arbre  par  l'utilité  que  l'on 
pourroit  retirer  cie  fon  bois ,  qui  eft  d'aufTi 
bonne  qualité  que  celui  des  autres  efpeces 
d'érables. 

L'érable  à  feuille  ronde  ,  ou  l'opale  :  il 
croît  naturellement  dans  les  pays  méridio- 
naux de  l'Europe  ,  fur-tout  en  Italie  &  par- 
ticulièrement aux  environs  de  Rome ,  où 
il  eft  l'un  des  plus  grands  arbres  de  ce  canton- 
là  ,  &  où  on  lui  donne  le  nom  d'opale.  Cet 
arbre  eft  à  peine  connu  en  France  :  il  eft 
même  très- rare  en  Angleterre  ,  quoique 
aflez  robufte  pour  le  plein  air.  Mais  comme 
M.  Miller  aflure  que  l'on  fait  cas  de  l'opale 
en  Italie  à  caufe  de  la  beauté  de  fon  feuil- 
lage ,  qui  faifant  beaucoup  d'ombre  engage 
à  le  planter  le  long  des  grands  chemins  & 
proche  des  maifons  de  plaifance  ,  il  faut  ef- 
pérer  que  le  goût  qui  règne  pour  l'agricul- 
ture ,  portera  les  amateurs  à  faire  venir  des 
graines  de  cet  arbre  pour  le  multiplier. 

L' érable  commun,  ou  le  petit  éi  aide  :  arbre 
très-commun  en  Europe,  tantôt  petit,tantôt 
élevé  ,  félon  fa  pofïtion  ,  ou  fuivant  la  qua- 
lité du  fol.  Comme  il  ctoît  volontiers  dans 

les 


E  R  A 

les  mauvais  terreins ,  on  ne  le  voit  ordinai- 
rement qu'en  fous-ordre  &  de  Ja  forme  d'un 
arbrifTeau  dans  les  haies ,  les  buiftbns  ,  & 
les  places  vagues  ;  mais  s'il  fe  trouve  en 
bonne  terre  ,  &  qu'on  lui  laifTe  prendre  fon 
accroifîement  parmi  les  autres  grands  arbres 
des  forêts,  il  s'élève  &  groffitavec  le  temps 
jufqu'au  point  ,  que  j'ai  vu  de  ces  érables 
qui  avoient  plus  de  cinquante  pies  de  haut, 
&  jufqu'à  fept  ou  huit  pies  de  pourtour. 
Cet  arbre  fait  de  lui-même  une  tige  droite  ; 
&  fi  on  le  voit  fou  vent  tortu  &  rabattu  , 
c'eft  parce  qu'il  aura  été  endommagé  par. 
le  bétail ,  ou  dégradé  par  d'autres  atteintes. 
Son  écorce  eft  brute,  ridée,  &  fort  iné- 
gale ,  même  fur  les  jeunes  branches  ;  bien 
différent  en  cela  des  autres  efpeces  à'érables,  j 
qui  tous  ont  l'écorce  très-unie.  Sa  feuille  eft 
petite  ,  d'un  verd  pâle ,  &  découpée  en 
cinq  parties  principales.  Ses  fleurs,  verdâtres 
&  de  peu  d'apparence  ,  viennent  en  bou- 
quet. Ses  graines  font  jumelles, plates,  aiiées, 
&  plus  petites  que  celles  des  grands  érables. 
Cet  arbre  eft  très-robufte;  il  croît  promp- 
tement,  il  fe  plaît  dans  tous  les  terreins ,  & 
par  préférence  dans  ceux  qui  font  fabîon- 
neux  ,  élevés  &  fupernciels  ;  il  fe  multi- 
plie aifément,  &  même  par  la  fimple  voie 
des  boutures  ;  il  réufiit  très-bien  à  la  tranf- 
plantation  :  on  peut  l'employer  de  toute 
hauteur  ,  fans  qu'il  faille  retrancher  beau- 
coup de  branches.  On  en  fait  ufage  dans 
les  jardins  ,  pour  former  des  palifîades  & 
d'autres  embellifîemens  de  cette  efpece  ; 
mais  le  cas  que  l'on  fait  aujourd'hui  de  cet 
arbre  ,  n'eft  pas  fondé  fur  les  feules  bonnes 
qualités  que  l'on  vient  de  rapporter ,  il  eft 
d'une  refîburce  infinie  pour  fuppléer  à  la 
charmille  par-tout  où  elle  refufe  de  venir  , 
foit  à  caufe  delà  mauvaife  qualité  du  terrein, 
ou  par  le  défaut  d'air  fufhfant.  Le  petit 
érable  a  le  mérite  fingulier  de  croître  avec 
fuccès  dans  les  terres  ufées  &  défeclueufes, 
&  il  réufîit  également  dans  les  endroits  trop 
reftèrrés  &  à  l'ombre,  &  fous  le  dégoutte- 
ment  des  autres  arbres.  Son  bois  eft  blanc 
&  veiné  ,  affèz  dur  ,  quoique  léger  ,  &  d'un 
grain  fin  &  fec  ;  il  eft  bon  à  brûler  ,  très- 
propre  aux  ouvrages  du  tour ,  &  fort  utile 
â  d'autres  petits  ufages. 

U érable  de  Montpellier:  petit  arbre  qui 
vient  naturellement  dans  les  provinces  mé- 
Tome  XIL 


E  R  A  §97 

rîdionales  de  ce  royaume ,  fur-tout  aux  en- 
virons de  Montpellier  où  il  eft  commun. 
Cet  arbre  peut  être  comparé  à  Y  érable  com- 
mun pour  le  volume  ;  il  fait  quelquefois  un 
aftèz  bel  arbre.  J'en  ai  vu  qui  s'étoient  élevés 
à  plus  de  trente  pieds ,  &  qui  en  avoient 
quatre  de  pourtour  ;  mais  plus  ordinaire- 
ment il  n'a  pas  moitié  de  ce  volume  ,  fur- 
tout  lorfqu'iî  n'a  pas  été  cultivé.  Il  ne  croît 
pas  fi  vite  ni  fi  droit  que  le  petit  érable.  La 
couleur  de  fon  écorce  eft  d'un  brun  rouf- 
sâtre.  Sa  feuille  eft  petite  ,  lifte  ,  ferme  & 
découpée  en  trois  parties  qui  font  égales  & 
fans  dentelures  :  elle  eft  d'un  verd  brun  & 
brillant  en  defîus,  &  d'un  petit  blanc  bleuâtre 
en  deftbus.  Ses  fleurs  difpofées  en  bouquet , 
font  jaunâtres  &  aflez  apparentes.  Ses  graines 
font  petites ,  rondes ,  ailées  ,  &  elles  vien- 
nent par  paires  ;  on  pourroit  faire  ufage  de 
cet  arbre  pour  l'ornement  d'un  jardin ,  où 
il  feroit  plus  propre  que  le  petit  érable  à 
former  des  pahiïàdes  ;  fes  jeunes  rameaux 
font  plus  fouples  que  ceux  de  ce  dernier 
arbre  ,  il  pouffe  plus  fbiblement ,  &  fa  ver- 
dure eft  plus  belle.  Quoique  originaire  des 
contrées  méridionales  de  ce  royaume  ,  il 
réfifte  parfaitement  au  froid  de  nos  provinces 
feptentrionales  ;  il  garnit  bien  une  paliftàde , 
fa  verdure  eft  fiable ,  &  fon  feuillage  n'eft 
nullement  fujet  à  la  déprédation  des  infec- 
tes ;  il  ne  fe  refufe  à  aucun  terrein  ,  il  réufîit 
bien  à  la  tranfplantation  ;  mais  ii  n'eft  pas 
facile  de  le  multiplier  au  loin  ,  parce  qu'il 
faut  femer  fes  graines  au  moment  de  leur 
maturité  ;  elles  ne  lèvent  pas  dès  qu'il  faut 
du  retard  pour  les  faire  arriver  à  leur  defti- 
nation ,  à  moins  pourtant  qu'on  n'eût  pris 
la  précaution ,  fi  utile  pour  la  plupart  des 
graines  ,  qui  eft  de  les  envoyer  dans  de  la  • 
terre. 

L'érable  de  Candie:  petit  arbre  originaire 
desifles  de  l'Archipel,  oùil  eft  fort  commun. 
C'eft  le  plus  petit  de  tous  les  érables  connus. 
J'en  ai  vu  de  fort  âgés  que  l'on  avoit  laifte 
croître  à  leur  gré  dans  un  bon  terrein  ,  & 
qui  n'avoient  que  dix-huit  pies  de  haut  & 
cinq  pouces  de  diamètre.  Cet  arbre  au  pre- 
mier afpect  a  beaucoup  de  reflèmblance  avec 
le  précédent.  Son  écorce  eft  un  peu  gvife. 
Sa  feuille ,  qui  eft  aufîi  découpée  en  rrois 
parties ,  a  quelques  dentelures  irréguiieres  ; 
elle  eft  comme  celle  de  l'arbre  précédent , 

Xxxxx 


898  E  R  A 

d'un  verd  foncé  &  brillant  en  de/Tus ,  & 
du  même  verd  en  deflbus ,  &  la  queue  qui 
foutient  cette  feuille  eft  très-courte  ,  au  lieu 
que  dans  l'autre  efpece  elle  eft  fort  longue. 
La  fleur  &  la  graine  n'ont  pas  des  différences 
bien  fenfibles.  Cet  arbre  a  toutes  les  bonnes 
qualités  de  Yérable  de  Montpellier  ,  &  quel- 
ques avantages  de  plus  ;  tels  que  la  facilite 
de  pouvoir  le  multiplier  par  le  fïmple  moyen 
des  boutures,  &  le  mérite  particulier  de 
conferver  fa  verdure  jufqu:à  la  fin  de  Tar- 
riere  faifon.  De  tous  ks  arbres  robuftes  qui 
ne  font  pas  toujours  verds ,  c'eft  celui  dont 
la  feuille  fe  foutient  le  plus  long-temps  con- 
tre les  premières  fraîcheurs  de  l'hiver  ;  en 
forte  que  le  plus  fouvent  elles  font  encore 
bien  faines  au  commencement  du  mois  de 
novembre. 

Il  y  a  encore  trois  ou  quatre  efpeces 
^érables  que  l'on  a  découvertes  dans  le 
Canada  ",  &  qui  font  fi  rares  en  Europe  , 
qu'elle  ne  font  point  encore  afïèz  connues 
pour  en  taire  ici  une  defcription  fatisfaifante. 

Tous  ces  difFérens  érables  donnent  pref- 
qu'en  même  temps  leurs  fleurs  à  la  fin 
d'avril ,  ou  au  plus  tard  les  premiers  jours 
du  mois  de  mai ,  &  leurs  graines  fe  trouvent 
en  maturité  au  commencement  du  mois 
d'octobre ,  à  l'exception  de  celles  de  Y  érable 
blanc  ,  qui  mûrifïènt  beaucoup  plutôt.  Mais 
comme  ces  graines  tombent  bientôt  après 
leur  maturité ,  &  qu'elles  font  fujettes  à  être 
difperfées  par  le  vent  à  caufe  de  leur  légè- 
reté ,  il  faut  avoir  attention  de  les  faire 
cueillir  à  propos  ,  fi  on  veut  les  femer.  L'au- 
tomne eft  le  temps  le  plus  propre  à  cette 
opération  ;  car  fi  on  attendoit  au  printemps , 
elles  ne  leveroient  que  l'année  fuivante.  Au 
bout  de  deux  ans ,  les  plants  feront  en  état 
d'être  tranfplantésen  pépinière ,  où  il  faudra 
les  laifTèr  trois  ou  quatre  ans  ;  après  quoi  on 
pourra  les  placer  à  demeure.  Ces  arbres 
réufîifTent  bien  à  la  tranfplantation  ,  qui  leur 
caufe  peu  de  retard;  ils  foufFrent  la  taille  en 
été  comme  en  hiver,  &  c'eft  au  commence- 
ment du  mois  de  juillet  qu'il  faut  tailler  les 
palilîàdes  formées  avec  les  érables  de  la 
petite  efpece  (c). 

Nouvel  article  fur  VEràble  ,  par  M.  le 
Baron  de  Tschoudi. 

$.  Érable  ,  ÇBotJ  en  latin  ,  acer;  en 


E  R  A 

Anglois ,    mapple  -  tree  ,•  en   Allemand  , 
ahornbaum. 

Car  acier  e  générique. 

Les  érables  portent ,  fuivant  les  efpeces , 
des  fleurs  hermaphrodites  feulement ,  ou 
bien  des  fleurs  mâles  &  des  fleurs  herma- 
phrodites fur  le  même  individu  ;  ces  der- 
nières font  compofées  de  cinq  pétales  ,  de 
cinq  étamines  ,  terminées  par  des  fommets 
oblongs  &  d'un  calice  monopétale  découpé 
en  cinq  parties  :  au  deiîus  de  l'embryon 
s'élève  un  ftyle  couronné  par  deux  ftig- 
mates  recourbés  :  l'embryon  fe  change  en 
deux  capfules  plates  ,  réunies  par  leur  bafe 
&  jointes  en  manière  de  croifîànt  :  ces  cap- 
fules font  pourvues  d'une  aile  qui  s'allonge 
à  mefure  qu'elles  groffiiïènt:  elles  renfer- 
ment chacune  une  femence  ovale. 

Efpeces. 

1.  Érables  à  feuilles  à*  cinq  lobes  ,  iné- 
galement dentelées  ,  à  fleurs  en  grappes. 
Érable  blanc  de  montagne  dit  fycomore. 
Faux  fycomore. 

Acer  foliis  quinque  lobis  _,  incequaliter 
ferratis^floribus  racemofis.  Linn.  Sp.  plant* 
Acer  montanum  candi  dum.  C.  B.  P. 

Greater  mapple  falfe  fycomore. 

N.  B.  On  en  a  une  variété  à  feuilles  pa- 
nachées. 

2.  Érable  à  feuilles  unies  â  cinq  lobes 
pointus  ,  â  dents  aiguës  ,  à  fleurs  en  grap- 
pes. Érable  à  feuilles  de  platane  ou  plane. 
Érable  de  Norwege. 

Acer  foliis  quinque  lobis  acuminatis,  acutè 
dentatis , glabris yfloribus  corymbofis.  Linn. 
JFlor.  Suec.  Acer  plantanoides.  Munt.  Hifi* 

Noiway  mapple. 

N.  B.  Il  y  en  a  une  variété  à  feuilles  pa- 
nachées. 

3.  Érable  à  feuilles  à  lobes  obtus  & 
échancrés.  Petit  érable  commun.  Petit  éra-, 
ble  des  bois. 

Acer  foliis  lobatis  obtufis  emarginatis. 
Linn.  Sp.  plant.  Acer  cdmpeftre  &  minus. 
C.  B.  P. 

Common  or  lejjer  mapple. 

4.  Érable  à  trois  lobes  peu  marqués  ,  à* 
feuiHe*  un  peu  dentelées  &  prefque  pé- 


E  R  A 

rennes.  Érable  à  feuilles  de  lierre.  Érable 
d'Orient.  Érable  de  Candie.  Érable  tou- 
jours verd. 

Acer  foliis  fubtrilobis  ferrulatis.  Acer 
creticum.  Profp.  Alpin.  Acer  Orientalis 
hederx  folio.  Cor.  Inft.  reiherb.  Acer  foliis 
fubtrilobis  ferrulatis  quafi  perennenabus. 
Hort.  Col 

Cretan  mapple. 

Ç.  Érable  à  feuilles  à  trois  lobes,  très- 
entières.  Érable  de  Montpellier. 

Acer  foliis  trilobis  integerrimis.  Prod. 
Leyd.  Roy.  Lugd.  B.  Acer  mfolia.  C.  B.  P. 

Montpellier- mapple. 

6.  Érable  à  feuilles  composes  ,  à  rieurs 
en  grappes.  Érable  à  feuilles  de  frêne.  Éra- 
ble à  fucre  de  Virginie.  Negundo. 

Acer  foliis  compofitis  ,fioribus  racemqfs. 
Hort.  Cliff.  Acer  maximum  foliis  trifidis 
vel quinque fidis  Virginianum.VXvk.  Phit. 
Acer  Negundo. 

Ash  leaved  mapple. 

7.  Érable  à  cinq  lobes  ,  dentelés ,  glau- 
ques pardefïbus ,  à  longs  pédicules  verds. 
Érable  de  Canada  à  fleur  rouge  herma- 
phrodite. 

Acer  foliis  quinque  lobatis,  dentatis,  fub- 
tùs  glaucis  ,  pedunculis  longifjimis  viridi- 
bus.Hort.  Col.  Acer  foliis  quinque  lobis  fub- 
tùs  dentatis  ,  fubtiis  glaucis  ,  pedunculisfim- 
plicijfimis  aggregatis.  Linn.  Sp.  pi.  Acerfio- 
ribus  rubris  ,  folio  majori  fupernè  viridi fub- 
tîis  argemeo  fplendente.  Chy t.  flor.  Virg. 

Scarlet  flowering  mapple. 

8.  Érable  à  feuilles  à  cinq  lobes  ,  d'un 
verd  pâle  &  luifant  pardeffus  ,  glauques 
pardefïbus ,  à  pédicules  courts  &  rouges. 
Plane  de  Canada. 

Acer  foliis  quinque  lobis  fupernè  viridi 
pallefcente  lucidis,  fubtàs  glaucis,  pedun- 
culis brevibus  rubefeentibus.  Hort.  Col. 
Acer  Virginianum  folio  majore  fubtùs  ar- 
gemeofupra  viridi  fplendente  :  mas  &fcemi- 
na.  Pluk.  Phyt.  Acer  foliis  quinque  partito 
palmatis  acuminato  dentatis.  Linn.  Sp.  pi. 

American  fugar  mapple,  n°.  6,  de  Miller. 

9.  Érable  à  feuilles  à  trois  lobes ,  poin- 
tues &  dentelées ,  à  fleurs  en  grappes. 
Érable  à  bois  jafpé.  Érable  du  jardin  du 
roi.  Érable  à  très-larges  feuilles ,  n°.  7 y  de 
Miller.  Érable  de  Penfylvanie. 

Acer  foliis  trilobis,  acuminatis,  dentatis ? 


E  R  A  S99 

floritus  racemofis.  Sp.  pi  Linn.  Acer  foliis 
ampliffimis  tricufpidatim  dejînintibus  > 
cortice  jafpidem  refereme.  Hou.  Col. 

American  mountain  mapple. 

10.  Érable  d'Amérique  à  trois  lobes  , 
terminés  chacun  par  trois  pointes  aiguës  , 
à  bourgeons  rouges. 

Acer  Ame ricanum  foliis  trilobis  unoquo- 
que  lobo  tricufpidatim  de/mente  >  gemmi* 
rubefeentibus.  Hort.  Col. 

Ce  dernier  érable  ne  fe  trouve  dans  au- 
cun auteur. 

Nous  avons  fous  les  yeux  toutes  les  et- 
peces  de  notre  catalogue  ;  mais  M.  Duha- 
mel annonce  trois  efpeces  nouvelles  qui  lui 
font  venues  de  Canada,  &  qu'il  n'a  pas 
décrites.  On  trouve  en  Angleterre  une 
variété  appellée  Charles  Wager's  mapple, 
Y  érable  de  Charles  Wager  ;  elle  porte  des 
corymbes  de  fleurs  rouges  plus  étoffés ,  plus 
rapprochés ,  &  par  conféquent  d'un  plus  bei 
effet  que  ceux  de  Y  érable  rouge  commun , 
dont  il  tire  apparemment  fon  origine.  La 
forêt  d'Ardenne  produit  une  variété  du 
petit  érable  commun ,  dont  elle  diffère 
par  fes  feuilles  qui  font  plus  grandes  &  plus 
pointues. 


Le  /2".  1 
qu'un  arbre  d 


eft  le  faux  fycomore  ;  ce  n'eft 
la  féconde  grandeur;  mais 
j'en  ai  vu  de  prodigieux  au  bord  d'un  lac 
dans  la  SuifTe.  Il  commence  par  pouffer  des 
branches  divergentes  qui  fe  rapprochent 
enfuite;  il  s'arrondit  enfin  &  forme  une 
belle  touffe  ;  fes  feuilles  fe  distinguent  de 
celles  du  /2°.  z  ,  en  ce  que  leurs  lobes  font 
émouflés  par  le  haut ,  au  lieu  que  dans 
celles  du  fécond ,  ils  font  terminés  par  des 
pointes  aiguës  :  les  premières  font  d'un 
verd  fombre  &  matte  en  deffus ,  &  d'un 
verd  un  peu  cendré  en  deflbus.  Les  fécondes 
ont  leur  partie  fupérieure  d'un  verd  gai  & 
luifant  ,  &  leur  deffous  d'un  verd-jaune 
brillant:  les  unes  &  les  autres  font  fort 
larges.  L'écorce  du  faux  fycomore  eft 
brune ,  celle  du  n°.  z  eft  grisâtre  :  la  touffe 
du  premier  eft  fort  étendue ,  celle  du  fé- 
cond eft  plus  raffemblée  :  les  fruits  du 
n°.  1  font  arrondis  ,  ils  forment  par  leur 
réunion  un  angle  curviligne  ;  ceux  du 
n°.  z  font  applatis,  &  ils  divergent  fur 
un  angle  reâiligne  fort  ouvert. 
Le  vrai  fycomore  eft  une  forte  de  figuier 
Xxxxx  z 


ooo  E  R  A 

qui  croît  en  Egypte  &  dans  la  Paîeftine  ; 
la.  reffemblance  des  feuilles  de  cet  arbre 
avec  celles  du  n°.  i  a  établi  leur  fynony- 
mie  qui  ne  fert  qu'à  jeter  de  la  confufion. 

,  Le  taux  fycomore  eft  propre  à  figurer 
dans  les  parcs  ,  où  il  réufîîra  dans  les  plus 
mauvaifes  terres  ;  on  peut  aulli  en  former 
des  taillis  qui  croîtront  très-vite  ;  le  bois 
en  eft  meilleur  que  les  autres  bois  blancs  ; 
on  en  fait  des  planches  d'un  aflez  bon  ufage 
pour  l'intérieur  des  maifons  ;  il  n'eft  pas 
mauvais  pour  les  ouvrages  du  tour  &  pour 
les  arquebufiers  :  cet  arbre  fe  multiplie  par 
les  marcottes  qui  s'enracinent  très-vite ,  & 
il  reprend  même  aflèz  bien  de  bouture  ; 
mais  pour  le  reproduire  en  abondance ,  il 
faut  avoir  recours  à  la  voie  du  femis  :  dès 
que  les  graines  font  mûres ,  on  les  ftratirie 
dans  du  fable  mêlé  d'une  terre  un  peu 
humide  ,  dans  une  caiffe  qu'on  enterre  con- 
tre un  mur  ,  ou  qu'on  pofe  dans  un  cellier  ; 
en  février  on  les  feme  pêle-mêle  avec  le 
fable  &  la  terre ,  dans  des  rigoles  creufées 
avec  l'un  des  angles  de  la  houe ,  de  la  pro- 
fondeur d'environ  un  pouce  &  demi  :  il 
eft  rare  que  ce  femis  ne  réufliflè  très-bien. 
La  féconde  automne  on  plante  les  petits 
arbres  en  pépinière  à  deux  pieds  les  uns 
des  autres  ,  dans  des  rangées  diftantes  de 
trois  pieds  ;  on  ne  doit,  pas  beaucoup  les 
élaguer  les  premières  années ,  fi  l'on  veut 
qu'ils  prennent  du  corps  ;  au  bout  de  cinq 
ou  fix  ans ,  ils  forment  des  fujets  propres 
à  être  plantés  à  demeure  ;  ils  viennent  paf- 
fablement  par-tout  ;  mais  ils  préfèrent  les 
terres  humides  &  le  bord  des  eaux.  Le  faux 
fycomore  réufTit  dans  certaines  parties  de 
la  Champagne,  où  les  autres  efpeces  ne 
font  que  languir.  On  eft  dans  Tufage  en 
Angleterre  d'en  planter  le  long  de  la  mer  , 
pour  abriter  des  plantations  plus  pré- 
cieufes. 

Sa  variété  à  feuilles  panachées  eft  un 
des  plus  beaux  arbres  qu'on  puiffe  voir  : 
les  feuilles  qui  ont  pris  leur  confiftance 
font  d'un  verd  obfcur  ,  rayé  d'un  blanc 
citrin  &  d'un  verd  clair  ;  mais  dans  les 
feuilles  récentes ,  ces  raies  tirent  fur  la 
couleur  de  rofe.  Rien  de  plus  riant  que 
la  touffe  de  ces  arbres  vue  en  defïbus  ;  la 
lumière  joue  mieux  à  travers  le  tiffù  tranf- 
parent  des  panaches ,  qu'elle  ne  fait  dans 


E  R  A 

les  feuilles  uniformes  ;  ainfi  on  jouit  de 
l'éclat  adouci  des  rayons  folaires ,  fans 
éprouver  leur  chaleur  ;  &  puifque  les  mois 
de  l'été  ne  procurent  que  peu  d'arbres  fleu- 
ris ,  dont  on  puifle  orner  les  bofquets  de 
cette  faifon  ,  le  fycomore  panaché  imitant 
les  fleurs  par  la  couleur  de  fes  feuilles  , 
doit  y  trouver  une  place  diftingute  ;  il 
peut  s'élever  de  marcottes  &  de  boutures , 
la  graine  même  ne  varie  guère  ;  ce  qui 
prouve  que  la  couleur  jaune  dont  il  eft 
entiché  ,  eft  bien  inhérente  à  fa  nature  ;  & 
lorfqu'on  le  voit  croître  aufli  vigoureufe- 
ment  que  le  fycomore  commun  ,  on  ne 
peut  guère  fe  perfuader  que  fon  enlumi- 
nure l'oit  oc&fionée  par  une  dépravation 
de  la  fève  ;  au  rette ,  il  s'écufïbnne  fort 
bien  fur  l'efpece  fimple  :  fi  on  fait  cettQ 
opération  à  la  fin  de  juin  ou  au  commen- 
cement de  juillet ,  les  écuffons  poufferont 
le  même  été  d'environ  un  pié  :  que  l'on 
attende  jufqu'à  la  fin  de  juillet  ou  jufqu'au 
mois  d'août,  ils  ne  s'élanceront  qu'au  prin- 
temps fuivant  ;  mais  alors  ils  formeront , 
d'un  feul  jet  ,  une  verge  de  cinq  ou  fix 
pies  ,  fi  le  fujet  fur  quoi  l'on  a  poié  l'écuf- 
îon  eft  d'une  grofleur  paftable. 

Le  72°.  z  faifoit  autrefois  l'ornement  des 
parcs  &  des  jardins  j  mais  comme  il  fe 
dépouille  de  bonne  heure  ,  &  que  fa 
feuille  eft  fouvent  attaquée  par  les  infectes , 
on  fait  à  préfent  moins  de  cas  de  ce  bel 
arbre  ;  ce  feroit  pourtant  dommage  de  le 
reléguer  dans  le  fond  des  forêts,  car  il  a 
le  mérite  de  verdoyer  de  très-bonne  heure , 
&  de  plus  il  fe  couvre ,  en  avril,  d'une  pro- 
digieufe  quantité  de  grappes  de  fleurs  d'un 
jaune  verdâtre  qui  font  d'un  afped  très- 
gracieux  ;  il  fe  multiplie  &  fe  cultive 
comme  le  n°.  z3  fur  lequel  il  peut  s'écuf- 
fonner  ;  toutefois  la  greffe  y  fait  bourrelet; 
ce  qui  montre  quelque  répugnance  de  la 
part  de  fa  fève ,  ou  du  moins  fait  foup- 
çonner  qu'il  eft  naturellement  d'une  plus 
haute  ftature  que  le  faux  fycomore.  On 
prétend  que  la  liqueur  féveufe  de  cet  érable 
évaporée  ,  pourroit  donner  une  forte  de 
fucre.  Quelquefois  ,  durant  les  chaleurs , 
les  feuilles  de  ces  deux  premières  efpeces 
font  couvertes  d'un  fuc  extravafé  ,  rafîèm- 
blé  en  petits  grumeaux  blancs  &  fucrés  , 
qu'on   appelle    vulgairement  manne ,-   on 


E  R  A 

fuppofe  qu'elle  eft  tombée  du  ciel  fous 
la  tbrme  d'une  rofée  épaifïè  :  quoi  qu'il 
en  foit  ,  les  abeilles  en  font  d'amples 
récoltes  fur  ces  érables  ;  ainfi  les  inftitu- 
teurs  de  ces  précieux  infectes  doivent  en 
planter  un  certain  nombre  dans  leur  voi- 
finage. 

\J  érable  ,  n9.  5  ,  croît  de  lui-même  dans 
la  plus  grande  partie  de  l'Europe  ;  on  le 
trouve  communément  dans  les  haies  ,  où 
il  eft  fort  touffu  &  de  bonne  défenfe  ;  la 
dent  du  bétail  lui  donne  une  forte  de 
tonte  qui  le  fait  garnir  finguliérement  :  il 
eft  très-propre  aufïi  à  former  des  paîiiTàdes  de 
la  hauteur  qu'on  voudra  ;  fes  feuilles  qui 
font  petites ,  pendantes  &  joliment  figurées 
en  trois  lobes ,  font  une  tapifferie  agréable, 
lorfqu'au  moyen  du  cifeau  elles  fe  déve- 
loppent fur  un  plan  uni  vertical  :  les  jeu- 
nes pouffes  de  cet  érable  font  rouges  ,  ce 
qui  ajoute  une  variété  gracieufe  aux  nuan- 
ces du  verd  naiffant.  Dans  les  forêts  dont 
le  fonds  eft  favorable  à  cet  arbre  ,  il  de- 
vient afTez  haut.  J'en  ai  vu  un  à  l'Hermi- 
tage  (  château  du  prince  de  Croi  )  qui  avoit 
deux  pie's  de  diamètre  &  une  hauteur 
proportionnée.  Comme  le  bois  de  cette 
elpece  eft  très-dur  ,  il  fert  aux  arquebu- 
siers ,  &  faos  doute  qu'il  feroit  employé 
avec  fuccès  par  d'autres  artifans  ,  fî  on 
frouvoit  de  ces  érables  d'une  belle  croif- 
fance  ;  il  conviendroit  donc  d'en  éle- 
ver dans  cette  vue  ;  jufqu'à  préfent  on 
les  a  tenus  dans  une  forte  d'efclavage  , 
en  arrêtant  leur  progrès  ;  ne  devroit  -  on 
pas  au  contraire  les  livrer  à  leur  naturel  , 
&  les  planter  en  quinconces  ,  en  allées  & 
en  futaies  ,  de  préférence  à  bien  d'autres 
qui  ne  les  valent  pas  ?  Ils  ne  demandent 
'pas  une  terre  grafïè  ;  fouvent  même  ils  y 
périffent ,  au  heu  qu'ils  réunifient  dans  des 
fols  où- le  charme  ,  qui  n'eft  point  délicat 
fur  les  alimens  ,  ne  fait  que  languir  :  il  eft 
certain  aufîï  qu'on  en  compoferoit  de  bons 
taillis.  Cet  érable  fe  multiplie  comme  les 
précédens  ;  mais  fa  graine  ,  quoiqu'on 
la  feme  en  automne  ,  ne  levé  que  la  fé- 
conde année  ;  il  eft  bon  d'en  être  pré- 
venu. 

L'efpece  ,  n°.4,  eft  un  arbre  d'une  taille 
médiocre  qui  habite  les  ifles  de  l'Archipel  ; 
fes  feuilles  reffemblent  à  celles  du  lierre  ; 


E  R  A  901 

elles  ne  font  pas  fi  épaifTes  que  celles  de 
V érable  fuivant  ,  avec  lequel  il  a  d'ail- 
leurs une  grande  reffemblance  ;  elles  font 
d'un  verd  luifant  ,  &  fur  les  jeunes  ar- 
bres en  bonne  expofition  ,  elles  fubfiftent 
une  partie  de  l'hiver  ;  ce  joli  érable  ,  qui 
eft  afïèz  dur  ,  contribuera  à  la  décoration 
des  bofquets  d'été  &  d'automne  ;  fes  fe- 
mences  ne  lèvent  quelquefois  que  la  fé- 
conde année  ;  mais  on  le  multiplie  aifé- 
ment  par  les  marcottes  qu'on  doit  faire 
en  juillet  ou  en  octobre  ;  il  reprend 
même  de  boutures ,  fi  on  y  apporte  les 
précautions  requifes.  Voye\  l'article  Bou- 

TURE. 

~U érable  _,  n°.  5  ,  a  ,  comme  nous  venons 
de  le  dire  ,  ks  feuilles  plus  épahTes  que 
celles  du  n°.  A  Les  bords  de  leurs  lobes 
font  auffi  moins  entamés  ,  l'écorce  eft 
moins  polie  &  moins  brune  ,  &  l'arbre 
paroit  devoir  atteindre  à  une  plus  grande 
hauteur  ;  il  ne  fe  dépouille  que  fort 
tard.  Du  refte  il  fe  multiplie  comme  le 
précédent  ;  il  eft  indigène  de  la  France 
méridionale  ,  &  connu  fous  le  nom  d'éra- 
ble de  Montpellier.  On  feroit  dos  haies- 
charmantes  de  l'un  &  de  l'autre  de  ces 
arbres  ;  leurs  écufïbns  prennent  fur  le  fyco- 
more  ,  mais  la  pouffe  qu'ils  ont  produite , 
périt  la  féconde  année  ;  du  moins  cela 
nous  eft-il  arrivé  conftamment.  Il  n'eft  pas 
douteux  qu'ils  peuvent  fe  greffer  l'un  fur 
l'autre  ;  mais  ils  prennent  mal  fur  le  petit 
érable  commun  avec  lequel  ils  ont  pour- 
tant beaucoup  d'analogie. 

\J érable  y  n°.  6 y  pafïè  pour  le  plus  grand 
des  arbres  de  fon  genre  ;  il  s'élève  fur  un 
tronc  fort  droit  à  une  hauteur  très-con- 
fidérable  ;  fon  écorce  eft  verte  dans  les 
jeunes  branches ,  &  grife  dans  les  ancien- 
nes ;  mais  polie  dans  les  unes  &  dans  les 
autres  :  fes  feuilles  font  ordinairement 
compofées  de  cinq  follioîes  oblongues  , 
pointues  &  crénelées  ,  elles  fe  diftinguent 
au  premier  coup  d'œil  de  tous  les  autres 
érables  j  leur  verd  eft  très-gai  &  tire  furie 
jaune  5  elles  fubfiftent  afîez  long-temps. 
Cet  arbre  doit  être  placé  dans  les  bof- 
quets d'été  ;  il  fe  multiplie  comme  les  n°.  1 
&  £  ;  il  ne  peut  fe  greftèr  ni  fur  fycomore», 
ni  fur  plaine  ;  i'écuflbn  même  ne  s'y  colle 
pas  ;  il  porte  fes  ôeurs  en  grappes  ;    fai 


901  E  R  A 

femenceeft  plus  petite  que  celle  des  autres 
érables  de  ce  genre. 

V érable  ,  n°.  J  ,  paroît  devoir  ne  former 
qu'un  arbre  d'une  taille  moyenne  ;  fon 
beau  feuillage  lui  afîïgne  une  place  dans 
les  bofquets  d'été  ;  fes  grappes  de  fleurs 
rouges  lui  donnent  entrée  dans  ceux  du 
printemps  ;  fon  bois  eft  fuperbement 
veiné  ;  on  en  fait  de  très- beaux  bois  de 
fufil.  Cet  arbre  s'écuffonne  au  mois  d'août 
fur  le  faux  fycomore  ,  &  y  réuiïit  très- 
bien. 

Le  n°.  8  fe  diftingue  du  précèdent  par  les 
caraderes  exprimés  dans  fa  phrafe  ;  il  prend 
moins  aifément  par  l'écuiibn  fur  faux  fy- 
comore que  le  n°.  J  ;  mais  quoique  fouvent 
la  féconde  année  il  périffe  une  partie  des 
pouffes  qui  font  provenues  de  la  greffe  ,  il 
en  réchappe  néanmoins  un  affez  grand  nom- 
bre pour  qu'on  doive  ne  pas  négliger  cette 
voie  de  multiplication  ;  au  refte  ,  on  le 
reproduit  fort  aifément  par  les  marcottes. 

V érable  >  n°.  $  ,  fe  diftingue  de  prime 
abord  de  tous  les  autres  ,  moins  encore  par 
la  largeur  &  la  figure  extraordinaire  de  {es 
feuilles ,  que  par  fon  écorce  gris  blanc  mar- 
quée de  ftries  verdâtres  ;  il  femble  ne  devoir 
guère  s'élever,  parla  raifon  qu'il  fleurit  fort 
jeune ,  &  parce  qu'étant  écuflbnné  fur  fy- 
comore ,  le  fujet  groflit  trois  fois  plus  que 
la  poufTè  de  fécuffon  :  comme  la  couleur 
de  fon  écorce  fait  fa  principale  beauté  ,  & 
Qu'elle  tranche  avec  celle  de  l'écorce  du 
fycomore  ;  comme  aufli  la  difproportion 
entre  la  groffeur  du  fujet  &  celle  de  la  greffe 
feroitunfort  vilain  effet,  il  convient  de po fer 
l'écuffon  à  deux  ou  trois  pouces  de  terre , 
afin  de  pouvoir  en  le  tranfplantant ,  enterrer 
le  nodus  qui  fe  trouve  à  fon  infertion.  Cette 
attention  procure  un  autre  avantage  ,  ç'eft 
qu'elle  met  ce  bourrelet  à  portée  de  prendre 
des  racines  qui  feront  vivre  ,  de  fa  propre 
fève  ,  V érable  greffé  ,  &  lui  communique- 
ront une  vigueur  finguliere  ;  au  refte  ,  il 
faut  s'attacher  à  l'obtenir  franc  du  pié  ;  à 
quoi  l'on  parvient  au  moyen  des  femences 
qui  mûriflent  dans  la  France  feptentrionals; 
à  leur  défaut ,  il  faut  avoir  recours  aux  bou- 
tures ,  &  fur-tout  aux  marcottes  qui  s'en- 
racinent très-facilement  :  on  coupe  à  quel- 
ques pouces  de  terre  un  de  ces  érables  greffés 
bas  j  &  on  enterre  enfui  te  les  rejets  qu'il  a 


E  R  A 

fournis.  Cette  efpece  poufle  au  printemps 
de  longs  bourgeons  couleur  de  rofe  fort  jolis, 
qui  lui  affignent  une  place  dans  les  bofciuets 
deftinés  à  ces  premiers  momens  de  l'année 
renaifTante  ,  où  les  plus  petits  effets  de  la 
végétation  font  précieux  ,  parce  qu'on  fe 
plaît  à  les  épier  ;  fon  écorce  jafpée  &  fes 
belles  feuiHes  lui  donnent  accès  dans  les  bof- 
quets d'été  où  l'on  peut  l'employer  en  tige 
le  long  de  petites  allées  ,  ou  bien  en  forme 
de  buiffon  dans  le  fond  des  mafïifs. 
•  *V  érable  _,  n°.  zo  9  pouffe  au  printemps 
des  bourgeons  écailleux  d'un  rouge  vif  mêlé 
de  couleur  de  noifette  qui  font  affez  plai- 
fans  ;  fon  écorce  eft  grife  ;  il  croît  lente- 
ment ,  &  ne  promet  pas  de  devenir  fort 
haut  ;  il  fe  multiplie  avec  beaucoup  de  peine 
par  les  marcottes ,  &  je  n'ai  pu  ,  jufqu'à 
préfent ,  réuffir  à  l'écuflônner  fur  aucune 
efpece  à' érable. 

On  trouve  dans  le  traité  des  arbres  fir 
arbufiesde  M.  Duhamel,  les  procédés  dont 
fe  fervent  les  Américains  pour  tirer  la  li- 
queur des  érables.  Cinquante  pintes  de  cette 
liqueur  rendent  ordinairement  dix  livres  de 
fucre  ;  le  meilleur  eft  celui  qui  eft  très-dur, 
d'une  couleur  rouffe  ,  un  peu  tranfparent , 
d'une  odeur  fuave  &  fort  doux  fur  la  langue. 
On  diftingue  en  Canada  deux  efpeces  de 
fucre  d'érable  :  l'un  s'appelle  fucre  a" érable 9 
&  l'autre  fuc  de  plaine.  Ce  font  nos  n°.  y 
&  8  qui  les  produifent. 

Erable  ,  (Mat.  méd.  )  On  ne  fait  point 
d'ufage  de  \  érable  parmi  nous  ;  on  regarde 
cependant  fon  fruit  &  fes  feuilles  comme 
de  bons  aftringens.  L'infufîoi  des  feuilles 
dans  du  vin ,  pafîè  fur-tout  pour  un  remède 
contre  le  larmoiement  involontaire,  (b) 

ER AILLÉ ,  adj.  fe  dit ,  dans  les  Manu- 
factures en  étoffés  y  lorfque  la  laine  du  filé  a 
été  enlevée  de  deffus  la  foie  qui  la  porte  > 
&  que  l'on  voit  cette  foie  à  découvert.  Il  fe 
dit  encore  de  toute  léflon  faite  à  l'ouvrage 
pendant  ou  après  fa  fabrique. 

ERAILLEMENT  des  Paupières  , 

voye\  ECTROPIUM. 

ERAILLER ,  v.  ad.  terme  d'ourdiffage; 
c'eft  tirer  une  étoffe  ,  une  toile  ,  une  gaze , 
de  façon  que  les  fils  s'entr'ouvrent ,  fe  fé-r 
parent ,  &  fe  relâchent.  La  mouffeline  ,  la 
gaze  &  le  crêpe  font  fort  fujets  à  dérailler, 

ERAJLLURE  ,  f,  f.  terme  d'oui diffage;. 


E  R  A 

il  fe  dit  de  Pendroit  d'une  étoffe  ,  d'une 
toile  ,  ou  d'une  gaze  ,  dont  le  tifïu  s'eft  fe- 
paré  dans  la  trame  ou  dans  la  chaîne ,  pour 
avoir  été  tiré*  trop  violemment. 

ERANARQUE  ,  f.  m.  (Hifi.  ancj 
c'étoit ,  chez  les  anciens  Grecs  ,  un  officier 
public  ,  dont  la  charge  confîftoit  â  préfider 
&  à  avoir  l'infpedion  des  aumônes  &  des 
provifions  faites  pour  les  pauvres. 

Uéranarque  étoit  proprement  l'adminif- 
traceur  ou  l'intendant  des  pauvres.  Lorlque 
quelqu'un  étoit  réduit  à  la  pauvreté  ,  ou1 
fait  prifonnier  ,  ou  qu'il  avoit  une  fille  à 
marier  ,  &  ne  la  pouvoit  pourvoir  faute 
d'argent ,  Yéranarque  afïèmbloit  les  amis  & 
les  voifins  de  cette  perfonne  ,  &  taxoit  cha- 
cun pour  contribuer  félon  fes  moyens  &  fon 
état.  D ici.  de  Trev.&c  Chambers.  (G) 

ERARIUM,  f.  m.  (Hifi.  anc.Jétok  le 
tréfor  de  l'état  fous  les  empereurs  Romains. 
Le  temple  de  Saturne  à  Rome  ,  où  fe 
gardoit  ce  tréfor ,  s'appelloit  par  cette  raifon 
cerarium  y  du  mot  ces  >  œris  _,  cuivre  ;  parce 
qu'il  n'y  avoit  pas  eu  d'autre  monnoie  à 
Rome  que  de  ce  métal  ,  avant  l'an  485  de 
fa  fondation.  Voyez  Monnoie  ,  ESPECE. 
Ce  fut  Augufte  qui  le  commença  ,  &  il 
fut  entretenu  de  ce  que  chacun  y  contribua 
volontairement  ;  mais  ces  contributions  ne 
fuffifant  pas  pour  les  befoins  de  l'état ,  le 
vingtième  des  legs  &  des  fuccefTions  fut 
aftigné  à  ce  tréfor  ,  pourvu  néanmoins  que 
les  héritiers  ou  les  légataires  ne  fuflènt  pas 
de  proches  parens  ,  ou  des  pauvres. 

On  tira  de  la  cohorte  prétorienne  trois 
officiers ,  à  qui  on  en  confia  la  garde  avec 
la  cualité  de  prcefecli  cerarii.  Chambers. 

ÊRASTIENS ,  f.  m.  pi  (  Hifi.  eccléf.) 
feâe  ou  parti  de  religion  qui  s'éleva  en  An- 
gleterre durant  le  temps  des  guerres  civiles, 
en  1647.  On  l'appelloit  ainfî  du  nom  de 
fon  chef  Eraftus.  La  doctrine  de  cette  fefte 
étoit  que  l'églife  n'avoit  point  d'autorité 
quant  à  la  difeipline  ,  c'eft-à-dire  ,  n'avoit 
point  le  pouvoir  légitime  d'excommunier , 
d'exclure  ,  d'abfoudre  ,  de  prononcer  des 
cenfures ,  de  faire  des  décrets  ,  ùc.  Cham- 
bers. (G) 

*  E  R  A  T  O  ,  (Myth.  )  celle  des  neuf 
mufes  qui  préfîdoit  aux  poéfies  amoureu- 
fes.  On  lui  attribue  l'invention  de  la  lyre  & 
du  luth  ;  &  on  la  représente  couronnée  de 


ERE  903 

myrtes  &  de  rofes  ,  tenant  une  lyre  d'une 
main  &  un  archet  de  l'autre  ,  &  ayant  à  Ces 
côtés  un  amour  debout  avec  fon  flambeau. 

Il  y  avoit  aufïï  une  néréide  du  même 
nom. 

ERDING  ,  (Géograph.)  ville  d'Allema- 
gne ,  dans  la  Bavière  inférieure  ,  &  dans  la 
préfecture  de  Landshut  fur  la  petite  rivière 
de  Sempt.  C'eft  le  fiege  d'une  jurifdiûion 
qui  s'étend  fur  quelques  bourgs  ,  châteaux 
&  feigneuries  qui  l'environnent.  Et  fon  ter- 
roir produit  les  plus  beaux  grains  de  la 
Bavière.  Pendant  la  guerre  de  trente  ans , 
elle  fut  faccagée  par  les  Suédois  à  deux  re- 
prifes.  (D.  G.) 

ERDOD  ,  (Géogr.J  Deux  villes  du 
royaume  de  Hongrie  portent  ce  nom  ,  &  le 
donnent ,  l'une  à  I'illuftre  famille  d'Erdodi , 
&  l'autre  aux  comtes  de  Salfy.  Elles  font 
fituées ,  la  première ,  dans  la  haute  Hongrie 
dans  le  comté  de  Sakmar  ,  &  la  féconde 
dans  l'Efclavonie  ,  dans  le  comté  de  Wero- 
witz.  (D.  G.) 

ERE  ,  f.  f.  en  afironomie  y  eft  la  même 
chofe  qu' époque  9  en  afironomie.  Voye\ 
Epoque  ,  qui  eft  beaucoup  plus  ufité  en  ce 
fens. 

Le  mot  ère  y  félon  quelques-uns ,  vient 
du  mot  Arabe  arach  ou  erach  ,  qui  fignifie 
qu'on  a  fixé  le  temps.  D'autres  croient  qu'il 
vient  des  lettres  initiales  de  l'époque  des  Es- 
pagnols :  Ab  Exordio  Regni  îdugafii    (OJ 

Ere,  (Chronol.)  terme  fynonyme  à  celui 
$  époque  y  &  qui  défîgneun  temps  fixe  d'où 
on  part  pour  compter  les  années  chez  dif- 
férens  peuples.  Voye\  Epoque.  Nous  igno- 
rons l'origine  du  mot  ère  ;  mais  il  eft  con- 
facré  aux  époques  particulières  qui  fuivent. 
Ajoutons  feulement  fur  cette  matière  ,  qu'on 
peut  confulterBaronius  ,  Calvifius ,  Kepler, 
Marsham  ,  Onuphrius ,  Pétau  ,  Pagi  ,  Pri- 
deaux  ,  Riccioli,  Salian,Scaiiger ,  Sigonius, 
|  Sponde ,  Vofîius ,  UfTerius ,  &c.  Article  de 
M.  le  chevalier  de  Ja  ucourt. 

Ere  des  Abyssins  ;  voye[  Ere  de 
DlOCLÉTIEN  ,  qui  eft  Vere  dont  les  Abyf- 
fins  fe  fervent. 

Ere  ACTIAQUE  ,  (Chronol)  époque 
des  Egyptiens ,  qui  a  pris  fon  nom  de  la 
bataille  d'Aâium  ,  que  l'armée  d' Augufte 
commandée  par  Agrippa  gagna  contre  Marc- 
Antoine  ,  l'an  723  de  la  fondation  de  Rome , 


9°4 


ERE 


&  qui  entraîna  l'année  fuivante  la  conquête 
de  toute  l'Egypte. 

C'eft  à  cette  conquête  que  Yere  acliaque 
doit  Ton  origine  ,  fuivant  l'ordonnance  des 
.Romains  qui  fut  ponctuellement  exécutée. 
En  effet  on  fe  fervit  depuis  ce  moment- là 
de  cette  époque  en  Egypte  ,  jufqu'à  la  pre- 
mière année  du  règne  de  Dioctétien  qui 
tombe  à  l'an  284  de  J.  C.  Alors  Yere  aclia- 
que changeant  de  nom  ,  fut  appellée  Yere 
de  Diock'tien,  &  parles  chrétiens  de.ee pays- 
là  ,  Yere  des  martyrs;  parce  que  ce  fut  fous 
le  règne  de  cet  empereur  qu'arriva  la  dixième 
perfécutionde  leglife,  où  tant  de  martyrs 
fcellerènt  de  leur  fang  la  vérité  de  leur  reli- 
gion. 

Quoique  Yere  acliaque  tirât  fa  dénomi- 
nation de  la  bataille  d'Actium  ,  elle  ne 
commença  pourtant  que  le  29  août  de 
l'année  fuivante  ,  &  l'on  fixa  ce. jour-là, 
parce  que  c'étoit  le  premier  jour  du  mois 
de  Fhoth  qui  faifoit  de  temps  immémorial 
le  premier  jour  de  l'an  des  Egyptiens.  D'ail- 
leurs ,  les  Romains  trouvèrent  le  29  août 
d'autant  plus  propre  à  régler  le  commen- 
cement de  la  nouvelle  ère  d'Egypte  ,  qu'ils 
avoient  réduit  ce  royaume  fous  leur  joug 
vers  la  fin  du  mois  d'août. 

C'eft  auffi.  pourquoi  le  fenat  changea  par 
un  décret  l'ancien  mois  de  Sextilis  en  celui 
d'ylugujlus  }  &  il  ne  s'en  tint  pas  à  cette 
feule  marque  ,de  baiTeiîe  &  de  fiaccerispour 
l'empereur.  Mais  fans  nous  y  arrêter  ,  ad- 
mirons le  fort  des  chofes  humaines  !•  Octave 
par  la  victoire  d'Actium  enlevé  l'empire  du 
monde  à  Antoine  ;  &  ce  fut  la  poftérité 
d'Antoine  qui  dans  la  fuite  jouit  de  cet  em- 
pire ,  du  moins  pendant  quelque  temps  , 
tandis  que  celle  d'Augufte  ne  parvint  ja- 
mais à  le  pofféder  ,  fie  vos  non  vobis 

Voye\  M.  Prideaux,  qui  entre  dans  de  plus 
grands  détails.  Article  de  M.  le  Chevalier 

DE  J  AU  COURT. 

Ere  d' Alexandre  ,  voye\ Ere  Phi- 
lippïque. 

Ere  d'Antioche  ,  (Chron.)  cette  épo- 
que dont  fe  fervent  pkmêurs  -écrivains  ec- 
cléfiafliques  ,  commençait  49  ans  avant 
J.  C. ,  en  la  4  année  de  la  182,  olympiade  , 
l'an  705  de  Rome.  Ce  fut  aufîi  la  première 
-année  de  la  dictature  de  Jules  Céfar  ,  &: 
celle  de  la  liberté  de  la  ville  d'Amioche. 


ERE 

Quelques  auteurs  fixent  cette  ère  d'après 
l'autorité  de  Scaliger  à  la  48  année  avant 
J.  C.  :  mais  on  prétend  qu'ils  fe  trompent. 
Voyei  Pagi,  dijj'ert.  de  periodoGraeco-Ro- 
mana;  Pétau,  de  doQ.  1  emp.  I. X,  cap.  Ixij; 
Riccioli,  chronol.  reform.  I.  III ,  cap.  xyy 
p.  1;  art.  de  M.  le  chev.  de  J  AU  court. 

*  Ere  Arménienne  ,  qui  eft  encore 
en  ufage  parmi  les  Arméniens.  Elle  com- 
mence le  9  juillet  de  l'an  du  monde  4501  , 
ou  après  la  naillance  de  J.  C.  552. 

Ere  des  Arabes  ,  voye\  Hégire. 

Ere  de  la  Captivité  ;  elle  commence 
au  temps  où  Nahuchodonofor  conduifit  à 
Babylone  Jéchonias  ,  avec  i8coo  Juifs 
d'Elite  ,  l'an  du  monde  3349. 

*  Ere  Chaldaïque  ;  Ptolomée  en  a 
fait  mention  :  elle  commence  au  z6  fep- 
ttmbre  ,  de  l'an  du  monde  3639. 

Ere  Chrétienne.  (Chronol.)  Elle 
commence  au  premier  jour  de  janvier  après 
la  naiMance  de  J.  C. ,  dont  perfonne  ne  fait 
1  aujourd'hui  Tannée. 

L'opinion  commune  de  l'églife  catholi- 
que Romaine  la  met  au  25  décembre  753 
de  la  fondation  de  Rome.  Sur  quoi  il  faut 
remarquer  qu'il  y  a  au  moins  huit  opinions 
différentes  touchant  l'année  de  la  nailTance 
de  N.  S. 

La  première  opinion  fuppofe  cette  naif- 
fance  en  l'année  748  de  la  fondation  de 
Rome  ,  fous  le  confulat  de  Lcelius  Balbus , 
oc  d'Antiftius  Verus  :  c'eft  l'idée  de  Kepler. 

La  féconde  opinion  la  met  en  l'année  749 
de  Rome  ,  fous  le  confulat  de  l'empereur 
Augufte  avec  Cornélius  Syîla  :  le  P.  Pétau, 
jjefuite  ,  e(t  entr'autres  de  ce Tentiment. 

La  troiiierne  opinion  eft  de  ceux  qui 
croient  que  J.  C.  naquit  l'an  de  Rome  750  , 
fous  le  confulat  de  Caîviflus  Sabinus  &  de 
Paflienus  Rufus  :  c'eft  l'avis  de  Sulpice 
Sévère  ,   &c. 

La  quatrième  opinion  eft  de  ceux  qui 
penfent  que  le  Sauveur  du  monde  eft  né 
l'an  751  de  Rome  ,  fous  le  confulat  de 
Cornélius  Lentuîus ,  &  de  Valerius  Mefïà- 
îir.us  :  le  cardinal  Baronius  ,  Sponde  ,  Sca- 
liger  &  Vofilus  font  du  nombre  de  ceux 
qui  goûtent  cette  idée. 

La  cinquième  opinion  place  la  naiflànce 
du  Meffie  en  l'année  752  de  Rome  ,  fous 
le  coafulat  d'Augufte  avec  Plantius  Silvanus:. 

le 


ERE 

îe  P.  Salian  ,  Onufrius ,  &c.  fuivent  cette 
conje&ure. 

La  fixieme  eft  la  commune  qui  fixe  la 
naifTance  de  J.  C.  en  Tannée  753  de  la 
fondation  de  Rome  ,  fous  le  confulat  de 
Cornélius  Lentulus  &  de  Calpurnius  Pifo  : 
c'eft  le  fentiment  de  Denys  le  Petit ,  de 
Bede  ,  Ùc  &  l'églife  Romaine  l'a  autorifé 
par  fon  martyrologe  ,  le  bréviaire  ,  & 
l'ancien  calendrier. 

La  feptieme  eft  de  ceux  qui  tiennent 
pour  l'an  de  Rome  754  ,  comme  George 
Herwart ,   &c. 

La  huitième  eft  de  ceux  qui  prétendent 
que  le  Sauveur  naquit  l'an  756  de  Rome  , 
deux  ans  plus  tard  que  l'époque  commune  : 
PauldeMiddelbourg  a  été  de  ce  fentiment, 
qui  eft  univerfellement  rejeté. 

Cette  diverfité  d'opinions  vient  des  dif- 
ficultés qu'il  y  a  fur  l'année  de  la  mort 
d'Hérode  ,  qui  vivoit  encore  lorfque 
J.  C.  vint  au  monde,  in  diebus  Herodis } 
Matth.  ch.  n  y  v.  zP  fur  îe  commencement 
de  l'empire  d'Augufte ,  dont  on  croit  que 
c'étoit  la  quarante-deuxième  année ,  &  de 
celui  de  Tibère  la  quinzième  année,  ann.  1 5 
imperii  Cœfaris  _,  Luc  ,  ch.  iij.  fur  l'année 
du  dénombrement  du  peuple  Romain  fous 
Cyrenius  ou  Quirenius  ,  gouverneur  de 
Syrie  ,  dont  il  eft  parlé  en  S.  Luc.  ch.  xj. 

Voye^   DÉNOMBREMENT. 

On  trouve  à  tous  ces  égards  les  auteurs 
fort  partagés  :  les  uns  mettent  la  mort 
d'Hérode  l'an  754  de  Rome,  &  les  autres 
quelques  années  auparavant:  les  uns  com- 
mencent le  règne  d'Augufte  à  la  mort  de 
Céfar ,  d'autres  à  fon  premier  confulat: 
les  uns  font  commencer  l'empire  de  Tibère 
après  la  mort  d'Augufte  ,  &  les  autres 
deux  ans  auparavant ,  parce  que  ,  difent- 
ils ,  il  étoit  alors  collègue  d'Augufte.  Il  y 
a  eu  plufieursdénombremensfousce  prince, 
&  on  a  de  la  peine  à  fixer  l'année  de  celui 
dont  il  eft  fait  mention  dans  S.  Luc. 

Telles  font  les  caufes  qui  ont  produit 
les  différentes  opinions  fur  le  temps  de  la 
naiffance  de  J.  C.  quoique  dans  l'ufage  on 
fuive  Tannée  de  l'époque  vulgaire. 

Remarquons    d'ailleurs  que  les   anciens 

Pères  de  l'églife  n'ont  pas  commencé   de 

marquer  les  années  par  la  naiffmce  de  J.  C. 

ils  fe  fervoient  d'autres  époques  :  ceux  du 

Tome  XII.  • 


ERE  905 

patriarchat  d'Alexandrie  prenoient  la  leur 
de  Yere  acliaque  >  ou  du  jour  de  la  bataille 
d'A&ium  :  les  chrétiens  d'Egypte  lui  fubfti- 
tuerent  Yere  qu'ils  appelèrent  dioclétienne  , 
autrement  dite  des  Martyrs.  Enfin  ,  les 
autres  chrétiens  comptou-nt  leurs  années, 
ou  de  la  fondation  de  Rome  ,  ou  d'après 
les  faftes  confulaires  ,  ou  félon  la  manière 
des  peuples  ,  au  milieu  defquds  ils  vi- 
voient. 

Denys,  furnommé  le  Petit,  né  en  Scythie, 
&  qui  demeuroit  à  Rome  fous  le  titré 
à1  abbé  ,  au  commencement  du  vj  fiecle  , 
crut  qu'il  n'é.oit  pas  honorable  à  des 
chrétiens  de  compter  leurs  ann.'es  du  règne 
d'un  tyran  qui  avoit  fait  périr  inhumaine- 
ment tant  de  fidèles  ;  mais  qu'il  é.oit  plus  â 
propos  de  fixer  une  époque  de  la  naiffance 
de  celui  pour  lequel  les  chrétiens  avoient 
fi  conftamment  verfé  leur  fang.  11  fit 
pour  cet  effet  un  cycle  pafchaî  ,  &  en 
affigna  le  jour  au  25  décembre  de  Tan  de 
Rome  7<)3  ,  pour  commencer  k  compter 
Tan  premier  de  Yere  chrétienne  ,  au  mois 
de  janvier  754  du  confulat  de  C.  Céfar 
&  de  Paul  Emile.  Cette  ère  fut  généra- 
lement approuvée  par  les  chrétiens  ,  peu 
d'années  après  qu'elle  fut  introduite  , 
c'eft  -  à  -  dire  ,  vers  Tan  527  :  elle  n'eut 
pourtant  fa  vogue  entière  qu'environ  cent 
ans  après  ,  fous  Charles  Martel  ,  au  com- 
mencement du  vij  fiecle  que  l'églife  latine 
la  fuivit ,  &  on  Tappella  depuis  univerfelle- 
ment Yere  vulgaire. 

Il  eft  néanmoins  vrai  que  cette  ère  com- 
mença trois  ou  quatre  ans  plus  tard  que  la 
véritable  naifTance  de  N.  S.?&  que  Denys 
le  Petit  s'eft  trompé  environ  de  cet  efpace 
de  temps  dans  la  fixation  de  fon  époque. 
Sans  en  difeuter  ici  les  preuves  ,  je  dirai 
feulement  que  M.  Vaillant  le  père  a  fait 
voir  en  particulier ,  par  des  médailles  de 
Quintilius  Varus  &  d'Antipas,  fils  d'Hérode, 
que  la  naifTance  de  J.  C.  afîignée  par  l'églife 
au  25  de  décembre,  doit  être  placée  dans 
la  549  année  de  Rome ,  puifque  Jofeph 
rapporte  la  mort  d'Hérode  à  la  fin  de  mars 
de  Tan  750  de  la  fondation  de  cetre  ville. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  l'opinion  de  M.  Vail- 
lant ,  fondée  fur  fes  médailles ,  il  ne  faut 
pas  bétonner  fi  tant  de  perfonnes  éclairées 
ignorent    les   chofes    les   plus  ,  cachées , 

Yyyyy' 


ûo6  ERE 

puifqu'ellesnefaventpasles  plus  communes. 
Les  chrétiens  ne  parlent  que  de  la  mort 
de  J.C.  tandis  qu'ils  en  ignorent  réellement 
l'année ,  de  même  que  celle  de  fa  naifTance. 
La  connoifTance  qu'on  pouvoit  avoir  de 
l'une  &  de  l'autre  s'eft  perdue  peu  à  peu , 
&  Ton  eft  en6n  venu  à  n'en  favoir  plus 
les  dates.  Article  de  M.  k  chevalier  DE 

J AU  COURT. 

Ere  de  Dioclétien  ,  (Chronol.) 
Epoque  qui  commença  la  première  année 
de  l'empire  de  Dioclétien ,  c'eft-à-dire  , 
l'an  284 après  la  naifTance  de  J.  C.  c'eft  la 
même  que  celle  qu'on  appelîa  Yere  des 
Martyrs.  V.  ci-devant  Ere  ACTIAQUE. 
Art.  de  M.  le  chevalier  de  Jaucourt. 

*  Er.e  d'Edesse  ;  c'eft  la  même  que 
Yere  a" Alexandre. 

Ere  d'Espagne.  ÇChron.) Cette  épo- 
que des  Efpagnols  commence  38  ans  avant 
Yere  chrétienne  :  elle  eft  d'un  grand  ufage 
dans  1  hiftoire  d'Efpagne  ,  même  dans 
celle  de  la  partie  méridionale  des  Gaules  , 
&  dans  une  grande  partie  de  l'Afrique. 
Pierre  IV  ,  roi  d'Aragon  ,  abolit  cette  ère 
dans  fes  états  ,  l'an  1350  de  J.  C.  on  en 
ufa  de  même  dans  le  royaume  de  Valence , 
en  1358,  aufïi  bien  qu'en  Caftille  en  1383,: 
enfin ,  le  roi  Jean  I  l'abolit  en  Portugal  , 
en  141 5.  Article  de  M.  le  chevalier  de 
J  au  court. 

*  Ere  Gélaléene  ;  c'eft  Yere  que 
les  Perfans  fuivent  aujourd'hui  :  elle  com- 
mence au  14  de  mars  de  l'an  de  J.  C. 
1079. 

*  Ere  des  Grecs  ,  dont  il  eft  fait 
mention  au  premier  livre  des  Machabées  : 
elle  commence  au  13  de  mars  de  Fan  du 
monde  3638. 

*  Ere  des  Asmonéens  ;  elle  com- 
mence au  temps  où  Simon  délivra  entière- 
ment Jérufalem  de  là  domination  des  Sy- 
riens ,  ou  le  1,6  mai  de  l'an  du  monde  3808. 

*  Ere  de  l'Hégire  que  fuivent  les 
Turcs  ;  elle  commence  au  temps  où 
Mahomet  fe  fauva  de  la  Mecque  ,  ou  le 
16  juillet  de  l'an  de  J.C.  622. 

*.Ere    Jezdéjerdique  ,  en    ufage 
parmi   les   Perfans  ;    elle    commence    au 
temps  où  Ofmarin ,  général  des  Sarrazins  , 
défit  &  tua  Jezdegerd ,  roi  des  Perfans ,  ou  i 
le- 16  juin  de  J.  0,6*32.  ' 


ERE 

*  Ere  ires  Juifs  ,  celle  qu'ils  fuivent 
encore  aujourd'hui,  commence  au  3  octobre 
de  la  189  année  du  monde. 

*  Ere  Julienne  ;  elle  commence  à  la 
correction  du  temps  ou  du  calendrier  : 
ordonnée  par  Jules  Céfar  l'an  du  monde 
3905. 

*  Ere  de  Laodicée  ;  elle  commence 
l'an  du  monde  3Q00. 

Ere  du  Monde.  Voyei  ce  qui  a  été 
dit  à  Yere  chrétienne. 

Ere  des  Martyrs.  Voye^  Ere  de 
Dioclétien. 

Ere  de  Nabonassar,  (Chronol.) 
fameufe  époque  aftronomique  dont  fe  font 
fervis  Ptolomée  ,  Cenforin ,  &  autres  au- 
teurs. Elle  a  commencé  la  feptieme  année 
de  la  fondation  de  Rome  ,  la  féconde  de 
la  huitième  olympiade ,  747  ans  avant  J.  C. 
c'eft-à-dire  ,  avant  le  commencement  de 
Yere  vulgaire  ,  &  l'an  3967  de  la  période 
julienne. 

Ce  fut  alors  que  l'ancien  empire  des 
Afïyriens  ,  ayant  pris  fin  à  la  mort  de  Sar- 
danapale  ,  après  avoir  eu  la  dominatioa 
de  l'Afie  pendant  plus  de  1300  ans  ,  il  fe 
forma  de  (es  débris  deux  empires  ,  l'un 
fondé  par  Arbaces ,  gouverneur  des  Medes  , 
qui  établit  fon  fiege  à  Ninive ,  &  l'autre, 
par  Béléfïs ,  gouverneur  de  Babylone  ,  qui 
conférva  pour  lui  cette  ville,  la  Chaldée  & 
l'Arabie  :  voilà  les  deux  empires  qui  ont 
détruit  les  royaumes  d'Ifrael  &  de  Juda. 
Béléfïs  eft  le  même  que  Nabonaflàr,  du 
règne  duquel  commença  l'époque  dont  il 
s'agit  ici ,  nommée  ère  de  Nabonajfar.  Ce 
prince  eftappellé  dans  l'écriture  (Ifaïe  /.  z.) 
Baladan,  père  de  ce  Moradac  ou  Mordace 
Empadusy  qui  envoya  des  ambafTadeurs  au 
roi  Ezéchias  pqur  le  féliciter  fur  fa  conva- 
lefcence.  Article  de  M.  de  Jaucourt. 

Ere  des  Olympiades.  Voy.  Olym- 
piades. 

Ere  des  Patriarches  ou  des  Pè- 
lerinages ,\  elle  commence  au  temps  où 
Abraham  quitta  Haran  ,  l'an  du  monde 
2023  :  on  rapporte  à  cette  époque  plufieurs 
faits  particuliers  de  la  Bible. 

*  ÈRE  PHILIPPIQUE,  (Chron.)  épo- 
que particulière  à  l'Egypte. 

Dès  que  Aridée ,  frère  bâtard  d'Alexandre- 
le  Grand  ,  déclaré,  roi ,  eut  changé  fannojrv. 


ERE 

en  celui  de  Philippe  ,  on  appelîa  ère  philip- 
pique  la  fuite  des  années  ,  dont  celle  de  !a 
mort  d'Alexandre  eft  la  première.  Cette 
ère  ne  commença  pas  au  jour  de  la  mort 
d'Alexandre ,  mais  au  jour  de  l'année  où  ce 
conque'rant  mourut,  c'eft-à-dire  ,  à  notre  12 
de  novembre  de  l'an  323  avant  J.  C.  A  Yere 
pkiVppique  fuccéda  Yere  acliaque  ,  l'an  724 
de  Rome  ;  &  à  cette  dernière  Yere  de 
Dioctétien  ,  l'an  284  de  J.  C.  Pour  enten- 
dre en  gros  l'hiftoire  d'Egypte ,  il  faut  fe 
rappeller  la  fuccefTion  des  diverfes  ères  qui 
ont  eu  cours  dans  ce  pays-là  ,  &  y  appli- 
quer les  faits ,  afin  d'éviter  la  confuhon  : 
le  refre  de  cette  hiftoire  eft  un  abyme. 
Art.  de  M.  le  chevalier  de  J  au  court. 

L'ère philippique  commence  au  12  no- 
vembre ,  ce  jour  étant  le  premier  de  l'année 
rague  Egyptienne.  C'eft  de  cette  époque 
que  Théon  ,  Albategnius  ,  Ùc.  fe  font  fer- 
vis.  On  peutobferver  qu'entre  les  deux  ères 
de  NabonafTar  &  la  mort  d'Alexandre , 
il  s'eft  écoulé  précifément  424  années 
Egyptiennes. 

*  Ere  de  Rome  ;  elle  commence  au 
temps  de  la  fondation  de  cette  ville  par 
RomuIus,oule  21  avril  de  l'année  3190 
du  monde. 

Eredes  Séleucides.  ÇChron.)  Cette 
époque  très-céîebre  s'appelloit  en  Orient 
les  années  des  Grecs.  Voye\  ÉPOQUE. 

C'eft  à  l'entrée  du  fage  &  brave  Seleu- 
cus  dans  Babylone  ,  après  la  défaite  de 
Nicanor  ,  l'an  312  avant  J.  C.  que  com- 
mença Yere  fameufe  des  Séleucides,  cette 
ère  dont  tout  l'Orient ,  païens ,  juifs ,  chré- 
tiens, mahométans  ,  fe  font  fervis.  Les 
juifs  la  nomment  autrement  à  la  vérité; 
ils  l'appellent  Yere  des  contrats  ,  parce  que  , 
lorfqu'ils  tombèrent  fous  le  gouvernement 
des  rois  Syro-Macédoniens ,  ils  furent  obli- 
gés de  l'employer  dans  toutes  les  dates  des 
contrats  &  des  autres  pièces  civiles.  Cepen- 
dant ils  s'y  accoutumèrent  fi  bien  ,  que 
plus  de  1000  ans  encore  après  J.  C.  ils 
n'avoient  point  encore  d'antres  époques: 
ce  ne  fut  qu'aîors  qu'ils  s'aviferent  de 
compter  les  années  depuis  la  création  du 
monde  ,  comme  ils  font  aujourd'hui.  Tant 
qu'ils  refterent  en  Orient  ,  ils  fuivirent  la 
coutume  des  nations  d'Orient ,  où  l'on 
marquoit  les  années  par  cette  ère  ;  mais 


ERE  907 

quand  vers  l'an  1040  ils  en  furent  chafies 
&  obligés  de  fe  jeter  dans  l'occident ,  & 
de  s'établir  en  Efpagne  ,  en  France  ,  en 
Angleterre  &  en  Allemagne  ,  ils  apprirent 
d^  quelques  chronologiftes  chrétiens  à 
compter  depuis  la  création  du  monde. 

La  première  année  de  cette  ère  de  la 
création ,  félon  leur  compte  ,  tombe  fur 
l'an  953  de  la  période  julienne  ,  &  com- 
mence â  l'équinoxe  d'automne  ;  mais ,  fé- 
lon Scaliger ,  la  véritable  année  de  la  créa- 
tion du  monde  tombe  189  ans,  &  félon 
d'autres  249  ans  plutôt  que  les  juifs  ne  la 
mettent  dans  leur  ère  :  quoi  qu'il  en  foit , 
cette  ère  des  contrats  n'eft  pas  encore  tout 
à  fait  hors  d'ufage  parmi  eux. 

Les  Arabes  la  nomment  tarie  dilcarnain, 
Vere  du  bicornu  ou  de  V homme  à  deux  cor- 
nes. Les  auteurs  qui  veulent  que  cette  ère 
regarde  Alexandre  fe  trompent ,  puifqu'elle 
ne  commença  que  douze  ans  après  la  mort 
de  ce  prince,  favoir,  au  temps  du  réta- 
bîifïement  de  Seleucus  à  Babylone;  il  faut 
donc  chercher  l'origine  de  tarie  dilcarnain 
dans  la  perfonne  de  Seleucus  ,  qui ,  effec- 
tivement ,  au  rapport  d'Appien  ,  étoit  fi 
fort  ou  fi  adroit ,  qu'en  prenant  un  tau- 
reau par  les  cornes  il  l'arrétoit  tout  court , 
ce  qui  avoit  donné  lieu  aux  fculpteurs  de 
le  repréfenter  ordinairement  avec  deux 
cornes  de  bœuf  à  la  tête. 

Les  deux  livres  des  Machabées  (  I , 
Mach.  j,  10,11)  l'appellent  Yere  du  royau- 
me des  Grecs  ,  &  tous  deux  l'emploient 
dans  leurs  dates  ;  avec  cette  différence  pour- 
tant ,  que  le  premier  de  ces  livres  la  fait 
commencer  au  printemps ,  &  l'autre  à 
l'automne  de  la  même  année.  Le  calcul 
de  ce  dernier  fe  trouve  par-là  être  le 
même  que  celui  qu'ont  fuivi  les  Syriens  , 
les  Arabes ,  les  Juifs ,  en  un  mot,  tous  ceux 
qui  fe  fervoient  autrefois  de  cette  ère  ,  oa 
qui  l'emploient, encore  aujourd'hui,  à  la 
réferve  des  feuls  Chaldéens  ;  car  ces  der- 
niers ne  regardant  pas  Seleucus  comme 
bien  établi  à  Babylone  ,  avant  le  prin- 
temps de  l'année  ft  ivante  ,  ils  ne  fixèrent 
Yere  des  Séleucides  qu'à  cette  époque,  d'où 
vient  que  toures  les  années  de  cette?/?  corn. 
mençoient  aufli  parmi  eux  dans  la  même 
faifon. 

Je  ne  déguiferai  point  qu'il  y  a  dans  la 
Yyyyy  2 


9o8  ERE 

manière  de  compter  des  deus  livres  des 
Machabées  quelque  chofe  d'affez  furpre- 
nant,  dont  aucun  critique  ,  que  je  fâche  , 
n'a  jamais  rendu  raifon  ,  ni  le  célèbre  Uf- 
cher  ,  ni  le  favant  Prideaux  lui-même.  Les 
dates  du  premier  livre  des  Machabées  pré- 
cèdent d'un  an  entier  celles  du  ftyle  de 
Chaldée  ;  &  celles  du  fécond  livre  des  Ma- 
chabées ne  précèdent  le  ftyle  de  Chaldée 
que  de  fîx  mois.  On  fait  bien  que  dans 
Y  ère  des  Séleuades  le  ftyle  de  Chaldée  & 
de  Syrie  différoit,  en  ce  que  le  ftyle  de 
Chaldée  commençoit  fix  mois  après  celui 
de  Syrie  au  printemps  fuivant  :  mais  d'où 
vient  la  différence  des  ftyles  qui  eft  encre 
le  premier  &  le  fécond  livre  des  Machabées , 
&  d'où  vient  même  que  le  premier  livre 
des  Machabées  eft  le  feul  qui  faiTe  com- 
mencer Y  ère  des  Séleucides  un  an  entier 
avant  le  ftyle  des  Chaldéens  ?  Article  de 
M.  le  chevalier  DE  J AU  COURT. 

*  Ere  de  Syracuse  :  elle  commence 
au  temps  où  Timoléon  rétaolit  les  affaires 
des   Syracufains ,  ou  1  an  du  monde  3607. 

*  Ere  de  Troye  ;  elle  commence  à  la 
prife  de  cette  ville  ,  ou  l'an  du  monde 
2766. 

*  Ere  des  Turcs.  Voyei  Ere  de 
l'Hégire. 

*  Ere  des  Tyriens  ;  elle  commence 
au  temps  où  ces  peuples  recouvrèrent  leur 
liberté  ,  ou  l'an  du  monde  3825. 

*  EREBE  ,  f.  m.  (  Mythol  )  Ce  mot 
fignifie  ténèbre.  VErebe  eft  ,  félon  Héfiode, 
fils  du  chaos  &  de  la  nuit ,  &  père  du  jour. 

Les  anciens  ont  encore  donné  le  nom 
à'érebe  à  une  partie  de  leurs  enfers  ;  c'eft  la 
demeure  de  ceux  qui  ont  bien  vécu.  Il  y 
avoit  une  expiation  particulière  pour  les 
âmes  détenues  dans  Yérebe. 

ERECTEURS  DU  CLITORIS  ,  ou 
ISCHIO  -  CAVERNEUX  ,  eft  le  nom 
qu'on  donne  en  anatomie  à  une  paire  de 
m  ifcîes  qui  viennent  de  la  tubérofité  de 
l'ifchion  ,  &  qui  s'infèrent  au  corps  fpon- 
gieux  du  clitoris ,  dont  ils  produifent  l'érec- 
tion dans  le  coïr.   Voye\  CLITORIS. 

$  ERECTEUR,  ERECTION,  ÇAnau 
Phyfiol.  )  les  mufcles  auxquels  on  a  donné 
le  nom  d'ère clears }  ne  mérirent  certaine- 
ment pas  ce  nom.  Ils  naiffent  de  Pifctiion 
au;  deftus.de  la  tubérofité  ,  mais  plus  bas 


ERE 

que  les  corps  caverneux  du  pénis,  &  ils 
montent  en  dedans  &  en  devant  pour  s'at- 
tacher avec  une  infertion  tendineule  dans 
les  corps  caverneux.  Ils  ne  peuvent  donc 
qu'abaifter  ces  corps  ,  &  le  pénis  avec  eux  : 
&  leur  adion  doitècre  de  1  éloigner  du  bas- 
ventre  ,  &  de  lui  faire  faire  un  plus  grand 
angle  avec  l'os  pubis  ;  ce  qui  le  proportionne 
mieux  avec  la  Situation  piefque  tranfverfale 
du  vagin.  Ils  ne  peuvent  en  aucune  manière 
comprimer  les  veines  du  pénis. 

Indépendamment  de  cette  remarque ,  on 
fent  au  premier  coup  d'ceil  qu'il  faut  une 
caufe  beaucoup  plus  générale  qu'un  mufcle  , 
pour  une  action  fi  généralement  néceftaire 
dans  toutes  les  claiTes  des  animaux.  Les 
quadrupèdes  à  fang  froid  ,  les  oifeaux  ,  les 
infectes  ont  un  pénis  fans  mufcle  éreâeur. 
On  n'a  d'ailleurs  qu'à  faire  attention  à  la 
manière  dont  le  mamelon  du  fein  d'une 
femme  fe  redrefte.  Il  eft  petit ,  replié  fur 
lui-même  &  fans  mufcle  quelconque.  Une 
légère  friction  le  relevé ,  le  redrefte,  le  rend 
cylindrique  ;le  fang  fe  répand  dans  fa  fubf- 
tance  ,  l'échauffé  &  le  rougit.  Cette  action 
fi  parallèle  à  celle  du  pénis  fe  pafTe  fans  qu'il 
y  ait  une  ombre  d'action  mufculaire.  Uérec- 
tion  eft  d'ailleurs  trop  durable  dans  certains 
cas ,  pour  être  l'action  d'un  mufcle  qui  fe 
relâcherait  certainement,  aucun  mufcle  ne 
pouvant  foutenir  une  contraction  conti- 
nuelle. Oh  a  vu  V  érection  durer  vingt -quatre 
heures  de  fuite  ,  &  des  mois  entiers ,  fi  l'on 
en  croit  Aurélien. 

Sans  entreprendre  de  découvrir  le  fecret 
de  la  nature  ,  nous  tâcherons  d'en  écarter 
du  moins  l'erreur ,  &  d'y  remettre  l'hypo- 
thefe  à   fon  jufteprix. 

U  érection  fefait  par  une  extravafation  du 
fang  :  les  efprits  étendroienc  mal  des  facs 
aufti  folides  ,  que  le  font  les  corps  caver- 
neux. Il  eft  facile  d'imiter  la  nature  en  in- 
jectant les  artères  des  parties  génitales  :  la 
colle  colorée  entre  dans  les  facs  &  les  dilate  : 
on  a  reconnu  dans  l'animal  vivant ,  que 
c'eft  le  fang  dont  ils  fe  rempliftent  dans 
l'action  vénérienne. 

Ces  facs  font  au  nombre  de  trois  ;  nous 
n'en  dirons  que  le  plus  néceftaire.  Le  pénis 
a  deux  corps  caverneux  qui  naiflènt  des 
branches  montantes  de  Fifcbion  ,  fe  rap- 
prochent, font  parallèles  &  adoflés,  &.com- 


ERE 

muniquent  encore  enfemble  &  fe  terminent 
au  commencement  du  gland  par  des  culs- 
de-fac  prolongés  en  pointe. 

Le  troifieme  fac  eft  plus  lâche  ,  il  naît 
par  lui-même  fous  l'urètre,  par  une  bulbe 
un  peu  mi-partie,  mais  qui  bientôt  embraf- 
fant  l'urètre  devient  une  enveloppe  circu- 
laire qui  pafîè  înférieurement  entre  les  deux 
corps  caverneux  du  pénis  jufqu'à  fon  ex- 
trémité ,  fe  replie  enfuite ,  s'élargit ,  revient 
contre  elie-méme  ,  &  fe  termine  par  un 
bourlet  incomplet ,  qui  embrafïè  prefque 
tout  le  pénis  ,  &  même  fes  corps  caverneux. 

Tous  les  trois  facs  font  remplis  d'une  cel- 
lulofité  à  larges  mailles ,  faites  par  des  lames, 
&  fortifiées  dans  le  pénis  par  des  filets  ten- 
dineux. 

Les  corps  caverneux  du  pénis  fe  dilatent 
beaucoup  plus  fouvent  que  celui  de  l'urètre , 
ils  forment  une  érection  moins  parfaite ,  telle 
que  la  produit  l'abondance  de  l'urine.  Le 
corps  caverneux  de  l'urètre  fe  gonfle  le  der- 
nier ,  &  ne  fe  gonfle  même  que  par  une 
irritation  beaucoup  plus  grande  ;  quand  il 
s'eft  gonflé  ,  l'éjacuiation  fuit  ordinairement 
de  près. 

Dans  les  animaux  quadrupèdes  ,  il  n'y  a 
fouvenc  qu'un  feul  corps  caverneux  au  pénis, 
mais  celui  de  l'urètre  fe  retrouve  dans  le 
plus  grand  nombre  des  efpeces. 

Dans  le  clitoris ,  partie  analogue  au  pénis, 
l'urètre  eft  éloigné  des  deux  corps  caver- 
neux analogues  à  ceux  de  l'homme.  La 
même  ftruclure  fe  trouve  dans  les  mâles 
des  grands  oifeaux  ,  comme  de  l'autruche 
&  du  cafuel  ;  l'urètre  ne  perce  pas  le  pénis. 

Nous  avons  examiné  les  différentes  caufis 
de  Y  érection:  l'une  fe  réduit  à  l'afrluence  du 
fang  dans  l'organe  génital ,  &  l'autre  à  une 
irritation  quelconque. 

En  liant  les  veines  du  pénis  ,  en  liant  le 
pénis  tout  entier  ,  on  produit  une  éreclion 
&  les  corps  caverneux  fe  gonflent:  il  eft  vrai 
qu'elle  n'a  jamais  la  roideur  qui  fuit  l'irri- 
tation ,  mais  il  eft  bien  difficile  aufîi  de 
gêner  entièrement  par  la  ligature  le  retour 
du  fang  ,  parce  que  les  veines  cutanées  du 
pénis  communiquent  avec  les  veines  inter- 
nes ,  par  le  moyen  de  la  veine  du  prépuce  , 
&  que  ces  mêmes  veines  communiquent 
encore  avec  les  veines  du  fcrotum  ,  qu'une 
ligature  qui  ferre  la  veine  du  pénis  ne  fauroit 


ERE  909 

comprimer.  Le  gonflement  du  pénis  dans  les 
cadavres  eft  analogue  à  celui  que  le  fang 
produit:  l'air  développé  p?r  les  commence- 
mens  de  la  pourriture  ,  gonfle  aloxsles  corps 
caverneux. 

L'autre  caufe eft  l'irritation  qui  elle-même 
eft  la  fuite  de  piufiears  ftimulus  diffl'rens  ; 
le  plus  naturel ,  c'eft  lapréfence  d'une  abon- 
dance de  liqueur  fécondante,  contenue  dans 
les  véficules  féminales.  Il  en  naît  un  fenti- 
ment  particulier  ,  quelquefois  même  dou- 
loureux ,  avec  une  puiffante  difpofition  à 
V éreclion;  c'eft  la  voix  de  la  nature  qui  de- 
mande (es  befoins.  Cette  caufe  feule  fuffic 
pour  produire  l'éjacuiation  fans  aucune 
irritation  extérieure. 

L'urine  retenue  dans  la  vefîie  urinaire 
produit  des  érections  matinales ,  elle?  a^it 
même  dans  les  enfans  qui  ne  font  que  de 
naître  ,  &  les  met  dans  un  état  dont  on  les 
auroit  cru  incapables. 

Des  ulcères  dans  la  verge ,  l'action  des 
cantharides  qui  prive  î'uretre  de  fa  muco- 
fité  ,  le  fouet  même  &  les  orties  ,  ancien 
remède  des  forcieres  Romaines  ,  le  poifon 
de  la  lèpre  font  un  effet  femblable  ,  &  les 
cantharides  pouffent  la  nature  jufqu'à  des 
excès  funeftes. 

L'imagination  fert  de  ftimulus  ;  elle  eft 
très-puiflànte  dans  la  vigueur  de  l'âge.  La 
leclure  ,  les  peintures  ,  le  fouvenir  des  plai- 
fîrs ,  l'amour  d'une  belle  perfonne  font  tout 
ce  que  pourroit  faire  le  remède  le  plus  actif. 
Les  parties  odorantes  d'une  femelle  de  la 
même  efpece  irritent  les  defirs  de  tous  les 
animaux  mâles  ,  &  les  portent  à  une  efpece 
de  fureur  remarquable  ,  fur- tout  dans  les 
chevaux. 

Des  mouvemens  convuîftfs  dans  les  nerfs,, 
funeftes  à  toute  la  machine  ,  irritent  puif- 
famment  l'organe  de  la  génération  ,  &  font 
quelquefois  tout  ce  que  la  jouifTance  pour- 
roit faire.  Tel  eft  le  pouvoir  de  l'épilepfie  , 
celui  des  bleffures  des  nerfs  ,  celui  des  poi- 
fons  ,   &  fur-tout  de  l'arfenic. 

Mais  la  nature  ne  conduit  l'animal  que 
par  l'attrait  du  bonheur.  La  caufe  la  plus 
commune  de  l'érat  dont  nous  parlons  , 
c'eft  la  fenfibilité  extrême  des  nerfs  nom- 
breux ,  &  prefque  fans  enveloppe  ,  qui  rem- 
pliffent  la  pulpe  du  gland.  Le  frottemene 
excite  dans  ces  nerfs  une  fenfation  dont  la* 


910 


ERE 


vivacité  efface  toutes  les  autres  fenfations  de 
l'animal. 

Nous  avons  trouve  les  deux  caufes  de 
Yénclion;  l'immédiate  ,  c'eft  l'affluence  du 
fang  dans  les  corps  caverneux ,  pendant  que 
fon  retour  dans  les  veines  eft  gêné  ;  &  la 
caufe  qui  produit  cette  affluence  ,  c'eft  l'ir- 
ritation de  nerfs  de  l'organe  génital.  Il  refte 
à  trouver  le  méchanifme  par  lequel  l'irrita- 
tion produit  l'affluence  du  fang. 

L'irritation  des  nerfs  caufe  en  général  une 
congeftion  du  fang  dans  la  partie  irritée  ; 
la  friclion  feule  de  toute  partie  du  corps 
humain  ,  l'inflammation  ,  la  douleur ,  pro- 
duifent  cet  effet ,  &  le  frottement  du  ma- 
melon du  fein  lie  cette  congeftion  à  celle 
dont  Yéreclion  eft  l'effet.        _ 

Cette  irritation  paroît  avoir  deux  effets 
fur  le  mouvement  du  fang  ;  elle  accélère 
le  torrent  du  fang  artériel ,  qui  fe  porte  à 
la  partie  irritée  ;  delà  la  chaleur ,  la  rou- 
geur ,  un  certain  degré  de  tenfion  ,  que  le 
retardement  du  fang  veineux  feul  ne  pro- 
duiroit  pas.  Il  eft  difficile  de  découvrir  le 
méchanifme  de  cette  congeftion  ,  mais  le 
fait  eft  confiant.  Le  fang  fe -porte  avec  vi- 
vacité dans  les  artères  mêmes  de  la  partie 
irritée  ;  l'exemple  de  l'œil  rend  cette  aclion 
vifible  :  elle  le  fait  extravafer  dans  les  parties 
du  corps ,  où  des  cellules  font  préparées  pour 
le  recevoir  ,  comme  dans  le  mamelon  ,  le 
pénis  ,  le  clitoris. 

La  même  irritation  des  nerfs  arrête  le  re- 
tour du  fang  veineux  ;  car  fi  ce  retour  n'étoit 
pas  rendu  plus  difficile  &  plus  lent  ,  il  n'y 
auroit  aucune  tumeur  dans  la  partie  irritée, 
il  n'y  auroit  qu'une  circulation  plus  rapide. 

On  a  cherché  des  mufcles  qui  irrités  par 
l'aftion  nerveufe  comprimaiTènt  des  veines , 
&  fiffent  l'effet  d'une  ligature.  Nous  avons 
exclu  les  érecleurs.  Les  accélérateurs  font  en 
effet  quelque  chofe  de  femblable  ,  leur  ac- 
tion eft  volontaire  ,  elle  eft  la  feule  par  la- 
quelle la  volonté  ait  quelque  pouvoir  fur 
Yéreclion  ;  on  peut  l'augmenter  par  ce  mufcle 
oui  comprime  en  effet  de  groffes  veines  nées 
<b  la  bulbe  de  Turetre  ,  &  qui  en  empêche 
le  fang  de  revenir. 

Les  lévateurs  de  l'anus  pourraient  peut- 
être  relever  tout  l'appareil  de  l'urètre  naif- 
fant  avec  la  proftate.  Mais  nous  ne  croyons 
pas  qu'on  doive  expliquer  un  phénomène 


ERE 

commun  à  tous  les  animaux  par  une 
ftruâure  particulière  à  un  petit  nombre 
d'efpeces. 

Seroient-ce  des  lacs  que  les  nerfs  forme- 
roient  autour  des  veines  naiffantes?  La  pro- 
babilité de  cette  conjecture  a  déjà  frappé 
Willis  &  Vieuflens  ;  &  M.  du  Vernoy  ayant 
trouvé  dans  l'organe  de  l'éléphant  un  très- 
beau  réfeau  de  nerfs ,  l'a  appliqué  à  l'action 
dont  nous  cherchons  la  caufe. 

On  doit  toujours  être  difficile  à  fe  livrer 
à  tout  ce  que  l'évidence  n'appuie  pas.  Les 
nerfs  ne  font  point  irritables:  leurs  petits 
paquets  droits  ,  &  parallèles  comme  ceux 
des  fibres  mufculaires  ,  ne  fe  raccourcifïènt 
pas:  le  nerf  partagé  en  deux  s'alonge  plutôt 
qu'il  ne  fe  raccourcit.  Si  le  nerf  ne  fe  rac- 
courcit pas  quand  il  eft  irrité  ,  il  ne  peut  pas 
ferrer  les  lacs  qu'il  formeroit  autour  d'une 
veine  :  dans  les  corps  caverneux  même  , 
ces  lacs  ne  feroient  qu'une  hypothefe  gra- 
tuite. 

N'exigeons  pas  de  I'efprit  de  nous  révéler 
des  fecrets  dont  les  fens  nous  refufent  l'accès. 
Il  paroît  que  l'irritation  nerveufe  accélère 
au  pénis  le  fang  artériel ,  qu'elle  en  retarde 
le  retour  dans  les  veines ,  &  que  Yéreclion 
eft  la  fuite  de  ce  pouvoir  des  nerfs.  C'eft  un 
pas  vers  la  vérité  ;  mais  nous  ne  nous  fen- 
tons  pas  les  lumières  fuffifantes  pour  nous 
conduire  plus  loin. 

Il  n'y  a  point  de  difficulté  à  expliquer  le 
relâchement  qui  fuit  Yéreclion.  L'irritation 
nerveufe  ayant  cefte ,  fes  effets  difparoiffent 
avec  elle  ,  le  fang  artériel  ne  fe  porte  plus 
avec  impétuofîté  à  l'organe  ,  &  le  fang  vei- 
neux rentre  dans  la  mafTe  commune  ;  les 
corps  caverneux  ne  fe  gonflent  donc  plus 
par  laffluence  du  fang  ,  &  ils  fe  défem- 
pliffent  par  la  fortie  du  fang  qui  les  rem- 
plifîbit.  Une  fimple  caufe  qui  augmente  la 
contraction  propre  des  corps  caverneux ,  dif- 
fipe  Yéreclion  }  comme  l'eau  froide  :  la  fai- 
gnée  des  veines  du  pénis  fait  le  même  effet. 
(H.  D.  G.) 

ERECTION,  f.  f.  (Grammaire.)  fe  dit 
dans  un  fens  figuré  ;  comme  Yéreclion  d'un 
marquifat  ou  duché  :  les  évêches  ne  peu- 
vent être  éngés  que  par  le  roi. 

C'étoit  anciennement  un  ufage  de  lever 
ou  d'ériger  des  ftatues  aux  grands  hommes. 
On  demandoit  un  jour  à  Caton  le  cenfeur , 


ERE 

pourquoi  on  ne  lui  avoit point  érigé  defiatut. 
Demande^  plutôt,  répondit-il , pourquoi  on 
m'en  auroit  érigé  une. 

Érection,  (  Phyfiologie.J  fe  dit  de 
l'action  par  laquelle  l'homme  couché  fe 
levé  ,  pour  mettre  fon  corps  debout;  c'eft- 
à-dire  dans  une  fituation  perpendiculaire 
à  l'horizon  ,  de  la  tête  aux  pies. 

La  condition  effentielle  pour  l'exercice 
de  cette  action  ,  confifte  en  ce  que  le  cours 
des  humeurs  fe  faffe  avec  égalité  dans  toute 
la  fubftance  corticale  du  cerveau  &  de 
celle-ci  dans  fa  médullaire  ,  d'où  il  réfulte 
une  abondance  fecrécion  d'efprks  animaux  , 
qui  puhTent  être  diftribués  librement  &  en 
jufte  proportion  dans  tous  les  nerfs  &  dans 
tous  les  mufcles  ;  en  forte  que  les  exten- 
feurs  d'un  membre  trouvent  une  certaine 
fermeté  dans  les  fléchiffeurs  d'un  autre 
membre  &  réciproquement.   V.  MUSCLE. 

L'érection  y  confédérée  phyfiquement  , 
préfente  une  très  -  grande  complication 
de  mouvemens  ,  qui  font  tous  très- con- 
sidérables ,  par  la  force  nécefîàire  pour 
les  produire  ,  quoiqu'ils  paroifïènt  l'être 
très-peu. 

Il  n'eft  pas  pofïible  d'expliquer  ici  le 
méchanifme  de  cette  fon&ion  mufculaire  , 
quelque  belle  &  quelqu'intéreffante  qu'en 
pourroit  être  l'expofition  ,  parce  qu'elle  ne 
renfermeroit  guère  moins  que  l'hiftoire  de 
tous  les  mufcles  &  de  tous  les  os  du  corps 
humain  :  il  fuffit  de  dire  ici  que  dans  la 
plupart  des  mouvemens  ,  &  particulière- 
ment dans  V érection  ,  les  os  du  baffin  font 
le  point  fixe  commun  à  toutes  les  parties 
de  cet  admirable  édifice.  Extrait  ^'Haller. 
Voye\  Mouvement  musculaire  ; 
Borelli  ,  de  motu  animalium.  (d) 

ÉRECTION  ,  (  Médecine  physiologique.) 
eft  le  terme  employé  pour  fignifier  l'état  du 
membre  viril ,  dans  lequel  il  cefTe  d'être 
pendant  &  fe  foutient  de  lui-même,  re- 
levé ,  dreffe  ;  en  forte  que  le  gland  ,  qui 
en  étoit  la  partie  inférieure ,  en  devient  la 
fupérieure  :  cela  fe  fait  conféquemment  à 
ce  que  les  corps  caverneux  &  fpongieux 
qui  compofent  la  verge  font  gonflés  ,  ten- 
dus ;  ce  qui  la  rend  dure  ,  ferme  de 
flafque  &  molle  qu'elle  étoit  avant  ce  chan- 
gement. 

C'eft  dans  ¥  érection  que  confifte.  la  dif- 


ERE  911 

pofition  nécelfaire  pour  l'intromiiïion  du 
membre  viril  dans  le  vagin  ,  relativement 
à  la  fonction  à  laquelle  eft  deftiné  cet  or- 
gane pour  la  génération.  C'eft  dans  le  même 
fens  ,  quoique  pour  une  fin  différente  ,  que 
l'on  dit  du  clitoris  ,  qu'il  eft  fufceptible 
à" érection  >  attendu  que  cette  partie  eft  en 
petit  de  la  même  ftruâure  que  la  verge. 

On  peut  encore  regarder  comme  une 
forte  ^érection  le  gonflement  qui  furvient 
aux  mamelons  de  l'un  &  de  l'autre  fexes  ; 
fur- tout  à  ceux  des  femmes ,  dans  lefquels 
il  eft  plus  marqué. 

Toutes  les  parties  dont  il  vient  d'être  fait 
mention  ,  ont  cela  de  commun  ,  qu'elles 
pafîent  à  cet  état  d'érection  ,  enconféquence 
de  l'imagination  échauffée  par  la  repréfen- 
tation  idéale  ou  phyfique  des  objets  pro- 
pres à  exciter  l'appétit  vénérien  ,  &  fur- 
tout  de  l'attouchement  fenfuel  ou  de  toute 
autre  impreffion  extérieure  ,  qui  peuvent 
mettre  en  jeu  la  fenfibilité  dont  ces  orga- 
nes font  doués  ,  &  exciter  Véréthifme  des 
parties  nerveufes  dont  ils  font  compofés , 
qui  empêche  le  retour  par  les  veines  ,  du 
fang  porté  par  les  artères  dans  les  cavités 
ou  cellules  que  l'anatomie  démontre 
dans  la  ftructure  de  tous  ces  différens 
organes. 

Le  méchanifme  de  l'arrêt  du  fang  ,  né- 
ceffaire  pour  établir  \ érection  }  a  été  diver- 
fement  expliqué  ,  fur- tout  à  l'égard  de  la 
verge  (  voye\  Verge  )  ;  mais  les  raifons 
que  l'on  en  a  données  jufqu'à  préfent ,  ne 
paroifïènt  pas  entièrement  fatisfaifantes  , 
parce  qu'il  faudroit  qu'elles  piaffent  conve- 
nir à  l'égard  de  toutes  les  parties  fufcep- 
tibles  d'ére'clion  ;  attendu  qu'il  y  a  lieu  de 
croire  que  la  nature  n'opère  pas  le  même 
effet  différemment  dans  l'une  que  dans 
l'autre  ,  c'eft  cette  caufe  commune  qui 
refte  à  afïigner  ;  on  ne  peut  en  faire  la 
recherche  que  d'après  l'expofition  anato- 
mique  des  parties  mêmes  :  ainfi  on  ne  peut 
placer  ce  qui  peut  être  dit  à  ce  fujet,  que 
dans  les  articles  concernant  les  différens 
organes  dont  il  s'agit.  Voye[  les  articles 
Érecteurs,  Verge,  Clitoris  , 
Mamelon  ,  CoïT  ,  Génération  ,, 
Grossesse,  (d) 

EREMONTS ,  f  m.  pi.  terme  de  charron» 
Ce  font  deux  morceaux  de  bois  quarrés  „ 


5)1  2, 


ERE 


pofés  &  enchâffés  fur  l'avant-train  ,  &  qui 
fortent  en  dehors  &  viennent  embraflèr 
le  timon  du  carroffe. 

ÉRESIE  ,  f.  f.  erefiay  (Hifl.  nat.  bot.) 
genre  de  plante  dont  le  nom  a  été  dérivé 
de  celui  de  la  patrie  de  Théophrafte  dans 
Fiile  de  Lesbos.  La  fleur  des  plantes  de  ce 
genre  eft  monopétale  ,  en  forme  de  cloche 
ouverte  &  découpée.  II  s'élève  du  calice 
un  piftil  qui  eft  attaché  comme  un  clou, 
&  qui  devient  dans  la  fuite  un  fruit  rond  , 
membraneux  ,  &  rempli  de  femences  qui 
tiennent  à  un  placenta.  Plumier ,  noya  plant, 
amer.  gen:r.  ifoye\  Plan  TE.  CI) 

ÉRESIPELE  ,  f.  f.  (Médecine.)  eft  le 
nom  d'une  maladie  inflammatoire  ,  qui  a 
le  plus  fouvent  fon  fiege  à  la  furface  du 
corps  ;  elle  confifte  dans  une  tumeur  afïèz 
étendue ,  fans  bornes  marquées  ,  peu  éle- 
vée au  deftiis  du  niveau  des  parties  voifi- 
nes  ,  fans  tenfion  notable  ,  accompagnée 
de  douleur  avec  démangeaifon  ,  de  cha- 
leur acre  &  d'une  couleur  rouge  tirant  fur 
le  jaune  ;  qui  cede  à  la  prefïion  des  doigts  , 
blanchit  par  cet  effet ,  &  devient  rougeâtre 
dès  que  la  prefïion  cette  ;  &  ce  qui  carac- 
térife  ultérieurement  cette  tumeur  ,  c'eft 
qu'elle  femble  changer  de  place  ,  à  mefure 
qu'elle  fe  difîipe  dans  la  première  qu'elle 
occupoit  ;  elle  s'étend  de  proche  en  proche 
aux  parties  voifmes. 

Le  mot  érejipele  y  ip'jxtmxxç,  vient  de 
tfulpx,  ruber y  &  de  *'*«t ,  propi r",  pres- 
que rouge  ;  ce  qui  convient  à  la  couleur  de 
cette  tumeur  ,  qui  n'eft  pas  d'un  rouge 
foncé  comme  le  phlegmon  ,  mais  plutôt 
de  couleur  de  rofe  ;  ce  qui  lui  a  fait  don- 
ner le  nom  de  rofa  par  les  Latins  :  Yc'refipele 
a  aufîi  é:é  appeîlée  par  les  anciens  ignis 
face r  y  feu  facré  ,  à  caufe  de  la  chaleur 
vive  que  l'on  refTent  dans  la  partie  qui  en 
eft  arfedée. 

Ue'relipele  peut  être  de  différente  efpece  : 
lorfqu'elie  n'eft  pas  accompagnée  d'autres 
fympomes  que  ceux  qui  ont  été  mention- 
nés dans  la  définition  ,  elle  eft  fimpîe  ;  & 
Iorfque  le  milieu  de  la  tumeur  eréfipeiateufe 
eft  occupé  par  un  phlegmon  ,  par  un  œdè- 
me ,  ou  par  un  fqairre  ,  elle  eft  compofée 
&  prend  différente  dénomination  en  con- 
féquence  ,  félon  la  nature  de  la  tumeur  à 
laquelle  elle  fe    trouve  jointe  ;    ainfi  elle 


ERE 

eft  dans  ce  cas-là ,  ére/ipele  phlegmoneufe  , 
œdemateufe  ou  fquirreufe  :  on  la  diftingue 
en  effentielle  ,  fi  elle  ne  dépend  d'aucune 
maladie  antérieure  ,  &  en  fymptomatique, 
fi  elle  eft  compliquée  avec  une  autre  ma- 
ladie qui  l'ait  produite  :  elle  eft  encore 
diftinguée  en  interne  ou  externe  ,  félon 
le  différent  fiege  qu'elle  occupe  ;  en  bé- 
nigne &  en  maligne  ,  félon  la  nature  des 
fymptomes  qu'elle  produit  ;  en  accidentelle 
ou  habituelle ,  félon  qu'elle  attaque  une 
feule  fois  ,  ou  qu'elle  revient  plufieurs  fois 
&  même  périodiquement  tous  les  mois  ou 
tous  les  ans ,  félon  qu'il  confie  par  plufieurs 
obfervations. 

Ue'réfipele  externe  affecte  communément 
la  peau  ,  la  membrane  adipeufe  ,  &  quel- 
quefois ,  mais  rarement  ,  la  membrane  des 
mufcles. 

Lorfqu'elie  eft  interne  ,  elle  peut  avoir 
fon  fiege  dans  tous  les  vifeeres ,  &  vrai- 
femblablement  dans  leur  tiftu  cellulaire 
fur  -  tout  ;  mais  alors  il  eft  rare  qu'on  la 
confidere  autrement  que  comme  une  in- 
flammation en  général. 

Le  fang  qui  forme  Véré/ipele  eft  moins 
épais  ,  moins  denfe  que  celui  qui  forme 
le  phlegmon  (ï-'oyé'çPHLEGMON)  ;  mais  il 
eft  d'une  nature  plus  acte  &  plus  fufeep- 
tible  à  s'échauffer  :  ces  qualités  du  fang 
étant  pofées ,  fi  fon  cours  vient  à  être 
retardé  tout-à-coup  dans  les  extrémités 
artérielles  ,  &  qu'il  en  parle  quelques  glo- 
bules dans  les  vaifïèaux  lymphatiques  ,  qui 
naiffent  des  artères  engorgées  ,  l'aclion  du 
cœur  &  de  tout  le  fyftéme  des  vaiffeaux 
reftant  la  même  ,  ou  devenant  plus  forte  , 
toutes  ces  conditions  étant  réunies ,  la  caufe 
continente  de  Ye're'/ipele  fe  trouve  établie 
avec  le  concours  de  toutes  les  autres  cir- 
conftances  qui  conftituent  l'inflammation 
en  général.  Voye\  INFLAMMATION. 

Les  caufes  éloignées  de  Véiéjîpele  font 
très-nom breufes  ;  elle  eft  fouvent  l'effet 
de  différentes  évacuations  fupprimées  , 
comme  des  menftrues  ,  des  lochies  arrê- 
tées ,  d'une  rétention  d'urine  ,  mais  plus 
communément  du  défaut  de  refpiration 
infenfibîe  ,  occafionée  par  le  froid  ;  elle 
eft  quelquefois  produire  par  l'ardeur  du 
foleil  à  laquelle  on  refte  trop  long-temps 
expofé  ;     par    l'application    de    quelques 

topiques 


ERE 

topiques  acres ,  de  quelque  emplâtre  qui 
bouche  les  pores  d'une  partie  de  la  peau , 
des  répercuflîfs  employés  mal-à-propos  : 
le  mauvais  régime ,  l'ufage  des  alimens 
acres  ,  des  liqueurs  fortes  ,  les  mauvaifes 
digeftions ,  fur-tout  celles  qui  fourniflènt 
au  fang  des  fucs  alkalins ,  rances ,  le  trop 
grand  exercice  ,  les  veilles  immodérées  , 
les  peines  d'efprit  contribuent  aufli  à  faire 
naître  des  tumeurs  éréfipélateufes  }  qui  peu- 
vent être  encore  des  fymptomes  de  plaies 
&  d'ulcères ,  dans  les  cas  où  il  y  a  difpo- 
fition  dans  la  mafiè  des  humeurs  :  cette  dif- 
pofition  qui  confifte  en  ce  qu'elles  foient 
acrimonieufes ,  &  qui  dépend  fouvent 
d'un  tempérament  bilieux  ,  a  aufli  beau- 
coup de  part  à  rendre  efficaces  toutes  les 
caufes  éloignées ,  tant  internes  qu'externes  , 
qui  viennent  d'être  mentionnées. 

Le  caraclere  de  Xéréfipele  eft  trop  bien 
diftingué  par  les  fymptomes  qui  lui  font 
propres ,  rapportés  dans  la  définition ,  pour 
qu'on  puifîè  la  confondre  avec  toute  autre 
efpece  de  tumeur ,  s'ils  font  bien  obfervés. 

Uéréjîpele  n'eft  pas  toujours  accompa- 
gnée de  fymptomes  violens ,  fur-tout  lorf- 
qu'elle  n'attaque  pas  le  vifage  ;  cependant 
il  s'y  en  joint  fouvent  de  très-fàcheux  ,  tels 
que  la  fièvre  qui  eft  plus  ou  moins  forte 
&  plus  ou  moins  ardente  ;  les  infomnies  , 
les  inquiétudes  :  &  comme  elle  eft  dans 
plufieurs  cas  une  maladie  fymptomatique , 
dépendante  d'une  fièvre  putride ,  par  exem- 
ple ,  les  accidens  qu'elle  produit  varient 
félon  les  différentes  circonstances. 

Uérefipele  n'eft  pas  dangereufe  ,  lorf- 
qu'elle  eft  fans  fièvre-,  &  qu'elle  n'eft  ac- 
compagnée d'aucun  fymptome  de  mauvais 
cara&ere  ;  &  au  contraire  il  y  a  plus  ou 
moins  à  craindre  pour  les  fuites  de  la  ma- 
ladie ,  à  proportion  que  la  fièvre  eft  plus 
ou  moins  confidérable ,  &  que  les  autres 
accidens  font  plus  ou  moins  nombreux  & 
violens. 

Uérefipele  de  la  face  eft  de  plus  grande 
conféquence  ,  tout  étant  égal ,  que  celle 
qui  affecte  les  autres  parties  du  corps  ,  à 
caufe  de  la  délicateffe  du  tifiu  de  celle  du 
vifage  ,  dont  les  vaiflèaux  ont  moins  de 
force  pour  fe  débarrafler  de  l'engorgement 
inflammatoire.  Cet  engorgement  eft  ce- 
pendant moins  difficile  à  détruire  que  dans 
Tome  XII. 


ERE  915 

toute  autre  inflammation  ;  parce  que  la 
matière  qui  le  forme  n'a  pas  beaucoup  plus 
de  rénacité  que  les  humeurs  faines  qui 
coulent  naturellement  dans  les  vaiflèaux 
de  la  partie  afFeftée  :  ainfi  elle  eft  très-dif- 
poféeàla  réfolution.  Voye\ RÉSOLUTION. 
Mais  cette  manière  dont  fe  termine  ordi- 
nairement Xéréfipele  n'eft  pas  toujours  par- 
faite ,  l'humeur  viciée  peut  être  diflbure  , 
fans  être  entièrement  corrigée  ;  en  forte 
qu'elle  ne  foit  pas  encore  propre  à  couler 
dans  les  autres  vahTeaux  où  elle  eft  jetée 
par  l'action  de  ceux  qui  s'en  font  débar- 
rafles  :  quelquefois  elle  ne  cède  qu'à  la 
force  de  ces  derniers ,  &  reprend  fa  confif- 
tance  vicieùfe ,  lorfqu'elle  eft  parvenue  dans 
des  vaiflèaux  voifins  qui  agiflènt  moins  ; 
ainfi  Yérefipele  change  de  fiege  comme  en 
rampant  de  proche  en  proche  ;  elle  eft  fou- 
vent rebelle  dans  ce  cas  &  donne  beaucoup 
de  peine  ;  elle  parcourt  quelquefois  la  moi- 
tié de  la  furface  du  corps ,  fans  qu'on  puifle 
en  arrêter  les  progrès ,  parce  qu'alors  le 
fang  eft  pour  ainfi  dire  infeclé  d'un  levain 
éréfipélateiix  >  qui  fournit  continuellement 
de  quoi  renouveller  l'humeur  morbifique 
dans  les  parties  afFedées  ou  dans  les  voifi- 
nes  :  mais  ce  changement  eft  bien  plus 
fâcheux  encore  ,  lorfque  le  tranfport  de 
cette  humeur  fe  fait  du  dehors  au  dedans  , 
&  fe  fixe  dans  quelque  vifcere  ;  alors  Xéré- 
fipele qui  en  réfulte  ,  eft  d'autant  plus  dan- 
gereufe que  la  fon&ion  du  vifcere  eft  plus 
eflèntielle  :  on  doit  aufli  très-mal  augurer 
de  celle ,  qui  fans  changer  de  fiege ,  tend  à 
la  fuppuration  ou  à  la  gangrené  ;  car  il 
réfulte  du  premier  de  ces  deux  événemens , 
qu'il  fe  fait  une  fonte  de  matières  acres  , 
rongeantes  ,  qui  forment  des  ulcères  ma- 
lins ,  très -difficiles  à  guérir ,  &  il  fuit  de 
la  gangrené  éréfipélateufe  y  qu'ayant  par  la 
nature  de  l'humeur  qui  l'a  produite ,  beau- 
coup de  facilité  à  s'étendre  ,  elle  confume 
&  fait  tomber  comme  en  putrilage  la  fubf- 
tance  des  parties  affe&ées  ,  en  forte  qu'il 
eft  très-difficile  d'en  arrêter  les  progrès  & 
prefque  impoflible  de  la  guérir. 

Toute  autre  manière  que  la  réfolution 
dont  Xéréfipele  peut  fe  terminer  ,  étant  fu- 
nefte ,  on  doit  donc  diriger  tout  le  traite- 
ment de  cette  efpece  d'inflammation  ,  à  la 
faire  réfoudre ,  tant  par  les  remèdes  interne? 

Z^zzz 


914  ERE 

que  par  les  topiques ,  d'autant  plus  que  la 
matière  morbifique  y  a  plus  de  difpofition 
que  dans  toute  autre  tumeur  inflamma- 
toire. Pour  parvenir  à  ce  but  fi  defirable , 
on  doit  d'abord  preferire  une  diète  févere  , 
comme  dans  toutes  les  maladies  aiguës , 
qui  confifte  à  n'ufer  que  d'une  petite  quan- 
tité de  bouillon  peu  nourrifTant  ,  adou- 
ciffant  &  rafraîchifîànt  ,  &  d'une  grande 
quantité  de  boiftbn  qui  foit  feulement  pro- 
pre à  détremper  &  à  calmer  l'agitation 
des  humeurs  pour  les  premiers  jours  ,  & 
enfuite  à  divifer  légèrement  &  à  exciter 
la  tranfpiration.  Il  faut  en  même  temps 
ne  pas  négliger lesremedes  efïèntiellement 
indiqués ,  tels  que  la  faignée  ,  qui  doit 
être  employée  &  répétée  proportionné- 
ment  à  la  violence  de  la  fièvre ,  fi  elle  a 
lieu  ;  ou  à  celle  des  fymptomes  ,  aux  for- 
ces &  au  tempérament  du  malade  ,  à  la 
faifon  &  au  climat.  Il  convient  de  donner 
la  préférence  à  la  faignée  du  pied  ,  dans 
le  cas  où  Yéréfipele  affecte  la  tète  ou  le  vi- 
fage.  Il  faut  de  plus  examiner ,  à  l'égard 
de  toute  forte  Yéréfipele  >  fi  le  mal  provient 
du  vice  des  premières  voies ,  &  s'il  n'eft 
pas  un  fymptome  de  fièvre  putride.  Si  la 
chofe  eft  ainfi  ,  d'après  les  fignes  qui  doi- 
vent l'indiquer ,  on  doit  fe  hâter  de  faire 
ufage  des  purgatifs  ,  des  lavemens  ,  & 
même  des  vomitifs  répétés  :  ces  derniers 
font  particulièrement  recommandés  contre 
Yéréfipele  de  la  face  ,  qu'ils  difpofent  à  une 
prompte  réfolution ,  félon  que  le  démontre 
l'expérience  journalière  :  on  calmera  le  foir 
l'agitation  caufée  par  ces  divers  évacuans , 
en  faifant  prendre  au  malade  un  julep  ano- 
din ou  une  émulfion.  Pour  ce  qui  eft  des 
topiques ,  on  ne  peut  pas  les  employer 
pour  Yéréfipele  de  la  face  ,  parce  que  hs 
émolliens  anodins  ,  en  relâchant  le  tifTu 
déjà  très  -  foible  de  cette  partie,  peuvent 
difpofer  l'inflammation  à  devenir  gangré- 
neufe  ,  &  parce  que  les  réfolutifs  atténuans 
«émeuvent  pas  agir  fans  augmenter  l'action 
des  folides ,  la  réaction  des  fluides ,  fans 
rendre  la  chaleur  &  l'acrimonie  plus  con- 
fidérable  ;  ce  qui  difpofe  Yéréfipele  à  s'exul- 
cérer ,  &  à  caufer  des  douleurs  extrêmes  ; 
ce  qui  peut  être  aufli  fuivi  de  la  mortifi- 
cation; ainfi  il  vaut  mieux  n'employer  au- 
cun remède  externe  dans  ce  cas ,  que  d'en 


ERE 

efïàver ,  dont  il  y  a  lieu  de  craindre  de  fi 
mauvais  effets. 

Lorfque  Yéréfipele  occupe  toute  autre 
partie  de  la  furtace  du  corps  ,  on  peut 
faire  ufage  avec  beaucoup  de  fuccès,  des 
topiques  émolliens  réfolutifs  ,  par  le  moyen 
defquels  on  parvienne  à  relâcher  plus  ou 
moins  le  tifTu  de  la  partie  affectée  ,  à  tem- 
pérer l'acrimonie  du  fang  &  de  la  lymphe  , 
à  modérer  la  chaleur ,  à  calmer  la  douleur  , 
&  à  rendre  plus  fluides  les  humeurs  qui 
forment  l'inflammation  ,  afin  d'en  faciliter 
au  plutôt  la  réfolution.  Il  faut  choifir  parmi 
ces  remèdes  ,  ceux  qui  font  les  plus  propor- 
tionnés à  la  nature  du  mal,  &  mêler  à 
propos  les  émolliens  avec  les  réfolutifs  ,  ou 
les  employer  féparém&nt ,  félon  l'exigence 
des  cas ,  fous  forme  de  fomentations  ou  de 
cataplafmes ,  qui  doivent  être  diverfement 
préparés ,  félon  les  différentes  efpeces  tféré- 
fipeles.  On  doit  auiîi  en  commencer  ou  en 
cefîèr  l'ufage  plutôt  ou  plus  tard  ,  félon  que 
l'exigent  les  indications.  Voy.  EMOLLIENS, 
RÉSOLUTIFS  ,   ÙC. 

Il  n'eft  aucun  cas  où  l'on  puifîè  appli- 
quer des  remèdes  répereuffifs  fur  Yéréfipele  > 
de  quelque  efpece  qu'elle  foit ,  non  plus 
que  des  narcotiques  ,  des  huileux.  Les 
premiers ,  en  reflerrant  les  vaiffeaux ,  y 
fixeroient  la  matière  morbifique  ,  &  la  dif- 
poferoient  à  fe  durcir ,  ou  la  partie  à  fe 
gangrener  ,  ou  donneroient  lieu  à  des  mé- 
taftafes  ftmeftes.  Les  féconds  ,  en  fufpen- 
dant  l'action  des  vaifTeaux  engorgés  ,  ten- 
droient  également  à  produire  la  mortifica- 
tion. Les  troifiemes,  en  bouchant  les  pores ,. 
en  empêchant  la  tranfpiration,  augmente-^ 
roient  la  jjléthore  de  la  partie  affectée  >  l'a- 
crimonie des  humeurs  ,  &  par  conféquent 
rendroient  plus  violens  les  fymptomes  de 
Yéréfipele.  S'il  fe  forme  des  vefîies  fur  Yéré- 
fipele _,  par  la  férofité  acre,  qui  détache  Pé- 
piderme  &  le  fépare  de  la  peau  ,  ce  qui 
arrive  fouvent,  il  faut  donner  ifTue  à  l'hu- 
meur contenue,  qui  par  fa  qualité  corro- 
five  &  par  un  plus  long  féjour  ,  pourroit 
exulcérer  la  peau.  On  doit ,  pour  éviter  ce#r 
mauvais  effets  ,  ouvrir  ces  vefîies  avec  des 
cifeaux  ,  en  exprimer  le  contenu  avec  un 
linge  ,  &  y  appliquer  quelque  lénkif,  fi 
Férofion  eft  commencée  par  la  nature  du 
mal,  ou  par  mauvais  traitement.  Lorfque 


ERE 

Ve'rcfipele  fe  termine  par  la  fuppuration  ou 
far  la  gangrené  ,  il  faut  employer  les  re- 
mèdes convenables  à  ces  différens  ëcars. 
Voye\  Suppuration  ,  Ulcère,  Gan- 
grené. 

Lorfque  Yëréfipelc  ne  provient  pas  d'une 
caufe  incerne  ,  d'un  vice  des  humeurs , 
&  qu'elle  eft  caufée  par  la  craflfe  de  la 
peau  ,  par  l'application  de  quelque  emplâ- 
tre qui  a  pu  arrêter  la  tranfpiration  ,  embar- 
raflèr  le  cours  des  fluides  dans  la  partie  ,  il 
faut  d'abord  emporter  la  caufe  occafio- 
nelle  ,  nettoyer  la  peau  avec  de  l'eau  ou  du 
vin  chaud  ,  ou  de  l'huile  d'olive  ,  félon 
la  nature  des  matières  qui  y  font  attachées  : 
Jorfquelles  font  acres  ,  irritantes  ,  comme 
celles  des  fynapifmes  ,  des  phœnigmes ,  des 
véficatoires ,  on  doit  laver  la  partie  avec 
du  lait,  ou  y  appliquer  du  beurre  ,  ou  l'oin- 
dre avec  de  l'huile  d'œufs.  Dans  les  cas 
où  Yérefipele  n'eft  pas  (impie  ,  où  elle  eft 
phlegmoneufe  ,  éréfipéîateufe  ,  elle  parti- 
cipe plus  ou  moins  de  l'une  des  deux  tu- 
meurs compliquées  ',  on  doit  par  confé- 
quent  traiter  celle  qui  eft  dominante  ,  ou 
qui  préfente  les  indications  les  plus  urgen- 
tes ,  fans  avoir  égard  à  l'autre  :  celle-là  étant 
guérie  ,  s'il  refte  des  traces  de  celle-ci  , 
on  la  trouvera  à  fon  retour  félon  les  règles 
de  l'art.  Voye\  PHLEGMON  ,  ŒDEME.  f<£) 

Ere  si  PELE  ,  Manège  >  Marëchall.  ) 
maladie  cutanée.  Rien  ne  prouve  plus  évi- 
demment l'uniformité  de  la  marche  &  des 
opérations  de  la  nature  dans  les  hommes 
&  dans  les  animaux ,  que  les  maladies  aux- 
quelles les  uns  &  les  autres  font  fujets  :  les 
mêmes  troubles  ,  les  mêmes  dérangemens 
fuppofent  néceflàirement  en  eux  un  même 
ordre  ,  une  même  économie  \  &  quoique 
quelques-unes  des  parties  qui  en  confti- 
tuent  le  corps  ,  nous  paroiftent  effentie'Ie- 
ment  diffemblables ,  pour  peu  que  l'on 
pénètre  les  raifons  de  ces  variétés  ,  on  n'en 
eft  que  plus  fenfiblement  convaincu  que  ces 
différentes  apparences  ,  ces  voies  particu- 
lières qu'il  femble  que  cette  mère  commune 
s'eft  tractes  ,  ne  fervent  qu'à  la  rapprocher 
plus  intimement  des  ioix  générales  qu'elle 
s'eft  preferifes. 

Quand  on  confidere  dans  l'animal  Ye'é- 
fipc'le  par  fes  caufes  externes  &  internes ,  & 
quand  on  en  envilàge  le  génie  ,  le  carac- 


ERE  915 

tere ,  les  fuites  &  îe  traitement ,  on  ne 
fauroit  fô  déguifér  les  rapports  qui  lient 
&  qui  unifient  la  médecine  &  l'art  vété- 
rinaire. Cette  maladie  ,  qui  tient  &  parti- 
cipe aufli  quelquefois  des  autres  tumeurs 
génériques  ,  c'eft  -  à  -  dire ,  du  phlegmon , 
de  l'œdème  &  du  fquirre  ,  peut  être  en 
effet  dans  le  cheval  eftèntielle  ou  fympto- 
matique  ;  elle  peut  être  également  produite 
conféquemment  à  l'acrimonie  &  à  l'épaif- 
fifTement  des  humeurs  ,  ou  conféquemment 
à  un  air  trop  chaud  ou  trop  froid  ;  à  des 
alimens  échaufîàns  ,  tels  que  l'avoine  prife 
ou  donnée  en  trop  grande  quantité  ;  à  des 
exercices  outrés  ,  à  un  repos  immodéré ,  à 
des  compreflions  faites  fur  les  parties  exté- 
rieures ,  à  l'irritation  des  fibres  du  tégu- 
ment en  fuite  d'une  écorchure  ,  d'une  brû- 
lure ,  du  long  féjour  de  la  crafîè  fur  la 
peau  ,  &c.  Les  fignes  en  font  encore  les 
mêmes  ,  puifqu'elle  s'annonce  fouvent  , 
fur- tout  lorfqu'elle  occupe  la  tête  du  cheval , 
par  la  fièvre  ,  par  le  dégoût  ,  par  une  forte 
de  ftupeur  &  d'abattement ,  &  toujours  , 
&  en  quelque  lieu  qu'elle  ait  établi  fon: 
fi.ge  ,  par  la  tenfiôn  ,  la  douleur  ,  la 
grande  chaleur ,  le  gonflement  &  la  rou- 
geur de  la  partie  ;  fymptome  ,  à  la  vérité  > 
qu'on  apperçoit  dans  tous  les  chevaux  , 
mais  qui  n'exifte  pas  moins ,  &  que  j'ai 
fort  aifément  diftingué  dans  ceux  dont  la 
robe  eft  claire ,  &  dont  le  poil  eft  très- 
fin. 

Cette  tumeur  fixée  fur  les  jambes  de 
l'animal ,  eh  gêne  plus  ou  moins  les  mou- 
vemens  ,  félon  fon  plus  ou  moins  d'éten- 
due ;  elle  eft  pareillement  moins  formida- 
ble en  lui  que  Xé.ëfipele  de  la  face  &  de  la 
tète  ,  que  quelques  maréchaux  ont  prife 
pour  ce  fameux  mal  de  tête  de  contagion 
fuppofé  par  une  foule  d'aureurs  anciens  & 
modernes  ,  &  fur  les  caufes  &  la  cure 
duquel  ils  ne  nous  ont  rien  préfenté  d'utile 
&  de  vrai. 

Quoi  qu'il  er.  foit  ,  les  indications  cura- 
tives  qui  font  offertes  au  maréchal  ,  ne 
différent  point  de  celles  qui  doivent  guider 
le  médecin.  Les  faignées  plus  ou  moins 
répétées  ,  félon  le  befoin  ,  détendront  les 
fibres  cutanées  ,  defobftrueront ,  v.iideront 
les  vaifîèaux  ,  appaiferont  la  fougue  du  fan,? , 
faciliteront  fon  cours  ,  &  préviendront  les 
Zzzzz  1 


9i6  E  R  F 

reflux  qui  pourroient  fe  faire.  Ces  effets 
feront  aidés  par  des  lavemens  émolliens  , 
par  des  décodions  de  plantes  émollientes 
données  en  boifîbn  ,  &  mêlées  avec  l'eau 
blanche.  Lorfque  les  fymptomes  les  plus 
violens  fe  feront  évanouis  par  cette  voie  , 
on  purgera  l'animal  ;  &  quand  on  préfu- 
mera que  les  filtres  deftinés  à  donner  ifîiie 
aux  humeurs  viciées ,  ont  acquis  une  fou- 
plefle  capable  d'afTurer  la  liberté  de  leur 
fortie ,  on  prefcrira  de  légers  diaphoniques, 
tels  que  le  gaïac  &  la  racine  des  autres  bois 
mife  en  poudre ,  donnée  à  la  dofe  d'une 
once  dans  du  fon  ;  ou  ,  fi  Ton  veut  ,  on 
humectera  cet  aliment  avec  une  forte  dé- 
coction de  ces  mêmes  bois  ,  dans  laquelle 
on  fera  infufer  une  once  de  crocus  métal- 
lorum. 

Quant  aux  topiques  &  aux  remèdes 
externes  ,  les  cataplafmes  émolliens  ,  ou  les 
cataplafmes  anodins  ,  feront  employés  pour 
éteindre  la  chaleur  ,  adoucir  la  cuifîbn  & 
relâcher  la  peau  ,  dont  l'épiderme  fe  fépare 
quelquefois  en  forme  de  vefHe  ou  en 
forme  d'écaillés  farineufes  ;  ce  qui  folli- 
cite  &  précipite  la  chute  des  poils.  On  fe 
fervira  enfuite  de  l'eau  de  fleur  de  fureau  , 
dans  laquelle  on  fera  diiïbudre  du  fel  de 
Saturne  ;  on  l'aiguifera  avec  quelques 
gouttes  d'efprit  -  de  -  vin  camphré  ,  &  on 
en  baffinera  fréquemment  la  partie  ,  pour 
réfoudre  enfin  l'humeur  arrêtée  ,  &  pour 
faciliter  la  tranfpiration  ;  &  par  le  fecours 
de  tous  ces  remèdes  réunis ,  mais  admi- 
nistrés avec  connoifîànce ,  l'animal  parvien- 
dra à  une  guérifon  entière  &  parfaite,  (e) 

ÉRÉTHISME  ,  f.  m.  ( Médecine.  ) 
ifièio-fi®- ,  irritamentum.  C'eft  une  forte 
d'affection  des  parties  nerveufes  ,  dans 
laquelle  il  s'excite  une  plus  grande  ten- 
fion  ou  une  crifpation  de  leur  tiflu  qui 
fouffre  quelqu'irritation  ,  d'où  s'enfuit  plus 
de  fenfibiîité. 

Cet  état  eft  produit  par  le  mouvement 
déréglé  &  trop  impétueux  des  efprits  ani- 
maux ,  qui  font  le  principe  de  l'action  de 
tous  les  organes  du  corps  humain.  Voye^ 
Irritabilité  ,  Spasme,  (d) 

ERFORT  ,  (Géogr.  modj  ville  d'Alle- 
magne ;  elle  eft  capitale  de  la  haute  Hon- 
grie :  elle  eft  fituée  fur  le  Gère.  Long.  z8x 
$$i  lat.$i.^ 


ERG 

*  ERGANÉ  ,  (  Myth.)  furnom  de 
Minerve  :  il  vient  de  ïcyov,  art;  ainfl 
Minerve- Erga né  ,  ou  Minerve  inventrice 
des  arts  y  c'eft  la  même  chofe.  En  effet , 
on  attribuoit  à  cette  divinité  linvention  de 
l'art  militaire ,  de  l'archite&ure ,  de  l'our- 
difîàge  de  la  toile  ,  du  fil  ,  de  la  tapifferie  , 
des  draps ,  du  linge  ,  &c.  des  chariots , 
de  la  flûte  ,  des  trompettes  ,  de  la  culture 
de  l'olivier  ,  &c.  C'étoit  à  ces  titres  qu'elle 
avoit  un  autel  dans  Athènes  ,  &  c'étoit-là 
que  facrifioient  les  defcendans  de  Phi- 
dias. 

'*  ERGASTULE  ,  f.  m.  (  Hifl.  anc.) 
c'étoit  un  lieu  fouterrein  ou  cachot  qui  ne 
receyoit  le  jour  que  par  des  foupiraux 
étroits  ,  où  les  Romains  renfermoient  à 
leurs  campagnes  les  efclaves  condamnés 
pour  quelques  forfaits  aux  travaux  les  plus 
pénibles.  Un  ergafiuîe  pouvoit  contenir  juf- 
qu'à  quinze  hommes  :  ceux  qui  y  étoient 
confinés  ,  s'appelloient  ergafiules  ,  &  leur 
geôlier  ,  ergafiulaire.  On  y  précipita  dans 
la  fuite  d'honnêtes  gens  qu'on  enlevoit  & 
qui  difparoifîbient  de  la  fociété  ,  fans  qu'on 
sût  ce  qu'ils  étoient  devenus.  Ce  défordre 
détermina  Adrien  à  faire  détruire  ces  lieux. 
Théodofe  ordonna  la  même  chofe  par 
une  autre  considération  ,  le  défordre  caufé 
dans  la  fociété  par  les  ergafiules  ,  lorfqu'ils 
étoient  mis  en  liberté  par  des  factieux 
qui  brifoient  leurs  fers  ,  &  qui  fe  les  afîb- 
cioient. 

*  ERGATIES  \  adj.  pris  fubftantive- 
ment ,  fêtes  que  les  Spartiates  célébroient 
en  l'honneur  d'Hercule. 

ERG  A  VIC A  y  (Géogr.  ancienne.)  ville 
des  Celtibériens  ,  dans  l'Ëfpagne  Tarrago- 
noife  ,  entre  des  montagnes  ,  près  de  la 
petite  rivière  de  Gualdicla  ,  que  reçoit  le 
Tage  vers  le  haut  de  fon  cours.  Ptolomée 
en  fait  mention.  On  voit  une  médaille 
d'Augufte,  avec  ces  mots ,  Mun.  Ergavica.y 
&  une  autre  de  Tibère  ,  avec  le  même 
mot.  Une  ancienne  infeription  dans  le 
recueil  de  Gruter  ,page  382.  x  nç-S  >  porte. 
aufli  ce  nom  : 

M.  Cal  p.  M.  F. 
Lu  po  Fl  a  m.  p.  h.  c. 

EX   CO  N  V  E  N. 

Cjesar,  E rcav ic. 


ERG 

C'eft-à-dire,  Marco  Calpurnio  Marci 
filio  y  Lupo  fiamini  provinciœ  Hifpaniœ 
citerions  y  ex  conventu.  C oefarauguftano  y 
Ercai'icenjî. 

Pline  a  rangé  dans  l'aiïèmblée  de  Sara- 
gofTe  Ç  in  Ccefaraugitflano  conventu.  J  un 
peuple  qu'il  nomme  Ergavicenfes.  Il  n'y 
a  pas  de  doute  qu'au  XLC.  livre  de  Tite- 
Live,  ch.  50,  il  ne  faille  lire  Ergavica  au 
lieu  de  Ergavia  qui  y  eft  qualifiée  noble  & 
puijjante  cité. 

Les  Efpagnols  tiennent  que  c'eft  préfente- 
ment  Alcanni\a  y  à  fept  lieues  de  Tortofe. 
Moralez  croit  que  c'eft  le  lieu  nommé 
Penna-Efcrita  ou  Santaver.  Dicl.  Géogr. 
la   Martiniere  ,  édition  il 68.  (C) 

ERGOT,  f.  m.  (  Hift.  nat.J  C'eft ainfi 
que  l'on  appelle  une  forte  de  corne  molle 
qui  fe  trouve  derrière  le  boulet  du  cheval , 
qui  eft  recouverte  par  le  poil  du  fanon.  On 
a  auffi  donné  le  même  nom  aux  châtaignes 
eu  lichenes  du  même  animal  ,  qui  font 
de  petites  tumeurs  fans  poil ,  de  la  grof- 
feur  d'une  châtaigne ,  &  de  la  confiftance 
d'une  corne  molle  :  il  y  en  a  une  dans 
chacune  des  quatre  jambes  ,  placée  ,  dans 
celle  de  devant,  en  dedans  du  bras  ,  un 
peu  au  deflus  &  à  côté  du  genou  ;  &  dans 
les  jambes  de  derrière ,  un  peu  au  deflus 
&  à  côté  du  jarret.  Mais  les  ergots  propre- 
ment dits ,  font  derrière  les  boulets  du 
cheval  &  des  animaux  à  pié  fourchu  : 
ceux-ci  en  ont  deux  à  chaque  pié;  ils 
font  compofés  chacun  d'une  corne  de 
même  nature  que  celle  des  fabots  de  cha- 
que doigt.  On  nomme  en  terme  de  chajje  y 
les  ergots  du  fanglier,  du  cerf,  du  che- 
vreuil ,  &c.  les  gardes.  On  a  auffi  donné 
le  nom  d: 'ergot  aux  éperons  du  coq.   Voye\ 

Coq.  (I) 

ERGOT  ,  (Agriculufy  Econom.  domefl.) 
maladie  finguliere  dont  le  feigle  eft  atta- 
qué. Quelques-uns  donnent  ce  nom  au 
grain  même  qui  eft  attaqué  de  la  maladie  , 
&  qu'on  appelle  auffi  bled-cornu  ;  &  ces 
noms  viennent  en  général  de  ce  que  le 
grain  de  feigle  malade  a  quelque  reiîèm- 
hlance  avec  la  figure  d'un  ergot  de  coq. 
Langius ,  médecin  ,  &  favant  naturalifte , 
eft  un  des  auteurs  qui  ent  le  mieux  décrit 
cette  maladie  du  feigle,  &  fes  effets  funeftes. 
Voye\  AcL  Lipf.   1718 ,  pag.  30g.  Les 


ERG  917 

grains  attaqués  font  plus  gros  que  les  au- 
tres ,  d'une  couleur  noire  ;  ont  un  goût 
acre  ;  font  fendus  en  plufieurs  endroits  T 
fuivant  leur  longueur ,  bc.  Le  feigle  ergoté  y 
mêlé  dans  le  pain  ,  produit  des  erîets  fu- 
neftes :  c'eft  fur-tout  en  1709  qu'on  la 
obfervé.  Les  feigles  de  la  Sologne  conte- 
noient  près  d'un  quart  de  bled-cornu  >  que 
les  pauvres  gens  négligeoient  de  féparer 
du  bon  grain ,  à  caufe  de  l'extrême  difette 
qui  fuivit  le  grand  hiver  :  le  pain  infecté 
de  ce  bled ,  donna  à  plufieurs  une  gan- 
grené arFreufe  ,  qui  leur  fit  tomber  fuc- 
ceffivement  &  par  parties  tous  les  mem- 
bres. Voyei  mém.  académie  des  fciences 
1709  y  pag.   63. 

La  plupart  des  auteurs  qui  ont  parlé  de 
cette  maladie  ,  l'attribuent  aux  brouillards 
qui  gâtent  les  épis.  M.  Tillet ,  directeur  de 
la  monnoie  de  Troies  ,  combat  cette  expli- 
cation ,  dans  une  excellente  diflèrtation 
fur  la  caufe  qui  corrompt  les  grains  de 
bled  dans  les  épis  ;  difTertation  couronnée 
avec  juftice  par  l'académie  de  Bordeaux 
en  1754,  &  imprimée  dans  la  même  ville 
en  175$.  Comment,  dit  -  il  ,  les  brouil- 
lards qui  produifent  Y  ergot  dans  le  feigle  , 
ne  produifent-ils  jamais  cette  maladie  dans 
l'orge  ,  dans  l'avoine  ,  ni  même  dans  une 
quantité  prodigieufe  d'épis  de  froment  fans 
barbe  ,  &  où  l'on  ne  voit  prefque  jamais 
cY  ergot  ?  D'ailleurs  ,  les  brouillards  cou- 
vrant ordinairement  une  certaine  partie  de 
terrein ,  devroient  produire  un  effet  aflez 
général  ;  or  ,  fouvent  un  épi  tft  ergoté  r 
fans  que  fon  voifin  le  foit  ;  un  arpent  eft 
ergoté  y  fans  que  l'arpent  voifin  ait  foufFert  : 
un  épi  même  n'eft  jamais  entièrement 
ergoté.  Enfin  ,  le  feigle  qui  eft  au  haut  des 
pièces  enfemencées  ,  eft  attaqué  de  Y 'ergot 9 
comme  celui  qui  eft  au  bas ,  &  qui  ferri- 
bleroit  devoir  plus  foufrrir  de  l'humidité  & 
du  brouillard  ;  &  le  feigle  eft  ergoté  dans  les 
années  feches ,  comme  dans  les  pluvieufes. 
A  ces  preuves  on  peut  ajouter  les  fufvantes. 
U ergot  n'eft  pas  une  maladie  particulière 
au  feigle,  il  attaque  la  plante  appellée  grame r* 
loliaceum  y  le  gramen  micofuros  de  la  plus 
petite  efpece ,  &  l'ivraie.  Ces  trois  plantes 
font  ergotées  dans  des  lieux  &  des  temps 
fecs  ,  comme  dans  des  lieux  &  des  temps 
humides.  Souvent  ces  plantes  ne  foufErent 


9iS  ERG 

peint  de  Yergot  dans  des  lieux  inondés ,  où 
le  feigle  &  le  froment  font  noyés  fans  ref- 
fource.  Vergoc  ne  vient  donc  point  de 
l'humidité.  • 

M.  Tillet  croit  devoir  plutôt  l'attribuer  a 
la  piquure  de  quelque  infecte  ;  en  exami- 
nant plufieurs  grains  de  feigle  ergotes  >  il  y 
a  apperçu  un  petit  ver  à  peine  fenfïble  aux 
yeux  :  ce  ver  renfermé  dans  un  gobelet  de 
cryftal  avec  le  grain  ergoté  >  fe  nourrit  de 
ce  grain  ,  &  le  confomme.  En  ce  cas , 
Yergot  feroit  femblable  à  plufieurs  maladies 
qu'on  obferve  dans  d'autres  plantes;  &  qui 
font  caufées  de  même  par  des  piquures 
d'infeaes.  Voye\  Gale  ,  &c. 

Langius  croit  qu'il  y  a  de  Yergot  nuifible 
à  ceux  qui  en  mangent ,  &  de  Yergot  qui 
ne  l'eft  pas.  M.  Tillet  croit  que  Yergot  eft 
toujours  nuifîble,  mais  qu'il  doit  être  pour 
cela  en  certaine  quantité. 

Le  froment,  félon  les  obfervations  de 
M.  Tillet ,  eft  aufTi  fujet  à  Yergot;  mais  le 
cas  eft  rare  :  la  pouflîere  des  grains  ergotes 
ne  paroît  pas  contagieufe  comme  la  pouf- 
fîere  des  grains  de  froment  cariés.  Voye\ 
V article  GRAINS  ,  où  nous  donnerons  un 
extrait  plus  étendu  de  l'excellent  ouvrage 
de  M.  Tillet  ;  ouvrage  également  recom- 
mandable  par  l'importance  de  l'objet  qu'il 
fe  propofe,  &  par  l'intelligence  avec  laquelle 
il  l'a  rempli. 

L'auteur,  depuis  la  publication  de  fa 
diflertation  imprimée  à  Bordeaux  en  1755  , 
dédiée  &  préfentée  au  roi  au  mois  de 
mai  de  la  même  année  ,  a  ajouté  à  cette 
diflertation  de  nouvelles  réflexions  ,  fruit 
de  fes  nouvelles  expériences  ,  &  imprimées 
à  Paris  dans  le  cours  du  même  mois  de 
mai.  Voici  en  peu  de  mots  un  précis  de 
ce  qu'on  lit  fur  Yergot  dans  ces  nouvelles 
recherches. 

M.  Tillet  a  trouvé  quelques  épis  ergotes  y 
tant  dans  les  endroits  où  il  avoit  femé  le 
feigle  pur ,  que  dans  ceux  où  il  avoit  été 
fali  avec  la  pouffiere  de  quelques  ergots 
broyés  y  preuve  que  cette  pouflieren'a  rien 
de  contagieux  pour  le  grain. 

Il  a  confervé ,  malgré  le  grand  froid  , 
plufieurs  des  infe&es  ou  petites  chenilles 
qu'il  avoit  trouvées  dans  les  grains  ergotes. 
Quelques-unes  fe  changèrent  en  aflèz  jolis 
papillons  d'une  très-petite  efpecejfèrablables 


ERG 

à  d'autres  que  M.  Tillet  avoit  vus  fur 
la  furface  de  l'eau  d'un  cuvier  expolé 
au  foleil  ,  &  qu'il  ne  fe  rappelle  point 
d'avoir  vus  en  pleine  campagne.  Ces  papil- 
lons avoient  attaché  à  des  grains  de  feigle 
des  œufs  qui  avoient  produit  les  petites 
chenilles ,  auxquelles  les  ergots  ont  fervi 
de  nourriture.  Il  y  a  apparence ,  fuivant 
les  obfervations  de  M.  Tillet ,  que  Yergot 
commence  à  fe  former  par  le  fuintement 
de  la  liqueur  contenue  dans  le  grain  altéré 
par  l'infecte. 

Parmi  un  grand  nombre  d'ergots  ,  il  n'y 
en  a  qu'un  très-petit  nombre  qui  contienne 
des  chenilles  ;  ia  plupart  dss  grains  , 
altérés  Amplement  par  Pinfede ,  félon 
M.  Tillet ,  ne  reçoivent  point  d'oeufs  ,  ou 
les  œufs  périflent.  Quelquefois  une  che- 
nille confomme  entièrement  Yergot  y  &  n'y 
laifle  que  l'écorce  ,  qui  fert  alors  comme 
d'enveloppe  à  l'infecte. 

S'il  y  a  des  années  où  Yergot  eft  très*- 
commun ,  &  d'autres  où  il  eft  très-rare  , 
il  eft  facile  d'expliquer  ces  différences  par 
le  temps  plus  ou  moins  favorable  à  la  pro- 
pagation des  chenilles  ,  les  accidens  qui 
peuvent  les  faire  périr,  Ùc.  C'eft  ainfi  qu'il 
y  a  des  années  où  les  arbres  à  fruit  fouf- 
frenr  considérablement ,  &  d'autres  où  ils 
font  très  -  peu  endommagés ,  félon  que 
l'année  eft  plus  ou  moins  favorable  à  la 
production  des  infedes  qui  dévorent  ces 
fruits.  (O) 

Aux  obfervations  de  M.  J'Alembert  fur 
Yergot  ,  nous  allons  joindre  celles  que 
M.  Beguillet  a  cru  devoir  y  ajouter. 

Uergot  ou  bled  cornu,  bled  fourchu,  bled 
hâve,  eft  une  production  monftrueufe  qui  fe 
trouve  plus  fouvent  dans  les  épis  de  feigle  , 
&  plus  rarement  dans  ceux  d'orge  &  de  fro- 
ment ;  raifon  pour  laquelle  Bauhin  l'appelle 
fécale  luxurians  ( fécale  luxurians  alitfque 
or  go  &  fecalis  maver.  Pin.  2.3  théatr.  43 ',4 J. 
Lodicere,  Linrueus  tte  d'autres  botaniftes 
donnent  nom  de  clou  à  Yergot  >  clavusfûi- 

finis  }  à  caufe  de  fa  forme  aflez  femblable 
celle  du  clou  de  girofle.  Au  Mans  où  il 
eft  fort  commun ,  on  l'appelle  mane  ,  en 
Bourgogne  on  le  nomme  ebrun  :  mais  im- 
proprement,  parce  que  ce  mot  ne  convient 


ERG 

qu'au  bîed  charbonné  ;  on  le  nomme  en 
Allemand  ajfter-korn  >  mater-korn  ,  &c. 

Les  grains  ergotes  fortent  confidérable- 
ment  de  leur  enveloppe  &  s'alongent  beau- 
coup plus  dans  l'épi  que  les  autres  grains , 
ils  en  fortent  droits  ou  recoquillés  en  façon 
d'une  corne  noire  à  peu  près  comme  Yergoc 
d'un  coq ,  d'où  leur  vient  leur  dénomina- 
tion ôl  ergot.  Il  y  en  a  qui  ont  feize  à  dix- 
huit  lignes  de  long  fur  deux  à  trois  lignes 
de  large  ;  d'autres  ne  font  guère  plus  longs 
que  le  grain  ,  ils  font  plus  légers  fpécifique- 
ment  que  les  grains  de  froment ,  puifqu'ils 
furnagent  dans  l'eau  ;  ils  varient  beaucoup 
dans  leur  forme  &  leur  longueur  :  il  y  en 
a  qui  ont  quelquefois  plus  de  deux  pouces 
de  long.  M.  Aymen  dit  en  avoir  un  dans 
fon  herbier  de  plus  de  vingt-fix  lignes  de 
long  ;  le  nombre  des  ergots  fur  un  même 
épi  eft  indéterminé  :  il  eft  communément 
depuis  un  jufqu'à  cinq  ;  mais  j'en  ai  trouvé 
jufqu'à  neuf  &  dix  dans  le  même  épi.  Mais 
on  n'a  jamais  oui  parler  d'un  épi  totalement 
ergoté i  les  autres  grains  de  l'épi  qui  portent 
Y  ergot  font  bien  conformés  &  ne  fe  reflèn- 
tent  aucunement  de  la  contagion.  Les  grains 
ergotes  font  noirs  au  dehors  &  formés  dans 
fintérieur  d'une  fubftance  farineufe  aflèz 
blanche.  Cette  farine  blanche  (  dit  M.  Du- 
hamel )  eft  recouverte  d'une  autre  farine 
touffe  ou  brune  qui,  quoiqu'elle  ait  une  cer- 
taine confi fiance  y  peut  s' écrafer  facilement 
entre  les  doigts;  mais  la  corne  de  X ergot  m'a 
plutôt  paru  une  fubftance  fongueule  aflèz 
dure  &  comme  cartilagineufe ,  du  moins 
quand  elle  eft  deflechée  ;  car  dans  les  com- 
mencemens  elle  eft  mollaflè  &  vifqueufe. 
Cette  fubftance  deflechée  fe  bride  aifément 
en  travers  ;  elle  occafione ,  quand  on  la 
rompt,  le  même  bruit  que  les  raves;  elle  eft 
moins  blanche  &  moins  farineufe  que  celle  du 
feigle  fain;  elle  approche,  félon  Ginani,dela 
confiftance  d'un  fromage  maigre  defléché  , 
qui  vieillit  &  tend  a  la  fermentation  putride; 
plus  cette  fubftance  s'éloigne  du  centre  du 
grain  ,  plus  elle  perd  fa  blancheur  ;  elle  de- 
vient uoirâtre  ou  rougeâtre  près  de  l'enve- 
loppe commune ,  ou  plutôt  à  l'extérieur  ;  car 
il  n'y  a  point  d'enveloppe.  La  furface  de  ces 
grains  eft  raboteufe ,  &  l'on  y  voit  ordinai- 
rement des  rainures  qui  fe  prolongent  d'un 
bout  à  l'autre  ;   indépendamment  de  ces 


ERG  919 

rainures  aflèz  régulières ,  on  y  trouve  fou- 
vent  des  fentes  &r  crevaflès  qui  ne  me  pa- 
roiflènt  point  occafionées  par  des  infec- 
tes, comme  on  le  dit  communément;  ce 
font  plutôt  des  gerçures,  produites  par  le 
deflechement  trop  fubit  de  cette  excroif- 
fanc^.  V ergot  tient  moins  à  l'exédentele  de 
l'épi  que  les  bons  grains  ;  ce  qu'il  eft  aifé  de 
vérifier ,  parce  que  les  grains  d'un  même  épi 
ne  fe  trouvent  jamais  attaqués  de  Y  ergot  tous 
à  la  fois.  La  caufe  qui  rend  Y  ergot  moins 
adhérent  à  l'épi  que  les  bons  grains  ,  vient 
de  ce  qu'il  n'a  point  de  germe  ,  &  par  confé- 
quent  point  de  filamens  qui  l'attachent  à 
l'axe  d'où  il  tire  fa  nourriture.  La  partie  des 
ergots  qui  fort  de  la  balle  eft  arrondie  ;  fon 
extrémité  eft  quelquefois  fendue  en  deux  ou 
trois  portions ,  fur  lefquelles  on  apperçoit 
une  pouftiere  noirâtre  :  fouvent  l'on  n'y  voit 
qu'une  fîmple  corrofion  aflèz  femblabîe  à 
celle  qu'occafîone  la  rouille  de  fer.  La  partie 
des  ergots  qui  eft  renfermée  dans  la  balle  eft 
aiguë ,  ces  balles  ,  quoique  faines ,  paroiflènt 
plus  brunes  que  les  autres  ;  ce  qui  vient  vrai- 
femblablement  de  ce  qu'elles  étoient  adhé- 
rentes à  Y  ergot  y  lorfque  fa  fubftance  étoit 
mollaflè  &  vifqueufe.  Au  refte  ,  la  plante 
ergote'e  ne  préfente  rien  d'extraordinaire  ;  on 
y  remarque  cependant ,  félon  M.  Read  , 
une  végétation  moins  vigoureufe  &  un 
deflè'chement  plus  prompt  que  dans  les 
autres. 

J'ai  remarqué  à  Y  article  Seigle,  que  cette 
efpece  de  bled  vient  mieux  dans  les  pays 
froids  &  fecs ,  que  dans  les  pays  chauds  ou 
dans  les  terres  humides ,  fuivant  le  proverbe 
ancien  ;  il  lui  faut  une  terre  poudreufe , 
parce  qu'elle  craint  l'humidité  ,  eft  fujette 
à  dégénérer  lorfqu'elle  eft  femée  dans  des 
terres  humides  ,  ou  lorfque  le  champ  eft 
ombragé  par  quelques  bois  ou  collines.  On 
a  conftamment  obfervé  que  les  terres  froides 
&  humides  font  les  plus  favorables  à  la  gé- 
nération de  Y  ergot;  j'en  ai  rarement  trouvé 
dans  les  champs  fecs  &  découverts  &  bien  ex- 
pofés,  rarement  encore  fur  la  crête  des 
filions  ;  j'en  ai  trouvé  dans  des  fromens  le 
long  d'une  rivière  ,  quoique  cette  maladie 
foit  très-rare  dans  le  froment  ;  le  feigle  qu'on 
feme  en  mars  y  eft  plus  généralement  fujet 
que  celui  qu'on  feme  en  automne.  M.  Read 
a  toujours  remarqué  que  rhivernache  qui 


çio  ERG 

à  la  nourriture  des  beftiaux ,  conrenoit  ref- 
peclivement  plus  S  ergots  que  le  feigle  femé 
fans  mélange.  M.  Vetillart  -,  médecin  du 
Mans,  prétend ,  d'après  une  expérience  fui- 
vie,  que  Yergot  n'a  lieu  que  dansles  années 
pluvieufes,  fur-tout  lorfque  les  pluies  accom- 
pagnent &  fuivent  le  temps  de  la  fîoraifon. 
J'en  ai  cependant  trouvé  dans  les  années  les 
plusfeches ,  &  dans  des  lieux  fecs  &  arides; 
mais  il  y  eft  beaucoup  plus  rare  que  dans 
les  lieux  humides  &  couverts ,  &  il  paroît 
comme  prouvé  que  les  années  pluvieufes 
le  multiplient.  Je  dois  ajouter  ,  comme  une 
circonftance  qui  m'eft  particulière  ,  que  j'ai 
toujours  trouvé  beaucoup  plus  d'ergots  dans 
ces  petits  épis  de  feigle  qui  font  fous  les 
autres  ,  qui  fieuriffent  &  qui  mûrifïènt  plus 
tard  ,  parce  qu'ils  font  ombragés  par  les  épis 
plus  élevés,  bc.  Voye[ ma  D  ifjertationfur 
l'ergot ,  imprimée  par  ordre  du  gouverne- 
ment en  1771.  Lorfqu'on  rendit  compte 
de  cette  differtation  au  bureau  d'agriculture 
du  Mans  ,  on  remarqua  ,  contre  mon  opi- 
nion ,  que  ce  font  toujours  les  tuyaux  & 
les  épis  les  plus  vigoureux  qui  preduifent  le 
plus  à' ergots.  Je  conviens  que  les  plus  gros 
épis  fourniffent  ordinairement  un  plus  grand 
nombre  tf ergots;  mais  mon  obfervation  n'en 
eft  pas  moins  vraie  que  les  talles  &  les  petits 
épis  tardifs  y  font  plus  fujets  que  les  autres. 
L'ergot  attaque  aufîi ,  quoique  plus  rare- 
ment, les  autres  plantes  graminées.  M.  Tillet 
a  obfervé  deux  fois  du  froment  ergoté  dans 
les  environs  de  Troies  :  M.  Read  en  a  trouvé 
cinq  àfix  épis  auprès  de  Valencienne.  Ginani 
a  trouvé  du  froment  ergoté  en  Italie ,  mêlé  en 
affez  grande  quantité  au  bon  grain  :  voici  la 
defeription  qu'il  en  donne.  Componevafi  di 
grani  d'una  circonferen\a  per  due  0  tre  ed 
anche  quattro  volte  maggiore  del  volgare 
frumento.  Di  fuori  eranno  bruni  con  certe 
feanalature  brève  ,  e  di  dentro  bianchi  e 
molto  duri  .  . .  Ji  rompevano  con  facilita 
per  traverfo;  V interna  fofian^a  era  fimile 
al  vecchio  magro  fromaggio  ,  e  quando  Ji 
firito  layano  non  dayan  farina  volatile 
ma  una  polvere  grève  .  .  .  molti  feminai  ma 
non  vi  potti  vedere  alcuno  di  ejji ;  il  che 
mi  fece  conofeere  che  eranno  priyi  delta 
yirtîi  vegettativa.  Quefti  corefpondevano 
molto  ad  altri  fimili  grani  che  produce  la 
fegala  i  quali  ho  y.eduto  alcunc  rade  yohe 


ERG 

f  ne  campi  vicini  alla  città.  Je  m'étonne  que 
Ginani  qui  a  écrit  fi  fort  au  long  de  toutes 
les  maladies  du  grain  en  herbe ,  n'ait  dit  que 
ce  peu  de  mots  du  bled  ergoté,  &  qu'il  n'en 
ait  cherché  les  caufes  ni  les  remèdes  ;  ce 
qu'il  a  fait  avec  tant  de  fuccès  &  de  détails 
fur  les  autres  maladies  :  pour  revenir  au  fro- 
ment ergoté y  M.  Delu  en  a  montré  à  M. 
Duhamel ,  j'en  ai  moi-même  trouvé  quatre 
ou  cinq  épis  :  Yergot  du  froment  eft  beau- 
coup plus  gros  &  bien  plus  court  que  celui 
du  feigle  ;  on  trouve  plus  aifément  du  fro- 
ment ergoté  dans  les  champs  de  méteil ,  que 
dans  ceux  enfemencés  de  pur  froment , 
comme  fi  le  voifinage  du  feigle  pouvoic 
communiquer  cette  maladie  au  froment; 
cependant  M.  Tillet  s'eft  convaincu  par 
l'expérience ,  que  la  poufïïere  de  V ergot  n'efl 
point  contagieufe  comme  celle  cju  charbon. 
On  a  aufîi  trouvé  de  Yergot  fur  plufieurs 
efpeces  de  gramens ,  fur  l'ivraie ,  fur  l'orge  f 
félon  M.  Gleditfch ,  mais  rarement. 

Il  ne  paroît  pas  que  les  anciens  aient  connu 
Yergot,  à  moins  qu'on  ne  penfe  qu'ils  n'aient: 
compris  cette  excroiffance  fous  le  terme 
générique  de  luxuries  vegetum,  dont  parlent 
Pline  &  Théophrafte:  mais  il  eft  d'autant 
plus  probable  que  cette  maladie  leur  étoit 
inconnue ,  qu'on  cultivoit  peu  le  feigle  en 
Italie  où  il  réufïit  mal.  Pline  dit  qu'on  n'en 
femoit  qu'au  pie  des  Alpes  ,  &  qu'il  n'étoic 
bon  qu'à  appaifer  la  faim  des  plus  néceffi- 
teux.  Aufîi  Ginani  ne  parle  du  feigle  ergoté 
que  dans  une  note  ;  &  quoiqu'il  rapporte 
les  mauvais  effets  qu'il  produit  en  France  , 
en  SuifTe  &  en  Allemagne  ,  il  n'en  dit  rien 
pour  l'Italie.  Thalius ,  félon  M.  Read  dans 
fon  excellent  Traité  du  feigle  ergoté  ,  eft  le 
premier  qui  ait  décrit  ces  grains  particuliers, 
&  qui  peut-être  en  ait  trouvé  la  véritable 
caufe.  «  Il  arrive  fouvent  (  dit  Thalius)  que 
»  les  grains  d'un  épi  de  feigle ,  lorfque  les 
»  fleurs  font  tombées  ,  &  qu'ils  commen- 
»  cent  à  prendre  de  l'accroiffement ,  con- 
«  tradent  une  maladie  occajionée  probable- 
m  ment  par  la  trop  grande  quantité  de  fuc 
yy  qui  s'y  porte  :  d'où  il  arrive  que  l'écorce 
»  du  grain  encore  tendre  fe  brife  ,  &  que 
»  fa  fubftance  interne  s'enfle  extraerdinai- 
w  rement  ;  alors  on  voit  quelques  -  uns  de 
f)  ces  grains  fortir  de  leurs  balles ,  ils  noir- 
h  ciffent  ?  &  contiennent  une  farine  d'une 

i>  confiftance 


E  R  G 

f^  confiftance  «fiez  épaiffe.  »  Il  eft  furpre- 
riant  que  M.  Read  ni  les  autres  phyficiens 
ne  fe  foient  pas  arrêtés  à  une  explication 
auffi  fimple  qu'elle  eft  naturelle  ,  &  qui 
conduit  à  croire  que  Yergot  n'eft  qu'une 
fuite  du  défaut  de  conformation  de  l'ovaire  , 
comme  le  charbon  n'eft  qu'un  défaut  de 
conformation  de  l'ovaire  dans  le  froment. 

D'autres  auteurs  attribuent  la  génération 
de  Yergot  à  Pexceffive  humidité  de  l'air 
&  du  terrein.  «  Le  feigîe  devient  ergoté  , 
>y  dit  G.  Bauhin ,  lorfque  ,  dans  le  temps 
»  de  fa  fleur,  il  furvient  des  pluies  copieu- 
»  Ces ,  fuivies  d'un  foleil  très-chaud  ;  ce  qui 
«  peut  attirer ,  dans  la  plante ,  une  plus 
»  grande  quantité  de  fucs  nourriciers  qu'il 
n  n'en  faut  pour  fon  aliment  :  delà ,  la 
fi  rupture  de  l'enveloppe  du  grain  &  l'ac- 
t>  croisement  extraordinaire  de  fafubftance 
»  interne.  »  M.  Dodart  remarque  en  effet 
que  cette  production  monftrueufe  eft  plus 
ordinaire  dans  les  années  humides ,  &  fur- 
tout  Iorfqu'après  un  temps  pluvieux  il  fur- 
venoit  des  chaleurs  excefîives.  M.  le  Mon- 
r.ier  a  fait  la  même  obfervation.-  M.  de 
Salerne  ,  qui  a  tant  écrit  fur  les  funeftes 
effets  de  Yergot  >  apprit  des  payfans  de  So- 
.  logne ,  que  le  feigle  ergoté  venoit  à  la  fuite 
des  pluies  trop  fréquentes  dans  le  temps  de 
la  fleur ,  qui  fe  corrompt  &  produit  un 
ergot  ,  fur  -  tout  dans  les  terres  naturelle- 
ment humides  ,  &  fi  l'on  a  enfemencé  les 
terres  trop  tard.  Cette  dernière  circonftance 
eft  d'autant  plus  remarquable  ,  qu'en  So- 
logne ,  pays  qui  ne  porte-  que  du  feigle , 
d'où  vient  le  nom  de  cette  contrée  Seca- 
launia,  l'on  y  a  toujours  fuivi  &  examiné 
les  caufes  qui  engendrent  Yergot  ,  à  caufe 
àcs  funeftes  effets  qu'il  y  produit.  On  a 
fait  en  Allemagne  les  mêmes  obfervations  , 
comme  on  peut  le  voir  dans  les  annales  de 
Breflau  pour  17 17. 

Langius  ,  Moeller  &  Schmieder ,  qui 
ont  écrit  avec  tant  de  fuccès  fur  Yergot  y 
l'attribuent  tous  trois  aux  vapeurs  corro- 
(ives  des  rofées  qui  s'élèvent  du  fein  de 
la  terre.  Langius  croit  qu'un  air  humide  , 
chargé  de  particules  nitreufes,  fulfureufes, 
&  d'autres  parties  volatiles ,  s'amafle  le  long 
de  l'épi ,  diftend  &  comprime  la  balle  , 
•  pénètre  la  peau  qui  couvre  le  grain  ,  la 
difpofe  à  la  putréfaction ,  &  caufe  dans 
Tome  XIL 


ERG  921 

le  grain  même  une  fermentation  qui  le 
force  à  fe  gonfler.  Ce  ramollifTement  doit , 
félon  lui ,  faciliter  au  fuc  nourricier  que 
les  racines  attirent  du  terrein ,  &  qui  fe 
porte  en  fi  grande  abondance  dans  l'in- 
térieur du  grain  ,  qu'il  rompt  &  fend  la 
peau  qui  lui  fert  d'enveloppe  :  la  chaleur 
des  rayons  folairesfait  évaporer  cette  humi- 
dité ,  donne  une  certaine  confiftance  à  la 
fubftance  du  grain  ,  &  occafione  ces  rugo- 
fités  qu'on  apperçoit  à  la  fuperficie.  Lan- 
gius accufe  principalement  la  qualité  cor- 
rofive  de  la  rofée  ;  il  fe  fonde  fur  ce  qu'elle 
eft  plus  fréquemment  fenfible  dans  le  temps 
où  l'on  obferve  des  ergots  y  &  qu'il  a  re- 
marqué que  ces  grains  étoient  fouvent 
couverts  d'une  matière  vifqueufe  &  douce , 
qualités  confiftantes  &  effentielles  de  ce 
météore.  Schmieder  a  fait  les  mêmes  ob- 
fervations ,  &  penfe  que  cette  rofée ,  dégé- 
nérée en  fubftance  mielleufe  qui  s'attache 
aux  barbes  des  épis ,  eft  produite  par  les 
vapeurs  acres  &  vifqueufes  de  la  terre  , 
qui  ,  n'ayant  pu  être  difîipées  &  raréfiées 
par  une  chaleur  fuffifante ,  retombe  avec 
les  pluies  fines  ,  &  s'attache  aux  barbes  des 
épis ,  auxquelles  elle  refte  fi  adhérente  , 
que  les  pluies  fines  ne  peuvent  l'en  déta- 
cher :  delà  ,  cette  fubftance  s'infinue  dans 
les  balles ,  pénètre  le  grain,  &  y  occafione 
une  fermentation  qui  en  fait  croître  la  fubf- 
tance. M.  Fagon  ,  médecin  de  Louis  XIV , 
avoit  déjà  donné  ,  au  rapport  de  Fonte- 
nelle  dans  Ykiftoire  de  V académie  ,  la  même 
explication  de  la  génération  delVrgor  ^qui 
retenoit  les  mêmes  qualités  nuifibles  que 
la  matière  mielleufe  à  laquelle  il  devoit  fa 
naiftance.  M.  Tillet  a  remarqué  que  la 
même  fubftance  mielleufe  attachée  à  un  épi 
!  d'ivraie ,  y  avoit  engendré  Yergot.  M.  Adan- 
!  fon  croit  que  Yergot  a  la  même  caufe  que 
j  le  givre  ;  c'eft-à-dire,  qu'il  rapporte  toutes 
\  les  maladies  des  bleds  au  défaut  de  tranfpi- 
ration.  M.  Gleditfch  croit  aufliquele  clavus 
Linncei  ou  aff'ter  -  korn  y  appartient  aux 
j  vices  dont  peut  être  attaquée  une  tige  de 
I  bled  qui  prend  fon  accroiffement  en  plein 
!  air ,  lorfqu'elle  eft  dans  toute  fa  fleur  ,  & 
fur-tout  quand  les  pluies  abondantes  font 
I  mêlées  à  de  violentes  chaleurs  ;  l'humi- 
dité s'amaffe  pendant  l'efflorefcence  dans 
les  calices  autour  du  petit  fruit  tendre,/ 
Aaaaaa 


9n  ERG 

caufe  «ne  moififrure  qui  dévore  la  pelli- 
cule &  l'exérieur  ,  fans  compter  que  le 
iuc  propre  oj  mielleux  de  la  plante  ,  & 
retenu  par  la  fecrétion  convenable  ,  ne  fau- 
roit  s'en  faire.  Les  étuis  oucapfules  des  fe- 
mences  venant  à  crever  ,  font  en  partie  dé- 
truis ;  alors  le  grain  imparfait  qui'continue 
fon  accroifll-ment ,  devient  calleux  &d'un 
blanc  bleuâtre ,  tandis  que  la  couleur  ex- 
térieure eft  noire.  Le  fuc  vicieux ,  dont 
cette  excroifiànce  a  été  formée ,  paroît 
avoir  une  àcrecé  fluide  toute  particulière  , 
qui  peut  donner  lieu  à  des  maux  finguliers  , 
de  l'efpece  des  crampes  ,  &  qui  vont  juf- 
qu'à  rendre  eftropié  ,  quand  il  en  entre 
beaucoup  dans    le  pain. 

Enfin ,    M.  Tillet    combat  avec  avan- 
tage ces  explications  dans  une  fameufe  dif- 
fertaLion    couronnée  à  Bordeaux ,  &  pré- 
fenrie  au  roi  en  175$.  «  Comment  (dit-il) 
les  broîillards  ,    les  rofées   qui  produifent 
Yergot  dans  le  feigle ,    ne    produifent  -  ils 
jamais  cette  maladie  dans    l'orge  ,     dans 
l'avoine,   ni  même  dans  une  quantité  de 
froment  fans  barbe  ,  où  l'on  ne  voit  jamais 
d'rrgot?  D'ailleurs ,  les  brouillards  couvrant 
ordinairement  une  certaine  partie  du  ter-  : 
rein ,  dévoient  produire    un    effet     afTèz 
général,  &  fouvent  un  épi  eft  ergoté  fans  [ 
que  fon  voifin  le  foit  ;  un  arpent  eft  ergoté,  j 
fans  que  l'arpent  voifin  ait  fouffert  ;  un  épi  ! 
mémî  n'eft  jamais  entièrement  ergoré  :  on 
voit  aufîi  de  Ye/got  dans  les  années  feches ,  j 
quoique  moins  abondamment  que  les  plu- 
vieufes.  Le   feigîe  femé  dans    un  champ 
inondé  y  a  péri ,  au  lieu  de  produire  de  ' 
Y  ergot  ,  &c.  »    Voyei   l'article    ERGOT. 
Après  avoir  détruit  les  précédens  fyftêmes 
fur  la  formation   de  Yergot  y   M.  Tillet  y 
lubftitue  le  fien.  Je  foupçonne  que  Yergot 
eft  produit   par  la   piquure  d'un   infefte ,  J 
qui  fait  des  grains  de  feigle  une  efpece  de  . 
gale  ou  excroifiance ,   qui  commence  par 
le  fuintement  de  la  liqueur  contenue  daas  ! 
le  grain  altéré  par  la  tarière  de  l'infe&e. 
En  examinant    plufieurs   grains  de   feigle 
ergoté ,  il  a  apperçu  un  petit  ver  à  peine 
fenfible  aux  yeux  ,   qui  fe    nourrit  de  ce 
grain  ,  &  le  confomme.    Il  convient  ce- 
pendant que  parmi  un  très-grand  nombre 
dergotés  ,  il  n'y  en  a  qu1  un^petit  nombre 
qui  renferme  des  chenilles,  &c.  On  peut 


ERG 

voir  fon  fyftéme  développé  dans  l'excellent 
traité  de  l'ergot  de  M.  Read  ,  qui  l'a  re- 
vêtu de  toutes  les  probabilités  dont  il  étoit 
fufceptible  ,  fans  cependant  y  joindre  de 
nouveaux  faits. 

J'obferverai  que  M.  Ray ,  hifi.pl.  ij^-t , 
regardoit  déjà  ,  avant  M.  Tillet ,  l'excroif- 
fance  du  feigle  comme  l'effet  de  la  piquure 
d'un  infecte.  M.  Tiffbt ,  dans  fon  avis  ait 
peuple  y  p.  614  }  attribue  Yergot  à  la  même 
caufe.  M.  Gleditfch  ,  dans  fa  diflertation 
citée  fur  la  nielle  ,  parle  par  occafion  de 
Yergot  y  &  croit  que  la  piquure  d'un  infede 
en  peut  être  caufe  ,  auffi-bien  que  le  défaut 
de  fécondation.  Ce  fâcheux  accident  ,  dit- 
il  ,  arrive  aufTi  lorfqu'un  infecte  extrême- 
ment petit  ,  que  Linnaeus  ,  Anim.  Suec, 
p.  67^  définit  fcarabœus  minimus  ater  jh' 
rilegus  y  ou  quelqu'autre  efpece  de  ver- 
miflèau  à  laquelle  on  ne  peut  pas  toujours 
prendre  garde  ,  ronge  certaines  parties  des 
fleurs  ,  ou  ne  fait  peut-être  qu'y  mordre  , 
à  caufe  de  leur  fuc  qui  a  la  douceur  du  miel. 
II  arrive  en  conféquence  que  ces  parties  de 
fleurs  venant  à  manquer  ,  ou  étant  privées 
des  fucs  qui  dévoient  les  remplir ,  fe  gâ- 
tent ,  &  s'affaiflant  fur  l'ovaire  qui  n'eft  pas 
encore  difpofe  à  la  fruclifi cation  ,  le  com- 
priment fi  fort ,  que  fa  pellicule  eft  obligée 
de  crever.  On  a  vu  que  M.  Gleditfch  eft 
plus  heureux  dans  l'autre  explication  qu'il 
en  donne. 

Pour  moi  ,  malgré  le  refpect  dont  je  fuis 
pénétré  pour  ces  favans  ,  j'ai  peine  à  ad- 
mettre la  piquure  d'un  iniecle  comme  la 
caufe  première  de  tout  le  défordre  qui 
arrive  aux  grains  ergotes  ,  en  fuppofant , 
comme  on  n'en  peut  douter  d'après 
M.  Tillet  dont  on  connoît  l'exaclitude  '& 
la  fagacité  ,  que  l'on  trouve  quelquefois  des 
chenilles  dans  Yergot  y  ou  même  ,  fi  l'on 
veut ,  dans  tous  les  grains  ergotes ,  il  refte- 
roit  toujours  lieu  de  douter  fî  c'eft  la  fubf- 
tance  de  Yergot  ou  la  liqueur  mielleufe  qui 
l'entoure  à  fa  nahTance  ,  qui  ont  attiré 
Finfe&e  ,  ou  lî  c'eft  l'infecte  qui  a  produit 
Yergot.  Lorfque  Yergot  commence  vers  le 
temps  de  la  fécondation  ,  le  grain  n'eft  pas 
encore  formé  :  car  perfonne  n'ignore  que  le 
germe  ne  commence  à  croître  qu'après  la 
fleur  pafTée  :  il  eft  garanti  par  la  balle  co- 
riacée  qui  festde  calice  à  la  fleur,  &  qui 


ERG 

ferme  l'approche  aux  papillons  ou  aux  in- 
fectes volans  qui  pourroient  venir  dépofer 
leurs  œufs  fur  le  germe  même  ,  comme  il 
faudroit  le  fuppofer  dans  le  fyftême  de  la 
piquure  du  grain.  Ne  pourroit-on  pas  ré- 
torquer les  argumens  de  M.  Tillet  contre 
lui-même  ?  Si  Yergot  étoit  produit  par  une 
piquure  d'infecte  ,  pourquoi  trouveroit-on 
Yergot  en  fi  grande  quantité  dans  le  feigle, 
tandis  qu'on  ne  le  trouve  que  très-rare- 
ment dans  l'orge  &  le  froment  ?  Cette  dif- 
férence ne  viendroit-elle  pas  plutôt  du  fuc 
propre  du  feigle,  qui  eft  plus  gluant ,  plus 
mielleux  que  celui  de  l'orge  &  du  froment  ? 
Les  infectes  qui  changent  un  grain  de  fro- 
ment en  ergot y  rendent  cette  monftruofité 
auffi  fréquente  dans  le  froment  que  dans 
le  feigle.  Pourquoi  Yergot  feroit-il  plus  com- 
mun dans  les  terres  humides  que  dans  les 
lieux  fecs  &  aérés,  dans  le  creux  des  filions, 
que  fur  le  dos  des  mêmes  filions ,  dans  les 
temps  pluvieux  &  couverts ,  fuivis  des  rayons 
ardenslors  de  lafloraifon  ,  que  lorfqu'iî  fait 
chaud  &  fec  quand  les  feigles  pafTent  fleur , 
comme  on  l'a  toujours  remarqué?  Pourquoi 
le  feigle,  le  gramen  aquaticum  fluitans  ,&cc. 
y  feroient-ils  plus  fujets  que  les  autres  in- 
feâes  ?  Pourquoi  eft-ce  que  j'ai  trouvé 
beaucoup  plus  ày  ergots  dans  ces  petits  épis 
de  feigle  qui  font  fous  les  autres,  &  qui 
viennent  des  talles  qui  fleurifTent&:  mûrif- 
fent  plus  tard  que  les  épis  plus  élevés  dont 
elles  font  ombragées  ?  Pourquoi  y  a-t-il 
moins  d'ergots  dans  les  champs  femés 
clairs  ,  que  dans  ceux  où  les  bleds  font 
touffus  &  verfés  ?  Pourquoi  y  en  a-t-il 
moins  dans  les  champs  bien  labourés  &  bien 
farcies ,  que  dans  les  champs  où  la  quantité 
des  mauvaifes  herbes  entretient  plus  d'hu- 
midité fur  les  plantes  environnantes  ?  Pour- 
quoi eft-ce  que  ces  circonftances  feroient 
toujours  invariablement  les  mêmes,  fi  des 
infectes  en  étoient  la  feule  caufe?  Enfin  ,  & 
cette  raifon  eft  péremptoire  ,  pourquoi  n'y 
auroit-il  jamais  de  germe  ni  de  pellicule  de 
fon  dans  Yergot  ?  Eft-ce  que  l'infecte  qui  pi- 
que le  grain ,  commenceroit  toujours  par  en 
confommer  le  germe ,  fans  jamais  en  Iaif- 
fer  dans  le  bled  ergoté  ?  eft-ce  qu'il  dévo- 
reroit  conftamment  le  fon  ,  de  préférence 
au  corps  farineux  ?  &c.  J'ofe  encore 
«pofer  à  M.  Tillet  l'incertitude  qu'il  a 


,     ,  .  ERG..       .»M 

même  de  fa  propre  opinion.  Voici  ce 
qu'en  dit  M.  Duhamel,  fon  co'aboratcurj 
\  P-  333  des  cïànens  ,  tom.  I  :  «  M.  Tillet 
»  eft  très  -  porté  à  croire  que  Yeigot  eft 
y>  produit  par  la  piquure  d'un  infecte , 
»  qui  fait  des  grains  de  feigle  une  efpece 
»  de  gale  ;  mais  nous  n'ofons  ,  ni  lui ,  ni 
»  moi ,  prononcer  affirmativement  fur  ce 
»  point,  v  M.  Read  ,  qui  a  pleinement 
adopté  ce  fentiment,  devoit  y  mettre  du 
moins  la  même  restriction  ,  puifquïl  n'y 
ajoutoit  pas  de  nouvelles  preuves. 

Il  me  paroît  donc  plus  vraifemblable 
d'attribuer  Yergot  ou  le  clou,  foit  à  l'imper- 
fection de  la  femence  &  au  défaut  de  con- 
formation de  quelques-uns  des  ovaires  de 
la  plantule  féminale ,  comme  dans  le  char- 
bon ,  foit  au  dtfaut  de  fécondation  de  quel- 
ques-uns des  germes  de  l'épi ,  occafioné  par 
l'humidité  &  les  vapeurs  ,  qui  empêchent 
l'effet  des  parties  fexuelîes  &  l'émiftion  de 
la  poufTîere  fécondante.  (  Voye\  ci-deftus, 
&  ma  difîlrtation  latine  déjà  citée  ,  ar- 
ticle injlorefcentia.  )  Le  premier  cas  arrive 
Jorfque  la  femence  a  été  mal  choifie  ,  ou 
lorfque  le  feigle  eft  femé  dans  un  fable 
brûlant  ,  dans  lequel  on  a  mis  trop  de 
fumier  ,  puifqu'on  remarque  le  même  ac- 
cident aux  tiges  de  feigle  qui  viennent 
quelquefois  d'elles-mêmes  fur  des  couches 
de  fumier  feches  ;  le  fécond  cas  ,  lorfque 
le  terrein  eft  humide  ou  lorfque  la  faifon 
de  la  fleur  eft  trop  pluvieufc.  La  plante  du 
feigle  qui  fe  plaît ,  comme  on  l'a  vu  ,  dans 
les  terreins  arides  &  dans  les  lieux  froids  & 
élevés ,  ne  pafte  point  aifément  fa  fleur  , 
lorfqu'ellè  eft  à  l'ombre ,  ou  expofée  à  des 
vapeurs  humides.  L'ovaire  n'étant  point 
fécondé  par  la  poufîîere  génitale ,  la  fève  foi  - 
abondante  Ù  le  fuc  prop;  e  &  mielleux  de  la 
plante  viennent  prendre  la  plaie  du  germe 
avorté,  s'y  amaflènt;  &  après  avoir  coulé 
pendant  quelque  temps ,  ils  forment,  en  fe 
condenfant ,  ces  differens  corps  plus  ou 
moins  alongés ,  connus  fous  le  nom  $  ergot. 
C'eft  une  circonftance  particulière  à*  cette 
maladie  ,  que  Yergot  commence  toujours 
par  le  fuintement  d'une  liqueur  mielleufe 
â  travers  les  valvules  de  la  balle  qu'elle 
noircit  ;  &  c'eft  cette  liqueur  unie  à  la  fubC- 
tance  farineufe ,  qui ,  en  fe  deftechant ,  de- 
vient un  ergot. 

Aaaaaa  2. 


9*4 


ERG 


On  rend  raifon  ,  par  ce  moyen  ,   pour- 
quoi l'extrémité"  extérieure  de  ces  grains 
ergotas  eft  conftamment  plus  groffe  ,  plus 
renflée  que  celle  qui  tient  à   la  paille ,  & 
pourquoi    les  balles    de    Vergot  paroiffent 
toujours  faines  ,  quoique   plus  noires    que 
les  autres.    On  ne  peut  guère  douter   que 
cette  liqueur    mielleufe  qui    accompagne 
la  formation  de  Vergot  >    ne  foit  le  fuc 
propre  de  la  plante  ,  qui  fe  corrompt  &  fe 
vicie  faute  d'être  dépuré  par  la  circulation. 
Lorfque    ce   fuc    propre    eft    vicié   dans 
les  vaifteaux  intérieurs  de  la  plante  &  de 
l'épi ,  alors  il  forme  ce  qu'on  appelle  la 
nielle  :  mais  lorfque  l'épi  eft  bien  conformé, 
à  l'exception  de  quelques  ovaires  feulement, 
ou  lorfque  ces  ovaires  fe  gâtent  &  fe  cor- 
rompent dans  le  temps  de  la  fécondation , 
alors  le  fuc  propre  _,  accompagné  de  fubf- 
tance  farineufe ,  va  former  un  dépôt  en 
place  du  germe  avorté.  Dans  ce  cas ,  il  fe 
change  en  un  corps  qui  n'a  ^oint  de  figure 
confiante  &  déterminée,  faute   de  moule 
pour  le   contenir;  &  il  s'alonge   fous    la 
forme  d'un  ergot  droit  ou   recoquiîlé  plus 
ou  moins  long  ,  gros  ou   mince ,  fuivant 
l'abondance  de  la  matière  qui  le  fournit. 
Si  Ja  pouffiere  de  X ergot  &  de  la  nielle  ne 
paroît   pas   contagieufe   comme   celle  du 
charbon,  c'eft  qu'étant  extérieure  &  def- 
féchée  par    l'air    &  les  rayons  du  foleil , 
elle  perd   une  partie  de  fon  activité  ;  au 
lieu  que  celle   du  charbon,  qui  refte  en- 
fermée fous  la  pellicule  du  grain ,  conferve 
toute  fa  force.  L 'ergot  paroît  terminé  par 
une  efpece  de  poche  ou  véficule  deftechée 
&  flérrie  ,    qui    nreft    vraifemblablement 
que  le  germe  ou    plutôt  l'enveloppe    qui 
devoit  le  contenir  avant  qu'il  avortât.  J'ai 
bien  examiné  à  la  loupe  cette  capfule  def- 
féchée ,  qui    paroît    comme   appofée  fur 
l'extrémité  extérieure  àe  Vergot  ,1k  qui  n'y 
tient  que  légèrement  ;  j'ai  trouvé  que  dans 
plusieurs  clous  elle  avoit  conferve  ta  forme 
du  grain  de  feigle  ,  telle  à  peu  près  qu'on 
la  trouve  attachée  aux  racines  de  l'enfance , 
lorfque  la  plante  a  épuifé  toute  la  fubftance 
laiteufe  de  la  fem«nce.  J'ai  conferve  de  ces 
ergots  que  l'on  voit  terminés  par  l'enveloppe 
deftechée  du  grain  ;  &  cette  obfervation 
me  paroît  démontrer  aux  plus  incrédules, 
que   Vergot  n'eft  formé  que  du  fuc  propre 


ERG 

de  la  plante,  qui  pouffe  &  chaffe  au  de- 
hors le  germe  avorté  faute  de  fécondation , 
ou  par  quelqu'autre  caufe  extérieure. 

Je  trouve   dans  les  deux  excellens  mé- 
moires de   M.   Aymen  ,    inférés  dans  les 
tom.  III  &  IV  des  favans  étrangers  ,  de 
quoi  me   confirmer  de  plus  en  plus  dans 
ce  que  j'ai  dit  fur  les  caufes  de  la  production 
de   Vergot.    Ce  fa  van  t  exad  prétend   que 
Vergot  du  feigle  &  le  charbon  du  froment , 
qui  ne  font  que  deux  efpeces  de  maladies 
du  même  genre  &  produites  par  la  même 
caufe  ,   ne  viennent  que  du  défaut  de  fé- 
condation ;  que  la  différence  de  ces  deux 
maladies  ,  dont  l'une  rend  la  femence  du 
feigle  monftrueufe  ,   &   l'autre  change    la 
fubftance  intérieure  du  froment   en    une 
pouftiere  noire  ,  fans  altérer  le  fon  ou  l'en- 
veloppe ,  dépend  vraifemblablement   de  la 
diverfe  nature  des  vahTeaux  qui  compofent 
ces  femences  ;  que  la  fubftance  farineufe 
du  feigle  eft  très-mucilagineufe  ;   ce    qui 
rend  ces  vaifîèaux  propres  à  réfifter  à  l'ex- 
tenfîon  que  peut  occafioner  la  fève  qui  y 
eft  apportée  ,  &  que  ces  vaifteaux  peuvent 
être  dilatés  fans  être  rompus  ;  ce  qui  fait  que 
l'intérieur  de  Vergot  eft  blanc,  &  que  la 
femence  devient  monftrueufe  ;   que  dans 
le  froment,  au  contraire,  la  fubftance  interne 
du  charbon  n'eft  noire  ,  que  parce  que  les 
vaifteaux  farineux  du  froment  étant  moins 
mucilagineux  que    ceux  du  feigle ,   ils  fe 
rompent  plus  facilement  ;  ce  qui  fait  que 
l'enveloppe  conferve  fa  forme ,  &  que  la 
fève  extravafée  fe  change  par  l'évaporation 
en  une  pouffiere  noire  ,   Ùc  Quant,  à   la 
caufe  commune  de  Vergot  &  du  charbon  , 
elle  ne  peut  être  que  Te  défaut  de  fécon- 
dation ,  puifqu'il  y  a  de  bons  grains  fur  le 
même  épi  où  l'on  trouve  de  Vergot  &  du 
charbon  ;  puifque   l'on   ne   voit   point  de 
germe  dans  le  grain  charbonné,  non  plus 
que  dans  Vergot;  puifqu'en  ^examinant  les 
épis  charbonnés  ou  ergotes  lors  de  la  florai- 
fon ,  on  trouve  que  les  ftylesoules  ftigmates 
font  viciés  ,  &  que  le  charbon  comme  Vergot 
confervent  les  ftigmates  unis  à  leur  extré- 
mité fupérieure  ;  que  fi  ces  vices  paroiffent 
être  différens ,  ce  n'eft  que  par  quelques 
fymptomes  qui  n'établiftènt   pas  le  genre 

*  maladie ,  mais  feulement  l 'efpece  venant 
la  même  fburce  ;  que  le  manque  de 


ERG 

fécondation  dans  ces  grains  fait  qu'ils  n'ont  1 
que  l'apparence  d'une  mole  ,  qu'ils  font  une 
rnafïe  de  matière aucrementcolore'e,  figurée  | 
&  renfermée  fous  des  enveloppes  de  con- 
fiftance  &  de  nature  différentes  ;  en  un  mot , 
une  mafïè  fans  embryon  &  par  conféquent 
fans  vie  ,  Ùc. 

M.  Read  qui  combat  ce  fentiment ,  dit 
qu'on  ne  peut  comparer  la  deftruction 
totale  que  nous  offre  le  charbon  ,  avec 
PaccroifTement  monftrueux  qu'on  obferve 
dans  Yergot;  &  que  la  même  caufe  ne  peut 
produire  des  effets  fi  oppofés  ,  la  diverfe 
nature  des  vaifTeaux  qui  compofent  la  fe- 
mence  ne  fuffifant  point  pour  expliquer 
cette  différence  eflentielle  ,  &c.  Mais 
M.  Read  confond  dans  cette  obje&ion  la 
nielle  avec  le  charbon.  Cette  dernière  ma- 
ladie ne  détruit  pas  les  enveloppes  du  germe  ; 
le  grain  refte  entier  avec  les  ftigmates  à  fa 
fommité  ;  il  vient ,  comme  V ergot ,  d'une 
furabondance  de  fuc  ,  puifque  le  grain 
charbonné  eft  beaucoup  plus  gros  que  le 
grain  fain  dans  l'origine  ,  &  que  ce  n'eft 
que  par  la  defïication  qu'il  fe  réduit  ,  & 
qu'il  diminue  de  groffeur.  II  feroit  donc 
afièz  probable  que  Yergot  ne  foit  qu'une 
efpece  de  charbon  ,  comme  le  penfe 
M.  Aymen,  dont  les  effets  font  différens 
dans  le  feigle  ,  à  caufe  du  fuc  plus  vifqueux 
de  cette  dernière  plante  ;  cependant  j'ai 
peine  à  l'admettre  ,  &  l'on  en  peut  voir 
les  raifons  dans  ma  DijJ'ertatlon  citée  fur 
Yergot  :  la  principale  eft  qu'indépendam- 
ment du  charbon  ,  dont  la  première  eft 
contagieufe  tandis  que  V ergot  ne  l'efl  pas  , 
c'eft  que  le  froment  eft  auffi  fujet  à  Yergot, 
quoique  plus  rarement  que  le  feigle. 
D'ailleurs  ,  ce  ne  font  point  feulement  les 
ftigmates  qujon  trouve  à  la  fommité  de 
Y  ergot ,  mais  la  capfule  entière  du  grain  ;  au 
lieu  que  dans  le  charbon  ,  la  capfule  ne 
bouge  point  de  la  balle  ,  &  conferve  la 
forme  extérieure  du  grain  fain. 

D'autres  a  voient  déjà  penfé  ,  avant 
M.  Aymen ,  que  le  défaut  de  fécondation 
ou  la  conformation  imparfaite  des  ovaires 
pouvoient  occafioner  cette  forme  monf- 
trueufe.  «  Rien  de  plus  commun  (  dit 
»  M.  Geoffroy  ,  dans  les  mémoires  de  Va- 
»  cadémie  zyzz)  que  de  voir  les  biens 
»  de  la  terre  manquer  par  la  fuppreflion 


ERG  925 

»  des  fommets  &  de  leur  pouffiere 

»  Quand  les  blés  font  en  fleur  ,  on.  crainc 
»  la  nielle  :  qu'arrive- t-il  enfuite  ?  L'épi 
»  noircit  ,  les  grains  inféconds  s'alongent , 
»  &  forment  une  corne  fans  germe  ,  d'une 
»  fubftance  plutôt  approchant  du  cham- 
»  pignon  que  d'un  grain  de  bled  :  le  moins 
»  qu'il  puifTe  arriver  ,'  c'eft  que  les  cellules 
»  foient  vuides ,  &<;.  »  Cette  explication 
paroît  confirmée  par  une  obfervation  de 
M.  Read  ,  qui  a  toujours  remarqué  que 
la  partie  fupérieure  des  épis  eft  en  général 
plus  fournie  d'ergots  que  l'inférieure";  ce 
qui  donne  lieu  de  croire  que  la  fituation 
de  la  partie  inférieure  la  difpofe  à  recevoir 
plus  fûremént  la  pouiïiere  des  étamines  de 
la  partie  fupérieure.  On  peut  donc  re- 
garder le  défaut  de  fécondation  comme 
l'une  des  caufes  de  Yergot;  mais  ce  n'eft 
point  la  feule  :  ce  vice  peut  auffi  provenir  , 
comme  je  l'ai  dit ,  de  l'imperfection  de  la 
femence  ,  &  d'un  dérangement  d'organi- 
fation  dans  la  ftrudure  de  quelques  ovaires  , 
puifque  l'on  remarque  plus  à' ergots  lorfque 
les  femences  ont  été  mal  choifies ,  &  ne 
font  pas  parfaitement  mûres  ,  lorfque  les 
terres  font  humides ,  ou  lorfqu'étant  légères 
&  fablonneufes  ,  elles  font  trop  fumées  , 
ou  lorfque  n'étant  pas  fumées  du  tout  , 
elles  ne  peuvent  fournir  un  aliment  fuffi- 
fant à  la  plante  ,  ou  lorfque  les  champs 
n'ont  été  labourés  que  fuperficiellement ,  ou 
lorfqu'on  a  femé  plus  tard  ,  ou  lorfque  les 
champs  ont  été  mal  farcies  ,  ùc.  Ainfi 
Yergot  peut  être  auffi  attribué  à  des  caufes 
antérieures  à  ce  qui  fe  paffe  au  temps  de 
l'efflorefcence.  Toutes  les  plantes  ont  un 
temps  fixe  ,  une  faifon  déterminée  pour 
fleurir  ;  ainfi  toutes  les  caufes  qui  retardent 
la  floraifon  ,  comme  les  femail'es  tardives, 
les  terreins  froids  ,  humides  ,  cruds  ,  mal 
labourés  ,  mal  farcies  ,  Ùc  concourent 
à  la  production  de  Yergot  &  des  autres 
maladies  du  grain  en  herbe  ,  &  Ton  y 
remédie  par  les  moyens  contraires. 

Pour  confirmer  tout  ce  que  j'ai^dit  de 
la  génération  de  Yergot,  je  rapporterai  quel- 
ques obfervations  curieufes  de  M.  Demoz^ , 
|  qui  m'ont  été  gracieufement  communi- 
quées par  le  bureau  d'agriculture  du  Mans  * 
lorfqu'on  y  lut  ma  dijfertation  far  les  bleâi 
ergotù ,  M.  Demozé ,  qui  a  fait  un  examen 


9i(5  Ë  R  G 

fuivi  de  Yergot  avec  l'attention  la  plus  fcru- 
puleufe  à  principio  3  eftime  que  cette  ex- 
croifîànce  monltrueuie  provient  d'un  lue 
mielleux  ,  ou  liqueur  gluante  &  fucrée  , 
que  la  plante  tire  de  la  terre  ,  &  que  les 
gens  de  la  campagne  appellent  manne  :  elle 
fe  fait  jour  par  le  moyen  de  l'épi ,  à  l'en- 
droit du  fupport  des  germes  ou  femences  , 
&  s'épanche  par  petites  gouttes  plus  ou 
moins  abondantes  ,  de  jour  comme  de  nuit , 
pendant  deux  (ois  vingt-quatre  heures  ,  & 
quelquefois  plus  ;  après  quoi ,  ces  gouttes 
relient  adhérentes  à  la  balle  ,  &  y  pren- 
nent une  confiftance  dont  la  progrefllon 
fucceflive  forme  V ergot  plus  ou  moins  long  , 
&  fous  différentes  formes  ,  toujours  noir 
&  gluant  jufqu'à  ce  qu'il  ait  atteint  fon 
dernier  degré  de  fécherefïe.  Cette  manne 
qui  n'eft  que  le  fuc  propre  de  la  plante  , 
n'eft  point  encore  mal-faifante  ;  puifque  les 
enfans  la  recherchent  &  la  fucent  fans  danger 
apparents  :  mais  lorfqu'elle  eft  reftee  adhé- 
rente à  V ergot  9  elle  acquiert  par  la  fer- 
mentation une  âcreté  mordicante  qui  rend 
l'ufage  de  Yergot  très-dangereux.  C'eft  la 
faveur  fucrée  de  cette  liqueur  mielleufe  qui 
y  attire  les  mouches  &  les  infecles  ,  &  qui 
eft  caufe  que  l'on  trouve  quelquefois  dans 
Yergot  de  petites  chenilles  dues  à  ces  in- 
fecles. Cette  liqueur  qui  fort  de  l'épi  fous 
le  fupport  du  grain  de  feigle  ,  expulfe  le 
germe  ou  plutôt  Pécorce  de  ce  grain  ;  & 
c'eft  le  corps  étranger  qu'on  retrouve  fou- 
vent  dans  fa  forme  de  grain  au  bout  de  Y  ergot > 
comme  M.  Liberge  le  fit  voir  à  la  féance 
du  30  juillet  177 1.  Mais  ce  qu'il  y  a  de 
plus  fïngulier  ,  c'eft  que  cette  manne  ou 
liqueur  mielleufe  qui  s'échappe  du  moyeu 
de  l'épi  par  les  châtTes  ou  balles  du  grain  , 
eft  contagieufe  ;  &  que  fi  elle  coule  fur 
d'autres  châlTes  du  même  épi  ou  fur  des 
épis  voifins  ou  inférieurs  ,  elle  y  occafione 
la  même  maladie  ,  &  change  le  grain  en 
eigot.  Audi  trouve-t-on  fouvent  de  Yergot 


Ë  R  G 

dans  les  fromens  -  méteifs  femés  avec  le 
feigle  ,  &  rarement  dam  les  champs  femés 
de  froment  pur. 

Quelle  que  foit  la  caufe  de  Yergot  y  H 
eft  certain  que  lorfqu'il  entre  beaucoup  de 
grains  ergotes  Jans  iepain,  il  caufe  d'étranges 
maladies  ,  &  produit  des  effets funeftes  :  cela 
n'eft  pas  fiarprenanl!  .  quand  on  fe  rap- 
pelle l'acrimonie  mou'icunte  que  Yergot 
mâché  p:oduit  fur  l'organe  du  goût.  On 
dit  d'ailleurs  que  cette  fubftance  fermente 
plus  aiférne-nt  que  la  farine  ;  ce  qui  vient 
fans  douie  de  ce  qu'elle  eft  plus  difpofée 
à  la  corruption  (a).  C'eft  fur- tout  en  1709 
qu'on  en  a  fait  l'obfervation  :  les  feigles  de 
la  Sologne  contenoient  près  d'un  quart  de 
grains  cornus  ,  que  les  pauvres  négligèrent 
de  féparer  du  bon  grain  à  caufe  de  l'extrême 
difette  qui  fuivit  le  grand  hiver  :  le  pain 
infeâé  de  la  farine  de  ce  mauvais  bled  , 
donna  à  plufieurs  une  gangrené  affreufe , 
qui  leur  fit  tomber  les  membres  fucceiîive- 
ment  par  parties.  On  peut  confulter  ce  qui 
eft  dit  dans  les  mémoires  de  l'académie  des 
fciences  ann.  1709 >p-  63  ;  dans  Langius, 
Acl.  Lypf.  ann.  2718  ;  &  dans  un  favanc 
mémoire  de  M.  àc  Salerne  ,  médecin  d'Or- 
léans, inféré  dans  les  mémoires  de  Vacadém. 
Il  y  eut  encore  une  gangrené  endémique  & 
très -redoutable  ,  qui  défola  l'Orléanois  & 
le  Blaifois  en  1716:  elle  eft  décrite  dans 
la  collection  académique  >  tom.  III.  part, 
franc,  pag.  £Z$. 

Cette  terrible  maladie  eft  endémique 
dans  la  Sologne  ,  &  dans  d'autres  pays 
011  le  payfan  eft  aîTez  pauvre  pour  être 
réduit  à  cette  nourriture  empoifonnée  , 
parce  que  dans  les  années  de  difette  il  fe 
garde  bien  de  cribler  ces  grains  ergorés. 
On  a  vu  (  M.  Duhamel  cite  le  fait  )  de  ces- 
pauvres  gens  à  l'hôtel  -  dieu  d'Orléans  , 
auxquels  il  ne  reftoit  plus  que  le  tronc.  On 
lit  encore  dans  les  mémoires  préfente's  à 
l'académie  ,  qu'une  demoifelle   charitable 


(a)  Langius,  qui  a  fait  plufieurs  obfervations  fur  l'ergot ,  nous  a  appris  que  lorfque  le  grain  vicié 
a  été  macéré  pendant  vingt-quatre  heures  dans  l'eau  chaude,  il  s'en  fépare  une  matière  qui  s'élève  à 
la  fuperficie  de  l'eau  ,  &  y  fait  une  croûte  de  diverses  couleurs.  Defcriptio  morbomm  ex  efu  davoruat 
Seoalls ,  C.  V.  M.  Aymen,  qui  a  répété  cette  observation  ,  prétend  que  cela  ne  vient  que  des  divers 
arrangemens  des  corps  globuleux  de  la  lève  dont  l'eau  change  la  couleur  ;  c'eft  peut-être  par  la  même 
raifon  que  Ye-rgot  rend  le  pain  violet  :  quoi  qu'il  en  foit,  cette  matière  macérée  dans  l'eau,  fe  corrompt 
5c  fe  putréfie  irès-promptement  ;  ce  que  l'on  paurroit  regarder  comme  la  caufe  principale  des  maladies 
de  corruption  qui  fuivent  _l'ufage  de  l'ergot. 


ERG 

avoit  une  bonne  recette  contre  ce  mal  af- 
freux ;  qu'elle  l'arrêtoit  par  un  topique 
avec  une  eau  compofée  de  quatre  onces 
d'alun  ,  trois  onces  de  virriol  romain  ,  & 
trois  onces  de  fel  que  l'on  fait  fondre  dans 
trois  pintes  d'eau  réduites  à  une  :  on  y 
trempoit  des  linges  ,  qu'on  appliquoit  fur 
les  parties  gangrenées.  M.  Vétillart  criti- 
que amèrement  la  compofition  de  cette 
eau  efcarrotique ,  qui  eft  mal  indiquée  dans 
le  dictionnaire 'd'hijioire  naturelle  ,  au  mot 
feigle  :  il  y  fait  des  changemens  ,  avec  des 
obier vations  judicienfes  fur  la  manière  & 
le  temps  de  l'employer. 

Un  moyen  plus  certain  ,  c'eft  de  pré- 
venir le  mal  même  ,  en  féparant  avant 
tout ,  par  le  moyen  du  crible  ,  ces  grains 
ergotes  qui  font  plus  gros  que  les  autres. 
Dès  l'année  1676  ,  on  propofoit  à  l'aca- 
démie des  fciences ,  comme  le  feul  remède 
à  ce  mal ,  de  faire  défendre  aux  meuniers 
de  moudre  du  feigle  où  il  y  aura  des  grains 
ergotes  :  il  eft  fi  aifé  de  le  connoître  ,  qu'il 
n'eft  pas  pofîible  de  s'y  méprendre.  Sur 
hs  représentations  de  MM.  de  l'académie  , 
M.  de  Pontchartrain  en  écrivit  à  M.  l'in- 
tendant d'Orléans  :  on  donna  les  mêmes 
ordres  en  17 16. 

Nicolas  Langius  ,  fameux  médecin  de 
Bade  ,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut , 
croit  qu'il  y  a  de  Yergot  plus  nuifible  à 
ceux  qui  en  mangent  ,  &  de  Yergot  qui 
ne  l'eft  pas.  M.  Tillet  croit  que  Yeigot  eft 
toujours  nuifible  ,  mais  qu'il  doit  être  pour 
cela  en  certaine  quantité.  On  prétend  en- 
core que  Yergot  perd  fa  mauvaife  qualité  , 
quand  on  le  garde  un  certain  temps.  Le 
mauvais  feigle  qui  faifoit  le  pain  violet ,  le 
fait  plus  blanc  &  moins  nuifible  â  la  fé- 
conde ou  à  la  troifieme  année  ;  mais  dans 
les  années  de  difette  ,  les  payfans  qui  n'ont 
point  le  temps  de  garder  leurs  grains  ,  font 
obligés  de  le  confommer  aufïi-tôt  après  la 
moiffon  ;  ce  qui  les  expofe  à  la  fâcheufe 
maladie  dont  nous  avons  parlé  :  car  on 
obferve  que  plus  Yergot  eft  frais ,  plus  il 
eft  dangereux  ;  il  y  a  même  des  années 
dans  lefquelles  on  prétend  qu'il  eft  plus 
malin. 

Corrhne  on  révoque  aujourd'hui  en 
«îouteles  effets  mal-faifansdu  feigle  ergoté, 
M.  ScMegsr ,  célèbre  médecin  ,  a  efîàyé 


ERG  927 

depuis  peu  de  difculper  Yergot  âes  accu- 
fations  graves  qu'on  lui  a  intentées  ;  je 
vais  réunir  le  témoignage  des  gens  les  plus 
inftruits ,  à  ceux  dont  nous  avons  déjà  parlé 
plus  haut.  M.  Lemery ,  dans  fon  diàion- 
naire  des  drogues  y  au  mot  fécale  y  dit  que 
ceux  qui  mangent  du  pain  fait  avec  du 
feigle  ergoté  ,  font  attaqués  d'une  efpece 
de  mal  de  S.  Antoine  ;  que  leurs  membres 
fe  corrompent  dans  les  jointures  ,  devien- 
nent livides  ,  noirs ,  fe  détachent ,  &  tom- 
bent fans  que  les  remèdes  puiflènt  en  ar- 
rêter le  cours. 

On  lit ,  dans  les  mémoires  de  V  académie > 
Savans  étrangers  P  tome  III ,  page  %j8  y 
qu'après  quelque  ufage  du  pain  de  feigle 
ergoté  ,  on  commence  à  refïèntir  une  ef- 
pece d'engourdilTement  dans  les  jambes  : 
la  partie  fe  tuméfie  ,  fans  qu'il  paroiffe  le 
moindre  figne  d'inflammation  ni  de  fièvre. 
Le  mal  fait  des  progrès  dans  les  mufcles 
&  dans  les  parties  couvertes  des  enve- 
loppes communes  :  il  attaque  enfuite  la 
peau  ;  alors  ou  la  partie  fe  fépare  d'elle- 
même  âes  chairs  faines  ,  ou  elle  devient 
feche ,  racornie  ,  noire  ,  incorruptible,  & 
femblable  en  tout  aux  membres  d'une 
momie.  Lorfque  la  maladie  a  fini  aux 
jambes  ,  elle  attaque  les  bras  ,  &  y  pro- 
duit les  mêmes  effets  :  le  feul  remède  que 
l'on  connoiflè  pour  ce  mal  eft  l'amputa- 
tion. On  a  nommé  cette  maladie  gangrené 
feche.  L'ergot  produit  encore  des  fièvres 
putrides  &  malignes  ;  il  tarit  le  lait  aux 
femmes  ;  il  enivre  ,  il  affaiblit  les  fens  : 
enfin  ,  quoique  Lonicerus  le  vante  comme 
un  bon  anti  -  hyftérique  ,  fon  ufage  eft 
très-pernicieux ,  &  doit  être  évité  foigneu- 
fement. 

M.  Lieutaud  ,  dans  fa  matière  médicale  9 
^page  6iq.  y  dit  que  le  feigle  ergoté  eft  très- 
'  mal-faifant  ,  &  caufe  à  ceux  qui  en  man- 
gent durant  quelque  temps  ,  une  gangrené 
feche  &  horrible  ,  qui  fait  que  leur?  mem- 
bres tombent  d'eux-mêmes.  Les  auteurs 
du  dictionnaire  de  famé  difent  la  même 
chofe  ,  au  mot  Feu  S.  Antoine  ,  &  indi- 
quent pour  la  cure  de  cette  maladie  les 
mêmes  traitemens  que  pour  la  fièvre  pef- 
tilentielîe.  Sauvages  appelle  cette  maladie 
Necrofis  uflilaginea  ou  Yergot:  on  peut  voit 
dans  la  Nofologie  de  cet  auteur  ceux  qui 


928  ERG 

en  ont  traité  ;  on  peut  auiîî  confulter  Do- 
dart  ,  la  Hire  ,  &  fur-tout  M.  de  Salerne 
qui  parle  de  vifu.  Voyez  les  mémoires  de 
V  académie  y  tome  X,  &  les  mémoires  étran- 
gers ,  ternes  I  Ù  II ,  &  le  Met  cure  de 
France  ,  janvier  zj/j.8  ,  page  J $• 

M.  Tiffot,  dans  V  Avis  au  peuple  fur  fa 
famé, page  $iq,  féconde  édition  ,  rapporte 
les  fymptomes  de  la  maladie  qui  attaque 
ceux  qui  ont  mangé  quelque  temps  du 
feigle  ergoté  :  ils  tombent  dans  une  efpece 
d  engourdiffement  &  de  ftupidité  ;  le  ven- 
tre devient  gonflé  &  tendu  ;  ils  maigrif- 
fent  ,  font  jaunes  ,  &  fi  faibles  qu'ils  ne 
peuvent  fe  foutenir.  La  jambe  ou  le  bras 
s'engourdifTènt  ,  deviennent  violets  ;  la 
peau  eft  froide  ,  &  la  gangrené  paroît  aux 
doigts  des  pies  ou  des  mains  :  fi  l'on  n  y 
remédie  promptement ,  le  mal  s'étend  ,  & 
tue  le  malade  en  peu  de  temps  ;  fouvent 
les  membres  fe  détachent  à  l'articulation  , 
&  tombent  fans  qu'il  arrive  d'hémorragie. 
Il  fe  levé  en  différens  endroits  de  petites 
puftules  remplies  d'un  pus  très -clair;  le 
pouls  eft  concentré  ,  &  le  fang  que  l'on 
tire  eft  couenneux.  On  peut  voir  au  même 
endroit  le  traitement  indiqué  par  cet  ha- 
bile médecin  ;  mais  il  preferit  trop  tôt 
l'ufage  de  l'eau  efeanotique  qui  ne  doit 
pas  être  employée  dans  la  gangrené  com- 
mençante. 

Au  témoignage  des  médecins  joignons 
celui  des  botaniftes.  M.  Adanfon  ,  dans 
fes  réfultats  d'expériences  déjà  cités  ,  dit , 
page  q§ ,  que  le  feigle  ergoté  caufe  des 
maladies  aux  perfonnes  qui  mangent  du 
pain  où  il  s  en  trouve  même  une  petite 
quantité.  M.  Buc'hoz  ,  dans  fon  diclion- 
naire  des  plantes  y  dit ,  au  mot  feigle  ,  que 
Yergot  occafione  de  fâcheufes  maladies. 
M.  Aymen  ,  tiès-habiie  botanifte  ,  obferve 
que  les  palmiers  font  fujets  ,  comme  le 
feigle  ,  à  avoir  des  fruits  ergotes  ;  &  ce 
qui  n'eft  pas  moins  particulier  ,   c'eft  que 


ERG 

les  ergots  de  ces  arbres  produifent  des 
effets  aum*  fâcheux  que  ceux  du  feigle  : 
on  en  trouveroit  peut-être  la  raifon  dans 
le  grand  rapport  qu'il  y  a  entre  ces  deux 
plantes.  Les  botaniftes  favent  tous  qu'il  n'y 
a  aucun  ordre  naturel  dans  le  règne  végé- 
tal qui  ait  plus  de  rapport  avec  un  fécond 
ordre  ,  qu'en  ont  les  palmiers  avec  les 
graminées.  Voye\  Adanfon  ,  famille  des 
plantes  ,  page  z/f..  Je  pourrois  encore  citer  , 
fur  les  effets  de  Yergot ,  le  dictionnaire 
d'hijhire  naturelle  ;  mais  comme  ce  n'eft 
qu'une  compilation  ,  cette  autorité  neferoit 
pas  d'un  grand  poids. 

Enfin  ,  le  bureau  de  la  fociété  royale 
d'agriculture  du  Mans  ,  publia  ,  il  y  a 
quelques  années  ,  un  avis  fur  l'efpece  du 
poifon  connu  fous  le  nom  de  feigle  ergoté  y 
&c  fur  les  maux  qui  réfultent  de  cette  per- 
nicieufe  nourriture  :  on  y  joignit  un  mé- 
moire fur  la  méthode  curative  qu'on  doit 
mettre  en  ufage  fuivant  les  différens  temps 
de  la  maladie  ,  par  M.  Vétiilard  ,  méde- 
cin du  Mans.  M.  l'intendant  de  Bourgo- 
gne ,  qui  étend  fon  zèle  &  fa  vigilance 
fur  tout  ce  qui  peut  intéreflèr  le  bien  des 
hommes  ,  fit  imprimer  à  Dijon  ,  chez 
Frantin  ,  l'avis  du  bureau  ,  avec  le  mé- 
moire &  un  fupplément  ,  pour  le  diftri- 
buer  gratuitement  dans  la  généralité. 

On  affure  dans  cet  avis  ,  d'après  les  ex- 
périences  les  mieux  conftatées  &  la  relation 
des  malheurs  qui  affligèrent  il  y  a  quelque 
temps  la  Sologne  ,  où  il  périt  fept  à  huit 
mille  perfonnes  dans  un  petit  efpace  de 
temps,  quelVr^or  eft  un  poifon  fubtil  qui  , 
lorfqu'il  eft  mêlé  avec  le  bon  grain  en 
certaine  quantité  ,  caufe  aux  perfonnes  qui 
en  mangent  du  pain  ,  les  maladies  les  plus 
cruelles  ,  des  vertiges  ,  des  fièvres  mali- 
gnes ,  la  gangrené  ,  &  prefque  infaillible- 
ment la  mort  auffi  fubite  qu'elle  eft  dan- 
gereufe  {b)  :  c'eft  dans  la  vue  de  prévenir 
de  tels  maux ,   que  M.  févêque  du  Mans 


(b)  On  y  remarque  auffi  que  Yergot  eft  également  nuifible  aux  animaux  qui  en  mangent.  Un  cochoa 
ayant  été  nourri  de  fon  de  feigle  ergoté ,  a  péri  au  bçut  de  quatre  mois  ,  après  avoir  perdu  les  quatre 
jambes  &  les  deux  oreilles.  Deux  canards  nourris  de  feigle  ergoté  ,  ont  également  péri  après  avoir 
perdu  l'ufage  des  jambes.  Ceci  contredit  les  expériences  faites  fur  différens  animaux,  par  l'auteur  d'une 
Jcttre  inférée  au  journal  encyclopédique;  mais  en  fuppofant  ces  dernières  expériences  exaûes ,  on  n'en 
pourroit  rien  conclure  contre  les  effets  de  Yergot  fur  l'homme  :  on  fait  que  l'amande  amere  qui  ne  lui 
fait  point  de  mal,  eft  un  poifon  pour  la  volatile  *,  au  contraire  les  baies  du  garou  ,  qui  font  un  purgatif 
dangereux  &  violent  pour  les  hommes  ,  font  une  fort  bonne  nourriture  pour  les  oifeaux  qui  en  tira* 
grès-f.-iands  ;  d'où  l'on  peut  conclure,   qu'on  ne  doit  pas  ufer  d'un  aliment  dont  les  animaux  mangent 

fie 


ERG 

fit  publier  ,  dans  fa  paroiffè  d'Yvré  ,  un 
avis  particulier  pour  engager  les  gens  de  la 
campagne  à  ne  porter  au  mouLn  aucuns 
feigies  ou  méteils  ergotes  ,  fans  en  avoir 
auparavant  féparé  Y  ergot  par  le  crible. 

Suivant  M.  Vétillart,  les  effets  généraux 
de  Y  ergot  font  de  détruire  le  reifort  des 
nerfs  &  des  vaifîèaux  artériels ,  d'épaiffir  le 
fang  qui  ,  privé  de  l'action  &  du  refîbrt  des 
vaifteaux  artériels  fur  lui,  fe  coagule  fur- 
tout  aux  extrémités'de  ces  vaifilaux  ,  ainfi 
qu'aux  parties  les  plus  éloignées  du  centre 
de  la  circulation  ,  telles  que  les  extrémités 
inférieures  :  les  fupérieures  s'en  trouvent 
fucceffivement  affe&ées;  ces  parties  tom- 
bent en.  gangrené  &  en  fphacele. 

La  gangrené  ,  fuite  de  la  nourriture  du 
feigle  ergoté  ,  eft  annoncée  par  un  mal-aife 
le  jour ,  une  mélancolie  poufïée  jufqu'à  la 
ftupidité  ,  un  accablement  univerfel  ,  une 
agitation  la  nuit ,  des  peurs  dans  le  fom- 
meil ,  des  douleurs  vagues  dans  le  dos  , 
dans  les  reins  ,  des  contractions  fpafmodi- 
ques  dans  les  mufcles  des  extrémités  :  ces 
mouvemens  font  fouvent  douloureux  ;  une 
chaleur  cuifante  &  momentanée  fe  faitfentir 
à  la  partie  menacée  ,  le  pouls  augmente  un 
peu  de  vivacité  ,  les  urines  font  crues  ,  le 
ventre  eft  tendu  ,  quelquefois  douloureux  ; 
il  ne  fait  que  difficilement  fes  fondions. 

Au  fécond  période  ,  les  fymptomes  ci- 
deffus  augmentent  d'intenfité  ;  les  membres 
affedés  d'abord  de  mouvemens  convulfifs , 
de  douleurs ,  deviennent  pefans  &  engour- 
dis ;  il  fe  manifefte  dans  quelques  fujets  un 
feu  eréfipélateux ,  que  quelques  auteurs  ont 
nommé  feu  de  S.  Antoine  ,  qui  d'un  rouge 
très-vif  devient  un  peu  violet. 

Au  troifieme  période  ,  la  chaleur  éréfi- 
pélateufe  ,  vive  &  cuifante  ,  fe  métamor- 
phofe  en  un  froid  qui  s'augmente  à  chaque 
moment  au  point  de  devenir  glacial  :  le 
pouls  fe  concentre  ,  le  mouvement  &  le 
fentiment  s'éteignent  peu  à  peu  dans  la 


ERG  929 

partie  ,  l'extérieur  du  membre  affecté  perd 
quelquefois  fa  couleur  naturelle  fans  avoir 
été  précédé  d'éréflpele  ;  il  maigrit ,  fe  def- 
feche  ,  &  devient  au  quatrième  période  un 
membre  étranger  dont  on  eft  obligé  de  fe 
débarraflèr  ;  il  fe  détache  dans  quelques-uns 
à  l'articulation  par  le  feul  effort  de  la  na- 
ture ,  &  fans  qu'il  furvienne  d'hémorra- 
gie ,  lors  même  de  l'amputation  :  cet  ac- 
cident n'eft  point  à  craindre  ,  tant  le  fang 
eft  coagulé. 

Le  pouls ,  à  ce  quatrième  période  ,  fe 
fait  à  peine  fentir  :  le  mal  qui  pour  l'ordi- 
naire a  commencé  par  l'extrémité  inférieure, 
gagne  les  fupérieures  ;  le  mouvement  ar- 
tériel eft  ralenti  généralement ,  l'abatte- 
ment eft  extrême  ;  le  vifage ,  fur -tout  le 
nez  ,  devient  froid  glacial  ,  une  fueur  de 
même  nature  fe  fait  remarquer  par  tout  le 
corps  qui  a  perdu  la  force  de  fouffrir  ;  les 
yeux  s'enfoncent  dans  les  orbites ,  la  voix 
s'éteint ,  un  délire  fourd  &  quelques  dé- 
faillances font  les  annonces  de  la  mort. 

Les  fymptomes  énoncés  dans  les  quatre 
périodes  ci-deiïiis  font  plus  ou  moins  fen- 
fîbles  ,  fuivant  les  fujets  &  les  circonftan- 
ces.  Quelques-uns  font  tout-à-coup  pris 
des  fymptomes  du  fécond  ,  même  du  troi- 
fieme période  ,  fans  avoir  éprouvé  les  pré- 
cédens  ;  ce  qui  vient  des  tempéramens  plus 
ou  moins  forts  ,  des  fujets  &  de  la  quantité 
plus  ou  moins  confidérable  d'ergots  dont  ils 
ont  fait  leur  nourriture  :  les  indications  à 
remplir  font  différentes ,  félon  l'état  &  le 
période  du  mal ,  lorfqu'on  eft  appelle  pour 
y  remédier. 

Dans  un  fupplément  qui  eft  à  la  fuite  du 
mémoire  de  M.  Vétillart ,  on  obferve  que 
tous  les  fymptomes  de  la  maladie  provenant 
du  bled  ergoté  ,  &  les  remèdes  qu'on  y  a 
appliqués  jufqu'ici  avec  fuccès ,  montrent 
qu'elle  n'eft  autre  chofe  qu'une  fièvre  ma- 
ligne avec  un  point  malin  ou  dépôt  aux  ex- 
trémités ,   &  que  ce  n'eft  qu'en  la  rangeant 


fans  danger,  parce  qu'il  peut  devenir  un  poifon  pour  nous  ;  mais  les  expériences  par  lefquelles  on  préren- 
droit  prouver  que  l'ergot  n'eft  point  pernicieux  aux  animaux  qui  enmangert ,  ne  font  rien  moins  que  certaines. 
Aufii  l'avis  du  bureau  d'agriculture  du  Mans  ne  manque- 1-  il  pas  de  recommander ,  par  un  P.  S. ,  de  brûler 
l'ergot  qu'on  a  féparé  par  le  crible  ou  de  l'enterrer ,  parce  qu'il  y  auroit  du  danger  à  le  laiffer  manger  dans 
les  baffes-cours  par  les  beftiaux  ou  par  la  volatile,  &  qu'il  n'y  auroit  pas  moins  d'imprudence  à  le  jeter  dans 
l'eau,  où  il  pourroit  devenir  également  nuifible  aux  poiffons.  On  lit  dans  la  collection  académique,  que 
des  poules,  auxquelles  on  n'avoit  donné  que  de  l'ergot,  rebutent  cette  nourriture  &font  reliées  trois  jours 
fans  manger,  loco  citate. 


Tome  XII. 


Bbbbbb 


93o  E  R  I 

dans  la  clafîè  des  fièvres  malignes ,  qu'on 
peut  !a  traiter  convenablement.  (M.  Be- 
guillet.) 

EllGOT  ,  f  m.  (Manège  ,  Maréchaller.) 
Nous  appelions  de  ce  nom  un  corps  d'une 
confiftance  plus  ou  moins  molle  ,  d'un  vo- 
lume plus  ou  moins  confidérable  dans  cer- 
tains chevaux  que  dans  d'autres  ,  &  d'une 
forme  vague  &  irréguliere  ,  qui  eft  fitué 
fur  chaque  jambe  derrière  le  boulet ,  &  que 
le  fanon  recouvre  ;  communém  ne  il  a  moins 
de  dureté  que  la  châtaigne  ,  &  cecte  efpece 
de  corne  eft  dénuée  toujours  de  poil.  Je  ne 
fais  quelle  eft  l'intention  des  maréchaux  , 
qui  pratiquent  fur  ce  corps  une  incifion 
cruciale  ,  &  qui  le  fendent  ainfi  dans  le  cas 
des  enflures  des  jambes  ,  des  boulets  ,  & 
dans  celui  des  eaux  ,  des  mules  traverfines , 
des  grappes ,  &c.  ;  ce  qu'ils  appellent  de'fer- 
goter.  Je  ne  leur  ferai  néanmoins  aucune 
queftion  à  cet  égard  ,  parce  que  je  fuis  rrès- 
perfuadé  que  leur  réponfe  ne  préfenteroit 
rien  de  fatisfaifant.  Ce  dont  je  ne  fuis  pas 
moins  affuré ,  c'eft  qu'une  pareille  opération 
eft  inutile  ,  &  en  pure  perte,  (e) 

ERGOTE  ,  (Vémrie.)  un  chien  eft 
ergoté  quand  il  a  un  ongle  de  furcroît  au 
dedans  &  au  deffus  du  pie. 

ERGUET  ,  terme  de  pêche.  Voye\  Fart. 
Co.LF.RET. 

ÉRIC  ou  HENRI  ,  (Hijhire  de  Dane- 
marck.  )  nom  commun  à  plufieurs  princes 
du  Nord  ;  quelques  hiftoriens  de  Danemarck 
parlent  de  deux  Eric  y  l'un  qui  régnoit 
vers  846  ,  l'autre  vers  8io,  &  qui  tous  deux 
s'oppoferent  d'abord  au  progrès  de  l'évangile, 
&  finirent  par  le  protéger  ;  mais  comme  il 
eft  douteux  qu'ils  aient  été  rois  de  Dane- 
marck, &  qu'on  a  foupçonné  qu'ils  n'étoient 
que  d.s  princes  tributaires  de  cette  cou- 
ronne ,  nous  regarderons  comme  le  premier 
roi  de  ce  nom  celui  que  quelques  chroni- 
ques fufpects  ne  placent  que  le  troifieme. 

Eric  I,  roi  de  Danemarck.  Il  étoit  le 
quatrième  des  fils  de  Suenon  II.  Après  la 
mort  d'Ollaus  fon  frère  ,  les  états  le  cou- 
ronnèrent en  1095  i  il  fo  aux  Vandales  une 
guerre  opiniâtre  ,  inonda  de  fang  leur  ca- 
pitale ,  la  livra  aux  flammes ,  ravagea  leurs 
campagnes  ,  &  fit  ouvrir  le  ventre  &  dé- 
chirer les  entrailles  des  prifonniers  ;  tout 
couvert  de  fang  dune  nation  belliqueule  , 


E  R  1 

il  n'ofa  punir  l'audacieux  arcLevêque  d« 
Brème  ,  qui  vouloit  aftujettir  tout  le  Dane- 
marck à  fa  junfdi&ion  ;  il  en  appella  au 
pape  ,  &  client  du  faint  fiege  ,  alla  hum- 
blement plaider  fa  caufe  à  Rome  contre  fon 
vaffal  ;  il  obtint  la  canonifation  de  Canut  I Vr 
alla  vifiter  la  terre  fainte  ,  &  mourut  en 
Chypre  l'an  1 105  ,  après  avoir  fait  beaucoup 
de  mal  à  fes  voifins  ,  &  peu  de  bien  à  fes 
fujets.  L'hiftoire  le  peint  cependant  afFable  , 
éloquent ,  libéral  ,  fur^tout  envers  les  gens 
egi'.îe. 

Eric  II,  furnommé />/We  lièvre  &  il- 
lujire  9  roi  de  Danemarck.  On  lui  donna  le 
premier  de  ces  furnoms  ,  lorfque  fuyant  de- 
vant fes  ennemis ,  il  erroit  de  retraites  en 
retraites  ,  fans  fecours ,  fans  amis  ;  &  le  fé- 
cond ,  lorfque  forti  de  fon  afyle,  plus  ter- 
rible que  jamais  ,  il  écrafa  fes  perfécuteurs 
au  milieu  de  leurs  triomphes.  Il  étoit  fils 
d'Eric  le  Bon  ;  mais  né  d'une  alliance  adul- 
tère ,  il  perdit  par  fanaifïànce  les  droits  que 
fes  hautes  qualités  pouvoient  lui  donner  fur 
le  trône.  Canut  fon  frère  ayant  été  afîàfîiné 
par  Magnus ,  fils  du  roi  Nicolas ,  l'an  1 133  , 
il  affembla  la  nation  ,  cria  vengeance  ,  & 
le  même  cri  fut  répété  par  les  Danois  ;  on 
courut  aux  armes ,  &  pour  venger  la  more 
d'un  homme  ,  on  en  égorgea  des  milliers. 
Eric  fut  proclamé  roi  par  les  Zélandois  & 
les  Scaniens  :  l'empereur  Lothaire  appuya 
cette  révolution  ;  il  efpéioit ,  en  plaçant!;  r/c 
fur  le  trône  ,  compter  un  vaffal  de  plus 
parmi  les  têtes  couronnées  ,  &  rendre  le 
Danemarck  tributaire  de  l'empire.  Le  nou- 
veau roi  rechercha  avec  plus  d'empreffe- 
ment  l'alliance  des  Norvégiens ,  plus  utile 
&  moins  dangereufe.  Avec  ces  fecours  % 
il  triompha  fur  mer  ,  tandis  que  fes  troupes 
étoient  défaites  dans  la  Jtithie  ;  vainqueur 
&  vaincu  prefque  dans  le  même  temps  ,  il 
alla  chercher  un  afyle  en  Norvège.  ïl  n'y 
trouva  qu'une  prifon  ;  le  roi  le  fit  arrêter  ; 
mais  il  fut  tromper  la  vigilance  de  fes  gar- 
des ,  s'échappa  ,  rafîèmbla  quelques  amis , 
eut  bientôt  une  armée ,  mit  en  déroute  celle 
de  Nicolas  ,  &  fut  reconnu  par  tout  le  Dr- 
nemarck après  la  mort  de  ce  prince;  il  gou- 
verna l'état  avec  fageffe  ,  traita  le  clergé 
avec  fermeté  ,  le  peuple  avec  douceur ,  fes 
officiers  avec  nobleffe  ;  mais  les  confeils  per- 
fides des  peftes  de  cour  le  rendirent  barbare  ; 


E  R  I 

fl  fit  périr  les  enfans  de  Harald  fon  frère  , 
quoique  leur  foibîefie  fût  un  garant  de  leur 
innocence  ,  &  qu'ils  n'eufîènt  point  trempé 
dans  les  complots  que  leur  père  avoit  tramés 
contre  Eric.  Celui  -  ci  fut  aflaffiné  par  un 
certain  Plogh  ,  miniftre  de  la  fureur  des 
Scaniens  révoltés.  Ce  fut  l'an  1138  que  fe 
cemmit  ce  régicide. 

Eric  III ,  roi  de  Danemarck  ,  furnommé 
Vigneau  >  ne  fuccéda  à  Eric  II  que  l'an 
1140.  La  force  de  fon  parti  abattit  les  con- 
currens  à  fes  pies  ;  on  le  conduifît  au  trône 
plutôt  qu'il  n'y  monta  lui-même  ;  il  s'y  en- 
dormit dès  qu'il  y  fut  placé  ,  fut  le  jouet 
des  prélats ,  l'efclave  de  fes  courtifans ,  & 
laifïà  à  Ces  minières  tout  le  fardeau  du  gou- 
vernement ;  il  ne  s'occupa  que  du  foin  de 
fe  Kourrir  &  de  fe  conferver  ;  il  reconnut 
bientôt  qu'il  avoit  manqué  fa  vocation  ,  & 
qu'il  étoit  deftinl  à  la  vie  monaftique.  Il 
defeendit  donc  dans  un  cloître  l'an  n 44: 
mais  lorfqu'on  lui  annonça  que  la  nation 
s'afTembloit  pour  lui  nommer  un  fuccefïeur  , 
il  en  mourut  de  dépit. 

Eric  IV,  roi  de  Danemarck,  avoit  vingt- 
cinq  ans  accomplis  lorfqu'il  fuccéda  à  Val- 
demar  II ,  fon  père ,  en  124 1  ;  il  avoit  un 
cœur  droit ,  un  efprit  cultivé  ,  des  manières 
affables  ,  des  mœurs  fimples  ,  un  caractère 
doux  &  pacifique  ;  refoludene  jamais  faire 
la  guerre  ,  il  le  déclara  hautement ,  &  l'on 
entendit  aufîi-tôt  murmurer  la  noblefîè  qui 
ne  fubfiftoit  alors  que  par  les  malheurs  du 
peuple  ,  &  tant  d'hommes  intérefîesà  étouf- 
fer ,  par  le  tumulte  des  armes  ,  la  voix  im- 
puiflànte  des  loix  :  mais  bientôt  les  entreprî- 
tes audacieufes  de  la  ville  de  Lubec  le  for- 
cèrent à  prendre  les  armes  ;  il  les  quitta , 
dès  qu'il  le  put  ,  fatisfait  d'avoir  humilié 
cette  république.  Mais  à  peine  cette  guerre 
étoit-elle  terminée  ,  que  fes  trois  frères  lui 
refuferent  l'hommage  qu'ils  lui  dévoient , 
réunirent  leurs  forces ,  &  marchèrent  contre 
lui  ;  cette  guerre  fut  longue  &  meurtrière  ; 
Eric  fut  enfin  toucher  le  cœur  de  Chriftophe, 
&  l'exemple  de  celui-ci  entraîna  bientôt  les 
autres.  La  paix  fut  (Ignée  ,  ChriMophe  étoit 
déjà  rentré  dans  fes  domaines.  Abel  &  Canut 
rentrèrent  aufli  dans  leurs  duchés  de  Sîef-  j 
wick  &  de  Blecking ,  mais  à  condition  d'en 
faire  hommage  au  roi.  Cependant  le  perfide 
Abel  méditoit  une  vengeance  digne  de  fon 


ERÏ  93  r 

cœur  ;  il  attire  Eric  dans  fon  palais  ,  6\  au 

milieu  des  carefles  que  fa  faufie  amitié  lui 

prodiguoit  ,  le  fait  enchaîner  &  jeter  dans 

un  bateau  à  la  merci  des  flots  ;  il  y  périt 

j  Tan  1250.  Abel  jouit  du  fruit  de  fon  crime , 

1  tint  quelque  temps  le  Danemarck  dans  l'il- 

I  lufïon  ,  &   perfuada  à  fes  crédules   fujets 

I  qu'il  étoit  le  vengeur  de  fon  frère  lorfqu'il 

en  étoit  l'afïailin.  La  vérité  fut  reconnue  ; 

Eric  fut  canonifé  en  1256. 

ERIC  V  ,  furnommé  Glipping,  parce  que 
(es  paupières  étoient  fans  cefïè  en  mouve- 
ment. Il  monta  l'an  1259  >  \  l'âge  de  dix 
ans  ,  fur  le  trône  de   Danemarck,  à  qui 
l'ambition  du  clergé  avoit  lait  efïuyer,  pen- 
dant le  regne  de  Chriftophe  ,  les  fccouflès 
les  plus  violentes  ;  les  évéques  refuferent  de 
le  reconnoître  :  le  pape  Alexandre  IV  pré- 
tendit aufîi  qu'il  perdoit  tous  Ces  droits  à 
la  couronne  ,  s'il  ne  délivroit  l'archevêque 
de  Lunden,  que  Chrifrophe  avoit  fait  mettre 
dans  les  fers.   Il    fembloit  finguîier  qu'un 
roi   du  Nord   eût  befoin  du  fuffiage  d'un 
pontife  Italien  ,  pour  obtenir  celui  de  fes 
fujets  y  le  clergé  fomenta  les  divifions  qui 
déchiroient  l'état  :  Eric  étoit  fils  de  Chrif- 
tophe  ;   un  autre  Eric  ,  fils  d'Abel  ,  avoit 
des  prétentions  fur  le  duché  de  Sle  Vick  ; 
les  évéques  &  les  comtes  de  HolOein  le  li- 
guèrent en   fa  faveur.  On  prit  les  armes  , 
on  en  vint  à  une  bataille  ;  deux  généraux 
Danois  s'enfuirent  lâchement  ,   le  roi  fut 
fait  prifonnier  ,  on  lui  rendit  fa  liberté  ;  il 
reparut  dans  le  Danemarck  ;  les  deux  gé- 
néraux qui  avoient  donné  aux  foldats  l'exem- 
ple de  la  fuite  ,  Yvon  &  Fingh  ,  périrent 
fur  un  échafaud.  Eric  ,  pour  défendre  fes 
états  contre  de  nouvelles  irruptions ,  acheta 
du  duc  de  Slefwick  ,  la  vilie  de  Kolding  , 
qu'il  fit  fortifier.  Tandis  qu'il  veilloit  ainfi 
à  la  sûreté  de  (es  états  ,  les  évéques  manœu- 
vroient  fourdement  contre  lui  ;  chaque  jour 
on  découvroit  de  nouvelles  confpirations  ; 
Eric  n'ofoit  punir  les  coupables  ;  le  pape 
le  menaçoit  de  fa  colère  ,  &  le  roi  fe  vit 
contraint  de  prendre  le  pontife  pour  juge 
entre  fes  fujers  &  lui  ;  ce  fut  par  cette  dé- 
marche humiliante  ,  qu'il  acheta  un  repos 
qu'il  confacra  tout  entier  au  bonheur  de  Ces 
fujets.   Le  mariage  de  fa  fœur  avec  le  Mar- 
grave de  Brandebourg ,  la  tutele  des  en- 
fans  du  duc  Eric  P  des  fecours  accordés  au 
Bbbbbb  2 


231  E  R  I  E  R  I 

duc  Magnus ,  les  fufFrages  du  peuple  gagnés  Ce  qu'il  y  a  de  plus  donnant  dans  cet  évé- 
en  faveur  du  jeune  Eric  à  qui  la  couronne  nement  ,  c'eft  que  ce  fut  au  pape  que  le 
fut  afliirée  ,  une  alliance  contra&ée  avec  la  ;  roi  appella  de  la  fentence  lancée  par  ce  pape 
Suéde  ;  tels  furent  les  foins  qui  partagèrent  même.  Ce  ne  fut  qu'en  1303  qu'il  reçut 
les  momens  d'Eric  fur  le  trône  ;  il  protégea  '  un  pardon  aufîi  humiliant  que  le  châtiment 
le  commerce  ,   accorda   aux  habitans  de  j  même.  La  fituation  duDanemarck  n'en  fut 

pas  beaucoup  plus  heureufe  ;  le  roi  toujours 
en  guerre  ,  tantôt  avec  la  Suéde  ,  tantôt 
avec  la  Norvège  ,  quelquefois  avec  l'am- 
bitieux Chriftophe  fon  frère,  fou  vent  même 
menacé  par  des  fcélérats  qui  en  vouîoient  à 


Déventer  &  de  Harderwik  une  partie  du 
territoire  de  Scanor ,  confirma  les  privilèges 
de  la  ville  de  Lubec  ,  lui  en  accorda  de 
nouveaux  ,  lui  permit  de  nommer  un  préfet 
à  Scanor  &  à  Falfterbo  ;  i!  fit  un  code  de 


police  appelle  birckeret  _,  châtia  la  révolte  du  j  f-s  jours,  ne  connut  pendant  plufieurs  an- 
duc  de  SIefwick  ,  lui  donna  des  fers  ,  &  i  nées  que  les  chagrins  qui  afîiegent  le  trône, 
les  brifa  prefque  auiîi  -  tôt.  Il  mourut  l'an  j  Malgré  toutes  ces  inquiétudes  ,  fon  goût 
1286.  On  ne  peut  guère  lui  reprocher  que  !  pour  les  fêtes  publiques  fe  réveilla.  Il  donna 
la  foibledè  qu'il  montra  dans  fes  démêlés  j  des  tournois  dans  la  Vandaîie  ;  la  ville  de 
avec  les  évêques  &  la  cour  de  Rome.  Il  '  Roftoch  fut  alarmée  du  concours  de  princes 
fouffi.it  que  le  pape  lui  écrivît  du  ton  dont  1  que  cette  fête  devoit  attirer  dans  fes  murs  ; 
un  fouverain  écriroit  à  fon  fujet.  j  elle  refufa  fes  portes  ,  on  ouvrit  la  lice  dans 

Eric  VI,  roi  de  Danemarck  ,  fils  du  j  les  environs;  mais  à  peintes  tournois  furent 

finis,  que  la  ville  fut  afïiégée.  Après  une  lon- 
gue défènfe  ,  elle  fut  forcée  de  fe  rendre  ;  le 
roi  lui  donna  pour  protecteur  Henri  de 
en  bas  âge ,  &  le  roi  de  Norvège  profita  j  Mecklenbourg  ;  il  conquit  enfuite  I'ifle  de 
de  fa  ioibleiTe  pour  l'attaquer  ;  les  troubles  j  Bourbon  ,  accorda  fa  protection  à  la  ville  de 
prêts  à  éclore  dans  le  Danemarck  ,  redou-  Stralfund,  dont  le  margrave  de  Brandebourg 
bloient  l'audace  des  Noiwég-ens.  Pendant  j  prétendoit  auflî  être  le  protecteur.  On  fent 
la  minorité  d'Eric  y  les  états  cédèrent  à  j  afTez  que ,  fi  cette  protection  n'eût  pas  été 
Valdemar  ,   duc    de  Slefwick  ,    quelques  j  payée  fort  cher  par  la  ville  ,  ces  deux  princes 


précédent  Eric  _,  défigné  pour  fuccéder  à 
fon  père  ,  fut  reconnu  par  la  nation  aufîi- 
tôt  qu'Eric  V  eut  fermé  les  yeux  ;  il  étoit 


domaines  de  la  couronne  ,  entr'autres ,  les 
ifles  d' Alfen ,  d'Arroê  &  de  Fermeren  ;  dès 
qu'Eric  put  régner  par  lui-même  ,  il  les 
réclama  ,  &  voila  la  guerre  allumée.  Eric 
débuta  par  une  victoire  navale  ;  mais  les 
complots  du  clergé  ,  les  menaces  de  la  cour 
de  Rome  le  forcèrent  bientôt  à  conclure 
une  trêve  avec  le  roi  de  Norvège  ,  pour 
négocier  avec  l'églife  irritée.  Son  mariage 
avec  Ingeburge ,  fille  du  roi  de  Suéde  ,  qui, 
en  lui  affurânr  l'appui  de  cette  couronne , 


ne  fe  feroient  pas  difputé  avec  tant  de  vio- 
lence le  droit  de  fecourir  fes  habitants.  Le 
roi  l'emporta  ;  la  protection  du  plus  fort  fut 
préférée  par  nécefïité ,  quoiqu'elle  fût  la  plus 
dangereufe.  Eric  mourut  l'an  13 19.  C'étoit 
un  prince  généreux,  équitable,  &  quin'abufa 
jamais  du  pouvoir  fuprême.  Un  feul  trait 
fiimra  pour  faire  connoître  fon  caractère. 
Ayant  découvert  en  13 12  une  confpiration 
formée  contre  fa  perfonne ,  il  convoqua  une 
afïèmblée  des  états  généraux  ,  il  y  dévoila 


auroit  effrayé  toute  autre  puiffance,  ne  parut  j  tout  le  projet  de  cet  attentat  ,  nomma  les 
pas  inquiéter  le  clergé.  Boniface  Vili  étoit  !  chefs  &  même  les  complices,  marqua  l'heure 
alors  fur  le  faint  fïege  :  cet  homme  impé-  J 
rieux  s'étoit  déclaré  le  maître  &  i  ennemi  j 
des  rois  ;  fi  la  France  ne  lui  eut  pas  o  :  pofé  i 
un  Philippe-le-Bel  ,   il  auroit  difpofi;  de 
toutes  les  couronnes  de  l'Europe.  Ce  pape 
condamna  Eric  à  une  amende  de  quarante- 
neuf  mille  marcs  d'argent ,  pour  avoir  fait 
enfermer  un  archevêque.  Enfin  ,  il  l'excom- 
munia ,  lança  un  interdit  fur  fon  royaume  , 
&  dégagea  fes  fujets  du  ferment  de  fidélité. 


de  l'exécution  ,  répandit  le  jour  de  la  vérité 
fur  toute  cette  conjuration  ,  &  finit  par  de- 
mander aux  états  la  grâce  des  coupables. 

Eric  VII ,  fils  de  Chriftophe  II ,  fut 
afïbcié  par  fon  père  au  trône  de  Danemarck 
l'an  1322.  Chriftophe  ,  accablé  d'infirmi- 
tés ,  vouloit  rejeter  fur  ce  prince  le  far- 
deau entier  du  gouvernement  ;  mais  celui- 
ci  étoit  à  peine  en  état  de  le  partager  ; 
c'étoit   plutôt   un   foldat   qu'un    roi  ,   il 


E  R  I 

étoit  moins  miniftre  que  citoyen  ;  il  dé- 
fendit fon  père  avec  beaucoup  de  courage 
contre  Tes  fujets  révoltas  ;  il  fut  pris,  porta 
fes  fers  avec  une  noble  fierté ,  &  fe  montra 
plus  grand  dans  fa  prifon  que  fur  le  trône  ; 
il  combattit  avec  bravoure  à  la  bataille  de 
Lohede  ;  mais  toute  fon  armée  ayant  été 
taillée  en  pièces ,  il  fuivit  la  déroute  géné- 
rale ;  malheureufement  pour  fa  gloire ,  ce 
fut  dans  fa  fuice  qu'il  tomba  de  cheval  :  il 
mourut  de  cette  chute  l'an   1332.. 

Eric  VIII  de  Poméranie  ,  roi  de  Da- 
nemarck.  Il  fe  nommoit  d'abord  Henri  ;  il 
étoit  fils  de  Wraciilas  VII ,  duc  de  Pomé- 
ranie ,  &  de  Marie  de  Meklenbourg  ;  celle- 
ci  étoit  née  du  mariage  de  Henri  de  Mek- 
lenbourg avec  Ingeburge  ,  fœur  de  Mar- 
guerite ,  reine  de  Danemarck.  Cette  prin- 
ceffe  ,  qui  avoit  réuni  fur  fa  tête  les  trois 
couronnes  ,  de  Suéde  ,  de  Danemarck  & 
de  Norwege  ,  ayant  confulté  la  nation 
Suédoife  fur  le  choix  de  fon  fuccefTeur ,  on 
lui  laifTa  la  liberté  de  difpofer  de  fa  cou- 
ronne en  faveur  de  celui  des  enfans  de 
Wratiflas  qui  lui  paroîtroit  le  plus  digne 
de  la  porter.  Elle  défigna  le  jeune  Henri  , 
dont  le  nom  fut  changé  en  celui  d'Eric. 
Ce  prince  époufa  ,  l'an  1406,  Philippine, 
fille  de  Henri  IV  ,  roi  d'Angleterre  ,  &  fut 
couronné  roi  de  Suéde  l'an  14.11.  Il  aimoit 
la  guerre  ,  &  ignoroit  l'art  de  la  faire  ;  à 
peine  fut-il  fur  le  trône  ,  qu'il  prit  les  ar- 
mes contre  fa  bienfaidrice  ;  le  duché  de 
SIefwick  étoit  l'objet  de  cette  querelle  ; 
les  troupes  d'Eric  furent  battues  :  Ulric  de 
Meklenbourg  fut  l'arbitre  de  ce  différent  ; 
il  jugea  que  la  ville  de  Flensbourg  devoir 
refter  en  dépôt  entre  les  mains  de  la  reine , 
jufqu'à  ce  qu'on  eût  pefé  ,  plus  férieufe- 
ment  ,  les  raifons  des  deux  partis.  Cet 
examen  devint  inutile  par  la  mort  de  la 
reine  :  Eric  fuccéda  à  fes  trois  couronnes. 
Les  premiers  jours  de  fon  règne  promet- 
toient  un  gouvernement  doux  &  modéré  ; 
mais  ces  •j'pJiances  s'évanouirent  bientôt. 
Le  roi  fit  aflembler  les  états -généraux  ,  & 
déclara  que  les  comtes  de  Hoïftein  étoïent 
déchus  de  tous  leurs  droits  fur  le  duché 
de  SIefwick  ,  parce  qu'ils  avoient  porté 
les  armes  contre  la  reine  Marguerite  ,  & 
qu'ils  avoient  appelle  l'étranger  dans  le 
Danemarck.  Il  les  condamna  à  reftituer  à 


E  R  I  933 

I  la  couronne  tous  les  frais  de  la  guerre. 
:  Le  duc  de  Brunfwick  étoit  tuteur  des  com- 
|  ces  de  Holftein  ;  il  foutint  avec  fermeté  les 
|  intérêts  de  fes  pupilles.  Déjà  l'armée  Danoife 
j  étoit  dans  le  duché  de  SIefwick  ;  mais 
'■  elle  ne  donna  pas  un  combac  fans  être 
:  vaincue  ,  n'invertit  pas  une  ville  ,  fans  être 
;  forcée  d'en  lever  le  fiege.  Contraint  à 
.offrir  la  paix  ,  Eric  efiuya  la  honte  d'un 
refus  ;  fa  fureur  s'affouvit  fur  les  malheu- 
reux habitans  de  l'ifle  de  Femeren  ,  qui 
furent  maiïacrés  fur  les  ruines  de  leurs  vil- 
lages ,  &  fur  les  cendres  de  leurs  moifîbns. 
Eric  le  repentit  bientôt  de  cette  vengeance 
atroce  ;  mais  ces  remords  impuifîàns  ne 
réparoient  point  les  maux  que  les  foldats 
avoient  commis.  Un  traité  d'alliance  qu'il 
conclut  avec  la  Pologne  ,  n'effraya  point 
fes  ennemis.  Il  leur  livra  une  nouvelle  ba- 
taille ;  ce  fut  pour  eux  un  nouveau  triom- 
phe. II  courut  enfuite  l'Allemagne  ,  impor- 
tunant toutes  les  cours  de  fes  plaintes  ;  il 
parut  à  celle  de  l'empereur  ,  peurfuivit  fa 
route  jufqu'en  Paleftine  ,  &  revint  pour 
être  la  victime  de  tous  les  défordres  que 
fon  abfence  avoit  caufés.  Il  fallut  repren- 
dre les  armes  &  efluyer  de  nouvelles  dif- 
graces  dans  le  duché  de  SIefwick.  Eric  , 
défefpéré  de  ne  pouvoir  faire  par  lui-même 
à  fes  ennemis  tout  le  mal  qu'il  leur  pré- 
paroit ,  fouleva  les  habitans  des  villes  de 
Vandalie  contre  leurs  magiftrats  ,  renou- 
vella  fon  alliance  avec  l'Angleterre ,  &  tenta 
en  vain  d'engager  cette  puiflànce  dans  fa 
querelle.  Cependant  l'efprit  de  révolte  fer- 
mentoit  en  Suéde  ;  on  reprochoit  au  roi 
des  fautes  qu'il  avoit  commifes  ,  on  lui  en 
cherchoit  d'autres  dont  il  étoit  innocent  ; 
la  domination  Danoife  devenoit  chaque 
jour  plus  odieufe  ;  les  remontrances  du 
peuple  étoient  fieres  ,  les  réponfes  du  roi 
étoient  dures  :  tout  fe  fouleva  ;  Eric  vou- 
lut parler  en  Suéde  ,  il  fit  naufrage  ;  revenu 
en  Danemarck  ,  ce  prince  tenta  de  nou- 
veaux efforts  pour  châtier  les  Suédois  re- 
belles. Les  Danois  commençoient  aufli  à 
fe  laffer  de  fon  joug  ;  il  voulut  déflgner 
pour  fon  fuccefTeur  Bogilas  fon  neveu , 
duc  de  Poméranie.  Ce  choix  irrita  la  na- 
tion ;  Eric  part ,  s'enfuit  en  PrufTè  ,  veut 
revenir  en  Suéde ,  éprouve  encore  les  ca- 
prices  de  la  mer  ,   eft  rejeté  en  Dane- 


934 


E  R  I 


marck  ,  fe  hâte  de  rafTembler  toutes  Tes 
richefles  ,  s'enfuie  dans  l'ifle  de  Gothland  ; 
on  le  rapelle  en  Suéde  ,  il  y  repaiok  ,  & 
on  le  chafTè  ,  les  crois  royaumes  renoncent 
à  l'obéifïànce  qu'ils  lui  avoient  jurée.  Il  eft 
contraint  d'aller  dans  Pille  de  Gothland 
cacher  fon  défefpoir  &  fon  infortune.  Ses 
tréfors  le  confoloient  de  tout  ;  ce  tut  avec 
cette  arme  qu'il  caufa  ,  dans  la  Scanie  & 
dans  la  Fionie  ,  quelques  révoltes  momen- 
tanées ;  il  employa  encore  fes  richefie-s  à  ar- 
mer des  coifaires  ,  qui  allèrent  ravager 
les  côtes ,  écumer  les  mers  ,  &  porter  la 
terreur  jufqu'au  centre  des  états  fur  lef- 
quels  il  avoir,  régné.  Ce  fut  dans  fa  retraite 
qu'il  compofa  une  hifîoire  chronologique 
des  rois  de  Danemarck. 

Cependant  Chriftophe  de  Bavière  avoit 
réuni  fur  fa  tête  les  trois  couronnes  ,  que 
les  nations  foukvées  avoient  arrachées  au 
malheureux  Eric.  On  ne  le  laifîà  pas  tran- 
quille dans  le  Gothland  ;  il  fallut  l'y  atta- 
quer pour  rendre  la  liberté  au  commerce  , 
&  détruire  les  pirates  qu'il  envoyoir  fur  les 
mers  ;  il  fut  afîiégé  dans  Wisby  ;  fon  cou- 
rage fe  ranima  :  il  fit  voir  que  fi  la  nature 
lui  avoit  refufé  les  talens  d'un  roi  ,  elle  lui 
avoit  au  moins  donné  la  bravoure  d'un 
foldat.  La  ville  fut  emportée  d'aiTaut  ,  il 
fe  retira  dans  la  citadelle  ,  le  fîege  conti- 
nua &  fut  terminé  par  une  capitulation  ; 
forcé  de  fortir  de  Pille  de  Gothland  ,  il 
s'embarqua  fur  la  flotte  Danoife  ;  on  lui 
offrit  dans  le  Danemarck  un  féjour  agréa- 
ble ,  fi  toutefois  il  en  eft  pour  un  fouve- 
rain  détrôné  ;  il  le  rejeta  ,  &  ne  voulut 
point  être  témoin  de  la  gloire  de  fon  en- 
nemi ,  ni  demeurer  parmi  [es  fujets  qui 
l'avoient  perfécuté.  Eric  retourna  en  Po- 
méranie  ,  où  il  vécut  dix  ans  encore  ;  il 
ne  lui  manqua  plus  ,  pour  être  heureux  , 
que  de  perdre  le  fouvenir  de  fa  grandeur 
paiîee.  Il  mourut  l'an  1459  à  l'âge  de  yj 
ans.  Ce  prince  étoit  plus  foible  que  mé- 
chant ,  plus  furieux  qu'opiniâtre.  Le  re- 
pentir fuivoit  de  près  les  effets  de  fa  co- 
lère ;  brave  ,  mais  ignorant  Part  de  con- 
duire une  armée  ;  connoifïànt  les  intérêts 
des  puifîànces ,  mais  n'ayant  pas  étudié  le  j 
cœur  humain  ;  fait  pour  régner  fur  un 
peuple  tranquille  ,  le  fardeau  de  trois  cou- 
ronnes étoit  au  defîtis  de  fes  forces.  Son 


E  R  I 

voyage  en  Paleftine  fut  fa  plus  grande  faute 
&  i'époque  de  tous  fes  malheurs.  Peu  s'en 
fallut  même  que  le  retour  ne  lui  fût  fermé 
pour  jamais.  Il  étoit  à  Bude.  Un  Syrien  le 
fie  peindre,  envoya  fon  portrait  dans  fa 
patrie  ,  &  avertit  fes  amis  que  cet  homme , 
deguifé  fous  l'habit  de  pèlerin  ,  étoit  le 
plus  puiflant  roi  du  Nord.  Il  fut  arrêté 
dès  qu'il  parut  en  Syrie  ;  on  alloit  le  traî- 
ner devant  le  fultan.  Mais  il  favoit  que 
dans  Porient  ,  comme  dans  le  nord  ,  le 
plus  taiouche  fatellite  n'eft  pas  infenfible 
à  l'appât  de  l'or  ;  il  racheta  fa  liberté  par 
fes  largefîès.  (M.  DE  SACY.  ) 

ERIC  III  ,  furnommé  le  f âge  9  ÇHifl.  de 
Sueae.  )  roi  de  Suéde  ,  defeendoit  d'une 
tamille  iiluftre  en  Norwege.  Gother  ,  roi 
de  cette  contrée  ,  qui  afpitoit  non  feule- 
ment à  s'affranchir  du  tribut  qu'il  payoit 
au  Danemarck  ,  mais  même  à  s'emparer 
de  cette  couronne  ,  l'envoya  à  la  cour  de 
Frothon  III  vers  le  commencement  de  l'ère 
chrétienne.  Il  devoit  examiner  les  forte- 
refîès  du  royaume  ,  parcourir  les  côtes  , 
épier  les  lieux  propres  à  la  defeente  ,  fé- 
duire  les  courtifans ,  &  former  un  parti 
pour  fon  maître  dans  les  palais  même  de 
fon  ennemi.  Eric  étoit  infinuant  ,  avoit 
l'extérieur  doux  ,  un  langage  emmiellé  , 
une  figure  intérefTànte  ;  fon  air  de  fran- 
chife  commençoit  la  perfuafion  ,  fon  élo- 
quence faifoic  le  refte.  «  II  venoit  difoit- 
»  il ,  à  la  cour  de  Danemarck  pour  ad- 
»  mirer  le  jeune  roi ,  profiter  des  Iumie- 
»  res  de  fes  roiniftres  ,  étudier  les  progrès 
)>  des  arts  ,  &  enrichir  fa  patrie  des  con- 
»  noiffances  qu'il  venoit  puifer  parmi  les 
»  Danois.  »  Frothon  fut  bientôt  pris  à 
l'appât  de  fes  louanges  ,  &  lui  donna  fa 
confiance.  Les  courtifans  ne  l'eurent  pas 
plutôt  vu  ,  qu'ils  l'eflimerent  &  jurèrent  fa 
perte.  Grépa  offrit  au  roi  de  l'affafîîner  J 
le  prince  rejeta  cette  offre  avec  horreur. 
£Wc_,ponr  fe  venger ,  aceufa  ce  minifrre  d'un 
commerce  criminel  avec  la  reine.  On  ordon- 
na un  duel  :  Eric  fut  vainqueur;  mais  fi  fa 
vicloire  étoit  la  feule  preuve  62s  défordres 
de  la  reine  ,  cette  aceufation  pouvoit  bien 
être  une  calomnie.  D'autres  guerriers  pri- 
rent la  défenfe  de  la  reine  ;  Eric  combattit 
&  triompha  encore.  Frothon  fe  crut  trop 
heureux  de  pofféder   à    fa   cour  un  tel 


E  RI 

hsmme  ;  il  en  fit  f->n  miniftre  :  Eric  aima 
mieux  régner  en  Danemarck  fous  le  nom 
de  ce  jeune  prince  ,  que  d'être  confondu 
en  Norvège  dans  la  foule  des  courtifans. 
Il  rétablit  l'ordre  dans  les  finances  ,  donna 
aux  loix  une  vigueur  nouvelle  ,  rendit 
aux  armes  Danoifes  leur  premier  luftre  ; 
Frothon  paya  tant  de  fervices  en  lui  faifant 
époufer  fa  fœur  ,  &  le  dépura  vers  Gother 
pour  demander  ,  en  fon  eo.ti  ,  Àlvide  , 
fille  de  ce  prince.  Gother  conçut  tout-à- 
coup  dans  (on  cœur  une  paffion  violente 
pour  Gonnara  ;  c'étoit  ainfi  que  fe  nom- 
moit  l'époufe  d'Eric  ,  qui  l'avoit  fuivi  dans 
fon  ambaifàde.  Gother  fit  à  ce  miniftre 
une  propofition  qui  peint  bien  les  mœurs 
barbares  de  ce  fiecle.  «  Cede-moi  ta  femme , 
»  lui  dit-il ,  &  je  te  donnerai  en  échange 
»  pour  toi-même  cette  Alvide  ,  que  tu 
fi  viens  demander  pour  ton  maître.  »  Eric 
promit  de  lui  rendre  fa  réponfe  dans  peu 
de  jours  ;  il  profita  de  ce  délai  pour  enlever 
Alvide  ,  &  l'amena  en  Danemarck.  Quel- 
que temps  après ,  les  Huns  vrnrent  avec 
une  flotte  nombreufe  attaquer  celle  des 
Danois  ;  Eric  difperfa  ,  prit  ou  brûla  leurs 
vaifïeaux  ,  &  ramena  prifonnier  Olimar  , 
leur  amiral.  Delà  ,  il  pafTà  en  Suéde  ,  ap- 
pella  le  roi  Alric  en  duel  ,  fut  blefle  du 
premier  coup  ,  tua  fon  ennemi  du  fécond  , 
&  pour  prix  de  cette  victoire  ,  reçut  des 
mains  de  Frothon  la  couronne  de  Suéde  ; 
il  ne  fut  point  ingrat  ,  il  fecourut  ce 
prince  contre  les  Norvégiens  ,  &  lui  fit 
remporter  une  victoire  éclatante  ,  lui 
donna  les  confeils  les  plus  fages  ,  &  du 
fein  de  fes  états ,  gouverna  encore  ceux 
de  fon  bienfaiteur.  Il  avoit  un  frère  nommé 
Roller.  Celui-ci  donnoit  des  efpérances  arTez 
belles  ,  mais  inférieures  à  celles  qu'Eric 
avoit  déjà  remplies.  Frothon  entreprit  de 
le  placer  fur  le  trône  de  Norvège  ,  & 
réuflit  ;  mais  bientôt  fes  fujets  fe  foule- 
verent  ;  Frothon  marcha  à  fon  fecours 
avec  une  armée  navale  ,  engagea  une  ac- 
tion générale  :  la  victoire  balança  long- 
temps ;  elle  penchoit  vers  les  Norvé- 
giens ,  Iorfqu\Er/c  parut  avec  quelques  vaif- 
feaux  ,  &  mit  les  Norvégiens  en  fuite. 
Cependant  Frothon  mourut  ,  &  Eric 
n'eut  pas  ,  pour  les  fuccefleurs  de  ce  prin- 
ce ;    tout  le  refpeet  qu'il  avoit  eu  pour 


ERI  93j 

lui-même  :  fous  Haral  II  il  fit  une  irrup- 
tion dans  le  Danemarck  ,  conquit  ce 
royaume  en  peu  de  jours  ,  &  le  perdit 
plus  rapidement  encore  ;  il  reparut ,  tomba 
dans  une  embufcade  ,  fut  pris  les  armes  à 
la  main  ;  le  vainqueur  offrit  de  lui  IaifTer 
la  vie  &  de  lui  rendre  fes  états  s'il  vouîoit 
lui  payer  tribut ,  &  fe  reconnoître  vailàl 
de  fa  couronne.  Eric  préféra  la  mort  à 
l'ignominie  ,  Haraîd  le  fit  expofer  dans  un 
bois  aux  bêtes  féroces  ,  qui  le  dévorèrent. 
Telle  fut  la  fin  de  cet  homme  étonnant , 
dont  l'hiftoire  eft  trop  reculée  dans  les 
fiecles  de  barbarie  ,  pour  que  tant  d'aven- 
tures fingulieres  puhTent  mériter  une 
croyance  aveugle. 

Eric  IV ,  roi  de  Suéde  ,  étoitfils  d'Ag- 
nius  ;  il  lui  fuccéda  l'an  188  de  l'ère  chré- 
tienne ;  s'il  eût  été  feul  fur  le  trône  ,  il 
pouvoit  être  un  grand  prince  ;  mais  il  fut 
forcé  de  partager  le  pouvoir  fuprême  avec 
fon  frère  Alric  ;  loin  de  s'occuper  du  foin 
du  gouvernement ,  tous  deux  ne  fongerent 
qu'à  fe  nuire  ;  après  bien  des  tracafïèries  qui 
aviliffoient  la  majefté  de  leur  rang,  ils  en  vin- 
rent aux  coups,  combattirent  d'une  manière 
peu  héroïque ,  &  fe  tuèrent  tous  deux. 

Eric  V  ,  VI ,  VII  &  VIII  ,  ne  firent 
rien  de  mémorable. 

Eric  IX  ,  roi  de  Suéde.  Après  la  mort 
de  l'infortuné  Suercher  ,  afîafîiné  vers  l'an 
ii  49  ,  les  Suédois  6V  les  Goths  s'afîembie- 
rent  pour  élire  un  roi;  les  fuffrages  furent 
partagés.  Les  Goths  ,  à  qui  la  mémoire  du 
feu  roi  étoit  chère  ,  proclamèrent  Charles 
fon  fils  ;  les  Suédois  couronnèrent  Eric  y 
fils  de  Jefvard  ;  cette  double  élection 
alloit  former  deux  royaumes  ,  &  féparer 
deux  nations  qui  dévoient  n'en  faire 
qu'une  ;  les  fages  repréfenterent  les  fuites 
funefles  de  cette  diviflon  ;  que  les  deux 
rois  ,  nés  ennemis  l'un  de  l'autre  ,  fe  fe- 
roient  une  guerre  opiniâtre  ;  que  les  deux  , 
victimes  de  leurs  querelles  ,  fe  détruiroient 
!  par  leurs  propres  mains  ,  au  lieu  de  fe  réu- 
!  nir  comme  ils  avoient  fait  jufqu'âlors  pour 
la  défenfe  commune.  Leur  fentiment  fut 
approuvé  ;  mais  à  une  décifion  dangereufe 
on  en  fubftitua  une  plus  dangereufe  encore. 
Eric  devoit  régner  feul  fur  les  deux  na- 
tions ,  Charles  devoit  lui  fuccéder ,  &  leurs 
defcendants  dévoient  occuper  le  trône  tour- 


9]6  E  R  I 

à- tour  ;  Eric  fubjugua  la  Finlande  ,  & 
prêcha  l'évangile  l'épée  à  la  main  dans  fa 
conquête  ;  il  crut  que  cette  expédition 
fuffifoit  à  la  gloire  de  les  armes.  Défor- 
mais il  s'occupa  du  bonheur  de  fes  états  ; 
réunit  les  anciennes  loix  dans  un  feul  code  , 
connu  fous  le  nom  de  *S'.  Eric  lag  ,  c'eft- 
à-dire  ,  loi  de  S.  Eric.  Il  fonda  des  églifes 
&  des  monafteres  ;  il  détruifit  les  brigands , 
éclaira  les  démarches  des  plus  fortunés  fcé- 
lérats  ,  fut  le  fléau  du  vice  &  l'appui  de 
l'innocence  ;  les  mœurs  &  la  juftice  étoient 
alors  fi  peu  refpec"tées  ,  que  ce  prince  équi- 
table fut  un  tyran  aux  yeux  de  la  moitié 
de  la  nation.  Les  rebelles  appelèrent  Sca- 
teller  ,  roi  de  Danemarck  ,  &  Magnus  fon 
fils  ;  Eric  y  forcé  de  combattre  avec  peu 
de  troupes  contre  les  forces  réunies  de  fes 
fujets  &  des  Danois  ,  voulut  mourir  en 
roi  au  champ  d'honneur.  Il  s'avança  dans 
la  plaine  d'Upfal  ,  la  bataille  fe  donna  , 
Eric  enveloppé  par  dix  guerriers ,  fe  dé- 
fendit en  héros ,  &  mourut  percé  de  coups  ; 
les  vainqueurs  lui  tranchèrent  la  tête.  Ce 
fut  vers  l'an  1160  que  ce  bon  prince  périt 
viclime  de  fon  amour  pour  la  juflice. 

ERIC  X  ,  roi  de  Suéde  ,  étoit  fils  de 
Canut  Erifcon.  Après  la  mort  de  ce  prince 
vers  1191  ,  Suercher  ,  fils  de  Charles ,  fut 
élu  ;  Eric  étoit  réfolu  d'attendre  ,  d'après 
le  traité  dont  nous  avons  parlé  ci-deflus  , 
que  la  mort  de  celui-ci  lui  laifsât  la  cou- 
ronne. Mais  les  Suédois  furent  plus  impa- 
tiens que  lui  ;  fatigués  du  joug  de  Suer- 
cher ,  ils  proclamèrent  Eric  ;  fon  concur- 
rent pafTa  en  Danemarck  ,  revint ,  perdit 
une  bataille  ,  s'enfuit  ,  reparut  encore  à  la 
tête  d'une  armée ,  fut  vaincu  dans  le  même 
lieu  ,  &  périt  les  armes  à  la  main.  Quoi- 
que couronné  par  la  fortune  ,  deux  fois 
vainqueur  &  tout-puifîànt ,  Eric  confentit 
à  renouveller  avec  les  enfans  de  fon  enne- 
mi ,  le  traité  qui  appelloit  les  deux  familles 
au  trône  tour-à-tour.  Ce  prince  pafTa  le 
refie  de  fa  vie  dans  un  calme  qui  fit  fon 
bonheur  &  celui  de  fes  fujets.  Il  mourut 
vers  lui. 

Eric  XI  ,  roi  de  Suéde  ,  furnommé 
JLeipfe  ,  éroit  fils  du  précédent.  Il  étoit 
bègue  &  paralytique  :  telle  eft  l'origine  de 
fon  furnom.  I!  fut  fur  le  trône  tout  ce 
qu'un  homme  fi  difgracié  de  la  nature  pou- 


E  R  I 

voit  être.  Il  bégayoit  fes  ordres  ,  maïs  il 
avoit  l'art  de  les  faire  exécuter;  incapable 
d'agir  par  lui-même  ,  il  avoit  le  coup  ci'œil 
fur  dans  le  choix  dos  minières  qui  agifToient 
en  ion  nom. 

La  maifon  de  Folkunger  étoit  alors  fi 
puiflànte  en  Suéde  ,  qu'elle  afpiroit  au 
trône  ,  &  ne  difïimuloit  pas  fes  préten- 
tions ;  Eric  trop  foible  pour  abattre,  par 
un  coup  d'autorité  ,  l'audace  de  cette  fa- 
mille ,  tâcha  de  la  gagner  par  les  bienfaits  ; 
il  maria  fes  fœurs  Hélène  &  Mirette  à  Ca- 
nut &  à  Nicolas  de  Tofta  ,  &  époufa  lui- 
même  Catherine  ,  fille  de  Suenon  Folkun- 
ger ,  qui ,  pour  être  reine  ,  ne  refufa  point 
d'entrer  dans  le  lit  d'un  paralytique.  Le 
roi  fe  repentit  bientôt  d'avoir  élevé  cette 
famille  ;  elle  fe  forma  un  parti ,  fouleva  la 
nation  ,  &  lui  mit  les  armes  à  la  main 
contre  fon  roi.  Canut  Folkunger  étoit  à  la 
tête  de  la  révolte  ;  il  préfenta  la  bataille  à 
Eric;  la  fortune  ne  fe  décida  point  pour 
la  bonne  caufe  ;  Eric  fut  vaincu  ,  s'enfuit 
en  Danemarck  ;  &  tandis  que  Canut  fe 
faifoit  proclamer  par  une  multitude  infen- 
fée  ,  il  reparut  à  la  tête  d'une  armée  Da- 
noife  ,  gagna  une  bataille  fur  Canut  ,  fit 
trancher  la  tête  au  fils  de  ce  rebelle ,  força 
la  nation  à  rentrer  dans  le  devoir  ,  &  re- 
conquit fes  états  ;  il  fit  partir  aulli  -  tôt 
Birger-jerl  ,  l'un  de  fes  parens  ,  à  la  tête 
d'une  armée  ,  pour  foumettre  les  Trawaf- 
tiens  ;  c'étoientdes  peuples  de  Finlande  qui 
étoient  encore  plongés  dans  les  ténèbres 
de  l'idolâtrie.  Mais  ces  guerriers  étoient 
d'étranges  convertifîeurs.  Jamais  Mahomet 
ne  cimenfa  d'autant  de  fang  les  fondemens 
de  fa  religion  C'étoit  le  fer  &  la  flamme 
à  la  main  qu'on  annonçoit  à  ces  peuples 
innocens  un  Dieu  mourant  pour  fes  enne- 
mis. Hommes ,  femmes,  enfans  ,  vieillards, 
tout  ce  qui  rejeta  l'évangile  fut  impitoya- 
blement mafTacré.  Les  ruines  de  leurs  mai- 
fons  leur  fervirent  de  tombeaux  ,  &  ce  fut 
avec  ces  débris  enfanglantés  que  ces  monf- 
tres  ,  tout  dégouttans  de  carnage ,  élevè- 
rent des  temples  au  Dieu  de  paix  qu'ils 
venoient  annoncer.  Eric  ne  fut  ni  l'auteur 
ni  le  t-moin  de  cette  barbarie;  ces  hor- 
reurs fe  paiîerent  loin  de  lui  ;  il  mourut 
avant  même  d'en  recevoir  la  nouvelle  Tan 
■'  1250,  Il  ne  laifîa  point  de  poftérité. 

Eric 


E  R  I 

Eric  XII ,  roi  d'une  partie  de  la  Suéde  ; 
il  étoit  fils  de  Magnus  &  de  la  reine  Blan- 
che :  né  avec  des  difpofitions  heureufes  , 
une  ame  fenfible,  &  des  talens  précoces  , 
fon  ambition  excitée  par  les  flatteries  des 
courtifans  intéreffés  à  troubler  l'état,    fit 
bientôt  de  ce    prince   un  fils  dénaturé.  Il 
eut  un  parti  dès  qu'il  en  demanda  un.  Sa 
jeunefîè  ,  fes  grâces  ,  tout  attiroit  les  cœurs 
de  fon  côté  ;  Te  peuple  courut  aux  armes  : 
le  jeune  Eric  }  fans  remords,  fans  crainte  , 
marcha  contre  fon  père.  Magnus  chercha 
des  amis   dans  le  Danemarck  ;  c'étoit  la 
refTource  ordinaire  des  fouverains  Suédois, 
lorfque  leurs  fujets   fe  fouîevoient  contre 
eux  :  les  rois  de  Danemarck  fuivoient  auffi 
cet  exemple,  &  châtioient  l'indocilité  de 
leurs  fujets  en  armant  la  Suéde  contre  les 
rebelles.  On  alloit  en  venir  aux  mains,  lorf- 
qu'Eric  _,  duc  de  Mecklenbourg  ,  &  Adol- 
phe ,  comte  de   Holftein  ,   offrirent    leur 
médiation  pour  la  paix  ;  elle  fe  fit ,  mais 
à  des  conditions  très-dures  pour  Magnus. 
On  lui  laifïbit ,  il  eft  vrai ,  l'Uplande ,  la 
Gothie  ,  le  Wermland ,  la  Dalécarlie ,  la 
Gothie    occidentale,    fille  d'Oéland,   & 
une  partie   de   la  province  de   Halland  ; 
mais  il  fut  contraint  de  laiffer  à  fon  fils  la 
Scanie  ,  le  Blecking  ,  le  refte  du  Halland , 
la  Smalandie  &   la  Finlande.  Ce  fut  en 
I3H  <ïue  ^ut  conclu  ce  traité,  auffi  dan- 
gereux pour  la  Suéde  ,  qu'injurieux  à  l'au- 
torité paternelle.    Eric  jouit  peu  de  fon 
ufurpation  ,  il  mourut  vers  l'an  1356;  on 
ignore    le    genre  de  fa  mort.   PufFendorf 
affure  ,  un  peu  légèrement ,  que  fa  mère  , 
jaloufe  de  l'eftime    publique   que  fon   fils 
avoit  fu  gagner,  le    fit  empoifonner;  on 
ne  doit  point  hafarder  ,  fans   preuve  ,  des 
faits  révoltans  qui  outragent  la  nature  ;  les 
récits  des  autres  hiftoriens ,  quoiqu'oppofés 
entr'eux  ,  font  cependant  plus  probables  : 
les  uns  veulent  qu'Eric  foit  mort  naturel- 
lement .  &   que   les  ennemis  de  la  reine 
aient  faifi  cette  occafion  de  la  calomnier  ; 
d'autres  prétendent  qu'Eric,  devenu  im- 
périeux &  féroce  ,  fut  égorgé  par  fes  fu- 
jets. Il  eft  aflèz  vraifemblable  qu'un  prince 
qui    haïfïoit   fon   père,   n'aimoit   pas  {es 
peuples. 

Eric  XIII ,  voye^  ci-defus  Eric  VIII, 
duc  de  Poméranie  ,  roi  de  Danemarck , 
Tome  XII, 


E  R  I  937 

de  Suéde  &  de  Norvège ,  huitième  roi 
de  ce  nom  en  Danemarck  ,  &  le  treizième 
en  Suéde. 

Eric  XIV  étoit  fils  de  ce  Guftave-Vafa , 
qui  fut  le  deftructeur  de  l'union  de  Calmar , 
le  vainqueur  de  Chriftiern  II ,  &  le  libéra- 
teur de  la  Suéde.  Il  fuccéda  à  ce  grand 
homme  fan  1560,  &  refpecla  peu  fes  der- 
nières volontés  ;  il  fit  infirmer  par  les  états 
tous  les  articles  du  teftament  qui  lui  pa- 
roifïbient  trop  favorables  à  fes  frères  &  à 
fes  fœurs.  Il  rendit  les*  comtés  &  les  ba- 
ronnies  héréditaires  dans  les  familles  ;  ces 
titres  avoient  été  jufqu'alors  attachés  à  cer- 
taines charges.  La  Livonie  étoit  le  théâtre 
de  la  guerre  ;  trois  parties  de  cette  pro- 
vince s'étoient  mifes  fous  la  protection  de 
trois   puifîànces  ,  qui   y   fomentoient   les 
divifions  le   plus  funeftes  :   Eric  défendit, 
contre  la  Pologne  ,  la  ville  de  Revel ,  & 
la  nobleffe  d'Efthonie  ;  les  Suédois  avoient 
encore  préfens  à  leur  mémoire  les  exem- 
ples cle   Guftave ,  fon  génie  fembîoit  les 
animer  ;  ils  chafferent    les  Polonois  ,    & 
continrent    les   Danois.  Eric  fe  perfuada 
que  ce  fuccès  étoit  un  titre  pour  prétendre 
à  la  main  de  l'augufte  Elifabeth  ,  qui  gou- 
vernoit  alors  l'Angleterre  ;   il  s'embarqua 
pour  aller  l'époufer  ,  mais  les  vents  le  re- 
jetèrent fur  les  côtes  de  Suéde  :  iï  perdit 
bientôt  de  vue  ce  projet  formé  par  l'amour 
ou  par  l'ambition,  &  peut-être  par  ces  deux 
paffions  à  la  fois.  Ce  prince ,  auffi  impru- 
dent que  volage,  voulut  gêner  le  commerce 
des  villes  anféatiques  ,  &  les  empêcher  de 
traiter  avec  la  Mofcovie  :  Frédéric  ,  roi  de 
Danemarck ,  défefpérant  de  récablir  jamais 
l'union  de  Calmar ,  voulok  au  moins  ra- 
vager des  états  qu'il  ne  pouvoit  conquérir. 
II  déclara  la  guerre  au  roi  de  Suéde  ;  ces 
deux  nations  ne  manquoient  point  de  pré- 
textes   pour  s'entr'égorger  ;  quand  il  n'y 
avoit  point  de  différents  nouveaux  ,  on  ré- 
veilloit  les  anciennes  querelles.  Au  milieu 
de  ces  troubles  défaftreux  ,  Eric  s'occupoit 
de  projets  galans ,  ofTroit  fon  cœur  tour-à- 
tour  à  Marie ,  reine  d'EcofTe ,  à  la  princeflè 
de  Lorraine  ,  fille  de  Chriftiern  II ,  &  par 
un  penchant    irréfiftible,  rerournoit  à  la 
reine  Elifabeth.  Tandis  qu'il  nouoit  ces  in- 
trigues &  qu'il  effuyoit  des  refus ,  la  Mot 
covie ,  la  Pologne  &   le  Danemarck  f§ 
Cccccç 


9)8  E  R  I 

liguoient  contre  lui,  &  fon  frère  Jean  épou- 
foic  une  princefTe  de  Pologne.  Eric  tenta 
en  vain  de  décacher  le  Danemarck  de  cette 
ligue  ;  fes   ambaffadeurs  furent  arrêtes  à 
Copenhague.  Le  roi  devint  furieux  à  cette 
nouvelle,  &  ce  délire  ne  fut  pas  un  trans- 
port momentané'.  Réfolu  de  Sacrifier  fon 
frère  ,  il  le  fit  affliger   dans    le   château 
d'Aboo  ;  après  une  défenfe  de  trois  mois  , 
ce  prince  fut  pris  ,  conduit  à  Stockolm  & 
condamné  à  perdre  la  tête  comme  rebelle  ; 
Eric  lui  accorda  la  vie  ,    mais  il  le  con- 
damna à  languir  dans  uneprifon  perpétuelle, 
fit  périr  plus  de  cent  de  fes  domefliques , 
condamna  aux  mines  ou  bannit  pour  jamais 
le  refte  de  fes  partifans.  La  vie  de  l'infortuné 
Jean  n'étoit  pas  en  fureté  dans  fon  cachot; 
'Eric  croyoit  àl'aftrologie  judiciaire  ;  de  mi- 
férables  charlatans  s'efforçoient  de  lui  per- 
fuader  que  fon  frère  devoit  un  jour  lui  don- 
ner la  mort,  &  fa  crédulité  penfa  lui  faire 
commettre  un  fratricide.  Une  victoire  na- 
vale remportée  fur  les  Suédois  n'effraya  point 
Frédéric  :  la  guerre  continua.  Ericy  toujours 
impatient  de  fe  marier ,  envoya  des  am- 
bafTadeurs  en   même  temps  à  la  cour  de 
HefTe  &  à  celle  de  Londres  ;  les  lettres  fu- 
rent interceptées  ,  &  les. deux  rivales  con- 
çurent un  mépris  égal  pour  ce  prince. 

Cependant  la  réputation  des  armes  Sué- 
doifes  commençoit  à  fe  rétablir;  l'amiral 
Nicolas  Horn  remporta  de  grands  avanta- 
ges, prit,  difperfa  ou  fit  périr  plusieurs  ef- 
cadresDanoifes;tout  le  nord  delà  province 
de  Halland  fut  conquis  ,  on  fe  livra  ,  fous 
les  murs  deWarberg,  un  combat  opiniâtre , 
où  huit  mille  hommes  relièrent  fur  le  champ 
de  bataille,  fans  qu'aucun  des  deux  partis 
put  fe  flatter  d'être  vainqueur.  Cependant 
la  pefte  caufa  des  ravages  déplorables  dans 
l'armée  Suédoife  ;  d'un  autre  côté  la  Aorte 
Danoife  alla  fe  brifer  fur  les  côtes  de  fille 
de  Gothland ,  &  couvrit  le  rivage  de  fes 
débris  :  Eric  dans  la  capitale  ,  effrayoit  fes 
ftijets  par  des  actes  de  Cévérité  les  p!u5  im- 
pofans  ?  il  fit  traîner  Nils-Sture  avec  igno^ 
minie  dans  les  carrefours  de  Stockolm 
pour  n'avoir  pas ,  difôit-i! ,  montré  affez  de 
courage  dans  un  combat.  Son  defïèin  éroit 
d'avilir  ce  feigneur  ,  que  fa  naifïance ,  fon 
crédit,  fesrichefies,fonambifion  rendoient 
tfongereux.  Couvert  de  honte  &  de  ridicule , 


E  R  I 

il  perdit  en  un  jour  tout  Pafcendant  qu'il 
avoit  fur  l'efprit  du  peuple. 

Ce  coup  d'erat  indifpofa  la  nation  :  le 
penchant    du   roi   pour  des  femmes  nées 
parmi  le  peuple,  la  facilité  avec  laquelle  il 
fut  la  dupe  d'un  fourbe  obfcur  qui  venoit , 
difoit-il  ,  au  nom  des  Norwégiehs  lui  fou- 
mettre  ce  royaume  ;  la  foi  robufte  qu'il  avoit 
pour  l'aftroiogie  ,  quelques  accès  de  délire 
qui  troubloient  fa  raifon  ,  la  pitié  qu'infpi- 
roit  le  duc  Jean  toujours  captif,  la  dureté 
avec  laquelle  le  roi  perfécuta  la  famille  de 
Nib-Sture,îa  bafîeiTe  qu'il  montra  en  lui 
demandant  pardon  ,  la  mort  de  ce  feigneur 
afTaiTiné  de  la  main  du  roi  mime  ,  la  gran- 
deur d'ame  avec  laquelle  cet  infortuné  retira 
le  poignard  de  fa  plaie  ,  le  baifa  &  le  rendit 
au  roi  ;  enfin ,  le  précepteur  8 Eric  maffacré 
par  les  ordres  de  ce  prince  pour  lui  avoir 
reproché  fon  crime  ;  tant  de  motifs  réunis 
révoltèrent  tous  les  cœurs.  Eric  odieux  à 
lui-même  comme  à  Ces  fujets ,  déchiré  de 
remords  ,  s'enfuit ,  erra  dans  la  campagne , 
&  fut  ramené  dans  fon  palais  par  fa  maîtrefïè 
Catherine  ,  fille  du  peuple  ,  qu'il  avoit  en- 
levée dans  un  marché  pour  la  placer  fur  fon 
trône.  Il  crut  regagner  les  cœurs  aliénés  en 
brifant  les  fers  de  fon  frère  ;  il  exigea  de 
lui  un  ferment  de   ne  jamais    afpirer  à  la 
couronne.  Le  peuple    parut  en  effet  voir 
Eric  d'un  œil  moins  ennemi;  mais  le  meurtre 
de  Martin  Helfmg ,  qu'Eric  tua  pour  avoir 
.  ofé  lui  confeiller  de  fe  livrer  moins  à  fon 
favori  Joran  Peerfon  ;  la  puiffance  abfolue 
qu'il  accorda  à  ce  nouveau  parvenu  ,  firent 
une  nouvelle  révolution    dans   les   efprits. 
L'étendard  de  la  révolte  fut  levé  ;  les  chefs 
étoient  les  ducs  Jean  &  Charles  ,  frères  du 
roi ,  Steen  Ericfon  &  Thurebielk.  Ils  cou- 
rurent de  conquêtes  en  conquêtes ,  toutes 
les  villes  leur  ouvroient  leurs  portes  ,  toutes 
les  troupes  â'Eric  défertoient  pour  paffèr 
dans  leur  camp  ;  enfin ,  ce  prince  fut  afîîége 
dans  Stockolm  ;  fes  défenfeurs   étoient  fes 
plus  grands  ennemis;  ils  livrèrent  la  capitale 
aux  rebelles  ;  Eric  s'enfuitdans  le  ohâfeau; 
forcé  de  fe  rendre,  il  vit  tous  les  ordres  de 
l'état  renoncer  à  la  fidélité  qu'ils  lui  avoient 
jurée  ,  &  fut  reconduit  prifonnier  dans  le 
château.  Jean  fut  donc  reconnu  Tan  1 568  ; 
Eric  vécut  dix  ans  dans  fa  prifon  ;  il  tenta 
'  plus  d'une  fois  de.  s'évader.   Une  nation 


E  R  I 

fenfibîc  oublia  bientôt  les  crimes  de  ce 
prince  ,  &  ne  vit  que  fes  malheurs  ;  la  com- 
paflion  fuccéda  à  la  haine  ,  les  querelles  de 
religion  formoient  des  partis  dans  l'état  : 
quelques  efprits  remuans  partaient  de  re- 
placer Eric  fur  le  trône  ;  Jean  fon  frère  le 
fit  empoifonner  l'an  1 578  ;  ce  qu'il  y  a  de 
plus  étonnant ,  c'tft  que  les  principatsx  fé- 
nateurs  y  confentirent;  fon  cadavre  fut  ex- 
pofé  à  la  vue  du  peuple ,  de  peur  que  quel- 
que fourbe,  profitant  de  quelques  traits  de 
reffemblance  ,  ne  vînt  fous  le  nom  d'Eric  y 
ameuter  le  peuple.  Telle  fut  la  fin  déplo- 
rable de  ce  prince  qui  feroit  regardé  comme 
un  monftre  ,  fi  fes  crimes  avoient  été  ré- 
fléchis ;  quand  fon  fang  s'allumoit,  il  n'étoit 
plus  le  maître  de  fes  tranfports,  &  pour 
l'honneur  de  l'humanité  ,  il  vaut  mieux  le 
croire  fou  que  méchant.  CM.  de  Sacy.) 
$.  ERICHTON  ,  ÇAftron.)  nom  que 
l'on  donne  quelquefois  à  la  conftellation 
du  cocher.  Cet  Erichcon  étoit ,  non  le  fils 
de  Dardanus  ,  mais  un  roi  d'Athènes  qui 
fut  déifié  comme  l'inventeur  de  plufîeurs 
arts  utiles  ,  &  fur-tout  de  celui  des  chars  : 
c'eft  celui  dont  parle  Virgile  dans  les  vers 
fuivans  : 

Primus  Erichthonïus  currus  &  quatuor  au1,  ut 
Jungere  equos  ,  rapidifque  rôtis  infiftere  riHor. 

Ceorg.  III.  113. 

ERICHTHONÏUS y  Ç Aftron.)  nom 
d'une  conftellation  aftronomique ,  qui  eft  la 
même  que  le  cocher,  auriga.  Voye[  Co- 
cher. (O) 

ERIDAN  ,  f^/rVo/O  conftellation  mé- 
ridionale que  l'on  appelle  aujffi  Padus  y  le 
Pôy  Nilusy  mehy  gijon,  mulda  &  oceanas. 
Phaëton  fils  du  foleil ,  fi  célèbre  dans 
l'antiquité  ,  s'appeîloit  d'abord  Eridan  ;  il 
donna  fon  nom  à  un  grand  fleuve  d'Italie, 
où  il  avoitété  ,  dit- on  ,  noyé  après  fa  chute  ; 
&  comme  les  Egyptiens  rendoient  au  fleuve 
du  Nil  une  efpece  de  culte ,  on  a  auiTi  pré- 
tendu que  c'éroit  ce  fleuve  bienfaifant  dont 
iîs  avoient  voulu  confscrer  l'image  parmi 
les  aftres ,  &  qne  les  Grecs  avoient  tranf- 
porté  à  leur  hifroire.  Cette  confîellation 
contient  56  étoiles  dans  le  catalogue  de 
M.  de  la  Caille  :  la  plus  belle  *  ou  echernar 
eft  de  première  grandeur  ;  forr  afcerffion 


E  R  I  939 

droite  en  17^0 ,  étoit  de  i2d  5'  44" ,  &: 
fa  déclinaifon  58d  30'  $0"  méridionale 
(M.  de  la  Lande.) 

ÉRIDAN  ,  f.  m.  (Gtogr.)  ancien  nom 
du  Pô,  que  Virgile  appelle  le  roi  des  fleuves 
C  Géog.  liv.  I  y  q8z  ).  Les  «poètes  l'ont 
rendu  célèbre  par  la  fable  de  la  chute  de 
Phaëton.  Vqyei  la  peinture  de  Lucain  dans 
fa  Pharfale  de  la  traduction  de  Brébeuf, 
qui  eft  un  bon  morceau  dans  cet  endroit. 
Voye\  le  diclionn.  de  Trévoux.  Article  de 
M.  le  chevalier  de  J au  court. 

ÉRIE  ,  C  Géogr.  mod.  )  grand  lac  du 
Canada  ,  d'environ  300  lieues  de  circuit. 
^*  ËRIENS,  f.  m.  pi.  (Hift.  eccléf.) 
hérétiques  ainfii  nommés  d'Erius  l'ancien", 
qui  vivoit  fous  Vaîentinien  I  ,  l'an  349  de 
J.  C.  Il  prétendoit  qu'il  n'y  avoit  aucune 
différence  entre  un  évêque  &  un  ancien  ; 
que  les  évcques  ne  pouvoient  conf-'rer  l'or- 
dre ;  que  la  prière  pour  les  morts  étoit 
fuperflue  ;  qu'il  ne  falloit  prefcrire  aucun 
jeûne  ;  &  qu'il  ne  falloit  laifTer  approcher 
de  la  fainte  cène ,  que  ceux  qui  avoient: 
abfolument  renoncé  au  monde. 

ÉRIGER  ,  v.  ad.  terme  qui  dans  Varc 
de  bâtir  y  fîgnifie  élever;  ainfion  dit,  ériger 
un  mur  ,  ériger  un  pan  de  bois  ,   &c. 

ERIGNE  ou  AIRIGNE ,  f.  f  f.  petit 
inftrument  de  chirurgie  y  terminé  par  un 
crochet ,  dont  on  fe  fert  pour  élever  & 
foutenir  des  parties  qu'on  veut  difféquer , 
afin  de  les  couper  plus  facilement. 

Il  y  a  des  érignes  fimples  qui  n'ont 
qu'un  crochet ,  &  des  double*  qui  en  ont 
deux. 

Cet  inftrument  eft  compofé  de  deux 
parfie%,  de  la  tige  &  du  manche.  La  tige 
eft  une  pyramide  d'acier ,  exactement  cy- 
lindrique ,  qui  a  environ  trois  pouces  de 
long  ;  fon  extrémité  poftérieure  eft  une 
mitre  qui  eft  ordinairement  appuyée  fur 
uii  manche;  du  milieu  de  la  mitre,  & 
du  côté  poftérieur,  qui  eft  plane  &  limé 
grofïiérement ,  il  s'élève  une  foie  quarrée  , 
d'un  pouce  &z  demi  de  haut ,  qui  s'ajufle 
dans  le  manche  ,  &  y  eft  fixé  avec  du 
maftic. 

L'extrémité  .intérieure  eft  une  efpece 
d'aiguille  recourbée  ,  crochue  ,  &'  fort 
pointue  :  dans  Yérigne  double  ,  c'ell  une- 
fourché  ou  doublé  crdcnert 

Cccccc  1 


940  E  R  I 

Cet  inftrument  eft  monté  fur  un  manche 
d'ébene  ou  d'ivoire ,  qui  peut  avoir  fix 
lignes  de  diamètre*  dans  l'endroit  le  plus 
large  ,  &  trois  pouces  de  longueur;  il  eft 
fait  à  pans  ,  pour  préfenter  plus  de  furface , 
&  être  tenu,  avec  plus  de  fermeté. 

Cet  inftrument  donne  la  facilité  de  difîe- 
quer ,  &  d'emporter  de  petites  glandes 
gonflées ,  qui  ont  échappé  à  l'extirpation 
d'une  grofte  tumeur  ;  il  eft  aufti  d'ufage 
dans  l'opération  de  I'anevrifme  ,  pour  fou- 
lever  l'artère  ,  afin  d'en  faire  la  ligature  , 
fans  y  comprendre  le  nerf  &  la  veine.  On 
peut  fe  fervir  aufîi  d'une  érigne  d'argent , 
dont  la  pointe  foit  moufTe  dans  l'opération 
de  la  hernie ,  pour  faire  Fincifion  du  fac 
herniaire  ,  &c.  Cet  inftrument  fertplus  en 
anatomie  qu'en  chirurgie  ;  il  convient  fur- 
tout  pour  foulever  le  filet  nerveux  dans 
la  diftèclion  de  ces  parties.  Voye\  les  fig.  $ 
&   20  y  planche  XXVI  (Y) 

ERIGONE,  (Aftron.)  nom  que  l'on 
donne  àlaconftellationde  la  vierge.  Voyei^ 
Vierge  ,  (Aftr.)  (M.  de  la  Lande) 
ERINACEA.  f.  ZfHift.  nat.  bot.) 
genre  de  plantes  qui  différent  du  genifia- 
Jpartium  ,  en  ce  qu'elles  font  chargées 
d'épines.  Tournefort ,  infi.  rei.  herb.  Voye\ 
Plante.  (I) 

ERÏNACEUS,  f.  m.  (Hifi.  nat.  bot) 
genre  de  plante  qui  ne  diffère  à\ipolyporus> 
que  parce  que  la  partie  inférieure  du  chapi- 
teau eft  découpée  en  petites  dents  longues 
&  cylindriques ,  auxquelles  tiennent  des 
femences  rondes  ou  arrondies.  Nova  plant, 
amer,  gêner.  &c.  par  M.  Micheli.   (I) 

ERISSO ,  ÇGéogr.  mod.)  ville  de  Ma- 
cédoine, dans  la  Turquie  Européenne. 

ERISSON  ,  RISSON  ,  GRAPPIN  , 
f.  m.  (Marine.)  c'eft  une  ancre  à  quatre 
bras ,  dont  on  fe  fert  dans  les  bâtimens 
de  bas- bord,  &  dans  les  galères.  (Z) 

ERISTALIS,  f.  î.(Uifl.nat.)  pierre 
dont  parle  Pline  ,  liv.  XXXVII  y  ch.  x; 
il  dit  qu'elle  eft  blanche  ,  &  quand  on 
la  tourne  ou  incline ,  elle  paroît  prendre 
une  nuance  rougeâtre;  c'étoit  apparem- 
ment une  efpece  d'opale.  Voye\  Opale. 
ERIVAN,  (Géog.)  autrement  CHIR- 
VAN  ,  grande  ville  d'Afîe  dans  la  Perfe  , 
fur  la  rivière  de  Zengui ,  &  capitale  de 
l'Arménie  Perfienne ,  depuis  que  Cha-Sefi , 


E  R  M 

roi  de  Perfe  ,  l'enleva  aux  Turcs  en  163^  : 
eHe  eft  le  fiege  d'un  patriarche  Arménien. 
M.  Chardin  a  mieux  connu  Erivan  y 
qu'aucun  de  nos  voyageurs  ,  fuivanc  la 
remarque  de  M.  Tournefort.  Sa  long,  eft 
&3  i  z5i  lat-  4°  >  *°-  Elle  eft  bâtie  fur  une 
colline  ,  &  toute  remplie  de  jardins  &  de 
vignes ,  qui  produifent  de  très  -  bon  vin. 
Le  kan  ou  gouverneur  y  vient  feulement 
quelquefois  fe  rafraîchir  au  fort  des  cha- 
leurs, dans  des  chambres  qui  font  conf- 
truites  fous  le  pont  de  Zengui  :  fon  gou- 
vernement lui  vaut  vingt  mille  tomans,  & 
paffe  pour  un  fi  beau  pofte  ,  que  les  habitans 
du  pays  ne  connoiffent  rien  au  defïus.  C'eft 
fans  doute  par  cette  raifon  qu'une  femme 
$  Erivan  ,  qui  avoit  obtenu  une  grâce  du 
roi  de  Perfe,  lui  fouhaira  mille  fois,  dans 
les  bénédictions  qu'elle  lui  donna ,  que  le 
ciel  le  fît  gouverneur  à' Erivan.  Article  de 
M.  le  Chevalier  DE  J AU  court. 

ERKELENS  ,  ÇGéog.  mod.)  ville  du 
duché  de  Juliers  en  Aiface  L0112.  2.4.  8; 
lat.  $1  ,  6. 

ERLACH ,  (  Géog.  mod.  )  ville  du  can- 
ton de  Berne  ,  dans  la  Suifle. 

ERLANG  ,  (  Géog.  mod.  )  ville  du 
cercle  de  Franconie ,  en  Allemagne  ;  elle 
appartient  au  marquifat  de  Culemback  ,  & 
elle  eft  fituée  fur  la  Regnitz.  Long.  z8  y 
41;   lat.  49,  38. 

ERMELAND,  (Géog.  mod.)  petite 
contrée  du  Palatinat  de  Marienbourg ,  en 
Pologne. 

ERMES  ou  HERNES ,  adj.  (Jurifr.) 
terres  ermes  y  font  des  terres  défertes  & 
abandonnées  fans  aucune  culture  :  ce  mot 
paroît  venir  du  latin  eremus  y  qui  fignifie 
déjen  y  d'où  on  a  fait  herema  >  dont  il  eft 
parlé  dans  la  loi  4,  au  code  de  cenjlbus. 
Papon  les  appelle  aufîi  prcedia  herema;  & 
la  coutume  de  Bourbonnois,  terres  hermes  9 
en  Part.  53/  ,  fuivant  lequel  les  terres 
hermes  &  les  biens  vacans  font  au  feigneur 
jufticier.  Il  y  a  cependant  de  la  différence 
entre  les  terres  ermes  &  les  biens  vacans  : 
les  premières  font  des  terres  en  friche  & 
déCertes  ,  dont  ort  ne  connoît  point  le  der- 
nier poftèfîèifr  ;  au  lieu  que  les  biens  va- 
cans font  des  biens  qui  ne  font  réclamés 
par  perfbnn*  ,  comme  une  fucceffion  va- 
cante. (A) 


E  R  N 

ERMIN,f.  m.  (Comm.)  c'eft  ainfi 
qu'on  nomme  dans  les  échelles  du  Levant , 
&  particulièrement  à  Smyrne  ,  le  droit  de 
douane  que  l'on  paie  pour  l'entrée  &  la 
fortie  des  marchandifes.  Les  François  ont 
payé  longtemps  cinq  pour  cent  de  droit 
â'ermin,  tandis  que  les  Anglois  n'en  payoient 
que  trois.  Mais  en  vertu  des  capitulations 
entre  la  France  &  la  Porte  ,  renouvellées 
par  M.  de  Nointel  en  1673  ,  ce  droit  a 
Àtè  réduit  à  trois  pour  cent  en  faveur  des 
François ,  &  de  ceux  qui  vont  au  Levant 
fous  la  bannière  de  France.  On  paie  outre 
cela  un  droit  qu'on  appelle  le  droit  doré  , 
qui  va  environ  à  un  quart  par  cent.  Diction, 
du  Comm.  &  de  Cliambers.  (  G  ) 

ERMINETTE,  f.  f.  (  Menuiferie.  ) 
efpece  de  hache  un  peu  recourbée ,  à  l'ufage 
des  menuifiers  ;  ces  ouvriers  s'en  fervent 
pour  dégroffir  leur  bois. 

ERNAGIUM,(Géogr.  anc.)?to\omêe 
place  ce  lieu  parmi  les  villes  des  Salyes  : 
l'itinéraire  de  Bordeaux  à  Jérufalem  marque 
Vin  ,  à  compter  d*  Arelate,  celui  d'An- 
tonin  vu  ,  &  la  table  Théodofienne  vi 
milles  feulement.  Il  eft  placé  entre  Gianum 
&  Arelate  ;  ce  Gianum  auquel  Pline 
ajoute  le  nom  de  Livii,  n'eft  point  S.  Rémi 
en  Provence ,  comme  le  dit  M.  d' Anville  , 
&  prefquetous  les  géographes;  mais  il  étoit 
fur  un  coteau  au  fud  ,  à  près  de  demi- 
lieue  de  cette  ville  ,  où  font  deux  beaux 
monumens  antiques  que  j'ai  vus  avec  admi- 
ration en  .1769  ,  &  où  l'on  remarque  des 
reftes  de  la  voie  Romaine  ;  M.  de  Valois 
fe  trompe  encore  plus ,  en  plaçant  Gianum 
à  Lanfac  ,  entre  Tarafcon  &  Arles.  Pour 
Emagium  entre  Arelate  &  Gianum  ,  ce 
n'eft  ni  Orgo  ni  Vernegues  y  comme  l'ont 
cru  quelques  auteurs  ;  ils  font  trop  éloignés 
d'Arles ,  &  ne  font  pas  fur  le  chemin  an- 
cien qui  conduit  de  Cavaillon  à  Arles ,  en 
pafîànt  par  Gianum  :  c'eft  plutôt  Saint- 
Gabriel  dans  les  environs  d'Arles  ,  du  côté 
qui  tend  vers  Saint-Remi:  on  y  a  trouvé  une 
ancienne  infeription  rapportée  par  Scaliger 
dans  fes  notes  fur  AuÂTone ,  où  il  eft  fait 
mention  des  Ernanginenfes  :  &  focus  Ar- 
naginenfis  eft  mentionné  dans  la  vie  de 
Saint  -  Céfaire  d'Arles  ,  citée  par  Honoré 
Bouche.  Voyei  Not.  Gai.  d'Anville ,  pag. 
sl$z  >  &  le  cinquante  -  neuvième  vol.  des 


E  R  O  941 

mém.  Acad.  des  Belles-Lettres 3  /dit.  in- 1  z  9 

z773>P*g-  &3?>CC0 

ERNEE  ,  ÇGe'ogr.  mod.J  ville  du  Maine 
en  France  ;  elle  eft  fituée  fur  la  rivière  qui 
porte  le  même  nom. 

*  EROMANTIE,f.  f.  (Divination.) 
c'étoit  une  des  fix  efpeces  de  divination  , 
pratiquée  chez  les  Perfes  ;  elle  fe  faifoit  par 
le  moyen  de  l'air.   Voye[  Divination. 

EROSION,  f.  f.  (Médecine.}  C'eft 
une  forte  de  folution  de  continuité  ,  qui 
fe  fait  imperceptiblement ,  &  en  détail , 
dans  les  parties  folides  du  corps  humain  , 
par  une  chofe  acre  &  mordicante  ,  appli- 
quée extérieurement  ou  intérieurement  , 
qui  eft  d'une  activité  moyenne  entre  les 
déterfifs  &  les  cauftiques  ;  c'eft-â-dire ,  plus 
pénétrante  que  les  premiers  ,  &  moins 
violente  que  les  derniers  ;  les  poifons ,  les 
humeurs  même  de  notre  corps  ,  qui  dé- 
génèrent &  acquièrent  de  femblables  qua- 
lités ,  telles  que  la  bile ,  l'urine  ,  rendues 
acrimonieufes  ;  Yérojion  eft  la  même  chofe 
que  la  correjîon,  que  la  diabrofe  y  huÇpôrts. 

V&yei  Corrosion,  Diabrose, 
&c  (d) 

EROSION  ,  (Chirurgie. )  maladie  des 
dents ,  qui  confifte  dans  l'inégalité  de  leur 
émail.  Cette  maladie  eft  fort  différente  de 
la  carie  ,  en  ce  que  celle-ci  eft  un  ulcère 
en  l'os  (  voye\  Carie),  &  que  vércfwn 
n'eft  formée  que  par  des  tubercules  &  des 
enfoncemens  à  l'émail. 

M.  Bunon  ,  chirurgien  dentifte  à  Paris , 
&  de  mefdames  de  France  ,  qu'une  more 
prématurée  a  enlevé  au  public ,  s'étoit 
donné  des  peines  &  des  foins  incroyables 
pour  faire  des  obfervations  utiles  fur  les 
maladies  des  dents.  Il  avoit  obfervé  la 
naiffance  &  les  progrès  des  dents ,  avec  tout 
ce  qui  pourroit  y  avoir  le  moindre  rapport , 
depuis  le  germe  dans  le  fœtus  jufqu'à  l'âge 
le  plus  avancé.  Un  travail  long  foutenu 
par  beaucoup  d'ardeur  &  d'émulation  pro- 
duifit  plufieurs  découvertes  ,  &  entr'autres 
celle  de  Yérojion.  L'auteur  a  prouvé  par 
beaucoup  de  faits  ,  que  Yérojion  étoit  caufée 
par  les  maladies  de  l'enfance  ,  telles  que  la 
petite-vérole,  la  rougeole ,  le  rachitis ,  &c. 
&  que  ces  maladies  ne  faifoient  imprefîion 
que  fur  les  dents  qui  étoient  alors  renfer- 
mées dans  leurs  alvéoles.    Ainfi  ,  fi  l'on 


94i  ERO 

etoit  exa&  fur  le  choix  des  nourrices,  on  eVi- 
reroic  ou  on  éloigneroit  la  plupart  des  ma- 
ladies qui  tourmentent  fi  cruellement  l'en- 
fance ,  maladies  d'où  provient  néceflàire- 
ment  la  mauvaife  qualité  des  dents  ,  qui 
prépare  aux  enrans  un  enchaînement  de 
douleurs  pour  toute  la  fuite  de  leur  vie. 

La  carie  eft  l'effet  ordinaire  de  Yerojion  : 
il  eft  cependant  reftreint  à  certaines  cir- 
conltances  :  la  qualité  des  dents ,  leur  plus 
eu  moins  de  folidité ,  les  impreflions  plus  ou 
moins  tortes  que  Yérofwn  a  faites  ,  &  l'ar- 
r.ingement  des  dents  donnent  plus  ou 
moins  lieu  à  la  carie  ;  car  celles  qui  font 
ferrées ,  mal  en  ordre ,  &  difpofées  de  ma- 
nière à  retenir  certaines  portions  de  limons, 
eu  les  reftes  de  quelques  alimens  acres  ou 
acides ,  y  font  constamment  les  plusfujettes. 
Quand  ces  difpofitions  n'ont  pas  lieu  ,  fi 
Yerojion  n'eft  que  Superficielle,  fes  impref- 
fions  peu  profondes  (  fur-tout  fi  les  dents 
en  font  exemptes ,  ou  foiblement  atteintes 
dans  leurs  parties  latérales  ) ,  elles  retiennent 
difficilement  ces  particules  de  limon  ou 
d'alimens  qui  les  font  carier.  Si  la  carie 
vient  à  s'y  former ,  elle  fera  bien  moins  de 
progrès ,  principalement  fur  les  grofîès  mo- 
laires &  fur  celles  qui  remplacent  les  mo- 
laires de  lait ,  pourvu  néanmoins  qu'on  ait 
eu  l'attention  d'empêcher  la  communica-. 
tiondes  dents  de  lait  cariées  fur  ces  fécon- 
des dents. 

M.  Bunon  ,  à  la  première  infpection  d'une 
dent  marquée  d'erojion  ,  difoit  avec  certi- 
tude ,  en  fuivant  les  principes  &  le  temps 
de  la  dentition  ,  que  la  perfonne  avoit  eu 
une  maladie  à  tel  âge  ,  parce  que  fes  ob- 
fervations  lui  avoient  fait  connoître  que 
Yerojion  étoit  toujours  une  affeclion  du 
^erme  de  la  dent ,  par  une  maladie  fur- 
venue  dans  le  temps  qu'elle  étoit  encore 
dans  l'alvéole.  Cela  eft  d'une  grande  utilité 
pour  la  pratique  :  aux  exemples  que  l'au- 
teur en  a  donnés  dans  fes  deux  trairés  fur 
les  maladies  des  dents  ,  j'en  ajouterai  un 
qui  me  regarde  perfonneîlement.  La  carie 
d'une  féconde  petite  molaire  de  la  mâchoire 
fupérieure  m'obligea  d'avoir  recours  à 
M.  Bunon  :  avant  d'en  faire  l'extra&ion  , 
il  me  dit  que  cette  dent  avoit  fouffert  de 
Yerojion ,  &  que  la  carie  avoit  été  un  effet 
de  l'altération  de  la  furface  émaillée  de  la 


ERO 

dent  ;  il  ajouta  que  les  dents  Ce  formant 
ordinairement  par  paire  ,  il  appréhendok 
que  la  pareille  du  côté  oppofé  n'en  tûc 
pareillement  altérée  ;  il  avoit  raifon  ,  & 
par  le  moyen  d'une  petite  fonde  fi  me  fit 
fentir  que  malgré  fa  bonté  apparente  il  y 
avoit  un  commencement  de  corrofion.  H 
me  conferva  cette  dent ,  en  enlevant  au 
moyen  de  la  lime  la  carie  qui  n'étoit  que 
fuperflcielle ,  &  qui  continuant  à  faire  du 
progrès  ,  ne  fe  feroit  manifeftée  que  par 
des  douleurs  cruelles  ,  dont  l'extraction  de 
la  dent  auroit  été  l'unique  remède. 

Les  limes  qui  fervent  à  détruire  les  caries 
fuperficieiles ,  font  gravées  ,  Plane.  XXV* 
fiS-  8.  (Y) 

*  EROTIDES  ou  EROTIDIES  ,  adj. 
pris  fubft.  ( Mytk.)  fêtes  &  jeux  inftitués 
en  1  honneur  de  l'amour.  Les  Thefpiens  les 
célebroient  tous  les  cinq  ans ,  avec  magni- 
ficence &  foîemnité. 

EROTIQUE  ,  chanfon  ,  (  Poefie.  ) 
efpece  d'ode  anacréontique ,  dont  l'amour 
&  la  galanterie  fourniflènt  la  matière.  Rien 
n'eft  plus  commun  dans  notre  langue  que 
ces  fortes  de  chanfons ,  &  l'on  peut  afîurer 
que  nous  en  avons  de  parfaites.  Nous  vou- 
lons que  les  penfées  en  foient  fines  ,  les 
fenrimens  délicats  ,  les  images  douces  ,  le 
ftyle  léger  ,  &  les  vers  faciles.  La  fubtilitel 
des  réflexions ,  la  profondeur  des  idées  , 
&  les  tours  trop  recherchés  ,  y  font  des 
délàuts  ;  l'efprit  &  l'art  n'y  doivent  point 
paroitre  ,  le  cœur  feul  y  doit  parler.  La 
chanfon  erotique  tire  encore  un  grand  agré- 
ment des  images ,  &  des  faits  mytholo- 
giques que  l'auteur  y  fait  répandre  avec 
goût.  C'eft  même  dans  la  délicarefîè  de  leurs 
rapports  &  des  aîlufiorrj  ,  que  confifte  prin- 
cipalement la  finefte  de  fon  art.  Une  fiction 
ingénieufe  qui  raffembleroit  tout  cela  fous 
un  feul  point  de  vue ,  rendroit  une  chanfon 
de  cette  efp.ee  beaucoup  plus  intérefTante , 
que  celle  dont  les  penfées  détachées  n'au- 
roient  pas  cette  incime  liaifon.  Quelques- 
uns  de  nos  poètes  ont  eu  le  talent  de  réunir 
toutes  les  grâces  dont  nous  venons  de 
parler ,  &  nous  ont  donné  des  chefs- 
d'œuvres  en  ce  genre.  Article  de  M.  le 
chevalier  de  Jav COURT. 

Erotique  (Mélancolie.)  Voye^Jhlt- 

LANCOLIE. 


E  R  O 

EROTIQUE,  adj.  (Médecine.)  de  tfot, 
amour ,  d'où  a  été  formé  ipoltx.&'i  c'eft 
une  épithete  qui  s'applique  à  tout  ce  qui  a 
rapport  à  l'amour  des  fexes  :  on  l'emploie 
particulièrement  pour  caractérifer  le  délire , 
qui  eft  caufé  par  le  dérèglement  ,  l'excès 
de  Pappitit  corporel  à  cet  éjard  ,  qui  fait 
regarder  l'objet  de  cette  pafuon  comme  le 
fouverain  bien  ,  &  fait  fo.ihaiter  ardem- 
ment de  s'unir  à  lui  ;  c'eft  une  efpece 
d'affeâion  mélancolique  ,  une  véritable 
maladie  ,  c'eft  celle  que  Willis  appelle 
troio-mania  >  &  Sennert ,  amor  infanus. 

On  diftingue  l'amojr  infenfé  d'avec  la 
fureur  utérine  &  le  fatyriafis ,  qui  font  aufti 
des  excès  de  cette  pafîion,  en  ce  que  ceux 
qui  font  affectés  de  ces  derniers  ont  perdu 
toute  pudeur  ;  au  lieu  que  les  amoureux 
en  ont  encore  ,  fouvent  même  accom- 
pagnée d'un  fentiment  très  -  refpedueux  , 
quelquefois  déplacé. 

Le  délire  erotique  a  diflFérens  degrés  ; 
quelques-uns  de  ceux  qui  en  font  affe&és 
aiment  paflionnément  un  objet ,  dont  ils 
ne  peuvent  pas  fe  procurer  la  jouifïànce  ; 
cependant  ils  confervent  la  raifon  ,  6c  fen- 
tent  parfaitement  l'inutilité  de  leur  pafîion  ; 
ils  avouent  leur  égarement  fans  pouvoir 
s'en  corriger  ,  parce  qu'ils  font  portés 
malgré  eux  à  s'occuper  de  l'objet  de  leurs 
defirs  impuifîàns ,  par  la  caufe  de  leur  mé- 
lancolie amoureufe  Çvoye^ MÉLANCOLIE 
en  général)  :  ils  éprouvent  toutes  les  fuites 
de  cette  maladie ,  ne  penfent  ni  à  manger 
ni  à  boire  ,  ils  refufent  de  fubvenir  aux 
befoins  les  plus  preffans ,  &  ils  périfîènt  , 
en  fe  voyant  périr ,  fans  pouvoir  fe  défendre 
de  l'affe&ion  d'efprit  qui  les  entraîne  au  tom- 
beau. D'autres  refîentent  cette  pafîion  d'une 
manière  encore  plus  fâcheufe  ;  ils  font 
agités  ,  tourmentés  jour  &  nuit  par  les 
inquiétudes ,  les  chagrins  ,  la  triftefîe  ,  les 
larmes  ,  la  jaloufie  ,  la  colère  même  ,  & 
la  fureur  ,  fenrimens  auxquels  ils  fe  livrent , 
en  réfléchiflant  fur  leur  malheureufe  pafîion; 
&  il  arrive  fouvent  qu'ils  perdent  l'efprit  & 
qu'ils  fe  donnent  la  mort  lorfqu'ils  défef- 
perent  de  pouvoir  fe  fatisfaire  :  &  au  con- 
traire lorfqu'ils  s'imaginent  qu'ils  feront 
heureux  ,  &  que  leurs  defirs  feront  rem- 
plis ,  ils  fe  laifTent  aller  à  des  fentimens 
de  contentement ,  de  joie  immodérée  ac- 


E  R  O  943 

compagnée  de  grands  éclats  de  rire  ,  lors- 
qu'ils font  feuls  ;  &  quand  ils  fe  trouvent 
avec  d'autres,  ils  tiennent  à  ce  fujet  ces 
propos  extravagans  :  ils  s'expofent  fouvent 
à  des  dangers  ,  dans  Pefpérance  de  mettre 
ie  comble  à  leur  bonheur. 

On  trouve  une  très  -  belle  defcription 
des  effets  de  l'amour  exceffif  dans  Plaute  , 
in  Cifiel.  acl,  ij  y  fcen.  z  ,•  divers  auteurs  en 
ont  anfti  donné  de  très-exades,  tels  que  Paul 
Eginete  ,  lib.  III  y  de  re  medicâ  y  c.  xvij  ; 
Gaîien  ,  lib.  de  prcecogn.  ad  pqfih.  cap.  vj ; 
Valere- Maxime  ,  Amatus  Lufitanus  ,  \  ?- 
leriola  ,  Sennert ,  Qc.  On  trouve  dans 
Tulpius  un  exemple  d'érotomanie,  qui  avoit 
jeté  le  malade  dans  la  catalepfie  :  Manget 
fait  mention  d'un  amoureux  phrénétîque 
avec  fièvre  violente. 

L'amour  démefuré  ne  s'annonce  cepen- 
dant pas  toujours  par  des  fignes  évidens , 
il  fe  tient  quelquefois  caché  dans  le  cœur  ; 
le  feu  dont  il  le  brûle ,  dévore  la  fubftance 
de  celui  qui  eft  affeclé  de  cette  pafîion  , 
&  le  fait  tomber  dans  une  vraie  confomp- 
tion  :  il  c$  difficile  de  connoître  la  caufe 
de  tous  les  mauvais  effets  qu'elle  produit 
en  fîlence.  Tout  le  monde  fait  comment 
Erafiftrate  connut  l'amour  d'Antiochus  pour 
Stratonice  fa  belle-mere  ;  en  touchant  le 
pouls  à  l'amant  en  préfence  de  l'objet  de 
fa  pafîion  ,  l'émotion  trahit  fon  fecret  :  on 
peut  de  même  découvrir  la  véritable  caufe 
d'une  maladie  produite  par  l'amour  , 
lorfqu'on  foupçonne  cette  pafîion  ,  en  par- 
lant au  malade  de  tout  ce  qui  peut  y  avoir 
rapport ,  &  de  la  perfonne  que  l'on  peut 
croire  y  avoir  donné  lieu.  Le  changement 
fubit  du  pouls  ,  l'inégalité,  l'altération  des 
pulfations  de  l'atrerequi  fe  font  fentir  alors , 
décèlent  infailliblement  le  fecret  de  l'ame , 
fur-tout  lorfque  le  pouls  devient  tranquille 
après  qu'on  a  changé  de  converfation. 

On  voit ,  par  tout  ce  qui  vient  d'être 
rapporté ,  tous  les  défordres  que  produit 
dans  l'économie  animale  la  folie  de  l'amour  ; 
elle  conftitue  par  conféquent  une  forte  de 
maladie  très  -  dangereufe  ,  fur  -  tout  Iorf- 
qu'elle  eft  portée  à  un  certain  degré  d'excès , 
où  les  remèdes  moraux  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  la 
raifon  ,  les  réflexions ,  la  philofophie  ,  la 
religion  ,  ne  font  d'aucun  fecours  ,  tous 
autres   remèdes    étant  employés   pjefqu'à. 


944  E  R  R 

pure  perte  dans  cette  affection.  On  peut 
cependant  tenter  l'effet  de  ceux  que  la 
pharmacie  peut  fournir  de  plus  convenables 
à  rendre  le  calme  à  l'efprit ,  en  appaifant 
l'agitation  des  humeurs  ;  tels  font  les  ra- 
fraichiilàns ,  les  adouciffans  ,  comme  le  lait , 
les  emulfions  des  femences  froides  ,  les 
ti  fanes  appropriées  ,  les  bains  ,  les  anodins  : 
les  préparations  de  plomb  mifes  en  ufage 
avec  prudence,  peuvent  auiïi  produire  de 
bons  effets  ,  comme  étant  propres  à  engour- 
dir l'appétit  vénérien  :  on  doit  accompagner 
ces  remèdes  d'une  diète  très-févere  :  les 
fâignées  &  les  purgatifs  peuvent  auffi  trou- 
ver place  dans  ce  traitement ,  félon  les 
différentes  indications  qui  fe  préfentent , 
tirées  de  l'âge  ,  du  tempérament ,  de  la 
force  du  malade.  Voye\  AMOUR  ,  PAS- 
SION ,   MÉLANCOLIE,  (à) 

EROTYLOS  ,  f.  m.  ÇHift.  nat.)  pierre 
fabuleufe  dont  Démocrite  ,  &  Pline  d'a- 
près lui  ,  vantent  l'ufage  dans  la  divina- 
tion. Voye\  Divination. 

ERPACH,  (Géogr.  mod.)  château  du 
cercle  de  Franconie  ,  en  Allemagne.  Long. 

ERPSE  ,  f.  f.  Voyei  y  ci-devant y  ErÉ- 
SIPELE. 

ERRATA  y  f.  m.  terme  de  Littérature 
&  ft Imprimerie  y  qui  fignifie  une  lifte 
qu'on  trouve  au  commencement  ou  à  la 
fin  d'un  livre  ,  &  qui  contient  les  fautes 
échappées  dans  l'impreffion  ,  &  quelquefois 
dans  la  composition  d'un  ouvrage.  Voye\ 
Imprimerie. 

Ce  mot  eft  purement  Latin ,  &  fignifie 
les  fautes  y  les  méprifes  ;  mais  on  l'a  fran- 
che ,  &  du  pluriel  latin  on  en  a  fait  en 
notre  langue  un  finguîier  :  on  dit  un  errata 
bien  fait. 

Lindemberg  a  fait  une  differtation  par- 
ticulière fur  les  erreurs  typographiques  ou 
fautes  d'impreflion  ,  de  erroribus  typogra- 
phie! s  Il  en  recherche  les  caufes ,  &  pro- 
pofe  les  moyens  de  prévenir  ces  défauts  ; 
mais  il  ne  dit  rien  fur  cette  matière  ,  qui 
ne  foit  ou  commun  ou  impraticable.  Les 
auteurs  ,  les  compofiteurs  ,  &  les  correc- 
teurs d'imprimerie  ,  dit  -  il ,  doivent  faire 
jeur  devoir  :  qui  en  doute  ?  Chaque  auteur , 
çontinue-t-il ,  doit  avoir  fon  imprimerie 
phez   lui  :    cela    eft  -  il    poffible  ?   &    le 


E  R  R 

foufftiroit  -  on    dans    aucun    gouverne- 


menc 


Quelqu'un  a  appelle  l'ouvrage  du  P. 
Haidouin  fur  les  médailles  ,  Yerrata  de 
tous  les  antiquaires  ;  mais  il  eft  trop  plein 
de  chofes  fingulieres  ,  hafardées ,  &  quel- 
quefois faufTes  ,  pour  n'avoir  pas  befoin 
lui-même  d'un  bon  errata.  Les  critiques 
fur  l'hifioire  par  Perizonius ,  peuvent  être 
à  plus  jufte  titre  appellées  Yerrata  des  an- 
ciens hiftoriens.  Le  dictionnaire  de  Bayle 
a  été  regardé  comme  Yerrata  de  celui  de 
Moreri  ,  cependant  on  y  a  découvert  bien 
des  fautes  ;  elles  font  comme  inféparables 
des  ouvrages  fort  étendus.  Dicl.  de  Tré- 
voux &  Ckambers.  (G) 

ERRE  ,  f.  f.  en  terme  de  Marine ,  figni- 
fie Yallure  ou  la  façon  dont  le  vaiflèau 
marche.  (Z) 

Erres  du  Cerf  ,  (Vén.)  font  fes 
naces  ou  voies. 

ERREMENS,  f.  m.  plur.  (  Jurifprud.) 
les  derniers  erremens  font  les  dernières 
procédures  qui  ont  été  faites  de  part  ou 
d'autre  dans  une  affaire.  Ce  terme  paroît 
venir  du  Latin  arrhœ  y  d'où  l'on  a  fait  en 
François  aires  ou  erres  y  airemens  ou  erre- 
mens y  les  procédures  &  productions  étant 
confidérées  comme  des  efpeces  d'arrhes  ou 
gages  que  les  parties  fe  donnent  mutuel- 
lement pour  la  décifion  du  procès.  Les  erre" 
mens  du  plaids  étoient  cependant  oppofés 
aux  gages  de  batailles  ;  les  premiers  n'a- 
voient  lieu  que  dans  les  affaires  civiles  , 
les  autres  dans  les  affaires  criminelles  qui 
fe  décidoient  par  la  voie  du  duel  :  cette 
différence  eft  établie  par'  Beaumanoir  , 
chap.  vij  y  pag.  49  y  Ug.  7  &  8;  ch.  ly  p, 

ZJZyÙ    Ch.    IXJ  y  p.    3l8. 

On  donne  encore  copie  des  derniers 
erremens  y  c'eft  -  à  -  dire  ,  des  dernières 
procédures ,  &  on  procède  fuivant  les 
derniers  erremens ,  lorfque  l'on  reprend 
une  conteftation  dans  le  même  état  & 
dans  les  mêmes  qualités  dans  lefquelles 
on  procédoit  ci-devant  ;  mais  il  faut  pour 
cela  que  l'inftance  ne  foit  pas  périe.  Voye^ 
V ancien  ftyle  du  parlement,  chap.  j  &  xjv; 
Joan.  Galli,  queft.  î6y  ù  zoo  :  Boutillier, 
en  fa  fomme  rurale  ;  la  pratique  de  Ma- 
fuer ,  &  le  gbfj.  de  M.  de  Lauriere  au 
moc  Erremens,  (A) 

ERREUR, 


E  R  R 

ERREUR  ,  f.  £  (P/ulofJ  égarement 
de  l'efpric  qui  lui  taie  porter  un  faux  ju- 
gement.  Voyt\  JUGÈMTENT. 

irlufîeurs  phifotbpfaes   ont  de'cai'lé    les 

erreurs  des  fers  ,  de  l'imagination  &  des 
paiTions  :  mais  leur  Weorie  ,  trop  impar- 
faite ,  efl  peu  propre  à  éclairer  dans  la 
pratique.  L'imagination  &  les  pafiions  fe 
replient  de  tant  de  manières  ,  &  dépen- 
dent fi  fort  des  cempe'ramens ,  des  temps , 
&  des  circonftances  ,  cuil  eft  impofiible 
de  dévoiler  tous  les  reiïorts  qu'elles  font 
agir. 

Semblable  à  un  homme  d'un  tempéra- 
ment ioible  qui  ne  relevé  d'une  maladie 
que  pour  retomber  dans  une  autre  ;  fei- 
prit ,  au  lieu  de  quitter  fes  erreurs  ,  ne 
fait  fouvent  qu'en  changer.  Pour  délivrer 
de  toutes  fes  maladies  un  homme  d'une 
foible  conftitution  ,  il  faudroit  lui  faire 
un  tempérament  tout  nouveau  :  pour 
corriger  notre  efprit  de  toutes  fes  foi- 
blefTes  ,  il  faudroi"  lui  donner  de  nouvelles 
vues ,  &  fans  s'arrêter  au  détail  de  fes 
maladies  ,  remonter  à  leur  fource  même 
&  la  tarir. 

Nous  trouverons  cette  fource  dans  l'ha- 
bitude où  nous  fommes  de  raifon  ner  fur 
des  chofes  dont  nous  n'avons  point  d'i- 
dées ,  ou  dont  nous  n'avons  que  des 
idées  mal  déterminées.  Ce  qui  doit  être 
attribué  au  temps  de  notre  enfance  ,  pen- 
dant lequel  nos  organes  fe  développant 
lentement  ,  notre  raifon  vient  avec  encore 
plus  de  lenteur  ,  &  nous  nous  remplirons 
d'idées  &  de  maximes ,  telles  que  le  ha- 
fard  &  une  mauvaife  éducation  les  pré- 
fentent.  Quand  nous  commençons  à  ré- 
fléchir, nous  ne  voyons  pas  comment  les 
idées  &  les  maximes  que  nous  trouvons 
en  nous ,  auraient  pu  s'y  introduite  ;  nous 
ne  nous  rappelions  pas  d'en  avoir  été  pri- 
vés :  nous  en  jouiffons  donc  avec  fécurité", 
quelque  défèceueufes  qu'elles  foient  :  nous 
nous  en  rapportons  d'autant  plus  volon- 
tiers à  ces  idées ,  que  nous  croyons  fou- 
vent  que  fi  elles  nous  trompoient  ,  Dieu 
feroit  la  caufe  de  notre  erreur;  parce  que 
nous  les  regardons  ,  fans  raifon  ,  comme 
l'unique  moyen  que  Dieu  nous  ait  donné 
pour  arriver  à  la  vérité. 

Ce  qui  accoutume  notre  efprit  à  cette 
Tome  XII. 


E  R  R  945 

inexactitude  ,  c'eft  la  manière  dont  nous 
apprenons  à  parler.  Nous  n'atteignons 
l'âge  de  raifon  ,  que  long  -  temps  après 
avoir  contracté  l'ufage  de  la  parole.  Si  l'on 
excepte  les  mots  deftinés  à  faire  connoitre 
nos  befoins,  c'eft  ordinairement  le  hafard 
qui  nous  a  donné  occafion  d'entendre 
certains  fons  plutôt  que  d'autres,  &  qui  a 
décidé  des  idées  que  nous  leur  avons  at- 
tachées. 

En  rappellant  nos  erreurs  à  l'origine 
que  je  viens  d'indiquer  ,  on  les  renferme 
dans  une  çaufe  unique.  Si  nos  paffions 
occafionent  des  erreurs  3  c'eft  qu'elle.* 
abufent  d'un  principe  vague ,  d'une  expref- 
fion  métaphorique  ,  &  d'un  terme  équi- 
voque ,  pour  en  faire  des  applications 
d'où  nous  puifTions  déduire  les  opinions 
qui  nous  flattent.  Donc  ,  fi  nous  nous 
trompons ,  les  principes  vagues ,  les  mé- 
taphores ,  &  les  équivoques,  font  des 
caufes  antérieures  à  nos  pafiions  ;  il  fuf- 
Êra  par  conféquent  de  renoncer  à  ce  vain 
langage  ,  pour  difîiper  tout  l'artifice  de 
Y  erreur. 

Si  l'origine  de  Veneur  eft  dans  le  dé- 
faut d'idées  ,  ou  dans  des  idées  mal  dé- 
terminées ,  celle  de  la  vérité  doit  être 
dans  des  idées  bien  déterminées.  Les 
mathématiques  en  font  la  preuve.  Sur 
quelque  fujet  que  nous  ayions  des  idées 
exactes  ,  elles  feront  toujours  fuffifantes 
pour  nous  faire  difeerner  la  vérité  :  fi  au 
contraire  nous  n'en  avons  pas ,  nous  aurons 
beau  prendre  toutes  les  précautions  imagi- 
nables ,  nous  confondrons  toujours  touç. 
Sans  des  idées  bien  déterminées ,  on  s'éga- 
reroit  même  en  arithmétique. 

Mais  comment  les  arithméticiens  ont-ils 
des  idées  fi  exactes  ?  C'eft  que  connoifTanc 
de  quelle  manière  elles  s'engendrent  ,  ils 
font  toujours  en  état  de  les  compofer  ,  ou 
de  les  décompofer  ,  pour  les  comparer 
félon  tous  leurs  rapports. 

Les  idées  complexes  font  l'ouvrage  de 
l'efprit  ;  fi  elles  font  défectueufes ,  c'eft 
parce  que  nous  les  avons  mal  faites.  Le 
feul  moyen  pour  les  corriger  ,  c'eft  de  les 
refaire.  Il  faut  donc  reprendre  les  maté- 
riaux de  nos  connoiftances ,  &  les  mettre 
en  œuvre  ,  comme  s'ils  n'avoient  pas  été 
employés. 

Dddddd 


946  ERR 

Les  Cartéfiens  n'ont  connu  ni  l'origine 
ni  la  génération  de  nos  connoiffances.  Le 
principe  des  idées  innées  d'où  ils  font  partis , 
les  éloignoit  de  cette  découverte.  Locke  a 
mieux  réufli ,  parce  qu'il  a  commencé  aux 
fens.  Le  chancelier  Bacon  s'eft  aufîî  apperçu 
que  les  idées  qui  font  l'ouvrage  de  l'efprit , 
avoient  été  mal  faites ,  &  que  par  confé- 
quent  pour  avancer  dans  la  recherche  de  la 
vérité,  il  falloit  les  refaire  :  nemo ,  dit-il, 
adhuc  tantâ  mentis  confiantiâ  &  rigore  in- 
ventas efi,  ut  decrevcrit  &  Jibi  impofuerit 
theorias  &  notiones  communes  penitùs  abo- 
ie re  ,  &  intelle  clum  abrafum  Ù  cequum  ad 
particularia  de  integro  applicare.  Itaque  Ma 
ratio  humana  quam  habemus,  ex  multafide, 
£?  multo  etiam  cafu,  necnon  ex  puerilibus  , 
quos  primo  haujimus,  notionibus ,  farrago 
quceaam  efl  Ù  congeries.  Quodfi  quis  œtate 
maturây  &  fenfibus  integris ,  Ù  mente  repur- 
gatâ  }fe  ad  experientiam  Ù  ad  particularia 
de  integro  applicet,  de  eo  meliiis  fperandum 
efi....  Non  eflfprs  nijî  in  regeneratione  fcien- 
tiarum  ;  ut  ea  fcilicet  ab  experientiâ  certo  : 
ordine  excitentur  Ùrursus  condantur:  quod 
adhuc  faclum  ejje  aut  cogitatum  ,  nemo  ,  ut  ; 
arbitramur,  ajfirmaverit.  Prévenu  comme 
on  l'étoit  pour  le  jargon  de  l'école  &  pour 
les  idées  innées  ,  on  traita  de  chimérique 
le  projet  de  renouveller  l'entendement  hu- 
main. Bacon  propofoit  une  méthode 
trop  parfaite  ,  pour  être  l'auteur  d'une 
révolution  ;  celle  de  Defcartes  devoit 
réufïir  ;  elle  laiflbit  fubfifter  une  partie  des 
erreurs. 

Une  féconde  caufe  de  nos  erreurs  ,  font ! 
certaines  liaifons  d'idées  incompatibles  qui 
fe  forment  en  nous  par  des  impreflions 
étrangères  ,  &  qui  font  fi  fortement  jointes 
enfemble  dans  notre  efprit ,  qu'elles  y  de- 
meurent unies.  Que  l'éducation  nous  accou- 
tume à  lier  l'idée  de  honte  ou  d'infamie  à 
celle  de  furvivre  à  un  affront ,  l'idée  de 
grandeur  dame  ou  de  courage  à  celle  d'ex- 
pofer  fa  vie  en  cherchant  à  en  priver  celui 
de  qui  on  a  éré  ofïènfé^,  on  aura  deux  pré- 
jugés ;  l'un  qui  a  été  le  point  d'honneur  des 
Romains  ;  l'autre  qui  eft  celui  d'une  partie 
de  l'Europe.  Ces  liaifons  s'entretiennent  & 
fe  fomentent  plus  ou  moins  avec  l'âge.  La  ' 
force  que  le  tempérament  acquiert ,  les  paf- 
fions  auxquelles  on  devient  fujet ,  &  l'état 


ERR 

qu'on  embrafTe ,  en  refTerrent  ou  en  coupent 
les  nœuds. 

Une  troifieme  caufe  de  nos  erreurs,  mais 
qui  eft  bien  volontaire  ,  c'eft  que  nous  pre- 
nons plaifir  à  nous  défigurer  nous-mêmes, 
en  effaçant  les  traits-de  la  nature  &  en  obf- 
curcifîant  la  lumière  qu'elle  avoit  mife  en 
nous;'&  cela  par  le- mauvais  ufage  de  la 
liberté  qu'elle  nous  a  donnée. 

C'eft  ce  qui  peut  arriver  de  diverfes  ma- 
nières :  tantôt  par  une  curiofité  outrée ,  qui 
nous  portant  à  connoître  les  chofes  au  delà 
des  bornes  de  notre  efprit  &  de  l'étendue 
de  nos  lumières ,  fait  que  nous  ne  rencon- 
trons plus  que  ténèbres  :  tantôt  par  une  ri- 
dicule vanité  qui  nous  infpire  de  nous  dif- 
tinguer  des  autres  hommes  ,  en  penfant 
autrement  qu'eux  ,  dans  les  chofes  où  ils 
font  naturellement  capables  de  penfer  aufïi- 
bien  que  nous  :  tantôt  par  la  prévention 
d'un  parti  ou  d'une  fede  ,  qui  fait  illufion 
en  certain  temps  &  en  certain  pays  :  tantôt 
par  la  fuite  impofante  d'un  grand  nombre 
de  vérités  de  conféquence ,  qui  en  éblouif- 
fant  nos  yeux ,  font  difparoître  la  faufteté 
de  leur  principe  :  tantôt  enfin  par  un  intérêt 
fecret  qu'on  trouve  à  obfcurcir  &  à  mécon- 
noître  les  fentimens  de  la  nature ,  afin  de 
fe  délivrer  des  vérités  incommodes.  Voyc{ 
Uefiaifur  V origine  des  connoijjances  humai- 
nes ,  par  M.  l'abbé  de  Condillac.  Article 
tire  des  papiers  de  M.  Forme  y.  Voye\ 
encore,  fur  les  erreur  s  de  l'efprit,  X  article 
Evidence,  $.  z8>  38. 

Erreur,  (Jurifpr.)  c'eft  lorfque  Ton 
a  dit  ou  fait  une  chofe  ,  croyant  en  dire  ou 
faire  une  autre. 

Uerreur  procède  du  fait  ou  du  droit. 

L 'erreur  ou  ignorance  de  fait,  confifte 
à  ne  pas  favoir  une  chofe  ,  qui  eft  ,  par 
exemple  ,  fi  un  héritier  inftitué  ignore  îë 
teftament  qui  le  nomme  héritier,  ou  fi  fa- 
chant  le  teftament ,  il  ignore  la  mort  de 
celui  à  qui  il  fuccede. 

On  appelle  aufïi  erreur  défait ,  Iorfqu'un 
fait  eft  avancé  pour  un  autre ,  &  que  cela 
eft  fait  par  ignorance  ;  en  ce  cas,  c'eft  une 
erreur  ou  un  faux  énoncé  :  fi  le  fait  faux 
étoit  avancé  fciemment,  il  y  auroit  de  la. 
mauvaife  foi. 

L'erreur  ou  ignorance  de  droit,  confifte 


s 


ERR. 

à  ne  pas  favoir  ce  qu'une  loi  ou  coutume 
ordonne. 

On  peut  être  dans  Veneur  par  rapport 
au  droit  pofitif;  mais  peribnne  n'eft  pré- 
fumé ignorer  le  droit  naturel  ;  les  gens 
mêmes  les  plus  (impies  &  les  plus  grofliers 
ne  font  pas  excufés  à  cet  égard  :  nec  in  eâ 
re  rufiicitati  venia  prœbeatur.  Lib.  Il jcod. 
de  in  jus  voc. 

L'ignorance  où  quelqu'un  eft  de  fes  droits, 
peut  venir  d'une  erreur  de  fait  ,  ou  d'une 
erreur  de  droit.  Par  exemple ,  s'il  ignore 
qu'il  fait  parent ,  c'eft  une  ignorance  de 
fait  ;  s'il  croit  qu'un  plus  proche  que  lui 
l'exclut ,  ne  fâchant  qu'il  concourt  avec  lui 
par  le  moyen  de  la  repréfentation  ,  c'eft 
une  ignorance  de  droit. 

\1  erreur  de  fait  ou  de  droit  ne  nuit 
jamais  au  mineur. 

A  l'égard  des  majeurs,  Yerreur  de  fait  ne 
leur  préjudicie  pas  ;  parce  que  celui  qui  fait 
ainfi  quelque  chofe  par  erreur  n'eft  pas  cenfé 
confentir  ,  puifqu'il  ne  le  fait  pas  en  con- 
noiftànce  de  caufe  :  mais  il  faut  pour  cela 
que  Yerreur  de  fait  foit  telle  qu'il  paroifle 
évidemment  qu'elle  a  été  le  feul  fondement 
du  confentement  qui  a  été  donné  ;  encore 
l'aéte  n'eft-il  pas  nul  de  plein  droit,  mais 
il  faut  prendre  la  voie  des  lettres  de  refci- 
fîon. 

Si  le  confentement  peut  avoir  été  déter- 
miné par  plufieurs  caufes ,  Yerreur  qui  fe 
trouve  par  rapport  à  quelques-unes  de  ces 
caufes  ,  ne  détruit  pas  l'acte  ,  dès  qu'il  y  a 
encore  quelqu'autre  caufe  qui  peut  le  faire 
fùbfifter. 

L'ignorance  des  faits  qui  a  induit  en  er- 
reur eft  toujours  préfumée  ,  lorfqu'il  n'y  a 
pas  de  preuve  contraire  ,  excepté  dans  les 
chofes  qui  font  perfonnelles  à  celui  qui  al- 
lègue Yerreur ,  parce  que  chacun  eft  préfumé 
favoir  ce  qui  eft  de  fon  fait. 

Lorfqu'un  des  contradans  a  été  induit  en 
e-reur  par  le  dol  de  l'autre  ,  ce  dol  forme  un 
double  moyen  de  reftitution. 

L'erreur  de  droit  n'eft  point  excufée  à 
l'égard  des  majeurs  ,  car  chacun  eft  pré- 
fumé favoir  les  loix  ,  &  fur  -  tout  le  droit 
naturel. 

Néanmoins  s'il  s'agit  d'une  loi  de  droit 
pofitif,  &  qu'il  foit  évident  que  l'on  n'a 
traité  qu'à  caufe  de  l'ignorance  de  ce  droit, 


ERR  947 

il  peut  f  avoir  lieu  à  la  reftitution  :  mais 
fi  Y2.de  peut  avoir  eu  quelqu'autre  caufe  ,  fi 
l'on  peut  préfumer  que  celui  qui  n'a  pas  fait 
valoir  fon  droit  y  a  renoncé  volontairement, 
en  ce  cas  Yerreur  de  droit  ne  forme  pas  un 
moyen  de  reftitution.  Voye\  au  digefte  le 
titre  de  juris  &  façti  ignorantiâ.  ÇA) 

ERREUR  ,  en  Agronomie  ,  c'eft  la  dif- 
férence entre  le  calcul  &  l'obfervation  ; 
ainfi  Yerreur  des  tables  de  la  lune  eft  la 
quantité  dont  les  tables  donnent  la  longi- 
tude calculée  ,  différente  de  la  longitude 
obfervée  :  on  marque  ordinairement  du 
figne  •+- ,  Yerreur  qu'il  faut  ajouter  aux 
tables  pour  les  accorder  avec  l'obfervation. 
M.  Halley  avoit  calculé  les  erreurs  de  fes 
tables  pendant  dix-huit  ans ,  pour  fervir  â 
prédire  les  lieux  de  la  lune  dans  les  ufages 
de  la  navigation.  M.  le  Monnier  a  donné 
les  erreurs  de  Ces  tables  des  Inflitutions 
agronomiques  pour  l'année  1771  ,  dans  fon 
Afironomie  nautique  lunaire. 

On  appelle  Y  erreur  $\m  quart  de  cercle  , 
la  quantité  qu'il  faut  ajouter  aux  hauteurs 
qu'il  indique  ;  erreur  d'une  lunette  méri- 
dienne ,  la  quantité  dont  elle  s'éloigne  en 
difFérens  points  du  véritable  méridien. 
M.  Cotes ,  célèbre  géomètre  d'Angleterre  , 
a  donné  en  1722  ,  à  la  fuite  de  fon  ou- 
vrage intitulé ,  Harmonia  menfurarum  y  un 
mémoire  intéreffant  fur  les  rapports  que  les 
erreurs  ont  les  unes  avec  les  autres ,  &  fur 
la  manière  de  les  calculer  par  les  règles  du 
calcul  différentiel.  J'ai  traité  cette  matière 
encore  plus  au  long  dans  le  XXI II  livre  de 
mon  Afironomie.  Ç,M.  de  la  Lande.) 

Erreur  de  Calcul,  eft  la  méprife 
qui  fe  fait  en  comptant  &  marquant  un 
nombre  pour  un  autre.  Cette  erreur  ne  fe 
couvre  point ,  /.  unie,  cod.de  err.  cale.  Voy. 
V ordonnance  de  1 66 '7 y  titre  xxix*  art.  z  1 . 

Erreur  commune,  eft  celle  où  font 
tombés  la  plupart  de  ceux  qui  avoient  in- 
térêt de  favoir  un  fait  qu'ils  ont  cependant 
ignoré.  C'eft  une  maxime  en  droit  que  error 
communisfacitjus  ,  c'eft-à-dire  qu'elle  ex- 
eufe  celui  qui  y  eft  torn^é ,  comme  ies  autres. 
11  y  a  dans  les  livres  de  Juftinien  deux  exem- 
ples remarquables  de  l'effet  que  produit 
Yerreur  commune. 

L'un  eft  en  \zfomeuYe\o\barbarius  Phi- 
Dddddd  2. 


948  E  R  R 

lippus  y  au  ff  de  officio  prœtorum  ;  c'eft 
l'efpece  d'un  efcîave  qui  avoit  fait  l'office 
de  préteur  :  la  loi  décide  que  tout  ce  qu'il 
a  fait  eft  valable. 

L'autre  eft  \a\o\fi quis ,  au  fT!  defenatufc. 
maeed.  qui  décide  que  fi  un  homme  a  traité 
avec  un  fils  de  famille  ,  qui  pafîbit  publi- 
quement pour  être  père  de  famille  ;  ce  fils 
de  famille  ne  pourra  pas  exciper  contre  lui 
du  bénéfice  du  macédonien  ,  quia  publicè... 
jic  agebat  }  fie  contrahebat.  (A) 

Erreur  de  Compte,  voye\  ci-devant 
Erreur  de  Calcul. 

Erreur  de  Droit;  voye\  ce  quia 
été  dit  ci-devant  au  premier  article  fur  le 
mot  Erreur.  (  Jurifp.) 


E  R  R 

Erreur  de  Fait  ,  voye\Ihidem. 

Erreur,  de  Nom,  eft  lorfque  dans  un 
a&e  on  nomme  une  perfonne  pour  une  au- 
tre ,  ou  une  chofe  pour  une  autre.  Une  telle 
erreur  vicie  le  legs  ,  à  moins  que  la  volonté 
du  teftateur  ne  foit  d'ailleurs  confiante.  Voy. 
la  loi  <)  yft.de  hcered.  infiit.  0  leg.  4  y  ff  de 
légat i s  primo  injlu.  de  légat.  §.  a.9.  ÇA) 

Erreur  de  Personne  ,  c'eft-à-dire 
lorfque  l'on  croit  traiter  avec  une  perfonne , 
&  que  l'on  traite  avec  une  autre  ,  le  contrat 
eft  nul.  V.  ce  qui  a  été  dit  ci -devant  au  mot 
Empêchement  de  Mariage.  (A) 

Erreur  ,  ÇPropofuion  d\)  Voye\  au, 
mot  Proposition. 

Erreur  de  Lieu  ,  (*)  ÇMéd.)  error 


(  *  )  On  a  adopté  dans  cet  article  l'hypothefe  de  Boerhaave ,  auteur  des  vaiffeaux  du  rang  inférieur ,  c'eft 
ainfi  qu'il  appelloit  des  vaiffeaux  continus  aux  vaiffeaux  rouges,  artériels  eux-mêmes  &  coniques,  &  dé- 
croiffans  comme  eux,  mais  qui  n'en  reçoivent  qu'une  humeur  plus  fine  que  le  fang;  l'erreur  de  lieuch.cz  ce 
grand  homme  eft  le  paffage  vicieux  des  globules  rouges  dans  cette  claffe  de  vaifleaux  qui  n'eft  faite  que  pour 
des  humeurs  plus  fines.  Nous  employons  le  terme  de  vicieux  ,  parce  que  dans  l'ordre  de  la  nature  même  il 
fe  fait  de  ces  erreurs.  Le  fang  qui  fumte  à  travers  les  pores  de  la  membrane  pituitaire ,  &  celui  qui  fous  le 
nom  de  règles  s'extravafe  dans  la  cavité  de  l'utérus  ,  ne  fe  ramaffe  en  gouttes  vifibles  qu'après  s'être  ouvert 
l'accès,  depuis  les  artères  rouges  dans  des  vaiffeaux  deftinés  par  la  nature  à  charrier  une  liqueur  tranfpa- 
rente  Se  vifqueufe. 

Il  n'y  a  aucun  doute  que  Y  erreur  de  lieu  ne  doive  être  admife  dans  les  nombreux  exemples  d'hommes  plé- 
thoriques ,  qui  par  quelque  léger  excès  rendent  du  fang  par  les  urines.  On  a  vu  des  fueurs  de  fang  ,  &  des 
diarrhées  fanglantes  fans  aucune  ruprure  de  vaifleaux.  Dans  tous  ces  exemples  ,  le  fang  a  pane  des  artères 
aux  canaux  fecrétoires.  L'injedion  imite  aifément  cette  erreur ,  l'eau,  le  mercure,  l'air  partent  avec  facilité 
des  artères  des  reins  dans  les  uretères. 

Une  autre  erreur  de  Heu  très- commune  ,  c'eft  celle  par  laquelle  le  fang  paffe  dans  les  petites  cellules  du  tiffu 
qui  remplit  tous  les  intervalles  des  parties  folides  du  corps  humain.  C'eft  à  cette  erreur  qu'on  peut  rapporter 
le  redreffement  du  mamelon  du  fein  des  femmes,  la  rougeur  des  parties  enflammées,  les  noirceurs  fubites 
qui  furviennent  à  des  efforts,  &  dans  lefquelles  le  fang  a  paffé  dans  les  cellules  placées  fous  la  peau  ;  enfin 
les  taches  des  fièvres  malignes. 

Nous  n'avons  pas  encore  parlé  des  véritables  erreurs  de  lieu  ,  ni  du  fang  qui  a  paffé  des  vaiffeaux  rouges  dans 
^es  artères  lymphatiques.  Ces  artères  n'ont  pas  été  adoptées  univerfellement  :  des  perfonnes  de  beaucoup  de 
^énie  ont  remarqué  que  les  maladies  ne  prouvoient  pas  ce  que  Boerhaave  vouloit  qu'elles  prouvaffent. 

Il  eft  vrai  que  dans  l'œil  enflammé  il  paroît  fur  la  felérotique  un  beaucoup  plus  grand  nombre  de  vaiffeaux 
rouges  ,  &  que  tous  ces  vaiffeaux  font  artériels ,  qu'ils  donnent  des  branches  ,  &  que  leur  calibre  diminue  à 
snefure  qu'ils  s'éloignent  des  vaiffeaux  rouges.  Mais  ces  nouvelles  artères  ne  font  pas  des  artères  lymphati- 
ques devenues  rouges  par  une  erreur  de  Heu ,  ce  ne  font  que  les  artères  rouges  extrêmement  fines  ,  invifibles 
avant  l'inflammation  ,  &  que  le  fang  a  rendues  vifibles  en  s'y  portant  avec  plus  de  force  ,  &  dont  les  globu  es 
*'y  l'ont  multipliés.  Dans  le  méfentere  des  quadrupèdes  à  fang  froid,  on  ne  découvre  point  de  vaiffeaux-,  n  as 
quand  on  expofe  ces  membranes  au  microfeope,  on  voit  une  infinité  de  vaiffeaux  dans  les  intervalles ,  où  il 
n'en  paroiffoic  point.  Ce  font  des  veines  généralement  du  calibre  d'un  feul  globule,  &  ce  globule  n'a  pas  la 
couleur  affez  forte  pour  fe  rendre  fenfible  ;  il  ne  devient  vifïble  que  par  la  forte  clarté  qui  eft  l'effe:  de  la: 
lentille  de  verre.  Le  vitré  des  poiffons  paroit  tranfparent  •,  mais  une  forte  loupe  ,  aidée  d'un  foleil  bien  vif  * 
y  découvre  des  réfeaux  &  des  anneaux  d'artères  rouges  de  la  plus  grande  beauté.  Il  en  eft  de  même  des  artères 
du  cryuallin  ,  i'injedtion  les  rend  fenfibles. 

Si  cetre  preuve  de  l'erreur  de  lieu  n'eft  pas  convaincante,  elle  ne  doit  pas  faire  rejeter  la  chofe  même.  Il  y 
a  dans  l'iris  un  exemple  de  vaiffeaux  naturellement  remplis  d'une  liqueur  grife  qui  fortent  du  cercle  de  l'uvée, 
&  qui  paroiilent  ê:re  des  exemples  affurés  d'un  rang  de  petites  artères,  dont  la  liqueur  eft  plus  fine  que  le 
fang. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  des  ordres  fucceffifs  de  ces  vaiffeaux  :  il  n'eft  pas  probable  qu'il  puiffe  y  avoir  des: 
vaiffeaux  qui  ne  nailiént  de  l'artère  rouge ,  que  par  l'entremife  d'un  grand  nombre  de  vaiffeaux  de  diftérens 
ordres.  Ces  petits  vaiffeaux  étant  éloignés  de  îa  fource  du  mouvement,  déjà  ralenti  dans  les  dernières  artères 
rouges  ,  il  n'en  refteroit  prefque  plus  aux  liqueurs  fines  ,  après  une  longue  fuite  de  vaiffeaux  décroiffans.  Eî 
cependant  ces*  liqueurs  fines  fe  meuvent. avec  rapidité  :  nous  avons  vu  la  tranfpiration,  rendue  vilible  dans 


E  R  R 

îocl  ;  c'ell  une  expreflîon  employée  en  mé- 
decine pour  défîgner  le  changement  qui  fe 
faic  dans  le  corps  humain  ,  lorfqu'un  fluide 
d'une  nature  déterminée  &  qui  doit  être 
contenu  dans  des  vaiflèaux  qui  lui  font  pro- 
pres ,  fort  de  ces  vaiflèaux  &  fe  porte  dans 
d'autres  voifins  qui  ne  font  pas  naturelle- 
ment deflinésàlerecevoir.Commece  chan- 
gement n'ell  bien  fenfîble  que  par  rapport 
au  fang  qui  pafle  de  ces  vaiflèaux  dans  les 
lymphatiques  ou  autres ,  c'ell  3à  propre- 
ment ce  que  les  médecins  appellent  erreur 
de  lieu. 

Les  globules  rouges  font  la  partie  la  plus 
grofliere  que  l'on  obferve  dans  le  fang  ;  cette 
partie  ne  peut  être  naturellement  contenue 
&  mife  en  mouvement  que  dans  les  vaif- 
lèaux du  corps  qui  ont  le  plus  de  capacité. 
La  partie  de  ce  fluide  qui  approche  le  plus 
du  globule  rouge  par  rapport  à  fon  volume , 
peut  pénétrer  dans  des  vaiflèaux  dont  la 
capacité  approche  le  plus  des  vaiflèaux 
fanguins  ,  mais  qui  donne  l'exclufion  aux 
globules  rouges  ,  parce  qu'ils  font  trop  grof- 
fiers  pour  y  pénétrer,  &  peut  admettre  toutes 
les  autres  parties  des  fluides  plus  fubtiîs.  La 
même  choie  a  lieu  vraifemblablement  par 
rapport  aux  difFérens  ordres  de  vaiflèaux 
qui  diminuent  de  capacité  les  uns  refpecti- 
vement  aux  autres  ,  jufqu'aux  vaiflèaux  les 
plus  Amples  du  corps  humain ,  &  la  fanté 
femble  confifter  principalement  en  ce  que 
les  difFérens  fluides  relient  chacun  dans  les 
vaiflèaux  qui  lui  font  proportionnés.  C'ell 
dans  les  parties  les  plus  groffieres  de  chaque 
fluide ,  que  réfide  la  qualité  propre  qui 
ca  racle  rife. 

Lorfqu'il  arrive  que  la  trop  grande  quai 
tiré  de  fang  ,  ou  la  raréfaction  excefiîve 
de  ce  fluide  ,  ou  fon  mouvement  trop  im- 
pétueux ,  dilate  ^s  propres  vaiflèaux  ,  & 
conféquemment  les.  orifices  des  vaiflèaux 
d'un  genre  différent ,  qui  en  naiflènt  immé- 
diatement au  point  de  permettre  le  paflàge 
des  parties  les  plus  groffieres  du  fang  ,  qui 
dévoient  naturellement  relier  dans  les  vaif- 


E  R  R  949 

féaux  fanguins  ;  ces  parties  pénètrent  dans 
les  vaiflèaux  continus  où  elies  font  étran- 
gères :  elles  occupent  un  lieu  ,  où  elles  ne 
font  admifes  que  par  un  effet  contre  nature. 
Ce  même  effet  peut  auffi  être  produit  fans 
aucun  changement  dans  les  parties  foîides 
contenantes  ,  fî  la  confillance  des  fluides 
contenus  ,  ou  le  volume  â&s  parties  qui  le 
compofent ,  font  tellement  diminués  qu'ils 
puiflènt  pénétrer  dans  des  conduits  ou  ils 
n'auroient  pas  pu  être  admis  avec  leur  con- 
fillance naturelle  Le  premier  cas  fe  préfente 
fouvent  dans  les  inflammations  confidéra- 
bles  ;  &  le  fécond  ,  dans  les  diflblutions 
chaudes  de  la  marte  des  humeurs ,  par  l'effet 
de  quelque  exercice  violent  ,  de  quelque 
caufe  phyfique  ou  de  tout  autre  de  cette 
nature. 

L'ophthalmie  fournit  un  exemple  bien 
marqué  du  paflàge  du  fang  dans  des  vaif- 
feaux de  différent  genre,  par  l'effet  de  l'in- 
flammation :  toute  la  conjonctive  ou  albu- 
ginée  ,  qui  étoit  avant  l'ophthalmie  d'une 
blancheur  éclatante ,  devient  quelquefois 
dans  cette  maladie  d'un  rouge  très- foncé  ; 
ce  qui  ne  peut  pas  fe  faire  fans  que  les  vaif- 
feaux lymphatiques  foient  eux-mêmes  en- 
gorgés de  la  partie  rouge  du  fang  ,  y  ayant 
ii  peu  de  vaiflèaux  fanguins  diflribués  dans 
le  tiffu  de  cette  membrane  de  l'œil  ,  dans 
l'état  naturel. 

Cette  forte  d'erreur  de  lieu  dans  les  in- 
flammations efl  d'ailleurs  démontrée  par 
l'infpeclion  anatomique  ,  félon  l'expérience 
du  célèbre  Vieuflèns ,  rapportée  dans  fon 
ouvrage  intitulé  novum  fyfiema  vaforum  ; 
car  l'obfervation  fréquente  des  cas  dans  les- 
quels on  a  vu  des  femmes ,  qui  dans  la  fup- 
preflion  des  règles  par  la  voie  naturelle  , 
éprouvoient  un  fupplément  à  cette  évacua- 
tion par  les  orifices  des  vaiflèaux  galaclophe- 
res ,  qui  font  autour  des  mamellons  ;  en  forte 
qu'il  fe  faifoit  fans  aucune  folution  de  conti- 
nuité dans  les  vaiflèaux  fanguins ,  une  vérita- 
ble tranfmiflion  des  globules  rouges  ,  par  les 
conduits  dellinés  à  ne  porter  ordinairement 


l'air  épais  des  mines,  monter  avec  rapidité  comme  un  nuage  qui  fortiroit  de  chaque  doigt  :  le  poids  même 
que  le  corps  perd  en  peu  de  temps  par  une  forte  tranCpiration,  confirme  que  la  liqueur  qu'exhalent  les  der- 
niers vaiffeaux  de  la  peau,  n'eft  rien  moins  que  lente  dans  fes  mouvemens. 

Il  n'y  auroit  donc  d'autres  erreurs  de  lieu ,  que  celles  qui  fe  font  de  l'artère  rouge  dans  l'artère  tranfparente ,. 
dans  le  canal  excrétoire,  &  dans  le  tifîu  cellulaire.  (//.  Z>.  G.) 


95©  ERR 

que  la  lymphe  ,  &  à  féparer  de  la  maflè 
des  humeurs  la  matière  du  lait  à  l'occafion 
de  la  groffeffe.  Les  crachats ,  dans  la  périp- 
neumonie ,  ne  font  fouvent  aufîi  teints  de 
fang  ,  que  parce  qu'il  a  été  pouffe  quelques 
globules  rouges  dans  les  vaifïèaux  fecrétoires 
&  excrétoires  de  l'humeur  bronchique. 

Il  ne  manque  pas  aufîi  d'eiemples  du 
paffage  du  fang  dans  des  vaifïèaux  étran- 
gers ,  par  l'effet  de  la  difîblution  des  hu- 
meurs ;  on  le  voit  arriver  dans  les  petites 
véroles  qui  font  accompagnées  d'une  û 
grandefonte d'humeurs,  qu'ayantperdu  leur 
confiftance  naturelle  ,  les  plus  groffieres 
deviennent  fufceptibles  de  pénétrer  dans  les 
vaiffeaux  les  plus  déliés  ;  ainfi  les  globules 
rouges  paffent  par  les  couloirs  des  urines  , 
&  conflituent  le  pifîèment  de  fang  ;  ils  font 
poufîes  dans  les  vaifïèaux  cutanés  ,  ils  y 
fourniffent  matière  à  des  fueurs  fanglantes  ; 
ils  y  font  des  taches  de  couleur  d'écarlate, 
ou  pourprées ,  &c.  Voy.  Sang  ,  INFLAM- 
MATION ,  Petite  Vérole  ,  Sueur  , 
Pourpre  ,  ùc. 

On  trouve  même  ,  dans  l'économie  ani- 
male faine  ,  des  preuves  du  paffage  du  fang 
dans  des  vaifïèaux  de  différens  genres ,  que 
l'on  ne  doit  cependant  pas  appeîler  erreur 
de  lieu  y  puifqu'il  fe  fait  naturellement  ;  mais 
qui  fert  à  établir  la  poffibilité  de  celui  qui 
eft  contre  nature  ,  &  qui  fe  fait  véritable- 
ment par  erreur  de  lieu  ;  elles  font  tirées  de 
ce  qui  fe  pafTe  dans  l'écoulement  du  flux 
menMruel  ;  il  eft  certain  que  le  fang  ,  après 
s'être  ramaffé  dans  les  vaifïèaux  utérins  qui 
lui  font  propres  ,  dilate  l'orifice  des  autres 
vaiffeaux  de  la  matrice  ,  qui  ne  fervant , 
hors  du  temps  menftruel  ,  qu'à  porter  une 
lymphe  féreufe  ,  pénètre  dans  ces  vaiffeaux 
&  dans  leur  finus ,  &  parvient  à  l'embou- 
chure de  ces  mêmes  conduits ,  qui  aboutif- 
fent  à  la  furface  interne  de  la  matrice  ,  où 
il  fe  répand  d'abord  en  petite  quantité  , 
mêlé  avec  la  férofité  fous  forme  de  fanie  , 
&  enfuite  de  fang  en  maffe  ,  jufqu'à  ce  que 
ces  vaiffeaux,  dans  iefquel»  il  eft  étranger, 
foient  défempîis  ,  &  puifîènt  fe  refîèrrer  au 
point  de  ne  plus  permettre  aux  globules 
rouges  de  pénétrer  dans  leur  cavité.  Voye[ 
Menstrues,  (d) 

\  ERREUR  9  (Comm.)  défaut  de  calcul  , 
omiiîion  de  partie ,  article  mal  porté  fur 


ERR 

un  livre ,  dans  un  compte ,  ou  dans  une 
fa&ure. 

Dans  le  commerce  ,  on  dit  en  ce  divers 
fens  :  il  y  a  erreur  dans  cette  addition  ;  vous 
vous  êtes  trompé  dans  la  facture  que  vous 
m'avez  envoyée  un  tel  jour  ;  vous  tirez 
en  ligne  1677  ^v-  IO  ^  au  lieu  de  i6^j\. 
10  f.  pour  130  aunes  de  drap  à  ri  1.  15  f. 
c'efî  une  erreur  de  20  livres  qui  doit  tour- 
ner à  mon  profit  ;  j'ai  trouvé  plufieurs 
erreurs  dans  votre  compte  ;  l'article  porté 
en  crédit  le  1  juillet  pour  1540  livres  ne 
doit  être  que  de  153©  liv.  vous  me  débitez 
le  20  août  de  400  liv.  pour  ma  traite  du 
3  dudit  à  Lambert ,  je  n'en  ai  point  de 
connoiffànce. 

Dans  l'arrêté  des  comptes  que  les  mar- 
chands &  négocians  foldent  enfemble  , 
ils  ne  doivent  pas  omettre  la  claufe  ,  fauf 
erreur  de  calcul y  ou  omijfion  de  parties. 

On  dit  en  proverbe  qu'erreur  nefi  pas 
compte  y  pour  faire  entendre  que  quoiqu'un 
compte  foit  foldé  ,  fi  l'on  y  trouve  quelque 
défaut  de  calcul  ou  omifïion  de  parties  , 
on  doit  réciproquement  s'en  faire  raifon. 
Dictionnaire  de  Commerce  de  Trévoux  (j 
de  Chambers.  (G) 

ERRHINS  ,  adj.  pi.  (Pharmacie.)  Ce 
mot  vient  du  grec  b,  in,  dans,  &  plv, 
nafus  y  nez. 

C'efr  ainfi  qu'on  appelle  tous  les  remè- 
des qui  font  défîmes  à  être  introduits  dans 
le  nez. 

Ces  remèdes  fe  préparent  fous  différentes 

formes  ;  tantôt  ils   font  liquides  ,  tantôt 

^j^des  ,    tantôt  c'eft  une  poudre  ,  quel- 

■fcfois  c'eft  un  liniment ,  une  pommade  , 

un  onguent. 

Ceux  qui  font  fous  forme  liquide  ,  ou 
bien  en  poudre  ,  fe  reniflent. 

Ceux  qui  font  folides  fe  forment  en 
petits  bâtons  pyramidaux  ,  qu'on  introduit 
dans  les  narines ,  &  qu'on  y  laifle  autant 
de  temps  qu'il  eft  néceffaire. 

Les  linimens  ,  les  pommades  ,  les  on- 
guens  fe  portent  dans  le  nez  avec  le  bout 
du  doigt. 

Les  remèdes  errhins  font  quelquefois 
deftinés  à  provoquer  l'éternument  ,  &  alors 
on  les  nomme  fiernutatoires.  V.  STERNU- 
TATOIRES.  La  véritable  figniflcation  du 
mot  errhin  eft  celle  que  nous  venons  de 


ERR 

lui  donner  avec  les  auteurs  les  plus  exacts  ; 
mais  ce  n'eft  pas  dans  ce  fens  générique 
que  la  plupart  l'ont  pris  :  quelques  -  uns 
ont  reftreint  le  nom  à'errhin  aux  remèdes 
qui  excitoient  doucement  l'excrétion  des 
narines,  &  ils  ne  les  diftinguoient  des 
fternutatoires  que  par  le  degré  d'aclivité  ; 
quelques  autres  déiiniffent  Yerrhin  par  la 
forme  liquide  ;  d'autres  prétendent  au  con- 
traire que  la  conflftance  pulvérulente  , 
molle  ,  liquide  ou  folide  lui  eft  indiffé- 
rente,  &c. 

La  lignification  du  mot  errhin  étant 
bornée  ,  félon  fon  acception  la  plus  ordi- 
naire ,  à  défigner  les  remèdes  qui  évacuent 
la  membrane  pituitaire ,  nous  obferverons 
que  les  errhins  les  plus  doux  peuvent  de- 
venir fternutatoires ,  fur  certains  fujets  , 
&  que  les  fternutatoires  ,  au  contraire  , 
peuvent  n'être  que  des  évacuans  doux  pour 
d'autres  fujets.  La  manière  d'agir  de  ces 
remèdes  eft  donc  la  même  ;  ils  opèrent 
une  irritation  fur  la  membrane  pituitaire , 
&  ils  déterminent  une  évacuation  par  fes 
couloirs  ,  en  excitant  avec  plus  ou  moins 
d'énergie  l'excrétion  de  l'humeur  qu'elle 
fépare.  V.  EXCRÉTION  Ù  IRRITATION. 
Cette  irritation  portée  à  un  certain  point , 
détermine  cette  fecoufle  violente  &  con- 
vulflve  de  plufieurs  organes,  qui  eft  connue 
fous  le  nom  8  éternument  ;  fecoufle  inutile 
à  l'évacuation  des  narines  ,  mais  que  l'on 
cherche  à  exciter  dans  certain  cas ,  pour 
une  autre  vue.  Voye\  EternUMENT  Ù 
Sternutatoire. 

Les  errhins,  confédérés  comme  évacuans, 
s'emploient  le  plus  fouvent  contre  les  in- 
commodités connues  dans  le  langage  ordi- 
naire fous  le  nom  de  fluxions,  &  fur-tout 
de  celles  qui  attaquent  les  yeux  &  les  oreil- 
les ,  principalement  lorfqu'elles  font  abfo- 
lument  féieufes.  Voye\  Fluxion.  Les 
affections  véritablement  inflammatoires  des 
yeux  &  des  paupières  font  plutôt  augmen- 
tées que  diminuées  par  Fufage  des  errhins, 
quoiqu'à  vrai  dire ,  ils  deviennent  bientôt 
fi  indifferens  par  une  courte  habitude  ,  que 
Je  médecin  ne  peut  guère  compter  fur  ces 
fecours. 

L'ufage  prefque  général  du  tabac  ,  qui 
eft  un  errhin  (  que  la  plupart  des  preneurs 
de  tabac  s'appliquent  continuellement  fans 


ERU  951 

le  favoir,  comme  M.  Jourdain  faifoit  de 
la  profe  ) ,  &  même  le  feul  que  nous  em- 
ployions aujourd'hui  ,  a  rendu  ce  fecours 
encore  plus  inutile ,  ou  du  moins  plus  ra- 
rement applicable  ;  comme  l'habitude  de 
boire  du  vin  a  privé  la  plupart  des  hommes 
d'une  grande  refïburce^contre  plufteurs 
maux,  (b) 

ERS  ,  f.  m.  ÇHift.  nat.  Bot.)  Eri'um, 
genre  de  plante  à  fleurs  papilionacées.  Le 
piftil  fort  du  calice ,  &  devient  dans  la  fuite 
une  filique  dont  les  deux  faces  font  rele- 
vées en  ondes  ou  en  nœuds  ;  elle  renferme 
des  femences  arrondies  :  ajoutez  aux  carac- 
tères de  ce  genre  ,  que  les  feuilles  font 
rangées  par  paires  fur  une  côte.  Tourne- 
fort,  infiitut,    rei  herb.    Voyei  PLANTE. 

Ers  ou  OROBE.  (Pharmacie  &  matière 
médicale.  J  jLa  femence ,  ou  plutôt  la  farine 
de  Vers,  eft  la  feule  partie  de  cette  plante 
qui  foit  d'ufage  en  médecine  :  les  anciens 
médecins  la  réduifoient  en  poudre ,  &  la 
donnoient  incorporée  avec  le  miel  dans 
l'afthme  humide  ,  pour  faciliter  Pexpe&o- 
ration.  Galien  ,  dans  fon  premier  livre  des 
facultés  des  alimens,  dit  que  quoiqu'on  ne 
mange  point  la  femence  d'ers,  à  caufe  de 
fon  mauvais  goût  &  de  fon  mauvais  fuc  , 
cependant  dans  des  difettes  on  a  quelquefois 
été  obligé  d'y  recourir. 

La  farine  d'ers  eft  une  des  quatre  fari- 
nes réfolutives ,  &  elle  n'a  d'autre  ufags 
magiftral  ,  que  d'être  un  des  ingrédiens 
des  cataplafmes  qu'on  prépare  avec  ces 
farines.  Voye\  Farine  RÉSOLUTIVE.  La 
farine  d'ers  entre  dans  les  trochifques  fcilli- 
tiques. 

ERSE,  f.  f.  (Marine.)  c'eft  une  corde 
qui  entoure  le  moufle  de  la  poulie,  &  qui 
fert  à  l'amarrer.    Voye\  Etro*PE.  (Z) 

ERTZEBURGE,  (Géographie  mol) 
nom  d'un  des    cercles    de    l'éle&orat   de 
j  Saxe. 

ERUCAGO ,  f  f.  (Hifl.  nat.  Bot.)  genre 

i  de  plantes  à  fleurs  en  croix.  Il  fort  du  ca- 

!  lice  un  piftil  qui  devient  dans  la  fuite  un 

:  fruit  qui  reflèmble  à  une  petite  marîue  à 

j  quatre  faces ,  dont  les  arêtes  font  relevées 

en  forme  de  crêtes.    Ce  fruit  eft  partagé 

en  trois  loges ,  &  renferme  des  femences 

qyi  font  arrondies ,   pour  l'ordinaire ,  & 


9p  ERU 

qui  ont  un  petit  bec.  Tournefort ,  infl.  rei 
heib.    Voye\  PLANTE.  (I) 

ErUCAGO,  (Matière  médic.)  Lémery 
dit  que  Yérucagojegetumyfinapi  echinatum, 
J.  B.  eft  incifive  ,  atténuante ,  propre  pour 
raréfier  la  pituite  du  cerveau,  &  pour  faire 
écernuer.  On  1«#  attribue  une  qualité  anti- 
fcorbutique  ,  comme  à  la  vraie  roquette , 
dont  elle  a  les  principes.   Chambers. 

ERUCÏR  ,  (Vénerie.)  Il  fe  dit  d'un 
cerf,  quand  il  prend  une  branche  dans  fa 
gueule  ,  &  la  Cucq  pour  en  tirer  le  lue. 

ERUDIT,  adj.  m.  ( Littérature.  J  On 
appelle  de  la  forte  celui  qui  a  de  l'érudition 
(voyez  Érudition  )  ;  ainfi  on  peut  dire 
que  Saumaife  éteit  un  homme  érudit.  Eru- 
dit  fe  prend  aufîi  fubftantivement  ;  on  dit 
par  eîlipfe  ,  un  érudit,  pour  un  homme 
érudit  :  l'ellipfe  a  toujours  lieu  dans  les 
adjectif  pris  fubftantivement.  V.  ELLIPSE, 
Adjectif,  Substantif,  Oc. 

Les  mots  érudu  &c  docte  font  bornés  à 
déiîgner  les  hommes  profonds  dans  l'éru- 
dition ;  /avant  s'applique  également  aux 
hommes  verfés  dans  les  matières  d'érudi- 
tion &:  dans  les  feiences  de  raifonnement. 
Voyei  Sctence  ,  Docte,  Oc  (O) 

ÉRUDITION,  f.  ï.  (Philofopiùe  O 
Littérature.)  Ce  mot ,  qui  vient  du  latin 
erudire  ,  enfeigner P  figniêe  proprement  & 
à  la  lettre  ,  [avoir  }  connoiflànce ;  mais  on 
l'a  plus  particulièrement  appliqué  au  genre 
de  favoir  qui  confifte  dans  la  connoiffance 
des  faits ,  &  qui  eft  le  fruit  d'une  grande 
lecture.  On  a  ré!ervé  le  nom  de  [cience 
pour  les  connoifiances  qui  ont  plus  immé- 
diatement befoin  du  raifonnement  &  de 
la  réflexion  ,  telles  que  la  phyfîque  ,  les 
mathématiques,  Octk  celui  de  belles-lettres 
pour  les  productions  agréables  de  lefprit, 
dans  lefquelîes  l'imagination  a  plus  de  part , 
telles  que  l'Eloquence  ,  la  PoJfie ,  Oc. 

'L'érudition  y  confédérée  par  rapport  à 
l'é?at  préfent  des  lettres  ,  renferme  trois 
branches  principales  ,  la  connoiffance  de 
l'hiftoire  ,  celle  des  langues  ,  &  celle  des 
livres. 

La  connoiffance  de  l'hiftoire  fe  fubdi- 
vife  en  p!ufieurr>  branches  ;  hifîoire  ancienne 
&  moderne  ;  hiftoire  facrée  ,  profane  ,  ec- 
cléfiaftique  ;  hiftoire  de  notre  pays  &  des 
pays  étrangers;  hiffoire  des  feiences  &  des 


ERU 

arts  ;  chronologie  ;  géographie  ;  antiquités 
&  médailles  ,  Oc. 

La  connoiflànce  des  langues  renferme 
les  langues  favantes  ,  les  langues  moder- 
nes ,  les  langues  orientales ,  mortes  ou 
vivantes. 

La  connoiffance  des  livres  fuppofe  ,  du 
moins  jufqu'à  un  certain  point  ,  celle  des 
matières  qu'ils  traitent  ,  &  des  auteurs  ; 
mais  elle  confifte  principalement  dans  la 
connoiflànce  du  jugement  que  les  fa  vans 
ont  porté  de  ces  ouvrages  ,  de  1,'efpece 
d'utiiité  qu'on  peut  tirer  de  leur  ledure  , 
des  anecdotes  qui  concernent  les  auteurs 
&  les  livres  ,  des  différentes  éditions  &  du 
choix  que  l'on  doit  faire  entr'elles. 

Celui  qui  pofféderoit  parfaitement  cha- 
cune de  ces  trois  branches ,  feroit  un  éru- 
dit véritable  &  dans  routes  les  formes  : 
mais  l'objet  eft  trop  vafte  ,  pour  qu'un 
feul  homme  puiflè  l'embraffer.  Il  fuffit 
donc  ,  pour  être  aujourd'hui  profende- 
menr  érudit  ,  ou  du  moins  pour  être  cenfé 
tel  ,  de  pofft'der  feulement  à  un  certain 
point  de  perfection  chacune  de  ces  par- 
ties :  peu  de  favans  ont  même  été  dans  ce 
cas ,  &  on  paffe  pour  érudit  à  bien  meil- 
leur marché.  Cependant ,  fi  l'on  eft  obligé 
de  reftreindre  la  lignification  du  mot  érlt- 
du,  &  d'en  étendre  l'application,  il  paroît 
du  moins  jufte  de  ne  l'appliquer  qu'à  ceux 
qui  embraffent  ,  dans  un  certain  degré 
d'écendue ,  la  première  branche  de  \ éru- 
dition ,  la  connoiffance  des  faits  hifioriques, 
fur-tout  des  faits  hifioriques  anciens ,  & 
de  l'hiftoire  de  plufieurs  peuples  ;  car  un 
homme  de  lettres  qui  fe  feroit  borné,  par 
exemple  ,  à  l'hiftoire  de  France  ,  ou  même 
à  l'hiftoire  Romaine  ,  ne  mériteroit  pas 
proprement  le  nom  d'érudit ;  on  peurroit 
dire  feulement  de  lui  qu'il  auroit  beau- 
coup d'érudition  dans  l'hiftoire  de  France  , 
dans  l'hiftoire  Romaine  ,  Oc  en  qualifiant 
le  genre  auquel  il  fe  feroit  appliqué.  De 
i  même  on  ne  dira  point  d'un  homme  verfé 
j  dans  la  connoiffance  feule  des  langues  & 
!  des  livres  ,  qu'il  eft  érudit ,  à  moins  qu'à 
ces  deux  qualités  il  ne  joigne  une  connoif- 
fance affez  étendue  de  l'hiftoire. 

De  la  connoiflànce  de  l'hiftoire  ,    des 
langues  &  des  livres  ,  naît  cette  partie  im- 
portante de  Y  érudition  y  qu'on  appelle  cri- 
tique ? 


E  R  U 

tique  y  &  qui  confifte  ou  à  démêler  le 
fens  d'un  auteur  ancien  ,  ou  à  reftituer 
fon  texte  ,  ou  enfin  (  ce  qui  eft  la  partie 
principale  )  à  déterminer  le  degré  d'auto- 
rité qu'on  peut  lui  accorder  par  rapport 
aux  faits  qu'il  raconte.  Voye\  CRITIQUE. 
On  parvient  aux  deux  premiers  objets  par 
une  étude  affidue  &  méditée  de  l'auteur  t 
par  celle  de  l'hiftoire  de  fon  temps  &  de 
fa  perfonne  ,  par  le  parallèle  raifonné  des 
differens  manufcrits  qui  nous  en  reftent. 
A  l'égard  de  la  critique  ,  confédérée  par 
rapport  à  la  croyance  des  faits  hiftoriques  , 
en  voici  les  règles  principales. 

10.  On  ne  doit  compter  pour  preuves 
que  les  témoignages  des  auteurs  originaux  , 
c'eft-  à-dire  ,  de  ceux  qui  ont  écrit  dans  le 
temps  même  ,  ou  à  peu  près  ;  car  la  mé- 
moire des  faits  s'altère  aifément ,  fi  on  eft 
quelque  temps  fans  les  écrire  :  quand  ils 
parlent  fimptement  de  bouche  en  bouche  , 
chacun  y  ajoute  du  fien  ,  prefque  fans  le 
vouloir.  «  Ainfi ,  dit  M.  Fleury ,  premier 
»  difcours  fur  Itiijl.  ecclef.  ,  les  traditions 
»  vagues  des  faits  très-anciens ,  qui  n'ont 
»  jamais  été  écrits  ,  ou  fort  tard ,  ne  méri- 
»  tent  aucune  créance  ,  principalement 
»  quand  elles  répugnent  aux  faits  prouvés  : 
»  &  qu'on  ne  dife  pas  que  les  hiftoires 
n  peuvent  avoir  été  perdues  ;  car  ,  comme 
»  on  le  dit  fans  preuve  ,  on  peut  répondre 
t9  auili  qu'il  n'y  en  a  jamais  eu  ». 

2°.  Quand  un  auteur  grave  &  véridique 
d'ailleurs  ,  cite  des  écrits  anciens  que  nous 
n'avons  plus ,  on  doit ,  ou  on  peut  au  moins 
l'en  croire  :  mais  fi  ces  auteurs  anciens 
exiftent ,  il  faut  les  comparer  avec  celui 
qui  les  cite  ,  fur-tout  quand  ce  dernier  eft 
moderne  ;  il  faut  de  plus  examiner  ces  au- 
teurs anciens  eux  -  mêmes  ,  &  voir  quel 
degré  de  créance  on  leur  doit.  «  Ainfi ,  dit 
»  encore  M.  Fleury ,  on  doit  confulter  les 
»  fources  citées  par  Baronius  ,  parce  que 
»  fouvent  il  a  donné  pour  authentiques  des 
»  pièces  fauffes  ou  fufpectes  ,  &  qu'il  a 
»  fuivi  des  traductions  peu  fidèles  des 
»  auteurs  grecs  ». 

3°.  Les  auteurs  ,  même  contemporains , 
ne  doivent  pas  être  fuivis  fans  examen  : 
il  faut  favoir  d'abord  fi  les  écrits  font  véri- 
tablement d'eux  ;  car  on  n'ignore  pas  qu'il 
y  en  a  eu  beaucoup  de  fuppofés.  Voyez 
Tome  XII. 


E  R  U  95} 

DÉCRÉTAIES  ,  &c.  Quand  Fauteur  eft 
certain  ,  il  faut  encore  examiner  s'il  eft 
digne  de  foi ,  s'il  eft  judicieux,  impartial  , 
exempt  de  crédulité  &  de  fuperlhion  , 
aflèz  éclairé  pour  avoir  fu  démeLr  !e  vrai  , 
&  aflèz  fincere  pour  n'avoir  p  s  été  tenté 
quelquefois  de  fubftituer  au  vrai ,  fes  con- 
jectures ,  &  des  foupçons  dont  la  fineffe 
pouvoit  le  feduire.  Ceiui  qui  a  vu  eir  plus 
croyable  que  celui  qui  a  feulement  oui- 
dire  ,  l'écrivain  du  pays  plus  que  l'écrivain 
étranger  ,  &  celui  qui  parle  des  aftaires  de 
fa  doctrine  ,  de  fa  iecle  ,  plus  que  les  per- 
fonnes  indifférentes  ,  à  moins  que  l'auteur 
n'ait  un  intérêt  vifible  de  rapporter  les 
chofes  autrement  qu'elles  ne  foi. t.  Les  enne- 
mis d'une  fecie  ,  d'un  pays ,  doivent  fur- 
tout  être  fufpe&s  ;  mais  on  prend  droit 
fur  ce  qu'ils  difent  de  favorable  au  parti 
contraire.  Ce  qui  eft  contenu  dans  les 
lettres  du  temps  &  les  aâes  originaux  , 
doit  être  préféré  au  récit  des  hiftoriens  : 
s'il  y  a  entre  les  écrivains  de  la  diverfité, 
il  faut  les  concilier  ;  s'il  y  a  de  la  contra- 
diction ,  il  faut  choifir.  Il  eft  vrai  qu'il 
feroit  bien  plus  commode  pour  l'écrivain 
de  fe  borner  à  rapporter  les  différentes 
opinions  ,  &  de  laiffer  le  jugement  au  lec- 
teur :  mais  il  eft  plus  agréable  pour  celui-ci , 
qui  aime  mieux  favoir  que  douter  ,  d'être 
décidé  par  le  critique. 

Il  y  a  dans  la  critique  deux  excès  à  fuir 
également  ,  trop  d'indulgence  ,  &  trop  de 
févérité.  On  peut  être  très  bon  c'.  rénen , 
fans  ajouter  foi  â  une  grande  qu  nti  é  de 
faux  actes  des  martyrs  ,  de  raufies  vie-,  des 
faints,  d'évangiles  &  d'epî  très  apociiryph.es, 
â  la  légende  dorée  de  Jacques  de  Vora- 
gine  ,  à  la  fable  de  la  donation  de  Conf- 
tantin  ,  à  celle  de  la  papefie  Jeanne  ,  à 
plufieurs  mêmes  des  miracles  rapportés  par 
Grégoire  de  Tours  ,  &  par  d'autres  écri- 
vains crédules  ,  &c.  mais  on  ne  pouiroit 
être  chrétien  en  rejetan:  les  prodiges ,  les 
révélations  &  les  autres  faits  extraordinaires 
que  rapportent  S.  Irenée  ,  S.  Cyp'-ien  9 
S.  Auguftin  ,  Ùc.  auteurs  refpe&ank-s  , 
qu'il  n'eft  pas  permis  de  regarder  comme 
des  vifionnaires. 

Un  autre  excès  de  critique  eft  de  donner 
trop  aux  conjectures  :  Erafme  ,  par  exem- 
ple, a  rejeté  témérairement,  félon  M. Fleury, 
Eeeeee 


954 


E  R  U 


quelques  écrits  de  faint  Auguftin  ,  dont  le  . 
(tyle  lui  a  paru  différer  de  celui  des  autres 
ouvrages  de  ce  père  '•,  d'autres  ont  corrigé' 
à?s  mots  qu'ils  n'entendoient  pas  ,  ou  nié 
des  faits  ,  parce  qu'ils  ne  pouvoient  pas 
les  accorder  avec  d'autres  d'une  égale  ou 
d'une  moindre  autorité  ,  ou  parce  qu'ils 
ne  pouvoient  les  concilier  avec  la  chrono- 
logie dans  laquelle  ils  fe  trompoient.  On  a 
voulu  tout  favoir  &  tout  deviner  ;  chacun 
a  rafiné  fur  les  critiques  précédens  ,  pour 
ôter  quelque  fait  aux  hifloires  reçues  ,  & 
quelque  ouvrage  aux  auteurs  connus  :  cri- 
tique dangereufe  &  dédaigneufe  ,  qui 
éloigne  la  vérité  en  paroifTant  la  chercher. 
Voye\  Fleury ,  premier  difcours  fur  Vkift. 
eccl.  ,  ch.  iij  Ù  v.  Nous  en  avons  extrait 
ces  règles  de  critique  ,  qui  y  font  très-bien 
développées  ,  &  auxquelles  nous  renvoyons 
le  leéteur. 

\]  érudition  eft  un  genre  de  connoifïànce 
où  les  modernes  fe  font  diftingués  par  deux 
raifons:  plus  le  monde  vieillit,  plus  la  ma- 
tière de  X érudition,  augmente  ,  &  plus  par 
conséquent  il  doit  y  avoir  d'érudits  ; 
comme  il  doit  y  avoir  plus  de  fortunes 
lorfqu'il  y  a  plus  d'argent.  D'ailleurs ,  l'an- 
cienne Grèce  ne  faifoit  cas  que  de  fon 
hiftoire  &  de  fa  langue,  &  les  Romains 
n'étoient  qu'orateurs  &  politiques  :  ainfi 
Y  érudition ,  proprement  dite  ,  n'étoit  pas 
extrêmement  cultivée  par  les  anciens.  Il 
fe  trouva  néanmoins  à  Rome  ,  fur  la  fin 
de  la  république  ,  &  enfuite  du  temps 
des  empereurs ,  un  petit  nombre  d'érudits, 
tels  qu'un  Varron  ,  un  Pline  le  naturalise , 
&  quelques  autres. 

La  tranllation  de  l'empire  à  Conftanti- 
nople  ,  &  enfuite  la  deftruclion  de  l'em- 
pire d'Occident  anéantirent  bientôt  toute 
cfpece  de  connoifTànces  dans  cette  partie 
du  monde  :  elle  fut  barbare  jufqu'à  la 
fin  du  xv  fiecle  ;  l'Orient  fe  foutint  un 
peu  plus  long-temps  ;  la  Grèce  eut  des 
hommes  favans  dans  la  connoifîance  des 
livres  &  dans  l'hifroire.  A  la  vérité  ces 
hommes  favans  ne  lifoient  &  ne  connoif- 
foient  que  les  ouvrages  grecs ,  ils  avoient 
hérité  du  mépris  de  leurs  ancêtres  pour 
tout  ce  qui  n  étoit  pas  écrit  en  leur  lan- 
gue :  mais  comme  fous  les  empereurs  Ro- 
mains ,*  &  même  long-temps  auparavant , 


E  R  U 

plwfieurs  auteurs  Grecs  ,  tels  que  Poîybe, 
Dion  ,  Diodore  de  Sicile  ,  Denys  d'Hali- 
carnaffe  ,  ùc.  avoient  écrit  l'hiftoire  Ro- 
maine &  celle  des  autres  peuples ,  l'éru- 
dition hiftorique  &  la  connoifîance  des 
livres,  même  purement  grecs  ,  étoient  dès- 
lors  un  objet  confidérable  d'étude  pour 
les  gens  de  lettres  de  l'Orient.  Conftanti- 
nople  &  Alexandrie  avoient  deux  biblio- 
thèques confidérables  ;  la  première  fut  dé- 
truite par  ordre  d'un  empereur  infenfé  , 
Léon  i'Kaurien  :  les  favans  qui  préfidoient 
à  cette  bibliothèque  s'étoient  déclarés  con- 
tre le  fanatifme  avec  lequel  l'empereur  per- 
fécutoit  le  culte  des  images  ;  ce  prince  , 
imbécille  &  furieux  ,  fît  entourer  de  faf- 
cines  la  bibliothèque  ,  &  la  fit  brûler  avec 
les  favans  qui  y  étoient  renfermés. 

A  l'égard  de  la  biblioiheque  d'Alexan- 
drie ,  tout  le  monde  fait  la  manière  dont 
elle  fut  brûlée  par  les  Sarrafins  en  640  , 
le  beau  raifonnement  fur  lequel  le  caiife 
Omar  s'appuya  pour  cette  expédition  ,  & 
l'ufage  qu'on  fit  des  livres  de  cette  bi- 
bliothèque pour  chauffer  ,  pendant  fix 
mois  ,  quatre  mille  bains  publics.  Voye\ 
Bibliothèque. 

Photius  ,  qui  vivoit  fur  la  fin  du  IX 
fiecle  ,  lorfque  l'Occident  étoit  plongé 
dans  l'ignorance  &  dans  la  barbarie  la  plus 
profonde ,  nous  a  laide ,  dans  fa  fameufe 
bibliothèque  ,  un  monument  immortel  de 
fa  vafte  érudition  :  on  voit  ,  par  le  grand 
nombre  d'ouvrages  dont  il  juge  ,  dont  il 
rapporte  des  fragmens  ,  &  dont  une  grande 
partie  eft  aujourd'hui  perdue  ,  que  la 
barbarie  de  Léon  &  celle  d'Omar  n'a- 
voient  pas  encore  tout  détruit  en  Grèce  : 
ces  ouvrages  font  au  nombre  d'environ 
180. 

Quoique  les  favans ,  qui  fuivirent  Pho- 
tius ,  n'aient  pas  eu  autant  ^érudition  que 
lui  ,  cependant  long-temps  après  Photius, 
&  même  jufqu'à  la  prife  de  Conftan- 
tinople  par  les  Turcs  ,  en  1453  ,  la 
Grèce  eut  toujours  quelques  hommes  ins- 
truits &  verfés  (  du  moins  pour  leur 
temps  )  dans  l'hiftoire  &  dans  les  lettres  , 
Pfellus  ,  Suidas  ,  Euftathe  commentateur 
d'Homère  ,  Tzetzes ,  BefTarion  ,  Genna- 
dius  ,   &c. 

On   croit   communément  que   la  def- 


E  R  U 

trucVion  de  l'empire  d'Orient  fut  la  caufe 
du  renouvellement  des  lettres  en  Europe  ;  ! 
que  les  favans  de  la   Grèce  ,    chaiTés  de 
Conftantinople  par  les  Turcs  ,  &  appelles 
par  les  Médicis  en   Italie  ,  rapportèrent  la  j 
lumière  en  Occident  :  cela  eft  vrai  jufqu'à 
un  certain  point  ;  mais  l'arrivée  des  favans 
de  la  Grèce  avoit  été  précédée  de  l'inven-  ; 
tion  de  l'imprimerie  »  faite  quelques  années  i 
auparavant  ,  àes  ouvrages  du  Dante  ,  de  ; 
Pétrarque  &  de  Boçace  ,  qui  avoienc  ra-  | 
mené  en    Italie    l'aurore  du    bon   goût  ;  j 
enfin  ,   d'un   petit  nombre  de  favans  qui  j 
avoient  commencé  à  débrouiller  &  même 
à  cultiver   avec  fuccès   la   littérature   la- 
tine ,  tels  que  le  Pogge  ,  Laurent  Valla  , 
Phileîphe   &  quelques  autres.    Les  Grecs 
de     Conftantinople    ne    furent    vraiment 
utiles  aux  gens  de  lettres  d'Occident ,  que 
pour  la  connoifTance  de  la  langue  grecque 
qu'ils   leur  apprirent   à  étudier  :    ils  for- 
mèrent des  élevés  ,  qui  ,    bientôt ,    éga- 
lèrent ou  furpaflerent  leurs  maîtres.  Ainfi , 
ce  fut  par  l'étude  des  langues  grecque  & 
latine    que    Y  érudition    renaquit  :   l'étude 
approfondie  de  ces  langues  &  des  auteurs 
qui  les  avoient  parlées  ,    prépara  infenfi- 
blement  les  efprits  au  goût  de  la  faine  lit- 
térature ;   on    s'apperçut  que  les  Démof- 
thene  &  les  Cïcéron  ,  les  Homère  &  les 
Virgile  ,    les    Thucydide    &    les    Tacite 
avoient    fuivi  les    mêmes   principes  dans 
l'art  d'écrire  ,   &  on  en   conclut  que  ces 
principes  étoient  les  fondemens  de  l'art. 
Cependant ,  par  les  raifons  que  nous  avons 
expofées  dans  le  difeours  préliminaire  de 
cet  ouvrage  ,  les  vrais  principes  du  goût 
ne  furent  bien  connus  &  bien  développés 
que    lorfqu'on   commença  à  les  appliquer 
aux  langues  vivantes. 

Mais  le  premier  avantage  que  produifit 
lécude  des  langues  fut  la  critique,  dont 
nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  :  on  purgea 
les  anciens  textes  des  fautes  que  l'ignorance 
ou  l'inattention  des  copiftes  y  avoient  in- 
troduites ;  on  y  reftitua  ce  que  l'injure  des 
temps  avoit  défiguré  ;  on  expliqua  par  de 
favans  commentaires  les  endroits  obfcurs  ; 
on  fe  forma  des  règles  pour  diftinguer  les 
écrits  vrais  d'avec  les  écrits  fuppofés ,  règles 
fondées  fur  la  connoifTance  de  l'hiftoire,  de 
ja  Chronologie  ,  du  ftyîe  des  auteurs ,  du 


E  R  U  955 

goût  &  du  caractère  des  différensfiecles.  Ces 
règles  furent  principalement  utiles,  lorfque 
nos  favans ,  après  avoir  comme  épuifé  la  lit- 
térature latine  &  grecque,  fe  tournèrent  vers 
ces  temps  barbares  &  ténébreux  qu'on  ap- 
pelle le  moyen  âge.  On  fait  combien  notre 
nation  s'eft  diftinguée  dans  ce  genre  d'étude  ; 
les  noms  des  Pithou ,  des  Sainte  Marthe  , 
des  Ducange  ,  des  Valois  ,  des  Mabillon , 
Ùc.  fe  font  immortalifés  par  elle. 

Grâces  aux  travaux  de  ces  favans  hommes, 
l'antiquité  &  les  temps  poftérieurs  font  non 
feulement  défrichés ,  mais  prefque  entière- 
ment connus  ,  ou  du  moins  aufli  connus 
qu'il  eft  pofTible  ,  d'après  les  monumens 
qui  nous  relient.  Le  goût  des  ouvrages  de 
bel  efprit  &  l'étude  des  feiences  exactes  a 
fuccédé  parmi  nous  au  goût  de  nos  pères 
pour  les  matières  à? érudition.  Ceux  de  nos 
contemporains  qui  cultivent  encore  ce  der- 
nier genre  d'étude  ,  fe  plaignent  de  la  pré- 
férence exclufive  &  injurieufe  que  nous 
donnons  à  d'autres  objets  ;  voye\  Vhifioire 
de  Facad.  des  Belles-Lettres  ,  tome  XVI. 
Leurs  plaintes  font  raifonnables  &  dignes 
d'être  appuyées  ;  mais  quelques-unes  des 
raifons  qu'ils  apportent  de  cette  préférence 
ne  paroifTent  pas  aufîi  inconteftabies.  La 
culture  des  lettres ,  difent-ils ,  veut  être  pré- 
parée par  les  études  ordinaires  des  collèges  ; 
préliminaire  que  l'étude  des  mathématiques 
&  de  la  phyfique  ne  demande  pas.  Cela  eft 
vrai  ;  mais  le  nombre  de  jeunes  gens  qui 
fortent  tous  les  ans  des  écoles  publiques , 
étant  très  -  confîdérable  ,  pourroit  fournir 
chaque  année  à  X érudition  des  colonies  & 
des  recrues  très- fuffifan tes ,  fi  d'autres  rai- 
fons ,  bonnes  ou  mauvaifes  ,  ne  tournoient 
les  efprits  d'un  autre  côté.  Les  mathéma- 
tiques ,  ajoure-t-on  ,  font  compefées  de  par- 
ties diftinguées  les  unes  des  autres,  &  dont 
on  peut  cultiver  chacune  féparément;  an  !i«_u 
que  toutes  les  branches  de  X érudition  tien- 
nent entr'elles  &  demandent  â  être  embraf- 
fées  à  la  fois.  Il  eft  aifé  de  répondre,  i°. 
qu'il  y  a  dans  les  mathématiques  un  grand 
nombre  de  parties  qui  fuppofent  la  connoif- 
fance  des  autres  ;  qu'un  aftronome  ,  par 
exemple  ,  s'il  veut  embrafTèr  dans  toute 
fon  étendue  &  dans  toute  fa  perfection  la 
feience  dont  il  s'occupe ,  doit  être  très-verfé 
dans  la  géométrie  élémentaire  &  fublime  , 
Eeeeec  i 


95*  ERU 

dans  l'analyfe  la  plus  profonde  ,  dans  la 
mechanique  ordinaire  &  tranfcendante  , 
dans  l'optique  &  dans  toutes  fes  branches  ,  ! 
dans  les  parties  de  la  phyfique  &  des  arts 
qui  ont  rapport  à  la  conftruction  des  inf- 
Crâniens  ;  2°.  que  fi  V érudition  a  quelques 
parties  dépendantes  les  unes  des  autres  ,  elle 
en  a  aufli  qui  ne  fe  fuppofent  point  réci- 
proquement ;  qu'un  grand  géographe  peut 
être  étranger  dans  la  connoiftànce  des  anti- 
quités &  des  médailles  ;  qu'un  célèbre  an- 
tiquaire peut  ignorer  toute  lhiftoire  mo- 
derne ;  que  réciproquement  un  lavant  dans 
l'hiftoire  moderne  peut  n'avoir  qu'une  con- 
noiftànce très-générale  &  très-légère  de  l'hif- 
toire  ancienne  ,  &  ainfï  du  refte.  Enfin ,  dit- 
on,  les  mathématiques  offrent  plus  d'efpé- 
rances  &  de  fecours  pour  la  fortune  que 
Y  érudition  :  cela  peut  être  vrai  des  mathé- 
matiques pratiques  &  faciles  à  apprendre  , 
connue  le  génie  ,  l'architecture  civile  &  mi- 
litaire ,  l'artillerie  :  Ùc.  mais  les  mathéma- 
tiques tranfeendantes  &  la  phyfique  ,  n'of- 
frent pas  les  mêmes  refîburces  ,  elles  font 
â  peu  près  à  cet  égard  dans  le  cas  de  \ 'éru- 
dition ;  ce  n'eft  donc  pas  par  ce  motif  qu'elles 
font  maintenant  plus  cultivées. 

II  me  fembîe  qu'il  y  a  d'autres  raifons  plus 
réelles  de  la  préférence  qu'on  donne  aujour- 
d'hui à  l'élude  des  feiences  ,  &  aux  matières 
de  bel  efprit.  i°.  Les  objets  ordinaires  de 
Yérudition  font  comme  épuifés  par  le  grand 
nombre  de  gens  de  lettres  ,  qui  fe  font  ap- 
pliqués à  ce  genre  ,  il  n'y  refte  plus  qu'à 
glaner  ;  &  l'objet  des  découvertes  qui  font 
encore  à  faire  ,  étant  d'ordinaire  peu  im- 
portant ,  eft  peu  propre  à  piquer  la  curiofité. 
Les  découvertes  dans  les  mathématiques  & 
dans  la  phyfique  ,  demandent  fans  doute 
plus  d'exercice  de  la  partie  de  l'efprit,  mais 
l'objet  en  eft  plus  aterayant ,  le  champ  plus 
vafte  ;  &  d'ailleurs ,  elles  flattent  davantage 
Famour-propre  par  leur  difficulté  même.  A 
l'égard  des  ouvrages  de  bel  efptiti,  il  eft  fans 
doute  très-difficile  i  &  plus  difficile  peut- 
être  qu'en  aucun  autre  genre ,  d'y  produire 
des  chofes  nouvelles  ;  mais  la  vanité  fe  fait 
aifémenr  illufion  fur  ce  point  ;  elle  ne  voit 
que  le  plaifir  de  traiter  desfujets  plus  agréa- 
bles ,  &  d'être  applaudie  par  un  plus  grand 
nombre  de  juges.  Ainfi  les  feiences  exactes 
&  les  belles-lettres ,  font  aujourd'hui  pré- 


E  R  U 

férées  à  Yéru dition  3  par  la  même  raifon  qui 
au  renouvellement  des  feiences  leur  a  fait 
préférer  celle-ci ,  un  champ  moins  frayé  & 
moins  battu  ,  &  plus  d'occafions  de  dire 
des  chofes  nouvelles  ,  ou  de  pafler  pour  en 
dite  ;  car  i  ambition  de  faire  des  décou- 
vertes en  un  genre ,  eft ,  pour  ainfi  dire  , 
en  raifon  compofée  de  la  facilité  des  dé- 
couvertes conhdérées  en  eiLs-mêmes ,  & 
du  nombre  d'occafions  qui  fe  préfentent  de 
les  fane  ,  ou  de  paroître  les  avoir  faites. 

2°.  Les  ouvrages  de  bel  efprit  n'exigent 
prefqu'aucune  lecture  ;  du  génie  &  quel- 
ques grands  modèles  fuffifent  :  l'étude  des 
mathématiques  &  de  la  phyfique  ne  de- 
mande non  plus  que  la  lecture  réfléchie  de 
quelques  ouvrages  ;  quatre  ou  cinq  livres 
d  un  afîèz  petit  volume ,  bien  médités,  peu- 
vent rendre  un  mathématicien  très-profond 
dans  l'analyfe  &  la  géométrie  fublime  ;  il 
en  eft  de  même  à  proportion  des  autres 
parties  de  ces  fciences.LV>W/fto/z  demande 
bien  plus  de  livres  ;  il  eft  vrai  qu'un  homme 
de  lettres  qui ,  pour  devenir  érudit  y  fe  bor-*. 
neroit  à  lire  les  livres  originaux,  abrégeroit 
beaucoup  fes  lectures  ,  mais  il  lui  en  refte- 
roit  encore  un  afîez  grand  nombre  à  faire  ; 
d'ailleurs  ,  il  auroit  beaucoup  à  méditer  , 
pour  tirer  par  lui-même  ,  de  la  lecture  des 
originaux  ,  les  connoifîances  détaillées  que 
les  modernes  en  ont  tirées  peu  à  peu ,  en 
s'aidant  des  travaux  les  uns  des  autres  ,  & 
qu'ils  ont  développés  dans  leurs  ouvrages. 
Un  érudit  qui  fe  formeroit  par  la  lecture 
des  feuls  originaux  ,  feroit  dans  le  cas  d'un 
géomètre  qui  voudroit  fuppléer  à  toute 
lecture  par  la  feule  méditation  ;  il  le  pourroit 
abfolument  avec  un  talent  fupérieur  ,  mais 
il  iroit  moins  vite  ,  &  avec  beaucoup  plus 
de  peine. 

Telles  font  les  raifons  principales  qui  ont 
fait  tomber  parmi  nous  Y  érudition;,  mais  fi 
elles  peuvent  fervir  à  expliquer  cette  chute , 
elles  ne  fervent  pas  à  la  juftifier. 

Aucun  genre  de  connoiftànce  n'eft  me- 
prifable  ;  l'utilité  des  découvertes  ,  en  ma- 
tière à' érudition ,  n'eft  peut-être  pas  auffi 
frappante  ,  fur  -  tout  aujourd'hui ,  que  le 
peut  être  celle  des  découvertes  dans  les  feien- 
ces exactes  ;  mais  ce  n'eft  pas  l'utilité  feule  , 
c'eft  la  curiofité  fatisfaite  ,  &  le  degré  de 
difficulté  vaincue ,  qui  font  le  mérite  des 


E  R  U 

découvertes  :  combien  de  découvertes ,  en 
matière  de  fc'.ence  ,  n'ont  que  ce  mérite  ? 
combien  peu  même  en  ont  un  autre? 

L'efpece  de  fagacité  que  demandent  cer- 
taines branches  de  V érudition  ,  par  exemple 
la  critiqua  ,  n'eft  guère  moindre  que  celle 
qui  eft  néceffaire  à  l'étude  des  Sciences  , 
peut-être  mime  y  faut-  il  quelquefois  plus 
de  finjiTe  ;  l'art  &  Pufage  des  probabilités 
&  djs  conjectures,  fuppofent  en  général  un 
efprit  plus  fouple  &  plus  délié ,  que  celui 
qui  ne  fe  rend  qu'à  la  lumière  des  démonf- 
trations. 

D'ailleurs ,  quand  on  fuppoferoit  (  ce 
q.ui  n'eft  pas  )  qu'il  n'y  a  plus  abfolument 
de  progrès  à  faire  dans  l'étude  des  langues 
favantes  cultivées  par  nos  ancêtres ,  le  Latin, 
le  Grec ,  &  même  l'Hébreu  ;  combien  ne 
refte  t-il  pas  encore  à  défricher  dans  l'étude 
de  plufieurs  langues  orientales ,  dont  la 
connoiffance  approfondie  procureroit  à  no- 
tre littérature  les  plus  gra  ids  avantages?  On 
fait  avec  quel  fuccès  les  Arabes  ont  cultivé 
les  fciences  ;  combien  l'aftronomie  ,  la 
médecine  ,  la  chirurgie  ,  l'arithmétique  & 
l'algèbre  leur  font  redevables  ;  combien  ils 
ont  eu  d'hiftoriens  ,  de  poètes ,  enfin 
d'écrivains  en  tout  genre.  La  bibliothèque 
du  roi  eft  pleine  de  manufcrits  Arabes  , 
dont  la  traduction  nous  vaudroit  une  in- 
finité de  connoiflances  curieufes.  Il  en  eft 
de  même  de  la  langue  Chinoife.  Quelle 
vafte  matière  de  découvertes  pour  nos 
littérateurs  ?  On  dira  peut-être  que  l'étude 
feule  de  ces  langues  demande  un  favant 
tout  entier  ,  &  qu'après  avoir  pafTé  bien 
des  années  à  les  apprendre  ,  il  ne  reftera 
plus  affez  de  temps  pour  tirer  de  la  lec- 
ture àes  auteurs  les  avantages  qu'on  s'en 
promet.  Il  eft  vrai  que  dans  l'état  préfent 
de  notre  littérature  ,  le  peu  de  fecours  que 
l'on  a  pour  l'étude  des  langues  orientales  , 
doit  rendre  cette  étude  beaucoup  plas 
longue  ,  &  que  les  premiers  favans  qui  s'y 
appliqueront  ,  y  confumeront  peut-être 
toute  leur  vie  ;  mais  leur  travail  fera  utile 
à  leurs  fuccefïèurs  ;  les  dictionnaires  ,  les 
grammaires  ,  les  traductions  fe  multiplie- 
ront &  fe  perfectionneront  peu  à  peu  ,  & 
la  facilité  de  s'inftruire  dans  ces  langues 
augmentera  avec  le  temps.  Nos  premiers 
favans  ont  paffé  prefque  toute  leur  vie  à 


E  R  U  957 

l'étude  du  Grec  ;  c'eft  aujourd'hui  une 
affaire  de  quelques  années.  Voilà  donc  une 
branche  d'érudition  _,  toute  neuve  ,  trop 
négligée  jufqu'à  nous ,  &  bien  digne  d'exer- 
cer nos  favans.  Combien  n'y  a-t-il  pas  en- 
core à  découvrir  dans  des  branches  plus 
cultivées  que  celle-là?  Qu'on  interroge 
ceux  qui  ont  le  plus  approfondi  la  géogra- 
phie ancienne  &  moderne  ,  on  apprendra 
d'eux ,  avec  étonnement ,  combien  ils  trou- 
vent dans  les  originaux  de  choies  qu'on 
n'y  a  point  vues  ,  ou  qu'on  n'en  a  point 
tirées  ,  &  combien  d'erreurs  à  rectifier  dans 
leurs  prédéceflèurs.  Celui  qui  défriche  le 
premier  une  matière  avec  fuccès  ,  eft  fuivi 
d'une  infinité  d'auteurs ,  qui  ne  font  que 
le  copier  dans  fes  fautes  mêmes,  qui  n'ajou- 
tent abfolument  rien  à  fon  travail  ;  &  on 
eft  furpris  ,  après  avoir  parcouru  un  grand 
nombre  d'ouvrages  fur  le  même  objet,  de 
voir  que  les  premiers  pas  y  font  à  peine* 
encore  faits ,  lorfque  la  multitude  le  croit 
épuifé.  Ce  que  nous  difons  ici  de  la  géogra- 
phie ,  d'après  le  témoignage  des  hommes 
les  plus  verfés  dans  cette  fcience ,  pourroit 
fe  dire  par  les  mêmes  raifons ,  d'un  grand 
nombre  d'autres  matières.  Il  s'en  faut  donc 
beaucoup  que  X érudition  foit  un  terrein  où 
nous  n'ayions  plus  de  moifïbn  à  faire. 

Enfin  les  fecours  que  nous  avons  aujour- 
d'hui pour  Yérudition  ,  la  facilitent  telle- 
ment ,  que  notre  pareffe  ferok  inexcufable  , 
fi  nous  n'en  profitions  pas. 

Cicéron  a  eu  ,  ce  me  femble  ,  grand 
tort  de  dire  que  pour  réufîîr  dans  les  ma- 
thématiques ,  il  fuffit  de  s'y  appliquer  ; 
c'eft  apparemment  par  ce  principe  qu'il 
a  traité  ailleurs  Archimede  de  petit  homme, 
homuntio  :  cet  orateur  parloit  alors  en 
homme  très  -  peu  verfé  dans  ces  fciences. 
Peut-être  à  la  rigueur ,  avec  le  travail  feul  r 
pourroit -on  parvenir  à  entendre  tout  ce 
que  les  géomètres  ont  trouvé  ;  je  doute 
même  fi  toutes  fortes  de  perfonnes  en 
feroient  capables  ,  la  plupart  des  ouvrages 
de  mathématiques  étant  afîcz  mal  faits ,  & 
peu  à  la  portée  du  grand  nombre  des 
efprits ,  au  niveau  defquels  on  auroit  pu 
cependant  les  rabaifter  {voye\  Elémens  ù 
Logique)  ;  mais  pour  être  inventeur  dans 
ces  fciences  ,  pour  ajourer  aux  découvertes 
des  Defcartes  &  des  Newton ,  il  faut  un* 


9Î8  ERU 

degré  de  génie  &  de  taLns  auquel  bien  peu  i 
de  gens  peuvent  atteindre.  Au  concraire  , 
il  n'y  a  point  d'homme  qui ,  avec  des  yeux  , 
de  la  patience  ,  &  de  la  mémoire  ,  ne 
puifïè  devenir  très-érudit  à  force  de  ledure.  j 
Mais  cette  raifon  doit  -  elle  taire  méprifer 
Yérudition  ?  nullement.  C'eft  une  railbn  de 
plus  pour  engager  à  l'acquérir. 

Enfin  ,  on  auroit  tort  d'objeder  que 
Yérudition  rend  l'efprit  froid  ,  pefant ,  in- 
fenfible  aux  grâces  de  l'imagination.  Ve'ra- 
dition  prend  le  caradere  des  efprits  qui  la 
cultivent  ;  elle  eft  hérifTée  dans  ceux-ci , 
agréable  dans  ceux-là  ,  brute  &  fans  ordre 
dans  les  uns ,  pleine  de  vues  ,  de  goût  , 
de  fmefTe  ,  &  de  fagacité  dans  les  autres  : 
Yérudition  ,  ainfî  que  la  géométrie  ,  laifle 
l'efprit  dans  l'état  où  elle  le  trouve  ;  ou 
pour  parler  plus  exactement ,  elle  ne  fait 
d'effet  fenfible  en  mal ,  que  fur  des  efprits 
que  la  nature  y  avoit  déjà  préparés  ;  ceux 
que  Yérudition  appefantit ,  auroient  été 
pefans  avec  l'ignorance  même  ;  ainfl  la 
pet  te ,  à  cet  égard  ,  n'eft  jamais  grande  ; 
on  y  gagne  un  favant ,  fans  y  perdre  un 
écrivain  agréable.  Balzac  appelloit  l'érudition 
le  bagage  de  l'antiquité;  j'aimerois  mieux 
l'appeller  le  bagage  de  l'efprit,  dans  le  même 
fens  que  le  chancelier  Bacon  appelle  les 
richeflfes  le  bagage  de  la  vertu  :  en  effet , 
Yérudition  eft  à  l'efprit ,  ce  que  le  bagage 
eft  aux  armées  ;  il  eft  utile  dans  une  armée 
bien  commandée  ,  &  nuit  aux  opérations 
des  généraux  médiocres. 

On  vante  beaucoup  ,  en  faveur  des 
fciences  exades  ,  l'efprit  philofophique 
qu'elles  ont  certainement  contribué  à  ré- 
pandre parmi  nous  ;  mais  croit-on  que  cet 
efprit  philofophique  ne  trouve  pas  de  fré- 
quentes occafions  de  s'exercer  dans  les 
matières  ^érudition  ?  Combien  n'en  faut-il 
pas  dans  la  critique  ,  pour  démêler  le  vrai 
d'avec  le  faux  ?  Combien  Phiftoire  ne 
fournit -elle  pas  de  monumens  de  la  four- 
berie ,  de  l'imbécillité  ,  de  l'erreur  ,  &  de 
l'extravagance  des  hommes  ,  &  des  philo- 
fophes  même  ?  matière  de  réflexions  aufti 
immenfe  qu'agréable  pour  un  homme 
qui  fait  penfer.  Les  fciences  exades ,  dira- 
t-on  ,  ont ,  à  cet  égard ,  beaucoup  d'avan- 
tage ;  l'efprit  philofophique  ,  que  leur 
&ude  nourrit ,  ne  trouve  dans  cette  étude 


E  R  U 

aucun  contre-poids  ;  l'étude  de  Phiftoire , 
au  contraire  ,    en  a  un    pour  des  efprits 
d'une  trempe  commune  :  un  érudit ,  avide 
de  faits  ,  qui  font  les  feules  connoiflànces 
qu'il  recnerche  &  dont  il  fafte  cas  ,  eft  en 
danger   de   s'accoutumer  à   trop   d'indul- 
gence fur  cet  article  ;  tout  livre  qui  con- 
tient des  faits ,  ou  qui  prétend  en  contenir  , 
eft  digne   d'attention    pour    lui  ;   plus   ce 
livre  eft  ancien  ,  plus  il  eft  porté  à  lui  ac- 
corder de  créance  ;  il  ne  fait  pas  réflexion 
que  l'incertitude  des  hiftoires   modernes  , 
dont  nous  fbmmes  à  portée  de  vérifier  les 
faits  ,  doit  nous  rendre  très  -  circonfpeds 
dans  le  de^  j  de  confiance  que  nous  don- 
nons aux  hiitoires  anciennes  ;  un  poète  n'eft 
pour  lui  qu'un  hiitorien   qui    dépofe   des 
ufages  de  fon  temps  ;  il  ne  cherche  dans 
Homère ,  comme  ieu  M.   l'abbé  de  Lon- 
guerue  ,  que  la  géographie  &  les  mœurs 
antiques  ;  le   grand    peintre    &   le  grand 
homme  lui  échappent.   Mais  en    premier 
lieu  ,  il  s'enfuivroit  tout  au  plus  de  cette 
objedion  ,  que  Yérudition  y  pour  être  vrai- 
ment eftimable,  a  befoin  d'être  éclairée 
par    l'efprit   philofophique  ,  &   nullement 
qu'on    doit  la    méprifer   en   elle  -  même. 
En  fécond  lieu ,  ne  fait-on  pas  aufti  quelque 
reproche  à  l'étude   des   fciences  exades  , 
celui  d'éteindre  ou  d'affoiblir  l'imagination , 
de  lui  donner  de  la  fécherefTe  ,  de   rendre 
infenfible  aux  charmes  des  belles-lettres  & 
des  arts  ,  d'accoutumer  à  une  certaine  rai- 
deur d'efprit  qui  exige  des  démonftrations , 
quand   les    probabilités    fuffifent  ,    &    qui 
cherche  à  tranfporter  la  méthode  géomé- 
trique à  des  matières  auxquelles  ellefe  refufe? 
Voye\  DEGRÉ.  Si  ce  reproche  ne  tombe 
pas  fur  un   certain  nombre  de  géomètres  , 
qui  ont  fu  joindre  aux  connoiflances  pro- 
fondes  les  agrémens  de  l'efprit ,  ne  s'a- 
drefte  - 1  -  il  pas  au  plus  grand  nombre  des 
autres  ?   &  n'eft  -  il  pas  fondé  ,  du  moins 
à  quelques  égards?  Convenons  donc  que 
de  ce  côté  tout  eft  à  peu  près  égal  entre 
les  lciences  &  Yérudition  }  pour  les  inconr 
véniens  &  les  avantages. 

On  fe  plaint  que  la  multiplication  des 
journaux  &  des  didionnaires  de  toute  ef- 
pece  ,  a  porté  parmi  nous  le  coup  mortel 
â  Yérudition  y  &  éteindra  peu  à  peu  le  goût 
de  l'étu4p  J  nous   croyons  avoir  fuffifam- 


E  R  U 

ment  répondu  à  ce  reproche  dans  le  âifcours 
préliminaire  y  pag.  xxxiv  >  dans  YaveràJJe- 
/72f/jfdutroifieme  volume,  &  à  la  fin  au  mot 
Dictionnaire,  à  l'an.  Dictionnai- 
res des  Sciences  &  des  Arts.  Les  par- 
tifans  de  1: 'érudition  prétendent  qu'il  en  fera 
de  nous  comme  de  nos  pères ,  à  qui  les  abré- 
gés y  les  analyses y  les  recueils  de  fentences  , 
faits  par  des  moines  &  dès  clercs  dans  les 
fiecles  barbares  ,  firent  perdre  infenfible- 
menr,  l'amour  des  lettres ,  la  connoiflânce 
des  originaux  ,  &  jufqu'aux  originaux  mê- 
mes. Nous  fommes  dans  un  cas  bien  diffé- 
rent ;  l'imprimerie  nous  met  à  couvert  du 
danger  de  perdre  aucun  livre  vraiment  utile: 
plût  à  Dieu  qu'elle  n'eut  pas  l'inconvénient 
de  trop  multiplier  les  mauvais  ouvrages  ! 
Dans  les  fiecles  d'ignorance ,  les  livres 
étoient  fi"  difficiles  à  fe  procurer  ,  qu'on 
étoit  trop  heureux  d'en  avoir  des  abrégés  & 
des  extraits  :  on  étoit  favant  à  ce  titre  ; 
aujourd'hui  on  ne  le  feroit  plus. 

Il  eft  vrai,  grâces  aux  traductions  qui 
ont  été  faites  en  notre  langue  d'un  très- 
grand  nombre  d'auteurs  ,  &  en  général , 
grâces  au  grand  nombre  d'ouvrages  publiés 
en  François  fur  toute  forte  de  matières  ;  il 
eft  vrai ,  dis -je  ,  qu'une  perfonne  unique- 
ment bornée  à  la  connoifTance  de  la  langue 
Françoife  ,  pourroit  devenir  très-favante 
par  la  lecture  de  ces  feuls  ouvrages.  Mais 
outre  que  tout  n'eft  pas  traduit  ,  la  lecture 
des  traductions ,  même  en  fait  ^érudition 
pure  &  (impie  (  car  il  n'eft  pas  ici  queftion 
des  lectures  de  goût)  ,  ne  fupplée  jamais 
parfaitement  à  celle  des  originaux  dans  leur 
propre  langue.  Mille  exemples  nous  con- 
vainquent tous  les  jours  de  l'infidélité  des 
tradudeurs  ordinaires ,  &  de  l'inadver- 
tance des  traducteurs  les  plus  exacts. 

Enfin  ,  car  ce  n'eft  pas  un  avantage  à 
paflèr  fous  filence  ,  l'étude  des  fciences  doit 
tirer  beaucoup  de  lumières  de  la  lecture 
des  ancien^.  On  peut  fans  doute  favoir 
l'hiftoire  des  penfées  des  hommes  fans 
penfer  foi-même  ;  mais  un  philofophe  peut 
lire  avec  beaucoup  d'utilité  le  détail  des 
opinions  de  fes  femblables  ;  il  y  trouvera 
fouvent  des  germes  d'idées  précieufes  a 
développer  ,  des  conjeétures  à  vérifier ,  des 
faits  âéclaircir,  des  hypothefès  à  confirmer. 
U  n'y  a  prefque  dans  notre  phyfique  moderne 


E  R  U  959 

aucuns  principes  généraux ,  dont  l'énoncé 
ou  du  moins  le  fond  ne  fe  trouve  chez  les 
anciens  ;  on  n'en  fera  pas  furpris  ,  fi  on 
confidere  qu'en  cette  matière  les  hypothefès 
les  plus  vraifembîables  fe  préfentent  aftez 
naturellement  à  l'efprit ,  que  les  combinai- 
fons  d'idées  générales  doivent  être  bientôt 
épuifées  ,  &  par  une  efpece  de  révolution 
forcée  ,  être  fucceflïvement  remplacées  les 
unes  par  les  autres,  Voyei  Eclectique. 
C'eft  peut-être  par  cette  raifon  ,  pour  le 
dire  en  paflant ,  que  la  philofophie  moderne 
s'eft  rapprochée  fur  pîufieurs  points  de  ce 
qu'on  a  penfé  dans  le  premier  âge  de  la 
philofophie  ,  parce  qu'il  femble  que  la  pre- 
mière imprefïion  de  la  nature  eft  de  nous 
donner  des  idées  juftes  ,  que  l'on  aban- 
donne bientôt  par  incertitude  ou  par  amour 
de  la  nouveauté  ,  &  auxquelles  enfin  on  eft 
forcé  de  revenir. 

Mais  en  recommandant  aux  philofophes 
mêmes  la  lecture  de  leurs  prédécefleurs  ,  ne 
cherchons  point ,  comme  l'ont  fait  quelques 
favans ,  à  déprimer  les  modernes  fous  ce 
faux  prétexte ,  que  la  philofophie  moderne 
n'a  rien  découvert  de  plus  que  l'ancienne. 
Qu'importe  à  la  gloire  de  Newton ,  qu'Em- 
pedocle  ait  eu  quelques  idées  vagues  &  in- 
formes du  fyftême  de  la  gravitation  ,  quand 
ces  idées  ont  été  dénuées  des  preuves 
nécefiaires  pour  les  appuyer  ?  Qu'importe 
à  l'honneur  de  Copernic  ,  que  quelques 
anciens  philofophes  aient  cru  le  mouvement 
de  la  terre  ,  fi  les  preuves  qu'ils  en  don- 
noient  n'ont  pas  été  fuffifantes  pour  empê- 
cher le  plus  grand  nombre  de  croire  le 
mouvement  du  foleil  ?  Tout  l'avantage  à 
cet  égard  ,  quoiqu'on  en  dife  ,  eft  du  côté 
des  modernes  ,  non  parce  qu'ité  font  fupé- 
rieurs  en  lumières  à  leurs  prédécefleurs  , 
mais  parce  qu'ils  (ont  venus  depuis.  La 
plupart  des  opinions  des  anciens  fur  le  fyf- 
tême du  monde  >  &  fur  prefque  tous  les 
objets  de  la  phyfique  ,  font  fi  vagues  &  fî 
mal  prouvées ,  qu'on  n'en  peut  tirer  aucune 
lumière  réelle.  On  n'y  trouve  point  ces 
détails  précis ,  exacts  &  profonds ,  qui  font 
la  pierre  de  touche  de  la  vérité  d'un  fyftême  , 
&  que  quelques  auteurs  affectent  d'en  ap- 
pellet  Y  appareil,  mais  qu'on  en  doit  regarder 
comme  le  corps  &  la  fubftance  ,  &  qui  ert 
font  par  conféquènt  la  difficulté  &  le  mérite.. 


96o  E  R  U 

En  vain  un  favant  illuftre ,  en  revendiquant 
nos  hyporhefes  &  nos  opinions  à  l'ancienne 
philofophie,  a  cru  la  venger  d'un  mépris 
injufîe  ,  que  les  vrais  favans  &  les  bons 
efprics  n'ont  jamais  eu  pour  elle;  fa  difièr- 
tation  fur  ce  fujet  (  imprimée  dans  le 
tome  XVIII  ,  des  mém.  de  l'acad.  des 
belles-lettres  , page sj  ,  )  ne  fait,  ce  me 
fetnble  ,  ni  beaucoup  de  tort  aux  modernes, 
ni  beaucoup  d'honneur  aux  anciens;  mais 
feulement  beaucoup  à  Y  érudition  &  aux  lu- 
mières de  fon  auteur. 

Avouons  donc  d'un  côté  ,  en  faveur  de 
Y  érudition  ,  que  la  le&ure  des  anciens  peut 
fournir  aux  modernes  des  germes  de  dé- 
couvertes ;  de  l'autre ,  en  faveur  des  favans 
modernes,  que  ceux-ci  ont  poufTé  beau- 
coup plus  loin  que  les  anciens  les  preuves 
&  les  conféquences  des  opinions  heureufes , 
que  les  anciens  s'étoient ,  pour  ainfi  dire  , 
contentés  de  hafarder. 

Un  favant  de  nos  jours ,  connu  par  de 
médiocres  traductions  &  de  favans  com- 
mentaires ,  ne  faifoit  aucun  cas  des  philo- 
fophes  ,  &  fur-tout  de  ceux  qui  s'adonnent 
à  la  phyfique  expérimentale.  Il  les  appelle 
des  curieux  fainéans>  des  manœuvres  qui 
ofent  ufurper  le  titre  de  /âges.  Ce  reproche 
eft  bien  fingulier  de  la  part  d'un  auteur  , 
dont  le  principal  mérite  confiftoit  à  avoir  la 
tête  remplie  de  partages  grecs  &  latins ,  & 
qui  peut-être  mériroit  une  partie  du  repro- 
che fait  à  la  foule  des  commentateurs ,  par 
un  auteur  célèbre  dans  un  ouvrage  où  il  les 
fait  parler  ainfi  : 

Le  goût  n'efi  rien;   nous  avons  l'habitude 

De  rédiger  au  long  de  point  en  point 

Ce  qu'on  penfa  ;  mais  nous  ne  penfons  point. 

Volt.  Temple  du  goût. 

Que  doit-  on  conclure  de  ces  réflexions  ? 
Ne  méprifons  ni  aucune  efpece  de  favoir 
utile ,  ni  aucune  efpece  d'hommes  ;  croyons 
que  les  connoiflànces  de  tout  genre  fe  tien- 
nent &  s'éclairent  réciproquement  ;  que  les 
hommes  de  tous  les  fïecles  font  à  peu  près 
fembiables ,  &  qu'avec  les  mêmes  données , 
ils  produiroient  les  mêmes  chofes  :  en  quel- 
que genre  que  ce  foit  ,  s'il  y  a  du  mérite  à 
faire  les  premiers  efforts ,  il  y  a  aufli  de 


E  R  U 

l'avantage  à  les  faire ,  parce  que  la  glace 
une  fois  rompue,  on  n'a  plus  qu'à  fe  laifler 
aller  au  courant,  on  parcourt  un  vafte 
efpace  fans  rencontrer  prefqu'aucun  obfta- 
cle  ;  mais  cet  obftacle  une  fois  rencontré, 
la  difficulté  d'aller  au  delà  en  eft  plus  grande 
pour  ceux  qui  viennent  après.  (O)        , 

ERUPTION,  f.  f.  (Médecine.)  Ce 
terme  eft  ordinairement  employé  dans  le 
même  fens  qu  exanthème  >  pour  fignifier  la 
fortie  de  la  matière  morbifique  fur  la  fur- 
face  de  la  peau  dans  les  afFeétions  cutanées, 
qui  forme  des  taches  ou  de  petites  tumeurs, 
comme  dans  la  fièvre  pourprée  ,  dans  la 
petite  vérole. 

L'adion  qui  produit  l'apparition  des  taches 
rouges  dans  la  première  de  ces  maladies  , 
&  celle  des  boutons  dans  la  féconde  ,  eft  ce 
qu'on  appelle  éruption.  V.  EXANTHEME ,  & 
toutes  les  maladies  exanthémateufes,  comme 
la  petite  vérole ,  la  rougeole  ,  la  gale  ,  Ùc. 

Eruption  fe  prend  encore  dans  un  autre 
fens  ,  mais  plus  rarement  :  lorfqu'il  fe  fait 
une  excrétion  abondante  &  fubite  de  fang, 
de  pus ,  par  l'ouverture  d'un  vaiflèau  ,  d'un 
abcès,  on  lui  donne  le  nom  ^éruption,  (d) 

*  ERYCINE,  f.  f.  ouadj.  (  Mythol.  ) 
furnom  de  Vénus.  Il  lui  venoit  du  mont 
Erixen  Sicile ,  où  Enée  lui  éleva  un  temple 
lorfqu'il  aborda  dans  l'ifle  ;  la  piété  des 
Egeftans  l'avoit  enrichi  de  vafes ,  de 
fioles ,  &  d'encenfoirs  précieux.  Dédale 
y  avoit  confacré  une  vache  d'or  d'un  travail 
exquis.  Il  y  avoit  beaucoup  d'autres  ouvra- 
ges de  fa  main.  Voye[  dans  Elien  toutes 
les  merveilles  qu'il  raconte  de  ce  temple. 
Vénus  Erycine  avoit  aufli  dans  Rome  un 
temple  qui  fut  dédié  par  Fabius  Maximus  , 
lan  571.  L.  Portius  en  dédia  un  autre  hors 
de  la  porte  Colline  ,  l'an  571.  Voye\  T. 
Liv.  de  Mr.  le  Clerc. 

*  ERYMANTHE,  f.  m.  (Géographie 
ancienne  &  Mythologie.)  montagne  de 
l'Arcadie,  le  firjour  de  ce  terrible  fanglier 
qui  ravageoit  toutes  ces  contrées,  qu  Hercule 
prit  tout  vivant ,  &  qu'il  conduisit  chez 
Eurifthée.  Ce  fur  un  de  fes  douze  travaux. 

*  ERYNNIES  ,  f.  f.  plur.  (MythJ.) 
c'eft  ainfi  que  les  Grecs  appe!  oient  les  furies. 
Elles  avoient  un  temple  dans  Athènes.  Ce 
temple  des  furies  étoit  voifin  de  l'Ar  opage. 
Voyez  Furies. 

*ERYNNIS, 


E  R  Y 

*  ERYNNIS  ,  f.  ou  adj.  (Mythol) 
Cérès  Erynnis  ou  Cérès  furieufe  ,  tut  àinfi 
appellée  par  les  Arcadiens  ,  parce  que  ce 
fut  dans  une  caverne  de  l'Arcadie  qu'elle 
fe  retira  &  que  Pan  la  découvrit  ,  lorfque 
l'injure  que  Neptune  lui  fit ,  tandis  qu'elle 
parcouroit  le  monde  pour  retrouver  Pro- 
ferpine  fa  fille  ,  lui  eut  aliéné  fefprit.  Cérès, 
féduite  par  Neptune  ,  alla  fe  laver  dans  un 
fleuve  ,  &  fe  réfugia  dans  le  fond  d'un 
antre  de  la  Sicile.  Cependant  la  pefte  & 
la  ftérilité  ravageoient  la  terre  :  les  dieux  , 
inquiets  du  fort  des  hommes  ,  cherchèrent 
Cérès  ;  mais  ils  ne  l'auroient  point  trouvée, 
fï  Pan  ne  l'eût  apperçue  en  gardant  fes 
troupesux.  Il  en  avertit  Jupiter  qui  lui 
envoya  les  Parques  qui  la  décerminerent  à 
venir  au  fecours  des  hommes.  Il  n'eft  pas 
difficile  d'appercevoir  à  travers  les  circonf- 
tances  de  cette  fable  ,  des  veftiges  d'allé- 
gorie ,  ni  d'expliquer  comment  le  voile  de 
l'allégorie  enveloppe  à  la  longue  les  faits 
hiftoriques  :  la  tradition  en  fe  corrompant 
commence  cet  ouvrage  ,  &  la  poéfie 
l'achevé. 

.  *  ERYTRES ,  adj.  pris  fubft.  ( Mythol) 
Hercule  futfurnommé  Ery  dires  y  d'un  tem- 
ple qu'il  avoit  à  Erythrée  en  Ionie.  La 
ftatue  humaine  d'Hercule  étoit  placée  fur 
une  efpece  de  radeau  ,&  reiïembîoit  à  des 
ftatues  Egyptiennes  artiftement  travaillées. 
Le  radeau  s'arrête  au  promontoire  de  Junon, 
à  moitié  chemin  d'Erythrée  à  Chio  :  les 
habitans  de  ces  lieux  emploient  pour  l'ame- 
ner à  bord  tous  les  moyens  que  la  marine 
&  la  dévotion  leur  fuggerent  ;  mais  c'eft 
inutilement  :  un  aveugle  d'Erythrée  ,  qui 
fe  mêloit  de  pêche  avant  que  de  faire  le 
métier  de  devin  ,  annonce  à  fes  concitoyens 
que  le  feul  moyen  de  mouvoir  le  radeau  , 
c'eft  de  le  tirer  avec  une  corde  filée  des 
cheveux  des  femmes  Erythréennes  ;  les 
femmes  d'Erythrée  aiment  mieux  conferver 
leur  chevelure  que  d'avoir  un  dieu  de  plus , 
&  Hercule  reftoit  en  mer  ,  lorfque  des 
Thraciennes  nées  libres  ,  mais  efclaves  dans 
Erythrée  ,  plus  pieufes  que  les  Erythréennes, 
facrifierent  la  leur  ,  &  mettent  les  Ery- 
thréens  en  pofTeflion  du  dieu.  On  récom- 
penfa  le  zèle  de  ces  Thraciennes  ,  en  leur 
accordant  le  privilège  exclufif  d'entrer  dans 
le  temple  d'Hercule.  Paufanias  dit  qu'on 
Tome  XII. 


E  R  Z  961 

montroit  encore  de  fon  temps  la  corde  de 
cheveux.  Quant  au  pêcheur  aveugle  ,  il 
recouvra  la  vue  pour  le  refte  de  fes  jours. 
Voyei  Miracle. 

*  ERYTHRÉE  ou  ERYTRÉENNE , 
adj.  (Mythol)  La  fybille  Erythrée  eft  la 
première  des  quatre  d'Elien  ,  &  la  cin- 
quième des  dix  de  Varron.  On  dit  qu'elle 
prédit  aux  Grecs  qui  partoient  pour  l'expé- 
dition de  Troye  ,  qu'ils  prendroient  cette 
ville  ,  &  qu'Homère  feroit  de  leurs 
exploits  la  matière  d'un  ouvrage  plein  de 
fables. 

*  ERYTHREUS,  ou  LE  ROUGE  , 
f.  m.  C Mythol)  C'eft  un  des  chevaux  du 
foleil. 

ERYTHROIDE.  Voy.  Elythrotde; 

ERZEROM,  (Géogr.)v\\\e  aftez  grande 
de  la  Turquie  Afiatique  ,  fituée  fur  l'Eu- 
phrate  ,  &  bâtie  dans  une  plaine  au  pie 
d'une  chaîne  de  montagnes  ,  ce  qui  y  rend 
les  hivers  également  longs  &  rudes.  Elle 
eft  à  cinq  journées  de  la  mer  r.oire  ,  &  à 
dix  de  la  frontière  de  Perfe.  On  la  regarde 
comme  le  paflàge  &  le  repofoir  de  toutes 
les  marchandifes  dts  Indes  par  la  Turquie. 
M.  de  Tournefort  en  parle  fort  au  long 
dans  (es  voyages  ,  &  ce  qu'il  en  dit  mérite 
d'être  lu.  Long.  6,34,  z£;  lat.  39  3  5C > 
3$  ,  fuivant  le  P.  de  Btze.  Article  de  M.  le 
chevalier  de  Jaucourt. 

È  S 

ES  ,  prépofition  qui  n'eft  aujourd'hui  en 
ufage  que  dans  quelques  phrafcs  confa- 
crées  ,  comme  maitres-ès-arts.  Elle  vient, 
félon  quelques-uns  ,  du  Grec  h  ou  «<?  in  y 
en  ;  &  félon  d'autres  ,  c'eft  un  abrégé  pour 
en  les  ,  aies  y  aux. 

Robert  Etienne  ,  dans  fa  grammaire  , 
page  y  ZJ  y  en  parlant  des  articles,  dit  qu'il 
vaut  mieux  dire  il  eft  es  champs  y  que  il  eft 
aux  champs.  Traité  de  la  grammaire  Fran- 
foife  ,  page  1  $69.  Mais  quelques  années 
après,  Pufage  changea.  Nicot ,  en  1606  , 
dit  qu'il  eft  plus  commun  de  dire  ,  il  loge 
aux  forsbourgs  y  que  es  forsbourgs. 

Es  eft  aufîi  quelquefois  une  prépofition 
inféparable  qui  entre  dans  la  compofition 
des  mots  ;  elle  vient  de  la  prépofition  latine 
è  ou  e x  y  &  elle  a  divers  ufages.  Souvent 

Ffffff 


ç6i  ESC 

elle  perd  Vs  ,  &  quelquefois  elle  le  retient, 
cfplanade  ,  efcalade  ,  &c.  fur  quoi  on  ne 
peut  donner  d'autre  règle  que  Pufage.  (F) 

ESCABEAU  ou  ESCABELLE ,  f.  m. 
(  Menuif  )  périt  fïege  de  bois  quairé  ,  qui 
n'eft  ni  couvert  ni  rembourre  ,  qui  n'a  ni 
bras  ni  doffier  ,  &  dont  on  ufoit  autrefois 
dans  les  falles  à  manger  au  lieu  de  chaifes. 
Ce  mot  eft  quelquefois  fynonyme  à  mar- 
chepié. 

ESCABLON,  f.  m.  (Ant -'g .)  efpece  de 
piédeftal ,  ou  de  pierre  ,  ou  de  marbre , 
ou  de  bois  marbré  qui  va  en  diminuant 
du  haut  en  bas  ,  qui  peut  avoir  trois  pies 
de  hauteur  ,  &  fur  lequel  on  place  dans 
les  cabinets  &  dans  les  galeries  des  buftes 
&  autres  morceaux  femblables. 

ÉSCACHE  ,  f.  f.  f  Manège.  J  Nous  nous 
écarterons  ici  fans  fcrupule  de  la  définition 
que  nous  trouvons  du  terme  cTefcache  y 
dans  le  dictionnaire  de  Trévoux.  Tous  les 
auteurs  qui  ont  employé  ce  mot  ,  l'ont 
appliqué  indifféremment  à  toutes  fortes 
d'embouchures ,  parce  que  toute  embou- 
chure a  la  pui (Tance  d'efcacher  en  quelque 
façon  la  barre  ;  &  comme  les  anciens  ne 
connohToient  qu'une  feule  manière  d'afîèm- 
bler  les  branches  au  mors  ,  les  éperonniers 
modernes  qui  l'ont  totalement  abandonnée, 
ainfi  que  nous  avons  abandonné  nous- 
mêmes  le  terme  d!efcache  y  pour  désigner 
une  embouchure  ,  Font  adapté  mal-à-pro- 
pos à  cette  ancienne  monture.  Elle  étoit 
telle  ,  qu'au  lieu  de  la  fonçure  &  du  cha- 
peron ,  chaque  extrémité  du  canon  étoit 
prolongée  en  un  allez  long  triangle ,  pour 
embrafier  la  broche  du  banquet  &  venir 
cacher  fa  pointe  dans  une  mortaife  au 
deffus  de  l'appui  du  canon  fur  les  barres. 
On  comprend  que  les  branches  ne  pou- 
voient  point  être  aufli  fondement  fixées 
qu'elles  le  font  par  les  méthodes  que  nous 
avons  préférées,  Voye\ EMBOUCHURE,  {e) 

ESCADRE,  f.f.  (Marine.)  C'eft  un 
nombre  de  vaiffeaux  réunis  enfemble  fous 
le  commandement  d'un  officier  général , 
foit  heucenant  général  ,  foit  chefd'efcadre. 
Il  faut  au  moins  4  ou  5  vaifTeaux  en- 
femble pour  qu'on  leur  donne  ie  nom 
Vefcadre. 

Loi  fqu'une  efcadre  eft  considérable ,  c'eft- 
à-dire  ,  compofée  de  quinze  ou  vingt  vaif- 


E  S  C 

féaux  ,  on  la  partage  en  plusieurs  divifîons, 
&  le  plus  ordinairement  en  trois  ;  chaque 
divifion  a  fon  commandant  particulier  aux 
ordres  du  commandant  général. 

Les  armées  navales  font  partagées  en 
France  en  trois  efcadre  s  ;  favoir  ,  Vefcadre 
blanche ,  Vefcadre  bleue  ,  &  Vefcadre  bleue 
blanche.    Voye\  ARMÉE   NAVALE.  (Z) 

ESCADRON  ,  f.  m.  (Art.  miln.)  agmen 
equejbe  ,  turma  equefiris.  Dans  la  première 
origine  ,  on  difoit  agmen  quadratum  ,  d'où 
il  eft  aifé  de  conclure  que  du  mot  Italien 
quadro  ,  les  François  ont  fait  celui  defca- 
dron  ,  comme  on  difoit  il  n'y  a  pas  encore 
cent  ans  : 

Aux  fcadrons  ennemis  on  a  pu  fa  valeur 
Peupler  les  monumens. 

Racan,  de  VAcad.  Franc, 

Ducange  le  fait  venir  de  fcara  3  mot  de  la 
baffe  latinité  : 

Bellatorum  acies  quas  vulgari  fermons, 
f  car  as  vocamus. 

Hincmar ,  aux  évèq.  de  Rheimsy  c.  j, 

Scaram  quam  nos  turmam  vel  cuneum 
appellare  confuevimus. 

Air»oin,  iip.  IV,  c.  xxvj. 

Les  Efpagnols  difent  efcadro  ,per  avar 
forma  quadrada  ;  les  Allemands  appellent 
l'efcadron  ,fchwvadron  ,  gefwader  ou  reucer 
fchar  ,  qui  veut  dire  bande  de  reifîres. 

Efcadron  eft  un  afîemblage  de  gens  à 
cheval  deftinés  pour  combattra  ;  le  nombre 
des  hommes  ,  celui  des  rangs  &  des  files , 
ainfi  que  la  forme  qu'on  doit  donner  aux 
efeadrons  y  a  varié  de  tous  les  temps  ,  & 
n'eft  point  encore  déterminée  ;  l'efpece  de 
gens  à  cheval  ,  la  quantité  qu'on  en  a ,  les 
occurrences  ,  &  plus  encore  l'opinion  de 
ceux  qui  commandent ,  ont  jufqu'àpréfent 
fait  la  loi  à  cet  égard. 

Les  deux  plus  anciens  livres  que  nous 
ayions  ,  l'un  facré,  &  l'autre  profane,  ne 
nous  difent  rien  de  l'ordre  dans  lequel  on 
faifoit  fervir  la  cavalerie  :  Moyfe  nous  ap- 
prend feulement  qu'avant  lui  Tufage  de 
monter  à  cheval  étoit  connu  ;  &  Homère 
ne  nous  enfeigne  tien  de  la  manière  dont 


& 


I 


ESC 

les  Grecs  &  les  Troyens  fe  fervoïent  de  leur 
cavalerie  dans  la  guerre  qu'ils  eurent  en- 
femble.  Voye^  EQUITATION.  Ainfi  nous 
parlerons  de  celle  des  temps  moins  reculés  , 
comme  on  fe  l'eft  propofé  par  le  renvoi  du 
mot  cavalerie  à  celui  tfefcadron  :  &  après 
avoir  dit  quelque  chofe  de  fon  utilité  ,  de 
(es  fervices ,  des  fuccès  qu'elle  a  procurés , 
Ùc.  on  expliquera  les  différentes  formes 
^n'on  a  données  à  la  cavalerie,  cjomprife 
ous  le  nom  d'efcadron. 

Les  plus  grands  capitaines  ont  toujours 
fait  un  cas  particulier  de  la  cavalerie  ;  les 
fervices  qu'ils  en  ont  tirés  ,  le  grand  nombre 
de  fuccès  décififs ,  dus  principalement  à  ce 
corps  dans  les  occafions  les  plus  importantes 
dont  l'hiftoire  ancienne  &  moderne  nous 
a  tranfmis  le  détail  ;  enfin  le  témoignage 
unanime  des  auteurs  que  nous  regardons 
comme  nos  maîtres  dans  l'art  de  la  guerre  , 
font  autant  de  preuves  indubitables  que  la 
cavalerie  eft  non  feulement  utile  ,  mais 
d'une  nicefTité  abfolue  dans  les  armées. 

Polybe  attribue  formellement  les  victoires 
remportées  par  les  Carthaginois  à  Cannes 
&  fur  les  bords  du  Teflin  ,  celles  de  la 
Trébie  &  du  lac  de  Thrafymenne  ,  à  la 
fupériotité  de  leur  cavalerie.  «  Les  Cartha- 
»  ginois ,  dit-il ,  (liv.  III 3  chap.  xxiv.)  eu- 
9)  rent  la  principale  obligation  de  cette  vic- 
»  toire  ,  auiïi-bien  que  des  précédentes ,  à 
»  leur  cavalerie  ,  &  par-là  donnèrent  à 
v>  tous  les  peuples  qui  dévoient  naître  après 
n  eux  ,  cette  importante  leçon  ,  qu'il  vaut 
»  beaucoup  mieux  être  plus  fort  en  cava- 
»  lerie  que  fon  ennemi, même  avec  infanterie 
a  moindre  de  moitié,que  d'avoir  même  nom- 
t>  bre  que  lui  de  cavaliers  &  de  fantaflins.  » 

La  réputation  dont  jouit  Polybe  depuis 
près  de  vingt  fiecles  ,  d'être  l'écrivain  le 
plus  confommé  dans  toutes  les  parties  de 
la  guerre  ,  femble  mettre  fon  opinion  hors 
de  doute  ;  il  n'a  d'ailleurs  écrit  que  ce  qui 
s'eft  paiTé  pour  ainfi  dire  fous  fes  yeux  , 
&  il  a  pour  garans  de  fon  précepte  tous  les 
faits  dont  fon  hiftoire  eft  remplie  ,  les  vic- 
toires d'Annibal  auili-bien  que  fa  défaite  à 
Zama  ;  &  l'on  peut  regarder  la  féconde 
guerre  punique  ,  comme  la  véritable  épo- 
que de  l'établifTement  de  la  cavalerie  dans 
les  armées  ;  avant  ce  temps  les  Grecs  &  les 
Romains  en  avoient  très-peu  ,  parce  qu'ils 


ESC  963 

en  ignoroient  Pufage ,  &  que  d'ailleurs  les 
Grecs  n'eurent  long-temps  à  combattre  que 
les  uns  contre  les  autres  ,  &  dans  des  pays 
frériles  où  la  cavalerie  n'auroit  pu  trouver 
à  fubfifter ,  &  qui  étoient  coupés  de  mon- 
tagnes impraticables  pour  elle.  La  fameufe 
retraite  des  dix  mille  n'eit  pas  un  exemple 
qui  prouve  que  les  Grecs  fulTent  fe  pafTer 
de  cavalerie  ;  il  n'y  a  qu'à  les  écouter,  pour 
s'afîurer  qu'ils  étoient  au  contraire  très-con- 
vaincus qu'elle  leur  auroit  été  d'un  grand 
fecours  :  «  hs  Grecs  ,  dit  Xénophon  en 
parlant  de  cette  retraite  dont  il  fut  un  des 
principaux  chefs  ,  »  s'affligeoient  beaucoup 
n  quand  ils  confidéroient  que  faute  de  ca- 
»  valerie  la  retraite  leur  devenoit  impofîible 
>y  au  cas  qu'ils  fuiTent  battus ,  &  que  vain- 
»  queurs  ils  ne  pouvoient  ni  pourfuivre  les 
n  ennemis  ,  ni  profiter  de  la  victoire  ;  au 
»  lieu  que  Ti/rapherne  ,  &  les  autres  géné- 
»  raux  qu'ils  avoient  à  combattre,  mettoient 
t)  facilement  leurs  troupes  en  fureté  toutes 
»  les  fois  qu'ils  étoient  repoufTés.  »  Ce  paf- 
fage  prouve  bien  que  fî  les  Grecs  n'eurent 
pas  de  cavalerie  dans  les  temps  de  la  guerre 
des  Perfes ,  c'eft  qu'ils  n'avoient  pas  les 
moyens  d'en  avoir.  Les  uns  étoient  pauvres, 
&  regardoient  la  pauvreté  comme  une  loi 
de  l'état ,  parce  qu'elle  étoit  un  rempart 
contre  la  mollefîè  &  contre  tous  les  vices 
qu'introduit  l'opulence ,  aufîi  dangereufe 
dans  les  petits  états  qu'elle  eft  nécefîàire  dans 
les  grands.  Les  autres  plus  riches  furent 
obligés  de  tourner  leurs  principales  vues  du 
côté  de  la  mer  ,  &  l'entretien  de  leur  flotte 
abforboit  les  fonds  militaires  ,  qui  auroienC 
pu  fervir  à  fe  procurer  de  la  cavalerie. 

Les  Grecs  une  fois  enrichis  des  dépouilles 
de  la  Perfe ,  crurent  ne  devoir  faire  un  meil- 
leur ufage  des  tréfors  de  leurs  ennemis  , 
qu'en  augmentant  leurs  armées  de  cavalerie. 
Ils  en  avoient  à  la  bataille  de  Leudres ,  & 
celle  des  Thébains  contribua  beaucoup  à  la 
victoire.  On  leur  compte  aufll  cinq  mille 
chevaux  fur  cinquante  mille  hommes  à  la 
bataille  de  Mantinée  ,  &  ce  fut  à  ù  cava- 
lerie qu'Epaminondas  dut  en  grande  partie 
la  victoire.  C'eft  à  fa  fage  prévoyance  que 
les  Thébains  durent  chez  eux  cet  utile  éta- 
bliffement  ,  qui  doîr  être  regardé  comme 
l'époque  du  rôle  le  plis  brillant  qu'ils  aieac 
joué  fur  la  terre.  Ce  général ,  le  plus  grand 
Ffffffi 


964  ESC 

homme  peut-être  que  la  Grèce  ait  produit , 
entendoit  trop  bien  l'art  de  la  guerre  pour 
en  négliger  une  partie  auiïi  efîentielle.  Dés 
ce  moment  les  Grecs  ne  le  tiennent  plus  fur 
la  défenfive  ;  on  les  voit  porter  la  guerre 
jufqu'aux  extrêmicés  de  l'Orient  :  de'fèin 
que  jamais  Alexandre  n'eût  fans  doute  ofé 
concevoir  ,  fi  fon  armée  n'avoit  été  com- 
pofée  que  d'infanterie.  On  fait  que  les  Thef- 
Taliens  ayant  imploré  le  fecours  de  Philippe 
contre  leurs  tyrans  ,  il  les  défit ,  &  qu'il 
s'attacha  par-ià  ce  peuple  dont  la  cavalerie 
éroit  alors  la  meilleure  du  monde  ;  ce  fut 
elle  qui,  jointe  à  la  phalange  macédonienne  , 
fit  remporter  tant  de  vidoires  à  Philippe  & 
â  fon  fils  :  c'eft  cette  cavalerie  que  Tite- 
Live  appelle  Alexandrifortitudo.  Quant  aux 
Romains  ,  il  eft  encore  vrai  que  dans  leur 
premier  temps  ils  n'eurent  que  très-peu  de 
cavalerie.  L'hiftoire  nous  apprend  que  Ro- 
mulus  n'avoit  dans  les  armées  les  plus  fio- 
rifîantes  de  fon  règne  ,  que  mille  chevaux 
fur  quarante  -  fix  mille  hommes  de  pies  : 
ce  qu'on  en  peut  conclure  ,  c'eft  que  Ro- 
mulus  n'étoit  pas  fort  riche  ;  la  dépenfe  qu'il 
eût  été  obligé  de  faire  pour  s'en  procurer 
davantage  &  pour  l'entretenir  ,  auroit  de 
beaucoup  excédé  fes  forces  ,  dans  un  temps 
fur-tout  où  il  avoit  tant  d'autres  établiffe- 
mens  à  faire  :  d'ailleurs  les  environs  de 
Rome  ,  le  feul  pays  qu'il  pofîedoit  &  ceux 
d'Italie  en  général ,  étoient  peu  propres  pour 
la  guerre  :  enfin  les  premières  guerres  des 
Romains  furent  contre  leurs  voifins  ,  qui 
comme  eux  n'étoient  pas  en  état  de  s'en 
fournir ,  &  dans  ce  cas  ,  les  chofes  étoient 
égales  de  part  &  d'autre.  Les  conquêtes  & 
les  alliances  que  firent  par  la  fuite  les  Ro- 
mains ,  leur  donnèrent  les  moyens  d'aug- 
menter leur  cavalerie  ;  celle  que  les  peuples, 
devenus  fujets  ou  alliés  de  Rome  ,  entre- 
tenoient  pour  elle  à  leurs  dépens  ,  étoic  en 
ce  genre  la  principale  force  des  armées  Ro- 
maines; mais  cette  cavalerie  étoit  mal  armée. 
Les  Romains  ignorèrent  long-temps  l'art 
de  s'en  fervir  avec  avantage  ;  &  c'eft  cette 
inexpérience  qu'on  peut  regarder  comme  le 
principe  de  tous  les  malheurs  qu'ils  effuye- 
rent  dans  les  deux  premières  guerres  puni- 
ques :  dans  la  première  ,  Regulus  eft  en- 
tièrement défait  par  la  cavalerie  Carthagi- 
noife  ;  &  dans  la  féconde,  comme  on  l'a 


ESC 

déjà  dit ,  Annibal  bat  les  Romains  dans 
toutes  les  occafions.  La  cavalerie  faifoit  au 
moins  le  cinquième  de  fes  troupes  ;  aufti 
Fabius  n'eft  pas  plutôt  à  la  tête  des  armées 
Romaines,  qu'il  prend  le fage parti  d'éviter 
le  combat;  &que  pour  n'avoir  rien  à  fouf- 
fi  ir  ce  la  cavalerie  Carthaginoife,  il  eft  obligé 
de  ne  plus  conduire  fes  légions  que  fur  le 
pié  des  montagnes. 

Les  Carthaginois  firent  enfin  fentir  aux 
Romains  l'obligation  d'être  forts  en  cava- 
lerie ,  ils  le  leur  apprirent  à  leurs  dépens  , 
&  les  Romains  ne  commencèrent  à  ref- 
pirer  que  lorfque  des  corps  entiers  de  ca- 
valerie Numide  eurent  paiTé  de  leur  côté  : 
ces  défertions  qui  afFoibliiToient  d'autant 
l'ennemi  ,  leur  procurèrent  infenfiblement 
la  fupériorité  fur  les  Carthaginois.  Annibal 
j  obligé  d'abandonner  l'Italie  pour  aller  au 
•  fecours  de  Carthage  ,  n'avoit  plus  cette 
formidable  cavalerie  avec  laquelle  il  avoit 
remporté  tant  de  victoires  :  à  fon  arrivée 
en  Afrique  ,  il  fut  joint  par  deux  mille 
chevaux  ;  mais  un  pareil  renfort  ne  fégaloit 
pas  à  beaucoup  près  à  Scipion  ,  dont  la 
cavalerie  s'éroit  augmentée  par  des  recrues 
faites  dans  l'Efpagne  nouvellement  conqui- 
fe  ,  &  par  la  jonction  de  Mafiniftà  roi  des 
Numides  ,  qui  avoit  appris  des  Grecs  à 
bien  armer  fa  cavalerie  ,  &  à  la  bien  faire 
fervir  :  ce  fut  cette  fupériorité  qui  ,  au 
rapport  de  tous  les  hiftoriens  ,  décida  de 
la  bataille  de  Zama.  «  La  cavalerie  ,  dit 
»  M.  de  Montefquieu  (  caufe  de  la  gran- 
it deur  &  de  la  décadence  des  Romains  J  y 
»  gagna  la  bataille  &  finit  la  "guerre.  »  Les 
Romains  triomphèrent  en  Afrique  par  les 
mêmes  armes  qui  tant  de  fois  les  avoient 
vaincus  en  Italie. 

Les  Parthes  firent  encore  fentir  aux  Ro- 
mains avec  quel  avantage  on  combat  un 
ennemi  inférieur  en  cavalerie.  "  La  force 
»  des  armées  Romaines  ,  dit  Fauteur  ci- 
»  deftiis  cité  ,  confiftoit  dans  l'infanterie 
«  la  plus  ferme  ,  la  plus  forte  &  la  mieux 
»  difciplinée  du  monde  ;  les  Parthes  n'a- 
»  voient  pas  d'infanterie  ,  mais  une  cava- 
«  lerie  admirable  ;  ils  combattoient  de 
»  loin  &  hors  la  portée  des  armes  Romai- 
«  nés ,  ils  afliégeoient  une  armée  plui'ôt 
»  qu'ils  ne  la  combattoient  ;  inutilement 
»  pourfuivis ,    parce  que    chez    eux  fuir 


ESC 

y,  c'était  combattre  :  ainfi  ce  qu'aucune 
>?  nation  n'avoit  pas  encore  fait  (  d'éviter 
»  le  joug  )  ,  celle  des  Parthes  le  fit,  non 
h  comme  invincible,  mais  comme  inac- 
f>  cefïible.  »  On  peut  dire  plus ,  les  Parthes 
firent  trembler  les  Romains  ;  &  c'eft  fans 
doute  le  péril  où  cette  puiflànte  rivale  mit 
plus  d'une  fois  leur  empire  en  Orient  ,  qui 
les  força  d'augmenter  confidérablement  la 
cavalerie  dans  leurs  armées.  Cette  augmen- 
tation kur  devenôit  d'autant  plus  nécef- 
faire  ,  que  leurs  frontières  s'étant  fort 
étendues  ,  ils  n'auroient  pu ,  fans  des  trou- 
pes nombreufes  en  ce  genre  ,  arrêter  les 
încurfions  des  barbares:  d'ailleurs  ,  le  relâ- 
chement de  la  difeipline  militaire  leur  fit 
infenfiblement  perdre  l'habitude  de  fortifier 
leurs  camps ,  &  dès-lors  leurs  armées  au- 
roient  couru  de  grands  rifques  ,  fans  une 
cavalerie  capable  de  réfifter  à  celle  de  leurs 
ennemis  ;  enfin ,  l'on  peut  dire  que  prefque 
toutes  les  difgraces  effuyées ,  ainfi  que  la 
plupart  des  avantages  remportés  par  les 
Romains ,  ont  été  l'effet ,  les  unes  de  leur 
infériorité,  les  autres  de  leur  fupériorité 
en  cavalerie. 

Si  l'on  veut  lire  avec  attention  les  com- 
mentaires de  Céfar,  on  y  verra  que  ce 
grand  homme  qui  dut  fes  principaux  fuc- 
cès  à  Ton  inimitable  célérité,  fe  fervoit  fi 
utilement  de  fa  cavalerie  ,  qu'on  peut  en 
quelque  forte  regarder  fes  écrits  comme 
la  meilleure  école  que  nous  ayions  en  ce 
genre. 

Quand  il  feroit  vrai  que  les  anciens  fe 
fufîènt  paffés  de  cavalerie  ,  il  n'en  réful- 
teroit  pas  qu'on  dût  aujourd'hui  n'en  point 
faire  ufage  :  autant  vaudroit  -  il  prétendre 
qu'on  fît  la  guerre  fans  canon  ,  ces  deux 
proportions  feroient  d'une  nature  toute 
fembîable  ;  ce  font  des  fyftêmes  qu'on  ne 
pourra  faire  approuver  que  Iorfque  toutes 
les  nations  guerrières  feront  convenues  en- 
tr'elles  d'abolir  en  meme  temps  l'ufage  de 
la  cavalerie  &  du  canon. 

Pour  ne  parler  que  de  nos  temps  &  de 
nos  plus  grands  généraux  (  fes  Turenne  & 
les  Condé  )  ,  on  fait  que  M.  de  Turenne 
dut  la  plupart  de  Ces  fuccès ,  pour  ne  pas 
dire  tous ,  à  la  cavalerie  :  ce  général  ,  fans 
doute  comparable  aux  plus  grands  perfon- 
nages  de  l'antiquité ,  avoit  pour  maxime 


ESC  96$ 

de  travailler  V  ennemi  par  détail  y  maxime 
qu'il  n'auroit  pu  pratiquer  s'il  n'eût  eu 
beaucoup  de  cavalerie  ;  aufïï  fes  armées 
furent  -  elles  compofées  prefque  toujours 
d'un  plus  grand  nombre  de  gens  de  che- 
val ,  que  de   gens  de  pie. 

La  célèbre  bataille  de  Rocroi  nous  ap- 
prend le  cas  que  faifoit  le  grand  Condé 
de  la  cavalerie  ,  &  combien  il  favoit  la 
faire  fervir  avec  avantage.  Cette  viâcire 
fixe  l'époque  la  plus  flonfîànte  de  la  nation 
Françoife  ;  c'eft  elle  qui  commence  le  règne 
de  Louis  le  Grand. 

Dans  cette  fameufe  journée  ,  les  manœu- 
vres de  cavalerie  furent  exécutées  avec  au- 
tant d'ordre  ,  de  précifion  &  de  conduite  , 
qu'elles  pourroient  l'être  dans  un  camp  de 
difeipiine  par  des  évolutions  concertées  ; 
jamais  l'antiquité  dans  une  affaire  générale 
n'offrit  des  traits  de  prudence  &  de  valeur 
tels  que  ceux  qui  ont  fignalé  cette  vidoire  ; 
elle  raflèmble  dans  fes  circonftances  tous 
les  événemens  finguliers  qui  diffinguent  les 
autres  batailles ,  &  qui  caradérifent  les 
propriétés  de  la  cavalerie.  «  Jamais  bataille, 
»  dit  M.  de  Voltaire  ,  n'avoit  été  pour  la 
»  France  ni  plus  glorieufe  ,  ni  plus  impor- 
»  tante  ;  elle  en  fut  redevable  à  la  conduite 
y>  pleine  d'intelligence  du  duc  d'Anguien, 
»  qui  la  gagna  par  lui-même ,  &  par  l'effet 
»  d'un  coup-d'œil  qui  découvrit  à  la  fois 
y>  le  danger  &  la  refiburce  ;  ce  fut  lui  qui 
»  à  la  tête  de  la  cavalerie  attaqua  par  trois 
»  différentes  fois ,  &  qui  rompit  enfin  cette 
m  infanterie  Efpagnoîe  jufque  -  là  invinci- 
»  bîe  ;  par  lui  le  refpect  qu'on  avoit  pour 
»  elle  fut  anéanti ,  &  les  armes  Françoifes 
»  dont  pîufieurs  époques  étoient  fatales  à 
y>  leur  réputation  ,  commencèrent  d  ecre 
»  refpeétées  ;  la  cavalerie  acquit  fur- tout 
»  en  cette  journée  la  gloire  d'être  la  meil- 
»  leure  de  l'Europe.  » 

II  n'eft  point  étonnant  que  les  plus  grands 
hommes  aient  penCé  d'une  manière  uni- 
fprme  fur  la  neceffité  de  la  cavalerie  ;  il  ne 
faut  que  fuivre  pié  à  pié  les  opérations 
de  la  guerre  pour'  fe  convaincre  de  l'im- 
portance dont  il  eft  ,  qu'une  armée  foit 
pourvue  d'une  bonne  &  nombreufe  cava- 
lerie. 

A  examiner  le  début  de  deux  armées, 
on  verra  que  la  plus  forte  en  cavalerie  doit 


966  ESC 

nécefîaîrement  impofer  la  loi  à  îa  plus  foï- 
ble  ,  foit  en  s'emparant  des  pofiês  les  plus 
avantageux  pour  camper ,  foit  en  forçant 
l'autre  par  des  combats  continuels  à  quitter 
fon  pays  ,  ou  celui  dont  elle  auroit  pu  fe 
rendre  maîtreiïe. 

Alexandre  dans  fon  pafTàge  du  Grâhi- 
que  ,  &  Annibal  dans  Ion  début  en  Italie 
par  le  combat  du  Tefïin ,  nous  fournifTènt 
*      deux  exemples  ,  qui  donnent  à  cette  pro- 
portion la  force  de  l'évidence. 

Or ,  deux  victoires  dont  tout  l'honneur 
appartient  à  la  cavalerie  ,  &  l'influence 
qu'ellesont  eu  l'une  &  l'autre  fur  les  évé- 
nemens  qui  les  ont  fuivis  ,  prouvent  com- 
bien ce  fecours  eft  effentitl  aux  premières 
opérations  d'une  campagne.  Si  l'on  en  veut 
des  traits  plus  modernes  &  analogues  à  no- 
tre manière  de  faire  la  guerre  ,  la  dernière 
nous  en  offre  dans  prefque  chacun  de  nos 
fuccès ,  ainfi  que  dans  les  circonftances 
malheureufes. 

Dans  les  détails  de  la  guerre  ,  il  y  a 
quantité  de  manœuvres  ,  toutes  fort  efTen- 
tiel'es ,  qui  feroient  impraticables  à  une 
armée  deftituée  de  cavalerie  ;  s'il  s'agit  de 
couvrir  un  deflein  ,  de  mafquer  un  corps 
de  troupes ,  un  pofte ,  c'eft  la  cavalerie  qui 
le  fait.  M.  de  Turenne  fit  lever  le  fiege 
de  Cazal  en  164O  ,  en  raflemblant  toute 
la  cavalerie  fur  un  même  front  ;  les  enne- 
mis trompés  par  cette  difpofition  ,  perdi- 
rent courage  ,  prirent  la  fuite  :  jamais 
vicloire  ne  fut  plus  complète  pour  les 
François  ,  dit  l'auteur  de  l'hiftoire  du 
vicomte. 

A  la  journée  de  Fleurus ,  M.  le  maré- 
chal de  Luxembourg  fit  faire  à  fa  cavalerie 
un  mouvement  à  peu  près  femblable ,  fur 
lequel  M.  de  Valdec  prit  le  change;  ce 
qui  lui  fit  perdre  la  bataille  (1690).  C'eft  , 
dit  M.  de  Feuquieres ,  une  des  plus  belles 
actions  de  M.  de  Luxembourg. 

La  fupériorité  de  la  cavalerie  donne  la 
facilité  de  faire  de  nombreux  détachemens , 
dont  les  uns  s'emparent  des  défilés,  des 
bois  ,  des  ponts ,  des  débouchés ,  des  gués  ; 
tandis  que  d'autres  ,  par  de  faufiès  mar- 
ches ,  donnent  du  foupçon  à  l'ennemi, 
&  l'afFoibliflent  en  l'obligeant  à  faire  di- 
verfion. 

Une  armée  qui  fe  met  en  campagne  eft 


ESC 

nri  corps  compofé  d'infanterie ,  de  cava- 
lerie ,  d'artillerie  &  de  bagage  ;  ce  corps 
n'eft  parfait  qu'autant  qu'il  ne  lui  manque 
aucun  de  (gs  membres  ;  en  retrancher  un , 
c'eft  l'affaiblir  ,  parce  que  c'eft  dans  l'union 
de  tous  que  réfide  toute  la  force ,  &  que 
c'eft  cette  union  qui  refpe&ivement  fait  la 
fureté  &    le  foutien  de  chaque  membre. 
Dans  la  comparaifon  que    fait  Iphicrate 
d'une  armée  avec   le  corps  humain  ,    ce 
général  Athénien  ,  dit  que  la  cavalerie  lui 
tient  lieu  de  pié  ,   &  l'infanterie  légère  de 
main  ;  que  le  corps  de  bataille  forme   là 
poitrine  ,  &  que  le  général  en  doit   être 
regardé  comme  la  tête.  Mais  fans  s'arrêter 
à  des    comparaifons  ,  il    fufht  d'examiner 
comment  on  difpofe  la  cavalerie  lotfqu'on 
veut  faire  agir  ,  pour  fentir  l'étroite  obli- 
gation d'en  être  pourvu.    C'eft  elle    dont 
on  forme  la  tête  ,  la  queue ,  les  flancs  ; 
elle  protège  ,  pour  ainfi  dire ,   toutes   les 
autres  parties  ,  qui  fans  elle  courroient  rif- 
que  à  chaque  pas  d'être  arrêtées  ,  coupées, 
&  même  enveloppées  ;  s'il  eft  queftion  de 
marcher  ,  c'eft    la  cavalerie   qui  afTure  la 
tranquillité  des  marches ,  c'eft  à  elle  qu'on 
confie  la  fureté  des  camps ,  laquelle  dépend 
de  fes  gardes  avancées  ;  plus  elle  fera  nom- 
breufe  ,  &  plus  fes   gardes  feront  multi- 
pliées :   delà  les   patrouilles  pour   le  bon 
ordre  &  contre  les  furprifesen  feront  plus 
fréquentes  ,  &  les   communications  mieux 
gardées  ;  les  camps  qui  en  deviendront  plus 
grands  ,  en    feront    plus  commodes  pour 
les  nécefîités  de  la  vie  ;  ils  pourront  con- 
tenir des  eaux ,  des  vivres  ,  du  bois  &  du 
fourrage  ,  qu'on   ne    fera    pas    obligé  de 
faire  venir  à  grands   frais  avec  beaucoup 
de  peine  &  bien  des  rifques. 

On  peut  confiderer  que  de  deux  ar- 
mées ,  celle  qui  fera  fupérieure  en  cavalerie 
fera  l'ofFenfive  ,  elle  agira  toujours  fuivant 
l'opportunité  des  temps  &  des  lieux ,  elle 
aura  toujours  cette  ardeur  dont  on  eft 
animé  quand  on  attaque  ;  l'autre  obligée 
de  fe  tenir  fur  la  défenfive ,  fera  toujours 
contrainte  par  la  néceflicé  des  circonftan- 
ces ,  qu'une  grofîè  cavalerie  fera  naître  à 
fon  défavantage  à  chaque  moment  ;  le 
foldat  fera  toujours  furpris  ,  découragé  9 
il  n'aura  fièrement  pas  la  même  confiance 
que    l'attaquant.   Lorfqu'une    armée    fera 


ESC 

pourvue  d'une  nombreufe  cavalerie  ,  les 
détachemens  fe  feront  avec  plus  de  Faci- 
lité ;  tous  les  jours  forciront  de  nouveaux 
partis  ,  qui  fans  cefîl1  obfédant  l'ennemi  , 
le  gêneront  dans  toutes  fes  opérations  ,  le 
harcèleront  dans  fes  marches,  lui  enlé/e- 
ront  fes  détachemens ,  fes  gardes  ,  &  par- 
viendront enfin  à  le  détruire  par  les  dé- 
tails ;  ce  qu'on  ne  pourra  jamais  efpéter 
d'une  armée  foible  en  cavalerie  ,  quelque 
forte  qu'elle  foit  d'ailleurs  :  au  contraire  , 
réduite  à  fe  tenir  enfermée  dans  un  camp 
d'où  elle  n'ofe  fortir ,  elle  ignore  tous  les 
projets  de  l'ennemi,  elle  ne  fauroit  jouir 
de  l'abondance  que  procurent  les  convois 
fréqu  ns  ,  on  les  lui  enlevé  tous  ;  ou  s'il 
en  échappe  quelques-uns  ;  ils  n'abordent 
■qu'avec  des  peines  infinies.  C'eft  la  cava- 
lerie qui  produit  l'abondance  dans  un 
camp  ;  fans  elle  point  de  fureté  pour 
les  convois  :  il  faut  qu'à  la  longue  une 
armée  manque  de  tout  ;  vivres  ,  fourra- 
ges ,  recrues ,  tréfors  ,  artillerie ,  rien  ne 
peut  arriver  ,  fi  la  cavalerie  n'en  aflure  le 
tranfport. 

Les  efcortes  du  général  &  de  Ces  Iieure- 
nans  font  aufli  de  (on  refîbrt ,  &  c'eft  elle 
feule  qui  doit  être  chargée  de  cette  partie 
du  fervice.  La  guerre  fe  fait  à  l'œil.  Un 
général  qui  veut  reconnokre  le  pays  & 
juger  par  lui-même  de  la  pofltion  d.s  en- 
nemis ,  rifqueroit  trop  de  fe  faire  efcorter 
par  de  l'infanterie  ;  outre  qu'il  nepourror: 
aller  ni  bkn  loin  ni  bien  vite ,  il  fe  mectroit 
dans  le  danger  de  fe  faire  couper  &  enle- 
ver ,  avant  d'avoir  apperçu  les  troupes  de 
cavalerie  ennemies  chargées  de  ce  te  opé- 
ration» Le  feul  parti  qu'ait  à  prenire  un 
général ,  s'il  manque  de  cavalerie  ,  c'eft 
de  ne  pas  pafïèr  les  gardes  ordinaires  :  or 
que  peut- on  attendre  de  celui  qui  ne  pou- 
vant connoître  par  lui-même  la  difpofition 
de  l'ennemi ,  ne  fauroit  en  juger  que  par 
le  rapport  des  efpions  ?  &  le  moyen  que 
fes  opérations  puiflènt  être  bien  dirigé-  s, 
fi  faute  de  cavalerie  il  ne  peut  ni  prendre 
langue  ,  ni  envoyer  à  la  découverte ,  ni 
reconnoître  les  lieux? 

La  vîtefTe ,  comme  Je  remarque  Mon- 
Éecuculli ,  eft  bonne  pour  le  fecret ,  parce 
qu'elle  ne  donne  pas  le  temps  de  divulguer 
Us  deflèins  y  c'eit  par -là  qu'on  faifit  les 


ESC  967 

momens ,  &  c'eft  cette  qualité  qui  diftin- 
gue  particulièrement  la  cavalerie  ;  prompte 
à  fe  porter  par-tout  où  fon  fecours  eft  né- 
celîàire  ,  on  l'a  vu  fouvent  rétablir  par  fa 
célérité  des  affaires  que  le  moindre  retar- 
dement auroit  pu  rendre  défefpérées.  La 
vivacité  la  met  dans  le  cas  de  profiter  des 
moindres  défordres  ;  &  fi  elle  n'a  pas  tou- 
jours l'avantage  de  vaincre,  elle  a  en  fe 
retirant  celui  de  n'être  jamais  ro-alement 
vaincue.  La  victoire  ,  lorfqu'elle  eft  l'ou- 
vrage de  la  cavalerie,  eft  toujours  com- 
plète; celle  que  remporte  l'infanterie  feule 
ne  l'eft  jamais. 

La  guerre  eft  pleine  de  ces  occasions  , 
dans  lefquelles  on  ne  fauroit  fans  rifque 
accepter  le  combat.  Il  en  eft  d'autres ,  au 
contraire  ,  où  l'on  doit  y  forcer  ,  &  c'eft 
par  la  cavalerie  qu'on  eft  le  maître  du 
choix. 

Une  armée  ne  peut  fe  paffèr  de  vivres , 
d'hôpitaux  ,  d'artillerie  .  d'équipages  ',  îl 
faut  du  fourrage  pour  les  chevaux  deftinés 
à  ces  difFéiens  ufages ,  il  en  faut  pour  ceux 
des  officiers-généraux  &  particuliers;  & 
s'il  n'y  a  point  de  cavalerie  qui  foit  char- 
gée du  foin  d'y  pourvoir,  l'infanterie  ne 
pourra  feule  aller  un  peu  loin  faire  ces 
fourrages  ;  elle  n'ira  pas  interrompre  ceux 
de  l'ennemi  ,  lui  enlever  Ces  fourrageurs  ; 
la  chaîne  qu'elle  formeroit  ne  feroit  i\\. 
aftez  étendue  pour  embraftèr  un  terrein 
fuffifant,  ni  affez  épairT)  pour .  foutenir 
rimpétuofité  du  choc  de  la  cavalerie  en- 
nemie. 

Pour  peu  que  l'on  confidere  la  variété 
des  opérations  d'une  armée  ,  &  l'étendue 
de  fes  befoins  ,  on  ne  peut  dire  que  l'in- 
fanterie foit  feule  en  état  d'y  fufïire. 

Dans  la  guerre  de  plaine  &  dans  toutes 
les  occasions  ,  par   exemple ,  qui  exigent 
un  peu  de  célérité  ,  &  qui  font  afîurément 
très  fréquentes ,   peut  -  on  s'emp  "cher   de 
convenir  qu'elle  ne  foit  d'une  grande  ni- 
cerTué  ?  Eft- il  queftion   de  traverfer   une 
rivière  à  la  nage  ou  à  gié?  c'eft  la  cavalerie 
qui  facili  e  le  paftàge  en  rompan  la  rapidité 
de  1  eau  par  la  force  des  efcadwns,  ou  parce 
;  que  chaque  cavalier  peut  porter  en  croupe 
j  un  fan^ftïn.  Si  l'on  veut  prére;uerun  grand 
!  fron. .  fi  l  on  veut  déborder  l'ennemi ,  l'en- 
velopper ,  c'eft  parle  moyen  de  la,cavalerife 


9*8.  ESC 

qu'on  le  fait  ,  c'eft  en  détachant  Couvent 
des  troupes  de  cavalerie  qu'on  maintient 
le  bon  ordre  fi  néceftaire  à  une  armée  ;  elles 
empêchent  les  déïerteurs ,  les  maraudeurs 
de  fortir  du  camp  ;  ce  font  elles  qui  veil- 
lent à  ce  qu'il  n'y  entre  point  d'efpions 
ou  autres  gens  aufiï  dangereux  ,  &  qui 
procurent  aux  payfans  la  fureté  chez 
eux  ,  &  la  liberté  d'apporter  des  vivres  au 
camp. 

Si  l'on  excepte  les  fieges  qui  font  des 
opérations  auxquelles  on  ne  peut  procéder 
que  lentement ,  &  pour  ainfi  dire  pie*  à 
pié  ,  on  ne  trouvera  peut-être  point  d'au- 
tres occafions  à  la  guerre  qui  ne  demandent 
de  la  diligence  ,  &  conféquemment  pour 
laquelle  les  fervices  de  la  cavalerie  ne  foienc 
très  -  avantageux  :  &  d'ailleurs  perfonne 
n'ignore  que  dans  les  fieges ,  la  cavalerie 
n'ait  un  fervice  qui  lui  foit  uniquement 
afïèclé  ;  on  l'a  vu  au  dernier  fïege  de 
Berg-op-zoom  faire  fes  fondions  ,  &  par- 
tager même  celles  de  l'infanterie.  Ce  n'eft 
pas  le  feul  exemple  qui  prouve  qu'elle  eft 
capable  de  fervir  utilement  en  mettant  pie 
à   terre. 

Le  premier  fervice  de  la  cavalerie  dans 
les  lièges ,  &  le  plus  important ,  eft  celui 
de  l'inveftiflement  de  la  ville    qu'on  veut 
aiïiéger  avant  que.  l'ennemi  ait  pu  y  faire 
entrer  du  fecours  ;  veut-on  ,  au  contraire, 
fecourir  une  ville  menacée  d'un  fiege ,  ou 
même  qui  eft  aftiégée  ;  c'eft  au  moyen  de 
la  cavalerie.  Le  grand  Condé  nous  en  fournit 
un  exemple  dans  le    fervice  qu'elle  lui  a 
rendu  en  pareille  occaficn  ;  il  s'agiflbit  de 
faire  entrer  du  fecours  dans  Cambrai  que 
M.  de  Turenne  tenoit  afliégé  ,  le  temps  . 
preftbit  :  le  prince  de  Condé  rafîèmble  à  ! 
la  hâte  dix-huit  efcadrons  9  fe  met  à  leur 
tête  ,  force  les  gardes  ,  fe  fait  jour  jufqu'à 
la  contrefcarpe  ,  il  oblige  M.  de  Turenne 
de  lever  le  fiege.  Ce  fut  un  feul  détache-  ! 
ment   de    cent    chevaux    qui  en  quelque  j 
forte  a   donné    lieu    au    dernier  fiege  de  ! 
Berg-op-zoom,  fiege  à  jamais  glorieux  pour  i 
1er  armes  du  roi ,  &  pour  le  général  qui  I 
y  a  commandé  ;  car  il  eft  à  préfumer  que  j 
le  fiege  eût  été  différé  ,  ou  que  peut-être  I 
on  ne  l'eût  pas   entrepris,  fi  les  grandes 
gardes  de  cavalerie  qu'avoient  en  avant  les 
ennemis ,  eulTent  tenu  afîèz  de  temps  pour  ' 


ESC 

leur  donner  celui  d'envoyer  leur  cavalerie  ; 
&  enfuite  le  refte  de  leur  aemée  qui  étoit 
de  l'aune  côté,  s'érabiir  entre  la  ville  & 
notre  camp  :  mais  ces  gardes  firent  peu 
de  réfiftance  ;  une  partie  fut  enlevée  t  & 
le  refte  prit  la  fuite. 

La  cavalerie  n'eft  pas  moins  néceffaire 
.  pour  la  détente  d'une  place  ,  fi  des  afîiégés 
en  manquoient ,  ils  ne  pourroient  faire  de 
forties ,  ou  leur  infanterie  courroit  rifque 
en  forrant  de  fe  faire  couper  par  la  cavalerie 
des  ennemis. 

Un  état  dépourvu  de  cavalerie  ,  pourroit 
peut-être  garder  pour  un  temps  fes  places 
avec  fa  feule  infanterie  ;  mais  combien  en 
ce  cas  ne  lui  en  faudroit-il  pas?  &  que  lui 
ferviroient  fes  places  fi  l'ennemi ,  au  moyen 
de  fa  cavalerie  ,  pénétroit  jufque  dans  le 
cœur  du  royaume  ? 

La  levée  &  l'entretien  d'un  corps  de 
cavalerie  entraînent  deladépenfe;  mais  les 
contrioutions  qu'elle  impofe  au  loin  ,  les 
vivres  ,  les  fourrages  qu'elle  en  tire  ,  la 
fureté  des  convois  qu'elle  procure ,  &  tant 
d'autres  fervices  qu'elle  feule  eft  en  état  de 
rendre  ,  ne  dédommagent-ils  pas  bien  avan- 
tageusement de  la  dépenfe  qu'elle  occa- 
fione  ?  D'ailleurs  la  cavalerie  étant  d'une 
utilité  plus  générale  pour  les  opérations 
de  la  guerre  ,  on  ne  fauroit  dire  qu'elle 
foit  plus  à  charge  à  l'état  que  l'infanterie , 
puifque  la  levée  d'un  efcadron  n'eft  pas 
d'une  dépenfe  plus  grande  que  celle  d'un 
bataillon  ,  &  que  l'entretien  de  celui-ci  eft 
bien  plus  considérable. 

Enfin  ,  fi  l'on  s'en  rapporte  aux  plus 
grands  capitaines ,  on  fera  forcé  de  con- 
venir que  l'avantage  fera  toujours  le  plus 
grand  pour  celui  des  deux  ennemis  qui 
fera  fuperieur  en   cavalerie 

Cyrus ,  Alexandre  ,  Annibal ,  Scipion  , 
jouiftent  depuis  plus  de  vingt  fiecles  d'une 
réputation  qu'ils  doivent  au  fuccès  que  leur 
a  procuré  leur  cavalerie.  Cyrus  &  Annibal 
avoient  une  cavalerie  très  -  nombreufe  ; 
Alexandre  eft  celui  des  Grecs  qui ,  à  pro- 
portion de  fes  forces  ,  en  a  eu  le  plus  ;  & 
l'on  ne  voit  pas  que  les  Grecs  fous  ce  prince, 
non  plus  que  les  Perfes  &  les  Carthaginois 
du  temps  de  Cyrus,  aient  été  fur  leur 
déclin  \  il  fembleroit ,  au  contraire  ,  que  la 
vie  de  ces  grands  homraes  pourroit  être 

regardée 


ESC 

regardée  comme  l'époque  la  plus  floriflante 
de  leur  nation. 

Si  les  Romains  ,  après  avoir  été  vaincus 
par  la  cavalerie  des  Carthaginois  ,  triom- 
phent enfin  d'eux  ,  c'eft  que  ceux-ci  furent 
abandonnes  de  leur  cavalerie  ,  que  leur 
enleva  Scipion  par  fes  alliances  &  Tes  con- 
quêtes ;  &  cette  guerre  qui  avoit  commencé 
par  être  honteufe  au  peuple  Romain  ,  finit 
par  l'époque  la  plus  floriflànte  pour  lui. 

Les  fuffrages  des  auteurs  modernes  ,  qui 
ont  le  mieux  écrit  de  l'art  militaire  ,  fe 
réunifient  avec  l'autorité  des  plus  grands 
capitaines  &  des  meilleurs  écrivains  de 
l'antiquité.  Il  fembloit  au  brave  la  Noue  , 
que  fur  quatre  mille  lances  il  fuffifoit  de  2500 
hommes  d'infanterie.  »  Perfonne  ne  con- 
»  tredira  ,  ajoute  cet  auteur  ,  qu'il  ne  faille 
»  toujours  entretenir  bon  nombre  de  gen- 
»  darmerie  ;  mais  d'inlanterie  aucuns  efti- 
»  ment  qu'on  s'en  peut  pafler  en  temps 
»  de  paix.  »  Mais  on  doit  confidérer  que 
la  Noue  écrivoit  dans  un  temps  (  1587  ) 
où  l'infanterie  étoit  comptée  pour  peu  de 
chofe  ;  parce  que  les  principales  actions 
de  guerre  confiftoient  moins  alors  à  prendre 
des  places  ,  qu'en  des  affaires  de  plaine 
campagne  ,  où  l'infanterie  ne  tenoit  pas 
contre  la  cavalerie.  Sa  réflexion  ne  peut 
manquer  de  tomber  fur  la  nécefîité  qu'il  y 
a  d'exercer  pendant  la  paix  la  cavalerie  , 
qui  ne  peut  être  bonne  à  la  guerre  fi  elle 
eft  nouvellement  levée. 

Un  auteur  fort  eftimé ,  &  en  même  temps 
grand  officier  (M.  le  maréchal  de  Puyfegur), 
qui  connoifîbit  fans  doute  en  quoi  confifte 
la  force  des  armées  ,  dont  il  avoit  rempli 
les  premiers  emplois  pendant  cinquante-fix 
ans ,  propofe  dans  fes  projets  de  guerre  plus 
de  moitié  de  cavalerie  fur  une  fois  autant 
d'infanterie. 

Santa-Cruz  veut  qu'une  armée  foit  tou- 
jours compofée  d'une  forte  cavalerie  ;  il 
foutient  même  qu'elle  doit  être  une  fois 
plus  nombreufe  que  l'infanterie  ,  fuivant 
les  circonftances  :  par  exemple  ,  fl  les  enne- 
mis la  craignent  davantage  ,  ou  fi  votre 
nation  eft  plus  propre  à  agir  à  cheval  qu'à 
pié  ;  la  nature  du  pays  où  l'on  fait  la 
guerre  eft  une  diftinôion  qu'il  a  oublié  de 
faire.  «Un  pays  plain  ,  dit  M.  de  Turenne, 
jy  eft  très  -  favorable  à  la  cavalerie  :  il  lui 
Tome  XII. 


ESC  969 

t>  IaifTe  route  la  liberté  néceflaire  â  fon  fer- 
»  vice  ,  &  lui  donne  beaucoup  d'avantage 
»  fur  l'infanterie.  «  Ce  grand  général ,  dont 
les  maximes  font  des  loix  ,  avoit  toujours  9 
comme  on  l'a  déjà  dit ,  dans  fes  aimées  au 
moins  autant  de  cavalerie  que  d  infanrerie  , 
&  on  1  a  vu  quelquefois  avec  un  plus  grand 
nombre  de  cavalerie. 

Enfin  ,  Montécuculli ,  le  Vegece  de  nos 
jours  ,  eftime  que  la  cavalerie  pefanre  doit 
au  moins  faire  la  moitié  de  l'infanterie  , 
&  la  légère  ,  le  quart  au  plus  de  la  pefante  : 
les  fentimens  de  ces  grands  généraux  de 
nations  différentes  ,  ceux  des  anciens  &  des 
plus  grands  capitaines  ,  la  raifon  &  l'expé- 
rience ,  les  opérations  les  plus  importantes 
de  la  guerre  ,  &  tous  les  befoins  d'une 
armée,  font  autant  de  témoignages  de  la 
néceflité  de  la  cavalerie. 

C'eft  fans  doute  à  caufe  de  l'importance 
des  fervices  de  la  cavalerie  en  campagne  , 
que  de  tout  temps  on  a  jugé  que  dans  les 
occafîons  où  il  fe  trouve  mélange  des  deux 
corps  ,  l'officier  de  cavalerie  commanderoit 
le  tout ,  parce  que  les  opérations  de  la 
cavalerie  exigent  une  expérience  particu- 
lière que  ne  peut  avoir  l'officier  d'infan- 
terie ;  &  l'on  peut  dire  que  fi  celle  -  ci 
attend  la  mort  avec  fermeté ,  l'autre  y  vole 
avec  intrépidité. 

On  a  prouvé  de  tout  temps  que  des 
cavaliers  épars  n'auroient  aucune  folidité  ; 
c'eft  ce  qui  a  obligé  d'en  joindre  plufieurs 
enfemble ,  &  c'eft  cette  union  ,  comme 
on  l'a  déjà  dit ,  qu'on  nomme  efcadron. 

Bien  des  peuples  formoient  leurs  efcadrons 
en  triangle  ,  en  coin  ,  en  carré  de  toutes 
efpeces  :  le  lofange  étoit.  l'ordonnance  la 
plus  généralement  reçue ,  mais  l'expérience 
a  fait  fentir  qu'elle  feroit  vicieufe ,  &  a  fait 
prendre  à  toutes  les  nations  la  forme  des 
efcadrons  carrés.  Les  Turcs  feuls  fe  fervent 
encore  du  lofange  &  du  coin  ;  ils  penfent, 
comme  les  anciens  ,  que  cette  forme  eft 
la  plus  propre  pour  mettre  la  cavalerie  en 
bataille  fur  toutes  fortes  de  terreins  ,  &  la 
faire  fervir  avantageufement  aux  diffé- 
rentes opérations  de  la  guerre  ,  d'autant 
plus  facilement  ,  qu'il  y  a  un  officier  à 
chacun  de  fes  angles  :  d'ailleurs  comme  cet 
efcadron  fe  préfente  en  pointe ,  ils  croient 
qu'il  lui  eft  aifé  de  percer  par  un  moindre 
Ggiïggg 


oyo  £  S   C 

Intervalle  ;  que  n'occupant  pas  un  grand  ^ 
efpace,  il  a  plus  de  vivacité  dans  fes  mou- 
vemens  ,  &  qu'enfin  il  n'eft  pas  fujet ,  lors- 
qu'il veut  faire  des  conversons  ,  à  tracer 
de  grands  circuits,  comme  V  efcadron  carré  , 
qui  eft  contraint  dans  ce  cas  de  parcourir 
une  grande  portion  de  cercle.  Mais  fi  les 
efcadrons  en  lofange  ont  effectivement  ces 
avantages  ,  ils  ont  aufli  les  défauts  de  ne 
préfenter  qu'un  très-petit  nombre  de  com- 
battans  ;  les  parties  intérieures  en  font 
inutiles  ,  &  la  gauche  n'en  peut  combattre 
avec  avantage.  Cet  efcadron  ,  pris  par  un 
autre  ,  formé  fur  un  carré  long  qui  fe 
recourbe  de  droite  &  de  gauche  ,  eft  im- 
manquablement enveloppé  fans  avoir  la 
liberté  de  fe  défendre  ;  &  lorfqu'il  eft  une 
fois  rompu  ,  il  ne  lui  eft  plus  pofïible  de 
fe  reformer  :  ainfi  il  ne  peut  tout  au  plus 
être  bon  que  pour  une  petite  troupe  fer- 
vant  de  garde  ,  &  plutôt  faite  pour  avertir 
&  fe  retirer  que  pour  combattre.  Voici  en 
deux  mots  quelles  étoient  les  différentes 
manières  de  former  ces  efcadrons  en 
triangle. 

Les  ThefïàHens  ,  chez  qui  l'art  de  com- 
battre à  cheval  étoit  connu  bien  avant 
la  guerre  de  Troye  ,  furent  les  premiers 
qui  donnèrent  à  leurs  efcadrons  la  forme 
d'un  lofange  :  on  fait  que  parmi  les  Grecs 
cette  cavalerie  Theffalienne  étoit  en  fort 
grande  réputation  ;  ce  fut  Iléon  le  Theffa- 
Uen  qui  le  premier  établit  cet  ordre  ,  & 
dont  il  porte  le  nomù'ilé.  Voye\  la  tactique 
d'EUen. 

Celui  qui  commandoit  V efcadron  ou 
lofange  ,  s'appeloit  iiarque  ;  il  tenoit  la 
pointe  de  la  tête  ;  ceux  qui  fermoient  les 
droites  &  les  gauches  du  rang  du  milieu 
étoient  les  gardes-flancs  3  &  celui  de  la 
queue  fe  nommoit  le  ferre-file. 

Il  y  avoit  quatre  manières  de  former 
1' 'efec.dron  en  lofange  ;  la  première  avec  dés 
files  &  des  rangs  ,  la  féconde  fans,  rangs 
&  fans  files  ,  la  troifieme  avec  des  files  , 
mais  fans  rangs  ,  &  la  quatrième  avec  des 
rangs  &  point  de  files. 

Les  Macédoniens  ,  les  Scythes  &  les 
Thraccs  trouvèrent  les  efcadrons  en  lofange 
fcrop  pefans  ;  ils  en  retranchèrent  la  queue  , 
&  formèrent  ,  moyennant  cette  réforme  , 
içe  qu'ils  appelleront  le  coin.  On  allure  que 


ESC 

Philippe  fut  l'auteur  de  cette  ordonnance  : 
quoi  qu'il  en  foit ,  il  ne  parok  pas  que  ce 
fût  là  l'ordre  qu'obferverent  le  plus  commu- 
nément les  Macédoniens  ,  puifque  Polybe 
Cl-  VI y  ch.  xi j  ,J  nous  apprend  que  leur 
cavalerie  fe  rangeoit  pour  l'ordinaire  fur 
huit  de  hauteur  ;  c'eft,  dit-il ,  la  meilleure 
méthode.  Tacite  nous  apprend  que  les 
Germains  formoient  aufli  en  coin  les  diffé- 
rens  corps  de  leur  armée. 

Les  Siciliens  &  la  plupart  des  peuples 
de  la  Grèce  formèrent  de  leur  cavalerie 
des  efcadrons  carrés  y  ils  leur  fembloient 
plus  faciles  à  former  ,  &  devoir  marcher 
plus  unis  &  plus  ferrés  :  d'ailleurs  dans  cet 
ordre  ,  le  front  fe  trouve  compofé  d'offi- 
ciers &  de  ce  qu'il  y  a  de  meilleurs  cava- 
liers ,  &  le  choc  fe  faifant  tout  enfemble  , 
a  plus  de  force  &  d'impétuofité*  Le  lofange 
ou  le  coin  ,  au  contraire  ,  ne  préfente  qu'un 
feul  combattant  ,  lequel  étant  hors  de 
combat  caufe  infailliblement  la  perte  de 
Y  efcadron. 

Les  Perfes  fe  fervirent  aufîi  des  formes 
carrées  pour  former  leurs  efcadrons  ;  & 
comme  ils  avoient une  nombreufe  cavalerie, 
ils  donnèrent  à  ces  efcadrons  beaucoup  de 
profondeur  :  les  files  étoient  de  douze  , 
quelquefois  de  feize  cavaliers  ,  ce  qui  ren- 
doit  leurs  efcadrons  fi  pefans  ,  qu'ils  furent 
prefque  toujours  battus ,  malgré  la  fupé- 
riorité  du  nombre. 

Les  Romains  formèrent  leurs  efcadrons 
ou  leurs  turmes  fur  une  autre  efpece  de 
carré ,  les  carrés  longs  ;  ils  leur  donnoient 
un  front  &  une  épaiffeur  beaucoup  moins. 
grands  que  les  Grecs  en  général  n'avoient 
fait  :  c'étoit  l'ufàge  reçu  parmi  les  Romains 
pour  la  difpofition  de  leurs  efcadrons  ;  mais 
ils  n'y  étoient  pas  tellement  afîùjettis,  que 
fuivant  les  circonftances  ils  ne  changeaient 
cet  ordre.  A  la  bataille  de  Pharfale  nous 
voyons  que  Pompée  ,  de  beaucoup  fupé- 
rieur  en  cavalerie  ,  joignit  enfemble  quatre, 
turmes  ,  &  forma  fes  efcadrons  de  quinze 
cavaliers  de  front  fur  huit  de  hauteur  ;  ce 
qui  obligea  Céfar  ,  qui  n'avoit  que  trente- 
trois  turmes  ,  chacune  de  trente  hommes  , 
de  les  ranger  fur  dix  de  front  &  trois  de 
hauteur  ,  fuivant  l'ufage  ordinaire. 

L'ufagede  ne  faire  combattre  la  cavalerie - 
que  fur  un  feul  rang,  a  duré  long -Xejmjpst, 


ESC 

en  Europe  dans  les  premiers  temps  de  notre 
monarchie  ;  Tefpece  de  cavalerie  ,  les  armes 
offenfives  &  défenfives  exigeoient  cet  or- 
dre :  il  a  duré  jufqu'au  milieu  du  règne 
de  Henri  II ,  qui ,  voyant  les  files  de  gen- 
darmerie aifément  renverfl'es  par  les  efca- 
drons de  lances  &  par  ceux  de  reiftres  que 
l'empereur  Charles  V  avoit  créés  ,  donna 
à  notre  cavalerie  la  forme  carrée ,  mais  avec 
une  exceflive  profondeur.  Cet  ufage  ,  bien 
que  fujet  à  mille  inconvéniens  ,  a  fub- 
fifté  en  Europe  depuis  Henri  II,  jufqu'à 
Henri  IV  ,  fous  lequel  les  efcadrons  de  dix 
rangs  qu'ils  avoient  auparavant  furent  ré- 
duits à  huit ,  puis  à  fix  rangs.  Alors  les 
compagnies  formoient  autant  Se/cadrons  ; 
elles  étoient  de  quatre  cents  maîtres ,  &  les 
capitaines  qui  vouloient  combattre  à  la  tète 
de  leur  compagnie ,  ne  vouloient  pas  par- 
tager le  commandement  en  la  partageant  : 
mais  ces  compagnies  ayant  depuis  été  mifes 
à  deux  cents  hommes  ,  les  efcadrons  eurent 
moins  de  front  &  moins  de  profondeur  ; 
ils  étoient  encore  trop  lourds  ,  &  ne  furent 
réduits  à  la  proportion  la  plus  conve- 
nable ,  que  lorfqu'on  les  enrégimenta  fous 
Louis  XIII ,  en  1635.  On  les  difpofafous 
trois  ou  quatre  rangs  de  quarante  ou  de 
cinquante  maîtres  chacun  ;  c'eft-là  l'ordre 
que  notre  cavalerie  obferve  encore  aujour- 
d'hui ,  &  c'eft  en  effet  celui  que  l'expé- 
rience a  prouvé  être  le  meilleur.  Les 
officiers  les  plus  expérimentés  eftiment  que 
Vefcadron  de  cavalerie  fur  trois  rangs  ,  à 
quarante-huit  maîtres  chacun  ,  eft  préfé- 
rable à  tout  autre ,  étant  le  plus  jufte 
dans  fes  proportions  ;  celui  de  cent  vingt, 
à  quarante  maîtres  par  rangs ,  peut  être  bon 
quand  les  compagnies  font  foibles ,  parce 
qu'il  comporte  huit  divifions  égales  :  l'autre 
peut  être  divifé  en  feize. 

Quelques  perfonnes  cependant  fe  font 
élevées  contre  la  méthode  de  former  nos 
efcadrons  fur  trois  rangs ,  &  ont  foutenu 
qu'il  feroit  plus  avantageux  de  leur  en  donner 
un  quatrième  :  quoique  leur  fyftême  puiffe 
être  appuyé  de  l'autorité  des  Guftave  & 
des  Turenne  ,  qui  donnoient  à  leurs  efca- 
drons quatre ,  quelquefois  même  jufqu'à 
cinq  rangs  de  profondeur ,  il  faut  croire  que 
fi  l'ufage  de  faire  combittre  les  efcadrons 
fur  trois  rangs  n'étoit  pas  effectivement  le 


ESC  97 1 

meilleur  ,  l'Europe  entière  ne  l'auroit  pas 
adopté  ,  ou  ne  l'eût  pas  au  moins  toujours 
confervé  depuis. 

D'autres  au  contraire  trouvent  encore 
trop  de  profondeur  aux  efcadrons  difpofés 
fur  trois  rangs  ,  &  prétendent  que  l'ordre 
des  efcadrons  en  brtaiile  fur  deux  rangs  eft 
j  le  plus  avantageux  à  la  cavalerie.  Ceux  qrrt 
j  font  prévenus  de  ce  fentiment  le  foutien- 
nent ,  parce  que  l'ancienne  cavalerie  &  la 
gendarmerie  ,  qui  ont  fait  fi  long-temps  la 
principale  force  des  armées  de  France  ,  al- 
loient  à  l'ennemi  lur  un  feul  rang.  Mais  que 
conclure  de  là  ?  Dans  ces  temps  reculés  m 
aucun  peuple  ne  fbrmoit  fa  cavalerie  en  ef- 
cadrons ,  les  ennemis  n'avoient  alors  à  cet 
égard  aucun  avantage  fur  nous  ;  d'ailleurs 
cette  cavalerie  étoit  compofée  de  l'élite  de 
la  nobleiTe  Françoife  ,  hommes  &  chevaux: 
étoient  couverts  d'une  armure  qui  les  ren- 
doit  prefque  invulnérables ,  &  qui  auroit 
donné  une  excefïive  pefanteur  à  des  efca- 
drons ainfi  compofés  :  leur  arme  offenfive 
étoit  la  lance  ,  qui  ne  permettoit  pas  noir 
plus  qu'ils  combattirent  en  efcadrons.  N'au- 
reit-ce  pas  été  perdre  fans  néceflité  d'ex- 
cellens  champions ,  que  de  doubler  de  pareils 
rangs?  D'ailleurs  on  fait  que  cette  cavalerie 
fut  toujours  battue  lorfqu'elle  eut  affaire 
contre  une  autre difpofée  fur  plufieurs  rangs 
de  hauteur. 

La  maifon  du  roi  combat  fur  trois  rangs: 
comparable  fans  doute  à  tous  égards  à  cette 
ancienne  cavalerie ,  elle  lui  eft  de  beaucoup 
fupérieure  pour  la  difcipline  ;  &  s'il  y  avoic 
un  avantage  réel  de  combattre  fur  deux 
rangs ,  il  eft  aifé  de  penfer  que  cet  ufage 
eût  été  établi  dans  ce  corps,  à  qui  une  longue 
expérience  a  appris  à  toujours  vaincre  ,  &: 
dont  deux  rangs  paroiffent  fuffire  pour  cela. 
Le  premier  des  trois  rangs  dans  les  efca- 
drons des  gardes-du-corps,  eft  compofé  en- 
tièrement d'officiers  ;  &  quand  il  ne  s'en 
trouve  pas  fuffifamment  pour  le  compléter, 
on  y  admet  les  gardes  qu'on  nomme  Cara- 
biniers. 

Si  l'on  veut  comparer  notre  cavalerie  avec 
la  maifon  du  roi ,  on  fe  croira  forcé  de  lui 
donner  plutôt  fix  rangs  que  trois  :  ce  font 
bien  les  mêmes  armes,  mais  ce  ne  font  pas 
les  mêmes  hommes  ni  les  mêmes  chevaux  ; 
la  néceflité  oblige  pendant  la  guerre  d'ajoutée 
Gggggg  2- 


97 1  ESC 

aux  bons  cavaliers  des  cavaliers  médiocres  , 
&  même  de  iinuvais  ,  c'eft-à-dire  de  jeunes 
gens  ou  de  jeunes  chevaux  non  exercés  , 
dont  il  n'en1  pas  poflïole  de  tirer  un  grand 
fervice.  SM  eft  un  moyen  de  reme'dier  à  ces 
défauts  ,  ce  né  peut  être  qu'en  donnant  à 
cette  cavalerie  la  meilleure  forme  dont  elle 
eft  fufceprible  ;  elle  doit  être  folide  ,  mais 
en  même  temps  facile  â  mouvoir;  &  pour 
cela  il  faut  que  la  hauteur  de  Yefcadron  foit 
proportionnée  à  fa  longueur  ,  de  manière 
qu'il  n'occupe  ni  trop  ni  trop  peu  de  terrein. 
La  difpolinonde  Yefcadron  fur  trois  rangs  , 
eft  fans  contredit  la  plus  propre  à  réunir  ces 
avantages:  on  efpere  le  démontrer ,  eo  fup- 
pofanr  toujours  que  les  efjadrons  doivent 
erre  de  cent  vingt  à  cent  quarante-quatre 
hommes  ;  car  s'ils  étoient  de  cent  &  au 
deffous  de  ce  nombre  ,  il  feroit  nécefïàire 
de  ne  leur  donner  que  deux  rangs. 

Le  terrein  qui  dans  un  champ  de  bataille 
contient  la  cavalerie  en  efcadrons  difpo'és 
fur  trois  rangs,  eft  déjà  d'une  étendue  très- 
confiderable.  Si  on  ne  donnoit  plus  que  deux 
rangs  à  ces  efcadrons  ,  on  feroit  obligé  de 
prolonger  la  ligne  d'un  tiers  ;  cela  eft  évi- 
dent. 

Qui  ne  voit  d'un  premier  coup  d'œil 
combien  une  pareille  difpofltion  entraîne  de 
difficultés  ;  car  enfin  quand  il  feroit  poiîible 
de  trouver  pour  toutes  les  occafions  des  plai- 
nes aftez  vaftes  pour  former  fur  deux  rangs 
deux  lignes  de  cinquante  efcadrons  chacune 
(  nombre  aujourd'hui  le  plus  ordinaire  dans 
les  armées  )  ,  que  d'inconvéniens  ne  réfulte- 
t-il  pas  de  la  trop  grande  étendue  d'un  champ 
de  bataille,  où  le  général  ne  pouvant  juger 
de  tout  par  lui-même  ,  ne  fauroit  donner 
des  ordres  à  propos  (a)  ?  Les  fecours  arri- 
vent trop  tard  ,  les  momens  font  précieux 
à  la  guerre;  &  d'ailleurs  ,  quelle  apparence 
que  des  ailes,  compofées  Ôl  efcadrons  formés 
fur  deux  rangs ,  puhTent  tenir  contre  le  choc 
d'autres  efcadrons  plus  forts  d'un  rang  ?  Ce 
font  les  ailes  qui  ,  comme  on  fait ,  décident 
prefque  toujours  du  fort  des  batailles  ;  dénuée 
de  leur  fecours ,  l'infanterie  eft  bientôt  prife 
tout  à  la  fois  en  flanc  &  en  queue  par  la  ca- 
valerie ennemie,  &  de  front  par  l'infanterie  ; 


ESC 

on  ne  fauroit  donc  trop  rapprocher  des  yeux 
du  général  la  cavalerie  ;  &  la  meilleure  ma- 
nière de  le  faire ,  eft  d'en  former  les  efca- 
drons fur  trois  rangs  ;  le  pofte  qu'elle  occupe 
n'en  eft  déjà  que  trop  éloigné  :  d'ailleurs  fes 
combats  font  vifs  ,  de  peu  de  durée  ,  & 
prefque  toujours  décififs.  Le  général  feul 
par  fa  prélence  eft  en  état  de  parer  à  mille 
accidens  que  toute  la  prudence  humaine 
n'auroit  pu  prévoir. 

La  trop  grande  étendue  d'un  efcadron 
rend  fa  marche  flottante  &  inégale  ;  ics  mou- 
vement font  moins  légers  &  plus  difficiles  ; 
il  eit  fort  à  craindre  qu'il  ne  s'ouvre  ou 
qu'il  ne  crtve  par  quelque  endroit  ;  alors 
un  tel  efcadron  eft  vaincu  avant  que  d'avoir 
combattu.  Sa  véritable  force  coniïfte  à  être 
également  ferré  de  toutes  parts  ,  mais  fans 
gène  ;  l'union  en  doit  être  parfaite  :  car  , 
comme  le  remarque  Monrécuculli ,  «  tout 
»  l'avantage  à  la  guerre  confifte  à  former 
»  un  corps  folide  ,  fi  ferme  &  fi  impéné- 
»  trable  ,  qu'en  quelque  endroit  qu'il  foit 
w  ou  qu'il  aille ,  il  y  arrête  l'ennemi  comme 
»  un  baftion  mobile  ,  &  fe  défende  par  lui- 
»  même.  » 

Les  mouvemens  de  Y  efcadron  fur  deux 
rangs  ne  peuvent  être  que  fort  lents  &  fort 
difficiles  à  exécuter  ;  il  ne  faut  pour  l'arrêter, 
ou  au  moins  pour  retarder  confidérabîement 
fa  marche  ,  qu'un  fofle  ,  un  ravin  ,  une 
haie  ,  une  hauteur  ou  un  ruifteau  ,  qui  fe 
rencontrent  fur  fa  route  ,*  plus  l'efpace  de 
terrein  qu'il  doit  parcourir  fera  étendu  ,  & 
plus  il  y  a  lieu  de  préfumer  qu'il  trouvera 
de  ces  obftacles  à  vaincre  ;  obftacles  bien 
moins  à  craindre  pour  Yefcadron  fur  trois 
rangs  ,  qui  peut  plus  aifément  les  éviter  ou 
les  vaincre  par  le  peu  d'étendue  de  fon  front» 
DansYefcadron  fur  trois  rangs  ,  le  premier 
de  ces  rangs  eft  compofé  de  l'élite  de  toute 
la  troupe  ;  ce  ne  font  que  des  officiers ,  des 
brigadiers  ,  des  carabiniers  ,  ou  au  moins 
les  anciens  cavaliers ,  dont  les  exercices ,  la 
valeur  &  l'expérience  font  garants  de  leur 
conduite  ;  elle  fert  d'exemple  ,  &  pique 
d'émulation  les  deux  rangs  qui  fuivent.  Dans 
Yefcadron  ordonné  fur  deux  rangs  ,  ils  font 
l'un  &  l'autre  d'un  tiers  plus  nombreux  'r 


(a)  Melius  eft  poft  aciem  pluta  ftrvare  prafidia ,  quùm  latius  militent  ffargere.  Veget,  lib.  III,  cap.  xxvj. 


ESC 

&  il  eft  impoffible  que  le  premier  rang  de 
celui-ci  foit  auffi-bien  compofé  que  le  pre- 
mier rang  de  Yefcadron  fur  trois  ;  on  fera 
forcé  d'y  admettre  des  hommes  de  recrues 
qui  n'auront  point  été  exercés ,  des  chevaux 
neufs ,  ou  des  chevaux  rétifs ,  qui  n'étant 
point  faits  au  bruit  de  la  guerre  ,  rompront 
infailliblement  Yefcadron.  Les  officiers  d'ail- 
leurs dans  un  efcadron  fur  deux  rangs  feroient 
trop  éloignés  les  uns  des  autres  ;  &  ce  feroit 
perdre  un  des  avantages  les  plus  confidéra- 
bles  des  efcadrons  François  fur  ceux  de  leurs 
ennemis  ,  dont  le  nombre  des  officiers  eft 
moins  grand  ,  mais  qui  ,  placés  fur  un  front 
plus  étroit  &  plus  convenable,  deviendroient 
â  proportion  plus  forts  que  le  nôtre ,  dif- 
perfés  fur  un  front  trop  étendu. 

Si  le  premier  rang  de  Yefcadron  qui  n'en 
a  que  deux  ,  eft  une  fois  entamé  ,  peut-on 
préfumer  que  le  fécond ,  compofé  de  ce  qu'il 
y  a  de  moindre  en  hommes  &  en  chevaux  , 
puiflè  oppofer  une  grande  réfiftance  ?  Il  n'en 
eft  pas  ainfi  de  Yefcadron  fur  trois  rangs ,  les 
vuides  du  premier  font  remplis  par  les  ca- 
valiers du  fécond ,  &  ce  qui  manque  à  celui- 
ci  ,  fe  prend  dans  le  troifieme  rang. 

On  peut  encore  fe  procurer  d'autres  grands 
avantages  d'un  troifieme  rang  ,  en  ne  le  fai- 
fant  pas  participer  au  choc,  &  le  faifantrefter 
un  peu  derrière  les  deux  premiers  ;  il  fert  en 
ce  cas  à  fixer  un  point  de  ralliement;  &  ce 
dernier  objet  mérite  une  grande  confidéra- 
tion  ,  puifqu'un  efcadron ,  comme  l'on  fait , 
lorfqu'il  eft  une  fois  rompu  ,  ne  fe  rallie 
qu'avec  beaucoup  de  peine.  Ce  troiileme 
rang  peut  encore  dans  le  même  cas  fe 
rompre  à  droite  &  à  gauche  ,  par  le  centre , 
&  fe  porter  fur  les  flancs  &  les  derrières  de 
Yefcadron  ennemi ,  ou  s'oppofer  à  de  pa- 
reilles petites  troupes  qu'il  détacheroit  pour 
la  même  opération. 

Les  feuls  avantages  que  préfente  Yefca- 
dron fur  deux  rangs  ,  c'eft  que  plus  de  gens 
y  combattent  à  la  fois  ,  &  qu'il  peut  efpérer 
de  déborder  celui  de  l'ennemi  par  la  plus 
grande  étendue  de  fon  front ,  fans  craindre 
d'être  débordé  lui-même  ;  mais  ces  avan- 
tages ,  à  les  examiner  de  près ,  ne  font  point 
fi  réels  qu'ils  paroifïènt  ;  car  enfin  on  veut 
qu'il  embrafTe  ,  &  que  même  il  déborde  le 
front  de  Yefcadron  qui  lui  eft  oppofe  :  mais 
que  deviendra  fon  centre  attaqué  par  un 


ESC  97j 

ennemi ,  dont  Yefcadron  plus  léger  dirigeant 
toute  fon  action  dans  cette  partie  ,  l'aura 
infailliblement  ouvert ,  avant  qu'il  ait  eu  le 
temps  de  courber  fes  flancs?  que  lui  fer- 
vira-t-il  alors  d'avoir  débordé  l'ennemi ,  & 
que  deviendront  fes  ailes  débordantes  après 
la  déroute  de  leur  centre  ?  Ces  prétendus 
avantages  ne  féduifent  jamais  que  les  gens 
accoutumés  à  juger  des  chofes  fur  les  appa- 
rences &  dans  le  cabinet  ;  pour  les  gens  du 
métier  que  l'habitude  continuelle  des  exer- 
cices rend  feuls  juges  compétens  de  ceue 
matière  ,  ils  ne  s'y  bifferont  point  furpren- 
dre  ;  ils  penfent  tous  que  de  toutes  les  formes 
à  donner  à  un  efcadron  de^avalerie  ,  celle 
des  trois  rangs  à  quarante-huit  cavaliers  eft 
fans  contredit  la  meilleure.  On  ne  doit  ce- 
pendant pas  pour  cela  négliger  d'exercer  les 
efcadrons  de  cavalerie  fur  deux  rangs  ;  car 
comme  dans  cet  ordre  ils  font  plus  difficiles 
à  manier  ,  cette  méthode  rendra  plus  aifée 
les  évolutions  de  Yefcadron  fur  trois  rangs. 
L'intention  du  Roi,  expliquée  par  l'inftruc- 
tion  du  14  mai  1754,  eft  que  toute  la  ca- 
valerie foit  exercée  ,  tantôt  fur  deux  rangs , 
tantôt  fur  trois  ,  &  qu'elle  fâche  combattre 
de  ces  deux  manières. 

Tout  ce  qui  vient  d'être  dit ,  touchant 
l'obligation  de  former  les  efcadrons  fur  trois 
rangs  ,  ne  doit  cependant  s'entendre  que  de 
ceux  qui  auront  un  front  affez  étendu  ,  c'eft- 
à-dire  de  quarante  ou  de  quarante  -  huit 
maîtres  \  car  pour  ceux  qui  ne  pourroient 
avoir  que  trente-deux  cavaliers  de  front ,  il 
faut ,  pour  qu'ils  aient  une  jufte  proportion  , 
qu'ils  foient  fur  deux  rangs  de  quarante- 
huit  chacun. 

Aujourd'hui,  fuivant l'inftruction  du  14. 
mai  1754,  les  efcadrons  de  cavalerie  fe  for- 
ment fur  deux  ou  trois  rangs ,  à  proportion 
de  la  force  des  compagnies ,  &  comme 
l'ordonne  celui  qui  commande.  Us  font  cha- 
cun de  quatre  compagnies  :  la  première,  d'un 
régiment  compofé  de  douze  compagnies 
faifant  trois  efcadrons,  forme  la  droite  du 
premier  efcadron  ;  la  féconde  ,  la  droite  du 
fécond  ;  &  la  troifieme  ,  celle  du  troifieme  ; 
la  quatrième  ,  prend  la  gauche  du  premier 
efcadron  y  la  cinquième  ,  celle  du  fécond  r 
&  la  fîxieme  ,  celle  du  troifieme  :  la  fep- 
tieme  fe  met  à  la  gauche  de  la  première 
compagnie  au  premier  efcadron.  3-  la  huitième 


974  ESC 

à  la  gauche  de  la  deuxième  au  fécond  ef- 
cadron  ,  &  la  neuvième  à  la  gauche  de  la 
troifieme ,  au  troifieme  efcadron  ;  la  dixième 
fe  place  entre  la  feptieme  &  la  quatrième  ;  la 
onzième  entre  la  huitième  &  la  cinquième , 
enfin  la  douzième  entre  la  neuvième  &  la 
fixieme. 

i  3  « 


5 

ii 

8 

2 

6 

12 

9 

3 

4 

10 

7 

i 

Quand  le  régiment  eft  plus  fort  ou  plus 
foible  ,  on  fuit  Te  même  ordre  ,  en  plaçant 
alternativement  les  compagnies  fuivantleur 
ancienneté  (£)  dans  chaque  efcadron.  Le 
commandant  de  chaque  efcadron  fe  tient 
feul  en  avant  du  premier  rang  vis-à-vis  le 
centre ,  entre  la  troifieme  &  la  quatrième 
compagnie  de  X efcadron;  en  fuivant l'ordre 
ci-defîîis,  le  commandant  du  premier  ef- 
cadron eft  en  avant  de  l'intervalle  entre  la 
feptieme  &  la  dixième  compagnie  du  régi- 
ment ,  &  ainfi  dans  les  autres. 


ES  C 

Les  majors  &  aides-majors  n'ont  point 
de  place  fixe  ;  ils  fe  divifent  &  fe  tiennent 
à  portée  des  commandans  ,  pour  recevoir 
leurs  ordres. 

Les  capitaines  &  lieutenans  font  dans  le 
premier  rang  :  favoir ,  les  deux  capitaines  des 
compagnies  de  la  droite  ,  à  la  droire  de  leur 
compagnie  ,  &  les  deux  de  la  gauche,  à  la 
gauche  ;  les  deux  lieutenans  des  compagnies 
de  la  droite ,  à  la  gauche  de  leur  compagnie , 
&  ceux  de  la  gauche  ,  à  la  droite  ;  les  uns 
&  les  autres  font  couverts  fur  la  droite  ,  de 
deux  brigadiers  ,  &  fur  la  gauche  ,  de  deux 
carabiniers  ;  ceux-ci  devant  fermer  les  gau- 
ches des  premiers  rangs  de  chaque  com- 
pagnie. 

Les  maréchaux  des  logis  fe  tiennent  en 
ferre -file  derrière  le  centre  du  dernier  rang. 

Les  deux  étendards  fe  placent  au  premier 
rang  à  la  cinquième  file  ,  lorfque  X efcadron. 
eft  lur  trois  rangs  ;  mais  s'il  eft  fur  deux  , 
on  le  met  à  la  feptieme. 

Les  quatre  trompettes  font  fur  un  rang  à 
la  droite  de  X efcadron  ,  &  les  timbales  der- 
rière les  trompettes  du  premier  efcadron. 


{b)  Le  régiment  du  colonel  général  a  depuis  la  paix  douze  compagnies  ;  celui  de  royal  des  carabiniers 
en  a  quarante  ,  &  chacun  des  autres  en  a  huit.  Ce  nombre  augmente  à  la  guerre. 


4  io  7  i 

a 
j  j  c      f  e  h  h  j  j  c  e  h  h  j  j  d  bhh  j  j  d  f    b  h  h 

oooooooooooooooooooooooolooooooooo  ooo//// 


oooooooooooo 
oooooooooooo 


oooooooooooo 


ooooooooo  ooojoo  oooooooooo 

s  s 


oo oooooo oo o © ooo oo oooo ooo  m 

OOOOOOOOO  OOOjOOOOOOOOOOOO 

g  g 


I,  4,  7^  io,  rangs  des  compagnies  du  premier  efcadron  d'un  régiment  qui  en  a  trois. 


a,   commandant. 
bb,  capitaines  de  la  droite. 
n,  capitaines  de  la  gauche. 
dd,  lieutenans  de  la  droite. 
et,  lieutenans  de  la  gauche. 
ff,  eprnettes  avec  les  étendard». 


fffg ,  maréchaux  des  logis. 
hhhhhhhhi  brigadiers. 
jjjiijjj»  carabiniers. 
Il  II,  trompettes. 
m,  timbaliers. 
ooooo,  cavaliers. 


ESC 

A  l'égard  des  efcadrons  de   dragons  , 

•ufîards  ,  &  des  autres  troupes  légères  , 

ur  manière  de  combattre  étant  différente 

S  celle  de  la  cavalerie  ,  chacun  de  leur 

ang  formant  autant  de  troupes  détachées  , 

pour   entretenir  le  combat  ,    &  pouvoir 

attaquer  de  toutes  parts  ,  il  feroit  fort  bon 

qu'ils  fufïènt  plutôt  fur  quatre  rangs  que 

fur  trois. 

Il  faut  de  plus  que  ces  rangs  foient  éga- 
lement mêlés  d'anciens  &  de  nouveaux  , 
contre  ce  qui  fe  pratique  dans  la  cavalerie  , 
dont  le  premier  rang  eft  toujours  compofé 
des  meilleurs  &  plus  anciens  cavaliers. 

Auteurs  qui  ont  écrit  ,  particulièrement  fur 
la  cavalerie. 

Georges  Bafia  >  le  gouvernement  de  la 
cavalerie  légère.  A  Rouen,  1616,  in-folio. 

Jean-Jacques  de  lValhau\en  y  art  mili- 
taire à  cheval.  Zuphen  ,  1620,  in-folio. 

Hermanus  Hugo  ,  de  militiâ  equeflri 
antiquâ  &  nova.  Antuerpiœ  ,  1 630. 

Lecocque- Madeleine  ,  fervice  de  la  cava- 
lerie. Paris  ,  in-zz.  1720. 

De  Langais  _,  devoir  des  officiers  de  ca- 
valerie. Paris,  in-iz.   1725. 

Cet  article  efi  de  M.  D'AUTHVILLE  , 
commandant  de  bataillon  }  qui  fe  propofe  de 
faire  imprimer  inceftamment  des  mémoires 
qui  auront  pour  titre ,  effaifur  la  cavalerie. 
Voye\  ÉQUITATION. 

§  Escadron  ,  ( An  militaire.  Tactique 
des  Grecs.)  Les  anciens  auteurs  militaires 
bous  difent  tous  qu'on  ordonnoit  autrefois 
les  troupes  de  cavalerie  fous  les  différentes 
formes  d'un  carré  parfait ,  d'un  carré  long , 
d'une  lofange  ou  d'un  coin  ;  mais  il  n'en  eft 
aucun  qui  nous  ait  donné  une  idée  bien 
claire  de  toutes  ces  difpofitions  ;  &  nous 
croyons  devoir  joindre  des  figures  &  un 
fupplément  à  cet  article.  Les  ThefTaliens , 
nation  qui  fut  toujours  très  -  puifïànte  en 
cavalerie  ,  avoient  accoutumé  de  ranger 
leurs  efcadrons  en  lofange  :  ils  font  même 
les  premiers  qui  fe  foient  fervis  de  cette 
ordonnance.  Jafon  à  qui  quelques-uns  en 
ont  attribué  l'invention  ,  l'introduifitdans 
leur  cavalerie  ,  &  la  regardoit  comme  la 
feule  qu'on  pût  employer  en  toute  forte  de 
conjonctures.  En  effet ,  une  troupe  ainfi 


ES  C  97$ 

difpofée  pouvant  faire  tête  dé  tous  cotés 
avec  un  égal  avantage  ,  ne  fauroit  être 
prife  en  flanc  ,  ni  par  derrière:  les  meilleurs 
cavaliers  &  les  mieux  montés  garnirent 
toutes  les  faces  de  la  lofange ,  &  les  officiers 
en  occupent  les  angles.  L'ilarque  ou  com- 
mandant ,  eft  à  la  pointe  de  l'angle  de  la. 
tète  :  les  angles  de  la  droite  &  de  la  gau- 
che font  fermés  par  deux  officiers  nommés 
gardes-flancs  y  &  celui  de  la  queue  par  le 
ferre-file  ,  voye\  fig.  8  }  planches  de  V Art 
militaire.  Tactique  des  Grecs  y  dans  le 
Supplément  des  planches. 

Les  Scythes  &  les  Thracesfaifoient  leurs 
efcadrons  en  forme  de  coin  ;  &  la  même 
méthode  étoit  pratiquée  par  les  Macédo- 
niens :  ils  l'avoient  apprife  de  leur  roi 
Philippe  ,  qui  paiTe  pour  en  être  l'inventeur. 
Ce  prince  croyoit  cette  difpofîtion  fupé- 
rieure  à  l'ordonnance  carrée  ,  en  ce  que 
tous  les  officiers  font  également  diftribués 
autour  de  la  troupe.  D'ailleurs  ,  comme 
la  tête  de  cette  troupe  fe  termiae  en  une 
pointe  très  -  aiguë  ,  il  lui  eft  aifé  de  fe 
porter  légèrement  par  -  tout  où  il  eft  né- 
ceftàire  ,  &  d'enfiler  diredement  le  moin- 
dre intervalle.  J'ajouterai  qu'elle  exécute 
les  mouvemens  de  converfion  &  de  ré- 
verfion  ,  avec  bien  plus  de  vivacité  &  de 
promptitude  que  les  efcadrons  carrés  ,  dont 
le  front  très-étendu  eft  obligé  d'embrafîêr 
un  terrein  plus  confidérable  en  traçant  fa 
portion  de  circonférence  ( fig.  10 ).  Les 
Perfes  au  contraire  ,  les  Siciliens  &  la  plu- 
part des  peuples  de  la  Grèce  ont  fait 
ufage  de  l'ordonnance  carrée  :  ils  préten- 
daient qu'étant  plus  facile  à  former  ,  & 
plus  commode  pour  faire  marcher  les  ca- 
valiers enfemble  &  les  contenir  en  ordre  , 
on  ne  devoir  pas  balancer  à  lui  donner  la 
préférence  ,  à  l'excluflon  des  précédentes  ; 
ce  qui  fait  qu'elle  fe  forme  aifément , 
c'eft  que  les  cavaliers  y  font  difpofés  par 
rangs  &  par  files  :  elle  a  de  plus  fur  les  au- 
tres l'avantage  que  tous  les  chefs  de  file  y 
combattent  à  la  tête  ,  &  tombent  en 
même  temps  fur  l'ennemi. 

Parmi  les  différentes  troupes  carrées  , 
les  Grecs  eftimoient  davantage  celles  dont 
la  longueur  eft  double  de  la  profondeur  ; 
qui  ont  par  exemple  huit  ou  dix  chevaux 
de  front,. fur  quatre  ou  cinq  de  hauteur», 


97<*  ESC 

Cette  difpofition  les  rend  exactement  car- 
rées ,  parce  que  la  longueur  d'un  cheval  de 
la  tête  à  la  queue  étant  double  de  fon 
épaiflèur ,  on  ne  peut  avoir  les  proportions 
qu'exige  cette  figure  qu'en  mettant  une 
fois  moins  de  chevaux  dans  les  files  que 
dans  les  rangs.  Quelques  perfonnes  pré- 
tendent qu'un  cheval  eft  piefque  trois  fois 
plus  long  qu'il  n'eft  large  à  l'endroit  des 
épaules  ;  &  félon  eux  ,  la  longueur  d'une 
troupe  qu'on  veut  rendre  carrée  ,  doit  être 
triple  de  fa  profondeur ,  de  forte  que  fi 
l'on  place  neuf  cavaliers  de  front  ,  il  fuf- 
fit  d'en  mettre  trois  en  file.  (Jig.  1 1). 

La  cavalerie ,  de  même  que  les  armés  à 
la  légère  ,  fe  poftoit  dans  les  batailles  , 
paflbit  où  l'on  jugeoit  qu'elle  pouvoit  être 
employée  avec  avantage.  On  la  mettoit  en 
avant ,  &  fur  les  ailes  de  la  phalange  ou 
même  en  dernière  ligne ,  après  le  corps 
des  armés  à  la  légère. 

Chaque  efcadron  étoit  ordonné  en  îo- 
fange  (  Voyei  LOSANGE  ) ,  &  compofé  de 
64  cavaliers.  Il  y  en  avoit  quinze  au  pre- 
mier rang  ,  treize  au  fécond ,  onze  au  troi- 
fîeme  ;  en  diminuant  ainfi  jufqu'à  l'unité. 
Le  porte-enfeigne  fe  plaçoit  dans  le  fécond 
rang ,  à  la  gauche  du   chef  de  ce  rang. 

Cfig-J50 

Soixante-quatre  efcadrons  formés  de  la 
même  manière ,  compofoient  tout  le  corps 
de  la  cavalerie  ,  qui  étoit  de  quatre  mille 
quatre-vingt-feize  cavaliers. 

Deux  efcadrons  faifoient  une  épilarchie , 
troupe  de  128  cavaliers. 

Deux  épilarchies ,  une  tarentinarchie  , 
qui  en  contenait  2^6. 

Deux  tarentinarchies  ,  une  hipporchie 
de  512. 

Deux  hipporchies ,  une  éphipporchie 
de  1024. 

Deux  hipporchies  ,  une  telos  de  2048. 

Deux  telos  ,  une  épitagme  ,  ou  le  corps 
entier  de  la  cavalerie  ,  compofé  de  4096 
cavaliers. 

Les  Grecs  avoient  aufli  des  efcadrons 
carrés  ,  mais  qui  n'étoient  tels  que  par  le 
terrein  qu'ils  occupoient ,  &  nullement 
par  le  nombre  de  cavaliers  qui  les  compo- 
foient. Ce  nombre  n'étoit  point  déterminé  ; 
le  général  l'augmentoit  ou  le  diminuoit 
félon  fes  deflêins  &  fes  vues  particulières, 


ESC 

!  La  feule  règle  à  laquelle  on  s'attachoit  f 
|  étoit  de  donner  à  ïefcadron  une  longueur 
qui  fût  double  de  fa  hauteur. 

Les  Perfes  ,  les  Siciliens  ,  &  la  plupart 

des  peuples  de  la  Grèce  ,  ne  penfoient  pas 

qu'aucune  autre  ordonnance  pût  balancer 

I  les  avantages  de  celle-ci ,  foit  par  la  facilité 

,  de  la  former  ,  foit  par  rapport  au  fervice 

j  qu'ils  en  attendoient  en  toute  occafion  ; 

aufli  la  préféreront- ils  conftamment  à  toutes 

les  autres. 

La  troupe  d'infanterie  qu'on  lui  oppo- 
foit  ,  empruntoit  de  la  cavalerie  même , 
la  meilleure  manière  de  lui  réflfter  avec 
fuccès.  Elle  formoit  un  coin.  ÇVJ 

ESCADROïsNER  ,  v.  n.  c'eft  dans 
Y  art  militaire  faire  les  différentes  évolu- 
tions qui  appartiennent  à  la  cavalerie.  Voy. 
ÉVOLUTIONS.  CQJ 

ESC AETES ,  f.  m  ( Jurif prudence.)  font 
des  héritages  &  des  rentes  non  nobles ,  qui 
proviennent  de  la  fuccefîion  des  prédécef- 
feurs  de  ceux  auxquels  ils  appartiennent. 
Voye\  Ly ancien  fiyle  de  la  coutume  de  Nor- 
mandie y  tit.  des  fuccejjions _,  page  301  9 
édit.  de  lAAz.  (A) 

ESCALADE,  f.  f.  c'eft  dans  Y  art  mili- 
taire l'attaque  d'un  lieu  ou  d'un  ouvrage 
par  furprife  ,  en  franchiffant  les  murs  ou  les 
remparts  avec  des  échelles. 

La  méthode  de  s'emparer  des  villes  par 
Yefcalade  étoit  bien  plus  commune  avant 
l'invention  de  la  poudre  qu'aujourd'hui  : 
aufli  les  anciens ,  pour  s'en  garantir ,  pre- 
noient-ils  les  plus  grandes  précautions.  Ils 
ne  terrafïbient  point  leurs  murailles  ,  &  ils 
les  élevoient  beaucoup ,  en  forte  que  non 
feulement  il  étoit  befoin  d'échelles  pour 
monter  defTus  ,  mais  encore  pour  en  des- 
cendre dans  la  ville.  Les  tours  ,  dont  la 
muraille  étoit  flanquée  ,  étoient  encore  plus 
élevées  que  la  muraille  ,  &  l'efpece  de 
petit  chemin  qu'il  y  avoit  du  côté  intérieur 
de  cette  muraille  ,  &  fur  lequel  étoient 
placés  les  foldats  qui  défendoient  la  ville , 
étoit  coupé  vis-à-vis  de  ces  tours  ,  en 
forte  que  l'ennemi ,  pour  être  parvenu  au 
haut  de  la  muraille  ,  n'étoit  ,  pour  ainfi 
dire ,  encore  maître  de  rien.  Cependant  , 
malgré  ces  difficultés ,  les  efcalades  s'entre- 
prenoient  fouvent.  II  y  a  apparence  que  la 
longueur  du  temps  qu'il  falloit  employer 

pour 


ESC 

pour  faire  brèche  au  mur  de  la  ville ,  fai- 
foit  prendre  ce  parti  ,  &  que  le  canon 
pouvant  faire  une  ouverture  au  mur  afTez 
promptement  ,  on  a  infenfiblement ,  pour 
ainfrdire  ,  perdu  l'ufage  de  s'emparer  des 
villes  par  Vefcalade. 

Il  fe  peut  bien  aufîi  que  la  difpofition 
de  nos  fortifications  modernes  y  ait  con- 
tribué :  les  anciens  n'ayant  point  de  dehors , 
on  pouvoit  s'approcher  tout  d'un  coup  du 
bord  de  leur  fofîe  ,  defcendre  dedans  ,  & 
appliquer  des  échelles  le  long,  du  mur.  Nos 
dehors  ne  permettent  pas  un^fi  facile  accès 
au  corps  de  la  place  :  cependant  Iorfque  le 
fofîe  eft  fec  ,  comme  il  faut  communé- 
ment qu'il  le  foit  dans  les  efcalades  y  il  ne 
feroit  pas  impofîible  ,  fi  la  place  n'avoit 
pour  tout  dehors  que  des  demi-lunes  & 
Ton  chemin  couvert ,  de  parvenir  à  Vefca- 
lader>  fur-tout  fi  la  garnifon  en  étoit  foible  ; 
car  ces  fortes  d'entreprifes  ne  peuvent  guère 
réufîir  contre  une  garnifon  nombreufe ,  en 
état  de  bien  garnir  fes  poires  &  de  les  bien 
défendre  :  mais  quand  on  fuppoferoit  trop 
de  difficultés  pour  y  réufîir  dans  nos  villes 
fortifiées  à  la  moderne,  il  fe  trouve  fou- 
vent  dans  les  pays  où  l'on  fait  la  guerre  , 
des  villes  qui  ne  font  entourées  que  de 
murailles  terrafïees  ,  &  devant  lefquelles 
il  n'y  a  qu'un  fimple  foffé.  Contre  ces 
fortes  de  villes  Vefcalade  pourroit  s'employer 
&  réufîir  heureufement  ,  comme  elle  a 
réufïi  à  Prague  au  mois  de  décembre 
1741. 

Pour  bien  réufîir  dans  Vefcalade  d'une 
ville  ,  il  faut  d'abord  une  connoifîance 
parfaite  de  la  place  &  de  fes  fortifications  , 
afin  de  fe  déterminer  fur  le  coté  le  plus 
facile  à  efcalader  &  le  plus  négligé  par 
l'ennemi. 

Il  faut  avoir  provifion  d'un  grand  nom- 
bre d'échelles  ,  afin  de  pouvoir  faire  mon- 
ter un  plus  grand  nombre  de  gens  en 
même  temps  ;  être  muni  de  pétards , 
pour  s'en  fervir  pour  rompre  les  portes  & 
donner  entrée  aux  troupes  commandées 
pour  foutenir  l'entreprife. 

Pour   trouver    moins    d'obftacîe  de  la 

part  de  l'ennemi ,  il  faut  le   furprendre  : 

un  ennemi  qui  feroit  fur  fes  gardes  à  cet 

.égard,  feroit  bien  plus  difficile  à  être  forcé, 

Tome  XII. 


ESC  977 

parce  qu'il  eft  aifé  de  fe  défendre  contre 
Vefcalade  lorfqu'on  eft  prévenu. 

Mais  dans  le  trouble  que  caufe  d'abord 
fon  exécution  inattendue  ,  l'ennemi  ne 
penfe  pas  à  tout ,  ou  du  moins  il  ne  peut 
parer  à  tout.  On  l'attaque  de  tous  côtés 
afin  qu'il  partage  fes  forces  :  il  ne  lui  eft 
pas  facile  de  démêler ,  parmi  les  attaques  , 
quelles  font  les  faufTes  &  quelles  font  les 
véritables  ;  il  eft  donc  obligé  de  foutenir 
également  tous  fes  poftes,  &  pendant  qu'il 
eft  occupé  d'un  côté ,  on  entre  dans  la 
place  par  un  autre. 

Il  eft  donc  efTentiel  de  cacher  à  l'ennemi 
le  defTein  de  l'entreprife  que  l'on  médite 
contre  lui:  pour  cela  il  faut  qu'il  ne  foit 
pas  inftruit  de  la  conftrudion  des  échelles 
nécefïàires  en  pareil  cas  ;  &  s'il  ne  s'ea 
trouve  pas  un  nombre  fuffifant  dans  les 
magafins  ,  il  faut  en  faire  conftruire  fecré- 
tement. 

On  peut  faire  des  échelles  qui  fe  démon- 
tent,  c'eft  à-dire,  compofées  de  plufieurf 
parties  ;  elles  fe  tranfportenî  beaucoup  plus 
facilement  :  on  s'en  fervit  de  cette  efpece 
pour  Vefcalade  de  Genève  en  i6o2~ 

Lorfque  tout  eft  préparé  pour  l'entre- 
prife ,  &  qu'il  ne  s'agit  plus  que  d'aller 
l'exécuter ,  on  prend  la  quantité  de  monde 
dont  on  juge  avoir  befoin  ,  tant  en  infan- 
terie qu'en  cavalerie.  La  cavalerie  peut 
fervir  à  charger  l'ennemi  affemblé  dans  les 
différentes  places  de  la  ville  ,  lorfqu'on  lui 
en  a  donné  l'entrée  ,  à  le  difîiper  promp- 
tement ,  &  à  favorifer  la  retraite ,  fi  l'on 
eft  dans  l'obligation  de  fe  retirer ,  &  s'il  y 
a  des  plaines  à  pafTer  dans  la  retraite.  On 
mené  aufîi  des  ferruriers  &  des  charpentiers 
avec  foi ,  pour  s'en  fervir  fuivant  le  befoin 
&  l'occafion. 

On  dirige  la  marche  de  manière  qu'on 
arrive  devant  la. ville  une  ou  deuK  heures 
avant  le  jour  ,  &  l'on  ne  néglige  aucune, 
attention  pour  que  l'ennemi  n'en  puifîè 
être  informé  de  perfonne.  S'il  fe  rencontre 
quelqu'un  en  chemin  ,  il  faut  l'arrêter  ,  & 
arriver  devant  la  place  avec  Je  plus  grand 
filence.  Comme  on  doit  être  informé  des 
chemins  que  l'on  a  à  tenir ,  des  défilés  qu'y 
faut  pafïer ,  on  eft  en  état  de  juger  du  temps 
que  pourra  durer  la  marche  :  il  eft  impor<- 
t#nt  d'en  faire  le  calcul  exact  ;  car  il  pour- 
Hhhhhii 


978  ESC 

roit  arriver  que  l'année  étant  trop  long- 
temps en  marche  ,  arriveroit  trop  tard  de- 
vant la  place  pour  commencer  l'attaque 
avant  le  jour  ;  auquel  cas,  à  moins  d'une 
grande  fupériorité  ,  il  faudroit  prendre  le 
parti  de  s'en  retourner.  Il  arrive  quelque- 
fois ,  fuivant  la  fituation  des  lieux  ,  qu'on 
fait  arriver  les  troupes  devant  la  place  par 
difFérens  chemins  ;  en  ce  cas  ,  la  marche 
eft  moins  longue  &  moins  embarraffante  : 
mais  les  officiers  qui  conduifent  chaque 
corps ,  ne  doivent  ,  pour  aucune  circons- 
tance particulière ,  retarder  leur  marche  , 
afin  d'arriver  devant  la  place  à  l'heure  qui 
leur  aura  été  indiquée  ,  &  que  les  diffé- 
rentes attaques  commencent  toutes  en 
même  temps,  ou  aux  heures  dont  on  fera 
convenu  ;  car  il  eft  quelquefois  à  propos , 
fur-tout  lorfque  la  ville  eft  fort  grande  ,  de 


ESC 

d'une  bien  plus  prompte  expédition  ;  & 
les  autres  y  defeendent  par  les  degrés  ou 
efcaliers  que  l'on  pratique  ordinairement 
aux  arrondiffemens  de  la  contrefearpe  &  à 
fes  angles  rentraos. 

Dès  que  l'on  eft  defeendu  dans  le  fofTé  , 
on  applique  avec  la  plus  grande  diligence 
les  échelles  contre  le  rempart  ou  fon  revê- 
tement ,  &  on  fe  hâte  de  monter  promp- 
tement  fur  le  rempart ,  fans  confufion  & 
fans  trop  charger  les  échelles  :  lorfqu'il  y  a 
un  corps  de  ioo  ou  150  hommes  de  montés, 
on  fait  venir  les  ferruriers  &  les  charpen- 
tiers pour  rompre  la  porte  la  plus  prochaine. 
A  mefure  que  les  troupes  montent  fur  le 
rempart ,  on  les  range  en  bataille  ;  &  fi  l'en- 
nemi fe  préfente ,  on  le  charge  vigoureu- 
fement  la  baypnnette  au  bout  du  fuiil ,  fans 
tirer ,  pour  ne  point  donner  une  trop  forte 


les  commencer  fucceflivement.  La  première  '  alarme  aux  corps-de-gardes  voifms  :  quand 
attaque  attire  d'abord  toute  l'attention  de  on  eft  en  aff.z  grand  nombre  fur  le  re.m- 
l'ennemi  ,  qiii  s'y  porce  promptement  ;  la  !  part ,  &  que  1  on  a  fait  ouvrir  une  porte 
féconde  l'oblige  de  partager  fon  attention  ;  !  pour  faire  entrer  dans  la  ville  les  troupes 
&  lorfque  les  premières  attaques,  oui  or-  j  du  dehors  ,  on  s'étend  tout  le  long  du 
dinairement  font  fauftes ,  ont  attiré  la  plus  |  rempart  pour  s'en  rendre  folidement  le 
grande  partie  de  la  garnifon  ,  on  commence  maître ,  &  enfuite  on  fe  joint  avec  le  corps 
la  véritable  ,  dans  laquelle  on  doit  trouver  \  qui  eft  entré  par  la  porte ,  pour  charger  l'en- 


moins  de  réfïftance. 


nemi  dans  tous  les  lieux  de  la  ville  où  il 


On  voiture  les  échelles  fur  des  chariots  ;  peut  fe  retirer.  Si  lorfqu'il  n'y  a  encore 
devant  la  place  ;  ces  chariots  font  précédés  1  qu'un  petit  nombre  d'hommes  de  montés 


de  la  plus  grande  partie  des  troupes  deftinées 
à  cette  expédition  ,  lefquclles  font  auffi 
précédées  de  quelques  compagnies  de  gre- 
nadiers qui  font  leur  avant-garde. 

Etant  arrivé  auprès  de  la  ville  on  s'y  met 
en  bataille ,  toujours  dans  un  grand  filence  ; 
on  diftribue  les  échelles  aux  premiers  foîdats 
qui  doivent  commencer  Vefcaîade  ,  &  qui 
doivent  être  les  plus  braves  &  les  plus  vigou- 
reux de  la  troupe. 

On  partage  les  troupes  de  l'attaque  en 


plufieurs    petits   corps  ,  comme   de     100  !  fiper. 


fur  le  rempart ,  l'ennemi  venoit  pour  les 
charger  ,  ils  fe  défendroient  du  mieux 
qu'ils  pourroient  contre  lui  ,  en  fe 
faifant  un  rempart  des  différentes  chofes 
qu'on  peut  trouver  fur  le  rempart  , 
comme  des  branches  des  arbres  qui  font 
communément  defius  ;  &  s'en  faifant  une 
efpece  de  retranchement  ,  derrière  lequel 
on  fe  tient  jufqu'à  ce  qu'il  foit  monté 
fur  le  rempart  un  nombre  d'hommes 
fuffifant  pour  charger  l'ennemi  &  le  dif- 


ou  120  hommes  commandés  par  leurs 
officiers,  &  l'on  s'avance  auprès  de  la  place. 
S'il  y  a  un  chemin  couvert  ,  on  fe  fert  des 
Serruriers  pour  en  faire  Jauter  les  barrières 
avec  le  moins  de  bruit  qu'il  foit  poffible. 
Les  troupes,  après  y  être  entrées ,  cherchent 
â  defeendre  dans  le  fofïe  ;  les  foldats  qui  ont 
des  échelles  s'en  fervent ,  fuppofé  qu'il  foit 
profond  &  revêtu  ,  &  qu'on  ne  puifîè  pas 
le  gliflèr  le  long  de  fon  talus- ,  ce  qui  eft 


Si  l'ennemi  eft  exact  à  faire  fes  rondes  , 
qu'il  s'apperçoive  que  les  troupes  font  dans 
le  fofïe  ,  &  prêtes  à  monter ,  qu'il  fafîe  tirer 
les  fentinelles  pour  donner  l'alarme  à  la 
ville ,  on  ne  laifïèra  pas  de  monter  promp- 
tement. Comme  il  faut  toujours  quelque 
efpace  de  temps  pour  qu'il  vienne  du  fe- 
cours ,  on  peut  en  profiter  pour  monter 
fur  le  rempart ,  en  aftèz  grand  nombre  pour 
s'y  foutenir  contre  les  troupes  de  garde  , 


ESC 

qui  font  les  premières  qui  peuvent  fe  pré- 
senter fur  le  rempart  pour  en  défendre 
accès. 

S'il  y  a  un  château  ou  une  citadelle  dans 
la  ville  ,  qui  loit  ,  comme  il  eii  d'ufage  , 
partie  dans  la  ville  &  partie  dans  la  cam- 
pagne, il  faudra  y  donner  Vefcalade  en  même 
temps  qu'à  la  ville ,  afin  que  l'ennemi  n'y 
trouve  point  de  retraite  ,  &  que  prefTé  de 
tous  côtés  ,  il  foit  dans  la  nc'cefhté  de  fe 
rendre. 

Le  temps  le  plus  favorable  pour  furpren- 
dre  les  villes  dont  le  foffé  eft  plein  d'eau  , 
efî  l'hiver  pendant  une  forte  gelée  :  on 
peut  franchir  aifément  le  foffé  en  pafTant 
fur  la  glace  ,  &  monter  fur  le  rempart ,  le 
pié  des  échelles  étant  pofé  fur  la  glace  du 
foffé.  Un  gouverneur  attentif  a  foin,  dans 
les  gelées  ,  de  faire  rompre  tous  les  jours 
la  glace  de  les  foffés  :  mais  il  peut  s'en 
trouver  qui  négligent  cette  attention  ;  & 
d'ailleurs  ceux  qui  font  chargés  de  1  exécu- 
tion peuvent  la  faire  avec  tant  de  négli- 
gence ,  qu'il  foit  encore  pofîible  de  fe  fervir 
delà  glace  pour  planter  les  échelles  au  pié 
du  rempart,  &  pour  franchir  le  foffé.  C'eft 
à  ceux  qui  fe  chargent  de  ces  fortes  d'en- 
treprifes  ,  de  bien  faire  obfeiver  la  con- 
duite du  gouverneur  &  celle  de  ceux  qu'il 
charge  de  l'exécution  de  fes  ordres  ,  pour 
voir  la  manière  dont  ils  les  exécutent ,  & 
pour  prendre  leur  parti  en  conféquence. 
Elémens  de  la  guerre  des  Juges,  II  vol. 

A  l'égard  des  précautions  à  prendre  con- 
tre les  efcalades,  elles  confident  à  avoir  con- 
tinuellement aufTi  de  petits  partis  dans  les 
environs  de  la  place,  pour  être  par  eux 
inftruit  des  démarches  de  l'ennemi  ,  & 
faire  des  rondes  continuelles  pendant  la 
nuit ,  pour  que  perfonne  n'entre  dans  le 
foffé  de  la  place  ,  fans  qu'on  en  foit  in- 
formé. On  peut  aufli  pratiquer  une  cuvette 
dans  le  foffe  ,  planter  des  paliffades  à  quel- 
que diftance  du  mur ,  pour  empêcher  l'en- 
nemi d'y  appliquer  fes  échelles ,  garnir  les 
flancs  des  bâfrions  de  pièces  de  canon 
chargées  à  cartouche  avec  des  balles  d'un 
quarteron  ,  ou  de  la  ferraille ,  pour  tirer 
fur  ceux  qui  voudroient  efealader  la  place 
vis-à-vis  les  courtines  ;  mettre  dans  les 
corps-de-gardes  à  portée  du  rempart ,  des 
hallebardes,  des  faux  emmanchées  de  revers, 


ESC  979 

&  foutes,  autres  fortes  d'armes  propres  à 
donner  fur  l'ennemi  lorfqu'il  paroît  au  haut 
de  l'échelle ,  &  à  le  pouf  Ht  dans  le  (ofle  ; 
garnir  le  rempart  d'une  grande  quantité 
de  poutres  cylindriques  ,  pour  les  faire 
rouler  fur  les  échelles  ,  &  fur  ceux  qui 
font  defîiis  :  &  fi  la  garnifon  ne  fe  trouve  l 
pas  en  aflèz  grand  nombre  pour  pouvoir 
occuper  tout  le  rempart ,  on  doit  attacher 
fur  la  partie  fupérieure  du  parapet  des  che- 
vaux de  frife  ,  ou  autre  chofe  qui  puifîè 
empêcher  l'ennemi  de  pafîèr  pardtfibs 
pour  fauter  fur  le  rempart.  Le  rempart 
doit  aufli  être  garni  de  bombes  &  de  gre- 
nades toutes  chargées  ,  pour  faire  rouler 
dans  le  foffé  fur  l'ennemi.  On  doit  aufli 
avoir  des  artifices  préparés  pour  jeter  fuc 
lui,  comme  fafeines  goudronnées ,  barils 
foudroyans ,  pots  à  feu  ,  &c.  &  jeter  aufli 
dans  le  foffé  une  grande  quantité  de  balles 
à  feu  pour  l'éclairer  ,  &  que  )e  canon  de 
la  place  puifTe  faire  un  grand  effet  fur  les 
troupes  qui  font  dedans.  On  peut  encore 
garnir  aufli  le  fofîe  de  chaufîès-trapes  ,  de 
petits  fofTés  couverts  de  claies  &  de  terre  , 
pour  que  l'ennemi  ne  s'en  apperçoive  point , 
&  qu'il  tombe  dedans  :  il  peut  y  avoir  au 
milieu  de  ces  petits  fofTés  une  palifTade  , 
ou  plutôt  quelques  longues  pointes  de  fer 
difpofées  de  manière  à  enferrer  ceux  qui  y 
tomberont  ,  &c.  (Q) 

Escalade  des  Titans  ,  grande  & 
belle  machine  du  prologue  de  Nais ,  dont 
on  trouvera  la  figure  &  la  defeription  dans 
un  des  volumes  des  planches  gravées.  ÇBJ 

*  ESCALE  ,  f.  f  C Commerce. J  On 
nomme  ainfi  ,  fur  les  cotes  d'Afrique  ,  ce 
qu'on  appelle  une  échelle  dans  le  Levant , 
c'eft-à-dire  un  lieu  de  commerce  où  les 
marchands  nègres  viennent  apporter  leurs 
marchandifes  aux  Européens  :  on  le  dit 
aufïi  des  endroits  où  les  Européens  vont 
faire  la  traite  avec  eux. 

Au  Sénégal ,  il  y  a  quantité  de  ces  efcales 
le  long  de  la  grande  rivière  &  de  la  rivière 
du  Morphil  ,  les  unes  à  trente  lieues ,  les 
autres  jufqu'à  cent  lieues  &  davantage  de 
l'habitation  des  François. 

On  nomme  aufïi  efcales  fur  l'Océan  les 

ports  où  abordent  les  navires  pendant  leurs 

voyages ,  foit  pour  rafaîchifîèment  &  autres 

chofes  nécefîàires  ,  foit  pour  y  décharger 

Hhhhhh  2. 


ç8o  ESC 

partie  de  leur  fret ,  ou  pour  recevoir  des 
raarchandîfes  dans  leur  bord. 

Les  efcales  en  France  pour  Terre-Neuve 
font  Oleron  ,  Brouage  &  la  Rochelle  , 
c'eff- à-dire  ,  celles  où  les  navires  fe  four- 
nirent ordinairement  de  fel ,  &  fouvent  de 
bifcuit ,  pour  leur  pêche. 

Faire  efcaler  ,  c'eft  entrer  dans  un  port 
pour    s'y    rafraîchir,    ou   y    prendre  ou! 
décharger  des    marchandiles    en    paffant.  | 
Dictionnaire  de  Commerce  de  Trévoux  &  i 
de  Chambers.  (G) 

*  ESCALETTE  ou  ECHELETTE,  C  £  ! 
C  Manufacture  en  foie.  )  C'eft  un  paralle'li- 
pipede  de  bois  bien  e'quarri ,  où  l'on  a  pra- 
tiqué cinquante  coches  ,  &  chaque  coche  ; 
capable  de  renfermer  huit  cordes  de  femple;  i 
il  eft  de  la  largeur  jufle  de  la  feuille  du  | 
defîin  ,  qui  contient  cinquante  dixaines  i 
pour  les  métiers  ordinaires  de  quatre  cents  ! 
cordes.  Vefcalette  fert  pour  la  lecture  du  , 
defïîn.  i 

ESCALETTE  ,  ÇRubanier.)  efpece  de  | 
peigne  de  bois ,  fervant  à  mettre  les  foies 
en  largeur  fur  les  enfubles  lors  du  ployage.  | 
On  arrange  les  foies  dans  fa  denture  ,  lorf-  ! 
qu'elles  font  prêtes  à  être  ployées  fur  l'en-  I 
lubie  :  Vefcalette  ,  garnie  de  fes  dents  de 
fil- de- fer  ,  a  deux  petits  montans  à  cha- 
que bout ,  terminés  en  tenons  pour  entrer 
dans  les  moratifes  du  deffus  ;  les  trous  du 
deffus  reçoivent  les  petites  chevillettes  ,  qui 
tiennent  ces  deux  pièces  unies  enfemble. 
Voici  l'ufage  de  Vefcalette;  on  met  une 
plus  grande  ou  plus  petite  quantité  des  fils 
de  la  chaîne  (  ordinairement  c'eft  une  por- 
tée ,  quand  on  a  un  encroix  par  portée  ) 
dans  chacune  de  fes  dents ,  fuivant  la  lar- 
geur que  l'on  veut  donner  au  ployage  ; 
enfuite  le  ployeur  faifant  agir  le  bâton  à 
tourner  de  la  main  droite  (  voye\  Bâton 
A  TOURNER),  il  conduit  de  la  gauche 
Vefcalette  ,  ce  qui  fert  à  arranger  les  foies 
de  la  chaîne  uniment  &  également  fur 
I'enfuble ,  qui  doit  les  porter  jufqu'à  la 
fin  de  l'ouvrage  ;  il  conduit ,  dis-je  ,  Vef- 
calette ,  mais  doucement ,  en  tournant  de 
temps  en  temps  Vefcalette  devers  lui ,  pour 
que  les  foies  s'enroulent  en  plus  petite  , 
enfuite  en  plus  grande  largeur  ;  ce  qui 
s'exécute  ,  afin  que  ces  mêmes  foies  ne  fe 
trouvent  point  amoncelées  toutes  en  un 


ESC 

tas,  &a  fu  jettes  par -là  à  ébouler:  ce  qu 
mettroit   une   confufion    très  -  nuifible  fur 
I'enfuble  ;    confufion    qu'il    faut    toujours 
éviter    dans    ce   métier ,    d'ailleurs    afîetf 
confus. 

ESCALIER,  DEGRÉ,  MONTÉE, 
fynonymes  :  ces  trois  mots  défignent  la 
même  chofe  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  cette  partie 
d'une  maifon  qui  fert  par  plufieurs  mar- 
ches à  monter  aux  divers  étages  d'un 
bâtiment ,  &  à  en  defcendre.  Mais  efcalier 
eft  aujourd'hui  devenu  le  feul  terme  d'u- 
fage.  Degré 'ne  fe  dit  plus  que  par  les  bour- 
geois ,  &  montée  par  le  petit  peuple.  Degré 
s'employoit  dans  le  dernier  fiecle,  pour  figni- 
fier  chaque  marche  d'un  efcalier y  &  le  mot 
de  marche  étoit  uniquement  confacré  pour 
les  autels.  Nous  aurions  peut-être  bien  fait 
de  conferver  ces  termes  diftincHfs  ,  qui 
contribuent  toujours  à  enrichir  une  langue. 
Article  de  M.  le  chevalier  de  J  au- 

COURT. 

Escalier,  du  latin  fcaloe  ,  montées; 
c'eft  ,  dans  un  bâtiment ,  une  pièce  dans 
laquelle  font  pratiquées  des  degrés  ou  mar- 
ches ,  pour  monter  &  defcendre  aux  difFé- 
rens  étages  élevés  les  uns  au  deffus  des 
autres.  Ces  degrés  fe  font  dé  marbre  ,  de 
pierre ,  de  bois ,  félon  l'importance  de 
l'édifice ,  &  le  foutiennent  en  l'air  par 
différentes  efpeces  de  voûtes  ,  dont  la 
pouffée  eft  retenue  parles  murs  qui  forment 
la  cage  de  V efcalier. 

Il  fe  fait  de  plufieurs  fortes  cVefcaliers  ;, 
favoir ,  à  trois  rampes ,  comme  celui  des 
Tuileries  confirait  en  pierre  (  voye\  celui 
du  plan  ,  faifant  partie  de  la  diftributibn 
d'un  palais,  dans  le  s  planches  d' Architeâ.)  'y 
à  deux  rampes ,  comme  celui  de  Saint- 
Cloud ,  de  marbre  ;  à  une  feule  rampe  , 
tels  que  font  la  plupart  de  ceux  de  nos 
hôtels  à  Paris ,  &  que  l'on  appelle  ,  félon 
la  diverfité  de  leur  figure  &  de  leur  conf- 
truclion  ,  efcaliers  triangulaires,  cintrés  ,  à 
jour,  fphériquesy  fufperidus,  d  vis  faint- 
Gille,  en  arc  de  cloître,  &c. 

La  fituation  des  efcaliers,  leur  grandeur, 
leur  forme ,  la  manière  de  les  éclairer ,  leut 
décoration  ,  &  leur  conftru&ion  ,  font  au- 
tant de  confédérations  importantes  à  obfer- 
ver  pour  parvenir  à  les  rendre  commodes  ,, 
folides  &  agréables.. 


ESC 

De  leur  iïtuation.  Anciennement  on  pîaçoit  j 
les  efcaliers  hors  œuvre  du  bâtiment  ;  en-  j 
fuite  on  les  a  placés  dans  1  intérieur  &  au 
milieu  de  l'édiiice  ,  tel  qu'on  le  voit  encore  j 
aujourd'hui  au  palais  du  Luxembourg  ;  à  j 
préfent  on  les  place  à  côté  du  veftibule  ,  I 
ainfi    qu'on  le    remarque  au  château  des  \ 
tuileries,  ayant  reconnu  que  les  efcaliers  $2.-  j 
ces  dans  le  milieu  du  bâtiment  mafquoienr.  ! 
l'enfilade  de  la  cour  avec  celle  des  jardins. 
Flufieurs  architectes  regardent  comme  ar-  j 
bitraire  de  placer  les  efcaliers  à  la  droite  ou  f 
à  la  g;;uche  du  veftibule  ;  cependant  il  faut 
convenir  que  la  première  Situation  eft  plus 
convenable  ,    parce  qu'il  femble  que  nos 
befoins  nous  portent  plus  volontiers  à  cher- 
cher à  droite  ce  qui  nous  eft  propre:  néan- 
moins il  y  a  des  circonftances  où  l'on  peut 
s'écarter  de  cette  règle  ,  lorfque  par  rapport 
à  l'exporition  &  à  la  diverlité  des  afpects 
d'un  bâtiment,  il  paroît  néceftàire  de  placer 
à  droite  les  appartenons  de  fociété  pour 
jouir  d'un  point  de  vue  ,  qui  très-fouvent 
dans  une  maifon  de  plaifance  ne  fe  ren- 
contre que  de  ce  côzé  ;  autrement  on  ne 
peut  trop  infifter  ,  foit  préjugé  ,  foit  habi- 
tude ,  fur  la  nécefïité  de  placer  les  efcaliers 
comme  nous  le  recommandons  ,  &  de  les 
fîtuer  de    manière  qu'ils  s'annoncent  dès 
l'entrée  du  veftibule.    Voye\  VESTIBULE. 

De  la  grandeur  des  efcaliers.  La  gran- 
deur des  efcaliers  en  général  dépend  de 
l'étendue  du  bâtiment  ,  &  du  diamètre 
des  pièces.  Rien  n'eft  plus  contraire  à  la 
convenance  ,  que  de  pratiquer  un  efcalier 
principal  trop  petit  pour  monter  à  des  appar- 
temens  fpacieux  ,  ou  d'en  ériger  un  trop 
grand  dans  une  maifon  particulière.  Par  la 
grandeur  d'un  efcalier  y  on  doit  entendre 
l'efpace  qu'occupe  fa  cage  ,  la  longueur  de 
fes  marches  ,  &  le  vuide  que  l'on  obferve 
entre  fes  murs  d'échiffre  ;  car  il  eft  bon  de 
favoir  que  dans  tous  les  genres  &  efcaliers 
deftinés  à  l'ufage  des  maîtres  ,  la  hauteur 
des  marches  ,  leur  giron  ,  &  celle  des 
appuis  des  baluftrades,  des  rampes ,  doivent 
par-tout  être  les  mêmes.  On  entend  encore 
par  la  grandeur  d'un  efcalier  _,  non  feule- 
ment la  furface  qu'il  occupe  ,  mais  aufîi 
fon  élévation  qui  n'eft  jamais  moins  que  de 
deux  étages  ,  &  fou  vent  beaucoup  plus  , 
ce  qu'il  faut  éviter  néanmoins;  il  eft  mieux  ' 


ESC  981 

de  pratiquer  un  efcalier  particulier  pour 
monter  aux  étages  fupérieurs  ,  aux  comUesy 
aux  terrafîès ,  &c.  à  moins  qu'il  ne  s'agifte 
d'une  maifon  économique ,  ou  à  loyer. 

De  la  différente  forme  des  efcaliers.  La 
forme  des  efcaliers  eft  aufti  diverfe  que  celle 
des  batimens.  Les  anciens  les  faifoient  pref- 
que  tous  circulaires  ;  enfuite  on  les  a  faits 
quadrangulaircs  ;  aujourd'hui  on  les  faic 
indistinctement  de  formes  variées  ,  félon 
que  la  diftribution  des  appartemens ,  l'iné- 
galité du  terrein  ou  la  fujétion  des  iftues 
femblent  l'exiger  :  il  eft  cependant  certain 
que  dans  les  batimens  de  quelque  impor- 
tance ,  les  formes  régulières  doivent  avoir 
la  préférence  ,  ces  efcaliers  étant  du  nom- 
bre de  ces  chofes  où  la  (implicite  des  formes 
doit  prévaloir  fur  le  génie  &  l'invention  ; 
confédération  pour  laquelle  ,  fans  avoir 
égard  aux  exemples  de  nos  modernes  à 
ce  fujet ,  on  ne  peut  trop  recommander  de 
retenue  &  de  vraifemblance  dans  la  forme 
&  la  difpofîtion  d'un  efcalier;  &  fi  quel- 
quefois on  fe  trouve  contraint  de  faire  les 
côtés  oppofés  des  murs  de  cage  difîembla- 
bles ,  il  faut  que  cette  licence  annonce  visi- 
blement une  nécefîité  indifpenfable  d'avoir 
voulu  concilier  enfemble  la  diftribution  des 
appartemens ,  la  décoration  des  façades  , 
&  en  particulier  la  fymmétrie  de  cette  forte 
de  pièces. 

De  la  manière  la  plu  s  convenable  dy  éclairer 
les  efcaliers.  Quoiqu'il  femble  qu'on  fafïe 
ufage  des  efcaliers ,  autant  denuit  que  de 
jour  ,  il  n'en  eft  pas  moins  vrai  qu'on  doive 
être  attentif  à  répandre  une  lumière  égale' 
fur  la  furface  de  leur  rampe  &  de  leurs 
paliers  ;  ce  qui  n'arrive  pas  lorfqu'on  les 
éclaire  feulement  fur  l'une  dé  leur  face  , 
parce  que  les  rampes  qui  font  oppofées  à 
la  lumière ,  font  prefque  toujours  obfcures: 
défaut  que  l'on  remarque  dans  le  plus  grand 
nombre  de  ceux*  de  nos  hôtels- à  Paris.  Pour 
éviter  cet  inconvénient ,  ne  conviendroit- 
il  pas  de  les  éclairer  en  lanterne  ?  alors  la 
lumière  plongeroit  fur  chaque  rampe  ,  ce 
qui  rendroit  leur  ufage  plus  facile  ,  prin-- 
cipalement  ,  comme  nous  l'avons  déjà 
remarqué  ,  lorfque  les  marches  ,  \es  paliers' 
&  les  rampes  fe  terminent  au  premier 
étage.  On  a  vu  pendant  long  -  temps  le 
fuccès  de  cette  lumière  pratiquée-  ainfi.  ai 


982  ESC 

X  efcalier  des  ambafTadeurs  à  Verfailles ,  qui  ! 
a  été  démoli  ;  &  cet  exemple  devroit  fer- 
vir  d'autorité  pour  tous  ceux  qui  deman- 
dent quelque  confidération  :  d'ailleurs,  il 
eft  poffible  de  mafquer  les  lanternes  que 
nous  propofons  par  la  hauteur  des  baluftra- 
des  extérieures  ,  lorfqu'on  ne  voudroit  pas 
rendre  leur  élévation  apparente  dans  les 
dehors. 

De  la  décoration  des  efcaliers.  La  con- 
venance ici ,  comme  par-tout  ailleurs ,  doit 
préfider  dans  la  décoration  d'un  efcalier  , 
relativement  à  la  matière  dont  il  eft  conf- 
truit  ;  on  doit  ufer  de  retenue  pour  la  mul- 
tiplicité ces  membres  d'architecture  ,  &  la 
prodiga'ité  des  ornemens  ;  en  général  la 
(implicite  doit  être  de  leur  refîbrt  ;  la 
douceur  des  rampes  ,  la  longueur  des  mar- 
ches ,  la  grandeur  de  leur  cage  ,  le  rapport 
de  leur  dimenfîon  ,  la  fymmétrie  ,  &  l'ap- 
pareil de  la  conftruétion  femblent  devoir 
faire  tous  les  frais  de  leur  décoration  ,  afin 
qu'il  fe  rencontre  une  progrefîion  fenfible 
de  richefles  entre  la  magnificence  de  ces 
genres  de  pièces  &  celle  des  appartenons  , 
qui  chacune  féparément  doit  être  décorée 
félon  fon  ufage  &  Ta  deftination.  Les  efca- 
liers des  bâtimens  de  Paris  qui  paroifTent 
décorés  le  plus  convenablement ,  font  ceux 
des  hôtels  de  Touloufe  ,  d'Auvergne  ,  de 
Tiers  :  ceux  des  hôtels  de  Soubife  ,  de 
Luynes ,  de  Tunis ,  &c.  qu'on  s'eft  apperçu 
après  coup  être  trop  fimples  ,  &  où  l'on  a , 
par  un  excès  oppofé  ,  répandu  trop  de 
richeflè  ,  montrent  afTez  qu'il  ne  s'agit  pas 
d'avoir  pour  objet  d'imaginer  un  beau  ta- 
bleau. La  vraifemblance  doit  avoir  le  pas 
fur  tout  ce  que  le  génie  le  plus  fertile 
peut  produire  d'élégant  ;  confidération 
pour  laquelle  il  eft  eiïentiel  que  l'archi- 
tecte préfide  à  tout  ce  qui  fe  fait  dans  un 
bâtiment  ,  en  fuppofant  qu'il  ait  acquis 
une  connoifTance  de  tous  les  arts  relatifs  à 
l'art  de  bâtir. 

Plus  il  eft  néceflàire  d'admettre  de  la 
magnificence  dans  un  efcalier ,  plus  il  eft 
eftèntiel  d'éviter  que  les  paliers  du  premier 
étage  mettent  à  couvert  la  première  rampe 
du  raiz-de  -  chauffée.  Rien  n'eft  mieux  , 
en  mettant  le  pié  fur  la  première  marche  , 
que  de  découvrir  la  partie  fupérieure  de  la 
cagç.  &  toute  la  lanterne  qui  doit  l'éclairer  ; 


ESC 

mais  en  fuppofant  qu'on  ne  fafîe  pas  ufage 
de  ces  lanternes  ,  au  moins  faut  -  il  éviter 
les  fujecs  coloriés  dans  le  plafond ,  ou  les 
calottes  qui  les.  terminent.  Cet  ouvrage  de 
peinture  tranche  trop  fur  le  revêtiffement 
des  murs  de  cage ,  qui  ordinairement  font 
tenus  de  pierre  ,  de  plâtre  ,  ou  de  ftuc  , 
ainfi  qu'on  le  remarque  à  Y  efcalier  de  la 
bibliothèque  du  roi  ,  &  dans  plufieurs  de 
nos  maifons  royales.  La  fculpture  y  paroît 
plus  convenable  ,  ou  au  défaut  de  celle-ci 
on  doit  y  peindre  des  grifailles  qui  expri- 
ment les  arcs  doubleaux  ,  les  nervures ,  & 
les  compartimens  qu'on  auroit  mis  en 
œuvre  ,  fi  cette  partie  fupérieure  avoit  été 
voûtée.  Et  fi  enfin  un  fujet  colorié  peut 
entrer  pour  quelque  chofe  dans  la  décora- 
tion d'un  efcalier  y  ce  ne  doit  être  qu'en 
fuppofant  que  les  revêtiffèmens  feront  de 
marbre  de  couleurs  variées  ,  tel  qu'étoit 
celui  des  ambaffàdeurs  à  Verfailles  ,  un 
des  beaux  ouvrages  qui  aient  été  faits  dans 
ce  genre. 

De  la  conflruciion  des  efcaliers.  La  conË 
tru&ion  eft  la  partie  la  plus  eftèntielle  d'un 
efcalier:  elle  confifte  dans  l'art  du  trait  ; 
&  la  beauté  de  l'appareil  ne  fuffifant  pas 
pour  donner  aux  voûtes  une  forme  trop 
élégante,  la  magie  de  l'art  doit  êtremefurée 
à  l'ufage  des  pièces  011  on  le  met  en  œuvre. 
I!  faut  que  ceux  qui  les  fréquentent  trouvent 
une  forte  de  fureté  à  les  monter  &  â  les 
defcendre  ,  fans  pour  cela  qu'on  foit  dif. 
penfé  de  donner  de  la  grâce  aux  courbes  qui 
en  compofent  les  voûtes.  De  toutes  les 
pièces  d'un  appartement ,  celle  dont  il. eft 
queftion  exige  le  plus  la  réunion  de  la 
théorie  avec  la  pratique  ,  afin  de  joindre 
une  folidité  réelle  &  apparente  à  tout  ce  qui 
peut  contribuer  à  rendre  fon  ordonnance 
agréable.  Ici  l'art  &  le  métier  doivent  être 
un  ;  l'appareilleur ,  l'architecle  ,  le  décora- 
teur doivent  fe  montrer  par-tout  :  en  un 
mot  rien  de  fi  fatisfaifant  qu'un  bel  efcalier 
dans  un  édifice  d'importance  ;  rien  qui 
montre  tant  Pinfuffifance  d'un  architecte  , 
lorfque  quelques-unes  des  parties  que  nous 
recommandons  ici  manquent  eftentielle- 
ment  dans  leur  fituation  ,  leur  forme  ,  leur 
décoration  &  leur  conftruétion. 

R  gle  la  plus  convenable  pour  çonflater  ta 
hauteur  &  le  giron  des  marches.  Le  pas  ordi- 


ESC 

naire  d'une  perfonne  qui  marche  de  niveau 
eft  communément  de  deux  pies  ;  d'où  il 
paroîc  que  la  longueur  du  pas  horizontal  eft 
double  de  celui  fait  perpendiculairement  : 
or  ,  pour  la  joindre  enfemble  ,  il  faut  que 
chaque  hauteur  de  marche  prife  avec  Ton 
giron  compofe  un  pas  ordinaire  qui  égale 
h  longueur  de  deux  pies  ;  pour  cet  effet  , 
fi  on  ne  donne  qu'un  pouce  de  hauteur  à 
une  marche  ,  il  faut  lui  en  donner  vingt- 
deux  de  largeur;  il  la  marche  a  deux  pouces 
de  haut,  qui  valent  autant  que  quatre  pouces 
de  large ,  elle  ne  doit  avoir  que  vingt  pouces 
de  giron  ;  fî  elle  a  trois  pouces  de  hauteur , 
la  largeur  doit  être  de  dix-huit  ;  ainn  de 
fuite.  Cette  proportion  eft  confirmée  par 
l'expérience  ,  quoiqu'elle  ne  foit  pas  toujours 
obfervée  dans  la  plupart  de  nos  efcaliers  ; 
mais  du  moins  faut-il  éviter  l'inégalité  des 
girons  dans  les  rampes  comprifes  dans  une 
même  cage ,  de  même  que  les  refTauts  dans 
les  appuis  ou  baluftrades,  &  ne  jamais  donner 
plus  de  fix  pouces  à  la  hauteur  des  marches. 
V.  Mur  d'Echiffre,Giron,Marche. 
On  peut  aufîi  renvoyer  les  amateurs  de 
la  pièce  du  bâtiment  dont  on  vient  de  par- 
ler ,  au  célèbre  Palladio  ,  un  de  ces  hommes 
rares  qui  par  leur  génie  &  leurs  talens  tra- 
vaillèrent dans  le  xvj  fiecle  avec  le  Trifïin  , 
Scammozzi,  Bramante,Vignole,  &  quelques 
autres ,  à  taire  revivre  les  anciennes  beautés 
de  l'architecture ,    &  à  rétablir  les  règles 
du  bon  goût  fi  long-temps  écliplées  par  la 
barbarie.  Paliadio  eft  le  premier  qui  ait  décrit 
les  chofes  les  plus  curieufes  que  nous  ayions 
fur  les  ouvertures  ,  la  fituation  ,  la  gran- 
deur ,   les  formes  ,   &  la  conftruction  des 
efcaliers,  &  il  y  a  joint  des  deffins  à  ces  def- 
criptions;  ils  font  à  la  fuite  du  premier  livre 
de  fon  ouvrage  d'architecture  ,  qui  parut 
à  Rome  en  1570,  in-folio.  (P) 

ESCALIER  ,  (Antiquit.Jles  efcaliers  que 
l'on  a  découverts  dans  les  magnifiques  mai- 
fons  de  la  ville  d'Herculane  ,  n'ont  qu'une 
feule  rampe  droite  &  fort  étroite  ;  quelques- 
uns  font  en  marbre.  Prefque  tous  les  temples 
des  anciens  Grecs  ou  Romains  avoient  des 
perrons  extérieurs  qui  en vironnoient  l'édifice 
lorfqu'il  y  avoit  un  përiftiîe  :  mais  ils  em- 
pîoyoient  un  fimple  perron  pour  commu- 
niquer au*  portiques  fous  lefquels  on  tenoit 
les  aiTemblées  pabliques.  Les  efcaliers  àes 


ESC  983 

anciens  étoient  formés  par  la  réunion  des 
pierres  de  12,  15  ,  20  pies  de  long.  Dans 
l'amphithéâtre  d'Arles  en  France ,  on  trouve 
trois  efcaliers  taillés  dans  une  feule  pierre. 
Quelques  mauvais  architectes  tentent  d'in- 
troduire en  France  l'ufage  de  tailler  trois 
marches  dans  la  même  pierre. 

Pline  ,  liv.  XIV,  rapport*  que  de  fon 
temps  on  voyoit  dans  le  temple  de  Diane 
à  Ephefe  ,  un  efcalier  qui  étoit  fait  d'un  cep 
de  vigne  que  l'on  avoit  apporté  de  la  Calabre. 
Dans  Rome  on  trouve  un  efcalier  à  vis 
dans  les  colonnes  trajanes  &  antonines ,  qui 
font  des  tours  rondes  de  brique  ,  revêtues 
de  plaques  de  marbre.  Dans  la  même  ville 
il  y  a  un  efcalier  dans  les  colonnes  torfes  de 
bronze, qui  forment  le  baldaquin  de  S.Pierre. 
On  pratique  ordinairement  des  efcaliers  dans 
les  flatues  coloffales.  A  Conftantinople  fc 
en  Egypte ,  on  place  des  efcaliers  extérieurs 
en  fpirale  faillante  autour  des  minarets  ;  on 
lie  les  pierres  avec  du  plâtre  mêlé  de  chaux. 
La  crainte  de  l'humidité  &  de  la  pluie  a 
engagé  les  chartreux  de  Lyon  à  faire  autour 
de  leur  dôme  un  efcalier  extérieur  en  petites 
barres  de  fer.  Les  anciens  n'employoient 
point  le  fer  dans  les  bâti  mens  ,  parce  qu'en 
fe  rouillant  il  fait  éclater  les  pierres  :  ils  pré- 
féroient  l'ufage  du  cuivre.  (  V.  A.  L.  ) 

ESCALIER  ,  (Hydr.)  On  pratique  dans 
la  conftruclion  des  cafeades  des  efcaliers  de 
pierre  ,  dont  la  plupart  font  en  fer  à  cheval  , 
avec  un  baflin  qui  en  occupe  le  milieu  ;  quel- 
quefois ces  efcaliers  font  de  gazon.  Voye\ 
Escalier  de  Gazon.  (K) 

Escalier  de  Gazon  ,  (  Jard.  J  Rien 
n'eft  fi  commode  dans  les  jardins  en  terrafîe  , 
que  de  fréquens  efcaliers.  On  préfère  au- 
jourd'hui aux  efcaliers  de  pierre  ceux  de 
gazon  ,  qui  cependant  ne  conviennent  que 
dans  des  talus  ou  glacis ,  dans  des  bofquets, 
dans  des  vertugadins  &  amphithéâtres  de 
gazon. 

Autant  qu'il  eft  nécefTaire  de  laiftèr  une 
petite  pente  fur  les  girons  des  marches  de 
pierre ,  pour  faire  écouler  l'eau  qui  pour- 
riroit  les  joints  de  recouvrement ,  autant  il 
la  faut  conferver  pour  le  maintien  du  gazon, 
en  tenant  les  girons  des  marches  de  gazon 
très-droits. 

Ces  efcaliers  doivent  être  doux  &  peu 
riombreux   en  marches  de  fuite  ,  fans  y 


984  ESC 

trouver  des  paliers  ou  repos.  Il  les  faut  tondre 
au  cifeau  tous  les  mois  ,  les  battre  après  la 
pluie  ou  l'arrofement  :  ce  qui  entretiendra 
long-temps  leur  beauté.  (K) 

Escalier  ,  (Charp.)  Il  y  a  âesefcaliers 
de  différentes  fortes.  On  appelle  efcalier  à 
noyau  recreufé y  ou  colet  rampant 3  celui  qui 
laiffe  un  jour  au  milieu  de  deux  limons  ; 
efcalier  à  un  noyau  ,  celui  qui  eft  comme 
une  vis  ,  &  ne  laiffe  aucun  jour  au  milieu  ; 
efcalier  à  deux  noyaux,  celui  qui  a  un  limon 
entre  les  deux  noyaux  ,  mais  fans  aucun 
jour  ;  efcalier  à  quatre  noyaux  ,  celui  qui 
laiflè  un  jour  carré  au  milieu. 

ESCALIN,  f.m.  (Comm.)  petite  mon- 
noie  de  cours  dans  la  Flandre  Autrichienne  , 
évaluée  à  environ  12  fous  de  notre  argent. 

ESCAMOTES  ,  f.  f.  (Comm.)  toiles  de 
coton  qui  fe  tirent  du  Levant  par  la  voie  de 
Smyrne.  Elles  fe  fabriquent  à  Menemen  ; 
elles  portent  30  pies  de  Smyrne  ,  évalués 
a  dix  cannes  de  Marfeille. 

ESCAMOTER  ,  v.  ad.  en  terme  de 
brodeur  au  métier  >  c'eft  faire  difparokre  les 
bouts  d'or  ou  de  foie  ,  &c.  en  les  tirant  de 
deffus  l'ouvrage  en  defîbus.  On  fe  fertpour 
cela  d'une  aiguille  dans  laquelle  le  fil  eft 
entré  deux  fois  ,  &  tbrme  un  anneau  dans 
lequel  fe  prend  le  bo'ut ,  &  fe  paffe  deffous 
Ja  pièce. 

ESCANDILLONAGE  ,  f.  m.  (Jurifp.) 
eft  un  droit  dû  à  quelques  feigneurs  féodaux 
pour  la  vifite  .,  examen  &  étalonnage  des 
poids  &  mefures.  Ce  terme  vient  du  mot 
échantillon  y  qui  étoit  quelquefois  ufité  en 
cette  matière  pour  étalon  :  Y  échantillon  étoit 
la  règle  des  autres  poids  &  mefures  ;  d'échan- 
tillon on  a  fait  efchanteler }  ou  efchantiller. 
La  charte*  des  libertés  du  Mont  -  Royal  de 
Tan  1287,  porte  :  ùfi  dicatur  menfurafalfa, 
vel  ulna  ,  ad  menfuras  vel  ulnas  efchantil- 
landas  vocentur  duo  vel  très  burgenfes  me- 
itores  de  villa  y  &  illi  cujus  eft  menfura  vel 
ulna  .&  in  prœfentia  eorum  efchantilletur  y 
Ù  videatur  utrum  fit  falfa  vel  non. 

Le  terme  ftéchantiller  eft  encore  ufïté  à 
Lyon  pour  les  poids  ,  &  fîgnifie  confronter 
un  poids  avec  le  poids  original.  Le  règle- 
ment du  28  feptemhre  1689  ,  ordonne  que 
le  fermier  du  droit  de  marque  fur  l'or  & 
fur  l'argent  fera  tenu  de  fe  fervir  dans  l'argue 
4e  Lyon  de  poids  éçhantillés  fur  la  matrjçe 


ESC 

du  poids  de  marc  étant  au  greffe  de  la 
monnoie  de  Lyon  ;  il  eft  vifible  que  de  ce 
mot  échantiller  on  a  fait  efchantillonage  > 
pour  fignifier  l'action  d'efchantiller  &  le 
droit  qui  fe  perçoit  pour  cette  opération , 
&  que  dans  la  fuite  on  a  prononcé  &  écrie 
efcandillonage  pour  efchantillonage.  Voye\ 
S.  Julien  dans  fon  hifl.  de  Chdlons3p.  394; 
la  coutume  de  Lodunois  ,  tit.  de  moyenne 
juftice  ;  art.  z  ,•  Begat ,  fur  la  coût,  de  Bour- 
gogne y  art.  2  8j  ;  Boizard  ,  en  fon  traité 
des  monnoies.  Voye\auffi  ÉCHANTILLON, 
Etalon  ,  Mesures  ,  Poids.  (A) 

ESCAPADE,  f.f.fyV/a/z^J  C'eft  ainfi 
que  l'on  a  nommé  autrefois  &  que  l'on 
nomme  encore  aujourd'hui  l'action  licen- 
cieufe ,  fougueufe  &  déréglée  d'un  cheval , 
qui  fe  révolte  &  qui  refufe  d'obéir  &  de 
fe  foumettre.   Voye\  FANTAISIE.  Ce) 

ESCAPE  ,  terme  d'architeâure,  Voye^ 
Congé. 

ESCARBALLE  ,  (Comm.)  c'eft  ainfi 
qu'on  appelle  les  dents  d'éléphans  du  poids 
de  vingt  livres  &  au  deffous. 

ESCARBITE  ,  f.  f.  (Marine.)  c'eft  un 
morceau  de  bois  creufé  d'environ  huit  pouces 
de  long  ,  fur  quatre  de  large ,  dans  lequel 
on  met  de  l'étoupe  mouillée  ,  pour  tremper 
les  ferremens  dont  fe  fervent  les  calfats 
quand  ils  travaillent.  (Q) 

ESC  ARBOT ,  f.  m.  (Hift.  nat.  Infeclol) 
fcarabœus  }  Jhrcorarius  ,  pilularius  ,  feu 
cantharus  ,  infeâe  du  genre  des  fearabées  ; 
il  a  le  corps  large  ,  épais ,  de  couleur  noire, 
luifante  ,  &  mêlée  d'une  teinte  de  bleu.  Il 
porte  deux  antennes  dont  l'extrémité  eft 
divifée  en  plufteurs  filets  ;  Ces  pattes  font 
dentelées.  On  le  trouve  dans  le  fumier  & 
dans  l'ordure  la  plus  puante  ;  c'eft  pourquoi 
on  lui  a  donné  le  nom  de  ftercorarius  ;  & 
parce  qu'il  en  fait  des  pelotes  avec  fes  pattes , 
on  l'a  appelle  pilularius.  On  le  nomme  auftï 
par  la  même  raifon  fouille-merde.  Voye\ 
Scarabée,  Insecte. 

Nous  ajouterons  ici  un  extrait  des  favantes 
obfervationsquePieriusValerianarecueillies 
au  fujet  du  fearabée  ,  dans  le  vol,  in-folio  de 
fes  Hiéroglyphes.  Cet  auteur  dit  qu'Apion  , 
furnommé  Cimbalum  mundi  ,  avoit  fait  un 
gros  livre  pour  juftifier  les  Egyptiens  fes 
compatriotes  ,  fur  ce  qu'ils  adoroient  Yef- 
carbot  comme  vraie  image  de  la  divinité. 


ESC 

ia.  Les  Egyptiens  difoient  que  Vefcarbot 
reprefente  le  monde  ,  parce  qu'il  roule  fes 
excréïnens  ,  il  les  arrondit  en  globe  ,  il  y 
dépofe  (es  petit*  ,  firc.  2°.  Ii  eit  l'emblème 
de  -la  génération  ,  parce  qu'il  enterre  les  I 
boules  dans  lefquelles  il  a  inféré  fes  œufs  ;  j 
elles  reftent  fous  terre  vingt -huit  jours, 
pendant  lefquels  la  lune  parcourt  les  douze  ; 
lignes  du  zodiaque  :  le  vingt-neuvième  jour  j 
le  père  des  cfcarbots  déterre  la  pilule  ,  va 
laver  &  nettoyer  fes  petits  ,  enfuite  il  les 
porte  fur  fon  dos ,  Ùc.  Tous  ces  détails  font 
les  fymboles  de  l'origine  &  de  la  naiiïànce 
du  roi  de  la  terre ,  je  veux  dire ,  de  l'homme. 
3°.  Le  fcarabée  chez  les  Egyptiens  étoit 
fembléme  du  fils  unique  ,  parce  qu'ils 
croyoient  que  chaque  efcarbot  étoit  mâle  & 
femelle.  4.0.  Il  étoit  l'emblème  de  la  divinité 
qui  a  pris  un  corps  humain.  Pierius  rap- 
porte à  ce  fujet  une  idée  de  S.  Auguftin , 
qui  s'accordoit  aflez  avec  les  hiéroglyphes 
des  Egyptiens.  Ce  favant ,  dans  fes  Solilo- 
ques y  dit:  bonus  Me  fcarabxus meus  non  eâ 
tamîim  de  caufâ  quodunigenitus  y  quod  ipfe- 
met  fui  auâor  mortalium  fpeciem  induerit, 
fed quod  in  hacfxce  noflrafefe  polutaperitfè 
ex  hac  ipfa  nafci  homo  poluerit.  Le  prophète 
David  difoit  :  ego  fum  permis  fcarabxus  _, 
non  homo.  f°.  \J  efcarbot  étoit  l'emblème  du 
père ,  parce  que  les  Egyptiens  croyoient  que 
tous  ces  infe&es  étoient  mâles.  6°.  Il  n'eft 
pas  étonnant  que  les  Egyptiens  ,  qui  vou- 
îoicnt  défigner  la  valeur  ,  le  courage,  l'âge 
viril  &  la  force  de  l'homme ,  peignifTent  un 
efcaibot  y  pour  rappeller  perpétuellement  à 
leurs  foîdats  l'idée  des  vertus  guerrières  :  ils 
forçoient  tous  les  militaires  â  porter  un  an- 
neau ,  fur  lequel  on  gravoit  un  efcarbot  y 
c'eft-à-dire ,  un  animal  perpétuellement  cui- 
rafle  ,  qui  travaille  &  qui  fait  fa  rende  pen- 
dant la  nuit.  Les  Romains  firent  aufïi  graver 
des  ejcarbotsfm  les  enfeignesque  porcoient 
certaines  légions.  70.  Ces  infedes  étoient 
aufli  regardés  comme  l'image  du  foleil ,  fur- 
tout  l'efpece  que  l'on  appelloit  x luron,  parce 
qu'elle  a  trente  pattes ,  &  la  tête  reflemble 
à  celle  du  chat  :  cette  efpece  eft  fort  vigou- 
reufe  &  fort  active,  fur-tout  pendant  h 
nuit.  8°.  L'efpece  des  fearabées  que  nous 
appelions  cerfs-volans  y  étoit  chez  les  Egyp- 
tiens l'emblème  de  la  lune  ,  parce  qu'elle 
porte  deux  cornes  qui  refiemblent  au  croif- 
Tome  XII. 


ESC  985 

fant  de  la  lune.  Pline  dit  que  les  plongeurs 
gravoient  fur  leurs  amulettes  la  figure  de 
cette  efpece  de  fcarabée  ,  pour  fe  preferver 
de  la  crampe.  Q8.  Vefcarbot  nommé  mono- 
ceros  y  c'eft-à-dire  ,  qui  n'a  qu'une  corne  f 
étoit  l'emblème  de  Mercure.  Pierius  Va- 
lerian  ajoute  dans  cet  article  ,  qu'autrefois 
dans  la  Capadoce,  pour  faire  périr  les  che- 
nilles ,  les  hannetons  &  les  cantharides,  qui 
dévoroient  les  moiflbns ,  los  habitans  enga- 
geoient  les  femmes  qui  étoient  dans  leurs 
jours  critiques,  à  vaguer  dans  les  champs 
les  pies  nuds  ,  les  cheveux  épars  ,  fans 
ceinture ,  en  courant  du  côté  de  l'occident^ 
répétant  à  haute  voix  un  vers  grec ,  dont  le 
fens  eft,  fuye\  y  cantharides,  un  loup  fau- 
page  pous  pourfuit.  10*.  Les  Egyptiens,  pour 
déligner  un  homme  mort  de  la  fièvre ,  repré- 
fentoient  un  fcarabée  qui  avoit  les  yeux 
tranfpercés  par  une  aiguille.  1 1°.  Enfin  ,  les 
Egyptiens  qui  vouloient  dépeindre  un 
homme  amolli  par  la  volupté,  le  défignoienc 
par  un  fcarabée  environné  de  rofes  ;  ils 
croyoient  que  l'odeur  des  rofes  énervoit , 
endormoit  &  faifoit  mourir  le  fcarabée. 
Dans  l'ouvrage  in-folio  qui  a  pour  titre  , 
Amphitheatrum  fapientix  joco  ferix  Dor- 
napi  9  Hanopix  1619 ,  on  trouve  deux  élo-. 
ges  de  X efcarbot;  le  premier  eft  fait  par 
Gafpar  Dornavius  ;  le  deuxième  eft  compofé 
par  Ulyfle  Aldrovandus.  Ces  auteurs  obfer-r 
vent ,  i°.  que  mal  à-propos  on  méprife  le 
fouille-merde  :  2°.  que  les  fages  alchymiftes 
les  imitent  &  tâchent  de  tirer  de  l'or ,  la  pa- 
nacée &  mille  excellens  remèdes  des  excré- 
mens:  30.  que  les  fages  agricu'teurs  ont  ap- 
pris du  fcarabée  à  chercher  les  richefles ,  le 
principe  de  la  vie  ,  le  ciment ,  le  fel  am-r 
moniac  ,  &  l'aliment  de  leur  feu  ,  dans  le 
fumier  :  40.  que  les  gourmands  qui  font  des 
rôties  des  entrailles  de  la  bécafTe,  n'ont  point 
droit  de  blâmer  Vefcarbot;  50.  que  les  fages 
doivent  toujours  coafidérer  cet  infecte 
comme  un  modèle  de  tempérance  ,  d'inno- 
cence ,  de  prudence  ,  de  fagefte  ,  d'activité, 
de  continence  &  d'équité  ;  en  un  mot ,  ils 
ne  doivent  point  être  étonnés  de  ce  que 
Vefcarbot  étoit  fous  la  tutele  &  fous  la  pro- 
tection de  Jupiter  Catebate  ou  leppufeur. 
V  écriture  nomme  les  hérétiques  fcarabxus 
damans  de  ligno. 

Nous  nous  fommes  beaucoup  étendus  fur 
Iiiiii 


986  ESC 

cette  matière  ,  pour  donner  une  idée  des 
fondemens  finguliers  de  la  philofophie  mo- 
rale des  anciens.  Il  nous  refèe  à  ajouter  que 
les  infeâologiftes  adoptent  le  fyftéme  de 
M.  Linné  au  fujet  des  fcarabées.  Us  font  un 
ordre  particulier  des  infe&es  qui  ont  un 
fourreau  qui  couvre  leurs  ailes ,  &  qui  ont 
la  mâchoire  tranfverfale.  Dans  le  premier 
rang  ,  ils  mettent  le  cerf-volant ,  le  rhino- 
céros ,  le  hanneton  ,  le  fcarabée  verd  de 
rofes  ,  le  fouille-merde ,  le  kakerlaque ,  &c. 
Dans  la  féconde  clatte ,  ils  renferment  les  in- 
feâes  nommés  dermejies  ou  les  dijjequeurs: 
dans  la  troifieme  claiTe ,  les  caflides  ou  tor- 
tues :  dans  la  quatrième  ,  les  coccinelles  : 
dans  la  cinquième  ,  les  chryfomelles  :  dans 
la  lixieme  ,  les  curculis ,  c'eft-à-dire ,  les 
chareneons  :  dans  la  feptieme  ,  les  cerambix, 
c'eft  à-dire,les  capricornes:  dansla huitième, 
les  leptures  :  dans  la  neuvième  ,  les  carabes: 
dans  la  dixième  ,  les  mordeles  ou  fcarabées 
fauteurs  :  dans  l'onzième  ,  les  cincideles  : 
dans  la  douzième  ,  les  bupreftes  :  dans  la 
treizième,  les  dytifques:  dans  la  quatorzième, 
les  élaters  ou  reflbrs  :  dans  la  quinzième  , 
les  cantharides  :  dans  la  feizieme  ,  les 
méloes  :  dans  la  dix-feptieme ,  les  neltidales  : 
dans  la  dix -huitième  ,  les  perce -oreilles  : 
dans  la  dix-neuvieme  ,  les  couftilles  :  dans 
la  vingtième  ,  les  blattes  :  dans  la  vingt 
&  unième  ,  les  grillons.  (  V.  A.  L.J 

EscARBOT  ,  (Mat.méd.  ^Pharmacie.) 
Vefcarbot  _,  en  latin  fcarabaus  y  eft  plus 
connu  chez  les  apothicaires  fous  le  nom  de 
fcarabée  ,  que  fous  celui  tfefcarbot.  Voye\ 

Scarabée. 

*Escarbot  ,  Ç Myth.)  cet  infe&e  fut 
adoré  des  Egyptiens.  Porphyre  dit  dans 
Eufebe  ,  qu'ils  font  tous  mâles.  Uefcarbot 
eft  dans  la  table  ifiaque  ,  &  dans  une  infi- 
nité d'autres  anciens  monumens  égyptiens. 
Les  Bafilidiens  ne  l'avoient  pas  oublié  dans 
leurs  pierres  magiques.  V.  Basilidiens. 

ESCARBOUCLE,  f.  m.  ( '  Hifl.  nat. 
Litholog.)  carbunculus  >  anthrax,  pierre 
précieufe  à  laquelle  les  anciens  ont  donné 
ces  noms  ,  parce  qu'elle  reflembloit  à  un 
charbon  ardent  lorfqu'on  l'expofoit  au  foleil. 
Dans  ce  fens,  toutes  les  pierres  tranfparentes 
de  couleur  rouge  ,  fur-tout  le  grenat ,  font 
des  efcarboucles.  Ons'eft  imaginé  que  le  vrai 
tfcarbouck  des  anciens  brilloit  même  dans 


ESC 

les  ténèbres  autant  qu'un  charbon  ardent  ; 
&  comme  on  n'a  point  vu  de  pierre  qui 
eût  cette  merveilleufe  propriété  ,  on  a  cru 
que  Vefcarboucle  des  anciens  étoit  perdu  ; 
car  on  ne  peut  pas  dire  que  les  pierres  qui 
reftent  lumineufes  pendant  quelque  temps 
dans  les  lieux  les  plus  obfcurs  ,  y  brillent 
comme  des  charbons  ardens.  Il  y  a  tout  lieu 
de  croire  que  Vefcarboucle  des  anciens  n'étoit 
qu'un  pierre  tranfparente ,  de  couleur  rouge 
comme  le  grenat ,  qui  réfifte  plus  qu'un 
autre  à  lacîion  du  feu  ;  c'eft  encore  un 
caractère  que  Théophrafte  attribue  à 
Vefcarboucle:  (I) 

ESCARE,f.  f.  (Chirurg.J  en  grec  \<r%«.y*. 
On  devroit  donc  écrire  efchare  ,  pour  con- 
ferver  l'étymologie  ;  mais  l'ufage  en  a  autre- 
ment décidé. 

Uefcare  eft  une  efpece  de  croûte  faite  fur 
la  peau  par  des  cautères  actuels  &  potentiels, 
ou  par  toute  autre  caufe  externe,  comme  par 
le  frottement  violent  ,  la  comprefîion  ,  la 
ligature  ,  la  contufion  ,  lagelée  ,  la  brûlure  , 
&c.  C'eft  pourquoi  le  nom  dyefcare  fe  donne 
aux  chairs  brûlées ,  meurtries  ,  contufes  , 
&  deftéchées  ,  que  la  fuppurarion  détache 
d'une  partie  vivante.  Voici  comme  Vefcare 
fe  forme. 

Les  cautères  actuels  qu'on  met  en  ufage 
pour  la  produire  ,  font  une  croûte  fur  la 
partie  à  laquelle  ils  font  appliqués  ,  en 
échauffant  les  humeurs ,  qui  venant  à  fe 
raréfier  par  l'exceflive  chaleur  qui  leur  eft 
communiquée  ,  rompent  les  vanTeaux  qui 
les  contiennent ,  en  forte  que  leurs  molé- 
cules les  plus  fubtiles  s'exhalant  en  l'air  ,  la 
partie  demeure  en  croûte ,  feche  ,  &  privée 
de  nourriture. 

Les  cautères  potentiels  agiftent  fur  la  peau 
par  la  qualité  de  leurs  fels  qui  déchirent  la 
tifîure  des  folides  :  les  chairs  étant  forcées 
de  fe  défunir  par  cette  action  des  fels ,  for- 
ment une  fubftance  morte ,  qui  ne  recevant 
plus  de  nourriture,  fe  deftèche  &  s'en- 
croûte. 

Dans  la  brûlure ,  la  partie  extérieure  des 
chairs  ne  peut  effuyer  l'action  du  feu  ,  fans 
que  le  tiiïu  des  folides  ne  foit  totalement 
altéré.  Alors  les  fibres  étant  détruites  &  con- 
fondues ,  ne  font  qu'un  débris  informe  qui 
{  n'a  plus  de  part  à  la  vie  du  refte  du  corps 
animal  ;  &  cette  chair  morte  ne  tenant  plus 


ESC 

à  rien  ,  tombe  bientôt  d'elle-même  ,  tandis 
que  les  fluides  font  répandus  fous  les  folides 
féchés  &  brûlés  ;  ce  qui  conftitue  Yefcare. 
La  même  chofe  arrive  intérieurement  par 
la  caufticité  d'un  venin  acre  &  peftilentiel. 
Ainfi  Yefcare  peut  être  produite  intérieure- 
ment par  quelque  humeur  corrofive  ,  ca- 
pable de  détruire  le  tifïu  des  chairs  en  les 
abreuvant. 

Uefcare  qui  naît  d'une  caufe  externe  ,  fe 
rétablit  en  ôtant  cette  caufe  ;  Yefcare  qui 
vient  d'une  caufe  interne  &  maligne  ,  fait 
àss  progrès  d'une  façon  cachée  ,  &  très- 
difficile  à  détruire  ;  on  peut  le  tenter  par 
les  corroborans  antiputrides.  JJefcare  qui 
procède  d'un  frottement  violent ,  &  dont 
la  caufe  perfifte  ,  demande  à  être  traitée 
comme  l'inflammation.  Voy.  INFLAMMA- 
TION ,  Gangrené,  Mortification. 
Art.  de  M.  le  Chevalier  DE  J AU  COURT. 

ESCARLINGUE,  (Manne.)  voyejr 
Carlingue. 

ESCARMOUCHE ,  f.  f.  en  terme  de 
guerre  >  eft  une  efpece  de  combat  fans  ordre 
ou  de  rencontre,  qui  fe  fait  en  préfence 
des  deux  armées  ,  entre  de  petits  corps  de 
troupes  qui  fe  détachent  exprès  du  corps  , 
&  qui  engagent  un  combat  général  &  ré- 
gulier. 

Ce  mot  femble  être  formé  du  mot  françois 
efcarmouche  ,  qui  a  la  même  lignification  , 
&  que  Nicod  dérive  du  grec  x*?f*ri>  qui 
fignifie  en  même  temps  combat  £>'  réjouif- 
fance.  Ménage  le  fait  venir  de  l'allemand 
fchirmen  ou  fckermen7k  défendre:  Ducange 
dit  qu'il  vient  âefcarmuccia  ,  petite  action, 
defcara  &  muccia,  qui  fignifie  un  corps  de 
troupes  en  embufcade  ;  parce  que  la  plupart 
des  efcarmouches  fe  font  par  des  troupes  en 
embufcade.  Chambers,  Trev.&Dic7.  étymol. 

Les  efcarmouches  s'engagent  quelquefois 
malgré  le  général  ;  fouvent  aufîi  elles  lui 
font  utiles  pour  amufer  l'ennemi  ,  &  lui 
cacher  quelques  difpofitions  particulières  de 
l'armée.  "  Une  maxime  générale  pour  les 
»  efcarmouches  ,  dit  M.  le  marquis  de  Feu- 
»  quieres,  c'eft  de  les  faire  engager  par  peu 
»  de  troupes  ,  &  de  les  foutenir  avec  beau- 
»  coup ,  étant  d'une  grande  conféquence 
«  de  ne  point  accoutumer  l'ennemi  à  ra- 
»  mener  impunément  ceux  par  qui  on  a  fait 
»  commencer  Y  efcarmouche  ,  qu'il  faut  tou- 


E  S  C  987 

»  jours  faire  foutenir  par  un  corps  plus  Cf»n- 
n  fidérable  que  celui  de  l'ennemi.  »  C'eft 
le  terrein  qui  décide  de  la  nature  des  troupes 
que  l'on  fait  efcarmoucher  :  ainfi  fi  le  terrein 
eft  ouvert  &  libre ,  on  fe  fert  de  cavalerie  ; 
d'infanterie ,  s'il  eft  fourré  ;  &  s'il  eft  de 
l'une  &  l'autre  efpeces,  on  y  emploie  de  la 
cavalerie  &  de  l'infanterie.  On  eft  fouvent 
obligé  dans  les  retraites  d' efcarmoucher  pour 
arrêter  la  marche  de  l'ennemi ,  &  s'oppofer 
aux  différens  corps  de  troupes  légères  qui 
veulent  harceler  l'armée  qui  fe  retire.  Voye^ 
dans  les  études  militaires  de  M.  Bottée  , 
p.  438  y  la  manière  &  efcarmoucher ,  &  les 
différens  mouvemens  auxquels  on  doit  exer» 
cer  le  foldat  pour  lui  faire  exécuter  facile- 
ment l'ordre  qu'il  doit  obferver  en  efcar- 
mouchant.  (Q) 

ESCAROTIQUE  ,  f.  m.  ( Chimrg.  ) 
tout  médicament  qui  appliqué  extérieure- 
ment fur  les  chairs ,  y  produit  des  croûtes 
ou  des  efcares  ,  en  brûlant ,  en  rongeant, 
ou  en  confumant  ces  chairs.  Un  efcarotique 
s'appelle  autrement  caujhque  ou  cautère. 
V.  ces  deux  mots.  Article  de  M.  le  Cheva- 
lier de  Jaucourt. 

ESCARPE  ,  f.  f.  c'eft  dans  la  Fortifi- 
cation le  côté  du  revêtement  du  rempart  , 
qui  fait  face  à  la  campagne.  Voye^  REVÊ- 
TEMENT. Uefcarpe  commence  au  cordon , 
&  elle  fe  termine  au  fond  du  foiTé.  La  ligne 
qui  termine  le  fofTé  du  côté  de  la  campagne, 
fe  nomme  contrefcarpe  y  parce  qu'elle  eft 
oppofée  à  Yefcarpe.  V.  CONTRESCARPE. 

CQJ 

ESCARPIN,  f.  m.  ÇCordonn.)  la  plus 

légère  des  chaufïures  d'hommes  ;   c'eft  un 

foulier  à  fi-nple  femelle.   Voye\  SOULIER. 

ESCARPOLETTE  ,  f.  f.  (  Gymn.  ) 
exercice  de  campagne  qui  confifte  à  s'aflèoir 
&  à  fe  balancer  fur  une  planchette ,  attachée 
par  fes  extrémités  à  deux  cordes  quife  ten- 
dent à  deux  arbres  éloignés  d'une  diftance 
convenable  ,  &  qui  la  tiennent  fufpendue  en 
l'air  à  la  hauteur  qu'on  fouhaite.  Une  ou 
deux  perfonnes  entretiennent  la  planchette 
en  volée  ,  en  poufTant  les  cordes ,  lorfque  la 
planchette  eft  defcendue  â  fon  point  le  plus 
bas ,  du  côté  où  elle  va  remonter. 

ESCARTABLE  ,  adj.  (Fauconnerie.) 
fe  dit  des  oifeaux  fojets  à  s'écarter,  tels  que 
font  les  plus  vêtus  &1js  plus  coutumiers  de 
Iiiiii  2 


9*8  ESC 

monter  en  eftbr ,  quand  le  chaud  les  prefie. 
ESCART-DOUCE  ,  f.  £  (Corn.)  coton 
qui  vient  d'Amérique  par  la  voie  de  Mar- 
feille. 

ESCARTS  ou  ESCAS ,  f.  m.  (Jarifpr.) 
eft  un  droit  dû  au  feigneur  dans  quelques 
coutumes  fur  tous  les  biens-meubles  &  ca- 
teux  qui  viennent  &  échéent ,  foit  par  do- 
nation ,  fuccellion  ,  ou  autrement ,  d'un 
bourgeois  ou  bourgeoife ,  en  la  main  d'une 
perfonne  foraine  ,  c'eft-à-dire  qui  n'efr  pas 
bourgeois  ou  bourgeoife  du  lieu.  Ce  droit 
eft  au  Aï  dû  par  la  femme  ou  fille  bourgeoife 
qui  fe  marie  à  un  forain.  Ce  droit  parok  être 
un  reftedelafervitudeperfonnelle  où  étoient 
autrefois  tous  les  fujets  de  ces  feigneurs ,  & 
fïnguliérement  du  droit  que  ces  feigneurs 
avoient  de  fuccéder  à  leurs  fujets  main- 
mortables  qui  ne  furent  affranchis  qu'à  de 
certaines  conditions  ,  telles  que  ce  droit 
ftefcarts  ou  efcas  dans  les  coutumes  de  la 
ville  &  échevinage  de  Douai ,  ch.  xv.  Ce 
droit  eft  de  10  liv.  pour  ioo  liv.  Il  eft  auftî 
parlé*  de  ce  droit  d'efcas  &  des  meubles  ef- 
cajjables  ,  c'eft-à-  dire  ,  fujets  à  ce  droit  dans 
la  coutume  locale  de  Seclin  &  de  la  Baflee 
fous  /Lille  ,  où  ce  droit  eft  du  dixième  ,  & 
a  lieu  fur  les  meubles  cateux  &  héritages 
réputés  pour  meubles.  Voye\  le  glojjaire  de 
M.  de  Lauriere ,  au  mot  Efcarts.  (A) 

Esc  ARTS  ,  f.  mJ^Com.)  c'eft  ainfî  qu'on 
appelle  certains  cuirs  qui  viennent  d'Alexan- 
drie :  on  donne  le  même  nom  en  Barbarie 
a  la  plus  mauvaife  forte  de  ceux  que  les 
Francs  négocient  avec  les  Maures.  Les  bons 
s'appellent  forouoc. 

ESCAS  ,(Jurifprud.)  eft  la  même  chofe 
qu' efcarts.  Voy.  ci- devant  Es  C  A  RTS.  (A) 
ESCASS  ABLE  ,  (Jurifprud.)  meubles 
efcajjables,  c'eft-à-dire ,  fujets  au  droit  d'ef- 
carts  ou  efcas.  V.ci-depant  Escarts.  (A) 
ESCAVESSADE,  f.  f.  (Manège.)  ex- 
preflionquifignifie  proprement  unelecouftè 
des  longes  d'un  cavefto.n  quelconque  qu'un 
cavalier  tient  dans  fes  mains  lorsqu'il  eft  à 
cheval ,  &  par  le  moyen  defquelles  il  prétend 
relever  l'animal ,  le  placer  ,  le  retenir  ,  ùc. 
ou  une  fecoufle  de  la  longe  feuie  placée  à 
l'anneau  du  milieu  de  ce  même  caveftbn  , 
&  donnée  par  exemple  ,  par  le  piqueur  ou 
le  palefrenier  à  pié  ,  dans  le  temps  qu'un 
cheval  trottant  à  la  longe  fur  les  cercles  , 


ESC 

hâte  trop  fon  aétlon  &  veut  paflèr  â  celle 
du  galop.   Voye\  Longe. 

U efcavejjade  eft  un  châtiment ,  puifqu'il 
en  réfulte  un  coup  plus  ou  moins  fort  du 
caveftbn  fur  le  nez  du  cheval. 

Nous  avons  banni  cet  appareil  d'inftru- 
mens  plus  ou  moins  cruels  ,  ces  caveflbns 
de  chaînes  ,  ces  caveftbns  retors  ,  ces  fe- 
quettes  ,  d'une ,  de  deux ,  ou  de  trois  pièces, 
&  nous  ne  faifons  ufage  dans  de  certains 
cas  que  du  fîmple  caveftbn  brifé  ,  lequel 
eft  compofé  de  trois  pièces  unies  &  de  fer  , 
repliées  de  manière  qu'afttmblées  par  char- 
nières ,  elles  embraflent  précifément  le  nez 
de  Panimal.  Ces  trois  pièces  font  fixées  fur 
cette  partie  par  le  moyen  de  deux  montans 
de  cuir  auxquels  elles  font  fufpendues  ,  par 
une  fougorge  ,  un  frontail ,  &  un  petit  bouc 
de  cuir  ,  qui  avec  elles  achèvent  de  former 
poftérieurement  la  muferolle.  De  chacune 
de  ces  pièces  ,  part  un  anneau  de  fer  ;  j'ai 
déjà  parlé  de  l'utilité  de  celui  du  milieu  : 
à  l'égard  àes  deux  autres  ,  ou  de  chacun 
de  ceux  qui  font  dans  les  côtés ,  on  y  pafte 
des  rênes ,  lorfqu'on  ne  veut  pas  confier  la 
bouche  de  fon  cheval  au  palefrenier  que  l'on 
charge  de  le  promener  ,  ou  deux  longes  de 
cordes  tenues  par  deux  hommes  difterens 
pour  fe  rendre  maîtres  de  l'animal  ,  fars 
s'expofer  à  lui  ofFenfer  les  barres  ;  &  fou  vent 
encore  on  a  la  précaution  de  garnir  ce  ca- 
veftbn ,  &  de  le  rembourrer  dans  la  crainte 
de  faire  une  impreflion  trop  vive  ,  &  de 
blefter  ou  d'entamer  la  partie  fur  laquelle 
il  repofe. 

Le  cavefîbn  dont  nous  nous  fervons  pour 
arrêter  &  pour  maintenir  un  cheval  dans 
les  piliers  ,  eft  très-fort  ,  &  uniquement  fait 
avec  du  cuir.  Quelques-uns  l'appellent  ca- 
vejjine.  Il  eft  pareillement  compofé  d'un 
deftiis  de  têre  ,  d'une  fougorge  ,  dr un  fron- 
tail ,  de  deux  montans  &  d'une  muferolle  , 
aux  deux  côtés  de  laquelle  font  fermement 
arrêtés  deux  anneaux  de  fer  deftinés  à  re- 
cevoir les  longes  qui  s'y  bouclent ,  par  celle 
de  leurs  extrémités  qui  fe  trouve  garnie 
d'un  cuir  ,  tandis  que  l'autre  eft  engagée 
dans  le  trou  pratiqué  dans  les  piliers.  Voye^ 
Piliers. 

Tous  les  écuyers  étrangers  vantent  una*- 
nimement  les  eftèts  admirables  du  cavef- 
fon  ;  félon  eux  ,  il  n'eft  que  ce  moyen  de 


ESC 

retenir  ,  de  relever  ,  d'alléger  ,  d'aflbuph'r 
le  cheval ,  d'affurer  fa  tête  &  de  le  drefler 
en  un  mot ,  parfaitement  &  à  toutes  fortes 
d'airs  fans  offenfer  fa  bouche  ;  en  confé- 
quence  ,  ils  ne  ceffent  de  nous  reprocher 
l'ebftination  avec  laquelle  ils  croient  que  nous 
affectons  de  ne  p3s  vouloir  les  imiter  en  ce 
point.  Nous  n'avons  d'autre  reponfe  à  leur 
faire ,  fi  ce  n'eft  que  ,  fi  par  le  fecours  de 
la  bride  feule  nous  parvenons  à  conduire 
l'animal  à  un  degré  de  perfection  qui  ne  le 
cède  point  à  celui  où  ils  le  mètrent  eux- 
mêmes  ,  notre  méthode  doit  inconteftable- 
ment  obtenir  la  préférence.  Ainfi  il  feroit 
fuperflu  de  nous  perdre  les  uns  &  les  autres 
dans  de  vains  raifonnemens  ;  &  une  quef- 
tion  que  l'on  peut  décider  par  les  faits  ceflè 
bientôt  d'en  être  une. 

Je  fais  qu'on  pourroit  nous  oppofer  ttau- 
torité  du  fameux  duc  de  Newkaftle  ;  mais 
quelque  refpectable  qu'elle  foit  ,  elle  ne 
fauroit  l'emporter  fur  l'évidence  d'une 
preuve  aufli  convaincante  ;  d'ailleurs  ,  il 
n'eft  pas  douteux  qu'il  eft  très-difficile  que 
des  mains  habituées  dans  des  manèges  à 
n'agir  qu'avec  une  force  confidérable  ,  & 
à  opérer  fur  des  chevaux  de  manière  à  les 
précipiter  dans  une  contrainte ,  telle  que 
celle  dont  les  eftampes  qui  ornent  l'ouvrage 
de  cet  auteur  célèbre  nous  préfentent  une 
image  fidelle ,  puifïènt  revenir  à  ce  fenti- 
ment  fin  ,  fubtil  &  délicat ,  qui  diftinguera 
toujours  le  véritable  homme  de  cheval  de 
cette  multitude  innombrable  de  prétendus 
praticiens  qui  n'en  ont  que  la  forme  & 
l'apparence  (e) 

ESCAUT  ,  (Géogr.  moderne. J  rivière 
des  Pays-bas.  Elle  prend  fa»fource  à  Beau- 
revoir  ,  village  du  Vermandois ,  paffe  dans 
la  Flandre  :  elle  fe  divife  en  deux  branches , 
dont  1  une  va  dans  le  voifinage  de  Berg-op- 
zoom  ,  &  fe  nomme  YEfcaut  oriental  y  & 
l'autre  à  Flefïingue  ,  &  fe  nomme  YEfcaut 
occidental  ;  ces  deux  branches  fe  jettent 
dans  la  mer  d'Allemagne. 

ESCUARS  ,  CMarine.J  Voy.  Echars. 

ESCHE  -iTEUR ,  f.  m.  (HiJL  moderne.) 
ito\t  autrefois  en  Angleterre  le  nom  d'un 
officier  qui  avoit  foin  des  efchéats  ou  efeas 
an  roi  dans  une  certaine  étendue  de  pays  , 
fc  d'en  certifier  l'échiquier  ou  la  chancel- 
lerie.   Voye\  ESCAS^ 


ESC  989 

Il  étoit  nommé  par  le  lord  tréforier  ; 
cette  charge  ne  duroit  qu'une  année  ;  & 
perfonne  ne  pouvoit  la  pofleder  plus  d'une 
fois  en  trois  ans.  Mais  comme  elle  dépen- 
doit  principalement  de  la  cour  des  forêts , 
elle  n'exifte  plus  aujourd'hui. 

On  trouve  dans  la  collection  de  Rymer 
plufieurs  actes  d'Henri  VIII  &  d'Elifabeth, 
qui  commencent  par  ces  mots  :  Rex  efcae- 
torifuo  in  comitatu  Wigormœ  ;  Regina  ef- 
caetorifuo  ,  &c.  Chambers.  (G) 

ESCHILLON  ,  f.  m.  (Manne.)  eft  un 
terme  dont  fe  fervent  les  matelots  de  la 
mer  méditerranée  ,  qui  fignifie  une  nuée 
noire  y  dont  fort  une  longue  queue  qui  eft 
une  forte  de  météore  que  les  matelots  crai- 
gnent autant  que  la  plus  forte  .tempête  : 
cette  queue  va  toujours  en  diminuant  ;  & 
s'alongeant  dans  la  mer  ,  elle  en  tire  l'eau 
comme  une  pompe  ;  en  forte  que  l'on  voit 
cette  eau  qui  bouillonne  tout  autour  ,  tant 
l'attraction  paroît  violente.  La  fuperftition 
de  ceux  qui  craignent  cette  nuée  ,  fait  qu'ils 
piquent  dans  le  mât  un  couteau  à  manche 
noir ,  perfuadés  qu'en  faifant  cela  ils  dé- 
tourneront l'orage.  Voyez  PucHOT. 
(Z) 

ESCHILSTUNA ,  (Géographie.)  ville 
de  Suéde  ,  dans  la  Sudermanie  &  dans- 
la  préfecture  de  Nykioping  ,  au  bord  du. 
lac  de  Hielmar  ,  qui  commence  delà  à 
fe  jeter  vers  le  Maler.  Son  nom  lui  vient 
d'Efchil  ,  faint  homme  ,  qui  ,  l'an  1082  ,. 
paflà  d'Angleterre  en  Sudermanie  ,  pour 
y  porter  la  lumière  de  l'évangile  ,  &  qui 
réuflïflànt  avec  éclat  dans  cette  entreprife  , 
devint  le  premier  évêque  de  la  contrée. 
Dans  le  fîecle  pafïe  ,  cette  ville  fut  réunie 
avec  celle  de  Karl-Guftavsftadt ,  qui  en 
eft  tout  proche  ,  &  qui  après  cette  con- 
jonction occupe  avec  elle  la  quarante  & 
unième  place  à  la  diète  dans  l'ordre  des. 
villes.  ( I).  G.) 

m  *  ESCHINADES  ,  ou  ECHINADES,, 
f.  f.  pi.  ^Mythologie.)  Cinq  naïades  Etolien- 
nes  fù^F  un  facrifice  de  dix  taureaux  , 
auqudMlîes  invitèrent  tous  les  dieux  cham- 
pêtres^ excepté  Achéloiïs.  Ce  fleuve  cour- 
roucé gonfle  fes  eaux  ,  &  entraîne  dans  la 
mer  ,  &  les  nymphes  ,  &  le  lieu  de  leur 
facrifice.  Neptune  touché  de  leur  fort  les 
métamorphofa  en  iiles ,  &  ce  font  elles 


990  ESC 

qu'on  connoît  aujourd'hui  fous  le  nom  de 
Curfolaires. 

ESCHRAKITES  ,  ou  ERASKITES , 
f.  m.  (  Hiftoire  moderne.  )  fe&e  dephilofo- 
phes  mahométans  ,  qui  adhèrent  à  la  doc- 
trine &  aux  opinions  de  Platon. 

Ce  mot  eft  dérivé  de  l'Arabe  fchraka  , 
qui  lignifie  briller  y  éclairer  comme  le  fo- 
leil ,  de  forte  que  efchrakite  femble  figni- 
fier  illuminé. 

Les  efchrakites  ou  platoniciens  maho- 
métans font  confifter  le  bonheur  fuprême 
&  le  fouverain  bien  dans  la  contemplation 
de  la  majefté  divine  ,  &  méprifent  l'idée 
grofïiere  &  matérielle  que  l'alcoran  donne 
du  paradis.   Voye^  MaHOMÉTISME. 

Ils  évitent  avec  beaucoup  de  foin  toute 
forte  de  vices  ,  confervent  autant  qu'ils  le 
peuvent  légalité  &  la  tranquillité  d'ame  , 
aiment  la  mufique  ,  &  s'amufent  à  com- 
poser de  petits  poèmes  ou  chants  fpirituels. 
Les  fchéics  ou  prêtres  ,  &  les  principaux 
prédicateurs  dt.s  mofquées  impériales  ,  font 
efchrakites.  Diâionnaire  de  Trévoux  & 
Chambers.   ÇQ) 

ESCHWEGfi,  (GéogrJ  ville  d'Alle- 
magne ,  dans  îe  c  ircle  du  haut  Rhin  ,  & 
dans  la  Hefie  inférieure  fur  la  rivière  de 
la  Wtria.  C'eft  une  des  plus  anciennes  de 
l'Empire  ,  &:  Turc  des  premières  qu'aient 
tenue  en  fief  les  ducs  de  Biabant ,  faits 
landgraves  de  Hefte  fous  l'empereur  Adol- 
phe, vers  la  fin  du  XIII.  fiecle.  Elle  appar- 
tient ,  avec  le  bailliage  ,  qui  eft  de  fon 
refïbrt  ,  à  la  branche  apanagée  de  HeiTe- 
Rheinfels- Wanfried  ;  &  elle  renferme 
entr'autres  un  château  &  deux  églifes  de 
paroifiès.  Le  pont  de  pierre  qu'elle  a  fur 
la  Werra  ,  eft  un  des  endroits  de  pafTage 
les  plus  fréquentés  entre  la  HefTe  ,  la  Thu- 
ringe  ,  &  les  pays  de  Brunfwick.  CD.  G.) 

ESCLAMÈ  ,  (Manège.  )  terme  qui 
n'eft  pas  moins  inufité  que  le  mot  eflrac. 
L'un  &  l'autre  étoient  fynonymes.  V'oye^ 
Etroit. 

ESCLAIRE.  Ç Fauconnerie. yf^Çt  ainfi 
qu'on  appelle  un  oifeau  dont  le  Çtfps  eft 
d'une  belle  longueur  ,  &  qui  n'éW  point 
épaulé.  On  dit  que  les  efclaires  font  plus 
beaux  voleurs  que  les  gouîîans  ,  ou  ceux 
qui  font  courts  &  bas  aflis. 

ESCLAVAGE,  f.  m.  ( Droit  naturel, 


ESC 

Religion  >  Morale.  )  Vefclavage  eft  1  eta- 
bliflement  d'un  droit  fondé  fur  la  force  , 
lequel  droit  rend  un  homme  tellement 
propre  à  un  autre  homme  ,  qu'il  eft  le 
maître  abfolu  de  fa  vie  ,  de  les  biens  ,  & 
de  fi  liberté. 

Cette  de'finition  convient  prefeue  éga- 
lement à  Yefclavage^c'ivil  ,  &  à  Yefclapage 
politique  :  pour  en  crayonner  l'origine  ,  la 
nature  &  le  fondement ,  j'emprunterai  bien 
des  chofes  de  l'auteur  de  l'efprit  des  loix  , 
fans  ra'arrêter  à  louer  la  folidité  de  fes 
principes  ,  parce  que  je  ne  peux  rien  ajouter 
à  fa  gloire. 

Tous  les  hommes  naiftent  libres  ;  dans 
le  commencement  ils  n'avoient  qu'un  nom  , 
qu'une  condition  ;  du  temps  de  Saturne  & 
de  Rhée ,  il  n'y  avoit  ni  maîtres  ni  efclaves, 
dit  Plutarque  :  la  nature  les  avoit  faits  tous 
égaux  ;  mais  on  ne  conferva  pas  long-temps 
cette  égalité  naturelle  :  on  s'en  écarta  peu 
à  peu  ,  la  fervitude  s'introduifit  par  degrés, 
&:  vraifemblablement  elle  a  d'abord  été 
fondée  fur  des  conventions  libres  ,  quoique 
la  nécefTité  en  ait  été  la  fource  &  l'origine. 

Lorfque  par  une  fuite  néceflaire  de  la 
multiplication  du  genre  humain  on  eue 
commencé  par  fe  laflèr  de  la  fimplicité  des 
premiers  fiecles  ,  on  chercha  de  nouveaux 
moyens  d'augmenter  les  aifances  de  la  vie, 
&  d'acquérir  des  biens  fuperflus  ;  il  y  a 
beaucoup  d'apparence  que  les  gens  riches 
engagèrent  les  pauvres  à  Travailler  pour 
eux  ,  moyennant  un  certain  falaire.  Cette 
reftource  ayant  paru  très -commode  aux 
uns  &  aux  autres  ,  plufieurs  fe  réfolurent 
à  aflurer  leur  état  ,  &  à  entrer  pour  tou- 
jours fur  le  ruême  pié  dans  la  famille  de 
quelqu'un  ,  à  condition  qu'il  leur  fourni- 
roit  la  nourriture  &  toutes  les  autres  chofes 
néceiiàires  à  la  vie  ;  ainfi  la  fervitude  a 
d'abord